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470 JURISPRUDENCE DE BELGIQUE du même principe général de droit sui- vant lequel nul n'est censé ignorer la loi, être censé avoir ou devoir avoir con- science que l'inobservance d'une des dispositions relatives à l'état de marche de son véhicule aggrave le risque d'ac- cident ; qu'en effet une violation de ces dispositions n'est pas assimilable à une violation d'un des articles réglant la cir- culation routière comme telle, étant donné que ces articles ne constituent pas nécessairement une faute grave au sens de l'article 16 de la loi du 11 juin 1874 même si le lien de causalité entre leur' violation et l'accident est établi ; au'au contraire les articles réglant l'état de marche du véhicule assuré déter- minent directement et nécessairement l'importance du risque garanti, puis- que ce risque est nécessairement li- mité aux accidents provoqués au moyen d'un véhicule qui répond aux normes de sécurité prévues par la loi, de sorte qu'en estimant, quant à un ac- cident provoqué au moyen d'un véhi- cule ne répondant pas aux conditions d'état de marche prévues par la lé- gislation applicable en la matière ~t ayant fait l'objet d'une décision passee en force de chose jugée du juge pénal selon laquelle cet état constituait la cause de l'accident, que, d'une part, le juge du fond au civil doit pouvoir ap- précier souverainement si cet état liti- gieux constituait en l'espèce une faute grave dont l'assuré avait eu ou devait avoir en réalité conscience qu'elle en- traînerait une aggravation du risque ga- ranti, et que, d'autre part, la charge de cette preuve quant au fond reposait sur l'assureur, la cour d'appel viole les arti- cles 87-1 du règlement général sur la police de la circulation routière, 16 de la loi du 11 juin 1874, 23, 24, 28 du Code judiciaire, 1134, 1135, 1350 du Code civil, 418 et 420 du Code pénal : Quant à la première branche : Sur la fin de non-recevoir opposée par les défendeurs et déduite de ce que les articles dont la violation est invoquée sont étrangers à la contestation : Attendu que le grief invoqué dans cette branche du moyen ne concerne que la violation de la chose jugée en matière répressive ; Attendu que les dispositions légales citées en cette branche sont étrangères à ce grief; Que la fin de non-recevoir doit être accueillie ; Quant à la seconde branche Attendu que la faute grave prévue à l'article 16 de la loi du 11 juin 1874 est celle qui est assimilable à un fait inten- tionnel et dont l'assuré avait ou devait avoir conscience qu'elle entraînerait une aggravation du risque garanti ; Attendu que, si toute personne est censée connaître la loi et, dès lors, avoir connaissance des dispositions réglemen- taires concernant les conditions aux- quelles doit répondre un véhicule pour qu'il puisse être mis légalement en circulation le juge apprécie toutefois souveraine~ent si un manquement dé- terminé à une prescription réglemen- taire, même si celle-ci concerne l'état de marche de ce véhicule, constitue une faute grave au sens de l'article 16 pré- cité et si l'assuré devait avoir conscience que ce manquement entraînerait une aggravation du risque garanti; Attendu, dès lors, qu'en rejetant la demande récursoire de la demanderesse au motif que la faute grave de l'assuré n'est pas établie à suffisance l'arrêt ne viole ni les dispositions légales ni le principe de droit cités en cette branche et motive régulièrement sa décision ; Qu'en cette branche le moyen ne peut être accueilli ; Par ces motifs, rejette le pourvoi ; condamne la demanderesse aux dépens. Du 24 décembre 1976. - ir• ch. - Prés. et Rapp. M. de Vreese, conseiller faisant fonctions de président. - Concl. conf. M. Tillekaerts, avocat général. - Pl. MM. Bützler et Houtekier. 2" CH. - 3 janvier 1977. 1 ° MOYENS DE CASSATION. - MA- TIÈRE RÉPRESSIVE. - ACTION PUBLI• QUE. - PEINE UNIQUE PRONONCÉE POUR PLUSIEURS INFRACTIONS. - MOYEN NE CONCERNANT QUE L'UNE DE CES INFRAC• TIONS. - PEINE LÉGALEMENT JUSTIFIÉE PAR UNE AUTRE INFRACTION. - MOYEN IRRECEVABLE.

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470 JURISPRUDENCE DE BELGIQUE

du même principe général de droit sui­vant lequel nul n'est censé ignorer la loi, être censé avoir ou devoir avoir con­science que l'inobservance d'une des dispositions relatives à l'état de marche de son véhicule aggrave le risque d'ac­cident ; qu'en effet une violation de ces dispositions n'est pas assimilable à une violation d'un des articles réglant la cir­culation routière comme telle, étant donné que ces articles ne constituent pas nécessairement une faute grave au sens de l'article 16 de la loi du 11 juin 1874 même si le lien de causalité entre leur' violation et l'accident est établi ; au'au contraire les articles réglant l'état de marche du véhicule assuré déter­minent directement et nécessairement l'importance du risque garanti, puis­que ce risque est nécessairement li­mité aux accidents provoqués au moyen d'un véhicule qui répond aux normes de sécurité prévues par la loi, de sorte qu'en estimant, quant à un ac­cident provoqué au moyen d'un véhi­cule ne répondant pas aux conditions d'état de marche prévues par la lé­gislation applicable en la matière ~t ayant fait l'objet d'une décision passee en force de chose jugée du juge pénal selon laquelle cet état constituait la cause de l'accident, que, d'une part, le juge du fond au civil doit pouvoir ap­précier souverainement si cet état liti­gieux constituait en l'espèce une faute grave dont l'assuré avait eu ou devait avoir en réalité conscience qu'elle en­traînerait une aggravation du risque ga­ranti, et que, d'autre part, la charge de cette preuve quant au fond reposait sur l'assureur, la cour d'appel viole les arti­cles 87-1 du règlement général sur la police de la circulation routière, 16 de la loi du 11 juin 1874, 23, 24, 28 du Code judiciaire, 1134, 1135, 1350 du Code civil, 418 et 420 du Code pénal :

Quant à la première branche :

Sur la fin de non-recevoir opposée par les défendeurs et déduite de ce que les articles dont la violation est invoquée sont étrangers à la contestation :

Attendu que le grief invoqué dans cette branche du moyen ne concerne que la violation de la chose jugée en matière répressive ;

Attendu que les dispositions légales citées en cette branche sont étrangères à ce grief;

Que la fin de non-recevoir doit être accueillie ;

Quant à la seconde branche

Attendu que la faute grave prévue à l'article 16 de la loi du 11 juin 1874 est celle qui est assimilable à un fait inten­tionnel et dont l'assuré avait ou devait avoir conscience qu'elle entraînerait une aggravation du risque garanti ;

Attendu que, si toute personne est censée connaître la loi et, dès lors, avoir connaissance des dispositions réglemen­taires concernant les conditions aux­quelles doit répondre un véhicule pour qu'il puisse être mis légalement en circulation le juge apprécie toutefois souveraine~ent si un manquement dé­terminé à une prescription réglemen­taire, même si celle-ci concerne l'état de marche de ce véhicule, constitue une faute grave au sens de l'article 16 pré­cité et si l'assuré devait avoir conscience que ce manquement entraînerait une aggravation du risque garanti;

Attendu, dès lors, qu'en rejetant la demande récursoire de la demanderesse au motif que la faute grave de l'assuré n'est pas établie à suffisance l'arrêt ne viole ni les dispositions légales ni le principe de droit cités en cette branche et motive régulièrement sa décision ;

Qu'en cette branche le moyen ne peut être accueilli ;

Par ces motifs, rejette le pourvoi ; condamne la demanderesse aux dépens.

Du 24 décembre 1976. - ir• ch. -Prés. et Rapp. M. de Vreese, conseiller faisant fonctions de président. - Concl. conf. M. Tillekaerts, avocat général. -Pl. MM. Bützler et Houtekier.

2" CH. - 3 janvier 1977.

1 ° MOYENS DE CASSATION. - MA­TIÈRE RÉPRESSIVE. - ACTION PUBLI• QUE. - PEINE UNIQUE PRONONCÉE POUR PLUSIEURS INFRACTIONS. - MOYEN NE CONCERNANT QUE L'UNE DE CES INFRAC• TIONS. - PEINE LÉGALEMENT JUSTIFIÉE PAR UNE AUTRE INFRACTION. - MOYEN IRRECEVABLE.

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COUR DE CASSATION 471

2° PRESCRIPTION. - MATIÈRE RÉ­PRESSIVE. - ACTION PUBLIQUE. - Sus­PENSION DE LA PRESCRIPTION. - POUR­VOI CONTRE UNE DÉCISION AYANT STATUÉ DÉFINITIVEMENT ET CONTRADICTOIRE­MENT SUR L'ACTION PUBLIQUE. - Sus­PENSION DE LA PRESCRIPTION DEPUIS LA PRONONCIATION DE LA DÉCISION JUSQU'A CELLE DE L'ARRf:T DE CASSATION.

1 ° Lorsqu'une peine unique a été pro­noncée pour plusieurs infractions, est irrecevable, à défaut d'intérêt, la de­mande de cassation de la décision ren­due sur l'action publique, qui est fon­dée sur un moyen ne concernant que l'une de ces infractions, alors que la peine prononcée demeure légalement justifiée par une autre infraction (1). (Code d'instr. crim., art. 411 et 413.)

2° Lorsqu'une partie s'est pourvue en cassation contre une décision ayant statué définitivement et contradictoi­rement sur l'action publique, la pre­scription de cette action est suspen­due depuis la prononciation de cette décision jusqu'à celle de l'arrêt de cassation (2). (Loi du 17 avril 1878, art. 24.)

(VERBRUGGHE.)

ARRf:T.

LA COUR ; - Vu l'arrêt attaqué, rendu le 5 octobre 1976 par la cour d'appel de Bruxelles ;

Attendu que le pourvoi est limité aux dispositions pénales de l'arrêt relatives aux préventions C, D-1 et D-2;

Sur le moyen pris de ce que la pre­scription de l'action publique du chef de délit de fuite (C), d'ivresse au vo­lant (D-1) et d'alcoolémie (D-2), faits commis le 27 novembre 1974, était ac­quise le 11 octobre 1976, date à laquelle le demandeur s'est pourvu en cassation contre l'arrêt rendu le 5 octobre 1976, le dernier acte interruptif de prescription datant du 9 octobre 1975 :

Attendu que le demandeur était pour­suivi du chef de coups ou blessures invo-

(1) Cass., 16 novembre 1976, supra, p. 295.

(2) Cass., 18 novembre 1975 (Bull. et Pas., 1976, I, 344).

lontaires (A), d'abstention coupable (B), de délit de fuite (C), d'ivresse au vo­lant (D-1) et d'alcoolémie (D-2) ;

Attendu que l'arrêt condamne le de­mandeur, d'une part, du chef de coups ou blessures involontaires, d'ivresse au volant et d'alcoolémie à une peine uni­que de deux mois d'emprisonnement et 100 francs d'amende et, d'autre part, du chef d'abstention coupable et de délit de fuite à une peine unique de un mois d'emprisonnement et 200 francs d'amende ; qu'il ordonne en outre la déchéance du droit de conduire pendant une durée d'un mois du chef d'ivresse au volant;

Attendu que, les peines uniques pro­noncées du chef de coups ou blessures involontaires et d'alcoolémie, d'une part, d'abstention coupable et de délit de fuite, d'autre part, étant légalement justifiées par l'infraction de coups ou blessures d'une part, et par l'infraction d'abstention coupable d'autre part, le moyen est irrecevable en tant qu'il con­cerne les infractions d'alcoolémie et de délit de fuite ;

Attendu que, en ce qui concerne l'ivresse au volant, l'action publique n'était pas prescrite le 5 octobre 1976, date à laquelle la juridiction d'appel a statué, la prescription ayant été réguliè­rement interrompue dans le délai d'un an, notamment le 9 octobre 1975 comme le constate l'arrêt ;

Attendu que le jugement, ayant sta­tué définitivement et contradictoirement sur l'action publique, a mis fin à celle­ci, sauf cassation éventuelle, et que, partant, le délai de prescription de cette action a cessé de courir ; qu'au jour de la déclaration de pourvoi la prescription n'était donc pas acquise ;

Qu'à cet égard le moyen manque en droit;

Et attendu que les formalités substan­tielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et que la décision est conforme à la loi ;

Par ces motifs, rejette le pourvoi ; condamne le demandeur aux frais.

Du 3 janvier 1977. - 2° ch. - Prés. Baron Richard, conseiller faisant fonc­tions de président. - Rapp. M. Scre­vens. - Concl. conf. M. Charles, avocat général. - Pl. M. Boonen (du barreau de Nivelles).

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472 JURISPRUDENCE DE BELGIQUE

2e CH. - 3 janvier 1977.

l O PREUVE. - MATIÈRE RÉPRESSIVE. -CAS OÙ LA LOI N'IMPOSE PAS UN MODE SPÉCIAL DE PREUVE. - APPRÉCIATION SOUVERAINE PAR LE JUGE DU FOND. -LIMITES.

2° APPRÉCIATION SOUVERAINE PAR LE JUGE DU FOND. - MATIÈRE RÉ­PRESSIVE. - NÉCESSITÉ OU OPPORTU­NITÉ D'UNE MESURE D'INSTRUCTION. APPRÉCIATION SOUVERAINE.

1 ° En matière répressive, lorsque la loi n'établit pas un mode spécial de preuve, le juge du fond apprécie sou­verainement, en fait, la valeur pro­bante des iléments sur lesquels il fonde sa conviction, qui lui sont régu­lièrement soumis et que les parties ont pu contredire (1).

2° Le juge du fond apprécie souveraine­ment la nécessité ou l'opportunité d'une mesure d'instruction (2) et, no­tamment, celle de recourir à une ex­pertise.

(ROSA, C. D'ANDRÉA.)

Arrêt conforme aux notices.

Du 3 janvier 1977. - 2• ch. - Prés. Baron Richard, conseiller faisant fonc­tions de président. - Rapp. M. Scre­vens. - Concl. conf. M. Charles, avocat général. - Pl. M. Frère (du barreau de Charleroi).

2".CH. - 4 janvier 1977.

1 ° ORGANISATION JUDICIAIRE. COMPOSITION DU SIÈGE. - MATIÈRE RÉ­PRESSIVE. DÉCISION REMETTANT L'EXAMEN ET LE JUGEMENT DE LA CAUSE EN VUE DE PERMETTRE UN COMPLÉMENT D'INSTRUCTION. DÉCISION ULTÉ­RIEURE STATUANT AU FOND. - DÉCI­SIONS NE DEVANT PAS i:TRE RENDUES PAR LES MÊMES JUGES.

(1) Cass., 22 novembre 1976, supra, p. 317. (2) Cass., 15 septembre 1975 (Bull. et

Pas., 1976, I, 63).

2° MOYENS DE CASSATION. - MA­TIÈRE RÉPRESSIVE. - POURVOI DU PRÉ­VENU. - POURVOI DIRIGÉ CONTRE LA DÉCISION RENDUE SUR L'ACTION PUBLI­QUE. - MOYEN CONCERNANT UNIQUEMENT UNE FAUTE POUVANT DONNER LIEU A UN PARTAGE DE LA RESPONSABILITÉ CIVILE. - MOYEN IRRECEVABLE.

3° POURVOI EN CASSATION. - DÉ­SISTEMENT. - MATIÈRE RÉPRESSIVE. -POURVOI DU PRÉVENU CONTRE LES DÉCI­SIONS RENDUES SUR LES ACTIONS PUBLI­QUE ET CIVILE. - DÉSISTEMENT DU POURVOI DIRIGÉ CONTRE LA DÉCISION RENDUE SUR L'ACTION CIVILE. - DÉSIS­TEMENT FONDÉ SUR L'UNIQUE MOTIF QUE CETTE DÉCISION N'EST PAS DÉFINITIVE AU SENS DE L'ARTICLE 416 DU CODE D'IN­STRUCTION CRIMINELLE. - DÉSISTEMENT NE POUVANT i:TRE INTERPRÉTÉ COMME UN ACQUIESCEMENT. - CONSÉQUENCE.

1 ° La décision qui remet l'examen et le jugement de la cause en vue de per­mettre un complément d'instruction et celle qui statue ultérieurement au fond ne doivent pas être rendues par les mêmes juges (3). (Code judic., art. 779.)

2° Est irrecevable, à défaut d'intérêt, le moyen, pris par le prévenu à l'appui de son pourvoi dirigé contre la déci­sion rendue sur l'action publique, qui concerne uniquement une faute éven­tuelle du défendeur pouvant donner lieu à un partage de la responsabilité civile.

3° Lorsque le prévenu s'est pourvu con­tre les décisions rendues sur les ac­tions publique et civile exercées con­tre lui et s'est ensuite dé.sisté de son pourvoi en tant qu'il était dirigé con­tre la décision rendue sur l'action civile, pour l'unique motif que cette décision n'est pas définitive au sens de l'article 416 du Code d'instruction criminelle, ce désistement ne peut être interprété comme un acquiescement et n'est pas décrété par la Cour si celle-ci constate que ladite décision est définitive (4).

(3) Cons. cass., 22 mars 1965 (Bull. et Pas., 1965, I, 772), 6 novembre 1967 (ibid., 1968, I, 321) et 24 février 1976 (ibid., 1976, I, 705).

(4) Cass., 13 décembre 1976, supra, p. 418.

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COUR DE CASSATION 473

(SCHELKENS, C. VERHEYEN.)

ARRÊ:T (traduction).

LA COUR ; - Vu le jugement atta­qué, rendu le 14 mai 1976 par le tribu­nal correctionnel de Malines, statuant en degré d'appel ;

Sur le premier moyen, pris de la vio­lation des articles 152, 153, 176, 185, 189, 190, 190bis, 193bis, 211 du Code d'in­struction criminelle, 2, 779 et 1042 du Code judiciaire,

en ce que le jugement condamne la demanderesse sur l'action publique et la condamne en outre sur l'action civile à payer au demandeur un franc de dom­mages-intérêts et que ce jugement a été prononcé par une chambre à trois juges composée des juges de Forche, Simons et Bourgeois,

alors que la chambre de ce tribunal ayant remis la cause le 31 décembre 1975 en vue d'un complément d'instruc­tion était composée des juges Wauters, de Forche et Simons, de sorte que les juges qui ont connu de la cause n'ont pas prononcé le jugement, qui est, dès lors, nul :

Attendu qu'à l'audience du 31 décem­bre 1975 le tribunal n'a pas instruit la cause mais s'est borné à la remettre en vue d'un complément d'instruction;

Que le moyen manque en droit ;

Sur les deuxième et troisième moyens réunis et pris,

le deuxième, de la violation des arti­cles 7, 2°, 97 de l'arrêté royal du 14 mars 1968 portant règlement général sur la police de la circulation routière, 13, 29 de la loi relative à la police de la circulation routière (arrêté royal du 16 mars 1968 portant coordination des lois relatives à la police de la circulation routière), 1382, 1383, 1384 du Code civil et 97 de la Constitution,

en ce que le jugement condamne la demanderesse sur l'action publique et la condamne en outre sur l'action civile à payer un franc de dommages-intérêts au défendeur, aux motifs que l'expert est arrivé à la conclusion que l'accident est imputable au fait que la demanderesse a entamé le mouvement de tourner à gauche à un moment où la chaussée n'était pas libre, le défendeur ayant

déjà commencé à dépasser ; que, l'ayant fait soudainement, le défendeur n'a pu éviter l'accident ; que rien n'indique que le défendeur ait commis une faute quel­conque,

alors que, première branche, en ses conclusions la demanderesse soutenait de manière expresse qu'il y avait inter­diction de dépasser sur les lieux et que le défendeur devait rester der­rière son véhicule et ne pouvait en au­cun cas la dépasser par la gauche, et que le jugement ne répond pas à ce moyen (violation de l'article 97 de la Constitution) ;

seconde branche, le fait que le dé­fendeur n'a pas eu égard au signal d'in­terdiction invoqué par la demanderesse constitue une faute engageant sa res­ponsabilité (violation des articles 7, 2°, 97 de l'arrêté royal du 14 mars 1968 et du n° 30 de son annexe, 2, 13, 29 de la loi relative à la police de la circulation routière [coordination du 16 mars 1968], 1382, 1383 et 1384 du Code civil) ;

le troisième, de la violation des arti­cles 97 de la Constitution, 1382, 1383, 1384 du Code civil et 27 de l'arrêté royal du 14 mars 1968 portant règlement gé­néral sur la police de la circulation rou­tière,

en ce que le jugement condamne la demanderesse sur l'action publique et la condamne en outre sur l'action civile à payer un franc de dommages et inté­rêts au défendeur, aux motifs que l'ex­pert estime que la vitesse du défendeur était à peu près de 60 km. à l'heure ; que la cause de l'accident résulte du fait que la demanderesse a entamé un mouvement consistant à tourner à gau­che à un moment où la chaussée n'était pas libre, le défendeur ayant déjà com­mencé une manœuvre de dépassement ; que rien n'indique que le défendeur ait commis une faute quelconque et qu'il n'est pas établi qu'il circulât à grande vitesse,

alors que, première branche, la de­manderesse soutenait de manière ex­presse dans ses conclusions que le dé­fendeur circulait à une vitesse très éle­vée étant donné le choc violent de la collision et le fait que la demande­resse n'avait pu voir dans son rétrovi­seur arriver la« Jaguar» du défendeur; que le jugement ne répond pas ou à tout le moins répond de manière insuffi-

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474 JURISPRUDENCE DE BELGIQUE

sante à ces conclusions (violation de l'article 97 de la Constitution) ;

seconde branche, la demanderesse soutenait aussi dans ses conclusions qu'elle avait ralenti avant d'exécuter son mouvement et que, partant, le dé­fendeur aurait dû le remarquer et qu'il était imprudent de ne pas ralentir ; que ce comportement constitue une faute dans le chef du défendeur et que le ju­gement ne répond pas à ces conclusions (violation des articles 97 de la Constitu­tion, 27 de l'arrêté royal du 14 mars 1968, 1382, 1383 et 1384 du Code civil) :

A. En tant que le moyen est dirigé contre la décision rendue sur l'action publique:

Attendu que le jugement condamne la demanderesse du chef d'infraction à l'article 25-2, a et d, 1 °, du Code de la route aux motifs que : 1 ° il ressort des éléments du dossier que la collision s'est produite sur la moitié droite de la chaussée de 10,20 m. de large et plus précisément à 3 mètres environ du bord droit de celle-ci ; 2° il n'est pas établi que les feux indicateurs de direction étaient allumés; 3° l'expert estime que l'accident est imputable au fait que la demanderesse a entamé un mouvement (tourner à gauche) à un moment où la chaussée n'était pas libre, le défendeur ayant déjà commencé à dépasser ;

Attendu que, les conclusions de la demanderesse visées aux deux moyens concernant uniquement une faute éven­tuelle du défendeur pouvant donner lieu à un partage de la responsabilité civile, les deux moyens sont irrecevables à défaut d'intérêt ;

Et attendu que les formalités sub­stantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et que la déci­sion est conforme à la loi ;

B. En tant que le moyen est dirigé contre la décision rendue sur l'action civile exercée contre la demanderesse :

Attendu que la demanderesse déclare se désister de son pourvoi dans la me­sure où celui-ci est dirigé contre cette décision;

Attendu que le jugement condamne la demanderesse à payer au défendeur l'in­demnité provisionnelle de un franc ré­clamée par lui; qu'en outre il donne acte au défendeur de ce qu'il évalue sa demande à 30.000 francs sous réserve de

majoration ou de réduction en cours d'instance ;

Attendu qu'ainsi le juge, qui ne ré­serve rien sur quoi il devrait statuer ultérieurement, a épuisé sa juridiction ; d'où il suit que la décision est définitive au sens de l'article 416 du Code d'in­struction criminelle et peut faire l'objet d'un pourvoi en cassation ; que, partant, il n'y a pas lieu de décréter le désiste­ment, celui-ci se révélant entaché d'er­reur et ne pouvant être interprété comme un acquiescement ;

Attendu que le jugement n'a aucun égard aux conclusions citées aux deu­xième et troisième moyens ;

Que les moyens sont fondés ;

Par ces motifs, et sans avoir égard au désistement du pourvoi, casse le juge­ment attaqué, en tant qu'il statue sur l'action civile du défendeur, sauf en tant qu'il constate que la demanderesse a commis une faute en relation de cause à effet avec le dommage ; rejette le pourvoi pour le surplus ; ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de la décision partiellement an­nulée ; condamne la demanderesse et le défendeur chacun à la moitié des frais ; renvoie la cause, ainsi limitée, au tribu­nal correctionnel d'Anvers, siégeant en degré d'appel.

Du 4 janvier 1977. - 2° ch. - Prés. M. Wauters, conseiller faisant fonctions de président. - Rapp. M. Delva. -Concl. conf. M. Dumon, premier avocat général. - Pl. M. Houtekier.

2° CH. - 4 janvier 1977.

CHASSE. - PERMISSION DE CHASSER DANS LES DOMAINES DE L'ETAT EN VERTU D'UNE ADJUDICATION PUBLIQUE. - LOI DU 28 FÉVRIER 1882, ARTICLE 13. -DISPOSITION NON APPLICABLE A LA CHASSE SUR DES FONDS APPARTENANT A UNE COMMISSION D'ASSISTANCE PUBLI­QUE.

La disposition de l'article 13 de la loi du 28 février 1882, aux termes de

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COUR DE CASSATION 475

laquelle il n'est permis de chasser qu'en vertu d'une adjudication publi­que, ne concerne que la chasse dans les domaines de l'Etat et non celle sur des fonds appartenant d une commis­sion d'assistance publique (1) (2).

(VANDEPOEL.)

ARRtT (traduction).

LA COUR ; - Vu l'arrêt attaqué, rendu le 29 juin 1976 par la cour d'appel de Bruxelles ;

Sur le moyen pris, d'office, de la vio­lation de l'article 13 de la loi du 28 fé­vrier 1882 sur la chasse :

Attendu que l'arrêt condamne le de­mandeur uniquement du chef de la pré­vention « d'avoir chassé dans les do­maines de l'Etat, en l'espèce sur des ter­res appartenant à l' Assistance publique de Geetbets, en n'y disposant pas du droit de chasse en vertu d'une adjudi­cation publique » ;

Qu'il fonde sa décision sur les consi­dérations, d'une part, que le demandeur ne peut se prévaloir d'aucun droit de chasse sur ladite parcelle, aucune adju­dication publique ne l'ayant autorisé à y chasser, et, d'autre part, qu'en vertu de l'article 26 de la loi les poursuites du chef d'infraction à l'article 13 de la loi sur la chasse ont lieu d'office ;

Attendu toutefois que l'article 13 de la loi du 28 février 1882, aux termes duquel il n'est permis de chasser dans les domaines de l'Etat qu'en vertu d'une adjudication publique, n'est pas applica­ble à la chasse sur des fonds apparte­nant à une commission d'assistance pu­blique;

Par ces motifs, et sans avoir égard aux moyens invoqués par le demandeur, lesquels ne pourraient entraîner une cassation plus étendue ou sans renvoi, casse l'arrêt attaqué, en tant qu'il con-

(1) Cons. BRAAS, Législation sur la chasse, n° 162, p. 159; Rép. prat. dr. belge, Compl. II, v° Chasse, n°• 26 et 28, et A.P.R., v 0 Jacht, no• 154 et 157.

(2) Sur ce que les dispositions de l'arti-

damne le demandeur du chef d'infrac­tion aux articles 4 et 13 de la loi du 28 février 1882 ; ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de la décision partiellement annulée ; laisse les frais à charge de l'Etat ; ren­voie la cause à la cour d'appel d'Anvers.

Du 4 janvier 1977. - 2• ch. - Prés. M. Wauters, conseiller faisant fonctions de président. - Rapp. Chevalier de Schaetzen. - Concl. conf. M. Dumon, premier avocat général.- PZ. M. J. Ver­meersch (du barreau de Louvain).

2• CH. - 4 janvier 1977.

1 ° APPEL. - MATIÈRE RÉPRESSIVE. APPEL DU MINISTÈRE PUBLIC, D'UN CO­PRÉVENU, DE LA PARTIE CIVILEMENT RES­PONSABLE POUR CELUI-CI ET D'UNE PAR­TIE CIVILE. - RÉFORMATION DE LA DÉ­CISION RENDUE SUR L'ACTION D'UNE AUTRE PARTIE CIVILE. - ILLÉGAUTÉ.

2° RENVOI APRÈS CASSATION. -MATIÈRE RÉPRESSIVE. - ACTION CI-

- VILE. - DÉCISION RENDUE EN DEGRÉ D'APPEL CASSÉE PARCE QUE LE JUGE D' AP­PEL S'EST SAISI D'UNE ACTION CIVILE NON PORTÉE DEVANT LUI. - CASSATION SANS RENVOI.

1 ° Sur les seuls appels du ministère pu­blic, d'un coprévenu, de la partie civi­lement responsable pour celui-ci et d'une partie civile le juge d'appel ne peut réformer la décision rendue sur l'action d'une autre partie civile (3). (Code d'instr. crim., art. 202; Code judic., art. 1138, 2° .)

2° Lorsqu'une décision rendue en degré d'appel est cassée parce que le juge

cle 13 de la loi du 28 février 1882 s'ap­pliquent au rivage de la mer et au do­maine militaire, cons. cass., 13 avril 1896 (Bu!!. et Pas., 1896, I, 161) et 30 octobre 1961 (ibid., 1962, I, 236).

(3) Cons. cass., 15 mars 1976 (But!. et Pas., 1976, I, 783).

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476 JURISPRUDENCE DE BELGIQUE

d'appel s'est saisi d'une action civile qui n'était pas portée devant lui, la cassation est prononc{le sans ren­voi (1).

(DEMAEYER, C. SOCIÉTÉ ANONYME « ARARAT », RENO ET MARCELIS.)

ARRÊT (traduction).

LA COUR ; - Vu le jugement atta­qué, rendu le 29 avril 1976 par le tribu­nal correctionnel d'Anvers, statuant en degré d'appel ;

I. En tant que le pourvoi est dirigé contre la décision rendue sur l'action publique exercée à charge de la deman­deresse :

II. En tant que le pourvoi est dirigé contre la décision rendue sur l'action civile exercée contre la demanderesse par la défenderesse société anonyme «Ararat»:

Attendu que la demanderesse n'invo­que aucun moyen spécial ;

III. En tant que le pourvoi est dirigé contre la décision rendue sur les actions civiles exercées contre la demanderesse par les défendeurs Reno et Marcelis :

Sur le moyen pris de la violation des articles 151, 172, 174, 187, 202, 203, 203bis du Code d'instruction criminelle, 2, 19, 23 à 28 du Code judiciaire,

en ce que le jugement condamne la demanderesse sur l'action civile à payer, in solidum avec Roothooft, les sommes de un franc à Marcelis et de 17.810 fr. à Reno,

alors que, première branche, les dé­fendeurs Marcelis et Reno, parties civi­les originaires, n'ont pas interjeté appel du jugement rendu en cette cause le 15 décembre 1975 par lequel le juge de police se déclarait incompétent pour connaître des actions civiles que ces dé­fendeurs avaient exercées contre la de­manderesse, de sorte que cette décision n'était pas soumise au juge d'appel (vio­lation des articles 151, 172, 174, 187,202, 203 et 203bis du Code d'instruction cri­minelle) ;

(1) Cass., 15 mars 1976 (Bull. et Pas., 1976, I, 783).

seconde branche, le jugement a violé l'autorité et la force de chose jugée du jugement prononcé le 15 décembre 1975 par le juge de police et devenu définitif à l'égard des actions civiles exercées par les deux défendeurs contre la de­manderesse (violation de toutes les dis­positions légales indiquées) :

Attendu que le premier juge s'est dé­claré incompétent pour connaître des actions civiles exercées par les défen­deurs Reno et Marcelis, en tant qu'elles étaient dirigées contre la demande­resse;

Attendu que seuls le prévenu Root­hooft, le ministère public, la partie civile Nuyts et la partie civilement responsable et partie civile, société anonyme « Ararat », ont interjeté appel de la décision du premier juge ;

Que ces appels n'ont pas saisi le juge d'appel des actions civiles exercées par les défendeurs Reno et Marcelis contre la demanderesse ;

Que le jugement attaqué n'a pu léga­lement réformer le jugement dont appel et condamner la demanderesse à payer des dommages et intérêts aux défen­deurs Reno et Marcelis ;

Que le moyen est fondé ;

Par ces motifs, casse le jugement at­taqué, en tant qu'il statue sur les ac­tions civiles exercées contre la deman­deresse par les défendeurs Reno et Mar­celis ; rejette le pourvoi pour le surplus; ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de la décision par­tiellement annulée; condamne les dé­fendeurs Reno et Marcelis à la moitié des frais et laisse l'autre moitié à charge de la demanderesse ; dit n'y avoir lieu à renvoi.

Du 4 janvier 1977. - 2° ch. - Prés. M. Wauters, conseiller faisant fonctions de président. - Rapp. Chevalier de Schaetzen. - Concl. conf. M. Dumon, premier avocat général. - Pl. M. Hou­tekier.

2° CH. - 4 janvier 1977.

1° CASSATION. - COMPÉTENCE. - MA­TIÈRE RÉPRESSIVE. - DÉNONCIATION DE

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COUR DE CASSATION 477

CRIMES COMMIS DANS L'EXERCICE DE LEURS FONCTIONS, NOTAMMENT PAR DES MAGISTRATS D'UNE COUR D'APPEL. - DÉ­NONCIATION INCIDENTE A UN POURVOI. -NOTION.

2° CASSATION. - PROCÉDURE. - MA­TIÈRE RÉPRESSIVE. - DÉNONCIATION DE CRIMES COMMIS, DANS L'EXERCICE DE LEURS FONCTIONS, NOTAMMENT PAR DES MAGISTRATS D'UNE COUR D'APPEL. - AR­RÊT DÉCIDANT QUE LA DÉNONCIATION N'EST PAS RECEVABLE PARCE QU'ELLE N'EST PAS INCIDENTE A UN POURVOI. - ARRÊT RENDU EN CHAMBRE DU CONSEIL.

1 ° Si la Cour peut connaître de la déi­nonciation directe de crimes qui au­raient été commis, dans l'exercice de leurs fonctions, notamment par des magistrats d'une cour d'appel, c'est à la condition soit que la personne qui se prétend lésée demande à prendre lesdits magistrats à partie, soit que la dénonciation soit incidente à une af­faire pendante devant la Cour, c'est­à-dire qu'elle soit de nature à exercer une influence sur la décision à rendre sur cette affaire (1) ; une telle in­fluence ne saurait exister lorsque le pourvoi relatif à l'affaire pendante doit être déclaré irrecevable en raison de l'absence de notification à la per­sonne contre laquelle il est dirigé. (Code d'instr. crim., art. 485, 486 et 493.)

20 L'arrêt de la Cour, décidant que la dénonciation à elle faite de crimes commis dans l'exercice de leurs fonc­tions notamment, par des magistrats d'un~ cour d'appel n'est pas incidente à une affaire pendante devant la Cour et est, partant, irrecevable, est rendu en chambre du conseil (2).

(MIERAS.)

ARRÊT (traduction).

LA COUR ; - Vu le réquisitoire du -procureur général à la Cour de cassa­tion, conçu comme suit :

« A la deuxième chambre de la Cour de cassation.

(1) et (2) Cass., 25 septembre 1973 (Bull. et Pas., 1974, I, 83). •

(3) Ce pourvoi a été rejeté par arret du même jour, pour le motif indiqué dans le réquisitoire.

» Le procureur général à la Cour de cassation soussigné,

» Vu le pourvoi formé le 20 juillet 1976 par Mieras Emile, Marinus, Char­les, né à Rotterdam (Pays-Bas) le 23 août 1931, résidant à Anvers, contre l'arrêt rendu le 20 juillet 1976 par la chambre des mises en accusation de la cour d'appel d'Anvers en des poursuites exercées à charge de diverses personnes, Mieras s'étant constitué partie ci­vile (3) ;

» Vu les mémoires déposés au greffe de la Cour par ledit Mieras, imputant des faits visés à l'article 485 du Code d'instruction criminelle à des magistrats de la cour d'appel d'Anvers et du par­quet général près cette cour ;

» Attendu qu'en autorisant la partie qui se prétend lésée à saisir directement la Cour de cassation d'un dénonciation incidente à une affaire pendante devant elle le législateur a voulu que la dénon­ciation pût avoir sur la décision ou sur le sort de l'affaire une influence juri­dique;

» Attendu qu'un pourvoi en cassation formé par une partie civile contre un arrêt de la chambre des mises en accu­sation n'est recevable que s'il a été no­tifié à la partie contre laquelle il est di­rigé;

» Attendu que pareille notification n'a pas été faite en la cause ;

Attendu, dès lors, que la Cour doit déclarer irrecevable et rejeter ledit pourvoi et que cette décision ne peut par conséquent dépendre de la suite qui pourrait être donnée à l'examen de la dénonciation ;

» Par ces motifs, requiert qu'il plaise à la Cour, après avoir entendu le rap­port de M. le conseiller rapporteur et statuant en chambre du conseil, rejeter la dénonciation et condamner le dénon­ciateur aux frais.

» Bruxelles, le 24 décembre 1976,

» Pour le procureur général, » Le premier avocat général,

» (s.) Dumon » ;

Vu les articles 485, 486, 493 et 502 du Code d'instruction criminelle, statuant en chambre du conseil, adoptant les motifs dudit réquisitoire, rejette la dé­nonciation ; condamne le dénonciateur aux frais.

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r

478 JURISPRUDENCE DE BELGIQUE

Du 4 janvier 1977. - 2° ch. - Prés. M. Wauters, conseiller faisant fonctions de président. - Rapp. Chevalier de Schaetzen. - Concl. conf. M. Dumon, premier avocat général.

2e CH. - 4 janvier 1977.

DÉTENTION PRÉVENTIVE. - MAIN­TIEN DE LA DÉTENTION. - LOI DU 20 AVRIL 1874, ARTICLE 5. - EXISTENCE DE CHARGES. - MOTIVATION. - NOTION.

Si les juridictions d'instruction doivent, lorsqu'elles maintiennent la détention préventive, motiver leur décision comme le prescrit l'article 5 de la loi du 20 avril 1874, elles ne sont toute­fois pas tenues, en l'absence de con­clusions sur ce point, de constater, en outre, expressément l'existence de charges suffisantes; lorsque des con­clusions contestent ces charges, ces juridictions y répondent régulière­ment en constatant que de telles charges existent (1).

(DE WIT.)

ARRÊ:T (traduction).

LA COUR ; - Vu l'arrêt attaqué, rendu le 7 décembre 1976 par la cour d'appel de Gand, chambre des mises en accusation, maintenant la détention pré­ventive du demandeur ;

Sur le moyen pris de la violation des articles 97 de la Constitution, 1•r, ali­néa 2, 2, 5, alinéas 1•r et 2, 19 et 20 de la loi du 20 avril 1874 relative à la déten­tion préventive, modifiée par la loi du 13 mars 1973, et du principe général du respect des droits de la défense,

en ce que l'arrêt ordonne le maintien de la détention préventive du deman­deur aux motifs exposés dans les réqui­sitions écrites du ministère public,

(1) Cass., 29 octobre 1974 (Bull. et Pas., 1975, I, 254).

alors que, première branche, à la suite de ces réquisitions écrites le demandeur avait, à l'audience du 7 dé­cembre 1976, déposé des conclusions auxquelles il n'a été répondu ni par ces réquisitions écrites antérieures ni par l'arrêt (violation des articles 97 de la Constitution, 1•r, alinéa 2, 2, 5, ali­néas 1er et 2, 19 et 20 de la loi du 20 avril 1874) ;

seconde branche, le demandeur sou­tenait de manière expresse en ses con­clusions que, contrairement aux réqui­sitions écrites du ministère public, la victime 1 ° n'avait pas reconnu son vi­sage et 2° s'était également trompée quant à la couleur de sa voiture ; qu'il ne peut être vérifié si ces moyens ont été examinés ni pour quels motifs ils ont été rejetés (violation de toutes les dispositions invoquées et du principe général de droit) :

Attendu que, bien que les juridictions d'instruction, lorsqu'elles ordonnent le maintien de la détention préventive, soient tenues de motiver leur décision, comme le prescrit l'article 5 de la loi du 20 avril 1874, ce qui est le cas en l'espèce, elles ne sont toutefois pas obli­gées, à défaut de conclusions sur ce point, de constater en outre de manière expresse l'existence de charges suffi­santes;

Que, lorsque l'existence de celles-ci est contestée en conclusions, ces juridic­tions répondent régulièrement aux con­clusions en constatant, comme en l'es­pèce, l'existence de pareilles charges ;

Que le moyen ne peut être accueilli ; Et attendu que les formalités substan­

tielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et que la décision est conforme à la loi ;

Par ces motifs, rejette le pourvoi ; condamne le demandeur aux frais.

Du 4 janvier 1977. - 2• ch. - Prés. M. Wauters, conseiller faisant fonctions de président. - Rapp. M. Delva. -Concl. conf. M. Dumon, premier avocat général. - Pl. M. Houtekier.

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COUR DE CASSATION 479

2• CH. - 4 janvier 1977.

1 ° DÉTENTION PRÉVENTIVE. - JU­RIDICTION D'INSTRUCTION APPELÉE A STA­TUER SUR LE MAINTIEN DE LA DÉTENTION. - CONCLUSIONS DE L'INCULPÉ. - MOTI­VATION. - NOTION.

2° DÉTENTION PRÉVENTIVE. - Ju­RIDICTION D'INSTRUCTION STATUANT SUR LE MAINTIEN DE LA DÉTENTION. - VALI­DITÉ DU MANDAT D'ARRiT NE POUVANT PLUS iTRE CONTESTÉE.

1 ° La juridiction d'instruction appelée à statuer, par application de l'article 5 de la loi du 20 avril 1874, sur le main­tien de la détention préventive est tenue de répondre aux conclusions de l'inculpé en tant qu'elles soulèvent un déclinatoire de compétence, opposent une exception ou soutiennent que le fait imputé, fût-il constant, ne con­stitue pas une infraction punissa­ble (1) (2).

2° La juridiction d'instruction appelée à statuer sur le maintien de la délten­tion préventive n'a plus à connaître de la validité du mandat d'arrêt (3). (Loi du 20 avril 1874, art. 5.)

(VAN ROSSEM.)

ARRtT (traduction).

LA COUR ; - Vu l'arrêt attaqué, rendu le 3 décembre 1976 par la cham­bre des mises en accusation de la cour d'appel de Gand ;

Sur les deux moyens réunis et pris,

le premier, de la violation des arti­cles 97 de la Constitution, 1er, alinéa 2, 2, 5, alinéas 1•r et 2, 19, 20 de la loi du 20 avril 1874 relative à la détention préventive, modifiée par la loi du 13 mars 1973, 8, 9, 29, 31 du Code d'in-

(1) Cons. cass., 27 septembre 1972, aud. plén. (Bull. et Pas., 1973, 1, 99), et la note signée R.H. sous cass., 2 juillet 1951 (ibid., 1951, I, 762).

(2) Sur ce que, lorsque les conclusions contestent l'existence de charges suffi­santes, la juridiction y répond régulière­ment en constatant que de telles charges existent, cons. l'arrêt précédent.

Sur ce que la juridiction d'instruction

struction criminelle et 231 du Code pé­nal, et des principes généraux du res­pect des droits de la défense et fraus omnia corrumpit,

en ce que l'arrêt attaqué confirme le mandat d'arrêt décerné à charge du de­mandeur aux motifs énoncés dans les réquisitions écrites du ministère public,

alors que, première branche, le de­mandeur soutenait de manière expresse en ses premières conclusions que la procédure était entachée de nullité « et de provocation », des gendarmes en ci­vil l'ayant interrogé sans lui faire con­naître leur identité et sans dresser pro­cès-verbal ; que l'arrêt ne répond pas à ces conclusions (violation des articles 97 de la Constitution, 1•r, alinéa 2, 2, 5, ali­néas 1-er et 2, 19 et 20 de la loi du 20 avril 1874) ;

seconde branche, ces pratiques ont violé les droits de la défense, que la procédure poursuivie contre le deman­deur est entachée de nullité en raison du fait qu'il n'a pas été dressé procès­verbal et que le contrôle de la régularité de la procédure ne peut de toute ma­nière être exercé (violation des arti­cles 8, 9, 29, 31 du Code d'instruction criminelle, 231 du Code pénal et 97 de la Constitution, et des principes généraux de droit);

le second, de la violation des arti­cles 97 de la Constitution, 1•r, alinéa 2, 2, 5, alinéas 1-er et 2, 19 et 20 de la loi du 20 avril 1874 relative à la détention préventive, modifiée par la loi du 13 mars 1973, et du principe général du respect des droits de la défense,

en ce que l'arrêt confirme le mandat d'arrêt décerné contre le demandeur aux motifs énoncés dans les réquisitions écrites du ministère public,

alors que, première branche, le de­mandeur faisait valoir de manière ex­presse en ses troisièmes conclusions que le mandat d'arrêt n'était pas valable à

doit répondre aux conclusions contestant l'existence de circonstances graves et ex­ceptionnelles intéressant la sécurité pu­blique et qui nécessitent le maintien de la détention, cons. cass., 29 octobre 1974 (Bull. et Pas., 1975, I, 249).

(3) Cass., 5 octobre 1971 (Bull. et Pas., 1972, I, 126) et 27 septembre 1972, aud. plén. (ibid., 1973, 1, 99).

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480 JURISPRUDENCE DE BELGIQUE

son égard, dès lors que celui-ci se bor­nait à le qualifier de coauteur et sans faire mention de l'identité de l'auteur principal et/ou des coauteurs, et que l'arrêt ne répond pas à ces conclusions (violation des articles 97 de la Constitu­tion, 1er, alinéa 2, 2, 5, alinéas 1er et 2, 19 et 20 de la loi du 20 avril 1874) ;

seconde branche, l'arrêt, en ne ré­pondant pas à ces conclusions, viole les droits de la défense du demandeur (vio­lation du principe général de droit) :

Attendu que l'arrêt, mettant à néant l'ordonnance de la chambre du conseil, dont appel, ordonne le maintien de la détention préventive du demandeur qui avait été arrêté ensuite du mandat du juge d'instruction du 1er octobre 1976, confirmé par l'ordonnance de la cham­bre du conseil du 6 octobre 1976, contre laquelle aucun recours n'avait été exercé;

Attendu que, lorsque l'inculpé soulève en ses conclusions une exception de la nature de celle qui est visée au premier moyen, la chambre des mises en accu­sation est tenue d'y répondre ;

Attendu que l'arrêt ordonne le main­tien de la détention préventive sur le fondement des motifs circonstanciés dé­veloppés dans les réquisitions écrites du ministère public ;

Que, dès lors que des circonstances nombreuses, révélées par l'instruction, étaient relevées dans ces réquisitions, circonstances qui furent considérées comme étant indépendantes de l'inter­vention originaire de la gendarmerie - visée au moyen -, les conclusions qu'invoque le premier moyen étaient devenues sans pertinence et le juge n'était, dès lors, pas tenu d'y répondre;

Attendu en outre que, la chambre des mises en accusation n'ayant pas à sta­tuer sur la confirmation du mandat d'ar­rêt mais sur le maintien de la détention préventive, une contestation relative à la validité du mandat d'arrêt ne pouvait plus être soulevée devant elle ;

Que, partant, les moyens ne peuvent être accueillis ;

Et attendu que les formalités sub­stantielles ou prescrites à peine de nul­lité ont été observées et que la décision est conforme à la loi ;

Par ces motifs, rejette le pourvoi ; condamne le demandeur aux frais.

Du 4 janvier 1977. - 2• ch. - Prés. M. Wauters, conseiller faisant fonctions de président. - Rapp. M. Soetaert. -Concl. conf. M. Dumon, premier avocat général. - Pl. M. Houtekier.

2" CH. - 4 janvier 1977.

CASSATION. - MATIÈRE RÉPRESSIVE. - POURVOI DU PRÉVENU CONTRE UNE DÉCISION SE PRONONÇANT SUR UNE DE­MANDE D'INTERPRÉTATION OU DE RECTIFI­CATION D'UNE DÉCISION ANTÉRIEURE STA­TUANT SUR L'ACTION CIVILE EXERCÉE CONTRE LUI. - PAS DE MOYEN. - REJET DU POURVOI.

La Cour rejette, sans plus, le pourvoi du prévenu, dirigé contre une décision se prononçant uniquement sur une de­mande d'interprétation ou de recti­fication d'une décision antérieure ayant statué sur L'action civile exer­cée contre lui, lorsqu'il n'invoque au­cun moyen.

(MORTIER, C. VERKEST.)

ARRtT (traduction).

LA COUR ; - Vu l'arrêt attaqué, rendu le 26 mai 1976 par la cour d'appel de Bruxelles, statuant sur renvoi ;

Attendu que l'arrêt rendu le 26 mai 1976 par la cour d'appel de Bruxelles se prononce uniquement sur une demande d'interprétation ou de rectification de l'arrêt qui a statué, le 25 juin 1974, sur l'action civile du défendeur ;

Attendu que le demandeur n'invoque aucun moyen;

Par ces motifs, rejette le pourvoi ; condamne le demandeur aux frais.

Du 4 janvier 1977. - 2° ch. - Prés. M. Wauters, conseiller faisant fonctions de président. - Rapp. M. Delva. -Concl. conf. M. Dumon, premier avocat général.

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COUR DE CASSATION 481

3" CH. - 5 janvier 1977.

MOYENS DE CASSATION. - MATIÈRE DE MILICE. - MOYEN CRITIQUANT UNE APPRÉCIATION DE FAIT DU CONSEIL DE REVISION. - MOYEN IRRECEVABLE.

Est irrecevable le moyen de cassation qui critique une appréciation de fait du conseil de revision (1). (Constit., art. 95.)

(REEKMANS.)

Arrêt conforme à la notice.

Du 5 janvier 1977. - 3" ch. - Prés. et Rapp. M. Naulaerts, conseiller faisant fonctions de président. - Concl. conf. M. Lenaerts, avocat général.

3" CH. - 5 janvier 1977.

1° MOYENS DE CASSATION. - MA­TIÈRE DE MILICE. - CONSEIL DE REVI­SION. - VIOLATION DES DROITS DE LA

DÉFENSE. - MOYEN PRIS DE CE QUE LE MILICIEN N'A PAS EU COMMUNICATION DES RAPPORTS MÉDICAUX, SUR LA BASE DES­QUELS LE MÉDECIN, CHEF DU SERVICE MÉ­DICAL DU CENTRE DE RECRUTEMENT ET DE SÉLECTION, A PRIS SA DÉCISION. -MOYEN PROPOSÉ POUR LA PREMIÈRE FOIS DEVANT LA COUR. - MOYEN IRRE­CEVABLE.

2° DROITS DE LA DÉFENSE. - MA­TIÈRE DE MILICE. - CONSEIL DE REVI­SION. - VIOLATION DES DROITS DE LA DÉFENSE. - MOYEN PRIS DE CE QUE LE MILICIEN N'A PAS EU COMMUNICATION DES RAPPORTS MÉDICAUX, SUR LA BASE DES­QUELS LE MÉDECIN, CHEF DU SERVICE MÉ­DICAL DU CENTRE DE RECRUTEMENT ET DE SÉLECTION, A PRIS SA DÉCISION.

(1) Cass., 17 novembre 1976, supra, p. 302.

(2) Cons. cass., 14 mars 1973 (Bull. et Pas., 1973, I, 667) ; comp. en matière ré­pressive : cass., 22 décembre 1975 (ibid., 1976, I, 490) ; en matière disciplinaire cass., 18 juin 1976 (ibid., 1976, I, 1129).

PASIC., 1977. - 1re PARTIE.

- MOYEN PROPOSÉ POUR LA PREMIÈRE FOIS DEVANT LA COUR. - MOYEN IRRE­CEVABLE.

3° MILICE. - CONSEIL DE REVISION. -MISE EN OBSERVATION DU MILICIEN. -RÉSULTAT DE L'EXAMEN MÉDICAL NE DE­VANT PAS iTRE COMMUNIQUÉ.

4° MILICE. - CONSEIL DE REVISION. -MISE EN OBSERVATION APRÈS COMPARU­TION DU MILICIEN. - NOUVELLE COMPA­RUTION CONSIDÉRÉE COMME ÉTANT INU­TILE. - CONSÉQUENCES.

1 ° et 2° Ne peut être proposé pour la première fois devant la Cour le moyen pris de ce que, en violation des droits de la défense, le milicien n'a pas eu communication des rapports médi­caux sur la base desquels le médecin, chef du service médical du centre de recrutement et de sélection, a consi­déré le milicien comme définitivement inapte et l'a renvoyé au conseil de re­vision (2). (Lois sur la milice, coor­données le 30 avril 1962, art. 59.)

3° Lorsque le conseil de revision or­donne la mise en observation du mi­licien, le résultat de l'examen médi­cal ne doit pas être communiqué au milicien ou à son conseil (3). (Lois sur la milice, coordonnées le 30 avril 1962, art. 45.)

4° Lorsque, après comparution du mili­cien, le conseil de revision a ordonné sa mise en observation et estime qu'après l'examen médical une nou­velle comparution est inutile, il peut statuer même si le milicien ou son conseil n'ont pas eu l'occasion de pro­duire, après l'examen, un mémoire ou une défense écrite (4). (Lois sur la mi­lice, coordonnées le 30 avril 1962, arti­cles 43, § 2, et 45, § 3.)

(SOMERS.)

ARRf:T (traduction).

LA COUR ; - Vu la décision atta­quée, rendue le 1•r octobre 1976 par le

(3) et (4) Cons. cass., 17 octobre 1955 (Bull. et Pas., 1956, 1, 129) et 6 octobre 1976, supra, p. 148.

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482 JURISPRUDENCE DE BELGIQUE

conseil de revision de la province d' An­vers;

Sur le moyen pris de la violation des droits de la défense et de l'article 43, § 2, des lois coordonnées sur la milice,

en ce que le conseil de revision dé­clare le demandeur désigné, apte au ser­vice,

alors que, première branche, le de­mandeur n'a pas été mis à même de prendre connaissance des rapports mé­dicaux du service médical de l'armée ou de les soumettre à son médecin trai­tant;

deuxième branche, le demandeur n'a subi à l'hôpital militaire que l'un des deux examens supplémentaires prévus par le centre de recrutement ;

troisième branche, les résultats du se­cond examen n'ont pas été communi­qués au demandeur ou à son conseil ;

quatrième branche, ainsi le deman­deur n'a pas eu la possibilité de se faire assister par un avocat ou mandataire pour produire un mémoire ou une dé­fense écrite :

Quant à la première branche :

Attendu que le demandeur a été con­sidéré comme définitivement inapte par le médecin, chef du service médical du centre de recrutement et de sélection, et a été renvoyé pour examen au conseil de revision ;

Attendu que le demandeur, dûment convoqué, a comparu et a été entendu à la séance du conseil de revision du 3 septembre 1976 où sa mise en obser­vation à l'hôpital militaire d'Anvers a été ordonnée ;

Attendu que le demandeur ne sou­tient pas et qu'il ne ressort pas des piè­ces auxquelles la Cour peut avoir égard que le demandeur a allégué devant le conseil de revision que les rapports mé­dicaux sur la base desquels le médecin, chef du service médical du centre de recrutement et de sélection, avait pris sa décision ne lui ont pas été commu­niqués;

Attendu que le demandeur ne peut in­voquer pour la première fois devant la Cour ce moyen, qui se fonde sur la vio­lation des droits de la défense ;

Qu'en cette branche le moyen est irre­cevable;

Quant à la deuxième branche :

Attendu qu'en cette branche le moyen se fonde sur une affirmation qui ne trouve appui ni dans la décision atta­quée ni dans les pièces auxquelles la Cour peut avoir égard ;

Quant aux troisième et quatrième branches :

Attendu que la décision attaquée est fondée sur le rapport d'expertise rédigé ensuite de la mise en observation or­donnée par le conseil de revision ;

Attendu qu'en vertu de l'article 45, § 3, des lois coordonnées sur la milice le conseil, s'il estime une nouvelle com­parution inutile, ne fait pas convoquer celui qui a déjà comparu avant la mise en observation ;

Attendu que le conseil constate en l'espèce que le demandeur a comparu devant le conseil de revision avant sa mise en observation et y a été entendu, et décide qu'une nouvelle comparution est estimée inutile ;

Attendu qu'aucun texte de loi ne dis­pose que le résultat de l'expertise doit être communiqué à l'intéressé ou à son conseil;

Attendu que l'article 43, § 2, des lois coordonnées sur la milice n'est applica­ble qu'à la comparution de l'intéressé devant le conseil de revision avant toute mise en observation ; que, lorsque, en vertu de l'article 45, § 3, des mêmes lois, le conseil décide légalement qu'une nouvelle comparution de l'intéressé après la mise en observation est inutile, les droits de la défense ne sont pas violés si l'intéressé, son avocat ou son mandataire n'ont pu produire un nou­veau mémoire ou une nouvelle défense écrite ;

Que le moyen ne peut être accueilli ;

Par ces motifs, rejette le pourvoi.

Du 5 janvier 1977. - 3° ch. - Prés. et Rapp. M. Naulaerts, conseiller faisant fonctions de président. - Concl. conf. M. Lenaerts, avocat général.

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COUR DE CASSATION 483

3e CH. - 5 janvier 1977.

CONTRAT DE TRAVAIL. - NOTION.

L'existence d'un contrat de travail im­plique l'engagement d'exécuter un travail déterminé dans un lien de subordination moyennant rémunéra­tion (1). (Code civil, art. 1108 et 1126; lois relatives au contrat d'emploi, coor­données le 20 juillet 1955, art. 5.)

(ASSOCIATION SANS BUT LUCRATIF « BROEDERS VAN UEFDE », C. VAN DER PUT,)

ARRÊT (traduction).

LA COUR ; - Vu l'arrêt attaqué, rendu le 18 juin 1975 par la cour du travail de Gand ;

Sur le deuxième moyen, pris de la violation des articles 1101, 1102, 1108, 1126, 1710, 1711, 1780 du Code civil, 1er, 5 des lois relatives au contrat d'emploi, coordonnées par l'arrêté royal du 20 juillet 1955 et modifiées par la loi du 5 décembre 1968, et 97 de la Constitu­tion,

en ce que, après avoir constaté en fait que : « en 1935 l'appelant (ici dé­fendeur) a adhéré, en qualité de mem­bre, à la congrégation Broeders van Liefde, confrérie religieuse à Gand ; le 31 juillet 1966 l'intimée (ici demande­resse) l'a nommé en qualité de directeur administratif et d'économe de l'institut psychiatrique « Sint Amandus» à Beer­nem exploité par elle ; cette fonction de cadre était rémunérée par un traitement mensuel brut de 39.877 francs ; en avril 1972 l'appelant a demandé de quitter la congrégation en raison d'un cas de conscience ; cette demande a été ac­cueillie par décision de la Sacra Con­gregatio pro religiosis et institutibus saecularibus à Rome du 18 juillet 1972 ; par lettre du 24 avril 1972 l'ap­pelant a offert à l'intimée de poursuivre ses activités administratives en tant que laïque, mais par lettre du 28 avril l'inti­mée a rejeté cette offre », et après avoir considéré en droit qu'« il s'agit seule­ment de la question de savoir si, en l'es­pèce, il existait entre parties un contrat

(1) Cons. cass., 11 septembre 1974 (Bull. et Pas., 1975, I, 31) et 25 novembre 1975 (ibid., 1976, I, 379).

d'emploi, objet du litige », l'arrêt, sans toutefois se prononcer déjà sur les dom­mages-intérêts réclamés, répond affirma­tivement à cette question en décidant « qu'en sa qualité de directeur admi­nistratif et d'économe l'appelant a fourni des prestations pour le compte de l'in­timée pendant la période du 31 juillet 1966 au 24 juillet 1972 dans un lien de subordination et était lié par un contrat d'emploi », aux motifs suivants : « l'in­timée confond son attitude en tant que communauté religieuse à l'égard d'un religieux, d'une part, avec son attitude en tant qu'employeur à l'égard d'un tra­vailleur, d'autre part; dans la première relation elle agit en qualité de congré­gation religieuse qui a conclu un con­trat d'association, un contrat d'adhésion ou un contrat religieux avec un mem­bre, relation qui relève exclusivement du droit canonique, qui est régie par celui-ci et qui échappe au pouvoir d'ap­préciation des juridictions du travail : la fonction de directeur administratif et d'économe d'un institut psychiatrique, exercée en qualité d'employé par un religieux, n'a rien de commun avec un statut de religieux ; il y a lieu, dès lors, de faire une nette distinction entre la relation religieux/supérieur d'une part et la relation religieux en tant que tra­vailleur à l'égard de l'employeur d'autre part, distinction qui a échappé au premier juge ; au préalable, en l'espèce, se pose concrètement la question de sa­voir si un lien de subordination a existé ou non entre l'appelant et l'intimée et, partant, un contrat d'emploi dont le lien de subordination constitue une ca­ractéristique essentielle » et au motif que, sur la base d'une série de huit éléments de fait non contestés que l'ar­rêt énumère, « le lien de subordination, caractéristique essentielle du contrat d'emploi, est établi entre l'appelant et l'intimée »,

alors que, bien qu'il soit exact que le lien de subordination constitue une ca­ractéristique essentielle du contrat de travail, ce n'est pas la seule caractéristi­que essentielle, mais qu'il est en outre requis que le travailleur s'oblige par un échange de libres consentements à four­nir des prestations personnelles et que le travail ait pour cause l'obtention d'une rémunération (articles 1101, 1102, 1108, 1126, 1710, 1711 et 1780 du Code civil) ; qu'en conclusions la demande­resse contestait la présence simultanée

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484 JURISPRUDENCE DE BELGIQUE

de ces éléments en faisant valoir, quant au consentement, « que les fonctions de directeur administratif et d'économe, comme d'ailleurs toutes les nominations antérieures du défendeur, étaient des modalités d'exécution de son engage­ment d'adhésion, qu'une personne qui adhère à une communauté religieuse s'engage à observer la règle propre à la communauté religieuse, que la règle, outre les obligations typiquement mora­les et spirituelles, établit des prescrip­tions relatives à un certain mode de vie et impose également des tâches détermi­nées, que la fonction litigieuse a été im­posée et admise en vertu de la règle religieuse existant entre parties et que l'attribution ou le retrait de cette fonc­tion dépend entièrement de l'autorité, qui peut congédier quelqu'un ad nutum, que précisément le fait d'accepter une fonction en tant que modalité d'exécu­tion de l'engagement d'observer la règle implique nécessairement l'absence de contrat de travail» et, quant à la rému­nération, « que, comme l'appelant le dit lui-même, il avait un devoir de pau­vreté, de sorte que sa rémunération était remise à la communauté religieuse, que l'octroi d'une rémunération était une exigence administrative, que ce n'est d'ailleurs pas parce que l'argent était à ce moment versé au nom de la congrégation que ne vaudrait plus le principe du contrat religieux selon le­quel, notamment, le religieux met son activité entière à la disposition de l'or­dre, moyennant le gîte et le couvert, et que ce n'est pas parce que l'apport est devenu pécuniaire que la convention d'adhésion serait subitement nulle » ; que l'arrêt ne pouvait se borner à exa­miner la question concrète de savoir « si un lien de subordination a existé ou non entre l'appelant et l'intimée » et qu'il ne suffisait pas de répondre à cette question par la constatation que, en tant que directeur administratif et d'économe de l'institut, le défendeur se trouvait sous l'autorité et la surveillance de la congrégation ; que, le lien de subordi­nation résultant déjà de l'obéissance à 1aquelle le défendeur était tenu à l'égard de la demanderesse de par son état reli­gieux, l'arrêt devait examiner si, à tout 1e moins quant aux fonctions exercées pendant la période prise en considéra­tion par le défendeur, ce dernier avait conservé la possibilité de consentir li­brement à l'exécution du travail moyen-

nant payement, dans le cadre d'une con­vention de travail et en outre, en raison du vœu de pauvreté du défendeur et de l'obligation d'entretien par la congréga­tion qui en résulte, si la rémunération était liée à la fonction exercée par le défendeur dans l'institution dirigée par la demanderesse, si elle était la contre­prestation du travail et si elle était ac­ceptée en tant que telle par le défen­deur ; qu'à défaut de procéder à cet exa­men l'arrêt n'est pas motivé à suffisance de droit (violation de l'article 97 de la Constitution) et, de plus, en déduisant de la seule existence d'un lien de subor­dination l'existence du contrat d'emploi litigieux, l'arrêt viole les articles du Code civil et des lois coordonnées rela­tives au contrat d'emploi cités au moyen:

Attendu que l'existence d'un contrat de travail implique l'engagement d'exé­cuter un travail; que cet engagement doit avoir pour objet l'exécution d'un travail déterminé ; que, si l'une des deux parties conteste qu'elles ont conclu un contrat de travail, le juge ne peut con­clure à l'existence d'un contrat de tra­vail que lorsqu'il constate que les parties ont contracté une convention avec l'en­gagement d'exécuter le travail dans un lien de subordination moyennant rému­nération, convention par laquelle l'objet et la nature du travail à effectuer, la ré­munération et les conditions de travail ont été librement convenus ;

Attendu que l'arrêt constate qu'en 1935 le défendeur a adhéré à la congré­gation Broeders van Liefde ; que, selon le droit belge, le défendeur identifie cette congrégation à la demanderesse, l'association sans but lucratif Broeders van Liefde ; que la demanderesse soute­nait que par cette adhésion « le reli­gieux met son activité entière à la dis­position de l'ordre moyennant le gîte et le couvert » et que le défendeur admet­tait que par son adhésion il s'engageait « à travailler dans les établissements» de la demanderesse « moyennant le gîte et le couvert comme contre-presta­tion » ; que pendant la période litigieuse le défendeur exerçait la fonction de di­recteur administratif et d'économe d'un institut psychiatrique fermé de la de­manderesse ;

Attendu que la cour du travail exa­mine si, outre la relation spécifique en­tre parties en tant que congrégation et religieux, un contrat de travail propre-

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COUR DE CASSATION 485

ment dit a été conclu entre les mêmes parties;

Attendu que, en affirmant que la fonc­tion exercée par le défendeur « ne serait que la conséquence de l'exécution de son engagement d'adhésion à la congré­gation», la demanderesse avait contesté que la fonction avait été exercée en exécution d'un contrat de travail ;

Que l'arrêt ne constate pas que le défendeur avait conclu un contrat de travail proprement dit à l'égard de la demanderesse par un nouveau consente­ment libre en vue d'effectuer un travail déterminé dans des conditions déter­minées moyennant un traitement dé­terminé;

Que la cour du travail ne justifie, dès lors, pas légalement sa décision ;

Que le moyen est fondé ;

Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres moyens, qui ne pourraient entraîner une cassation plus étendue, casse l'arrêt attaqué, sauf en tant que la cour du travail se déclare incompétente pour statuer sur la de­mande tendant à condamnation de la de­manderesse à payer les cotisations de sécurité sociale ; ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de la décision partiellement annulée ; ré­serve les dépens pour qu'il soit statué sur ceux-ci par le juge du fond ; renvoie la cause, ainsi limitée, devant la cour du travail d'Anvers.

