cr er, cultiver et garder le lien -...
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E.F.P.P
22 rue Cassette
75006 PARIS
Créer,
cultiver et garder
le lien avec les parents
Ou
comment l’éducateur spécialisé
peut-il créer un lien avec des parents
d’adolescents souffrant de déficience mentale
accueillis en externat médico éducatif
Mémoire présenté
en vue de l’obtention du D.E.E.S.
Session de juin 2009
FISCHER
Joël
3
Sommaire
0 Introduction .............................................................................. 6
1 Première partie
Présentation ............................................................................. 9
1.1 Devenir parent ............................................................................................................. 9
1.2 Etre parent d’un enfant handicapé ............................................................................. 9
1.3 L’Institut Médico Educatif .......................................................................................... 11
1.4 L’éducateur spécialisé ............................................................................................... 12
1.5 L’autonomie ............................................................................................................... 13
1.5.1 Définitions de l’autonomie ................................................................................. 13
1.5.2 L’autonomie des personnes présentant une déficience mentale ..................... 14
1.6 Le handicap ................................................................................................................ 15
1.6.1 La trisomie 21 ..................................................................................................... 16
1.6.2 L’autisme ............................................................................................................ 17
1.7 L’adolescence ............................................................................................................ 18
1.7.1 Quelques caractéristiques de l’adolescence ...................................................... 18
1.7.2 Avec des adolescents présentant une déficience mentale ................................ 19
2 Deuxième partie
Le contact avec les parents ...................................................... 21
2.1 L’importance du lien .................................................................................................. 21
2.2 Accepter le handicap ................................................................................................. 22
2.3 L’importance du foyer familial .................................................................................. 23
2.4 Les revendications des parents ................................................................................. 24
4
2.5 Les réalités institutionnelles ...................................................................................... 25
2.6 La collaboration ......................................................................................................... 27
3 Troisième partie
Le travail avec les parents ....................................................... 31
3.1 La loi 2002-2 favorisant le lien ................................................................................... 32
3.2 La difficulté que vivent les parents ............................................................................ 33
3.3 La recherche d’une norme ........................................................................................ 34
3.4 Les places ................................................................................................................... 35
3.4.1 La place de l’éducateur ...................................................................................... 35
3.4.2 La place des parents ........................................................................................... 36
3.4.3 La place du jeune ................................................................................................ 37
3.5 Le partenariat ............................................................................................................ 37
3.6 La confiance mutuelle................................................................................................ 38
3.7 Des moyens pour créer du lien .................................................................................. 39
3.7.1 La fête de fin d’année ......................................................................................... 39
3.7.2 Le cahier de liaison ............................................................................................. 40
3.8 Savoir garder sa place ................................................................................................ 40
3.9 La continuité du travail .............................................................................................. 41
3.10 Ma position ................................................................................................................ 42
4 Quatrième partie
La construction du lien avec les parents ................................... 43
4.1 La famille-micro-démocratie ..................................................................................... 43
4.2 Le type de lien ............................................................................................................ 44
4.3 L’apport de l’éducateur ............................................................................................. 44
4.4 Le contact .................................................................................................................. 45
5
4.4.1 Le bilan de fin d’année ....................................................................................... 46
4.4.2 Entre deux portes ............................................................................................... 47
4.5 Les limites de l’éducateur .......................................................................................... 48
4.6 Le jeune accueilli et sa famille ................................................................................... 48
4.7 Le respect de la vie privée ......................................................................................... 49
4.8 Un regard renouvelé .................................................................................................. 50
5 Conclusion .............................................................................. 51
6 Bibliographie ........................................................................... 53
7 Sites internet .......................................................................... 53
6
0 Introduction
Devenir parent…
N’est ce pas la chose la plus merveilleuse ?...
On parle également du métier de parent, pensée déjà moins attrayante. Cette idée présente
une image de parent contraint à s’occuper de son enfant, responsable de ses actions, avec
une obligation de résultat…
Ces différentes idées deviennent d’autant plus réelles quand il s’agit d’être parent d’un
enfant souffrant d’un handicap.
Je travaille depuis quelques années dans un Institut Médico-Educatif qui accueille des jeunes
atteints de déficiences mentales en externat. Je suis entouré d’une équipe pluridisciplinaire
composée d’un directeur, d’un psychiatre, d’éducateurs, d’une enseignante, d’une
psychologue, d’une orthophoniste et d’une psychomotricienne. Cette multitude de métier
est une véritable richesse permettant de proposer un travail intéressant auprès des
adolescents accueillis.
Je suis référent d’un groupe et j’ai donc la responsabilité de ces jeunes au sein de
l’établissement. A ce titre, je suis en contact avec les parents.
Je réfléchis avec les parents et le jeune sur le projet individualisé. Je mets en place un emploi
du temps respectant les objectifs et je coordonne les différentes prises en charges. C’est
dans ce cadre que je reçois les parents plusieurs fois par an.
J’ai vraiment été surpris par l’attitude qu’ils pouvaient avoir. Leurs comportements m’a en
effet déstabilisé, ne comprenant pas pourquoi ils insistaient tant sur un domaine particulier
tel que le scolaire par exemple, au détriment de l’acquisition de l’autonomie.
Parfois une attitude surprotectrice ou au contraire une éducation « trop laxiste » me posent
certaines questions. Pourquoi, par exemple, les parents ont-ils ces attitudes ? Ou encore :
l’éducateur peut-il compter sur les parents dans l’acquisition de l’autonomie ?
Les parents comptent sur l’équipe éducative pour permettre à leur enfant de faire des
apprentissages. Mais quel est le rôle de l’équipe face aux souhaits des parents ?
7
Les annexes XXIV 1 indiquent en particulier que l’établissement accueillant un jeune, doit
établir un projet individuel, régulièrement révisé, permettant un lien entre la famille, le
jeune et l’institution.
L’établissement doit en effet donner une réelle place à la famille à travers une information
régulière de l’évolution du jeune transmise par l’équipe de l’institution.
La famille doit pouvoir être actrice de l’élaboration, de la mise en œuvre et du suivi du projet
individuel. Elle doit également se sentir soutenue et être accompagnée.
Certains parents profitent de cette loi, à juste titre, pour s’informer de tout ce qui se passe
dans l’établissement et pour orienter la prise en charge de leur enfant.
En revanche, d’autres parents semblent satisfaits que leur enfant ait un lieu où se rendre en
journée, assimilant l’IME à une école ou à un lieu occupationnel. Ces derniers ne posent pas
de questions et évitent même parfois les rendez-vous.
C’est suite à ces observations que je me suis posé la question suivante :
« Comment l’éducateur peut-il créer des liens avec les parents pour faciliter les
acquisitions de l’autonomie d’adolescents souffrant de déficience mentale, accueillis au
sein d’un externat médico éducatif ? »
Le lien existe naturellement entre un enfant et ses parents, on parle alors de lien du sang. En
revanche, le lien reste à créer entre les différentes personnes qui ont la responsabilité d’un
jeune.
On pourrait imaginer un lien qui, pendant une période, lierait ensemble les personnes avec
un nœud. Ce lien servirait à unir les actions des parents et des professionnels dans un même
objectif : l’acquisition de l’autonomie des adolescents présentant une déficience mentale.
C’est sur ce lien qui me semble si important, que je vais réfléchir.
Dans la première partie, je commencerais par parler de la position de parent. Je présenterais
ensuite les établissements médico-éducatifs, avant de définir l’autonomie, le handicap ainsi
que l’adolescence ; Ceci pour bien comprendre le contexte des relations de l’éducateur
spécialisé avec les parents.
La deuxième partie sera consacrée aux difficultés rencontrées par les parents ayant un
enfant « différent ». A travers quelques observations, je vais essayer d’expliquer
l’importance du lien que peut entretenir, « cultiver » l’équipe pluridisciplinaire avec les
parents.
1 Annexes XXIV rénovées du 27 octobre 1989, titre I, article 3
8
Ensuite, la troisième partie évoquera le travail de l’équipe éducative avec eux. L’importance
des places des uns et des autres permettra d’aborder le partenariat amenant à une
confiance mutuelle. Le rôle à jouer des parents comme de l’équipe éducative, chacun à sa
place, permettra ensuite de mettre en valeur la continuité d’action entre la maison et
l’institution.
La quatrième partie abordera l’importance de la famille dans l’acquisition des valeurs.
L’explication du type de liens à travers des observations, permettra ensuite, de comprendre
le rôle essentiel de l’éducateur dans les relations avec les parents. J’aborderais également
l’influence des actions de l’éducateur, des parents, comme du jeune lui-même dans
l’acquisition de l’autonomie de ce dernier.
En me basant sur des éléments théoriques et des exemples pratiques, je vais réfléchir à
l’importance et au moyen de créer une continuité entre la maison et l’institution, un lien
pouvant unir les parents et l’éducateur. Ce lien qui me semble si important à créer, à cultiver
et à garder pour unifier l’action auprès de l’adolescent souffrant d’une déficience mentale
accueilli en externat médico-éducatif.
9
1 Première partie
Présentation
L’éducateur spécialisé qui travaille au sein d’un externat médico éducatif exerce dans un
environnement bien spécifique avec ses particularités.
Il est en lien avec les parents dans un objectif d’acquisition de l’autonomie d’adolescent
souffrant d’une déficience mentale.
Je vais donc essayer maintenant de décrire le cadre de l’exercice de l’éducateur pour une
meilleure compréhension de la nécessité de créer des liens avec les parents.
1.1 Devenir parent
Avoir un enfant est certainement une des plus belles choses pour un couple.
Voir grandir son fils ou sa fille, lui apprendre les principes de la vie, l’éduquer, deviennent
souvent une raison de vivre pour les parents. Ils se soucient du bien être de leur enfant, ils
veillent à sa sécurité, à sa santé, à son éducation… Cela est tout à fait naturel. Ils recherchent
ce qui est le mieux pour lui ; Passer des diplômes ou être capable de se débrouiller seul, sont
autant de souhaits de la part des parents pour l’avenir de leur enfant.
Mais devenir parent change aussi la vie au niveau affectif et sur le plan organisationnel. La
garde de l’enfant, les priorités financières créent par exemple de nouvelles contraintes dans
la vie de couple ou au sein de la famille.
Ainsi, un enfant apporte de la joie au sein d’un couple mais change également l’organisation
établie avant son arrivée. Les parents ont souvent besoin d’une période d’adaptation pour
retrouver leur équilibre. Le couple ou la famille doit apprendre à vivre avec un être
supplémentaire. Cette réalité peut s’avérer d’autant plus difficile si l’enfant présente un
handicap.
1.2 Etre parent d’un enfant handicapé
Lorsque des parents apprennent que leur enfant est différent, tous les espoirs placés en lui
sont « à revoir ». Pour un enfant qui souffre d’un handicap par exemple, et qui aura plus ou
moins de difficulté dans l’apprentissage de l’autonomie, il est indispensable de trouver pour
lui une scolarité adaptée. En effet, il ne pourra pas forcément intégrer une école ordinaire.
10
Commence alors un long parcours pour trouver la meilleure place pour leur enfant, un lieu
dans lequel il pourra s’épanouir et acquérir des apprentissages.
Dans ce contexte, la relation de ces parents avec les professionnels me semble primordiale.
Je travaille depuis quelques années dans un externat médico éducatif auprès d’adolescents
présentant une déficience mentale, avec parfois des troubles associés.
Je rencontre régulièrement les parents et j’ai pu observer l’importance de la communication
avec eux. Il me semble effectivement nécessaire, de présenter aux jeunes accueillis une
cohésion éducative avec leurs parents afin de les aider dans l’acquisition d’une plus grande
autonomie.
Le rôle de l’éducateur est bien sûr de permettre au jeune d’évoluer, mais pour cela il doit
aussi tenir compte des attentes du jeune et de celles des parents pour leur enfant.
L’attitude des parents que j’ai rencontrés m’a souvent posée question : ils sont parfois, en
apparence, absents, ne semblant alors pas vouloir entendre ce qui se passe dans
l’établissement, ou au contraire « harcelants » vis-à-vis de l’équipe de l’établissement.
Avoir un enfant déficient bouleverse toutes les espérances placées en lui. Les parents se
sentent souvent coupables d’avoir mis au monde un tel enfant et espèrent plus ou moins
consciemment une guérison ou des progrès lui permettant d’être « comme tout le monde ».
Ces sentiments, parfois contradictoires doivent être pris en compte par l’éducateur pour
comprendre et soutenir les parents dans un souci de bien-être du jeune.
L’éducateur est directement ou indirectement en lien avec les parents.
