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NOTIONS D’ HISTOIRE CONTEMPORAINE 6 èmes générales LA GEOPOLITIQUE EN EUROPE ET DANS LE MONDE DE 1945 A AUJOURD’HUI. 1

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NOTIONS D’ HISTOIRE CONTEMPORAINE

6 èmes générales

LA GEOPOLITIQUE EN EUROPE ET DANS LE MONDE DE 1945 A AUJOURD’HUI.

_____________________________________________Jean-Marie Frissen, Athénée royal « Air Pur », Seraing, année scolaire 2015-2016

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LA SECONDE MOITIE DU 20 ème SIECLE

I. LE MONDE AU LENDEMAIN DE LA GUERRE

1. INTRODUCTION

Alors que la machine de guerre nazie est à bout de souffle, les futurs grands vainqueurs du conflit (États-Unis, Union soviétique et Grande-Bretagne) se réunissent en Crimée, en février 1945, afin de régler le sort futur de l'Allemagne et préparer la paix prochaine. C'est la célèbre Conférence de Yalta qui devait réunir le Président des États-Unis Franklin D. Roosevelt, le Premier ministre conservateur britannique Winston Churchill, et, pour l'URSS, Joseph Staline. Ils y énoncèrent quelques principes dont le plus important fut la décision de mettre sur pied ce qu'on nommera le Procès de Nuremberg (1945-1946), où passèrent en jugement les hauts responsables et criminels nazis et, par ailleurs, la division de la future Allemagne vaincue en 4 zones d'occupation (1 États-Unis ; 1 Grande-Bretagne ; 1 France ; 1 URSS).

Tenue du 4 au 11 février 1945, la conférence de Yalta en Crimée (URSS), réunit les chefs de gouvernement du Royaume-Uni (Winston Churchill), des États-Unis (Franklin D. Roosevelt) et de l'Union soviétique (Joseph Staline) dans le but d’adopter une

stratégie commune afin de hâter la fin de la guerre, de régler le sort de l’Europe après la défaite du IIIème Reich et de garantir la stabilité du monde au-delà de la victoire. Les accords que les trois « grands » signèrent le 11 février 1945 allaient se révéler essentiels pour l’après-guerre, bien qu’à Yalta le monde ne fût pas partagé en zones d’influence, comme le prétendra le Général de Gaulle. (cf. J. B. Duroselle, Dictionnaire d’histoire de la Seconde Guerre mondiale, Larousse, 1980)

Six mois plus tard, la Conférence de Potsdam (aux portes de Berlin), précisera les idées de Yalta. Attlee qui a succédé à Churchill, battu aux élections législatives ; Truman, devenu président après la mort de Roosevelt en avril et Staline confirment et complètent Yalta : l'Allemagne est divisée en zones

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d'occupation que contrôlent les vainqueurs et où les objectifs immédiats seront la dénazification, le désarmement, la démilitarisation et le procès contre les criminels de guerre. Il est également prévu pour les nations libérées du nazisme de se doter d'institutions démocratiques librement choisies par leurs populations. Néanmoins, on se rendra compte, très vite, que l'Union soviétique n' a pas du tout l'intention de respecter cette clause.

2. LE PROCES DE NUREMBERG

Premier rang, de gauche à droite : Hermann Göring, Rudolf Hess, Joachim von Ribbentrop, Wilhelm Keitel, Ernst Kaltenbrunner, Alfred Rosenberg, Hans Frank, Wilhelm Frick, Julius Streicher, Walther Funk, Hjalmar Schacht . Deuxième rang, de gauche à droite : Karl Dönitz, Erich Raeder, Baldur von Schirach, Fritz Sauckel, Alfred Jodl, Franz von Papen, Arthur Seyss-Inquart, Albert Speer, Konstantin van Neurath, Hans Fritzsche . Pour la liste des condamnations, vous pouvez en savoir plus en vous rendant sur http://perso.orange.fr/d-d.natanson/nuremberg.htm

Dès novembre 1945, le premier tribunal international militaire entre en fonction à Nuremberg, en Allemagne, pour juger les chefs politiques et militaires nazis. Ceux-ci, responsables du génocide juif (« la solution finale »), sont accusés d’une nouvelle notion juridique : le crime de lèse humanité (ou crime contre l’humanité). Il s’agit de mettre en évidence une extermination dont l’origine est la nature de l’homme lui-même. Le peuple juif devait, aux yeux des responsables nazis, être exterminé non pas pour ce qu’il avait fait mais pour ce qu’il était…Ce procès devait mettre à nu toute l'horreur des buts et des méthodes du totalitarisme du IIIème Reich1

1 Le procès s'ouvre contre vingt-quatre grands criminels de guerre et six organisations criminelles : le NSDAP (parti nazi), les SS, SD, la Gestapo, les SA et le haut commandement de l'armée. Les réquisitions portent sur :

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3. LES MESURES TERRITORIALES

A l'exception de l'occupation de l'Allemagne par les Alliés du conflit et de la partition de Berlin dont nous reparlerons, les mesures territoriales à l'encontre des vaincus profitent essentiellement aux pays les plus durement touchés par la guerre :

La Pologne doit céder une partie orientale de son territoire à l'URSS. mais reçoit l'administration du territoire allemand situé à l'est du fleuve Oder et de la rivière Neisse (ligne Oder-Neisse qui constitue encore aujourd'hui la frontière germano-polonaise), ainsi que la ville de Dantzig, qui devient Gdansk. Enfin, elle se partage la Prusse orientale avec l'URSS (sud à la Pologne ; le nord avec Königsberg-Kaliningrad à l'URSS). L'Italie perd évidemment les territoires annexés par Mussolini, dont l'Éthiopie et l'Albanie. Le Japon, par un traité signé en 1951, abandonnera tous ses gains territoriaux depuis la fin du 19ème siècle (Corée, une partie de la Chine nommée Mandchourie et les îles Sakhaline).

4. L' ORGANISATION DES NATIONS UNIES (ONU)

La seconde guerre mondiale, par sa durée et son horreur, a provoqué chez tous les peuples l'aspiration à une paix solide et durable. En 1945, tous ceux qui avaient participé à la lutte contre l'Allemagne, l'Italie et le Japon, créèrent une nouvelle "Société des Nations"2 nommée "Organisation des Nations Unies" ou

1. complot ou plan concerté en vue de commettre l'un des trois autres crimes

2. crimes contre la paix (« direction, préparation, déclenchement ou poursuite d'une guerre d'agression ou d'une guerre de violation des traités, assurances ou accords internationaux »)

3. crimes de guerre (« assassinat, mauvais traitements ou déportation pour des travaux forcés, ou pour tout autre but, des populations civiles dans les territoires occupés, assassinat ou mauvais traitements des prisonniers de guerre ou des personnes en mer, exécution des otages, pillages de biens publics ou privés, destruction sans motif des villes et des villages, ou dévastation que ne justifient pas les exigences militaires »)

4. crimes contre l'humanité (« assassinat, extermination, réduction en esclavage, déportation et tout autre acte inhumain commis contre toutes populations civiles, avant ou pendant la guerre, persécutions pour des motifs politiques, raciaux ou religieux »)2 Elle avait été créée en 1920 à l’initiative du président américain Wilson mais les États-Unis eux-mêmes ne font pas partie de l’organisation, ni l’Allemagne vaincue. De plus, il n’y a aucune force d’intervention en cas de non-respect des accords de paix. L’échec était quasi inévitable.

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ONU, dont les principes fondamentaux peuvent être résumés en quelques points :

"Nous, peuples des Nations Unies, résolus... à proclamer à nouveau notre foi dans les droits fondamentaux de l'homme, dans la dignité et la valeur de la personne humaine, dans l'égalité des droits des hommes et des femmes, ainsi que des nations, grandes et petites, à créer les conditions nécessaires au maintien de la justice et au respect des obligations nées des traités... à favoriser le progrès social et instaurer de meilleures conditions de vie dans une liberté plus grande (…)

Article I. – Les buts des Nations Unies sont les suivants :1°) Maintenir la paix et la sécurité internationales…2°) Développer entre les nations des relations amicales fondées sur le respect du principe de l’égalité du droit des peuples et de leur droit à disposer d’eux-mêmes…3°) Réaliser la coopération internationale en résolvant les problèmes internationaux d’ordre économique, social, intellectuel ou humanitaire, en développant et en encourageant le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales pour tous sans distinction de race, de sexe, de langue ou de religion.

Article 18. – Chaque membre de l’Assemblée Générale dispose d’une voix. Les décisions de l’Assemblée générale sur les questions importantes sont prises à la majorité des deux tiers des membres présents…

Article 23. – Le Conseil de Sécurité se compose de quinze membres de l’Organisation. La République de Chine, la France, L’ Union des Républiques Socialistes Soviétiques, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord et les États-Unis d’Amérique sont membres permanents du Conseil de Sécurité. Dix autres membres de l’Organisation sont élus, à titre de membres non permanents du Conseil de Sécurité, par l’Assemblée Générale… pour une période de deux ans…

Article 42. – …le Conseil de Sécurité… peut entreprendre, au moyen de forces aériennes, navales ou terrestres, toute action qu’il juge nécessaire au maintien ou au rétablissement de la paix…

Article 43. – Tous les membres des Nations Unies… s’engagent à mettre à la disposition du Conseil de Sécurité… les forces armées, l’assistance et les facilités, y compris le droit de passage, nécessaires au maintien de la paix et de la sécurité internationales ».

Charte des Nations Unies, extraits.

En bref, il s’agit de :

maintenir la paix et sécurité internationales. A cette fin, on décide de prendre des mesures, acceptées par la majorité des membres, pour réprimer les actes d'agression ; développer entre les nations des relations amicales fondées sur le respect du principe de l'égalité du droit des peuples, et de leur droit à disposer d'eux-mêmes (ce qui impliquait une politique de décolonisation de la part des puissances coloniales, essentiellement européennes) ; favoriser la coopération internationale et le progrès social ;

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encourager le respect des Droits de l'Homme, sans distinction de race, de sexe, de langue ou de religion (la Déclaration universelle des Droits de l'Homme sera signée en 1948).

Il faut néanmoins nuancer fortement cette note optimiste dans une période de tension : le fonctionnement même de l'ONU, basé sur l'existence d'un droit de veto (ou de blocage) des grandes puissances du Conseil de sécurité (E-U, G-B, France, URSS et Chine) ne pouvait empêcher de multiples conflits d'éclater, puisqu'une unanimité des décisions était impossible avec le déclenchement de la guerre froide entre le bloc communiste et le bloc capitaliste.

Il fallut attendre le début de l'effondrement du communisme et la décision d'intervenir militairement contre l'Irak dans la première guerre du Golfe (1990-1991) pour qu'un "front commun" soit enfin possible. Soit 45 ans après la création de l'ONU ! Seules quelques interventions de protection ou de maintien de la paix ont été menées par les "Casques Bleus" (soldats mis à la disposition de l'ONU par ses États membres) suite à l'accord général des grandes puissances.

Pour le reste, cette assemblée qui compte aujourd'hui près de 200 nations représentées a pu apporter l’essentiel de sa contribution dans le domaine humanitaire. En effet, l'ONU compte un certain nombre d'institutions spécialisées dont l'UNESCO (United Nations Educational, Scientific and Cultural Organisation, siège à Paris), programme de collaboration intellectuelle et scientifique ; l'UNICEF (Fonds des Nations Unies pour l'Enfance) qui intervient dans tous les pays en voie de développement, en faveur des enfants jusqu'à 15 ans (aides financières et sanitaires, formation d'éducateurs) ; ou encore l'OMS (Organisation Mondiale de la Santé, siège à Genève) qui organise la lutte contre les maladies, l'éducation en matière d'hygiène et la formation d'infirmières et d'agents sanitaires pour mener tous les peuples au niveau de santé le plus élevé possible. L’ OMC (Organisation mondiale du commerce), pour sa part, tente de réguler le commerce international tout en favorisant la libre circulation des marchandises à travers le monde en diminuant voire en supprimant les barrières douanières qui entraînent un surcoût pour le consommateur).

Les différentes composantes de l'ONU siègent à New York (Assemblée générale, Conseil de sécurité, Conseil économique et social). La Cour internationale de Justice, chargée de juger des individus pour "crimes contre l'humanité" siège pour sa part à La Haye.

Un secrétaire général est élu pour 5 ans sur recommandation du Conseil de sécurité. Son rôle est essentiellement celui d'un médiateur entre les différentes parties impliquées dans un conflit diplomatique ou militaire. Aujourd’hui, il s’agit de……………………………………………………..3

3 Le Conseil de sécurité est composé de 15 membres :5 membres permanents (Russie, États-Unis, France, Royaume-Uni, Chine) disposant d'un droit de veto et de 10 membres non permanents, élus par l'Assemblée générale pour 2 ans par continent, élus au rythme de 5 tous les ans,

Les 10 membres non permanents sont élus à la majorité des deux tiers par l'Assemblée générale, pour une période de deux ans, non renouvelable. La répartition des dix sièges doit être équitable géographiquement. Chacun des 15 membres dispose d'une voix. Pour qu'une résolution soit votée, il faut qu'elle obtienne un minimum de 9 voix et aucun vote contre des membres permanents. Si un membre permanent vote contre, on dit qu'il dépose son veto et la résolution est rejetée.

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ONU, organigramme

II. L' AFFRONTEMENT EST/OUEST : LA "GUERRE FROIDE"

1. INTRODUCTION

Le 16 juillet 1945, dans le désert du Nouveau-Mexique aux États-Unis, « plus claire que mille soleils » explose la première bombe atomique expérimentale, arme nouvelle et terrifiante qui sera utilisée quelques jours plus tard afin de faire plier définitivement le Japon ( 6 et 9 août 1945, Hiroshima puis Nagasaki ). L'humanité possède désormais le moyen de se détruire, de rendre la terre inhabitable. C'est une réalité bouleversante qui explique les relations entre les grandes puissances, ainsi que leur conduite pendant les 50 dernières années.

En 1945, les États membres du Conseil de sécurité représentaient les trois quarts de la population mondiale. Aujourd'hui l'Europe est sur représentée avec trois sièges sur cinq pour 1/5 de la population alors que l'Asie est sous représentée. De façon générale, la composition actuelle ne reflète plus le système international actuel, ni en terme démographique, ni en terme de puissance. La légitimité du Conseil en est considérablement amoindrie. Des pays comme l'Afrique du Sud, l'Allemagne, le Brésil, l'Égypte, l'Inde, l'Indonésie, le Japon, le Nigeria ou l'Italie souhaitent ainsi devenir membres permanents.

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" On nous apprend, au milieu d'une foule de commentaires enthousiastes, que n'importe quelle ville d'importance moyenne peut être totalement rasée par une bombe de la grosseur d'un ballon de football... Nous résumerons en une phrase : la civilisation mécanique vient de parvenir à son dernier degré de sauvagerie. Il va falloir choisir, dans un avenir plus ou moins proche, entre le suicide collectif ou l'utilisation intelligente des conquêtes scientifiques... Que dans un monde livré à tous les déchirements de la violence, incapable d'aucun contrôle, indifférent à la justice et au simple bonheur des hommes, la science se consacre au meurtre organisé, personne sans doute ne songera à s'en étonner... Déjà, on ne respirait pas facilement dans un monde torturé. Voici qu'une angoisse nouvelle nous est proposée, qui a toutes les chances d'être définitive ".