Du 5 janvier 1977. - 3° ch. - Prés. M. Naulaerts, conseiller faisant fonc­tions de président. - Rapp. M. Jans­sens. - Concl. conf. M. Lenaerts, avocat général. - Pl. MM. Dassesse et De Gryse.

3e CH. - 5 janvier 1977.

CONTRAT DE TRAVAIL. - RENVOI SANS PRÉAVIS. - MOTIF GRAVE. - NO­TION.

Des comportements qui sont la consé­quence de dissensions conjugales en­tre deux membres du personnel peu-

vent constituer un motif grave de renvoi sur-le-champ de l'un d'eux ou des deux. (Lois relatives au contrat d'emploi, coordonnées le 20 juillet 1955, art. 18.)

(SOCIÉTÉ ANONYME (( W.C. NOORDAM HANDELSMAATSCHAPPIJ »,

C. PEETERS.)

ARRÊT (traduction).

LA COUR ; - Vu l'arrêt attaqué, rendu le 6 juin 1975 par la cour du tra­vail d'Anvers;

Sur le moyen pris de la violation des articles 4bis (modifié par l'article 33 de la loi du 21 novembre 1969), 18 (modifié par les articles 34 de la loi du 10 dé­cembre 1962 et 48 de la loi du 21 novem­bre 1969), 20 (modifié par l'article 49 de la loi du 21 novembre 1969) des lois relatives au contrat d'emploi, coordon­nées par l'arrêté royal du 20 juillet 1955, 97 de la Constitution et 780, 3°, du Code judiciaire,

en ce que l'arrêt rejette l'offre faite en conclusions par la demanderesse d'apporter la preuve de l'existence et du caractère d'urgence du motif grave in­voqué et condamne la demanderesse à payer au défendeur une indemnité de congé, aux motifs : « que le fait que, le 30 juin 1972, l'appelant (ici défendeur) aurait refusé d'exécuter une mission or­donnée par son épouse, en tant que se­crétaire du directeur, et aurait dans un état d'excitation fermé violemment des tiroirs et fait exécuter la mission par un subordonné, a été invoqué dans le délai légal ; que ce fait doit toutefois être con­sidéré dans le cadre de la dissension conjugale existant entre le défendeur et son épouse et n'est, dès lors, pas suffi­samment grave pour rendre impossible toute collaboration entre l'employeur et le travailleur et pour justifier un ren­voi immédiat ; que, partant, il n'y a pas lieu de procéder à une enquête »,

alors que la demanderesse soutenait précisément en conclusions, comme d'ailleurs dans la lettre de congé elle­même, que ces difficultés conjugales étaient de nature telle qu'elles rendaient impossible toute collaboration entre l'employeur et le travailleur et justi­fiaient le renvoi immédiat et fondait ce

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486 JURISPRUDENCE DE BELGIQUE

soutènement sur une énumération de difficultés qui « ont créé une situation absolument intenable pour la bonne marche, l'ordre et la discipline de l'en­treprise » et dont elle offrait d'apporter la preuve par une enquête ; que du fait que les événements du 30 juin 1972 doivent être appréciés dans le cadre de la dissension conjugale existant en­tre le défendeur et son épouse il ne résulte pas nécessairement que ces évé­nements ne sont pas suffisamment graves pour rendre impossible toute col­laboration entre l'employeur et le tra­vailleur et pour justifier un congé im­médiat, de sorte que la décision, qui rejette ladite offre d'apporter la preuve de faits graves par une enquête et qui condamne la demanderesse au paye­ment d'une indemnité de congé, se fonde sur des motifs qui ne donnent pas de réponse ou, à tout le moins, pas de réponse suffisante aux conclusions de la demanderesse et qui ne justifient pas le rejet de ladite offre de la de­manderesse et sa condamnation au payement d'une indemnité de congé :

Attendu que, après avoir décrit le fait allégué par la demanderesse comme constituant un motif grave, l'arrêt con­sidère que « ce fait doit toutefois être apprécié dans le cadre de la dissension conjugale existant entre l'appelant (ici défendeur) et son épouse et n'est, dès lors, pas suffisamment grave pour ren­dre impossible toute collaboration entre l'employeur et le travailleur et pour justifier un renvoi immédiat»;

Qu'il ressort de cette considération et notamment de l'emploi des termes « dès lors » que le fait allégué n'est pas consi­déré comme grave parce qu'il doit être apprécié « dans le cadre de la dissension conjugale » existant entre le défendeur et son épouse ;

Attendu que des comportements qui sont la conséquence de dissensions en­tre deux époux, membres du personnel, peuvent être de nature telle que l'un d'eux ou aucun d'eux ne peut rai-

(1) Le manquement d'une partie à ses obligations peut constituer pour la partie adverse un motif de rupture sur-le-champ du contrat de travail pour motif grave ou de résolution du contrat par application de l'article 1184 du Code civil. Ce manque­ment peut aussi constituer un indice ou une preuve de la volonté de la partie qui l'a commis de modifier unilatéralement

sonnablement être maintenu en service, fût-ce pour une courte durée, et peu­vent, dès lors, être allégués comme mo­tif grave pour mettre immédiatement fin au contrat de travail ;

Que la considération de l'arrêt citée dans le moyen ne justifie pas légalement la décision que le fait allégué ne peut être considéré comme motif grave ;

Que le moyen est fondé ;

Par ces motifs, casse l'arrêt attaqué ; ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de la décision an­nulée ; réserve les dépens pour qu'il soit statué sur ceux-ci par le juge du fond ; renvoie la cause devant la cour du tra­vail de Bruxelles.

Du 5 janvier 1977. - 3° ch. - Prés. M. Naulaerts, conseiller faisant fonc­tions de président. - Rapp. M. Van Leckwijck. - Concl. conf. M. Lenaerts, avocat général. - Pl. MM. H. De Bruyn et Claeys Boùùaert.

3" CH. - 5 janvier 1977.

CONTRAT DE TRAVAIL. - CESSATION. - MANQUEMENT D'UNE PARTIE A SES OBLIGATIONS. - NE MET PAS, EN SOI, FIN AU CONTRAT DE TRAVAIL.

Le manquement d'une partie à ses obli­gations ne met pas, en soi, fin au contrat de travail (1).

(TAERWE, C. SOCIÉTÉ DE DROIT NÉERLANDAIS « PLEMI ».)

ARRÊ:T (trad,iction).

LA COUR ; - Vu l'arrêt attaqué,

le contrat; la modification unilatérale d'un élément essentiel du contrat de travail constitue une rupture illicite de ce con­trat (cass., 27 janvier 1971, Bull. et Pas., 1971, I, 492 ; 6 septembre 1972, ibid., 1973, I, 15) ; 29 septembre 1976, supra, p. 122). Mais dans ce cas la cause de la rupture ne gît pas dans le manquement en tant que tel, mais dans la modification du contrat qui en résulte.

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COUR DE CASSATION 487

rendu le 26 septembre 1975 par la cour du travail de Gand ;

Sur le troisième moyen, pris de la violation des articles 3, 10, 12, 14, 15, 23 de la loi du 30 juillet 1963 fixant le statut des représentants de commerce, 5bis, 18, 20, 22 des lois relatives au con­trat d'emploi, coordonnées par l'arrêté royal du 20 juillet 1955 et modifiées par les lois des 10 décembre 1962 et 21 no­vembre 1969, ier, 2, 4, 5, 9, 15, 42 de la loi du 12 avril 1965 concernant la pro­tection de la rémunération des travail­leurs, 6, 11, 1108, 1128, 1131, 1133, 1319, 1320, 1322 du Code civil, 6, 6bis et 97 de la Constitution,

en ce que l'arrêt rejette la demande formée par le demandeur contre la dé­fenderesse en payement d'une indem­nité de congé de 173.093 francs et d'une indemnité d'éviction de 86.547 francs et, sur demande reconventionnelle, con­damne le demandeur à payer à la dé­fenderesse des dommages-intérêts s'éle­vant à 40.995 francs, aux motifs que pour le représentant de commerce l'in­dexation du traitement fixe est égale­ment applicable lorsque le traitement fixe effectivement payé excède le traite­ment minimum ; que l'absence et le re­fus d'indexation entre le 19 et le 31 oc­tobre 1973 ne peuvent toutefois être considérés comme une rupture du con­trat de la part de la défenderesse ; que dans les circonstances données cette absence et ce refus ne peuvent davan­tage être considérés comme un motif grave ou fondé de rupture du contrat,

alors que, première branche, la dé­fenderesse était tenue de payer men­suellement au demandeur son traite­ment entier, en ce compris les augmen­tations dues à la hausse de l'index, et que les manquements de la défenderesse à cet égard constituent une rupture du contrat de sa part (violation des arti­cles 5bis, 18, 20, 22 des lois coordonnées par l'arrêté royal du 20 juillet 1955, 3, 10, 12, 14, 15, 23 de la loi du 30 juillet 1963, 1•r, 2, 4, 5, 9, 15 et 42 de la loi du 12 avril 1965) ;

deuxième branche, les motifs de l'ar­rêt, selon lesquels dans les circonstances données cette négligence de la défende­resse ne constituait ni une rupture du contrat ni un motif grave ou fondé de rupture du contrat, sont incomplets,

obscurs et contradictoires ; qu'ils ne per­mettent pas de discerner s'il a été statué de la sorte parce qu'en l'espèce une clause dérogeant à la loi a été éventuel­lement convenue, ou parce que le con­trat a été rédigé aux Pays-Bas, ou pour tout autre motif (violation de l'article 97 de la Constitution) ;

troisième branche, le contrat conclu entre parties prévoit l'application de la législation belge, a d'ailleurs été exécuté en Belgique et tombe sous l'application des lois impératives belges des 30 juillet 1963 et 12 avril 1965 ; que, dès lors, l'ar­rêt attache à tort des conséquences aux clauses dérogatoires qui sont reprises dans un contrat rédigé aux Pays-Bas ; qu'ainsi l'arrêt porte encore atteinte à l'égalité des Belges devant la loi et que la distinction faite par l'arrêt entre les contrats rédigés en Belgique et ceux qui sont rédigés aux Pays-Bas est arbitraire (violation des articles 5bis, 18, 20, 22 des lois coordonnées par l'arrêté royal du 20 juillet 1955, 3, 10, 12, 14, 15, 23 de la loi du 30 juillet 1963, 1 •r, 2, 4, 5, 9, 15, 42 de la loi du 12 avril 1965, 6, 11, 1108, 1128, 1131, 1133 du Code civil, 6, 6bis et 97 de la Constitution) ;

quatrième branche, le contrat de re­présentation commerciale conclu entre parties ne contenait aucune clause déro­gatoire en matière de payement du trai­tement entier et de l'indexation, de sorte que la foi due à cet acte a été violée (violation des articles 1319, 1320 et 1322 du Code civil) :

Attendu que le manquement d'une partie à ses obligations ne met pas, en soi, fin au contrat d'emploi ; que l'arrêt n'invoque ni une clause dérogatoire ni la circonstance que la convention a été conclue aux Pays-Bas, mais se borne à apprécier en fait et, partant, souverai­nement que « l'absence et le refus d'in­dexation entre le 19 et le 31 octobre 1973 ne peuvent être considérés comme une rupture du contrat de la part de la défenderesse » ;

Que le moyen ne peut être accueilli ;

Par ces motifs, rejette le pourvoi ; condamne le demandeur aux dépens.

Du 5 janvier 1977. - 3° ch. - Prés. M. Naulaerts, conseiller faisant fonc­tions de président. - Rapp. M. Jans­sens. - Concl. conf. M. Lenaerts, avo-

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488 JURISPRUDENCE DE BELGIQUE

cat général. - Pl. MM. Houtekier et L. Simont.

l'" CH. - 6 janvier 1977.

LOUAGE DE CHOSES. - BAUX A FERME. - RÉSILIATION. - PREUVE. -PREUVE POUVANT SE DÉDUIRE DE L'EXÉ­CUTION D'UNE CONVENTION DE RÉSILIA­TION NON CONSTATÉE PAR ÉCRIT. - CON­DITION.

La preuve de la résiliation d'un bail à ferme peut se déduire de l'exécution d'une convention de résiliation dont, dans les circonstances familiales pro­pres à l'espèce, la non-constatation par écrit était moralement justi­fiée (1). (Code civil, art. 1348 et 1353.)

(ÉPOUX DEBUYSSCHER-MARTIN, C. ÉPOUX LACROIX-DEBUYSSCHER ET CONSORTS.)

ARRi:T.

LA COUR ; - Vu le jugement atta­qué, rendu le 9 septembre 1975 par le tribunal de première instance de Tour­nai, statuant en degré d'appel ;

Sur le moyen pris de la violation des articles 1315, 1316, 1341, 1347, 1348, 1353 du Code civil, 870 du Code judi­ciaire et 47 contenu dans l'article 1er de la loi du 4 novembre 1969 sur les baux à ferme,

en ce que, pour rejeter la demande des demandeurs fondée sur la violation de leur droit de préemption et tendant à être subrogés à Joseph Vanmansart qui avait acquis un terrain dont ils se pré-

(1) Sur ce que, en règle, la résiliation d'une convention portant sur une chose dont la valeur excède 3.000 francs doit être constatée par écrit, cons. cass., 2 mars 1973 (Bu!!. et Pas., 1973, 1, 617), et DE PAGE, t. III, n ° 870.

Sur ce que la règle de la preuve par écrit ne vaut pas d'une manière absolue et sur ce que les cas d'exception énumérés à l';;irticle 1348 du Code civil ne sont pas limitatifs, cons. cass., 23 novembre 1920

tendaient locataires-fermiers, en vertu d'une convention de bail à ferme con­clue le 15 juillet 1933 au profit de leurs auteurs, les parties ici appelées en dé­claration d'arrêt commun, le jugement décide que « la résiliation tacite du bail portant sur les quatre ares n'est pas douteuse», aux motifs, d'une part, que depuis le partage la première défende­resse « n'a reçu pour ce terrain aucun fermage en espèces », d'autre part, « qu'il ne ressort de rien que des presta­tions en nature (l'entretien d'un jardin par exemple) aient remplacé quelque versement » et, enfin, que l'« abandon caractérisé et anormal en soi de la des­tination agricole du fonds et l'absence de tout payement de fermage depuis 1949 ont impliqué dans le chef des loca­taires une volonté non équivoque de lais­ser libre le terrain à bâtir dont Blanche Debuysscher avait obtenu la propriété»,

alors que le jugement déduit ainsi l'existence d'une résiliation de la con­vention initiale du bail à ferme du 15 juillet 1933, constatée par écrit, d'une série de présomptions ; que le jugement, qui ne constate ni l'impossibilité de se procurer un écrit ni que la conven­tion de résiliation avait une valeur inférieure à 3.000 francs, méconnaît dès lors les règles organiques de la preuve et, partant, viole les dispositions légales visées au moyen :

Attendu qu'il ressort des énonciations du jugement que la parcelle, d'une superficie de 4 ares, sur laquelle les demandeurs entendent exercer le droit de préemption a appartenu aux père et mère de la défenderesse Blanche Debuysscher, épouse Lacroix, qui étaient aussi les grands-parents des demandeurs ; que si, en 1933, elle était comprise dans des biens qui furent alors pris en location à des fins agricoles par les appelés en intervention, époux Edouard Debuysscher-Hellin, frère et belle-sœur de ladite défenderesse et pa­rents des demandeurs, et si, en 1969, les

<Bu!!. et Pas., 1921, I, 144) et 3 juin 1935 (ibid., 1935, I, 270).

Sur ce que l'existence d'une convention peut résulter d'un aveu, fût-il extraju­diciaire et tacite, cons. les conclusions de M. le procureur général Cornil avant cass., 4 avril 1941 (Bull. et Pas., 1941, I, 120, spé­cialement p. 128 et 129) ; cass., 19 octobre 1944 (ibid., 1945, I, 14) et 23 octobre 1959 (ibid., 1960, 1, 230) ; DE PAGE, t. Ill, n° 1032.

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COUR DE CASSATION 489

demandeurs en ont repris l'occupation par une cession de bail, elle avait, dès 1949, été attribuée en partage à cette dé­fenderesse, lors de la liquidation de la succession des auteurs communs de celle-ci et des appelés en intervention ;

Attendu qu'en se fondant sur la su­perficie restreinte et la situation de la parcelle, « sise en pleine place d'Anse­rœul », le juge d'appel considère qu'elle avait, par la volonté même des coparta­geants, revêtu le caractère de terrain à bâtir au profit de ladite défenderesse ;

Attendu, il est vrai, que dans le litige opposant les parties cette considération ne pourrait suffire à justifier légalement le dispositif attaqué, suivant lequel la parcelle litigieuse a, dès 1949 et par l'effet d'une résiliation tacite, cessé de faire l'objet d'un bail à ferme;

Mais attendu que, après avoir con­staté que, selon l'acte de partage du 15 septembre 1949, les copartageants auraient la jouissance de leurs lots soit effectivement, soit par la perception de loyers et souligné qu'il fallait, en l'es­pèce, tenir compte des réalités et plus spécialement des relations de famille, le jugement relève que, depuis 1949 en­core, la défenderesse Blanche Debuys­scher « n'a reçu des demandeurs ou de leurs auteurs aucun fermage en espè­ces » et « qu'il ne ressort de rien que des prestations en nature ... aient rem­placé quelque versement » ; qu'enfin, en se fondant sur les éléments qu'il pré­cise, le jugement tient pour constant que la parcelle a fait l'objet, de la part des demandeurs, d'un « abandon carac­térisé et anormal en soi de la destina­tion agricole» qu'elle avait antérieure­ment à 1949 ; que le jugement considère, en outre, que le comportement des de­mandeurs prouve qu'ils ont renoncé à se prévaloir de la nullité relative de la résiliation ;

Attendu qu'ainsi le juge d'appel con­state l'existence de circonstances d'où il pouvait être déduit, ainsi qu'il le fait, qu'elles « ont impliqué dans le chef des locataires», ici demandeurs, « une vo­lonté non équivoque de laisser libre le terrain à bâtir dont Blanche Debuys­scher avait obtenu la propriété » par partage;

Qu'en d'autres termes il apparaît de l'ensemble des motifs du jugement que la juridiction d'appel fonde sa décision sur la constatation de faits qui relèvent de son pouvoir souverain d'apprécia-

tion et prouvent, dans le chef des de­mandeurs, l'exécution d'une convention de résiliation dont, dans les circonstan­ces familiales propres à l'espèce, la non­constatation par écrit était moralement justifiée;

Qu'il s'ensuit que le jugement repose tout ensemble sur la preuve, que ne prohibe pas l'article 1341 du Code civil fondant le moyen, d'un aveu extraju­diciaire tacite de la part des deman­deurs et sur la règle prévue par l'arti­cle 1348 du même code;

Que, reposant sur une interprétation inexacte du jugement, le moyen man­que en fait;

Et attendu que le rejet du pourvoi dirigé contre les défendeurs époux Lacroix-Debuysscher, d'une part, et les ayants droit Vanmansart, d'autre part, rend sans intérêt la demande en inter­vention dirigée par les demandeurs con­tre les époux Debuysscher-Hellin ;

Par ces motifs, rejette le pourvoi et la demande en intervention ; condamne les demandeurs aux dépens.

Du 6 janvier 1977. - 1r• ch. - Prés. M. Perrichon, conseiller faisant fonc­tions de président. - Rapp. M. Capelle. - Concl. conf. M. Colard, avocat géné­ral. - Pl. MM. Dassesse et Fally.

l'" CH. - 6 janvier 1977.

MOTIFS DES JUGEMENTS ET AR­R~TS. - MATIÈRE DISCIPLINAIRE. -

CONCLUSIONS. - CONSIDÉRATIONS D'OÙ LE CONCLUANT NE DÉDUIT AUCUNE CON­SÉQUENCE JURIDIQUE. - POINT D'OBLI­GATION POUR LE JUGE D'Y RÉPONDRE.

Le juge n'est pas tenu de répondre à des considérations d'où le concluant ne déduit aucune conséquence juridi­que (1). (Constit., art. 97.)

(1) Cons. cass., 12 octobre et 24 décembre 1976, supra, p. 184 et 466.

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490 JURISPRUDENCE DE BELGIQUE

(G ... , C. ORDRE DES PHARMACIENS.)

Arrêt conforme à la notice.

Du 6 janvier 1977. - 1re ch. - Prés. M. Perrichon, conseiller faisant fonc­tions de président. - Rapp. M. Trousse. .,-- Concl. conf. M. Colard, avocat géné­ral. - Pl. MM. L. Simont et Fally.

1re CH, - 7 janvier 1977.

1 ° PREUVE. - PREUVE LITTÉRALE. FOI DUE AUX ACTES. - MATIÈRE CIVILE. - CONVENTION. - INTERPRÉTATION CONCILIABLE AVEC LES TERMES DE CETTE CONVENTION. - POINT DE VIOLATION DE LA FOI DUE AUX ACTES.

2° LOUAGE DE CHOSES. - BAUX COM­MERCIAUX. - CLAUSE DU BAIL ASSURANT L'ADAPTATION AUTOMATIQUE DU LOYER AUX VARIATIONS DE L'INDICE DES PRIX DE DÉTAIL. - ADAPTATIONS N'ÉQUIVA­LANT PAS A UNE REVISION AU SENS DE L'ARTICLE 6 CONTENU DANS LA LOI DU 30 AVRIL 1951.

3° MOYENS DE CASSATION. - MA­TIÈRE CIVILE. - MOYEN INVOQUANT LA VIOLATION DES DROITS DE LA DÉFENSE. -POINT DE PRÉCISION. - IRRECEVABILITÉ.

1 ° Ne viole pas la foi due à un acte de bail commercial la décision qui donne de cet acte une interprétation conciliable avec ses termes (1).

2° Lorsqu'un bail commercial prévoit que le loyer sera automatiquement adapté aux variations de l'indice des prix de détail, ces adaptations ne con­stituent pas des revisions nécessitant l'intervention du juge de paix (2). (Loi du 30 avril 1951, art. 6.)

(1) Cons. cass., 4 novembre 1976, supra, p. 262.

(2) Cons. cass., 1er décembre 1966 (Bull. et Pas., 1967, 1, 414).

(3) Cass., 4 janvier 1974 (Bull. et Pas., 1974, 1, 460).; comp. cass., 21 janvier et 24 février 1975 (ibid., 1975, 1, 522 et 644).

3° N'est pas recevable, à défaut de pré­cision, le moyen qui invoque la viola­tion des droits de la défense sans préciser en quoi ces droits auraient été violés (3).

(ZAJDMAN, C. COMMERMAN.)

ARRtT (traduction).

LA COUR ; - Vu le jugement atta­qué, rendu le 21 mars 1975 par le tribu­nal de première instance d'Anvers, sta­tuant en degré d'appel ;

Sur le premier moyen, pris de la vio­lation des articles 1134, 1139, 1145, 1146, 1319, 1320, 1322, 1728, 2°, du Code civil et 6 contenu dans la loi du 30 avril 1951 sur les baux commerciaux en vue de la protection du fonds de commerce, for­mant la section IIbis du chapitre Il du titre VIII du livre III du Code civil, ainsi que du principe du respect des droits de la défense,

en ce que le jugement condamne la demanderesse à payer à la défenderesse la somme de 525.257 francs à titre d'arriérés de loyers du 1er mars 1969 au 31 mai 1974 et fixe le loyer, depuis le 1er mars 1972, à 376.060 francs, aux mo­tifs qu'en son article 16 le bail origi­naire du 12 février 1957 stipule ce qui suit : « Chaque triennat et pour la pre­mière fois le 1er mars 1960, le loyer sera revisé de commun accord, en vue de l'adapter à la situation économique. Cette adaptation s'effectuera par com­paraison de l'indice des prix au moment de la revision et de l'indice en vigueur à la date de la signature du présent contrat, à savoir 422, étant entendu que le loyer subira les mêmes variations proportionnelles que cet indice. Le nou­veau loyer, ainsi revisé, sera valable pour le triennat suivant » ; qu'il ne peut être attribué aux termes « de com­mun accord » d'autre portée que celle qui consiste en ce que, pour assouplir les prescriptions de l'article 6 contenu dans la loi du 30 avril 1951, les parties ont voulu supprimer l'action judiciaire et les délais et que, dès le premier jour de ch'lqUe nouveau triennat, le loyer sera automatiquement et sans aucune restric­tion adapté aux variations de l'indice des prix ; que d'ailleurs, une fois stipu­lée, cette adaptation du loyer à l'indice

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COUR DE CASSATION 491

se fait automatiquement, sans interven­tion de la volonté des parties, du moins pour autant qu'il n'ait été stipulé d'au­tre réserve, telle qu'une demande ou communication préalable, ce qui n'est pas le cas en l'espèce,

alors que, première branche, la clause de la convention suivant laquelle le loyer « sera revisé de commun accord », de trois ans en trois ans, pour l'adapter à la situation économique, implique que cette revision ne s'effectuerait pas auto­matiquement sans intervention de la volonté des parties à l'expiration de chaque triennat ; que le jugement viole la foi due à cette convention (violation des articles 1319, 1320 et 1322 du Code civil) ;

deuxième branche, l'article 6 contenu dans la loi du 30 avril 1951 a un carac­tère impératif et que les parties ne peuvent y déroger dans leur contrat de bail, de sorte que la clause de revision automatique du loyer à l'expiration de chaque triennat, en vue d'adapter ce­lui-ci à la situation économique, n'est pas valable, même si cette adaptation est liée à l'indice des prix (violation de l'article 6 contenu dans la loi du 30 avril 1951 et dudit principe général de droit);

troisième branche, le fait que le bail comporte la revision automatique des loyers, à l'expiration de chaque triennat, n'implique pas que la défenderesse était dispensée de l'obligation de mettre en demeure la demanderesse ; que la mise en demeure par le créancier s'impose de plein droit et ne doit pas être spéciale­ment stipulée (violation des articles 1134, 1139, 1145, 1146, 1319, 1320, 1322 et 1728, 2°, du Code civil) :

Quant à la première branche : Attendu que l'article 16 du bail conclu

entre les parties le 12 février 1957, re­produit par le jugement et par le moyen, stipule qu'à l'expiration de cha­que triennat le loyer sera révisé « de commun accord » ;

Que les parties ont dès le début fixé les modalités de cette revision triennale dans leur contrat, en stipulant que le loyer subirait la même variation propor­tionnelle que l'indice des prix et que le loyer ainsi adapté serait valable « pour le triennat suivant » ;

Qu'il s'ensuit que les termes « de commun accord » ne signifient pas né-

cessairement que l'adaptation v1see était subordonnée à un accord à con­clure au préalable ; que, d'ailleurs, « l'accord» pouvait aussi viser le con­trôle des chiffres adaptés ;

Attendu, dès lors, qu'en considérant que les parties ont convenu, par la sti­pulation litigieuse, que dès le premier jour de chaque triennat le loyer serait automatiquement adapté aux varia­tions de l'indice des prix, le jugement donne de l'article 16 précité une inter­prétation qui n'est pas inconciliable avec ses termes;

Quant à la deuxième branche :

Attendu que le loyer des biens immo­biliers qui sont affectés principalement à l'exercice d'un commerce est fixé li­brement par les parties ; qu'il suffit que le prix puisse être déterminé à l'aide des éléments mentionnés dans le con­trat;

Attendu que le juge a pu considérer la clause litigieuse, qui constitue un mode de fixation du loyer, comme étant une clause qui ne vise qu'à assurer le maintien du prix initialement convenu et qui n'équivaut pas à la revision, visée à l'article 6 contenu dans la loi du 30 avril 1951, que le juge peut autoriser à la suite de circonstances nouvelles ayant entraîné une inadaptation du loyer à la valeur locative normale ;

Que, sans violer la disposition lé­gale précitée, le jugement a, dès lors, pu déclarer valable l'adaptation du loyer telle qu'elle a été stipulée ;

Attendu que la demanderesse ne pré­cise pas en quoi le jugement viole le principe général de droit visé au moyen ;

Quant à la troisième branche : Attendu que le jugement, ayant pu,

sans méconnaître la foi qui lui était due, interpréter le bail en ce sens qu'à l'expiration de chaque triennat le loyer est adapté suivant les variations de l'indice des prix et sans nouvelle ma­nifestation de volonté des parties, a pu en déduire, sans violer la disposition légale citée dans cette branche du moyen, que cette adaptation a lieu « sans intervention des parties » et, dès lors, sans mise en demeure ;

Qu'en aucune de ses branches le moyen ne peut être accueilli ;

Par ces motifs, rejette le pourvoi ; condamne la demanderesse aux dépens.

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492 JURISPRUDENCE DE BELGIQUE

Du 7 janvier 1977. - 1re ch. - Prés. M. de Vreese, conseiller faisant fonc­tions de président. - Rapp. M. Van Leckwijck. - Concl. conf. M. Declercq, avocat général. - Pl. MM. Houtekier et Bützler.

1•• CH. - 7 janvier 1977.

DROITS DE LA DÉFENSE. - MATIÈRE CIVILE. - ARRÊT REJETANT UNE DE­MANDE DE RÉOUVERTURE DES DÉBATS AU MOTIF QUE LA COUR D'APPEL N'AURA PAS ÉGARD A CERTAINES PIÈCES. - ARRÊT SE RÉFÉRANT NÉANMOINS A UNE DE CES PIÈCES POUR FONDER SA DÉCISION. -VIOLATION DES DROITS DE LA DÉFENSE.

Viole le principe général de droit impo­sant le respect des droits de la dé­fense le juge qui rejette une demande de réouverture des débats, au motif qu'il n'aura pas égard à certaines pièces, mais qui, pour fonder sa déci­sion, se réfère à une de ces pièces (1). (Principe général de droit relatif au respect des droits de la défense.)

(WIMBORNE, C. VAN EYGEN.)

Arrêt conforme à la notice.

Du 7 janvier 1977. - 1•• ch. - Prés. M. de Vreese, conseiller faisant fonc­tions de président. - Rapp. M. Gerniers. - Concl. conf. M. Declercq, avocat gé­néral. - Pl. MM. Fally et Bützler.

F• CH. - 7 janvier 1977.

1° CASSATION. - COMPÉTENCE. - MA­TIÈRE CIVILE. - ERREUR MATÉRIELLE DANS LA REQUÊTE EN CASSATION. - Pou­VOIR DE LA COUR DE LA RECTIFIER.

(1) Cons. cass., 10 octobre 1974 (Bull. et Pas., 1975, I, 170) et la note 1.

(2) Cass., 9 janvier 1969 (Bull. et Pas., 1969, I, 430) ; comp. cass., 30 juin 1975 (ibid., 1975, I, 1056).

(3) Cass., 12 novembre 1976, supra, p. 291.

2° MOTIFS DES JUGEMENTS ET AR­RiTS. - MATIÈRE CIVILE. - DÉCISION ACCUEILLANT UNE DEMANDE. - DÉFENSE RÉGULIÈREMENT PROPOSÉE. - POINT DE RÉPONSE. - DÉCISION NON MOTIVÉE.

1 ° La Cour a, pour l'appréciation d'un pourvoi en matière civile, le pouvoir de rectifier une erreur matérielle com­mise dans la requête en cassation et apparaissant à l'évidence du contexte de celle-ci (2).

2° N'est pas motivée la décision qui ac­cueme une demande sans rêpondre à une défense régulièrement proposée en conclusions par la partie ad­verse (3). (Constit., art. 97.)

(BROECKX, C. VERSPAANDONCK.)

Arrêt conforme aux notices.

Du 7 janvier 1977. - 1re ch. - Prés. M. de Vreese, conseiller faisant fonc­tions de président. - Rapp. M. Sury. - Concl. conf. M. Declercq, avocat gé­néral. - Pl. M. L. Simont.

1re CH. - 7 janvier 1977.

1 ° COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES. - TRAITÉ INSTITUANT LA COMMUNAUTÉ ÉCONOMIQUE EUROPÉENNE. - LOIS. -LOI IMPOSANT NOTAMMENT UN PRIX DE VENTE AUX CONSOMMATEURS. - ARTI­CLE 85, PAR. 1er ET 2, DU TRAITÉ DISPO­SANT QUE SONT INTERDITES ET NULLES DES CONVENTIONS ENTRE ENTREPRISES, DES DÉCISIONS D'ASSOCIATIONS D'ENTRE­PRISES ET DES PRATIQUES CONCERTÉES. - DISPOSITIONS DE DROIT COMMUNAU­TAIRE NE POUVANT S'APPLIQUER AUX

LOIS.

2° LOIS ET ARRtTÉS. - TRAITÉ INSTI­TUANT LA COMMUNAUTÉ ÉCONOMIQUE EU­ROPÉENNE. - LOIS. - LOI IMPOSANT NOTAMMENT UN PRIX DE VENTE AUX CON­SOMMATEURS. - ARTICLE 85, PAR. 1er ET 2, DU TRAITÉ DISPOSANT QUE SONT INTERDITES ET NULLES DES CONVENTIONS ENTRE ENTREPRISES, DES DÉCISIONS D'AS­SOCIATION D'ENTREPRISES ET DES PRATI­QUES CONCERTÉES. - DISPOSITIONS DE DROIT COMMUNAUTAIRE NE POUVANT S'APPLIQUER AUX LOIS.

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COUR DE CASSATION 493

3° TAXE SUR LA VALEUR AJOU­TÉE. - LOI DU 3 JUILLET 1969, ARTI­CLE 58. - DISPOSITION LÉGALE SELON LAQUELLE LES TABACS DOIVENT ÊTRE VENDUS AU CONSOMMATEUR AU PRIX IN­SCRIT SUR LA BANDELETTE FISCALE. -ARTICLE 85, PAR. 1er ET 2, DU TRAITÉ INSTITUANT LA COMMUNAUTÉ ÉCONOMI­QUE EUROPÉENNE DISPOSANT QUE SONT IN­TERDITES ET NULLES DES CONVENTIONS ENTRE ENTREPRISES, DES DÉCISIONS D'AS­SOCIATION D'ENTREPRISES ET DES PRATI­QUES CONCERTÉES. - DISPOSITIONS DE DROIT COMMUNAUTAIRE NE POUVANT S'AP­PLIQUER A LADITE DISPOSITION LÉGALE.

4° TAXE SUR LA VALEUR AJOUTÉE. - LOI DU 3 JUILLET 1969, ARTICLE 58. - DISPOSITION LÉGALE IMPOSANT LA VENTE DES TABACS AU PRIX INDIQUÉ SUR LA BANDELETTE FISCALE. - LOI AU SENS DES ARTICLES 608 ET 1080 DU CODE JUDICIAIRE ET NON ACTE DE HAUTE TU­TELLE ADMINISTRATIVE APPROUVANT UNE CONVENTION.

5° LOIS ET ARR:tTÉS. - LOI DU 3 JUILLET 1969 CRÉANT LE CODE DE LA TAXE SUR LA VALEUR AJOUTÉE, ARTI­CLE 58. - DISPOSITION LÉGALE IMPO­SANT LA VENTE DES TABACS AU PRIX IN­DIQUÉ SUR LA BANDELETTE FISCALE. -LOI AU SENS DES ARTICLES 608 ET 1080 DU CODE JUDICIAIRE ET NON ACTE DE HAUTE TUTELLE ADMINISTRATIVE AP­PROUVANT UNE CONVENTION.

6° COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES. - TRAITÉ INSTITUANT LA COMMUNAUTÉ ÉCONOMIQUE EUROPÉENNE, ARTICLE 177. - QUESTION D'INTERPRÉTATION D'UNE DISPOSITION DUDIT TRAITÉ. - INTERPRÉ­TATION NÉCESSAIRE POUR QUE LA COUR DE CASSATION PUISSE RENDRE SON ARRÊT. - COUR DE CASSATION DEVANT, EN RÈ­GLE, SAISIR LA COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES.

7° DENRÉES ET MARCHANDISES (ABUS DANS LE COMMERCE DES). - RÉGLEMENTATION ÉCONOMIQUE ET DES PRIX. - PRIX NORMAL ET PRIX MAXI­MUM. - HAUSSE DES PRIX. - NOTIONS.

8° COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES. - DIRECTIVES. - TRAITÉ INSTITUANT LA COMMUNAUTÉ ÉCONOMIQUE EURO­PÉENNE, ARTICLE 189. - DIRECTIVES POUVANT CONTENIR DES DISPOSITIONS DI­RECTEMENT APPLICABLES DANS LES ETATS MEMBRES.

9° COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES. COMMUNAUTÉ ÉCONOMIQUE EURO­

PÉENNE. - INTERPRÉTATION DU TRAITÉ INSTITUANT LA COMMUNAUTÉ ET DES ACTES PRIS PAR LES INSTITUTIONS DE LA COMMUNAUTÉ. - ARTICLE 177 DUDIT TRAITÉ. - APPLICABILITÉ DIRECTE D'UNE DISPOSITION DU TRAITÉ OU DE CES ACTES, NOTAMMENT D'UNE DIRECTIVE. - QUES­TIONS D'INTERPRÉTATION AU SENS DUDIT ARTICLE 177.

10° COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES. - TRAITÉ INSTITUANT LA COMMUNAUTÉ ÉCONOMIQUE EUROPÉENNE, ARTICLE 177. - QUESTION D'INTERPRÉTATION DES DIS­POSITIONS DU DROIT COMMUNAUTAIRE. -COUR DE CASSATION APPELÉE A STATUER SUR LA COMPATIBILITÉ DES DISPOSITIONS DU DROIT NATIONAL AVEC DES DISPOSI­TIONS DU DROIT COMMUNAUTAIRE. -QUESTIONS D'INTERPRÉTATION RELATI­VES A CES DERNIÈRES DISPOSITIONS. -COUR DE CASSATION SAISISSANT LA COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EURO­PÉENNES POUR QU'ELLE STATUE SUR CES QUESTIONS. - COUR DE CASSATION IN­DIQUANT, DANS SON ARRÊT SAISISSANT LA­DITE COUR DE JUSTICE, LES DISPOSITIONS DE DROIT NATIONAL APPLICABLES EN L'ES­PÈCE ET PRÉCISANT, LE CAS ÉCHÉANT, LEUR SENS ET LEUR PORTÉE.

11 ° TAXE SUR LA VALEUR AJOU­TÉE. - TAXE SUR LES TABACS FABRI­QUÉS, IMPORTÉS OU PRODUITS DANS LE PAYS, EN CE COMPRIS LES SUCCÉDANÉS DU TABAC. - MODALITÉS DE PERCEPTION ET DE CONTRÔLE.

12° DOUANES ET ACCISES. - Acc1-SES. - RÉGIME FISCAL DU TABAC. -DÉTERMINATION DU DROIT D'ACCISE EXI­GIBLE. - NOTION.

1 °, 2° et 3° Constitue une «loi», au sens spécialement des articles 608 et 1180 du Code judiciaire, la disposition de l'article 58 de la loi du 3 juillet 1969 créant le Code · de la taxe sur la valeur ajoutée suivant laquelle le prix inscrit sur la bandelette fiscale apposée sur des produits de tabac est celui auquel ceux-ci doivent être vendus au consommateur ; il s'ensuit que cette disposition légale ne saurait être « interdite » et être « nulle » par application de l'article 85 du traité instituant la Communauté économi­que européenne qui ne concerne que des accords entre entreprises, des dé-

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494 JURISPRUDENCE DE BELGIQUE

cisions d'associations d'entreprises et des pratiques concertées.

4° et 5° L'article 58 de la loi du 3 juillet 1969 créant le Code de la taxe sur la valeur ajoutée, aux termes duquel les produits de tabac doivent être vendus au prix inscrit sur la bandelette fis­cale, étant une disposition normative générale et impersonnelle imposée par l'autorité et donc une « loi» au sens des articles 608 et 1080 du Code judi­ciaire (1), ne constitue point un acte de haute tutelle administrative se bor­nant à approuver une convention (2) notamment entre certaines entrepri­ses.

6° Lorsqu'une question d'interprétation de dispositions du traité instituant la Communauté économique européenne est soulevée devant la Cour de cassa­tion et que celle-ci estime qu'une déci­sion à ce sujet est nécessaire pour qu'elle puisse rendre son arrêt, cette Cour doit, en règle, saisir la Cour de justice des Communautés européen­nes pour qu'elle statue à titre préju­diciel sur ladite question (3). (Traité instituant la Communauté économi­que européenne approuvé par la loi du 2 décembre 1957, art. 177.)

7° Il ressort des dispositions de l'arrêté­loi du 22 janvier 1945, tel qu'il a été complété et modifié par la loi du 23 décembre 1969 et par celle du 30 juillet 1971 sur la réglementation économique et les prix, et de celles de l'arrêté ministériel du 22 décembre

(1) Cons. conclusions de M. le procureur général P. Leclercq, alors avocat général, avant cass., 5 mars 1917 (Bun. et Pas., 1917, I, 118), conclusions de M. le procureur gé­néral Ganshof van der Meersch, alors avo­cat général, avant cass., 17 mai 1963 (ibid., 1963, I, 987), et conclusions du ministère public avant cass., 25 novembre 1955 (ibid., 1956, I, 285), 8 juin 1967 (J.T., 1967, p. 459 et suiv.) et 30 janvier 1976 (Arresten van Cassatie, 1976, p. 632).

(2) Cons. cass., 30 janvier 1976 (Bun. et Pas., 1976, 1, 607), et les conclusions du ministère public citées à la note précé­dente.

(3) Cons. cass., 16 juin 1976, deux arrêts (Bull. et Pas., 1976, I, 1119 et 1121).

(4) Cons. la loi du 23 décembre 1969, ar­ticle 1er, § 3.

(5) Cons. note 1 sous cass., 16 juin 1975 (Bull. et Pas., 1975, I, 991), et les conclu­sions du ministère public publiées dans la

1971 prescrivant la déclaration des hausses de prix qu'il est permis aux fabricants et importateurs, sous ré­serve des dispositions d'un éventuel « contrat de programme » (4) et à condition qu'ils respectent le prix nor­mal ou éventuellement le prix maxi­mum fixé par le ministre des affaires économiques, de déterminer librement leurs nouveaux prix, en ce compris le prix de détail, après déclaration de la hausse de ces prix et moyennant ob­servation d'un délai d'attente.

8° Bien que les directives du Conseil des ministres et de la Commission des Communautés européennes lient tout Etat membre destinataire quant au résultat à atteindre, tout en laissant aux autorités nationales la compé­tence quant à la forme et aux moyens, leurs dispositions peuvent néanmoins être directement applicables dans les Etats membres (5). (Traité instituant la Communauté économique euro­péenne, approuvé par la loi du 2 dé­cembre 1957, art. 189.) (Solution im­plicite.)

9° Constitue une question d'interpréta­tion, au sens de l'article 177 du traité instituant la Communauté! économi­que européenne, celle de déterminer si une disposition du traité ou d'un acte des institutions de la Commu­nauté, notamment d'une directive, est ou non directement applicable dans les Etats membres (6). (Traité instituant la Communauté économi­que européenne, approuvé par la loi

Revue de droit pénal et de criminologie, 1975-1976, p. 67 et suiv. Cons. aussi, outre les arrêts cités dans la note 1 sous cass., 16 juin 1975 (voir supra), les arrêts de la Cour de justice des Communautés euro­péennes des 1er février 1977, aff. 51/76, et 20 mai 1977, aff. 111/75. On consultera encore J.V. Loms, « L'effet direct des di­rectives», in Mélanges en hommage au professeur J. Baugniet, p. 471 et suiv.

(6) Voir, à la note précédente, les arrêts de la Cour de justice des Communautés européennes s'étant prononcés, par ap­plication de l'article 177 du traité, sur l'ef­fet direct de directives. De très nombreux autres arrêts de la même haute juridiction européenne se sont aussi prononcés par application de la même disposition sur l'effet direct de dispositions du traité ou de règlements pris soit par le Conseil des ministres soit par la Commission.

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COUR DE CASSATION 495

du 2 décembre 1957, art. 177 et 189.) (Solution implicite.)

10° Lorsque la Cour de cassation doit, par application de l'article 177 du traité instituant la Communauté éco­nomique européenne, demander à la Cour de justice des Communautés européennes de statuer à titre préju­diciel sur une question d'interpréta­tion de dispositions de droit commu­nautaire dont la solution lui est nécessaire pour qu'elle puisse statuer, notamment sur la compatibilité de dispositions du droit national avec ledit droit communautaire, elle indi­que dans son arrêt quelles sont ces dispositions et, le cas échéant, elle précise leur sens et leur portée, de manière à permettre plus aisément à la Cour de justice de donner une ré­ponse utile à la question d'interpré­tation qu'elle lui soumet (1).

11 ° La taxe sur la valeur ajoutée sur les tabacs fabriqués, importés ou pro­duits dans le pays, en ce compris les succédanés du tabac, est exigible en même temps que le droit d'accise et son montant est acquitté par les per­sonnes redevables du droit d'accise au receveur chargé de la perception de ce droit. Des modalités spéciales de contrôle, notamment, sont prévues lorsque la taxe a été acquittée préa­lablement à l'im::;,ortation. (Loi du 3 juillet 1969, art. 58, et arrêtés

(1) La Cour de justice des Communau­tés ne peut, lorsqu'elle statue par appli­cation de l'article 177 du traité instituant la Communauté économique européenne, interpréter les dispositions des droits nationaux. (Elle est appelée à le faire lorsqu'elle statue par application des ar­ticles 169 à 171 du même traité.)

Fréquemment, toutefois, les juridictions nationales doivent interpréter une disposi­tion de droit communautaire aux fins de déterminer si une disposition de droit na­tional est ou non visée par ce droit com­munautaire (ainsi en matière de réglemen­tation sociale au profit des travailleurs mi­grants), ou est compatible avec celui-ci.

Les questions d'interprétation qui sont ainsi soumises par ces juridictions à la Cour de justice des Communautés euro­péennes sont donc intimement liées à l'in­terprétation du droit national et cette haute juridiction ne peut donner une ré­ponse utile à la question posée qu'en te­nant compte du sens et de la portée des

royaux n° 7 du 12 mars 1970 et n° 13 du 3 juin 1970.)

12° Les tabacs fabriqués, indigènes ou étrangers, sont soumis à un droit d'ac­cise dont le montant est déterminé par le prix de vente au détail selon un barème établi par le ministre des finances pour les tabacs livrés à des détaillants tenant étalage dans un endroit accessible au public; les inté­ressés fixent eux-mêmes, par le choix du prix de détail, la catégorie dans laquelle leurs produits doivent être rangés (2). (Loi du 31 décembre 1947 modifiée par celle du 16 juin 1973 ; arrêtés ministériels des 31 décembre 1947, 22 janvier 1948, 9 avril 1974, 4 novembre 1975 et 10 janvier 1976.)

(SOCIÉTÉ ANONYME « G.B., INNO, B.M. », C. ASSOCIATION SANS BUT LUCRATIF « VERENIGING V AN DE KLEINHANDELAARS IN TABAC A.T.A.B. ».)

ARRÊT (traduction).

LA COUR ; - Vu l'arrêt attaqué, rendu le 24 décembre 1974 par la cour d'appel de Bruxelles ;

Attendu que, par confirmation de la décision dont appel du président du tri­bunal de commerce de Bruxelles, sié­geant comme en référé, en matière d'ac­tions en cessation, l'arrêt ordonne à la demanderesse de cesser d'offrir en vente

dispositions de ce droit.. Ainsi les magis­trats de la Cour de justice sont obligés de procéder à la recherche des dispositions du droit national qui suscitent la question d'interprétation et tant les arrêts que les conclusions des avocats généraux doivent consacrer de longs développements au sens et à la portée de ces dispositions. (Cons. à ce sujet, La jurisprudence de la Cour de justice, Examen critique des méthodes d'interprétation, Rencontre judiciaire et universitaire 27-28 septembre 1976, Lu­xembourg, p. 111-28 et 111-29 et la note I, p. III-29.)

Pour faciliter la tâche de la Cour de justice, il convient que le jugement ou l'arrêt par lequel une juridiction nationale lui soumet une question d'interprétation donne les indications essentielles quant aux dispositions du droit national qui don­nent lieu à la question et précise no­tamment leur sens et leur portée.

(2) Cons. cass., 3 novembre 1969 (Bull. et Pas., 1970, I, 192).

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ou de vendre des cigarettes à un prix inférieur à celui inscrit sur la bande­lette fiscale ;

Attendu que cette décision se fonde sur ce que la demanderesse a commis un acte de concurrence déloyale, en ne respectant pas, lors de la vente ou de l'offre en vente de cigarettes, le prix qui est déterminé par l'article 58 de la loi du 3 juillet 1969 créant le Code de la taxe sur la valeur ajoutée ;

Attendu que le § 1er, alinéa 1er, dudit article 58 dispose : « En ce qui con­cerne les tabacs fabriqués importés ou produits dans le pays, la taxe est perçue dans tous les cas où, en vertu des dispo­sitions légales ou réglementaires rela­tives au régime fiscal des tabacs, le droit d'accise doit être acquitté. La taxe est calculée sur la base du prix inscrit sur la bandelette fiscale, qui doit être le prix de vente imposé au consommateur ou, si aucun prix n'est prévu, sur la base adoptée pour la perception du droit d'accise » ;

Attendu que, sans être critiqué sur ce point, l'arrêt décide que cette disposi­tion légale, qui impose pour les tabacs fabriqués, tant importés que produits en Belgique, un prix de vente au consom­mateur, à savoir celui qui est inscrit sur la bandelette fiscale, est aussi de « caractère économique », bien qu'elle fasse partie d'une loi fiscale ;

Sur le premier moyen, pris de la vio­lation des articles 3 (f), 5, alinéa 2, 85, 86 du traité instituant la Communauté économique européenne, signé à Rome le 25 mars 1957, 1-1 de la loi belge du 2 décembre 1957 portant approbation de ce traité, 58 de la loi du 3 juillet 1969 créant le Code de la taxe sur la valeur ajoutée et 97 de la Constitution,

en ce que, pour rejeter les moyens de défense de la demanderesse soule­van t l'incompatibilité de l'article 58 de la loi du 3 juillet 1969 créant le Code de la taxe sur la valeur ajoutée avec les articles 3 (f), 5, alinéa 2, 85 et 86 du traité de Rome et pour ordonner en­suite à la demanderesse, sur l'action de la défenderesse fondée sur la violation dudit article 58, de cesser de vendre des cigarettes à un prix inférieur à celui inscrit sur la bandelette fiscale, l'arrêt décide, d'une part, « que l'article 85 du traité ne concerne que les accords entre entreprises, décisions d'associations d'en­treprises et les pratiques concertées et

non la législation de l'un des Etats membres ; qu'une disposition légale telle que l'article 58 du Code de la taxe sur la valeur ajoutée ne tombe, dès lors, pas sous l'application de l'article 85 du traité ; que l'article 58 précité n'a pas confirmé ou entendu consolider et éten­dre des accords entre entreprises ; que la circonstance que cette disposition lé­gale trouverait son. « point de départ » ou son « origine » dans certains accords entre entreprises qui seraient contraires à l'article 85 du traité ne peut entraîner la nullité de ladite disposition légale par application de cet article», d'autre part, que l'article 86 du traité « vise à nouveau le fait d'entreprises et non le fait d'un Etat membre ; qu'un texte de loi ne tombe pas sous l'application de l'interdiction formulée par l'article 86 du traité, même s'il peut favoriser les­dites pratiques abusives de certaines en­treprises», et, enfin, « que ledit arti­cle 58 ne met pas davantage en péril la réalisation des buts du traité, notam­ment le principe d'une concurrence non faussée dans le marché commun, puis­qu'il n'empêche pas les fabricants et les importateurs du marché commun de fixer librement leurs prix»,

alors que, première branche, bien qu'en principe la mesure prise par un Etat membre, telle la fixation du prix de vente imposé, ne tombe pas sous l'appli­cation de l'article 85 du traité insti­tuant la C.E.E., il n'en est plus de même lorsque la mesure prise par l'Etat trouve son point de départ ou son origine dans des accords entre entreprises interdits par ledit article 85 et lorsqu'elle a pour conséquence d'étendre erga omnes les restrictions à la concurrence qui en résultent ; que l'article 5, alinéa 2, du traité instituant la C.E.E. impose aux Etats membres de s'abstenir de toutes mesures susceptibles de mettre en péril la réalisation des buts du traité, parmi lesquels notamment la réalisation d'une concurrence non faussée ; que le ré­gime de la concurrence non faussée, fixé notamment dans les articles 3 (f) et 85 du traité, régime que les Etats membres ne peuvent mettre en péril, ne con­cerne pas seulement la concurrence de­vant exister au niveau des producteurs, mais aussi celle devant exister entre les détaillants qui s'adressent aux con­sommateurs ; que, dès lors, en décidant que l'article 58 de la loi du 3 juillet 1969 ne tombe pas sous l'interdiction de

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l'article 85 du traité instituant la Com­munauté économique européenne, bien qu'il reconnaisse que cet article 58 avait comme point de départ ou comme ori­gine des accords entre entreprises qui, aux termes de cette disposition du droit communautaire, sont interdits, et en considérant que l'article 58 n'empêche pas les fabricants et importateurs de fixer librement leurs prix, sans avoir égard à la concurrence qui doit exister au niveau de la distribution au consom­mateur, l'arrêt viole toutes les disposi­tions légales citées au moyen, à l'ex­ception des articles 86 du traité insti­tuant la C.E.E. et 97 de la Constitution,

qu'en outre, en rejetant le moyen de défense par lequel la demande­resse déduisait l'incomp'atibilité de l'ar­ticle 58 avec les articles 3 (f), 5, ali­néa 2, et 85 du traité instituant la C.E.E., tant du point de départ et de l'origine de l'article 58 précité que de ses effets, c'est-à-dire le fait d'imposer aux détaillants en tabacs la même obli­gation que celle qui résultait des ac­cords contraires à l'article 85, à savoir l'obligation de vendre les produits du tabac aux consommateurs au prix in­scrit sur la bandelette fiscale, au motif que l'article 58 du Code de la taxe sur la valeur ajoutée n'a confirmé aucun accord entre entreprises, l'arrêt viole l'article 58 de la loi du 3 juillet 1969 créant le Code de la taxe sur la valeur ajoutée;

qu'à tout le moins, en rejetant aux motüs précités le moyen de défense de· 1a demanderesse qui se fondait tant sur l'intention du législateur que sur l'origine de ces textes, l'arrêt se fonde sur une motivation inadéquate (viola­tion de l'article 97 de la Constitution) ; que le motif par lequel l'arrêt constate que les fabricants et importateurs res­tent libres dans la fixation de leurs prix ne répond pas de manière adéquate au moyen de défense par lequel la de­manderesse soutenait que l'article 58 est inconciliable avec les articles 3 (f), 5, alinéa 2, et 85 du traité instituant la C.E.E., parce que la taxe exclut toute concurrence entre les détaillants (vio­lation de l'article 97 de la Constitu­tion) ;

seconde branche, les Etats membres devant s'abstenir de mettre en péril la réalisation des buts du traité, et notam­ment la réalisation d'une concurrence

non faussée, l'arrêt n'a pu, sans violer les articles 3 (f), 5, alinéa 2, et 86 du traité instituant la C.E.E., décider que l'article 58 de la loi du 3 juillet 1969 ne tombe pas sous l'application de ces dispositions, « même s'il (le texte légal) peut favoriser lesdites pratiques abusi­ves de certaines entreprises » (violation de toutes les dispositions légales citées au moyen, à l'exception des articles 85 du traité instituant la C.E.E. et 97 de la Constitution) ; qu'en outre le fait d'exploiter de façon abusive une posi­tion dominante, dénoncé en conclusions par la demanderesse, consistant en ce que les entreprises qui occupent cette position dominante, c'est-à-dire les fa­bricants et les importateurs, utilisent celle-ci pour obliger les grossistes et détaillants en tabacs à accepter les conditions de vente fixées par eux, spécialement le prix de vente aux con­sommateurs inscrit sur la bandelette fiscale, la circonstance que ces fabri­cants et importateurs continuent à fi­xer librement leurs prix est étrangère au moyen de défense de la demande­resse, auquel l'arrêt ne répond pas, dès lors, de manière adéquate (violation de l'article 97 de la Constitution) :

Quant à la première branche :

Attendu que, ayant égard aux rè­gles de la Constitution et tenant spé­cialement compte de la nature des lois qui émanent du pouvoir législatif, l'arrêt constate, sans violer les disposi­tions légales citées dans cette bran­che, que l'article 58 de la loi du 3 juil­let 1969 créant le Code de la taxe sur la valeur ajoutée n'a confirmé aucun accord et « a instauré une réglemen­tation propre qui a été votée librement par les Chambres législatives » ;

Attendu qu'une telle loi du pouvoir législatif n'a confirmé ou déclaré obli­gatoire de manière générale aucun ac­cord qui notamment serait contraire aux dispositions de l'article 85 du traité instituant la C.E.E. ;

Que, plus spécialement, en considé­rant que ledit article 58 n'a confirmé aucun accord entre entreprises, l'arrêt ne viole pas davantage cet article 58 lui-même;

Attendu qu'il ressort de ce qui pré­cède que l'arrêt motive régulièrement la décision par laquelle il rejette la thèse de la demanderesse relative à

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l'incompatibilité de l'article 58 précité avec les articles 3 (f), 5, alinéa 2, et 85 du traité instituant la C.E.E. ;

Attendu que, en relevant d'une part que la demanderesse fait valoir l'in­compatibilité de l'article 58 avec l'ar­ticle 85 et, dès lors, aussi avec les arti­cles 3 (f), 5, alinéa 2, du traité instituant la C.E.E., et en considérant d'autre part que ledit article 85 ne concerne que les accords entre entreprises, alors que l'ar­ticle 58 constitue une disposition légale et non un accord et ne confirme aucun accord, l'arrêt répond aux conclusions de la demanderesse visées dans cette branche du moyen ;

Qu'en cette branche le moyen ne peut être accueilli ;

Quant à la seconde branche : Attendu que, en considérant que les

fabricants et les importateurs peuvent fixer librement leurs prix, l'arrêt n'en­tend pas répondre aux conclusions de la demanderesse relatives à l'incompatibi­lité dudit article 58 avec l'article 86 du traité instituant la C.E.E., mais bien aux conclusions de \la demanderesse relatives à l'incompatibilité dudit arti­cle 58 avec les articles 30 à 32 dudit traité ;

Qu'en constatant que l'article 86 vise le fait des entreprises et non celui des Etats membres, de sorte qu'un texte de loi ne peut tomber sous l'application de l'article 86, l'arrêt répond aux con­clusions de la demanderesse relatives à l'exploitation abusive d'une position do­minante, mentionnées dans cette bran­che;

Que sur ce point le moyen, en cette branche, manque en fait ;

Attendu qu'en tant qu'elle soutient que l'arrêt n'a pu décider, sans violer les articles 3 (f), 5, alinéa 2, et 86 du traité instituant la C.E.E., que le texte de l'article 58 précité ne peut tomber sous l'application de cette disposition légale, même « s'il peut favoriser lesdi­tes pratiques abusives de certaines en­treprises », ladite branche pose des questions d'interprétation du droit com­munautaire à soumettre à la Cour de justice des Communautés européennes, qui seront formulées ci-après au 1 ° ;

Sur le deuxième moyen, pris de la violation des articles 1er, §§ 1•r, 2 et 3, 2, §§ 1er et 2bis, de la loi sur la régle-

mentation économique et les prix, in­stituée par l'arrêté-loi du 22 janvier 1945, tel qu'il a été modifié par les lois des 23 décembre 1969 et 30 juillet 1971, 1~r, § 1•r, de l'arrêté ministériel du 22 décembre 1971 prescrivant la décla­ration des hausses de prix, du § 12 du règlement annexé à l'arrêté ministé­riel du 22 janvier 1948 réglant la per­ception du droit d'accise sur les tabacs fabriqués, tel qu'il a été modifié par l'arrêté ministériel du 28 mars 1951, pris en exécution de la loi du 31 dé­cembre 1947 relative au régime fiscal des tabacs, des articles 90-1 du traité instituant la Communauté économique européenne, signé à Rome le 25 mars 1957, 1-1 de la loi belge du 2 décembre 1957 approuvant ce traité et 58 de la loi du 3 juillet 1969 créant le Code de la taxe sur la valeur ajoutée,

en ce que, pour rejeter la défense de la demanderesse soulevant l'incompa­tibilité de l'article 58 de la loi du 3 juillet 1969 avec l'article 90-1 du traité de Rome et pour ordonner en­suite à la demanderesse, sur l'action de la défenderesse fondée sur la violation de l'article 58 précité, de cesser de ven­dre des cigarettes à un prix inférieur à celui inscrit sur la bandelette fiscale, l'arrêt décide « que les fabricants et importateurs de produits du tabac sont des entreprises privées et que, même par l'article 58 du Code de la taxe sur la valeur ajoutée, l'Etat belge ne leur accorde aucun droit spécial ou exclusif au sens de l'article 90 ; qu'en effet cet article ne crée aucun droit en faveur de certaines entreprises, et notamment pas celui de fixer erga omnes les prix imposés, mais se borne à introduire une réglementation qui vaut pour tou­tes les entreprises similaires et qui rend obligatoire le prix inscrit sur la bandelette fiscale, sans déterminer comment et par qui ce prix sera fixé,

alors que, première branche, la régle­mentation générale des prix résultant des dispositions organiques citées au moyen autorise les fabricants et les importateurs de tous les secteurs, le secteur du tabac y compris, sous ré­serve d'un contrat de programme, inexistant en l'espèce, à fixer librement leurs prix, après déclaration de hausse des prix, et leur impose de respecter le prix normal ou le prix maximum éven­tuellement fixé par le ministre des af-