Les enfants qui souffrent d’un handicap peuvent bénéficier de différentes structures, en
fonction de leurs difficultés. La politique actuelle est de maintenir au maximum les jeunes
dans la filière scolaire normale. Des moyens adaptés, au sein d’une école, peuvent être mis
en place comme le stipule cet article de la mise en œuvre de la loi d'orientation, du dispositif
d’aide et de soutien pour la réussite des élèves à l’école:
« Des adaptations pédagogiques et des aides spécialisées sont mises en œuvre pour les
élèves présentant un handicap ou un trouble de la santé invalidant. Suivant la nature ou la
spécificité des besoins, ces interventions peuvent être réalisées par les maîtres des classes
fréquentées par l’élève, par des maîtres spécialisés, éventuellement au sein de dispositifs
adaptés, ou par des spécialistes extérieurs à l’école. Elles peuvent être prévues dans le projet
personnalisé de scolarisation élaboré pour l’élève. Elles se déroulent pendant tout ou partie
11
de la semaine scolaire. Elles donnent lieu, le cas échéant, à l’attribution de bourses
d’adaptation.2 »
Ainsi, la mise en place de classes spéciales au sein des établissements scolaires telles que des
Classes d’Intégration Scolaire (CLIS3) en primaire et des Unités Pédagogiques d’Intégration
(UPI4) en collège par exemple, favorisent également le maintien en milieu ordinaire tout en
permettant un enseignement adapté. Certains enfants ne peuvent, malgré tout, rester dans
ce milieu scolaire, car ils ne possèdent pas les capacités nécessaires à l’apprentissage en
groupe, au sein d’une classe ; Des Instituts Médico-Educatif (IME) entre autre, permettent à
ces jeunes d’acquérir des apprentissages adaptés. Ces établissements fonctionnent sous
forme d’internat ou d’externat et permettent, grâce à une équipe pluridisciplinaire, une
éducation « ajustée » à chaque jeune.
C’est dans l’un de ces établissements que je travaille et à partir duquel j’ai tirées mes
observations et analyses.
1.3 L’institut Médico éducatif
L’institut médico éducatif d’où je me situe, accueille des jeunes de dix à vingt ans souffrant
de déficience mentale légère, moyenne et/ou de troubles du psychisme associés en
externat. Les jeunes y sont orientés par la Maison Départementale des Personnes
Handicapées (MDPH). Cet externat reçoit les jeunes en journée. Ils viennent avec les minibus
de l’établissement, en taxi, ou pour certains, en transport en commun.
Dans cet IME, je travaille avec un groupe de jeunes ayant beaucoup de difficultés à être
autonome. Actuellement, nous sommes deux éducateurs référents d’un groupe de 8 jeunes.
Le groupe a été divisé en deux pour permettre un meilleur suivi des jeunes. Ils ont
également des petits temps de prises en charge individualisées sur le plan de la scolarité, de
la psychomotricité, de l’orthophonie ou de la psychothérapie. Les activités proposées sont
adaptées aux jeunes et variées : activités sportives, pâtisserie, activités manuelles,
sensibilisation à la nature, travail sur l’autonomie dans la rue…
Ma position de référent de plusieurs jeunes me permet de rencontrer régulièrement des
parents. Le statut de petit établissement accueillant 34 jeunes, créé il y a une quinzaine
d’année par des parents, devrait faciliter le partenariat avec les parents. Mais curieusement,
je rencontre souvent des difficultés pour les rencontrer, notamment dans le but de leur
2 Article 10 du bulletin officiel de l’éducation nationale, dispositif d’aide et de soutien pour la réussite des
élèves à l’école
3 Circulaire n°2002-113 du 30 avril 2002
4 Circulaire n°2001-035 du 21 février 2001
12
expliquer les objectifs de l’année, de leur demander leurs attentes ou de faire un point sur
l’évolution du jeune.
Cette difficulté m’a amené à réfléchir sur la fonction de l’éducateur auprès des parents dans
le cadre d’une prise en charge d’adolescents présentant une déficience mentale.
1.4 L’éducateur spécialisé
Marcel Renou définit ainsi l’action de l’éducateur :
« Le psycho-éducateur a comme objectif de favoriser le développement de l’autonomie des
personnes et la résolution des conflits qu’elles vivent dans les interactions avec leur
environnement. La conception de son intervention se définit habituellement à partir de trois
pôles : le ou les personnes objets de l’intervention, l’intervenant lui-même et les conditions de
l’environnement sur lesquelles se déroule cette intervention. 5 »
L’éducateur, pour favoriser l’action auprès des jeunes accueillis en IME, doit donc tenir
compte de ces trois pôles : l’adolescent accueilli, sa propre personnalité ainsi que le cadre
institutionnel et familial. L’éducateur doit constamment réfléchir sur ces trois pôles et les
ajuster dans un souci d’apprentissage « adapté » au jeune.
Dans les établissements sociaux, un ou plusieurs éducateurs sont généralement
« responsables » du suivi de la personne accueillie. Ils sont souvent appelés référents.
La référence amène plusieurs idées telles que le principe de pouvoir être consulté, de
permettre de s’y reporter ou encore de donner la ligne directrice d’un travail. L’éducateur
référent travaille avec les différents membres de l’équipe pluridisciplinaire et est
généralement l’interlocuteur privilégié avec les parents. Il définit les objectifs avec le jeune
et les parents, met tout en place pour garantir une action adaptée et répond du travail de
l’équipe pluridisciplinaire.
Avant de poursuivre, il me semble important de définir quelques termes. En effet,
l’éducateur spécialisé travaillant en IME doit être au fait de ce que l’on entend par
« autonomie d’un adolescent souffrant de déficience mentale ». Le jeune accueilli est situé
au centre du dispositif, entre l’éducateur et les parents. La connaissance de l’autonomie, de
l’adolescence et de la déficience mentale, permettent de définir les objectifs d’acquisition.
5 Renoux M., Document synthèse de la conception des champs de pratique et la formation des psycho-
éducateurs, p.2
13
1.5 L’autonomie
Chaque être humain vit avec un degré d’autonomie différent en fonction de ses propres
capacités et selon ses acquisitions.
L’éducateur en IME cherche à développer l’autonomie des jeunes accueillis. La relation des
parents et des professionnels à l’égard d’un jeune peut être fondamentalement différente
en fonction du degré d’autonomie acquis ou que ce dernier est capable d’atteindre. Les
parents mettent parfois la priorité sur des acquisitions théoriques au détriment d’une
autonomie plus grande, par exemple dans des gestes de la vie quotidienne.
L’éducateur, quant à lui, va plutôt favoriser les apprentissages de façon globale, en insistant
sur la préparation à une vie d’adulte où le jeune pourra se débrouiller le plus possible seul.
Voici maintenant quelques principes définissant l’autonomie pour mieux comprendre
l’importance de son acquisition chez l’être humain.
1.5.1 Définitions de l’autonomie
Il me semble important pour bien comprendre l’autonomie, de définir avant tout les besoins
vitaux d’une personne. C’est en effet en étant indépendant ou en pouvant trouver des
solutions par soi-même dans les différents domaines décrit par Abraham Maslow dans sa
pyramide, que l’on pourra parler de degrés d’autonomie. Il définit en effet cinq paliers que
l’homme ne peut franchir s’il n’a acquis le niveau inferieur.
Il classe en bas de l’échelle, les besoins physiologiques nécessaires à la survie de la personne.
Il s’agit des capacités à respirer, boire, faire ses besoins, manger, dormir et se réchauffer.
Au deuxième palier se trouve la sécurité qui regroupe le besoin d’être assuré pour vivre,
avoir un toit, de quoi manger et se vêtir, mais aussi se sentir à l’abri des dangers… Cet aspect
inclue également la notion de sécurité affective, d’assurance et de bonne santé.
Le palier suivant est consacré à l’idée d’appartenance sociale. Chaque personne a, en
effet, besoin d’aimer et de se sentir aimé pour se constituer une identité propre.
Gagner l’estime des autres est l’étape suivante. A travers un travail ou une action
valorisante, la personne prend de la valeur à ses propres yeux et dans celui des autres. Elle
gagne ainsi le respect de ses pairs, de soi même et apprend à respecter les autres.
L’estime de soi enfin, à travers des actions, des apprentissages, avec un certain goût de
l'effort et la connaissance de nouvelles techniques donnent de la valeur à la vie. Des activités
purement désintéressées y contribuent également grandement, comme par exemple des
engagements bénévoles au sein d’associations humanitaires.
14
Ces cinq étapes nécessaires à la « plénitude » de l’être humain se construisent lentement, au
contact des autres. Les capacités d’autonomie contribuent à la progression au sein de cette
pyramide. Les différents niveaux sont perpétuellement en mouvement. Si un des éléments
n’est pas acquis, il provoque un mal-être de la personne.
L’être humain cherche normalement, en fonction de sa propre personnalité, à vivre le mieux
possible. Cela se traduit par une recherche consciente ou inconsciente de l’autonomie.
L’autonomie est définit par :
« La faculté d'agir par soi-même en se donnant sa propre loi ; l'autonomie est une liberté
intérieure, une capacité à choisir de son propre chef, sans se laisser dominer par ses
tendances, ni se laisser dominer de façon servile par une autorité extérieure. Cependant,
l'autonomie est à construire dans l'éducation : aucun humain ne saurait être
autonome «naturellement».
La première forme d'autonomie consiste, pour un enfant, à devenir capable de se conduire en
tenant compte des règles fixées par l'environnement social.6 »
A partir de cette définition, nous pouvons remarquer le besoin d’acquisition de l’autonomie
de chaque personne. Elle n’est pas innée ou automatique mais s’apprend et se travaille dans
certains domaines. Les parents, les personnes qui entourent l’enfant, lui apprennent à se
débrouiller petit à petit par lui-même.
1.5.2 L’autonomie des personnes présentant une déficience mentale
Dans le milieu du handicap, le mot autonomie est très employé car il est l’objectif principal
de l’équipe éducative pour chaque personne accueillie.
Pauline Restoux définit ainsi l’autonomie :
« Mot très employé quand il s’agit des enfants et adultes handicapés, qui indique un objectif
à atteindre : favoriser au maximum la possibilité d’agir par soi même. Le degré d’autonomie
espéré (auquel concourent parents et professionnels) varie d’un type de handicap à l’autre
(et donc du degré de dépendance). On parlera d’autonomie pour apprendre à se déplacer
seul dans la rue, à se nourrir seul sans le recours d’un tiers, pour gérer son allocation d’adulte
handicapé, etc. On parle aussi d’autonomie affective (lorsqu’il s’agit de favoriser la
socialisation).7 »
6 Définition de l’autonomie sur Wikipedia.fr
7 RESTOUX P., Vivre avec un enfant différent, p.189
15
L’autonomie est donc une notion très importante pour chaque être humain. Les jeunes
accueillis à l’IME souffrent de handicap qui gène une acquisition « normale » de l’autonomie.
L’éducateur en IME doit préparer les adolescents accueillis à une vie d’adulte la plus
autonome possible. Chaque jeune, en fonction de son degré de handicap pourra acquérir
des capacités à se débrouiller seul dans certains domaines de la vie quotidienne. Ainsi, dans
l’emploi du temps des jeunes de mon groupe, j’utilise des activités dans cet objectif. Faire les
courses, par exemple, permet aux jeunes de rencontrer des personnes, de s’ouvrir aux
autres, d’apprendre à demander un renseignement. Ces sorties dans les magasins ou sur les
marchés permettent également de travailler sur l’orientation et la tenue en public.
Pierre, par exemple, qui a tendance à s’asseoir par terre dès que le groupe s’arrête, ou
à toucher les gens, apprend petit à petit à avoir une posture plus adaptée à la vie dans
notre société. Il est encouragé à dire bonjour au lieu de toucher les personnes qu’il
rencontre et à se mettre sur le côté s’il a vraiment besoin de s’asseoir.
Cette activité régulière doit permettre à chaque jeune qui y participe, de pouvoir se
débrouiller seul, par exemple pour aller choisir un article qui lui plait.
Le jeune pourra prendre de l’assurance, s’affirmer pour profiter au mieux de sa vie. En effet,
un jeune qui connait les règles de vie en société, qui sait ce repérer et dire ce qu’il veut,
pourra plus facilement aller vers l’extérieur. L’autonomie, n’est-ce pas se débrouiller seul !
Pour des personnes souffrant d’un handicap, l’autonomie est souvent plus difficile à
acquérir. Elle est alors parfois « sectorisée » pour ajuster les apprentissages. En effet, en
fonction des capacités de chaque jeune, le travail sera ciblé, par exemple sur l’autonomie
des gestes de la vie quotidienne, la toilette, l’hygiène… ; Ou sur l’autonomie dans la vie en
société comme nous venons de le voir avec Pierre.
Je vais maintenant expliquer quelques particularités importantes de la déficience mentale
pour comprendre ce travail d’autonomie auprès des jeunes accueillis en IME.
1.6 Le handicap
La loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la
citoyenneté des personnes handicapées, définit le handicap dans toute sa diversité et en
donne cette définition :
« Constitue un handicap, au sens de la présente loi, toute limitation d’activité ou restriction
de participation à la vie en société subie dans son environnement par une personne en raison
d’une altération substantielle, durable ou définitive d’une ou plusieurs fonctions physiques,
16
sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d’un polyhandicap ou trouble de santé
invalidant.8 »
Cette loi donne un sens très large au mot « handicap ».
Je ne voudrais pas faire de généralités mais raconter ce que j’ai observé au sein de l’institut
médico éducatif. Chaque personne est unique et reste une personne avec ses capacités et
ses lacunes.
Au sein de l’IME, il existe des jeunes atteints de différents handicaps. Je parlerais plus
particulièrement de certains jeunes, c’est pourquoi, je donnerais quelques éléments de
compréhensions sur la trisomie 21 et l’autisme.
1.6.1 La trisomie 21
Je voudrais commencer par parler de la trisomie 21 aussi appelée syndrome de Down, ceci
au travers de ma première rencontre.