A. CAMUS, article dans Combat, le 8 août 1945

Hiroshima et le bombardier B29 baptisé "Enola Gay" du nom de la mère du pilote Paul Tibbets, qui largua la bombe nommée "little boy" le 6 août 1945 sur la ville industrielle. L'explosion rasa instantanément Hiroshima ; 75 000 personnes furent tuées sur le coup dont un tiers de militaires, la ville étant entre autres le siège de la 2e Armée, chargée de la défense de l'ouest

du Japon, et de nombreux arsenaux et bases aériennes. Dans les semaines qui suivent, plus de 50 000 personnes supplémentaires meurent. Le nombre total de morts reste imprécis ; il serait de l'ordre de 250 000. Deux jours après, « Bock's Car », un autre B-29, largua une bombe nucléaire surnommée Fat Man sur Nagasaki. Little Boy et Fat Man sont à ce jour les seules armes nucléaires à avoir été utilisées en temps de guerre sur des populations civiles.

2. LA NAISSANCE DE 2 BLOCS RIVAUX

Il était aisé d'être alliés face à l'ennemi commun qu'était le nazisme hitlérien. Ce dernier éliminé (Berlin tombe en avril 1945 ; Hitler se suicide dans son bunker), les vieilles oppositions idéologiques refirent rapidement surface et détériorèrent les bons rapports qui existaient jusqu'alors entre occidentaux et soviétiques :

" L'ennemi venait de capituler sans condition. Le

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monde se trouvait plongé dans la confusion. Le danger commun qui avait constitué le principal lien entre les trois grands alliés, s'était évanoui du jour au lendemain. La menace soviétique avait déjà, à mes yeux, remplacé l'ennemi nazi. Mais en face d'elle il n'existait plus de camaraderie".

Lettre de Churchill (11 mai 1945).

Après la guerre, l'Europe épuisée ne peut ni assurer sa propre défense, ni reconstruire son économie sans appuis extérieurs ; cette Europe, encore toute-puissante au 19ème siècle et au début du 20ème siècle, doit abandonner aux États-Unis et à l'Union soviétique. les responsabilités mondiales. Toutefois, ces deux Grands, alliés d'hier contre l'Allemagne, offrent deux systèmes de pensée, deux modes d'organisation politique et sociale inconciliables : d'un côté, un capitalisme libéral basé sur la croyance en l'enrichissement généralisé, et en la démocratie, caractérisée par la liberté individuelle et le pluripartisme ; de l'autre, une économie planifiée par un gouvernement communiste, croyant en l'égalité de tous derrière un parti unique censé représenter les intérêts collectifs.

En réalité, l'appartenance à l'un où l'autre camp est le simple résultat de la situation géographique de chaque nation :

les États situés à l'ouest du continent européen et libérés du nazisme par les armées anglo-américaines adopteront (ou conserveront) le modèle capitaliste libéral américain. Ils constitueront la zone d'influence des États-Unis et le "bloc" de l'Ouest ;

les États libérés par les Soviétiques, situés en Europe de l'Est devront adopter le modèle soviétique pour constituer la zone d'influence de l'URSS et le "bloc" de l'Est. L' Armée rouge occupa la Pologne, la Hongrie, la Roumanie, la Bulgarie et la partie orientale de l'Allemagne. Elle poussa des pointes jusqu'à Prague, en Tchécoslovaquie, à Belgrade, en Yougoslavie et Vienne, en Autriche. Deux pays, l'Allemagne et l'Autriche, furent divisés en zones d'occupation et Berlin, point de jonction des armées alliées, située en plein cœur de l'Allemagne orientale sous contrôle soviétique, est elle-même coupée en deux et occupée dans sa moitié ouest par les occidentaux.

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Ainsi se crée, en plein monde communiste, une enclave capitaliste qui

deviendra le symbole de la lutte pour la liberté. Il ne faut pas perdre de vue que cette réalité n'est pas la conséquence d'un choix national : les communistes, premiers résistants au nazisme, étaient relativement nombreux en Europe occidentale (surtout en Italie et en France) ; les Polonais, pour leur part très catholiques et traditionalistes, ayant toujours eu le communisme en horreur, devaient le subir !

Dès 1946, Winston Churchill dénonce le « péril rouge » dans un discours resté célèbre :

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« J’ai beaucoup d’admiration et d’amitié pour le vaillant peuple russe et mon camarade de combat, le maréchal Staline. Il existe en Grande-Bretagne – et je n’en doute pas, ici également – beaucoup de sympathie et de bonne volonté à l’égard des peuples de toutes les Russies, et une détermination à persévérer à établir, malgré différences et querelles, une amitié durable. (…) Il est cependant de mon devoir de vous exposer certains faits concernant la situation présente en Europe. De Stettin, dans la Baltique, à Trieste, dans l’Adriatique, un rideau de fer est descendu à travers le continent. Derrière cette ligne se trouvent les capitales de tous les pays d’Europe orientale : Varsovie, Berlin, Prague, Vienne, Budapest, Belgrade, Bucarest et Sofia. Toutes ces villes (…) se trouvent dans la sphère soviétique, et toutes sont soumises, sous une forme ou sous une autre, non seulement à l’influence soviétique, mais encore au contrôle très étendu et constamment croissant de Moscou.

(…) Les communistes, qui étaient plus faibles dans tous ces pays de l’Est européen, ont été investis de pouvoirs qui ne correspondent nullement à leur importance numérique, et cherchent partout à s’emparer d’un contrôle totalitaire. Sauf en Tchécoslovaquie (note : jusqu’au Coup de Prague en 1948), il n’existe pas, dans cette partie de l’Europe, de vraie démocratie.

Discours de Churchill à Fulton (Missouri, États-Unis), 5 mars 1946.

Malgré les déclarations de bonnes intentions de Yalta et Potsdam et la création des Nations Unies qui devait bâtir un monde nouveau reposant sur la solidarité des nations, il ne fallut pas deux ans pour que la rupture se précise. A la mainmise stalinienne sur l’Europe centrale, s’ajoutent des pressions sur la Turquie et l’Iran ainsi que le soutien soviétique à la guérilla communiste en Grèce.

De multiples querelles éclatent à l'ONU et, dès 1947, le Président américain Harry Truman (vice-président de Roosevelt mort en 1945) raidit son attitude ; il annonce l'intention des États-Unis de se substituer à la Grande-Bretagne défaillante, pour enrayer la poussée communiste en Grèce et en Turquie. En jeu, le contrôle de la Méditerranée et du Moyen-Orient. C’est la " doctrine Truman ". Le Président demande au Congrès de voter des crédits pour aider la Grèce et la Turquie à lutter contre le communisme. Dans le même temps, il définit la nouvelle politique extérieure américaine4 :

4 Notion clé. On parlera de Containment, mot anglais signifiant « endiguement ». Base de la doctrine Truman, le Containment vise à empêcher toute nouvelle extension de la zone d’influence soviétique au-delà des limites atteintes en 1947. L’aide financière et militaire des États-Unis aux « peuples libres » est destinée à entourer le bloc soviétique d’un « cordon sanitaire ».

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3. LE " PLAN MARSHALL "

Les États-Unis s'assurent une influence considérable sur la politique de l'Europe occidentale par l'aide économique qu'ils accordent à tous les pays qui veulent l'accepter. Le " plan Marshall " (juin 1947), du nom du secrétaire d'État américain, offre l'assistance des E-U pour la reconstruction matérielle et le redressement financier de tous les pays européens qui le désirent, y compris l'URSS.

L'objectif de ce programme est d'accélérer, grâce à l'octroi d'importants crédits, le relèvement des pays dévastés par la guerre : en mettant fin à la misère et au chômage, les États-Unis souhaitent empêcher les États européens de basculer dans le camp communiste ou espèrent les en sortir s'ils y sont déjà5

5 Le Président Harry Truman signe le plan Marshall le 3 avril 1948.

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" (...) Je recommandais une action immédiate de la part du Congrès, mais je désirais aussi annoncer à la face du monde la position que les États-Unis entendaient prendre vis-à-vis du défi lancé par le nouveau totalitarisme. Cette déclaration ne tarda pas à être connue sous le nom de " doctrine Truman ". Ce fut, je le crois sincèrement, le tournant décisif de la politique étrangère américaine et l'affirmation que désormais partout où une agression directe ou indirecte menaçait la paix, la sécurité des E-U se trouvait mise en jeu. Je crois, dis-je au Congrès et à la nation tout entière qui m'écoutait à la radio, que les E-U doivent soutenir les peuples libres qui résistent à des tentatives d'asservissement par des minorités armées, ou des pressions venues de l'extérieur. Je crois que nous devons aider les peuples libres à forger leur destin de leurs propres mains. Je crois que notre aide doit consister essentiellement en un soutien économique et financier qui est indispensable à la stabilité économique et à une vie politique cohérente (...).

Chaque nation se trouvait désormais en face d'un choix à faire entre deux modes de vie opposés. (...) L'un d'eux, avais-je dit, repose sur la volonté de la majorité et il est caractérisé par des institutions libres, un gouvernement représentatif, des élections libres, des garanties assurant la liberté individuelle, la liberté de parole et de religion, et l'absence de toute oppression politique. Quant à l'autre, il repose sur la volonté d'une minorité imposée par la force à la majorité. Il s'appuie sur la terreur et l'oppression, une presse et une radio contrôlées, des élections truquées et la suppression des libertés personnelles ".

Harry S. TRUMAN, Mémoires, Plon, t.2, p. 123-124.

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" Il est logique que les E-U fassent tout ce qui sera en leur pouvoir pour contribuer au retour des conditions économiques normalement saines dans le monde, sans lesquelles il ne peut y avoir de stabilité politique ni de paix assurée. Notre politique n'est dirigée ni contre un pays ni contre une doctrine, mais contre la faim, la pauvreté, le désespoir et le chaos. Son objectif devrait être de remettre l'économie mondiale en état de fonctionner, et d’ainsi permettre l'émergence de conditions politiques et sociales dans lesquelles des institutions libres puissent exister (...) "

Extrait cité par P. Mélandri, L'Alliance atlantique, 1979, p.26.

Les partis communistes d’Europe occidentale sous le contrôle de Moscou, voient dans ce projet, une tentative d’hégémonie du $ et par là, un asservissement des peuples européens à la toute-puissance de l’Oncle Sam.En réaction à la « doctrine Truman et au Plan Marshall, la « doctrine Jdanov »mobilise les forces communistes contre les États-Unis et leurs alliés.

« Plus nous nous éloignons de la fin de la guerre et plus nettement apparaissent les deux principales directions de la politique internationale de l'après-guerre, correspondant à la disposition en deux camps principaux des forces politiques qui opèrent sur l'arène mondiale ; le camp impérialiste et antidémocratique, le camp anti-impérialiste et démocratique.Les États-Unis sont la principale force dirigeante du camp impérialiste. L'Angleterre et la France sont unies aux États-Unis (et) marchent comme des satellites en ce qui concerne les questions principales, dans l'ornière de la politique impérialiste des États-Unis.Le camp impérialiste est soutenu aussi par des États possesseurs de colonies, tels que la Belgique et la Hollande, et par des pays au régime réactionnaire antidémocratique, tels que la Turquie et la Grèce, ainsi que par des pays dépendant politiquement et économiquement des États-Unis, tels que le Proche-Orient, l'Amérique du Sud, la Chine.Les forces anti-impérialistes et antifascistes forment l'autre camp. L'U.R.S.S. et les pays de la démocratie nouvelle en sont le fondement. Les pays qui ont

Entre 1948 et 1951, les États-Unis consacrent plus de treize milliards de dollars de l'époque (dont onze milliards en dons) au rétablissement de 17 pays européens en réponse à l'organisation européenne de coopération économique (OECE, aujourd'hui l'OCDE). Le montant total de l'aide correspond à 100 milliards de dollars actuels, soit environ 4% du PNB pendant cinq ans.

Les États-Unis demandaient aux États acceptant l'aide plusieurs contreparties : d'abord que les pays européens coordonnent les dépenses de reconstruction au sein de l'OECE. Les Américains ont ainsi contribué à la coopération européenne, prélude à la construction européenne (voir cours sur la construction européenne). Ensuite, les États-Unis exigèrent que l'argent serve à acheter des produits de l'industrie américaine. La reconstruction européenne, relativement rapide, fut largement stimulée par l'aide américaine.

Le plan Marshall a été rejeté par l'Union soviétique et les pays de l'Est. En effet, Staline craignait que le plan Marshall ne serve à conquérir le glacis de sécurité de l'URSS. L'insistance des États-Unis concernant la libéralisation économique des pays bénéficiant du plan a certainement joué un rôle aussi : comme le précise la doctrine Jdanov, chaque État était amené à choisir son camp. L'année 1947 est par cet aspect considérée comme le début de la guerre froide.

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rompu avec l'impérialisme et qui se sont engagés résolument dans la voie du progrès démocratique, tels que la Roumanie, la Hongrie, la Finlande, en font partie. Au camp anti-impérialiste adhèrent l’Indonésie, le Vietnam, l'Inde. L'Égypte et la Syrie y apportent leurs sympathies. Le camp anti-impérialiste s'appuie dans tous les pays sur le mouvement ouvrier et démocratique, les partis communistes frères, sur les combattants des mouvements de libéra-tion nationale dans les pays coloniaux et dépendants, sur toutes les forces progressistes et démocratiques qui existent dans chaque pays... Une tâche particulière incombe aux partis communistes frères de France, d'Italie, d'An-gleterre et des autres pays. Ils doivent prendre en main le drapeau de la défense nationale et de la souveraineté de leur propre pays.Le but que se donnent les États-Unis est l'établissement de la domination mondiale de l'impérialisme américain. C'est aux partis communistes qu'incombe le rôle historique de se mettre à la tête de la résistance au plan américain d'asservissement de l'Europe »

Rapport à la conférence des partis communistes tenue en Pologne le 22 septembre 19476

Ce seront surtout les problèmes européens qui susciteront la méfiance américaine envers Staline : en Hongrie, en Bulgarie, en Roumanie et en Pologne, les promesses faites à Yalta relatives à des élections démocratiques ne sont pas tenues ; une satellisation politique, doublée d'une subordination économique seront imposées par Moscou7.

Même minoritaires, les communistes s’emparent du pouvoir avec l’aide soviétique en Tchécoslovaquie. C’est le « Coup de Prague, 1948 »8. Cet 6 En bon idéologue, Jdanov propose une analyse manichéenne qui allait devenir caractéristique de la problématique de la Guerre froide qui s'annonce alors. Contre la guerre et l'impérialisme américain, il fallait, selon lui mobiliser, toutes les forces. Il n'était plus question de collaborer avec les bourgeois et les sociaux-démocrates (c’est-à-dire les socialistes en Europe occidentale), considérés dorénavant comme les alliés "objectifs" de l'impérialisme. A cette occasion, les partis communistes occidentaux furent vivement critiqués pour leur participation gouvernementale et se virent contraints de durcir leur ligne politique7 Dès 1949 est mis sur pied le COMECON ou CAEM (Le Conseil d'assistance économique mutuelle), organisation économique liant d’abord les pays de l'Europe de l'Est puis d’autres. C’était une organisation d'entraide économique entre différents pays du bloc communiste. Crée par Staline en 1949, il s'est dissout avec la chute de l'empire soviétique en 1991, à la fin de la guerre froide.