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faires économiques ; que la déclaration de hausse des prix· faite par un fabri­cant ou un importateur lui permet seu­lement d'appliquer un nouveau prix, sans qu'il puisse pour autant fixer le prix imposé de vente au consomma­teur ; que le prix inscrit, pour les pro­duits du tabac, sur la bandelette fiscale étant fixé conformément à cette régle­mentation générale après déclaration de hausse de prix par le fabricant ou par l'importateur, et l'article 58 de la loi du 3 juillet 1969 disposant que ce prix doit être le prix imposé de vente au consommateur, la portée économi­que de cette disposition, associée au régime général des prix, revient au contraire à permettre aux fabricants et aux importateurs de tabac de fixer erga omnes les prix de vente de leurs pro­duits ; qu'en déniant pareil effet à l'ar­ticle 58 précité l'arrêt viole toutes les dispositions légales citées au moyen, à l'exception de l'article 90 du traité in­stituant la C.E.E. et de l'article 1-1 de la loi d'approbation du 2 décembre 1957;

seconde branche, en décidant ensuite que les fabricants et importateurs de tabacs sont des entreprises privées, auxquelles l'Etat belge n'a accordé au­cun droit spécial ou exclusif au sens de l'article 90 du traité instituant la C.E.E., bien que le régime général des prix ne permette pas aux fabricants et importateurs de produits autres que le tabac de fixer le prix imposé de vente au consommateur, l'arrêt viole l'en­semble des dispositions légales citées au moyen:

Quant à la première branche :

Attendu que, d'une part, en con­statant que l'Etat belge « n'accorde au­cun droit spécial ou exclusif au sens de cet article» aux fabricants et aux im­portateurs de produits du tabac, l'arrêt apprécie la situation en fonction des dispositions de l'article 90 du traité instituant la C.E.E., alors qu'en cette branche le moyen n'allègue aucune vio­lation de cette disposition ;

Attendu que, d'autre part bien que l'arrêt relève que l'article 58 de la loi du 3 juillet 1969 n'accorde pas aux fabricants et importateurs de produits du tabac le droit « de fixer erga omnes le prix imposé », il ne viole pas cette disposition légale, puisqu'il lui attribue

sa portée exacte, à savoir « l'introduc­tion d'une réglementation qui vaut pour toutes les entreprises similaires et selon laquelle le prix inscrit sur la bande­lette fiscale sera obligatoire, sans déter­miner comment et par qui ce prix sera fixé»;

Quant à la seconde branche : Attendu qu'il ressort de la législation

belge invoquée au moyen que le ré­gime général de la réglementation des prix en Belgique permet aux fabricants et importateurs, sous réserve d'un con­trat de programme, inexistant en l'es­pèce, et à la condition de respecter le prix normal à apprécier par les tribu­naux ou le prix maximum éventuelle­ment fixé par le ministre des affaires économiques, de fixer librement leurs nouveaux prix, en ce compris les prix de détail, après déclaration de hausse des prix et moyennant observation d'un délai d'attente ;

Que, si le fabricant ou l'importateur a, par cette déclaration de hausse des prix, la possibilité d'appliquer le nou­veau prix après l'expiration du délai d'attente, il ne peut toutefois imposer le prix de vente au consommateur ;

Attendu que le moyen allègue que l'article 58 de la loi du 3 juillet 1969, combiné avec ledit régime de la régle­mentation des prix, revient au con­traire à permettre aux fabricants et aux importateurs de produits du tabac d'imposer le prix de vente de leurs produits aux consommateurs;

Que le moyen soutient que, l'arti­cle 58 permettant ainsi aux fabricants et aux importateurs de produits du tabac d'imposer le prix de vente au consommateur, et le système général de la réglementation des prix ne le per­mettant pas aux fabricants et aux im­portateurs de produits autres que le tabac, les fabricants et importateurs de produits du tabac sont des entre­prises privées auxquelles l'Etat belge accorde des droits spéciaux ou exclu­sifs, au sens de l'article 90 du traité instituant la C.E.E. ;

Attendu qu'ainsi le moyen pose une question d'interprétation du droit com­munautaire, qui sera formulée ci-après au 2°;

Sur le troisième moyen, pris de la violation des articles 3 (a), 5, alinéa 2, 30, 31, 32, 36 du traité instituant la

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Communauté économique européenne, signé à Rome le 25 mars 1957, et 1-1 de la loi du 2 décembre 1957 portant ap­probation de ce traité,

en ce que, pour rejeter le moyen de défense par lequel la demanderesse soutenait en conclusions que l'article 58 de la loi du 3 juillet 1969 créant le Code de la taxe sur la valeur ajoutée est incompatible avec le principe de la libre circulation des marchandises et avec l'interdiction de mesures restric­tives ou autres mesures d'effet équiva­lent, et pour ordonner ensuite à la de­manderesse, sur l'action de la défen­deresse fondée sur la violation dudit article 58, de cesser de vendre des cigarettes à un prix inférieur à celui inscrit sur la bandelette fiscale, l'ar­rêt, d'une part, décide « que l'arti­cle 58 du Code de la taxe sur la valeur ajoutée ne restreint pas les pos­sibilités d'écoulement que les produits importés trouveraient sur le marché in­térieur à défaut de ces mesures», aux motifs « que, &i certaines pratiques pro­motionnelles sont ainsi entravées, cette entrave est la même pour les produits fabriqués dans le pays que pour les produits importés » et, d'autre part, considère « que ledit article 58 ne met pas davantage en péril la réalisation des buts du traité et, notamment, comme il a été démontré ci-dessus, du principe de la libre circulation des marchandises, cet article n'empêchant pas les fabricants et les importateurs du marché commun d'importer libre­ment leurs marchandises »,

alors que chaque réglementation du commerce d'un Etat membre, suscepti­ble d'entraver directement ou indirec­tement, actuellement ou potentielle­ment, le commerce intercommunautaire, constitue une mesure d'effet équivalant à une restriction quantitative ; que la seule circonstance qu'une mesure na­tionale ne comporte pas un effet discri­minatoire, en ce sens qu'elle est appli­quée sans distinction aux produits na­tionaux et aux produits importés, n'est pas pertinente quant à sa qualification de mesure d'effet équivalant à une res­triction quantitative,

et alors que, en décidant que l'arti­cle 58 de la loi du 3 juillet 1969 ne constitue pas une mesure d'effet équi­valant à une restriction quantitative, parce qu'elle est appliquée tant aux pro-

duits nationaux qu'aux produits impor­tés, et en décidant ensuite, par réfé­rence à ce motif, que cet article ne met pas en péril le principe de la libre circulation des marchandises, l'arrêt viole toutes les dispositions légales ci­tées au moyen :

Attendu que la cour d'appel consi­dère que l'article 58 de la loi du 3 juil­let 1969 ne constitue pas une mesure d'effet équivalant à une restriction quantitative à l'importation, interdite par les articles 30 et suivants du traité instituant la C.E.E., aux motifs qu'il ne restreint pas les possibilités d'écoulement que les produits importés trouveraient sur le marché intérieur à défaut de cette mesure, que, plus spé­cialement, si cette mesure entrave cer­taines pratiques promotionnelles, cette entrave est la même pour les produits nationaux que pour les produits impor­tés;

Que l'arrêt décide que l'article 58 précité ne met pas en péril la réalisa­tion des buts du traité instituant la C.E.E., et notamment le principe de la libre circulation des biens, puisqu'il n'empêche nullement les fabricants et importateurs du marché commun d'im­porter librement leurs marchandises et de fixer librement leurs prix ;

Attendu que le moyen allègue qu'une mesure nationale, même si elle est ap­plicable sans distinction aux produits nationaux et aux produits importés, de sorte qu'en ce sens elle n'a aucun effet discriminatoire, constitue néanmoins une mesure d'effet équivalant à une restriction quantitative à l'importation, interdite par les articles 30 et suivants du traité instituant la C.E.E., lors­qu'elle est de nature à entraver direc­tement ou indirectement, actuellement ou potentiellement, le commerce inter­communautaire ; que le principe de la libre circulation des marchandises peut être mis en péril par une mesure légis­lative prise par un Etat membre, même si cette mesure est applicable tant aux produits nationaux qu'aux produits im­portés;

Attendu que, de la sorte, est soulevée la question de savoir si une mesure telle que celle qui est contenue dans l'article 58 peut néanmoins constituer une mesure d'effet équivalant à une restriction quantitative à l'importa­tion;

Attendu qu'ainsi le moyen pose une

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question d'interprétation du droit com­munautaire, qui sera formulée ci-après au 3°;

Sur le quatrième moyen, pris de la violation des articles 5, 12, 13 de la di­rective n° 72/464 du 19 décembre 1972 du Conseil de la Communauté écono­mique européenne concernant les im­pôts, autres que les taxes sur le chiffre d'affaires, frappant fa consommation des tabacs manufacturés, 189 du traité in­stituant la Communauté économique européenne, signé à Rome le 25 mars 1957, 1-1 de la loi belge du 2 décembre 1957 portant approbation dudit traité, 58 de la loi du 3 juillet 1969 créant le Code de la taxe sur la valeur ajoutée et 97 de la Constitution,

en ce que, pour rejeter le moyen de défense par lequel la demanderesse sou­tenait que l'article 58 de la loi du 3 juillet 1969, en raison de son incom­patibilité avec la directive précitée n° 72/464 du 19 décembre 1972 dudit Conseil, devait être considéré comme tacitement abrogé à partir du 1er juillet 1973, date de l'entrée en vigueur de cette directive, ou était à tout le moins devenu inapplicable, et pour en­suite ordonner à la demanderesse, sur l'action de la défenderesse fondée sur la violation de l'article 58 précité, de cesser de vendre des cigarettes à un prix inférieur à celui inscrit sur la ban­delette fiscale, l'arrêt décide « qu'en ef­fet cette directive n'interdit pas à un Etat membre d'introduire ou de main­tenir dans sa législation une disposition qui oblige les détaillants de tabacs ma­nufacturés à respecter les prix inscrits sur les bandelettes fiscales», au motif que, si l'article 5-1 de cette directive dispose que les fabricants et importa­teurs déterminent librement les prix maxima de vente au détail de chacun de leurs produits, il y ajoute immédia­tement que cette disposition ne peut, toutefois, faire obstacle à l'application des législations nationales sur le con­trôle du niveau des prix ou le respect des prix imposés »,

alors que, première branche, la di­rective du Conseil n° 72/464 du 19 dé­cembre 1972 concernant les impôts, autres que les taxes sur le chiffre d'af­faires, frappant la consommation des tabacs manufacturés se fondant sur le principe de la libre formation des prix et le législateur communautaire ayant

rejeté un amendement tendant à rem­placer à l'article 5-1 le terme « les prix maxima de vente au détail » par celui de « prix imposés», l'article 5-1 in fine, selon lequel la directive ne peut faire obstacle au respect des prix fixés, c'est­à-dire imposés, n'a pas pour consé­quence d'autoriser les Etats membres à introduire ou à maintenir dans leurs législations une disposition qui oblige­rait les détaillants en tabacs à respec­ter le prix inscrit sur les bandelettes fiscales et fixé par les fabricants et les importateurs ; qu'en décidant le con­traire l'arrêt viole toutes les disposi­tions légales citées au moyen, à l'ex­ception de l'article 97 de la Constitu­tion;

seconde branche, en ne répondant pas au moyen, exposé dans les conclu­sions de la demanderesse, qui se fon­dait sur le rejet de l'amendement pré­cité, l'arrêt viole l'article 97 de la Constitution :

Quant à la seconde branche : Attendu que, certes, la demanderesse

avait invoqué en conclusions le rejet de l'amendement litigieux, mais s'était bornée à le relever et à en déduire que l'article 58 est inconciliable avec la di­rective, parce qu'il exclut toute con­currence de prix au niveau du com­merce de détail, « ce qui ne serait pas le cas dans un système de prix maxima comme celui prévu par la directive » ;

Attendu qu'ainsi la demanderesse n'a pas invité la cour d'appel à déduire une conséquence juridique de la pro­cédure d'élaboration de la directive et spécialement du rejet de l'amendement litigieux, mais, d'une part, a souligné la différence entre le texte de l'arti­cle 58 de la loi de 1969 qui fait état de « prix de vente imposé » et le texte de la directive qui vise « les prix maxima » et d'autre part, a considéré que ledit article 58 n'aurait nullement été in­conciliable avec la directive s'il avait visé « des prix maxima », comme le fait la directive, et non « des prix impo­sés»;

Attendu que la demanderesse ne sou­tient pas qu'il n'a pas été répondu à ces conclusions, lesquelles ne requé­raient d'ailleurs pas de réponse, puis­qu'elles se fondaient uniquement sur une supposition ;

Qu'en cette branche le moyen ne peut être accueilli ;

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Quant à la première branche :

Attendu que la directive n° 72/464 du 19 décembre 1972 du Conseil de la Communauté économique européenne concernant les impôts, autres que les taxes sur le chiffre d'affaires, frappant la consommation des tabacs manufac­turés se fonde, comme il ressort de ses motifs, sur le principe de la libre for­mation des prix pour toutes les caté­gories de tabacs manufacturés ;

Qu'en son article 5-1 ladite directive prévoit que les fabricants et importa­teurs déterminent librement les prix maxima de vente au détail de chacun de leurs produits ;

Attendu que l'arrêt considère que, l'article 5-1 précité ajoutant immédia­tement que cette disposition « ne peut toutefois faire obstacle à l'application des législations nationales sur le con­trôle du niveau des prix ou le respect des prix imposés », ladite directive n'interdit pas à un Etat membre d'introduire ou de maintenir dans sa législation une disposition obligeant les détaillants de tabacs manufacturés à respecter les prix inscrits sur les ban­delettes fiscales ;

Attendu que le moyen soutient que, ladite directive se fondant sur le prin­cipe de la libre formation des prix et le législateur communautaire ayant rejeté un amendement tendant à remplacer dans l'article 5-1 précité le terme « prix maxima de vente au détail » par celui de « prix imposés», l'article 5-1 in fine n'a pas pour conséquence d'autoriser les Etats membres à introduire ou à maintenir dans leur législation une dis­position qui obligerait les détaillants en tabacs à respecter « les prix inscrits sur les bandelettes fiscales » et « fixés par les fabricants et importateurs » ;

Attendu qu'ainsi le moyen pose une question d'interprétation du droit com­munautaire, qui sera formulée ci-après au 4°;

Attendu que, lorsque se posent à la Cour des questions d'interprétation du traité instituant la Communauté éco­nomique européenne au sujet desquel­les une décision est nécessaire pour qu'elle puisse rendre son arrêt, la Cour ordonne la remise de la cause jusqu'à ce que la Cour de justice des Commu­nautés européennes ait statué sur cette interprétation par une décision ren­due à titre préjudiciel ;

Par ces motifs, remet la cause jus­qu'à ce que la Cour de justice des Com­munautés européennes ait statué, par une décision rendue à titre préjudiciel, sur les quatre questions formulées ci­après et faisant l'objet des précisions suivantes, en particulier quant aux questions deux, trois et quatre,

a) Dans la réglementation nationale dans le cadre de laquelle les questions sont posées, la taxe sur la valeur ajou­tée sur les tabacs fabriqués importés ou produits dans le pays, en ce compris les succédanés du tabac, est exigible en même temps que le droit d'accise. Le montant de la taxe, calculé conformé­ment à l'article 58, § 1er, du Code de la taxe sur la valeur ajoutée, est acquitté par la personne redevable du droit d'ac­cise au receveur chargé de la percep­tion de ce droit.

Le ministre des finances peut, dans des cas individuels et aux conditions qu'il fixe, accorder un délai pour le payement de ce droit d'accise.

Lorsque la taxe due sur les tabacs fabriqués déclarés pour la consomma­tion a été acquittée préalablement à l'importation, un document spécial (voy. l'arrêté royal n° 7 du 12 mars 1970) doit être présenté au receveur des douanes aux fins de contrôler la per­ception de la taxe (arrêté royal n° 13 du 3 juin 1970, Moniteur belge du 5 juin 1970).

b) Suivant le régime national d'ac­cise, notamment celui du tabac (loi du 31 décembre 1947, modifiée par la loi du 16 juin 1973), les tabacs fabriqués indigènes ou étrangers sont soumis à un droit d'accise fixé à un pourcentage déterminé du prix de vente au détail d'après un barème établi par le mi­nistre des finances.

Pour les tabacs livrés à des détail­lants tenant étalage dans un endroit accessible au public, les intéressés fi­xent eux-mêmes, par le choix du prix de détail, la catégorie dans laquelle leurs produits doivent être rangés. Ainsi, un fabricant ou un importateur qui livre des cigares à vendre au détail, tous droits compris, au prix de 3 francs la pièce (prix de base : 2 francs ; sup­plément d'accise : 1 franc), doit sou­mettre ces produits au droit d'accise qui, d'après le tableau des bandelettes fiscales, correspond à la catégorie dans laquelle est rangé le prix de base de 2 francs.

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COUR DE CASSATION 503

Rien ne s'oppose, dès lors, à ce que les intéressés fassent apposer une ban­delette fiscale pour un prix de vente supérieur à la valeur réelle des pro­duits. Le payement du droit d'accise se constate en principe par l'apposition d'une bandelette fiscale sur les pro­duits. Mais, une fois la bandelette ap­pliquée - sauf s'il s'agit de la bande­lette « Prix illimités » -, les produits doivent obligatoirement être vendus au consommateur au prix indiqué sur celle-ci. (Arrêté ministériel du 22 jan­vier 1948 - Moniteur belge du 18 fé­vrier 1948 - tel qu'il a été dernière­ment modifié par les arrêtés des 9 avril 1974 - Moniteur belge du 13 avril 1974 - et 4 novembre 1975 - Moniteur belge du 6 novembre 1975 -, spécia­lement paragraphes 12 et 13).

c) Le droit d'accise établi par la loi (voyez supra, b) est perçu d'après le tableau des bandelettes fiscales annexé aux arrêtés ministériels (voyez arrêtés ministériels des 31 décembre 1947 - Moniteur belge du 1er janvier 1948 -, 9 avril 1974 - Moniteur belge du 13 avril 1974 - et 10 janvier 1976 Moniteur belge du 15 juin 1976).

Ces tableaux indiquent le prix de vente au détail, le droit d'accise et la taxe à la valeur ajoutée.

d) Si le fabricant ou l'importateur désire, pour l'avenir et pour un produit déjà introduit dans le commerce, faire usage d'une bandelette fiscale qui men­tionne un prix de vente supérieur, il doit tenir compte des dispositions léga­les et réglementaires qui imposent la déclaration de hausse de prix.

Questions: 1 ° a) Les articles 3 (f), 5, alinéa 2, et

86 du Traité instituant la Communauté économique européenne doivent-ils être interprétés en ce sens qu'il est interdit à un Etat membre d'introduire ou de maintenir dans sa législation une dis­position telle que celle imposant, tant pour les biens importés que pour ceux produits dans le pays, un prix de vente aux consommateurs fixé par les fabricants ou importateurs, si cette dis­position est de nature à favoriser l'ex­ploitation abusive d'une position domi­nante sur le marché commun par une ou plusieurs entreprises, au sens de l'article 86 du traité ?

Est-il en ce sens notamment interdit

d'introduire ou de maintenir une dispo­sition légale nationale qui favorise l'ex­ploitation abusive, par une ou plusieurs entreprises, d'une position dominante consistant en ce que les fabricants et importateurs de tabac puissent obliger les détaillants d'un Etat membre à res­pecter les prix de vente aux consom­mateurs fixés par eux?

b) Est-il interdit d'introduire ou de maintenir une disposition nationale telle que celle qui est prévue sous a), même si elle a une portée générale, en ce sens qu'elle vise n'importe quels fa­bricants et importateurs, donc égale­ment ceux qui n'ont pas une position dominante ou qui ne l'exploitent pas de façon abusive, et a fortiori lorsque son but, son objet ou ses effets ne consis­tent nullement à contribuer à l'exploita­tion abusive d'une position dominante?

Les dispositions du traité indiquées sous a), éventuellement rapprochées d'autres dispositions, ne doivent-elles pas, dans ce cas, être interprétées en ce sens que l'introduction ou le main­tien de pareilles dispositions légales na­tionales n'est pas interdit, mais que cette disposition ne peut avoir de ré­percussion sur le champ d'application de l'article 86 du traité, en ce sens que l'exploitation abusive d'une position do­minante reste interdite, même si elle a été favorisée, en l'espèce, par cette disposition légale ?

2° L'article 90 du traité instituant la Communauté économique euro­péenne doit-il être interprété en ce sens que l'on se trouve en présence « d'en­treprises auxquelles l'Etat accorde des droits spéciaux ou exclusifs » lorsque, contrairement aux fabricants et impor­tateurs de tous autres produits qui doivent déclarer au ministre des affai­res économiques les hausses de prix projetées, mais qui ne peuvent fixer le prix imposé de vente au consommateur, l'Etat impose aux fabricants et impor­tateurs de certains produits la même obligation de déclarer des hausses de prix projetées, mais, en raison d'une disposition légale qui après déclaration de hausse du prix rend celui-ci obliga­toire, permet indirectement à ces fabri­cants et importateurs de déterminer eux-mêmes le prix de vente obligatoire aux consommateurs ?

Dans l'affirmative, le maintien de tels droits spéciaux ou exclusifs peut-il être

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504 JURISPRUDENCE DE BELGIQUE

contraire aux règles du traité insti­tuant la Communauté économique eu­ropéenne, spécialement à celles prévues aux articles 7 et 85 à 94 ?

3° Les articles 30, 31 et 32 du Traité instituant la Communauté économique européenne doivent-ils être interprétés en ce sens que constitue « une mesure d'effet équivalant à ... », au sens de l'article 30 précité, une réglementation d'un Etat membre qui, pour la vente de certains produits au consommateur, impose un prix fixe, inscrit sur les bandelettes fiscales et fixé, selon le cas, tant par les fabricants de ces produits établis dans cet Etat que par les im­portateurs des mêmes produits, spécia­lement ceux provenant d'autres Etats membres?

Ou bien ces articles doivent-ils être interprétés en ce sens que pareille ré­glementation ne constitue pareille me­sure que lorsqu'il est établi en fait qu'elle peut constituer directement ou indirectement, actuellement ou poten­tiellement, une entrave au commerce intercommunautaire, chose qu'il in­combe au juge de l'Etat membre de constater?

En est-il autrement lorsque l'Etat membre permet aux producteurs et im­portateurs de fixer librement les prix, même les prix de détail, après une dé­claration de hausse des prix et compte tenu d'un certain délai, mais publie ces prix et en impose le respect au moyen de la mesure précitée ?

4° a) Les dispositions de la directive n° 72/464 du 19 décembre 1972 du Conseil des ministres, spécialement son article 5, ont-elles un effet direct en ce sens notamment que les particuliers ont le droit de s'en prévaloir devant les juridictions nationales ?

b) L'article 5 de la directive n° 72/464 du 19 décembre 1972 du Conseil des ministres concernant les impôts, autres que les taxes sur le chiffre d'affaires, frappant la consom­mation des tabacs manufacturés doit-il être interprété en ce sens qu'il est in­terdit aux Etats membres d'introduire ou de maintenir une mesure légale im­posant pour les tabacs fabriqués impor­tés ou produits dans le pays un prix de vente au consommateur, à savoir le prix inscrit sur la bandelette fiscale, c'est-à-dire qu'il est interdit aussi bien

de dépasser les prix maxima que de vendre à un prix inférieur ?

Réserve les dépens.

Du 7 janvier 1977. - ir• ch. - Prés. Chevalier Rutsaert, premier président. - Rapp. M. de Vreese. - Concl. conf. (1). M. Dumon, premier avocat général. - Pl. MM. Dassesse et Bayart.

2• CH. - 10 janvier 1977.

1 ° MOTIFS DES JUGEMENTS ET AR­RÎ:TS. - MATIÈRE RÉPRESSIVE. -CONDAMNATION DU PRÉVENU POUR PARTI­CIPATION PRINCIPALE A UN DÉLIT. -MENTION DE L'ARTICLE 66 DU CODE PÉ­NAL NON REQUISE.

2° PARTICIPATION CRIMINELLE. -CONDAMNATION DU PRÉVENU POUR PAR­TICIPATION PRINCIPALE A UN DÉLIT. -MENTION DE L'ARTICLE 66 DU CODE PÉ­NAL NON REQUISE.

3° MOTIFS DES JUGEMENTS ET AR­

RÎ:TS. - MATIÈRE RÉPRESSIVE. -DÉCISION DE CONDAMNATION SUR L' AC­TION PUBLIQUE. - DISPOSITIONS LÉGA­LES A INDIQUER.

4° PARTICIPATION CRIMINELLE. -PRÉVENU POURSUIVI POUR AVOIR EXÉ­CUTÉ UNE INFRACTION OU COOPÉRÉ DIREC­TEMENT A SON EXÉCUTION OU, PAR UN FAIT QUELCONQUE, PRfTÉ POUR SON EXÉ­CUTION UNE AIDE TELLE QUE SANS SON ASSISTANCE LE CRIME OU LE DÉLIT N'EÛT PU fTRE COMMIS. - OBJET DE LA PRÉVENTION.

5° PARTICIPATION CRIMINELLE. -FAUX ET USAGE DE FAUX. - CONDAMNA­TION DU CHEF DE PARTICIPATION A CETTE INFRACTION. - LÉGALITÉ. - CONDITION.

6° FAUX ET USAGE DE FAUX. -PARTICIPATION CRIMINELLE. - CONDAM­NATION DU CHEF DE PARTICIPATION A CETTE INFRACTION. - LÉGALITÉ. - CON­DITION.

7° PARTICIPATION CRIMINELLE. -ESCROQUERIE. - CONDAMNATION DU

(1) Les conclusions du ministère public sont publiées à la date de l'arrêt dans Arr. cass., 1977.

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COUR DE CASSATION 505

CHEF DE PARTICIPATION A CETTE INFRAC­TION. - LÉGALITÉ. - CONDITION.

8° ESCROQUERIE. - PARTICIPATION CRIMINELLE. - CONDAMNATION DU CHEF DE PARTICIPATION A CETTE INFRACTION. - LÉGALITÉ. - CONDITION.

9° PRESCRIPTION. - MATitRE RÉ­PRESSIVE. - ACTION PUBLIQUE. - IN­TERRUPTION DE LA PRESCRIPTION. ACTE D'INSTRUCTION. - NOTION.

1 ° et 2° Le juge qui condamne un pré­venu pour participation principale à un délit, participation qu'il qualifie dans les termes de la loi, n'est pas tenu de faire mention, dans sa déci­sion, de l'article 66 du Code pénal (1).

3° Pour être motivée en droit, une déci­sion de condamnation sur l'action publique doit mentionner, soit dans ses motifs propres, soit par référence à la décision dont appel, les disposi­tions légales qui énoncent les élé­ments constitutifs de l'infraction rete­nue à charge du prévenu et celles qui établissent une peine (2). (Constit., art. 97.)

4° Le prévenu poursuivi pour avoir exé­cuté une infraction ou coopéré direc­tement à son exécution ou par un fait quelconque prêté pour son exécution une aide telle que sans son assistance le crime ou le délit n'eût pu être commis est, par là même, poursuivi tant pour un acte d'exécution directe de l'infraction que pour l'un des actes définis par les alinéas 2 et 3 de l'ar­ticle 66 du Code pénal (3).

5° et 6° Pour qu'un prévenu puisse être légalement condamné comme coau­teur de l'infraction de faux en écri­tures et usage de faux, il n'est point requis que les actes de participation contiennent tous les éléments de l'in­fraction ; il suffit qu'il soit constant qu'un auteur a commis l'infraction de faux en écritures et usage de faux et que le coauteur a coopéré sciem­ment à l'exécution de celle-ci par l'un

(1) Cass., 14 janvier 1952 (Bun. et Pas., 1952, 1, 260).

(2) Cass., 9 février 1976 (Bull. et Pas., 1976, 1, 642).

(3) Cons. cass., 5 avril 1948 (Bull. et Pas., 1948, I, 215) et la note 1, 23 avril 1951 (ibid., 1951, 1, 573) et la note 1, 4 février

des modes de participation définis par les alinéas 2 et 3 de l'article 66 du Code pénal (4). (Code pénal, art. 66, 193, 196, 197 et 213.)

7° et 8° Pour qu'un prévenu puisse être légalement condamné comme coau­teur de l'infraction d'escroquerie, il n'est point requis que les actes de participation contiennent tous les élé­ments de l'infraction; il suffit qu'il soit constant qu'un auteur a commis l'infraction d'escroquerie et que le coauteur a coopéré sciemment à l'exé­cution de celle-ci par l'un des modes de participation définis par les ali­néas 2 et 3 de l'article 66 du Code pénal (5). (Code pénal, art. 66 et 496.)

9° Constitue un acte d'instruction in­terrompant la prescription de l'action publique tout acte émanant d'une au­torité qualifiée à cet effet et ayant pour objet de recueillir des preuves ou de mettre la cause en état d'être jugée (6). (Loi du 17 avril 1878, arti­cle 22.)

(KRAM ET CONSORTS, C. UNION NATIONALE DES MUTUALITÉS SOCIALISTES ET CON­SORTS.)

ARRi:T.

LA COUR; - Vu l'arrêt attaqué, rendu le 29 avril 1976 par la cour d'ap­pel de Bruxelles ;

A. Sur les pourvois des demandeurs, en tant qu'ils sont dirigés contre la dé­cision rendue sur l'action publique exer­cée à leur charge :

1. Sur le pourvoi du demandeur Kram:

Sur les premier et deuxième moyens réunis et pris,

le premier, de la violation de l'arti­cle 97 de la Constitution,

en ce que l'arrêt attaqué condamne le demandeur du chef des préven­tions A-VIII et B-A-XIII - à savoir du

1957 (ibid., 1957, 1, 660) et 21 novembre 1960 (ibid., 1961, 1, 304).

(4) Cass., 15 avril 1975 (Bull. et Pas., 1975, 1, 803).

(5) Cass., 6 février 1973 (Bull. et Pas., 1973, I, 539).

(6) Cass., 7 octobre 1976, supra, p. 150.

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506 JURISPRUDENCE DE BELGIQUE

chef de faux et d'escroquerie - disant celles-ci établies, aux motifs : 1 ° en ce qui concerne le faux : « qu'en l'espèce Kram, docteur en médecine responsable des prescriptions qu'il délivre, a en con­naissance de cause créé les conditions nécessaires à la perpétration de l'infrac­tion en apportant au faussaire une aide telle que sans son assistance le faux n'eût pu être commis, tout au moins de la manière dont il l'a été ; que sa parti­cipation à l'infraction est établie » ; 2° en ce qui concerne l'escroquerie : « que, sans l'aide indispensable apportée par les médecins Nysenholc, Kram et Rosillon dans les circonstances de fait décrites au dossier, la directrice du home Marie-Thérèse et, en ce qui con­cerne Rosillon, Gassée et Thomsin n'eussent pu commettre les fraudes qui leur sont reprochées »,

alors que, première branche, ce disant, la décision attaquée, qui, tout en ne mentionnant pas l'article 66 du Code pénal, reprend presque mot pour mot les termes de l'article 66, alinéa 3, dudit code, est entachée de contradiction tant dans ses motifs qui retiennent dans le chef du demandeur une participation aux infractions, objet des préventions mises à sa charge, qu'entre ses motifs et son dispositif qui condamne le de­mandeur comme auteur de ces mêmes infractions, quoique nul ne puisse être à la fois « auteur » et « participant » à une même infraction ; d'où il suit que la décision n'est pas régulièrement mo­tivée (violation de l'article 97 de la Con­stitution) ;

seconde branche, en retenant de la sorte à la fois à charge du demandeur les infractions de faux et d'escroquerie, et la « participation » à ces infractions dans les termes de l'article 66, alinéa 3, du Code pénal, il est dans ces conditions à tout le moins impossible de discerner si l'arrêt a entendu condamner le de­mandeur comme auteur ou comme par­ticipant - coauteur - aux infractions visées par les préventions A-VIII et B-A-XIII qu'il déclare établies ; qu'il s'ensuit que, les conditions légales de la condamnation d'un prévenu comme au­teur ou coauteur étant différentes puis­que le coauteur ne doit pas nécessaire­ment réunir dans son chef tous les éléments constitutifs de l'infraction à la­quelle il a participé, l'ambiguïté de l'ar­rêt ne permet pas à la Cour de contrôler

la légalité des condamnations pronon­cées à charge du demandeur (violation de l'article 97 de la Constitution) ;

le deuxième, de la violation du prin­cipe général du respect des droits de la défense et des articles 66, 67, 193, 196, 197, 496 du Code pénal et 97 de la Con­stitution,

en ce que l'arrêt condamne le de­mandeur du chef de faux et d'escroque­rie aux motifs mentionnés dans le pre­mier moyen,

alors que, première branche, le de­mandeur, qui était poursuivi du chef de faux et d'escroquerie, n'a pas été averti du changement de qualification des pré­ventions en « participation » aux infrac­tions faisant l'objet de ces préventions, qu'il n'a pu dès lors se défendre et en fait ne s'est pas défendu sur cette nou­velle qualification ; qu'il s'ensuit que les droits de défense du demandeur ont été violés, la participation comme coauteur ou complice d'une infraction de faux ou d'escroquerie n'exigeant pas que soient réunis nécessairement dans le chef du participant tous les éléments constitutifs de ces infractions (violation de toutes les dispositions visées au moyen et plus spécialement du principe général du respect des droits de la défense) ;

deuxième branche, l'arrêt, qui con­damne le demandeur en raison de sa participation à des infractions de faux et d'escroquerie, ne mentionne ni dans ses motifs propres ni par référence à la décision a quo l'article 66 du Code pé­nal (participation en tant que coauteur) ou l'article 67 (participation en tant que complice) ; d'où il suit que la décision entreprise n'est pas régulièrement mo­tivée en droit (violation de toutes les dispositions visées au moyen et plus spécialement de l'article 97 de la Con­stitution) ;

troisième branche, le dispositif de l'arrêt ne fait allusion qu'aux pré­ventions A-VIII et B-A-XIII réunies, lesquelles sont par ailleurs dites éta­blies, et non à la participation aux in­fractions visées par lesdites préventions, de sorte que les motifs et le dispositif de la décision attaquée sont contradictoires et que la décision n'est pas régulière­ment motivée (violation de l'article 97 de la Constitution) :

Quant au premier moyen et aux deu-

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COUR DE CASSATION 507

xième et troisième branches du deu­xième moyen :

Attendu que, pour condamner le de­mandeur du chef des préventions de faux et d'escroquerie libellées à sa charge sous A-VIII et B-A-XIII de la citation, l'arrêt énonce : que le deman­deur a créé les conditions nécessaires à la perpétration de l'infraction en appor­tant au faussaire une aide telle que sans son assistance le faux n'eût pu être commis, tout au moins de la manière dont il l'a été ; que sa participation à l'infraction est établie ; que, sans l'aide indispensable apportée par le médecin Kram dans les circonstances de fait décrites au dossier, la directrice du home Marie-Thérèse n'eût pu commet­tre les fraudes qui lui sont reprochées ;

Que l'arrêt décide ainsi légalement, sans ambiguïté ni contradiction, que le demandeur est l'auteur des infractions mises à sa charge, pour les avoir com­mises par le mode de participation prévu par l'article 66, alinéa 3, du Code pénal;

Attendu que l'arrêt, qui qualifie dans les termes de la loi la participation principale du demandeur auxdites in­fractions, ne doit pas contenir l'indica­tion de l'article 66 du Code pénal, lequel ne prévoit pas une peine particulière ; que, mentionnant par référence au ju­gement dont appel les articles 193, 196, 197, 213, 214 et 496 du Code pénal, qui énoncent les éléments constitutifs des faux et escroqueries pour lesquels le demandeur est condamné et qui déter­minent la peine pour ces infractions, l'arrêt est régulièrement motivé en droit;

Quant à la première branche du deu­xième moyen :

Attendu que le demandeur était pour­suivi pour avoir exécuté les infractions ou coopéré directement à leur exécution, pour avoir par un fait quelconque prêté pour leur exécution une aide telle que sans son assistance le crime ou le délit n'eût pu être commis ; qu'ainsi libellées les préventions comprenaient tout acte de participation défini par les alinéas 2 et 3 de l'article 66 du Code pénal ;

Que, dès lors, en condamnant le de­mandeur du chef des infractions mises à sa charge pour avoir prêté à l'exécu­tion de celles-ci une aide telle que sans son assistance elles n'eussent pu être commises, l'arrêt n'a pas modifié la qua-

lification des infractions dont le deman­deur avait à répondre et n'a pas davan­tage violé les droits de la défense ;

Qu'en aucune de leurs branches les moyens ne peuvent être accueillis :

Sur les troisième et quatrième moyens réunis et pris,

le troisième, de la violation des arti­cles 66, 67, 193, 196, 197, 496 du Code pénal et 97 de la Constitution,

en ce que, saisie de conclusions par lesquelles le demandeur soutenait que « ce n'est pas sciemment mais en raison de la collaboration légitime que le con­cluant était en droit d'attendre du per­sonnel du home » que celui-ci avait laissé en blanc certaines mentions de ses prescriptions, l'arrêt condamne le de­mandeur, aux motifs : 1 ° en ce qui concerne le faux : « que, sans doute, les éléments constitutifs de l'infraction ne sont pas réunis lorsque le signataire s'est trouvé dans l'ignorance absolue de l'usage frauduleux qui serait fait de sa signature et ne pouvait le prévoir ; qu'en l'espèce Kram, docteur en méde­cine, responsable des prescriptions qu'il délivre, a, en connaissance de cause, créé les conditions nécessaires à la per­pétration de l'infraction en apportant au faussaire une aide telle que sans son assistance le faux n'eût pu être commis, tout au moins de la manière dont il l'a été ; que sa participation à l'infraction est établie» ; 2° en ce qui concerne l'escroquerie : « que, sans l'aide indis­pensable apportée par les médecins Nysenholc, Kram et Rosillon dans les circonstances de fait décrites au dossier, la directrice du home Marie-Thérèse et, en ce qui concerne Rosillon, Gassée et Thomsin n'eussent pu commettre les fraudes qui leur sont reprochées»,

alors que, première branche, pour être punissable comme coauteur et a fortiori comme complice, il ne suffit pas d'avoir agi librement et sans contrainte mais il faut avoir coopéré sciemment à la per­pétration de l'infraction, à savoir qu'il y ait eu concert frauduleux entre l'au­teur et le participant ; de sorte que, en retenant la participation du demandeur tout en se bornant à relever que le demandeur a agi « en connaissance de cause », c'est-à-dire librement et sans contrainte, l'arrêt ne constate pas le concert frauduleux requis par les arti­cles 66 et 67 du Code pénal dont il fait

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508 JURISPRUDENCE DE BELGIQUE

implicitement application ; d'où il suit que l'arrêt méconnaît la notion légale de participation (violation des dispositions visées au moyen et spécialement des articles 66 et 67 du Code pénal) et n'est, en tout cas, pas légalement justifié quant à ce (violation des dispositions visées au moyen et spécialement de l'article 97 de la Constitution) ;

seconde branche, l'arrêt eût-il même entendu retenir l'existence d'un concert frauduleux dans le chef du demandeur, encore l'expression « en connaissance de cause » qu'il utilise est-elle ambiguë en ce qu'elle peut signifier ayant agi soit librement et sans contrainte, soit en concert frauduleux ; que l'ambiguïté de l'expression « en connaissance de cause» rend par suite ambigus les motifs par lesquels l'arrêt retient une participation à charge du demandeur ; d'où il suit qu'en raison de cette ambiguïté l'arrêt ne répond pas de manière adéquate à la défense reproduite au moyen et n'est dès lors pas régulièrement motivé (vio­lation de l'article 97 de la Constitu­tion) ;

le quatrième, de la violation des arti­cles 66, 193, 196, 197 et 496 du Code pénal et 97 de la Constitution,

en ce que, saisie de conclusions par lesquelles le demandeur soutenait, d'une part, plus spécialement en ce qui con­cerne l'infraction de faux, que « ce n'est pas sciemment mais en raison de la collaboration légitime que le concluant était en droit d'attendre du personnel du home » que celui-ci avait laissé en blanc certaines mentions de ses pre­scriptions et que le demandeur n'avait eu aucune intention frauduleuse, et, d'autre part, en ce qui concerne l'escro­querie, qu'on recherche vainement le dol spécial requis par cette prévention », l'arrêt condamne le demandeur du chef des préventions A-VIII et B-A-XIII, les disant établies aux motifs mentionnés dans le troisième moyen,

alors que, première branche, les in­fractions de faux et d'escroquerie exi­gent chacune un dol spécial distinct du concert frauduleux requis pour la parti­cipation à ces infractions, de sorte que, en retenant ces infractions à charge du demandeur en se bornant à relever qu'il a agi « en connaissance de cause», c'est­à-dire librement et sans contrainte, et qu'il a participé aux infractions susdi-

tes, ce qui ne signifie pas qu'il y ait eu en son chef les dols spéciaux exigés par le faux et l'escroquerie, l'arrêt ne con­state pas les dols spéciaux requis pour les infractions aux articles 193, 196, 197 et 496 du Code pénal ; d'où il suit que l'arrêt méconnaît les notions légales de faux (violation des articles 193, 196 et 197 du Code pénal) et d'escroquerie (violation de l'article 496 du Code pé­nal) et, en tout cas, n'est pas légalement justifié (violation de toutes les disposi­tions visées au moyen et spécialement de l'article 97 de la Constitution) ;

deuxième branche, l'arrêt eût-il même entendu retenir l'existence dans le chef du demandeur des dols spéciaux requis par les articles 193, 196, 197 et 496 du Code pénal, encore l'expression « en connaissance de cause » qu'il utilise se­rait-elle ambiguë en ce qu'elle peut si­gnifier ayant agi soit librement et sans contrainte, soit avec une intention frau­duleuse ; que l'ambiguïté de l'expression « en connaissance de cause » rend par suite ambigus les motifs par lesquels l'arrêt retient à charge du demandeur l'infraction de faux et d'escroquerie ; d'où il suit qu'en raison de cette ambi­guïté l'arrêt ne répond pas de manière adéquate à la défense reproduite au moyen et n'est, dès lors, pas régulière­ment motivé (violation de toutes les dispositions visées au moyen et spécia­lement de l'article 97 de la Constitu­tion) ;

troisième branche, l'arrêt déduit de la sorte l'existence des infractions de faux et d'escroquerie à charge du deman­deur de cela seul que celui-ci aurait participé à celles-ci en tant que coau­teur ou complice, quoique tous les élé­ments constitutifs de l'infraction doi­vent être réunis dans le chef du par­ticipant, de sorte que cette déduction se fonde 1 ° sur une erreur de droit con­sistant dans la confusion entre les con­ditions de la perpétration des infrac­tions, objet des préventions, et celles de la participation à ces infractions (viola­tion des articles du Code pénal visés au moyen), 2° sur un raisonnement mani­festement illogique, la perpétration des infractions, objet des préventions, ne pouvant se déduire d'une participation à celles-ci ; que, dès lors, l'arrêt n'est pas régulièrement motivé (violation de l'ar­ticle 97 de la Constitution) :

Attendu que, pour pouvoir condamner

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COUR DE CASSATION 509

légalement un prévenu comme coauteur des infractions de faux en écritures, d'usage de faux et d'escroquerie, il n'est pas requis de constater que ce prévenu a lui-même agi avec l'intention fraudu­leuse ; qu'il suffit qu'il soit établi qu'un auteur a commis ces infractions et que le coauteur a sciemment coopéré à leur exécution suivant l'un des modes de participation prévus aux alinéas 2 et 3 de l'article 66 du Code pénal;

Attendu que, après avoir rappelé les principes qui régissent en matière d'as­surance maladie-invalidité l'interven­tion personnelle du médecin et précisé l'obligation qu'il a de vérifier dans cha­que cas la quantité des soins qu'il pre­scrit et la manière dont ils sont prodi­gués, l'arrêt énonce que le demandeur, en remettant à des tiers des prescrip­tions signées mais incomplètement li­bellées, a, en connaissance de cause, créé les conditions nécessaires à la per­pétration de l'infraction en apportant au faussaire une aide telle que sans son assistance le faux n'eût pu être com­mis ; que, sans l'aide indispensable ap­portée par le demandeur dans les circon­stances de fait décrites au dossier, la directrice du home Marie-Thérèse n'au­rait pu commettre les fraudes qui lui sont reprochées ; ·

Qu'ainsi l'arrêt constate sans ambi­guïté que le demandeur a sciemment coopéré, suivant l'un des modes de par­ticipation prévus à l'alinéa 3 de l'arti­cle 66 du Code pénal, à l'exécution des fraudes commises par l'auteur des in­fractions de faux en écritures, d'usage de ces faux et d'escroquerie ; que ces considérations, d'une part, répondent de manière adéquate à la défense du de­mandeur faisant valoir qu'il n'avait pas imaginé que ses prescriptions médicales, telles qu'il les avait libellées, auraient été utilisées par la suite à des fins illi­cites et, d'autre part, relèvent, sans con­tredire la logique, l'existence des élé­ments constitutifs des infractions rete­nues à charge du demandeur ;

Attendu que l'arrêt a régulièrement motivé et légalement justifié sa déci­sion;

Que les troisième et quatrième moyens manquent en fait ;

2. Sur le pourvoi du demandeur Ro­sillon :

Sur le premier moyen, pris de la vio­lation des articles 21, 22, 23 de la loi

du 17 avril 1878 contenant le titre préli­minaire du Code de procédure pénale, modifiée par l'article 1er de la loi du 30 mai 1961, 130, 163, 179, 182, 195, 199, 200, 202, 211 du Code d'instruction cri­minelle et 97 de la Constitution,

en ce que l'arrêt attaqué a dit non prescrits les faits des préventions A­VIII-b et B-A-XIV à charge du deman­deur et a ensuite dit établies ces mêmes préventions et condamné le deman­deur, sur l'action publique, à une peine unique du chef de ces préventions réu­nies, aux motifs : d'une part, que le de­mandeur a régulièrement donné des soins aux personnes âgées hébergées dans la maison de repos dirigée par feu Elfriede Egg . . . et où travaillaient les coprévenus Thomsin et Gassée, jusqu'au 8 décembre 1969, date à laquelle il rom­pit ses relations professionnelles avec la première nommée ; que par la suite ... il resta en contact avec Thomsin et Gassée, qui à ce moment exploitaient à leur compte deux maisons de repos à Uccle; qu'il rédigea à leur demande des ordonnances médicales, que les derniers documents pris en considération portent la date du 1•r décembre 1972 et qu'en ce qui le concerne . . . la prescription de l'action publique a été interrompue par des actes de poursuite ou d'instruction effectués les 21 et 28 mai 1973, et, d'autre part, que le demandeur a dé­claré : « j'ai signé sans aucune vérifica­tion tous les documents qui m'étaient soumis par Madame Egg ... , mais je n'ai jamais signé une prescription en blanc ... , je n'ai jamais contrôlé si les malades recevaient les soins . . . prescrits, sauf quelques exceptions en cas de maladie sérieuse » ; que, notamment le 17 no­vembre 1969, le médecin conseil de la Fédération mutuelle des syndicats réu­nis faisait reproche au demandeur de prescrire des pansements et toilettes quotidiennes à un malade non alité et pouvant accomplir les actes courants de la vie journalière et d'exposer ainsi l'or­ganisme assureur à des débours non jus­tifiés; que, sans l'aide indispensable ap­portée par . . . le demandeur dans les circonstances de fait décrites au dos­sier, la directrice du home Marie­Thérèse (Elfriede Egg ... ) et . . . Gassée et Thomsin n'eussent pu commettre les fraudes qui leur sont reprochées ; ... que les faits réputés établis ont été com­mis tant avant qu'après le 10 janvier 1970,

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510 JURISPRUDENCE DE BELGIQUE

alors que, première branche, ni lesdits motifs de l'arrêt ni le libellé des pré­ventions à charge du demandeur ne constatent la date à laquelle ont été accomplis le dernier fait d'usage de faux visé par la prévention A-VIIl-b et les faits d'escroquerie visés par la prévention B-A-XIV et ne permettent, dès lors, de vérifier si ces faits se situent avant ou après les 21 ou 28 mai 1970 et, conséquemment, de contrôler la légalité de la décision déclarant non prescrite l'action publique à l'égard du demandeur du chef desdites préven­tions A-VIII-b et A-B-XIV réunies (vio­lation des articles 21, 22 et 23 de la loi du 17 avril 1878 contenant le titre pré­liminaire du Code de procédure pénale et 97 de la Constitution) ;

seconde branche,

Quant à la première branche : Attendu que l'arrêt relève, d'une part,

que les dernières ordonnances médicales rédigées par le demandeur à la demande de Thomsin et Gassée portent la date du 1•• décembre 1972 et, d'autre part, que la prescription de l'action publique a été interrompue par des actes de poursuite ou d'instruction, notamment la perqui­sition effectuée le 28 mai 1973;

Que, constatant ainsi que la date du fait constitutif de faux était postérieure au 28 mai 1970, l'arrêt n'avait pas à indiquer en outre, pour justifier que la prescription n'était pas acquise, la date du dernier fait d'usage de ce faux ni, eu égard à l'unité d'intention délic­tueuse, la date des autres infractions ;

Quant à la seconde branche :

Qu'en chacune de ses branches le pre­mier moyen manque en fait ;

Sur le second moyen,

Qu'en ses trois branch@s le second moyen manque en fait ;

3. Sur le surplus des pourvois des de­mandeurs Kram et Rosillon et sur les pourvois des demandeurs Nysenholc, Gassée et Thomsin :

Attendu que les formalités substan­tielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et que la décision est conforme à la loi ;

B. Sur les pourvois des demandeurs en tant qu'ils sont dirigés contre les dé­cisions rendues sur les actions civiles exercées contre eux par les défende­resses

Que, prématurés, les pourvois sont irrecevables ;

Par ces motifs, rejette les pourvois ; condamne chacun de demandeurs aux frais de son pourvoi.

Du 10 janvier 1977. - 2° ch. - Prés. Baron Richard, conseiller faisant fonc­tions de président. - Rapp. Mm• Ray­mond-Decharneux. Concl. conf. M. Velu, avocat général. Pl. MM. L. Simont et A. De Bruyn.

2e CH. - 10 janvier 1977.

1° POURVOI EN CASSATION. - PER­SONNES AYANT QUALITÉ POUR SE POUR­VOIR. - MATIÈRE RÉPRESSIVE. - AC­TION PUBLIQUE. - DÉCISION DÉCLARANT L'ACTION PUBLIQUE PRESCRITE. - POUR­VOI DU PRÉVENU. - IRRECEVABILITÉ.

2° POURVOI EN CASSATION. - PER­SONNES AYANT QUALITÉ POUR SE POUR­VOIR OU CONTRE LESQUELLES ON PEUT SE POURVOIR. - MATIÈRE RÉPRESSIVE. - ACTION CIVILE. - POURVOI DU PRÉ­VENU CONTRE LE FONDS COMMUN DE GA­RANTIE AUTOMOBILE, INTERVENU VOLON­TAIREMENT. - POINT D'INSTANCE LIÉE ENTRE EUX NI DE CONDAMNATION DU PRÉ­VENU AU PROFIT DUDIT FONDS. - POUR­VOI IRRECEVABLE.

3° POURVOI EN CASSATION. - PER­SONNES AYANT QUALITÉ POUR SE POUR­VOIR OU CONTRE LESQUELLES ON PEUT SE POURVOIR. - MATIÈRE RÉPRESSIVE. - ACTION CIVILE. - POURVOI DU PRÉ­VENU CONTRE L'ASSUREUR DE SA RESPON­SABILITÉ CIVILE APPELÉ EN INTERVEN­TION. - POINT D'INSTANCE LIÉE ENTRE EUX NI DE CONDAMNATION DU PRÉVENU AU PROFIT DUDIT ASSUREUR. - POURVOI IRRECEVABLE.

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COUR DE CASSATION 511

4° POURVOI EN CASSATION. - PER­SONNES AYANT QUALITÉ POUR SE POUR­VOIR OU CONTRE LESQUELLES ON PEUT SE POURVOIR. - MATitRE RÉPRESSIVE. - ACTION CIVILE. - POURVOI DU FONDS COMMUN DE GARANTIE AUTOMO­BILE, INTERVENU VOLONTAIREMENT, CON­TRE L'ASSUREUR DE LA RESPONSABILITÉ CIVILE DU PRÉVENU, APPELÉ EN INTER­VENTION. - POINT D'INSTANCE LIÉE EN­TRE EUX NI DE CONDAMNATION AU PROFIT DE L'ASSUREUR. - POURVOI IR­RECEVABLE.

5° MOTIFS DES JUGEMENTS ET AR­RÊTS. - MATitRE RÉPRESSIVE. - AC­TION PUBLIQUE. - DÉCISION DE CON­DAMNATION. - DÉFENSE DU PRÉVENU DEMEURÉE SANS RÉPONSE. - DÉCISION NON MOTIVÉE.

6° MOYENS DE CASSATION. - MA­TitRE RÉPRESSIVE. - ACTIO!'i' CIVILE. - POURVOI DU FONDS COMMUN DE GA­RANTIE AUTOMOBILE, INTERVENU VOLON­TAIREMENT. - MOYEN, A L'APPUI DU POURVOI, PRIS DU DÉFAUT DE RÉPONSE AUX CONCLUSIONS DU PRÉVENU. - CON­DITION DE RECEVABILITÉ.

7° CASSATION. - ETENDUE. - MA­TitRE RÉPRESSIVE. - POURVOIS DU PRÉVENU ET DU FONDS COMMUN DE GA­RANTIE AUTOMOBILE, INTERVENU VOLON­TAIREMENT. - CASSATION DE LA DÉCI­SION RELATIVE A L'ACTION PUBLIQUE EXERCÉE CONTRE LE PRÉVENU. - CASSA­TION ENTRAÎNANT L'ANNULATION DU DIS­POSITIF, FONDÉ SUR LA Mi:ME ILLÉGA­LITÉ, DÉBOUTANT LA PARTIE CIVILE DE SON ACTION CONTRE LA PARTIE APPELÉE EN INTERVENTION EN QUALITÉ D' ASSU­REUR DE LA RESPONSABILITÉ CIVILE DU PRÉVENU.

1 ° Est irrecevable, à défaut d'intérêt, le pourvoi formé par le prévenu contre une décision qui déclare l'action pu­blique éteinte par la prescription (1).

2° Le prévenu n'est pas recevable à se

(1) Cass., 8 décembre 1975 (Bull. et Pas., 1976, I, 432).

(2) Cass., 31 octobre 1972 (Bull. et Pas., 1973, 1, 212) ; cons. cass., 26 février et 18 juin 1974 (ibid., 1974, 1, 667 et 1067).

(3) Cass., 26 février 1974 (Bull. et Pas., 1974, 1, 667) ; cons. cass., 1•• mars 1976 (ibid., 1976, I, 713).

(4) Cass., 15 mars 1971 (Bull. et Pas., 1971, 1, 648) ; cons. cass., 26 février et 18 juin 1974 (ibid., 1974, 1, 667 et 1067).

pourvoir contre le Fonds commun de garantie automobile intervenu volon­tairement devant la juridiction ré­pressive, lorsqu'aucune instance n'a été liée entre eux et qu'aucune con­damnation du prévenu n'a été pronon­cée au profit dudit Fonds (2).

3° Le prévenu n'est pas recevable à se pourvoir contre l'assureur de sa res­ponsabilité civile, appelé en interven­tion devant la juridiction répressive, lorsqu'aucune instance n'a été liée entre eux et qu'aucune condamnation du prévenu n'a été prononcée au pro­fit dudit assureur (3).

4° Le Fonds commun de garantie auto­mobile, intervenu volontairement de­vant la juridiction répressive, n'est pas recevable à se pourvoir contre l'assureur de la responsabilité civile du prévenu, appelé en intervention devant la même juridiction, lors­qu'aucune instance n'a été liée entre ces parties et qu'aucune condamna­tion dudit Fonds n'a été prononcée au profit de l'assureur (4).

5° N'est pas motivée la décision qui condamne le prévenu sur l'action pu­blique sans répondre à une défense régulièrement proposée par lui en conclusions (5). (Constit., art. 97 .)

6° Le Fonds commun de garantie auto­mobile, intervenu volontairement de­vant la juridiction répressive, est rece­vable à invoquer à l'appui de son pourvoi l'illégalité résultant du défaut de réponse à une défense régulière­ment proposée en conclusions par le prévenu et relative à une contestation dont la solution l'intéressait (6).

7° Lorsque le prévenu s'est pourvu con­tre la décision relative à l'action pu­blique le condamnant du chef d'avoir mis en circulation un véhicule auto­moteur lui appartenant sans que sa responsabilité civile soit couverte par une assurance, et que le Fonds com­mun de garantie automobile, inter-

(5) Cass., 28 septembre 1976., supra, p. 114.

(6) Cons. cass., 4 décembre 1967 (Bull. et Pas., 1968. 1, 454), 24 novembre 1969 (ibid., 1970, 1, 269), 4 janvier 1971 (ibid., 1971, 1, 403), la note 2 sous cass., 11 avril 1972 (ibid., 1972, I, 739), cass., 15 octobre 1973 (ibid., 1974, 1, 170) et 24 mai 1976 (ibid., 1976, I, 1011).

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512 JURISPRUDENCE DE BELGIQUE

venu volontairement devant la juri­diction répressive, s'est pourvu contre la décision lui déclarant l'arrêt com­mun et opposable en tant que celui-ci déboute la partie civile de son action contre la partie appelée en interven­tion en qualité d'assureur de la res­ponsabilité civile du prévenu, la cassation de la décision relative d l'action publique exercée contre le prévenu entraîne l'annulation du dis­positif, fondé sur la même illégalité, déboutant la partie civile de son action contre l'assureur appelé en intervention (1).

(COULON, C. TERNOEY ET CONSORTS; FONDS COMMUN DE GARANTIE AUTOMOBILE, C. TERNOEY ET CONSORTS ; DURY, C. COU­LON ET CONSORTS.)

LA COUR ; - Vu l'arrêt attaqué, rendu le 1er juin 1976 par la cour d'ap­pel de Mons;

A. Quant au pourvoi du demandeur Coulon :

1. En tant que le pourvoi est dirigé contre la décision rendue sur l'action publique exercée à charge du deman­deur:

a) du chef des préventions III, IV, et V:

Attendu que l'arrêt constate que l'ac­tion publique relative aux infractions faisant l'objet de ces préventions est éteinte par prescription ; que le pour­voi est irrecevable à défaut d'intérêt ;

b) du chef du délit d'homicide invo­lontaire faisant l'objet de la préven­tion I :

Attendu que les formalités substan­tielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et que la décision est conforme à la loi ;

Il. En tant que le pourvoi est dirigé contre les décisions rendues sur les ac­tions civiles exercées contre le deman­deur par les défendeurs Ternoey et Dury:

Attendu que le demandeur ne fait valoir aucun moyen ;

(1) Cons. cass., 25 septembre 1967 (Bull. et Pas., 1968, I, 106) et 26 février 1974 (ibid., 1974, I, 667).

III. En tant que le pourvoi est dirigé contre la décision déclarant l'arrêt com­mun et opposable au Fonds commun de garantie automobile, partie intervenue volontairement, et à la société anonyme Les Provinces réunies, partie citée en intervention :

Attendu qu'aucune instance n'a été liée entre le demandeur et les défen­deurs devant le juge du fond et que l'ar­rêt ne prononce aucune condamnation à leur profit à charge du demandeur ; que, partant, le pourvoi est irrecevable ;

B. Quant au pourvoi du demandeur Fonds commun de garantie automobile :

1. En tant que le pourvoi est dirigé contre les décisions rendues sur les ac­tions des parties civiles Ternoey et Dury exercées contre le prévenu :

Attendu que le demandeur ne fait valoir aucun moyen ;

II. En tant que le pourvoi est dirigé contre les décisions rendues sur les ac­tions des parties civiles exercées contre la société anonyme Les Provinces réu­nies:

Attendu qu'aucune instance n'a été liée devant le juge du fond entre le demandeur et la défenderesse et que l'arrêt ne prononce aucune condamna­tion au profit de celle-ci à charge du demandeur;

Que, partant, le pourvoi est irreceva­ble;

C. Quant aux pourvois des deman­deurs Coulon et Fonds commun de ga­rantie automobile, en tant que le pour­voi du demandeur Coulon est dirigé contre la décision rendue sur l'action publique exercée à sa charge du chef de la prévention II et en tant que le pourvoi du demandeur Fonds commun de garantie automobile est dirigé contre la décision lui déclarant l'arrêt commun et opposable :

Sur le moyen pris de la violation des articles 1•r, 2, § 1•r, 3, 6, 11, 12, 16, 18, §§ 1•r et 3, de la loi du 1er juillet 1956 relative à l'assurance obligatoire de la responsabilité civile en matière de vé­hicules automoteurs, 1134, 1135, 1319, 1320 et 1322 du Code civil, du contrat d'assurances conclu entre le premier demandeur et la société anonyme Les Provinces réunies, plus particulièrement de son article 33, et de l'article 97 de la Constitution,

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COUR DE CASSATION 513

en ce que l'arrêt attaqué, réformant la décision du premier juge, a dit éta­blie la prévention II à charge du pre­mier demandeur (avoit 'mis en circula­

. tion un véhicule automoteur lui appar­tenant sans que la responsabilité civile à laquelle peut donner lieu ce véhicule soit couverte par une assurance), a condamné celui-ci de ce chef à une amende de 200 francs et aux frais d'ap­pel envers la partie publique, a dit cette décision commune et opposable au deuxième demandeur et à la défende­resse société anonyme Les Provinces réunies, et a délaissé au deuxième de­mandeur ses dépens dans les deux in­stances, aux motifs « que le prévenu avait couvert sa responsabilité civile auprès de la partie intervenante Les Provinces réunies pour la conduite d'un véhicule automoteur BMW 1600 châssis n° 1512405; que, le jour de l'accident, il conduisait un autre véhicule, de mar­que BMW également mais du type 2002 châssis n° 174.0308; que le prévenu estime qu'il est en droit de bénéficier des stipulations prévues à l'article 33 du contrat-type d'assurance, article aux termes duquel, en cas de cession du véhicule assuré, le contrat d'assurance reste en vigueur si ce véhicule est im­médiatement remplacé ; que le bénéfice de ces stipulations ne peut être acquis au preneur d'assurance qu'à la condition que dans les huit jours suivant la ces­sion le preneur d'assurance ait informé la compagnie d'assurances et de la ces­sion du véhicule et de son remplace­ment ... ; que, pour autant que de be­soin, il convient de faire remarquer que l'article 11 de la loi du 1•r juillet 1956 ne trouve pas application, puisque la question est de savoir s'il existe un contrat d'assurance ou non relativement à tel véhicule et non point une nullité, une exception ou une déchéance déri­vant de la loi ou du contrat d'assu­rance»,

alors que l'article 33 des conditions générales de la police d'assurance n° 29330 conclue le 24 août 1970 entre le premier demandeur et la société ano­nyme Les Provinces réunies dispose comme suit : « en cas de cession du vé­hicule désigné, le preneur d'assurance doit dans les huit jours en informer la compagnie et, en ce cas, la garantie du contrat lui demeure acquise ... ; si le véhicule cédé est immédiatement rem­placé, le preneur d'assurance doit en

PASIC., 1977. - Ir• PARTIE.

informer la compagnie dans le même délai de huit jours qui suit la cession et le contrat reste en vigueur aux condi­tions du tarif en cours à la compagnie au moment du remplacement », ce qui implique manifestement que le preneur d'assurance a un délai de huit jours à compter de la cession du véhicule dési­gné au contrat et de son remplacement pour signaler à l'assureur le remplace­ment du véhicule désigné et les caracté­ristiques du nouveau véhicule et que, pendant ce délai, la police en cours reste en vigueur et couvre la responsa­bilité civile à laquelle peut donner lieu le nouveau véhicule, et alors que, les demandeurs ayant revendiqué le béné­fice de ladite stipulation convention­nelle et expressément fait valoir en leurs conclusions devant la cour d'appel que le véhicule BMW 1600 désigné au contrat a été cédé et remplacé par le nouveau véhicule BMW 2002 le 30 mai 1974 tandis que l'accident est survenu le 3 juin 1974, soit dans le délai de huit jours précité, l'arrêt, qui ne dément pas ces allégations et qui décide pour les motifs ci-avant dénoncés que, le jour de l'accident, le premier demandeur circu­lait avec un véhicule non couvert par une assurance de responsabilité civile et le condamne pénalement de ce chef, a par là violé la foi due à ladite police d'assurance n° 29330 du 24 août 1970, spécialement audit article 33 des condi­tions générales de celle-ci (violation des articles 1319, 1320 et 1322 du Code civil) et a méconnu la force obligatoire entre parties de ladite convention d'as­surance (violation des articles 1134 et 1135 du Code civil, 1•r, 2, § 3, 6, 11, 12, 16 et 18, §§ 1•r et 3, de la loi du 1"' juil­let 1956 relative à l'assurance obliga­toire de la responsabilité civile en ma­tière de véhicules automoteurs) ;

et alors que, tout au moins, en con­damnant le premier demandeur pour défaut d'assurance au motif que « le bénéfice des stipulations de l'article 33 du contrat d'assurance ne peut être acquis au preneur d'assurance qu'à la condition que dans les huit jours sui­vant la cession le preneur d'assurance ait informé la compagnie d'assurances et de la cession du véhicule et de son remplacement », l'arrêt a violé la foi due aux conclusions des demandeurs qui soutenaient précisément qu'au jour de l'accident le délai de huit jours pour informer la compagnie de la cession du

17

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514 JURISPRUDENCE DE BELGIQUE

véhicule désigné et de son remplace­ment n'était pas encore expiré (violation des articles 1319 et 1320 du Code civil), et n'a pas répondu de manière adéquate à ces conclusions (violation de l'arti­cle 97 de la Constitution) :

a) En tant que le moyen est soulevé par le demandeur Coulon :

Attendu que, dans ses conclusions prises devant la cour d'appel, le deman­deur soutenait que, la voiture BMW 1600, désignée dans le contrat, ayant été remplacée le 30 mai 1974, il se trouvait encore le 3 juin 1974, jour de l'accident, dans le délai de huit jours prévu par l'article 33 de la police d'assurance pour signifier le remplacement du véhicule à sa compagnie d'assurances et bénéficier du maintien du contrat ;

Attendu que l'arrêt, qui décide que le bénéfice des dispositions de l'article 33 du contrat d'assurances ne peut être acquis au demandeur en se fondant sur les seules considérations que celui-ci n'a pas notifié à son assureur, dans le délai et selon les formes prévues par la con­vention, la cession de son véhicule et le remplacement de celui-ci, sans exa­miner l'incidence que peut avoir sur le maintien de l'assurance le fait que l'ac­cident serait survenu avant l'expiration du délai de huit jours depuis la cession dont se prévaut le demandeur, ne ren­contre p:is les conclusions de celui-ci et n'est pas régulièrement motivé ;

Que le moyen est fondé ; b) En tant que le moyen est soulevé

par le demandeur Fonds commun de garantie automobile :

Attendu que le demandeur Fonds commun de garantie automobile est re­cevable à invoquer à l'appui de son pourvoi l'illégalité résultant du défaut de réponse aux conclusions du deman­deur Coulon relatives à une contestation dont la solution intéressait le Fonds commun de garantie automobile ;

Et attendu que la cassation de la déci­sion relative à l'action publique dirigée contre le demandeur Coulon entraîne l'annulation du dispositif, fondé sur la même illégalité, déboutant la partie ci­vile Ternoey de son action contre la société anonyme Les Provinces réunies, citée en intervention ;

D. Quant au pourvoi de la deman­deresse Dury :

Attendu qu'il ne ressort pas des pièces

auxquelles la Cour peut avoir égard que la demanderesse, partie civile, ait fait notifier son pourvoi aux parties con­tre lesquelles il est dirigé ;

Que le pourvoi est irrecevable ;

Par ces motifs, casse l'arrêt attaqué, en tant que, statuant sur l'action publi­que, il condamne le demandeur du chef de la prévention II (défaut d'assurance) et que, statuant sur les actions civiles, il dit non fondée l'action de la partie civile Ternoey contre la société ano­nyme Les Provinces réunies; rejette les pourvois pour le surplus ; dit que men­tion du présent arrêt sera faite en marge de la décision partiellement an­nulée ; condamne le demandeur Coulon à la moitié des frais de son pourvoi et délaisse à l'Etat l'autre moitié de ceux­ci ; condamne le demandeur Fonds com­mun de garantie automobile au quart des frais de son pourvoi et les défen­deurs Ternoey et Dury chacun à la moitié des trois quarts restant de ceux­ci ; condamne la demanderesse Dury aux frais de son pourvoi; renvoie la cause, ainsi limitée, à la cour d'appel de Bruxelles.