Il y a quelques années, j’ai fait la connaissance de Mireille, une jeune fille accueillie au sein
de l’IME. Je vais tenter de retranscrire quelques particularités qui sont propre à sa
personnalité et à son handicap.
Mireille n’était pas très grande pour ses 15 ans, elle ne parlait pas mais chantonnait
souvent, elle pouvait rester assise à jouer avec une feuille d’arbre ramassée dehors
pendant de longs moments. Elle avait de petits yeux, le visage assez aplati, les oreilles
légèrement décollées, une langue assez grosse qu’elle tirait souvent pour se lécher la
lèvre inférieure. Elle portait un appareil auditif et des lunettes qu’elle envoyait parfois
au loin en nous observant du coin de l’œil. Elle se comportait souvent comme une
petite fille. Elle avait besoin d’aide pour s’habiller ou se déshabiller. Au moment des
repas, il fallait lui couper les aliments et veiller à ce quelle mange proprement.
Au fil des années, elle pouvait néanmoins se débrouiller de plus en plus seule dans
certains actes quotidiens. Sur son dossier, il était noté qu’elle souffrait de trisomie 21
avec des traits autistiques. Actuellement, elle est accueillie dans un foyer d’accueil
médicalisé pour adultes.
Sans entrer volontairement dans des détails médicaux, il me semble tout de même
important de préciser que la trisomie 21 est une maladie génétique provoquée par la
présence d'un chromosome supplémentaire sur la 21e paire venant de la mère ou du père.
8 Article 2 de la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté
des personnes handicapées
17
Les parents se sentent alors souvent coupable et recherchent la cause qui a entrainé ce
syndrome sur leur enfant.
1.6.2 L’autisme
D’autres jeunes accueillis souffrent d’autisme ou de traits autistiques. Ces troubles
envahissants du comportement sont définis ainsi par la Classification Internationale des
Maladies :
« Groupe de troubles caractérisés par des altérations qualitatives des interactions sociales
réciproques et des modalités de communication, ainsi que par un répertoire d'intérêts et
d'activités restreint, stéréotypé et répétitif. Ces anomalies qualitatives constituent une
caractéristique envahissante du fonctionnement du sujet, en toutes situations.9 »
Le cerveau a du mal à coordonner les différents stimuli au niveau des perceptions auditives,
visuelles et tactiles, sans pourtant avoir de lésions. Les domaines de l'imagination, de la
communication et les interactions sociales si particulières, rendent les relations avec les
autres difficiles.
Jérôme, par exemple, un jeune homme de 17 ans quitte le groupe en courant sans que
nous sachions pourquoi. Le bruit du groupe, un rayon de soleil, une parole sèche
adressée à quelqu'un d’autre peuvent l’angoisser, mais quand il revient quelques
minutes plus tard, il est incapable de nous dire les raisons de sa fuite. En revanche, il
peut participer à une activité qu’il apprécie, dans un lieu qu’il connait bien et de
préférence au sein d’un petit groupe. Il a une bonne mémoire et connait par exemple
tous les départements français avec leur numéro, leur préfecture et quelques grandes
villes. Il écrit sans faire de fautes d’orthographe mais emploie parfois des mots qu’il a
entendu sans en connaitre le sens.
Le travail principal effectué avec Jérôme est donc de l’aider à maitriser ses angoisses
pour lui faciliter une vie sociale.
Marc Poilvert insiste sur l’éthique amenant un mieux être de l’homme et une vie plus
harmonieuse en société. Dans cette optique, il définit très bien la personne handicapée
quand il dit :
« Elle est ordinaire, car elle connaît les besoins de tous, elle remplit les devoirs de chacun et
dispose des mêmes droits que les autres : droit à la santé, droit à la culture, droit au
logement, droit aux loisirs, droit à des ressources décentes, droit à se déplacer librement. Elle
9 Classification Internationale des Maladies chapitre V – F84 Troubles envahissants du développement
18
est singulière, parce qu’elle rencontre des besoins supplémentaires du fait d’une déficience
intellectuelle qui appelle une compensation : un accompagnement adapté, durable,
évolutif.10
»
La prise en compte de la singularité ne doit pas occulter cette normalité de la personne.
L’éducateur prépare les adolescents à la vie d’adulte.
Il est donc important de s’arrêter maintenant sur l’adolescence, cette période particulière
des jeunes accueillis, pour comprendre les difficultés rencontrées. En effet cette période
amorce un changement physique et psychologique de l’adolescent. Ces modifications
provoquent une fragilité du jeune qui va alors s’exprimer à travers une attitude ou un
comportement parfois extrême. L’éducateur, qui travaille avec les adolescents doit en tenir
compte dans ses observations et ses actions.
1.7 L’adolescence
L’adolescence est une période caractéristique de recherche d’autonomie. C’est en effet un
moment particulier du développement physique et psychologique de l’être. C’est l’intervalle
où le jeune passe de l’état d’enfant à celui d’adulte. La puberté signe le début de
l’adolescence autour de 12 ans, la prise d’autonomie économique et plus particulièrement
affective, vient en définir la fin aux alentours des 20 ans. C’est la fin de la dépendance aux
parents.
1.7.1 Quelques caractéristiques de l’adolescence
L’adolescence se caractérise par des transformations corporelles mais aussi par la
maturation neurologique qui entraine, pour l’adolescent, une appréhension différente de
son environnement. Les transformations sont aussi affectives, relationnelles, sociales…
Ces changements plongent le jeune dans de nombreux paradoxes qu’il expérimente et le
font souffrir. Il est autonome et pourtant dépendant, individualiste, mais également fasciné
par le groupe. Il doute, mais sait aussi être catégorique.
Cette période est souvent appelée « crise de l’adolescence » pour ces raisons.
La transformation si rapide du corps trouble le jeune et vient comme une cassure entre
l'enfance et l'adolescence. Il change et s’interroge sur cet « autre » qu’il devient. Son image
du corps entraîne parfois des comportements particuliers tel que le refus de se laver, ou à
10
POILVERT M., « Problèmes étiques et relations parents/professionnels » in : VAGINAY D., Trisomie 21
transmission et intégration : pour quelle éthique ?, p.169
19
l’inverse, un surinvestissement corporel. L'adolescent cherche à mieux se connaitre et à
accepter son propre regard sur lui-même, afin de mieux accepter celui des autres.
C’est également le temps où il commence à penser par lui-même et se crée ainsi petit à petit
une identité propre. Il devient critique, s’oppose pour marquer sa différence provoquant
parfois un désinvestissement scolaire, de l’agressivité, de la violence, ou même des passages
à l’acte…
A la puberté, l’adolescent entre dans la sexualité adulte. En effet, il peut avoir des rapports
sexuels et peut procréer. Son regard sur l’autre change, mais les autres aussi changent de
regard sur lui. Son rapport aux autres et notamment à ses parents, se transforme. La
proximité avec les parents qui le rassurait étant enfant, va devenir insupportable pour
l’adolescent qui va repousser les gestes de tendresse parentale. Il prend ses distances avec
ses parents de part sa maturité sexuelle.
Ses centres d’intérêts changent. Il « sort » de plus en plus et investit de nouvelles personnes.
Il va rechercher à s’intégrer dans de nouveaux groupes de pairs. La famille reste importante
pour lui, même s’il veut s’en séparer toujours d’avantage. Ce paradoxe entraine souvent des
attitudes de repli et des difficultés de communication. Il reste dépendant de ses parents.
Les changements, la maturité physiologique de l’adolescent sont tels que la cohabitation
devient difficile entre l’enfant et ses parents. Les parents qui ont toujours été avec leur
enfant, qui pensent le connaitre, sont surpris des différences et ont du mal à comprendre les
changements qui s’opèrent au sein de leur enfant.
La crise d’adolescence se transforme alors parfois en crise familiale. Les parents se posent
des questions sur leur propre identité de parents, face à tous les changements de leur
enfant. La « crise du milieu de la vie » ou « crise de la quarantaine » survient aussi à ce
moment.
L’adolescence est probablement la période la plus douloureuse de la vie selon Catherine
Dolto. Elle la désigne par le « Complexe du homard 11
» ; période de la vie où le homard, tout
comme l’être humain, connaît sa mue. Il perd son ancienne carapace et reste ainsi
vulnérable le temps que la nouvelle se solidifie.
1.7.2 Avec des adolescents présentant une déficience mentale
La période particulière de l’adolescence du jeune ne facilite pas le contact entre enfant et
parents. Un adolescent présentant une déficience mentale vit les mêmes transformations au
sein de son corps et de son psychisme. Il les vit, plus ou moins intensément, avec parfois
quelques années de retard.
11
DOLTO F., DOLTO C., Paroles pour adolescents ou le complexe du homard, p. 15
20
L’établissement dans lequel je travaille accueille les jeunes de 10 à 20 ans. Ils sont donc
pleinement dans cette période de l’adolescence. L’éducateur ne ressent pas cette période
difficile pour le jeune avec la même intensité que les parents. Les points de vue concernant
des actions à entreprendre en direction du jeune peuvent en effet diverger.
Des parents, par exemple, mettent l’accent sur des acquisitions scolaires, alors que
l’éducateur recherche avant tout à apprendre au jeune à se débrouiller par lui-même dans le
maximum de gestes de la vie quotidienne, si ce n’est pas acquis.
Pendant de nombreuses années, la mère d’Arnaud a insisté pour que son fils
apprenne à lire et à écrire, pour qu’il puisse au moins passer le brevet des collèges. Ce
jeune homme souffre de trisomie 21 avec des traits autistiques. Il a du mal à tenir
correctement un crayon pour écrire ou dessiner.
Pour certains actes de la vie quotidienne, la maman s’occupe de près de son fils, par
exemple pour le raser. Il se laisse d’ailleurs de moins en moins faire, au grand
désespoir de la mère qui tient à donner une bonne apparence à son fils.
L’adolescence est bien, comme nous l’avons vu, une période d’affirmation de soi, de
« mises » de frontière avec les parents. Dans cet exemple, Arnaud ne se laisse plus
faire et tonne des « NON » bien distinct, pour signifier son statut d’adolescent.
J’ai essayé, avec l’équipe éducative, de partager avec cette mère, l’idée que son fils ait
besoin de s’affirmer. Il est en effet capable de faire des choix et d’exprimer des
souhaits.
Il semble que cette maman garde une image de son enfant, tel un petit garçon sans
défense.
Arnaud est maintenant grand physiquement mais ayant quelques difficultés pour être
autonome, sa mère semble encore avoir besoin de s’occuper de son « grand bébé ».
L’acquisition de l’autonomie est importante pour chaque être humain. L’éducateur spécialisé
travaille sur ces apprentissages auprès des adolescents souffrant d’une déficience mentale.
La vie en externat médico-éducatif permet à ces jeunes de partager leur temps entre
l’institution et le foyer familial. Il est donc important qu’il y ait un lien entre l’équipe
éducative et les parents pour favoriser l’acquisition de l’autonomie des adolescents
souffrant de déficience mentale.
21
2 Deuxième partie
Le contact avec les parents
L’équipe éducative, tout comme les parents, se trouvent face aux particularités de la
déficience et de l’adolescent en quête d’autonomie.
Comment l’éducateur peut-il alors, créer des liens avec les parents pour faciliter les
acquisitions de l’autonomie de ces jeunes accueillis en externat médico-éducatif ?
Le lien avec les parents est très important et doit être entretenu, cultivé, par l’équipe
éducative comme nous allons le voir. Puis, à travers quelques exemples, nous verrons ce que
peut apporter ce lien entre les parents et l’équipe éducative.
2.1 L’importance du lien
Le lien entre les parents et les personnes qui travaillent auprès de leur enfant est très
important. Il peut favoriser le développement de l’autonomie pour ces adolescents. En effet,
le jeune a besoin de cadres pour se sentir bien. La cohésion, entre les parents et l’équipe
éducative va alors favoriser l’action auprès du jeune.
Pierre Kammerer, en parlant de la relation de l’institution accueillant des adolescents avec
les parents, dit ceci :
« Il est important de voir les parents régulièrement, surtout pour les féliciter à propos de leur
enfant, et de les déculpabiliser pour mieux les responsabiliser. Cela, sans leur demander plus
qu’ils ne peuvent.12
»
Ce lien n’est pas toujours facile à créer. Ainsi, lors de mes différentes rencontres avec les
parents, ai-je été surpris de voir des comportements très variés. Certains d’entre eux
semblaient, par exemple, ignorer les déficiences de leur enfant.
Ces comportements qui m’ont surpris sont révélateurs d’un conflit intérieur vécu par ces
parents. Ils ont du mal à s’identifier à leur enfant qui est si différent de ce qu’ils imaginaient.
La chaine généalogique idéale est rompue, comme si le miroir s’était brisé. Cette
constatation les trouble et peut les gêner pour assumer correctement leur fonction
parentale.
Les parents vivent ces difficultés dès l’annonce de la présence d’un handicap sur leur enfant.
12
KAMMERER P., Adolescent dans la violence, médiations éducatives et soins psychiques, p. 279
22
2.2 Accepter le handicap
L’annonce du handicap et la manière de les informer est un moment crucial. La réaction des
parents à ce moment là, déterminera pour beaucoup leur attitude face à leur enfant.
