2030 des miniréacteurs mobiles relanceront notre nucléaire

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Vendredi 1 Mars 201368 1/2

2030 Des miniréacteursmobiles relanceront

notre nucléaireDésolé pour les écologistes, l'énergie atomique

a encore de beaux jours devant elle dans notre pays.

Mais â côté des centrales classiques, de nouvelles

machines vont la révolutionner. Voici comment.

Tout est encore sur lepapier, mais on va yarriver ! Noeud de cra-vate dénoué, silhouetteen rondeur et débit vo-

lubile, Christophe Behar est lepatron de la direction de l'éner-gie nucléaire du Commissariatà l'énergie atomique (CEA).Sur le plateau de Saclay, à 20 ki-lomètres au sud-ouest de Paris,dans un site gai comme uneville interdite de l'ex-URSS, cecentralien de 57 ans dirige uneéquipe de 400 ingénieurs quiimaginent les centrales ato-miques de demain. Un budgetde 650 millions d'euros, fi-nancé par le grand emprunt deNicolas Sarkozy, lui a étéalloué. «Notre objectif est d'es-sayer d'accroître le rendementdes futurs réacteurs.» Ceuxd'aujourd'hui, explique-t-il, neconsomment en effet qu'unetoute petite partie du mineraid'uranium. Si l'on parvenait àen rendre la quasi-totalité utili-sable, on résoudrait l'essentieldes problèmes d'approvision-nement. «Voilà un domaine oùnotre pays est un leader mon-dial reconnu, et je peux vousdire qu'il va le rester», s'enthou-siasme notre homme.

Pensiez-vous que le sort dunucléaire était scellé depuis la

catastrophe de Fulatshimaa

en mars 2011 ? Vous vous trom-piez lourdement. Les Alle-mands ont peut-être annoncé lafermeture de leurs centrales,mais chez nous l'atome est en-core là pour longtemps. La ma-jorité de l'opinion s'en accom-mode d'ailleurs fort biencomme tous nos gouvernants,elle estime que cette énergiegarantit l'indépendance natio-nale et offre un courantbon marché auxconsommateurs.On pourraitajouter qu'elleemploie direc-tement 125 000personnes dansl'Hexagone, se-lon une étude ducabinet Pricewa-terhouseCoopers,ce qui n'est pas négli-geable. Contraint de don-ner des gages à ses chatouilleuxalliés écologistes, FrançoisHollande a certes promis deramener la part du nucléairedans la production d'électricitéde 75 à 50% d'ici 2030. Maisson unique décision concrète aété d'annoncer l'arrêt de lacentrale de Fessenheim d'ici àla fin de son mandat. Et il n'estmême pas assuré que la ferme-ture pourra se faire dans lestemps_ Autant dire que la

France n'est pas près de perdreson titre de pays le plus nucléa-risé du monde...

Ce qui va changer, en re-vanche, c'est le paysage atomiquede l'Hexagone. A l'horizon 2030,une partie de nos 58 réacteursactuels continueront certes d'êtreexploités par EDF. Même s'ilsaffichent une moyenne d'âge de27 ans et qu'ils sont conçus pourfonctionner 40 ans, ils peuvent enfait en tenir 20 de plus, à condi-tion d'être révisés régulièrement.Ils seront flanqués d'une poignéed'EPR, ces nouvelles centralesultrapuissantes et ultraprotégées- ellespourront résister à la chuted'un avion de ligne - dont la pre-mière devrait être mise en ser-

vice en 2016 à Flaman-ville, dans le Cotentin.

Quelques exem-plaires d'uneversion plusmodeste del'EPR, baptiséeAtméa, vien-dront compléterce dispositif

classique.A côté de ces

unités tradition-nelles, notre pays se cou-

vrira de miniréacteurs nu-cléaires. Ou plus exactementses côtes, car ces modèles ré-duits de centrales (100 mètresde long pour 15 de large, quandmême) seront immergés aufond de la mer, à quelquesencablures de la terre ferme.Selon DCNS, l'ancienneDirection des constructionsnavales qui les a conçus et pré-sentés ateul-u-1. kar go.*-sauce seracomptise entre 5Q et

650 millionsd'euros de

fonds publicsont été débloqués pour

financer la recherche surle surgénérateur

200 mégawatts (MW), contre900 à 1450 MW pour les instal-lations actuelles. Une foisconstruits, les réacteurs seronttransportés par bateau puisdéposés à l'aide de grues surdes sortes de patins immergésentre 60 et 100 mètres de pro-fondeur. Selon ses concepteurs,un seul de ces engins, baptisésFlexblue, suffira à alimenterune agglomération de plusieurscentaines de milliers d'habi-tants, comme Bordeaux ouMontpellier.

