Le maire et la laïcité, Courrier des maires, 01/2008

Post on 25-Jul-2015

233 views 2 download

description

Synthèse juridique en 50 questions-réponses. Par Philippe Bluteau, avocat, cabinet de Castelnau

Transcript of Le maire et la laïcité, Courrier des maires, 01/2008

QUESTIONS

De 1 à 12LES PRINCIPES GÉNÉRAUXFondements de la laïcité, régimes d’exception, associations cultuelles…P. III

De 13 à 28L’EXERCICE DU POUVOIR DE POLICE DU MAIREFunérailles, carrés confessionnels, utilisation de locaux communaux…P. VI

De 29 à 42LES ÉDIFICES ET LIEUX DE CULTEPrise en charge des travaux, baux emphytéotiques, fi nancement de l’école privée… P. X

De 43 à 50L’EXPRESSION DU CULTEApplication et port d’emblèmes et signes religieux, laïcité de la fonction publique… P. XIV

Cahier n° 11 - Janvier 2008 - No 209 - www.courrierdesmaires.com

LE MAIRE ET LA LAICITE

209_5OQUESTIONS.indd 1209_5OQUESTIONS.indd 1 31/12/07 15:43:5231/12/07 15:43:52

Principal actionnaire : Groupe Moniteur Holding. Société éditrice : Groupe Moniteur SAS au capital de 333 900 euros. RCS : Paris 403 080 823 - Siège social : 17 rue d’Uzès 75108 Paris Cedex 02. Numéro de commission paritaire : 1008 T 83807 - ISSN : 0769-3508 - P-dg / Directeur de la publication : Jacques Guy - Directeur général délégué : Philippe DemazelImpression : Roto France, rue de la Maison-Rouge, 77185 Lognes - Dépôt légal : janvier 2008

II Le Courrier des maires ● N° 209 ● Janvier 2008

◗ Les documents à consulterCommission de réfl exion sur l’application du principe de laïcité dans la République Rapport au président de la République, publié en 2003. Ce rapport rend compte des travaux de la commission présidée par Bernard Stasi et installée par le président de la République le 3 juillet 2003. Abordant la laïcité comme principe universel et valeur républicaine puis comme principe juridique, la Commission propose ensuite un « diagnostic » et une série de propositions visant à « affi rmer une laïcité ferme qui rassemble ».www.ladocumentationfrancaise.fr/rapports-publics/034000725/index.shtml

« Un siècle de laïcité » Rapport public 2004 du Conseil d’Etat : le rapport fait l’état des lieux et le bilan de cent ans d’application de la loi de 1905 et, plus largement, du principe de laïcité, « et ce, en mettant en valeur : le poids de

l’histoire ; la complexité du sujet, qui va bien au-delà du strict exercice des cultes ; le pragmatisme avec lequel le principe de laïcité s’est appliqué ainsi que les antagonismes et soubresauts qui ont marqué sa mise en œuvre ; le rôle du juge administratif dans cette mise en application, par une interprétation libérale et pratique des textes ». http://lesrapports.ladocumentationfrancaise.fr/BRP/044000121/0000.pdf

« Les relations des cultes avec les pouvoirs publics » Rapport de Jean-Pierre Machelon au ministre de l’Intérieur. La Documentation française, 2006. Ce rapport propose de donner aux communes la possibilité de subventionner directement la construction de lieux de culte sur leur sol. Elle préconise que les maires soient incités à prévoir des espaces réservés aux lieux de culte dans leurs documents d’urbanisme. http://1001nights.free.fr/textes/rapport-commission-machelon.pdf

◗ Les référencesLoi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l’Etat (JORF du 11 décembre 1905, version consolidée au 29 juillet 2005)

Loi du 28 mars 1907 relative aux réunions publiques (JORF du 29 mars 1907)

Loi du 31 décembre 1959 sur les rapports entre l’Etat et les établissements d’enseignement privés (JO du 3 janvier 1960)

Décret du 1er octobre 1997 relatif à la protection des animaux au moment de leur abattage ou de leur mise à mort

Loi du 15 mars 2004 encadrant, en application du principe de laïcité, le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles,

collèges et lycées publics (JO n° 65 du 17 mars 2004 p. 5190 texte n° 1)

Loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales (JO n° 190 du 17 août 2004 p. 14545, texte n° 1)

Circulaire du 27 août 2007n° 2007-142 DU 27-8-2007 relative aux modifi cations apportées par la loi relative aux libertés et responsabilités locales en matière de fi nancement par les communes des écoles privées sous contrat (BOEN n° 31 du 6 septembre 2007)

Ordonnance du 21 avril 2006 relative à la partie législative du Code général de la propriété des personnes publiques (JO n° 95 du 22 avril 2006 p. 6024 texte n° 21)

209_5OQUESTIONS.indd Sec1:II209_5OQUESTIONS.indd Sec1:II 31/12/07 15:43:5331/12/07 15:43:53

Les maires se heurtent à de nombreuses diffi cultés pour respecter et faire respecter le principe de laïcité. Alors que les questions traditionnelles n’ont pas disparu (port des signes par les fonctionnaires, fi nancement des écoles religieuses, etc.), de nouveaux problèmes apparaissent, liés notamment aux activités sectaires, à la gestion des cimetières ou à l’édifi cation de lieux de culte.

Par Philippe Bluteau, avocat, cabinet de Castelnau

LE MAIRE ET LA LAICITÉ

Le Courrier des maires ● N° 209 ● Janvier 2008 III

Quelles sont les bases juridiques qui fondent le principe de la laïcité ?L’article 1er de la Constitution de 1958, en disposant que la France est une République « laïque », qu’elle « assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion » et qu’elle « respecte toutes les croyances », consacre les principes de laïcité et de la liberté religieuse.La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, dans son article 10, affi rme : « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi ». Enfi n une succession de lois contribuera à créer cet Etat laïque à la Française avec les lois de 1881 et 1882 instituant l’école publique gratuite, laïque et obligatoire.Surtout, la grande loi de 1905 de séparation des Eglises et de l’Etat met fi n au concordat, avec un régime dérogatoire pour les départements d’Alsace et de Moselle.

1Quels sont les principes établis par la loi de 1905 ?La loi du 9 décembre 1905 énonce les deux composantes du régime de séparation des églises et de l’Etat : la liberté religieuse et la non-immixtion de l’Etat. La première composante est la réaffi rmation des principes de la liberté de conscience et du libre exercice des cultes. Ainsi la loi dispose que : « La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans l’intérêt de l’ordre public. »La deuxième est l’interdiction de subventionner les cultes et l’interdiction faite à l’Etat de préférer un culte à un autre puisque « la République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte ».