René Soulayrol et Marcel Rufo précisent que l’annonce d’un handicap n’est pas uniquement
un choc pour les parents mais c’est aussi le début d’une nouvelle vie avec un enfant :
« On a souvent comparé la révélation du handicap à un état de choc, un choc émotionnel
intense comparé à un deuil qui signifie la perte de l’enfant imaginaire, mais si cette perte est
une séparation définitive d’avec l’enfant imaginaire, elle est en fait une condamnation à vivre
avec l’enfant réel. Et il faut un lent et patient travail de reconstruction et de reconsidération
pour perdre définitivement l’enfant imaginaire et accepter la force de vie, les capacités et les
revendications humaines de cet enfant là, bien présent et bien réel.13
»
L’acceptation du handicap de leur enfant est très importante, voire primordiale pour les
parents. La relation avec les personnes qui s’occupent de leur enfant, dépend de leur propre
relation avec lui.
Dans cette difficulté, il est important que l’éducateur donne des repères nécessaires à ces
parents. Simone Sausse indique l’importance d’une approche juste des personnes qui
entourent ces parents :
« Les faux semblants sont autant de sources de souffrance supplémentaires pour les parents
et pour l’enfant lui-même. Ceux qui sont impliqués dans cette relation difficile ont
essentiellement besoin que puisse être reconnue cette violence, en eux et autour d’eux.
Comment traiter quelque chose qui reste tapi dans l’ombre ? On ne peut se battre que contre
un ennemi qui s’est déclaré.14
»
Par exemple, face aux parents d’un jeune de 18 ans, il peut être difficile de dire qu’il ne
pourra travailler plus tard, même devant l’évidence. Les paroles sont en effet parfois si
difficiles à entendre par les parents, qu’ils ne réalisent pas ce qui est dit, ou ne veulent pas
l’admettre.
Comment l’équipe éducative peut elle alors créer, cultiver et garder le lien avec les parents
pour l’utiliser dans l’acquisition de l’autonomie des adolescents accueillis ?
A travers quelques exemples vécus au sein de l’institut médico-éducatif, je voudrais faire
apparaitre quelques raisons possibles pour expliquer les difficultés rencontrées avec les
parents et leur influence sur l’autonomie des jeunes accueillis.
13
RUFO M., SOULAYROL R., « La révélation aux parents du handicap de leur enfant » in : SOULE M., Le jeune
handicapé et sa famille, p. 35
14 SAUSSE S., Le miroir brisé, p. 157
23
2.3 L’importance du foyer familial
La particularité de l’externat médico éducatif est de permettre à chaque jeune accueilli de
garder un lien étroit avec sa famille. En effet, il rentre chaque soir et passe tous les
week-ends à la maison.
Cette caractéristique demande une disponibilité des parents qui doivent généralement être
présents, mais aussi veiller sur leur enfant. Cette responsabilité peut devenir difficile à gérer.
Ainsi, certain d’entre eux semblent parfois baisser les bras quand il s’agit de l’éducation de
leur enfant.
Clarisse, par exemple, une adolescente souffrant d’une déficience mentale vit à la
maison au milieu de ses deux sœurs et de son frère. Elle ne voit son père que les
week-ends car il travaille à l’étranger. Sa mère a une « tendance dépressive » et oublie
régulièrement, par exemple, de veiller à la préparation de sa fille pour arriver à
l’heure à l’école.
Le lien avec ses parents est difficile de par l’absentéisme du père et l’état de santé de
la mère. Cette situation ne permet donc pas de contact régulier avec eux pour mettre
en place un suivi des acquis à la maison.
Cette jeune fille est heureuse de vivre à la maison au milieu des siens, mais le travail
effectué à l’IME est, semble t’il, régulièrement et rapidement atténué par un manque
de stimulation à la maison.
La politique actuelle du gouvernement est la valorisation du cadre familial. En effet, les
différentes lois récentes, sur l’intégration scolaire des enfants handicapés par exemple, ou
sur la mise en place de service d’éducation spécialisée et de soins à domicile (SESSAD),
favorisent le maintien de l’enfant handicapée au sein du cadre familial.
En externat, le jeune a la chance de bénéficier des apprentissages au sein de l’IME mais aussi
de toute l’affection familiale à la maison.
Abraham Maslow, dans sa pyramide des besoins, parle de l’importance de l’appartenance
sociale. Cette idée nécessaire au bien être de chaque être, est enrichie par la possibilité de
l’adolescent de rentrer chez lui, chaque soir.
L’éducateur travaille souvent à long terme l’acquisition de l’autonomie. Il doit s’armer de
patience et continuellement motiver les parents et leurs expliquer l’importance d’une action
commune. La confiance créée entre l’éducateur et la famille peut favoriser ce travail
conjoint.
Mais l’éducateur doit il toujours attendre un appui des parents ?
24
A contrario, les parents trouvent-ils un soutien auprès de l’éducateur ?
2.4 Les revendications des parents
Les parents vivent des moments difficiles avec leur adolescent. Ils se préoccupent de leur
enfant qui, lui, ne réalise pas toujours l’importance des décisions qui se prennent autour de
lui. En revanche, l’humeur ou l’inquiétude des parents influent sur le comportement de leur
enfant. De même, une tension entre l’équipe éducative et un adolescent accueilli se
ressentira sur le travail effectué avec le jeune.
J’en ai fait l’observation avec Pierre, accueilli à l’IME depuis quelques années. Il
souffre de trisomie 21 avec des traits autistiques. Il sait dire des mots mais n’utilise la
communication orale qu’après un certain temps et une stimulation de l’adulte.
Les parents revendiquaient un accès plus soutenu aux apprentissages scolaires. Il ne
bénéficiait, en effet, que de trois séances d’une demi-heure par semaine. La priorité de
l’équipe éducative était de favoriser son autonomie quotidienne au sein d’un groupe.
Pour chaque jeune est établi un projet individualisé répondant au mieux à ses
besoins. En revanche, au sein de l’institution, une seule enseignante travaille avec les
34 jeunes. Un emploi du temps permet à chaque jeune d’accéder, par petit groupe de
niveau, à un apprentissage adapté.
Lors des entretiens avec les parents, je me souviens avoir du défendre et justifier le
travail effectué avec les jeunes du groupe et tout particulièrement avec leur fils. La
mère, elle, avait du mal à admettre les contraintes du travail en groupe. Pierre qui
sentait la tension existant entre les parents et moi-même nous montrait son mal-être.
Il passait par des moments de provocation, dans lesquels il ne voulait rien faire sur le
plan scolaire ou au contraire, il restait assis sans vouloir quitter la salle de classe.
Les rendez-vous successifs ont permis d’établir un dialogue, montrant la volonté des
deux parties d’aider Pierre à progresser.
Les parents de Pierre ont inscrit leur enfant à des séances d’orthophonie en dehors de
l’établissement. Ils veulent proposer à leur fils un temps de prise en charge individuel
supplémentaire et ainsi lui offrir toutes les chances de progresser, principalement
dans la communication orale. Ce travail, accompli selon des méthodes bien définies,
semble aider ce jeune à progresser.
Pour permettre ce travail individuel initié par les parents, il a fallu adapter l’emploi
du temps du jeune et par conséquent celui du groupe entier. Pierre bénéficie, en effet,
d’horaires aménagés pour lui permettre de bénéficier de ces prises en charges
extérieures.
25
Cette situation exceptionnelle a pu être mise en place après de nombreux entretiens
avec les parents, Pierre ne pouvant bénéficier d’autant de prises en charges au sein de
l’établissement.
Les nombreux rendez-vous ont permis de créer ce lien nécessaire, entre les parents de Pierre
et l’éducateur pour lui permettre de bénéficier d’autres prises en charges extérieures.
L’éducateur doit pouvoir entendre les revendications des parents. Il peut alors dans un souci
de progression du jeune, adapter le travail éducatif.
Mais peut-il, pour autant, toujours tenir compte de ce que souhaitent le jeune ou les
parents ?
Il existe parfois des contraintes de fonctionnement limitant le choix des parents ou de
l’équipe éducative. Il en est ainsi, par exemple, de l’âge limite d’accueil en IME ou du
manque de place dans certains établissements. Cette réalité est quelques fois difficile à
admettre comme nous allons le voir.
2.5 Les réalités institutionnelles
L’externat médico éducatif accueille les jeunes jusqu’à leur 20 ans et je travaille donc sur la
préparation du jeune à « une vie » dans un lieu pour adulte.
Cette période de changement préoccupe beaucoup les parents car il faut trouver un lieu
d’accueil adapté pour le jeune adulte.
Dans notre institut, une éducatrice est spécialement détachée pour rechercher une solution
pour l’avenir de ces jeunes avec les éducateurs et les parents. Les places en Maisons
d’Accueil Spécialisée, en Foyer Occupationnel, ou en Etablissement Social d’Aide par le
Travail, pour ne citer qu’eux, sont rares et donc difficiles à obtenir.
Lors d’un entretien orienté sur cette question d’avenir, le directeur, la responsable
préparant l’avenir des jeunes et moi-même, avons reçu, le père de Daniel. C’est dans
ce contexte qu’il nous a déclaré :
« En tant que père, je veux le meilleur pour mon fils ».
Cette phrase simple, « normale », permet de montrer l’importance des liens familiaux
que peut entretenir un parent avec son enfant. Il souhaiterait que son fils soit accueilli
dans un Foyer Occupationnel et si possible en externat, pour rester proche de lui.
Il semble avoir du mal à se « détacher » de son fils. Il est veuf et a un travail à
responsabilités ne lui permettant pas toujours d’accueillir son fils quand il rentre de
l’IME, le soir. La sœur de Daniel et une amie de la famille veillent alors sur lui. Daniel
n’est pas autonome dans les gestes de la vie quotidienne et une personne doit l’aider,
26
tout particulièrement pour sa toilette ou pour s’habiller. Il est néanmoins volontaire
pour faire des activités.
Il ne parle pas, mais sait globalement se faire comprendre par des gestes ou des
attitudes.
La question qui se pose alors est celle-ci : L’externat est-il réellement adapté à Daniel
et à sa famille?
Un internat de semaine pourrait être, selon l’équipe éducative, une solution adaptée
pour permettre au père de garder son emploi. Sa sœur pourrait également être
soulagée des contraintes de garde de son frère.
Le père de Daniel parait montrer des difficultés à « lâcher son fils ». Il semble ne voir
que l’angoisse de son fils et veut donc lui éviter de vivre des moments difficiles. Ce
dernier craint en effet les changements et peut dans des accès de panique devenir
violent. Cette attitude passagère ne devrait pas l’empêcher de prendre ses marques
dans un nouvel établissement et de bien s’y sentir au bout de quelques semaines.
L’attitude de ce père peut également faire apparaitre un sentiment de culpabilité. Il a,
en effet, probablement l’impression d’abandonner son fils. Il cherche peut-être à
réparer une erreur imaginaire qui aurait entrainé le handicap de son fils, ou encore, à
montrer à son entourage qu’il s’occupe bien de lui.
L’éducateur, peut-il dans cette situation, penser au seul bien du jeune sans écouter
son père ? Le choix proposé par l’institution est-il le meilleur dans l’intérêt de Daniel ?
Il faut également savoir que les places en foyer pour adulte sont rares. Dans ces
conditions, les parents peuvent ils « se permettre » un véritable choix de structure
pour leur enfant ?
Le rôle de l’éducateur n’est-il pas primordial à ce moment là, afin de créer le lien et de
faire tiers ?
Il doit pour cela écouter le désir des parents, les conseiller, échanger et chercher avec
eux la meilleure solution, créer, cultiver et garder le lien.
Dans le cas de Daniel, si ce père a insisté sur le fait qu’il voulait le meilleur pour son
fils, c’est certainement pour justifier sa position. Il ne pense pas que la solution d’un
foyer d’accueil médicalisé proposée par l’équipe soit réellement la meilleure. Il estime
que son fils a un niveau supérieur aux personnes accueillies dans les centres visités.
Il est vraisemblable que dans certains domaines, son fils a des capacités supérieures,
mais dans d’autres, il a besoin d’un réel accompagnement.
Daniel, quant à lui, craint tout changement et préférerait rester avec nous au sein de
l’IME. Son attitude sereine lorsqu’il est au sein du groupe devient en effet méfiante et
27
même parfois violente, lorsqu’on lui parle de changer d’établissement. De plus, il
devient de plus en plus difficile d’adapter les activités de groupe à lui ; c’est le plus âgé
et le plus grand physiquement.
Actuellement, nous préparons son départ en lui proposant une journée par semaine
dans un foyer occupationnel. Cette préparation pour Daniel, permet également au
père, de réaliser le changement. Ce dernier accepte ce stage qui répond à ses critères.
Il connait en effet cet établissement qui a la possibilité d’accueillir des personnes en
externat et qui se situe dans sa commune.
Malheureusement, cet établissement pour adultes ne possède pas de place pour le
moment. Ce travail, sous forme de stage, ne peut s’effectuer qu’avec
l’accompagnement d’un éducateur de l’IME, car Daniel a encore du mal à accepter
cette journée. Cette situation particulière ne peut durer trop longtemps car elle
monopolise un éducateur, qui n’est alors pas avec le reste du groupe à l’IME.
Mais l’équipe éducative veut se donner les moyens de favoriser le départ de Daniel
dans les meilleures conditions.