8 Le 25 février 1948, le président de la République tchécoslovaque, Edvard Beneš, doit céder tout le pouvoir aux communistes et à leur chef, Klement Gottwald, après deux semaines de pressions intenses des Soviétiques.

Quelques mois plus tôt, Staline a mis son veto à l'octroi d'une aide américaine à la Tchécoslovaquie dans le cadre du plan Marshall au départ acceptée par le Président Benès et son ministre des Affaires Étrangères, Jan Masaryk, fils de l'ancien président. Ce dernier fut retrouvé mort peu de temps après, théoriquement suicidé.

De tous les pays d'Europe centrale qui ont été libérés des nazis et occupés par les Soviétiques, la Tchécoslovaquie est le seul qui avait une tradition démocratique et un parti communiste puissant. Celui-ci avait obtenu 38% des suffrages aux élections de 1946 et tenait une place importante au gouvernement, notamment le ministère de l'Intérieur et celui de la Défense dont le titulaire, le général Svoboda, était membre clandestin du PC.

La crise éclata quand le ministre de l'Intérieur promut 8 nouveaux commissaires de police à Prague, tous communistes, ce qui provoqua la protestation, suivie de la démission des ministres libéraux. Ceux-ci pensaient bénéficier du soutien du Président Benès qui les avait encouragés au début. Les démissionnaires pensaient provoquer une crise politique suivie d'élections générales qui auraient conduit le PC à la défaite à cause de son refus du Plan Marshall.

Gottwald réagit rapidement et suborna complètement Edvard Benès, affaibli par une attaque cérébrale. Les démissionnaires furent remplacés par des personnalités favorables au PC, qui mobilisa ses "milices ouvrières" : des centaines d'opposants au sein de la classe politique ou d'officiers jugés suspects dans l'armée furent immédiatement arrêtés. Après épuration, le parlement approuva le nouveau gouvernement, issu du coup d’État, à l'unanimité et le président Benès refusa son aval, avant de démissionner lui-même, le 7 juin 1948. Il

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événement renforce la peur à l’Ouest et accélère la coupure de l’Europe en deux blocs antagonistes. Parallèlement, un programme de recherche nucléaire est lancé en URSS afin de contrer la supériorité militaire américaine. En 1949, Moscou a la bombe A et les deux « Grands » ont désormais les moyens de se détruire réciproquement.

Bien sûr, dans ce contexte, chaque camp diabolise l'autre et présente le monde en face comme le Mal absolu.

Voici notamment un extrait d'un Précis d'histoire du parti communiste d'URSS daté de 1970 :

"(...) Le camp impérialiste était dirigé par les États-Unis, la Grande-Bretagne et la France. Mais les deux derniers États étaient sortis affaiblis de la guerre; tandis que les États-Unis s'étaient au contraire renforcés. La guerre avait apporté aux monopoles américains des milliards de bénéfices.

Disposant d'une énorme puissance économique et militaire, les milieux dirigeants américains croyaient pouvoir établir leur domination dans le monde. Déjà, à la fin de 1945, le président des États-Unis (note : il s'agit de Truman) déclara qu'étant donné l'issue de la guerre, les États-Unis se trouvaient obligés de se charger de la "direction du monde". Sous l'enseigne de l’ « aide économique », les États-Unis dominaient de plus en plus les autres pays capitalistes. Même la Grande-Bretagne et la France tombèrent dans leur dépendance. Les monopoles U.S. (...) étaient devenus le plus gros exploiteur mondial. L'impérialisme américain avait rallié toutes les forces réactionnaires du monde capitaliste et était devenu le rempart de la réaction, un gendarme international. Dans les pays d'Europe occidentale, il s'appuyait sur la bourgeoisie monopoliste, la clique militariste et les chefs fascistes, dans les pays d'Amérique latine, d'Asie et d'Afrique, sur les dictatures et les sommités monarchiques et féodales. Avec le concours des impérialistes américains, ces forces réactionnaires étouffaient le mouvement ouvrier de libération nationale".

Député socialiste belge, Paul-Henri Spaak dénonce l’ « impérialisme soviétique » en 1948 :

mourut au mois de septembre suivant.

Les élections de juin 1948 eurent lieu sous le régime de listes uniques sans opposition légale, et donnèrent officiellement 90% des voix au Gouvernement.

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"Savez-vous pourquoi nous avons peur ? Nous avons peur parce que vous parlez souvent d'impérialisme. Quelle est la définition de l'impérialisme ? Quelle est la notion courante de l'impérialisme ? C'est celle d'un pays, généralement d'un grand pays, qui fait des conquêtes et qui augmente à travers le monde son influence.

Quelle est la réalité historique de ces dernières années ? Il n'y a qu'un seul grand pays qui soit sorti de la guerre ayant conquis d'autres territoires et ce grand pays c'est l'URSS C'est pendant la guerre et à cause de la guerre que vous avez annexé les pays baltes. C'est pendant et à cause de la guerre que vous avez pris un morceau de la Pologne. C'est grâce à votre politique audacieuse et souple que vous êtes devenus tout-puissants à Varsovie, à Prague, à Belgrade, à Bucarest et à Sofia. C'est grâce à votre politique que vous occupez Vienne et que vous occupez Berlin et que vous ne semblez pas disposés à les quitter. C'est grâce à votre politique que vous réclamez maintenant vos droits dans le contrôle de la Rühr. Votre empire s'étend de la mer Noire à la Baltique et à la Méditerranée. Vous voulez être aux bords du Rhin et vous nous demandez pourquoi nous sommes inquiets ?

La vérité c'est que votre politique étrangère est aujourd'hui plus audacieuse et plus ambitieuse que celle des Tsars eux-mêmes (...)."

P.-H. SPAAK, Combats inachevés, 1969, Fayard, t.1, p. 216.

4. LE " RIDEAU DE FER "

Staline, nous l'avons vu, profita du prestige de l'Armée Rouge pour renforcer l'Union soviétique territorialement (outre les territoires reçus, les États baltes, c'est-à-dire la Lituanie, la Lettonie et l'Estonie furent annexés) et idéologiquement (installation de "démocraties populaires" dans l'est de l'Allemagne, Pologne, Roumanie, Tchécoslovaquie, Albanie, Bulgarie, Hongrie). Craignant toutefois la contamination de leurs populations par les idées occidentales, les Soviétiques verrouillent les frontières de ce monde communiste en dressant une barrière, étroitement surveillée par d'incessantes patrouilles : c'est le " rideau de fer ", selon l'expression de Winston Churchill, qui désigne la coupure absolue entre leur zone d'influence en Europe orientale et les pays d'Europe occidentale.

Dans ce contexte de tension, les débats idéologiques se multiplient en Europe occidentale et divisent adversaires et partisans du communisme. Pour les uns, délire idéologique athée, niant la liberté individuelle et les potentialités de chacun, dans une économie de misère ; pour les autres, avenir de l’humanité, fraternité et égalité des hommes dans un paradis collectif où les intérêts individuels s’effacent au profit du bien-être commun.

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Affiche du PCF contre le Plan Marshall Anonyme

5. L'URSS CONSTRUIT LE CAMP SOCIALISTE

Mais le Kremlin veille aux portes de l'Europe orientale. La doctrine Truman et surtout le Plan Marshall sont ressentis par Staline comme une menace d'hégémonie du dollar. Alors qu'il dénonce les partis socialistes et sociaux-démocrates d'Europe occidentale comme des marionnettes américaines, il incite les pays d'Europe de l'Est à faire front contre " l'impérialisme américain " et à défendre l'indépendance nationale. Une réplique communiste à ce programme d'assistance américain ne tardera pas à voir le jour : c'est le COMECON (1949-1991). Mais dans un premier temps, il faut purger les pays satellites des dernières résistances anti-soviétiques en condamnant les " voies nationales ".

Ainsi, fière de son originalité, la Yougoslavie ne s'incline pas. Dirigé par Tito, le parti communiste yougoslave ne doit pas son pouvoir à l'Armée Rouge, - comme c'est le cas ailleurs - mais à son rôle dirigeant dans la Résistance pendant la guerre. Bref, la République populaire de Yougoslavie entend établir avec l'URSS des rapports égalitaires d'État à État.

Autant dire que les relations soviético-yougoslaves vont se tendre à l'extrême. Le « titisme » devient une déviation aussi grave que le « trotskisme », Tito est qualifié de « traître », d'« agent de l'impérialisme » et bientôt de «  fasciste ». Une vague de procès et de purges s'abat sur les démocraties populaires pendant plusieurs années. La chasse aux « titistes » est enclenchée. Des pressions morales et des tortures amènent des aveux de « trahison » et des exécutions à mort. La répression frappe également les

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Églises, notamment polonaise et hongroise. Elle s'accompagne d'une intense «  russification » : les « sociétés d'amitiés » avec l'URSS se multiplient, le russe, « langue du socialisme », devient la première langue étrangère enseignée et le « camarade Staline » est « le guide génial » des démocraties populaires.

6. LA CRISE DU BLOCUS DE BERLIN

L'Allemagne est le premier lieu d'affrontement des vainqueurs désormais désunis. Depuis 1945, Occidentaux et Soviétiques mènent dans leurs zones respectives des politiques divergentes. A l'Est, l'URSS démonte et transfère l'essentiel du potentiel industriel allemand. Elle favorise l'établissement d'un régime de parti unique et d'une économie collectiviste avec une production planifiée9. A l'Ouest, par contre, les Américains préconisent l'installation d'un régime parlementaire et d'un système de libre entreprise. En refusant d'écraser l'Allemagne et en aidant son relèvement économique, les Américains espèrent la préserver du communisme. Désormais, l'unité de l'Allemagne ne pourrait profiter qu'à l'un des deux camps. Aussi, malgré des tentatives de règlement du problème, les 4 puissances occupantes ne purent se mettre d'accord.

En 1947-1948, les E-U, la G-B et la France décidèrent, malgré les protestations de Moscou, de modifier seuls le statut des territoires allemands sous leur contrôle. Une réforme monétaire unilatérale (création d'une monnaie commune aux secteurs occidentaux : le Deutsche Mark) provoqua la riposte soviétique. Staline estime que le moment est venu d'isoler de l'Occident la zone orientale. Ne pouvant s’accommoder de la présence des Occidentaux à Berlin, en plein cœur de la zone d'occupation soviétique, il met en place fin juin 1948, le Blocus de Berlin, isolant totalement, croit-il, Berlin-Ouest. Mais cette manœuvre échoue grâce à l'établissement par les Américains d'un extraordinaire "pont aérien" qui assurera pendant plusieurs mois le ravitaillement de la ville.

9 Les plans quinquennaux sont des plans de production industrielle et agricole prévus pour 5 ans. Ce système économique de planification avait pour objectif de prévoir, pour la période donnée, les besoins (agriculture, acier…) des démocraties populaires. Il est toujours d’application aujourd’hui dans les campagnes chinoises.

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Le pont aérien américain lors du blocus de Berlin (juin 1948-mai 1949). En 318 jours, le pont aérien a permis d'acheminer 1,5 tonnes de marchandises. Il a nécessité 195.000 vols, soit, aux moments les plus intenses, un atterrissage à Berlin-Ouest chaque minute.

Devant la détermination occidentale, l'URSS en échec lève le Blocus en mai 1949. Les Occidentaux décident alors de montrer qu’ils n’abandonneront jamais la population de Berlin-Ouest en posant un autre geste fort.

Des élections libres sont organisées dans la partie occidentale de l'Allemagne et à Berlin-Ouest et aboutissent à la création de la République fédérale d'Allemagne (RFA ou BRD en allemand) et à l'élection de Konrad ADENAUER au poste de premier chancelier de l’Allemagne d’après-guerre.

En riposte la République démocratique allemande (RDA ou DDR) est proclamée cette même année 1949.

La " Guerre froide " a coupé l'Allemagne en deux. Cette rupture se reproduit à Berlin : dorénavant, Berlin-Ouest jouera le rôle de bastion avancé mais aussi de vitrine de l'Occident en plein cœur du monde communiste. L'appui décisif des Américains lors du blocus a montré aux Allemands de l’Ouest qu'ils pouvaient considérer davantage les États-Unis comme des alliés que comme des occupants.

Ce n'est que plus tard, en 1961, et pour mettre fin à la fuite vers l'Ouest de nombreux Allemands de l'Est, que le gouvernement communiste décida la création d'un mur séparant les deux parties de Berlin. Contrairement à ce qu’affirmera la propagande est-allemande, le Mur n'était pas une " protection antifasciste ", destinée à éviter une agression venue de l'Ouest. Entièrement orienté vers l'intérieur, il ne vise pas à empêcher les entrées mais à interdire les sorties.

Ce « Mur de la honte » comme il a été baptisé par les occidentaux est le symbole matériel le plus tangible de l’opposition idéologique entre les blocs10. 10 En prévision de l'opération, 40 kilomètres de barbelés et des milliers de poteaux avaient été stockés dans des casernes. La police et les milices ouvrières furent mobilisées. Le ministère de l’Intérieur annonça que les

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L’attachement des Occidentaux (et plus particulièrement des Américains) à l’ancrage des Allemands de l’Ouest au camp du « monde libre » restera une réalité pendant les décennies qui suivront. Le président John Kennedy fera, citoyens de RDA avaient désormais besoin d’une " autorisation spéciale " pour se rendre à Berlin-Ouest. Les services de sécurité furent placés en état d’alerte ; les unités de l’armée (NVA) quadrillèrent Berlin-Est ; 25 000 miliciens armés et la police populaire (Vopos) équipée de kalachnikovs se postèrent tous les deux mètres le long de la ligne de démarcation. Le 13 août 1961, un dimanche de vacances, à 1 h 11 du matin, l’agence de presse officielle de RDA annonce que les pays du pacte de Varsovie ont demandé au gouvernement est-allemand d’assurer un " contrôle efficace " autour et à l’intérieur de Berlin.

En une heure, 67 des 81 points de passage sont bouclés ; sept autres le sont peu après. La circulation entre la RDA et Berlin-Ouest est interrompue. Le métro et le train reliant les deux parties de la ville cessent de fonctionner. Sous la surveillance de la police et de l’armée, des barbelés et des chevaux sont posés en travers des accès à Berlin-Ouest. Les chaussées sont dépavées et des barricades élevées. En quelques heures, toute la frontière autour de Berlin-Ouest est sous contrôle. L’accès à Berlin-Ouest est désormais interdit aux habitants de Berlin-Est et de RDA ; le 23 août, c’est au tour des Berlinois de l’Ouest de ne plus pouvoir se rendre à l’Est, sans autorisation de séjour.