2

DE 1 À 12 LES PRINCIPES GÉNÉRAUX

209_5OQUESTIONS.indd Sec1:III209_5OQUESTIONS.indd Sec1:III 31/12/07 15:43:5331/12/07 15:43:53

IV Le Courrier des maires ● N° 209 ● Janvier 2008

ObjetUne association a un objet cultuel quand l’adhésion est réservée aux per sonnes d’une certaine religion ou quand les statuts mentionnent ex-pressément comme objet la pratique d’une religion.

Quelles sont les exceptions territoriales au régime de séparation ? Pour des raisons historiques, le régime de séparation des églises et de l’Etat n’a pas été introduit dans les trois départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle. En Alsace-Moselle, le régime des cultes antérieur à 1906 perdure dans ses grandes lignes, à savoir le maintien du concordat et des articles organiques de la loi du 18 Germinal An X qui implique l’absence de séparation des Eglises et de l’Etat ainsi que le caractère offi ciel de quatre cultes reconnus. En Guadeloupe, Martinique et Réunion, le régime de droit commun s’applique. Dans le reste de l’Outre-mer, ne s’applique ni séparation ni culte reconnu, excepté une séparation partielle en Polynésie française et un régime spécial de reconnaissance du culte catholique en Guyane.

3Quelles sont les personnes qui ne peuvent pas être subventionnées ?L’interdiction de subventions au culte concerne tout d’abord les ministres du culte, les associations cultuelles, les congrégations ainsi que les personnes morales ayant un objet cultuel, même à titre non exclusif. Toutefois, l’exercice de relations normales non cultuelles avec des personnes ayant des fonctions cultuelles n’est pas contraire à l’interdiction de subventionner les cultes. Le Conseil d’Etat a jugé qu’une personne publique ne peut légalement rémunérer un ministre du culte pour l’accomplissement de tâches religieuses (CE, 21 mai 1909, Commune de Saint-Michel-de-Volangis n° 6566). En revanche, le simple fait qu’une association soit dirigée par des membres du clergé ne permet pas d’en conclure qu’elle exerce une activité cultuelle et n’interdit pas le versement d’une subvention (CAA Lyon, 17 juin 1999, Fédération des œuvres laïques du Rhône n° 99LY00289).

4

Quelles sont les activités concernées par le principe d’interdiction de subventionner les cultes ? L’article 19 de la loi de 1905 prévoit que les associations cultuelles « ne pourront sous quelque forme que ce soit, recevoir des subventions de l’Etat, des départements et des communes ». Seules les activités proprement cultuelles sont concernées comme les études religieuses ou les manifestations religieuses. Une collectivité ne peut pas fi nancer une manifestation religieuse telle qu’un pèlerinage, une procession, a fortiori une messe (TA Chalons en Champagne, 18 juin 1996, n° 96442). Une personne publique ne peut pas acquérir un bien à double usage, culturel et cultuel (TA Nantes, 7 octobre 2005 Commune de Trélazé, n° 023956).

5Qu’est ce qu’une « association ayant une activité cultuelle » ?Les associations cultuelles sont celles ayant pour objet de « subvenir aux frais, à l’entretien et à l’exercice public du culte ». Ce sont les associations ayant pour objet exclusif l’exercice d’un culte.L’objet n’est pas cultuel si « ces activités (ne) se rattachent (pas) directement à l’exercice d’un culte et, en particulier à la célébration ou à la préparation de cérémonies organisées en vue de l’accomplissement de certains rites ou de certaines pratiques » (CAA Nantes, 31 juillet 2002, Département du Morbihan n° 02NT01046).

ATTENTIONCette défi nition exclut de la notion de culte une asso-ciation athée qui « a pour but le regroupement de ceux qui considèrent Dieu comme un mythe » (CE, 17 juin 1988, n° 63912).

6

DE 1 À 12 LES PRINCIPES GÉNÉRAUX

Orgue. L’acquisition et la restauration d’un orgue par une commune pour l’installer dans une église violent la loi de 1905 dès lors que l’orgue est un bien laissé à la disposition des fi dèles et desservants de l’église (CAA Nantes, 24 avril 2007, Trélazé n° 05NT01941).

209_5OQUESTIONS.indd Sec1:IV209_5OQUESTIONS.indd Sec1:IV 31/12/07 15:43:5331/12/07 15:43:53

Le Courrier des maires ● N° 209 ● Janvier 2008 V

Le versement de subventions aux associations « mixtes » est-il possible ? Non. La loi de 1905 n’interdit pas expressément le versement de subventions aux associations

mixtes. Mais le Conseil d’Etat a étendu l’interdiction de subventions aux associations mixtes en se fondant sur l’article 2 de la loi de 1905 (CE, 9 octobre 1992, Association Shiva Soupramanien de Saint-Louis n° 94455). Les associations mixtes ne peuvent recevoir aucune subvention, même pour leurs activités à caractère social ou culturel. Il faut donc clairement séparer les activités cultuelles des autres et leur donner à chacune le support d’associations distinctes. Néanmoins, la jurisprudence semble s’écarter de cette rigueur de principe dans le cas de subventions affectées à des projets spécifi ques (cf. question n° 40).

7

Associations mixtesLes associations mixtes sont celles qui n’ont pas pour seule activité l’exercice du culte mais qui ont aussi des activités socia-les et culturelles

Est-il possible de subventionner une association opposée au culte ? Les associations qui militent contre la religion, regroupant athées ou agnostiques ne sont pas des associations cultuelles car elles n’ont pas pour objet l’exercice d’un culte (CE, 17 juin 1988 Union des athées n° 63912).En conséquence, ces associations ne sont pas susceptibles de bénéfi cier des avantages notamment fi scaux dont disposent les associations cultuelles. En tout état de cause, le Conseil d’Etat a admis que l’Etat subventionne une association éditant une revue d’information sur le danger des sectes, fondant sa solution sur les risques d’atteinte à l’ordre public que présentent ces sectes (CE, 17 février 1992 Eglise de Scientologie de Paris n° 86954).

8

Quelles sont les exceptions à l’interdiction de subventionner les cultes ? La première exception découle de l’article 13 de la loi de 1905 dans sa rédaction résultant de la loi du 13 avril 1908 : « L’Etat, les départements, les communes et les EPCI pourront engager les dépenses nécessaires pour l’entretien et la conservation des édifi ces du culte dont la propriété leur est reconnue par la présente loi. » La deuxième dérogation concerne les subventions aux aumôneries. L’article 2 de la loi de 1905 dispose que : « Pourront toutefois être inscrites auxdits budgets les dépenses relatives à des services d’aumônerie et destinées à assurer le libre exercice des cultes dans les établissements publics tels que lycées, collèges, écoles, hospices, asiles et prisons. »Une circulaire contraire à ces dispositions avait d’ailleurs été annulée par le Conseil d’Etat (CE, 1er avril 1949, Abbé Chaveneau D.1949 p. 531).

