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74e ANNEE- No 4246 27 SEPTEMBRE 1959 JOIJRNU LIRE EN CHRONIQUE JUDICIAIRE : HEBDOMADAIRE JUDICIAIRE ÉDITEURS: Edmond Picard 1882 • 1899 Léon Hennebicq 1900 • 1940 !liAISON FERD. LARCIER, S. A. Cours et conférences : l'Union internationale des avo- cats à Dubrov•nik. - Les mutuelles. - Opinions : Les arrêtés de Californie. - Thémis et les Muses : Com- pensation. - Bibliographie : «Ambroise. Chronique d'un Liégeois en France, 1770-1827 », de Léon Delange- Janson. - « Procédu!'e civile - Droit pén•al - Procé- dure pénaJ.e », par Claude Giveroon et Jean Larguler. - Courtier des Revues. - Coups de règle. - Notes 39, rue Minimes BRUXELLES Considérations historiques et d'actualité sur les circonstances atténuantes et la correctionnalisation en Belgique(*) D'après l'Institut national de Statistique, les tribunaux corr&tionnels du seul ressort de !.a Conr .d'4pp.el..de Bruxelles ont _1955, 1.947 prévenus et, ·en ,1956, 2.193 prévenn5 qui répondaient de crimes correctionnalisés ( 1). Les Cours d'assises de ce même ressort ont jugé en 1955, 13 et en 1956, 12 accusés. Soit annuellement, une douzain·e d'accusés en regard des quelque 2.000 auteurs de crimes «dénatura- lisés » jugés par loe tribunaux correctio·nnels ( 2). Dans une ·mercuria1e prononcée à l'audience de rentrée de votre Cour, il y aura quatre-vingt- six ans, le 15 octobre 18 73, M. le procuren•r général Fr. de le Court faisait état pour l'année judiciaire 1872-18 73, d'un total de 480 causes impliquant 659 préven.us, jugées par les tribu- naux correctionnels du ressort de cette Cour d'appel concernant des crimes correctionnalisés, alors que les trois Cours d'assises du ressort jugeaient encore 75 affaires ( 3). C'étaient les vols qualifiés qui faisaient, pou 1 r la p•lus grande p·art, l'objet des couectionnali- sations ordonntes par les juridictions d' instruc- tion; les attentats à la pudeur, les faux et, en n·ombre moindre, tes banqueroutes frauduleuses constituaient ensuite presque I' entièreté du sur- plus crimes renvoyés devant les tribunaux correctionnels. De nos jours, .ce sont encore ces mêmes infrac- tions qui sont, presque sans excep.tion, « dé.natn· ralisées »• pour être devant ces tribu- naux. Sans dont·e, la proportion des crimes de faux enregistre-t-elle une forte progression parmi ces infractions ( 4). . .. La pratique judiciaire faisant •usage, ·mez · nous, de certains moyens légaux, tend, depuis longtemps, à ne déférer aux Cours d'assises que les rares agissements qui possèdent vraiment le caractère de crime .suivant l'acception profane de ce terme. La prétention du législateur d'imprimer la marque de crime aux infractions qu'il rendait (*) Mercuriale prononcée à l'audience solennelle de rentrée de la Cour d'appel de Bruxelles, le 1"" septembre 1959. (1) « Statistiques judiciaires » établies par l'Insti· tut national de Statistique. (2) Suivant M. Sasserath, pour les années 1931 à 1940, le procédé de la correctionnalisation des cri- mes en Belgique a eu pour effet le renvoi de 26.728 prévenus deyant les tribunaux correctionnels sur les 27.164 qui étaient prévenus d'infractions passibles de peines criminelles, soit 98,40 % · Nove/les, pro· cédure pénale, Introduction, p. 24. (3) « De la correctionnalisation des crimes », pp. 44 et s. et p. 64 ·de l'impression ordonnée par la Cour; B. J., t. XXXI, col. 1566 ·et s. (4) Conséquence des transformations économiques et sociales. Celles-ci ont créé des conditions propres à susciter la multiplication de fraudes susceptibles d'être considérées sous l'angle du faux intellectuel, et propices, du même coup, à un certain développe- mènt juridique de cette notion. passibles de peines criminelles, s'est avérée vaine et son effort stérile. Il y . a .là une sorte .de acquise et qui affecte précisément, parmi les infractions constitllltives de crime à l'état abstrait, toutes celles qui se commettent le plus fréquemment. Il me semble intéressant <k retracer l' o.rigine et les étapes de ce phénomène. Son évolution qui est venue troubler la belle ordonnance de nos institutions pénales, n'a pu être contenue par la forte cohésion de celles-ci. Mais cette même cohésion rend difficile la ré- forme législative qui réadapterait notre droit pénal aux conditions et aux exigences présentes de l'exercice de la répression .. Nos codifications, qui ont été saluées comme un immense progrè5, révèlent à l'expérience un sérieux ·inconvénient : l'unité de teu'r structure rend malaisé le « désengagement,, que postulent des transformations essentielles. C'est, dans ces conditions, que l'on entend qualifier d'expédient ( 5) la solution qui permet chez nous, aux juri.dictions d'instruction, de soustraire légalement à la Cour d'assises, par l'invocation des circonstances ·atténuantes, des infractions que le Code punit <k peines crimi- nelles. . .. L'on sait que, sous t'ancien régime, l'incrimi- nation était, en principe, abandonnée à la con- science du juge. Celui-ci avait •le pouvoir de châtier tons les faits qui lui paraissaient mériter d'être répdmés. Ce pouvoir n'était que peu tempéré par un certain respect de la jutisprudence et par >l'autorité des oeuvres des grands crimina- listes . Cet arbitraiu du juge, il l'exerçait encore beaucoup plu·s -1ibrement dans -détermination de la peine. Ce système prêtait évidemment aux plus criants abus ( 6) . C'est contre cet du• juge et en faveur de la toute puissance de la 4oi, que les philo- sophes du XVIII• siècle se sont insurgés. A la Révolution, lenoe théories trouvèrent •leur expres- sion dans la loi du 25 septem.bre - 6 octobre 1 7 91 qui établit le système des pein€S fixes en matière c.ri:minelle. Ainsi,le faux en écritures pri- vées est puni de quatre ans dii fers. La peine fixe, c'est en réa-lité 1a danse péna'le du « Coutrat social». La réaction contre l'arbitraire aboutit donc à une sol.ution qui place Je juge dans l'im- possibilité de tenir compte ni oe la gravité réelle de l'infraction, ni du de res.ponsabilité, ni du caractère plus ou moins dangereux pour la société de l'auteur ( 7). (5) C.E. R. E., Réforme de la procédure, t. Ill, p. 29; - Sasserath : « L'abus de la correctionnali- sation par l'application systématique des circonstan- ces atténuantes », R. D; P., 1937, p. 286; « La cor- rectionnalisation », R. D. P., 1955-1956, p. 219. ( 6) E. Garçon, Le droit pénal (Origine Evolu- tion Etat Payot, 1922, pp. 69, 73, 74; - A. Prins, Science pénale et droit positif, p. 273· (7) Donnedieu de Vabres, Droit criminel, 1'" éd., p. 36; - Schuind; éd. 1944, t. 1er, p. 17. de législation. - Echos. Le juge, dès l'instant il constatait .t'exis- tence de l'infraction, ne pouvait qu'appliquer le sen•l châtiment par le Code des crimes. Raisonnant dans l'absolu, le législateur révolu- tionnaire entendait consa·crer ainsi le triomphe du principe enfin rec.onn u. de la légalité des incri- lJ!inations et des peines ( 8). Ce système faisait fi des réalités, c'est-à-dire des degrés infiniment variables, tant de la n:s- ponsabil'ité des que de la gravité ob- jective .des infractions à une même disposition pénale, suivant la diversité des circonstances qui les accompagnent. Aussi, le pénal de 181 0, qui nous a régi jusqu'en 18 6 7, ne maintient-il déjà plus le système des peines fixes que pour peines perpétuelles. Toutes les ,peines ·temporaires com- portaient un maximum et nn minimum entre lesquels le juge pouvait se mouvoir. Par ailleurs, l'introduction du jury dans la procédure criminelJe, à l'imitation de l'Angleterre, fut aussi cansidérée .comme l'une des grandes conquêtes réa1isées par la législation révolution• naire. Son in·stitntion signifiait l'exclusion du système des preuves légales en matière criminelle. Quels que puissent être les inconvénients de cette institution et les reproches que r on a pu formurler à son encontre ( 9), l'intervention du jury, qui délibère secrètement et qui n'est pas tenu de justifier sa conviction, a eu le mérite, à certaines époques, oe faire apparaître [e dés- ac<ord qui pouvait naître eurre le droit répressif et les réa·ctions de 'la conscience coll&tive ( 1 0) Le fait a pu être maintes fois constaté; dès l'instant les jurés sont mis dans l'alternative ou de provoquer par u.n verdict affirmatif l'ap- plication d'une peine qui leur paraît dépasBer la mesn<re, ou d'acquitter le coupable, il faut s'attendre à les voir opter ponr cette dernière sc>lution sans être le moins du monde embarrassés d'evoir dénier l'évidence la plus caracté- risée (II). Le rigoureux du Code pénal de 181 0 est notoire. Ce Code qui voulait assurer la sécu- rité sociale .par l'intimidation prévoyait encore des peines humiliantes telles que b marque, le carca.n, J'exposition publique. Le vol domestique, par exemple, est érigé en crime ( 1 2) L' arti- de 309, -de son ·côté, punissait '<le la ndnsion les aruteurs .de coups et blessnt'es volontaires lors- que l'incapacité de .travail de la victime dépassait vingt jours ( 13) . Dès la chute de l'Empire, l'excessive rigueur des peines qui, bien souvent, faisait apparaître comme inique l'application même du minimum légal, eut cette conséquence d'énerver la répres- sion ( 14). (8) E. Garçon, loc. cit., p. 92. (9) Voy. à cet égard l'exposé particulièrement complet figurant en tête du projet de réforme éla· boré par le C.E. R. E., Réforme de la procédure, t. III, pp. 7 et s. (1o) Roux, Cours de droit pénal et de procédure pénale, éd. 1920, pp. 475-476. (II) Jean Signorel. De la correctionnaJisation des crimes, Paris, 1907, p. 4; - Garçon, loc. cit., p. 93; Bouzat, Traité théorique et pratique de droit pénal, pp. 107 et 108. (12) Passible de la réclusion : art. 386 du Code de 1810. Sous l'ancien régime, le vol domestique était puni de mort, voy. Chauveau et Hélie, Théorie du Code pénal, Brux., 1845, t. II, n° 3211. (13) Chauveau et Hélie, loc. cit., t. Il, p. II7, no 2554· (14) « L'exagération des peines légales conduit, en réalité, à l'énervement de la répression parce

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74e ANNEE- No 4246 27 SEPTEMBRE 1959

JOIJRNU LIRE EN CHRONIQUE JUDICIAIRE :

HEBDOMADAIRE JUDICIAIRE

ÉDITEURS: Edmond Picard

1882 • 1899

Léon Hennebicq

1900 • 1940

!liAISON FERD. LARCIER, S. A.

Cours et conférences : l'Union internationale des avo­cats à Dubrov•nik. - Les mutuelles. - Opinions : Les arrêtés de Californie. - Thémis et les Muses : Com­pensation. - Bibliographie : «Ambroise. Chronique d'un Liégeois en France, 1770-1827 », de Léon Delange­Janson. - « Procédu!'e civile - Droit pén•al - Procé­dure pénaJ.e », par Claude Giveroon et Jean Larguler. - Courtier des Revues. - Coups de règle. - Notes

39, rue d~ Minimes BRUXELLES

Considérations historiques et d'actualité sur les circonstances atténuantes

et la correctionnalisation en Belgique(*) D'après l'Institut national de Statistique, les

tribunaux corr&tionnels du seul ressort de !.a Conr .d'4pp.el..de Bruxelles ont j!lgé~en _1955, 1.947 prévenus et, ·en ,1956, 2.193 prévenn5 qui répondaient de crimes correctionnalisés ( 1).

Les Cours d'assises de ce même ressort ont jugé en 1955, 13 et en 1956, 12 accusés. Soit annuellement, une douzain·e d'accusés en regard des quelque 2.000 auteurs de crimes «dénatura­lisés » jugés par lœ tribunaux correctio·nnels ( 2).

Dans une ·mercuria1e prononcée à l'audience de rentrée de votre Cour, il y aura quatre-vingt­six ans, le 15 octobre 18 73, M. le procuren•r général Fr. de le Court faisait état pour l'année judiciaire 1872-18 73, d'un total de 480 causes impliquant 659 préven.us, jugées par les tribu­naux correctionnels du ressort de cette Cour d'appel concernant des crimes correctionnalisés, alors que les trois Cours d'assises du ressort jugeaient encore 75 affaires ( 3).

C'étaient les vols qualifiés qui faisaient, pou1r la p•lus grande p·art, l'objet des couectionnali­sations ordonntes par les juridictions d' instruc­tion; les attentats à la pudeur, les faux et, en n·ombre moindre, tes banqueroutes frauduleuses constituaient ensuite presque I' entièreté du sur­plus d~s crimes renvoyés devant les tribunaux correctionnels.

De nos jours, .ce sont encore ces mêmes infrac­tions qui sont, presque sans excep.tion, « dé.natn· ralisées »• pour être renvoy~es devant ces tribu­naux. Sans dont·e, la proportion des crimes de faux enregistre-t-elle une forte progression parmi ces infractions ( 4). . ..

La pratique judiciaire faisant •usage, ·mez · nous, de certains moyens légaux, tend, depuis longtemps, à ne déférer aux Cours d'assises que les rares agissements qui possèdent vraiment le caractère de crime .suivant l'acception profane de ce terme. La prétention du législateur d'imprimer la marque de crime aux infractions qu'il rendait

(*) Mercuriale prononcée à l'audience solennelle de rentrée de la Cour d'appel de Bruxelles, le 1"" septembre 1959.

(1) « Statistiques judiciaires » établies par l'Insti· tut national de Statistique.

(2) Suivant M. Sasserath, pour les années 1931 à 1940, le procédé de la correctionnalisation des cri­mes en Belgique a eu pour effet le renvoi de 26.728 prévenus deyant les tribunaux correctionnels sur les 27.164 qui étaient prévenus d'infractions passibles de peines criminelles, soit 98,40 % · Nove/les, pro· cédure pénale, Introduction, p. 24.

(3) « De la correctionnalisation des crimes », pp. 44 et s. et p. 64 ·de l'impression ordonnée par la Cour; B. J., t. XXXI, col. 1566 ·et s.

(4) Conséquence des transformations économiques et sociales. Celles-ci ont créé des conditions propres à susciter la multiplication de fraudes susceptibles d'être considérées sous l'angle du faux intellectuel, et propices, du même coup, à un certain développe­mènt juridique de cette notion.

passibles de peines criminelles, s'est avérée vaine et son effort stérile.

Il y . a .là une sorte .de ~vaiuation acquise et qui affecte précisément, parmi les infractions constitllltives de crime à l'état abstrait, toutes celles qui se commettent le plus fréquemment.

Il me semble intéressant <k retracer l' o.rigine et les étapes de ce phénomène. Son évolution qui est venue troubler la belle ordonnance de nos institutions pénales, n'a pu être contenue par la forte cohésion de celles-ci.

Mais cette même cohésion rend difficile la ré­forme législative qui réadapterait notre droit pénal aux conditions et aux exigences présentes de l'exercice de la répression ..

Nos codifications, qui ont été saluées comme un immense progrè5, révèlent à l'expérience un sérieux ·inconvénient : l'unité de teu'r structure rend malaisé le « désengagement,, que postulent des transformations essentielles.

C'est, dans ces conditions, que l'on entend qualifier d'expédient ( 5) la solution qui permet chez nous, aux juri.dictions d'instruction, de soustraire légalement à la Cour d'assises, par l'invocation des circonstances ·atténuantes, des infractions que le Code punit <k peines crimi­nelles. . ..

L'on sait que, sous t'ancien régime, l'incrimi­nation était, en principe, abandonnée à la con­science du juge. Celui-ci avait •le pouvoir de châtier tons les faits qui lui paraissaient mériter d'être répdmés. Ce pouvoir n'était que peu tempéré par un certain respect de la jutisprudence et par >l'autorité des œuvres des grands crimina­listes .

Cet arbitraiu du juge, il l'exerçait encore beaucoup plu·s -1ibrement dans -~la -détermination de la peine. Ce système prêtait évidemment aux plus criants abus ( 6) .

C'est contre cet arbitrai~e du• juge et en faveur de la toute puissance de la 4oi, que les philo­sophes du XVIII• siècle se sont insurgés. A la Révolution, lenœ théories trouvèrent •leur expres­sion dans la loi du 25 septem.bre - 6 octobre 1 7 91 qui établit le système des pein€S fixes en matière c.ri:minelle. Ainsi,le faux en écritures pri­vées est puni de quatre ans dii fers. La peine fixe, c'est en réa-lité 1a danse péna'le du « Coutrat social». La réaction contre l'arbitraire aboutit donc à une sol.ution qui place Je juge dans l'im­possibilité de tenir compte ni œ la gravité réelle de l'infraction, ni du d~gré de res.ponsabilité, ni du caractère plus ou moins dangereux pour la société de l'auteur ( 7).

(5) C.E. R. E., Réforme de la procédure, t. Ill, p. 29; - Sasserath : « L'abus de la correctionnali­sation par l'application systématique des circonstan­ces atténuantes », R. D; P., 1937, p. 286; « La cor­rectionnalisation », R. D. P., 1955-1956, p. 219.

( 6) E. Garçon, Le droit pénal (Origine • Evolu­tion • Etat ac~~tel), Payot, 1922, pp. 69, 73, 74; -A. Prins, Science pénale et droit positif, p. 273·

(7) Donnedieu de Vabres, Droit criminel, 1'" éd., p. 36; - Schuind; éd. 1944, t. 1er, p. 17.

de législation. - Echos.

Le juge, dès l'instant où il constatait .t'exis­tence de l'infraction, ne pouvait qu'appliquer le sen•l châtiment dét~rminé par le Code des crimes.

Raisonnant dans l'absolu, le législateur révolu­tionnaire entendait consa·crer ainsi le triomphe du principe enfin rec.onn u. de la légalité des incri­lJ!inations et des peines ( 8).

Ce système faisait fi des réalités, c'est-à-dire des degrés infiniment variables, tant de la n:s­ponsabil'ité des individu~. que de la gravité ob­jective .des infractions à une même disposition pénale, suivant la diversité des circonstances qui les accompagnent.

Aussi, le Cod~ pénal de 181 0, qui nous a régi jusqu'en 18 6 7, ne maintient-il déjà plus le système des peines fixes que pour ~es peines perpétuelles. Toutes les ,peines ·temporaires com­portaient un maximum et nn minimum entre lesquels le juge pouvait se mouvoir.

Par ailleurs, l'introduction du jury dans la procédure criminelJe, à l'imitation de l'Angleterre, fut aussi cansidérée .comme l'une des grandes conquêtes réa1isées par la législation révolution• naire. Son in·stitntion signifiait l'exclusion du système des preuves légales en matière criminelle.

Quels que puissent être les inconvénients de cette institution et les reproches que r on a pu formurler à son encontre ( 9), l'intervention du jury, qui délibère secrètement et qui n'est pas tenu de justifier sa conviction, a eu le mérite, à certaines époques, œ faire apparaître [e dés­ac<ord qui pouvait naître eurre le droit répressif et les réa·ctions de 'la conscience coll&tive ( 1 0) •

Le fait a pu être maintes fois constaté; dès l'instant où les jurés sont mis dans l'alternative ou de provoquer par u.n verdict affirmatif l'ap­plication d'une peine qui leur paraît dépasBer la mesn<re, ou d'acquitter le coupable, il faut s'attendre à les voir opter ponr cette dernière sc>lution sans être le moins du monde embarrassés d~ d'evoir dénier l'évidence la plus caracté­risée (II).

Le caractè~e rigoureux du Code pénal de 181 0 est notoire. Ce Code qui voulait assurer la sécu­rité sociale .par l'intimidation prévoyait encore des peines humiliantes telles que b marque, le carca.n, J'exposition publique. Le vol domestique, par exemple, est érigé en crime ( 1 2) • L' arti­de 309, -de son ·côté, punissait '<le la ndnsion les aruteurs .de coups et blessnt'es volontaires lors­que l'incapacité de .travail de la victime dépassait vingt jours ( 13) .

Dès la chute de l'Empire, l'excessive rigueur des peines qui, bien souvent, faisait apparaître comme inique l'application même du minimum légal, eut cette conséquence d'énerver la répres­sion ( 14).

(8) E. Garçon, loc. cit., p. 92. (9) Voy. à cet égard l'exposé particulièrement

complet figurant en tête du projet de réforme éla· boré par le C.E. R. E., Réforme de la procédure, t. III, pp. 7 et s.

(1o) Roux, Cours de droit pénal et de procédure pénale, éd. 1920, pp. 475-476.

(II) Jean Signorel. De la correctionnaJisation des crimes, Paris, 1907, p. 4; - Garçon, loc. cit., p. 93; Bouzat, Traité théorique et pratique de droit pénal, pp. 107 et 108.

(12) Passible de la réclusion : art. 386 du Code de 1810. Sous l'ancien régime, le vol domestique était puni de mort, voy. Chauveau et Hélie, Théorie du Code pénal, Brux., 1845, t. II, n° 3211.

(13) Chauveau et Hélie, loc. cit., t. Il, p. II7, no 2554·

(14) « L'exagération des peines légales conduit, en réalité, à l'énervement de la répression parce

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Aussitôt après la séparation de .Ja Belgique de la France, le Prince souvèrain des Provinces Unies se préoccupa de desserrer les bornes trop étroites qui limitaient l'appréciation du juge dans l'application de.s peines criminelles ( 15).

Dans -Ies cas où le Code prévoyait la peine de la réoJ,usion et si le préjudice causé n'excède pas 50 francs, l' arrêté-:Joi du 9 septembre 1814 permit tout d'abord c: si les circonstances sont atténuantes ». de prononcer cette peine « sans la faire .précéder de l'exposition publique, ou même de la réduire à un emprisonnement qui ne pourra être au-dessous de huit jours »1.