Du 10 janvier 1977. - 2° ch. - Prés. Baron Richard, conseiller faisant fonc­tions de président. - Rapp. Mme Ray­mond-Decharneux. - Concl. conf. M. Velu, avocat général. - Pl. MM. A. De Bruyn et Dassesse.

2• CH. - 10 janvier 1977.

1 ° APPRÉCIATION SOUVERAINE PAR LE JUGE DU FOND. - MA­TIÈRE RÉPRESSIVE. - NÉCESSITÉ OU OPPORTUNITÉ D'UNE MESURE D'INSTRUC­TION. - APPRÉCIATION SOUVERAINE.

2° DROITS DE LA DÉFENSE. - MA­TIÈRE RÉPRESSIVE. - DEMANDE D'IN­TRUCTION COMPLÉMENTAIRE. - MESURE REFUSÉE PAR LE JUGE EN RAISON DE SON INUTILITÉ. - POINT DE VIOLATION DES DROITS DE LA DÉFENSE.

1 ° Le juge du fond apprécie souveraine-

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COUR DE CASSATION 515

ment la nécessité ou l'opportunité d'une mesure d'instruction complé­mentaire (1).

2° Ne viole pas les droits de la défense le juge qui rejette une demande de mesure d'instruction complémentaire en raison de ce que cette mesure n'est point nécessaire pour asseoir sa con­viction (2).

(BRUYÈRE ET ROUSSEAU, C. VERTENOEIL.)

Arrêt conforme aux notices.

Du 10 janvier 1977. - 2° ch. - Prés. Baron Richard, conseiller faisant fonc­tions de président. - Rapp. Baron Vin­çotte. - Concl. conf. M. Velu, avocat général. - Pl. M. P. Caroy (du barreau de Mons).

2° CH. - 10 janvier 1977.

CASSATION. - ETENDUE. - MATIÈRE RÉPRESSIVE. - ACTION CIVILE. POURVOI DU PRÉVENU. - PARTIE CIVI­LEMENT RESPONSABLE NE S'ÉTANT PAS POURVUE OU S'ÉTANT POURVUE IRRÉGU­LIÈREMENT. - CASSATION SUR LE POUR­VOI DU PRÉVENU. - EFFET A L'ÉGARD DE LA PARTIE CIVILEMENT RESPONSABLE.

Lorsque la décision condamnant le pré­venu sur l'action civile est cassée sur le pourvoi de celui-ci et que la partie civilement responsable ne s'est pas pourvue ou s'est pourvue irrégulière­ment, la décision déclarant cette par­tie civilement responsable de cette condamnation devient sans objet (3).

(SOCIÉTÉ ANONYME « INTERCOM », C. VAN DER FRAENEN ET SOCIÉTÉ ANONYME « AS­SUBEL - RISQUES DIVERS ».)

ARRi:T.

LA COUR ; - Vu le jugement atta­qué, rendu le 24 juin 1976 par le tribu­nal correctionnel de Mons, statuant en

degré d'appel et comme juridiction de renvoi;

Vu l'arrêt rendu par la Cour le 3 mai 1976 (4) ;

Attendu que le pourvoi est unique­ment dirigé contre les dispositions civi­les du jugement concernant la deman­deresse;

Sur le moyen pris de ce que le juge­ment, ayant acquitté le prévenu Ver­massen et constaté que le tribunal cor­rectionnel était, dès lors, incompétent pour statuer sur les réclamations for­mées contre celui-ci par les défendeurs, parties civiles, a dit pour droit que la demanderesse, civilement responsable pour le prévenu, reste tenue des con­damnations civiles prononcées contre elle par jugement du tribunal correc­tionnel de Tournai du 19 décembre 1975, faute de s'être pourvue en cassation con­tre cette décision,

alors que la cassation de la décision rendue sur l'action civile exercée contre le prévenu entraîne celle de la décision condamnant la partie civilement respon­sable, même si celle-ci n'a pas formé de pourvoi, et que cette partie ne peut être tenue d'indemniser la partie civile que pour autant que le prévenu ait été lui même condamné :

Attendu que l'arrêt de la Cour du 3 mai 1976 a cassé, sur le pourvoi du prévenu Vermassen, le jugement du tri­bunal correctionnel de Tournai du 19 décembre 1975, en tant qu'il statuait sur l'action publique et sur les actions civiles exercées contre celui-ci ;

Attendu que la demanderesse, civile­ment responsable pour Vermassen, ne s'était pas pourvue contre ce jugement, mais que la cassation intervenue a rendu sans objet la décision la déclarant civilement responsable des condamna­tions aux dommages-intérêts prononcées contre le prévenu et la condamnant, en conséquence, solidairement avec lui, au payement de ces dommages-intérêts ;

Que, dès lors, le jugement attaqué n'a pu légalement décider que la de­manderesse, parce qu'elle ne s'est pas

(1) Cass., 3 janvier 1977, supra, p. 472. (2) Cass., 15 septembre 1975 (Bull. et

Pas., 1976, I, 63). (3) Cass., 26 février 1973 (Bull. et Pas.,

1973, I, 597) ; 14 septembre 1976, supra, p. 44.

(4) Bull. et Pas., 1976, I, 950.

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516 JURISPRUDENCE DE BELGIQUE

pourvue contre la décision du tribunal correctionnel de Tournai, reste tenue de ce payement ;

Que le moyen est fondé ; Et attendu que la demanderesse ne

pourrait être tenue d'indemniser les dé­fendeurs que si le prévenu, son préposé, était déclaré responsable de l'accident ;

Qu'en l'absence de pourvoi dirigé con­tre Vermassen la décision du jugement attaqué que celui-ci n'a pas commis l'in­fraction qui lui était imputée est passée en force de chose jugée ;

Par ces motifs, casse le jugement at­taqué, en tant que, par confirmation du jugement dont appel, il condamne la demanderesse à indemniser les défen­deurs ; ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de la décision partiellement annulée ; condamne le défendeur aux frais, sauf à ceux de la notification du pourvoi au ministère pu­blic, lesquels resteront à charge de la demanderesse ; dit n'y avoir lieu à ren­voi.

Du 10 janvier 1977. - 2° ch. - Prés. Baron Richard, conseiller faisant fonc­tions de président. - Rapp. Baron Vin­çotte. - ConcZ. conf. M. Velu, avocat général. - Pl. M. J. Deramaix (du bar­reau de Tournai).

2e CH. - 11 janvier 1977.

JUGEMENTS ET ARRtTS. - MATIÈRE RÉPRESSIVE. - TÉMOIN. - PARTIE CI­VILE ENTENDUE SOUS SERMENT A L'AU­DIENCE. - POINT D'OPPOSITION. - PAS DE NULLITÉ.

L'audition de la partie civile sous ser­ment à l'audience n'opère pas de nul­lité lorsque ni le ministère public ni le prévenu ne s'y sont opposés (1). (Code d'instr. crim., art. 156.)

(1) Cass., 31 janvier 1949 (Bull. et Pas., 1949, I, 96) ; cons. cass., 23 janvier 1961 (ibid., 1961, I, 548), 23 juin 1969 (ibid., 1969, 1, 983) et 5 janvier 1971 (ibid., 1971, I, 414).

(VAN HECKE, C. SOCIÉTÉ DE PERSONNES A RESPONSABILITÉ LIMITÉE « CRISTAL MO­NOPOLE».)

ARRi1:T (traduction).

LA COUR ; - Vu l'arrêt attaqué, rendu le 11 juin 1976 par la cour d'ap­pel d'Anvers ;

1. En tant que le pourvoi est dirigé contre la décision rendue sur l'action publique :

Sur le premier moyen, pris de ce que la nommée Serneels Maria a été enten­due comme témoin,

alors que cette personne est une gé­rante de la défenderesse qui s'était déjà constituée partie civile, et que le gérant s'identifie à la société de personnes à responsabilité limitée :

Attendu que l'audition de la partie civile sous serment n'opère aucune nul­lité, lorsque, comme en l'espèce, ni le prévenu ni le ministère public ne se sont opposés à ce qu'il y soit procédé ;

Que le moyen manque en droit ;

Et attendu que les formalités substan­tielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et que la décision est conforme à la loi ;

II. En tant que le pourvoi est dirigé contre la décision rendue sur l'action civile :

Attendu que l'arrêt se borne à allouer une indemnité provisionnelle à la dé­fenderesse et à ordonner une expertise ; que pareille décision n'est pas définitive au sens de l'article 416 du Code d'in­struction criminelle et ne statue pas sur une contestation de compétence ;

Que le pourvoi est, dès lors, préma­turé et irrecevable ;

Par ces motifs, rejette le pourvoi ; condamne le demandeur aux frais.

Du 11 janvier 1977. - 2• ch. - Prés. M. Wauters, conseiller faisant fonctions de président. - Rapp. Chevalier de Schaetzen. - Concl. conf. M. Lenaerts, avocat général.

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COUR DE CASSATION 517

2° CH. - Il janvier 1977.

1 ° INFRACTION. - CAUSE DE JUSTIFI­CATION. - ERREUR INVINCIBLE. - AP­PRÉCIATION PAR LE JUGE DU FOND.

2° CASSATION. - COMPÉTENCE. - VIO­LATION DE LA JURISPRUDENCE. - NE DONNE PAS OUVERTURE A UN RECOURS EN CASSATION.

1 ° Le juge du fond apprécie souveraine­ment, en fait, l'existence d'une erreur invincible, invoquée comme cause de justification par le prévenu (1). (Code pénal, art. 71.)

2° La violation de la jurisprudence ne donne pas ouverture à un recours en cassation (2). (Code judic., art. 608.)

(GILLET, C. CROMANS.)

Arrêt conforme aux notices.

Du 11 janvier 1977. - 2° ch. - Prés. M. Wauters, conseiller faisant fonctions de président. - Rapp. M. Delva. -Concl. conf. M. Lenaerts, avocat géné­ral. - Pl. M. A. Courhouts (du barreau de Hasselt).

2° CH. - Il janvier 1977.

POURVOI EN CASSATION. - DÉLAI. - MATIÈRE RÉPRESSIVE. - ACTION CIVILE. - DOMMAGE COMPRENANT DES ÉLÉMENTS DISTINCTS. - ARRi:T STA­TUANT DÉFINITIVEMENT SUR UN DES ÉLÉ­MENTS ET, POUR LE SURPLUS, ALLOUANT UNE INDEMNITÉ PROVISIONNELLE, ORDON­NANT UNE MESURE D'INSTRUCTION ET DÉ­CLARANT QUE LA PROSÉCUTION DE LA CAUSE APPARTIENDRA AU PREMIER JUGE. - POINT DE CONTESTATION DE COMPÉ­TENCE. - POURVOI FORMÉ AVANT LA

(1) Cass., 30 novembre 1970 (Bull. et Pas., 1971, 1, 281) et 21 octobre 1975 (ibid .. 1976, 1, 231) ; cons. cass., 29 novembre 1976, supra, p. 355.

(2) Cass., 25 novembre 1975 (Bull. et Pas., 1976, 1, 385).

DÉCISION DÉFINITIVE. - POURVOI IRRE­CEVABLE.

Est irrecevable le pourvoi formé, avant la dé,cision définitive, contre un ar­rêt qui, sans trancher une contesta­tion de compétence, statue définitive­ment sur un élément du dommage, alloue une indemnité provisionnelle pour les autres éléments, ordonne une mesure d'instruction et déclare que la prosécution de la cause appartiendra au premier juge (3). (Code d'instr. crim., art. 416.)

(DE SCHRIJVER, C. SOCIÉTÉ ANONYME « VANDE MEERSCHE GEBROEDERS EN ci•» ET CONSORTS.)

Arrêt conforme à la notice.

Du 11 janvier 1977. - 2• ch. - Prés. M. Wauters, conseiller faisant fonctions de président. - Rapp. Chevalier de Schaetzen. - Concl. conf. M. Lenaerts, avocat général.

2° CH. - Il janvier 1977.

LANGUES (EMPLOI DES). - MATIÈRE RÉPRESSIVE. - RECOURS EN CASSATION. - MÉMOIRE RÉDIGÉ DANS UNE LANGUE AUTRE QUE CELLE DE LA DÉCISION ATTA­QUÉE. - NULLITÉ.

Est nul le mémoire dépos~ à l'appui d'un pourvoi formé en matière répressive et qui est rédigé dans une langue au­tre que celle de la décision atta­quée (4). (Loi du 15 juin 1935, arti­cles 27 et 40.)

(COLLETTE.)

Arrêt conforme à la notice.

(3) Cass., 21 janvier 1975 (Bull. et Pas., 1975, 1, 523) ; cons. cass., 13 avril 1976 (ibid., 1976, I, 902).

(4) Cass., 17 octobre 1972 (Bull. et Pas., 1973, I, 174) ; cons. cass., 14 janvier 1975 (ibid., 1975, 1, 493).

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518 JURISPRUDENCE DE BELGIQUE

Du 11 janvier 1977. - 2° ch. - Prés. M. Wauters, conseiller faisant fonctions de président. - Rapp. M. Delva. -Concl. conf. M. Lenaerts, avocat géné­ral.

2• CH. - Il janvier 1977.

FRAIS ET DÉPENS. - MATIÈRE RÉ­PRESSIVE. - CONDAMNÉ APPELANT. -MINISTÈRE PUBLIC APPELANT CONTRE LUI ET CONTRE UN COPRÉVENU ACQUITTÉ. -CONFIRMATION PAR LE JUGE D'APPEL. -CONDAMNATION DU CONDAMNÉ A TOUS LES FRAIS D'APPEL. - ILLÉGALITÉ.

Lorsqu'un condamné appelle et que le ministère public appelle contre lui et contre un coprévenu acquitté, les frais relatifs à l'appel du ministère public contre ce dernier doivent, en cas de confirmation de l'acquittement, rester à charge de l'Etat (1). (Loi du 1er juin 1849, art. 3.)

(PROCUREUR DU ROI A HASSELT, C. NULENS J. ET C. ET ACHTEN.)

Arrêt conforme à la notice.

Du 11 janvier 1977. - 2° ch. - Prés. M. Wauters, conseiller faisant fonctions de président. - Rapp. M. Versée. -Concl. conf. M. Lenaerts, avocat géné­ral.

2• CH. - Il janvier 1977.

1 ° MOTIFS DES JUGEMENTS ET AR­R~TS. - MATIÈRE RÉPRESSIVE. ACTION PUBLIQUE. - DÉCLARATION DE

(1) Cass., 24 mai 1976 (Bull. et Pas., 1976, I, 1008) ; cons. cass., 28 juin 1976 (ibid., 1976, I, 1183).

(2) Cass., 30 novembre 1976, supra, p. 356. (3) Cass., 19 octobre 1976, supra, p. 213.

CULPABILITÉ. - FAITS QUALIFIÉS DANS LES TERMES DE LA LOI ET DÉCLARÉS ÉTA­BLIS. - POINT DE CONCLUSIONS. - DÉ­CISION RÉGULIÈREMENT MOTIVÉE.

2° RESPONSABILITÉ (HORS CON­TRAT). - RELATION DE CAUSE A EFFET ENTRE UNE FAUTE ET UN DOMMAGE. -APPRÉCIATION PAR LE JUGE DU FOND.

1 ° En l'absence de conclusions sur ce point, le juge motive régulièrement la déclaration de culpabilité du prévenu en constatant que les faits, qualifiés dans les termes de la loi, sont éta­blis (2). (Constit., art. 97 .)

2° Le juge du fond apprécie souveraine­ment, en fait, s'il existe ou non un lien de cause à effet entre une faute et un dommage (3). (Code civil, arti­cle 1382.)

(VAN CANNEGEM ET VAN MELKEBEKE, C. DE SMET.)

Arrêt conforme aux notices.

Du 11 janvier 1977. - 2• ch. - Prés. M. Wauters, conseiller faisant fonctions de président. - Rapp. M. Soetaert. -Concl. conf. M. Lenaerts, avocat géné­ral. - Pl. M. R. De Troyer (du barreau d'Audenarde).

3• CH. - 12 janvier 1977.

1° POURVOI EN CASSATION. - FIN DE NON-RECEVOIR. - MATIÈRE CIVILE. - FIN DE NON-RECEVOIR EXAMINÉE D'OFFICE PAR LA COUR. - CODE JUDI­CIAIRE, ARTICLE 1097, ALINÉA 3. -NOTION.

2° POURVOI EN CASSATION. - DÉ­LAI. - MATIÈRE CIVILE. - RECOURS EN CASSATION CONTRE UNE DÉCISION D'AVANT DIRE DROIT. - RECOURS OU­VERT APRÈS LA DÉCISION DÉFINITIVE. -CODE JUDICIAIRE, ARTICLE 1077. - DÉ­CISION D'AVANT DIRE DROIT. - NOTION.

1 ° Lorsque la Cour entend examiner d'office une fin de non-recevoir, elle

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COUR DE CASSATION 519

ordonne la remise de la cause (1). (Code judic., art. 1097, alinéa 3.)

2° Est irrecevable le pourvoi formé en matière civile, avant la décision défi­nitive, contre un arrêt qui, avant dire droit, ordonne une mesure d'instruc­tion, même s'il avait été indiqué de­vant le juge du fond qu'une des par­ties à l'égard desquelles il statue n'était pas à la cause (2). (Code judic., art. 19 et 1077.)

(SOCIÉTÉ COOPÉRATIVE « LA PRÉVOYANCE SOCIALE » ET CAISSE COMMUNE D' ASSU­

RANCES CONTRE LES ACCIDENTS DU TRA­VAIL « LA PRÉVOYANCE SOCIALE», C. CO­

MONTS.)

ARRÊT.

LA COUR ; - Vu l'arrêt attaqué, rendu le 2 octobre 1975 par la cour du travail de Liège ;

Sur la fin de non-recevoir examinée d'office, conformément à l'article 1097, alinéa 3, du Code judiciaire :

Attendu qu'il ressort des pièces de la procédure que, tant dans la citation in­troductive d'instance que dans son acte d'appel, le défendeur a qualifié la de­manderesse La Prévoyance sociale de société coopérative ;

Que l'arrêt reprend cette dénomina­tion dans l'indication des parties en cause;

(1) A l'audience du 8 décembre 1976, à laquelle la cause avait été originairement fixée, le président du siège fit connaître à l'avocat de la demanderesse, présent à la barre, que la Cour entendait examiner d'office si le pourvoi ne devait pas être dé­claré irrecevable par application de l'ar­ticle 1077 du Code judiciaire.

(2) Cons. cass., 4 avril 1975 et la note (Bull. et Pas., 1975, I, 769).

(3) Le ministère public avait conclu à la recevabilité du pourvoi et au fonde­ment de la première branche du moyen.

Suivant son interprétation, l'arrêt atta­qué contenait deux dispositifs ; l'un, non définitif, ordonnant une expertise, l'autre, définitif sur une question en litige, et donc susceptible, lui, d'un pourvoi immédiat.

« La Prévoyance sociale, caisse com­mune d'assurances contre les accidents du travail » et non la demanderesse - So­ciété coopérative La Prévoyance sociale -avait, à son estime, allégué, en conclusions,

Attendu, cependant, que les conclu­sions prises devant la cour du travail portent « pour La Prévoyance sociale, caisse commune d'assurances contre les accidents du travail», et indiquent que celle-ci est défenderesse originaire et intimée;

Attendu que l'arrêt ne contient au­cune décision sur l'identité des parties ;

Qu'après avoir déclaré l'appel rece­vable, décision contre laquelle aucun grief n'est formulé, l'arrêt se borne à ordonner une expertise ;

Que cette décision est d'avant dire droit;

Attendu qu'en vertu de l'article 1077 du Code judiciaire le recours en cassa­tion contre pareille décision n'est ou­vert qu'après le jugement définitif ;

Que le pourvoi n'est donc pas receva­ble;

Par ces motifs, rejette le pourvoi ; condamne la première demanderesse aux dépens.

Du 12 janvier 1977. - 3° ch. - Prés. M. Polet, conseiller faisant fonctions de président. - Rapp. M. Meeùs. Concl. contr. (3) M. Dumon, premier avocat général. - Pl. M. Houtekier.

devant le juge d'appel que c'était elle, et non la demanderesse, qui, contrairement à ce qui ressortait de l'acte d'appel, devait être à la cause en qualité d'intimée. L'arrêt attaqué ordonne néanmoins une mesure à l'égard de la demanderesse, décidant ainsi que c'était elle et non une autre personne morale qui était à la cause en qualité d'intimée. Le ministère public était d'avis que cette décision, contre laquelle la de­manderesse s'était pourvue, était défini­tive au sens de l'article 19 du Code judi­ciaire et que, dès lors, ce pourvoi était immédiatement recevable.

Examinant le moyen, il avait conclu à l'accueil de sa première branche, l'arrêt attaqué ayant violé la foi due aux con­clusions de la partie intimée en énonçant que celles-ci avaient été prises par la de­manderesse et non par la « Prévoyance sociale, caisse commune d'assurances con­tre les accidents du travail».

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520 JURISPRUDENCE DE BELGIQUE

3e CH. - 12 janvier 1977.

1 ° CONTRAT DE TRAVAIL. - EM­PLOYÉS. - CLAUSE STIPULANT QUE LE MARIAGE MET FIN AU CONTRAT. - LOIS COORDONNÉES RELATIVES AU CONTRAT D'EMPLOI, COMPLÉTÉES PAR CELLE DU 21 NOVEMBRE 1969, ARTICLE 2lbis. NULLITÉ. - DISPOSITION LÉGALE NE FAISANT AUCUNE DISTINCTION.

2° CONTRAT DE TRAVAIL. - EM­PLOYÉS. - MEMBRE DE L'ENSEIGNEMENT LIBRE. - CLAUSE DU CONTRAT STIPU­LANT QUE LE CONTRAT SERA RÉSILIÉ DE PLEIN DROIT ET SANS INDEMNITÉ LORS­QUE LEDIT MEMBRE SE TROUVE, EN RAI­SON D'UN MARIAGE OU D'UN REMARIAGE, DANS UNE SITUATION INCOMPATIBLE AVEC LES LOIS ET LA MORALE CONFESSION­NELLES AUXQUELLES ADHÈRE LEDIT EN­SEIGNEMENT LIBRE. - LOIS COORDON­NÉES RELATIVES AU CONTRAT D'EMPLOI, ARTICLE 2lbis. - NULLITÉ. - NOTION.

3° CONTRAT DE TRAVAIL. - EM­PLOYÉS. - MARIAGE DE L'EMPLOYÉ. -FAIT NE POUVANT LÉGALEMENT CONSTI­TUER, EN SOI, UN « MOTIF GRAVE» AU SENS DE L'ARTICLE 18 DES LOIS COOR­DONNÉES RELATIVES AU CONTRAT D'EM­PLOI, AUTORISANT L'EMPLOYEUR A MET­TRE IMMÉDIATEMENT FIN AU CONTRAT, SANS PRÉAVIS OU SANS INDEMNITÉ.

4° PREUVE. - PREUVE LITTÉRALE. -FOI DUE AUX ACTES. - NOTION.

5° MOTIFS DES JUGEMENTS ET AR­RiTS. - MOTIVATION DES JUGEMENTS ET ARRÊTS. - CONSTITUTION, ARTI­CLE 97. - NOTION.

1 ° Aux termes de l'article 21bis des lois relatives au contrat d'emploi coor­données le 20 juillet 1955, inséré dans ces lois par celle du 21 novembre 1969, sont nulles les clauses stipulant que, notamment, le mariage met fin au contrat; cette disposition légale impérative ne fait aucune distinction entre les clauses stipulant que le ma-

(1) et (2) Cass., 8 décembre 1976 et les conclusions du ministère public, supra, p. 394.

(3) Cons. les conclusions du ministère public citées à la note précédente et celles précédant le présent arrêt, publiées à la date de celui-ci dans Arr. cass., 1977.

riage de l'employé met fin au con­trat (1).

2° Le juge décide légalement, par ap­plication de l'article 21bis des lois relatives au contrat d'emploi, coor­données le 20 juillet 1955 et complé­tées notamment par la loi du 21 no­vembre 1969, qu'est nulle, en tant qu'elle vise le mariage ou le rema­riage de l'employé - spécialement un enseignant -, la clause du con­trat d'emploi stipulant que le con­trat est résilié de plein droit et sans indemnité « dès que le membre du personnel se trouve dans une situa­tion personnelle ou matrimoniale in­compatible avec les lois de la morale chrétienne ou violant gravement les lois de l'Eglise catholique ou dès qu'il défend des idées contraires à la doc­trine catholique » (2).

3° L'article 21bis des lois coordonnées relatives au contrat d'emploi dispo­sant de manière impérative que sont nuUes les clauses du contrat stipu­lant que le mariage de l'employé met fin au contrat, le mariage ne saurait constituer, en soi, un « motif grave» au sens de l'article 18 desdites lois coordonnées, autorisant l'employeur à mettre immédiatement fin au con­trat sans préavis ou sans indem­nité (3).

4° et 5° Le juge du fond ne saurait vio­ler ni la foi due aux conclusions ni la prescription de forme de l'arti­cle 97 de la Constitution par le seul fait qu'il considère que les conclu­sions d'une partie n'ont pas répondu de manière pertinente à un moyen invoqué devant lui par l'autre partie et ne l'ont pas non plus réfuté.

(ASSOCIATION SANS BUT LUCRATIF « SINT-CALASANZ INSTITUUT », C. DILLEN.)

ARRÊT (traduction).

LA COUR ; - Vu l'arrêt attaqué, rendu le 23 décembre 1974 par la cour du travail de Bruxelles ;

Sur le deuxième moyen, pris de la violation des articles 2lbis, inseré par la loi du 21 novembre 1969 dans les lois relatives au contrat d'emploi coor­données par l'arrêté royal du 20 juillet

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COUR DE CASSATION 521

1955, 1319, 1320 et 1322 du Code civil,

en ce que, après avoir à juste titre admis que peut être stipulée une con­dition résolutoire, confirmée dans un contrat de travail, que cette condi­tion résolutoire ne doit pas être de nature à constituer un motif grave au sens de l'article 18 des lois relatives au contrat d'emploi et enfin que le statut des éducateurs chrétiens et le règle­ment général du personnel des écoles primaires et gardiennes catholiques auxquelles se réfère le contrat de tra­vail conclu entre parties font indiscu­tablement partie de ce contrat et sont, dès lors, applicables, notamment la sti­pulation invoquée par l_a ?-emander~sse, à savoir l'article 31, almea 4, du regle­ment général, se trouvant sous la rubri­que « Résolution de l'engagement » et rédigé comme suit : « en application de l'article 2 du présent règlement, le con­trat d'engagement est résilié de plein droit et sans indemnité : 4. dès que le membre du personnel se trouve dans une situation personnelle ou matrimo­niale incompatible avec la loi morale chrétienne ou violant gravement les lois de l'Eglise catholique, ou dès qu'il défend des idées contraires à la doc­trine catholique », et après avoir aussi admis que cette clause doit être con­sidérée comme une convention régu­lière entre parties, l'arrêt décide toute­fois que « ladite clause est contraire à l'article 2lbis précité dans la mesure où elle aurait fait du mariage avec le sieur Van S. ou d'une certaine caté­gorie de mariages la réalisation de la condition résolutoire »,

alors que l'article 21bis inséré par la loi du 21 novembre 1969 dans les lois relatives au contrat d'emploi, coordon­nées par l'arrêté royal du 20 juillet 1955, ne vise pas le mariage par lequel un membre du personnel se met dans une situation personnelle ou matrimo­niale incompatible avec les lois morales chrétiennes ou violant gravement les lois de l'Eglise catholique :

Attendu que le moyen ne précise pas en quoi l'arrêt viole les dispositions citées du Code civil ;

Qu'à cet égard il est irrecevable ; Attendu que l'arrêt constate que le

10 juillet 1971 la défenderesse s'était mariée avec une personne divorcée et que par lettre recommandée du 12 juil­let 1971 la demanderesse avait informé

la défenderesse de la cessation immé­diate du contrat par application de l'ar­ticle 31, 1•r, 4, du « règlement génér~ du personnel ... », parce que la condi­tion résolutoire qui y était prévue était réalisée;

Attendu que l'article 21bis cité au moyen déclare nulles les clauses pré­voyant que le mariage du travailleur met fin au contrat ;

Attendu que cette prescription con­stitue une disposition légale impéra­tive ; que, par ailleurs, cette dispositi?n ne fait aucune distinction entre les dif­férentes clauses stipulant que le ma­riage de l'employé met fin au contrat ;

Que l'article 21bis a, dès lors, une portée générale ;

Attendu que l'arrêt décide légalement que la clause invoquée par la deman­deresse pour mettre immédiatement fin au contrat « est contraire à l'arti­cle 21bis, précité dans la mesure où elle aurait fait du mariage avec le sieur Van S... ou d'une certaine catégorie de mariages la réalisation de la con­dition résolutoire » ;

Que sur ce dernier point le moyen manque en droit ;

Sur le troisième moyen, pris de la violation des articles 18 des lois rela­tives au contrat d'emploi, coordonnées par l'arrêté royal du 20 juillet 1955 et modifiées par la loi du 21 novembre 1969, 8, 9, 12 de la Convention de sau­vegarde des droits de l'homme du 4 no­vembre 1950, approuvée par la loi du 13 mai 1955, et 97 de la Constitution,

en ce que, en réponse à l'argumen­tation de la demanderesse qu'en tout cas la situation dans laquelle la dé­fenderesse s'est placée doit être consi­dérée comme une faute grave et que dans le fond et la forme les disposi­tions légales ont été observées en l'es­pèce, l'arrêt considère que cette situa­tion doit être appréciée tant d'après la ,nature particulière de la convention précisée ci-dessus qu'à la lumière des articles 8, 9 et 12 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 et approuvée par la loi du 13 mai 1955 ; que ces dis­positions garantissent le droit de cha­cun au respect de sa vie privée et matrimoniale, le droit de changer de conviction et le droit de se marier selon les lois nationales ; que l'exercice de

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522 JURISPRUDENCE DE BELGIQUE

ces libertés et droits fondamentaux ne peut en soi constituer ni une faute ou un abus, ni un motif grave permettant de mettre fin au contrat sans préavis ou sans indemnité ; qu'il est vrai que la défenderesse est tenue, ensuite de la na­ture propre du contrat, au respect des convictions de la demanderesse, comme la demanderesse doit respecter aussi celles de la défenderesse, afin que ni l'enseignement chrétien donné à des en­fants chrétiens ni les libertés et droits fondamentaux de l'homme ne soient compromis,

alors que l'article 18 des lois relatives au contrat d'emploi autorisait la de­manderesse à mettre fin au contrat pour motifs graves et qu'il faut con­sidérer comme une faute grave que, contrairement à l'engagement contracté par elle, la défenderesse s'est placée dans une situation matrimoniale in­compatible avec la loi moi-ale chré­tienne et violant gravement les lois de l'Eglise catholique ; que ni l'article 8, ni l'article 9, ni l'article 12 de la Con­vention de sauvegarde des droits de l'homme du 4 novembre 1950, approu­vée par la loi du 13 mai 1955, n'ont été violés par la libre acceptation de l'obli­gation de ne pas se placer dans une si­tuation personnelle ou matrimoniale in­compatible avec la loi morale chrétienne ou violant gravement les lois de l'Eglise catholique ;

Attendu que, dès lors qu'une dispo­sition légale impérative déclare nulles les clauses stipulant que le mariage de l'employé met fin au contrat, le ma­riage ne peut nécessairement consti­tuer, en soi, un « motif grave» au sens de l'article 18 des lois relatives au con­trat d'emploi, qui autoriserait l'em­ployeur à mettre immédiatement fin au contrat sans préavis ou sans indem­nité;

Que le moyen ne peut être accueilli ;

Sur le premier moyen, pris de la vio­lation des articles 1319, 1320, 1322 du Code civil et 97 de la Constitution,

en ce que, première branche, l'arrêt admet « que la condition résolutoire li­tigieuse n'a pas été imposée par le pou­voir organisateur, seul habilité d'après le statut », et « que les conditions de validité de la condition résolutoire pré­vues dans le statut n'ont pas été prises en considération »,

alors que il a été expressément sti-

pulé, dans une convention conclue en­tre parties le 1er septembre 1953 que la défenderesse déclare avoir pris connais­sance du « règlement général des écoles catholiques de l'archevêché de Mali­nes» et dans l'annexe du 1or septembre 1966, à l'article 1"' : « Madame Bruy­ninckx Bertha, Nonnestraat, 21, à Nijlen, agissant en sa qualité de repré­sentante du pouvoir organisateur de l'école gardienne libre subventionnée située à Nijlen, Broechemsesteenweg, et Mademoiselle Dillen Julia ont pris connaissance du statut relatif à la stabilité de l'emploi et au régime disci­plinaire du personnel enseignant et administratif laïque subventionné des établissements d'enseignement libre sub­ventionné, fixés le 24 mars 1965 par la commission paritaire nationale supé­rieure de l'enseignement libre subven­tionné», et à l'article 2 : « Dillen Julia reconnaît avoir reçu un exemplaire de la brochure « Responsabilités et sta-­tut des éducateurs chrétiens » et déclare accepter les conditions et obligations im­posées dans ces documents »,

et en ce que, seconde branche, l'arrêt considère que la demanderesse n'aurait pas réfuté le moyen qui faisait valoir que la condition résolutoire litigieuse n'a pas été imposée par le pouvoir or­ganisateur, seul habilité par le statut, et n'aurait même pas répondu à ce moyen,

alors que la demanderesse soutenait en conclusions que « c'est à tort (et sans que le moyen ne soit soulevé et sans que les débats ne soient rouverts) que le premier juge décide que le rè­glement général n'est pas un acte du pouvoir organisateur et ne peut en soi fixer des conditions et des obligations à l'égard des parties en cause » et y ajoutait « que ce raisonnement va à l'en­contre des conceptions les plus élémen­taires et les plus généralement admises dans le droit des obligations, que les parties ont écrit et signé en l'espèce qu'elles acceptaient les conditions (et donc aussi la condition résolutoire) et les obligations mentionnées dans la brochure (dénommée documents) et, dès lors, le statut et le règlement, que cela ne peut avoir qu'une seule signi­fication, à savoir que les parties con­sidèrent ces conditions comme étant re­prises dans leur propre contrat » :

Quant à la première branche : Attendu qu'en cette branche le

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COUR DE CASSATION 523

moyen ne précise ni quels sont l'acte ou les actes dont la foi aurait été vio­lée ni en quoi consisterait la violation de l'article 97 de la Constitution ;

Qu'en cette branche le moyen est ir­recevable;

Quant à la seconde branche : Attendu que le juge ne viole ni la

foi due aux conclusions ni la prescrip­tion de forme de l'article 97 de la Con­stitution par le seul fait qu'il considère que des conclusions n'ont pas répondu de manière pertinente à un moyen sou­levé devant lui et ne l'ont pas non plus réfuté;

Qu'en cette branche le moyen ne peut être accueilli ;

Par ces motifs, rejette le pourvoi ; condamne la demanderesse aux dépens.

Du 12 janvier 1977. - 3° ch. - Prés. M. Naulaerts, conseiller faisant fonc­tions de président. - Rapp. M. Van Leckwijck. - Concl. conf. (1) M. Du­mon, premier avocat général. - Pl. MM. De Baeck et Bützler.

1'° CH. - 13 janvier 1977.

1 ° LOUAGE DE CHOSES. - BAUX A FERME. - RESTITUTION DES FERMAGES DÉPASSANT LE COEFFICIENT AUTORISÉ PAR L'ARTICLE p,r DE LA LOI DU 26 JUIL­LET 1952 LIMITANT LES FERMAGES. -LIMITATION AUX FERMAGES ÉCHUS ET PAYÉS DES CINQ ANNÉES QUI PRÉCÈDENT LA DEMANDE. - LIMITATION NON APPLI­CABLE A L'ACTION EN RESTITUTION FON­DÉE SUR UNE FRAUDE A LA LOI COMMISE DANS L'INTENTION D'ÉLUDER LES DISPO­SITIONS DE LA LOI DU 26 JUILLET 1952.

2° LOIS ET ARR~TÉS. - LOIS DES

(I) Les conclusions du ministère public ont été publiées, à la date de l'arrêt, dans Arr. cass., 1977.

(2) Cons. le rapport complémentaire des commissions réunies de la justice et de l'agriculture, Doc. Sénat, 1959-1960, séance du 17 décembre 1959; cons. aussi cass., 6 décembre 1956 (Bull. et Pas., 1957, I, 361), et 8 décembre 1966 (ibid., 1967, I, 434) et les conclusions de M. le procureur géné-

26 JUILLET 1952 ET 20 JANVIER 1961 LIMITANT LES FERMAGES, - LOIS IM­PÉRATIVES.

3° ORDRE PUBLIC. - LOIS DES 26 JUILLET 1952 ET 20 JANVIER 1961 LIMITANT LES FERMAGES. LOIS N'ÉTANT PAS D'ORDRE PUBLIC.

1 ° Dans la mesure où ils dépassent le coefficient prévu à l'article 1101' de la loi du 26 juillet 1952 limitant les fer­mages, ces derniers doivent être res­titués au preneur, à sa demande ; la limitat~on de cette restitution aux fermages échus et payés des cinq a~ nées qui précèdent la demande n'est pas applicable à la demande en res­titution fondée sur une fraude à la loi commise dans l'intention d'éluder les dispositions de la loi du 26 juillet 1952 (2).

2° et 3° Les lois des 26 juillet 1952 et 20 janvier 1961 limitant les fermages ne sont pas d'ordre public mais sont impératives (3).

(LAMORT ET TOMC, C. MINET ET JACQUES.)

ARRÊT,

LA COUR ; - Vu le jugement atta­qué, rendu le 1•r juillet 1975 par le tri­bunal de première instance de Charle­roi, statuant en degré d'appel ;

Sur le premier moyen, pris de la violation des articles 3, spécialement alinéa 3, de la loi du 26 juillet 1952 limitant les fermages (remplacé par l'article 1•r de la loi du 20 janvier 1961), 2, § 2, contenu dans l'article III, et IV, 5°, de la loi du 4 novembre 1969 modi­fiant la législation sur le bail à ferme, 1131, 1235 et 1376 du Code civil,

en ce que, statuant sur la demande en restitution de fermages et d'un « cha­peau », introduite par les défendeurs contre les demandeurs le 14 juillet

ral Hayoit de Termicourt précédant ces deux arrêts ; cass., 24 septembre 1976, supra, p. 101; Les Novelles, Droit civil, t. IV, Théorie générale des obligations, n° 1258.

(3) Cons. cass., 25 mai 1956 (Bull. et Pas., 1956, 1, 1023) et 27 juin 1975 (ibid., 1975, 1, 1049) ; DE PAGE, Traité élémentaire de droit civil belge, t. l•r, n° 91bis, et t. IV, n° 802.

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524 JURISPRUDENCE DE BELGIQUE

1972, le jugement, après avoir déclaré « que, si la preuve est apportée d'une contre-lettre illicite au bail ostensible, contre-lettre qui peut être verbale, consistant en l'exigence et le verse­ment d'un «chapeau» de 700.000 fr. et d'un supplément de fermage de 868.000 francs simultanément avec le bail authentique avenu le 21 avril 1966, la nullité de l'obligation devra être prononcée (article 1131 du Code civil) et seront sujettes à répétition les som­mes versées indûment (articles 1376 et 1235 du Code civil) », dit fondé l'appel des défendeurs, qui avaient été déboutés de leur demande par le premier juge, « en ce qu'il tend, sur pied des arti­cles 1131 et 1376 du Code civil, à ad­mettre la preuve du fait ci-après li­bellé», et autorise avant dire droit les défendeurs à prouver, par toutes voies de droit, témoins compris, que préala­blement à la conclusion du bail du 26 avril 1966 (lire 21 avril 1966) et avant toute signature, les bailleurs ont exigé et obtenu des preneurs le payement d'une somme totale de 1.568.000 fr. cor­respondant, d'une part, à une somme de 700.000 fr. due à titre de « chapeau» et, d'autre part, à une somme de 868.000 fr. constituant le payement en une seule fois et escompté d'un supplément de fermage annuel de 1.000 francs par hectare et 25.000 francs pour les bâti­ments, calculé sur la durée du bail, soit 18 années »,

alors que, selon l'article 3, alinéa 3, de la loi du 26 juillet 1952, remplacé par l'article 1•r de la loi du 20 janvier 1961 et resté d'application en vertu des articles 2, § 2, contenu dans l'article III, et IV, 5°, de la loi du 4 novembre 1969, la restitution des fermages dans la me­sure où ceux-ci dépassent le coefficient autorisé ne s'applique qu'aux fermages échus et payés des cinq dernières an­nées qui précèdent la demande ; d'où il suit que, la demande ayant été intro­duite le 14 juillet 1972, le tribunal ne pouvait décider que l'ensemble des­dits versements, prétendument faits le 21 avril 1966, serait sujet à répétition ou à restitution en vertu des articles ci­dessus cités du Code civil, si la preuve autorisée était apportée :

Attendu que l'article 3, alinéa 3, de la loi du 26 juillet 1952 limitant les fermages, modifié par la loi du 20 jan­vier 1961, disposait que : « Dans la mesure où ils dépassent le coefficient

prévu à l'article 1er, les fermages doi­vent être restitués au preneur, à sa de­mande. Cette restitution ne s'applique, toutefois, qu'aux fermages échus et payés des cinq années qui précèdent la demande, à l'exclusion de ceux qui ont été payés avant le 1"' janvier 1959 »;

Attendu que, après avoir précisé la portée de cette disposition, le rapport complémentaire fait au nom des com­missions réunies de la justice et de l'agri­culture du Sénat, le 17 décembre 1959, énonce : « Il n'est pas douteux que les règles de droit commun en matière de payement sans cause et de restitution de l'indû restent d'application et pour­raient être invoquées à l'appui d'une demande en restitution de tout paye­ment de fermage sous forme déguisée en vue d'éluder les dispositions de la loi du 26 juillet 1952, qui sont impérati­ves»;

Attendu que la volonté des commis­sions réunies du Sénat, telle qu'elle res­sort de ce texte, n'a pas été contredite au cours des travaux préparatoires ultérieurs; qu'il apparaît ainsi que le législateur a voulu que la disposition limitant à cinq années l'action en resti­tution qu'elle prévoit ne soit pas appli­cable à l'action en restitution fondée sur une fraude à la loi commise dans l'intention d'éluder les dispositions de la loi du 26 juillet 1952, qui sont impé­ratives;

Attendu que, dès lors, en décidant que, si la fraude à la loi est prouvée, les fermages payés indûment seront su­jets à répétition, sans limiter cette ré­pétition au délai de cinq années prévu par l'article 3, alinéa 3, de la loi du 26 juillet 1952, modifié par la loi du 20 janvier 1961, le jugement n'a pas violé cette disposition ;

Que le moyen manque en droit ;

Par ces motifs, rejette le pourvoi ; condamne les demandeurs aux dépens.

Du 13 janvier 1977. - ir• ch. - Prés. M. Perrichon, conseiller faisant fonc­tions de président. - Rapp. M. Capelle. - Concl. conf. M. Ballet, avocat géné­ral. - PL MM. Fally et Bayart.

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COUR DE CASSATION 525

ir• CH. - 13 janvier 1977.

1 ° LOUAGE DE CHOSES. - BAUX A FERME. - CONGÉ DONNÉ PAR LE BAIL­LEUR EN VUE D'EXPLOITER PERSONNEL­LEMENT LE BIEN. - CONSTATATION DE LA DÉCISION IMPLIQUANT QUE L'INTEN­TION MANIFESTÉE PAR LE BAILLEUR MAN­QUE DE SÉRIEUX. - DÉCISION DISANT LE CONGÉ NON VALABLE. - LÉGALITÉ.

2° MOTIFS DES JUGEMENTS ET AR­Ri!:TS. - MATIÈRE CIVILE. - CONCLU­SIONS. - MOYEN DEVENU SANS PERTI­NENCE EN RAISON D'UNE CONSTATATION DU JUGE. - POINT D'OBLIGATION POUR LE JUGE DE RÉPONDRE A CE MOYEN.

1 ° Est légale la décision refusant la validation d'un congé donné par le bailleur d'un bien rural en vue d'ex­ploiter personnellement ce bien, qui se fonde sur des constatations d'où le juge du fond à pu déduire que l'intention manifestée par le bailleur d'affecter le bien à une exploitation lucrative personnelle manque de sé­rieux (1).

2° Le juge n'est pas tenu de répondre à un moyen énoncé dans des conclu­sions, lorsque ce moyen est devenu sans pertinence en raison d'une con­statation de sa décision (2).

(WATRY ET SCHOUWEILER, C. CONTER ET WANTZ.)

ARRÊ!T.

LA COUR ; - Vu le jugement atta­qué, rendu le 16 décembre 1975 par le tribunal de première instance d'Arlon statuant en degré d'appel ; '

Sur le moyen pris de la violation des articles 1•r, 7, spécialement 1 °, 8, 9, 10 de la section III du livre III, ti­tre VIII, chapitre II, du Code civil, inti­tulée « Des règles particulières aux baux à ferme», telle que modifiée par la loi du 4 novembre 1969 modifiant la législation sur le bail à ferme et sur le droit de préemption en faveur des

(1) Cons. cass., 19 avril 1974 (Bull. et Pas., 1974, 1, 838), 11 décembre 1975 (ibid 1976, 1, 453), 1•r et 15 octobre 1976, suprd; p. 137 et 201.

(2) Cass., 17 décembre 1975 (Bull. et Pas., 1976, 1, 468).

' preneurs de biens ruraux, 1134, 1762 du Code civil et 97 de la Constitution,

en ce que le jugement attaqué, réfor­mant la décision dont appel, dit non valable le congé signifié par les deman­deurs aux défendeurs le 8 mai 1973 sur la base de l'article 7, 1 °, contenu dans l'article I•r de la loi du 4 novembre 1969 sur le bail à ferme, sans même examiner le caractère sérieux et sin­cère de la justification invoquée, en l'espèce l'exploitation personnelle, en se fondant uniquement sur ce que celle-ci serait impossible à réaliser, aux deux motifs indissociables « que l'éten­due du bien loué ne permet d'entrete­nir qu'un maigre cheptel d'ovins et que le travail des époux Watry à Luxem­bourg ne leur rend guère possible la surveillance et les soins nécessaires à un tel troupeau» ; qu'en effet « si l'étendue de la parcelle ( ... ) ne p~rmet pas à elle seule une véritable exploita­tion agricole à but lucratif et que cette parcelle n'est pas jointe à d'autres per­mettant une telle exploitation la loi n'autorise pas la validation dt_{ congé, surtout si en fait le bailleur ne prouve pas qu'il est à même d'assurer cette exploitation »,

alors que, première branche, ni l'arti­cle 7, 1 °, ni l'article 9, ni aucune autre disposition contenue dans l'article I•r de la loi sur le bail à ferme n'auto­rise à déduire le caractère inexploita­ble d'un bien loué de son étendue · qu'au contraire il ressort des travaux'. préparatoires de ladite loi que le ré­gime du bail à ferme est indépendant de l'étendue du bien loué et que seule importe l'affectation agricole de celui­ci, l'exploitation pouvant d'ailleurs être exercée à titre principal comme à titre d'appoint, mais uniquement être con­duite dans un esprit de lucre · que l'activité exercée à titre d'appoi~t ne d<;>it pa~, pour être légalement proté­gee, presenter un caractère objective­ment viable mais seulement être con­d~ite dans u1; esprit de lucre, et que, des lors, en disant le congé non valable parce que l'étendue de la parcelle ne permet pas à elle seule une véritable exploitation agricole, le jugement a méconnu la notion légale d'exploitation personnelle du bien loué (violation de toutes les dispositions visées au moyen);

deuxième branche, le jugement con-

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526 JURISPRUDENCE DE BELGIQUE

state, d'une part, que « l'étendue de la parcelle contestée ne permet pas, à elle seule, une véritable exploitation agri­cole » et, d'autre part, que cette éten­due « ne permet d'entretenir qu'un maigre cheptel d'ovins », que ces con­statations sont contradictoires ou, à tout le moins, ambiguës dans la mesure où elles ne permettent pas de discerner si le jugement considère que le cheptel d'ovins susceptible d'être entretenu sur la parcelle peut ou non constituer l'ex­ploitation personnelle requise par la loi ; d'où il suit que le jugement n'est pas régulièrement motivé (violation de l'article 97 de la Constitution) ;

troisième branche, les demandeurs faisaient valoir dans leurs conclusions d'appel qu'ils « sont propriétaires de la maison jouxtant la parcelle litigieuse d'une contenance de plus ou moins 70 ares et vont y transférer leur domi­cile ou résidence principale dès que les travaux de réfection seront terminés », que, pour que le congé soit légalement validé, il suffit qu'il soit constaté par le juge du fond qu'au moment où il statue les éléments de fait établissant la réalité du motif invoqué sont réunis, et que, dès lors, en se limitant à con­tredire un aspect de la thèse des de­mandeurs suivant laquelle leurs em­plois et leur domicile à Luxembourg leur permettaient de surveiller une ex­ploitation à Hondelange, le jugement ne donne aucune réponse adéquate à la défense susdite et n'est pas régulière­ment motivé (violation de toutes les dispositions visées au moyen et plus spécialement de l'article 97 de la Con­stitution) :

Quant aux première et deuxième branches:

Attendu que, d'une part, le juge­ment relève à bon droit que, en vertu de l'article 9 contenu dans l'article I•' de la loi du 4 novembre 1969 établis­sant les règles particulières aux baux à ferme, la justification du congé donné par les demandeurs ne peut être que l'intention d'exploiter personnellement le bien loué ;

Que, d'autre part, à l'appui de sa décision le jugement constate que la parcelle litigieuse ne permettrait que l'exploitation d'un maigre cheptel ovin et que les demandeurs sont « occupés à Luxembourg, le mari comme chef de

chantier à Luxelec, l'épouse comme concierge à l'ambassade de Belgique », ce qui implique que, dans l'opinion sou­veraine du juge, l'intention manifestée par les demandeurs d'affecter le bien à une exploitation lucrative manque de sérieux;

Attendu que ces motifs, par ailleurs exempts de contradiction et d'ambi­guïté, suffisent à justifier légalement la décision attaquée;

Quant à la troisième branche : Attendu que, en constatant que les

demandeurs ont à Luxembourg les oc­cupations précisées dans la réponse aux deux premières branches du moyen, le jugement constate de manière impli­cite mais certaine que, lors même qu'ils fixeraient « leur domicile ou résidence principale » dans l'habitation leur ap­partenant, jouxtant la parcelle, les de­mandeurs ne pourraient exploiter per­sonnellement le bien, faute de pouvoir donner les soins nécessaires au cheptel et exercer la surveillance de l'exploita­tion, en raison de leurs absences à Luxembourg ;

Que, partant, le juge n'était pas tenu de répondre spécialement aux conclu­sions invoquées dans le moyen ;

Qu'en aucune de ses branches le moyen ne peut être accueilli ;

Par ces motifs, rejette le pourvoi ; condamne les demandeurs aux dépens.

Du 13 janvier 1977. - F 0 ch. - Prés. M. Perrichon, conseiller faisant fonc­tions de président. - Rapp. M. Capelle. - Concl. conf. M. Ballet, avocat géné­ral. - PL MM. L. Simont et Bayart.

1re CH. - 14 janvier 1977.

CONVENTION. CONVENTION VER-BALE. - CONVENTION COMPRENANT PLU­SIEURS POINTS. - NUMÉROTATION DES­

DITS POINTS. - NUMÉROTATION NON INCONCILIABLE AVEC LE CARACTÈRE VER­BAL DE LA CONVENTION.

Une convention verbale peut compren­dre plusieurs points et ces pointi:

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COUR DE CASSATION 527

peuvent faire l'objet d'une numéro­tation.

(VAN NIEUWENHUYZE, C. BAERT ET FARCY.)

ARRÊT (traduction).

LA COUR ; - Vu le jugement atta­qué, rendu le 8 octobre 1975 par le tri­bunal de première instance de Bruges, statuant en degré d'appel ;

Sur le premier moyen, pris de la vio­lation des articles 1322, 1714, 1717 du Code civil, 10 contenu dans la loi du 10 avril 1951 sur les baux commerciaux, en vue de la protection du fonds de commerce, formant la section !Ibis du chapitre II du titre VIII du livre III du même code, et 97 de la Constitution,

en ce que le jugement déclare nulle la cession de bail faite par la deman­deresse au défendeur, prononce à charge de la demanderesse la résilia­tion du bail conclu entre elle et la dé­fenderesse, propriétaire, condamne la demanderesse à payer à la défende­resse la somme de 24.000 francs et au défendeur la somme de 300.000 francs et ordonne une visite des lieux pour fixer à charge de la demanderesse les dégâts locatifs, aux motifs qu'il ressort de la convention de bail conclue verba­lement le 1er novembre 1970 que la dé­fenderesse avait donné en location à la demanderesse le café « Palermo », situé à Ruddervoorde, « Kortrijkse steen­weg », 41, moyennant un loyer mensuel de 8.000 francs et qu'en vertu de l'arti­cle 7 de cette convention il est interdit de sous-louer et de céder le bail, si ce n'est dans le cas et de la manière prévus à l'article 10 de la législation sur les baux commerciaux,

alors que, première branche, les mo­tifs du jugement, qui, d'une part, font état d'une convention de bail conclue verbalement et, d'autre part, renvoient à l'article 7 de cette convention, sont obscurs et ambigus ; que la subdivision d'une convention en articles suppose en effet un écrit ; que la régularité de la décision ne peut, dès lors, être exami­née (violation des articles 97 de la Constitution, 1322 et 1714 du Code ci­vil) ;

seconde branche, il est, dès lors, im­possible de constater si la demande-

resse était ou non tenue par l'inter­diction de sous-location et de cession de bail, objet de l'article 7 écrit de la convention de bail conclue verbale­ment (violation des articles 1717 du Code civil, 10 contenu dans la loi du 30 avril 1951 et 97 de la Constitution) :

Attendu que même une convention verbale peut comprendre plusieurs points et que ces points peuvent faire l'objet d'une numérotation ;

Attendu que le jugement dont appel, qui à cet égard n'a été attaqué par la demanderesse ni dans sa requête d'ap­pel ni dans ses conclusions, constate que la convention a été conclue verba­lement entre la demanderesse et la dé­fenderesse et stipule, sous le numéro 7, ce qui suit : « Il est interdit de sous­louer et de céder le bail autrement que dans le cas et de la manière prévus à l'article 10 de la loi sur les baux com­merciaux»;

Attendu que, même s'il fait mention de « l'article 7 » de la convention, en vertu duquel « il est interdit de sous­louer et de céder le bail autrement que dans le cas et de la manière prévus à l'article 10 de la législation sur les baux commerciaux », le jugement atta­qué vise ainsi clairement le point 7 précité et non contesté de la conven­tion;

Que ce motif, qui n'est ni obscur ni ambigu, indique en outre que, dans l'opinion du juge, la demanderesse était tenue de respecter la stipulation précitée ; que le moyen manque en fait;

Par ces motifs, rejette le pourvoi ; condamne la demanderesse aux dépens.

Du 14 janvier 1977. - F 0 ch. - Prés. M. de Vreese, conseiller faisant fonc­tions de président. - Rapp. M. Châtel. - Concl. conf. M. Charles, avocat gé­néral. - Pl. M. Houtekier.

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528 JURISPRUDENCE DE BELGIQUE

ir• CH. - 14 janvier 1977.

PREUVE. - PREUVE LITTÉRALE. - FOI DUE AUX ACTES. - MATIÈRE CIVILE. -TESTAMENTS. - INTERPRÉTATION PAR LE JUGE D'UNE DISPOSITION TESTAMEN­TAIRE LITIGIEUSE. - INTERPRÉTATION MOTIVÉE ET COMPATIBLE AVEC LES TER­MES DE L'ACTE. - POINT DE VIOLATION DE LA FOI DUE AUX ACTES.

Ne viole pas la foi due à une disposi­tion testamentaire le juge du fond qui pour attribuer au testament son eff~t légal, prend en considération le texte intégral de cette disposition, sans addition ni omission, en corri­geant uniquement l'erreur matérielle relative à la ponctuation séparant les deux membres de phrase constituant la disposition, le second membre pré­cisant le premier (1).

(VAN REYBROUCK ET CONSORTS, C. DEBAENE E. ET H.)

ARRÊT (traduction).

LA COUR ; - Vu l'arrêt attaqué, rendu le 30 juin 1975 par la cour d'ap­pel d'Anvers ;

Sur le moyen pris de la violation des articles 967, 1039, 1044, 1045, 1157, 1319, 1320, 1322, 1349, 1350, 1352, 1353 du Code civil et 97 de la Constitution,

en ce que l'arrêt déclare non fondée la demande des demandeurs tendant à faire reconnaître leur qualité de léga­taires universels de feu Rosalie Ver­daet, aux motifs : que le texte litigieux du testament de la de cujus énonce ce qui suit : « ... pour le reste, mes autres biens iront à la famille Debaene. Frères et sœurs de mon époux décédé, Jules Franciscus Debaene ... » ; que, lorsque des termes plus et moins généraux se succèdent, les derniers doivent être con­sidérés, grammaticalement et d'après l'usage commun, comme une définition supplémentaire et, dès lors, comme une restriction des premiers, tandis qu'en l'espèce il est sans intérêt de savoir si les uns et les autres sont séparés erro-

(1) Cons. cass., 30 novembre 1972 (Bull. et Pas., 1973, I, 309).

nément par un point au lieu d'une virgule ; que cette succession d~s~its termes loin de créer une contrad1ct10n entre ~ux constitue une explication ou une précision ; que ce texte est, dès lors clair en lui-même, ne requiert au­cun~ interprétation et ne peut être compris que signifiant : la famille De­baene, limitée aux frères et sœurs de mon époux décédé ; que les intentions tacites que les demandeurs attribuent à la de cujus ne sont pas de nature à justifier des ajoutés à la volonté clai­rement exprimée ; que le texte compris dans son sens littéral doit être appré­cié en fonction des circonstances exis­tant au moment de sa rédaction et qu'à ce moment il y avait des sœurs en vie ; que le fait qu'après le décès de ses sœurs Clara, Mathilde et Bertha la testatrice n'ait pas modifié son testa­ment où figure le mot « sœurs » peut aussi bien confirmer qu'elle entendait par là que la disposition de l'arti­cle 1039 du Code civil sortît ses effets,

alors que, première branche, l'arrêt, d'une part, considère que le texte est en lui-même clair et ne requiert au­cune interprétation, et, d'autre part, at­tribue au point entre « Debaene » et « Frères » la valeur d'une virgule et fait appel à la règle grammaticale re­lative aux dispositions supplémentaires pour donner aux termes « frères et sœurs » une signification restrictive ; que ces motifs sont contradictoires et ambigus (violation de l'article 97 de la Constitution) ;

deuxième branche, sous prétexte de la clarté du testament l'arrêt, en réa­lité, y attache une signification littérale obtenue par l'interprétation grammati­cale et celle des signes de ponctuation et fait prévaloir cette signification sur l'interprétation des intentions réelles de la testatrice, proposée par les deman­deurs et fondée sur des éléments qui ont précédé, accompagné ou suivi le testament, dont ils ont offert d'apporter la preuve, offre qui fut rejetée_ à tort en raison du texte prétendument clair du testament (violation des articles 967, 1039 1044, 1045, 1157, 1319, 1320, 1322, 1349: 1350, 1352, 1353 du Code civil) ;

troisième branche, les motifs contra­dictoires et les raisonnements ambigus de l'arrêt relatifs à l'interprétation du testament ne permettent pas de vérifier si les intentions de la testatrice, telles

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COUR DE CASSATION 529

qu'elles sont interprétées par l'arrêt, correspondent à ses intentions réelles (violation des articles 97 de la Con­stitution, 967, 1319, 1320 et 1322 du Code civil) :

Attendu que la disposition litigieuse du testament énonce ce qui suit « Pour le reste, mes autres biens iront à la famille Debaene. Frère et sœurs de mon époux décédé, Jules Franciscus Debaene »;

Attendu qu'après avoir considéré que « lorsque des termes plus généraux et moins généraux se succèdent, les der­niers doivent être entendus, gramma­ticalement et d'après l'usage commun, comme une définition supplémentaire et, dès lors, comme une restriction des premiers» et « qu'il est sans intérêt en l'espèce de savoir si les uns et les au­tres », c'est-à-dire les termes successifs, « sont séparés erronément par un point au lieu d'une virgule», l'arrêt en dé­duit « que, loin de créer une contra­diction entre eux, cette succession con­stitue une explication ou une préci­sion», de sorte que le texte litigieux est en lui-même clair, ne requiert au­cune interprétation et ne peut être compris que signifiant : la famille De­baene, limitée aux frère et sœurs de l'époux décédé de la testatrice» ;

Attendu que, pour considérer qu'il est sans intérêt de savoir si les parties de phrase sont séparées par un point ou une virgule, l'arrêt examine la dis­position testamentaire litigieuse dans son ensemble, sans addition ni omis­sion, mais uniquement en corrigeant l'erreur matérielle relative à la ponc­tuation employée ; qu'il a pu considé­rer, dès lors, sans contradiction ni ambiguïté, que la disposition est en elle-même claire et ne requiert aucune interprétation ;

Attendu que, pour attribuer au testa­ment son effet légal, l'arrêt prend en considération le texte intégral de la dis­position testamentaire litigieuse, c'est­à-dire tant le premier que le second membre de phrase, celui-ci précisant celui-là, et rejette l'interprétation invo­quée par les demandeurs, en la décla­rant, étant donné la clarté de l'inté­gralité du texte, inconciliable avec ce­lui-ci ;

Qu'il justifie ainsi légalement sa dé­cision, sans violer les ·dispositions léga­les invoquées au moyen ;

Attendu que, puisqu'il ressort de ce

qui précède qu'il ne se fonde sur des motifs ni contradictoires ni ambigus et qu'il ne donne pas du testament une interprétation inconciliable avec ses termes, l'arrêt attribue à l'intention réelle de la testatrice tous ses effets ;

Que le moyen ne peut être accueilli ;

Par ces motifs, rejette le pourvoi ; condamne les demandeurs aux dépens.