Cette situation montre toute la complexité d’une relation avec les parents. L’équipe
éducative doit en effet ajuster sa pensée avec les souhaits du jeune et de la famille.
En outre, il existe les contraintes institutionnelles, comme par exemple l’âge limite d’accueil
et les places disponibles.
La communication et la collaboration entre l’institution et la famille ont alors véritablement
toute leur importance.
2.6 La collaboration
Le rôle de l’éducateur est certainement de trouver un compromis qui pourra satisfaire la
famille. Mais parfois, certains parents ont des exigences très élevés.
Par exemple, les parents de Florence, une jeune femme trisomique de dix neuf ans,
déclarent vouloir, au départ de leur fille de l’IME, un établissement pour adulte non-
mixte. Ils commencent petit à petit à réaliser la difficulté de trouver un tel
établissement mais ne semblent pas vouloir « se l’avouer ».
Ce critère de choix pour leur fille, ne révèle t-il pas une crainte de la voir grandir ?
En effet, l’idée de mixité n’est pas neutre. Leur enfant est devenue une jeune femme.
28
Simone Sausse explique ainsi la relation particulière des parents avec leur adolescent
présentant un handicap :
« Face à un adolescent ou à une jeune fille, qui manifeste sa sexualité et qui a besoin d’en
parler, les adultes, aveuglés par leur peur, s’obstinent à voir un eternel enfant. C’est une des
raisons de la surprotection qui empêche souvent l’accès à l’autonomie et maintient le lien de
dépendance. Le lien intense, parfois indissoluble, immuable, dont il est impossible de se
départir lorsque l’enfant grandit.15
»
Il est alors vraiment difficile, pour l’éducateur de répondre aux parents de Florence
sans aborder les raisons profondes de leur exigence. Un travail sur la mixité ne sera
certainement pas la seule action nécessaire auprès de ses parents. Ils doivent
également prendre conscience de l’importance du regard qu’ils portent à leur fille. Ils
ne semblent pas réaliser que c’est une jeune femme adulte avec ses besoins, ses
préférences et ses envies.
Florence ne communique pas oralement, mais sait montrer quand elle se sent bien.
Elle reste souvent seule dans son coin sans montrer d’intérêt particulier pour les
différentes activités si ce n’est la musique ou la nourriture.
Plusieurs propositions d’établissement pour adultes leurs ont été faites par
l’éducatrice responsable de l’avenir des jeunes. Les quelques foyers trouvés
répondant aux critères des parents n’ont pas de places, alors que des propositions
dans des établissements mixtes ont été refusées par les parents. A son départ de
l’IME, Florence risque alors de se retrouver chez ses parents, tous deux à la retraite,
ce qui ne semble pas être la solution idéale, ni pour Florence, ni pour ses parents.
La politique de l’établissement est de trouver une solution pour que chaque jeune puisse
quitter l’établissement, dans de bonnes conditions, au plus tard à ses 20 ans. L’éducatrice
responsable de l’orientation des jeunes et l’éducateur référent essaient de trouver une
structure pour adultes dès les 18 ans du jeune. Celui-ci effectue ensuite des « stages » lui
permettant de découvrir de nouveaux lieux. Ces périodes donnent également aux équipes
accueillantes, la possibilité de faire une observation.
Ce travail est mené en collaboration avec les parents. Ils peuvent faire des démarches pour
trouver des établissements susceptibles d’accueillir leur enfant. Ils donnent également leur
avis et facilitent la mise en place de stages, en assurant les transports par exemple.
A l’âge de 20 ans, le jeune doit quitter l’établissement. Si les parents ont refusé toutes les
propositions de l’équipe éducative, il retourne à la maison. C’est souvent la famille entière
qui souffre alors de cette situation. Le jeune a en effet souvent besoin d’une présence
permanente d’un adulte, rendant la vie à la maison difficile.
15
SAUSSE S., Le miroir brisé, p. 125
29
Cette politique est, bien entendu, adaptée à chaque famille.
En effet, l’amendement Creton stipule :
« Lorsqu’une personne handicapée placée dans un établissement d’éducation spéciale ne
peut être immédiatement admise dans un établissement pour adulte désigné par la
commission technique d’orientation et de reclassement professionnel, conformément au
cinquième alinéa (3°) du paragraphe I de l’article L. 323-11 du code du travail, ce placement
peut être prolongé au-delà de l’âge de vingt ans ou, si l’âge limite pour lequel l’établissement
est agréé est supérieur, au-delà de cet âge dans l’attente de l’intervention d’une solution
adaptée, par une décision conjointe de la commission départementale de l’éducation spéciale
et de la commission technique d’orientation et de reclassement professionnel. 16
»
L’établissement évite au maximum d’utiliser cet amendement qui ne peut être bénéfique à
la personne accueillie à long terme. En effet, les activités proposées ne sont pas adaptées
aux adultes. L’équipe éducative met donc tout en œuvre pour faciliter le départ des jeunes si
possible avant leurs 20 ans.
En revanche, il est rare que le jeune adulte quitte l’établissement le jour de son anniversaire.
L’équipe éducative, soutenue par le directeur, adapte cette période de transition au mieux
pour le jeune adulte.
Dans ces situations, jusqu’où l’éducateur peut il « insister » pour le bien être du jeune et des
parents ?
Il faut souvent de nombreux entretiens entre la famille et l’équipe éducative pour élaborer
des idées, qui, avec du temps, aboutissent à une solution.
C’est souvent au moment de changements que des difficultés apparaissent. Lorsque
l’éducateur fait de nouvelles propositions dans le but de faire évoluer le jeune, comme par
exemple un travail sur les déplacements dans la rue, les parents émettent parfois des
réticences, avec comme argument, la crainte d’un accident.
Les parents font généralement confiance aux personnels de l’établissement. Mais au
moment de définir ensemble une voie pour l’adulte qu’est devenu leur enfant, des
mésententes peuvent apparaitre.
La question du handicap, souvent « masquée » pendant des années de vie « tranquille » à
l’IME, ressurgit alors au grand jour.
Il est donc vraiment important que les membres de l’équipe éducative, parlent avec
franchise et tact aux parents le plus tôt possible.
16
Article 22 de la Loi n° 89-18 du 13 janvier 1989 - Amendement Creton
30
L’importance des liens créés entre l’éducateur et les parents, au fil des années, prend alors
toute son importance dans l’acquisition de l’autonomie des jeunes accueillis.
Une bonne relation entre l’équipe pluridisciplinaire et les parents peut permettre un travail
de qualité sur l’acquisition de l’autonomie auprès de l’adolescent accueilli en externat
médico-éducatif.
31
3 Troisième partie
Le travail avec les parents
Il me semble important pour un jeune accueilli en externat médico éducatif de pouvoir faire
un lien entre les acquisitions de l’autonomie à la maison et au sein de l’établissement. Ainsi
le lien entre les parents et l’équipe éducative est-il primordial pour une certaine unité
favorisant ces apprentissages.
Quels outils disposent alors l’équipe éducative pour créer du lien ?
Pourquoi les parents d’enfant présentant un handicap ont-ils généralement un
comportement si particulier ?
Jusqu’où peut aller ce lien entre les parents et l’éducateur ?
Se sont autant de questions auxquelles je vais tenter de répondre.
Mais avant de développer cette partie, il me semble important de rappeler l’importance de
l’action des parents dans la création d’établissements spécialisés. En effet, en France, dès le
début des années 1950 des parents se regroupent en association pour créer des
établissements adaptés à leurs enfants. Actuellement encore, de nombreuses associations
de parents sont à l’origine d’établissements.
Marc Poilvert, ancien vice président de l’UNAPEI17
, grande association de parents, définit le
contexte dans lequel un enfant souffrant d’un handicap mental peut évoluer favorablement.
De façon imagée, il met la personne handicapé au centre d’un triangle dont chaque côté est
représentée par les pouvoirs publics, les professionnels du médico-social et les parents ou
association de parents. Il est important que chaque côté soit suffisamment solide et bien
relié les uns aux autres pour le maintient de l’édifice18
.
Le partenariat entre parents et professionnels est donc important.
Les parents et les professionnels sont liés pour le bien être de la personne accueillie.
Pour parler des relations entre les parents et l’éducateur travaillant en externat, il convient
de prendre en compte la personnalité de chacun. En effet, même si ces relations doivent
rester professionnelles, il faut veiller à quelques paramètres, principalement lié à la
17
Union Nationale des Amis et Parents d’Enfants Inadaptés
18 POILVERT M., « Problèmes étiques et relations parents/professionnels » in : VAGINAY D., Trisomie 21
transmission et intégration : pour quelle éthique ?, p. 173
32
différence du lien entretenu par les parents ou par l’équipe éducative, avec l’adolescent
accueilli.
3.1 La loi 2002-2 favorisant le lien
Je travaille depuis quelques années dans le même établissement avec des enfants
présentant une déficience mentale. J’ai pu remarquer une évolution des relations entre
parents et professionnels. En effet, l’institut médico éducatif où je travaille a été créé il y a
une quinzaine d’année par des parents qui ont fondé une association. L’établissement a
débuté avec 3 enfants pour atteindre aujourd’hui 34 jeunes de 10 à 20 ans. L’équipe
éducative s’est également étoffée avec l’arrivée de nouveaux professionnels.
Depuis quelques années, l’association n’est plus dirigée par les parents fondateurs. Les
parents très présents au niveau de l’organisation et des décisions de l’IME ont laissé la place
à des parents plus discrets.
Mais actuellement, il me semble que des parents s’investissent davantage dans la vie de
l’établissement et plus particulièrement de leur enfant. Cette attitude est, à mon avis
favorisée, entre autres, par la loi dite 2002-2 appliquée depuis quelques années dans
l’établissement.
La mise en place du projet individualisé en concertation avec le jeune concerné et les
parents a vu le jour. Cette loi cadre le travail auprès des personnes accueillies. Elle dit entre
autres ceci :
« Un contrat de séjour est conclu ou un document individuel de prise en charge est élaboré
avec la participation de la personne accueillie ou de son représentant légal. Ce contrat ou
document définit les objectifs et la nature de la prise en charge ou de l'accompagnement
dans le respect des principes déontologiques et éthiques, des recommandations de bonnes
pratiques professionnelles et du projet d'établissement. Il détaille la liste et la nature des
prestations offertes ainsi que leur coût prévisionnel.19
»
Certains parents de jeunes déjà accueillis depuis quelques années, semblent petits à petit
voir l’utilité de ce contrat de séjour et participent d’avantage à son élaboration. Mais
d’autres parents n’hésitent pas à solliciter les éducateurs et les intervenants auprès de leurs
enfants. Ce sont généralement les parents de jeunes qui viennent d’être accueillis à l’IME.
Cette loi a permis, et permet encore également à l’ensemble de l’équipe éducative de se
remettre en question. Des écrits, de plus en plus nombreux, voient le jour et permettent une
19
LOI n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté
des personnes handicapées, article 8, article L311-4
33
meilleure prise en charge des jeunes accueillis. Ces écrits favorisent aussi bien une plus
grande cohésion au sein des différents membres de l’équipe éducative qu’une véritable
consultation des parents. Encore faut il que chacun prenne acte des objectifs de l’autre.
Réfléchir et faire des écrits permet de mieux cerner les besoins du jeune et de mieux cibler
l’action. L’équipe éducative doit ensuite partager ses objectifs avec les parents. En effet, les
acquis seront mieux assimilés si la famille peut reprendre les apprentissages à la maison. Les
parents peuvent ainsi connaitre les objectifs de chaque activité, avec les moyens mis en
place au sein de l’établissement.
Les parents ne peuvent parfois s’investir dans les projets proposés par l’institution, vivant
trop intensément le désir de « changer » leur enfant différent.
3.2 La difficulté que vivent les parents
L’éducateur référent est souvent le lien privilégié entre les parents et toute l’équipe. C’est
lui, en effet, qui les reçoit généralement, pour définir ensemble, avec le jeune, les objectifs
de l’année et qui rédige ensuite le contrat individualisé. En début d’année scolaire, il reçoit
les parents pour exposer le projet individuel du jeune et les objectifs de l’année. La
description de l’emploi du temps, des activités et du projet permettent d’avoir un échange
avec les parents. Ils émettent alors parfois des « réclamations ».
J’ai pu observer qu’ils revendiquent souvent d’avantage de prise en charge scolaire par
l’enseignante.
Dans notre établissement, l’emploi du temps est conçu autour des activités éducatives du
groupe et chaque jeune dispose de différents temps individuels ou en petit groupe de
scolaire, psychomotricité, orthophonie, psychothérapie… Pour des raisons d’organisation, il
n’est pas toujours possible de satisfaire les parents.
Pour Pierre, nous avons par exemple mis en place trois temps de scolaire
hebdomadaire d’une demi-heure avec un autre jeune. Cette décision a été prise en
équipe suite à la demande des parents. Cette démarche semble tout à fait justifiée,
pour ce jeune qui a du mal à se concentrer plus de quelques minutes. Mais les progrès
d’apprentissage de la lecture sont longs et les parents réclament maintenant encore
davantage de temps en scolaire. Ceci, devient difficile à organiser pour la seule
enseignante de l’établissement. Cette situation renvoie également aux capacités du
jeune à apprendre et à ses propres limites.
Lors de ces rendez-vous, les parents que j’ai rencontrés mettent rarement en cause le travail
éducatif mais plutôt les apprentissages. Les capacités à écrire, à lire, semble parfois même
plus importante que la communication orale.