L'arrêté-loi -du 20 janvier 1815, quelques mois plus tard. prévoit que:.« A l'avenir, dans tous les cas où l' applkation de la peine des travaux forcés à temps portée par le Code pénal, serait disproportionnée en raison de l'exiguïté du crime, ou lorsque le coupable mériterait une di­minution ou modération considérable de peine, soit à cause de son jeune âge, soit parce qu'il aurait été séduit par· d'autres personnes, soit epfin pour quelqu'autre circonstance militant en sa .faveu'r, .Je.s juges sont autorisés à commuer cette peine en -celle de la réclusion et même à exempter le coup-able de l'exposition publique, en osant toutefois de cette faculté avec la plus grande. circonspection et en exprimant iles cir­constances qui ont motivé cette commutation ». . Ces . arrêtés qui on.t été. appelés « bienfai­sants» ( 16) nous ont fait entrer d'une façon plus nette que la France et avant celle-ci, dans la voie' d'une réforme import'!nte ( 17).

L'on peut y voi-r on premie.r jalon appré­ciable dans la voie de l' individoali.sation des peines qui,' depuis, n'a cessé de s'élargir et qui constitue la tendance dominante de ·nos con­ceptions péna·les modernes.

A ce stade cependant, cette réforme n'affecte pas la compétence des juridictions répressive.s;

Elle entame à peine cette architecture symé­trique qui, en regard de la division tripartite des infractions et des_ peines, réserve exclusivement aux Cours d'assises, seules aptes à prononcer des peines ·criminelles, Ies crimes, c'est-à-dire les in­fractions que la loi punit d'one peine criminelle; comme die réserve de la même manière aux tribunaux correctionnels les délits, et aux tribu­naux de police les contraventions.

Si ta juridiction c-riminelle se voit reconnaître un pouvoir ·limité d'appliquer des peines correc­tionnelles -à certains crimes, et si on certain pou­voir avait :ctéjà été reconnu: aux tribunaux cor­rectionnels de prononcer des ,peines d'e po­lice ( 18), il est ~ncore exdu, par contre, que le tribunal correctionnel poisse être saisi de faits que le Code sanctionnait de .peini!s criminelles; ou que le tribunal de police puisse être appelé à juger des faits qui étaient punissables de peines correctionnelles.

Après 1830, le jory qui avait été supprimé sous le _régime hoHandais, fut rétabli ( 19).

Dès lors, s'il y avait lieu de po01rsoivre l'au­teur d'on vol domestique relativement peu, im­portant; ou l'auteur de coups volontaires ayant e-ntraîné one incapacité de travarl dé 21 jours ou davantage, il bilait se résoudre à les traduire en Cour d'assises.

Plutôt que d'en arriver là, les magistrats pré­férèrent avoir recours à on procédé grâce a;uqoel

qu'on ne les applique plus », Garçon, ibid. - C'est un phénomène souvent constaté : « L'institution de châtiments trop durs, qui ne sont pas d'accord avec le sentiment public, a pour conséquence l'énerve­nient de la répression •· Donnedieu de Vabres, loc. cit., p. 44·

(15) L'article 463 du Code pénal de 18.1o autori­sait par contre les tribunaux, · si les circonstances sont atténuantes et si le préjudice n'excède pas 25 F, à réduire aux peines de police l'emprisonnement et l'amende comminés par ce Code et à les prononcer séparément.

(r6) Haus, 3• éd., n° 843; ~ Nypels et Servais, t. rer,. éd. 1938, P· 356. · (17) La correctionnalisation légale en France ne débutera que par l'effet de la loi du 25 juin r824 et encore, d'une manière « mesctuine et étroite )). Jean Signorel, loc. cit., p. 4·

(r8) Art. 463 do Code de t8ro. (r9) Art. 98 de la Constitution.

de nos jours encore en France, les juridictions correctionneUes sont -saisies d'one masse de faits constituant des crimes à l'état abstrait mais dont il ne saurait être question d'encombrer les Cours d'assises. -

Plutôt que de renvoyer devant la Cour d'assi­ses l'auteur de coups ayant occasionné one in­capacité de -travail de 21 jours, comme r exigeait la peine de reclusion portée _par l'artide 309 d'o Code de 1810, nos juridictio-ns d'instruction considéraient que l'i-ncapacité -de travail n'avait été que de 20 jours et renvoyaient l'auteur devant le tribunal correctionnel ( 20).

En matière de vols qualifiés, il suffira de faire abstraction de la circonstance agg-ravante qui élève le vol à b hauteur d'on crime, par exemple la -circonstance de domesticité sous J'empire du Code de 181 0 ( art. 3 8 6) •

S'il s'agit d'un faux dont il a été fait usage pour commettre noe escroquerie, l'on se borne à relever cette dernière prévention; ou bien, l'on ne relève que l'outrage public aux mœurs sans qualifier les faits d'attentat à b pudeur dont procède dans la réalité f offense faite à la pudeur publique •. c· est ce procédé que la doctrine fran­çai~e dénomme la correctionnalisatioo « judi­ciaire » par opposition à la correctionnalisation « légale » ( 21). Elle se réalise de l'accord des justiciables aussi bien que des magistrats do parquet et dll siège qui sont appelés à connaître du fond des poursuites.

- Cette pratique est même, à certains_ moments, encouragée par la Chancellerie préoccupée d' assu­rer l'exercice d'une justice rapide, efficace et économique ( 22).

Dès l'instant où les faits ne revêtent qu'un caractère de gravité relatif et où il faut consi­dérer que la ju·ridiction compétente ne devrait équitablement les sanctionner que d'one peine inférieure à celles qui lui sont propres, l' obli­gation de recourir à un expédient fût-il peu jus­tifiable en principe, n'a po empêcher cette pra­tique de b correctionnalisation dite judiciaire.

A la différence de la France, les pouvoirs po­blies se soucièrent rapidement en Belgique de légaliser le système dont i•ls reconnaissaient par ailleurs l'utilité. Da'OS une dépêche qu'il adresse. Je 16 avril 1835, aux .procureurs généraux, M. Ernst, ministre de la Justice, constate que « dans plusieurs arrondissements, les chambres du conseil apprécient souvent les circonstances atténuantes qui militent en faveur des coupables de faits qo•alifiés crimes par les lois et guidées par cette équitable appréciation, elles se bornent surtoUt lorsque le préjudice causé est- de peu d'importance, à ordonner le renvoi en police correctionne-lle. '

» Loin de paraître avoir été la cause de quel­qu'abos, ·Cet usage permet aux tribunaux où il est reçu eu pratique, de concourir à améliorer le service des Cours d' assise.s dont la solennité et les lenteu•rs d'instruction ne sont ainsi réservées qu'aux malfaiteurs indignes de toute i·nd·ol-gence. » .

Et le ministre consulte le.s procureurs généraux « afin d'introduire dans nos •lois pénales la sanc­tion d'un usage dont les résultats sont recon·nos aussi utiles ... » (23).

L'idée était en marche de permettre aux juri­dictio•ns d'instruction de « correctio-nnaliser », c'est-à-dire de déclasser légalement, en les défé­rant a1n tri.bimal correctionnel. les crimes pas­sibles de la ·réclusion que la Cour d'assises elle­même. par application de J'arrêté-loi do 9 sep­tembre 1814, pouvait sanctionner d'one peine correctionnelle «si les -circonstances étaient atténuantes».

(2o) Timmermans, Comm~ntaires d~ la loi du 4 octobre 1867. - Introduction, pp. VI et s.

(21) Signorel, loc. cit., pp. ro et s.; - Bouzat, loc. cit., pp. ro7-ro8. - Voir les rapports présen­tés aux journées franco-belgo-luxembourgeoises de science pénale à Paris, les 25 et 26 novembre 1955, par M. Marcel Caleb, procureur de la République à Lille, ll..D.-P., 1955-1956, p. 156 et par M. Cha­vanne, professeur à la Faculté de droit à Alger, p. 200.

(22) Bouzat, ibid.; - Timmermans, loc. cit., p. VII, note r; - Signorel, loc. cit., pp. 5 et 6.

(23) Circulaires du ministre de la Justice, 3• série, I830-1835, p. 452, no 581.

L'occasion de la réaliser, ce fut l'élaboration de la loi sor l'organisation do jury, à laquelle, suivant le Congrès national, il était nécessaire de pourvoir, « et dans le plus court délai pos­sible» ( 24) •

C'est ainsi que les articles 26 et 27 de la loi du 15 mai 18 3 8 ·sur le jury reconnurent aux juridictions d'instruction le droit de renvoyer devant la juridiction correctionnelle l'auteur d'on fait punissable de la réclusion si elles étaient d'avis qu'il y avait lieu de commuer cette peine en ceHe de l'emprisonnement. En usant de ce pouvoir, ces juridictions devaient exprimer «les circonstances atténuantes et le préjudice causé». Le législateur avait pris soin de prévoir que le tribunal de police correctionnelle devant \lequel le prévenu est renvoyé « ne pourra décliner sa compétence en ce qui •concerne les circonstances atténuantes et le .préjudice causé ».

C'était là une innovation remarquable et one solution entièrement originale imaginée par le législateur belge. Si d'autres légis1.a·tions ,s'em­pre.ssèrent de la loi emprunter ( 25), la France, elle, ne l'adopta pas.

Dans notre pays, le système légal ainsi instauré a permis l'abandon do procédé pore­ment empirique _qui. continue, de nos jours encore en France, à -résoudre le· même problème.

Le législateur belge n'attendit pas pour éten­dre davantage la faculté accordée à la chambre du conseil et à la· chambre des mises en accu­sation.

La loi do 15 mai 1849 sur l'organisation des Cours d'assises, vint permettre la correction­nalisation non plus seulement des crimes punis de la réclusion, mais aussi dé ceux qui étaient punis des travaux forcés à temps.

Toutes les infractions punies de peines crimi­nelle.s tempora-ires pouvaient, dès iors, en cas de circonstances atténuantes, être sanctionnées de peines correctionnelles ( 26) et le législateur, restant logique avec .)ni-même, étendit dans la même mesure la facol'té accordée aux juridictions d'instruction d'admettre les circonstances atté­nuantes et d'ordonner le renvoi devant le tri­bunal correctionnel.

L'on serait tenté de s'étonner : cette !légis­lation paraît, en effet, beaucoup plus large quant aux effets des circonstances atténuantes que le système actuel ( 27). Celui-ci n'admet qu' exceptionnel.Jement la correctionnalisation par ra juridiction d'instruction des crimes passibles d'on maximum de vingt ans de travaux forcés ( 28). Par ailleurs, il n'est pas permis aujourd'hui d'appliquer des peines d'emprison­nement aussi réduites en cas de commutation des travaux forcés à temps ( 29). Mais n'oublions pas que le régim-e actod des circonstances atté­nuantes s'applique à des peines dont le légis­lateur loi-même a sensiblement atténué la rigueur par la mise en vigueur d'un -nouveau Code pénal en 1867.

Jusqu'en 1867, la loi du 15 mai 1849 con­tinuera à régir la m:a.tière. De sorte que les crimes punis de peines. criminelles invariables pa-r leur nature, c'est-à-dire la peine :ete mort et les peines privatives de liberté perpétuelles, ne com­portaient aucune possibilité de réduction en raison de cioconstances atténuantes. Pour ces crimes, jusqu'à la disparition do Codé de 1810, sera maintenu chez nous, à l'état po.r, iJe régime de la peine fixe.

C'est ainsi que la peine de mort était, jus­qu' en 18 6 7, la sanction absolumen-t inéloc.table

(24) Art. 139, 2°, de la Constitution. (25) Timmermans, loc. cit., p. XXXI et note r. (26) Les circonstances atténuantes permettaient de

commuer les travaux forcés à temps en réclusion ou en emprisonnement de 6 mois au moins; de commuer •la réclusion en emprisonnement de 8 jours au moins.

(27) C.E. R. E., Réforme de la procédure, t. III, p. 28.

(28) Art. 2, loi du 4 oct. r867 mod. par les lois du 23 août 1919 et du r6 mars 1956.

(29) Art. So Code pén. mod. par les lois des 23 août 1919 et 14 mai 1937 : aux travaux forcés de 15 à 20 ans, on ne peut substituer un emprison­nement inférieur à 2 ans; aux travaux forcés de ro à r 5 ans, on ne peut substituer un emprisonne­ment inférieur à 6 mois.

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du verdict affirmatif consacrant l'imputabilité à l'accusé d'un crime passible de cette peine.

Seule la prérogative constitutionnelle du droit de grâce permettait d'apporter à la rigueur des sanctions pénales •les plus graves, les atténuations que pouvaient justifier certaines circonstances de l'infraction et la responsabilité amoindrie de J'auteur ( 30).

Les auteurs du Code de 18 6 7 ont, à juste titre, considéré l'introduction dans celui-ci d'un système de législation sur les circonsta·nces atté­nuantes, comme étant l'une des .réformes les plus importantes qu'~ls aient réalisées ( 31).

Les articles 79 et suivants du nouveau Code Ont permis d'appliquer le bénéfice des circon­stances atténuantes à tous les crimes, y compris par conséquent le5 crimes passibles de la peine de mort ou d'une privation de liberté perpé­tuelle ( 3 2).

Mais 'D'ne divergence essentielle se manifestait dans la conception des promoteurs du nouveau Code quant à l'étendue des circonstances atté­nuantes, c'est-à-dire quant au «contenu:!>' de cette notion.

Certes, les voix autorisées de Nypels et sur­tout de Hans ont d'emblée défendu la thèse, qui n'est- plus guère discutée, suiva.nt bquelle il fallait y comprendre aussi bien les circonstances qui sont inhérentes à la matérialité de l'acte, que celles déduite5 de la responsabliité personnelle de l' ;~uteur ( 3 3). Dans cette conception, la simple exiguïté du préjudice matériel ( 34) peut être relevée comme circonstance atténuante malgré la culpabilité tota'le de l'auteur, envisagée sous l'angle de sa responsabilité propre ( 3 5).

Mais, dans un de ses rapports sur le projet de Code pénal, M. Pirmez a soutenu que les juges n.e peuvent prendre en considération que les seules circonstances extrinsèques à la matérialité de l'infraction.

« Il ne faut pas confondre, déclarait-il, le peu d'importance de l'infraction qui doit engager le juge à se rapprocher de la limite inférieure de la peine, avec les circonstanc~s atténuantes qui l'autorisent à dépasser ( 3 6) cette limite. On

· (30) Dans la mercuriale traitant de « La peine de mort », prononcée à l'audience de rentrée du 15 octobre 1862 de la Cou( d'appel de Bruxelles par M. le procureur général de Bavay, l'on peut lire qu'en Belgique, depuis la Révolution nationale jusqu'à la fin de 1861,. les Cours d'assises avaient prononcé 751 condamnations capitales, dont 52 fu­rent exécutées, << ce qui ne représente pas tout à

_fait sept pour cent JJ. Donc, 699 condamnés à mort avaient obtenu la commutation de leur peine (p. 33 de. l'impression ordonnée par· la Cour).

, (31) Nypels, Code pénal interprété, t. rer, p. 167, fait état à cet égard de l'admission dans le nouveau Code d'un système « complet » de législation 'sur les circonstances atténuantes. Assurément, le sys­tème n'était-il pas complet en ce sens que tout l'aspect de la matière intéressant la procédure pénale était réservé, et allait faire l'objet de la loi du 4 octobre I 8 67.

Le Code pénal ne fait pas allusion aux pouvoirs de correctionnalisation ou de contraventionnalisa­tion des juridl.ctions d'instruction.

(32) L'application aux délits et contraventions est moins générale. Elle est, en principe, restreinte aux délits et contraventions prévus par le ·Code pénal (voy. art. 85, xoo et 566 Code pénal), sous réserve de disposition expresse de la loi spéciale instituant une infraction de cette catégorie.

(33) Rép. prat. droit belge, V° Circonstances atté­nuantes, n°5 1 et 2; - de Behr, Etude sur les cir­constances atténuantes, Liège, 1893, p. 9, n° 4; -Nypels et Servais, t. rer, éd. 1938, p. 360, no 3; -Constant, Droit pénal, éd. 1948, t. rer, p. 272, n° 249; - Trousse, Droit pénal, t. r', vol. I (dans les Novel/es), n05 2823 et s., et références citées; -Schuind, éd. 1944, p. 152, qui semble ne pas par­tager cette opinion, reconnaît cependant que la ju­risprudence est en ce sens.

(34) Nous avons vu que l'arrêté-loi du Prince sou­verain du 20 janvier 1815 avait déjà. pris en con­sidération la disproportion de la peine comminée avec « l'exiguïté » du crime.

(35) Nypels ibid, p. x68, n° 3; --Hans, Princi­. pes généraux de droit pénal, 3• éd., t. Il, p. 120.

(36) C'est-à-dire à appliquer une peine inférieure au minimum légal.

:-: ~:;:

conçoit que le législateur p•u'Îsse déterminer, en général. la gravité matérielle d'une infraction quelconque, l'importance de la lésion des devoirs sociaux, et, par conséquent, la répression que, par elle-même, elle mérite; mais il lui est im­possible d'apprécier avec la même vérité la cri­minalité personnelle de l'ag-ent, qui peut être amoindrie par une multitude de circonstances étrangères à l'infraction die-même. Aussi. s'il ne doit pas permettre au juge de reviser son appré­ciation sous le premier point, il est rationnel de lui ouvrir un champ plus large sous le second, en l'autorisant à tenir compte de ces faits extrin­sèques. Tel a été le but unique des circonstances atténuantes; aussi ces faits extrinsèques ·seuls constituent-il& des circonstances atténuantes. »

M. Pirmez ajoutait encore : « N'est-il pas évident, d'ailleurs, que le mini­

mum, fixé si soigneusement dans chaque article du Code, n' a.urait aucune raison d'être si le juge pouvait s'en affranchir, rien que parce qu'il le trouverait trop élevé pour les infractions qu'il prévoit » ( 3 7).

Adolphe Prins a repris cette thèse dans la suite : le législa~eur a déjà égard au préjudice quand il établit un maximum et un minimum. Une «manière d'être de l'acte» constitue un élément intrinsèque de l'infraction et la fixation du minimum légaJI n'a pas d'autre raison d'être que l'évaluation des éléments intrinsèques. L'exiguïté du préjudice n'empêche pas la gravité du danger social ( 3 8) •

Certe interprétatio.n restrictive n'a pas prévalu, nous le savons. La loi a, du reste chez nous, expressément abandonné aux cours et tribunaux l'appréciation des circonstances atténuantes ( 3 9).

Hans, après avoir réfuté sur le plan juridique la théorie de Pirmez, écrivait : « Le raison­nement fait à l'appui de sa thèse par l'honorable rapporreu•r, quelque habi•le qu'il soit, ne fera jamais comprendre aux juges que, dans le sys­tème du Code pénal qui leur accorde le droit d'atténuation en termes généraux et absolus, ils soient obligés, à défaut de circonstances atté­nuantes personnelles, de condamner à cinq ans de réclusion au. moins l'individu qui a franchi un mur pour dérober quèlqul!s œufs dans une basse-cour, ou une baie pour voler des pommes dans un jardin... »'

Cette discussion met en lumière combien pou­vait paraître diffidle 'J'abandon de certaines con­ceptions qui avaient inspiré le législateur de 1810. .

C'est ce qui explique sans doute que les auteurs ·du Code de 1867 n'ont pas été jus­qu'au bout de la réforme entreprise.

Les circonstances atténuantes laissées à la libre appréciation du juge ont conquis droit de cité.

Mais on a l'impression qu'elles n'avaient été admises par le législateur qu'avec un certain embarras.

L'on réalise peut-être mal aujourd'hui ce que devait représenter ~a reconnaissance d'un. pouvoir accordé au juge d'atténuer la peine, en raison de circonstances non prévues dans la loi.

D'excellents esprits ont craint d'y voir une atteinte dangereuse au pdnocipe de la légalité des peines, en même temps qu'une abdication · regret• table ·de la part du législateur.

Le ·souvenir du système des peines arbitraireS et de ses abus, dans l'ancien d~oit. semble avoir fait considérer par d' au'CUns J.e problème dans une perspective déformante.

En ·effet, si les circonstances atténuantes, qui permettent au juge de «descendre » sous le minimum légal sont laissées à sa libre appré­ciation, par contre notre législation s'est gardée d'instituer un système parallèle des circonstances aggravantes qui seraient librement appréciées par le juge et qui l'autoriserait à prononcer des peines dépassant le maximum légal.

(37) Législ. crim. de la Belgique, !iv. Il, Titre III 'du Code, Comment. III, n° 6.

(38) Science pénale et droit positif, p. 277, n00 460 et s.

(39) Art. 1er de la loi du 4 oct. 1867. D'autres législations au contraire déterminent limitativement les circonstances auxquelles le juge peut avoir égard, cf. Versele, << De la nature des circonstances atté­nuantes », R. D. P., 1952-1953, pp. 915 et s.

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De la sorte, ·, l'arbitraire ( 4 0) actuellement concédé au juge ne s'exerce qu'à sens uniqu•e, vers· la modération.

Le seul danger qui pourrait en résulter c'est donc de voir la magistrature ré.pressive ne pas appliquer avec la fermeté nécessaire •les lois pro­tectrices de 1' ordre public ( 41) .

Ainsi donc cet arbitraire limité, concédii au juge par .Ja loi, est-i·l loin d'engendrer [.e même péril que sous l' ancil!n régime. Ce -ne sont plus les droits de l'individu qui sont mena·cés. Au ~on traire, c'est l'intérêt collectif qui exige la répression, qui pourraît être compromis.

« II ne faut pas oublier, écrivait M. Garçon, que si le maximum protège l'intérêt des accusés, le minimum est nécessaire pour garantir l'intérêt de la société. L'expérience apprend que le jury cède facilement à l'indulgence et que l'habitude de juger chez le magistrat profession-nd, conduit à l'abaissement ·progressif des' peines; T abus des courtes peines, dont le mal est certain, n'a pas d'autre cause ... Le minimum, conséquence logique dri système de .]a peine légale, est nécessaire po·ur maintenir la fermeté de la répre&sion » ( 4 2).

Prins estime, lui aussi, qu'un systè.me de cir­constances atténuantes trop généralisé « fait suc­céd~r l'arbitraire dans l'indulgence à l'arbitraire dans la sévérité »• ( 4 3).

Ces opinions méritent sans doute que l'on y réfléchisse. Force ·nous est cependant de constater que les conceptions actuelles relatives à l' indivi­dualisation des peines s'accommod~nt mal de ces barrières qui restreignent la liberté -du juge dans leur détermination.