Du 14 janvier 1977. - F• ch. - Prés. M. de Vreese, conseiller faisant fonc­tions de président. - Rapp. M. Van Leckwijck. - Cond. conf. M. Charles, avocat général. - Pl. MM. Houtekier et Bützler.

2• CH. - 17 janvier 1977.

1 ° RECEL. - CONNAISSANCE DE L'ORI­GINE ILLICITE DE L'OBJET. - APPRÉ­CIATION PAR LE JUGE DU FOND.

2° RESPONSABILITÉ (HORS CON­TRAT). - ETENDUE DU DOMMAGE. -MONTANT DE L'INDEMNITÉ. - APPRÉ­CIATION PAR LE JUGE DU FOND.

1 ° Le juge du fond apprécie souve­rainement, en fait, si le prévenu, poursuivi du chef de recel, avait, au moment où il a reçu l'objet obtenu à l'aide d'un crime ou d'un délit commis par un tiers, connaissance de l'origine illicite de cet objet (1). (Code pénal, art. 505.)

2° Le juge du fond apprécie souve­rainement, en fait, l'étendue du dommage causé par un fait illicite et le montant de l'indemnité destinée à le réparer intégralement (2). (Code civil, art. 1382 et 1383.)

(1) Cons. cass., 3 novembre 1975 (Bull. et Pas., 1976, I, 283) et 21 décembre 1976, et la note 1, signée E.K., supra, p. 448.

(2) Cass.. 1er juin 1976 (Bull. et Pas., 1976, I, 1046).

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530 JURISPRUDENCE DE BELGIQUE

(HENSMANS A. ET R., C. SOCIÉTÉ DE PER-SONNES A RESPONSABILITÉ LIMITÉE « BRASSERIE HAELTERMAN ».)

Arrêt conforme aux notices.

Du 17 janvier 1977. - 2° ch. - Prés. Baron Richard, conseiller faisant fonc­tions de président. - Rapp. Baron Vin­çotte. - Concl. conf. M. Velu, avocat général. - Pl. M. Veldekens (du bar­reau de Bruxelles).

2° CH. - 17 janvier 1977.

ROULAGE. - CODE DE LA ROUTE, ARTI­

CLE 27-1. - OBSTACLE PRÉVISIBLE OU IMPRÉVISIBLE. - APPRÉCIATION PAR LE JUGE DU FOND.

Le juge du fond apprécie souveraine­ment, en fait, d'après les éléments de la cause, si un obstacle était ou non imprévisible pour un conduc­teur (1). (Code de la route, art. 27-1.)

(DE FABRIQUE SAINT TOURS ET CONSORTS, C. DE MARNIX DE SAINTE ALDEGONDE ET CONSORTS.)

Arrêt conforme à la notice.

Du 17 janvier 1977. - 2° ch. - Prés. Baron Richard, conseiller faisant fonc­tions de président. - Rapp. M. Scre­vens. - Concl. conf. M. Velu, avocat général. - Pl. MM. Dassesse, A. De Bruyn et L. Simont.

(1) Cass., 15 juin 1976 (Bull. et Pas., 1976, I, 1116).

(2) Cass., 4 novembre 1975 (Bull. et Pas., 1976, I, 295).

(3) Cass., 21 avril 1975 (Bull. et Pas., 1975, I, 834).

(4) Il apparaît des travaux préparatoi­res de la loi que les auteurs de la pro­position de loi ont surtout voulu faire obstacle à des cassations pour irrégula­rité du serment (Doc. parlem., Sénat, ses­sion 1974-1975, no 426, no• 1 et 2). C'est

2° CH. - 17 janvier 1977.

1 ° JUGEMENTS ET ARRÉ';TS. - MA­TIÈRE RÉPRESSIVE. - TÉMOINS. -OBLIGATION DE PRÊTER SERMENT SAUF DANS LES CAS LIMITATIVEMENT INDI­

QUÉS PAR LA LOI.

2° JUGEMENTS ET ARR~TS. - MA­TIÈRE RÉPRESSIVE. - JUGEMENT DU

TRIBUNAL DE POLICE NUL EN RAISON DE L'AUDITION IRRÉGULIÈRE D'UN TÉMOIN. - TRIBUNAL CORRECTIONNEL N'AYANT

PAS ÉCARTÉ CE TÉMOIGNAGE. - NULLITÉ DU JUGEMENT RENDU SUR L'APPEL.

3° LOIS ET ARRtTÉS. - MATIÈRE RÉ­

PRESSIVE. - APPLICATION DANS LE TEMPS. - LOI DU 22 JUIN 1976 CON­

CERNANT LE SERMENT EN MATIÈRE PÉ­NALE. - PAS DE RÉTROACTIVITÉ.

1 ° Les témoins entendus par une ju­ridiction répressive doivent, à peine de nullité, prêter le serment prescrit par la loi, sauf dans les cas limitati­vement indiqués par celle-ci (2). (Code d'instr. crim., art. 155, 189 et 317.)

2° Lorsqu'un jugement du tribunal de police est nul en raison de l'audition sans serment d'un témoin, le juge­ment rendu sur l'appel, qui s'appro­prie cette nullité en n'écartant pas la déposition illégalement reçue, est nul même s'il réforme le jugement dont appel (3). (Code d'instr. crim., arti­cle 155.)

3° Seuls les jugements rendus après l'entrée en vigueur de la loi du 22 juin 1976 concernant le serment en matière pénale peuvent avoir l'ef­fet nouveau que celle-ci leur attri­bue (4). (Solution implicite.)

ce qui sans doute explique l'insertion peu logique du texte nouveau dans l'arti­cle 407 du Code d'instruction criminelle, alors que cette nouvelle disposition s'im­pose non seulement à la Cour mais aussi à la juridiction d'appel et même au pre­mier juge qui aurait déjà rendu un juge­ment ordonnant une mesure d'instruction.

La portée de la loi est uniquement de décider que tout jugement contradictoire ayant les caractères qu'elle indique cou­vre la nullité résultant d'une irrégularité

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COUR DE CASSATION 531

(BOUVIER ET SOCIÉTÉ ANONYME « ÉTABLIS­SEMENTS SMIT-JUPRELLE », C. DEFROID­

MONT ET CONSORTS.)

ARRÊT.

LA COUR ; - Vu le jugement atta­qué, rendu le 10 mai 1976 par le tri­bunal correctionnel de Liège, statuant en degré d'appel ;

A. Sur les pourvois de Thierry Bou­vier, prévenu, et de la société anonyme Smit-Juprelle, civilement responsable pour celui-ci :

I. En tant que le pourvoi de chacun des demandeurs est dirigé contre les décisions rendues sur l'action exercée par le ministère public,

a) contre l'autre demandeur et con­tre Maryse Defroidmont, coprévenue :

Attendu que les demandeurs sont sans qualité pour se pourvoir contre ces décisions ;

Que les pourvois sont irrecevables ;

b) contre ces demandeurs :

Sur le premier moyen, pris de la vio­lation des articles 155, 172 (loi du 10 juillet 1967, article 1er, 89°) et 176 du Code d'instruction criminelle,

en ce que, lors de l'instruction de la cause, le premier juge s'est rendu, le 6 novembre 1975, sur les lieux des faits litigieux où il a entendu les témoins Antoine et Jehasse sous serment,

alors que le procès-verbal de la visite des lieux ne constate pas que les té­moins ont prêté serment dans les ter­mes prescrits par l'article 155 susdit, et que, en n'écartant pas les dépositions de ces témoins ainsi illégalement recueil­lies des éléments sur lesquels il se fonde, le jugement s'est approprié la

concernant le serment. Dès lors, seuls les jugements rendus après l'entrée en vi­gueur de la loi peuvent avoir l'effet nou­veau qu'elle leur attribue. Sinon il s'agi­rait d'une loi rétroactive alors que le législateur n'a pas manifesté la volonté de donner à cette loi ce caractère.

Comme l'article 864 du Code judiciaire, dont elle reprend des termes, la loi du 22 juin 1976 est une loi de procédure (voy. notamment cass., 25 juin 1971, Bull. et Pas., 1971, 1, 1028 et la note signée W.G.,

nullité qui entache la décision dont appel:

Attendu que le jugement attaqué a été rendu avant l'entrée en vigueur de la loi du 22 juin 1976 concernant le serment en matière pénale ;

Attendu qu'il ne ressort pas du pro­cès-verbal de l'audience du tribunal de police de Liège du 6 novembre 1975, tenue sur les lieux des faits, que le serment des témoins Antoine et Je­hasse, entendus à cette audience, ait été prêté dans les termes prescrits par l'article 155 du Code d'instruction cri­minelle;

Attendu que, tout en réformant la décision du tribunal de police, le juge­ment ne constate pas que, pour asseoir sa conviction, le tribunal correctionnel ait écarté des débats les déclarations de ces témoins entendus de manière irré­gulière par le premier juge ; qu'ainsi il s'approprie la nullité dont la procédure suivie devant celui-ci était entachée ;

Que le moyen est fondé ;

Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres moyens proposés à l'appui des pourvois, ces moyens ne pouvant entraîner une cassation plus étendue ou sans renvoi, casse le juge­ment attaqué, sauf en tant qu'il statue sur l'action publique exercée à charge de la défenderesse Maryse Defroid­mont ; rejette le pourvoi formé par la société anonyme Etablissements Smit­Juprelle en qualité de partie civile ; re­jette les autres pourvois dans la me­sure, indiquée ci-dessus, où ces pour­vois sont irrecevables ; ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de la décision partiellement an­nulée ; condamne Thierry Bouvier à la moitié des frais de son pourvoi et la société anonyme Etablissements Smit-

spécialement p. 1030 et 1031, et 6 septem­bre 1972, ibid., 1973, I, 15).

Si une loi de procédure s'applique dès son entrée en vigueur aux procès en cours, elle n'atteint pas, sauf disposition déro­gatoire, la validité des actes valablement accomplis sous l'empire de la loi anté­rieure et ne relève pas de la nullité ou de la déchéance des actes de procédure qui, suivant cette loi, étaient nuls ou tardifs (cass., 17 juin 1971, Bull. et Pas., 1971, I, 994).

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532 JURISPRUDENCE DE BELGIQUE

Juprelle à la moitié des frais du pour­voi formé par elle en qualité de civile­ment responsable ; laisse le restant des frais susdits à charge de l'Etat ; con­damne la société précitée aux frais du pourvoi qu'elle a formé en qualité de partie civile, Emile Bouvier et Marie­Louise Petit à la moitié des frais de leurs pourvois, la société anonyme As­surances générales de 1830 à la moitié des frais de son pourvoi ; condamne Maryse Defroidmont au restant des frais des pourvois d'Emile Bouvier, de Marie-Louise Petit et de la société ano­nyme Assurances générales de 1830 ; renvoie la cause, ainsi limitée, au tribu­nal correctionnel de Huy, siégeant en degré d'appel.

Du 17 janvier 1977. - 2° ch. - Prés. M. Legros, conseiller faisant fonctions de président. - Rapp. Baron Vinçotte. - Concl. conf. M. Charles, avocat gé­néral. - Pl. MM. Fally et Houtekier.

2° CH. - 17 janvier 1977.

1 ° ROULAGE. - CODE DE LA ROUTE, AR­TICLE 2, 1 °ter. - SENTIER. - NOTION.

2° ROULAGE. - PRIORITÉ. - CODE DE LA ROUTE, ARTICLES 2, 1 °ter ET 1 °qua­ter, ET 16-2, b. - CHAUSSÉE ou SEN­TIER. - DISTINCTION. - APPRÉCIATION PAR LE JUGE DU FOND.

3° PREUVE. - PREUVE LITTÉRALE. -FOI DUE AUX ACTES. - MATIÈRE RÉ­PRESSIVE. - VIOLATION DE LA FOI DUE A UN PROCÈS-VERBAL. - NOTION.

1 ° Le sentier est, aux termes de l'arti­cle 2, 1 °ter, du Code de la route, un chemin étroit qui ne permet que la circulation de piétons et de véhicules n'exigeant pas un espace plus large que celui nécessaire aux piétons ; la règle faisant l'objet de l'article 2, l°quater, relatif au chemin de terre, est étrangère au sentier (1).

2° Le juge du fond apprécie souverai­nement en fait si, pour l'application de l'article 16-2, b, du Code de la

route, il s'agit d'un sentier ou d'une chaussée (2).

3° Ne viole pas la foi due à un procès­verbal le juge qui, sans en dénaturer les termes, donne des constatations contenues dans cet acte une interpré­tation différente de celle de son ré­dacteur (3). (Code civil, art. 1319 et 1320.)

(PETITFRÈRE, C. LASCHET ET WILLEMS.)

ARRÊT.

LA COUR; - Vu l'arrêt attaqué, rendu le 2 juin 1976 par la cour d'appel de Liège;

En tant que le pourvoi est dirigé con­tre la décision rendue sur l'action pu­blique:

Sur le moyen pris de la violation des articles 2, 1 °ter et 1 °quater, 16-1 et 2, b, 18 de l'arrêté royal du 14 mars 1968 portant règlement général sur la police de la circulation routière, 1319, 1320, 1322 du Code civil et 97 de la Constitution,

en ce que l'arrêt attaqué, au pénal, a condamné le demandeur du chef d'ho­micide involontaire et, au civil, a dit fondées les actions civiles, aux motifs : que, la victime venant à la droite du demandeur, celui-ci avait l'obligation de lui céder le passage au carrefour li­tigieux, bien qu'elle débouchât d'un sentier pour piétons (en allemand « Fusspfad ») ; qu'en effet, « entre sa jonction avec la Bachstrasse (sur la­quelle circulait le demandeur) et le catadioptre reproduit à la troisième photographie prise par la gendarmerie (Fusspfad aus welchem der Radfahrer Laschet kam) et à la photographie n° 6 du rapport de l'expert judiciaire, le chemin d'où débouchait le cycliste Laschet ne constitue plus un sen­tier tel qu'il est défini par l'article 2, 1 °ter, du Code de la route, mais doit être considéré comme une chaussée au

(1) Cons. cass., 9 octobre 1972 (Bull. et Pas., 1973, I, 141).

(2) Cons. cass., 16 janvier 1970 (Bull. et Pas., 1970, I, 407) et 6 décembre 1976, su­pra, p. 386.

(3) Cons. cass., 10 novembre 1975 (Bull. et Pas., 1976, I, 308).

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COUR DE CASSATION 533

sens de l'article 2-1 ° du même code, dont au demeurant il a toutes les apparences aux abords du carrefour», et que, si le demandeur avait, par temps de pluie, « modéré son allure à un endroit qu'il connaissait et qu'il tient pour dangereux et s'il avait été plus attentif, il aurait aperçu le jeune cycliste en temps utile et lui aurait cédé le passage ainsi qu'il en avait l'obligation, la victime débouchant à sa droite»,

alors que, première branche, en vertu de l'article 2, 1 °quater, du Code de la route, « le chemin de terre conserve sa nature s'il ne présente l'aspect d'une chaussée qu'à sa jonction avec une au­tre voie publique » ; que cette règle vaut a fortiori pour un sentier, le che­min de terre n'étant qu'« un chemin plus large qu'un sentier» ; que l'ar­rêt n'a donc pu décider légalement que le chemin d'où sortait la victime n'avait plus la nature d'un sentier à sa jonction avec la voie sur laquelle circulait le demandeur parce qu'il avait pris l'aspect d'une chaussée aux abords dudit carrefour, et que le demandeur aurait dû, pour cette raison, céder le passage à la victime (violation des dis­positions du règlement général sur la police de la circulation routière indi­quées en tête du moyen et de l'arti­cle 97 de la Constitution) ;

seconde branche, en affirmant que le chemin d'où débouchait la victime ne constituait plus un sentier aux abords du carrefour, l'arrêt a violé la foi due au procès-verbal n° 766 du 24 mai 1973 des verbalisants et au rapport de l'expert judiciaire qui, l'un et l'autre, ont expressément constaté que la vic­time circulait sur un sentier (violation des articles 1319, 1320, 1322 du Code civil et 97 de la Constitution)

Sur la première branche : Attendu qu'aux termes de l'article 2,

1 °ter, du Code de la route le sentier désigne un chemin étroit qui ne permet que la circulation de piétons et de vé­hicules n'exigeant pas un espace plus large que celui nécessaire aux piétons ;

Que l'article 2, 1 °quater, invoqué dans le moyen, est étranger au sentier ;

Attendu que, sur la base des élé­ments qu'il indique, l'arrêt, par une appréciation souveraine en fait, décide légalement que le cycliste, victime de

l'accident, débouchait d'une chaussée, non d'un sentier ;

Qu'en cette branche le moyen man­que en droit ;

Sur la seconde branche : Attendu que ne viole pas la foi due

à un acte le juge qui, comme en l'es­pèce, sans en dénaturer les termes, donne des constatations faites dans cet acte une interprétation différente de celle de son rédacteur ;

Qu'en cette branche le moyen ne peut être accueilli ;

Et attendu que les formalités sub­stantielles ou prescrites à peine de nul­lité ont été observées et que la décision est conforme à la loi ;

Par ces motifs, rejette le pourvoi ; condamne le demandeur aux frais.

Du 17 janvier, 1977. - 2° ch. - Prés. Baron Richard, conseiller faisant fonc­tions de président. - Rapp. Mm• Ray­mond-Decharneux. Concl. conf. M. Charles, avocat général. - Pl. MM. A. De Bruyn et Bützler.

2° CH. - 18 janvier 1977.

1° POURVOI EN CASSATION. - PER­SONNES AYANT QUALITÉ POUR SE POUR­VOIR. - MATIÈRE RÉPRESSIVE. - AC­TION PUBLIQUE. - DÉCISION DÉCLARANT L'ACTION PUBLIQUE PRESCRITE. POURVOI DU PRÉVENU. - IRRECEVABI­LITÉ.

2° CITATION. - MATIÈRE RÉPRESSIVE. - INDICATION DES TEXTES LÉGAUX. -INDICATION NON PRESCRITE.

3° CITATION. - MATIÈRE RÉPRESSIVE. - OBJET DE LA PRÉVENTION SUFFISAM­MENT INDIQUÉ. - DROIT DE LA DÉFENSE ASSURÉ. - VALIDITÉ.

4° POUVOIR JUDICIAIRE. - POUR­SUITE DU CHEF D'INFRACTION A UN AR­RÊTÉ ROYAL. - POUVOIR ET DEVOIR DES COURS ET TRIBUNAUX DE VÉRIFIER SI CET ARRÊTÉ ROY AL A OU NON ÉTÉ PRIS ENSUITE D'UN EXCÈS DE POUVOIR

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534 JURISPRUDENCE DE BELGIQUE

ET EST OU NON ENTACHÉ DE DÉTOURNE­MENT DE POUVOIR.

5° POUVOIR JUDICIAIRE. - OPPOR­TUNITÉ D'UN ARRÊTÉ ROYAL. - POINT DE CONTRÔLE DU POUVOIR JUDICIAIRE.

6° EXCÈS DE POUVOIR. - DÉTOUR­NEMENT DE POUVOIR. - NOTION.

1 ° Est irrecevable, à défaut d'intérêt, le pourvoi formé par le prévenu con­tre une décision qui déclare l'action publique éteinte par la prescrip­tion (1).

2° L'indication, dans la citation donnée au prévenu, des articles de loi sur lesquels la poursuite est fondée n'est prescrite par aucune disposition lé­gale (2).

3° Satisfait à la loi la citation libellée de manière à permettre au prévenu de connaître de façon suffi,sante l'ob­jet de la prévention et d'assurer ainsi sa défense (3). (Code d'instr. crim., art. 182.)

4° Les cours et tribunaux, saisis d'une poursuite du chef d'une infraction à un arrêté royal, ont le pouvoir et le devoir de vérifier si cet arrêté royal a ou n'a pas été pris ensuite d'un excès de pouvoir et, en se fondant sur son contexte ou sur d'autres élé­ments régulièrement produits, s'il est entaché ou non de détournement de pouvoir (4). (Constit., art. 107.)

5° Il n'appartient pas au pouvoir judi­ciaire d'apprécier l'opportunité d'un arrêté royal (5).

6° Un arrêté royal n'est pas entaché de détournement de pouvoir, forme de l'excès de pouvoir, dès lors qu'en l'édictant le pouvoir exécutif a usé de

(1) Cass., 10 janvier 1977, supra, p. 510. (2) Cass., 19 septembre 1972 (Bull. et

Pas., 1973, I, 64). (3) Cass., 14 décembre 1976, supra,

p. 430. (4) Cons. cass., 3 mars 1972, chambres

réunies (Bull. et Pas., 1972, I, 601) et la note signée W.G., 4 mars et 17 juin 1974 (ibid., 1974, I, 681 et 1057), 16 septembre 1974 et 23 janvier 1975 (ibid., 1975, I, 56 et 533).

(5) Cons. cass., 4 mars et 17 juin 1974, cités à la note 4.

(6) Cons. cass., 14 juin 1948 (Bull. et Pas., 1948, I, 375) et les conclusions de

son pouvoir aux fins essentielles en vue desquelles il lui a été con­féré (6) (7).

(VAN NESPEN.)

ARRÊT (traduction).

LA COUR ; - Vu l'arrêt attaqué, rendu le 30 juin 1976 par la cour d'ap­pel d'Anvers ;

I. En tant que le pourvoi est dirigé contre la décision de l'arrêt déclarant prescrite l'infraction au Code de la route imputée au demandeur :

Attendu que le demandeur est sans intérêt à se pourvoir contre cette déci­sion;

Que, dans cette mesure, le pourvoi est irrecevable ;

II. En tant que le pourvoi est dirigé contre la décision condamnant au pé­nal le demandeur :

Attendu que l'arrêt condamne le de­mandeur du chef d'infraction aux arti­cles 1er et 5 de l'arrêté royal du 8 no­vembre 1973 limitant la vitesse des vé­hicules, modifié par l'arrêté royal du 20 mai 1974, pour « avoir, étant con­ducteur d'un véhicule automoteur sur la voie publique, et sans tomber sous l'application des dispositions d'exception prévues à l'article 3 ou en vertu de l'ar­ticle 4 de l'arrêté royal précité, circulé à une vitesse supérieure à 120 km. à l'heure sur une autoroute ou une voie publique à quatre bandes de circula­tion ou plus, dont deux au moins sont affectées à chaque sens de circula­tion»;

Sur le premier moyen, pris de la vio­lation des droits de la défense et de l'article 97 de la Constitution,

M. le procureur général Hayoit de Termi­court, alors premier avocat général, 19 oc­tobre 1953 (ibid., 1954, I, 109), 9 octobre 1973, 4 mars et 17 juin 1974 (ibid., 1974, I, 147, 681 et 1057) ; MAST, Overzicht van het Belgisch administratief recht, éd. 1973, nos 492 à 495 et 535 à 539; DEMBOUR, Droit administratif, éd. 1972, nos 207 à 212.

(7) En ce qui concerne le fondement légal de l'arrêté royal du 8 novembre 1973, modifié par l'arrêté royal du 20 mai 1974, et les dispositions pénales applica­bles, voy. cass., 12 octobre 1976, supra, p. 179.

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COUR DE CASSATION 535

en ce que l'arrêt, pour condamner le demandeur du chef de ladite infrac­tion, fait application de l'arrêté royal du 23 décembre 1957, pris en exécution de l'article 16, 1 °, de la loi du 12 mars 1957, disposition prévoyant les peines prévues aux articles 9 et 10 de l'arrêté­loi du 22 janvier 1945 concernant la répression des infractions à la régle­mentation relative à l'approvisionne­ment du pays, modifié par la loi du 30 juillet 1971, et considère en outre que la cour d'appel, en se conformant à son obligation d'indiquer les disposi­tions légales applicables, ne viole pas les droits de la défense dans la mesure où ces dispositions légales diffèrent de celles mentionnées dans la citation, d'autant plus que les conclusions du ministère public ont permis au deman­deur de se défendre sur les dispositions légales retenues et qu'il l'a fait en exposant son point de vue à cet égard,

alors que, première branche, le de­mandeur avait soutenu en conclusions que la loi du 12 mars 1957 et l'arrêté royal du 23 décembre 1957 n'étaient indiqués ni dans la citation ni dans le jugement dont appel ; qu'il avait pré­senté sa défense sur le fondement des mentions de la citation qualifiant la prévention d'« infraction aux articles 3-5-6-7-9-10 de la loi sur la réglemen­tation économique et les prix, telle qu'elle résulte de la loi du 30 juillet 1971 modifiant l'arrêté-loi du 22 janvier 1945 concernant la répression des in­fractions à la réglementation relative à l'approvisionnement du pays, et aux articles 1er et 5 de l'arrêté royal du 8 novembre 1973, modifié par l'arrêté royal du 20 mai 1974 » ; que la modifi­cation apportée par le juge d'appel quant aux dispositions légales applica­bles ne consiste pas seulement en une indication des dispositions légales ap­plicables ; qu'elle ne modifie pas non plus la qualification des faits, mais consiste à annuler entièrement une dé­fense préparée et que la défense est différente dans chacun des deux cas ; que le demandeur, nonobstant les con­clusions répondant à celles du ministère public, n'était plus en mesure d'assu­rer sa défense, de sorte que l'arrêt ne répond pas aux conclusions du deman­deur;

deuxième branche, la cour d'appel, en ne décidant pas, par arrêt incident, laquelle des dispositions légales invo-

quées était applicable en l'espèce et en ne permettant pas ensuite au demandeur de présenter sa défense sur cette base, l'a obligé de développer ses moyens sans connaître le fondement exact de la prévention et a, dès lors, violé les droits de la défense;

troisième branche, le demandeur avait soutenu en conclusions qu'il dési­rait uniquement répondre aux conclu­sions du ministère public et n'était plus à même d'assurer sa défense, qu'en rai­son de la nouvelle qualification des faits la défense préparée par lui ne s'appli­quait pas à l'article 1er de l'arrêté royal du 23 décembre 1957, de sorte que l'ar­rêt méconnaît le contenu des conclu­sions du demandeur :

Attendu que l'article 195 du Code d'instruction criminelle dispose que la disposition de la loi dont on fera ap­plication sera indiquée à l'audience par le président et qu'il sera fait mention de cette indication dans le jugement ; qu'en vertu de l'article 211 du même code cette prescription vaut aussi pour le jugement rendu sur l'appel, mais qu'aucune disposition légale ne prescrit de mentionner dans la citation les dis­positions légales applicables ou de les faire préalablement connaître au pré­venu par jugement ou arrêt incident, que sa défense soit ou non « annulée » ;

Attendu que l'arrêt ne modifie pas la qualification du fait mis à charge du demandeur, mais constate au contraire que la citation qualifie légalement ce fait en indiquant tous les éléments con­stitutifs de celui-ci ; qu'en outre l'arrêt précise et complète les dispositions lé­gales indiquées dans la citation qu'il estime applicables; qu'il relève enfin que la défense a eu connaissance des dispositions légales applicables par les conclusions du ministère public et que le demandeur a eu la possibilité de se défendre à cet égard ;

Attendu qu'ainsi l'arrêt répond aux conclusions du demandeur et ne viole ni leur contenu ni les droits de la dé­fense;

Que le moyen ne peut être accueilli ;

Sur le deuxième moyen, pris de la violation des articles 97 et 107 de la Constitution,

en ce que l'arrêt considère que l'ap­préciation de l'état de fait dangereux pour l'approvisionnement du pays n'ap-

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536 JURISPRUDENCE DE BELGIQUE

partient pas au pouvoir judiciaire mais au pouvoir exécutif,

alors que, lorsque la loi subordonne la compétence de l'autorité à l'existence d'un état de fait, l'existence de celui-ci est requise pour que l'acte soit valable ; que le contrôle de l'existence et de l'exactitude de pareille situation appar­tient au pouvoir judiciaire :

Attendu qu'aux termes de l'arti­cle 107 de la Constitution les cours et tribunaux n'appliqueront les arrêtés et règlements généraux, provinciaux et lo­caux qu'autant qu'ils seront conformes aux lois ; que les cours et tribunaux, lorsqu'ils sont saisis d'une poursuite du chef d'infraction à l'un de ces arrêtés ou règlements, ont, dès lors, non seule­ment le pouvoir mais aussi le devoir de vérifier si ceux-ci ont ou n'ont pas été pris ensuite d'un excès de pou­voir et, en se fondant sur leur contexte ou d'autres éléments régulièrement pro­duits, s'ils sont entachés ou non de dé­tournement de pouvoir ;

Attendu que, pour satisfaire à cette obligation, l'arrêt constate, d'une part, que d'après leur préambule et leurs termes les arrêtés royaux des 8 no­vembre 1973 et 20 mai 1974 ont été régulièrement pris en exécution et dans les limites des pouvoirs conférés au Roi par l'arrêté royal du 23 dé­cembre 1957 délibéré en conseil des ministres, lequel a lui-même été pris en application de l'article 16, 1 °, de la loi du 12 mars 1957, qui établit les mêmes peines que celles prévues aux chapitres Il et III de l'arrêté-loi du 22 janvier 1945, modifié par la loi du 30 juillet 1971, d'autre part, que le demandeur n'a pas contesté que l'ar­rêté du 8 novembre 1973 a été pris dans l'intérêt de l'approvisionnement du pays ; que l'arrêt considère enfin qu'en limitant la vitesse les deux ar­rêtés précités réduisent la consomma­tion d'essence, produit de première né­cessité, et qu'ils ont, en conséquence, une répercussion sur l'approvisionne­ment ; que, partant, ils ne sortent pas du cadre des pouvoirs attribués au Roi par la loi du 12 mars 1957 ;

Attendu que, eu égard à ce qui précède, l'arrêt décide légalement que l'appréciation de l'état de fait dange­reux pour l'approvisionnement du pays n'appartient pas au pouvoir ju­diciaire ; qu'en effet, en l'espèce, une

semblable appréciation impliquerait nécessairement que le juge a le pou­voir d'apprécier l'opportunité des me­sures à prendre et d'agir aux lieu et place du pouvoir exécutif ;

Que le moyen manque en droit;

Sur le troisième moyen, pris de la violation des articles 97 et 107 de la Constitution,

en ce que l'arrêt constate qu'il n'ap­paraît pas que les arrêtés royaux du 8 novembre 1973 et 20 mai 1974 aient été pris uniquement pour des raisons de sécurité routière,

alors que, si lesdits arrêtés royaux ont été pris en application de l'arrêté royal du 23 décembre 1957, il ne suf­fit pas qu'il ne soit pas établi qu'ils n'aient été pris qu'en vue d'assurer la sécurité routière, mais qu'il doit en outre être prouvé qu'ils ont été pris pour assurer l'approvisionnement du pays qui était en danger ; que, con­trairement aux arrêtés pris en vertu de l'arrêté-loi du 22 janvier 1945, des considérations aoncernant le contrôle des prix et l'inflation ne constituent pas un fondement légalement valable,

et alors qu'il ressort des pièces pro­duites par le demandeur qu'au mo­ment de l'infraction soit la sécurité routière, soit l'inflation, soit le con­trôle des prix a constitué le seul fon­dement desdits arrêtés royaux et qu'il n'apparaît d'aucune pièce qu'au mo­ment de l'infraction l'on pouvait en­core affirmer que l'approvisionnement du pays était en danger, de sorte que l'arrêt applique un arrêté illégal :

Attendu que l'arrêt constate non seulement qu'il n'apparaît pas que les­dits arrêtés n'aient été pris que pour des raisons de sécurité routière, mais aussi 1 ° que le demandeur ne con­teste pas que l'arrêté du 8 novembre 1973 a été pris dans l'intérêt de l'ap­provisionnement du pays, 2° que d'après leur contenu les deux arrêtés facilitent l'approvisionnement du pays, 3° que rien ne permet de conclure que la sécurité routière ait constitué l'objet unique ou déterminant de l'arrêté du 20 mai 1974;

Attendu que l'arrêt constate, dès lors, qu'en édictant l'un et l'autre arrêté le pouvoir exécutif a poursuivi un but légal et non un but illégal d'intérêt dé­terminant, et, partant, décide à bon

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COUR DE CASSATION 537

droit que ces arrêtés ne sont pas enta­chés de détournement de pouvoir ; d'où il suit que, compte tenu aussi de ce qui a été dit ci-dessus relativement au deu­xième moyen, ils sont conformes à la loi;

Que, dans cette mesure, le moyen manque en droit ;

Attendu que, pour le surplus, le moyen obligerait la Cour à connaître de faits et de pièces auxquels elle ne peut avoir égard, de sorte qu'il est irrece­vable;

Et attendu que les formalités substan­tielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et que la décision est conforme à la loi ;

Par ces motifs, rejette le pourvoi ; condamne le demandeur aux frais.

Du 18 janvier 1977. - 2• ch. - Prés. M. Wauters, conseiller faisant fonctions de président. - Rapp. M. Soetaert. -Concl. conf. M. Tillekaerts, avocat gé­néral. - Pl. M. De Corte (du barreau de Gand).

2• CH. - 18 janvier 1977.

POURVOI EN CASSATION. - DÉLAI. - MATIÈRE RÉPRESSIVE. - CONDAMNA­TION PAR DÉFAUT. - POURVOI DU PRÉ­VENU PENDANT LE DÉLAI ORDINAIRE D'OP­POSITION. - IRRECEVABILITÉ.

Est irrecevable le pourvoi formé par le prévenu, pendant le délai ordinaire d'opposition, contre un arrêt le con­damnant par défaut (1). (Code d'instr. crim., art. 413.)

(DE PAUW, C. DE WISPELAERE.)

Arrêt conforme à la notice.

Du 18 janvier 1977. - 2• ch. - Prés. M. Wauters, conseiller faisant fonctions

(1 l Cass., 30 mars 1976 (Bull. et Pas., 1976, I, 836).

de président. - Rapp. M. Delva. -Concl. conf. M. Tillekaerts, avocat gé­néral.

2• CH. - 18 janvier 1977.

1 ° ROULAGE. - CODE DE LA ROUTE, AR­TICLE 27-3. - FREINAGE SOUDAIN. -

NOTION.

2° MOYENS DE CASSATION. - MA­TIÈRE RÉPRESSIVE. - ACTION CIVILE. - MOYEN ALLÉGUANT QUE, SI LE PRÉ­VENU N'A PAS COMMIS D'INFRACTION, IL A NÉANMOINS COMMIS UNE FAUTE AYANT CAUSÉ LE DOMMAGE. - IRRECEVABILITÉ.

3° MOYENS DE CASSATION. - MA­TIÈRE RÉPRESSIVE. - ACTION CIVILE. - MOYEN ÉTRANGER A L'ORDRE PUBLIC ET NON SOUMIS AU JUGE DU FOND. IRRECEVABILITÉ.

4° APPEL. - MATIÈRE RÉPRESSIVE. -ACTION CIVILE. - JUGEMENT D'ACQUIT­TEMENT. - APPEL RECEVABLE DE LA PARTIE CIVILE. - POUVOIRS DU JUGE D'APPEL.

5° POURVOI EN CASSATION. - DÉ­CISIONS CONTRE LESQUELLES ON PEUT SE POURVOIR. - MATIÈRE RÉPRESSIVE. - ACTION CIVILE. - POURVOI DE LA PARTIE CIVILE CONTRE LA DÉCISION DU JUGE D'APPEL SE DÉCLARANT INCOMPÉ­TENT POUR CONNAÎTRE DE L'ACTION CI­VILE DIRIGÉE CONTRE LA PARTIE CIVILE­MENT RESPONSABLE POUR LE PRÉVENU. - JUGE D'APPEL N'AYANT PAS ÉTÉ SAISI DE CETTE ACTION. - POURVOI SANS IN­TÉRÊT. - IRRECEVABILITÉ.

6° CHOSE JUGÉE. - MATIÈRE RÉPRES­SIVE. - DÉCISION ACQUITTANT UN PRÉ­VENU, PASSÉE EN FORCE DE CHOSE JUGÉE. - DÉCISION N'AYANT POINT AUTORITÉ DE CHOSE JUGÉE A L'ÉGARD D'UN COPRÉ­VENU CONDAMNÉ AYANT INTERJETÉ APPEL TANT DE LA DÉCISION RENDUE SUR L'AC­TION PUBLIQUE EXERCÉE CONTRE LUI QUE DE CELLE RENDUE SUR L'ACTION CIVILE EXERCÉE CONTRE LUI PAR LE PRÉVENU ACQUITTÉ.

1 ° Si l'article 27-3 du Code de la route interdit d'empêcher la marche nor-

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538 JURISPRUDENCE DE BELGIQUE

male des autres conducteurs par un freinage soudain non exigé par des raisons de sécurité, quels que soient le ou les moyens mis en œuvre pour provoquer le freinage, cette disposi­tion ne peut être étendue à un ralen­tissement ou un arrêt subit r~sultant d'une panne de moteur (1).

2° Est irrecevable, à défaut d'intérêt, le moyen alléguant, à l'appui du pourvoi de la partie civile, que, si le prévenu n'a pas commis d'infraction, il a néanmoins commis une faute ayant causé le dommage.

3° Est irrecevable le moyen, relatif à l'action civile dirigée contre le de­mandeur, qui est étranger à l'ordre public et n'a pas été soumis au juge du fond (2).

4° Sur l'appel recevable de la partie civile contre un jugement d'acquitte­ment, le juge d'appel a le pouvoir de rechercher, en ce qui concerne l'ac­tion civile, si l'infraction qui sert de base à cette action est établie et si elle a causé un dommage à la partie civile (3). (Code d'instr. crim., arti­cle 202.)

5° Est irrecevable, à défaut d'intérêt, le pourvoi de la partie civile contre la décision du juge d'appel se déclarant incompétent pour connaître de l'ac­tion civile dirigée contre la partie civilement responsable pour le pré­venu, alors que ce juge d'appel n'avait pas été saisi de cette ac­tion (4).

6° L'appel interjeté par un prévenu contre le jugement qui le condamne tant sur l'action publique exercée contre lui que sur l'action civile exercé,e contre lui par un coprévenu acquitté fait obstacle à ce que la décision d'acquittement de ce copré­venu, passée en force de chose jugée, puisse lui être opposée pour l'appré­ciation de ladite action civile exercée contre lui, le juge d'appel étant tenu, en vertu de l'effet dévolutif de l'ap­pel, de statuer tant sur la responsa­bilité pénale que sur la responsabilité

(1) Cons. cass., 11 avril 1960 (Bull. et Pas., 1960, 1, 945).

(2) Cass., 15 juin 1965 (Bull. et Pas., 1965, I, 1118).

(3) Cass., 11 septembre 1961 (Bull. et Pas., 1962, 1, 50), 7 novembre 1972 (ibid.,

civile de la partie appelante et, no­tamment, d'apprécier si celle-ci est seule responsable du dommage (5).

(DE GROEF, C. VERCAMMEN, LINSSEN, ALVA­REZ-VELASCO, VAN DEN BOS, SOCIÉTÉ DE PERSONNES A RESPONSABILITÉ LIMITÉE « PEETROONS » ET SOCIÉTÉ ANONYME « ASSURANCES DU BOERENBOND BELGE » ; LINSSEN, C. VERCAMMEN, DE GROEF, AL­VAREZ-VELASCO, VAN DEN BOS, SOCIÉTÉ DE PERSONNES A RESPONSABILITÉ LIMITÉE « PEETROONS » ET SOCIÉTÉ ANONYME « ASSURANCES DU BOERENBOND BELGE ».)

ARRÊT (traduction).

LA COUR ; - Vu le jugement atta­qué, rendu le 7 mai 1976 par le tribu­nal correctionnel d'Anvers, statuant en degré d'appel ;

A. Sur le pourvoi de De Groef :

III. En tant que le pourvoi est dirigé contre les décisions rendues sur l'action publique exercée à charge du deman­deur, sur les actions civiles exercées contre le demandeur par Vercammen, Linssen et la société anonyme Assu­Tances du Boerenbond belge, et sur l'action civile exercée par le demandeur contre Vercammen, Linssen et Alvarez­Velasco, en qualité de prévenus, et con­tre V an den Bos et la société de per­sonnes à responsabilité limitée Pee­troons, en qualité de parties civilement responsables :

1. Quant à l'ensemble des actions sus­dites:

Sur le premier moyen,

Que le moyen manque en ·fait ; Et attendu que les formalités sub­

stantielles ou prescrites à peine de nul­lité ont été observées et que la décision est conforme à la loi ;

2. Quant à l'action civile exercée con­tre le demandeur par Vercammen et par le demandeur contre Vercammen,

1973, 1, 225) et 8 octobre 1974 (ibid., 1975, I, 162).

(4) Cons. cass., 20 mars 1973 (Bull. et Pas., 1973, 1, 684), 2 septembre et 22 dé­cembre 1975 (ibid., 1976, 1, 1 et 488).

(5) Cass., 6 mars 1972 (Bull. et Pas., 1972, 1, 618) et la note 1.

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COUR DE CASSATION 539

prévenue, et Van den Bos, civilement responsable:

Sur le deuxième moyen, pris de la violation des articles 27-3 du Code de la route, 1382, 1383, 1384 du Code civil et 97 de la Constitution,

en ce que le jugement décide que Vercammen, ici défenderesse, n'a com­mis ni faute ni infraction à l'article 27-3 du Code de la route et déclare la juri­diction répressive incompétente pour connaître de l'action civile exercée par le demandeur contre elle et son époux Van den Bos, au motif qu'elle n'a pas freiné soudainement, étant donné que son véhicule était brusquement tombé en panne et s'était immobilisé,

alors que, première branche, le ju­gement, constatant que le véhicule de Vercammen était tombé en panne et s'était immobilisé, constate ainsi le frei­nage soudain du véhicule ; qu'il est sans intérêt de savoir si ce freinage résulte d'une défectuosité quelconque ou de l'usage de la pédale de frein ; que la décision attaquée ne motive par aucune raison de sécurité le blocage du moteur et l'arrêt subit, et, partant, ne justifie pas légalement le rejet de la demande ;

seconde branche, Vercammen a com­mis une faute en circulant avec un vé­hicule défectueux, avec la conséquence que celui-ci s'est bloqué et est tombé en panne:

Quant à la première branche :

Attendu que l'article 27-3 du Code de la route interdit d'empêcher la marche normale des autres conducteurs . . . par un freinage soudain non exigé par des raisons de sécurité ; que cette disposi­tion ne peut être étendue à un ralen­tissement subit résultant d'une panne ;

Attendu que le jugement, constatant que la voiture de Vercammen s'est sou­dain immobilisée en raison d'une panne de moteur, motive régulièrement et jus­tifie légalement sa décision suivant la­quelle Vercammen n'a pas commis d'in­fraction à l'article 27-3 du Code de la route;

Qu'en cette branche le moyen ne peut être accueilli ;

Quant à la seconde branche : Attendu qu'en tant qu'il est dirigé

contre la décision rendue sur l'action

exercée par le demandeur contre Ver­cammen et Van den Bos et qu'il tend à faire admettre que Vercammen a par sa faute causé le dommage, même si elle n'a pas commis d'infraction au Code de la route, le moyen est sans in­térêt, étant donné que le juge, après avoir acquitté Vercammen, n'était plus légalement compétent pour statuer sur cette demande ;

Attendu qu'en tant qu'il concerne l'action exercée par Vercammen contre le demandeur, qui n'a pas pris de con­clusions en appel, le moyen ne peut être soulevé pour la première fois de­vant la Cour de cassation ;

Qu'en cette branche le moyen est, dès lors, irrecevable ;

3. Quant à l'action civile exercée par le demandeur contre Alvarez-Velasco, prévenu, et la société de personnes à responsabilité limitée Peetroons, partie civilement responsable, et contre le de­mandeur par la société anonyme Assu­rances du Boerenbond belge :

Sur le troisième moyen, pris de la violation des articles 3, 4, 5, 26, 27 de la loi du 17 avril 1878 contenant le titre préliminaire du Code de procé­dure pénale, 165, 172, 174, 202, 2°, 203, § 1•r, du Code d'instruction criminelle, 1252, 1338, 1382, 1383, 1384 du Code civil, 1044, 1045 du Code judiciaire, 22 de la loi du 11 juin 1874 sur les assu­rances en général, formant le titre X du livre I•r du Code de commerce, 27-1 du Code de la route et 97 de la Con­stitution,

en ce que le jugement, d'une part, rejette l'action civile exercée par le demandeur contre Alvarez-Velasco et la société de personnes à responsabilité li­mitée Peetroons et tendant au paye­ment de 26.200 francs, en raison de l'ac­quittement du premier et de la mise hors de cause de la seconde, et, d'autre part, condamne le demandeur à payer à la partie civile société anonyme As­surances du Boerenbond belge la somme de 16.853 francs, au motif que l'appel interjeté par le ministère public à l'égard du prévenu Alvarez-Velasco est irrecevable, la signification n'ayant pas atteint le prévenu, et que l'infraction à l'article 27-1 du Code de la route est établie à charge d'Alvarez-Velasco mais que l'acquittement de ce dernier par le jugement dont appel est définitif, l'acte

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540 JURISPRUDENCE DE BELGIQUE

d'appel du ministère public n'ayant pu lui être signifié,

alors que, première branche, le de­mandeur avait interjeté appel de la décision rejetant son action civile diri­gée contre Alvarez-Velasco et la société de personnes à responsabilité limitée Peetroons et que le jugement constate que cet appel était régulier ; que l'irre­cevabilité de l'appel du ministère pu­blic et le fait que le jugement dont appel a, dès lors, acquis force de chose jugée au pénal ne peuvent entraîner ni l'irrecevabilité de l'appel du demandeur au civil ni l'absence de fondement de son action civile ; que le demandeur n'a renoncé ni à son action civile ni à son appel et que le désistement ne peut être présumé (violation des articles 3, 4, 5, 26, 27 de la loi du 17 avril 1878, 165, 172, 174, 202, 2°, 203, § l'"r, du Code d'instruction criminelle, 1338 du Code civil, 1044 et 1045 du Code judiciaire) ;

deuxième branche, le jugement con­state de manière expresse que l'in­fraction d'Alvarez-Velasco à l'article 27-1 du Code de la route est établie et, partant, rejette à tort l'action civile exercée par le demandeur contre lui et la partie civilement responsable Peetroons en raison de l'acquittement au pénal d'Alvarez-Velasco; qu'à cet égard les motifs du jugement sont im­précis et ne justifient pas régulièrement la décision attaquée (violation des arti­cles 27-1 de l'arrêté royal du 14 mars 1968, 1382, 1383, 1384 du Code civil et 97 de la Constitution) ;

troisième branche, le jugement con­damne à tort le demandeur à payer à la partie civile société anonyme Assuran­ces du Boerenbond belge, assureur de la société de personnes à responsabilité li­mitée Peetroons, 16.853 francs de dom­mages-intérêts, le conducteur Alvarez­Velasco, préposé de la société de personnes à responsabilité limitée Peetroons, ayant lui-même commis une faute, de sorte que cette condamnation n'est pas justifiée (violation des arti­cles 27-1 de l'arrêté royal du 14 mars 1968, 1252, 1382, 1383, 1384 du Code civil, 22 de la loi du 11 juin 1874 et 97 de la Constitution) :

Quant aux première et deuxième branches:

Attendu que l'appel recevable de la partie civile saisit le juge d'appel du

fait mis à charge du prévenu, dans la mesure où celui-ci concerne les intérêts civils ; que ce juge devait donc à nou­veau examiner et juger le fait, tout en limitant sa décision à l'action de la par­tie civile;

Attendu que le jugement, après avoir déclaré recevable l'appel interjeté par le demandeur en qualité de partie civile contre Alvarez-Velasco et avoir décidé que l'infraction imputée à Alvarez-Ve­lasco était établie, ne pouvait plus déci­der légalement que la juridiction ré­pressive était incompétente pour con­naître de ladite action civile ;

Qu'en ce qui concerne ces deux branches le moyen est fondé à l'égard d'Alvarez-Velasco ;

Qu'en ce qui concerne la société de personnes à responsabilité limitée Pee­troons le moyen est toutefois irreceva­ble;

Qu'en effet il ne ressort pas des pièces de la procédure auxquelles la Cour peut avoir égard que le deman­deur ait interjeté appel de la décision du premier juge statuant sur cette ac­tion ; que le jugement attaqué déclare néanmoins le tribunal incompétent pour connaître de cette action, eu égard à la mise hors de cause de la société de personnes à responsabilité limitée Peetroons, en qualité de partie civile­ment responsable ; que le pourvoi est dirigé contre cette décision ;

Que, bien que cette décision soit en­tachée de la même illégalité que la décision rendue sur l'action exercée par le demandeur contre son coprévenu, Alvarez-Velasco, le demandeur n'a ce­pendant aucun intérêt à se pourvoir, le juge d'appel n'ayant pas été saisi de son action exercée contre la défende­resse;

Quant à la troisième branche : Attendu que, après avoir constaté

qu'Alvarez-Velasco avait commis une infraction à l'article 27-1 du Code de la route, le juge du fond ne pouvait, sur l'action exercée par la société anonyme Assurances du Boerenbond belge con­tre le demandeur et en tant qu'il était saisi de cette action, adjuger la totalité des dommages-intérêts réclamés par cette partie, sans constater qu'il n'y avait pas de relation causale entre ladite infraction et le dommage ; qu'en effet cette partie ne pouvait agir contre le demandeur qu'en qualité de subrogée

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COUR DE CASSATION 541

aux droits de la société de personnes à responsabilité limité Peetroons, em­ployeur et civilement responsable d'Al­varez-Velasco ;

Que dans cette mesure le moyen est fondé;

B. Sur le pourvoi de Linssen :

I. En tant que le pourvoi est dirigé contre la décision rendue sur l'action publique,

Il. En tant que le pourvoi est dirigé contre la décision rendue sur l'action civile exercée par le demandeur :

c) contre Alvarez-Velasco en qualité de prévenu et la société de personnes à responsabilité limitée Peetroons en qua­lité de civilement responsable :

Attendu que le moyen invoqué par le demandeur correspond au troisième moyen, première et deuxième branches, proposé par De Groef ;

Que pour les motifs précités le moyen est fondé;

Par ces motifs, casse le jugement attaqué, en tant qu'il statue sur l'action civile exercée contre De Groef par la société anonyme Assurances du Boe­renbond belge, par De Groef contre Alvarez-Velasco et par Linssen contre Alvarez-Velasco et la société de per­sonnes à responsabilité limitée Pee­troons, et en tant qu'il statue sur les frais afférents à ces actions, avec cette restriction que la cassation ne concerne pas l'évaluation du dommage et la dé­cision suivant laquelle De Groef est res­ponsable de ce dommage au moins pour partie ; rejette les pourvois pour le sur­plus ; condamne chacun des deman­deurs à un quart, Alvarez-Velasco et avec lui la société de personnes à res­ponsabilité limitée Peetroons à un quart et la société anonyme Assurances du Boerenbond belge à un quart des frais, en ce non compris les frais de la signification au procureur du Roi, les frais de la signification à Vercammen, Van den Bos et la société de personnes à responsabilité limitée Peetroons à la requête de De Groef et ceux de la si­gnification faite à la requête de Linssen à Vercammen, Van den Bos et la so­ciété anonyme Assurances du Boeren­bond belge, qui resteront à charge de

la partie qui les a exposés ; renvoie la cause, ainsi limitée, au tribunal correc­tionnel de Malines, siégeant en degré d'appel.

Du 18 janvier 1977. - 2° ch. - Prés. M. Wauters, conseiller faisant fonctions de président. - Rapp. M. Soetaert. -Concl. conf. M. Krings, avocat général. - Pl. MM. Houtekier et De Baeck.

3° CH. - 19 janvier 1977.

CONTRAT DE TRAVAIL. - EMPLOYÉS. - CONTRAT A DURÉE INDÉTERMINÉE. -DÉLAI DE PRÉAVIS. - RÉMUNÉRATION ANNUELLE DÉPASSANT 150.000 FRANCS. -DÉLAI DE PRÉAVIS A OBSERVER PAR L'EMPLOYÉ. - DÉLAI FIXÉ PAR LE JUGE. - COMPÉTENCE DU JUGE.

Le juge qui fixe la durée du délai de préavis à observer par l'employé; qui met fin à un contrat d'emploi à durée indéterminée, dont la rémunéra­tion dépasse 150.000 francs (1), n'est pas tenu par le délai de préavis fixé unilatéralement par l'employé (2). (Lois relatives au contrat d'emploi, coordonnées le 20 juillet 1955, arti­cle 15, § 2.)

(SOCIÉTÉ ANONYME « ORBIS BOEKHANDEL », C. VAN RIET.)

ARRÊT (traduction).

LA COUR ; - Vu l'arrêt attaqué, rendu le 17 novembre 1975 par la cour du travail d'Anvers;

Sur le moyen pris de la violation des articles 15, §§ 2 et 3, 22 des lois relati-

(1) 250.000 francs à partir du l•r juillet 1975, en vertu de l'arrêté royal du 6 juin 1975, article 3.

(2) Cons. cass., 9 octobre 1974 (Bull. et Pas., 1975, I, 166), 17 septembre 1975 (ibid., 1976, I, 76) et 22 décembre 1976, supra, p. 457.

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ves au contrat d'emploi, coordonnées par l'arrêté royal du 20 juillet 1955 et modifiées par la loi du 21 novembre 1969, et 97 de la Constitution,

en ce que, après avoir constaté que la rémunération de la défenderesse était supérieure à 300.000 francs et que le délai maximum du préavis à donner par elle était de six mois, l'arrêt con­damne la demanderesse à payer à la défenderesse la somme de 42.796 francs, aux motifs suivants : si le délai de préavis maximum à donner par l'em­ployé peut être réduit dans l'intérêt de celui-ci, il semble exclu que cette réduc­tion puisse se faire contre l'intérêt de l'employé qui a donné trois mois de préavis parce qu'il n'avait pas encore un autre travail en vue ; on peut sup­poser que l'employeur pouvait déjà en­gager un autre employé ; quel que soit le motif sur lequel l'employeur fonde sa demande, les dispositions des lois rela­tives au contrat d'emploi ne sont pas impératives au profit de l'employeur ; cela ne signifie pas que l'employeur ne puisse puiser des droits dans l'arti­cle 15, § 2, de ces lois ; il peut cer­tainement le faire, si l'employé donne de manière déraisonnable un délai de préavis trop court ; dans ce cas, sur la base de critères tels que la rémunéra­tion, la fonction ou l'ancienneté, il pourrait prétendre à un délai supé­rieur, limité au maximum légal ; l'in­verse, à savoir la réduction d'un délai de préavis donné par le travailleur, semble impossible lorsque celle-ci est contraire aux intérêts de l'employé, et en raison du caractère de protection, en faveur de celui-ci, des dispositions de l'article 15 des lois coordonnées,

alors que, première branche, la durée du préavis à donner par la défenderesse est fixée soit p2r les parties soit par le juge ; lorsque les parties ne l'ont pas fait, la durée du préavis est fixée par le juge et la décision de celui-ci quant à la fixation de cette durée ne dépend pas de la fixation unilatérale par l'employé du préavis donné par lui (violation des articles 15, §§ 2 et 3, et 22 de l'arrêté royal du 20 juillet 1955) ;

deuxième branche, la circonstance que l'article 15 est une disposition pro­tégeant l'employé n'implique pas que, lors de la fixation de la durée du préa­vis donné par la défenderesse, le juge

ne pourrait tenir compte de critères tels que la rémunération, la fonction ou l'ancienneté, bien que ceux-ci entraî­nent une réduction du délai de préavis donné par l'employé (violation des arti­cles 15, §§ 2 et 3, et 22 de l'arrêté royal du 20 juillet 1955) ;

troisième branche, l'arrêt, d'une part, suppose que la demanderesse, qui in­sistait pour un délai de préavis plus court, avait déjà engagé une autre em­ployée, mais, d'autre part, refuse de prendre en considération les critères tels que la rémunération, la fonction et l'ancienneté pour fixer la durée du préavis ; que ces motifs sont obscurs et ambigus et ne justifient pas la décision (violation de toutes les dispositions lé­gales) :

Attendu que, selon les constatations de l'arrêt, la défenderesse, qui était en­trée au service de la demanderesse le 18 Jum 1973, avait le 27 mai 1974 notifié son congé à celle-ci, le délai de prèavis prenant cours le 1•r juin 1974 pour se terminer le 30 août de la même année, ce qui correspond à une durée de trois mois ; que la demande­resse avait accepté le congé mais non le délai de préavis qui, à son avis, de­vait être d'un mois et demi et devait, dès lors, expirer le 15 juillet 1974 ;

Attendu que les dispositions des lois coordonnées relatives au contrat d'em­ploi, qui concernent la durée du délai de préavis, imposent des règles qui vi­sent la protection des deux parties, à savoir l'employeur et l'employé;

Attendu que, lorsque la rémunération annuelle de l'employé excède 150.000 fr., ce qui est le cas en l'espèce, la durée du délai de préavis est fixée, en vertu de l'article 15, § 2, des lois coordonnées, en vigueur au moment du litige, soit par une convention conclue entre les deux parties au plus tôt au moment où le préavis est donné, soit par le juge ;

Attendu que, si, comme en l'espèce, le congé émane de l'employé, le juge n'est tenu que par les délais maxima fixés au dernier alinéa du § 2 de l'arti­cle 15 ; que, pour autant qu'il ne dé­passe pas ces délais maxima, le juge fixe souverainement la durée du délai de préavis, compte tenu des intérêts des deux parties ;

Qu'en estimant, pour les motifs cités au moyen, ne pouvoir exercer ce pou­voir souverain d'appréciation et en fi-

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COUR DE CASSATION 543

xant pour cette' raison le délai de préa­vis comme la défenderesse l'avait fait originairement, l'arrêt viole la disposi­tion légale précitée ;

Qu'en sa première branche le moyen est fondé;

Par ces motifs, casse la décision at­taquée ; ordonne que mention du pré­sent arrêt sera faite en marge de la décision annulée ; réserve les dépens pour qu'il soit statué sur ceux-ci par le juge du fond ; renvoie la cause devant la cour du travail de Bruxelles.

Du 19 janvier 1977. - 3° ch. - Prés. M. Naulaerts, conseiller faisant fonc­tions de président. - Rapp. M. Châtel. - Concl. conf. M. Lenaerts, avocat général. - Pl. M. Houtekier.

3• CH. - 19 janvier 1977.

1 ° MOTIFS DES JUGEMENTS ET AR­R~TS. - MATIÈRE CIVILE. - DÉCI­SION PRÉCISANT LES ÉLÉMENTS DE FAIT SUR LESQUELS ELLE SE FONDE. - DÉCI­SION RÉPONDANT AINSI AUX CONCLUSIONS EXPOSANT DES ÉLÉMENTS DE FAIT DIFFÉ­RENTS OU CONTRAIRES. - DÉCISION RÉ­GULIÈREMENT MOTIVÉE.

2° MOTIFS DES JUGEMENTS ET AR­R~TS. - MATIÈRE CIVILE. - JUGE DU FOND REJETANT LE FONDEMENT D'UNE DE­MANDE OU D'UNE DÉFENSE, EN ÉNONCANT LES FAITS JUSTIFIANT LE REJET. - RE­JET IMPLIQUANT LE REJET DE LA DÉDUC­TION TIRÉE DE CETTE DEMANDE OU DE CETTE DÉFENSE.

1 ° Le juge qui précise les éléments de fait sur lesquels il fonde sa décision, motive ainsi régulièrement le rejet de conclusions exposant des éléments de fait différents ou contraires (1). (Con­stitution, art. 97.)

(1) Cass., 28 octobre 1976, supra, p. 245. (2) Cass., 28 février 1975 (Bull. et Pas.,

1975, I, 671). (3) Cons. cass., 12 mars 1975 (Bull. et

Pas., 1975, I, 706). (4) Cass., 3 septembre 1976, supra, p. 7.

2° Le juge du fond, qui rejette, en rele­vant des faits différents ou contraires, les éléments sur lesquels se fonde une demande ou une défense, motive ainsi le rejet de la déduction tirée de cette demande ou de cette défense (2). (Constit., art. 97.)

(SOCIÉTÉ ANONYME « PHILLIPS PETROLEUM INTERNATIONAL BENELUX», C. DE MEYER.)

Arrêt conforme aux notices.

Du 19 janvier 1977. - 3° ch. - Prés. M. Naulaerts, conseiller faisant fonc­tions de président. - Rapp. M. Châ­tel. - Concl. conf. M. Lenaerts, avocat général. - Pl. MM. De Gryse et Bützler.

3° CH. - 19 janvier 1977.

1° TAXES COMMUNALES ET PRO­VINCIALES. - TAXES COMMUNALES DIRECTES. - TAXE ANNUELLE. - TAXE NON ENRÔLÉE POUR LE PREMIER EXER­CICE. - SANS EFFET SUR L'ÉTABLISSE­MENT DE LA TAXE DES EXERCICES SUI­VANTS.

2° MOYENS DE CASSATION. - TA­XES COMMUNALES ET PROVINCIALES. -MOYEN MÉLANGÉ DE FAIT ET DE DROIT. - IRRECEVABILITÉ.

1 ° La circonstance qu'une taxe com­munale directe annuelle n'a pas été enrôlée pour le premier exercice n'em­pêche pas que cette taxe soit enrôlée pour les exercices suivants (3). (Ar­rêté du Régent du 10 février 1945, art. 43.)

2° Est mélangé de fait et de droit et, partant, irrecevable le moyen qui obligerait la Cour à vérifier des élé­ments de fait (4). (Constit., art. 95.)

(VIJVERMAN, C. VILLE DE BRUGES.)

ARRÊT (traduction).