9Est-il possible de rémunérer un ministre du culte pour exercer des fonctions publiques ?Oui. Aucun texte n’interdit expressément de rémunérer un ministre du culte pour l’exercice de fonctions publiques. Par conséquent il est légal de rémunérer un ministre du culte en contrepartie de prestations ou de l’exercice d’une activité civile.

10

DE 1 À 12 LES PRINCIPES GÉNÉRAUX

Gardiennage. Dans le cas du gardiennage de lieux, la rémunération d’un réel travail de gardien-nage est tout à fait licite (CE, 26 juin 1914, Préfet des Hautes-Pyrénées n° 52722) et une circulaire du 3 février 2006 (NOR/INT/A/06/0020/C) indique le plafond de l’indemnité mensuelle accordée au gardien (458,58 €). Lorsqu’il s’agit d’un lieu de culte, l’activité de gardiennage est considérée comme attribuée en fonction du ministère cultuel, afi n que la perte de cette qualité justifi e la révoca-tion (CE, 24 avril 1981, Abbé Cousseran n° 21418).

209_5OQUESTIONS.indd Sec1:V209_5OQUESTIONS.indd Sec1:V 31/12/07 15:43:5331/12/07 15:43:53

VI Le Courrier des maires ● N° 209 ● Janvier 2008

Une commune peut-elle attribuer le nom d’un religieux à une voie ou une place publique ?Oui. La dénomination des voies communales relève de la compétence du conseil municipal qui règle par ses délibérations les affaires de la commune (art. L.2121-29 du CGCT). En l’absence de jurisprudence en la matière, il semble que donner à une voie ou une place publique le nom d’une personnalité religieuse n’est pas contraire à la loi de 1905, puisqu’une personne, quelles que soient ses fonctions religieuses, ne peut en aucun cas être assimilée à un signe religieux. De la même manière, une commune peut ériger ou fi nancer un monument rendant hommage à une personnalité religieuse, si cette dernière a œuvré dans l’intérêt public local.

11Le maire doit-il organiser la restauration scolaire pour satisfaire des prescriptions religieuses ?Non. Il n’existe aucune obligation légale.En effet, […] selon le respect du principe de laïcité de l’enseignement public, l’Etat ne fait aucune obligation aux établissements scolaires de prendre en compte les pratiques religieuses des élèves, notamment en matière alimentaire en proposant des plats de substitution dans les cantines scolaires. (réponse du ministère de l’Education nationale, JO Sénat du 31 août 2006 n° 21529). Ainsi une commune n’est pas tenue de proposer des repas de substitution conformes aux principes d’une religion (TA, Marseille 26 nov. 1996 Zitouni). Un jugement a d’ailleurs rejeté la responsabilité de la commune quant aux carences alimentaires d’un enfant provoquée par l’absence de repas sans porc (TA Rennes, 18 décembre 2003, M. et Mme Heidi El Mergueni n° 01296). Néanmoins, à titre d’illustration, la ville de Lyon proposera à compter de la rentrée 2008 des repas « sans viande ».

12

DE 13 À 28 L’EXERCICE DU POUVOIR DE POLICE DU MAIRE

Quels sont les pouvoirs de police du maire en matière de sonnerie des cloches ? Le maire, chargé d’assurer la tranquillité publique en vertu de ses pouvoirs de police (article L.2212-2 du CGCT), peut réglementer l’usage des cloches sous le contrôle du juge administratif.Aux termes de l’article 27 de la loi de 1905, « les sonneries des cloches seront réglées par arrêté municipal ». Il appartient au maire de les réglementer en conciliant les nécessités de l’ordre public et le respect de la liberté des cultes. Dès lors que la sonnerie de l’horloge de l’église la nuit ne constitue pas un trouble grave à la tranquillité publique, le maire peut refuser de l’interdire (TA Nantes, 7 avril 1988, Baume n° 9886).

13Quels sont les pouvoirs du maire en matière de police des funérailles et des cimetières ? En vertu de l’article L.2213-8 du CGCT, le maire assure la police des funérailles et des cimetières. Y sont soumis : le mode de transport des per-sonnes décédées, le maintien de l’ordre et de la décence dans les cimetières, les inhuma-tions et les exhumations, sans qu’il soit permis d’établir des distinctions ou des prescriptions particulières à raison des croyances ou du culte du défunt ou des circonstances qui ont accom-pagné sa mort. Le maire doit délivrer des auto-risations pour que certaines des opérations funé-raires puissent être effectuées.

14

Neutralité. Dans l’exercice de son pouvoir de po-lice des funérailles et des cimetières, le maire est soumis à une obligation de neutralité. La neu-tralité des cimetières et leur caractère intercon-fessionnel est affi rmé depuis la IIIe République par la loi (article L.2213-7 et 9 CGCT) et la jurispru-dence (CE, 26 décembre 1913, Abbé Deguille).

209_5OQUESTIONS.indd Sec1:VI209_5OQUESTIONS.indd Sec1:VI 31/12/07 15:43:5431/12/07 15:43:54

Le Courrier des maires ● N° 209 ● Janvier 2008 VII

Les carrés confessionnels sont-ils autorisés par la loi ?Non. Depuis la loi du 14 novembre 1881 qui a laïcisé les cimetières, aucune séparation ne doit être établie dans les cimetières en raison de la différence des cultes. La création et même l’agrandissement d’un cimetière confessionnel existant sont interdits (CE, 17 juin 1938, Veuve Derode Lebon p. 549). Cette interdiction se justifi e par la nécessité de respecter la liberté des croyances en assurant la neutralité des lieux d’inhumation publics sans distinction de confession. Le principe de laïcité des cimetières semble aujourd’hui fragilisé car l’interdiction de principe d’établir des carrés confessionnels crée des diffi cultés particulières aux musulmans et israélites, leurs religions imposant notamment des emplacements distincts.

15Existe-t-il une exception à l’interdiction de carrés confessionnels ?Oui. Il s’agit du cas particulier de l’Alsace-Moselle. Il résulte de l’article L.2542-12 du CGCT que dans les communes de ces départements « où on professe plusieurs cultes, chaque culte a un lieu d’inhumation particulier. Lorsqu’il n’y a qu’un seul cimetière, on le partage par des murs, haies ou fossés, en autant de parties qu’il y a de cultes différents, avec une entrée particulière pour chacune, et en proportionnant cet espace au nombre d’habitants de chaque culte. »La pratique des divisions confessionnelles est donc, sur cette portion du territoire, expressément prévue et légale. Cependant, un certain nombre de cimetières sont devenus interconfessionnels. Cette possibilité semble être admise par la jurisprudence. Le maire peut prononcer l’interconfessionnalité d’un cimetière (TA Strasbourg, 2 octobre 1956, cité in JCL Alsace-Moselle fasc. 222 n° 65).