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en 1963, le voyage de Berlin pour mettre en avant l’importance de la résistance de la ville et sa symbolique très forte pour les peuples épris de liberté :

"(...) Il y a beaucoup de gens dans le monde qui ne comprennent pas ou qui prétendent ne pas comprendre, quelle est la grande différence entre le monde libre et le monde communiste. Qu'ils viennent à Berlin !Il y en a qui disent que le communisme est la voie de l'avenir. Qu'ils viennent à Berlin !(...) Il y en a même quelques-uns qui reconnaissent que le communisme est mauvais, mais qu'il permet de réaliser des progrès économiques. Qu'ils viennent à Berlin ! Lass sie nach Berlin kommen ! Qu'ils viennent à Berlin !Tous les hommes libres, où qu'ils vivent, sont citoyens de Berlin. C'est pourquoi, en tant qu'homme libre, je suis fier de dire : ich bin ein Berliner !

Cité par A. Schlesinger, Les 1000 jours de Kennedy, 1966, p. 790.

III. «   L’ EQUILIBRE DE LA TERREUR   » OBLIGE A LA «   COEXISTENCE PACIFIQUE   »

1. APRES L’ ARGENT LES ARMES   : LES ORGANISATIONS MILITAIRES

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En Europe, nous l'avons vu, les États-Unis se posent en défenseurs du "Monde libre". Les dollars du plan Marshall permettent le relèvement des économies occidentales, mais l'argent seul peut-il protéger l'Europe de l’Ouest du communisme, et particulièrement d'une invasion des troupes soviétiques stationnées à l'est de l'Elbe ? Les Européens (de l'Ouest) demandent donc rapidement l'appui américain. Le problème de la participation des États-Unis à la défense de l'Europe est posé. Les staliniens d’Europe occidentale et certains intellectuels du même bord (dont Sartre) voient dans le plan Marshall une tentative de mainmise des États-Unis sur l’économie européenne.

Bientôt, le problème de la présence militaire US dans nos pays va se poser. En effet, le blocus de Berlin va provoquer une évolution de l'attitude américaine, traditionnellement isolationniste : désormais, la défense des États-Unis passe par la défense de l'Europe occidentale. Un basculement de cette partie du monde dans le camp communiste isolerait dramatiquement les Américains sur le plan international.

Ainsi, dès 1949, quelques semaines avant la création de la RFA, est signé le Traité de l'Atlantique Nord qui permettra la mise en place de l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord (OTAN), alliance militaire dont les membres conviennent que toute attaque contre l'un d'entre eux, sera considérée comme une attaque contre la totalité des signataires11. Dans les pays européens où les partis communistes sont particulièrement puissants, la propagande devra se multiplier pour inciter une majorité de la population à prendre conscience des nécessités de « l’atlantisme ». Ce qui n’est évidemment pas du goût de tous.

Cette même année 1949, grâce, probablement, à l'espionnage des Rosenberg, l'URSS, un peu plus tôt que prévu, enlève aux Américains le monopole de l'arme atomique. Les États-Unis mettent au point la bombe à hydrogène (Bombe H.), plus puissante encore, alors que débute la guerre de Corée en 1950. Les Russes l'auront trois ans plus tard. Cette escalade militaire rend l'affrontement direct de plus en plus menaçant et ses conséquences de plus en plus imprévisibles.

Mais cet "Équilibre de la terreur", à mettre en parallèle avec l’adage latin « si vis pacem, para bellum », contraint les deux Grands à se supporter. C'est la "Coexistence pacifique", dont les premiers signes se manifestent après 11 Pour faire simple, les membres sont États-Unis, Canada, Bénéux, France, Royaume-Uni, les pays scandinaves, l’Italie et le Portugal. L’Allemagne de l’Ouest rejoindra l’alliance plus tard.

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la mort de Staline (1953) et malgré la réponse soviétique à la création de l'OTAN, le Pacte de Varsovie12, traité d'assistance militaire mutuelle des pays de l'Est de l'Europe, exceptée la Yougoslavie de Tito. (1955). Un exemple concret de réchauffement de l’atmosphère : le premier accord européen signé entre les deux blocs depuis la fin de la guerre et qui décide de l'évacuation par les quatre puissances occupantes (E-U, G-B, F, URSS.) d'une Autriche qui recouvre enfin sa souveraineté (1955). Le dialogue, interrompu depuis plusieurs années, est renoué. La carte de l’Europe, elle, présente clairement la cassure géopolitique de l’époque.

2. LA COEXISTENCE PACIFIQUE

12 Le pacte de Varsovie a été dissous en 1991 après la chute du communisme en Europe. La plupart des pays d’Europe centrale qui en faisaient partie ont été intégrés à l’OTAN dans les années suivantes.

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En 1956, Nikita Khrouchtchev, successeur de Staline à la tête du Parti communiste soviétique qui organise son XXème Congrès, dénonce les "erreurs" liées au "culte de la personnalité" et aux "crimes" de Staline :

"(...) Il est intolérable et étranger à l'esprit du marxisme-léninisme d'exalter une personne et d'en faire un surhomme doté de qualités surnaturelles, à l'égal d'un dieu. Ce sentiment à l'égard de Staline a été entretenu chez nous pendant de nombreuses années. Après la guerre, la situation ne fit que se compliquer. Staline devint encore plus capricieux, irritable et brutal ; en particulier ses soupçons s'accrurent. A ses yeux, de nombreux militants devinrent ses ennemis. Il décidait tout, tout seul, sans considération pour quiconque ou pour quoi que ce fût".

Extrait du rapport de Khrouchtchev au XXème Congrès du P.C. d'URSS (1956).

La disparition de Staline ne suffit pas à expliquer l'évolution de l'URSS vers une plus grande modération diplomatique. Le pays a acquis un potentiel militaire qui lui permet de croire à l'équilibre des forces entre les deux grandes puissances. Aussi, lors du 20ème Congrès, en dehors du problème de la "déstalinisation"13, Nikita Khrouchtchev propose de mener une politique nommée " coexistence pacifique" : elle repose sur le postulat que la guerre avec les puissances impérialistes n'est plus inévitable. Le camp socialiste est assez fort pour dissuader ses adversaires de tenter sa destruction. La compétition idéologique et économique doit suffire à démontrer la supériorité du système socialiste et doit assurer pacifiquement son succès mondial.

3. LES REALITES DE LA COEXISTENCE : DETENTES ET CRISES.

a) La révolte hongroise (1956)

Mais la dénonciation du stalinisme fait croire aux citoyens des démocraties populaires que l'heure est venue de se libérer de la tutelle soviétique. Très vite, des voix s'élèvent, même en URSS, pour plus de liberté, la révision des procès, la libération des innocents, un socialisme plus démocratique...

En Hongrie, étudiants et intellectuels demandent le jugement des staliniens et le retour au pouvoir de l'ancien Premier ministre Imre Nagy, chassé parce que favorable aux réformes. Il est réinstallé au pouvoir mais devant les programmes de retour au pluralisme politique, à la réorganisation de l'économie, 13 Notion Clé. La Déstalinisation est la remise en cause des méthodes et de la personne de Staline par les communistes eux-mêmes. Elle commence avec Khrouchtchev en 1956 mais reste superficielle. Elle est même condamnée par certains pays comme la Chine et l’Albanie, puis est interrompue par Brejnev dès 1964. La véritable déstalinisation est lancée par Gorbatchev en 1985 et sera fatale au régime soviétique. Toutefois, dans le contexte de l’époque, le geste de Khrouchtchev est une véritable bombe pour le monde communiste.

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au plan de sortie du Pacte de Varsovie et à l’exigence d’un retrait des troupes soviétiques stationnées sur le territoire hongrois, les troupes sous contrôle de Moscou arrivent pour mater l'insurrection.

Le 4 novembre 1956, les chars soviétiques entrent dans Budapest et répriment dans le sang les manifestations. Il y aura des milliers de morts. D'autres personnes seront emprisonnées ou s'exileront14.

Pour les intellectuels communistes, déjà à moitié assommés par les

révélations de Khrouchtchev au 20ème Congrès du PC soviétique, Budapest sonnera comme une seconde gifle à leur idéal :

Une famille d’intellectuels communistes français réagit à la répression en Hongrie.

14 A l’origine du mouvement d’insurrection, l’arrivée d’un réformateur en Pologne auquel les étudiants hongrois, soutenus par Nagy, décident d’apporter leur soutien par une manifestation de masse au cours de laquelle la faucille et le marteau, symboles du mouvement communiste, sont arrachés des drapeaux hongrois. Les statues de Staline sont déboulonnées. C’est de là que tout explose avant l’intervention des forces du Pacte de Varsovie. La répression fait 3000 morts et 160000 personnes se réfugient en Europe de l’Ouest. Imre Nagy sera exécuté en 1958.

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« 1956, ce fut aussi la Hongrie. Comment pouvait-on imaginer que des gens qui vivaient dans un paradis, qui par exemple n’avaient aucune idée de faire la grève contre eux-mêmes, en viennent à se révolter ? C’est pourtant ce qui se passa au jardin d’Eden. Le serpent, il ne pouvait y avoir le moindre doute là-dessus, était américain. Toute la famille, avertie par un obscur instinct que le péché originel était en passe de se reproduire, exigea une réaction vigoureuse des forces du Bien. J’entends encore mon frère, âgé de seize ans : « qu’est-ce qu’ils attendent pour faire le blocus ? »Mais quand les chars entrèrent à Budapest, curieusement, mes parents ne manifestèrent qu’une satisfaction modérée. Je ne compris pas pourquoi une victoire aussi complète, obtenue sur un nœud de vipères lubriques, ne leur causait pas davantage de joie. Au contraire, ils évitaient d’en parler à table, comme s’ils avaient honte, et quand ils me voyaient pourfendre d’une épée imaginaire quelques salauds de Hongrois impérialistes, ils détournaient la tête d’un air gêné ».

F. George, Pour un ultime hommage au camarade Staline, 1979.

b) La crise de Suez (1956)

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En 1954, en Égypte, le gouvernement nationaliste du colonelNasser obtient le départ des dernières troupes anglaises stationnées dans la zone du canal de Suez. Nasser anime alors avec Tito et l'Indien Nehru le groupe des nations qu'on nommera non-alignées (voir p.34) Il se pose, en outre, en leader du monde arabe humilié par Israël (voir plus loin). Mais en 1955, il accepte de recevoir des armes de l'URSS et, après le refus des États-Unis de financer la construction du barrage d'Assouan pour réguler le cours du Nil, il annonce, comme un grand défi à l'Occident, la nationalisation du canal de Suez, à capitaux français et anglais, vital pour le commerce international puisqu'il relie la Mer Rouge à la Méditerranée

" La Compagnie universelle du canal de Suez n'existe plus depuis aujourd'hui ! Nous nationalisons cette société au profit du peuple ! Le canal est désormais à nous, bien à nous (...).

Le canal de Suez paiera, et amplement, la construction du barrage d'Assouan (note : pour se protéger des crues du Nil). Nous n'avons plus besoin d'aller mendier de l'argent à Washington, Londres ou Moscou (...).

120000 ouvriers égyptiens sont morts d'épuisement en perçant le canal. Le sang de nos ancêtres et les millions de livres (£) que nous avons versés pour financer ce projet n'étaient pas destinés à enrichir les étrangers. Les revenus de la Société du canal pour l'année 1955 se sont élevés à 100 millions de dollars. Elle nous a remis 3 millions seulement, sous forme de redevances. Il ne s'agissait pas d'une société, mais d'un État dans l'État. Grâce au revenu de cette institution, qui a réalisé au cours des cinq dernières années un bénéfice de 800 millions de dollars, nous n'aurons plus besoin d'aide étrangère (...)".

Le Monde, 26 juillet 1956.

En riposte, ces deux puissances appuyées par Israël, alors en guerre contre les pays arabes, décident seules de réagir militairement. L'attaque est vite couronnée de succès mais, immédiatement, l'URSS menace les "agresseurs" des foudres nucléaires. De leur côté, les Américains, forts mécontents d'une initiative menée sans leur accord, forcent la Grande-Bretagne à se retirer en attaquant la Livre sterling (£) sur le marché des changes, isolant ainsi la France. Seule, celle-ci doit se replier.

L'opération est un camouflet pour la France et la Grande-Bretagne qui ne comptent plus guère.

Les deux Grands ont définitivement pris le relais des vieilles nations européennes qui ne peuvent plus décider seules. La glorieuse époque de européocentrisme a cédé le relais à un monde bipolaire dans lequel les affaires du monde sont du domaine des États-Unis et de l’Union soviétique. Nasser, de son côté, est sorti grandi de l'expédition et l'URSS peut se présenter, aux yeux du monde, comme le fidèle défenseur de tous

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les jeunes États menacés par un retour offensif des anciens impérialismes coloniaux.

c) Les crises cubaines (1961-1962)

Les deux compagnons de lutte de la révolution cubaine de 1959 : Ernesto, dit Che, Guevara (1928-1967) et Fidel Castro (né en 1927).

A Cuba, les États-Unis, utilisant la dictature militaire du colonel Batista, contrôlent l'économie de l'île.

Au terme d'une guérilla, Fidel Castro, ancien avocat, élimine Batista en janvier 1959 avec l'aide de son compagnon de lutte, le médecin argentin Ernesto Che Guevara ("El Che"). Très vite, la politique du régime castriste, faite de réformes agraires et de nationalisations, heurte les intérêts économiques des Américains qui décident de suspendre leurs achats de sucre cubain. Sans exportation de sucre, Cuba ne peut survivre. Le pays se tourne alors vers l'URSS. qui lui a accordé son soutien.

Les États-Unis ne peuvent accepter un gouvernement communiste à quelques dizaines de miles des côtes de Floride. Depuis la Doctrine Monroe (1823, voir p. 53 ), le gouvernement considère le continent américain comme sa chasse gardée. Ce coup de force communiste à leur porte est insupportable pour Washington. Aussi, les Services secrets (la CIA) organisent-ils le débarquement de 1600 exilés cubains anticastristes avec l'accord du président Kennedy à partir de la Floride via le Nicaragua15. Les Américains espéraient secrètement un soulèvement du peuple cubain contre Castro pour compléter l’opération. Kennedy refuse néanmoins un soutien aérien à l'opération et annonce clairement qu’en cas de problème, il n’était au courant de rien ! Il ne veut en aucun cas que les États-Unis, dans le cadre de la coexistence pacifique, soient directement impliqués dans un conflit entre Cubains. Il s’agit de souveraineté nationale à respecter. L'opération de débarquement connue sous le nom d'affaire de la

15 Cette opération porte le nom « d’opération Mangouste »

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baie des Cochons (avril 1961) est un fiasco total16. Quelques jours plus tard est proclamée la "Première République Démocratique Socialiste d'Amérique Latine".

Le problème cubain prend une autre dimension encore avec la crise des fusées.

En avril 1962, un avion espion américain photographie des rampes de lancement de missiles que l'URSS installe à Cuba. Les États-Unis exigent le retrait immédiat des fusées et organisent le blocus maritime de l’île ; toute tentative soviétique pour forcer le blocus sera considérée comme un acte d'agression contre les États-Unis et risque donc de provoquer une guerre mondiale.