LA COUR; - Vu la décision atta-

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quée, rendue le 13 novembre 1975 P1l:r la députation permanente du conseil provincial de la Flandre occidentale ;

Sur le premier moyen, pris de la violation de l'article 43 de l'arrêté du Régent du 10 février 1945,

en ce que la décision rejette les ré­clamations par lesquelles le demandeur contestait les cotisations portées aux rôles de 1971, 1972, 1973 et 1974 rela­tives à la taxe de recouvrement sur l'aménagement de trottoirs perçue à Bruges, et déclare ces réclamations non fondées en ce qui concerne les an­nées 1973 et 1974 et irrecevables en ce qui concerne les années 1971 et 1972, aux motifs : d'une part, qu'aux termes de l'article 1•r du règlement fiscal du 3 décembre 1965, applicable en la ma­tière, sont assujetties à une taxe an­nuelle les propriétés, riveraines ou non, situées le long de voies publiques où des trottoirs sont aménagés ; que la durée du remboursement est fixée à cinq ans ; qu'il en ressort que la taxe litigieuse, comme en principe toute taxe, est un prélèvement annuel qui, pourvu qu'il soit porté au budget de chaque année, grève pendant cinq ans les propriétés qui tombent sous l'appli­cation du règlement fiscal ; qu'en l'es­pèce, les travaux ayant été achevés le 9 septembre 1969, soit au cours du délai de perception du règlement liti­gieux, la taxe, conformément à l'arti­cle 11 de celui-ci, était due pour la première fois en 1970 et la première an­nuité devait être portée au rôle relatif à l'exercice 1970 ; que, même si éven­tuellement elles n'ont pas été portées aux rôles de 1970, les annuités pou­vaient continuer à être légalement perçues pour les exercices suivants, notamment la quatrième annuité en 1973 et la cinquième en 1974 ; et aux motifs : d'autre part, que les cotisations relatives aux exercices 1971 et 1972 « avaient déjà fait l'objet de récla­mations antérieures que, par décision du 6 juin 1973, la députation perma­nente avait déclarées recevables mais non fondées ; que le réclamant s'était pourvu en cassation contre cette dé­cision et que par arrêt du 20 mars 1974 la Cour de cassation avait rejeté le pourvoi » et que, dès lors, ces cotisa­tions sont définitives à l'égard du ré­clamant,

alors que un impôt dû le 1"' janvier

1970 n'est plus exigible si le 31 mars 1971 il n'est pas repris dans un rôle rendu exécutoire ; qu'à tort la décision ne reconnaît pas en tant que tel l'im­pôt dû le 1•r janvier 1970, mais consi­dère les tranches annuelles successives comme des impositions séparées ; qu'il ressort toutefois de la dernière phrase de l'article 1•r du règlement que « la durée du remboursement est fixée à cinq ans» ; qu'il ne s'agit pas d'une imposition pendant cinq années consé­cutives mais bien d'une imposition payable en cinq ans ; que, partant, la décision confond les notions de « paye­ment », « recouvrement » et « annuité »,

et alors que la réclamation contre une imposition partielle est dirigée contre la cotisation entière, de sorte que les réclamations contre les impositions de 1973 et 1974 valent pour toutes les par­ties de l'impôt dû le 1er janvier 1970 :

Attendu que l'article 1er du règle­ment-taxe communal litigieux est li­bellé comme suit : « Sont assujetties à une taxe annuelle directe, en rembour­sement des frais exposés par la com­mune, les propriétés riveraines ou non situées le long de voies publiques ou de parties de celles-ci, où des trottoirs sont aménagés, réaménagés ou élargis ... Le montant total de la taxe n'est pas su­périeur aux dépenses recouvrables, plus les intérêts. La durée du rembourse­ment est fixée à cinq ans » ; qu'aux ter­mes de l'article 7 « le montant total à payer correspond au total des tranches annuelles du capital à rembourser, uti­lisé pour le payement des dépenses re­couvrables, augmenté du montant des intérêts qui doivent être payés sur la partie non versée. Les taxes annuelles peuvent être calculées sous la forme de montants annuels fixes », qu'aux termes de l'article 8 « le contribuable peut à tout moment s'acquitter du montant de la taxe en payant à la commune la va­leur du montant total des tranches non encore exigibles du capital ; dans ce cas le contribuable doit en faire la demande par lettre recommandée à la poste » et qu'aux termes de l'article 11 « sont portés au rôle les redevables, définis par l'article 10, en fonction de leur qualité de redevable au 1er janvier sui­vant l'achèvement des travaux » ;

Attendu qu'il ressort des pièces aux­quelles la Cour peut avoir égard que par application de ce règlement, pour

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COUR DE CASSATION 545

les exercices 1971, 1972, 1973 et 1974, il a chaque fois été réclamé au demandeur un montant de 1.364 francs, à savoir un cinquième du montant total de la taxe fixée à 6.818 francs, augmenté des in­térêts calculés par année ; qu'il n'appa­raît pas qu'un enrôlement ait eu lieu pour l'année 1970;

Attendu qu'il ressort du rapproche­ment des articles précités du règlement­taxe et du mode d'imposition décrit que l'application du règlement n'avait pas pour objet et pour effet d'assujettir le demandeur à une taxe devant être éta­blie par une cotisation relative à l'exer­cice 1970, mais à une taxe annuelle à établir pendant cinq ans, à commencer par l'année 1970, dont le montant total, réparti uniformément sur cinq ans, est nécessairement fixé dès le commence­ment et dont les conditions d'imposition sont déterminées d'après une situation existant au 1•r janvier 1970 ; que, toute­fois, à chaque imposition annuelle le contribuable a la possibilité de contes­ter tant le montant total fixé ou le cin­quième retenu par année que les con­ditions d'imposition ;

Attendu, dès lors, que par les motifs cités au moyen la députation perma­nente justifie légalement sa décision ·

Que le moyen manque en droit ; '

Sur le second moyen, pris de ce que en tout cas, il a été porté en compt~ des intérêts de retard trop élevés,

alors que des intérêts de retard ne peuvent être réclamés avant le paye­ment, que lors de l'envoi du premier avertissement-extrait il n'y avait pas encore de retard et que des intérêts ne peuvent être portés en compte qu'à par­tir de la date d'échéance de cet avertis­sement-extrait au plus tôt, jusqu'à cha­cun des payements ultérieurs :

Attendu que l'examen du moyen obligerait la Cour à procéder à des véri­fications de fait ;

Qu'ainsi le moyen est mélangé de droit et de fait et est, dès lors, irre­cevable;

Et attendu qu'il ne ressort pas des pièces régulièrement soumises à la Cour

(1) Cass., 24 janvier 1974 et conclusions de M. le procureur général Ganshof van der Meersch (Bull. et Pas., 1974, I, 544) ; GARSONNET et CÉZAR-BRU, t. VI, no 551 ; CUCHE et VINCENT, éd. 1960, no 451; BRAAS,

PASIC., 1977. - pe PARTIE.

, qu'un moyen intéressant l'ordre public doive être soulevé d'office ;

Par ces motifs, rejette le pourvoi; condamne le demandeur aux frais.

Du 19 janvier 1977. - 3° ch. - Prés. M. Naulaerts, conseiller faisant fonc­tions de président. - Rapp. M. Versée. - Concl. conf. M. Lenaerts, avocat gé­néral. - Pl. M. Van de Voorde (du barreau de Bruges).

F" CH. - 20 janvier 1977.

1 ° TIERCE OPPOSITION. - MATIÈRE CIVILE. - RECEVABILITÉ. - CONDI­

TIONS.

2° MOTIFS DES JUGEMENTS ET AR­R:li:TS. - MATIÈRE CIVILE. - CONCLU­SIONS. - MOYEN DEVENU SANS PERTI­NENCE EN RAISON DE LA SOLUTION DONNÉE PAR LE JUGE AU LITIGE. - POINT D'OBLIGATION POUR LE JUGE DE RÉPON­DRE A CE MOYEN.

3° APPEL. - MATIÈRE CIVILE. - ARTI­CLE 1068, ALINÉA 2, DU CODE JUDI­CIAIRE. - MESURE D'INSTRUCTION. -

NOTION.

4° APPEL. - MATIÈRE CIVILE. - DÉCI­SION DU PREMIER JUGE AYANT STATUÉ SUR LA RECEVABILITÉ DE LA DEMANDE ET ORDONNÉ AUX PARTIES DE CONCLURE AU FOND. - APPEL DE CETTE DÉCISION. -EFFET DÉVOLUTIF DE L'APPEL. - CON­SÉQUENCE.

1 ° Toute personne qui n'a point été dûment appelée ou n'est pas interve­nue à la cause est recevable, sous les réserves indiquées aux paragra­phes 1 ° à 4° de l'article 1122 du Code judiciaire, à former tierce opposition à la <Mcision, rendue par une juridic­tion civile, susceptible de préjudicier à ses droits (1).

t. Il, n° 1588, p. 791 et 792; DE PAGE, t. Il (éd. 1967), no 998, p. 1053 à 1055 ; BOYER, Rev. trim. dr. civ., 1951, p. 163 et suiv., spéc. p. 196.

18

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2° Le juge n'est pas tenu de répondre à un moyen énoncé en conclusions, lorsque ce moyen est devenu sans pertinence en raison de la solution qu'il donne au litige (1). (Constit., art. 97 .)

3° et 4° La décision par laquelle le pre­mier juge, après avoir statué sur la recevabilité de la demande, a remis la cause pour qu'il soit conclu au fond, fût-elle une décision de réou­verture des débats, n'est pas une me­sure d'instruction au sens de l'arti­cle 1068, alinéa 2, du Code judiciaire ; la cour d'appel, saisie du fond du litige par l'appel de cette décision, ne peut, dès lors, décider légalement que le premier juge connaîtra de la pro­sécution de la cause (2). (Code judic., art. 1068, al. 2.)

(VANDEN BROECK, C. GYSELINCK ET HENNEBERT.)

ARRÊT.

LA COUR ; - Vu l'arrêt attaqué, rendu le 26 novembre 1975 par la cour d'appel de Bruxelles ;

Sur le premier et le deuxième moyen réunis et pris,

le premier, de la violation de l'arti­cle 97 de la Constitution,

en ce que l'arrêt décide que le défen­deur a démontré « qu'il a un intérêt personnel à ce que l'immeuble de sa femme ne soit pas vendu et à faire prononcer, pour éviter cette vente, la nullité du jugement prononcé contre sa femme»,

sans répondre au moyen par lequel la demanderesse faisait valoir dans ses conclusions régulièrement prises en de­degré d'appel « qu'en outre l'intimé (ici défendeur) n'est que créancier d'une dette future puisqu'à ce jour son épouse a contribué normalement aux

(1) Cons. cass., 22 septembre 1976, supra, p. 80.

(2) Cons. cass., 13 janvier 1972 et les con­clusions du ministère public (Bull. et Pas., 1972, 1, 463) et 26 juin 1975 (ibid., 1975, I, 1043).

charges du ménage et qu'aucun élément n'est apporté permettant de supposer que la vente de son bien propre ne lui permettra plus, dans le futur, de con­tribuer aux charges du ménage selon les modalités de son contrat de ma­riage», en sorte que l'arrêt n'est pas régulièrement motivé ;

le deuxième, de la violation des arti­cles 1122 du Code judiciaire, 1315, 1316, 1349, 1353 du Code civil et 97 de la Constitution,

en ce que l'arrêt confirme la décision déclarant recevable la tierce opposition formée par le défendeur, aux motifs « que le créancier chirographaire est également recevable à former tierce op­position en cas de fraude de son débi­teur et qu'en l'espèce, si seul l'examen du fond pourra permettre de se pronon­cer au sujet de la réalité d'une telle fraude, il existe dès ores des éléments qui laissent penser que ne sont pas in­vraisemblables les allégations de l'intimé au sujet du comportement de sa femme, laquelle a d'ailleurs été interdite de l'administration de sa personne et de ses biens par jugement du 2 janvier 1974 »,

alors que, premiere branche, la preuve de l'existence d'une fraude de la part du débiteur, condition de receva­bilité de la tierce opposition formée par un créancier chirographaire, doit être apportée devant le juge appelé à tran­cher cette question de recevabilité ; que l'arrêt relève « qu'en l'espèce, . . . seul l'examen du fond pourra permettre de se prononcer au sujet de la réalité d'une telle fraude », et que, dès lors, constatant ainsi qu'une des conditions de recevabilité de la tierce opposition n'était pas justifiée en l'état, l'arrêt n'a pu légalement déclarer la tierce opposi­tion recevable (violation des disposi­tions visées au moyen et spécialement des articles 1122 du Code judiciaire et 1315 du Code civil) ;

deuxième branche, dût-on même ad­mettre, quod non, qu'en relevant que « il existe dès ores des éléments qui laissent penser que ne sont pas invrai­semblables les allégations de l'intimé au sujet du comportement de sa femme» l'arrêt a constaté l'existence d'une fraude, encore l'arrêt aurait-il, en fai­sant cette constatation, violé les règles relatives à la preuve par présomption puisqu'il n'exprime aucune certitude au sujet de l'existence de ladite fraude et

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COUR DE CASSATION 547

qu'il la déduit par ailleurs non d'un fait certain, mais de simples allégations du défendeur qu'il constate simplement ne pas être invraisemblables (violation des dispositions visées au moyen et spécia­lement des articles 1315, 1316, 1349, 1353 du Code civil et 1122 du Code ju­diciaire) ; · troisième branche, dût-on même ad­

mettre, quod non, que l'arrêt ait con­staté l'existence d'une fraude par le mo­tif repris à la deuxième branche du moyen, encore l'arrêt 1 ° ne donnerait-il aucune réponse adéquate au moyen par lequel la demanderesse faisait valoir dans ses conclusions régulièrement pri­ses en degré d'appel « que seule la fraude commise au cours de l'instance peut être invoquée ; qu'en l'espèce le premier intimé n'est que créancier sim­ple ; qu'aucune fraude commise au cours de l'instance n'a été et ne pourrait être invoquée » ; qu'en effet l'arrêt ne précise aucunement que la fraude dont il aurait, par hypothèse, constaté l'exis­tence a été commise en cours d'in­stance, et que, dès lors, l'arrêt n'est pas régulièrement motivé (violation de l'ar­ticle 97 de la Constitution) ; 2° laisse­rait-il à tout le moins incertain s'il dé­clare la tierce opposition recevable parce qu'il considère en fait qu'une fraude a été commise en cours d'in­stance ou parce qu'il a considéré (vio­lant en ce cas l'article 1122 du Code judiciaire) que la tierce opposition se­rait recevable même si la fraude n'a pas été commise en cours d'instance ; qu'en raison de cette ambiguïté l'arrêt n'est ni légalement justifié ni régulièrement mo­tivé (violation des dispositions visées au moyen et spécialement des articles 1122 du Code judiciaire et 97 de la Constitu­tion) :

Attendu qu'il ressort des constata­tions et énonciations de l'arrêt qu'en exécution d'un jugement rendu par dé­faut le 27 avril 1972, condamnant la défenderesse à payer une somme de 1.500.200 francs à la demanderesse, celle-ci a fait saisir un immeuble appar­tenant en propre à la défenderesse, mais que, le défendeur ayant fait tierce opposition au jugement prononcé con­tre sa femme, le juge des saisies a or­donné qu'il soit sursis à la vente de l'immeuble ; que cet immeuble est le domicile des défendeurs et de leurs en­fants;

Que, suivant le défendeur, son épouse et lui-même sont mariés sous le régime de la séparation de biens, mais qu'en vertu de leur contrat de mariage cha­cun des époux est tenu de contribuer aux charges du ménage conformément à l'article 1537 du Code civil, et que sa femme a constamment rempli cette obligation en mettant son immeuble à la disposition du ménage ;

Attendu que l'arrêt considère que le défendeur « démontre ainsi qu'il a un intérêt personnel à ce que l'immeuble de sa femme ne soit pas vendu et à faire prononcer, pour éviter cette vente, la nullité du jugement prononcé contre sa femme»;

Qu'il en déduit que le défendeur est un tiers, qu'il n'a pas été partie au jugement contre lequel il exerce son recours et qu'il établit que ce jugement lui cause préjudice ;

Que, sur la base de ces constatations et énonciations, l'arrêt décide « que c'est par conséquent à tort que l'appe­lante (ici demanderesse) conteste la re­cevabilité de la tierce opposition de l'intimé (ici défendeur) » ;

Attendu que l'arrêt ne fonde pas ainsi sa décision relative à la receva­bilité de la tierce opposition du défen­deur sur ce que celui-ci est un créan­cier, mais sur ce qu'il est un tiers ayant un intérêt personnel à ce que l'immeuble de sa femme, qu'il occupe avec sa famille, ne soit pas vendu ;

Qu'ainsi l'arrêt justifie légalement sa décision;

Attendu que, dès lors qu'il ne se fondait pas sur un droit de créance du défendeur, l'arrêt n'était pas tenu de répondre aux conclusions reproduites dans le premier moyen, suivant les­quelles le défendeur n'était créancier que d'une dette future, ni aux conclu­sions reproduites sous le 1 ° de la troi­sième branche du deuxième moyen, sui­vant lesquelles la fraude qui donne ou­verture à la tierce opposition d'un créancier chirographaire doit avoir été commise au cours de l'instance, ces con­clusions étant devenues sans perti­nence;

Que, pour le surplus, le deuxième moyen, dirigé contre des considérations surabondantes de l'arrêt, est irreceva­ble à défaut d'intérêt ;

Que, dans la mesure où ils sont rece-

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548 JURISPRUDENCE DE BELGIQUE

vables, les moyens ne peuvent être accueillis ;

Sur le troisième et le quatrième moyen réunis et pris,

le troisième, de la violation des arti­cles 1317, 1319, 1320, 1322 du Code civil, 769, 775, 1046, 1050, 1068, 1071 du Code judiciaire et 97 de la Constitution,

en ce que l'arrêt décide « qu'à tort l'appelante (ici demanderesse) demande, à titre subsidiaire, qu'en vertu de l'effet dévolutif de l'appel la cour décide d'examiner l'affaire au fond et ordonne à cette fin la réouverture des débats ; qu'en effet c'est à bon droit que le premier juge a décidé de recourir à l'indispensable mesure d'instruction qu'il a ordonnée ; qu'il n'y a donc au­cune raison de réformer le jugement sur ce point ; qu'il échet du reste de constater qu'en l'espèce les parties n'ont pas davantage conclu au fond devant la cour, si bien que l'appelante en est réduite à demander elle-même une réouverture des débats, c'est-à-dire, en fait, la confirmation de la mesure d'in­struction ordonnée par le premier juge ; qu'il s'ensuit qu'en vertu des disposi­tions de l'article 1068, alinéa 2, du Code judiciaire la cour est tenue de ren­voyer la cause au premier juge »,

alors que, première branche, le juge­ment dont appel du 21 mars 1974 n'or­donne pas la réouverture des débats mais remet la cause en continuation pour qu'il soit conclu au fond, et que, dès lors, en décidant que ce jugement avait ordonné la réouverture des dé­bats, l'arrêt 1 ° lui donne une portée in­conciliable avec ses termes et viole, partant, la foi qui lui est due (violation des dispositions, spécialement de celles du Code civil, visées au moyen), 2° mé­connaît la notion légale de réouverture des débats (violation des dispositions vi­sées au moyen et spécialement des arti­cles 769, 775 et 1071 du Code judi­ciaire) ;

seconde branche, l'article 1068, ali­néa 2, du Code judiciaire ne permet au juge d'appel le renvoi de la cause au premier juge que s'il confirme, même partiellement, une mesure d'instruction ordonnée par le premier juge ; qu'en l'espèce la mesure par laquelle le juge­ment dont appel du 21 mars 1974 remet la cause en continuation pour qu'il soit

conclu au fond, que confirme l'arrêt, con­stitue non pas une mesure d'instruction mais une simple mesure d'ordre ; qu'il en serait d'ailleurs de même s'il fallait considérer, quod non, que le premier juge a ordonné une réouverture des dé­bats, et que, dès lors, en renvoyant la cause au premier juge par application de l'article 1068, alinéa 2, du Code judi­ciaire, en dehors du cas prévu par cett'e disposition, l'arrêt viole et méconnaît la règle de l'effet dévolutif de l'appel qui, en vertu de l'alinéa 1•r dudit article 1068, lui imposait de juger le fond du litige (violation des dispositions visées au moyen et spécialement des articles 1046 et 1068 du Code judiciaire) ;

le quatrième, de la violation des arti­cles 1068, 1071 du Code judiciaire et 97 de la Constitution,

en ce que l'arrêt, après avoir con­staté que les parties n'avaient pas en­core conclu au fond, décide de renvoyer la cause au premier juge pour leur per­mettre de ce faire,

alors que le juge d'appel, saisi du fond du litige par l'effet dévolutif de l'appel, était tenu, en vertu de l'arti­cle 1068 du Code judiciaire, de statuer lui-même au fond et, pour ce faire, de renvoyer la cause, conformément à l'ar­ticle 1071 du Code judiciaire, à une de ses audiences ultérieures pour être con­clu et statué au fond, et que, dès lors, l'arrêt, en renvoyant la cause au pre­mier juge au lieu de la renvoyer à une de ses propres audiences, a violé les dispositions visées au moyen :

Attendu que la décision par laquelle le premier juge, après avoir statué sur la recevabilité de la tierce opposition, a remis « la cause en continuation » pour qu'il soit conclu au fond, fût-elle une décision de réouverture des débats, encore ne serait-elle pas une mesure d'instruction au sens de l'article 1068, alinéa 2, du Code judiciaire ;

Que, dès lors, saisie du fond du litige par l'appel du jugement avant dire droit, la cour d'appel n'a pu décider légalement que le premier juge con­naîtrait de la prosécution de la cause ;

Que les moyens sont fondés ;

Par ces motifs, casse l'arrêt attaqué, en tant qu'il renvoie la cause au pre­mier juge ; rejette le pourvoi pour le surplus ; ordonne que mention du pré-

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COUR DE CASSATION 549

sent arrêt sera faite en marge de la décision partiellement annulée ; réserve les dépens pour qu'il soit statué sur ceux-ci par le juge du fond ; renvoie la cause, ainsi limitée, devant la cour d'appel de Mons.

Du 20 janvier 1977. - F• ch. - Prés. M. Perrichon, conseiller faisant fonc­tions de président. - Rapp M. Meeùs. - Concl. conf. M. Krings, avocat géné­ral. - Pl. MM. L. Simont et Bützler.

ir• CH. - 20 janvier 1977.

MOTIFS DES JUGEMENTS ET AR­R~TS. - MATIÈRE CIVILE. - MOTIFS CONTRADICTOIRES. - NOTION.

Se fonde sur des motifs contradictoires et, partant, ne motive pas régulière­ment sa décision le juge qui décide, d'une part, que l'appel principal est recevable et fondé et, d'autre part, que cet appel est téméraire et vexa­toire et que l'appelant est tenu de payer de ce chef une indemnité à l'intimé (1). (Constit., art. 97 .)

(DEBEFFE, C. PRINTZ, THILL, WIRTGEN, KAUFMANN ET BECKER.)

Arrêt conforme à la notice.

Du 20 janvier 1977. - 1re ch. - Prés. M. Perrichon, conseiller faisant fonc­tions de président. - Rapp. M. Closon. - Concl. conf. M. Krings, avocat géné­ral. - Pl. M. A. De Bruyn.

(1) Cons. cass., 27 novembre 1974 (Bull. et Pas., 1975, I, 343).

ir• CH. - 21 janvier 1977.

1 ° LIBERTÉ DU COMMERCE ET

DE L'INDUSTRIE. - DÉCRET DES 2-17 MARS 1791, ARTICLE 7. - PORTÉE DE CETTE DISPOSITION LÉGALE.

2° ART DE GUÉRIR. - ORDRE DES MÉ­DECINS VÉTÉRINAIRES. - LOI DU 19 DÉ­CEMBRE 1950, ARTICLE 11. - RÈGLES DE LA DÉONTOLOGIE VÉTÉRINAIRE ÉTA­BLIES PAR LE CONSEIL SUPÉRIEUR DE L'ORDRE.

3° ART DE GUÉRIR. - ORDRE DES MÉ­DECINS VÉTÉRINAIRES. - CODE DE DÉONTOLOGIE ÉTABLI PAR LE CONSEIL SUPÉRIEUR DE L'ORDRE. - LOI DU 19 DÉ­CEMBRE 1950, ARTICLE 11. - DISPOSI­TION INTERDISANT DE RÉCLAMER DES HO­NORAIRES INFÉRIEURS A CEUX QUI SONT GÉNÉRALEMENT DEMANDÉS. - DISPOSI­TION NON ENTACHÉE D'EXCÈS DE POU­VOIRS.

4° ART DE GUÉRIR. - ORDRE DES MÉ­DECINS VÉTÉRINAIRES. - ACTION DISCI­PLINAIRE. - LOI DU 19 DÉCEMBRE 1950 CRÉANT L'ORDRE DES MÉDECINS VÉTÉ­RINAIRES. - APPLICATION SYSTÉMATI­QUE D'HONORAIRES RÉDUITS. - SOLLI­CITATION IRRÉGULIÈRE DE LA CLIENTÈLE. - APPLICATION D'UNE SANCTION DISCI­PLINAIRE. - LÉGALITÉ.

1 ° L'article 7 du décret des 2-17 mars 1791, qui garantit la liberté du com­merce et de l'industrie, n'exclut point que l'exercice de certaines profes­sions puisse être réglementé par la loi ou en vertu de la loi (2).

2° L'article 11 de la loi du 19 décembre 1950 créant l'Ordre des médecins vé­térinaires attribue au conseil supé­rieur de l'Ordre la tâche, notamment, d'établir les règles de la déontologie vétérinaire, conformément aux buts indiqués par l'article 5 de ladite loi.

3° En disposant dans le Code de déon­tologie, établi sur le fondement de l'article 11 de la loi du 19 décembre 1950 créant l'Ordre des médecins vé­térinaires, qu'il est interdit de récla­mer des honoraires inférieurs à ceux

(2) Cass., 21 février 1975 (Bull. et Pas., 1975, I, 636) ; cons. cass., 30 janvier 1976 (ibid., 1976, 1, 607).

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qui sont généralement demandés, le conseil supérieur de l'Ordre n'a pas excédé ses pouvoirs (1).

4° Est légale la décision du conseil mixte d'appel de l'Ordre des méde­cins vétérinaires qui inflige une sanc­tion disciplinaire à un médecin vétéri­naire pour avoir sollicité la clientèle de manière irrégulière, notamment en appliquant des tarifs d'honoraires réduits, et avoir ainsi étendu sa clientèle en nuisant aux intérêts légitimes de ses confrères et en met­tant en danger la dignité de la pro­fession. (Loi du 19 décembre 1950, art. 5, 12 et 14, et Code de déonto­logie, art. 10 et 27 .)

(D... D., C. ORDRE DES MÉDECINS VÉTÉRINAIRES.)

ARRll:T (traduction).

LA COUR ; - Vu la décision atta­quée, rendue le 31 mars 1976 par le conseil mixte d'appel d'expression néer­landaise de l'Ordre des médecins vété­rinaires;

Sur le premier moyen, pris de la vio­lation des articles 7 du décret des 2-17 mars 1791 portant suppression des droits d'aides, maîtrises, jurandes et établissement de patentes, 5, 6, 11, ali­néa 5, 1°, de la loi du 19 décembre 1950 créant l'Ordre des médecins vétérinai­res, modifiée par les lois des 20 janvier 1961 et 15 juillet 1970, 97, 107 de la Constitution, 1•r, alinéa 1•r, 10 et 27 du Code de déontologie de l'Ordre des mé­decins vétérinaires,

en ce que la décision inflige au de­mandeur la suspension pendant un an du droit d'exercer la médecine vétéri­naire, aux motifs que le demandeur admet avoir procédé à des vaccinations contre la peste porcine à 20 francs le porcelet, que le législateur n'a pas sub­ordonné les honoraires des médecins vétérinaires à des obligations légales, que s'il est vrai que les médecins vété­rinaires peuvent déterminer librement, à leur choix, leurs honoraires, ce droit es'.; cependant réglementé par l'arti­cle 27 du Code de déontologie, en vertu

(1) Cons. cass., 25 avril 1975 (Bu!!. et Pas., 1975, I, 850).

duquel il est défendu de demander des honoraires inférieurs aux tarifs généra­lement adoptés, que les honoraires pour la vaccination contre la peste porcine ont été fixés par l'Union syndicale vété­rinaire belge à 25 francs le porcelet, que le 22 décembre 1973 le conseil su­périeur a décidé de se fonder sur ces tarifs lors de l'examen des contesta­tions, qu'il ressort des pièces produites que ce tarif minimum est généralement adopté en Flandre occidentale, que la plainte collective signée par de nom­breux médecins vétérinaires de cette province est, en l'espèce, convaincante, et que cette plainte est confirmée par l'instruction faite par le conseil,

alors que, première branche, la tâche du conseil supérieur consiste à fixer les règles de déontologie vétérinaire en vue du respect, de l'honneur, de la probité et de la dignité de la profession ; que cette tâche n'inclut pas celle de fixer des tarifs minima, de sorte que c'est à tort que la décision tient compte de la réso­lution du 22 décembre 1973 du conseil supérieur (violation des articles 7 du décret des 2-17 mars 1791, 5, 11, ali­néa 5, 1 °, de la loi du 19 décembre 1950 et 107 de la Constitution) ;

deuxième branche, en condamnant le demandeur à une peine disciplinaire, pour n'avoir pas observé les tarifs fixés par l'Union syndicale sur lesquels le conseil supérieur avait décidé de se fonder, la décision a prononcé une peine fondée sur des motifs relatifs au mouvement syndical, ce que la loi in­terdit (violation des articles 6 de la loi du 19 décembre 1950 et 107 de la Con­stitution) ;

troisième branche, le demandeur in­voquait en conclusions que le tarif gé­néralement adopté dans la région où il travaillait était de 20 francs par vacci­nation et non de 25 francs, que les ta­rifs doivent être appréciés par région et non par province et diffèrent dans la même province de région à région ; que la décision ne répond pas à suffisance à ces conclusions et ne constate pas régu­lièrement que le tarif de 25 francs était généralement adopté dans la région du demandeur (violation des articles 97 de la Constitution, 1er, alinéa 1•r, 10 et 27 du Code de déontologie) :

Quant aux deux premières branches :

Attendu que, si l'article 7 du décret

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COUR DE CASSATION 551

des 2-17 mars 1791 garantit la liberté du commerce et de l'industrie, il n'est toutefois pas exclu que l'exercice de certaines professions puisse être régle­menté par ou en vertu de la loi ;

Attendu que l'article 11 de la loi du 19 décembre 1950 créant l'Ordre des médecins vétérinaires confère au con­seil supérieur de cet Ordre la tâche d'établir « les règles de la déontologie vétérinaire conformément aux buts in­diqués par l'article 5 de la présente 101»;

Qu'en disposant dans l'article 27 du Code de déontologie qu'il est interdit de réclamer des honoraires inférieurs à ceux qui sont généralement adoptés, le conseil supérieur n'a pas excédé les pouvoirs qui lui ont été conférés ;

Attendu que la décision condamne le demandeur, non pas pour ne pas avoir observé « les tarifs fixés par l'Union syndicale », mais pour avoir en­freint les dispositions de l'article 27 dudit code, parce que les honoraires qu'il réclamait pour les vaccinations étaient inférieurs aux « tarifs géné­raux », dont le montant se déduisait tant des tarifs de ladite Union auxquels le conseil supérieur se réfère à titre de directive que « du tarif généralement adopté en Flandre occidentale » ;

Quant à la troisième branche :

Attendu que, dès lors que le conseil d'appel a décidé que le demandeur avait enfreint les dispositions de l'ar­ticle 27 du Code de déontologie, parce qu'il réclamait des honoraires inférieurs aux tarifs indiqués, à titre de directive, par le conseil supérieur pour les méde­cins vétérinaires ayant une clientèle rurale, sans distinction de régions et généralement adoptés en Flandre occi­dentale, ce conseil d'appel n'était pas tenu de répondre aux conclusions citées en cette branche, qui étaient devenues sans pertinence ;

Sur le deuxième moyen, pris de la violation des articles 6, 11, alinéa 5, 1 °, de la loi du 19 décembre 1950 créant l'Ordre des médecins vétérinaires, modi­fiée par les lois des 20 janvier 1961 et 15 juillet 1970, 97 de la Constitution, 1•r, alinéa 1•r, 10 et 27 du Code de déontologie de l'Ordre des médecins vétérinaires,

en ce que la décision inflige au de-

mandeur la suspension pendant un an du droit d'exercer la médecine vétéri­naire, aux motifs que l'application sys­tématique d'un tarif réduit en matière de vaccination contre la peste porcine est devenue rapidement notoire, qu'ainsi le demandeur a agi dans le but de solliciter la clientèle, que l'offre de ser­vices à tarif réduit est un des moyens employés pour solliciter de manière ir­régulière la clientèle, qu'à une distance assez éloignée de son lieu de résidence le demandeur procède systématique­ment à des vaccinations contre la peste porcine en des endroits où il ne fournit pas d'autres prestations vétérinaires, et que (le demandeur) a ainsi étendu sa clientèle, éliminé différents médecins vétérinaires d'une série d'exploitations, nui aux intérêts légitimes des médecins vétérinaires loyaux et mis sérieusement en danger l'autorité de la profession, violant ainsi les articles 1er, alinéa 1•r, 10 et 27 du Code de déontologie,

alors que, première branche, le de­mandeur invoquait en conclusions que l'offre de services à tarif réduit impli­quait la nécessaire constatation qu'il faisait ou organisait personnellement de la publicité ; que la décision ne répond pas à ces conclusions (violation de l'ar­ticle 97 de la Constitution) ;

seconde branche, les infractions disci­plinaires retenues à charge du deman­deur ne sont, dès lors, pas établies à suffisance et qu'en tout cas la régularité de la sanction ne peut être contrôlée (violation de toutes les dispositions lé­gales invoquées) :

Attendu que le demandeur soutenait en conclusions que l'offre de services à tarif réduit, interdite par l'article 10 du Code de déontologie vétérinaire, sup­pose l'existence simultanée de deux élé­ments : a) l'application de prétendus tarifs réduits ; b) le fait de faire et d'or­ganiser personnellement de la publi­cité basée sur ces tarifs ;

Attendu que la décision répond à ce moyen de défense en considérant « que l'application systématique d'un tarif ré­duit pour la vaccination contre la peste porcine devint rapidement notoire, qu'en appliquant ce tarif réduit l'appe­lant a agi dans le but de solliciter la clientèle et a effectivement atteint ce but ... , que l'interdiction imposée par l'article 10 est générale ... , que l'offre

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552 JURISPRUDENCE DE BELGIQUE

de services à tarif réduit n'est qu'un des moyens employés pour solliciter il­licitement la clientèle ... , et qu'il est apparu de l'instruction que, grâce à des pratiques contraires à la déontologie, l'appelant a réussi à étendre considé­rablement sa clientèle et à éliminer différents médecins vétérinaires d'une série d'exploitations» ;

Attendu que, par ces motifs et par ceux invoqués dans la réponse au pre­mier moyen, le conseil mixte d'appel motive régulièrement sa décision et en déduit légalement que le demandeur a manqué aux règles de la déontologie, manquement qui justifie la sanction in­fligée;

Sur le troisième moyen, pris de la violation des principes généraux de droit non bis in idem et du respect des droits de la défense, et de l'article 97 de la Constitution,

Que le moyen ne peut être accueilli ;

Par ces motifs, rejette le pourvoi ; condamne le demandeur aux dépens.

Du 21 janvier 1977. - 1re ch. - Prés. Chevalier Rutsaert, premier président. - Rapp. M. Gerniers. - Concl. conf. M. Dumon, premier avocat général. -Pl. M. Houtekier.

Du même jour, un arrêt analogue, en cause de D ... M., sur pourvoi contre la sentence rendue le 31 mars 1976 par le conseil mixte d'appel d'expression néerlandaise de l'Ordre des médecins vétérinaires.

2• CH. - 24 janvier 1977.

RESPONSABILITÉ (HORS CONTRAT). - ACCIDENT DU ROULAGE. - ARRÊ:T DÉ­CIDANT QUE LA FAUTE DE L'UN DES CON­DUCTEURS N'A PAS ÉTÉ LA CAUSE DE L'ACCIDENT. - CONSTATATIONS DE L'AR­RÊ:T D'OÙ IL RESSORT QUE, SANS CETTE FAUTE, L'ACCIDENT SE SERAIT PRODUIT TEL QU'IL S'EST RÉALISÉ. - DÉCISION LÉGALE.

Est légalement justifié l'arrêt qui, après avoir constaté que deux conducteurs impliqués dans un accident du rou­lage ont effectué une manœuvre fau­tive, décide que la collision a pour cause unique la faute commise par le premier conducteur et que la faute commise par le second est sans rela­tion causale avec l'accident, dès lors qu'il ressort de ses constatations que, sans la faute du second conducteur, l'accident se serait néanmoins pro­duit, tel qu'il s'est réalisé (1). (Code civil, art. 1382 et 1383.)

(CARRÉ ET GERNEZ, C. LEVECQ.)

ARRÊ:T.

LA COUR ; - Vu l'arrêt attaqué, rendu le 28 juin 1976 par la cour d'ap­pel de Mons;

Attendu que les pourvois sont uni­quement dirigés contre la décision ren­due sur l'action exercée par les deman­deurs, parties civiles, contre la défen­deresse,

Sur le moyen pris de la violation des articles 12, 110 de l'arrêté royal du 14 mars 1968, 1382, 1383 du Code civil et 97 de la Constitution,

en ce que l'arrêt attaqué, après avoir constaté que le choc avait eu lieu sur la bande droite de circulation, à proximité immédiate de la ligne blanche continue tracée au milieu de la chaussée, et que la voiture de la défenderesse se trou­vait au milieu de la route au moment où elle fut aperçue par le premier de­mandeur, à une distance de 30 mètres environ, acquitte la défenderesse de la prévention de coups ou blessures invo­lontaires mise à sa charge et retient la responsabilité exclusive du premier de­mandeur dans l'accident, aux motifs « qu'aucune faute en relation causale directe et nécessaire avec l'accident n'a été établie dans le chef de la prévenue ; qu'il n'est pas démontré que Carré (de­mandeur) fût visible au moment où elle a entamé sa manœuvre de demi-tour ; qu'à supposer que la prévenue ait com­mis une faute en effectuant ce demi­tour malgré la présence d'une ligne

(1) Cass., 28 juin 1976 (Bull. et Pas., 1976, I, 1179) ; comp. cass., 13 septembre et 19 octobre 1976, supra, p. 37 et 213.

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COUR DE CASSATION 553

blanche continue au centre de la chaus­sée, encore cette faute éventuelle n'au­rait-elle aucun lien de causalité néces­saire avec l'accident ; qu'en effet il suffisait à Carré de poursuivre sa trajec­toire en ligne droite pour éviter l'acci­dent ... ; que, pratiquement, la prévenue avait dégagé au moment du choc toute la bande de circulation de droite dans le sens suivi par le cyclomotoriste »,

alors que, première branche,

seconde branche, l'arrêt n'a pas léga­lement justifié l'absence d'un lien de causalité entre la faute «éventuelle» de la défenderesse et le dommage subi par le premier demandeur, qu'en se bornant à affirmer « qu'il suffisait à Carré de poursuivre sa trajectoire en ligne droite pour éviter l'accident », après avoir constaté que le premier de­mandeur avait heurté la partie du vé­hicule de la défenderesse qui se situait sur la bande droite de circulation, l'ar­rêt ne constate pas que l'accident se serait néanmoins produit et aurait eu les mêmes conséquences si la défende­resse avait exécuté une manœuvre ré­gulière puisque l'accident s'est produit sur la bande droite de circulation :

Sur la seconde branche : Attendu que l'arrêt ne constate pas

que le demandeur Carré a heurté la partie du véhicule de la défenderesse qui se situait sur la bande droite de circulation ;

Qu'il relève « qu'il résulte de la loca­lisation de la terre tombée de la voiture pilotée par la prévenue (voir le plan dressé par les verbalisants) que le choc a eu lieu à proximité immédiate de la ligne blanche continue tracée au milieu de la chaussée ; . . . qu'au moment du choc la voiture était presque parallèle à l'axe de la chaussée et n'offrait avec cette dernière qu'un angle très fermé ; que, pratiquement, la prévenue avait dégagé au moment du choc toute la bande de circulation de droite dans le sens suivi par le cyclomotoriste » ;

Attendu que l'arrêt a pu décider lé­galement, en se fondant sur ces consta­tations, que, même à supposer que la prévenue ait commis une faute en effec­tuant un demi-tour malgré la ligne blan­che continue tracée au milieu de la chaussée, cette faute éventuelle serait sans lien de causalité nécessaire avec

l'accident ; que, contrairement à ce que soutient le moyen, l'arrêt ne déduit pas l'absence de responsabilité de la défen­deresse de la seule considération qu'il suffisait à Carré de poursuivre sa tra­jectoire en ligne droite pour éviter l'ac­cident mais aussi de la circonsta:r;1ce qu'au moment du choc la défenderesse avait pratiquement dégagé toute la bande de circulation de droite ;

Qu'ainsi l'arrêt décide, de façon im­plicite mais certaine, que l'accident se serait produit de la même manière si la défenderesse avait, en exécutant une manœuvre régulière, occupé la même place sur la chaussée ;

Qu'en sa seconde branche le moyen ne peut être accueilli ;

Sur la première branche :

Par ces motifs, rejette les pourvois; condamne les demandeurs aux frais.

Du 24 janvier 1977. - 2" ch. - Prés. Baron Richard, conseiller faisant fonc­tions de président. - Rapp. Mm• Ray­mond-Decharneux. Concl. conf. M. Declercq, avocat général. - Pl. MM. Van Ryn et L. Simont.

2° CH. - 24 janvier 1977.

1 ° RESPONSABILITÉ (HORS CON­TRAT). - DÉLIT OU QUASI-DÉLIT. -LOIS DÉTERMINANT LES ÉLÉMENTS DU FAIT GÉNÉRATEUR DE LA RESPONSABILITÉ CIVILE AINSI QUE LE MODE ET L'ÉTENDUE DE LA RÉPARATION. - LOIS DE POLICE AU SENS DE L'ARTICLE 3 DU CODE CIVIL.

2° LOIS ET ARRÊTÉS. - LOIS DE PO­LICE. - CODE CIVIL, ARTICLE 3. - LOIS DÉTERMINANT LES ÉLÉMENTS DU FAIT GÉ­NÉRATEUR DE LA RESPONSABILITÉ HORS CONTRAT AINSI QUE LE MODE ET L'ÉTEN­DUE DE LA RÉPARATION.

3° LOIS ET ARRÊTÉS. - Lois CONCER­

NANT L'ÉTAT ET LA CAPACITÉ DES PER­SONNES. - LOIS ÉTRANGÈRES RÉGISSANT LES ÉTRANGERS EN BELGIQUE. - LI­MITE.

4° ORDRE PUBLIC. - ORDRE PUBLIC

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554 JURISPRUDENCE DE BELGIQUE

INTERNATIONAL. LOI ÉTRANGÈRE FI­XANT L'ÂGE DE LA MAJORITÉ A 18 ANS. -NON CONTRAIRE A L'ORDRE PUBLIC IN­TERNATIONAL BELGE.

5° ROULAGE. - LOI RELATIVE A LA POLICE DE LA CIRCULATION ROUTIÈRE, ARTICLE 67. - RESPONSABILITÉ CIVILE DES AMENDES ET DES FRAIS. - RESPON­SABILITÉ NE S'ÉTENDANT PAS A LA PER­SONNE QUI A ÉTÉ LA TUTRICE D'UN MI­NEUR DEVENU MAJEUR, AU MOMENT DES FAITS, SUIVANT SA LOI NATIONALE.

1 ° et 2° Les lois qui déterminent les éléments du fait générateur de la res­ponsabilité hors contrat, délictuelle ou quasi délictuelle, ainsi que le mode et l'étendue de la réparation sont des lois de police au sens de l'article 3 du Code civil (1).

3° Les lois étrangères concernant l'état et la capacité des personnes régissent les étrangers en Belgique, sauf lors­qu'elles sont contraires d l'ordre pu­blic international belge (2). (Code ci­vil, art. 3, al. 3.)

4° La loi étrangère qui fixe l'âge de la majorité à 18 ans n'est pas, comme telle, contraire à l'ordre public inter­national belge (3).

4° La responsabilité civile de l'amende et des frais, établie par l'article 67 de la loi relative à la police de la circu­lation routière, ne s'étend pas à la personne qui a été la tutrice d'un mi­neur devenu majeur, au moment des faits, suivant sa loi nationale (4).

(PROCUREUR DU ROI A VERVIERS, C. KEPPELS ET MÔRSHEIM.)

ARRÊT.

LA COUR ; - Vu le jugement atta­qué, rendu en langue allemande le 6 septembre 1976 par le tribunal correc­tionnel de Verviers, statuant en degré d'appel, et le pourvoi formé en cette même langue ;

(1) Cass., 17 mai 1957, aud. plén., et les conclusions de M. le procureur général Hayoit de Termicourt (Bull. et Pas., 1957, I, 1111) ; 23 novembre 1962 (ibid., 1963, I, 374) ; 23 octobre 1969 (ibid., 1970, I, 168) ; 10 décembre 1976, supra, p. 413 et la note p. 414.

Vu l'ordonnance de Monsieur le pre­mier président du 14 octobre 1976 di­sant que la procédure sera poursuivie en langue française devant la Cour à partir de l'audience ;

Sur le moyen pris de la violation du principe de la territorialité des dispo­sitions de droit pénal et de l'article 67 de la loi relative à la police de la circu­lation routière (coordination du 16 mars 1968),

en ce que le tribunal a décidé que Gertrud Morsheim, grand-mère du pré­venu André Keppels, ne pouvait être considérée comme civilement respon­sable pour lui,

alors que la condamnation de la per­sonne civilement responsable n'est qu'une conséquence des dispositions pé­nales et qu'ainsi la responsabilité civile prévue par l'article 67 de l'arrêté royal du 16 mars 1968 est soumise au principe de la territorialité du droit pénal,

et alors que la législation allemande en vertu de laquelle la majorité est fixée à l'âge de 18 ans ne peut trouver d'application puisqu'elle est en contra­diction avec les dispositions d'ordre pu­blic de la loi belge :

Attendu que les lois qui déterminent les éléments du fait générateur de la responsabilité civile, délictuelle ou quasi délictuelle, et les conditions d'existence de celle-ci, tant à l'égard de l'auteur du fait dommageable qu'à l'égard de ceux qui ont à répondre pour lui, sont des lois de police au sens de l'article 3, ali­néa 1••, du Code civil;

Attendu que cependant l'âge de la majorité et la fin de la tutelle qui en est la conséquence se rattachent à l'état et à la capacité des personnes ;

Attendu qu'en vertu de l'article 3, alinéa 3, du Code civil les lois étran­gères concernant l'état et la capacité des personnes régissent les étrangers en Belgique ; que l'application de ces lois n'est tenue en échec que lorsqu'elles vont à l'encontre de l'ordre public in­ternational belge ;

Attendu que les dispositions de la

(2) Cons. cass., 19 janvier 1882, motifs (Bull. et Pas., 1882, I, 36).

(3) Cons. cass., 16 février 1955, chambres réunies (Bull. et Pas., 1955, I, 647).

(4) Cons. cass., 6 mars 1950 (Bull. et Pas., 1950, I, 477) et 19 février 1968 (ibid., 1968, I, 772).

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COUR DE CASSATION 555

loi allemande fixant l'âge de la majo­rité à 18 ans et mettant fin, à cet âge, à la tutelle ne sont pas contraires à des principes que le législateur belge con­sidérerait comme essentiels pour la sau­vegarde de l'ordre moral, politique ou économique belge ;

Qu'ainsi, ayant constaté que André Keppels, de nationalité allemande, était au moment des faits devenu majeur en vertu de sa loi nationale et avait cessé en conséquence d'être le pupille de Ger­trud Morsheim, sa grand-mère, le juge­ment, qui décide que celle-ci n'est pas civilement responsable pour lui des amendes et des frais auxquels il est condamné, ne viole ni l'article 67 de la loi sur la police de la circulation rou­tière ni le principe de droit pénal invo­qué au moyen ;

Que le moyen manque en droit ; Et attendu que les formalités sub­

stantielles ou prescrites à peine de nul­lité ont été observées et que la décision est conforme à la loi ;

Par ces motifs, rejette le pourvoi ; laisse les frais à charge de l'Etat.

Du 24 janvier 1977. - 2" ch. - Prés. Baron Richard, conseiller faisant fonc­tions de président. - Rapp. Mme Ray­mond-Dechameux. Concl. conf. M. Declercq, avocat général.

2e CH. - 24 janvier 1977.

1 ° CHÈQUE. - LOI DU 1er MARS 1961, ARTICLE 61. - EMISSION. - NOTION.

2° CHÈQUE. - EMISSION SANS PROVI­SION PRÉALABLE, SUFFISANTE ET DISPO­NIBLE. - PROVISION DEVANT RÉSULTER

D'UN ENGAGEMENT DU TIRÉ, ANTÉRIEUR A L'ÉMISSION. - FACILITÉS DE CAISSE NE CONSTITUANT PAS CETTE PROVISION.

(1) Cass., 19 janvier 1976 (Bull. et Pas., 1976, I, 564).

Sur ce que la circonstance que le chèque, émis sans provision, est ultérieu­rement provisionné n'enlève pas à l'émis­sion son caractère délictueux, cons. cass., 18 décembre 1972 (Bull. et Pas., 1973, I, 378).

(2) Cons. cass. fr., 22 avril 1977 (Bulletin

3° MOTIFS DES JUGEMENTS ET AR­RÊTS. - MATIÈRE RÉPRESSIVE. -MOTIFS AMBIGUS. - DÉCISION NON MO­

TIVÉE.

4° CASSATION. - ETENDUE. - MA­TIÈRE RÉPRESSIVE. - ACTION PUBLI­QUE. - POURVOI DU MINISTÈRE PUBLIC. - CASSATION D'UNE DÉCISION D'ACQUIT­

TEMENT RELATIVE A UNE PRÉVENTION. -FAITS DE CETTE PRÉVENTION CONSTI­

TUANT AVEC LES FAITS D'UNE AUTRE PRÉVENTION, AYANT AUSSI FAIT L'OBJET

D'UN ACQUITTEMENT, UN FAIT PÉNAL UNI­

QUE. - CASSATION PORTANT SUR LES

DEUX DÉCISIONS.

1 ° IZ y a émission d'un chèque, au sens de l'article 61 de la loi du 1er mars 1961 concernant l'introduction dans la législation nationale de la loi uni­forme sur le chèque, lorsque le chè­que est mis en circulation ou remis au bénéficiaire (1).

2° Le délit d'émission sans provision d'un chèque bancaire suppose l'ab­sence de provision préalable, suffi­sante et disponible, résultant d'un engagement du tiré antérieur à l'émission; ne constituent point pa­reille provision des facilités de caisse ou dépassements de crédit consentis par le tiré lors de la présentation du titre en vue du payement, même si ces tolérances sont conformes à une pratique usuelle mais ne constituent pas une obligation contractée par la banque avant l'émission du chè­que (2). (Loi du 1er mars 1961, arti­cle 61.)

3° N'est pas régulièrement motivée la décision dont le dispositif est fondé sur des motifs ambigus (3). (Constit., art. 97.)

4° Lorsque, sur le pourvoi du ministère public, la décision d'acquittement re­lative à une prévention est cassée et que les faits de cette prévention ainsi

des arrêts, Chambre criminelle, n° 4, avril 1977, p. 327) ; XIII0 • journées franco-belgo­luxembourgeoises de science pénale (Lu­xembourg, 6 et 7 avril 1973), in Rev. dr. pén., numéro spécial de novembre-décem­bre 1973, spécialement le rapport intro­ductif de M. HENRY-D. BOSLY (p. 163 à 167) et les interventions de MM. J.B. HERZOG et PUCHEUS (p. 127).

(3) Cass., 27 octobre 1975 (Bull. et Pas., 1976, I, 253).

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556 JURISPRUDENCE DE BELGIQUE

que les faits d'une autre prévention, ayant aussi fait l'objet d'une décision d'acquittement, constituent, d'après les constatations du juge du fond, un fait pénal unique, la cassation porte sur l'une et l'autre décision (1).

(PROCUREUR GÉNÉRAL PRÈS LA COUR D'APPEL DE LIÈGE,

C. GÉRARD.)

ARRf:T.

LA COUR ; - Vu l'arrêt attaqué, rendu le 6 octobre 1976 par la cour d'appel de Liège, statuant comme juri­diction de renvoi ;

Vu l'arrêt de la Cour du 4 novem­bre 1974 (2) ;

Attendu que le défendeur était pour­suivi du chef d'avoir, entre le 27 juin 1972 et le 9 septembre 1972, à plusieurs reprises, commis des escroqueries au préjudice de la société anonyme Kre­dietbank (prévention A) et, en contra­vention à l'article 61 de la loi du 1er mars 1961, sciemment émis des chè­ques tirés sur cette banque sans pro­vision préalable, suffisante et disponi­ble (prévention B) ;

I. En tant que le pourvoi est dirigé contre la décision acquittant le défen­deur de la prévention B :

Sur le premier moyen, pris de la vio­lation de l'article 61, 1 °, de la loi du l'" mars 1961,

en ce que l'arrêt décide « qu'il est loi­sible à une banque d'accorder volontai­rement et sciemment des dépassements de crédit, même d'une manière tacite, sans qu'il soit nécessaire de recourir aux formes usuelles de l'ouverture de crédit ... , qu'il apparaît de l'enquête complémentaire ordonnée . . . que cette pratique est d'usage à la Kredietbank et que le prévenu en a bénéficié, ... que la Kredietbank lui a accordé suivant l'usage des facilités de caisse ... , qu'il découle de ce qui précède qu'en pleine connaissance la Kredietbank a provi-

(1) Cons. cass., 21 mars 1972 (Bull. et Pas., 1972, I, 687), 4 novembre 1974 (ibid., 1975, I, 265) et, quant à la décision sur l'action civile, 8 septembre 1975 (ibid., 1976, I, 36).

Sur ce que, en matière civile, la cassa­tion d'un dispositif de la décision attaquée

sionné les chèques émis par le pré­venu»,

alors que, première branche, les élé­ments nécessaires et suffisants pour constituer l'infraction sont réunis dès que l'auteur émet sciemment un chèque sans provision préalable, suffisante et disponible ; que des « facilités de caisse » qu'un banquier accorde à son client sans aucun engagement de sa part ne permettent pas de considérer qu'il existe une ouverture de crédit susceptible de servir de provision à des chèques ; qu'en effet une simple tolé­rance de banque, appelée « facilités de caisse » ne suffit pas à établir la forma­tion d'u'.n contrat d'ouverture de crédit, celui-ci impliquant de la part du ban­quier, aux termes d'un engagement for­mel et préalable, la mise à la disposi­tion, au profit de son client, d'une somme déterminée dont il peut disposer comme d'un avoir propre ; que des « fa­cilités de caisse » à caractère imprécis et discrétionnaire consenties par un ban­quier, au-delà d'un crédit automatique (en l'espèce de 25.000 francs), ne sau­raient ni constituer une provision ni as­surer la protection du public, la facilité des échanges et la sécurité des affaires ;

seconde branche, si la banque a ho­noré les chèques émis par son client, bien qu'il ait été constaté que le crédit automatique de 25.000 francs accordé par elle était dépassé, elle n'a pu « pro­visionner » des chèques postérieurement à leur émission et le payement qu'elle a consenti au titre de « facilités de caisse » ne constitue pas une provision préalable, suffisante et disponible, pas plus que la circonstance qu'un compte qui aurait été crédité dans un temps voisin postérieur à la mise en circula­tion du titre non provisionné n'enlève au fait incriminé son caractère délic­tueux:

Attendu qu'il ressort des constata­tions de l'arrêt qu'une partie au moins des chèques mentionnés dans la pré;.. vention ont été émis après épuisement du crédit automatique de 25.000 francs accordé par la Kredietbank au défen-

entraîne la cassation d'un autre dispositü uni par un lien nécessaire à celui qui a été cassé, cons. cass., 2 octobre 1975 et 5 février 1976 (Bull. et Pas., 1976, I, 141 et 631).

(2) Bull. et Pas., 1975, I, 265.

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COUR DE CASSATION 557

deur en sa qualité de titulaire d'une carte de banque ;

Que néanmoins l'arrêt acquitte le dé­fendeur de l'ensemble de la prévention en se fondant sur les motifs repris en substance au moyen ;

Attendu que le délit d'émission d'un chèque bancaire sans provision préala­ble, suffisante et disponible est con­sommé dès la mise en circulation de ce chèque ou sa remise au bénéficiaire ; qu'une ouverture de crédit susceptible de servir de provision à un chèque ne peut résulter que de l'obligation, con­tractée par le tiré envers le tireur avant l'émission de ce chèque, de constituer un avoir d'un montant au moins égal dont le tireur pourra disposer par ce chèque ; que ne peuvent former cette provision des dépassements de crédit ou « facilités de caisse », consentis par le tiré lors de la présentation du titre en vue de son payement, fût-ce conformé­ment à une pratique usuelle de la part du tiré mais sans qu'il y soit tenu par un engagement antérieur à l'émission ;

Que ni par les motifs visés au moyen ni par aucun autre de ses motifs l'arrêt ne justifie légalement sa décision que « la Kredietbank a provisionné les chè­ques émis par le prévenu » ;

Que le moyen est fondé ;

Sur le second moyen, pris de la vio­lation de l'article 97 de la Constitution,

en ce que l'arrêt énonce « qu'en tout état de cause celui-ci (le défendeur) a pu croire qu'il était autorisé a agir ainsi qu'il l'a fait »,

alors que cette motivation ne permet pas de discerner si l'arrêt considère que le prévenu a pu croire qu'il était auto­risé à agir ainsi qu'il l'a fait par la loi ou par la banque, et que, quoi qu'il en soit, l'erreur ne constitue une cause de justification que si elle est invinci­ble, ce que la bonne foi de l'auteur ne suffit pas à établir et ce que l'arrêt ne constate d'ailleurs pas :

Attendu qu'il ne ressort pas de l'ar­rêt que lors de l'émission des chèques le défendeur ait été victime d'une er­reur de droit invincible ;

Que le moyen est fondé ;

II. En tant que le pourvoi est dirigé contre la décision acquittant le défen­deur de la prévention A :

Attendu que l'arrêt constate que les

faits des préventions d'escroqueries et d'émission de chèques sans provision constituent en l'espèce un fait pénal unique et décide que, « la prévention d'émission de chèques sans provision n'étant pas établie, l'imputation d'avoir commis des escroqueries au moyen de ces émissions ne l'est pas non plus » ;

Que, dès lors, la cassation de la dé­cision rendue sur la prévention d'émis­sion de chèques sans provision doit s'étendre à la décision concernant la prévention d'escroqueries ;

Par ces motifs, casse l'arrêt attaqué ; ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de la décision an­nulée ; condamne le défendeur aux frais ; renvoie la cause à la cour d'ap­pel de Mons.

Du 24 janvier 1977. - 28 ch. - Prés. Baron Richard, conseiller faisant fonc­tions de président. - Rapp. Baron Vin­çotte. - Concl. conf. M. Declercq avo­cat général. - Pl. M. Saels (du b;rreau de Bruxelles).

2• CH. - 24 janvier 1977.

1 ° ROULAGE. - DÉCHÉANCE DU DROIT DE CONDUIRE FONDÉE SUR L'INCAPACITÉ PHYSIQUE. - MESURE DE SÉCURITÉ. -DÉCHÉANCE PRONONCÉE A TITRE DÉFINI­TIF. - POINT DE CONSTATATION QUE L'INCAPACITÉ EST DÉMONTRÉE DEVOIR ÊTRE PERMANENTE. - ILLÉGALITÉ.

2° POURVOI EN CASSATION. - POR­TÉE. - MATIÈRES CORRECTIONNELLE ET DE POLICE. - JUGE AYANT STATUÉ PAR DES DÉCISIONS DISTINCTES, D'UNE PART, SUR LA CULPABILITÉ ET LA PEINE, D'AU­TRE PART, SUR LA DÉCHÉANCE DU DROIT DE CONDUIRE FONDÉE SUR L'INCAPACITÉ PHYSIQUE. - POURVOI CONTRE LA SE­CONDE DÉCISION. - POURVOI NE DÉFÉ­RANT PAS A LA COUR LA PREMIÈRE.

1 ° La déchéance du droit de conduire un véhicule fondée sur l'incapacité physique du prévenu n'est pas une peine mais une mesure de sécurité qui ne peut être légalement pronon­cée à titre définitif que s'il est con-

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558 JURISPRUDENCE DE BELGIQUE

staté que l'incapacité est démontrée devoir être permanente (1). (Loi rela­tive à la police de la circulation rou­tière, art. 42.)

2° Lorsque, en matières correctionneUe et de police, le juge a statué par des décisions distinctes, d'une part, sur

(1) Cass., 20 novembre 1967 (Bull. et Pas., 1968, 1, 374) ; cons. cass., 21 novem­bre 1966 (ibid., 1967, 1, 380).

(2) Le juge pénal ne peut scinder sa décision sur l'action publique. S'il statue d'abord sur la question de la culpabilité et ultérieurement, par un jugement dis­tinct, sur la peine, les deux décisions sont nulles (cass., 24 février 1975, Bull. et Pas., 1975, 1, 657). Il en va de même si, dans un premier jugement, le juge inflige certaines pénalités en raison d'une infrac­tion déclarée établie et rend ultérieure­ment un second jugement qui prononce d'autres pénalités en raison du même fait (cass., 29 novembre 1954, Bull. et Pas., 1955, 1, 279).

L'une et l'autre décisions étant nulles et cette nullité étant indivisible, il en dé­coule :

1 ° que le pourvoi formé contre la pre­mière décision avant la prononciation de la seconde est irrecevable, la décision n'étant pas définitive au sens de l'arti­cle 416 du Code d'instruction criminelle (cass., 9 mars 1976, Bull. et Pas., 1976, I, 749);

2° que l'accueil du pourvoi formé con­tre la seconde décision entraîne nécessai­rement la cassation de la première, les deux décisions étant viciées par une seule et même illégalité (cass., 24 février 1975, déjà cité).

Ces principes s'appliquent dans l'hypo­thèse où deux décisions successives pro­noncent l'une et l'autre des peines en rai­son d'un seul fait.

Il est à noter que l'arrêt précité du 9 mars 1976 adopte les mêmes solutions, alors que la décision attaquée avait pro­noncé des peines du chef d'infraction à la législation sur l'urbanisme et remis la cause en continuation en vue de statuer, au moment opportun, sur la remise des lieux en état. Cette dernière mesure ne constitue assurément pas une peine mais est considérée comme appartenant à la décision sur l'action publique (conclusions de M. l'avocat général Lenaerts précédant l'arrêt du 9 mars 1976, Arresten, 1976, p. 785-787).

Dans l'espèce qui donna lieu à l'arrêt annoté, le tribunal de police avait, le 8 janvier 1976, définitivement statué sur la culpabilité du prévenu et sur les péna­lités ; il avait ordonné une expertise en

La culpabiLité et la peine, d'autre part, sur la déchéance du droit de conduire fondée sur l'incapacité physique, le pourvoi dirigé contre la seconde dé­cision ne soumet pas à la Cour l'exa­men de La légalité de la première (2). (Solution implicite.)

vue de statuer ultérieurement sur une éventuelle déchéance du droit de conduire fondée sur l'incapacité physique. C'est uniquement sur ce point qu'avait à statuer le jugement du 8 novembre 1976, attaqué par le pourvoi.

Se prononçant sur la même question, la cour d'appel de Gand (arrêt du 28 octo­bre 1971, Rechtsk. Weekbl., 1971-1972, col. 667) avait jugé irrégulière pareille scission de la décision et annulé le juge­ment qui, après avoir prononcé des peines, avait désigné un expert avant de statuer ultérieurement sur une éventuelle mesure de sûreté.

La déchéance à vie fondée sur l'inca­pacité physique ne constitue certes pas une peine. Mais n'appartient-elle pas à la décision sur l'action publique, comme la remise des lieux en état, en matière d'ur­banisme?

S'il est vrai que, suivant les termes de l'article 42 de la loi relative à la police de la circulation routière, la déchéance est prononcée « à l'occasion d'une condamna­tion pour infraction ... », il faut en tout cas constater que, suivant sa raison d'être et sa finalité, cette mesure ne participe en rien de la nature de la peine.

L'annulation d'un jugement ne portant que sur cette mesure de sûreté ne peut logiquement exercer une influence sur la validité d'un jugement antérieur ayant complètement et définitivement jugé la question de la culpabilité et tous les effets pénaux qui en découlaient.

Pour décider que la cassation du juge­ment attaqué ne devait pas étendre ses effets à la première décision, la Cour trouvait d'ailleurs une indication dans ses arrêts du 21 novembre 1966 et du 20 no­vembre 1967, cités à la note précédente. Il s'agissait sans doute, chaque fois, d'une décision unique statuant tant sur l'action publique que sur la déchéance à vie. Mais, cette dernière mesure ayant été pronon­cée sans motivation régulière, la Cour avait limité l'annulation à la partie de la décision qui avait statué sur la mesure de déchéance, laissant subsister la décision sur la culpabilité et sur la peine.

Si, en pareil cas, la cassation est par­tielle, la Cour a estimé à juste titre que. dans l'espèce qui lui était soumise, la cassation ne devait pas s'étendre au pre­mier jugement rendu en la cause.

R.-A. D.

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COUR DE CASSATION 559

(SCHÜTZ,)

ARRÊT.

LA COUR ; - Vu le jugement atta­qué, rendu le 8 novembre 1976 par le tribunal correctionnel de Liège, sta­tuant en degré d'appel ;

Sur le moyen pris, d'office, de la vio­lation de l'article 42 de la loi relative à la police de la circulation routière :

Attendu que le jugement prononce à charge du demandeur la déchéance dé­finitive du droit de conduire un véhi­cule, un aéronef ou une monture, pour cause d'incapacité physique, en l'auto­risant toutefois à demander, à partir du 1er mars 1978, à être relevé de cette déchéance;

Attendu qu'en se bornant à relever « que Schütz est physiquement incapa­ble de conduire un véhicule jusqu'au 28 février 1975 (lire 1978) au moins ; qu'il est toutefois possible que son inca­pacité ne se prolonge pas au-delà de cette date », le juge ne constate pas que l'incapacité est démontrée devoir être permanente et ne justifie pas légale­ment la déchéance définitive du droit de conduire qu'il prononce ;

Par ces motifs, et sans avoir égard aux moyens proposés par le demandeur, qui ne pourraient donner lieu à une cassation sans renvoi, casse le ju­gement attaqué ; ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de la décision annulée ; laisse les frais à charge de l'Etat ; renvoie la cause au tribunal correctionnel de Huy, siégeant en degré d'appel.