34
Les parents de Marc, par exemple, insistent beaucoup sur l’apprentissage de la
lecture, alors qu’il a du mal à construire une phrase correctement quand il parle. Il
emploie des mots, sans véritablement en connaitre le sens, par simple automatisme.
Ces parents n’essaient-ils pas de cacher une partie dont ils ont honte en ne voulant pas
admettre les capacités réduites de leur enfant ?
Beaucoup de parents craignent également le regard des autres sur leur enfant présentant
une déficience mental.
« Ne s’agit-il pas là de handicaps antipathiques plus difficiles encore à supporter par les parents que
par les enfants car personne ne se projette volontiers en eux, de handicaps honteux qui les isolent de
la société et que l’on voudrait cacher car ils peuvent entrainer des réactions sociales de rejet et
d’ostracisme que Bagley a comparé dans un ouvrage à du Racisme.20
»
Cet état difficile à vivre créé des doutes, un malaise qui sont souvent cachés par les parents
concernés. Ils recherchent alors à faire approcher leur enfant le plus possible de la norme.
3.3 La recherche d’une norme
Le travail éducatif avec des adolescents handicapés est délicat. Il faut, en effet, toujours
veiller à définir les objectifs dans un souci de bien-être du jeune. La tentation, peut être, par
exemple, d’approcher les adolescents d’une normalité comme l’écrit Jean Pierre Visier,
pédopsychiatre, au détriment de l’épanouissement :
« Quand il s’agit d’enfants handicapés, l’une des finalités qui vient en premier est de les
rapprocher d’une norme. On a envie de leur permettre de trouver en eux, dans le rapport aux
autres, des possibilités de vie en plénitude. Mais, il y a souvent confusion entre :
rapprochement d’une norme et plénitude possible. Ceci ne peut pas se confondre et ce n’est
pas seulement en se rapprochant de la norme qu’on peut permettre à l’enfant de s’épanouir,
et il n’y a absolument pas superposition entre les deux.21
»
Les parents et l’équipe éducative ne placent pas toujours les priorités au même endroit. Il y a
parfois divergence de point de vue : l’éducateur va généralement axer son travail sur
l’autonomie de l’adolescent accueilli, alors que les parents ont parfois, pour priorité, la
volonté de donner une image de normalité de leur enfant.
La norme est souvent définie par la majorité. Le regard des autres sur leur enfant
« différent », est lourd à porter et parfois même culpabilisant.
20
RUFO M., SOULAYROL R., « La révélation aux parents du handicap de leur enfant » in : SOULE M., Le jeune
handicapé et sa famille, p. 33
21 VISIER JP., « Intérêt et limites des rééducations des handicaps des enfants » in : SOULE M., L’enfant
handicapé et sa famille, p. 77
35
C’est dans cette situation que le regard de l’éducateur a toute son importance. Il doit être
capable d’écouter, d’encourager, de donner des conseils, d’orienter, sans jugement. Encore
doit-il, pour cela, avoir acquis la confiance des parents.
J’ai pu remarquer que les professionnels voudraient parfois connaitre des détails sur la vie
familiale, dans un souci de compréhension du comportement du jeune. Mais cette volonté
de savoir, me pose plusieurs questions :
Est-il toujours nécessaire de connaitre tous les détails de la vie familiale ?
Les parents doivent-ils se dévoiler plus que l’éducateur lui-même ?
Quelles sont les places de l’éducateur, celle des parents, ou encore celle du jeune lui-
même ?
Il me semble important de réfléchir à cette dernière question. La place de chaque personne ;
éducateur, parents et jeune doit être définie pour favoriser l’acquisition de l’autonomie des
adolescents accueillis.
3.4 Les places
Dans le travail sur l’autonomie des adolescents souffrant de déficience mentale, l’éducateur,
les parents et le jeune lui-même, ont un rôle à jouer. Chacun a une part importante de
responsabilité dans cette acquisition.
Il me semble donc important de développer maintenant les places de chacun.
3.4.1 La place de l’éducateur
La place de l’éducateur se situe entre les parents et leur enfant. Cette position n’est pas
toujours facile et l’éducateur doit être capable de garder sa place, comme nous l’expliquent
Maurice Capul et Michel Lemay :
« L’éducateur va avoir à faire face à deux tentations contradictoires : s’identifier par trop à
l’enfant en jugeant la famille : rôle de complice ; ou alors s’identifier par trop aux parents, se
ranger à leurs côtés, adopter leur point de vue sur l’enfant. Il s’agit de deux tendances
également naturelles. Le propre de l’éducateur est justement d’en prendre conscience pour
mieux maitriser ses propres inclinaisons. En effet tomber dans l’une de ses deux possibilités a
pour conséquence de porter atteinte au but poursuivi qui est d’aider l’enfant en le
« réconciliant » (chaque fois que possible) avec sa famille. Le problème est de savoir si l’on
36
peut s’identifier, suffisamment et de façon équivalente, à l’enfant et à ses parents en même
temps.22
»
Cette dernière phrase soulève toute la difficulté du travail avec des jeunes et leurs parents.
L’éducateur doit garder une attitude professionnelle, mais il a des sentiments. Son attitude,
ses expériences, son avis sont autant de qualités qu’il peut mettre en avant dans son activité
professionnelle. Il ne peut faire de généralité mais doit parfois agir selon son ressenti. Les
connaissances pratiques et théoriques ont alors une véritable importance.
L’éducateur a besoin de bien connaitre le jeune avec lequel qui il travaille. Il doit pour cela
être capable d’écouter les parents, mais aussi les membres de l’équipe pluridisciplinaire.
L’éducateur qui est toujours au contact de la personne accueillie, a besoin d’avoir des avis et
des conseils d’autres professionnels. Ce partage peut réellement être fructueux si l’équipe et
les parents s’écoutent et mettent en commun leurs remarques, réflexions et difficultés.
L’éducateur, dans sa culture institutionnelle va généralement plus facilement partager ses
réflexions avec ses collègues, mais il aura parfois plus de difficulté à le faire avec les parents.
Il n’est pas toujours facile pour l’éducateur, comme pour les parents d’ailleurs, d’évoquer ses
difficultés. Un climat de confiance doit s’installer pour permettre la construction d’un travail
de collaboration.
L’éducateur va quotidiennement créer un climat de confiance avec les parents à travers
l’action auprès de leur adolescent.
Après une réflexion sur la place de l’éducateur, il me semble important de réfléchir sur la
place des parents.
3.4.2 La place des parents
Etre parent c’est comme le père de Daniel, souhaiter le meilleur pour son enfant. Le rôle des
parents est donc de veiller à ce que leur enfant soit le mieux possible dans l’école, ou
l’institution dans laquelle il se trouve. Ils doivent parfois « se battre » pour obtenir ce qui
leur semble être le meilleur. Mais dans cette lutte, ils doivent aussi pouvoir faire confiance
aux professionnels. Les parents, en effet, de part leur place, n’ont pas la même objectivité
qu’une personne ne faisant pas partie de la famille. La proximité avec leur enfant peut
parfois fausser leur regard.
Il ne faut pas, pour autant, occulter le rôle important des parents. Ils ont un pouvoir de
décision et signent chaque année le projet avec leur enfant. Au sein de l’établissement.
L’équipe éducative doit respecter ce contrat.
22
Capul M., LEMAY M., De l’éducation spécialisée, p.246
37
Après avoir abordé la place de l’éducateur et des parents, Je vais aborder la place du jeune. Il
ne faut pas oublier la mission première de son accueil au sein de l’IME. En effet, si
l’adolescent a besoin de ses parents et des éducateurs pour l’acquisition de l’autonomie, ses
propres désirs et ses capacités ne sont pas à négliger.
3.4.3 La place du jeune
La place du jeune est centrale dans le travail d’une équipe éducative au sein d’un IME. C’est
pour lui que sont conçus les objectifs inscrit dans le projet individualisé. L’adolescent
accueilli au sein de l’IME est le point commun des parents et de l’éducateur.
Le jeune, lui, doit également pouvoir s’affirmer et être entendu.
Il peut influencer son entourage, famille et équipe éducative dans un sens ou dans l’autre. Il
est important qu’il puisse être entendu, c’est sa vie.
Les adultes font des choix pour lui, lui apprennent ce qui leur semble important.
Le lien entre les parents et l’équipe éducative est alors primordiale pour aider l’adolescent
dans son acquisition de l’autonomie.
Ce lien, pour être constructif, doit devenir un partenariat.
3.5 Le partenariat
Marc Poilvert met en évidence l’importance de ce partenariat entre les parents et les
professionnels, le besoin d’une motivation profonde des uns et des autres, pour assurer
une évolution maximale des potentialités des jeunes présentant une déficience mentale:
« L’action commune et concertée des parents et des professionnels qui associent alors leurs
compétences spécifiques, différentes et complémentaires reste le meilleur gage d’un succès
auprès de l’enfant.
Je vous propose ce rapprochement imagé, avec toute la réserve nécessaire, des rôles
respectifs des parents et des professionnels :
Les parents doivent aimer passionnément leurs enfants ;
Les professionnels doivent aimer passionnément leur métier.23
»
Ce partenariat dépend donc de la motivation profonde des parents et des professionnels.
23
POILVERT M., « Problèmes étiques et relations parents/professionnels » in : VAGINAY D., Trisomie 21
transmission et intégration : pour quelle éthique ?, p. 174
38
Les parents qui aiment leur enfant essayent de faire du mieux possible pour son bien-être. Ils
doivent pour cela prendre en considération ses besoins et ses désirs.
En déclarant que le professionnel doit aimer son métier, Marc Poilvert, élargit le champ
d’action. En effet, l’éducateur doit aimer les personnes accueillies tout en gardant une
attitude professionnelle. Il doit donc, partager avec ses collègues pour garder un esprit
ouvert, se former constamment pour proposer une action adapté et dynamique…
Un partenariat efficace ne peut se mettre en place qu’avec la confiance réciproque des
parents et des professionnels.
3.6 La confiance mutuelle
La confiance s’acquière avec le temps, au fur et à mesure des rendez-vous, des contacts
téléphoniques…
Les parents d’enfant présentant une déficience mentale ne se sentent souvent compris que
par d’autres parents, ayant eux même vécu les mêmes difficultés. Simone Sausse,
psychanalyste l’explique ainsi :
« Les parents se replient dans une solitude silencieuse, avec le sentiment de vivre une
expérience qui les sépare définitivement des autres et qui ne peut ni se comprendre ni se
partager. Cela explique aussi pourquoi les parents trouvent un tel réconfort dans les
associations, auprès de personnes qui ont vécu la même épreuve qu’eux.24
»
Cette attitude se remarque lors des entretiens où les parents font observer le manque de
compréhension de l’équipe éducative. J’ai pu entendre des phrases telles que : « vous ne
pouvez savoir ce que nous vivons ». Ils ne partagent pas souvent leur difficulté et ne
recherche que rarement de l’aide auprès de professionnels, pour des thérapies familiales par
exemple.
Mais n’y a t’il pas une limite infranchissable entre les parents d’enfant atteint d’un handicap
et le travailleur social ?
Le vécu propre de ses parents ne génère t’il pas une frontière avec les professionnels ?
L’attitude de ces parents peut se comprendre car il n’est pas facile d’avouer ses difficultés à
une autre personne et encore plus de se dévoiler. La crainte de ne pas être compris, de se
sentir jugé sont également des éléments qui peuvent freiner le lien entre l’éducateur et les
parents.
24
SAUSSE S., Le miroir brisé, p. 164
39
La priorité de l’éducateur est le travail avec l’adolescent accueilli en externat. Ce jeune est au
centre entre les parents et l’équipe éducative.
Il est alors important, me semble t-il, que l’éducateur et les parents apprennent à se
connaitre.
Ils ont besoin d’avoir des liens, pour faciliter les acquisitions de l’autonomie de l’adolescent
présentant une déficience mentale, accueillis au sein de l’externat médico éducatif.
3.7 Des moyens pour créer du lien
Les Rendez-vous officiels pour parler du projet individualisé ou pour faire le bilan de l’année
sont importants. Mais il existe d’autres moyens, souvent institutionnel, pour apprendre à se
connaitre.
Je vais développer deux exemples bien différents, pour mettre en valeur les moyens à la
disposition de l’éducateur et des parents pour créer, cultiver et garder le lien : La fête de fin
d’année premièrement, qui peut encourager, par exemple, les échanges dans un cadre festif
et le cahier de liaison dans un second temps, qui permet d’avoir des informations utiles pour
favoriser des actions communes.
3.7.1 La fête de fin d’année
Chaque année, l’IME organise un grand jeu ou un spectacle avant les grandes vacances d’été,
mettant en scène les jeunes, suivi d’un barbecue.
A cette occasion, les parents et la famille de chaque jeune sont invités. Ces moments sont
propices à la conversation.
J’ai pu remarquer l’attitude détendue des parents, comme de l’équipe pluridisciplinaire, sans
oublier celle des jeunes eux-mêmes.
Les sujets de conversations ne sont pas axés principalement sur les capacités ou les progrès
de l’adolescent mais, par exemple, sur des sujets aussi divers que les vacances.
Ces moments me semblent donc très important pour apprendre à se connaitre et à créer des
liens. La confiance se donne, en effet, plus facilement quand on se connait.