II n'est pas douteux que, sous le régime du Code de 1810, la pratique judiciaire s'est servie avant tout des <irconstances atténuantes «pour modérer la répression et la mettre d'accord avec les mœurs ». Ce système a permis de satisfaire une conception, ·l'llléguée depuis J.e moyen âge où elle avait été aperçue sous l'influence du chris­tianisme, mais qui va resurgir et s'imposer au XIX• siècle. Cette conception exige que la rigueur du châtiment soit proportionnée à la responsabilité du délinquant ( 44).

Mais à côté de -cette exigence de l'équité, que les auteurs du Code de 181 0 semblent avoir voulu ignorer puisqu'ils n'y avaient apporté aucune solution en matière crimin·elle ( 4 5), d'autres .problèmes étaient ouverts.

Le régime de la· tentative et de la patticipation 'criminelle, sous ·l'empire du Cod·e de 1810, avait reçu une solution simpliste qui, en 18 6 7, faisait s'exclamer Nypels : « ... dire que la tenta­tive est as.similée . au crime consomni•é, que les complices sont p·~·nis comme les auteurs ... , mais il rt'y a plus, dans to-ute l'Europe, que la France qui admette encore cette justice draconienne, tempérée, il est vrai, dans son application par le système des circonstances atténuantes » ( 4 6).

Notre Code de 18 6 7 s'est efforcé de résoudre plus scientifiqu·ement ces questions.

Mais en attendant que fût ainsi réalisée la réforme, dont la nécessité était apparue chez nous dès 1830 ( 47), que postulait la ·technique manifestement insuffisante du Code de 181 0, notamment en matière de ten-ta·tive et de compli­cité, le système des circonstances atténu'3ntes avait permis d'adapter l'exercice de la justice

(40) L'on a qualifié d'arbitraire juridique cette technique qui concilie le principe de la légalité des peines avec le pouvoir qui ne peut être refusé au juge dans une application judiciaire. - Garçon, loc. cit., pp. 93-94.

(41) Roux, p. 178. (42) Garçon, loc. cit., p. 94· (43) Science pénale et droit positif, p. 280, n° 466. (44) Donnedieu de Vabres, loc. cit., p. 45· -

C'est ainsi que l'on a pu parler du « rôle social » de circonstances atténuantes dont l'institution permet une individualisation plus parfaite de la peine en même temps qu'elle facilite l'adaptation des péna­lités aux exigences de la conScience collective.

Trousse, Droit pénal, I\ n° 2825. (45) En matière de délit!> par contre, l'article 463

du Code de 1810 avait admis la possibilité de l'ap­plication de peines de police .

(46) Le Code pénal belge interprété, x867, Avant­propos, p. III.

(47) Art. 139, .II'0 de la Constitution.

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rép~essiv·e de manière à ne pas heurter d~ concep­tions qui avaient singulièrement évolué ( 48).

J.l avait été «plus simple et plll6 rapide au lieu de solutionner directeme.nt et légalement ces diverses questions, d'introduire dans la loi une clause général-e d'atténuation q·u1i permit au juge, grâce à une plus large participation dans 1a fixation die la peine, de décider ces difficultés qui avaient ·semblé jusqu'alors être du ressort natu~el du législateur»,.

M. Roux, qui faisait cette constatation, après avoir fait observer qu'à l'origine le système des drco.nstam:es atténuantes avait été envisagé sur­tout <comme un moyen de rectifier par l'ap­préciation circonstanciée de la conscience, l' ap­préciation générale de la •loi », posait cette ques­tion : « Mais l·e juge et surtout le juré, trans­formé en correcteur du législateur, est-il vérita­blement qualifié pour résoudre les problèmes sur lesquels. cdui-ci a hésité ? » ( 4 9) •

A cette question, 1' éminent pénaliste estim·ait devoir répondre par la négative.

Les auteurs de notre Code de 18 6 7 auraient sans doute sous•crit à cette opinion.

Mais lorsque le nouveau Code allait entrer en vigueur, ~e législateur belge se trouvait confronté ave·c un problèmt délicat.

Sous l'em.pire d'un Code don,t la rigueur était excessive, 1a loi du 15 mai 18 4 9 avait permis aux juridictions d'instructi·on de renvoyer devant le tribunal correctionnel les auteurs d' i·nfractions punies des peines criminelles temporaires.

Or, le •législateur belge s'était .préCisément livré, en 18 6 7, à la ·ûéval'uation des infractions.

Nypels s'exprimait à cet égard comme suit : « La publication du nouveau Code a fait

disparaître le seul motif qui avait déterminé le législateur, en 1849 comme en 1838, à intro­duire la correctionnalisation : l'excessive rigueur du Code de 1810.

» Par b supp~ession des peines infamantes, le système pénal ·de ce dernier Code a été radica­Iement changé,

»· Les nouvelles d'ispositions sur la tentative, la récidive, la complicité, les circonstances atté­nuantes, constituent à elles seules, une atténua­tion considérable, parce qu<elles régissent tous les crimes.

» Enfin, dans sa .partie spéciale (Livre Il), le Code a, dans un 1très grand nombre de cas, abaissé d'un, parfois de deux degrés, Ies peines applicablles aux aimes; ainsi, pou·r citer un exempl'e, dao; 25 ou 30 crimes que le Code de 1810 punissait de la réclusion, Î'l en est 7 seu­lemen·t pour lesquels cette peine a été maintenue; tous les• autres sont, désormais, passibles de la peine d'emprisonnement » ( 50).

Dans ces conditions, se justifiait-il encore de maintenir la faculté accordée aux juridictions d'instruction de « dénaturaliser »' certains cri­mes e•n autorisant le renvoi de leurs au.teu·rs de­vant le tribunal ror.rection•nel. a•lors que le lé­gisbteur avait procédé lui-même à une « espèce de co-rrectionnalisation légale » ?

Cette faculté fut Cl!pendant mainten·ue par la loi du 4 octobre 18 6 7 po·rtant attribu,tion aux cou~ et tribunaux de l'appréciation des cir­constances atténuantes.

Cette Joi, bien que modifiée par de nombreu­ses lois postérieures, continue dans son prindpe à régir la matière. Et cepen·dant, chose curieuse, elle devait, dan·s ~'esprit de ses aut·eurs, n'être qu'une loi transitoire.

M. Bara, minist,re de la J•ustice, dédarait dans son exposé des motifs : « Aujourd'hui que l'œuvre de la revision du Code pénal est sur le po·int d'être termi.née, le moment est venu de pourvoir à l'·exécution des articles du Code nou­veau relatifs a·ux circonstan.ces atténuantes en matière criminelle » ( 5 1 ) •

(48) Donnedieu de Vabres, ibid., p. 454· (49) Roux, loc. cit., p. 181 et note 2; voy. aussi

Trousse, loc. cit., n° 2827 : les circonstances atté­nuantes permettent non seulement une meilleure individualisation des pénalités, mais en outre, 1 'évo­lution de la justice répressive selon les exigences de la conscience collective, sans que doive intervenir une réforme législative longue et délicate.

(50) Annexe aux Doc. par!., Chambre des repré­sentants, I878-1879, p. 109, n° 14.

(51) Pasinomie, 1867, p. 276.

La mise en application de ces dispositions exigeait que deu.x questions fussent au préala­ble tranchées. Tout d'abord l'appréciation des circonstances atténuantes par la Cour d'assises serait-el:le l'œuvre de la Cour ou du jury ?

D'autre part, fallait-il, sous la législation nou­velle, conserver aux juridictions d'instruction, la faculté de correctionnaliser certains faits qua­lifiés crimes ?

En ce qui concerne le premier point, il avait été décidé que la déclaration des circonstances atténuantes devait logiquement appartenir à la Cour, puisque à l' ~oque, c'était celle-ci seule qui devait, en définitive, apprécier l'intensité de .Ja peine que mérite Ie fait constaté par le jury (52).

Au cours des travaux préparatoires, il avait même été question d'inscrire dans le nouveau Code pénal la disposition tranchant cette ques­tion.

Mais il fut admi·s qu'H s'agissait là d'une question d~ compéte.nce plutôt que d'u.ne ques­tion de droit . pénal proprement dit et qu'il valait mieux la réserver pour le Code d'instruc­tion criminelle •OU mienx, en attendant la revi­sion de celui-ci, pour U'ne loi transitoire qui devrait être p·r<>mulguée en même temps que le Code .pénal' ( 53) •

E·n ce qui ·concerne le pouvoir de correction­nalisation de 'la juridiction d'instruction, le législateur estima devoir procéder de ·la même manière et le maintien de ce pouvoir frut con­sidéré comme une solution d'expectative.

M. Bara déclarait, en_effet, «comme les ques­tions qui peuvent être soulevées sous ce rapport sont du domaine du Code d'instruction crimi­nelle, le gouvernement a pensé que, sans rien préjuger à leur égara, il est préférabl'e de laisser le soin de •les apprécier à la •commission chargée de la revision de ce Code, et de maintenir pro­visoirement, en attendant cette revision, la législation de 1849, après avoir été mise en harmonie avec le Code .pénal nouveau » (54) •

Tel fut donc robjet d<e la loi transitoire, mais toujours en vie, du 4 octobre 1867.

Lorsque le projet, qui allait devenir Ia loi du 4 octobre 18 6 7, fut voté au Sénat, le 25 mai 1867, des ·sénateurs tinrent à préciser les réserves dont ils ·entou.raient [eur vote approba­tif. Tout ·en admettant l'urgente nécessité du projet « pour permettre la mise à eûcution du Code pénal », le baron d' Anetha:n déclara que s'il s'était agi d'un projet définitif, il n'aurait pu y donner son assentiment dans les termes où il était édigé et qui il aurait eu de nombreuses observations à faire entre autres « sur les arti­cles qui donnent aux •chambres du conseil' et aux chambres des mises en ac.cusation, la facuhé de correctionnaliser certains faits et de lier la compétenc·e des tribunaux appelés à prononcer par suite du .renvoi qui leur est fait »' ( 55).

Les pouvoirs de corre.ctionnalisation reco·nnus aux juridictions d'instru'Ction commencèrent alors à faire l'objet de critiques ac·erbes; l'on peut dire que ce n'·est que depuis peu que cette opposition a faibli.

Pendant ·longtemps, l'abus que ses adversai­res ·entendaient déno•ncer c'était la violation de l'a compétence constitutionneHe dév<>lue à la Cour d'assises en matière .crimine11e et l'usage que, dans sa méfia·nce pour cette juridiction, le par­quet aurait fait de la correction•nalisation, de manière à éluder cette compétence chaque fois qu'il était possible.

Dans la ~uite, en présence de fim.possibilité manifeste qu' ~1 y aurait de soumettre à la juri­dktion ·des assises, t~He qu'elle est organisée, la masse des infractions sanctionnées de peines cri­minelles, 1a ·discussion s'est tranformée.

(52) Depuis la loi du 23 août 1919, les jurés sont appelés à délibérer sur le taux de la peine et sur l'application des circonstances atténuantes avec le président de la Cour d'assises et ses 2 assesseurs (art. 364 du Code d'instruction criminelle).

(53) Exposé des motifs de la loi du 4 octobre 1867, Pasinomie, 1867, p. 276.

(54) Ibidem. (55) Sénat, séance du 25 mai 1867, Pasinomie,

pp. 277 et 278; - Timmermans, loc. cit., Intro­duction, p. XVII.

Ce que l'on .reproche encore au système, c'est un processus artifici~l et automatique qui, par l'invocation en formuloes stéréotypées de pré­tendues circonstances atténuantes, fait assurer par la juridiction d'instruction la tran·smuta­tion de la plupart d~ crimes en délits justicia­bles des tribunaux cor·rectionnels.

L'on fait valoir, en outre, que cette mis­sion dévolue à la juridiction d'instruction est peu compatible avec l'essence de ses attributions.

li faut avoir la franchise de reconnaître qu'en effet le rôle ainsi dévolu aux circonstances atté­n:uan tes revêt le caractère d'un expédient qui couvre mai l'inadaptation de notre droit et de notre procédure aux conditiow présentes de la répression.

Il peut nous paraître surprenant que certains aient p·u. croire que .Ja mise en vigueur du nou­veau Code pénal, en: 18 6 7, permettrait de réser­ver aux Cours d'assises le jugement de toutes les infractions passibles de peines criminelles.

Il se conçoit que M. le ministre de la Justice de Haussy, dans l'exposé des motifs de la loi du 15 mai 1849, ait pu c«resser r~spoir que les mesures de correctionnalisati<>n « qui per­mettent de mitiger dans beaucoup de cas la rigueur souvent excessive des dispositions du Code pénal (de 181 0), pourront disparaître lorsque la revision de ce Code aura lieu » (56) .

Mais, dès 18 6 7, les dispœitions du nouveau Code pénal étant ce qu'elles sont, l'on s'étonne que de bons esp·rits aient pu •nourrir l'illusion que l'on devait dorénavant supprimer les pou­voirs de correctio·nnalisation des juridictions d'instruction, avec cette intention bien ·nette de réserver strictement aux Cours d'assises la con­naissance de toutes les infractions passibles de peines criminelles.

Les discussions qui s'engagèrent à ce sujet, déjà lors de l'élaboration du Code pénal, sont révélatrices de :1' opposition des conceptions· pro­fessées à cet égard.

A la séance du 1 7 mai 18 6 2 de la Chambre des représentants, M. Nothomb posait la ques" rion : « faut-il d'une manihe abso·lue, abolir le système dit de la correctionnalisation. L'hono­rable ministre, dans .}es discussions antérieures. a déclaré que, dans son opinion, ce système de­vait disparaître ~.

Et M. Nothomb de poursuivre : « Je r~gretterais qu.' il dût en être ainsi, je

crois que le système de la correctionnalisation ... est bon; il f.oncti<>nne depuis de longues années, il n'a pas donné lieu à de sérieux abus et il a son côŒ excellent : c'est qu'il introduit dans la justice sociale un principe d'humanité et d'in­duilgence sans Ieque'l u:ne l'égislation ré.pressive peut bien être subie, mais n'est jamais acceptée et n'.est jamais durable. En effet, da.ns les in­fractions, il y a tant de nuances, des ciKon­staii.ces si multiples, si variées, qu'il est impos­sible de les prévoir toutes.

» Il serait pu.éril de se flatter qu'on puisse faire un Code tellement parfait qu•e toutes et chaque infra·ction y dut ·ren,contrer sa juste et en quelque sorte mathématique punition. C'est cette porte de l'imp,révu, pour ainsi dire, qne je veux laisser ouverte par le système de cor­rectionna.Jisati<>n ».

Et plus loin, l'honorable membre du Parle­ment ajoutait : « c'est la partie progressive en quelque sorte de la justice; c'est le moyen, le seul par où il peut être tenu compte des nuan­ces infinies qui se ren•contrent dans un fait c.ri­minel et en modifient le caractère » (57).

A cette prise de position, si sage, si nuancée et pleine de bon sens, M. Pirmez rétorquait :

« La correctionJ;~alisation, admise aujourd'hui, .provient de l'excessive sévérité du Code pénal actuel; atte sévérité est telle que, dans un grand nombre de cas, il est impossible de faire juger par les Cours d'assises des faits qualifiés cci­mes par la loi.

» Nous avons fait, en ,réduisant les peines, une espèce ·de correctionn·alisation légale, si je

(56) Belgique judiciaire, t. VII, p. 53· (57) Nypels, Législation ct'iminelle de la Belgi­

que, t. l"", pp. 38r et 382.

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puis m' e~primer ainsi, pour une grande quan­tité de faits » ...

Et M. Pirmez estimait qu'un fait ne men­tant qu'une peine correctio·nne1le ne devrait plus être distrait de la juridiction des Cours d'assises, s'il est puni d'une peine crimineJle; mais, bien entendu, cette cour pourrait toujours, m admet­tant les circonstan<es atténuantes, modérer la peine (58).

Dans son doctrinarisme, cette conception de M. Pinnez rejoignait fort logiquement l' opi­nion qu'il professait, nous l'avons vu, au sujet du ·Contenu des circonstances atténuantes, celles­ci étant, d'après Ju>i, étroitement limitées aux seules circonstances extrinsèques à la matérialité de l'infraction ( 59) .

Dans Je ·rapport qu'il présenta au nom de la commission de revision du Code de procédure pénale à la séance de la Chambre des représen­tants du 5 mars 1879 ( 60), Nypels va se montrer partisan résolu de I' abrogation pure et simple du droit de correctionnalisation reconnu aux juridictions d'instruction. Voici son rai­sonnement.

Une 6eole considération avait déterminé le législateur, en rs 3 8 comme en 18 4 9' à leur reconnaître ce pouvoir : l' ex.cessive rigueu1: du Code de 181 O.

Mais le nouveau Code ·ayant mis un terme à cette situation, la loi transitoire de 18 6 7 doit disparaître. EUe le doit d'autant plus que cette législation est vicieuse parce qu'eUe donne aux chambres d'instruction un pouvoir incompati­ble avec le but de cette institution et qu'elie empiète sur le pouvoir des juges du fond.

En effet, déclare M. Nypels, les chambres d'instruction ont été instituées uniquement pour statuer sur la valeur des charges. Celles-ci ont, comme toute l'instruction écrite, un caractère essentiellement provisoire. Partant, leurs déci­sions eUes-mêmes, .basées sur •cette seule instruc­tion, revêtent, dies aussi, ce caractère provisoire.

Et pourtant, la loi qui ·établit la faculté de correctionnaliser donne aux chambres d'ins­truction le pouvoir d'affirmer, d'une manière irréfragable l'existence de circo·nstances dont l'ina­nité sera peut-être établie par le débat ora·l de l'audience.

Et M. Nypels de s'emporter : « Il n'y a qu'un mot pour qualifier une pareille loi. Il ne m'est pas permis de Je prononcer moi-même, mais je puis l'emprunter aux Annales parlementaires : «Il ·est absurde, disait l'honorable M. Destri­» veaux, de déclarer les •circonstances atténnan­» tes .d'on fait incertain.»

Admirons, ·en :passant, le scrupule que pou­vait éprouver !}'honorable rapporteur à quali­fier une loi d'absurde. Mais nous sommes en 1879.

L'on trouve dans ce rapport de Nypels tou­tes les obje.ctions d'ordre 'constitutionnel ou légal qui ont été formulées dans la sD'ite à l'en­contre ·des .pouvoirs de correctionnalisation léga­lement ·reconnus aux juridictions d'instruc­tion ( 61).

Mon propos n'est pas d'en reprendre I'exa­men ni d'en faire la critique. D'autres s'en so·nt déjà acquittés (6 2).

En présence des réalités, l'intérêt de ces dis­cossions me paraît quelque peu dépassé.

Nypels lui-même, malgré la rigidité de sa position de principe, doit, dès 18 7 9, recon·naî-

(s8) Ibid., p. 383. (59) Voir plus haut, p. 7· (6o) Annexe aux Doc. pad., Chambre des repré­

sentants (1878-1879), pp. 107 et s. (61) Voy. Jean Signorel, loc. cit., pp. 27 et s.;

Pierre Bondue, « La correctionnalisation des cri­mes », Rapport présenté aux Journées franco-helga­luxembourgeoises de science pénale à Paris, les 25 et 26 novembre 1955, R. D. P., pp. 143 et s.

(62) Voy. la mercuriale du 15 oct. 1875 du pro­cureur général Fr. de le Court; - Timmermans, pp. XXIV et s. de l'introduction à son commen­taire de la loi du 4 oct. 1867, Brux. 188o; - Rob­brecht, << De correctionalisatie van misdaden », R.W., 1937-1938; - Errera, Traité de droit public belge, Paris, 1909, pp. 240 et 233; - Orban O., Le droit constitutionnel de la Belgique, III, Liège­Paris, 1911, p. 356.

tre en ces rennes le vrai fond do p·roblème : « Mais, a-t-on dit, la qualification des in­

fra·ctions dans le nouveau Code, n'est pas à l'abri de la critique.

» •.. ii est possible que certaines qualifica­tions du Code pénal paraissent trop sévères au­jourd'hui.

» La tendance de notre époque est à l' adou­cissement des peines. Cela est incontestable. Le Code est en vigueur depuis neuf ans, mais le projet a été rédigé il y a plus de vingt-cinq ans et les Cham.bres ont rap.porté très peu de chan­gements aux qualifications des infractions pro· posées da.ns le projet. Dans cet intervalle d'1nn quart de sièc.Je, la science a fait des progrès. On a aujourd'hui, sur le but des peines et sur le mode de leur exécution, des idées auxquelles on osait à peine penser, il y a vingt-dnq ans. Et nous ne sommes .peut-être pas éloignés du moment où le système inutilement compliqué, de nos peines privatives ·de liberté, disparaîtra pour faire place à la seule peine d' emprison­nement; alors aussi pourra disparaître l' arbi­traire distinction des infr-actions en crimes et délits qui est la plaie de notre législation pé­nale » ( 63).

Propos impressionnants tenus par l'un des .principaux artisans do Code de 18 6 7 contraint d'admettre qu'an moment même où la grande œuvre de réforme du Code pénal était consa­crée, elle se trouvait déjà dépassée.

Aveu en même temps de la vanité de l'effort du législateur, qui prétend par le dosage minu­tieux des peines déterminer d'une manière abso­lue la gravité respective des infractions.

Sans doute le Code de 18 6 7 reflète-t-i.J à cet égard le compromis de deux conceptions.

Nous avons vu qu'en regard des vues ngi· des ·d'un Pirmez, Ha us réalisait ·dès l'origine combien pouvait, en elle-même, être inadéquate la disposition de farticle 4 6 7 du Code pénal qui impose la sanction de cinq ans de réclusion au moins à « l'individu qui a franchi un mur pour dérober quelques œufs dans une ba6se-conr, ou one haie pour voler des .pommes dans un jar­din ... >> ( 64) .

Dans cette conception, les dispositions du1 Code nouveau sur les circonstances atténua·ntes de­vaient aS6urément permettre de Œmpenser l'im­perfection inhérente à la technique qui avait pré­sidé à son élaboration.

Dès l'instant où ·ces dispositions étaient admi­ses, ,Ja jurisprudence devait inévitablement les appliquer dms cet esprit et non pas suivant la conception de Pirmez et même de Prins ( 65). Suivant œs derniers, en frappant les infractions des peines indiquées dans les articles du Code pénal, le législateur a déterminé définitivement la valeur théorique de la lésion aux devoirs so­ciaux.