Le jeune président Kennedy restera sur ses positions. A aucun moment depuis 1945, le monde n'a semblé si proche d'un conflit nucléaire. Mais après quelques jours d'inquiétude, l'URSS cède, avec en échange la promesse publique des États-Unis de ne pas chercher à envahir Cuba.

Assez curieusement, un rapprochement soviéto-américain devait suivre. Les deux Grands décidèrent de se donner un moyen rapide de concertation en 16Castro trouva dans la population cubaine un soutien immédiat et massif, en lançant un simple et vibrant appel à la radio : "venez défendre votre révolution !". Les commandos calèrent, non devant la supériorité stratégique de leurs adversaires, mais devant leur nombre. Ils déposèrent les armes devant une fourmilière humaine. Sur les 1600 hommes du commando, 1500 furent faits prisonniers. Castro ne les fit pas fusiller ou pendre mais il les revendit aux familles de cubains émigrés contre leurs poids en médicaments ou dix mille dollars par tête.

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cas de crise. Un " téléphone rouge " relie désormais le Kremlin et la Maison-Blanche (juin 1963).

De son côté, Kennedy s'est mis à dos la CIA, les exilés cubains aux États-Unis et tous ceux qui ne peuvent supporter le communisme si près de chez eux. Sa fermeté vis-à-vis de Khrouchtchev dans la crise des fusées n'y changera rien. La "mollesse" du président dans l'affaire du Vietnam – sa volonté de retrait des troupes US - accentuera encore la haine de ceux qui n'hésiteront pas à l'accuser de sympathies communistes. Son assassinat le 22 novembre 1963, et même si ce n'est pas la version officielle, n'y est peut-être pas étranger.

d) Le "Printemps de Prague" (1968) Les choix économiques de la période stalinienne ont été particulièrement

inadaptés en Tchécoslovaquie, pays d'industrialisation avancée. Les conséquences sont lourdes : la croissance économique est très faible voire négative et la pénurie des produits alimentaires devient inquiétante.

Le président de la République (Novotny), qui est également le secrétaire du Parti communiste s'oppose à toute libéralisation du régime, notamment d'un point de vue économique.

Mais les critiques de plus en plus virulentes des intellectuels et des économistes prônant une réforme, mènent au cœur d'un processus de "changement". Novotny doit céder son siège de secrétaire du Parti communiste à un réformateur : Alexandre Dubcek. C'est le début du "Printemps de Prague".

En 1968, le Parti communiste mené par des "libéraux" définit une "voie tchécoslovaque au socialisme". Les fondements du régime ne sont pas discutés (il ne s'agit pas, comme en Hongrie en 1956, de remettre en cause son appartenance au Pacte de Varsovie ou au COMECON17) mais une démocratisation s'impose ainsi qu'une réforme économique. Les libertés de réunion et d'expression sont reconnues, la presse est libre, la censure est supprimée.L'attrait exercé sur les pays de l'Est et sur les partis communistes occidentaux par ce "contre modèle" du "socialisme démocratique ", qui allie "marxisme et humanisme", inquiète les dirigeants soviétiques en général et Léonid Brejnev, en particulier auteur d’une doctrine claire sur ses intentions18.

17 Le contexte est très différent de 1956 : en 1968, les États-Unis engagés au Vietnam et le système capitalisme sont au banc des accusés et paraissent en crise.18 La doctrine Brejnev peut se résumer à une phrase : « Quand des forces hostiles au socialisme cherchent à faire dévier les pays socialistes vers le capitalisme, cela devient un problème, non seulement dans la nation intéressée, mais un problème commun à tous les pays socialistes ».

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Alors que la Yougoslavie de Tito et la Roumanie de Ceausescu considèrent avec sympathie la politique menée à Prague, des manifestations estudiantines sont sévèrement réprimées en Pologne.

Le danger de "contamination" et de perte de contrôle par Moscou est tel que l'ordre est donné à 600000 hommes de cinq pays du Pacte de Varsovie - URSS, Pologne, RDA, Hongrie, Bulgarie - appuyés de blindés, d'envahir le pays dans la nuit du 20 au 21 août 1968.

"Votre pays, a-t-il annoncé aux dirigeants tchécoslovaques (kidnappés à Prague et transportés menottes aux poings à Moscou, en août 1968), se trouve dans la zone où les soldats soviétiques ont pris pied pendant la Deuxième Guerre mondiale. Vos frontières sont les nôtres... Au nom de tous nos morts, nous sommes en droit de vous envoyer nos soldats, pour pouvoir nous sentir véritablement en sécurité. Il importe peu que quelqu'un nous menace directement. Il en sera ainsi à tout jamais".

Brejnev, cité dans Le Soir du 20 août 1988, à l’occasion du 20ème anniversaire du Printemps de Prague.

Les principaux leaders "libéraux" sont arrêtés ou éliminés du pouvoir. Dubcek, exclu du Parti Communiste, est remplacé à la tête du Parti par Gustav Husak, un communiste pur et dur. L'administration, les organes d'information et les universités sont épurés ; la censure est rétablie. Le Parti perd un tiers de ses effectifs et des intellectuels quittent le pays.

Mais le suicide par le feu de l'étudiant Jan Palach et la manifestation populaire qui suit ses obsèques, symbolisent l'hostilité de la population à cette "normalisation" et son attachement à un "socialisme à visage humain". Appuyé par les troupes étrangères, le "rétablissement de l'ordre" est

artificiel : il a beaucoup contribué à assombrir l'image des pays socialistes.

Brejnev, à travers sa doctrine de « souveraineté limitée » montre clairement la volonté de Moscou de garder ce contrôle qu’il juge vital pour l’URSS et son régime.

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« Nous ne pouvons accepter que des forces hostiles fassent dévier votre pays de la voie du socialisme et menacent d’arracher la Tchécoslovaquie à la communauté socialiste. Sur ce point, vous n’êtes déjà plus seuls en cause, il s’agit de la cause commune de tous les partis et de tous les États communistes et ouvriers unis par leur alliance, leur coopération et leur amitié. C’est la cause commune de nos pays, qui se sont unis dans le pacte de Varsovie afin d’assurer leur indépendance, ainsi que la paix et la sécurité en Europe, et de dresser une barrière insurmontable devant les menées des forces impérialistes de l’agression et de la revanche.Nous n’accepterons jamais que ces conquêtes historiques du socialisme, ainsi que l’indépendance et la sécurité de tous nos peuples puissent jamais être menacées.

Lettre des partis communistes bulgare, hongrois, polonais, est-allemand et soviétique au Comité central du PC tchécoslovaque, le 15 juillet 1968.

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IV. DECOLONISATION ET MOUVEMENTS NATIONAUX : QUELLES IDEOLOGIES ?

1. ORIGINES DE LA DECOLONISATION.

Le second conflit mondial a produit deux vainqueurs, opposés néanmoins par des idéologies totalement différentes : les États-Unis, nation phare du capitalisme et de l’économie de marché ; l'URSS communiste, tenante d’une économie planifiée. Un point toutefois les rapproche : leur position anticolonialiste très marquée.

Les pays d'Europe, grands bénéficiaires du colonialisme, ne sont plus, après 1945, que des puissances secondaires sur lesquelles les deux Grands feront rapidement pression. L'objectif : l'autodétermination des peuples colonisés. L'idée de secouer le joug colonial des métropoles européennes en Asie et en Afrique n'est pas neuve. Mais la situation n'a jamais été aussi favorable.

2. UN IDEAL : LA DECLARATION UNIVERSELLE DES DROITS DE L' HOMME (1948).

Cette Déclaration est le résultat d'un long cheminement d'aspirations, de témoignages, de révoltes et d'actes essentiels. On peut citer, comme proches antécédents :• l'Habeas Corpus (1679), c'est-à-dire "Que tu aies ton corps", loi britannique qui garantissait la liberté individuelle et protégeait contre les arrestations arbitraires fréquentes à cette époque• le Bill of Rights ou Déclaration des Droits (1689)

• la Déclaration d'indépendance des États-Unis d'Amérique (1776) laquelle affirme les droits des citoyens américains, mais aussi ceux de l'homme en général. Inspirée par le courant des philosophes français du 18ème siècle (le Siècle des Lumières), elle précède de peu

• la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen décrétée par l'Assemblée Nationale française en août 1789.

• Vint ensuite, après le cataclysme et les horreurs de la deuxième guerre mondiale, la Charte des Nations Unies (1945)

• La Déclaration Universelle de 1948 devait compléter les articles de la Charte des Nations Unies

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Puisque les États-Unis et l'Union soviétique ont des positions anticolonialistes, ils rivalisent donc pour promouvoir la liberté des peuples.

Mais la "guerre froide" modifie les données du problème. Pour l'un et l'autre "Grand", il y a dorénavant de bons et de mauvais nationalistes, selon le camp dont ils se réclament. Ainsi l'affrontement idéologique - jusqu'alors limité à l'Europe - gagne l'Afrique et l'Asie.

3. NATIONALISME ET DECOLONISATION EN ASIE

a) L' Inde (1947)

Colonie britannique, entraînée de fait dans la guerre 39-45, l'Inde doit faire face à la menace d'invasion japonaise. Estimant que l’indépendance du pays lui permettrait d'assurer sa sécurité en affirmant sa neutralité, deux leaders nationalistes, Gandhi et Nehru, invitent les Anglais à évacuer le territoire dès 1942.

Depuis 1920-1922 du reste, Gandhi s'était fait le champion de la protestation non-violente contre l'occupant britannique et dénonçait la misère et l’humiliation dans lesquelles le peuple de son pays était maintenu. Il n’est pas le seul à le faire.

« Au XIXe siècle les classes dirigeantes anglaises formaient l’aristocratie de ce monde, soutenues qu’elles étaient par un long passé de richesse, de succès et de puissance. (…) Nous pouvons nous dire, nous Indiens, si cela Si telle était l’attitude générale de l’Angleterre devant le reste du monde, sa conduite aux Indes l’illustrait singulièrement. Sa façon d’aborder le problème indien, si exaspérante fût-elle, avait quelque chose de fascinant. La calme certitude d’être toujours dans le vrai, de porter méritoirement un lourd fardeau, la foi dans les destinées de la race et de l’impérialisme britannique, le mépris et la colère devant les incroyants et les pécheurs qui contestaient le dogme, tout cela relevait presque de la religion. Comme les inquisiteurs d’autrefois, l’Angleterre entendait faire notre salut, en dépit de nous-mêmes. (…) Anglais et Indiens, je le crains, ont toute chance de ne pas être d’accord sur le bilan de la domination britannique aux Indes (…) De hauts fonctionnaires anglais - y compris des ministres – s’amusent à brosser de notre pays des tableaux fantaisistes qui sont autant de falsifications du passé comme du présent, et ne reposent sur

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aucune réalité. S’ils sont aveugles à la réalité des faits extérieurs, quelle doit être leur cécité devant l’âme indienne ! Si les Anglais ont pu posséder l’Inde, ils n’ont jamais eu que son corps, et c’était un viol. Jamais ils ne l’ont connue, ni tenté de la connaître. Jamais ils n’ont pu plonger leur regard dans ses yeux, car elle les tenait baissés de honte et d’humiliation, et eux, détournaient les leurs avec mépris. (…) »

J. Nehru, Ma vie et mes prisons, éd. Denoël, 1952, pp. 315-316.

Alors que le mouvement d'indépendance est lancé, des violences éclatent entre hindous et musulmans (1946-1947). En 1947, l'Inde accède à l'indépendance mais perd une partie de son territoire, qui constitue le Pakistan, peuplé en majeure partie de musulmans.

« Je m’adresse à vous en une occasion historique, au moment où nous sommes en face d’un changement vital pour l’avenir des Indes. La déclaration du gouvernement britannique détermine la procédure par laquelle certaines régions des Indes décideront elles-mêmes de leur sort. Elle envisage d’une part la possibilité pour ces régions de se séparer du reste des Indes, et promet d’autre part de grands progrès dans la voie de l’indépendance complète. Un changement aussi important ne pourra s'effectuer sans l'accord de tout le peuple, car il ne faut jamais oublier que l’avenir des Indes ne pourra être fixé que par le peuple indien, et non par une autorité extérieure, si amicale soit-elle.Ces propositions seront soumises à l’examen de l’assemblée des représentants du peuple. Cependant, le sablier du temps s’égrène, et les décisions ne peuvent attendre le déroulement normal des événements.Nous tâcherons de rebâtir nos relations avec l’Angleterre sur une base d’amitié et de coopération, en oubliant le passé qui a si lourdement pesé sur nous. C’est sans joie dans le cœur que j’accepte ces propositions, bien que mon esprit ne doute pas qu’elles constituent la bonne solution ».

Déclaration du Pandit19 Nehru, 3 juin 1947.

Gandhi qui prêchait le dialogue et la réconciliation est rendu responsable de la perte du territoire pakistanais. Il est assassiné par un fanatique hindou en 1948.

19Pandit : titre honorifique donné aux savants et aux érudits de la caste brahmanique.

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Élu Premier ministre de la République indienne, en 1947, Nehru mène une politique qui refuse de choisir son camp dans le contexte de la tension entre les 2 blocs idéologiques. C’est le « neutralisme » qui trouvera son expression à travers 2 conférences tenues en 1955 à Bandoeng, en Indonésie, et en 1961 à Belgrade, en Yougoslavie.

Remarques complémentaires : LA CONFERENCE DE BANDOENG ET LE NON-ALIGNEMENT.

Cette politique de "neutralisme" dans la "guerre froide" trouvera donc sa première expression dans la Conférence de Bandoeng en 1955 dont Nehru est le promoteur. 29 États y affirment le droit à l'existence des peuples libérés de la tutelle européenne et la volonté d'échapper, dans le même temps, à la protection envahissante des États-Unis et de l'URSS (=neutralisme).

Le neutralisme donnera naissance à ce qu'on nommera le Mouvement des non- alignés dont Nehru, mais aussi l'Égyptien Nasser et le Yougoslave Tito en seront les trois figures marquantes.

Aujourd’hui, l’Inde, deuxième pays le plus peuplé de la planète, est considérée, malgré la présence d’un système de castes hiérarchiques persistantes, comme la plus grande démocratie du monde. Puissance probablement nucléaire, elle n’en connaît pas moins la continuation du conflit territorial qui l’oppose au Pakistan pour le contrôle du Cachemire. Régulièrement, des heurts voire des échanges de coups de feu opposent les deux camps dans un glacis diplomatique qui dure depuis des décennies.

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b) La victoire des communistes en Chine (1949)

Le marxisme pénétra relativement vite en Chine après la Révolution d'Octobre 1917. En 1921, le Parti communiste chinois est fondé par quelques intellectuels comme Mao Tsé-toung. Par crainte d'une révolution bolchevique, le chef de l'État Tchang Kaï-chek élimine les communistes en écrasant, en 1927, les ouvriers de Shanghai et de Pékin. Chassé des villes, le Parti communiste pour résister aux offensives gouvernementales doit se réfugier dans les campagnes et les montagnes à l’issue d’une retraite qui finira par totaliser 12 000 km ! (= « La Longue Marche »).