16

Quelles sont les incompatibilités avec les prescriptions de la religion musulmane ? Le droit musulman a établi un certain nombre de règles funéraires qui entrent en confl it avec le droit français : – l’inhumation à même la terre dans un linceul blanc est contraire à l’obligation de mise en bière du corps d’une personne décédée (article R.2213-15 du CGCT) ;– l’enterrement doit avoir lieu le plus rapidement possible après le décès or le droit français impose le respect d’un délai minimum de 24 heures entre la mort et l’inhumation (article R.2213-33 CGCT) ;– l’orientation du corps du défunt vers La Mecque est acceptée par les pouvoirs publics selon l’espace disponible dans les cimetières ; – l’exhumation des corps est prohibée or le droit français prévoit cette possibilité ; – la tombe d’un musulman ne doit pas côtoyer celle d’un non musulman, en contradiction avec l’interdiction légale des carrés confessionnels.

17Que recommande le ministère de l’Intérieur pour l’aménagement de carrés confessionnels ? Contre la lettre et l’esprit du texte de loi, des recommandations ont été formulées par le ministre de l’Intérieur par voie de circulaire précisant que les carrés confessionnels doivent prendre la forme de « regroupements de fait » et que la neutralité globale du cimetière doit être préservée. La circulaire du 3 mars 1991 (NOR/INT/91/00030/C) complète celle de 1975 et recommande aux maires d’accéder aux demandes particulières des familles de confession musulmane, sous réserve du respect de la réglementation en matière sanitaire et d’hygiène. L’inhumation directement en pleine terre et sans cercueil ne peut être acceptée.

ATTENTIONLe carré est donc seulement un espace réservé dont la disposition générale permet l’orientation des tombes dans une direction déterminée.

18

DE 13 À 28 L’EXERCICE DU POUVOIR DE POLICE DU MAIRE

209_5OQUESTIONS.indd Sec1:VII209_5OQUESTIONS.indd Sec1:VII 31/12/07 15:43:5431/12/07 15:43:54

VIII Le Courrier des maires ● N° 209 ● Janvier 2008

L’interdiction des cimetières confessionnels est-elle conforme au droit international ?Cette interdiction se heurte à l’article 9 de la CEDH qui consacre la liberté de religion. L’orientation des tombes imposée par la religion musulmane ne semble pas pouvoir être écar-tée pour des raisons d’ordre public (contraire-ment aux prescriptions d’ordre sanitaire). Selon le rapport de la commission Stasi du 11 dé-cembre 2003, il ne serait pas admissible que « la laïcité serve d’alibi aux autorités municipa-les pour refuser que des tombes soient orientées dans les cimetières ». La CEDH admet certaines restrictions à la liberté religieuse dans la me-sure où il est possible de créer à titre privé les moyens nécessaires au respect des prescriptions reli gieuses (CEDH, 7 déc. 1976, Kjeldsen c/ Da-nemark n° 5095/71RFDA 1995 p. 585). La com-mune détenant un monopole et la création de cime tières privés étant interdite, en cas de re-cours, la France pourrait donc être condamnée.

19La pratique des carrés confessionnels est-elle aujourd’hui admise ?Pour satisfaire musulmans et israélites, les com-munes sont amenées à aménager des carrés confes-sionnels dans une situation d’insécurité juridique.Dans son rapport public de 2004, le Conseil d’Etat relève : « L’institution de carrés confessionnels dans les cimetières n’est donc pas possible en droit. Tou-tefois, en pratique, les carrés confessionnels sont admis et même encouragés par les pouvoirs publics afi n de répondre aux demandes des familles, de confession musulmane notamment, de se voir créer dans les cimetières des lieux d’inhumation réservés à leurs membres. »

ATTENTIONLa création de carrés confessionnels est donc actuellement laissée à la libre appréciation du maire au titre de son pouvoir de fi xer l’endroit affecté à chaque tombe dans les cimetières.

20

L’inhumation dans un terrain privé peut-elle être légalement refusée ? Oui. Selon l’article L.2223-9 du CGCT « toute personne peut être enterrée sur une propriété particulière, pourvu que cette propriété soit hors de l’enceinte des villes et des bourgs et à la distance prescrite » et l’autorisation est délivrée par le préfet après certaines formalités (art. R.2213-32 CGCT).Il a été jugé que le préfet peut légalement refuser l’autorisation si elle est de nature à troubler l’ordre public. Par exemple, l’ampleur de l’hostilité des élus et de la population locale susceptible d’être provoquée par l’inhumation d’un gourou dans un site dénommé « Cité Sainte de Mandarom » et appartenant à une association justifi e le refus opposé par le préfet (CE, 12 mai 2004, Association du Vajra triomphant Juris DATA n° 2004-066778).

21Le pouvoir de police du maire est-il limité en matière de signes sur les sépultures ?Oui. Le principe de l’interdiction d’apposer des signes ou emblèmes religieux dans les emplacements publics ne s’applique pas aux sépultures. L’article L.2223-12 du CGCT dispose que la concession permet de « construire sur ces terrains des caveaux, monuments et tombeaux ». Il y a donc un droit d’ériger des sépultures relevant exclusivement de la volonté des proches qui peuvent manifester des sentiments religieux.

22

DE 13 À 28 L’EXERCICE DU POUVOIR DE POLICE DU MAIRE

Monuments funéraires. La liberté d’apposer des signes religieux (article 28 de la loi de 1905) est garantie par la stricte limitation du pouvoir de police du maire qui ne peut pas réglementer la taille des monuments religieux (CE, 21 janvier 1910, Gonot Lebon p. 49). En revanche, un signe religieux particulièrement imposant qui détein-drait sur le reste du cimetière pourrait être interdit (même arrêt).

CEDHConvention européenne des droits de l’homme (également – cf. questions n° 46 et n° 48 : Cour euro péenne des droits de l’homme)

209_5OQUESTIONS.indd Sec1:VIII209_5OQUESTIONS.indd Sec1:VIII 31/12/07 15:43:5431/12/07 15:43:54

Le Courrier des maires ● N° 209 ● Janvier 2008 IX

Les manifestations extérieures du culte sont-elles soumises à un régime contraignant ?Les manifestations traditionnelles sont libres et dispensées de déclaration, tandis que les manifestations non traditionnelles sont soumi-ses à déclaration et susceptibles d’être interdi-tes par le maire dans l’exercice de son pouvoir de police. La notion de manifestation tradition-nelle est d’interprétation large. Le Conseil d’Etat dans un arrêt de principe a censuré l’interdic-tion des manifestations traditionnelles (CE, 19 février 1909, Abbé Olivier n° 27355). Les manifestations non traditionnelles doivent être déclarées au maire ou, dans les communes sous le régime de la police d’Etat, au préfet. Une interdiction n’est justifi ée qu’en cas de risque sérieux d’atteinte à l’ordre public. Le juge valide rarement les interdictions. L’interdiction partielle dans le but de maintenir la circulation (CE, 21 janvier 1966, Legastelois n° 61692) est justifi ée.