« Une manière d'être de l'acte n'est pas une circonstance qui autorise à descendre sous le minimum », c'est ,Jà un élément intrinsèque -à l'infraction. Partant l'exiguïté d'n - préjudice matériel ne pourrait être invoquée à titre d,e circonstance atténna.nte et, dans notre exemple, le voleo'r de pommes doit encourir an moins cinq ans de réd nsion, s'il n'existe pas en sa faveur des circoMtances extrinsèques à l'infrac­tion qui puissent être qualifiées d'atténuantes.

Demeurant da·ns la logique de cette perspec­tive, Pirmez et même Nypels devaient donc esti­mer que depuis le Code nouveau, plus rien ne peut encore justifier que l'individu qui, pour s'emparer de quelqu.es pommes aura franchi la baie d'on jardin, soit soustrait à la juridiction des Assises.

H doit n'appartenir qu'à celle-ci d'e le juger et de lui reconnaître éventuellement, s'il en existe, le bénéfice de quelque circonstance extrin­sèque à l'infraction, sinon la sanction inélucta­ble sera la peine de b réc1u•sion.

L'impossible aboutissement de ces vues de­vait nécessairement les faire écarter. La juris­prudence aussi bien que la doctrine a donné aux

(63) Annexe aux Doc. pari., Chambre des repré­sentants, 1878-1879, p. 109, 0° 15.

(64) Voy. plus haut, p. 8. (65) Scienct: pénale et droit positif, p. 276,

n°5 457 et s.

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circonstances atténuantes l'interprétation la plus large ( 6 6) et, par ailleurs, les modifications apportées à la loi « transitoire » du 4 octobre 1867, n'ont eu d'autre but que d'étendre les pouvoirs de correctionnalisation des juridictions d'instrunion.

La consran1:e même de cette tendance législa­tive n'inflige-t-el·le pas un démenti à ceux qui ont voulu dénoncer ·l'abos qui était prétendu­ment fait de la correctionnalisation ?

On imagine mal un pouvoir législatif qui n'aurait eu rien ·de plus empressé que d'alimen­ter en quelque sorte, de favoriser ce soi-disant abus, en étendant S•D'œessivement depuis 1867, ces pouvoirs de correctionnalisation dont les parquets feraient un si eritiqoable usage.

Bien sûr, i'l y· a eu des ·protestation6. Dès le début de 1873, la Conférence du Jeune Bar­reau de Bruxelles vota une proposition formulée en ces termes : « La Conférence du Jeune Bar­rean de Bruxelles estime qu'il est nécessaire et urgent de provoquer l'abrogation des articles de .Ja loi do 4 octobre 1 8 6 7, relatifs à la correc­tionnalisation des faits qualifiés crimes. Elle exprime le vœu que cette abrog&tion soit pour­suivie par les effo·rts communs de tons les Bar­reaux du pays. En conséquence, elle charge sa commission administrative ·de se mettre en rap­port avec le conseil de discipline du Barreau de Bruxelles et ave.c les Baneaux de province, à l'effet de se concerter avec eux sur les mesu­res à prendre, émettant, dès à présent, 1' avis qu'un pétitionnement aux Chambres législati­ves serait le mode d'action le plus efficace» ( 67).

Et le très regretté M• Sasserath aura été pen­dant longtemps et jusqu'à la veille de sa mort ( 68), l'adve.rsaire résolu de la coàectionnali­sation systématique par les juridictions d' ins­truction des crimes ·correctionnalisables.

En réalité, il est clair que cette oppœition tendait avant tout à ce que la compétence de principe de la Cour d'assises en matière cri­mineHe s'exerce ·effectivement dans sa plénitude.

En une formule saisissante, Prévost Paradai écrivait que correctiomialiser « c'est enlever du même coup l'accusé (souvent malgré loi) à une peine trop sévère et à des juges trop indulgents pour loi faire appliquer ·U·ne peine modérée par des juges inflexibles ))1 ( 6 9).

Il convient de reconnaître que l'extension législative des pouvoirs de correctionnalisation des juridictions d'instruction a surtout eu pour but de soustraire à b juridiction de la Cour d'assises, la grande majorité des faits constitu­tifs de crime in abstracto.

Il y a certes une grande part de vérité dans l'affirmation de M. le pre:cureur général Cornil : « Si on a pris l'I:Îàbitnde de correctionnaliser tous les cril)les correctionnalisables, c'est pour les soustraire à la Cour d'assises, non pour atténuer les peines » ( 70).

Mais il s'agit de s'entendre. Les parquets. et les juridictions d'instruction

ne se font pas faute de correctionnaliser ce qui est correctionnalisa ble, parce qu'il serait dérai­sonnable, et an ~urplus impossible dans. la pra­tique, de soumettre au luxe, aux inconvénients et aux aléas de la procédure d'assises, des cans€6 qui n'aboutiraient au plus, dans l'état de nos mœurs, qu'à l'appHcation de peines privatives de liberté fort mitigées, sinon à des a·cquitte­ments injustifiés.

Je ne .pense pas que la « dénaturalisation » généralisée des crimes soit une résultante de la pratique de la correctionnalisation par les juri­dictions d'instruction.

Je crois qu'an contraire l'extension législa­tive des ponvoim de correctionnalisation des

(66) Voy. les références citées plus haut, p. 7, note 33·

(67) Belgique judiciaire, t. XXXI, col. 416. (68) C'est à titre posthume qu'a été présenté le

rapport de M• Sasseratb sur « La correctionnali­sation » aux journées franco-belgo-luxembourgeoises de science pénale, les 25 et 26 novembre 1955, à Paris, R. D. P., 1955-196, pp. 211 et s.

(69) Deux lettres sur la Réforme du Code pénal adressées au Journal des débats, Paris, 1862, p. 6.

(70) Novelles, Procédure pénale, Introduction, p. 24·

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juridictions -d'instruction et leur mise ~n œuvre intensive sont, eHes, la résultante d'une déva­luation acquise et admise par la conscience col­lective, de la grande majorité des infractions auxq,uelles le législateur avait voulu imprimer la marque de crime.

N'est-il pas démonstratif qu'après renvoi correctionnel, il soit fort rare qu'un . crime cor­rectionnalisé donne lieu à l'application d'une peine se rapprochant du maximu·m autorisé de 5 ans d'emp·risonnement ? Que de faux, de vols qualifiés, d'attentats à la pudeur et même de ba·nquerou,tes frauduleuses qui se soldent finale­ment par quelques mois de prison ! Les peines d',U'D an d'emprisonnement font déjà figure de peines sévères. Celles qui dépassent trois ans -son-t exceptionnelles.

Loin &_'avoir imprimé un cours artificiel à -1' exerdce de -la justice répressive, la -législation et 'la pratique judiciaire n'ont fait que se mode­ler aux tenda·nces profondes en mêmes temps qu'aux nécessités pratiques auxquelles la répres­sion doit répondre et faire face.

Nous avons v-u que les Iois de 1838, de 1849 et de 18 6 7 autorisaient la correctionnalisa rion par les juridictions d'instruction dans toute la mesure où, par le jeu des circonstances atténuan­tes, il aurait été loisible à h Cour d'assises de n'appliquer qu'e des peiMs correctionnelles.

Apparemment, la loi du 23 août 1919 est venue limiter cette faculté acco~dée aux juridic­tions d'instruction en principe aux seuls cas où la peine théorique ne dépasserait pas 15 ans de travaux forcés au maximum. Mais en réalité, elle n'a pas entendu restreindre l'étendue des pouvoirs de correctionnaiisation reconnus jus­que là aux juridictions d'instruction.

En effet, la loi de 1919 a eu pour objet d'abaisser considérablement Ie minimum ,des pei­nes applicables en cas de circonstances atténuan­tes, en manière telle que même à la peine de mort et à celle des travaux forcés à perpétuité il était dorénavant possible de substituer des pei­nes correctionnelles.

C'est dans ces conditions que le législateur s'est soudé, non de réduire les pouvoirs des juridictions d'instruction, mais de [eur assigner une limite. Il n'a pas vou•lu, en principe, qu'el­les puissent renvoyer devant les tribunaux cor­rectionnels Jes auteurs de crimes passibles de plus de .J 5 ans de travaux forcés, notamment de la peine de mort et des travaux forcés à per­pétuité.

Mais cette loi, en permettant une individua­lisation bien plus étendue de la peine, ne fai­sait que &'inscrire dans ... une tendance dominante de l'évolution des conceptions p·énales. ·

Suivant -l'exposé des motifs, la loi entre ainsi « dans la voie tracée par -la doctrine et que le Code néerlandais ( 71) a déjà adoptée ».

Les préoc·cupations gouvememe!J.·tales y appa­raissent de la manière la plus ·nette : « Le Gou­vernement s'e&t ému des verdicts par lesquels les jurés ont dédaré non coupables des délinquants en aveu. La •constatation en a été faite à main­tes reprises : le jury, lorsqu'ri craint .que la Cour ne prononce une pénalité. qu'il estime exagérée, préfère rendre un verdict de non-cul­pabilité contraire à l'évidence même », en con­séquence, il apparaissait indispensable d'abais­&er fortement le minimum des peines admissi­bles en cas de circonstances atténuantes afin d'éviter que le jury prononce des acquictements scandaleux plutôt que de provoqu,er l' applica~ rion de peines qu'il jugeait excessives ( 72).

Et M. Vandervelde, ministre de la Justice, s'exprime hardiment : « Je dis ... indétermina-

(71) Le Code hollandais de 1881 établit pour chaque infraction un maximum, mais le juge n'est pas limité par un minimum et peut dans tous les cas descendre jusqu'à un jour de prison et 50 cents d'amende, sans même avoir à motiver sa décision. --'- Prins, loc. cit., p. 27 4·

(72) Doc. parl. Chambres, session . 1918-1919, pp. 689 et 690. l.

Il s'agissait plus par.ticulièrement de la réptes-sion des ·trimes de collaboration avec' l'ennemi ·qui étaient déférés aux Cours d'assises après- la guerre . 1914-1918.

tion de 'la peine. Nous n'allan& pas aussi loin que le Code pénal hollandais qui· a supprimé à la fois les circonstances atténuantes et le mini­mum légal. Nous disons tout simplement que da-ns certains cas, -le juge pourra choisir entre les peine& les plus graves - détention perpé­tuelle et peine de mort - et les peines d'empri­sonnement. Ce que l'on veu-t c'est que l'on puisse graduer la peine d'après le degré de culpa­bilité ... On dit alors au juge : « Vous êtes dans » de meilleures conditions pour apprécier la »< peine qui doit être app-liq!Jée que le législa­» teur qui, lui, légifère d'une manière abstraite » et san& se trouver devant les accusés en per­» sonne » ( 73).

On voit toute la distance qui sépare ce lan­gage des conceptions, disons même des illusions qui animaient encore certains des plus influents promoteurs de notre Code pénal.

Non &eu'lement juge-t-on de plus en plus l'hom-me à côté du fait, mais même à ne s'en tenir qu'à celui-ci, le législateur e&t-il amené à admettre que le juge est mieux placé que lui pour l'apprécier ( 7 4) .

Bien que la loi de 1919 ait fixé comme limite au pouvoir de correctionnalisation des juridictions d'instruction celle dans laquelle les circonstances atténuantes leur permettaient déjà antérieurement, de substituer une peine correc­tionneHe à •une peine criminelle; cette loi a néanmoins admis une exception pour certains vols qualifiés punissables de la peine des tra­vaux forcés de 15 à 20 ans, pout lesquels le législateur estima nécessaire d'autoriser le ren­voi correctionnel. Non seulement les pouvoirs des juridictions d'instruction ne furent-ils donc pas restreints par Ie -législateur en 1919, mais encore celui-ci en admit-il l'extension dans cette limite, pour des raisons d'intérêt public.

Des néce&sités du meme ordre exigèrent une nouvelle extension .réalisée par la loi du 14 mai 193 7. Celle-ci étendit le pouvoir de correction­nalisation aux cas d'attentats à la pudeur, de viols et d'excitation à la débauche punissables des travaux forcés de 15 à 20 ans ( 7 5) •

Les auteurs du projet de réforme repris par le C. E. R. E. pouvaient déjà prédire que, dans la logique du système, le pouvoir de correction­nalisation des juridictions d'instruction devrait aussi être étendu à ·l'incendie criminel punissable de la peine des travaux forcés de 15 à 20 ans ( 76).

Une loi du 19 mars 1956 est venue réaliser cette prédiction à près de 20 an& de distance.

L'intérêt d'ordre public de cette intervention législative s'imposait depuis longtemps, avec évidence.

La manière dont le jury réagissait lorsqu'il avait à connaître des poursuites de l'espèce, dont la loi ne permettait pas le renvoi devant le tri­bunal correctionnel. est mise en lumière par le sort qui fut réservé aux quatre affaires d'incen­die criminel qui furent .déférées à la Cour d' assi­ses du Braba·nt durant les dix dernières années.

Trois arrêts d'acquiuement intervinrent res­pectivement 'les 26 septembre 1949, 12 juin 1 9 51, 16 mars 1 9 54. La dernière affaire donna lieu à une ·condamnation à deux ans d' emprison­nement, le 19 octobre 1954. Sauf dan& la pre­mière de ces causes, où cependant les charges étaient accablantes, les trois autres incendiaires étaient en aveu ! Dans Ies deuê!C premiers cas, l'incendie criminel avait pu être maîtrisé d'em­blée et -la ni.odicité des dégâts &emble avoir voilé, dans l'esprit des jurés, l'extrême gravité pour l'ordre social. des faits .incriminés et des con­séquences qui eussent pu en résulter. Dans le& deux dernières affaires, les incendies eurent matériellement le développement escompté, mais le jury estima néanmoins pouvoir, dans l'un des cas, acquitter le fil& qui, mû par le ressen-

(73) Annales, Chambres, session . I9I8·1919, p. 1471.

(74) Cf. J. Leclercq, << Observations sur les pei0

nes"applicables à la tentative du crime», R.D.P., oct. 1956, p. 57·

(75) Rubbrecht, << De correctionalisatie van mis­d'aden », R. W., 1937-1938, coL 6q9.

(76) Réforme de la procédure, t. III, p. 40, Dt>te 2.

riment que lui in&piraient des reproches pater­nels . parfaitement justifiés, avait délibérément jeté 'D'De cigarette aHnmée dans l'amoncellement de .paille qui emplissait le grenier de la ferme familiale. Dans la dernière affaire, une très mo­deste condamnation correctionnelle put enfin sanctionner le geste d'un ouvrier forain qui, pour venger son patron, avait ·nuitamment incen­dié, sur le champ de foire, un théâtre forain.

L'on conçoit, dans ces conditions, que les parquets renonçaient à poursuivre des faits ce- . pendant de nature fort grave plutôt que d'en­tourer d'une publicité démoralisatrice des exem­ples réitérés d'u·ne impunité judidaire décon­certante.

De ces rétroactes, il est permis de déduire que le renvoi devant la juridiction correctionnelle des crime& susceptibles de cette correctionnali­sation ne peut être considéré chez nous comme une pratique judiciaire abusive.

Il s' ag.it, en réalité, de l'application, par les aute>rités judiciaires, d'un procédé légal.

C'est -la technique, discutable, je le veux bien, de ce procédé, qui prête le flanc aux critique&.

Le législateur a manifestement vou.lu ce pro­cédé en même temps que l'usage qui devait en être fait. Son prétendu caractère abusif n'a pas empêché le législateur, nous l'avons vu, d'en juger à diverses reprises l'extension nécessaire.

En ne voulant pas porter atteinte à certaines règles fondamentales devenues inadéquates, il a bien faUu1 trouver le moyen d'adapter aux con­ception& et aux tendances actuelles, en même temps qu'aux nécessités irréductibles de la ré­pression, leur application.

.Le système belge -du renvoi correctionnel des crimes théoriques remplit ce rôle. Mais, parce qu'il est basé sur l'invocation formelle des cir­constances atténuantes, l'on est tenté, à première vue, d'y déceler une certaine hypocrisie.

Sans doute èe reproche apparaîtrait-il déjà plus contestable si, dans la pratique, l'on ne s'obstinait pas à libeller des circonstances atté­nuantes invariablement basées sur le paS&é judi­ciaire, aussi bien existant qu'inexistant, de l'au­teur.

Car c'est ainsi que -1' on en arrive paradoxale­ment à exciper de circonstances atténuantes de cette nature au profit des récidivistes 'le& plus endurcis. Nous en connaissons tous les formules usuelles.

Il vaudrait mieux, dans ces cas, en s'in&pirant de l'arrêté-loi du 20 janvier, invoquer avec réa­lisme une exiguïté relative de l'infraction qui fait apparaître comme disproportionnée en l'es­pèce la peine portée par le Code. La justifica­tion formelle qu'exige la loi ( 77) serait ainsi basée sur une gravité intrinsèque de l'infraction, inférieure à celle qu'avait pu considérer in abstracto le législateur.

Mais ne vaudrait-il pa& mieux supprimer l'obligation de spécifier les circonstances atté­nuantes ? Cette exigence de la loi ne constitue plus qu'une formorlité illusoire dans la mesure o·ù elle 'De tend plus qu·'à éviter une nullité de procédure.

Serait-il exorbitant de reconnaître aux juri­dictions d'instruction, tout ·comme aux juri­dictions du fond du· reste, le .pouvoir de déna­turaliser les infractions, dans les Hmites que la loi autorise, en dégrèvant ce pouvoir d'une ser~ vitude dépourvue en fait d'intérêt ?

Nous savons fort bien que, lorsqu'elles &'.avè­rent utiles ou opportunes, -des circonstances atténuantes peuvent toujours être formulées ! Quel e&t dès lors l'intérêt de cette motivation dont la juridiction du fond ne peut quand même plus discuter la pertinence lorsqu'elle a été for­mulée par la juridiction d'instruction ? ( 78)

Cette simplification pu'rement procédurale ne saurait avoir pour effet d'étendre davantage en­core une pratique qui, en fait, est devenue de règle.

Sans doute faut-il reconnaître plus d'idéa­lisme à une conception qui souhaite qu'en u:n

(77) Art. rer, 2" aL, de la loi du 4 oct.--1867' -~ « ces circonstances atténuantes seront indiquées dan~ leurs arrêts et jugements ))_.

(78) Art. 3 de la loi du 4 oct. r867 ..

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moment où tous les efforts tendent vers l'indi­vidualisation, les tribunaux eux-même.s s'effor­cent de mieux individualiser leurs décisions ( 79). Le juge, renonçant à apparaître comme '\lu, «: oracle sanctionnateur », devrait abandon­ner des formules « commodes et paresseuses pour dire brièvement, mais en langage clair, quels sont les éléments concrets qui incitent à accorder au prévenu le bénéfice des circonstances atténuan­tes»(80).

Mais est-il tellement certain que ces vues, fort respectables, pourraient être mises en pratique dans b masse des affaires correctionnalisées que nos tribunaux jugent le plus fréquemment. Je songe à ces innombrables préventions de faux et de vols qualifiés qui se soldent par des pei­nes qui n'excèdent pas deux ou trois mois de prison.

De plus en plus, le juge doit juger vite, c'est un fait. Le risque de se tromper dans l'effort qu'il ferait dans les motifs de sa décision d' indi-. vidnaliser vraiment celle-ci, serait grand, et ce risque serait, lui aussi, redoutable pour la jus­tice !

Scruter et analyser, en relation avec la diver­sité infinie des faits, la gamme encore plus éten­due des éléments caractéristiques. et déterminants de la personnalité humaine, n'est-ce pas là une tâche qui dé.bordera généralement les possibilités et même les nécessités du jugement ?

Le législateu-r français, lui, prévoyant qu'elle dégénérerait nécessairement en une simple for­malité, a toujou'fs considéré comme inutile l'obligation qui serait imposée au juge, dans la correctionnaiisation « légale » des crimes ( 81), de motiver tes circonstances atténuantes.

* ** J'ai voulu démontrer que la véritable justi­

fication et la raison d'être de la correctionna­lisation résident actuellement dans les conditions et dans les nécessités de l'administration de la justice pénale en fonction d'institutions lég<l!les qui ne cadrent plus toujours avec les réalités; qu'en O·U'tre le rôle dévolu de la sorte aux cir­constances atténuantes, s'il déborde singulière­ment leur acception étroite, paraît néanmoins justifiable dans leur signification Ia plus large.

Tout notre système pénal positif a été édi­fié sur une division tripartite des infractions dont le caractère artificiel nous paraît de plus en plus manifeste ( 8 2). ·

Il y a longtemps que l'on dénie toute valeur scientifique à cette division. L'on a voulu arti­ficiellement fonder celle-ci sur une prétendue différence de nature des peines qui rentraient respectivement dans les attributions exclusives des trois ordres de juridictions pénales substi­tuées par la Révolution à I' enchevêtrement des juridictions répressives .de l'ancien régime.

Des interférences imposées par les réalités ont complètement bouleversé la logique formelle de cette symétrie.

A part la peine de mort, tombée en désué­tude, l'on a dû reconnaître qu'il n'y a pas de différence essentielle entre les peines privatives de liberté et patrimoniales qui sont prononcées respectivement par les diverses juridictions ré­pressives.

En fait il n'y a plus de peines d'incarcéra­tion perpétuel.Je. Par l'action de l'administra­tion toutes les peines privatives de liberté sont devenues « correctionnelles » au sens étymolo-

( 79) Versele, • De la nature des circonstances atténuantes >>, R. D. P., 1952, p. 926.

(8o) Ibid., p. 927. (8r) C'est-à-dire dans la correctionnalisation qui

permet à la juridiction du fond compétente de « descendre » sous le minimum de la peine cri­minelle légale. L'on a quelquefois proposé en France, pour remédier à l'usage abusif des circonstances atténuantes, d'imposer l'obligation de motiver cel­les-ci. Ces propositions n'ont pas été retenues par­ce qu'elles auraient conduit à l'adoption de «clau­ses de style ». - Cf. Bouzat, loc. cit. p. 404.

(82) En réalité cetie classification n'a d'autre ori­gine que des considérations d'utilité pratique. -Voy. Trousse, Droit pénal, 11 (Nove/les) n00 1989 et s.