En 1935, les Japonais s'emparent de la Mandchourie et s'infiltrent ensuite en Chine du Nord. Lorsqu'ils envahissent la Chine (1937-1945), pendant la guerre, les communistes de Mao Tsé-toung « s'unissent » à Tchang Kaï-chek pour la défense nationale. A partir de 1944, les communistes remportent d'importants succès contre l'occupant, ce qui renforce encore leur prestige et le nombre de leurs membres.

Tchang Kaï-chek (1887-1975)

En août 1945, lors de la défaite du Japon, les communistes qui tiennent une bonne partie du territoire et les nationalistes de Tchang Kaï-chek se retrouvent face à face. Les États-Unis, de peur de voir tomber cette partie du monde dans le camp des « Rouges », soutiennent ce dernier. Le peuple chinois, de son côté, lassé des famines, des impôts et de la désorganisation générale du pays aura une attirance bien compréhensible pour Mao et ses amis.

« Puisqu’ils disent que la voie suivie actuellement par Tchang-Kaï-Chek est la voie de la « démocratie américaine », il s’ensuit qu’en Chine « la voie de la démocratie américaine » n’est rien d’autre que la voie du fascisme féodal, sous un camouflage de démocratie. En outre, puisqu’ils disent que la voie suivie actuellement par Tchang-Kaï-Chek est une voie qui pourra conduire à donner à l’Amérique la « direction » de la Chine, il s’ensuit que la « voie de la démocratie américaine » en Chine, conduira aussi tout naturellement à faire de la Chine une colonie américaine… Bien entendu, le peuple de Chine ne veut pas suivre la voie d’une colonie, que veulent leur imposer les éléments impérialistes américains. La voie qu’il veut suivre est celle indiquée par le leader du Parti communiste chinois, le camarade Mao Tsé-toung, et qui est la voie de la nouvelle démocratie conduisant à l’indépendance, la liberté, la démocratie, l’unité, la richesse et la puissance !… La nouvelle démocratie que veut réaliser la Chine n’est rien d’autre que la dictature démocratique commune de toutes les classes anti-impérialistes et antiféodales ; bien entendu, ce n’est ni la dictature bourgeoise américaine, ni la dictature du prolétariat de l’Union soviétique… »

Editorial de l'agence Xin-Hua, 12-19 VII, 1945, cité in S. Schram, Mao Tsé-toung,

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Paris, 1963, pp.359-360 L'aide américaine, essentiellement financière, et malgré la présence de quelques milliers de marines, ne peut empêcher la victoire communiste et la proclamation, le 1er octobre 1949, de la République populaire de Chine dont Mao Tsé-toung devient président.

Le gouvernement de Tchang Kaï-chek doit se replier sur l'île de Taiwan et devient, aux yeux de l'ONU, le représentant officiel de la Chine, jusqu'à la reconnaissance de la République populaire en 1971.

La pensée communiste chinoise, plus "respectueuse" de la pensée de Lénine, d'après ses dirigeants, plus agricole, moins basée sur le parti, a été jugée déviante par l'URSS. Les relations entre les deux grands pays communistes se sont tendues à l'extrême, même si on n'en est pas arrivé à un conflit armé.

Pékin dénonce la coexistence pacifique prônée par Moscou en affirmant que « le vent d’Est l’emporte sur le vent d’Ouest » et continue à qualifier les États-Unis de « tigre de papier ».

" Après avoir usurpé la direction du Parti et de l'État, la clique renégate des révisionnistes soviétiques s'est efforcée de restaurer le capitalisme dans toutes les sphères d'activité du pays. En même temps, elle a suivi avec folie une politique extérieure impérialiste et intensifié la collaboration contre-révolutionnaire avec l'impérialisme U.S., sur le plan global, dans le vain espoir de se partager le monde. Le révisionnisme soviétique considère un certain nombre de pays comme ses colonies ; il a adopté vis-à-vis d'eux une politique sauvage de pillage et d'asservissement. Grâce à sa prétendue "aide" économique et militaire, il s'est infiltré dans ces pays qu'il soumet à sa domination. Là où les traîtres du Kremlin passent, le socialisme leur sert de paravent, car en réalité, leurs agissements relèvent de l'impérialisme. La présente occupation armée de la Tchécoslovaquie (note : voir le chapitre consacré au "Printemps de Prague") dévoile complètement et d'une manière typique les traits hideux et la nature du gang social impérialiste, caractéristiques de la clique révisionniste soviétique "

Le Révisionnisme soviétique a dégénéré en social-impérialisme, Pékin-Information, 1968, n°44.

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Remarques complémentaires : LA CHINE DEPUIS 1949.

Le régime maoïste a surtout été marqué par deux expériences qui furent d’ailleurs des désastres : le « Grand Bond » et la Révolution culturelle (1966-1969). Pour le premier, il vise à rattraper en quelques années le retard économique chinois en mobilisant « les forces productives cachées ». En réalité, il utilise la masse gigantesque de la population chinoise pour remplacer le matériel moderne dont la Chine est privée, par la force musculaire ! La Chine doit « marcher sur ses deux jambes », c’est-à-dire faire progresser et l’agriculture et l’industrie dans une fièvre révolutionnaire aiguillonnée par la propagande et la fixation d’objectifs officiels totalement démesurés. La Chine est ainsi plongée dans une expérience de vie collective totale : communes populaires, cantines collectives, écoles et garderies à allure militaire, « maisons du bonheur » pour les vieillards… Le rythme harassant, la qualité médiocre de la production font du « Grand Bond » un échec total. Une famine gigantesque touchera même le pays en 1961, faisant 20 millions de morts

Mao est désavoué mais la Révolution culturelle va lui permettre de rebondir : pour vaincre les oppositions à l'intérieur du parti et abolir définitivement la bourgeoisie et les partisans du capitalisme, Mao lance un appel à la jeunesse. Il est décidé à réformer la mentalité du peuple chinois en fabriquant un homme nouveau guidé par la pensée de Mao transcrite dans son Petit Livre Rouge.

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"La vie culturelle est toute pénétrée de la pensée-maotsétung. Pas un exemplaire de journal, pas une émission de radio, pas un film, pas un ballet, qui ne cite quelques-unes des maximes ou des actions du Grand Enseignant. La source de toute inspiration, l'alpha et l'oméga des lettres, des sciences et des arts, c'est la pensée mao. Dans toutes les unités de production, les services publics, les administrations, les établissements scolaires, les crèches, ont été introduites des "classes d'études de la pensée-maotsétung". Nous en avons aperçu de-ci de- là, dans une commune populaire, dans une usine. Avant ou après le travail, un groupe fait cercle pour commenter quelques sentences du Petit Livre Rouge. Dans les usines, où on pratique les "trois-huit", la séance a lieu, pour l'équipe montante, une heure avant qu'elle ne remplace l'équipe descendante".

A. Peyrefitte, Quand la Chine s'éveillera... le monde tremblera, Regards sur la voie chinoise, Paris, 1973.

http://rue89.nouvelobs.com/2014/12/04/longue-marche-chine-rouge-devenir-verte-256361

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En gros, les nouveaux cadres politiques devront renoncer à tout privilège matériel (les anciens cadres ayant été éliminés), l'idéologie et son succès étant la chose la plus importante. L'intérêt individuel est donc considéré comme l'ennemi et les conceptions élitistes des intellectuels sont déclarées incompatibles avec la ligne générale des masses. Le travail manuel est tellement valorisé que des aberrations surviennent : on ferme des universités et des chirurgiens sont dans l'obligation de creuser des canaux d'irrigation !

"En février, j'ai pris part à la construction d'un canal d'irrigation. Comme je ne savais pas manier la pelle, je mettais deux fois plus de temps que les autres camarades pour enlever une pelletée de terre. Pour me consoler je pensais alors qu'en ma qualité de chirurgien mon instrument n'était pas la pelle, mais le bistouri. J'ai étudié les Interventions aux causeries sur la littérature et l'art à Yen-An du président Mao, où j'ai trouvé ce passage : "... il faut que nos écrivains et nos artistes abandonnent leur ancienne position et passent graduellement du côté du prolétariat, du côté des ouvriers, des paysans et des soldats en allant parmi eux, en se jetant au cœur de la lutte pratique, en étudiant le marxisme et la société "...

Je me suis dit que si je n'apprenais pas à bien manier la pelle, je manquerais de sentiments prolétariens et risquerais d'acquérir des idées révisionnistes."

La pelle et le bistouri in La Chine en Construction, juillet 1974.

Enfin, les méthodes des gardes rouges (souvent des jeunes gens, étudiants...) chargés d'étendre la révolution culturelle à tout le pays par-dessus les cadres de l'État et du Parti sont souvent excessives et basées sur la suspicion, la délation et la violence.

Des gardes rouges distribuent le "Petit Livre rouge"

" A Nankin un maçon travaille sur la partie ouest d'un chantier. Ce jour-là, souffle un fort vent d'est, qui rabat d'âcres fumées. Le chantier est couvert d'un épais nuage suffocant. Le maçon tousse et peste : " Si au moins le vent d'ouest pouvait se lever !" Un jeune ouvrier s'empresse d'aller le dénoncer : ce mauvais élément a calomnié le socialisme, il a lancé un slogan contre-révolutionnaire, il s'est opposé au président Mao qui nous enseigne que " le vent d'est l'emporte sur le vent d'ouest ». Trois ans de prison pour le maçon !".

A et J. Broyelle, Apocalypse Mao, Grasset, 1980.

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La révolution culturelle fut incontestablement un échec, Mao dut lui-même le reconnaître. L'accent mis presque exclusivement sur l'aspect politique entraîna des retards dans le développement économique. En plus, le Parti s'est désagrégé et la révolution, par sa violence, a engendré des divisions et des rancunes.

Les années qui suivirent furent celles d'un retour à l'équilibre et à l'apaisement : réouverture des universités, succès scientifiques, amélioration des récoltes et augmentation de la production industrielle. Il faut y ajouter une ouverture vers l'Occident avec la visite historique du président des États-Unis, Richard Nixon, en Chine en 1972, visite qui amena les États-Unis à reconnaître la Chine populaire.

Visite historique de Richard Nixon qui rencontre Mao, en Chine, en 1972.

L'année 1976 marque un tournant dans la vie politique chinoise : Zhou En-lai, Premier ministre et ministre des Affaires étrangères ainsi que Mao Tsé-toung décèdent. Une orientation nouvelle va suivre avec la reconnaissance des "quelques" erreurs du maoïsme et une purge contre ceux qui refusent encore la "modernisation" du pays (Procès de la bande des quatre, dont la veuve de Mao, décembre 1980). Les relations avec l'URSS se normalisent avec la visite officielle de Mikhaïl Gorbatchev en 1989.

La modernisation est loin de signifier démocratisation : toute tentative d'expression reste étouffée par le régime. L'exemple le plus marquant est la répression des étudiants de la Place Tienanmen (juin 1989).

Du point de vue économique, la chute du communisme a isolé la Chine qui doit, lentement, accepter une ouverture vers une économie de marché. Ce qu’elle fait d’ailleurs petit à petit. C’est d’autant plus nécessaire que l’ancienne colonie britannique de Hong Kong, revenue à la Chine en 1997, est le cœur du capitalisme en Asie (Japon excepté) et un bel atout pour l’économie chinoise qui dispose d’une puissance financière importante grâce à ce petit territoire. Pour notre monde occidental enfin, c'est un marché considérable de plus d'1,3 milliards d'individus. Ceci explique en grande partie les « largesses » à l’égard d’un régime où les violations des droits fondamentaux de l’Homme restent monnaie courante. Mais dans une société occidentale totalement acquise à la cause du « business », une condamnation sans état d’âme du régime chinois par la classe politique serait extrêmement mal perçue par des milieux d’affaires devenus les vrais gestionnaires de notre planète.

c) La guerre de Corée (1950-1953)

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Selon les accords de Yalta et de Potsdam, la Corée, que le Japon contrôlait depuis 1910, est occupée au nord par l'URSS et au sud par les E-U. Deux États rivaux se constituent en 1948 de part et d'autre du 38e parallèle : la Corée du Nord communiste et la Corée du Sud, proche des États-Unis.

En 1950, tirant prétexte d'incidents frontaliers, des troupes du Nord franchissent la ligne de démarcation. Les États-Unis réclament immédiatement la réunion du Conseil de sécurité de l'ONU. Ce dernier condamne l'agression nord-coréenne (l'URSS, boycottant le Conseil pour protester contre le fait que le siège chinois est toujours occupé par Taïwan, ne peut évidemment user du veto) et confie aux États-Unis le commandement des forces de l'ONU chargées d'aider la Corée du Sud à résister à l'agression.

Si les Coréens du Nord obtiennent d'abord de faciles succès, une vigoureuse contre-offensive est engagée par le général Mac Arthur qui franchit le 38e parallèle, portant la guerre en Corée du Nord, et bientôt près du fleuve frontalier entre la Chine et la Corée.

La Chine populaire, se sentant menacée, décide d'intervenir pour soutenir la Corée du Nord, pays frère au point de vue idéologique. Elle ne déclare pas officiellement la guerre mais envoie des volontaires chinois, dont le nombre dépasse peut-être 1 million.

Obligé de reculer, Mac Arthur propose d'utiliser au besoin la bombe atomique, ce qui lui vaut d'être relevé de ses fonctions par le président Truman. L'épisode est capital   : c'est l'affirmation par Truman des règles du jeu de la guerre froide : les États-Unis sont décidés à endiguer l'expansion

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communiste , au besoin par les armes, mais le conflit doit rester localisé et ne déboucher en aucun cas sur un affrontement mondial.

Alors que le front se stabilise, des négociations de paix s'engagent en 1951. Elles traîneront pendant deux ans. La mort de Staline en 1953 débloquera la situation, ses successeurs désirant apaiser la tension internationale. L'armistice n'est cependant pas la paix puisque Corée du N et Corée du S restent séparées par le 38e parallèle et une zone démilitarisée. Toutes les tentatives pour aboutir à une éventuelle réunification échouèrent.

La guerre, qui a fait plus de 5 millions de victimes, n'a abouti qu'à la restauration du statu quo. Les deux pays restent séparés aujourd’hui, y compris d’un point de vue idéologique.

Le conflit coréen correspond au paroxysme de la guerre froide ; il permet aux États socialistes et aux organisations communistes d'alimenter une campagne mondiale contre les États-Unis accusés, à tort d'ailleurs, d'utiliser en Corée des armes bactériologiques.

En revanche, aux États-Unis, autour du sénateur Joseph Mac Carthy, on dénonce tous les suspects d' « activités anti-américaines ». Une « chasse aux sorcières », véritable psychose anticommuniste, s'organise. Il s'agit de repérer tous ceux qui ont des sympathies, même légères, pour les théories socialistes. Le maccarthysme passera ainsi au crible les vies de 3 à 4 millions d'Américains, essentiellement membres de l'administration, à travers des dénonciations et des écoutes en tous genres.