23Les réunions ayant pour objet le culte sont-elles soumises à autorisation préalable ?Non, mais il convient de distinguer les réunions privées et publiques. Les réunions privées qui réunissent des personnes nommément invitées par un organisateur ne sont soumises à aucune réglementation, qu’elles aient pour objet ou non le culte. Les réunions publiques sont celles ouvertes à tous dans les édifi ces cultuels. Les réunions publiques sont libres et ne sont soumises à aucune autorisation préalable et l’obligation de déclaration a été supprimée par la loi du 28 mars 1907. Néanmoins, une réunion pour l’exercice du culte ayant lieu dans les locaux d’une association cultuelle doit être publique sous peine de méconnaître la règle de l’affectation cultuelle. Par exemple, une cérémonie religieuse dans un lieu de culte public ne peut être réservée à certaines personnes. En revanche, les réunions statiques tout comme les manifestations statiques sur la voie publique sont prohibées.

24

Le maire peut-il légalement mettre à disposition une salle communale au profi t d’une association religieuse pour l’exercice de son culte ? Oui. Toutefois, selon le ministre de l’Intérieur (réponse à la question écrite n° 03698, JO Sénat 23 octobre 1997), « il s’agit là d’une simple faculté pour la commune, qui n’est pas tenue de satisfaire les demandes en ce sens […]. Sous cette réserve, une association confessionnelle peut […] bénéfi cier de la mise à disposition de locaux communaux pour l’exercice de son culte. La participation directe de la commune à l’organisation de célébrations religieuses constituerait, en revanche, une atteinte au principe de laïcité (TA de Châlons-sur-Marne, 18 juin 1996, Association Agir c/ Ville de Reims RDP 1997) ».

25Dans quelles conditions le maire peut-il légalement refuser la mise à disposition d’une salle communale ?Une commune peut « décider d’exclure de ce droit les organismes exerçant des offi ces reli-gieux dans le but de mettre l’utilisation des lo-caux appartenant à la commune à l’abri de que-relles politiques ou religieuses » (CE, 21 mars 1990, Commune de La Roque Rec. p. 74). Selon le ministre de l’Intérieur (cf. réponse précé-dente), « la commune doit […], sauf si une dis-crimination est justifi ée par l’intérêt général, veiller à l’égalité de traitement entre les associa-tions qui sollicitent l’utilisation de locaux com-munaux, dans sa décision d’octroi ou de refus ».

26

DE 13 À 28 L’EXERCICE DU POUVOIR DE POLICE DU MAIRE

RefusDans un cas récent, le refus de location de salle portait « une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté de réunion » dès lors que la ville « ne faisait état d’aucu-ne menace à l’ordre public, mais seule-ment de considé-rations générales relatives au ca-ractère sectaire de l’association, ni d’aucun motif tiré des nécessités de l’administra-tion des propriétés communales ou du fonctionnement des services » (CE ord., 30 mars 2007, n° 304053, Culte des Témoins de Jéhovah Lyon-La-fayette).

209_5OQUESTIONS.indd Sec1:IX209_5OQUESTIONS.indd Sec1:IX 31/12/07 15:43:5431/12/07 15:43:54

X Le Courrier des maires ● N° 209 ● Janvier 2008

Quelles sont les règles applicables en matière d’abattage rituel d’animaux ?L’article 10 du décret 80-791 du 1er octobre 1980 dans sa rédaction issue du décret n° 81-606 du 18 mai 1981 dispose que : « Il est interdit de procéder à un abattage rituel en dehors d’un abattoir […] L’abattage ne peut être effectué que par des sacrifi cateurs habilités par les organismes religieux agréés, sur proposition du ministre de l’Intérieur, par le ministre de l’Agriculture. Les sacrifi cateurs doivent être en mesure de justifi er de cette habilitation […] Si aucun organisme religieux n’a été agréé, le préfet du département dans lequel est situé l’abattoir utilisé pour l’abattage rituel peut accorder des autorisations individuelles sur demande motivée des intéressés ». Le préfet est tenu de rejeter la demande présentée par une association lorsqu’un organisme religieux a été agréé dans la religion considérée (CE, 25 novembre 1994, n° 121678).

27Un maire peut-il exceptionnellement autoriser l’abattage rituel en dehors d’un abattoir ?Non. Par dérogation au droit commun, l’article R.214-70 du Code rural codifi ant le décret n° 97-903 du 1er octobre 1997 autorise l’abattage sans étourdissement, c’est-à-dire la mise à mort par saignée pour des raisons religieuses, mais exclusivement dans les abattoirs. Par conséquent, tout abattage rituel en dehors d’un abattoir est strictement interdit. Un maire ne peut pas autoriser l’abattage d’un mouton en dehors d’un abattoir (CAA Paris, 9 mais 2001, Commune de Corbeil-Essonnes n° 00PA00124).

28

La personne publique est-elle tenue d’entretenir les lieux de culte ?Oui et non. En théorie il s’agit d’une faculté et non d’une obligation d’entretien. Cependant, bien que la loi mentionne une simple faculté, les collectivités publiques sont tenues, en pratique, d’assurer à leurs frais le bon état de ces dépendances de leur domaine public, car le défaut d’entretien est susceptible, en cas de dommages aux personnes ou aux biens, d’engager leur responsabilité (CE, 10 juin 1921, Commune de Monségur, Lebon, p. 573).Il s’agit d’une responsabilité sans faute à l’égard des tiers et d’une responsabilité pour faute présumée à l’égard des usagers, le propriétaire ne pouvant s’exonérer qu’en prouvant la faute de la victime ou l’entretien correct (CE, 20 avril 1966, Ville de Marseille, n° 63176 sur les défectuosités de la grille du porche d’une église).

29Quels sont les travaux susceptibles d’être pris en charge par la personne publique propriétaire ? Les personnes publiques ne peuvent engager d’autres dépenses que celles nécessaires à l’entretien et à la conservation des édifi ces du culte. La faculté ouverte aux personnes publiques est néanmoins limitée aux réparations, ce qui concerne uniquement les travaux de gros œuvre nécessaires à la conservation de l’édifi ce, et non les travaux d’aménagement ou d’entretien courant de celui-ci.

ATTENTIONLe nettoyage, les embellissements ou agrandissements ne sont pas susceptibles d’être pris en charge. Est illégale la prise en charge par une commune de la part des dépenses d’électricité des églises afférentes à l’exercice même du culte (CAA Nancy, 5 juin 2003, Commune de Montaulin n° 99NC01589). L’acquisition d’objets mobiliers cultuels ne peut pas être considérée comme une dépense d’entretien ou de conservation (CE, 11 juillet 1913, Commune de Dury n° 48342).