., ... ,•:•:::~:::::::·~:~:-~ <·8·>_>~:~~c::~ ___ ;~~:_,_ ~·.'.:.2~~~~~'..:_·~··~~:~ . .:___~·~·_:-_:_,•:_"_._' _.,._,. ---~~ ~- ,., ''c_;_,_: __ ... ._ _____ ' __ . ---· ~-·

gique du terme. L'exécution de toutes les pei­nes d'incarcération tend à présent an reclasse­ment et à l'amendement. n n'y a plus de pei­nes définitives d'élimination.

Nypels n'avait pu s'empêcher de dénoncer la distinction entre les crimes et les délits comme « la plaie de notre législation pénale » ( 8 3) .

L'on a propos-é de substituer à la division tripartite une classification bipartite qui range­rait d'un côté toutes les infractions inspirées par une intention mauvaise, et de l'autre les infrac­tions constituées par des faits indifférents en eux-m~mes mais dont l'interdiction est com­mandée dans un intérêt social ( 84).

M. le procureur général Cornil a professé des vues analogues reconnaissant, lui aussi, le ca-rac­tère artifi-ciel de la division tripartite, « fruit de la -logique simplificatrice de la Révolution française». Il soulignait que le législateur lui­même s'est détaché du plan symétriqüe dont cette division ~st issue. En réalité, nous ne con­naissons plus que deux genres de peines : l'in­carcération et l'amende, et M. Cornil, consta­tait, an snrplus, que par l'effet de la correc­tionnalisation presque tous les crimes sont défé­rés au tribunal correctionnel « où ils arrivent après une procédure dont les formalités sont génératrices de complications et de retards plus qu'e de garanties effectives » ( 85).

Il proposait une distinction « entre les in­fractions dirigées contre les règles de fond, con­stituant les bases de Ia vie sociale, et celles qui portent atteint~ seulement à des règles de forme imposées par les nécessités de la vie ~n com­mun :1>. Dans la <:onception de l'éminent ma­gistra-t, ces infractions de nature différente « se­raient jugées de manière différente par des juri­dictions différentes et frappées de peines diffé­rentes » ( 8 6). Aux seules infractions de fond les plus graves serait réserv-ée l'appellation de crime. Pour 'leur jugement il demeurait partisan du jury, « une session d'assises bien organisée et bien menée pouvant être U'n élément d'éduca­tion civique » ( 8 7).

Avec M. 'le procureur général Cornil, et avec les auteurs du projet de Réforme du C.E.R.E. ( 88), je crois aussi qu'H n'est pas nécessaire d'envisager u1ne modification de l'article 98 de la Constitution.

Non seulement convient-il de maintenir le jury en matière de délits politiques et de presse ( 8 9), mais encore paraît-il indiqué de lui gar­der une compftence criminelle en lui assignant le cadre restreünt qn<e b pratique judiciaire, avec l'adhésion à tout 'le moins implicite du législa­teur, lui réserve en fait de nos jours.

C'est l'intérêt général qui commande cette limitation. D'une part, il y a des causes que le jury n'est pas apte à juger. Il suffit de songer aux affaires financières et à la complexité techni­que et juridique des problèmes qu'elles soulè~ vent.

D'autre part, l'intérêt public commande de n~ recourir au jury que .pour •le genre de cau­ses où le juré est à même de prendre conscience de son rôle. Il tombe sous le sens qu'à la diffé­rence du magistrat de ·carrière le juré n'aura pas, à l'egard de bien des prescriptions légales,

(83) Voy. plus haut, p. 13. (84) Bouzat, p. 105. (85) « Propos sur le droit criminel »· Discours

prononcé à l'audience de rentrée du 16 septem­bre 1946, pp. 23-24 de l'impression ordonnée par la Cour de cassation.

(86) Procureur général Cornil, loc. cit., pp. 26 et 27.

(87) Procureur général Cornil, loc. cit., p. 30. (88) C.E. R. E., Réforme de la procédure, t. III,

p. 35· (89) Voy. Wigny, .Droit constitutionnel, t. II,

p. 737; - Cf Marc Desmedt, « Publications obscè­nes et liberté de la presse », R. D. P., févr. 1959, pp. 451 et s.; - quant à la possibilité d'exclure de la notion du délit de presse, et, partant, de soustraire à la juridiction des assises, la littérature pornographique dont l'objet est purement descriptif et dont on ·devrait >Contester qu'elle réponde_ au cri­tère de _l'expression - abusive --,- d'une· pensée, d'une opinion, ou même d'un sentim.::nt ..

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une perception suffisamment nette des impéra~ tifs auxque-lS doit répondre l'exercice de la juri­diction répre55ive ( 90).

Si <!'on tient compte de ces restrictions néces­saires, ia Cour d'assises ne siégeant plus ainsi. en matière de droit commun, qu'au « grand cri­minel », le caractère « lent et spectaculaire » de l'institution n'offre pas d'inconvénient trop mar'­quant, malgré que, comme le faisait remarquer M. le procureur général Hayoit de Termicoort, la procédure y soit périmée : « ouvrant la porte à mille diversions, eJ,le est par là même parfois un obstacle à la vraie justice » ( 91).

Mais même en rendant le fonctionnement de l'institution du jury «plus moderne, plus pra­tique et plus efficace»>, comme on ne ,p-eut que le souhaiter ( 92), serait-il bien opportun d'éten­dre à nouveau chez nous son rôle ?

Séduit par l'exemple du jury anglo-saxon ·l'on pourrait être tenté de l'admettre ( 93). Je ne suis pas endi!l à partager ces vues et je n'en perçois pas l'utili-té. Transplanté su•r 1e conti­nent, le jury y était, avant tout, l'emblême d'une libération. Mais il s'est intégré d~ns un milieu totalement différent et il serait vain d'établir encore une assimilation. Comme le soulignait fort justement le préambu-le du projet de ré­forme du C. E. R. E., ce n'est que « dans la mesure où la justice des jurés s'oppose à une

·justice asservie au' pouvoir, qu' eHe est une jus-tice -meilleure, mais dans cette mesure seule­ment » ( 94). Notre justice n'en est certes plus là. Au surplus ne serait-ce pas un leurre de s'imaginer que, dans un régime où les juges seraient asservis, les jurés seraient à- même d'af­firmer plus d:indépendance ?

Il convient dès lors de conclure. La légalité de notre système de la correction­

nalisa-rion doit sans aucu-n doute lui faire accor­der la préférence sur ie système français.

Certes, il est permis en pure théorie de criti­quer l'attribution des pouvoirs de correction­nalisation à la juridiction d'instruction dont 1' appréciation vient lier le juge du fond ( 9 5) • Mais il ·est clair que cette critique ne revêt qu'un caractère purement spéculatif et qu'elle n'émeut plu's personne. Le fait que ,les juridictions d'in­struction exercent maintenant en matière de défense sociale, par la volonté du législateur, la plénitude des attributions du juge du .fond: l'importance, sinon -la prééminence effective acquise par l'instruction préparatoire, n'ont pu que nous rendre encore pins insensibles à l'ob­jection, Mais l'indifférence que celle-ci rencon-

(90) Déjà en r85o, dans le « Compte rendu ·de l'administration de la justice criminelle », le garde des sceaux s'exprimait ainsi : << ... En général, les jurés se montrent bien moins disposés à réprimer les attentats contre l'ordre public que contre les par­ticuliers; les accusés de concussion, de corruption, de banqueroute frauduleuse, de faux en écritures .. . sont l'objet d'une indulgence vraiment déplorable .. . La plupart de ceux qui n'obtiennent· pas un acquit­tement complet .ne sont punis que de peines cor­rectionnelles ... )), cité par Signorel, loc. cit., · p. 8.

(gr) Avis de M. le procureur général Hayoit de Termicourt, précédant l'arrêt de la Cour d'appel de Bruxelles du 20 mars 1937, R. D. P., 1937, p. 68o.

(92) Et comme le souhaitait M. le procureur général Hayoit de Termicourt en faisant observer que l'organisation archaïque et insuffisante de. la Cour d'assises était critiquée en 1831 déjà! (ibid).

(93) Voy. Marc de Smedt, loc. cit., p. 486. (94) Réforme de la procédure, t. III, p. 21. (95) Nypels, Rapport présenté au nom de la Com­

mission de revision du Code de procédure· pénalè en 1879, voy, plus haut, p. Ii; - C.E. R. K, Réforme de la procédure, t. III, p. 41 : « Le meil• leur juge des circonstances atténuantes et des con­séquences qu'il convient d'y attacher dans la déter­mination de· la peine demeure le juge du fond · »; - Signorel, loc. cit., pp. 27 et s.; - Pierre Bon­due, « La correctionnalisation des crimes i>, rapport présenté aux Journées franco-belgo-luxembourgeoi­ses de science pénale à Paris,. les 25 et 26 novem­bre -1955, R. D. P., 1955-1956, pp. 143 et s.

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tre s'explique avant tout par l'adhésion que le corps judiciaire tout entier donne à une prati­que de la correctionnalisation qui est imposée par des ·nécessités auxquelles le législateur lui­même a dû faire écho.

Au passif du système, il faut inscrire, nous l'avons vu, une inutile complication de procé­dure.

Mais ce qui est sans doute plus inquiétant, c'est qu'en fait Je taux maximum des peines sanctionnant des infractions graves, quoique -leur correaionnalisation s'impose, se trouve in­variablement réduit au plafond de 5 ans d'em­prisonnement.

En fait il s'est ainsi établi une injustifiable !_olution de continuité entre .)es peines d' empri­sonnement et les pein·es encore prononcées par les Cou•rs d'assises qui s'élèvent généralement au­delà de 15 ans.

Il en résulte que l'individualisation nécessaire des peines s'en trouve contrecarrée. En outre, non seu•lement, dans certains cas, assurément exceptionnels, le maximum de 5 ans d'empri­sonnement est-il insuffisant, mais encore peut­on craindre que .Je souci d'assurer une justice distributive n'ait pour effet un affadissement général de la répression d'importantes . catégo­ries d'infractions.

Le projet de réforme qu'avait présenté dans le .cadre des travaux du C.E. R. E. M. Ganshof van der Meers·ch alors procureur du Roi à Bruxelles, ( 9 6) est, dans ·D'ne large mesure, inspiré par ces préoccupations. Dàns le système ainsi proposé, .Ja qualification de peine crimi­nelle se limiterait dorénavant à la peine de mort et aux peines privatives de liberté perpétuelles qui relèveraient nécessairement de la Cour d'as­sises.

La compétence des juridictions correction­neJ.les s'étendrait d'office à toutes les infractions actuellement sanctionnées de peines ne dépas­sant pas 20 ans de travaux forcés, qui, du même coup, changeraient de nature. Les tribu­naux correctionnels pourraient ainsi prononcer des .peines d'emprisonnement prolongé d'une du­rée équivalente, c'est-à-dire pouvant atteindre un maximum de 20 ans.

L'appréciation des circo•nstances atténuantes par les juridictions d'instru·ction aurait pris fin de la sort·e.

Les auteurs du projet s'étaient efforcés de trouver une solution permettant d'intégrer dans l'économie générale de nos lois pénales et sans qu'il fût nécessaire de procéder à la revision de ces dernières, une réforme essentielle et urgente. Le chan.gement de nature que subiraient les pei­nes criminelles temporaires emporterait somme tonte comme seule conséquence une modifica­tion de la compétence respective de la Cour d'assises et du tribunai correctionnel ( 97).

L'on se rend compte cependant à l'examen du projet combien était délicate l'élaboration en termes de loi d'une réforme conçue avec cette ambition.

Les articles 3 et 4 du projet fournissent la dé du système ( 98).

(96) C.E. R. E., Réforme de la procédure, t. III, pp .. 42 et s. Ce projet a été publié aussi dans la R. D. P. de 1939, p. 1397, sous le titre : « Un pro­jet de réforme de la compétence de la Cour d'assi­ses en matière de droit commun »·

(97) C.E. R. E., Réforme de la procédure, t. III, p. 62.

(98) C.E. R. E., Réforme de la procédure, t. III, p. 68:

Art. 3· - Les prescriptions légales relatives aux infractions qui emportent la peine de la réclusion, des travaux forcés de dix à quinze ans, des travaux forcés de quinze à vingt ans ou de la détention à temps, ainsi que les dispositions légales qui déter­minent les effets qu'entrainent ces peines, demeu­rent applicables, sans égard à la nature différente de la peine, aux infractions qui, en vertu de l'arti­cle premier de la présente loi, emportent la peine de l'emprisonnement correctionnel prolongé du premier, du deuxième ou du troisième degré ou celle de la détention correctionnelle.

Art. 4· - Par dérogation à l'article précédent, les tribunaux correctionnels connaissent des infraè-

Par leur effet, en dépit de la conversion des infractions passibles de peines criminelles tem­poraires en délits punissables de peines d'em­prisonnement «prolongé» de durée équivalente, rien n'aurait été modifié, à part oJa compétence, au ré.gime de ces infractions, notamment au point de vue de l'application des règles de la tentative, de la .participation, du concours d'in­fractions, de la ·prescription, etc ...

Ainsi cette réforme pourrait se réaliser en évi­tant .J'écueil pratiquement insurmontable d'inci­den,ces heurtant à perte de vue les textes exis­tants et nécessitant par là .]a modification de ceux-ci ( 99).

Au terme d'une existen·c·e où, d'une manière si consta•nte, sa prêoccupation des .droits de la défense rejoignait dans son esprit la sauvegarde des attributions du jury, M• Sasserath a dû reconnaître la situation inextricable qui résulte­rait de la plénitude de leur exercice, et admet-

rions qui emportent la peine de l'emprisonnement correctionnel prolongé, sauf les cas exceptés par la Constitution ou les lois.

(99) Le projet du C.E. R.E. y parvient par l'éla­boration de quelques articles ne nécessitant aucune modification des dispositions en vigueur si ce n'est pour quelques réformes accessoires venant logique­ment se greffer sur la réforme essentielle. Il s'agis­sait notamment de soustraire en principe à la pos­sibilité de la citation directe les infractions passibles de l'emprisonnement « prolongé », de limiter les attributions des chambres correctionnelles à juge uni­que, et d'abaisser les minima en cas de circonstan­ces atténuantes (art. 5, 6, 7 et 8; - loc. cit., pp. 68, 69 et 70).

tre que le projet du C. E. R. E. représentait chez nous une base valable de réforme ( 1 00).

Je partage ce sentiment. Bien que je sois tenté de croire qu'il était peut-être snperf.lu de vouloir justifier doctrina,lement le projet aur le plan d'une conception - même « moins atbitriaire » ( 1 0 1) - de b division tripartite des infractions, je ·crois que le C. E. R. E. a montré" 1a voie.

La tâche du législateur ne paraît plus insur­montable. Puisse-·t-il donc, avec .Je souci .d'assu­rer un meilleur fonctiofl'n.ement de nos institu­tions péna~es, se .pencher à son tour sur ce pro­blème majeur dont il m'a paru intéressant d'esquisser l'origine et les contours.

E. DE LE COURT,

procureur général près lœ Cour d'appel de Bruxelles.

(rao) Sasserath << La correctionnalisation )), rap­port posthume aux journées franco-belgo-luxembour­geoises de Science pénale, les 25 et 26 novembre 1955 à Paris, R. D. P., 1955-1956, pp. 228 et s. -Cependant M' Sasserath proposait de limiter à 10

ans au maximum l'emprisonnement, substitué aux peines criminelles à temps, que les tribunaux cor­rectionnels pourraient prononcer, et il voulait voir instaurer devant la juridiction correctionnelle un dé­bat << vraiment oral et contradictoire >>·

(101) Cf. Réforme de la procédure, ·t. III, p. 45· Les auteurs du projet se sont efforcés de faire admettre une différence de nature entre les peines de durée déterminée, qui seraient par essence « cor­rectionnelles», et celles sans limite de durée (ibid., pp. 42 et suiv.). Cette distinction ne me paraît pas cadrer avec la réalité : voy. plus haut, p. 19.

JURISPRUDENCE Cour internationale de justice,

20 juin 1959.

Siég. : MM. KLAESTAD, prés.; ZAFRULLA KHAN, v.­prés.; BAsDEVANT, HACKWORTH, WINIARSKI, BADAWI, ARMAND-UGON, KoJEVNIKov, Sir Hersch LAuTERPAcHT, MM. MoRENo QuiNTANA, C6RoovA, WELLINGTON Koo, SPIROPOULos, Sir Percy SPENDER, juges.

Plaid. : MM•' Marcel GRÉGOIRE (du barreau de Bruxelles) et C. R. C. WIJCKERHELD BisDoM (du barreau de la Cour de cassation des Pays-Bas).

CONVENTION DE DELIMITATION DE 1843 ENTRE LES PAYS-BAS ET LA BEL­GIQUE. - Détermination de la frontière. -« Statu quo». - Allégation d'une erreur. -Défaut de preuve. - Acquisition de la. souve­raineté en dérogation au traité. - Force obligatoire de la convention.

Lorsqu'une convention de délimitation a dûment fixé l'attribution de parcelles à un Etat, en l'espèce, la Belgique, il n'y a pas lieu de tenir compte de l'allégation d'une erreur reposant sur des hypothèses qui ne sont pas plausibles et ne sont pas étayées par des preuves suffisantes.

Des actes courants de caractère admi­nistratif sont insuffisants pour déplacer la souveraineté établie par la convention et à laquelle l'Etat intéressé n'a d'ailleurs pas renoncé.

Par le compromis, la Cour est invitée à déterminer si la souveraineté sur les parcelles cadastrales connues de 1836 à 1843 sous les n°' 91 et 92, Section A, Zondereygen, appartient à la Belgique ou aux Pays-Bas.

La frontière entre les deux Etats dans la région où sont situées les deux par­celles litigieuses présente certaines ca­ractéristiques inhabituelles. Alors que d'une manière générale la frontière est constituée par une ligne continue, il existe dans la région au nord de la ville belge de Turnhout un certain nombre

d'enclaves formées par la commune belge de Baerle-Duc et par la commune néer­landaise de Baarle-Nassau.

Le territoire de la commune belge de Baerle-Duc n'est pas d'un seul tenant. Il est fait d'une série de parcelles dont un grand nombre sont enclavées· dans la commune néerlandaise de Baarle-Nassau. Plusieurs portions de la commune de Baerle-Duc sont isolées non seulement du territoire principal de la Belgique, mais encore l'une de l'autre. De même, la commune de Baarle-Nassau n'est pas d'un seul tenant : cette commune a des enclaves en Belgique. La Cour est infor­mée que l'origine de cette situation est très ancienne.

En 1826, alors que les Pays-Bas et la Belgique ne formaient qu'un seul. Royau­me, il a été proposé de fixer les .limites entre les deux communes. Un procès-ver­bal de délimitation établi le 10 septem­bre de ladite année, auquel était annexé un plan, avait proposé une limite conti­nue pour Baarle-Nassau, l'abolition des enclaves dans les territoires lui revenant et une compensation en étendues de ter­res. Ce projet fut abandonné, ayant été rejeté par la commune de Baerle-Duc.

En 1836, les bourgmestres des deux communes ont tenté d'établir les limites exactes entre les deux communes en vue d'assurer une répartition équitable de l'impôt foncier. Cette année-là, les bourg­mestres et leurs fonctionnaires se sont employés à procéder à une reconnaissan­ce aussi exacte que possible des limites ayant existé depuis les temps les plus re­culés entre les parcelles enclavées dans ces communes. Ils ont établi un procès­verbal qui portait la date du 29 novem­bre 1836, mais n'a été terminé que vers le milieu de 1839. Il a été finalement signé le 22 mars 1841. Dans la suite de l'arrêt, il sera désigné sous le nom de «Procès-verbal communal».

Ce procès-verbal fut établi en deux exemplaires originaux destinés à être dé-

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posés aux archives de chacune des deux communes. Ce qui est donné comme étant l'un de ces exemplaires .originaux a été produit par les Pays-Bas.

L'exemplaire produit par les Pays-Bas énonce, sous la rubrique «Section A, dite Zondereijgen » :

(Traduction). «Les parcelles nos 78 à 111 inclus ap­

partiennent à la commune de Baarle Nassau».

L'établissement du Procès-verbal com­munal ne s'est pas fait sans difficulté. La commune de Baarle-Duc _a longtemps refusé de le signer. A certains égards les décisions prises en 1836 laissaient sub­sister des doutes et elles ne satisfaisaient pas l'une et l'autre commune. Des efforts considérables semblent avoir été dé­ployés pour éliminer les erreurs. Le Pro­cès-verbal communal lui-même disposait que les erreurs qui pourraient s'y être glissées pourraient être corrigées d'un commun accord. Il semble que l'on n'ait pas eu l'intention de faire du Procès-ver­bal communal un document immuable.

La séparation entre la Belgique et les Pays-Bas fut sanctionnée par le Traité de Londres du 19 avril 1839. Conformément à ce traité, une Commission mixte de dé­limitation fut créée pour fixer et déter­miner les limites des possessions des deux Etats.

Cette Commission avait déjà entrepris son travail à l'époque où fut signé le Procès-verbal communal en mars 1841. Peu de temps après, elle porta son atten­tion sur la situation existant entre les deux communes et continua à s'en occu­per jusqu'à la fin de 1841. Ses travaux furent alors interrompus et ne furent repris qu'au début de 1843.

Dans l'intervalle, les deux Gouverne­ments avaient signé, le 5 novembre 1842, un Traité de limites qui est entré en vi­gueur le 5 février 1843. Ils avaient jugé nécessaire leur intervention à l'effet de régler par leur commun accord certaines questions relatives à la détermination de la frontière. On doit ici rappeler que, le 4 septembre 1841, le Gouvernement belge avait rejeté la proposition de régler par voie d'échange réciproque de territoires la situation pour les communes de Baerle-Duc et de Baarle-Nassau et s'était prononcé en faveur du maintien du statu quo. L'article 14 du Traité énon­çait en conséquence :

«Le statu quo sera maintenu, tant à l'égard des villages de Baarle-Nassau (PayscBas) et Baarle-Duc (Belgique), que par rapport aux chemins qui les traversent. »

L'article 70 disposait que la Commis­sion mixte de délimitation rédigerait la « convention... d'après les dispositions qui précèdent. .. ».

Le travail de la Commission mixte de délimitation aboutit au texte de la Con­vention de délimitation du 8 août 1843, dont les ratifications furent échangées le 3 octobre 1843. Les articles 1, 2 et 3 de cette Convention s'expriment ~n ces termes:

«Article 1. La limite entre le Royaume des Pays-Bas et le Royaume de Belgique s'étend depuis la Prusse jusqu'à la mer du Nord.