Le sénateur du Wisconsin, Joseph Mac Carthy

C'est également dans ce contexte de tension extrême que sont condamnés et exécutés Julius et Ethel Rosenberg, pour espionnage au profit de l'URSS.

Cette exécution provoque une vive émotion en Europe, et notamment chez J.-P. Sartre, un des nombreux intellectuels communistes de cette époque.

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" Nous, vos alliés ? Allons donc ! Nos gouvernements sont aujourd'hui vos domestiques. Nos peuples seront demain vos victimes, voilà tout. Bien sûr,vous allez nous fournir de honteuses excuses : votre président ne pouvait pas se permettre de gracier les Rosenberg, il fallait qu'il lâchât du lest pour imposer ses vues en Corée (...)

Croyez-vous que nous allons mourir pour Mac Carthy ? Nous saigner aux quatre veines pour lui offrir une armée européenne ? Croyez-vous que nous voulons défendre la culture de Mac Carthy ? La liberté de Mac Carthy ? La justice de Mac Carthy ? Que nous ferons de l'Europe un champ de bataille pour permettre à ce sanglant imbécile de brûler tous les livres ? De faire exécuter les innocents et d'emprisonner les juges qui protestent ? Détrompez-vous : jamais nous ne donnerons le leadership du monde occidental à l'assassin des Rosenberg ".

J.-P. SARTRE, Les Animaux malades de la rage, article dans Libération, 22 juin 1953.

d) La guerre d'Indochine (1946-1954) et la guerre du Vietnam (1954-1975)

L'Indochine est une colonie française constituée des actuels territoires du Cambodge, Laos, et Vietnam.

Bien qu'ayant reconnu la République Démocratique du Vietnam, proclamée par Hô Chi Minh20 ( "Celui qui éclaire" ) à Hanoï en 1945, la France refuse de lâcher la partie sud du territoire nommée Cochinchine. En y proclamant une

20Leader du Front de l'Indépendance du Vietnam (le Viêt-Minh )

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République de Cochinchine, indépendante du Nord, elle espère éliminer l’influence du Viêt-Minh communiste.

Les hostilités seront vite déclenchées entre le gouvernement françaiset celui d'Hô Chi Minh. Les Américains, de leur côté, malgré leur anticolonialisme de principe voient désormais dans la guerre d'Indochine une application de leur théorie de l'"endiguement " face au communisme. Dès 1950, ils apportent une aide massive à la France (un tiers des dépenses militaires).

Mais en 1954, la défaite française de Diên Biên Phu aboutira au retrait tricolore et à un accord de séparation du Vietnam en 2 États : Vietnam du Nord (dominé par le Viêt-Minh ) et Vietnam du Sud, suivant une ligne de démarcation correspondant approximativement au 17è parallèle (Conférence de Genève, 1954).

Cependant, l'activité de guérilla de nombreux éléments communistes dans la population du Sud Vietnam (on les nomme Viêt-Cong) amène le gouvernement de ce pays à demander l'aide économique et ensuite l'aide militaire aux États-Unis. C’est le début de la guerre du Vietnam.

Dans un premier temps, la présence américaine sera très discrète (16000 hommes, "conseillers militaires" dès 1961), ce qui est jugé très insuffisant, notamment par le dictateur Diem, président du Vietnam Sud.Interview accordée le 27 août 1963 à la station ABC :

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" Sur le plan politique et surtout psychologique, le Vietnam symbolise la volonté de résistance du Monde Libre contre la volonté de conquête du communisme international. C'est ce qui explique l'acharnement des attaques communistes, militaires comme politiques, dirigées contre le gouvernement actuel du Vietnam, car ce gouvernement est un gouvernement de combat.

Sur un plan plus large, le Vietnam représente un pays où se déroule un essai non- communiste de synthèse des valeurs occidentales et orientales, anciennes et modernes. Le succès de cette expérience sera une contribution importante du Vietnam au patrimoine culturel mondial (...).

Question : Quel est d'après vous votre plus grand problème pour vaincre les communistes (...) ?

Réponse : Notre plus grand problème pour vaincre le communisme est aussi le plus grand problème pour tous les partisans de la liberté dans le monde, à savoir comment faire comprendre aux dirigeants de l'opinion internationale libre que le communisme est communiste, que la guerre communiste est une guerre révolutionnaire, et qu'on ne peut la gagner par des méthodes traditionnelles et purement démocratiques, des méthodes de temps de paix, des méthodes de pays avancés dans une situation de guerre chaude ".

Interviewes accordées par le Président Ngo Dinh Diem, éd. de la République du Vietnam, 1963, p. 22-24.

L'assassinat du très modéré président des E-U, John Kennedy, le 22 novembre 1963 va permettre l’ « escalade » américaine dès 1964 : augmentation des effectifs militaires (540 000 hommes en 1967) bombardements du Nord et chasse aux communistes dans le Sud. Mais cela reste insuffisant, et la population américaine, de plus en plus opposée à ce "trou d'enfer" qu'est le Vietnam (60000 morts et 300 000 blessés US), veut un retrait. Le dernier soldat américain quittera le lieu des opérations en 1973.

La guerre d'indépendance du Vietnam s'est achevée en 1975 par la victoire totale des communistes de la République Démocratique du Vietnam, après la prise de Saïgon, capitale du Sud, rebaptisée Hô Chi Minh-Ville. L'unité, à la différence de la Corée, a été ainsi rétablie.

A partir de 1976, 1 million de personnes, collaborateurs, simples employés du régime pro américain, petits bourgeois et nantis, menacés de camps de rééducation, quittent le pays en catastrophe. En Occident, on les surnomme les boat people, car ils partent clandestinement sur des bateaux.

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Au Cambodge, on assiste également à la victoire communiste des Khmers rouges par la prise de Phnom Penh, la capitale, en 1975. Le régime de Pol Pot fait 3 millions de victimes dans les années qui suivent. Le Cambodge devient un véritable cimetière à ciel ouvert.

4. DECOLONISATION EN AFRIQUE

a) les réussitesb) la guerre d’Algériec) le Congo belged) l’Afrique du Sud et « l’Apartheid »

a) Les réussites

Les colonies britanniques et françaises en Afrique noire accèdent avec aisance à l’indépendance. Chez les Britanniques, en particulier, afin d’éviter les mêmes problèmes qu’en Inde, Londres acceptera l’autodétermination de ses anciennes colonies (1956-1968) tout en conservant des rapports privilégiés avec elles : aide économique, assistances multiples… Ces colonies, exceptée la très contestée Afrique du Sud dont on reparlera, feront désormais partie du Commonwealth21.

b) Le problème algérien

L’indépendance des États du Maghreb n’est acquise qu’à travers une lutte violente avec attentats, émeutes et même guerre comme en Algérie de 1954 à 1962.

Pour l’ensemble du corps politique français, « l’Algérie, c’est la France » : une vieille présence tricolore sur ce sol africain différenciera les rapports qu’entretiendra Paris avec cette colonie de ceux, moins charnels, entretenus avec les autres États d’Afrique du Nord : Maroc et Tunisie.

Les problèmes commencent en 1954 avec le soulèvement d’une partie de la population algérienne contre le colonisateur. C’est la « Bataille d’Alger » marquée par la répression militaire française. A la tête du mouvement contestataire, le F.L.N. (Front de Libération Nationale) dirigé par Mohammed Ben Bella, futur président de la République algérienne en 1963.

21 Terme anglais signifiant « communauté d’intérêts ». Crée en 1931, c’est une association volontaire de nations qui vise à remplacer l’Empire britannique. Il regroupe l’ensemble des nations ayant des liens économiques et culturels avec le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du N et reconnaissant une allégeance symbolique à la couronne britannique.

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Les nombreux Français d’Algérie, appuyés par l’armée française, luttent contre le mouvement d’indépendance lancé officiellement en plein guerre mondiale par le Manifeste du Peuple algérien. L’armée, elle, traumatisée par la défaite et l’humiliation de Diên-Biên Phû, croit pouvoir avoir ainsi l’occasion de redorer son blason aux yeux du monde. La guerre est inévitable entre les partisans de l’Algérie française et les indépendantistes (les Fellagha). L'état d’urgence est proclamé, l’armée quadrille le territoire algérien et les combats se multiplient.

En 1959, alors que Ben Bella a proclamé un « Gouvernement provisoire de la République algérienne », le chef de l’État français, Charles de Gaulle accepte le principe du droit des Algériens à l’autodétermination :

« Compte tenu de toutes les données, algériennes, nationales et internationales, je considère comme nécessaire que ce recours à l’autodétermination soit, dès aujourd’hui, proclamé. Au nom de la France et de la République, en vertu du pouvoir que m’attribue la Constitution de consulter les citoyens, pourvu que Dieu me prête vie etque le peuple m’écoute, je m’engage à demander, d’une part aux Algériens, dans leurs 12 départements, ce qu’ils veulent en définitive et, d’autre part, à tous les Français d’entériner ce qui sera ce choix ».

Déclaration du général de Gaulle, septembre 1959.

Cette déclaration qui appelle au référendum n’empêche pas la continuation de la guerre : les partisans de « l’Algérie française », l’extrême droite et l’OAS (Organisation Armée Secrète, groupuscule extrémiste hostile au gouvernement), continuent la lutte.

Enfin, en 1962, sont signés les Accords d’Evian qui prévoient, outre l’autodétermination, le maintien d’une union proche franco-algérienne.

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Mais les attentats aveugles contre les musulmans de la part de l’OAS font craindre aux Français d’Algérie de vieille souche (les pieds-noirs) des représailles sanglantes. L’OAS étant, par définition, « secrète », les chrétiens deviennent les cibles des indépendantistes. C’est par milliers qu’ils doivent prendre la route de l’exode vers la France, rendant illusoire l’objectif d’union et d’amitié.

Ben Bella prendra clairement la voie du socialisme et du parti unique avant d’être renversé en 1965 par Boumedienne qui s’orientera vers le non-alignement. Ce n’est qu’en 1989 que le FLN perdra son statut de parti unique. Mais les élections de 1991 qui consacreront le succès d’un parti islamiste (le F.I.S., Front Islamique du Salut) ouvrent la voie à de nouveaux problèmes liés à la montée du fanatisme religieux : l’islamisme intégriste, incapable de prendre le pouvoir par les urnes malgré un succès réel aux élections, continua sporadiquement ses actes de violence à l’encontre des populations civiles durant toutes les années 90, semant la terreur dans les villes et villages. Le régime reste aujourd’hui très instable.

En se prolongeant, cette guerre a accéléré la libération en Tunisie dont

Bourguiba devient président de la République en 1957.

Le Maroc, pour sa part, devient indépendant en 1956. On y instaure une monarchie constitutionnelle placée sous le règne de Mohammed V à qui succède

Hassan II en 1961 et depuis 2000, son fils, Mohammed VI.

Enfin, la Libye est un cas particulier au Maghreb : la défaite de l’ancienne puissance coloniale, l’Italie de Mussolini, a accéléré l’indépendance acquise dès 1951. Mais la monarchie est rapidement renversée par un Coup d’État fomenté

par le colonel Kadhafi. Ce dernier dirigea la République arabe populaire de Libye entre 1969 et 2011, lorsqu'il fut renversé et exécuté par des opposants à son régime lors de la guerre civile.Ce chef d’État a été régulièrement accusé de soutenir et d’entretenir des terroristes sur son sol. Plusieurs fois montré du doigt par les Américains, son pays bombardé, il fut considéré comme une cible par Washington avant de se montrer plus discret à partir des années 90.

c) L e Congo belge

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Dès 1955, certains intellectuels congolais, dont KASAVUBU, réclament l’indépendance. Dans cet immense pays, de nombreux partis régionalistes apparaissent et menacent l’unité future du territoire.

En 1958, LUMUMBA, craignant de voir disparaître l’unité du Congo, crée le Mouvement National Congolais.

La politique de la Belgique vis-à-vis du Congo est toute paternaliste et la puissance des intérêts économiques explique le refus d’envisager l’autodétermination. Malgré les beaux discours, les Africains ne peuvent quitter le pays. En outre, ils ne peuvent accéder à de véritables postes à responsabilités et occupent donc des emplois subalternes dans la bureaucratie coloniale et les grandes sociétés. Leur avancement dans l ‘armée est bloqué au stade de sergent…

« Oui, nous (les Belges) avons été, au Congo, des messagers de paix et de progrès. Oui, nous avons affranchi les Noirs des entraves des leur antique isolement et nous continuons à les conduire vers la civilisation totale. Oui, nous avons su « dominer pour servir », nous avons su agir en « peuple impérial ». Nos trois mille missionnaires en sont à eux seuls, un témoignage vivant (…) Certes, le missionnaire belge partant pour le Congo n’est pas un fonctionnaire. En soi, il ne cherche pas directement la grandeur de son pays, il est avant tout le serviteur de Dieu et des âmes. Mais quoi qu’il fasse, il reste un don de la Belgique aux Noirs du Congo, il s’encadre dans notre œuvre coloniale, il est l’un de ceux qui font des Belges un peuple généreux et il faut s’en réjouir.

Déclaration de missionnaires, 1947.

A Léopoldville (auj. Kinshasa) où sévissent chômage et pauvreté, les autorités belges doivent faire face à de gigantesques émeutes en 1959. Rapidement, on décide de fixer la date de l’indépendance au 30 juin 1960 .

Comme promis, le roi Baudouin proclame celle-ci. L’événement est suivi de la désignation de Kasavubu comme chef d’un État dont Lumumba est le Premier ministre.

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Les paroles de paix du jeune roi Baudouin contrasteront avec les mots durs de Lumumba. Dès cet instant, la méfiance des Occidentaux s'installera à l'encontre d'un homme charismatique mais soupçonné de sympathies avec Moscou.

"Nous avons connu le travail harassant exigé en échange de salaires qui ne nous permettaient ni de manger à notre faim, ni de nous vêtir ou de nous loger décemment, ni d'élever nos enfants comme des êtres chers. Nous avons connu les ironies, les insultes, les coups que nous devions subir matin, midi et soir, parce que nous étions des nègres...Nous avons connu nos terres spoliées au nom de textes prétendument légaux, qui ne faisaient que reconnaître le droit du plus fort, nous avons connu que la loi n'était jamais la même, selon qu'il s'agissait d'un blanc ou d'un noir...Qui oubliera, enfin, les fusillades où périrent tant de nos frères, ou les cachots où furent brutalement jetés ceux qui ne voulaient pas se soumettre à un régime d'injustice ?"

Lumumba, discours de l'indépendance du 30.06.1960

Très rapidement, l’absence de formation des cadres parmi les Congolais et, de facto, leur inexpérience dans la gestion d’un État moderne, plongent le pays dans l’anarchie. Désordre et misère caractérisent le pays. Les luttes entre chefs et régions s’installent : Tshombé tente, sans succès, d’établir un État indépendant dans la province du Katanga et Lumumba est assassiné (1961).

En 1965, le chef de l’armée nationale congolaise, le général Joseph Désiré MOBUTU (SESE SEKO), par un coup d'État militaire, prend le pouvoir et met fin, provisoirement, au désordre.