30

DE 29 À 42 LES ÉDIFICES ET LIEUX DE CULTE

209_5OQUESTIONS.indd Sec1:X209_5OQUESTIONS.indd Sec1:X 31/12/07 15:43:5531/12/07 15:43:55

Le Courrier des maires ● N° 209 ● Janvier 2008 XI

La commune a-t-elle l’obligation d’effectuer les travaux fi nancés par les tiers ?Oui. Lorsque la personne publique propriétaire des édifi ces affectés à l’exercice public du culte refuse d’effectuer les travaux requis par la dégradation desdits édifi ces, les fi dèles peuvent offrir un concours fi nancier en vue de réaliser les réparations nécessaires. Dans ce cas, la collectivité a l’obligation d’accepter cette offre qu’elle ne peut refuser sans engager sa responsabilité. Les personnes publiques propriétaires sont donc tenues d’effectuer les travaux fi nancés par les fi dèles (CE, ass. 26 oct. 1945, Chanoine Vaucanu, Lebon, p. 212).

ATTENTIONLes ministres et les fi dèles du culte concerné ne sau-raient, de leur propre initiative, procéder sur un édifi ce du culte appartenant à une personne publique aux travaux qu’ils estiment indispensables sans que les autorités administratives compétentes aient décidé de les engager (TA Lille, 29 novembre 1972, Sieur Henry Lebon, p. 932).

31La mise à disposition gratuite d’un bien public à l’exercice d’un culte est-elle légale ?Non. La mise à disposition gratuite d’un bien public pour pratiquer un culte est de toute évidence illicite et doit être considérée comme une subvention déguisée dès lors que l’occupation de ce bien public est généralement payante. La mise à disposition gratuite est contraire à l’in-terdiction d’aider les cultes et à la prohibition des libéralités (CE, 26 mai 1911, Commune de Heugas, Lebon p. 624). En revanche, rien ne s’oppose à ce que des orga-nismes religieux utilisent le domaine public ou privé moyennant le paiement des mêmes sommes que les autres utilisateurs dans le respect du principe d’égalité.

32

La vente ou la location d’un terrain à un prix très inférieur à sa valeur réelle sont-ils constitutifs d’une subvention déguisée à un culte ?Oui. Certaines communes tentent de contourner la prohibition des subventions sous l’apparence de contrats ordinaires de location à prix dérisoire ou de contrats de vente à prix réduit. Or, une mise à disposition gratuite (CE, 26 mai 1911 Commune de Heugas, Lebon p. 624) ou moyennant un loyer dérisoire (CE, 7 avril 1911, Commune de Saint-Cyr-de-Salerne) est contraire à l’interdiction de subventionner les cultes. Pour vérifi er qu’un bas loyer ne dissimule pas une subvention, le juge prend en compte l’état du bâtiment ainsi que l’absence d’offre d’un loyer supérieur (CE, 18 novembre 1994 Roger Bischoff c/ Commune de Mouhers n° 90866). De même, la vente d’un terrain à un prix très largement inférieur à sa valeur réelle constitue une subvention déguisée au culte prohibée par l’article 2 de la loi du 9 dé-cembre 1905 (TA Orléans, 16 mars 2004, Fédération d’Indre-et-Loire de la libre pensée n° 013376).

33Qu’est ce qu’un bail emphytéotique administratif ? La conclusion d’un bail emphytéotique administratif (BEA) est soumise à des conditions spécifi ques liées à leur objet dont la liste est fi xée par l’article L.1311-2 du CGCT.L’avantage pour le preneur est considérable car cette opération revient en réalité à donner pour une longue durée un terrain pour la construction d’un édifi ce du culte. Néanmoins, les articles L.451-1 et suivants du Code rural prévoient que les travaux, réparations et aménagements des immeubles ou terrains mis à dispositions par bail emphytéotique sont à la charge du preneur.

34

DE 29 À 42 LES ÉDIFICES ET LIEUX DE CULTE

BEALe BEA se défi nit classiquement comme un contrat administratif autorisant une occupation de longue durée ( entre 18 et 99 ans) du domaine public local et conférant à l’occupant privatif un droit réel sur le bail et sur les constructions qu’il réalise.

209_5OQUESTIONS.indd Sec1:XI209_5OQUESTIONS.indd Sec1:XI 31/12/07 15:43:5531/12/07 15:43:55

XII Le Courrier des maires ● N° 209 ● Janvier 2008

La commune peut-elle conclure un BEA pour l’édifi cation d’un lieu de culte ?Oui. En principe les personnes publiques ne doivent pas participer à la construction d’immeubles destinés au culte en raison de la loi de 1905. Cette pratique s’est néanmoins développée sous la forme d’un BEA permettant alors de faire construire par une association cultuelle sur un terrain spécialement réservé, un lieu de culte dont les communes deviendront propriétaires à l’expiration du bail, avec application du régime de la domanialité.

ATTENTIONCe « BEA cultuel » a été légalisé par l’ordonnance n° 2006-460 du 21 avril 2006 et codifi é à l’article L.1311-2 du CGCT qui dispose que : « Un bien immobilier appartenant à une collectivité territoriale peut faire l’objet d’un bail emphytéotique […] en vue de l’affectation à une association cultuelle d’un édifi ce du culte ouvert au public ».

35Le loyer d’un BEA cultuel est-il libre ?Non, comme l’ont rappelé les juges administratifs à au moins deux reprises cette année.A Marseille, le BEA de 99 ans pour un loyer symbolique de 300 euros par an établi entre la mairie et l’association « La mosquée de Marseille » a été déféré devant le tribunal administratif (TA) qui a estimé que « ledit bail emphytéotique administratif litigieux doit être regardé comme accordant une subvention à l’association cultuelle ». Pour requalifi er ce bail en subvention, le juge s’est fondé sur l’insuffi sance de ce loyer (TA Marseille, 17 avril 2007, n° 0605998). De même, le bail à 1 euro symbolique concédé par la ville de Montreuil à la future mosquée a été censuré par le TA. La délibération du conseil municipal du 25 septembre 2003 a été annulée car le montant de la redevance était assimilable à l’octroi d’une subvention (TA Cergy-Pontoise, 12 juin 2007 n° 0306171).

36

Les collectivités peuvent-elles garantir les emprunts pour la construction d’édifi ces cultuels ?Oui. Les articles L.2252-4 et L.3231-5 du CGCT prévoient que les communes et les départements peuvent garantir les emprunts contractés pour fi nancer, dans les agglomérations en voie de développement, la construction par des associations cultuelles d’édifi ces répondant à des besoins collectifs de caractère religieux.« Pour la construction d’édifi ces du culte, plusieurs dispositifs permettent de favoriser les projets, indépendamment du caractère cultuel ou non de l’association qui les porte : l’Etat, les départements et les communes peuvent accorder une garantie d’emprunt pour la construction d’un édifi ce religieux, facilitant considérablement la recherche d’un prêt bancaire » (Conseil d’Etat, rapport public 2004). La collectivité garante, qui doit verser les sommes dues par l’emprunteur défaillant, participe donc, éventuellement, très directement au fi nancement de l’édifi ce religieux.