Cette frontière, qui est divisée en trois sections, est déterminée d'une manière précise et invariable par un procès-verbal descriptif, rédigé d'a­près les plans parcellaires du cadas­tre, dressés à l'échelle de deux-mille­cinq-centième et au moyen de recon­naissances_, faites sur le terrain, par des commissaires délégués à cette fin.

Toutefois, par exception, des cartes

au dix-millième sont jugées suffisan­tes pour indiquer la limite formée par la Meuse et par l'Escaut.

Il en est de même pour ce qui con­cerne les communes de Baarle-Nassau (Pays-Bas) et Baarle-Duc (Belgique), à l'égard desquelles le statu quo est maintenu, en vertu de l'article 14 du traité du 5 novembre 1842.

Un plan spécial, en quatre feuilles, comprenant le parcellaire tout entier de ces deux communes, est dressé à l'échelle du dix-millième, et à ce plan sont annexées deux feuilles détachées, représentant, à l'échelle de deux-mille­cinq-centième, les parties desdites communes qu'une échelle plus petite ne permettrait pas de représenter avec clarté.

Article 2. Des cartes topographiques à l'échelle du dix-millième, destinées à faire apprécier la frontière dans son ensemble et par rapport aux loca­lités limitrophes, sont dressées par section, savoir :

du côté des Pays-Bas, au moyen des plans cadastraux, des tableaux indica­tifs et de reconnaissances sur le ter­rain, pour autant que celles-ci étaient nécessaires à la détermination de la limite;

du côté de la Belgique, au moyen des plans cadastraux et de reconnais­sance sur le terrain, embrassant tout le développement de la partie belge.

Ces cartes comprennent toute l'éten­due de la frontière, sur une zone moyenne de deux mille quatre cents aunes (mètres).

Article 3. Le procès-verbal descripc tif, les plans parcellaires et les car­tes topographiques au dix-millième, arrêtés et signés par les commissaires, demeureront annexés à la présente convention, et auront la même force et la même valeur que s'ils y étaient in­sérés en leur entier.»

Le procès-verbal descriptif visé par l'ar­ticle 3 contient un article 90 qui concerne les deux communes d·e Baerle-Duc et de Baarle-Nassau; cet article sera désigné dans le présent arrêt sous le nom de «Procès-verbal descriptif». Le plan spé­cial se rapportant aux parcelles liti­gieuses et qui fait partie des plans visés aux articles 1 et 3 de la Convention a été présenté à la Cour au nom du Gou­vernement belge à l'audience du 2 mai 19.59.

L'article 14, paragraphe 5, de la Con-vention de délimitation dispose :

· « Arrivée auxdites communes de Baarle-Nassau et Baarle-Duc, la limi­te est interrompue par suite de l'im­possibilité de l'établir entre ces deux communes, sans solution de continui­té, en présence des dispositions de l'article 14 du traité du 5 novembre 1842, article dont la teneur suit :

«Le statu quo sera maintenu, tant à l'égard des villages de Baarle-Nassau (Pays-Das) et Baarle-Duè (Belgique), que par rapport -aux chemins qui les traversent. »

Le partage de ces communes entre les deux Royaumes fait l'objet d'un travail spécial.

(Article 90 du procès-verbal des­criptif.) »

Le Procès-verbal descriptif comprend deux parties. La première indique com­ment il est procédé lorsque la détermi­nation de la frontière arrive au territoi­re des communes de Baarle-Nassau et de Baerle-Duc. Elle s'exprime en ces ter­mes:

«En ce qui concerne ces deux com­munes, les commissaires démarca­teurs :

513

Vu l'article 14 du traité du 5 novem­bre 1842, ainsi conçu :

«Le statu quo sera maintenu, tant à l'égard des villages de Baarle-Nassau (Pays-Bas) el de Baarle-Duc (Belgi­que), que par rapport aux chemins qui les traversent.»

Considérant que l'état actuel des lieux, maintenu par la disposition de l'article 14 précité, ne permet pas de procéder à la délimitation régulière des deux communes dont il est ques­tion.

Considérant néanmoins qu'il peut être utile de constater ce qui a été contradictoirement établi par le pro­cès-verbal du 29 novembre 1836, ar­rêté et signé le 22 mars 1841 par les autorités locales des deux communes,

Décident: a. Ledit procès-verbal, constatant

les parcelles dont se composent les communes de Baarle-Duc et de Baar­le-Nassau, est transcrit, mot à mot, dans le premier article.

b. Un plan spécial, en quatre feuil­les, comprenant le parcellaire, tont entier, des deux communes est dressé à l'échelle du dix-millième et à ce plan sont annexées deux feuilles dé­tachées représentant, à l'échelle du deux-mille-cinq-centième, les parties de ces communes qu'une échelle plus petite ne permet pas d'exprimer avec clarté». ·

La deuxième partie, rédigée en néer­landais, reprend le texte du Procès-ver­bal communal, mais au lieu des mots qui figurent au Procès-verbal communal dans l'exemplaire produit par les Pays­Bas, à savoir :

[Traduction] « •Les parcelles no• 78 à 111 inclus

appartiennent à la commune de Baarle­Nassau»,

on y lit ce qui suit : [Traduction] « Les parcelles nos 78 à 90 inclus

appartiennent à la commune de Baar­le-Nassau.

Les parcelles nos 91 et 92 appartien­nent à ·Baarle-Duc.

Les parcelles nos 93 à 111 inclus ap­partiennent à Baarle-Nassau (1). »

Le plan spécial mentionné à l'article premier de la ·Convention de délimita­tion et qui, d'après l'article 3 de celle­ci, a même force et valeur que s'il y était inséré, indique les parcelles liti­gieuses comme appartenant à la Belgi­que.

•Le Gouvernement belge invoque les termes ci~dessus cités du Procès-verbal communal, tels qu'ils figurent dans le Procès-verbal descriptif annexé à la Convention de délimitation et ayant même force et valeur que s'ils étaient insérés en celle-ci, pour soutenir que les parcelles litigieuses ont ainsi été reconnues comme appartenant à la com­mune de Baerle-Duc. Il en résulte qu'à son avis, aux termes de la Convention de délimitation la souveraineté sur ces parcelles appartient à la Belgique.

De son côté, le Gouvernement néerlan­dais prétend avoir lui-même titre à la

(1) Traduction du texte reproduit dans la dupli­que du Gouvernement néerlandais, vol. Il, p. 79· Le texte reproduit au mémoire du Gouvernement belge, p 11, est le suivant : (Traduction)

« Les parcelles n°" 78 à go inclus appartiennent à la commune de Baerle-Nassau. Les parcelles n08 91 et 92 appartiennent à la commune de Baerle-Duc. Les parcelles n08 93 à III inclus appartiennent à la commnune de Baerle-Nassau. »

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souveraineté sur les parcelles litigieuses et il conteste en même temps la valeur des titres invoqués par le Gouvernement belge. Il se fonde sur les motifs suivants :

En premier lieu, il soutient que, prise en ses termes, la Convention de délimita­tion de 1843 n'a rien fait de plus que de reconnaître l'existence du statu quo et n'a pas défini en quoi consistait ce statu quo, qu'en conséquence le statu quo doit être déterminé conformément au Procès­verbal communal, en vertu de quoi la souveraineté sur les parcelles litigieuses a été reconnue comme appartenant aux Pays-Bas.

A titre subsidiaire, le Gouvernement néerlandais soutient que, même si la Con­vention de délimitation a entendu sta­tuer au sujet de la souveraineté sur les parcelles litigieuses, cette disposition était entachée d'erreur et ne correspon­dait pas à l'intention des Parties. Il soutient que la simple comparaison entre les termes du: Procès-verbal communal et ceux du Procès-verbal descriptif le ùt'­montre. Il déclare qu'il n'est pas néces­saire d'établir l'origine de l'erreur, f':1rce

. que cette erreur elle-même ressort à première vue des deux documents. A l'appui de sa thèse visant l'existence d'une erreur, il avance néanmoins une hypothèse quant à l'origine et aux con­séquences de l'erreur alléguée, hypothi::se qui sera mentionnée plus loin.

A titre très subsidiaire, le Gouverne­ment néerlandais soutient que, s'il de­vait être décidé que la Convention de dé­limitation a fixé la souveraincti' sur les parcelles litigieuses et n'est pa·; entachée d'erreur, les actes de souveraineté ac­complis par lui depuis 1843 sur ces par­celles ont déplacé le titre juridHrue ïé­sultant de la Convention de délimitaticlfi et ont etabli la souveraineté des Pays­Bas.

La Cour exammer<1 ces trois moyens t]ans l'ordre où ils ont été présentes par les Pays-Bas.

* ** La Convention de délimitation a-t-eUe

déterminé elle-même la souveraineté sur les parcelles litigieuses, ou s'est-elle bor­née à un renvoi au statu quo ?

La Cour .est -d'avis que la compétence de la Commission mixte de délimitation pour départager les deux communes ne iait. aucun doute. C'est ce qui résulte rle l'article 6 du Traité entre les Pays-Bas et la Belgique conclu à Londres le 19 avril 1839, lequel dispose :

«Moyennant les arrangements ter­ritoriaux arrêtés ci-dessous, chacune des· deux parties renonce réciproque- · ment pour jamais à toute prétention sur les territoires, villes, places et lieux, situés dans les limites des pos­sessions de l'autre partie, telles qu'elles se trouvent décrites dans les articles 1, 2 et 4.

Lesdites limites seront tracées, con­formément à ces mêmes articles, par des commissaires-démarcateurs Belges et Hollandais qui se réuniront le plus tôt possible en la ville de Maestricht. »

Cela est confirmé par le préambule de la Convention de délimitation du 8 août 1843, qui s'exprime en ces termes :

« ... le Roi des Pays-Bas ... et ... le Roi des Belges, prenant en considéra­tion le traité du 19 avril 1839, et vou­lant régler et arrêter tout ce qui a rap­port à la délimitation entre le Royau­me des Pays-Bas et le Royaume de Belgique, ont nommé, à. cet- effet, con­formément à l'article 6 dudit traite, des commissaires, savoir : ... [suivent les noms des commissaires désignés}».

Ceci représente l'intention commune des deux Etats. Toute interprétation qui ferait tenir la Convention de délimita­tion comme laissant en suspens et aban­donnant à une appréciation ultérieure du statu quo la détermination de l'appar­tenance à l'un ou à l'autre Etat des par­celles litigieuses, serait incompatible avec cette intention co:r;nmune.

La ·Cour conclut que la Convention de délimitation était destinée à fixer et qu'elle a effectivement fixé entre les deux Etats celui auquel appartenaient les différentes parcelles faisant partie de chacune des communes. D'après ses termes, il a été décidé que les parcelles litigieuses appartenaient à la Belgique.

* ** La Cour va maintenant procéder à

l'examen de l'argument des Pays-Bas -d'après lequel la Convention est enta­chée d'erreur.

On peut énoncer cette thèse de la manière suivante :

Le Procès-verbal descriptif, après avoir déclaré « qu'il peut être utile de constater ce qui a été contradictoire­ment établi par le procès-verbal du 29 novembre 1836, arrêté et signé le 22 mars 1841 par les autorités locales des deux communes », a énoncé que ledit procès-verbal, constatant les parcelles dont se composent les communes de Baarle-Duc et Baarle-Nassau, est trans­crit, mot à mot, dans le présent article». La comparaison entre l'exemplaire du Procès-verbal communal produit par les Pays-Bas et le Procès-verbal descriptif révèle que le premier n'a pas été trans­crit « mot à mot», puisque le Procès­verbal descriptif attribue les parcelles litigieuses à la Belgique, alors que ledit exemplaire du Procès-verbal communal les attribue à Baarle-Nassau. Il s'ensuit donc, selon les Pays-Bas, qu'une erreur a été commise et que cette erreur vicie la ·Convention sur ce point.

La Cour estime que la simple compa­raison des deux documents ne démontre pas l'existence de cette erreur. Aux ter­mes de la Convention de délimitation, la souveraineté sur les parcelles litigieu­ses appartient à la Belgique. La seule question est de savoir si des preuves convaincantes ont démontré l'existence d'une erreur de nature à vicier la Con­vention.

Pour démontrer l'erreur invoquée, les Pays-Bas doivent établir que la Comwis­sion mixte de délimitation entendait re­prendre au Procès-verbal descriptif, an­nexé à la Convention de 1843 et falsant partie de celle-ci, le texte du Pro(~ès­verbal communal contenu dans l'exem­plaire prpduit par les Pays-Bas et que cette intention a été mise en éehec par la transcription au Procès-verbal des­criptif d'un texte différent qui, contrai­rement au texte de cet exemplaire et à l'intention de la Commission mixte de délimitation, attri!mait les parcelles en litige à Baerle-Duc au lieu de Baarle­Nassau.

·La Commission mixte de délimitation devait détermmer et fixer les limites des possessions entre les deux Etats. En ce qui concerne les deux communes, sa tâche était essentiellement de déterminer le statu quo. Pour s'acquitter de sa mis­sion, la Commission a, soit directement, soit par le . moyen de sous-commisstc.ns, procédé à des reconnaissances sur le terrain, a eu recours à des recherches aux archives, au cadastre, a vérifié les constatations des sous-commissions et a soigneusement contrôlé ses propres tra­vaux.

La Cour tire de ces docume.nts la con­clusion que les deux exemplaires du Procès-verbal communal aux mains . des commissions néerlandaise et belge étaient en contradiction quant à l'appartenance à telle ou telle commune des parcelles litigieuses. On n'explique pas de façon satisfaisante comment un texte - qui, dans l'exemplaire du Procès-verbal com­munal qui a été produit par les Pays-Bas, consistait en un alinéa ainsi conçu : «les parcelles n08 78 à 111 appartiennent à la commune de Baarle-Nassau»- a pu, par erreur, être divisé en trois alinéas distincts procédant à une attribution dif­férente des parcelles litigieuses.

Le président de la commission néer­landaise a reçu un exemplaire du Procès­verbal communal qui n'était pas encore signé. Dans sa lettre du 16 mars 1841 au gouverneur du Brabant septentrional, il le. qualifie de « document fort impor­tant». Plus tard, il s'est rendu personnel­lement dans les deux communes et a ap­pris que le Procès-verbal avait été signé quelques jours plus tôt. Sur l'exemplaire à lui adressé, il a immédiatement ajouté les noms des signataires et cette copie « a été signée et timbrée comme étant au­thentique par la municipalité de Baarle­Nassau». (Lettre du 5 avril 1841 du pré­sident de la commission néerlandaise au gouverneur du Brabant septentrional.)

Les Pays-Bas ont suggéré que cet exem­plaire portait en manuscrit non pas un mais trois alinéas visant respectivement les parcelles 78 à 90, 91 et 92 et 93 à 111, ainsi qu'ils figurent dans le Procès-verbal descriptif, mais qu'il ne s'agissait pas d'un exemplaire authentique. Ils suggérè­rent que, lorsque la commune de Baarle­Nassau a certifié cet exemplaire comme authentique, elle ne pouvait pas suppo­ser qu'une erreur s'y était déjà glissée. Un nouveau collationnemeùt des deux documents aurait demandé, d'après les Pays-Bas, un très gros travail.

Pour expliquer comment l'exemplaire certifié authentique aux mains de la commission néerlandaise se présentait avec la rédaction que l'on retrouve dans le Procès-verbal descriptif, les Pays-Bas ont avancé l'hypothèse suivante. Le con­trôleur du cadastre à Bois-le-Duc (Pays­Bas) avait commis une erreur en 1840 quant aux numéros des différentes par­celles, oubliant qu'un nouveau numéro­tage avait eu lieu au cadastre néerlan­dais; il avait modifié un exemplaire du Procès-verbal communal et cet exemplai­re, ou une copie de celui-ci, serait ensuite pa_rvenu. à la commission néerlandaise. Dans cet exemplaire, les parcelles liti­gieuses, du fait de l'erreur de ce fonc­tionnaire, étaient attribuées à Baerle-Duc, sous la forme où l'inscription figure au Procès-verbal descriptif.

Les documents présentés à la Cour à l'appui de cette hypothèse ne réussissent pas à la démontrer et il n'apparaît pas à la Cour que ce soit une hypothèse plau­sible.

Les Pays-Bas soutiennent toutefois qu'ils n'ont pas besoin de démontrer l'origine de l'erreur; la simple compa­raison entre l'exemplaire du Procès-ver­bal communal produit par eux et celui qui figure au Procès-verbal descriptif montre suffisamment qu'une erreur a été commi­se. Il n'est cependant pas possible de tran­cher la question sur cette base étroite. La Cour doit vérifier quelle était l'inten­tion des Parties d'après les dispositions d'un traité à la lumière des circonstan­ces.

En avril 1843, la position était la sui­vante : Les deux commissions étaient en possession d'exemplaires du Procès-ver­bal communal depuis octobre 1841. ·Ces exemplaires .différaient à propos Ile l'at-

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tribution des parcelles litigieuS''.s. La dif­.férence était connue des deux commis­sions et a dû faire l'objet de discussions entre elles en 1841. Il est difficile d'ad­mettre que les deux commissions et leur personnel aient perdu de vue la diffé­rence entre leurs exemplaires en avril 1843. La différence a dû être connue de la Commission mixte de délimitation de­puis 1841. Des plans parcellaires de la commune de Baarle-Nassau, avec un pian de la partie de Baerle-Duc qui s'y trou­vait enclavée d'après le Procès-verbal communal, avaient éte préparés par les Pays-Bas et mis à la disposition de la commission belge. Les deux .Parties n'ont pu douter que, lorsqu'elle s'est occupée des deux Baarle, la Commission mixte de délimitation procédait elle-même à la dé­finition du statu quo et se proposait de fixer sur cette base les frontières entre les deux Etats. Elle devait déterminer quelles parties de ces communes encla­vées appartenaient aux Pays-Bas et quel­les parties appartenaient à la Belgique.

Le président de la commission néer­landaise avait prévu dans sa lettre du 16 ·décembre 1841 au ministre des Affai­res étrangères des Pays-Bas qu'une co­pie du Procès-verbal communal serait incorporée dans la Convention de délimi­tation pour montrer - sur la base du maintien du statu quo - quelles parties des deux communes appartenaient aux Pays-Bas et quelles parties appartenaient à la Belgique. L'exemplaire du Procès­verbal communal qu'il songeait alors à faire incorporer n'était pas la copie mot à mot . du Procès-verbal communal qui a été produit en la procédure actuel­le par les Pays-Bas. Ce ne pouvait être que l'exemplaire qu'il possédait alors et qui, comme il résulte de sa lettre du 31 octobre 1841 au ministre des Affaires étrangères et comme l'énonce le Procès­verbal descriptif, attribuait les parcelles litigieuses à la Belgique.

Dans le plan parcellaire qui a été éta­bli conformément à la décision prise à la 225• séance de la Commission mixte de délimitation et qui devait faire partie de la Convention de délimitation, il était clairement montré, et d'une façon qui ne pouvait échapper à l'attention, que les parcelles litigieuses appartenaient à la Belgique. Elles ressortaient comme une petite île en territoire néerlandais colo­riée de façon à montrer, conformément à la légende du plan, qu'elles n'apparte­naient pas aux Pays-Bas mais à la Bel­gique. La situation de ces parcelles a dû retenir immédiatement l'attention. Ce plan, signé par les membres des com­missions respectives, a dû, par sa nature même, faire l'objet d'un contrôle des deux commissions, par comparaison avec les documents originaux et les cadastres.

Il est difficile d'admettre qu'une er­reur de copie se soit glissée dans le Pro­cès-verbal descriptif. Les Pays-Bas sem­blent s'être rendu compte de la difficul­té que rencontrerait la Cour à accepter que cela fût pratiquement possible. Dans l'argumentation présentée par eux dans leurs écritures, ils ont donc soutenu qu'il y avait eu une erreur dans l'exemplaire du Procès-verbal aux mains de la commis­sion néerlandaise, laquelle s'était répétée automatiquement, à la fois dans la trans­cription mot à mot du Procès-verbal communal au Procès-verbal descriptif et dans le plan parcellaire, sans que l'er­reur ait été découverte par la Commis­sion mixte de délimitation. Il a été sou­tenu que le Procès-verbal descriptif n'avait jamais. pu être vérifié, sauf peut­être par comparaison avec l'exemplaire prétendument erroné des Pays-Bas.

Cette explication méconnaît le role de la Commission mixte de délimitation et

la réalité des faits tels qu'ils se présen­taient devant elle. Son rôle n'était pas celui d'un simple copiste. Sa tâche était de vérifier quel était le statu quo. Elle avait compétence pour fixer les limites entre les deux Etats et elle s'est acquittée de cette mission. A ses 175""' et 176m• séances, les 2 et 4 decembre 1841, elle connaissait la différence entre les deux exemplaires du Procès-verbal communal. Qu'il existât encore de l'incertitude dans l'esprit des deux commissions, c'est ce que démontre la correspondance contem­poraine de decembre 1841 et janvier 1842. ·Chacune des deux Parties cher­chait un supplément d'information. En­tre sa 175'"" et sa 225m• séance, la Com­mission, par des enquêtes sur place et par la consultation des archives et du ca­dastre dès deux communes, a dû tirer ses propres conclusions et déterminer, com­me elle en avait mission, quel était le statu quo à l'égard des parcelles litigieu­ses. A sa 225me séance, elle a dû décider que le statu quo était correctement défini

. dans l'exemplaire alors aux mains de la commission néerlandaise et que c'était ce texte - et non pas l'exemplaire pro­duit devant la Cour par les Pays-Bas -qui devait être transcrit mot à mot dans le Procès-verbal descriptif. En consé­quence, elle a annulé les procès-verbaux de ses 175"'" et 176m• séances et attribué la souveraineté sur les parcelles litigieu­ses à la Belgique. Cette décision a trouvé son expression dans la Convention de délimitation.

De l'avis de la Cour, en dehors de la simple comparaison entre le texte du Procès-verbal descriptif et l'exemplaire du Procès-verbal communal produit par les Pays-Bas, tous les efforts pour démon­trer et expliquer l'erreur alléguée repo­sent sur des hypothèses qui ne sont pas plausibles et qui ne sont pas étayées par des preuves suffisantes.