Des moments particuliers comme celui-ci ont donc toutes leurs importances.
40
3.7.2 Le cahier de liaison
Un autre moyen pour créer du lien entre la famille et l’institution est le cahier de liaison.
Ce cahier peut, en effet, devenir un allié précieux dans le lien avec les parents et plus
particulièrement avec des adolescents qui ont du mal à communiquer. Ce cahier transmet
des informations dans un sens, comme dans l’autre.
J’utilise ce cahier, non seulement pour donner des informations pratiques ou
administratives, mais aussi pour informer les parents d’une activité particulière ou d’un
comportement. Parfois, le jeune lui-même demande que soit inscrit un mot pour passer un
message à ne pas oublier, ou simplement pour faciliter le dialogue.
J’ai pu remarquer que cette démarche est généralement réciproque. Quand j’écris par
exemple un récapitulatif de la semaine le vendredi, les parents résument, à leur tour le
week-end sur le cahier.
Ce cahier de liaison, permet donc d’apprendre à mieux connaitre l’adolescent accueilli dans
le but de faciliter les acquisitions. Il permet également ensuite, aux parents comme aux
professionnels, de se dévoiler un peu. En effet, en racontant un épisode de la vie du jeune, le
caractère et le ressenti de la personne qui écrit, transparait.
Ce cahier n’est pas utilisé de la même manière par tous les parents. L’écriture peut
effectivement être pour certaine personne un moyen contraignant. Ce cahier ne crée donc
pas le lien de la même façon en fonction de la personnalité de chacun.
L’éducateur doit donc être vigilent aux différents moyens utilisés pour créer le lien. Les
membres de l’équipe éducative comme les parents, ont leur propre personnalité et agiront
donc différemment en fonction de leur nature.
Si chacun a une place dans l’acquisition de l’autonomie de l’adolescent, chacun doit
également veiller à laisser la « juste place » à l’autre.
3.8 Savoir garder sa place
Le rapport de places est important dans la relation parents/professionnels. L’éducateur,
comme nous venons de le voir, doit essayer de gagner la confiance des parents. La place
qu’il leurs donne est alors primordiale. L’attitude de l’éducateur dans la participation
d’ouverture est très importante. La place attribuée aux parents par l’éducateur et vice et
versa favorisera ou non les relations.
L’éducateur doit, dans la mesure du possible, donner une place importante aux parents. Ces
derniers ont en effet le droit de connaitre les activités proposées par l’institution à leur
enfant.
41
La signature en début d’année du contrat individuel, doit si possible, dépasser le côté
administratif. Les parents, comme le jeune et l’éducateur, par leurs signatures donnent leur
accord et s’engagent à favoriser l’atteinte des objectifs. Un lien est ainsi créé entre les
parents et l’équipe éducative.
Mais il est important que chacun garde sa place. Si les parents sont responsables de leur
enfant de façon générale, l’institution l’est, quand le jeune est accueilli au sein de l’IME. Il est
important que les parents puissent avoir confiance en l’équipe éducative, qu’il y ait un
partenariat sans gène du travail. Certains parents voudraient pouvoir tout diriger…
Les parents qui le souhaitent peuvent postuler au conseil de la vie sociale pour représenter
leurs pairs au sein de l’institution. Ces réunions permettent en effet de parler de la vie
organisationnelle de l’établissement avec des représentants du personnel, des parents et
des jeunes accueillis.
L’éducateur et les parents doivent savoir garder leur place respective tout en préservant des
liens pour favoriser les apprentissages. L’adolescent présentant une déficience mentale doit
rester au centre de la relation entre les parents et l’équipe éducative pour faciliter les
acquisitions de l’autonomie. En effet l’externat permet au jeune de côtoyer, aussi bien ses
parents que l’équipe pluridisciplinaire de l’IME.
3.9 La continuité du travail
S’il me semble important de bien différencier la vie de famille de la vie institutionnelle, le
partenariat est important pour une continuité de travail entre la maison et l’institution.
Quelquefois l’équipe éducative, elle-même ne se sent pas comprise par les parents. En effet,
parfois l’équipe prend des décisions dans un objectif bien précis et s’aperçoit que les parents
ont d’autres priorités. Dans ces situations, la relation entre l’éducateur « porteur du projet »
et les parents est importante.
Pour le bien du jeune, il est préférable qu’il puisse vivre une certaine continuité entre
l’institution et la maison. Les apprentissages se font généralement mieux dans ces
conditions.
L’idéal serait une complémentarité dans laquelle les parents et l’équipe éducative travaillent
aux mêmes objectifs, mais chacun à sa façon et avec ses propres moyens.
Dans ce cas, un contact régulier des partenaires, parents/éducateur, doit être mis en place
pour élaborer les objectifs et faire le point. Une fois le lien crée, il faut le cultiver et le garder.
L’acquisition de l’autonomie des adolescents présentant une déficience mentale sera alors
vraiment optimisée.
42
3.10 Ma position
Je rencontre régulièrement les parents et me « confronter » à eux n’est pas toujours chose
facile. Il faut connaitre des éléments théoriques comme par exemple le handicap ou
l’adolescence, ce que me permet ma formation d’éducateur spécialisé et me donne
davantage confiance en moi.
Une meilleure connaissance des pathologies et le partage des expériences avec des
collègues de formations me permettent d’avoir des « outils » à utiliser avec les parents. En
effet, je peux ainsi parfois leurs proposer des idées ou leurs soumettre des observations.
Les compétences de chaque membre de l’équipe pluridisciplinaire contribuent également à
une meilleure appréhension des différents jeunes accueillis.
La mise en commun de problématiques permet alors de trouver des propositions d’action
auprès du jeune, que je peux ensuite transmettre aux parents.
Les différentes attitudes des parents m’ont parfois surpris, mais il est important de garder à
l’esprit que les parents aiment et sont attachés à leur enfant. En effet, parfois, le
comportement des parents est faussé par le désir de rendre « normal » leur enfant.
Les revendications des parents me permettent de réfléchir à mon action auprès des jeunes
et le soutien de l’équipe pluridisciplinaire est alors important pour maintenir les objectifs,
principalement axés sur l’acquisition de l’autonomie des adolescents accueillis.
43
4 Quatrième partie
La construction du lien avec les parents
Les liens entre l’éducateur et les parents ont toutes leurs importances pour favoriser
l’acquisition de l’autonomie des adolescents accueillis en IME. Comme nous l’avons vu
précédemment, le travail commun ne peut se mettre en place qu’avec un partenariat
élaboré sur la confiance et sur la communication.
L’éducateur doit tenir compte de plusieurs éléments tels que, par exemple, la période
particulière de l’adolescence que vivent les jeunes et la difficulté des parents d’avoir un
enfant présentant une déficience.
Les parents s’investissent généralement, pour offrir à leur enfant le meilleur.
Je vais maintenant aborder l’importance de la famille et ce que peut apporter l’éducateur à
travers le lien entre les parents et l’équipe éducative. Je vais également parler de
l’importance de garder un lien respectant la vie privée de chacun.
4.1 La famille-micro-démocratie
La déclaration des droits de l’homme désigne la famille comme l’élément fondamental de la
société.25
C’est en effet au sein de la famille que l’enfant apprend la démocratie. C’est là qu’il apprend
les règles essentielles de la vie en groupe, en société. C’est là aussi qu’il va se forger son
caractère et sa personnalité.
Marc Poilvert explique ainsi le rôle de la famille :
« Porteuse de valeurs, dépassant sa propre souffrance, la famille exprime par son action
comme par son militantisme, sa volonté d’assurer la dignité et l’épanouissement de la
personne handicapé mentale dans notre société en tant que citoyen à part entière.26
»
Pour un jeune accueilli en externat, la famille joue le premier rôle dans la socialisation de
l’enfant. Généralement, il passe les premières années de sa vie au sein de sa famille. Puis, il
partage son temps entre l’externat médico éducatif et le foyer familial. Mais c’est
véritablement au sein de sa famille que le jeune est accueilli pour lui-même et non pour
25
Déclaration universelle des droits de l’homme, article 16
26 POILVERT M., « Problèmes étiques et relations parents/professionnels » in : VAGINAY D., Trisomie 21
transmission et intégration : pour quelle éthique ?, p. 170
44
l’image imparfaite qu’il donne. En effet, il fait partie de sa famille par sa naissance, alors qu’il
est accueilli à l’IME parce qu’il présente une déficience mentale. Le lien est donc différent en
fonction de la place occupée par les personnes entourant le jeune.
4.2 Le type de lien
Au sein d’un externat médico éducatif, le travail conjoint entre l’équipe éducative et les
parents doit être plus important que dans un internat. En effet, le jeune accueilli partage son
temps entre l’institution et la maison. L’éducateur, souvent porteur du projet pour
l’institution, doit favoriser cette continuité. En revanche, il peut arriver que pendant des
semaines, le seul contact entre les parents et l’équipe éducative soit de simples mots écrits
dans le cahier de liaison.
J’ai également pu remarquer que la famille est souvent représentée par la mère. Le père est
habituellement en retrait et ne vient qu’occasionnellement à l’institut. Je parle alors ici
volontairement des parents, sans préciser mère ou père, car ma recherche se porte sur le
lien général que peut entretenir un professionnel avec les responsables d’un jeune accueilli.
Il peut donc s’agir de façon globale de la mère, du père, comme des frères et sœurs, ou de
toute personne ayant un rôle au foyer familial du jeune.
Un aspect très important est donc ce lien entre la maison et l’institution qui permet, à
l’adolescent souffrant de déficience mentale, d’acquérir davantage d’autonomie.
L’éducateur doit tenir compte de cet élément lors de son travail auprès des jeunes accueilli
en externat médico éducatif.
4.3 L’apport de l’éducateur
L’éducateur doit avant tout se fixer des objectifs en rapport avec le « projet individualisé ». Il
doit être « au clair » avec les actions qu’il propose à l’adolescent accueilli. En effet, pour
pouvoir faciliter le contact avec les parents, en tant que professionnel, il doit pouvoir leurs
faire des suggestions. Il doit également pouvoir observer et être capable, avec l’équipe
éducative, de faire des propositions. Je dirais même, qu’il doit montrer « l’exemple », c'est-
à-dire, avoir un esprit ouvert et communiquer. Cela se traduit par une écoute du jeune et de
ses parents, une recherche constante de solutions auprès de l’équipe pluridisciplinaire mais
aussi en dehors de l’institution.
Nous avons vu l’importance de la confiance mutuelle, l’éducateur doit en être le « moteur »
et l’entretenir.
45
De façon concrète, l’éducateur peut donner des conseils, encourager, rassurer et donner des
idées aux parents. Il doit proposer son regard objectif aux parents.
Il doit être capable d’entendre les difficultés familiales pour pouvoir ajuster son travail avec
le jeune.
Il doit être à l’affut des bonnes idées.
En effet, les parents qui racontent ce qu’ils ont fait le week-end avec leur enfant permettent
à l’équipe éducative de faire des activités similaires.
Je pense, par exemple, aux parents de Pierre qui ont racontés, sur le cahier de
liaison, une sortie en vélo de leur fils avec ses frères et sœurs.
J’ai pu « utiliser » cette information, pour mettre en place, par la suite, une activité
sportive « vélo ».
L’objectif était principalement une sensibilisation à la sécurité routière, pour
permettre à Pierre et aux autres membres du groupe de pouvoir sortir en famille.
L’éducateur possède, comme nous venons de le voir, différentes possibilités pour créer ce
lien avec les parents pour favoriser l’acquisition de l’autonomie des adolescents.
Il doit rester constamment attentif pour favoriser le contact avec les parents.
4.4 Le contact
Je voudrais maintenant réfléchir sur les différents moyens à la portée des éducateurs et des
parents pour entrer en contact. Il existe, bien sûr, tous les moyens de communication plus
ou moins utilisés en fonction de la personnalité et des commodités de chacun : le téléphone,
le courrier, le cahier de liaison, les réunions, les rendez-vous, les fêtes, les rencontres
informelles.
Lors de la troisième partie, j’ai déjà développé brièvement la fête de fin d’année et le cahier
de liaison.
Je voudrais développer maintenant, le moyen le plus classique et certainement le plus
important de rencontre entre parents et professionnels.
Il s’agit des rendez-vous. En effet, ceux-ci ont un caractère officiel et permettent à
l’éducateur de partager, expliquer et prendre des décisions avec les parents dans un souci
d’unité pour favoriser l’acquisition de l’autonomie des adolescents accueillis.
Dans l’externat médico éducatif où je travaille, il existe généralement deux rendez-vous
principaux : l’un en début d’année pour présenter les objectifs, et l’autre en fin d’année pour
46
faire un bilan et entendre les souhaits des parents pour l’année suivante. C’est généralement
l’éducateur référent qui prend ces rendez-vous avec les parents.
Cette rencontre est obligatoire et a toute son importance pour évaluer l’année écoulée et
construire l’avenir du jeune accueilli.
Au cours de l’année, des rencontres à l’initiative des parents ou de l’équipe pluridisciplinaire
pour faire un point ou en cas de problème, sont également parfois planifiées.
Je vais m’attarder, dans un premier temps, plus particulièrement sur le rendez-vous de fin
d’année.
Je parlerais ensuite de rencontres informelles ou imprévues, généralement à la porte de
l’établissement.