37Le maire peut-il légalement réserver dans son plan local d’urbanisme (PLU) un emplacement exclusivement destiné à la construction d’un édifi ce cultuel ? Oui. Dans une circulaire en date du 15 février 2005 (NORINTA0500022C), le ministre de l’Intérieur énonce : « Selon le Conseil d’Etat, un plan d’occupation des sols peut réserver un emplacement pour l’édifi cation d’un lieu de culte car un édifi ce cultuel peut présenter, au regard des caractéristiques de l’opération urbanistique projetée, “le caractère d’une installation d’intérêt général au sens du 8° de l’article L.123-1 du Code de l’urbanisme” (CE 25 septembre 1996, n° 109754) ».

38

DE 29 À 42 LES ÉDIFICES ET LIEUX DE CULTE

209_5OQUESTIONS.indd Sec1:XII209_5OQUESTIONS.indd Sec1:XII 31/12/07 15:43:5531/12/07 15:43:55

Le Courrier des maires ● N° 209 ● Janvier 2008 XIII

Le maire peut-il refuser un projet d’édifi ce cultuel pour des motifs d’urbanisme ?L’édifi cation d’un lieu de culte peut être empêchée pour des motifs liés à l’application des règles en vigueur, notamment des règles en matière d’urbanisme et de construction des édifi ces recevant du public. Selon la circulaire précitée (cf. question 38), « le non-respect de la destination d’un terrain classé, l’insuffi sance de places de parking ou le non-respect de la hauteur plafond sont autant de cas dans lesquels le permis de construire peut être refusé à bon droit ».

ATTENTIONLe juge administratif veille à ce que le droit de l’urba-nisme ne soit pas détourné de son objet pour empê-cher la construction d’un édifi ce du culte et le juge ju-diciaire qualifi e de voie de fait l’utilisation inappropriée par une autorité municipale de son droit de préemp-tion pour empêcher l’édifi cation d’un lieu de culte (CA Rouen, 23 février 1994, JurisData 1994-041839).

39Une commune peut-elle participer au fi nancement de travaux effectués sur un édifi ce privé affecté à l’exercice d’un culte ?Oui. Il a été jugé que la ville de Lyon a pu légalement fi nancer l’accessibilité aux handicapés de la basilique de Fourvière (CAA Lyon, 26 juin 2007 n° 03LY00054) et le juge a considéré que « les travaux à l’exécution desquels a été affectée la subvention litigieuse ont été projetés par la Fondation Fourvière, laquelle a pour partie une activité cultuelle, pour la réalisation d’un ascenseur qui, […] a pour objet d’améliorer l’accessibilité des personnes à mobilité réduite à la nef et à la crypte de cette basilique, lesquelles sont le lieu d’une très importante fréquentation touristique ; que […] cet équipement doit être regardé comme répondant à un objectif d’intérêt général et n’étant pas spécialement destiné à l’exercice d’un culte ; que dès lors le moyen tiré de ce que la délibération attaquée aurait méconnu les dispositions précitées de la loi du 9 décembre 1905 doit être écarté ».

40

Les communes doivent-elles contribuer au fi nancement des écoles religieuses ?Oui. En vertu du principe de parité (loi Debré n° 59-1557 du 31 décembre 1959), les communes doivent contribuer au fi nancement des écoles privées sous contrat implantées sur leur territoire mais aussi hors de leur territoire. L’article 89 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales étend au fi nancement des écoles privées sous contrat les procédures qui régissent la répartition des dépenses de fonctionnement des écoles entre les communes de résidence et les communes d’accueil. Il précise qu’à défaut d’accord entre les communes sur les modalités de répartition des dépenses de fonctionnement des classes sous contrat, le préfet fi xe leurs contributions respectives, après avis du conseil départemental de l’éducation nationale, comme il le fait déjà pour la répartition de la contribution des communes au fi nancement des écoles publiques.

41Quelles sont les conséquences fi nancières pour les communes ? La nouvelle circulaire du ministre de l’Edu-cation nationale n°2007-142 du 27 août 2007 (BOEN du 6/09/2007) reprend intégralement la précédente (annulée par le Conseil d’Etat pour des motifs de forme dans un arrêt du 4 juin 2007) à l’exception de trois suppressions dans la liste des dépenses à prendre en compte pour le forfait communal. Cette circulaire fait l’objet d’un nouveau recours, notamment de l’Associa-tion des maires ruraux de France (AMRF). La circulaire du 27 août 2007 rappelle notam-ment que les dépenses de fonctionnement d’une classe élémentaire sous contrat d’association constituent une dépense obligatoire à la charge de la commune ou de l’établissement public de coopération intercommunale compétent. Ces dépenses comprennent notamment l’en-tretien des locaux liés aux activités d’enseigne-ment, l’entretien du mobilier scolaire, le coût des transports pour emmener les élèves de leur école aux activités scolaires…

42

DE 29 À 42 LES ÉDIFICES ET LIEUX DE CULTE

Trois suppressions La circulaire du 27 août 2007 écarte du forfait communal les dépenses de contrôle tech-nique des bâti-ments, la rémuné-ration des agents territoriaux de service des écoles maternelles et les dépenses rela-tives aux activités extrascolaires.

209_5OQUESTIONS.indd Sec1:XIII209_5OQUESTIONS.indd Sec1:XIII 31/12/07 15:43:5531/12/07 15:43:55

XIV Le Courrier des maires ● N° 209 ● Janvier 2008

DE 43 À 50 L’EXPRESSION DU CULTE

En quoi consiste l’interdiction de signes religieux sur les monuments publics ?L’article 28 de la loi de 1905 dispose que : « Il est interdit, à l’avenir, d’élever ou d’apposer aucun signe ou emblème religieux sur les monuments publics ou en quelque emplacement public que ce soit, à l’exception des édifi ces servant au culte, des terrains de sépulture dans les cime-tières, des monuments funéraires, ainsi que des musées ou expositions. » La loi consacre un principe de neutralité religieuse des personnes publiques, sous réserve des deux exceptions ex-pressément prévues. Le signe religieux est celui qui a une fi nalité religieuse, mais le législateur n’a pas exigé le retrait des éventuels signes reli-gieux antérieurs à la loi de 1905.En revanche, a été annulé le refus d’un conseil municipal d’abroger sa décision, postérieure à la loi de 1905, d’apposer des crucifi x dans la salle du conseil municipal et dans celle des mariages (CAA Nantes, 4 février 1999, n° 98NT00337).