La Convention de délimitation de 1843 a été le résultat de plusieurs années de travail, pendant lesquelles les mem­bres de la Commission mixte de délimi­tation ont été en contact non seulement avec les administrations communales respectives, mais encore avec les Gou­vernements des deux Etats. Suivant les informations fournies à la· Cour, des exemplaires du texte du Procès-verbal communal qui devait être incorporé dans le Procès-verbal descriptif et qui a été en fait incorporé dans celui-ci ont été signés par les secrétaires de chacune des communes. Le texte effectiv~ment trans­crit était donc connu des deux commu­nes et des deux Etats. La Convention a été confirmée par les Parlements des deux Etats et ratifiée conformément à leurs procédures constitutionnelles. Ses termes ont été publiés dans chacun des Etats. Pendant près d'un siècle, les Pays­Bas n'ont pas contesté l'attribution des parcelles litigieuses à .la Belgique.

Il est établi à la satisfaction de la Cour qu'il n'y a pas eu erreur et que la vali­dité et la force obligatoire des disposi­tions de la Convention de 1843 se rap­portant aux parcelles litigieuses n'en sont pas affectées.

* ** Le dernier moyen avancé par les Pays­

Bas est que, si la souveraineté sur les parcelles litigieuses appartenait à la Belgique en vertu de la Convention de délimitation, les actes de souveraineté accomplis par les Pays-Bas depuis 1843 ont établi la souveraineté des Pays-Bas.

Il y a là une revendication de souve­raineté contraire au titre établi. par trai­té. En vertu de la Convention de dé.limi-

515

talion, la ·souveraineté appartenait à la Belgique. La question qui se pose à la Cour est de savoir si la Belgique a perdu cette souveraineté, faute d'avoir affirmé ses droits et pour avoir acquiescé à des actes de souveraineté prétendument exercés par les Pays-Bas à différentes reprises depuis 1843.

Quant à la question de savoir si la Belgique a jamais abandonné sa souve­raineté sur les parcelles litigieuses, il.faut remarquer que, depuis sa première pu­blication en 1874, la carte d'état-major belge a relevé ces parcelles comme fai­sant partie du territoire belge. Elles ont été inscrites au cadastre belge de 1847 à 1852, époque à laquelle l'une d'elles en a, pour quelque motif, été rayée, pour y être réinscrite vers 1890; depuis lors, l'une et l'autre ont continué d'y figurer. Des actes de mutation visant l'une des parcelles, ont été inscrits au relevé ca­dastral de Baerle-Duc en 1896 et 1904.

La valeur à attacher aux actes invo­qués par les Pays-Bas doit s'apprécier en tenant compte du système complexe d'enclaves entremêlées qui existait. Les difficultés que rencontrait la Belgique à découvrir les empiétements sur sa sou­veraineté et à exercer celle-ci sur ces deux parcelles, entourées comme elles l'étaient par le territoire néerlandais, sont manifestes. Dans une large mesure, les actes invoqués sont des actes cou­rants et d'un caractère administratif, accomplis par des fonctionnaires locaux et sont la conséquence de l'inscription par les Pays-Bas des parcelles litigieuses à leur cadastre, contrairement à la Con­vention de délimitation. Ils sont insuf­fisants pour .déplacer la souveraineté belge établie par cette Convention.

Pendant· les années 1889 à 1892, les deux Etats ont fait des tentatives pour établir entre eux, dans cette région, par voie d'échanges de territoires, une fron­tière régulière et continue. Une nouvelle commission mixte de délimitation, . qui s'est réunie à cette époque, a finalement préparé une convention qui a été signée par les plénipotentiaires des deux Etats en 1892, mais n'a jamais été ratifiée. Selon ses termes, la Belgique consentait notamment à céder aux Pays-Bas les deux parcelles litigieuses. Les Pays-Bas soutiennent que ce fait ne leur saurait être opposé, attendu que la Convention n'a pas été ratifiée, que peu d'importance était attachée à ces deux parcelles, qu'ils avaient été eux-mêmes induits en erreur par le texte du Procès-verbal descriptif et que le caractère d'aucune cession n'était pris en considération.

Sans doute la convention non ratifiée de 1892 n'a créé ni droits ni obligations, mais les termes de la convention elle­même et les événements contemporains montrent qu'à cette époque la Belgique affirmait sa souveraineté sur les deux parcelles et que les Pays-Bas ne l'igno­raient pas. Dans une lettre du 2n août 1890, le ministre des Affaires étrangères de Belgique avait informé le ministre des Pays-Bas à Bruxelles qu'une enclave tra­versée par la ligne de chemin de fer de Turnhout à Tilbourg avait été omise dans l'énumération des territoires à céder par la Belgique aux Pays-Bas. Cette enclave comprenait les parcelles litigieuses; cel­les-ci furent incorporées dans la Con­vention de 1892 et elles furent plus tard spécifiquement visées par une déclara­tion additionnelle ·du mois de décembre de la même année. Ni en 189·2, ni à au­cune autre époque depuis lors, les Pays­Bas n'ont rejeté les assertions belges de souveraineté, jusqu'au jour où le diffé-

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rend s'est élevé entre les deux Etats en 1922.

Après examen de la situation ayant existé en ce qui est des parcelles liti­gieuses et des faits invoqués par les dc·ux Gouvernements, la Cour constate que la souveraineté de la Belgique établie en 1843 sur les parcelles litigieuses ne s'est pas éteinte.

Par ces motifs : par dix voix contl"e quatre, dit que la souveraineté sur les parcel­

les cadastrales connues de 1836 à 1843 sous les nos 91 et 92, section A, Zonde­reygen, appartient au Royaume de Bel­gique.

OBSERVATIONS. - La minute de l'arrêt rap­porté ci-dessus in extenso, sauf quelques passages d'intérêt accessoire marqués par un pointillé, est sui­vie de la reproduction des opinions dissidentes. Celles-ci, qui représentent 1 8 pages de texte, ont été émises par Sir Hersch Lauterpacht, Armand-Ugon et Lucio N. Moreno Quintana. Les juges dont la déclaration est ainsi actée ont opiné en faveur de l'attribution des parcelles litigieuses aux Pays-Bas.

Civ. Liège (2• ch.), 2 juin 1959. Siég. : MM. J. GuisSART, juge ff. prés.; P. PETIT

et J. DETHJSE, juges. Min. pub!. : M. J. THJLMANT, subst. proc. Roi.

(V ... c. M ... )

DIVORCE PAR CONSENTEMENT MU­TUEL. - Inventaire des biens. - Repré­sentation d'un des époux par un mandataire. - Mandat valable. - Mandataire prêtant serment aux fins du mandat. - Absence de serment valable.

Le mandat donné par l'époux à un tiers afin de le représenter à l'inventaire préalable au divorce par consentement mutuel, y faire toutes déclarations acti­ves et passives, 'passer et signer tous actes et pièces y compris l'acte de partage transactionnel est valable.

Par contre, il ne peut être admis que ce soit le mandataire qui prête serment en fin d'inventaire de n'avoir rien dé­tourné ni su qu'il ait été détourné direc­tement ou indirectement par qui que ce soit.

Attendu qu'il résulte des pièces produi­tes et notamment de l'annexe du procès­verbal d'inventaire du 13 mars 19>58 que Je 5 février 1958 l'épouse a donné pouvoir à M. L... C ... , clerc de notaire, qui a accepté ce mandat, de la représenter à l'inventaire préalable au divorce par consentement mutuel, y faire toutes dé­clarations actives et passives, passer et

LA

Réunion du Conseil de l'Union internationale

des avocats à Dubrovnik. A ,J'invitation de la Fédération des cham­

bres d'avocats de Yougoslavie, le Conseil de l'U. 1. A. s'est réuni à Dubrovnik, du 2 au 5 septembre.

signer tous actes et pièces y compris l'acte de partage transactionnel;

Que ce mandat est parfaitement vala­ble;

Que, par contre, il ne peut être admis que ce soit le mandataire qui ait prêté serment, en fin d'inventaire, de << n'avoir rien détourné ni su qu'il ait été détour­né directement ou indirectement par qui que ce soit»;

Qu'en effet, le serment est un acte es­sentiellement personnel et propre à la personne qui peut avoir une connaissan­ce directe du fait qu'elle affirme solen­nellement vrai; qu'il ne se conçoit dès lors pas qu'il puisse faire l'objet d'un mandat; qu'en l'espèce, au surplus, le mandat n'autorise nullement le manda­taire à prêter serment;

Que le serment prêté par ce mandataire n'engage que lui-même et est sans portée, puisque aussi bien il est normal que ce clerc de notaire n'ait rien détourné des biens appartenant aux parties ni su que des biens aient été détournés, puisqu'il n'a pas été en possession des objets avant l'inventaire ni habité la maison dans la­quelle se trouvaient lesdits objets; (Code proc. civ., art. 943, 8°) ;

Que, par ailleurs, l'épouse pourra tou­jours soutenir n'avoir pas prêté serment en fin d'inventaire;

Que, dans ces conditions, il y a lieu de considérer qu'il n'a pas été prêté ser­ment en fin d'inventaire, et qu'il n'a dès lors pas été satisfait aux formalités pres­crites par la loi;

Par ces motifs : LE TRIBUNAL,

Dit n'y avoir lieu d'admettre le divorce entre les époux V ... -M ...

Corr. Charleroi (86 ch.), 19 mai 1959.

Siég. : M. DE CEUNINCK, juge unique. Min. pub!. : M. MARCELLE, subst. proc. Roi. Plaid. : M• L. DERMJNE.

(Ministre des Finances c. Blondiau et cons.)

DOUANES ET ACCISES. - Délits. Auteur se soustrayant à la constatation par les agents de douane. - Refus d'exercice. -Eléments constitutifs. - Procès-Terbaux. -Force probante.

Le délit de refus d'exercice est établi dès lors que les éléments constitutifs de l'infraction sont réunis; il importe peu à ce sujet qu'à certains moments les ver­balisants aient été à même d'accomplir sans entraves leur mission légale à l'égard des prévenus.

· Cinquante-trois délégués de 14 pays diffé­rents participèrent aux travaux de cette ses· sion, présidée par le président de l'Union, M• Schmid, de Bâle.

Nos confrères yougoslaves ont mis à la dis­position des participants, outre les prévenan­

_c~s_de leur organisation, les splendeurs de l'ancienne Raguse, déployant ses channes au bord d'une Adriatique malheureusement quel­que peu embuée pendant les quelques jours de séance.

Pour les membres d'une petite délégation officielle, le voyage commença de façon un peu compliquée; les nécessités d'une réception officielle par le maréchal Tito les menèrent par des voies diverses et pleines de fantaisie, à Belgrade, surencombrée par la Foire com­merciale.

Les procès-verbaux établis par les agents des douanes et relatant les con­statauons faites par eux font pleine foi à moins que la fausseté n'eiZ soit établie.

Attendu qu'il résulte tant du procès­verbal que de l'instruction faite à l'au­dience que la prévention mise à charge de chacun des prévenus est établie;

Q:ue ledit procès-verbal relate les faits matériels ayant constitué des refus de visites ainsi que des empêchements à l'exécution des fonctions que les em­ployés des douanes étaient occupés à exercer en vertu de la loi; qu'il relate aussi des faits constitutifs de la circon­stance aggravante visée dans la préven­tion;

Qu'il ressort de ce même document que les constatations ainsi relevées l'ont été par ses auteurs, préposés de l'ad­ministration;

Qu'à propos de ces constatations, il fait pleinement foi, sa fausseté, alléguée par les prévenus, n'ayant pas été prouvée (voy. art. 239 de la loi générale du 26 août 1822 et Rép. prat. Dr. belge, v~ Douanes et Accises, no' 538, 539 et 540);

Qu'à l'audience, lesdits . préposés ont formellement reconnu les prévenus corn­me étant les personnes coupables des faits énoncés dans leur procès-verbal;

Qu'il importerait peu qu'à certains moments, et notamment lorsque le garde­champêtre s'est trouvé sur les lieux, les verbalisants eussent été à même d'ac­complir, sans entraves, leur mission lé­gale à l'égard des prévenus; qu'en effet, le procès-verbal fait apparaître claire­ment que, dès les premiers contacts en­tre les agents de l'administration et les prévenus, les infractions imputées à ceux­ci furent consommées; que le refus d'exercice doit être puni indépendam­ment de toute autre contravention, que les employés auraient pu avoir l'occasion de constater ultérieurement (cf. Pand. belges, V' Douanes et accises, no 257; ~ voy. aussi no 250);

Par ces motifs : LE TRIBUNAL,

Statuant contradictoirement; Condamne chacun des quatre prévenus

à une amende de 5.000 francs; Les condamne aux frais liquidés : 1)

à 56 francs envers l'Administration des Finances; 2) à 126 francs envers l'Etat;

Ordonne qu'à défaut de payement des amendes dans le délai légal, elles pour­ront être remplacées par un emprisonne­ment correctionnel de trois mois pour chacune d'elles.

Les autres membres du Conseil avaient rallié Dubrovnik par tous les moyens de transport, y compris, par la route... ·Ces derniers, peu nombreux, avaient été récompensés de leurs fatigues par la vue d'une côte dalmate con­servant des trésors artistiques dus aux occu­pations grecques, romaines, vénitiennes, autri­chiennes et françaises (et malgré elles ! ) : Tro­gir, Split, Zadar, Sibenik... et enfin, cette merveilleuse et inattendue Dubrovnik.

Un mot des travaux du Conseil et du Bu­reau:

1 o La poursuite des travaux des Commissions, sous la direction du secréta·ire généra:! français, M" Lussan, sur le thème de l'« Adaptation de l'avocat à la vie mo­derne ... », permit des échanges de vues

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imtéressants du point de vue des problèmes de l' associailion et de la spéciaHsation.

2° Rapport fut fait sur l'état actuel des négo­ciations en vue de la fusion de l'U. 1. A. avec l'International Bar Association.

3° L'organisation du prochain Congrès qui se tiendra à Bâle en septembre 1960 fut évoquée.

4° L'adhésion provisoire de deux nouveaux membres fut proposée : le Collège des avocats de Buenos-Ayres et le Barreau de Saïgon.

5o Enfin, sur proposition hollandaise (sou­tenue par la délégation grecque qui se trouve devant les mêmes problèmes), une motion, votée à l'unanimité, fut délibérée concernant certains projets de lois qui (nommés aux Pays-Bas « Praktizijnswet ») tendent à faire reconnaître légalement les agents d'affaires.

Il n'est peut-être pas inutile de reprendre ci-dessous le texte de cet ordre du jour :

<< Le Conseil de l'Union internationale des avocats, réuni à Dubrovnik, le 4 septembre 1959, - informé de l'existence dans certains pays

membres de l'Union, de projets législatifs tendant à reconnaître légalement la situa­tion des agents d'affaires, sous quelque dé­n()minatiQn qu'ils· se présentent,

1) estime devoir rappeler que le plus grand intérêt de la Justice et des justiciables est de voir assurer la défense et l'assistance de ces derniers par des spécialistes scientifi­quement, professionnellement et morale­ment qualifiés à cet effet;

2) estime devoir rappeler que seùls les avocats présentent traditionnellement les garanties nécessaires, notamment du point de vue de leur formation universitaire et de leurs règles déontologiques constantes;

3) proteste contre ces tentatives législatives particulièrement inopportunes;

4) ajoute plus particulièrement, en ce qui con­corne les six pays membres des commu­nautés européennes, que cette situation est encore plus grave en raison de l'organi­sation d'une uniformisation des législations nationales. »

A.D.B.

LA VIE • • •

P J\ LA 1 S La f:édération des avocats à Namur.

Les Mutuelles.

Dans le oompte rendu de l'assemblée gene­rale tenue à Namur le 27 juin 1959, nous avons omis, par suite d'une erreur involontaire, de mentionner que l'excellent rapport sur les Mutuelles, de l.\'1" De Laever, du barreau de Liège (nous nous en excusons auprès de lui), dont lecture fut ~aite pa·r M• Marissiaux, fut suivi avec une vive attention par l'assemblée et donna lieu à une intéressante disCUJSSion à laquelle prirent part MM•• Aubry, Bo­land, Gribomont et Van Roye. M• Bressac, du barreau de Paris, exposa à l'assemblée l'expérience réalisée en France en vue de con­stituer des Mutuelles et Assurances-Groupe sous l'égide de la Caisse nationale des bar­reaux français.

L'assemblée s'est ralliée en conclusion de ce débat au souhait exprimé par M• Gribomont de voir la ·Caisse de prévoyance des avocats intervenir en cas de maladie et ne pas se can­tonner uniquement dans le domaine de la pen-sion. E. T.

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OPINIONS

Les arrêtés de Californie Sans la signature du Roi, une loi ne peut

exister. Pareillement un arrêté royal. Dans les deux cas, avec le contreseing ministériel.

C'est là une notion de droit public tout à fait élémentaire. On peut cependant, à ce sujet, relever plusieurs décisions de la Cour de cassation. Mais cet aspect doctrinal de la question est étranger à notre propos.

Il arrive que le Souverain se déplace, même hors du pays. C'est du lieu où il se trouve alors que la signature est donnée. L'indication du lieu et la date figurent, en effet, au bas du texte sanctionné et avant la signature.

Un historien réputé émaillait récemment l'une de ses attachantes conférences de la dé­couverte qu'il avait faite d'une proposition de loi, qui avait pour but d'interdire au Souve­rain la signature de lois ou arrêtés alors qu'il se serait trouvé en dehors du territoire natio­nal ! C'était du temps du roi Léopold II !

Il semble, de toute manière, que la présen­tation à la signature du Roi de textes légis­latifs ou réglementaires doive être limitée aux matières qui présentent à la fois importance et urgence. On imaginerait mal l'envoi à gros frais d'un messager, porteur des pièces, pour des documents au demeurant secondaires.

Il est permis de s'étonner, dès lors, de la publication au Moniteur du 10 juin, d'une série d'arrêtés royaux pour lesquels la signa­ture du Roi a été donnée à Monterey (E.U.A.) le 24 mai.

Cinq arrêtés do:p.t la teneur est absolument identique.

Cinq arrêtés apportant une modification à des arrêtés antérieurs de plusieurs années.

Cinq arrêtés dont l'entrée en vigueur est prescrite au jour même de la publication au Moniteur.

Cinq arrêtés qui concernent les personnes physiques qui « entrent en ligne de compte (sic) pour le payement des arrérages» dus par certaines caisses de pension. Notons en pas­sant que la notion juridique d'ayants droit doit être tenue pour surannée ou périmée par le rédacteur du texte, dont un observateur narquois disait : «Où n'a-t-il pas appris le droit, celui-là ? »

Ces remarques seraient cependant de peu de relevance, s'il était acquis que la matière de ces « arrêtés de Californie » présentât impor­tance et urgence.

Or, on en peut douter. Chacun des arrétes organiques de la Caisse de . prévoyance et de secours des marins, de la Caisse d'assurance vieillesse-décès, de la Caisse de retraite des ouvriers, de celle des employés et de celle des ouvriers mineurs contient une disposition, chaque fois identique d'ailleurs, décrétant la forclusion des demandes d'arrérages introduites plus de six mois après le décès.

Désormais, ce délai de six mois prendra cours soit à la date du décès, soit à celle de la notification qui en serait faite.

Et c'est pour cela, pour cette modalité de pure forme et d'ordre, au fond, très secon­daire qu'on a eu recours à cette procédure inimaginable de la quête d'une signature au cours d'un voyage officiel et solennel du Sou­verain à des milliers de kilomètres ! Le plus beau de ce petit jeu, c'est que la publication de ces textes a eu lieu le 10 juin, plus d'une semaine après la rentrée du Roi au pays, ce qui aurait permis d'attendre quelques jours sans inconvénient.

Cela heurte, cela peine, ça blesse aussi et peut-être même cela révolte. Ce n'est pas être atrabilaire que de s'en indigner.

Parce qu'en fait, c'est réduire, c'est mini­miser, c'est << médiocriser » la fonction royale. Le Roi est tout de même autre chose qu'une machine à signer de ridicules « minusculeries » même et surtout en voyage.

Serions-nous seul à protester au milieu de l'indifférence morbide ou de la lassitude résignée de tous, que nous continuerions à protester de toute notre énergie contre ces

517

procédures ou procédés inconsidérés et im­pardonnables, èt à rappeler au sérieux et à la dignité ceux qui nous dictent nos règles de conduite. Raoul RuTTIENS-MANSART.

Addendum. - La loi modifiant la légis­lation sur l'enseignement a été signée à New York (E. U. A.) le 29 mai. Elle n'est publiée que le 19 juin. Elle non plus n'aurait pu attendre ! R. R.

! Compensation.

A la chambre correctionnelle Comparaissait

Un monsieur fort peu satisfait.

* Auprès d'une épouse infidèle Il fut pris en flagrant délit ...

* Sur le banc infâme il s'assit, A distance respectueuse De la dame pro vertueuse. Ainsi le veut la tradition Des délits dont la commission Est intime fréquentation :

c Pourquoi, Madame, êtes-vous là ? • - c Monsieur, je ne vous connais pas •.

* Que dire quand on est surpris In ipsis rebus V eneris ?

* L'homme prétendait mordicus Etre innocent comme une agnelle. Dès sa naissance il avait eu En sainte horreur la bagatelle. La nature l'avait déçu. Il en était triste et marri, Mais n'était jamais parvenu A faire dame tme pucelle Ni tromper le moindre mari ...

* Perplexe était le tribunal,

Car il comprenait mal Que la dame volage Prit un amant si sage

Et un complice Si peu propice.

! ~

~ !

* u président réfléchissait Et ce cas-là l'intéressait.

* Or, son esprit préoccupé Eut soudain un trait de génie. - • J'admets, dit-il à l'inculpé, Votre insuffisante énergie. Je plains votre infériorité !

s

Et votre amoureuse allergie. Vous serez pourtant condamné, Mais ce sera, en vérité, u plus beau jour de votre vie ! »

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. . ' . BIBUOGRAPHIE

Léon DELANGE-JANSON : c Ambroise -Chronique d'un Liégeois de France, 1770-1827 ». - « La Renaissance du Livre », 1959.

Saluons ce gros livre de 350 pages, fort bien imprimé, fort bien illustré, qui est dédié à la mémoire de' Paul Janson, petit-fils d'Ambroise et beau-père de l'auteur.

