Joseph et Maurice arrivent à Marseille (1941)

• Bleue, blanche et rose. Il s’en faut de peu que la ville soit la couleur du drapeau national. Bleu le ciel qui la recouvre,

blanches les collines qui l’encerclent et rose pour les toits qui s’étalent, se chévauchent et débutent au bas des escaliers de la gare Saint-Charles.

Et,au dessus de tout cela, la tache d’or minuscule de la Vierge de la Garde qui

surplombe le tout. Marseille

Notre Dame de la Garde

Au haut des grandes marches éblouissantes, ahuris déjà du vent et du soleil, assourdis par les haut-parleurs dont les voix traînaient sur les voyelles que nous avions l’habitude d’avaler, la ville s’étendait à nos pieds.

Nous sommes descendus et sommes entrés dans le grand cirque qu’était Marseille par la grande entrée:

le Boulevard d’Athènes

Marseille, pour Maurice et moi, qui nous étions donné la main pour ne pas nous perdre, ce fut ce matin-là, cette journée-là, une grande fête rieuse, venteuse, ma plus belle promenade…

• A un grand carrefour nous nous sommes arrêtés et avons descendu un très grand boulevard plein de monde, de magasins, de cinémas.

… et puis brusquement, la rue s’est ouverte, il y a eu un grand coup de vent à vous couper le souffle et nous avons pilé net.

Maurice a réagi le premier.

- Merde, la mer.

La mer

Elle dormait entre les barques balancés dans le grand bassin du Vieux-Port et on la voyait entre Saint –Jean et Saint-Nicolas qui s’étendait à perte de vue, crevée d’îles blanches, minuscules et ensoleillées.

Alors, les petits, on s’offre le château d’If?

-On prend le bateau pour traverser?- D’accord.

La Canebière comme un trait droit qui coupait les toits en

deux.

De l’autre côté du quai, c’était autre chose, il y avait un fouillis de ruelles minuscules avec du linge qui pendait aux cordes tendues d’une fenêtre à celle d’en face, le soleil ne devait pourtant jamais pénétrer dans ces quartiers.

Retour à la gare

• Nous remontons les marches flanquées de statues épaisses et symboliques, et je me retourne avant de pénétrer dans le grand hall.

La dernière vue de Marseille

• Je sais déjà que la gare d’une ville n’est déjà plus la ville, et qu’ici, à la gare Saint-Charles, je ne suis déjà plus tout à fait à Marseille… je sais que je ne l’oublierai pas, c’est une belle ville, une ville de soleil, de mer, de cinéma, de putes, de bateaux et de vol de béret.

Marseille 2006Un côté du port a été reconstruit après la guerre à cause de la

déstruction du quartier juif en janvier 1943.