Du 24 janvier 1977. - 2° ch. - Prés. Baron Richard, conseiller faisant fonc­tions de président. - Rapp. Baron Vin­çotte. - Concl. conf. M. Declercq, avo­cat général. - Pl. MM. Lacroix et Wegnez (tous deux du barreau de Liège).

2• CH. - 25 janvier 1977.

1° JUGEMENTS ET ARRtTS. - VOIES DE NULLITÉ. - INAPPLICABLES AUX JU­GEMENTS.

2° PRESCRIPTION. - MATIÈRE RÉ­PRESSIVE. - ACTION PUBLIQUE. - IN­TERRUPTION DE LA PRESCRIPTION NE POUVANT RÉSULTER D'UN ACTE NUL.

3° CASSATION. - COMPÉTENCE. - MA­TIÈRE RÉPRESSIVE. - ACTION PUBLI­QUE. - PRESCRIPTION. - POUVOIR DE LA COUR DE VÉRIFIER S'IL EXISTE DES ACTES DE PROCÉDURE RÉGULIÈREMENT PRODUITS QUI ONT INTERROMPU OU SUS­PENDU LA PRESCRIPTION DE L'ACTION PU­BLIQUE.

4° PRESCRIPTION. - MATIÈRE RÉ­PRESSIVE. - ACTION PUBLIQUE. - JU­GEMENT JOIGNANT DES CAUSES EN RAISON DE LEUR CONNEXITÉ. - ACTE INTERRUP­TIF DE LA PRESCRIPTION.

5° PREUVE. - PREUVE LITTÉRALE. -FOI DUE AUX ACTES. - MATIÈRE RÉ­PRESSIVE. PROCÈS-VERBAL D'EN­QUÊTE. - DÉCISION ATTRIBUANT A CE PROCÈS-VERBAL UNE PORTÉE CONCILIA­BLE AVEC SES TERMES. - POINT DE VIO­LATION DE LA FOI DUE AUX ACTES.

6° INSTRUCTION (EN MATIÈRE RÉ­PRESSIVE). - OFFICIER DE POLICE JUDICIAIRE AGISSANT EN EXÉCUTION DE DEVOIRS PRESCRITS PAR UN JUGE D'IN­TRUCTION. - OFFICIER DE POLICE AINSI HABILITÉ POUR ACCOMPLIR CES DEVOIRS AUPRÈS DES SERVICES DES CONTRIBU­TIONS DIRECTES.

7° MOYENS DE CASSATION. - MA­TIÈRE RÉPRESSIVE. - MOYEN IMPRÉ­CIS. - IRRECEVABILITÉ.

1 ° Les voies de nullité n'ont pas lieu contre les jugements ; ceux-ci ne peu­vent être anéantis que sur les recours prévus par la loi. (Code judic., arti­cle 20.)

2° L'interruption de la prescription de l'action publique ne peut résulter d'un acte nul (1).

(1) Cass., 13 octobre 1930 (Bull. et Pas., 1930, I, 319, 20).

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560 JURISPRUDENCE DE BELGIQUE

3° La Cour de cassation a le pouvoir de rechercher si, parmi les actes de pro­cédure régulièrement produits, il en existe qui ont interrompu la prescrip­tion de l'action publique ou d'où se déduit la suspension de cette pre­scription ( 1).

4° Un jugement joignant des causes en raison de leur connexité, rendu en temps utile, interrompt la prescrip­tion de l'action publique (2). (Loi du 17 avril 1878, art. 22.)

5° Ne viole pas la foi due à un procès­verbal d'enquête la décision qui attri­bue à celui-ci une portée conciliable avec ses termes (3). (Code civil, arti­cles 1319 et 1320.)

6° Lorsqu'un officier de police judiciaire agissant sur ordre du juge d'instruc­tion est chargé de vérifier des dossiers fiscaux, il est habilité pour accomplir des devoirs d'instruction auprès des services des contributions directes. (Code des impôts sur les revenus, art. 244 ; Code pénal, art. 458.)

7° Est irrecevable le moyen qui invoque la violation d'une disposition légale sans préciser en quoi consiste cette violation (4).

(PACQUEU, C. ÉTAT BELGE, MINISTRE DES FINANCES.)

ARRÊT (traduction).

LA COUR : - Vu l'arrêt attaqué, rendu le 19 février 1975 par la cour d'appel de Bruxelles, statuant comme juridiction de renvoi ;

Vu l'arrêt de la Cour du 8 janvier 1974 (5) ;

Sur les premier et deuxième moyens réunis et pris,

le premier, de la violation des arti­cles 94, 97, 100, 101 de la Constitution, 21 à 28 du titre préliminaire du Code de procédure pénale, 292, alinéa 2, du Code judiciaire, et du principe général

(1) Cass., 8 octobre 1974 (Bull. et Pas., 1975, 1, 159).

(2) Cons. cass., 29 mai 1972 (Bull. et Pas., 1972, 1, 898), 18 novembre 1975 (ibid., 1976, 1, 344) et 7 octobre 1976, supra, p. 150.

de droit suivant lequel les juges doivent être indépendants et impartiaux et ne peuvent être juge et partie dans une même cause, des articles 1050, 1055 du Code judiciaire, 199, 202, 205 et 215 du Code d'instruction criminelle,

en ce que l'arrêt considère « que, les faits ayant été commis sans interrup­tion de plus de trois ans du 1•r janvier 1964 au 12 mai 1968 et la prescription ayant été suspendue depuis la date de l'arrêt de la cour d'appel de Gand du 9 janvier 1973 jusqu'à celle de l'arrêt rendu par la cour de cassation le 8 jan­vier 1974, la prescription de l'action publique a été régulièrement interrom­pue par l'instruction de la cause devant le tribunal correctionnel de Courtrai le 11 mai 1971 »,

alors que, première branche : 1 ° l'instruction de la cause le 11 mai

1971 par un tribunal illégalement com­posé, puisque le juge Decuyper faisait partie de ce tribunal le 11 mai 1971 et « avait précédemment, en qualité de substitut du procureur du Roi à Cour­trai, siégé le 25 mars 1969 comme mi­nistère public en chambre du conseil, lorsque celle-ci devait statuer sur la confirmation ou la non-confirmation du mandat d'arrêt décerné contre le de­mandeur le 21 mars 1969 », était illé­gale et nulle ; qu'elle ne pouvait, par­tant, être considérée comme un acte interruptif de la prescription, un effet interruptif ne pouvant résulter que d'une instruction légale et valable de la cause par le tribunal correctionnel de Courtrai;

2° l'appelant, ici demandeur, ayant sollicité l'annulation des jugements des 16 mars et 15 juin 1971 en raison de la composition irrégulière du tribunal, l'arrêt aurait dû annuler toute la pro­cédure, sauf si l'on devait interpréter l'arrêt en ce sens que par l'annulation du jugement du 15 juin 1971 toute la procédure antérieure a été annulée, hypothèse dans laquelle il y aurait con­tradiction entre le motif (interruption de la prescription par l'instruction de la

(3) Cass., 10 novembre 1975 (Bull. et Pas., 1976, 1, 308) ; cons. cass., 8 novembre 1976 et 17 janvier 1977, supra, p. 279 et 532.

(4) Cass., 13 décembre 1976, supra, p. 415. (5) Bull. et Pas., 1974, 1, 473.

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COUR DE CASSATION 561

cause le 11 mai 1971) et le dispositif (nullité de cette instruction) de l'arrêt,

3° l'arrêt, en invoquant « l'instruction de la cause le 11 mai » comme consti­tuant un acte interruptif de la pre­scription, s'approprie la nullité de ladite procédure, suivie devant un tribunal ir­régulièrement composé, ce qui entraîne la nullité de l'arrêt lui-même ;

deuxième branche, le délai de pre­scription de trois ans prenant cours le 12 mai 1968, le dernier acte interruptif de la prescription accompli valablement par le ministère public était la citation du 15 février 1971, tous les actes de procédure subséquents du tribunal cor­rectionnel (remise, audition de témoins, jugement de jonction) étant nuls, de sorte que, compte tenu de la suspension d'un an, la prescription, en ce qui con­cerne l'action publique, était acquise le 19 février 1975, date de l'arrêt attaqué ;

et, troisième branche, l'arrêt consi­dère « que le prévenu invoque à tort la nullité du jugement du 16 mars 1971 ordonnant la jonction des causes nu­méros 3533-3534/69 et 10 R.D./71 des notices du parquet ; que ce jugement a, certes, aussi été rendu par un siège dont faisait partie le magistrat prénommé, qui ne pouvait intervenir successivement dans la même cause en qualité de partie poursuivante et en qualité de membre du siège » mais « qu'il n'a toutefois pas été interjeté appel de ce jugement, de sorte qu'il a acquis force de chose jugée » ; que, si pour rendre l'arrêt, la cour d'appel de Bruxelles se trouvait, certes, par l'effet dévolutif de l'appel, dans la même si­tuation qu'antérieurement la cour d'ap­pel de Gand, saisie par les appels des 15 juin et 18 juin 1971, le litige, dans l'état où il avait été porté devant la cour d'appel de Gand, ne se limitait cependant pas au seul jugement du 15 juin 1971, en tant que tel, mais s'étendait à toute la procédure suivie par le même tribunal irrégulièrement composé, en ce compris le jugement préparatoire du 16 mars 1971 pronon­çant la jonction parce que la cour d'ap­pel de Gand ne pouvait, à peine de nullité, s'approprier aucune nullité com­mise au cours de la procédure en pre­mière instance et s'était précisément approprié cette nullité en admettant, en confirmant et en se référant au ju­gement du 15 juin 1971, ce qui impli-

quait dès lors l'appropriation implicite de la nullité du jugement du 16 mars 1971, de sorte que l'arrêt ne pouvait pas davantage s'approprier cette jonction du 16 mars 1971 et ne pouvait invoquer la force de chose jugée dudit juge­ment ; d'où il suit que, en invoquant précisément la force de chose jugée du jugement du 16 mars 1971 et ce sans lui­même joindre les procédures litigieuses, l'arrêt s'est approprié la nullité du ju­gement du 16 mars 1971, avec toutes les conséquences qui en résultent, notam­ment l'anéantissement de l'effet inter­ruptif de la prescription du jugement du 16 mars 1971 ;

le deuxième, de la violation des mêmes dispositions légales que celles citées dans le premier moyen,

en ce que l'arrêt déclare que la nul­lité du jugement du 16 mars 1971 or­donnant la jonction des causes numé­ros 3533-3534/69 et 10 R.D./71 des no­tices du parquet est invoquée à tort ; que ce jugement a, certes, aussi été rendu par un siège dont faisait partie ledit magistrat, qui ne pouvait intervenir successivement dans une même cause en qualité de partie poursuivante et en qua­lité de membre du siège, mais qu'« il n'a toutefois pas été interjeté appel de ce jugement, de sorte qu'il a acquis force de chose jugée »,

alors que, s'il est vrai que l'arrêt, même en cas d'évocation, ne pouvait statuer sur une cause plus étendue que celle dont avait été saisie la cour d'ap­pel de Gand, il y a toutefois lieu de relever que la cour de Gand pouvait connaître non seulement du jugement du 15 juin 1971, en tant que tel, mais aussi de la procédure antérieure dont ledit jugement était le résultat et la conséquence, et, partant, aussi du juge­ment du 16 mars 1971, puisque ce der­nier n'était qu'un jugement prépara­toire et que son résultat, à savoir la jonction, était intégré dans le jugement dont appel du 15 juin 1971 et puisque, le jugement du 15 juin 1971 et tout ce qui l'avait précédéi et y était intégré étant entaché de nullité en raison de la composition irrégulière du tribunal, la cour d'appel de Gand ne pouvait, à peine de nullité, s'approprier aucune nullité entachant la procédure devant le premier juge ; que la cour de Gand s'était précisément approprié la nullité

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562 JURISPRUDENCE DE BELGIQUE

de la jonction et, partant, du jugement du 16 mars 1971 en admettant le juge­ment «joint» du 15 juin 1971, en le confirmant et en s'y référant, de sorte que pour le même motif l'arrêt est également nul et ne pouvait décider que le jugement du 16 mars 1971 avait force de chose jugée : :

A. En tant que les moyens sont diri­gés contre la disposition de l'arrêt par laquelle la demande d'annulation du jugement de jonction, prononcé par le premier juge le 16 mars 1971, est re­jetée:

Attendu que l'arrêt considère « que la nullité du jugement du 16 mars 1971 ordonnant la jonction des causes nu­méros 3533-3534/69 et 10 R.D./71 des notices du parquet est invoquée à tort ; que ce jugement a, certes, aussi été rendu par un siège dont faisait partie le magistrat précité, qui ne pouvait in­tervenir successivement dans une même cause en qualité de partie poursuivante et en qualité de membre du siège ; qu'il n'a cependant pas été interjeté appel de ce jugement, de sorte qu'il a acquis force de chose jugée » ;

Attendu que cette décision est con­forme à la loi, les voies de nullité n'ayant, aux termes de l'article 20 du Code judiciaire, pas lieu contre les ju­gements et ceux-ci ne pouvant être anéantis que sur les recours prévus par la loi ; que, le recours prévu en l'espèce par la loi, à savoir l'appel, n'ayant pas été exercé, le jugement de jonction du 16 mars 1971 demeure valable;

B. En tant que les moyens sont diri­gés contre la disposition de l'arrêt sui­vant laquelle la prescription a été in­terrompue par l'instruction de la cause devant le tribunal correctionnel le 11 mai 1971 :

Attendu qu'aux termes de la feuille d'audience du 11 mai 1971 des conclu­sions ont été déposées à cette date par le ministère public, par le demandeur et par le ministère des finances ; que cette instruction, ayant été faite en pré­sence d'un juge qui ne pouvait connaî­tre de la cause, est nulle et n'a, dès lors, pas interrompu la prescription de l'action publique ;

Attendu toutefois que, compte tenu des autres constatations de l'arrêt à savoir « que les faits ont été com~is

sans interruption de plus de trois ans du 1•r janvier 1964 au 12 mai 1968 » et « que la prescription a été suspendue depuis la date de l'arrêt de la cour d'appel de Gand du 9 janvier 1973 jus­qu'à celle de l'arrêt rendu par la Cour de cassation le 8 janvier 1974 », il res­sort des éléments de la procédure aux­quels la Cour peut avoir égard que la prescription de l'action publique a été valablement interrompue par le juge­ment précité du 16 mars 1971 ;

Que les moyens ne peuvent être ac­cueillis;

Sur les troisième et quatrième moyens réunis et pris,

ie troisième, de la violation des arti­cles 97 de la Constitution, 43, 44, 45, 235, 244 du Code des impôts sur les revenus, 9, alinéa 2, de l'arrêté royal du 2 octobre 1937 portant le statut du personnel de l'Etat, 1er de la loi du 26 avril 1962 conférant des attributions de police judiciaire à certains agents du Comité supérieur de contrôle et 458 du Code pénal,

en ce que le demandeur a soutenu que, avant que le procureur du Roi eût requis une instruction concernant les faux en écritures imputés au deman­deur et avant que le juge d'instruction eût ordonné ou pris une mesure d'in­struction relativement auxdits faux, le sieur D'Haene, agent du service d'en­quêtes du Comité supérieur de con­trôle, s'était fait présenter le dossier fiscal du demandeur par l'administra­tion des contributions directes, aux fins d'être ainsi renseigné sur le montant des timbres-poste que le demandeur prétendait avoir achetés à des dates dé­terminées et sur les montants que celui­ci avait alors déclarés et « prouvés» à titre de charges professionnelles, ren­seignements qui ont mis D'Haene en mesure de constater au bureau des pos­tes de Roulers que, à certaines de ces dates, il avait été vendu une quantité de timbres-poste moindre que celle que le demandeur prétendait avoir achetée, circonstance qui a permis l'ouverture d'une instruction du chef de faux en écritures contre le demandeur, de sorte que le secret professionnel du fonction­naire des contributions directes a été violé et que toute la procédure subsé­quente était nulle (y compris la per-

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COUR DE CASSATION 563

quisition et la découverte de pièces de conviction et de pièces arguées de faux), et en ce que l'arrêt considère à cet égard que la loi du 26 avril 1962 a conféré à D'Haene un droit de recher­che et d'enquête illimité pour constater les infractions commises soit par des préposés de l'administration, soit par des tiers à l'occasion du fonctionnement de celle-ci, qu'il ressort clairement du procès-verbal initial que personne n'a communiqué le nom du prévenu à D'Haene, qu'une violation du secret professionnel par un fonctionnaire des contributions directes constituant le point de départ de l'instruction n'est pas davantage établie, qu'en effet l'offi­cier du Comité supérieur de contrôle est resté dans les limites de ses attributions et a agi dans le cadre de ses droits de recherche et de son domaine d'investi­gation, et que le fonctionnaire des con­tributions susvisé n'a ni agi hors l'exer­cice de ses fonctions ni fourni de ren­seignements relativement aux bénéfices du contribuable, mais uniquement des renseignements concernant des irrégu­larités commises par lui et en relation avec des frais ou des dépenses portées en compte,

alors que D'Haene est tenu au secret professionnel au même titre que les autres officiers de police judiciaire et que ce secret n'est levé que dans des cas déterminés, prévus par la loi, ce qui ne résulte pas de l'article 1•r de la loi du 26 avril 1962 ; que la violation du secret professionnel ne consiste pas dans la révélation d'un nom mais, en l'espèce, dans la communication d'élé­ments qui contribuent à déterminer un bénéfice net ; que, par ailleurs, il ressort du procès-verbal n° 275 du Comité su­périeur de contrôle que d'Haene suspec­tait effectivement le demandeur (ce sur «suggestion» de B ... ) et s'est, dès lors, rendu à l'administration des contribu­tions directes « en visant un objectif précis » ; que, si l'on admet la concep­tion de l'arrêt, à savoir que le secret professionnel ne peut être opposé à D'Haene, ce dernier n'a certes pas ex­cédé le cadre de ses attributions, mais que, si tel n'est pas le cas, l'arrêt ne répond pas de manière adéquate aux conclusions soutenant qu'aucune dispo­sition légale ou/ni ordonnance ou me­sure d'une autorité compétente (juge d'instruction) n'avait dispensé du secret

professionnel le fonctionnaire des con­tributions directes ; que, bien au con­traire, l'administration elle-même im­pose le secret à l'égard du Comité supé­rieur de contrôle ; que le fonctionnaire des contributions directes concerné a certainement agi hors des limites de l'exercice de ses fonctions, puisque celles-ci consistent à participer, comme agent taxateur, à la détermination du montant de l'impôt, de sorte que, si dans ce but il a l'obligation de fournir des renseignements relatifs aux éléments de bénéfice du dossier O. Pacqueu à d'autres fonctionnaires du ministère des finances, il ne peut par contre en four­nir à des tiers, c'est-à-dire des person­nes étrangères à l'administration des finances ; que les éléments litigieux, à savoir les montants payés à des dates déterminées pour l'achat de timbres­poste, et déclarés et « prouvés » comme dépenses professionnelles, sont bien en rapport avec les « bénéfices » visés à l'article 244, puisqu'ils sont de nature à diminuer le bénéfice brut et à permet­tre ainsi de déterminer le bénéfice net ; qu'ils ne perdent pas ce caractère parce qu'ils seraient inexacts, irréguliers ou prouvés par des documents faux ;

le quatrième, de la violation des arti­cles 97 de la Constitution, 1er de la loi du 26 avril 1962, 8, 29 du Code d'in­struction criminelle et 1317 à 1324 du Code civil,

en ce que l'arrêt affirme qu'en exci­pant de l'incompétence ratione materiae de D'Haene, agent du service d'enquêtes du Comité supérieur de contrôle, le demandeur vise notamment le contenu du procès-verbal n° 275, mais qu'il ap­paraît clairement de ce procès-verbal que son rédacteur a recueilli des rensei­gnements au cours d'une instruction mise à charge d'un certain B ... R., dans laquelle pouvait être impliqué notam­ment un certain Van H ... , inspecteur des contributions directes à Ypres, de sorte que l'on peut en déduire que les renseignements relatifs au demandeur n'ont été recueillis que dans le cadre d'une enquête faite à charge d'un in­specteur des contributions, enquête qui concerne certainement le fonctionne­me.nt de l'administration, avec cette conséquence que les renseignements concernant le demandeur ont, ensuite, été régulièrement transmis à l'autorité compétente,

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564 JURISPRUDENCE DE BELGIQUE

alors qu'il ressort des conclusions pri­ses devant la cour d'appel de Gand que le demandeur n'a pas seulement invo­qué la nullité, du chef d'excès de pou­voir ratione materiae, du procès-verbal n° 275 mais aussi celle des actes, pièces, opérations et procès-verbaux subsé­quents, tels que le mandat de perquisi­tion, la saisie par D'Haene des pièces découvertes lors de cette perquisition, les procès-verbaux d'audition, la saisie de déclarations fiscales et toutes les 111esures d'instruction relatives au fait B sur lesquelles l'administration des contributions directes s'est fondée, en bref, la nullité de toutes les pièces signées par D'Haene ou un agent du Comité supérieur de contrôle et de toutes les opérations auxquelles ils ont participé après le procès-verbal n ° 275, puisque ce n'est qu'ultérieurement que le procureur du Roi a requis une in­struction et que le juge d'instruction a chargé le même D'Haene de devoirs d'information en la cause, ainsi que les dossiers le prouvent,

et qu'il apparaît du procès-verbal n ° 275 lui-même que les renseignements relatifs au demandeur n'ont pas été ob­tenus « à l'occasion» de l'instruction faite à charge de l'inspecteur Van H ... , mais ont été obtenus en obligeant d'abord un fonctionnaire à donner con­naissance du dossier fiscal du deman­deur et en comparant ensuite, au bu­reau des postes de Roulers, les éléments recueillis lors de la communication du dossier fiscal avec ceux du livre de timbres-poste « 995 », qu'il s'agit là d'activités spécifiques de recherche, de sorte que l'arrêt ne répond pas de ma­nière adéquate aux conclusions du de­mandeur et viole la foi due au procès­verbal n ° 275 :

A. Attendu que le procès-verbal n° 275 du 17 mars 1969 du commissaire principal près le Comité supérieur de contrôle D'Haene, établi « en exécution du devoir prescrit par l'apostille n° 15286/68 du 26 novembre 1968 du juge d'instruction Casier à Courtrai », est ainsi conçu : « Au cours de l'instruc­tion ouverte à charge de B ... Roger et lors d'un entretien confidentiel, l'inté­ressé à déclaré que la falsification des bordereaux d'achat de timbres-poste avait été commise par d'« autres». Il ne souhaitait toutefois pas fournir de plus amples renseignements. Les ré-

ponses évasives données à ces questions nous ont fait présumer que cela avait peut-être été le cas pour Pacqueu Oscar, directeur pour la Flandre occi­dentale de la compagnie d'assurances Union-Vie, et pour D.P.M. Compte tenu de la mission générale de vérifier les dossiers fiscaux des personnes qui avaient reçu des commissions payées par la compagnie Union-Vie, nous avons appris que pour l'exercice 1967, reve­nus de 1966, Pacqueu Oscar avait dé­claré une dépense, pour des timbres­poste, d'un montant de 34.000 fr. . .. » et « D'autre part nous avons également appris que Van H ... Albert, inspecteur à l'administration des contributions di­rectes . . . aurait conclu des contrats d'assurance pour le compte de la com­pagnie Union-Vie et aurait utilisé à cette fin les noms desdits D.P.M. et Pacqueu. Nous rappelons que des ru­meurs relatives à pareille activité de Van H ... nous ont déjà été rapportées confidentiellement lors de diverses au­ditions, sans toutefois que des faits pré­cis aient été révélés » ;

Attendu qu'il ressort de ce qui pré­cède que les juges n'ont pas donné du procès-verbal n° 275 une interprétation inconciliable avec ses termes en con­sidérant qu'il apparaît de celui-ci que son rédacteur a obtenu des renseigne­ments au cours d'une instruction ou­verte à charge d'un certain B ... R., dans laquelle pouvait notamment être im­pliqué un certain Van H ... , inspecteur à l'administration des contributions di­rectes d'Ypres ;

Attendu que, dès lors, dans la mesure où il allègue une violation de la foi due aux actes, le quatrième moyen manque en fait;

B. Attendu que, quant au surplus, les moyens reprennent en partie le grief que le demandeur avait soumis à la cour d'appel, à savoir que par son in­tervention dans le cas d'espèce le com­missaire principal D'Haene avait ex­cédé les pouvoirs qui lui étaient con­férés par l'article 1er de la loi du 26 avril 1962 précité et avait fait des actes d'instruction ne concernant pas le fonctionnement des services publics, ou soutiennent que, tout au moins, il n'a pas été répondu à ce grief ;

Attendu que l'arrêt rappelle d'abord qu'en son article 1er « la loi du 26 avril 1962 conférant des attributions de po-

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COUR DE CASSATION 565

lice judiciaire à certains agents du Comité supérieur de contrôle a donné aux agents du service d'enquêtes, dont D'Haene faisait partie, un droit de re­cherches et d'enquêtes illimité pour re­chercher les infractions commises soit par des agents de l'administration, soit par des tiers à l'occasion du fonction­nement de l'administration, et pour con­stater ces infractions par des procès­verbaux faisant foi jusqu'à preuve du contraire » ;

Qu'ensuite et comme il a été dit ci­dessus il définit le contenu du procès­verbal n ° 275 et conclut « qu'il s'ensuit que les recherches faisant l'objet du procès-verbal litigieux relevaient de la compétence du verbalisateur ; qu'au cours de ses investigations ce dernier a cru trouver des indices d'une infraction qui aurait pu être commise par Pac­queu ; qu'en sa qualité d'officier de police judiciaire, et comme le lui impo­sait l'article 8 du Code d'instruction criminelle, il a informé l'autorité judi­ciaire des renseignements qu'il avait re­cueillis et que cette autorité en a régu­lièrement disposé » ;

Qu'ainsi l'arrêt relève que, lors des constatations et recherches consignées dans le procès-verbal n° 275, le com­missaire D'Haene n'a pas excédé les limites de ses attributions et répond de manière adéquate aux conclusions du demandeur à cet égard ;

Que, dans la mesure où ils invoquent la violation de la loi du 26 avril 1962 et de l'article 97 de la Constitution, les moyens ne peuvent, dès lors, être ac­cueillis;

C. Attendu que le troisième moyen reprend le grief déjà formulé devant la cour d'appel, à savoir que, en recueil­lant des renseignements quant aux achats de timbres-poste déclarés par Pacqueu comme charges profession­nelles, un fonctionnaire des contribu­tions directes avait violé le secret pro­fessionnel, et allègue du moins que sur ce point l'arrêt ne répond pas de manière adéquate aux conclusions du demandeur;

Attendu que l'arrêt ne décide pas qu'un fonctionnaire des contributions n'est pas tenu au secret professionnel vis-à-vis du commissaire D'Haene ; qu'il se borne à constater que l'instruction ne trouve pas sa cause dans un ren-

seignement fourni par un fonctionnaire des contributions ;

Attendu que, comme il a été dit ci­dessus, l'arrêt décide en outre non seulement que le commissaire principal du Comité supérieur de contrôle est resté dans les limites de ses attribu­tions,, mais aussi qu'il a recueilli des renseignements à l'occasion d'une en­quête faite à charge d'un membre de l'administration des contributions di­rectes, et ce, sans qu'un fonctionnaire des contributions ait violé le secret pro­fessionnel ; que, partant, il répond aux conclusions du demandeur ;

Attendu que, lorsque, comme en l'es­pèce, un officier de police judiciaire agit régulièrement sur ordre du juge d'instruction et est chargé de la mission de vérifier des dossiers fiscaux, il est habilité pour accomplir des devoirs d'in­struction auprès des services des con­tributions directes ; que l'article 244 du Code des impôts sur les revenus ne s'applique pas dans ce cas ;

Que, dans la mesure où ils soutien­nent que le fonctionnaire des contribu­tions n'a pas agi dans l'exercice de ses fonctions et que les renseignements fournis par lui concernaient des élé­ments de bénéfice, les moyens critiquent des motifs surabondants ; que, pour le surplus, ils n'indiquent pas en quoi les articles 43, 44, 45 et 235 du Code des impôts sur les revenus auraient été violés;

Que les moyens ne peuvent être ac­cueillis ;

Sur le cinquième moyen,

Que le moyen ne peut être accueilli ;

Sur le sixième moyen,

Que le moyen manque en fait ;

Et attendu que les formalités sub­stantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et que la déci­sion est conforme à la loi ;

Par ces motifs, rejette le pourvoi ; condamne le demandeur aux frais.

Du 25 janvier 1977. - 2e ch. - Prés. M. Wauters, conseiller faisant fonctions de président. - Rapp. M. Versée. -

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566 JURISPRUDENCE DE BELGIQUE

Concl. conf. M. Colard, avocat général. - Pl. MM. Delafontaine (du barreau de Courtrai) et Claeys Boùùaert.

2e CH. - 25 janvier 1977.

1 ° RENVOI APRÈS CASSATION. MATIÈRE RÉPRESSIVE. - POUVOIRS DU

JUGE DE RENVOI. - CASSATION AVEC

RENVOI SUR LE SEUL POURVOI DU CON­DAMNÉ. - POUVOIR DU JUGE DE RENVOI D'AGGRAVER LA PEINE.

2° MOYENS DE CASSATION. - MA­TIÈRE RÉPRESSIVE. - MOYEN INVO­

QUANT UN DÉFAUT DE RÉPONSE AUX CON­

CLUSIONS. - POINT DE PRÉCISION. -

IRRECEVABILITÉ.

1 ° Lorsque la cassation est prononcée, en matière répressive, sur le seul pourvoi du condamné et la cause ren­voyée à un autre juge, celui-ci a les mêmes pouvoirs que le juge dont la décision a été cassée ; il peut, dès lors, prononcer toute peine que ce juge eût pu légalement prononcer et aggraver celle qui fut prononcée (1).

2° Est irrecevable, en raison de son imprécision, le moyen qui invoque un défaut de réponse aux conclusions, sans indiquer la demande, la défense ou l'exception à laquelle il n'aurait pas été répondu (2).

(TRUANT ET SOCIÉTÉ DE PERSONNES

A RESPONSABILITÉ LIMITÉE « FIRMA TRUANT ».)

ARRÊT (traduction).

LA COUR ; - Vu le jugement atta­qué, rendu le 2 mars 1976 par le tribu­nal correctionnel de Furnes, statuant en degré d'appel et sur renvoi ;

Vu l'arrêt de la Cour du 14 octobre 1975 (3) ;

(1) Cass., 25 septembre 1974 (Bull. et Pas., 1975, I, 99).

(2) Cass., 10 novembre 1975 (Bull. et Pas., 1976, I, 316).

(3) Bull. et Pas., 1976, I, 189.

Sur le premier moyen, pris de ce que le jugement attaqué condamne le de­mandeur à une amende de 50 francs, sans sursis, quoique le jugement du tribunal correctionnel d'Ypres, cassé sur son pourvoi par l'arrêt de la Cour de cassation, ne l'eût condamné qu'à une amende de 20 francs avec sursis d'un an,

alors que le tribunal auquel une cause est renvoyée à la suite d'une cassation prononcée sur le seul pourvoi du condamné ne peut en aucun cas prononcer de peines plus fortes que celles infligées par la décision annu­lée:

Attendu que, lorsque la cassation est prononcée, en matière répressive, sur le seul pourvoi du condamné et la cause renvoyée devant un autre juge, celui-ci a les mêmes pouvoirs que le juge dont la décision a été cassée ; qu'il peut, partant, prononcer toute peine que ce juge eût pu légalement pronon­cer et aggraver celle qui l'a été;

Que le moyen manque en droit ;

Sur le deuxième moyen, pris de ce que le jugement ne répond pas à tous les moyens développés en conclusions par les demandeurs :

Attendu que le moyen n'indique pas la demande, l'exception ou la défense à laquelle il n'aurait pas été répondu ;

Qu'il est, dès lors, irrecevable ;

Sur le troisième moyen, pris de ce que le jugement viole la loi en l'appli­quant d'une manière erronée,

Que le moyen manque en fait ; Et attendu, en ce qui concerne le de­

mandeur, que les formalités substan­tielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et que la décision est conforme à la loi ;

Par ces motifs, rejette les pourvois; condamne les demandeurs aux frais.

Du 25 janvier 1977. - 2• ch. - Prés. M. Wauters, conseiller faisant fonctions de président. - Rapp. M. Versée. -Concl. conf. M. Colard, avocat général. - Pl. M. Mahieu (du barreau de Furnes).

Du même jour, un arrêt analogue en

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COUR DE CASSATION 567

cause de Truant, société de personnes à responsabilité limitée « Firma Truant » et société de personnes à responsabilité limitée « Fury » contre un autre juge­ment, du même jour, du tribunal cor­rectionnel de Furnes.

2• CH. - 25 janvier 1977.

JUGEMENTS ET ARR~TS. - MATIÈRE RÉPRESSIVE. - TÉMOINS, EXPERTS, IN­TERPRÈTES. - NULLITÉS TOUCHANT LE SERMENT DE CES PERSONNES. - DÉCI­SION ULTÉRIEURE CONTRADICTOIRE, AU­TRE QU'UNE DÉCISION D'ORDRE INTÉ­RIEUR. - NULLITÉ COUVERTE.

En matière pénale, les nullités résultant d'une irrégularité touchant le ser­ment des témoins, experts et inter­prètes sont couvertes lorsqu'un ju­gement ou arrêt contradictoire, autre que celui prescrivant une mesure d'ordre intérieur, a été rendu sans qu'elles aient été proposées par une des parties ou prononcées d'office par le juge (1). (Code d'instr. crim., art. 407, complété par l'article unique de la loi du 22 juin 1976.)

(LEYSENS, C. SOCIÉTÉ ANONYME « FILATELIA DE BEIR » ET DE BEIR.)

ARRtT (traduction).

LA COUR ; - Vu l'arrêt attaqué, rendu le 9 novembre 1976 par la cour d'appel de Gand ;

I. En tant que le pourvoi est dirigé contre la décision rendue sur l'action publique:

Sur le premier moyen, pris de la vio­lation des articles 78 du Code d'instruc­tion criminelle et 97 de la Constitution,

en ce que l'arrêt rejette l'action ten­dant à l'internement du demandeur sur le fondement du rapport d'expertise du docteur Hubert Van Hoorde du 17 mars 1976,

alors que cet expert n'a pas prêté le

(1) Cons. cass., 17 janvier 1977, supra, p. 530 et la note 4.

serment prescrit par la loi ; qu'un procès-verbal signé par l'expert con­tient, certes, le serment prescrit par l'article 44 du Code d'instruction cri­minelle mais suivi des termes biffés « ainsi m'aide Dieu » ; que cette pièce est un acte de procédure pénale, qui, en vertu de l'article 78 du Code d'instruc­tion criminelle, ne peut contenir aucune rature non approuvée ; que ladite ra­ture dans l'acte signé par l'expert n'a pas été approuvée et est, dès lors, con­formément à l'article 78 du Code d'in­struction criminelle, réputée non exis­tante ; de sorte que dans son premier rapport l'expert n'a pas prêté le ser­ment prescrit par la loi et que, partant, le rapport d'expertise est nul et ne peut servir de motivation à l'appui de la décision de la Cour :

Attendu que la cause a été instruite par la cour d'appel au cours de l'au­dience publique du 3 octobre 1976, soit après l'entrée en vigueur de la loi du 22 juin 1976 concernant le serment en matière pénale ; que le demandeur n'a pas invoqué la nullité du rapport d'ex­pertise devant le juge d'appel et que la nullité n'a pas non plus été prononcée d'office par ce dernier ; que, par consé­quent, l'arrêt, qui ne concerne pas une mesure purement préparatoire et a été rendu contradictoirement, couvre la prétendue nullité ;

Attendu que le moyen, fût-il fondé, est irrecevable ;

Et attendu que les formalités sub­stantielles ou prescrites à peine de nul­lité ont été observées et que la décision est conforme à la loi ;

II. En tant que le pourvoi est dirigé contre la décision rendue sur l'action civile exercée contre le demandeur par:

a) la défenderesse : Attendu que l'arrêt, par confirmation

du jugement dont appel, condamne le demandeur à une indemnité provision­nelle et remet la cause sine die en pro­sécution;

Attendu que pareille décision, qui ne statue pas non plus sur une contesta­tion de compétence, n'est pas définitive au sens de l'article 416 du Code d'in­struction criminelle ;

Que le pourvoi est, dès lors, irreceva­ble;

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568 JURISPRUDENCE DE BELGIQUE

b) le défendeur : Attendu que le demandeur n'invoque

aucun moyen spécial ;

Par ces motifs, rejette le pourvoi ; condamne le demandeur aux frais.

Du 25 janvier 1977. - 2e ch. - Prés. M. Wauters, conseiller faisant fonctions de président. - Rapp. M. Soetaert. -Concl. conf. M. Colard, avocat général. - PL. M. G. De Heselle (du barreau de Gand).

2e CH. - 25 janvier 1977.

JURIDICTIONS D'INSTRUCTION. ARRt:T DE LA CHAMBRE DES MISES EN ACCUSATION RENVOYANT L'INCULPÉ AU TRIBUNAL CORRECTIONNEL. - ARRt:T RENDU HORS DE LA PRÉSENCE DU MINIS­TÈRE PUBLIC. - LÉGALITÉ.

Aucune disposition du Code d'instruc­tion criminelle ou d'une autre loi ne prescrit que les arrêts de la chambre des mises en accusation, qui, en règle, statue à huis clos, doivent être rendus en présence du ministère public (1).

(VAN DER LEENDEN.)

ARRt:T (traduction).

LA COUR ; - Vu l'arrêt attaqué, rendu le 9 novembre 1976 par la cour d'appel d'Anvers, chambre des mises en accusation ;

Sur le second moyen, pris de ce que l'arrêt omet de mentionner quel magis­trat du ministère public a assisté à

(1) Cons. cass. fr., 22 novembre 1923 (Bull. des arrêts, chambre criminelle, 1923, n° 403, p. 672); Novelles, Froc. pén., t. II-1, Des mises en accusation, n° 27 ; Rép. prat. dr. belge, vo Ministère public, no 430; FAUSTIN HÉLIE, Pratique criminelle, t. Il, n°• 7 et 20, et Instruction criminelle, t. II, n°• 2986, 3129 et 3130; GARRAUD, Instr. criminelle, t. III, no 1031.

l'audience de la chambre des mises en accusation le 9 novembre 1976,

alors que le ministère public devait assister à la prononciation de l'arrêt à ladite audience ; de sorte que l'arrêt, qui ne constate pas cette présence, est nul:

Attendu qu'aucune disposition du Code d'instruction criminelle ne pre­scrit que les arrêts de la chambre des mises en accusation, qui, en règle, sta­tue à huis clos, doivent être rendus en présence du ministère public ; que, par­tant, ces arrêts ne doivent pas faire mention de l'identité du magistrat du ministère public qui aurait assisté à l'audience à laquelle un tel arrêt a été rendu;

Que le moyen manque en droit ;

Sur le premier moyen, pris de ce que l'arrêt ne répond pas aux conclusions du demandeur,

Que le moyen manque en fait ; Et attendu que les formalités substan­

tielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et que la décision est conforme à la loi ;

Par ces motifs, rejette le pourvoi; condamne le demandeur aux frais.

Du 25 janvier 1977. - 2e ch. - Prés. M. Wauters, conseiller faisant fonctions de président. - Rapp. Chevalier de Schaetzen. - Concl. conf. M. Colard, avocat général. - Pl. M. Tytgat (du barreau de Gand).

3e CH. - 26 janvier 1977.

1 ° MILICE. - SURSIS OU DISPENSE DU SERVICE POUR CAUSE MORALE. - IN­SCRIT DONT UN FRÈRE OU UNE SŒUR A ACCOMPLI UN SERVICE ACTIF. - FA­MILLE COMPTANT AU MOINS UN MEMBRE AYANT LA QUALITÉ DE PRISONNIER POLI­TIQUE. - QUALITÉ DE PRISONNIER POLI­TIQUE. - NOTION.

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COUR DE CASSATION 569

2° MILICE. - SURSIS OU DISPENSE DU

SERVICE POUR CAUSE MORALE. - IN­SCRIT DONT UN FRÈRE OU UNE SŒUR A ACCOMPLI UN SERVICE ACTIF. - FA­

MILLE COMPTANT AU MOINS UN MEMBRE AYANT SUBI, COMME PRISONNIER POLITI­QUE, UNE DÉTENTION DE SIX MOIS AU MOINS. - AUTORITÉ COMPÉTENTE POUR

FIXER LA DURÉE DE LA DÉTENTION.

1 ° Par membre d'une famille ayant la qualité de prisonnier politique, au sens de l'article 12, § 1er, 5°, e, des lois sur la milice coordonnées le 30 avril 1962, modifié par l'article l", JO, de la loi du 30 juillet 1974, il faut entendre le membre de la famille bé­néficiant du statut légal de prison­nier politique (1).

2° Les commissions a'agréation pour prisonniers politiques et ayants droit sont seules compétentes, à l'exclusion des juridictions de milice, pour dé­terminer la durée de l'incarcération ou de l'internement subi par un mem­bre de la famille d'un milicien. (Loi du 26 février 1947 organisant le sta­tut des prisonniers politiques et de leurs ayants droit, art. 32 ; arrêté du Régent du 27 mai 1947 créant les commissions d'agréation et fixant la compétence et la procédure pour l'ap­plication de la loi du 26 février 1947, art. 13 ; loi du 10 mars 1954.)

(DEBRUGE.)

ARRÊT.

LA COUR ; - Vu la décision atta­quée, rendue le 9 novembre 1976 par le conseil supérieur de milice ;

Sur le moyen pris de la violation de l'article 12, § 1er, 5°, alinéa 3, e, des lois sur la milice, coordonnées le 30 avril 1962 et modifiées par l'article 1~r de la loi du 30 juillet 1974, et de l'arrêté mi­nistériel du 2 décembre 1974,

en ce que, après avoir constaté que la période de détention, en qualité de

(1) Cass., 18 mars 1963 (Bull. et Pas., 1963, I, 779) ; cons., pour ce qui concerne les prisonniers de guerre, cass., 6 octo­bre 1976, supra, p. 147, et, pour ce qui concerne les déportés, cass., 9 juin 1976 (ibid., 1976, I, 1096).

prisonnier politique, du père du deman­deur est de 114 jours ou trois mois de trente jours plus 24 jours, inférieure à une période de détention de six mois au moins, le conseil supérieur de milice décide que le demandeur ne peut se prévaloir d'aucun service de frère au sens des dispositions de l'article 12, § 1er,50,e, , ,,

alors que le conseil supérieur de mi­lice a ajouté à cette disposition légale une condition qui n'y est pas inscrite, soit la reconnaissance d'au moins six mois de détention par la commission d'agréation pour prisonniers politiques ou ayants droit ; qu'en effet cette com­mission avait pour but de reconnaître le droit au titre de prisonnier politique ou de bénéficiaire du statut y afférent et de déterminer la durée de détention indemnisable ; qu'en revanche, au point de vue de la dispense du service, la ju­ridiction de milice devait tenir compte non seulement de la période de déten­tion indemnisable, dans le cadre du sta­tut du prisonnier politique, mais de la durée de la détention effectivement su­bie par le père du demandeur ; que, sui­vant les pièces jointes au dossier, il était établi qu'entre les deux périodes de détention complète le père du de­mandeur avait été maintenu en semi­détention, en résidence surveillée, ce qui avait d'ailleurs permis sa réincar­cération ultérieure ; que cette période de semi-détention constitue, en fait, une période de privation de liberté qui doit être comprise dans le calcul de la dé­tention subie ; qu'en refusant au de­mandeur d'admettre la dispense du ser­vice au motif que la durée de détention de son père en tant que prisonnier politique n'a pas été de six mois au moins, la décision méconnaît la dispo­sition légale visée au moyen :

Attendu que, pour obtenir la dispense du service militaire pour cause morale, le demandeur invoquait la circonstance que son père avait obtenu la qualité de prisonnier politique et que la détention effectivement subie par celui-ci était su­périeure à six mois ;

Attendu que la décision entreprise constate que la période de détention comme prisonnier politique du père du demandeur est de 114 jours ou trois mois complets de 30 jours, plus 24 jours, inférieure à la période de détention de six mois au moins prescrite à l'arti-

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570 JURISPRUDENCE DE BELGIQUE

cle 12, § l'•r, 5°, alinéa 3, e, des lois sur la milice, coordonnées le 30 avril 1962 ;

Attendu que cette disposition légale prévoit que l'inscrit dont les père, mère, frère ou sœur ont subi comme prison­niers politiques une détention de six mois au moins est en droit d'être dis­pensé du service en temps de paix ;

Attendu que la notion de la qualité de prisonnier politique suppose néces­sairement l'existence d'un statut ;

Attendu qu'il ressort de l'article 32 de la loi du 26 février 1947 organisant le statut des prisonniers politiques et de leurs ayants droit et de l'article 13 de l'arrêté du Régent du 27 mai 1947 créant les commissions d'agréation et fixant la compétence et la procédure pour l'application de ladite loi que ce sont les commissions d'agréation qui dé­terminent les cas où les prisonniers po­litiques peuvent revendiquer le titre de prisonnier politique ou celui de bénéfi­ciaire du statut et qui fixent la durée de l'incarcération ou de l'internement ;

Attendu qu'il n'appartient pas aux juridictions de milice de modifier la durée de la détention, telle qu'elle a été déterminée par les commissions d'agréa­tion;

Qu'il s'ensuit que, en prenant en con­sidération la durée de la détention telle qu'elle a été fixée par la décision rendue le 28 octobre 1948 par la commission d'agréation, le conseil supérieur de milice a légalement justifié sa décision ;

Que le moyen manque en droit ;

Par ces motifs, rejette le pourvoi.

Du 26 janvier 1977. - 3° ch. - Prés. M. Polet, conseiller faisant fonctions de président. - Rapp. M. Closon. - Concl. conf. M. Ballet, avocat général. - Pl. M. Saint-Remy (du barreau de Bruxel­les).

(1) Cass., 7 avril 1970 (Bun. et Pas., 1970, 1, 672) et la note 1, et 15 janvier 1976 (ibid., 1976, I, 549) ; cons. cass., 21 mars et 19 juin 1975 (ibid., 1975, 1, 747 et 1013).

(2) Cass., 7 avril 1970, cité à la note 1, et la note 2.

(3) et (4) Cass., 7 avril 1970, cité aux

3° CH. - 26 janvier 1977.

1° TAXES COMMUNALES ET PRO­VINCIALES. - TAXES DIRECTES. -RÉCLAMATION. - DÉPUTATION PERMA­NENTE DU CONSEIL PROVINCIAL. POUVOIR JURIDICTIONNEL.

2° TAXES COMMUNALES ET PRO­VINCIALES. - TAXES DIRECTES. -RÉCLAMATION. - INSTRUCTION DE LA CAUSE PAR LA DÉPUTATION PERMANENTE DU CONSEIL PROVINCIAL. - PRÉSENCE DES PARTIES NON PRESCRITE PAR LA LOI.

3° TAXES COMMUNALES ET PRO­VINCIALES. - TAXES DIRECTES. -RÉCLAMATION. - DÉPUTATION PERMA­NENTE DU CONSEIL PROVINCIAL. EXERCICE D'UN· POUVOIR JURIDICTION­NEL. - OBLIGATION DE RESPECTER LES DROITS DE LA DÉFENSE.

4° DROITS DE LA DÉFENSE. - MA­TIÈRE DES TAXES COMMUNALES ET PRO­VINCIALES. - PRINCIPE GÉNÉRAL DU DROIT INSÉPARABLE DE TOUT ACTE DE JURIDICTION.

1 ° La députation permanente d'un con­seil provincial, saisie d'une réclama­tion contre des impositions commu­nales directes, exerce une juridiction contentieuse (1).

2° Aucune loi n'exige que les parties soient appelées à l'instruction des causes contentieuses fiscales qui sont soumises à la députation permanente du conseil provincial (2).

3° La députation permanente du conseil provincial, saisie d'une réclamation contre des impositions communales directes, est tenue, dans l'exercice de son pouvoir juridictionnel, de respec­ter les droits de la défense (3).

4° Le respect des droits de la défense constitue un principe général du droit, inséparable de tout acte de juridic­tion (4).

notes 1 et 2, et les notes 3 et 4 ; cons. cass., 20 mars 1974 (Bull. et Pas., 1974, 1, 749), 21 mars 1975 (ibid., 1975, I, 747) et 24 octobre 1975 (ibid., 1976, 1, 246) ; comp. cass., 12 mars 1976 (ibid., 1976, 1, 764) et la note.

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COUR DE CASSATION 571

(MATOT, C. COMMUNE D'ANS.)

ARRÊT.

LA COUR ; - Vu l'arrêté attaqué, rendu le 19 février 1976 par la dépu­tation permanente du conseil provincial de Liège;

Sur le moyen pris de la violation du principe général du respect des droits de la défense et de l'article 97 de la Constitution,

en ce que l'arrêté fonde sa décision rejetant la réclamation du demandeur sur le rapport dressé le 4 décembre 1975 par le Service technique provincial « à la suite de visites distinctes effectuées sur les lieux », ainsi que sur « les ren­seignements communiqués le 29 janvier 1976 par la Société nationale des che­mins de fer belges » (sur demande datée du 21 janvier 1976),

alors que ces documents n'ont pas été communiqués au demandeur et que, dès lors, celui-ci n'ayant pas été en mesure de prendre connaissance desdits docu­ments de manière à faire valoir ses observations éventuelles, l'arrêté a violé son droit de défense (violation de toutes les dispositions visées au moyen) :

Attendu qu'il appert de l'arrêté atta­qué que la députation permanente du conseil provincial fonde sa décision sur un rapport du Service technique provin­cial ainsi que sur des renseignements communiqués par la Société nationale des chemins de fer belges ;

Qu'il ressort des pièces régulièrement soumises à la Cour que ce rapport et ces renseignements, qui répondent à des demandes d'avis technique formulées par les services du gouvernement pro­vincial, ont été joints à la procédure au cours de l'instruction de la cause par la députation permanente ;

Qu'il ne ressort d'aucune des pièces soumises à la Cour que ces documents aient été communiqués au demandeur ni que celui-ci ait été à même d'en prendre connaissance ;

Attendu que, lorsque, comme en l'es­pèce, la députation permanente statue sur une réclamation contre une taxe communale directe, elle accomplit un acte de juridiction contentieuse ;

Attendu que, si aucune loi n'exige que les parties soient appelées à l'in-

struction des affaires contentieuses fis­cales soumises à la députation perma­nente du conseil provincial, il ne s'en déduit pas que le respect du droit de défense des parties ne doive pas y être assuré;

Que le législateur n'a pas organisé pour la sauvegarde de ce droit un sys­tème propre et complet de procédure pour l'instruction et le jugement des ré­clamations contre une taxe communale soumises à la députation ; que celle-ci, dans l'exercice de son pouvoir de juri­diction, demeure tenue au respect du droit de défense, principe général de droit, inséparable de tout acte de juri­diction;

Attendu qu'en fondant sa décision sur le rapport et les renseignements préci­tés, dont le demandeur n'avait pas été mis à même de prendre connaissance de manière à pouvoir faire éventuellement valoir ses observations, la députation permanente a violé le droit de défense du demandeur ;

Que le moyen est fondé ;

Par ces motifs, casse l'arrêté attaqué ; ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de la décision an­nulée ; condamne la défenderesse aux frais ; renvoie la cause devant la dépu­tation permanente du conseil provin­cial de Namur.

Du 26 janvier 1977. - 3° ch. - Prés. M. Polet, conseiller faisant fonctions de président. - Rapp. M. Closon. - Concl. conf. M. Ballet, avocat général. - Pl. M. L. Simont.

3• CH. - 26 janvier 1977.

POURVOI EN CASSATION. - FORME. - MATIÈRE DES TAXES COMMUNALES DI­RECTES. - ARRÊTÉ DE LA DÉPUTATION PERMANENTE. - NOTIFICATION DE LA DÉCLARATION DE POURVOI. - FORMA­LITÉ NÉCESSAIRE.

Le pourvoi en cassation contre l'arrêté par lequel la députation permanente d'un conseil provincial statue sur ia réclamatio'l1 d'un contribuable en ma-

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572 JURISPRUDENCE DE BELGIQUE

tière de taxes communales directes doit, à peine de déchéance, être noti­fié dans les dix jours à la partie co~ tre laquelle il est dirigé (1). (Loi du 22 janvier 1849, art. 4 ; loi du 22 juin 1865, art. 2; loi du 22 juin 1877, arti­cle 16.)

(SOCIÉTÉ ANONYME « IMODEC », C. COMMUNE DE SEPTON.)

ARRÊT.

LA COUR ; - Vu l'arrêté attaqué, rendu le 22 avril 1976 par la députation permanente du conseil provincial du Luxembourg, statuant en matière de taxes communales sur les propriétés non bâties;

Attendu que, aux termes de l'arti­cle 4 de la loi du 22 janvier 1849, modifié par l'article 53 contenu dans l'article 3 de la loi du 10 octobre 1967 contenant le Code judiciaire, et des arti­cles 2 de la loi du 22 juin 1865 et 16 de la loi du 22 juin 1877, le pourvoi doit être notifié dans les dix jours, à peine de déchéance, à la partie contre la­quelle il est dirigé ;

Attendu qu'il n'apparaît pas des piè­ces auxquelles la Cour peut avoir égard que le pourvoi ait été notifié à la défen­deresse;

Que, partant, le pourvoi est irreceva­ble;

Par ces motifs, rejette le pourvoi ; condamne la demanderesse aux frais.

Du 26 janvier 1977. - 3e ch. - Prés. M. Polet, conseiller faisant fonctions de président. - Rapp. M. Meeùs. - Concl. conf. M. Ballet, avocat général. - Pl. M. de Suray (du barreau de Bruxelles).

3e CH. - 26 janvier 1977.

1 ° MOYENS DE CASSATION. - MA­TitRE CIVILE. - MOYEN REPROCHANT AU JUGE D'AVOIR RENDU UNE DÉCISION

FONDÉE SUR DES MOTIFS AMBIGUS. -

DÉCISION EXEMPTE D'AMBIGUÏTÉ.

MOYEN MANQUANT EN FAIT.

2° ACCIDENT DU TRA V AIL. - ACCI­DENT SUR LE CHEMIN DU TRAVAIL. -NOTION.

1 ° Manque en fait le moyen reprochant au juge d'avoir rendu une décision fondée sur des motifs ambigus, alors que la décision est dépourvue d'am­biguïté (2).

2° Le chemin du travail s'entend du trajet normal que le travailleur doit parcourir pour se rendre de sa rési­dence au lieu de l'exécution du tra­vail, et inversement (3) ; hormis le cas où l'accident a été provoqué intention­nellement par la victime, le compor­tement de celle-ci n'exclut pas l'in­demnisation lorsque le trajet est normal quant à l'espace et au temps (4). (Loi du 10 avril 1971 sur les accidents du travail, art. 8, § l"", al. 2.)

(SOCIÉTÉ ANONYME « COMPAGNIE BELGE

D'ASSURANCES GÉNÉRALES INCENDIE AG 1830 », C. BEFAYT ET SOCIÉTÉ DES TRANS­PORTS INTERCOMMUNAUX DE BRUXEL­LES.)

ARRÊT.

LA COUR ; - Vu l'arrêt attaqué, rendu le 22 décembre 1975 par la cour du travail de Bruxelles ;

Sur le moyen pris de la violation des articles 8, 48 de la loi du 10 avril 1971 sur les accidents du travail et 97 de la Constitution,

en ce que, pour rejeter la demande de la demanderesse en restitution des décaissements effectués par elle au pro­fit du défendeur, en sa qualité d'assu­reur-loi de l'employeur de celui-ci, à la suite d'un accident survenu le 5 décem­bre 1972, demande fondée sur le motif que cet accident ne constituait pas un

(1) Cass., 3 novembre 1976, supra, p. 257. (2) Cass., 23 avril 1976 (Bull. et Pas.,

1976, 1, 921). (3) Cass., 31 mars 1976 (Bull. et Pas.,

1976, 1, 846) ; cons. L. FRANÇOIS, J.T.T., 1972, p. 193 à 200.

(4) Cons. cass., 5 décembre 1973 (Bull. et Pas., 1974, 1, 357).

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COUR DE CASSATION 573

accident sur le chemin du travail in­demnisable en vertu des articles 8 et 48 de la loi du 10 avril 1971, l'arrêt décide, d'une part, relativement à l'article 48, qu'« il n'existait manifestement dans le chef de l'intimé (ici défendeur) aucune intention de provoquer l'accident dont il a été victime », et, d'autre part, rela­tivement à l'article 8, que la définition du chemin du travail donnée par cette disposition, à savoir « le trajet normal que le travailleur doit parcourir pour se rendre de sa résidence au lieu de l'exé­cution du travail, et inversement », est « celle d'un tracé topographique et non d'une ligine de conduite à observer» et que, la limitation de l'assurance au seul risque inhérent au trajet normal ayant été supprimée, « il n'existe dès lors plus de base légale qui permettrait de décider qu'un trajet normal cesserait de l'être pour avoir été anormalement couvert»,

alors que, première branche, l'arti­cle 48 de la loi du 10 avril 1971, qui exclut l'indemnisation lorsque l'accident a été intentionnellement provoqué par la victime, s'applique dès lors que le fait générateur du dommage a été in­tentionnellement provoqué par la vic­time, même si celle-ci n'en a pas voulu les conséquences dommageables ; qu'en se limitant à affirmer « qu'il n'existait manifestement, dans le chef de l'in­timé, aucune intention de provoquer l'accident dont il a été victime», après avoir rappelé que le défendeur « fut renversé par le bus reprenant sa course », fait générateur du dommage, et que « sa jambe gauche fut écrasée par la roue arrière droite du véhicule », conséquence dommageable, l'arrêt est entaché d'ambiguïté et ne permet pas à la Cour de contrôler la légalité de son dispositif, laissant incertain le sens précis qu'il a entendu attribuer au terme « accident » (violation des arti­cles 48 de la loi du 10 avril 1971 et 97 de la Constitution) ;

seconde branche, la notion de trajet normal n'exclut nullement une appré­ciation qualitative du comportement du travailleur sur le chemin qu'il parcourt pour se rendre de sa résidence au lieu de l'exécution du travail ; que l'arrêt a, dès lors, violé l'article 8 de la loi du 10 avril 1971 :

Quant à la première branche : Attendu que les motifs de la décision

entreprise ne sont pas entachés d'ambi­guïté;

Que, dans le passage de l'arrêt qui énonce « qu'il n'existait manifestement dans le chef de l'intimé aucune inten­tion de provoquer l'accident», le mot « accident » désigne, sans aucun doute, le heurt de l'autobus qui a écrasé la jambe gauche de la victime;

Qu'en cette branche le moyen man­que en fait;

Quant à la seconde branche : Attendu qu'aux termes de l'article 8

de la loi du 10 avril 1971 sur les acci­dents du travail le chemin du travail s'entend du trajet normal que le tra­vailleur doit parcourir pour se rendre de sa résidence au lieu de l'exécution du travail, et inversement ;

Attendu que la notion de trajet nor­mal se définit par rapport à l'espace et au temps ; que l'article 1~r de l'arrêté­loi du 13 décembre 1945 relatif à la réparation des dommages résultant des accidents survenus sur le chemin du travail ajoutait que la réparation des dommages résultant de l'accident sur­venu au cours du trajet normal n'était à charge du chef d'entreprise que si la victime ou ses ayants droit prouvaient que l'accident était dû à un risque inhé­rent à ce trajet ; que cet arrêté-loi a été abrogé par la loi du 10 avril 1971, qui n'a pas repris cette restriction ;

Attendu que, dès lors, hormis le cas où l'accident a été provoqué intention­nellement par la victime, le comporte­ment de celle-ci n'exclut pas l'indem­nisation lorsque le trajet est normal quant à l'espace et au temps ;

Qu'en cette branche le moyen man­que en droit ;

Et attendu que le rejet du pourvoi rend sans intérêt la demande en décla­ration d'arrêt commun ;

Par ces motifs, rejette le pourvoi et l'appel en déclaration d'arrêt commun ; condamne la demanderesse aux dépens.

Du 26 janvier 1977. - 3° ch. - Prés. M. Polet, conseiller faisant fonctions de président. - Rapp. M. Janssens. -Concl. conf. M. Ballet, avocat général. - Pl. M. Dassesse.

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574 JURISPRUDENCE DE BELGIQUE

ir• CH. - 27 janvier 1977.

PREUVE. - PREUVE LITTÉRALE. - FOI DUE AUX ACTES. - MATIÈRE CIVILE. -PROCÈS-VERBAL D'UNE COMMISSION D'ES­TIMATION DE DÉGÂTS. - INTERPRÉTA­TION INCONCILIABLE AVEC LES TERMES DE PROCÈS-VERBAL. - VIOLATION DE LA FOI DUE A CET ACTE.

Lorsque le procès-verbal d'une commis­sion d'estimation de dégâts se borne à constater l'existence d'un fait et un lien de causalité entre celui-ci et un dommage, sous réserve de la décision à intervenir quant à la responsabilité, viole la foi due à cet acte le juge­ment qui fonde sa décision sur ce que ledit procès-verbal contient la re­connaissance expresse d'une faute. (Code civil, art. 1319, 1320 et 1322.)

(ÉTAT BELGE, MINISTRE DE LA DÉFENSE NATIONALE, C. LECOQ.)

ARRÊT.

LA COUR; - Vu le jugement atta­qué, rendu le 12 novembre 1975 par le tribunal de première instance de Ver­viers, statuant en degré d'appel ;

Sur le moyen pris de la violation des articles 1319, 1320 et 1322 du Code civil,

en ce que le jugement a déclaré fon­dée l'action du défendeur et a rejeté le moyen par lequel le demandeur faisait valoir que les exercices des para-com­mandos qui, aux dires du défendeur, étaient la cause de son dommage ne présentaient aucun caractère culpeux, par le motif que la faute qu'auraient constituée ces exercices aurait été ex­pressément reconnue par la commission permanente d'estimation des dégâts de la province de Liège, dans le procès­verbal modèle 7 établi contradictoire­ment le 21 novembre 1972 et revêtu des signatures des membres de ladite commission, du délégué de l'administra­tion communale et du défendeur,

alors que ledit procès--verbal du 21 novembre 1972 ne contient aucune reconnaissance de faute ; d'où il suit que le jugement a méconnu la foi due audit procès-verbal en vertu des arti­cles précités du Code civil :

Attendu que le procès-verbal précisé dans le moyen mentionne que la com­mission a examiné la plainte introduite par le défendeur du chef d'avortement accidentel d'une génisse, ensuite d'un choc nerveux occasionné par le tir de militaires en manœuvre ; que la com­mission a « reconnu que les faits étaient exacts » et a fixé le dommage à 15.200 francs ; « en foi de quoi», les membres de la commission « ont signé le . . . procès-verbal, sous réserve de la décision du ministre sur la responsabi­lité et sur le montant définitif de l'in­demnité»;

Attendu qu'ainsi, loin de reconnaître l'existence d'une faute, mais au con­traire en faisant réserve de la recon­naissance de celle-ci par le ministre compétent, la commission s'est bornée à constater l'existence d'un fait et d'un lien de causalité entre celui-ci et le dommage allégué ;

Que, partant, le jugement n'a pu, sans attribuer au procès-verbal de la­dite commission un sens et une portée inconciliables avec ses termes, fonder sa décision sur ce que ce procès-verbal contenait la reconnaissance expresse de l'existence d'une faute imputable au demandeur;

Que le moyen est fondé ;

Par ces motifs, casse le jugement attaqué ; ordonne que mention du pré­sent arrêt sera faite en marge de la décision annulée ; réserve les dépens pour qu'il soit statué sur ceux-ci par le juge du fond ; renvoie la cause devant le tribunal de première instance de Liège, siégeant en degré d'appel.

Du 27 janvier 1977. - 1re ch. - Prés. Chevalier Rutsaert, premier président. - Rapp. M. Capelle. - Concl. conf. M. Delange, procureur général. - Pl. M. Bayart.

1re CH. - 27 janvier 1977.

1 ° TRAITÉS INTERNATIONAUX. INTERPRÉTATION.