Ce n'est pas une· mince surprise que cette œuvre paraisse au moment où notre siècle approche de son dernier tiers et qu'elle se trouve en même temps si proche du grand tribun.

Paul Janson est né il y a cent vingt ans : voilà cinq règnes brusquement ramassés en une dédicace.

On devine que l'auteur est tin septuagénaire alerte et bienveillant, débarrassé des tâches d'une profession active, délivré du souci d'une maisonnée trop bruyante et qui a eu, au temps de ses loisirs, la charmante idée d'un pieux hommage familial.

Epousant la fille de Paul Janson, M. Delange n'a pas cessé, semble-t-il, de vouer beaucoup d'amour et d'admiration à une lignée qui a illustré à plusieurs reprises, l'histoire de la Belgique con­temporaine.

Qui lui donnerait tort ? L'auteur du présent compte rendu le sait bien

qui a partagé avec un membre de la gens Janson les rudes épreuves d'un entraînement militaire spé­cialisé en Haute-Ecosse et. qui, au dernier degré de la fatigue, lui disait ces seuls mots d'encourage­ment : « Lucien, la famille te regarde... ll

On comprend qu'un homme de bien, en sa mo­d~stie, ait voulu faire à ses enfants l'hommage de mettre en pleine lumière le premier Janson qui ait tiré son nom de l'obscurité.

Fils d'un Lorrain et d'une Parisienne, Ambroise Janson a dix-neuf ans quand la Bastille est prise. Jeune clerc d'avoué, il s'enrôle trois ans plus tard

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dans les armées de la future République et il enverra à sa famille plus de cent -lettres qui sont les sour­ces du présent livre.

Là, il faut bien s'avouer que l'usage qu'en a fait M. Delange peut prêter à discussion.

Le jeune Ambroise, chasseur à l'armée de Sam­bre-et-Meuse, avait fait campagne en Belgique et sur !~ Rhin, lorsqu'il fut nommé agent national à Liège qui connaissait alors sa seconde occupa­tion française.

Sa correspondance pouvait faire l'objet d'une publication limitée, qui aurait pu nous intéresser comme le font les lettres ou les notes d'humbles soldats qui nous donnent un si vivant tableau des armées françaises ou anglaises au temps de la Révo­lution et de l'Empire.

On pouvait aussi restreindre ce petit trésor de correspondance aux proportions d'une étude plus strictement généalogique.

Au lieu de quoi, M. Delange a eu un dessein plus ambitieux mais voué à combien de périls.

Il a romancé sa correspondance, il a refait l'his­toire dé la Révolution en France et dans nos pro­vinces, mettant Ambroise en scène, le faisant dia­loguer avec ses amis, illustrant de cent colloques imaginaires ce qu'Ambroise avait dû penser des choses qu'il voyait' ét ce qu'il avait dû dire des évé­nements qu'il apprenait : il n'y a pas de genre plus faux.

On imagine que cela nous donne un peu d'Ambroise et beaucoup de M. Delange.

Or M. Delange a, sur l'histoire de cette époque, des vues si extraordinaires qu'il faut bien lui en demander compte.

Je sais qu'un Bruxellois doit toujours faire mon­tre de la plus grande prudence en traitant des cho­ses de Liège, mais je doute qu'on puisse pardonner aisément à M. Delange d'avoir fait passer ses pas­sions avant la critique historique ou la simple modération.

Ces passions sont une francolâtrie poussée jus­qu'aux plus incroyables extrémités et un roman­tisme jacobin qui aurait surpris Albert Mathiez lui­même.

Fière et libre principauté, que deviens-tu dans cette affabulation ? Rien qui ne soit pardonné ou exousé ou • expliqué • : la cathédrale Saint-Lam­bert détruite, les chevaux, les voitures, les vivres réquisitionnés, l'orfèvrerie, les œuvres d'art, les ma­nuscrits envoyés à Paris, les proscriptions, les dépor­tations à Cayenne ...

Jusqu'aux révoltes paysannes du Limbourg et du Luxembourg qui sont tournées en ridicule de façon bien déplaisante.

C'est évidemment le droit de M. Delange de regretter que l'annexion ne se soit point faite dura­blement : cela peut faire un pamphlet, au même titre que la Flandre martyre; mais quel dommage de mêler le ·pauvre Ambroise à tout cela.

Ce brave garçon, fonctionnaire de la puissance occupante, paraît s'être gardé des effarants excès que le co·mité de Salut Public a commis chez nous après les victoires de Jourdan et de Pichegru.

Son cœur s'est ouvert et il a épousé une fille du pays. _

Et comme nous sommes heureux de le retrou­ver dans sa simplicité, devenu vraiment le père d'adoption des Liégeois au milieu de qui il allait passer, jusqu'en 1827, le reste de ses jours : natu­ralisé, promu magistrat, tige de cette lignée qui devait si bien illustrer le droit et l'éloquence.

Cela ne va pas sans quelques nalvetés, mais nous saluons leur fraîcheur : « Sous le consulat, l'em­pire et la domination hollandaises, Ambroise Janson fait souche de démocrates ... )) ou plus loin : « Moins heureux qu'Ambroise, Napoléon, après dix ans de mariage, n'avait pas encore de descendant ... »

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Comme nous préférons ce livre de raison d'une famille au seuil d'un siècle nouveau à ces passages de grande politique où la Prusse « haineuse l) et la perfide Albion découragent tous les élans paci­fiques de l'Empereur.

Le portrait aimable et charmant d'Ambroise nous porte d'ailleurs à espérer qu'un jour M. Delange, quittant des époques aussi troublées, nous donne un livre sur Paul Janson qu'-il pourra éclairer de ses qualités de peintre et de biographe. -

En nous démontrant une fois de plus, si besoin était, combien le sentiment dynastique est resté vif en nos provinces... B. J. RrsoPouLos.

c Procédure civile_ - Droit pénal. - Procé­dure pénale ». - Textes choisis et com­mentés par Claude GIVERDON et Jean LARGUIER, professeurs à la Faculté de droit et des sciences économiques de Gre­noble. - Edit. Montchestien, Paris, 1959. Les auteurs partent du conseil de Henri Capitant :

« Il n'est de bon juriste que celui qui a pris l'habi­tude de consulter la loi l), pour publier presqu'en manière de ·pages choisies, les plus importants des textes qui sont issus des récentes ordonnances fran­çaises : le dessein est modeste sans doute, mais il est méritoire. MM. Giverdon et Larguier, inquiets comme d'autres bons esprits en présence d'ordon­nances qui « se complètent, se chevauchent et se contredisent », ont réuni six assistants et moniteurs du Centre de recherche de droit privé de la Faculté de Grenoble, Claude Berr, Jean-Pierre Le Gall, André Pellegrin, Thérèse Givord, Françoise Joubert et Francis Windsor, et c'est avec leur collaboration qu'a été rédigée cette œuvre de coordination et ce bref commentaire.

-Tel qu'il est, le livre rendra des services et leurs auteurs, très érudits, ont le scrupule d'écrire qu'ils n'attendent pas d'autres hommages, laissant enten­dre avec quelque ironie que le légiste et le juriste ne sauraient être confondus.

Une remarque vaut d'être retenue qui, à notre connaissance, n'avait pas été faite jusqu'ici : « _Si les juridictions d'exceptions, observent MM. Giverdon et Larguier (p. 104), demeurent, en première ins­tance, ce qu'elles étaient antérieurement à la ré­forme, il ne faut pa~ se dissimuler qu'une indénia­ble menace pèse s~r elles. L'intention clairement exprimée des auteurs de la réforme, est bien de' les voir disparaître ll. Cette suppression pourra résulter de simples décrets. Ch. V. R.

COURRIER DES REVUES * La Cour de justice de la Communauté du Char­bon et de l'Acier publie, avec un soin égal, le qua­trième volume de sa jurisprudence (janvier-juillet 1958) et les conclusions de M. l'avocat général Lagrange, qui ont précédé les dix arrêts reproduits en ce tome. * La Gazette du Palais du 30- juin 1959 contient une pénétrante étude de M. le professeur Paul Esmein sur les indemnités pour· dommage moral : l'auteur y critique un arrêt de la Cour de cassation de France, chambres réunies, du 21 avril 1958 qui admet qu'une caisse de sécurité sociale peut, si cela est nécessaire pour couvrir ses dépenses, se faire attribuer même l'indemnité allouée à la victime à titre de pretium doloris ou en réparation d'un préjudice moral.

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Il raut que votre foie verse chaque jour au moins un litre de bile dans votre lntesttn. SI cette bile arrive mal, vous ne digérez pas vos aliments. Us se putréfient. Vous voue sentez lourd. Vous êtes constipé. Votre orga­nisme s'empoisonne, et vous êtes amer, abattu. Vous voyez tout en nolrl Les laxatifs sont des pis-aller. Seules les PE'.CITES PILU­LES CARTERS pour le FOIE ont le pouvoir d'assurer cet afflux de bile qui vous remettra à neuf. Végétales, douces, étonnantes pour activer la bile. Exigez les Petites Pilules Carters. Toutes Pharmacies. Fr. J9.

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Ne tirez pas toujours sur le Fonction­naire, il fait ce qu'il peut. Er, ma foi ! i-1 arrive que ce qu'il fasse soir bien fair. Apràol avoir lu assidûment la chronique des coups de règle dans le Journal des Tribu­naux ? Nous n'irons pas jusque là... Et pourtant ...

C'est Ponocratès qui, dans un de ses .pre­miers coups de règle (J. T., 1944-1945, p. 203), attirait l'attention sur un des actes les .plus marquants du gouvernement belge de Londres : la création d'un mot qui, jus­qu'alors, manquait au dictionnaire. Il avait découvert en effet que, contrairement aux chefs d'Etats qui avaient usé de la langue française jusqu'en 1944 et donné à leurs su­jets des commissions, ledit gouvernement belge avait donné. des commissionnements. Et Ponocratès de rire !

Depuis lors il y eut certes encore pas mal de commissionnements. Mais void que le Mo­niteur du 3 1 août 19 59 publie un arrêté royal du 26 août« portant commission d'un offider à 1' emploi du grade supérieur ,.,

Et l'ombre de Ponocratès sourit. JAFSON.

Notes de législation. Commission paritaire nationale du bois . ..:.... Scieries

et commerce du bois. - Travailleurs manuels. -Conditions de travail. - Décision du 21 jan­vier 1959· - Modifications. Entrée en vigueur : r"" mai 1959· - Décision

du 8 juiLlet 1959 de ladite commission paritaire. -Arrêté royal du 2.7 août 1959 (Moniteur du r6 sep­tembre 1959).

Police du commerce. - Semences, engrais, etc. -Office national des débouchés agricoles et horti­coles. - Liste des variétés des espèces agricoles, horticoles et forestières. - Contrôle. - Arrêté ministériel du 27 août 1958 et annexe. - Abro­gation et remplacement.

Entrée en vigueur : délai de droit commun. Arrêté ministériel du 1er août 1959 (Moniteur du 16 septembre 1959).

Allocations familiales. - Caisse nationale de com­pensation pour allocations familiales. - Institu­tion et organisation. - Commission arbitrale. -Organisation et fonctionnement. - Réglementa­tion. - Arrêté royal du 31 octobre 1930 : arti­cle 13. - Exécution.

Entrée en vigueur : 17 septembre 1959· -Arrêté ministériel du 3 septembre 1959 (Moniteur du 17 septembre 1959).

Police du commerce. - Importation. - Exporta­tion et transit des marchandises. - Witloof. -Exportation. - Conditions. - Arrêté ministériel du 20 avril 1953· - Abrogation et remplacement. Entrée en vigueur : délai de droit commun. -

Arrêté ministériel du 1er septembre 1959 (Moniteur du 17 septembre 1959).

Commission paritaire des services de santé. - Tra­vailleurs. - Conditions de rémunération. - Fixa­tion.

Entrée en vigueur : 1er avril 1958. - Décision

·;:;~~ ~~~· '-.:.~~~; .. _ :~~·~~·-

du 6 août 1958 de ladite commiSSIOn paritaire. Arrêté royal du 8 septembre 1959 (Moniteur du 19 septembre 1959).

Le Centre de documentation du Barreau de Bmxelles (Palais de Justice), qui assume la tenue de cette rubrique, adresse aux membres des bar­reaux tous les renseignements de législation et de jurisprudence qui lui sont demandés.

Les secrétaires de Paris. Les secrétaires de la Conférence du stage du

barreau de Paris, pour l'année 1959-1960, sont les suivants :

M. Jean-Marc Varaut, Mne Adrienne Ajax, M. Daniel Jacoby, Mlle Françoise Perelman, MM. Jean-Jacques Ploquin, Etienne Jaudel, Jacques Jonetre, Pierre Fauchon, Henri Liber­talis, Pierre Renouil, Mme Jeanne Gamonet­Barbillon, M. Joseph-René Roubache.

Voyage d'études. Dix magistrats de la République fédérale

allemande séjournent en Belgique depuis le 14 septembre.

Ils y étudient, sous les auspices de la section belge de l'Union internationale des magistrats, la compétence, l'organisation et le fonction­nement de nos institutions judiciaires. -

Le fusil-piège. Les journaux ont rapporté, le mois dernier,

ce petit faits-divers : Dans la banlieue parisienne, à Bondy, un

cambrioleur a été grièvement blessé au moment où il ouvrait la porte d'une armoire au domi­cile de M. Paul Lecoq : le propriétaire, ab­sent, avait disposé un fusil-piège à l'intérieur du meuble.

Le malfaiteur, Edmond Stiateski, trente-huit ans, un repris de justice qui venait de purger trois mois de prison à Fresnes, ne pouvait guère prévoir à quel danger il s'exposait : la demeure qu'il avait choisie de visiter offre l'aspect modeste d'un vaste baraquement re­couvert de tôle ondulée et installé en plein champ.

Mais le propriétaire, ouvrier dans une entre­prise de meubles métalliques, avait déjà à plusieurs reprises été victime de voleurs.

Aussi avait-il imaginé d'installer un dispo­sitif de défense à l'intérieur de l'armoire de sa chambre : un fusil de chasse à deux coups, chargé de chevrotines, y était maintenu à l'aide de chatterton. Un ressort reliait la détente de l'arme à la poignée du meuble.

C'est vers l'armoire que Stiateski se dirigea aussitôt après qu'il se fut introduit dans le baraquement en brisant une fenêtre : les coups de feu retentirent... Quoique grièvement bles· sé au ventre et aùx mains, il réussit à par­courir quelque 200 mètres pour trouver du secours : «Je viens d'être victime d'une agres­sion », murmura-t-il avant de perdre connais­sance.

Mais les policiers, en suivant les traces de sang, purent revenir à l'armoire défensive et reconstituer les faits.

Légitime défense. Sur quoi cette question se pose : l'instal­

lation de pièges dangereux dans une maison habitée, est-elle punissable ?

·En droit belge la matière, on le sait, de légitime défense est réglée par les articles 416 et 417 du Code pénal. Seule, selon notre Cour de cassation, la légitime défense de la per­sonne est une cause de justification. Et M. Paul Lecocq, à la différence du héros de Boubou­roche, ne se trouvait pas en son armoire, lors­que la porte de celle-ci fut ouverte !

519

Mais s'agit-il bien de légitime défense? On se demandera auparavant s'il existe, en

l'espèce, un défaut de prévoyance imputable au propriétaire. Son ingéniosité et son absence, à première vue, ne suffisent pas à le justifier (Cass., 20 janv. 1923).

Quant à dire que la victime serait recevable et fondée en son action en réparation, c'est un autre problème et nous laissons à nos lec­teurs le plaisir juridique d'en discuter.

Un jubilé d'exception. On a fêté, à Paris, durant les vacances der­

nières, M< Charles Jovart, doyen du barreau de Paris, qui comptait, au mois de juillet, soixante dix ans de profession.

Les vacances. On reparle des vacances dès qu'elles sont

achevées. Des vacances scolaires, au préalable, puis­

que c'est en raison de leur point de départ et de leur terme que nos vacances Judiciaires ont été modifiées.

Les partisans du beau congé mordoré de septembre n'ont pas perdu toute espérance. Ils sont nombreux encore. Le soleil de cette der­nière quinzaine leur a donné raison et rendu courage.

Reconnaissons, au reste, que la réforme qui ranime les juges et les avocats au palais de justice, dès le lendemain d'août, n'est encore qu'une obligation légale. Le cœur n'y était point.

Au Jeune Barreau. Les, présidents des Jeunes Barreaux de Bel­

gique se sont réunis le 5 septembre 1959 chez le président de la Conférence de Bruxelles.

Ils ont eu leur échange de vues traditionnel au sujet de leur organisation interne et ont arrêté certaines mesures concernant les rap­ports entre les diverses conférences du pays.

Les présidents ont pris la décision de se réunir à nouveau durant le cours de l'année judiciaire pour procéder à l'examen de cer­tains problèmes intéressant les jeunes avocats.

Evolution. Il y a peu, l'avocat se voyait interdire, en

France, comme contraire à sa dignité, les dé­marches et les interventions auprès des fonc­tionnaires. Il lui fallait attendre l'audience réservée par un tribunal - judiciaire ou admi­nistratif - au différend pour rencontrer et affronter un adversaire jusqu'alors intouchable.

Tout cela paraît bien changé.- -Dans un article qu'il consacre à « L'avocat et l'Etat », dans le numéro de La Vie Judiciaire des 6-11 juillet derniers, M• Claude Lussan, membre du conseil de l'Ordre des avocats de Paris, préconise le monopole des interventions et démarches auprès des administrations en faveur de l'avo­cat. L'importance considérable des actes des pouvoirs publics justifie ce propos dont la réalisation ne pouvait qu'aider à une meilleùre marche des services administratifs.

cc Nous présentons, tout de même, écrit M• Lussan, à l'égard de l'Administration, cer­taines garanties; nous ne chercherons et, en raison même des règles d'honneur de notre profession, nous ne pouvons absolument pas songer à gagner un fonctionnaire à notre cause par des moyens qui ne seraient pas corrects;

Nouveaux cours : 5 et 6 octobre Anglais; Néerlandais, Français,

Allemand, Espagnol, Italien, Russe, Portugais. Suédois, etc.

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Ecoles à Anvers et à Gand.

(Section spéciale secrétariat)

~cole ouverte TOUTE l'année BUREAU DE TRADUCTIONS

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d'ailleurs, par la clarté de nos exposés ou de notre argumentation, nous pouvons aider l'Administration à étudier un problème dans son ensemble et à lui permettre de prendre une décision en connaissance de cause ... »

En partie à la suite de succession, i 1 sera procédé par minist. de l'huissier PECHER, de Bruxelles, en la

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DATES RETENUES * Section de droü congoiai,s, maritime et aérilliil ,de la Conférence du Jeune BaTreau de BruX,elles. - Le samedi 26 septembre, à r r h., au palais de Justice, causerie par M. Albert Danse, substitut du procureur du Roi au Ruanda-Urundi. Sujet : • L'évolution de la coutume au Ruanda •·

* Les Stations de plein air. - Le vendredi 23 octobre, à 20 h. 30, dans la grande saHe du palais des Académies, M. l'abbé Froidure parlera du sujet : • Blousons noirs... et autres tricheurs •.

Renseignements, rue du Trône, 218 (Tél. 48.25.04).

Etude du Notaire IHGEVELD, 162, chaussée de Wavre, à Ixelles.

Le Notaire INGEVELD adjugera publiquement devant M. le Juge de paix du l" canton d'Ixelles, en la Maison communale de Watermael-Boitsfort, place Léopold Wiener, le jeudi 8 octobre 1959, à 15 h.:

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ROYAUME DE BELGIQUE- MINISTERE DES FINANCES

EMISSION DE L'EMPRUNT 5°/o 1959-1970 INTERETS. - 5 % l'an, à partir du 20 septembre 1959. TITRES. - Obligations au portE;lur de. 1.000, 5.000, 10.000, 50.000 et 100.000 francs, munies

de 11 coupons d'intérêt ~uels, payables le 20 septembre de chacune des années 1960 à 1970.

INSCRIPTIONS NOMINATIVES. - Les obligations peuvent être converties par les porteurs en inscriptions nominatives sur le Grand-Livre de la Dette publique.

AMORTISSEMENT. - L'emprunt est amortissable à partir de la s• année, par rachats ou tirages, suivant les modalitéiii ci-après :

Une dotation annuelle de 3,50 % du capital nominal émis est affectée à l'amor­tissement. Elle prend cours le 20 septembre 1961 et s'accroit chaque année des intérêts des capitaux amortis.

Les dotations sont utilisées à des rachats d'obligations à des cours ne dépas­sant pas le pair ou, en cas d'élévation des cours au-dessus de cette limite, au remboursement au pair, le 20 septembre des années 1962 à 1969, d'obligations à désigner par tirages au sort.

Les obligations non amorties avant le 20 septembre 1970 sont remboursables à cette date au pair.

EXEMPTIONS FISCALES. - Les intérêts et la prime de remboursement sont exempts de tous impôts et taxes réels quelconques, présents et futurs, au profit de l'Etat, des provinces et des communes.

La délivrance des titres aux souscripteurs est exonérée de la taxe sur les opéra­tions de bourse.

SERVICE DE L'EMPRUNT. - Le paiement des coupons et le remboursement des obligations sont effectués aux guichets du Caissier de l'Etat, à la Banque Natio- . nale de Belgique.

SOUSCRIPTION: du lundi 14 septembre au lundi 28 septembre 1959.

II pouiTa toutefois être mis fin à la souscription avant cette dernière date.

PRIX D'EMISSION : 990 francs par obligation de 1.000 francs

payable intégralement en espèces au moment du dépôt de ia souscription.

Les souscriptions sont reçues sans frais à la Banque Nationale de Belgique, à Bruxelles et en province, soit directement, soit par l'entremise des banques, éta­blissements financiers et agents de change établis en Belgique.

DELIVRANCE DES OBLIGATIONS. - Le plus tôt possible et au plus tard le 15 octobre 1959.

COTE OFFICIELLE. - Les obligations seront admises à la cote officielle. Bruxelles, le 9 septembre 1959.

Le Ministre des Finances, J. VAN HOUTTE.

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Le Journal des Tribunaux DIRECTION

Charles Van Reepinghen, rédacteur en chef. Robert Pirson. - Cyr Cambier. Chronique judiciaire : Jean Dai. Secrétaires de la rédaction : Renée Leblus. -Wivine Bourgaux.

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