43Les monuments aux morts sont-ils soumis à l’interdiction d’apposer des signes religieux ?Non. Les monuments aux morts sont des édifi ces érigés en l’honneur des morts qui ne relèvent pas des sépultures. Une jurisprudence constante admet que l’exception à l’interdiction d’apposer des signes religieux pour les sépultures et monuments funéraires s’applique également aux monuments destinés à rappeler le souvenir des morts même s’ils ne recouvrent pas de sépultures et quel que soit le lieu où ils sont érigés, donc même situés hors des cimetières (CE, 4 juillet 1924 Abbé Guerle, Lebon p. 640).

ATTENTIONEn ce sens il a été jugé récemment qu’un monument aux morts, alors même qu’il ne comporte aucune sépulture constitue un « monument funéraire » au sens de l’article 28 de la loi de 1905. Dès lors, il échappe à l’interdiction posée par cet article d’élever ou d’apposer aucun signe ou emblème religieux sur les monuments ou emplacements publics (TA Dijon, 20 septembre 2007, Denis Rossi n° 07073).

44

Quelle est la législation concernant le port de signes religieux à l’école ? Le 27 novembre 1989 le Conseil d’Etat, sur saisine du ministère de l’Education nationale, a estimé que « le port, par les élèves, de signes par lesquels ils entendent manifester leur appartenance à une religion n’est pas incompatible avec le principe de laïcité dans la mesure où il constitue l’exercice de la liberté d’expression et de manifestation de croyances religieuses » à condition qu’il ne trouble pas le fonctionnement normal du service public. La loi du 15 mars 2004 encadrant, en application du principe de laïcité, le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics a introduit dans le Code de l’éducation l’article L.141-5-1 interdisant dans les enceintes des écoles publiques les signes religieux ostensibles, c’est-à-dire les signes et tenues conduisant à se faire reconnaître immédiatement par son appartenance religieuse (voile islamique, kippa, croix de dimension excessive), les signes discrets étant naturellement admis.

45Comment le principe de laïcité s’applique-t-il aux fonctionnaires ? La neutralité des agents publics en matière de religion est une obligation fonctionnelle (CE, 8 décembre 1948, Pasteau RDP 1949 p. 73). Le manquement au principe de neutralité qui s’impose à tout agent public pendant le temps de service justifi e des sanctions disciplinaires. La liberté d’expression est ici encadrée pour répondre aux principes de neutralité et de laïcité (CE, 15 octobre 2003, Association pour l’unifi cation du christianisme mondial, n° 244428).

46

Port d’un signe. Le port par les agents publics d’un signe destiné à manifester leurs apparte-nances religieuses est incompatible avec l’exer-cice de leurs fonctions (CE avis, 3 mai 2000, Mlle Marteaux n° 217017), et la Cour européenne des droits de l’homme a déclaré irrecevable la re-quête d’une institutrice contre une décision lui in-terdisant le port du foulard islamique dans ses activités professionnelles (CEDH, 15 février 2001, n° 42393/98 Dahlab c/ Suisse).

209_5OQUESTIONS.indd Sec1:XIV209_5OQUESTIONS.indd Sec1:XIV 31/12/07 15:43:5631/12/07 15:43:56

Le Courrier des maires ● N° 209 ● Janvier 2008 XV

Comment la liberté religieuse s’applique-t-elle aux fonctionnaires ? La liberté de conscience interdit toute discrimination et garantit la liberté d’expression en dehors du temps de service. L’article 6 du statut de la fonction publique dispose qu’« aucune distinction ne peut être faite entre les fonctionnaires en raison de leurs opinions politiques, syndicales, philosophiques ou religieuses, de leur sexe, de leur état de santé, de leur handicap ou de leur appartenance ethnique ».Il est interdit de tenir compte des opinions religieuses d’un fonctionnaire ou de leurs manifestations en dehors du temps de service s’agissant de l’accès à la fonction publique, de l’affectation ou du déroulement de carrière.

ATTENTIONRien ne justifi e le non-recrutement ou le licenciement de fonctionnaires ou d’agents publics qui mani-festent leurs croyances en dehors de l’exercice de leurs fonctions (CE, 8 décembre 1948, Pasteau RDP 1949 p. 73).

47Quelles facilités peuvent être accordées aux fonctionnaires pour pratiquer leur religion ? Les chefs de service peuvent accorder aux agents qui désirent participer aux cérémonies célébrées à l’occasion des principales fêtes propres à leur confession, les autorisations d’absence nécessaires (circulaire FP/7 n° 2054 du 24 novembre 2003). Mais l’administration accorde des autorisations compatibles avec les nécessités du service (CE, 12 février 1997, Mlle Henny n° 125893) et il n’existe aucun droit à autorisation d’absence. Ainsi, la collectivité peut accorder des aménagements d’horaires s’ils n’entrent pas en contradiction avec les principes de continuité du service public et de son bon fonctionnement (CE, 16 décembre 1992 Mme Gilot n° 96459) et la CEDH a rejeté la requête d’un instituteur contre une décision lui refusant un aménagement d’horaire pour aller à la mosquée le vendredi (CEDH, 12 mars 1981 DR22/27).

48

L’ouverture des services publics pour certaines catégories de personnes est-elle légale ?Ce problème se pose aujourd’hui notamment en ce qui concerne la création d’horaires d’ouverture spécifi ques aux femmes dans les piscines municipales, l’accès aux soins (des femmes n’acceptant pas d’être soignées par des hommes médecins), des candidates refusant d’être interrogées par une personne de l’autre sexe… En l’absence de toute législation en la matière, il n’est pas possible d’apporter une réponse claire et sans équivoque. Cependant de telles pratiques pourraient être jugées contraires au principe d’égalité et de libre accès aux services publics.

49Le maire peut-il installer des arbres et des crèches de Noël dans la commune ?Même si la position pourrait être contestée, notamment en ce qui concerne les crèches, une réponse du ministère de l’Intérieur (à la question écrite n° 25728, JO Sénat du 15 mars 2007) prétend que « le principe de laïcité n’impose pas aux collectivités territoriales de méconnaître les traditions issues du fait religieux qui, sans constituer l’exercice d’un culte, s’y rattachent néanmoins de façon plus ou moins directe. Tel est le cas de la pratique populaire d’installation de crèches, apparue au XIIIe siècle. Tel est le cas aussi de la fête musulmane de l’Aïd-el-Adha. L’intervention publique dans de tels domaines doit toujours se justifi er par des considérations d’intérêt général (ordre public, communautés ou traditions locales, animation urbaine, etc.) et elle s’effectue sous le contrôle du juge administratif, que peut saisir tout citoyen ayant intérêt pour agir ».

50

DE 43 À 50 L’EXPRESSION DU CULTE

209_5OQUESTIONS.indd Sec1:XV209_5OQUESTIONS.indd Sec1:XV 31/12/07 15:43:5631/12/07 15:43:56