2° TRAITÉS INTERNATIONAUX. ARTICLE 25 DE LA CONVENTION DE VAR-

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COUR DE CASSATION 575

SOVIE DU 12 OCTOBRE 1929 POUR L'UNI­FICATION DE CERTAINES RÈGLES RELA­TIVES AU TRANSPORT AÉRIEN INTERNA­TIONAL APPROUVÉE PAR LA LOI DU 7 AV~IL 1936, MODIFIÉ PAR L'ARTI­CLE XIII DU PROTOCOLE DE LA HAYE DU 28 SEPTEMBRE 1955 APPROUVÉ PAR LA LOI DU 30 JUILLET 1963. - RESPON­SABILITÉ DU TRANSPORTEUR OU DE SON PRÉPOSÉ. - CONSCIENCE EFFECTIVE DU DOMMAGE PROBABLE. - APPRÉCIATION SUBJECTIVE ET NON OBJECTIVE.

3° AVIATION. - TRANSPORT AÉRIEN IN­TERNATIONAL. - ARTICLE 25 DE LA CONVENTION DE VARSOVIE DU 12 OCTO­BRE 1929 POUR L'UNIFICATION DE CER­TAINES RÈGLES RELATIVES A CE TRANS­PORT, APPROUVÉE PAR LA LOI DU 7 AVRIL 1936, MODIFIÉ PAR L'ARTI­CLE XIII DU PROTOCOLE DE LA HAYE DU 28 SEPTEMBRE 1955 APPROUVÉ PAR LA LOI DU 30 JUILLET 1963. - RESPON­SABILITÉ DU TRANSPORTEUR OU DE SON PRÉPOSÉ. - CONSCIENCE EFFECTIVE DU DOMMAGE PROBABLE. - APPRÉCIATION SUBJECTIVE ET NON OBJECTIVE.

1 ° L'interprétation d'une convention in­ternationale qui a pour but l'unifica­tion du droit ne peut se faire par référence au droit national de l'un des Etats contractants ; si le texte appelle une interprétation, celle-ci doit se faire sur la base d'éléments propres à la convention, notamment son objet, son but et son contexte, ainsi que ses travaux préparatoires et sa genèse (1).

2° et 3° Pour l'application de l'arti­cle 25 de la Convention de Varsovie du 12 octobre 1929 pour l'unification de certaines règles relatives au trans­port aérien international, approuvée par la loi du 7 avrii 1936, modifié par l'article XIII du Protocole de La Haye du 28 septembre 1955 approuvé par la loi du 30 juillet 1963, qui dé­termine les cas où le transporteur est tenu à la réparation intégrale du pré­judice, il faut que le transporteur ou son préposé, auquel est reproché un acte ou une omission téméraires, ait eu la conscience effective qu'un dom­mage en résulterait probablement et non pas seulement qu'il ait normale­ment dû en avoir conscience (2).

(1) et (2) Cons. les références citées dans les conclusions du ministère public.

(SAUVAGE, VEUVE TONDRIAU, ET CONSORTS, C. SOCIÉTÉ DE DROIT INDIEN « AIR INDIA CORPORATION».)

M. Delange, procureur général, a dit en substance :

Les demanderesses sont, la première, la veuve, les deux autres, les filles de Julien Tondriau qui a perdu la vie le 24 janvier 1966 alors qu'il avait pris place à bord d'un avion de la société défenderesse : faisant route de Bombay à Londres, cet avion s'est écrasé sur une arête rocheuse peu en dessous du som­met du Mont Blanc, à 4.750 m. d'alti­tude, et alors qu'il s'apprêtait à faire escale à Genève.

Les demanderesses ont assigné la dé­fenderesse devant le tribunal de pre­mière instance de Bruxelles en répara­tion de l'entier dommage qu'elles ont subi. Par jugement du 5 août 1971, le tribunal a rejeté l'exception de litis­pendance opposée par la défenderesse ainsi que l'interprétation donnée par celle-ci de l'article 25 de la Convention de Varsovie, a condamné la défende­resse à payer aux demanderesses, à titre provisionnel, les indemnités for­faitaires prévues par l'article 22 de cette Convention et a désigné un ex­pert avant de statuer sur le surplus de la demande.

Après dépôt du rapport de l'expert et nouveaux débats, le tribunal a rendu le 19 septembre 1973 un jugement qui, écartant l'interprétation précédemment donnée de l'article 25 de la Convention, a limité aux seules indemnités forfai­taires les sommes auxquelles les de­manderesses ont droit.

Sur les appels principaux de la dé­fenderesse contre le premier jugement et des demanderesses contre le second et sur l'appel incident de la défende­resse contre celui-ci. la cour d'appel de Bruxelles a rendu l'arrêt attaqué, qui se rallie à l'interprétation de l'article 25 de la Convention donnée en dernier lieu par le tribunal, réforme sur ce point le premier jugement et confirme le second.

Suivant les constatations de l'arrêt, l'enregistrement des messages échangés en anglais par le et. D'Souza, pilote de l'avion, et le contrôleur du radar de Genève a établi qu'à 7 h.00.35 le pilote a signalé son approche au niveau de 19.000 pieds et le contrôleur lui a ré-

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pondu de s'y maintenir, à moins de pouvoir descendre en vol à vue jusqu'à 1.000 pieds au-dessus du sommet des nuages. A 7 h.00.43 le pilote a annoncé qu'il allait descendre à ce niveau, ajou­tant : « Je pense que nous sommes en train de passer en ce moment à la per­pendiculaire du Mont Blanc », visant ainsi le point de report de position appelé Mont Blanc sur les cartes aéro­nautiques. A quoi le contrôleur du ra­dar a répondu : « Vous avez 5 milles jusqu'au Mont Blanc », réponse ambi­guë que le pilote a interprétée comme une précision de la distance latérale qui le séparait du point idéal indiqué sur les cartes comme étant le Mont Blanc, alors que le contrôleur entendait recti­fier l'erreur du pilote quant à sa posi­tion réelle et le prévenir de ce que le Mont Blanc était à cinq milles devant lui. A 7 h.00.55, le pilote a encore si­gnalé qu'il quittait le niveau de 19.000 pieds. Mais au lieu de descendre dans un couloir dominant le lac Léman, il a piqué sur le massif supérieur du Mont Blanc qu'il a heurté à 7 h.2.

L'arrêt a considéré que l'erreur fatale du pilote provient uniquement de l'opi­nion inexacte qu'il avait au sujet de sa position lorsqu'il a quitté l'altitude de 19.000 pieds et de son interprétation erronée de la réponse ambiguë du con­trôleur du radar de Genève, qu'il a prise pour une confirmation, alors qu'il s'agis­sait d'une rectification. On peut se de­mander si l'arrêt a considéré le compor­tement du pilote comme téméraire et même comme simplement fautif ; il me paraît avoir évité de se prononcer ex­pressément sur cette question, considé­rant que, à supposer même que le pilote ait agi témérairement, il n'a en tout cas pas eu conscience, en se comportant comme il l'a fait, de la probabilité du dommage qui en résulterait, condition suffisante d'après la cour d'appel pour entraîner le rejet de la demande d'in­demnisation totale des demanderesses.

C'est en tout cas ainsi que les parties ont interprété l'arrêt et je ne vois pas de raison déterminante de le compren­dre autrement.

En sa première branche, le moyen proposé dans la requête des demande­resses reproche à l'arrêt d'avoir violé les articles 20, 22 et 25 de la Convention de Varsovie du 12 octobre 1929, approu­vée par la loi du 7 avril 1936 et amen-

dée par le Protocole de La Haye du 28 septembre 1955, lui-même approuvé par la loi du 30 juillet 1963, ainsi que les articles 1135 et 1137 du Code civil, en décidant que la faute envisagée par l'article 25 de ladite Convention ainsi amendée devait être appréciée subjec­tivement, in concreto, alors qu'il s'agi­rait d'une « faute contractuelle à gravité élevée », c'est-à-dire d'un manquement à l'obligation de sécurité découlant du contrat de transport en vertu de l'article 1135 du Code civil et de l'arti­cle 20 de la Convention, et que, à défaut de dérogation expresse, cette faute contractuelle devrait être appréciée in abstracto conformément au principe gé­néral consacré en droit belge par l'arti­cle 1137 du Code civil. Les demande­resses auraient pu se prévaloir, à l'appui de leur thèse, de la jurisprudence de la Cour de cassation de France (1) tant avant qu'après les amendements apportés par le Protocole de La Haye à l'article 25.

En revanche le tribunal fédéral suisse a statué dans le sens opposé le 11 juillet 1972 (2).

C'est, à ma connaissance, la première fois que la Cour est appelée à se pro­noncer sur l'interprétation de cette dis­position de droit international privé conventionnel, dont il n'est sans doute pas inutile de rappeler les termes et l'origine.

La question est d'autant plus impor­tante que, d'une part, la Convention de Varsovie est d'application dans quasi tout l'univers et que, d'autre part, une autre convention internationale contient une disposition analogue : l'article 13, alinéa 1er, de la Convention d'Athènes du 13 décembre 1974 relative au trans­port par mer de passagers et de leurs bagages prévoit, dans les mêmes termes que l'article 25 actuel de la Convention

(1) Cass. fr., 5 décembre 1967 (J.C.P., 1968, Il, n° 15350 ; Rev. fr. droit aérien, 1968, p. 184) et conclusions contraires de l'avocat général Lindon ; 24 juin 1968 (Rev. fr. droit. aérien, 1968, p. 453) et note GÉORGIADES ; 16 avril 1975 (ibid., 1976, p. 105) ; cons. aussi cass. fr., 5 mars 1964 (ibid., 1964, p. 400) et 9 juin 1966 (ibid., 1966, p. 448).

(2) Revue fr. droit aérien, 1974, p. 75 et note MANKIEWICZ.

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de Varsovie, la déchéance du droit pour le transporteur d'invoquer les limites forfaitaires de responsabilité ( 3).

La Convention de Varsovie amendée à La Haye est intitulée « Convention in­ternationale pour l'unification de cer­taines règles relatives au transport aérien international».

Après avoir consacré, dans les arti­cles 17 à 19, la présomption de respon­sabilité du transporteur aérien, tenu en principe à une obligation de résultat, l'article 20 écarte cette responsabilité dans le cas où le transporteur prouve que lui ou ses préposés ont pris toutes les mesures nécessaires pour éviter le dommage ou qu'il leur était impossible de les prendre. L'article 21 vise le cas où la faute de la personne lésée a causé le dommage ou y a contribué.

L'article 22 énonce la règle de la li­mitation de la responsabilité du trans­porteur à certaines sommes forfaitaires. L'article 23 prévoit la nullité des clau­ses limitant davantage la responsabilité du transporteur ou l'en exonérant. En­fin, l'article 25, dont la portée est en litige, dispose :

« Les limites de responsabilité pré­vues à l'article 22 ne s'appliquent pas s'il est prouvé que le dommage résulte d'un acte ou d'une omission du trans­porteur ou de ses préposés fait soit avec l'intention de provoquer un dommage » (hypothèse écartée en l'espèce par l'ar­rêt avec l'accord de toutes les parties), « soit témérairement et avec conscience qu'un dommage en résultera probable­ment». Ces termes ont été substitués par le Protocole de La Haye de 1955 à ceux de la Convention originaire qui pré­voyait la responsabilité illimitée du transporteur aérien en cas de dol ou d'une faute qui, d'après la loi du tri­bunal saisi, est considérée comme équi­valente au dol. Cette notion de « faute équivalente au dol », qui semble incon­nue en droit anglo-saxon, et ce renvoi à la loi de la juridiction saisie avaient fait l'objet de malentendus et de con­troverses et donné lieu à des jurispru­dences divergentes à l'encontre du but d'uniformisation que poursuivait la Convention de Varsovie.

C'est pour remédier à cette situation

(3) Cons. C. LEGENDRE, étude dans Le droit maritime français, 1976, p. 456 et suiv., spécialement p. 472.

(4) P.V. de la Conférence internatio-PASIC., 1977. - Ir• PARTIE.

que celle-ci a été amendée à La Haye en 1955 et qu'on a substitué aux termes « dol ou faute équivalente au dol » ceux que je viens de rappeler et qui se rap­prochent davantage de la notion de « wilful misconduct » du droit britan­nique. Le représentant de la France aux discussions relatives au Protocole de La Haye, M. Garnault, ne s'y est point trompé puisque, comme le relève le mémoire en réponse, il a déclaré : « Pour la délégation française, cet ar­ticle (25 nouveau) comporte l'abandon de ses conceptions nationales en ce qui concerne la faute équivalente au dol, c'est-à-dire la faute lourde » ... dont la gravité s'apprécie, d'après la conception objective française, « sans rechercher un élément intentionnel. Or dans l'arti­cle 25, tel qu'il est proposé, cet élé­ment intentionnel apparaît à deux occa­sions». Examinant la portée des termes « avec témérité et sans se soucier qu'un dommage va probablement en résul­ter», alors proposés par le groupe de travail, M. Garnault considérait qu'ils signifient que, « bien qu'il ait conscience qu'il prend un risque pouvant éven­tuellement entraîner un dommage, il (l'auteur de la faute, de la témérité) décide tout de même de prendre ce ris­que». Et le délégué de la France con­statait que, dans cette mesure, l'arti­cle 25 proposé « marque une régression à l'égard de l'interprétation de la faute lourde procédant de l'application de la Convention de Varsovie et est « loin de la conception qu'on connaît en France », mais qu'il était prêt « à l'accepter, à condition naturellement qu'on paie un certain prix sous la forme de limites plus élevées» (4). C'est pour éviter toute confusion que M. Garnault a alors proposé de remplacer les mots « sans se soucier ... », dans le texte du groupe de travail, par « avec la conscience qu'un dommage en résultera probable­ment» (5), qui impliquent une appré­ciation subjective de la faute de l'au­teur de l'acte ou de l'omission témé­raire.

Après nouveaux échanges de vue et discussion du montant des indemnités forfaitaires, c'est cette formule qui a été adoptée (6).

nale du droit privé aérien, La Haye, sep­tembre 1955, p. 199.

(5) Ibid., p. 203. (6) Ibid., p. 284 à 286.

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Le Protocole de La Haye a ainsi sub­ordonné à des conditions plus strictes que la Convention de 1929 et, partant, restreint les cas de responsabilité illi­mitée du transporteur aérien, mais, en compensation, il a doublé les montants des réparations forfaitaires auxquels ce dernier était tenu en raison de sa res­ponsabilité présumée en cas de dom­mage corporel ou de décès des passa­gers et il a rattaché à un étalon or tou­tes les sommes exprimées en francs, même pour les dommages causés aux bagages et marchandises. Ainsi a été réalisée une transaction entre les inté­rêts des transporteurs aériens ou de leurs assureurs et ceux des victimes de dommages subis au cours d'un trans­port, et ont été adoptées, quant à l'éten­due de la responsabilité des transpor­teurs, des règles mieux définies et en­tièrement détachées des législations en vigueur dans chacun des Etats liés par la convention.

Il s'ensuit que l'interprétation de la convention amendée, et spécialement de son article 25, doit, à peine de mécon­naître le but poursuivi, être la même dans tous ces Etats et ne peut donc dépendre de dispositions légales du droit interne propre à l'un d'eux (7).

Ce sont cependant de telles disposi­tions du droit belge que la première branche du moyen vous invite à appli­quer, dans la mesure où les demande­resses soutiennent que l'arrêt aurait violé l'article 1137 du Code civil belge qui consacre le principe de l'apprécia­tion in abstracto ou objective de la faute contractuelle, tout en prévoyant, en son alinéa 2, l'application d'une res­ponsabilité contractuelle plus étendue dans certains cas.

La Convention ne se prononce d'ail­leurs pas sur le caractère contractuel ou non de la responsabilité qu'elle règle (argt. art. 24, al. 1er et 2) ; spécialement, même si l'acte ou l'omission imputé au transporteur aérien ou à son préposé constitue une infraction prévue par le droit pénal d'un Etat, les articles 25 et 25 A de la convention amendée à La Haye en 1955 empêchent de dépasser les limites de responsabilité prévues à l'article 22, à moins que le dommage résulte d'un acte ou d'une omission fait soit avec l'intention de provoquer le dommage, soit témérairement et avec conscience qu'un dommage en résultera probablement.

Ce n'est que dans la mesure où une convention internationale y renvoie qu'on peut, pour l'interpréter, recourir au droit interne ou encore si la con­vention n'établit pas une règle uni­forme. Or je crois avoir montré que la Convention de Varsovie établissait des règles uniformes et que, si, dans son texte de 1929, elle renvoyait au droit du for pour la notion de faute équivalente au dol, le Protocole de La Haye a remanié l'article 25 précisément pour établir une règle autonome, indépen­dante de la législation des Etats qui y ont adhéré et applicable dans chacun de ceux-ci avec la même portée.

Pour interpréter une convention in­ternationale établissant une réglemen­tation uniforme, il faut avant tout avoir égard à son texte même que l'on doit présumer être l'expression authentique de la commune intention des parties contractantes.

Si ce texte est obscur, les termes employés doivent être entendus dans leur sens ordinaire, en tenant compte de leur contexte et à la lumière de son objet. Un terme doit être entendu dans un sens particulier s'il est établi que telle était l'intention des parties. Telle est la « règle générale d'interpréta­tion » qu'énonce, en son article 31, la Convention de Vienne du 23 mai 1969 sur le droit des traités, élaborée sous les auspices des Nations Unies et dont on peut s'inspirer, encore qu'elle ne soit pas encore en vigueur, ni même approu­vée par la Belgique ; elle est, en effet, communément admise et elle a inspiré notamment l'arrêt Golder rendu par la Cour européenne des droits de l'homme le 21 février 1975, spécialement n°• 29 à 36 (8). Cette Convention de Vienne pré­voit, en outre, en son article 32, des « moyens complémentaires d'interpré­tation » auxquels il peut être fait appel, « et, notamment les travaux prépara­toires et les circonstances dans lesquel­les le traité a été conclu, en vue soit de confirmer le sens résultant de l'applica­tion de l'article 31, soit de déterminer le sens lorsque l'interprétation, donnée

(7) Cons. Cour de justice des Commu­nautés européennes, 6 et 14 octobre 1976, aff. no 12/76 et n° 29/76, Rec., 1976, p. 1473 et 1541.

(8) Publications de la Cour européenn@ des droits de l'homme, Strasbourg, 1975, p. 14 et suiv.

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conformément à l'article 31, a) laisse le sens ambigu ou obscur, ou b) conduit à un résultat qui est manifestement ab­surde ou déraisonnable» (9). Je crois avoir montré que le texte même de l'article 25 de la Convention de Varso­vie amendée à La Haye, en visant l'acte ou l'omission téméraire avec la con­science qu'un dommage en résultera probablement, montre que les négocia­teurs ont envisagé ainsi le cas où le transporteur aérien ou son préposé ont eu effectivement conscience de la pro­babilité du dommage. Et s'il existait encore un doute sur la portée du proto­cole, le but et l'objet du texte adopté, sa genèse et les travaux préparatoires dont j'ai lu quelques extraits donnent la certitude que l'on a entendu imposer la règle uniforme de l'appréciation sub­jective, in concreto, du comportement de l'auteur de l'acte ou de l'omission téméraire et rejeter l'appréciation ob­jective, in abstracto, de la gravité de sa faute.

En rejetant la demande d'indemnisa­tion totale du préjudice causé aux de­manderesses, en se fondant sur ce qu'elles n'ont pas prouvé que le com­mandant D'Souza, à supposer qu'il ait agi témérairement, a eu conscience du dommage qui en résulterait probable­ment, l'arrêt n'a pas violé les disposi­tions de la Convention visées au moyen, qui manque aussi en droit en tant qu'il se fonde sur les articles 1135 et 1137 du Code civil, non applicables en l'espèce.

En sa deuxième branche, le moyen soutient que, même s'il faut apprécier in concreto si l'auteur de l'acte ou de l'omission a eu conscience de la proba­bilité du dommage qui en est résulté, l'arrêt a encore violé l'article 25 de la Convention de Varsovie amendée à La Haye en 1955, en invoquant l'expérience et les antécédents professionnels du et. D'Souza et ses qualités de pilote spé­cialisé et consciencieux comme pré­somptions de ce qu'il a mal interprété

(9) La Cour a recouru aux travaux pré­paratoires de traités pour interpréter ceux-ci dans ses arrêts du 8 juillet 1955 (Bull. et Pas., 1955, 1, 1220 et la note signée F.D.) et du 4 mai 1972 (ibid., 1972, 1, 806).

Sur l'interprétation du droit interna­tional conventionnel, cons. LESCOT, « L'in­terprétation judiciaire des règles du droit privé uniforme» (J.C.P., 1963, 1, n° 1756) ; CH. DE VISSCHER, Problèmes d'in-

le message du contrôleur du radar et n'a pas eu conscience du danger, ce qui revient à dire que seul un mauvais pilote peut commettre un acte ou une omission donnant lieu à une indemni­sation totale par application de l'arti­cle 25.

Je n'aperçois pas pourquoi, pour ap­précier si le pilote a eu conscience du dommage qui résulterait probablement de son acte ou de son omission, à le supposer téméraire, la cour d'appel ne pourrait avoir égard à ses qualités pro­fessionnelles, à son expérience et à son caractère. Au surplus, ce n'est là que l'un des éléments dont elle a tenu compte pour former, par une apprécia­tion souveraine en fait, sa conviction sur ce point. Elle relève aussi l'ambi­guïté de la réponse donnée par le con­trôleur du radar et le sens plausible que le pilote lui a attribué. Le moyen repose donc sur une · interprétation inexacte de l'arrêt et manque en fait.

Précisément, en sa troisième branche, le moyen soutient que le seul fait de l'ambiguïté de la réponse donnée au pilote, prise en soi, n'implique ni n'en­traîne logiquement que celui-ci a ac­cordé à cette réponse une signification erronée, et ne permet donc pas d'en déduire la conclusion que la cour d'ap­pel en a tirée quant à l'absence de conscience effective de la probabilité du dommage qui est résulté de son acte ou de son omission.

Il me paraît que la cour d'appel a apprécié souverainement que le pilote avait interprété la réponse ambiguë du contrôleur du radar comme une confir­mation de sa position latérale par rap­port au point idéal indiqué sur les car­tes aéronautiques pour figurer le Mont Blanc, alors qu'il s'agissait, dans l'esprit du contrôleur, d'une rectification de la position que le pilote venait de faire connaître.

Le moyen qui, en sa troisième bran-

terprétation judiciaire en droit interna­tional public (Paris, 1963, spéc. p. 50 à 52 et 114 à 118). Sur l'interprétation de la Convention de Varsovie, cons. CHAUVEAU, note sou~ Paris, 25 juin 1965 (Dall et Sir., 1966, Il, p. 408) ; MAx LITVINE, Droit aérien (Bruylant, 1970, spéc. p. 284 à 289) et « Le mythe de l'uniformisation du droit inter­national aérien, public et privé», in Mé­langes Baugniet (p. 455 à 460 et p. 468).

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che, critique cette appréciation souve­raine en fait est irrecevable.

Conclusion : rejet.

ARRtT.

LA COUR ; - Vu l'arrêt attaqué, rendu le 17 septembre 1975 par la cour d'appel de Bruxelles (1) ;

Sur le moyen pris de la violation des articles 20, 22, 25 de la Convention de Varsovie du 12 octobre 1929 pour l'uni­fication de certaines règles relatives au transport aérien international, approu­vée par la loi du 7 avril 1936, amendée par le Protocole de la Haye du 28 sep­tembre 1955 approuvé par la loi du 30 juillet 1963, 1135, 1137 du Code civil et 97 de la Constitution,

en ce que la cour d'appel, après avoir constaté que le pilote avait une opinion inexacte sur sa position, cause de l'ac­cident, et « qu'à n'en pas douter le contrôleur du radar a voulu lui signaler qu'il avait à rectifier sa position », a néanmoins décidé que le pilote, en n'ayant point modifié sa position malgré l'information donnée par le contrôleur, n'avait pas accompli un acte ou perpé­tré une omission témérairement et avec conscience qu'un dommage en résulte­rait probablement, par les motifs, d'une part, « qu'il est concevable, à peine de supposer que le commandant D'Souza voulait se faire périr et avec lui toutes les personnes à bord ou se soit com­porté avec une incroyable légèreté, que, dans la pensée du pilote, la réponse du « radariste » n'exprimait qu'une préci­sion au sujet de la position « par le travers » », telle que le pilote envisa­geait erronément cette position ; « que les suppositions ci-avant évoquées sont démenties par les documents produits sur les antécédents professionnels irré­prochables et la grande expérience du commandant D'Souza, ensuite par la circonstance qu'ayant consciencieuse­ment communiqué ce qu'il croyait être sa position réelle au contrôleur du ra­dar, il attendit sa réponse avant de quitter le niveau 190 pour descendre en V.M.C. », et, d'autre part, que la faute génératrice d'une responsabilité illimi­tée aux termes de l'article XIII du Pro­tocole de La Haye, qui modifia l'arti-

(1) Journ. trib., 1976, p. 564; Jur. Port Anvers, 1975-1976, p. 216.

cle 25 de la Convention de Varsovie, « consiste en un acte ou omission s'ac­compagnant soit de l'intention de pro­voquer un dommage (éventualité à écarter en l'espèce, avec l'accord de toutes les parties, parce que contraire à toute vraisemblance), soit de témérité et de la conscience qu'un dommage en résultera probablement ; que l'amende­ment introduit par le Protocole de La Haye s'est efforcé de traduire la notion anglo-saxonne de « wilful misconduct » qui s'entend de la témérité de l'agent accentuée par la conscience qu'il a qu'un dommage résultera probablement de son acte ou de son omission ; qu'ainsi importerait-il d'administrer la preuve que la conscience d'un dommage pro­bable fut effective, cette conscience de­vant être appréciée subjectivement ; . . . que la preuve d'un tel état de con­science peut se déduire de simples pré­somptions ; . . . que, si (le pilote) a maintenu sa position erronée et, de ce fait, piqué droit sur le Mont Blanc, ce fut parce qu'à l'évidence il avait mal compris la réponse du « radariste » en prenant pour une confirmation ce qui était une rectification, cette réponse ayant été ambiguë ; . . . que la question cruciale est de savoir si, apprenant à 7 h.00.48' sa position réelle, il aurait néanmoins décidé, imbu de son expé­rience, de décrocher envers et contre t?ut du niveau de 19.000 pieds, avec le nsque conscient d'un accident proba­ble ; qu'il faut répondre négativement à cette question dès lors que le pilote a saisi le message de 7 h.00.48' dans le sens d'une confirmation de ce qu'il se trouvait à la perpendiculaire du point de report Mont Blanc et que cette façon de le comprendre était plausible »,

alors que, première branche, l'acte ou l'omission téméraires et avec con­science qu'un dommage en résultera probablement, visés par l'article 25 de la Convention de Varsovie amendée à La Haye en 1955, sont constitutifs d'une faute contractuelle à la gravité élevée, le transporteur aérien ou son préposé n'ayant pas exécuté leur obligation de sécurité, à procurer aux passagers, dé­coulant du contrat de transport, en vertu de l'article 1135 du Code civil ainsi que de l'article 20 de ladite Con­vention ; que le texte de l'article 25 de la Convention de Varsovie amendée à La Haye en 1955, du fait qu'il ne stipule

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COUR DE CASSATION 581

pas expressément que serait suffisante, en vue de l'applicabilité de la respon­sabilité illimitée, la preuve que le trans­porteur ou son préposé aurait dû avoir conscience de la probabilité d'un dom­mage, ne contient point une dérogation au principe de l'appréciation in ab­stracto de toute faute contractuelle, le­quel a son origine dans l'article 1137 du Code civil ; que l'article 25, en effet, ne prévoit paint que la conscience à prouver dans le chef du transporteur ou de son préposé est celle que ceux-ci ont eue effectivement, mais exige seulement que l'acte ou l'omission, générateurs du dommage, aient été perpétrés « témérai­rement et avec conscience qu'un dom­mage en résultera probablement » ; que le principe de l'appréciation in abstracto de toute faute contractuelle, en droit belge, est général et s'applique dans chaque hypothèse où il n'y a pas d'ex­ception expresse audit principe ; que, dès lors, en décidant que le pilote n'a pas agi avec « une incroyable légèreté», cette témérité étant « l'absence de dili­gence la plus faible dont puisse faire preuve la personne la plus raisonnable (lire : la plus insouciante) dans son comportement », et qu'il n'a point eu une conscience effective d'un dommage probable, en se fondant non sur le cri­tère objectif et abstrait du « bon pilote » mais sur ses appréciations concrètes et subjectives, respectivement, des capa­cités et du comportement personnels du commandant D'Souza, d'abord, et de la signification que ce pilote aurait lui­même accordée à l'information du « ra­dariste », ensuite, la cour d'appel a violé les articles 20, 22 et 25 de la Con­vention de Varsovie amendée à La Haye en 1955 et les articles 1135 et 1137 du Code civil ;

deuxième branche, quel que soit le mode d'appréciation adopté, à savoir in abstracto ou in concreto, l'acte ou l'omission visés par l'article 25 de la Convention de Varsovie amendée à La Haye en 1955, et entraînant la respon­sabilité illimitée du transporteur aérien, selon cette disposition même, ne sont pas uniquement l'acte ou l'omission commis .par un mauvais pilote mais bien tout acte ou omission commis té­mérairement et avec conscience de la probabilité d'un dommage, quels que soient les antécédents et l'expérience professionnels du pilote ou son compar-

tement généralement « consciencieux » ; que l'article 25 est donc vidé de toute sa substance par une interprétation fon­dée sur la capacité reconnue ou le com­portement généralement consciencieux du pilote de l'avion accidenté et tendant à la conclusion qu'un tel pilote ne peut avoir commis la faute à lui reprochée, celle-ci supposant qu'il aurait agi avec une incroyable légèreté, c'est-à-dire avec témérité ; que, partant, en invoquant les antécédents et l'expérience profes­sionnels du commandant D'Souza, ainsi que son comportement « consciencieux », comme présomptions de ce qu'il a dû mal interpréter l'information du « ra­dariste » et n'a, dès lors, pas pu avoir une conscience effective du danger qui découlait du maintien par lui de sa position, la cour d'appel a violé l'arti­cle 25 de la Convention de Varsovie amendée à La Haye en 1955 ;

troisième branche, la constatation souveraine des juges d'appel, selon la­quelle l'information donnée au pilote par le « radariste », prise en soi, était ambiguë, n'emporte point, même dans l'hypothèse de la légalité d'une appré­ciation subjective de la faute du pilote, l'absence de faute au sens de l'article 25 de la Convention de Varsovie amendée à La Haye en 1955 ; qu'en effet le seul fait de cette ambiguïté, considérée en elle-même et sans référence au com­mandant D'Souza, n'implique selon au­cun mode d'appréciation de la faute de ce dernier ni n'entraîne logiquement que ce pilote ait effectivement accordé à ladite information une signification erronée, les seuls antécédents et expé­rience professionnels du commandant, comme son comportement « conscien­cieux », ne constituant pas des pré­somptions valables eu égard à l'écono­mie de l'article 25 ; qu'en constatant la prétendue absence de conscience effec­tive de la probabilité d'un dommage dé­coulant de son acte, dans le chef du commandant D'Souza, eu égard à la simple ambiguïté, comme telle, de l'in­formation donnée par le « radariste » ainsi qu'à la capacité professionnelle et au comportement « consciencieux » du commandant, la cour d'appel a fondé sa décision sur un raisonnement inconci­liable avec la logique (violation de l'ar­ticle 97 de la Constitution) et avec l'ar­ticle 25 de la Convention de Varsovie amendée à La Haye en 1955 :

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582 JURISPRUDENCE DE BELGIQUE

Attendu qu'il ressort des constata­tions de l'arrêt que, le 24 janvier 1966, un avion de la société Air India Cor­poration, ici défenderesse, s'est écrasé peu en dessous du sommet du Mont Blanc et que Julien Tondriau, époux de la première demanderesse et père des deuxième et troisième demanderesses, a péri dans cet accident, que le pilote de l'avion avait une opinion inexacte sur sa position et que, ayant communi­qué ce qu'il croyait être sa position réelle au contrôleur du radar, il a mal com­pris la réponse de celui-ci, la prenant pour une confirmation, alors qu'elle était une rectification, cette réponse étant ambiguë ; qu'ainsi, au lieu de descendre dans un couloir dominant le lac Léman, il a piqué sur le massif su­périeur du Mont Blanc ;

Attendu que l'action des demande­resses avait pour objet la réparation intégrale de leur préjudice ; que, pour faire admettre la responsabilité illimi­tée de la défenderesse, elles se fon­daient sur l'article 25 de la Convention de Varsovie du 12 octobre 1929 pour l'unification de certaines règles relati­ves au transport aérien international, approuvée par la loi du 7 avril 1936, modifié par l'article XIII du Protocole de La Haye du 28 septembre 1955 aP­prouvé par la loi du 30 juillet 1963 ;

Attendu que l'arrêt énonce que, pour l'application de cette disposition, il faut que le transporteur ou son préposé, au­quel est reproché un acte ou une omis­sion, fait témérairement, ait eu la con­science effective qu'un dommage en résulterait probablement, cette con­science devant être appréciée subjecti­vement ; que, se fondant sur les pré­somptions qu'il indique, l'arrêt décide que le pilote n'a pas eu cette conscience effective et déboute en conséquence les demanderesses de leur action dans la mesure où elle tendait au payement de sommes dépassant le forfait prévu à l'article 22 de la Convention précitée ;

Attendu que le moyen fait essentiel­lement grief à l'arrêt d'avoir ainsi violé l'article 25 de la Convention de Varso­vie amendée à La Haye en 1955 et l'ar­ticle 1137 du Code civil, ledit article 25 ne contenant pas de dérogation au prin­cipe, ayant son origine dans l'arti­cle 1137 du Code civil, suivant lequel toute faute contractuelle doit être aP­préciée in abstracto et non in concreto,

ou, en d'autres termes, objectivement et non subjectivement ;

Attendu que, si l'article 1137 du Code civil établit, en son alinéa 1•r, la règle invoquée par le moyen, il ne lui donne pas cependant un caractère absolu ; qu'en son alinéa 2 il réserve l'applica­tion, à certains contrats, de dispositions particulières ; que l'article 1137 du Code civil, fût-il applicable en la matière, ne dispenserait pas pour autant le juge de rechercher si des dispositions particu­lières ne régissent pas le litige dont il est saisi ;

Mais attendu que la responsabilité en matière de transport aérien internatio­nal, question sur laquelle la cour d'ap­pel était appelée à statuer, est régie par la Convention internationale de Varso­vie ayant pour objet l'unification des règles applicables en ce domaine ; que le recours au droit interne ne peut, dès lors, se concevoir que dans la mesure où la Convention y renvoie ou le per­met;

Attendu que l'interprétation d'une convention internationale qui a pour but l'unification du droit ne peut se faire par référence au droit national de l'un des Etats contractants ; que, si le texte appelle une interprétation, celle-ci doit se faire sur la base d'éléments pro­pres à la convention, notamment son objet, son but et son contexte, ainsi que ses travaux préparatoires et sa genèse ; qu'il serait vain d'élaborer une con­vention destinée à former une législa­tion internationale, si les juridictions de chaque Etat l'interprétaient suivant des notions propres à leur droit ;

Attendu que la Convention de Varso­vie du 12 octobre 1929 a eu pour but d'établir certaines règles uniformes pour le transport aérien international, notamment quant à la responsabilité du transporteur ; que ses dispositions, qui résultent d'un compromis entre les con­ceptions des différents Etats contrac­tants, forment un système juridique autonome, indépendant des législations nationales, même si plusieurs de celles­ci en ont étendu l'application au trans­port aérien interne ; qu'en particulier la Convention ne se prononce pas sur le caractère contractuel ou non de la res­ponsabilité qu'elle règle, ainsi que cela ressort notamment de son article 24, alinéas 1 •r et 2 ;

Attendu que la Convention établit en matière de responsabilité trois règles

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COUR DE CASSATION 583

essentielles : 1 ° une présomption de responsabilité à charge du transporteur (articles 17 à 19), présomption qui peut toutefois être renversée si le transpor­teur prouve que lui et ses préposés ont pris toutes les mesures nécessaires pour éviter le dommage ou qu'il leur était impossible de les prendre (article 20) ; 2° en revanche, une limitation de la responsabilité du transporteur à cer­tains montants (article 22) ; 3° la res­ponsabilité néanmoins illimitée du transporteur dans certains cas déter­minés par la Convention (article 25) ;

Attendu que, quant à la responsabi­lité illimitée du transporteur, l'arti­cle 25, alinéa 1•r, de la Convention dis­posait, dans son texte originaire : « Le transporteur n'aura pas le droit de se prévaloir des dispositions de la présente Convention qui excluent ou limitent sa responsabilité, si le dommage provient de son dol ou d'une faute qui, d'après la loi du tribunal saisi, est considérée comme équivalente au dol» ;

Que, quelle que soit la portée de cette disposition, qui a donné lieu à des in­terprétations divergentes, elle tradui­sait la difficulté d'établir sur ce point une règle uniforme ;

Attendu que le Protocole de La Haye a eu pour but, à cet égard, d'éliminer les difficultés nées du texte antérieur, en fixant, par une solution de compro­mis, une règle commune, propre au transport aérien international ;

Qu'en outre le Protocole de La Haye a voulu, en raison de l'évolution du transport aérien et des conditions de vie, élever les montants des réparations auxquels la responsabilité présumée du transporteur était limitée et, en com­pensation, fixer plus strictement les cas de responsabilité illimitée du trans­porteur;

Attendu que l'article 25 de la Con­vention, dans le texte établi par le Protocole de La Haye et entré en vi­gueur pour la Belgique le 25 novembre 1963, dispose que : « Les limites de res­ponsabilité prévues à l'article 22 ne s'appliquent pas s'il est prouvé que le dommage résulte d'un acte ou d'une omission du transporteur ou de ses pré­posés fait, soit avec l'intention de pro­voquer un dommage, soit téméraire­ment et avec conscience qu'un dom­mage en résultera probablement, pour autant que, dans le cas d'un acte ou

d'une omission de préposés, la preuve soit également apportée que ceux-ci ont agi dans l'exercice de leurs fonctions » ;

Qu'ainsi le texte vise soit la faute intentionnelle, soit la faute caractérisée à la fois par la témérité et par la con­science de la probabilité du dommage ;

Attendu que les termes mêmes de cette disposition permettent déjà de considérer que ses auteurs ont voulu que soit prouvée la conscience effective que le transporteur ou ses préposés ont eue de la probabilité du dommage et non celle qu'ils auraient normalement dû avoir;

Que cette interprétation est, en outre, conforme au but poursuivi par la con­férence de La Haye et, au surplus, con­firmée tant par les documents qui ont été soumis à celle-ci et qui ont servi de base à la rédaction du texte que par les discussions qui ont précédé l'adop­tion de ce dernier ;

Attendu que l'arrêt est, dès lors, léga­lement justifié à cet égard et que, dans cette mesure, le moyen manque en droit;

Attendu que, pour le surplus, l'arrêt décide, par une appréciation souve­raine en fait, que la communication du contrôleur du radar était ambiguë et, en se fondant sur les différentes pré­somptions qu'il indique et non unique­ment sur l'expérience et les qualités du pilote, que celui-ci a mal compris cette communication;

Qu'à cet égard le moyen, qui repose sur une interprétation inexacte de la décision attaquée, manque en fait ;

Qu'en tant qu'il critique l'apprécia­tion en fait du juge il est irrecevable ;

Par ces motifs, rejette les pourvois ; condamne les demanderesses aux dé­pens.

Du 27 janvier 1977. - F 0 ch. - Prés. Chevalier Rutsaert, premier président. - Rapp. M. Meeùs. - Concl. conf. M. Delange, procureur général. - Pl. MM. Bützler et Dassesse.

F• CH. - 28 janvier 1977.

1 ° PREUVE. - PREUVE LITTÉRALE. FOI DUE AUX ACTES. - MATIÈRE CI-

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584 JURISPRUDENCE DE BELGIQUE

VILE. - RAPPORT D'EXPERTISE. - IN­

TERPRÉTATION INCONCILIABLE AVEC LES TERMES DU RAPPORT. - VIOLATION DE

LA FOI DUE AUX ACTES.

2° CASSATION. - ETENDUE. - MA­TIÈRE CIVILE. - DÉCISION METTANT TOUTE LA RESPONSABILITÉ D'UN ABOR­

DAGE ENTRE DEUX BATEAUX A CHARGE DU CONDUCTEUR D'UN DES BATEAUX. -

DÉCISION ILLÉGALE QUE LE CONDUC­TEUR DE L'AUTRE BATEAU N'A PAS COMMIS DE FAUTE. - CASSATION. - LIMITE.

1 ° Viole la foi due à un rapport d'ex­pertise la décision qui donne de cet acte une interprétation inconciliable avec ses termes (1). (Code civil, arti­cles 1319, 1320 et 1322.)

2° Lorsqu'une décision, déclarant le con­ducteur de l'un des bateaux seul et entièrement responsable de l'abor­dage entre deux bateaux, est cassée au motif que le juge a illégalement décidé que le conducteur de l'autre bateau n'a pas commis de faute, la cassation ne s'étend pas au dispositif suivant lequel le premier conducteur a commis une faute engageant sa res­ponsabilité (2).

(TAS, C. DE HAES.)

Arrêt conforme aux notices.

Du 28 janvier 1977. - F• ch. - Prés. M. de Vreese, conseiller faisant fonc­tions de président. - Rapp. M. Ger­niers. - Concl. conf. M. Tillekaerts, avocat général. - Pl. M. Van Ryn.

ir• CH. - 28 janvier 1977.

1 ° CONVENTION. - INTERPRÉTATION PAR LE JUGE. - CONDITION.

(1) Cass., 11 octobre 1973 (Bull. et Pas., 1974, 1, 156) ; cons. cass., 27 janvier 1977, supra, p. 574.

(2) Cons. cass., 12 novembre 1973 et 26 avril 1974 (Bull. et Pas., 1974, I, 278 et 878), 9 décembre 1974 (ibid., 1975, I, 389), 9 septembre 1975 (ibid., 1976, I, 43) et 14 septembre 1976, supra, p. 44; comp.

2° PREUVE. - PREUVE LITTÉRALE. FOI DUE AUX ACTES. - MATIÈRE CI­

VILE. - CAHIER DES CHARGES REQUÉ­RANT INTERPRÉTATION. - JUGE AYANT

RECOURS A DES ÉLÉMENTS EXTRINSÈQUES POUR DÉTERMINER LA VOLONTÉ RÉELLE DES PARTIES. - INTERPRÉTATION CON­

CILIABLE AVEC LES TERMES DU CAHIER DES CHARGES. - POINT DE VIOLATION

DE LA FOI DUE AUX ACTES.

3° CONVENTION. - FORCE OBLIGA­

TOIRE ENTRE PARTIES. - JUGE RECON­NAISSANT A LA CONVENTION L'EFFET QUE, DANS L'INTERPRÉTATION QU'IL EN DONNE,

ELLE A LÉGALEMENT ENTRE PARTIES. -

POINT DE VIOLATION DE L'ARTICLE 1134 DU CODE CIVIL.

1 ° Le juge ne peut interpréter une con­vention que si elle n'est pas claire et requiert interprétation (3). (Solution implicite.) (Code civil, art. 1156 et suiv.)

2° Ne viole pas la foi due aux actes le juge qui, sans méconnaître les termes d'un cahier des charges requérant in­terprétation, recourt à des éléments extrinsèques pour déterminer la por­tée réelle que les parties ont entendu donner au cahier des charges (4). (Code civil, art. 1319, 1320 et 1322.)

3° Ne méconnait pas la force obligatoire d'une convention le juge qui recon­naît à celle-ci l'effet que, dans l'in­terprétation qu'il en donne, elle a légalement entre parties (5). (Code civil, art. 1134.)

(COMMISSION D'ASSISTANCE PUBLIQUE DE

GEEL, C. SOCIÉTÉ DE PERSONNES A RES­PONSABLITÉ LIMITÉE « ALGEMENE 0NDER­NEMINGEN J. EN K. WILLEMS».)

Arrêt conforme aux notices.

Du 28 janvier 1977. - ir• ch. - Prés. M. de Vreese, conseiller faisant fonc-

cass., 31 janvier 1975 (Bull. et Pas., 1975, I, 564) et 9 mars 1976 (ibid., 1976, I, 746).

(3) Cass., 22 octobre 1976, supra, p. 229 et la note 1.

(4) Cass., 17 mai 1974 (Bull. et Pas., 1974, I, 974) et 11 mars 1976 (ibid., 1976, I, 761) ; cons. cass., 28 janvier 1976 (ibid., 1976, I, 599) et 22 octobre 1976, supra, p. 229.

(5) Cass., 28 janvier 1976, cité à la note 4, et 29 octobre 1976, supra, p. 249.

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COUR DE CASSATION 585

tions de président. - Rapp. M. Sury. - Concl. conf. M. Tillekaerts, avocat général. Pl. MM. Houtekier et Bayart.

2e CH. - 31 janvier 1977.

IVRESSE. - INFRACTION A L'ARTICLE 4 DE L'ARRÊTÉ-LOI DU 14 NOVEMBRE 1939. - SERVIR DES BOISSONS ENIVRANTES A UNE PERSONNE MANIFESTEMENT IVRE. -ELÉMENTS CONSTITUTIFS DE L'INFRAC­TION.

Le seul fait de servir des boissons en­ivrantes à une personne manifeste­ment ivre étant punissable en vertu de l'article 4, alinéa 1~r, de l'arrêté­loi du 14 novembre 1939, est légale­ment justifié le jugement qui, ayant constaté que l'ivresse du consomma­teur à qui le prévenu a versé des boissons enivrantes était manifeste, condamne le prévenu en décidant que l'ignorance dont il excipe résulte de sa négligence (1).

(HAMELS.)

ARRÊT.

LA COUR ; - Vu le jugement atta­qué, rendu le 13 septembre 1976 par le tribunal correctionnel de Liège, sta­tuant en degré d'appel ;

En tant que le pourvoi est formé con­tre la décision rendue sur l'action exer­cée par le ministère public :

a) à charge des coprévenus Delfosse, Gigon et De Felice :

Attendu que la demanderesse est sans qualité pour se pourvoir contre cette décision;

b) à charge de la demanderesse :

Sur le moyen pris de la violation des articles 4 de l'arrêté-loi du 14 novembre 1939 relatif à la répression de l'ivresse et 97 de la Constitution,

(1) Cons. cass., 6 mars 1972 (Bull. et Pas., 1972, I, 617).

en ce que le jugement condamne la demanderesse du chef d'infraction à l'ar­ticle 4, alinéa 1er, dudit arrêté,

alors que, d'une part, le jugement constatant que la prévenue ne s'est pas rendu compte de l'état d'ivresse des deux consommateurs et, par consé­quent, n'avait pas l'intention d'enfrein­dre la loi, un élément constitutif de l'infraction fait défaut, et que, d'autre part, fondant sa condamnation sur ce que la prévenue a commis une négli­gence grave en ne se rendant pas compte de cet état d'ivresse, le juge­ment s'appuie sur un élément non visé par la disposition légale précitée,

et alors que, à tout le moins, le juge­ment n'a pas répondu aux conclusions de la demanderesse soutenant que, pour que la prévention fût établie, il fallait dans son chef l'intention d'enfreindre la loi :

Attendu qu'est punissable en vertu de l'article 4, alinéa 1er, de l'arrêté-loi du 14 novembre 1939 le seul fait de servir des boissons enivrantes à une personne manifestement ivre ;

Attendu que, pour déclarer la pré­vention établie, le jugement énonce que la demanderesse « a commis une négli­gence coupable en ne remarquant pas l'ivresse manifeste des deux premiers prévenus»;

Attendu que, constatant ainsi que l'ivresse des deux consommateurs aux­quels la demanderesse a versé des bois­sons enivrantes était manifeste et que l'ignorance dont elle excipe résulte de sa négligence coupable, le jugement, tout en donnant une réponse adéquate aux conclusions, a légalement décidé que la demanderesse n'est pas justifiée par une erreur invincible et que le délit est établi dans tous ses éléments ;

Que le moyen ne peut être accueilli ; Et attendu que les formalités sub­

stantielles ou prescrites à peine de nul­lité ont été observées et que la décision est conforme à la loi ;

Par ces motifs, rejette le pourvoi ; condamne la demanderesse aux frais.

Du 31 janvier 1977. - 2• ch. - Prés. Baron Richard, conseiller faisant fonc­tions de président. - Rapp. Mm• Ray­mond-Decharneux. Concl. conf. M. Krings, avocat général. Pl. M. Stockis (du barreau de Liège).

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586 JURISPRUDENCE DE BELGIQUE

2• CH. - 31 janvier 1977.

PREUVE. - MATIÈRE RÉPRESSIVE. CHARGE DE LA PREUVE. - NOTION.

Le juge qui, sur la base des considéra­tions qu'il relève, considère comme dépourvues de tout élément de na­ture à leur donner crédit les alléga­tions formulées par le prévenu à l'ap­pui de ses moyens de défense, motive régulièrement sa décision et fait une exacte application des règles relati­ves à l.a charge de l.a preuve en ma­tière répressive (1).

(BISSEUX, C. SOCIÉTÉS DE PERSONNES A RESPONSABILITÉ LIMITÉE « NÉON »

ET « ANCIENS ÉTABLISSEMENTS MAETENS ».)

ARRl1:T.

LA COUR ; - Vu l'arrêt attaqué, rendu le 12 octobre 1976 par la cour d'appel de Bruxelles ;

I. En tant que le pourvoi est dirigé contre la décision de condamnation ren­due sur l'action publique exercée à charge du demandeur :

Sur le moyen pris de la violation du principe général de la charge de la preuve en matière répressive,

en ce que, pour déclarer les préven­tions A et B établies, l'arrêt relève que la preuve du caractère frauduleux de la détention des objets soustraits résulte du fait que le prévenu n'a pu fournir aucune espèce de preuve, même par­tielle, des droits qu'il prétend avoir sur le matériel et la documentation trouvés chez lui lors de la perquisition, bien que, le 13 novembre 1970, il ait person­nellement déclaré céder à la société de personnes à responsabilité limitée An­ciens Etablissements Maetens « tout le matériel généralement quelconque ... lui appartenant . . . sans rien excepté ni réservé ... », et se soit en outre engagé à ne pas s'occuper directement ou in­directement d'affaires similaires sans

(1) Comp. cass., 26 février et 12 juin 1973 (Bun. et Pas., 1973, 1, 600 et 941), 21 janvier 1974 (ibid., 1974, 1, 531) et 29 juin 1976 (ibid., 1976, 1, 1188).

l'accord de ladite société de personnes à responsabilité limitée,

alors que, le prévenu n'ayant aucune preuve à faire pour se disculper et la charge de la preuve de tous les élé­ments d'une infraction incombant à la partie poursuivante ou à la partie ci­vile, les juges d'appel ont imposé illéga­lement au demandeur une preuve qu'il ne devait pas apporter :

Attendu que l'arrêt énonce que le demandeur, « quittant la firme société de personnes à responsabilité limitée « Néon 10 » le 31 octobre 1973, alors qu'il avait été engagé le 18 octobre 1973 par une firme concurrente, . . . ne peut raisonnablement prétendre avoir agi de bonne foi, en conservant par devers lui, après la rupture, les objets et docu­ments litigieux et ce à supposer même que la détention de ces choses, avant le 31 octobre 1973, ait fait l'objet d'un accord tacite de son employeur » ;

Attendu que, de ces mentions de l'ar­rêt rapprochées de celles que reproduit le moyen, il ressort que les juges d'ap­pel ont considéré comme dépourvues de tout élément de nature à leur donner crédit les prétentions du demandeur à des droits sur le matériel et la docu­mentation faisant l'objet des préven­tions;

Qu'en rejetant ces prétentions sur la base de ces considérations l'arrêt fait une juste application des principes lé­gaux relatifs à la charge de la preuve;

Que le moyen ne peut être accueilli ; Et attendu que les formalités sub­

stantielles ou prescrites à peine de nul­lité ont été observées et que la décision est conforme à la loi ;

II. En tant que le pourvoi est dirigé contre les décisions rendues sur les ac­tions civiles exercées par les défende­resses, parties civiles,

Par ces motifs, rejette le pourvoi; condamne le demandeur aux frais.

Du 31 janvier 1977. - 2• ch. - Prés. Baron Richard, conseiller faisant fonc­tions de président. - Rapp. Baron Vin­çotte. - Concl. conf. M. Krings, avocat général. - Pl. M. Fally.

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COUR DE CASSATION 587

2e CH. - 31 janvier 1977.

DÉTENTION PRÉVENTIVE. - MAIN­TIEN DE LA DÉTENTION. - LOI DU 20 AVRIL 1874, ARTICLE 5, MODIFIÉ PAR

L'ARTICLE 3 DE LA LOI DU 13 MARS 1973. - MOTIVATION.

Spécifie, par l'indication d'éléments pro­pres à la cause ou à la personnalité de l'inculpé, des circonstances graves et exceptionnelles, intéressant la sé­curité publique, qui nécessitent le maintien de la détention préventive, l'arrêt de la chambre des mises en accusation qui, tant par référence aux motifs d'un arrêt antérieur rendu en la même cause et à ceux qu'elle a légalement empruntés au réquisitoire du ministère public que par ses mo­tifs propres, constate, d'une part, que le comportement de l'inculpé, qui ma­nifeste un état particulièrement dan­gereux, porte directement et grave­ment atteinte à l'ordre social et, par­tant, à la sécurité publique et, d'au­tre part, qu'il est à craindre que L'in­culpé ne quitte la Belgique après sa mise en liberté éventuelle et ne mette ainsi obstacle au bon déroulement de l'instruction qui nécessite encore sa présence pour la reconstitution des faits (1). (Loi du 20 avril 1874, art. 5, modifié par l'art. 3 de la loi du 13 mars 1973.)

(ALVAREZ-GARRIDO.)

ARRfT.

LA COUR ; - Vu l'arrêt attaqué, rendu le 17 décembre 1976 par la cour d'appel de Bruxelles, chambre des mi­ses en accusation ;

Sur le moyen pris de la violation de l'article 2 de la loi sur la détention pré­ventive,

en ce que, pour confirmer les motifs du mandat d'arrêt décerné à charge de la demanderesse, la chambre des mises en accusation s'est bornée à se référer

(1) Cass., 17 et 18 février 1975 (Bull. et Pas., 1975, I, 614 et 618) ; voy. aussi l'arrêt suivant.

aux circonstances graves et exception­nelles énoncées dans le réquisitoire du :ministère public et reproduites dans l'arrêt rendu par elle le 16 novembre 1976, avec en outre « qu'il est à crain­dre que l'inculpée ne quitte la Belgique après sa libération éventuelle et ne mette ainsi obstacle au bon déroulement de l'instruction qui nécessite encore sa présence pour la reconstitution des faits »,

alors que, première branche, ces der­niers motifs n'explicitent pas à suffi­sance les raisons de craindre que la demanderesse ne se soustraie aux pour­suites ; qu'il ne suffit pas d'énoncer uniquement, comme le fait l'arrêt, les circonstances graves et exceptionnel­les ; qu'il faut aussi que ces circonstan­ces, propres à la cause ou à la person­nalité de l'inculpé, exigent pour des raisons de sécurité publique la déten­tion préventive ;

seconde branche, l'arrêt ne rencontre aucun des arguments repris en conclu­sions par la demanderesse :

Sur la première branche : Attendu que l'arrêt statue sur le

maintien de la détention préventive ; que la motivation de cette décision est, dès lors, soumise aux dispositions de l'article 5 de la loi sur la détention pré­ventive, remplacé par l'article 3 de la loi du 13 mars 1973 ;

Attendu que, en fondant sa décision notamment sur les motifs de l'arrêt qu'elle a rendu dans la même cause le 16 novembre 1976 et qu'elle a légale­ment empruntés au réquisitoire du mi­nistère public, la chambre des mises en accusation constate que « le comporte­ment de l'inculpée, qui manifeste un état particulièrement dangereux, porte directement et gravement atteiinte à l'ordre social et, partant, à la sécurité publique»;

Qu'ainsi l'arrêt, outre la considéra­tion qu'il énonce dans ses motifs et que mentionne le moyen, précise les élé­ments propres à la cause et à la person­nalité de la demanderesse qui consti­tuent des circonstances graves et ex­ceptionnelles et qui, intéressant la sécu­rité publique, nécessitent le maintien de la détention préventive ;

Attendu que, dès lors, la décision at­taquée est légalement justifiée ;

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588 JURISPRUDENCE DE BELGIQUE

Qu'en sa première branche le moyen ne peut être accueilli ;

Sur la seconde branche :

Attendu que le moyen n'indique pas la demande, la défense ou l'exception à laquelle il n'aurait pas été répondu ;

Qu'en cette branche le moyen est ir-recevable à défaut de précision ;

Et attendu que les formalités sub­stantielles ou prescrites à peine de nul­lité ont été observées et que la décision est conforme à la loi ;

Par ces motifs, rejette le pourvoi ; condamne la demanderesse aux frais.

Du 31 janvier 1977. - 2• ch. - Prés. Baron Richard, conseiller faisant fonc­tions de président. - Rapp. Baron Vin­çotte. - Concl. conf. M. Krings, avocat général. - Pl. MMm•• Krywin et D. Claeys Boùùaert (toutes deux du barreau de Bruxelles).

2• CH. - 31 janvier 1977.

DÉTENTION PRÉVENTIVE. - MAIN­TIEN DE LA DÉTENTION. - LOI DU 20 AVRIL 1874, ARTICLE 5, MODIFIÉ PAR L'ARTICLE 3 DE LA LOI DU 13 MARS 1973. - CONDITIONS.

La décision de ia juridiction d'instruc­tion ordonnant le maintien de ia dé­tention préventive doit spécifier les éléments propres à ia cause ou à la personnalité de l'inculpé qui consti­tuent des circonstances graves et exceptionnelles et qui, intéressant la sécurité publique, nécessitent le main­tien de la détention (1). (Loi du 20 avril 1874, art. 5, modifié par l'ar­ticle 3 de la loi du 13 mars 1973.)

(REITZ.)

ARRÊ:T.

LA COUR ; - Vu l'arrêt attaqué,

(1) Cass., 7 mai 1974 (Bull. et Pas., 1974, I, 932) et 9 juin 1975 (ibid., 1975, I, 968) ; voy. aussi l'arrêt précédent.

rendu le 28 décembre 1976 par la cour d'appel de Bruxelles, chambre des mi­ses en accusation ;

Sur le moyen pris, d'office, de la vio­lation de l'article 5, alinéa 1•r, de la loi du 20 avril 1874 relative à la détention préventive, remplacé par l'article 3 de la loi du 13 mars 1973 :

Attendu que, par confirmation de l'ordonnance dont appel, l'arrêt main­tient la détention préventive ordonnée par le mandat d'arrêt du 19 novembre 1976 ; qu'à l'appui de cette décision l'arrêt, après avoir constaté « qu'il existe des indices suffisants justifiant l'inculpation de détention illégale de stupéfiants », relève, d'une part, « que les circonstances graves et exception­nelles intéressant la sécurité publique nécessitent le maintien de la détention préventive » et, d'autre part, « que l'in­culpé n'a pas de résidence fixe en Belgi­que ; qu'il y a lieu de craindre qu'il ne se soustraie aux poursuites, d'autant plus qu'il a marqué sa volonté de re­tourner aussi rapidement que possible en Californie » et « que la nécessité de garantir le déroulement normal de la procédure est d'ordre public ... »;

Attendu que la décision de la juri­diction d'instruction ordonnant le main­tien de la détention préventive doit spé­cifier les éléments propres à la cause ou à la personnalité de l'inculpé qui constituent des circonstances graves et exceptionnelles et qui, intéressant la sécurité publique, nécessitent le main­tien de la détention préventive ;

Que l'existence de cette double con­dition doit être constatée de manière précise dans la décision ;

Attendu que les circonstances que l'inculpé n'a pas de résidence fixe en Belgique et a marqué sa volonté de re­tourner le plus tôt possible en Califor­nie sont des éléments propres à sa per­sonnalité ; qu'en énonçant « qu'il y a lieu de craindre qu'il se soustraie aux poursuites» l'arrêt déduit des susdits éléments que ceux-ci, intéressant la sécurité publique, exigent le maintien de la détention ;

Mais attendu que ni les motifs pré­cités de l'arrêt ni aucune autre consi­dération de celui-ci n'indiquent de ma­nière certaine les éléments propres à la cause ou à la personnalité de l'inculpé que la chambre des mises en accusation

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COUR DE CASSATION 589

a considérés comme graves et excep­tionnels;

Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu d'examiner les moyens proposés par le demandeur, casse l'arrêt attaqué ; or­donne que mention du présent arrêt sera faite en marge de la décision an­nulée ; laisse les frais à charge de l'Etat ; renvoie la cause à la cour d'ap­pel de Mons, chambre des mises en accusation.

Du 31 janvier 1977. - 2• ch. - Prés. Baron Richard, conseiller faisant fonc­tions de président. - Rapp. Baron Vin­çotte. - Concl. conf. M. Krings, avocat général. - Pl. M. Aronstein (du bar­reau de Bruxelles).

2° CH. - 1er février 1977.

1 ° MARIAGE. - BIENS RÉSERVÉS. BIENS PROPRES OU BIENS COMMUNS. CARACTÈRE DÉTERMINÉ PAR LEUR ORI­GINE ET PAR LE RÉGIME MATRIMONIAL.

2° CONTRAT DE MARIAGE. - BIENS RÉSERVÉS. - BIENS PROPRES OU BIENS COMMUNS. - CARACTÈRE DÉTERMINÉ PAR LEUR ORIGINE ET PAR LE RÉGIME MATRIMONIAL.

1 ° et 2° Le caractère de biens pro­pres ou de biens communs des biens réservés est déterminé par l'origine de ceux-ci et par le régime matrimo­nial des époux (1). (Code civil, arti­cle 226septies [2] .)

(VRANCKX ET SOCIÉTÉ ANONYME « L'ES­CAUT», C. JESPERS, KLEFFNER ET SO­CIÉTÉ ANONYME « GROUPE JOSI ».)

ARRÊT (traduction).

LA COUR ; - Vu l'arrêt attaqué,

(1) Cons. J. RENAULD, remis à jour par P. STIÉNON, « Régimes matrimoniaux», Répert. notarial, 1976, t. V, no 186, p. 156, et BAETEMAN, « De voorbehouden goe­deren », T.P.R., 1975, p. 144, n° 24.

(2) L'article 226septies du Code civil a été abrogé par l'article 1"" de la loi du

rendu le 28 mai 1976 par la cour d'ap­pel d'Anvers;

Attendu que l'arrêt condamne la de­manderesse Vranckx Martine du chef d'homicide involontaire de Jespers Bri­gitte, fille des défendeurs Jespers Au­gustinus et Kleffner Elisabeth, et, pour le surplus, statue a) sur les actions ci­viles exercées par ces défendeurs con­tre cette demanderesse, contre son père Vranckx Joseph en qualité de civile­ment responsable et contre la deman­deresse société anonyme L'Escaut en qualité de partie intervenue volontaire­ment et b) sur la demande en interven­tion et en garantie exercée par la de­manderesse Vranckx et son père contre la défenderesse société anonyme Groupe Josi;

Attendu que la demande en interven­tion et en garantie était fondée sur ce que le véhicule, qui au moment de l'ac­cident était conduit par la première demanderesse, était assuré au nom de la défenderesse Kleffner auprès de la défenderesse société Groupe Josi ; que, dans la mesure où il n'était pas couvert par cette police, le dommage était as­suré auprès de la demanderesse société L'Escaut, en vertu d'une clause exten­sive de la police « responsabilité véhicu­les automoteurs » conclue par Vranckx Joseph;

Attendu que les pourvois ne concer­nent que les actions civiles ;

I. Quant au pourvoi de Vranckx Mar­tine:

A. En tant que le pourvoi est dirigé contre la décision rendue sur les actions civiles exercées par la demanderesse contre la société anonyme Groupe Josi, citée en intervention et en garantie :

Attendu qu'il ne ressort d'aucune des pièces auxquelles la Cour peut avoir égard que la demanderesse, partie ci­tante, ait fait notifier son pourvoi à la partie contre laquelle il est dirigé ;

Que le pourvoi est, dès lors, irrece­vable;

B. En tant que le pourvoi est dirigé

14 juillet 1976 et remplacé par des dispo­sitions comprises dans le titre V du li­vre III du Code civil. La date d'entrée en vigueur de ces dispositions est fixée par l'article 3 de la susdite loi du 14 juillet 1976 (dispositions transitoires).