Ces deux types de rencontre sont très différents mais peuvent permettre de créer, cultiver
ou garder un lien constructif entre l’institution et la famille comme nous allons le voir.
4.4.1 Le bilan de fin d’année
J’ai pu conduire plusieurs de ces rendez-vous et je me baserais donc sur mon vécu.
Généralement, ces rendez-vous se sont bien passés ; les jeunes avaient fait des progrès tout
au long de l’année et les parents comme moi-même, l’avions remarqué.
Quand venait le moment de parler du projet de l’année suivante, les parents n’avaient
généralement pas beaucoup de choses à dire. Ils réclamaient souvent plus de travail scolaire
ou émettaient, par exemple, le souhait que leur enfant fasse de l’équitation, ou aille à la
piscine. Ces souhaits, par la suite, ne pouvaient pas toujours être mis en place, du fait de
certaines contraintes institutionnelles telles que le coût de ces activités, ou la disponibilité
de l’enseignante.
Je proposais alors quelques objectifs qui étaient généralement acceptés.
Lors de ces rendez-vous, il n’est pas toujours facile de partager et je me suis parfois retrouvé
à être le seul à parler, les parents n’ayant rien à dire. A contrario, certains parents parlaient
tellement que j’avais du mal à dire ce que j’avais prévu.
Je me rappelle avoir parfois été frustré après ces rendez-vous par mon impression
d’entretien « pauvre ». Il semblerait, en effet, que les parents ne s’y soient alors pas
préparés, malgré une note explicative transmise par le biais du cahier de liaison quelques
semaines auparavant.
Il me semble donc important de communiquer l’idée d’objectifs aux parents.
47
En effet, dans l’accompagnement de ces jeunes présentant une déficience mentale, il faut
parfois beaucoup de temps pour leur permettre de faire des acquisitions et avoir un objectif
permet de cibler les apprentissages.
Les rendez-vous sont aussi parfois limités par le temps. Certains parents ont du mal à venir à
cause d’un emploi du temps très chargé. Il est donc parfois nécessaire d’insister longtemps
avant d’obtenir ce rendez-vous.
Cette attitude peut devenir difficile à vivre pour l’éducateur qui sent la nécessité d’un lien
avec « la maison ».
Un autre moyen d’entrer en contact avec les parents et beaucoup moins formel sont les
rencontres spontanées devant l’établissement.
4.4.2 Entre deux portes
Des discussions s’engagent parfois « entre deux portes » ou sur le parking. Quand,
occasionnellement, les parents amènent ou viennent chercher leur enfant, la rencontre
permet parfois de discuter quelques minutes. Il m’arrive de plus en plus de profiter de ces
moments pour « cultiver » le lien avec les parents.
En effet, lors de réunions formelles, ils ne sont pas toujours disposés à parler.
Le départ ou l’arrivée du jeune se prêtent donc parfois à certains échanges, dans une
attitude sereine, sans véritable enjeux autre que le partage.
Ces moments me semblent également très importants et permettent à l’éducateur, ainsi
qu’aux parents, d’apprendre à se connaitre un peu plus.
D’autre part, il est important que le jeune voie et entende ses parents avec l’éducateur. En
effet il observera, si la relation se passe bien, une cohésion entre adultes. Il comprendra plus
facilement les raisons de certains apprentissages.
Parfois, dans une conversation, des liens entre des actions accomplis à la maison et à
l’institution peuvent être créés. Par exemple, l’acquisition de gestes quotidiens, comme se
laver les mains avant les repas peut être reprise à la maison, comme à l’institution.
Ce principe prend tout son sens pour les adolescents accueillis à l’IME quand ils font ce lien
entre l’institution et la maison. Ils peuvent ainsi comprendre les raisons des apprentissages.
Mais l’éducateur doit faire attention à garder une attitude professionnel dans ses relations
avec la famille. Il doit pouvoir placer des limites dans sa relation avec les parents.
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4.5 Les limites de l’éducateur
L’éducateur, comme chaque membre de l’équipe éducative, doit savoir garder sa place. En
effet, il arrive parfois que des parents profitent de l’oreille attentive de l’éducateur pour
raconter leur vie. Dans d’autre cas l’équipe éducative apprend la difficulté par laquelle passe
une famille.
Ces situations doivent bien entendu être prises en compte ; le jeune aura certainement un
comportement différent si sa famille passe par des moments difficiles.
L’équipe éducative devra alors adapter son action auprès de ce jeune et être plus attentive à
lui. En effet, il pourrait avoir besoin d’un soutien particulier pour l’aider à surmonter cette
période difficile.
Dans cette situation, l’éducateur aura un rôle délicat. Il pourra conseiller ces parents de
suivre, par exemple, une thérapie.
L’objectif est de permettre au jeune de vivre, bien entouré, dans un cadre favorable à son
évolution.
L’éducateur doit veiller, dans ce type de situation, à rester centré sur son objectif premier :
les apprentissages du jeune accueilli.
Le lien avec les parents doit rester un moyen cohérent pour l’acquisition de l’autonomie de
l’adolescent accueilli. Ce dernier joue également un rôle dans le lien des parents avec
l’équipe éducative, il a une influence non-négligeable sur son entourage.
4.6 Le jeune accueilli et sa famille
Il me parait important de souligner l’influence du jeune accueilli sur sa famille. En effet, les
parents souffrent plus ou moins d’avoir un enfant différent. Il ne leurs est pas toujours facile
de l’accepter tel qu’il est. Le jeune, par une attitude sereine, aidera ses parents à l’accepter
tel qu’il est. Généralement, la famille tout entière vivra mieux, si lui, « l’enfant différent » le
vit bien.
L’éducateur qui travaille avec le jeune, par sa relation avec lui et son action auprès de lui,
recherche son bien-être et essaie de l’aider à bien vivre « sa différence ».
J’ai parfois pu entendre, au retour des vacances, une mère dire de son enfant : « il était
impatient de revenir ».
Cette simple phrase démontre l’attitude du jeune. Elle rassure les parents, et peut
également les aider à accepter que leur enfant soit accueilli en IME.
49
Il est important que l’équipe éducative valorise cette attitude auprès des parents. En effet,
ne souhaitent-ils pas avant tout, que leur enfant vive bien ?
Les parents qui observent leur enfant heureux de venir à l’IME, feront d’autant plus
confiance à l’équipe éducative. Le partenariat sera donc facilité.
Dans ces conditions il est tout de même important que les parents et l’éducateur veillent à
garder un lien centré sur l’acquisition de l’autonomie du jeune accueilli sans entrer dans la
vie privée, propre à chacun.
4.7 Le respect de la vie privée
Dans la recherche de création de lien entre les parents et l’éducateur, il faut veiller au
respect de la vie privée des uns et des autres.
L’adolescent présentant une déficience mentale, n’a pas toujours le moyen d’exprimer
clairement ces souhaits. Les parents et l’éducateur sont parfois tentés de parler à sa place.
D’autre part, l’éducateur doit aborder la famille avec une attitude orientée vers une idée de
partenariat.
Les parents d’enfant handicapé sont, avant tout des parents qu’il ne faut pas réduire au seul
handicap de leur enfant. Simone Sausse l’explique ainsi :
« Réduire les handicapés et leur famille à être les victimes d’un destin malheureux, c’est les
destituer de leur statut de sujet sur le plan psychique et les priver de moyens de revendication
sur le plan politique. Il ne sera plus possible alors de dégager le sens d’une histoire et
d’interpréter la part active de chaque individu dans son devenir. 27
»
L’éducateur et les parents doivent travailler ensemble au bien du jeune, chacun selon ses
possibilités et chacun de sa place.
L’éducateur, dans son travail sur l’acquisition de l’autonomie des jeunes accueillis, doit
trouver un juste milieu pour créer le lien avec ses parents. Il doit être attentif aux
renseignements qu’il pourra utiliser pour aider le jeune, mais il doit également être sensible
à la vie privée du jeune et de sa famille par respect.
Les parents et la famille toute entière doit également veiller préserver la vie privé de
l’adolescent.
27
SAUSSE S., Le miroir brisé, p. 190
50
Garder une certaine distance entre la famille et l’équipe éducative permet également de
préserver une objectivité nécessaire à un travail sur l’acquisition de l’autonomie de
l’adolescent accueilli en IME.
Il me semble donc important que l’éducateur sache préserver la vie privée de chacun pour
avoir un regard objectif.
4.8 Un regard renouvelé
Cette recherche sur le lien avec les parents a été riche pour moi. En effet, le fait de se
pencher sur ce sujet me permet actuellement d’aborder les parents avec un nouveau regard.
La réflexion sur les thèmes de l’adolescence, de la difficulté des parents d’accepter le
handicap de leur enfant et de façon plus générale sur le lien, m’encouragent à penser les
relations avec les parents de façon plus objective.
Ma réflexion est partie de mon questionnement sur le comportement des parents, qui me
surprenait.
Certaines questions demeurent mais j’ai une meilleure compréhension de ce qu’ils vivent.
L’élaboration d’un lien reste pour moi vitale et j’en vois plus que jamais la nécessité.
Travailler l’autonomie avec des adolescents présentant une déficience mentale, accueillis en
externat médico éducatif s’avère d’une grande richesse, mais ce travail ne peut se faire de
façon efficace sans prendre en compte l’entourage.
Créer, cultiver et garder le lien avec les parents, me semble donc primordiale.
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5 Conclusion
Créer du lien !
Ce terme est souvent employé dans le milieu du social. L’éducateur en crée avec les
adolescents accueillis en externat médico éducatif, mais aussi avec les parents ! Il peut
même réfléchir à cultiver et garder ces liens, une fois créés !
L’éducateur qui travaille en IME a pour mission de travailler sur les objectifs du jeune
accueilli.
Mais peut-il se concentrer uniquement sur cet adolescent ?
Ne doit-il pas également prendre en compte son environnement tout entier pour essayer de
l’aider véritablement ?
Au sein d’un IME, l’éducateur est souvent dans l’action. En effet, les jeunes sont présents sur
le groupe, du matin au soir, sans laisser véritablement le temps à l’éducateur pour prendre
du recul. Il faut pourtant qu’il puisse élaborer des actions concertées avec l’équipe
pluridisciplinaire, en lien avec le projet individuel de chaque jeune. Dans ce souci de prise en
compte de tout l’environnement du jeune, la question suivante prend tout son sens :
« Comment l’éducateur peut-il créer des liens avec les parents pour faciliter les
acquisitions de l’autonomie d’adolescents souffrant de déficience mentale, accueillis au
sein d’un externat médico éducatif ? »
La famille joue un rôle important dans la vie des jeunes accueillis en externat. Le lien entre
l’équipe éducative et les parents est donc primordial pour favoriser les différentes
acquisitions de l’autonomie de l’adolescent.
Le lien avec les parents permet une complémentarité de l’action sur l’autonomie des jeunes
accueillis. L’autonomie s’apprend depuis le plus jeune âge, à la maison comme au sein d’un
établissement.
Permettre une continuité dans les actions entre le foyer familial et l’externat médico
éducatif favorise ces apprentissages.
L’éducateur, dans ce souci de bien être du jeune, peut réfléchir aux moyens d’avoir un lien
avec l’entourage du jeune accueilli. Il utilise les moyens institutionnels mis à sa disposition
telle que des rendez-vous, mais peut également profiter de chaque opportunité pour
favoriser, créer et garder le contact avec les parents.
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Pour accomplir cette tâche, l’éducateur doit être sensible à plusieurs paramètres :
- Le jeune qui passe par une période particulière de la vie : l’adolescence. Le passage du
statut d’enfant à celui d’adulte prend un certain temps et modifie entre autre, ses pensées
et son caractère. Les relations avec ses parents peuvent également devenir difficiles pendant
cette période. L’éducateur peut alors essayer de faire le lien entre l’adolescent et ses
parents.
- La propre personnalité des parents ainsi que leur souffrance intérieure plus ou moins
importante d’avoir un enfant différent influent sur leurs comportements. Les attitudes des
parents sont parfois révélatrices de cette souffrance. Ils essaient alors de masquer le
handicap de leur enfant ou semblent baisser les bras. La conduite de ces parents face aux
éducateurs est bien souvent faussée par ce désir de normalité pour leur enfant.
La confiance réciproque est nécessaire pour un bon partenariat entre parents et éducateur.
Ce dernier doit être le « moteur » de ce lien sur le travail de l’acquisition de l’autonomie. Les
parents, comme l’éducateur, travaillent selon leurs moyens à cela.
Il me semble indispensable à l’éducateur de créer ce lien avec les parents. En effet, la
continuité des apprentissages entre l’institution et « la maison », a toute son importance
pour permettre à l’adolescent présentant une déficience mentale, de garder des repères
nécessaire à une bonne acquisition de l’autonomie.
Ce lien entre parents et éducateur doit se faire dans une recherche constante des besoins et
des désirs du jeune ainsi que dans un respect mutuel de la vie privée de chacun.
L’éducateur travaillant en externat médico éducatif se trouve donc face à un défi : élargir
son action à l’environnement du jeune accueilli en créant, cultivant et gardant le lien avec les
parents pour favoriser l’acquisition de l’autonomie de l’adolescent présentant une
déficience mentale.
N’est ce pas là, la véritable mission de l’éducateur spécialisé ?
53
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