Cet engin de science-fictionsera «téléopéré» d'un poste decommande où se relaieront unequinzaine de techniciens, et samaintenance sera assurée pardes minisubmersibles télécom-mandés, un peu comme dans«James Bond». Le promoteurde cette solution très originalefait valoir son expérience dequarante ans dans la construc-tion des sous-marins à propul-sion nucléaire. Mais il a quandmême pris la précaution de s'as-socier à EDF et à Areva, sansqui le projet n'aurait eu aucunechance d'aboutir.

Un premier prototype pour-rait être présenté d'ici 2020 etl'exploitation commercialedémarrer en 2030. Car, par-delàsa prouesse technique, Flexbluepossède un atout majeur: sonprix. «Une unité reviendrait àquelques centaines de millionsd'euros, contre plusieurs mil-liards pour les centrales habi-tuelles», calcule Dominique Vi-gnon, ex-patron de Framatome.On peut en effet en produire ense*, eetillr wpasuL-u-Lituusts-de finie. civil comme, inur_ las

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Couché par 100 mètres de fond,cet engin suffirait à alimenter

une ville comme Bordeaux

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Installé à quelqueskilomètres des côtes, entre60 et 100 mètres deprofondeur, Flexblue seraprotégé d'éventuellesattaques par un filetde protection métallique.

9En plus de la coque,ux barrières isoleront

le coeur du réacteur afind'éviter tout contact avecle milieu marin.

De petits submersiblesro otisés et desscaphandriers pourronteffectuer des opérations-t:re-c,Cîàüe'rrté1engin qui mesure100 mètres de long et15 mètres de diamètre.

Fiche techniquePuissance: entre 50 et 200 MW Technologie: dérivée de celles utilisées sur les sous-marins à propulsion nucléaire

Prix de revient: entre 200 et 500 millions d'euros Construction d'un prototype: 2020 Lancement commercial: 2030

EPR. Mais est-il bien raison-nable d'installer une telle tech-nologie au fond de la mer? Lesexperts de la DCNS font valoirque l'eau est la meilleure bar-rière contre les radiations etque, dans le pire des cas - uneattaque terroriste - la contami-nation serait limitée à quelquesmois dans un rayon de quelqueskilomètres. Flexblue serait entout cas moins exposé quel'engin concurrent développépar les Russes, installé, lui,sur une barge flottante.

Autre innovation décoif-fante, Astrid, le réacteur dequatrième génération, sur

lequel travaillent nos ingé-nieurs du CEA. Comme Super-phénix, fermé par Lionel Jospinen 1997, il s'agit d'un surgénéra-teur, autrement dit d'une chau-dière atomique capable de pro-duire plus de matière fissilequ'elle n'en consomme. A ladifférence des machines habi-tuelles, qui fonctionnent uni-quement avec de l'uranium en-richi, elle pourra engloutir unelarge palette de combustibles.Y compris les résidus des cyclesatomiques traditionnels, donton ne sait que faire. L'uraniumappauvri, par exemple, dont250000 tonnes sont déjà entre-

posées sur le territoire français,ou encore les actinides mi-neurs, particulièrement dange-reux - ils restent radioactifspendant 1 million d'années.Mais le principal «carburant»d'un surgénérateur est le pluto-nium, lui aussi issu de l'exploi-tation des réacteurs classiques,où il n'est que très partiellementrecyclé. La future machine se-rait capable de réutiliser sonplutonium en boucle, autre-ment dit de s'autoalimenter.

Ce recyclage des déchets parla filière productive elle-mêmechangera évidemment du toutau tout l'équation environ-

nementale du nucléaire. Biensûr, les unités de production,quelles qu'elles soient, resterontdangereuses par nature. «Maispuisqu'on sera capable de pro-duire de l'électricité avec unepartie de nos matériaux usés,on entrera dans l'ère de l'atomedurable !», se réjouit Chris-tophe Béhar. La constructiondu prototype Astrid pourraitdémarrer d'ici 2020 et l'exploi-tation commerciale en 2050.Reste à chiffrer le coût proba-blement faramineux de cetteaventure. Pour le moment,personne ne s'y risque.

Eric Wattez