Chef unique d’un parti unique, il entreprend une politique de retour à l’authenticité visant à faire disparaître les traces de la colonisation belge. Ainsi, le Congo est rebaptisé Zaïre en 1971. Les villes changent de nom (Kinshasa pour l’ancienne Léopoldville ; Elisabethville devient Lumumbashi, Stanleyvilledevient Kisangani…). C’est la « zaïrianisation ». Retrouver la langue et la culture des ancêtres, gommer les décennies de colonisation et d’occidentalisation, chanter haut et fièrement son statut d'africain.

Le pouvoir de Mobutu a été caractérisé par l’enrichissement personnel du chef, de ses amis et des proches du gouvernement. Après plus de 30 années de

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pouvoir, le pays est ruiné et la misère est partout. Plus de routes, plus d’infrastructures. La débrouille est devenue le seul moyen de subsistance. Les Occidentaux ont aidé le chef congolais pendant des années : il était l’assurance du maintien des intérêts capitalistes dans le pays le plus riche d’Afrique. Avec la fin de la guerre froide et la fin du communisme, Mobutu devenait inutile. Les mannes de $ se sont taries et la misère s’est encore aggravée. Le système pyramidal de distribution d’argent permettait quand même la survie de grandes familles et une petite redistribution après « la part du lion ». Tout cela a prit fin rapidement dès le début des années 90.

L’un des opposants historiques à Mobutu, Laurent-Désiré KABILA, probablement aidé par les Américains, a renversé, début 1997, le chef tout puissant. Ce dernier, en exil, devait mourir peu après, dans une quasi indifférence…

Le Zaïre est devenu la « République démocratique du Congo ». La situation sociale du pays n’est guère meilleure. On espère toutefois une plus grande ouverture politique et un réel changement avec Joseph KABILA qui a succédé à son père assassiné en 2000.

Mais le scepticisme reste de mise : la richesse du sous-sol congolais suscite une énorme convoitise : des rebelles armés par la France, la Grande-Bretagne et les États-Unis, maintiennent un contrôle des zones sensibles. Ils viennent des pays voisins tels le Rwanda, sans qu’il y ait la moindre condamnation aux Nations Unies. Certaines mauvaises langues n’hésitent d’ailleurs pas à affirmer que le souhait des Occidentaux est bien de maintenir au pouvoir un homme incapable et faible, permettant un pillage systématique des richesses du pays. Au colonialisme belge aurait succédé, dans le silence, un néo-colonialisme dont quelques rares nantis seraient les bénéficiaires.

d) L’Afrique du Sud et l’apartheid

Cas très particulier que celui-ci. Sous administration britannique dès 1814, l’Afrique du Sud devait abolir l’esclavage en 1833, ce qui mécontenta les Boers (littéralement « paysans »), colons d’origine néerlandaise. Ces derniers, soucieux de garder leur indépendance, luttèrent contre la Couronne britannique désireuse

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d’imposer sa loi sur l’ensemble du territoire (« guerre des Boers », 1899-1902).

En 1948, année de la Déclaration universelle des droits de l’homme, sont légalisées, comme par défi, les lois d’ « apartheid » (=développement séparé). Cette politique raciale s’oppose ouvertement aux principes d’égalité et de coopération entre les races. Elle veut « préserver la race blanche et la civilisation occidentale » en évitant le métissage dans un pays où le rapport blancs/noirs est de 1 pour 5. En bref, les non-Blancs sont exclus de toute participation aux affaires locales et nationales ; ils sont séparés des Blancs dans tous les lieux et domaines où les contacts sociaux peuvent se manifester : bus, trains, lieux publics, écoles, hôtels… Les mariages mixtes sont, évidemment, interdits.

En 1961, après référendum, l’Union des États d’Afrique du Sud proclame la République et quitte le Commonwealth (au grand soulagement des Britanniques qui jugeaient cet « allié » pour le moins encombrant !)

Pendant de nombreuses années, malgré les pressions internationales, notamment économiques (boycott des produits du pays…) l’Apartheid est maintenu.

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Les choses devaient changer avec l’arrivée au pouvoir, en 1990, de Frédérik DE KLERK. Ce dernier, conscient des effets néfastes de ce régime sur l’économie la plus dynamique d’Afrique, devait prendre de multiples mesures positives qui menèrent, tranquillement, vers la fin de la ségrégation raciale en Afrique du Sud : libération du leader noir Nelson MANDELA ; négociation avec le plus important organisme noir de lutte contre le régime d’apartheid, le Congrès National Africain (A.N.C. en anglais) hors-la-loi depuis 1960…puis, enfin, abolition officielle de l’apartheid.

En 1994, Mandela est devenu Président de la République (jusque 1999) et De Klerk, vice-président. Le Prix Nobel de la paix leur a été décerné en 1993.

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Bien sûr, il serait naïf de croire que tout est réglé pour autant : les vieux réflexes racistes demeurent. Il faudra probablement attendre 20 ou 30 ans pour que ceux-ci, trop anciens et trop ancrés dans les mentalités, disparaissent définitivement.

5. L’AMERIQUE LATINE ENTRE LES ETATS-UNIS ET LA SUBVERSION COMMUNISTE

a) Introduction

Les États-Unis, dont les intérêts économiques et financiers sont très importants en Amérique latine, considèrent le continent comme leur chasse gardée en vertu de la Doctrine Monroe, énoncée en 1823 par le président James Monroe, et qui peut se résumer ainsi : « l’Amérique aux Américains ». Son objectif à l’époque était de s’adresser aux puissances européennes en pleine décolonisation de l’Amérique latine pour leur signifier que leur temps dans les affaires du continent était révolu22.

22 En fait, le discours de Monroe contient en germe les trois éléments constitutifs de la doctrine du même nom : des éléments de protection pour les États-Unis, des éléments de protection pour l'Amérique latine et des éléments d'hégémonie sur le continent. D’une part, l'Union américaine garantirait l'indépendance des pays hispano-américains, s'opposant à la reconquête par l'Espagne de ses anciennes colonies sur le continent, et à toute tentative dans ce sens de la part de toute autre puissance européenne. D'autre part, Monroe, proclamant la neutralité nord-américaine dans les affaires européennes, se retranchait dans la politique isolationniste qui allait caractériser les États-Unis dans leurs rapports avec l'Europe

Ainsi, représentant le rejet des systèmes politiques européens, la doctrine Monroe s’inscrit dans la dialectique d’une diplomatie isolationniste et interventionniste :

Isolationniste, tout d’abord, vis-à-vis des conflits et enjeux propres au vieux continent. Fidèle à l'esprit du premier président américain George Washington, qui prônait le retrait des États-Unis des affaires européennes lors de son discours d'adieu, Monroe réaffirme le choix américain de la neutralité à l’égard du continent européen.

Interventionniste d’autre part, dans le sens où l’Union va chercher à protéger activement ses intérêts continentaux, quitte à intervenir dans les événements latino-américains, malgré l’interdiction, contradictoire donc, de l'immixtion des Européens dans les affaires de l'hémisphère.

La déclaration de Monroe marque ainsi la naissance d’une diplomatie proprement américaine. 

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Depuis lors, les États-Unis se sont empressés de garder constamment un œil sur leurs voisins immédiats et n’ont jamais hésité, notamment en pleine guerre froide, à faire tout ce qui était en leur pouvoir pour éviter une implantation du « péril rouge » à leur porte.

Ils appuient ainsi des dictateurs « amis » comme le Cubain BATISTA ou les juntes militaires en place au Brésil. En pleine guerre froide, l’ingérence des États-Unis est celle d’un grand frère luttant, au nom de la liberté, de Dieu (et du business) contre les communistes athées. Les grandes sociétés américaines étant, du même coup, protégées de toute réforme, qu’elle soit agraire ou économique.

La révolution cubaine de 1959 et la mise sur pied par Fidel CASTRO et Ernesto « CHE » GUEVARA d’un régime marxiste-léniniste en Amérique risque de faire tache d’encre. Tout le monde sait l’attrait de cette idéologie pour les populations pauvres des sous-continents. Cuba devient vite un modèle pour les révolutionnaires latino-américains, les étudiants, les intellectuels et les miséreux de pays où règnent des dictatures oligarchiques23 marquées par la corruption généralisée et l’absence quasi totale du respect des droits de l’homme.

Pour les Américains - premiers conscients du problème - entre deux dictatures, on choisit la « moindre ». Le but premier de Washington est d’éviter une dérive communiste par n’importe quel moyen. De là, la justification aux yeux des Américains de l’opération « Baie des cochons » pour renverser Castro en 1961. De là aussi l’approbation au coup d’État militaire au Brésil. Le soutien à la dictature péruvienne, toute sanguinaire soit-elle. Ou encore l’aide logistique aux troupes anti-guérilla en Bolivie, celles-là même qui viendront à bout de Che Guevara en 1967. Les États-Unis peuvent même aller jusqu’à l’intervention directe pour mater une insurrection « libérale » et anti-américaine (par exemple en République dominicaine, sous Lyndon JOHNSON en 1965)24.

23 On entend par « oligarchie » (grec. Oligoi, peu nombreux, et arkhê, commandement), un régime politique où l’autorité est entre les mains de quelques personnes ou de quelques familles puissantes.24 On pourrait dater de cette période les origines de ce qui va devenir l’opération Condor : un vaste plan continental de répression fait d’assassinats, tortures... mis en place par les dictatures latino-américaines dans les années 1970-1980 contre les sympathisants communistes. C’est la découverte, par hasard, fin décembre 1992, de deux tonnes d’archives de la dictature Stroessner dans un commissariat de Lambaré, dans la banlieue d’Asunción (Paraguay), qui a permis de reconstituer les activités criminelles de ce réseau international. Le déclassement de documents de la CIA concernant le Chili, le 13 novembre 2000, a confirmé et précisé la teneur de ces « archives de la terreur ».

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Le Texan Lyndon Baines Johnson, Vice- Président de Kennedy, puis à la tête de l'État à partir de novembre 1963, après l’assassinat de Dallas. Réélu en 1964. C'est également lui qui impliquera les États-Unis de manière totale dans la guerre du Vietnam,

b) L’exemple du Chili (1973)

Moins directe qu’en République dominicaine, l’action américaine au Chili souligne l’étroite relation des intérêts économiques et des choix idéologiques. L’économie chilienne est soumise, comme ses voisins, à la puissance US dont les grandes firmes contrôlent plus de la moitié des mines de cuivre et une large part des mines de fer. La Bank of America domine le secteur bancaire et I.T.T. détient le monopole des installations téléphoniques.

En 1970, I.T.T. et la C.I.A tentent d’empêcher l’élection à la présidence du

socialiste Salvador ALLENDE.

Ce dernier est néanmoins élu lors d’élections libres. Devant le danger, aux yeux de Washington, que représente cet “ennemi” des États-Unis, une grande campagne de déstabilisation du gouvernement chilien est organisé avec des fonds américains : partis opposés, syndicats, journaux d’opposition reçoivent des mannes de $ et les prêts bancaires au Chili, même internationaux, sont suspendus sous la pression américaine et notammentde son président Richard NIXON.

En 1973, les actions conjointes du gouvernement US, de la C.I.A. et des multinationales, préparent, sans s’impliquer directement, le coup d'État militaire qui place le général Augusto PINOCHET au pouvoir25. Un régime de terreur suivra pour tous les opposants. Pour les Américains, si leur responsabilité est engagée dans ce basculement de régime, ils nieront toujours farouchement soutenir la dictature mise en place… ALLENDE, pour sa part, s’est suicidé dans son palais présidentiel lors du coup d'État. C’est la version officielle.

25En 1990, la commission vérité et réconciliation rapporte que le régime du général Pinochet a fait près de 2279 morts et disparus alors que 130 000 personnes ont été arrêtées pour des raisons politiques. En 1998, désormais sénateur à vie en tant qu'ancien président de la république, le général Pinochet se rend à Londres pour être hospitalisé. Il est alors mis en résidence surveillée suite à un mandat d'arrêt international émis par un juge espagnol. Son assignation à Londres durera deux ans obligeant le gouvernement du Chili à réclamer sa libération. De retour au pays, il est accueilli par des milliers de ses partisans à Santiago du Chili. Cependant, des poursuites judiciaires sont engagées contre lui. Elles seront périodiquement annulées en fonction de l'état de santé du général Pinochet.

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V. UNE SOCIETE EN EBULLITION : LES ANNEES 60

1, LES SIXTIES AUX ETATS-UNIS

a) “Guerre à la pauvreté”

Au début de son mandat en janvier 1961, le président des États-Unis, John KENNEDY propose un programme ambitieux pour son pays : “Nouvelle Frontière”. Il s’agit à la fois d’un programme spatial mais également social. Il s’agit d’une part de combler le retard américain en matière spatiale par rapport à l’URSS. Il faut en effet se souvenir qu’à l’époque, l’ennemi idéologique détient une incontestable supériorité dans ce domaine. Pour les Soviétiques, ceci démontre la supériorité du socialisme sur le capitalisme… Le Spoutnik lancé dans l’espace en 1957 a été le premier satellite artificiel. Et l’URSS s’apprête maintenant à envoyer le premier homme dans l’espace (Youri GAGARINE).

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Pour les États-Unis, ce retard devient gênant et le président lui-même fait voter des crédits importants pour l’agence spatiale américaine (NASA) afin de lui permettre de réaliser un rêve ultime avant les ennemis : envoyer un homme sur la lune.

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A côté, est prévu un programme social basé sur la promotion de l’enseignement public, la protection médicale, l’extension de l’assurance chômage et l’augmentation du salaire horaire au travail.

Peu de mesures pourtant verront le jour. Au delà du clivage entre démocrates et républicains26, il existe par ailleurs une forte tendance conservatrice dans le Sud des États-Unis. Ceci explique le veto des démocrates de cette région, en principe pourtant alliés du président. Toutefois, avec l’assassinat de Kennedy le 22 novembre 1963 et le traumatisme que cela entraîna, son successeur (pourtant un conservateur du Sud, Lyndon JOHNSON) se décida à reprendre en partie le programme de son prédécesseur disparu. Ainsi naît “ Grande Société” qui a été, malgré d’immenses lacunes, le plus grand effort d’assistance jamais entrepris aux États-Unis pour les plus démunis. Ce programme arracha près de 10 millions d’Américains à la pauvreté. Mais la révolte des minorités raciales et des universités minimisa fortement sa portée aux yeux de l’opinion publique.

b) Révolte des ghettos

26 Il n’existe pas, à la différence de l’Europe, de réel clivage « gauche-droite » au niveau économique aux États-Unis. La fracture se fait plutôt entre « libéraux » et « conservateurs » au niveau moral, les deux tendances étant représentées aussi bien chez les républicains que chez les démocrates. Traditionnellement toutefois, les démocrates sont plus favorables que les républicains à un rôle plus important de l'État et notamment à l’aide publique. Les républicains estimant que le dynamisme économique doit permettre à tous de trouver un emploi et d’avoir un niveau de vie décent. Sans ou avec un minimum d’aides de l'État.

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La situation des minorités aux États-Unis, en particulier la minorité noire, laisse peu de chance d’accession à des métiers en vue et bien payés. C’est avec l’aide de l’armée que KENNEDY impose enfin l’admission du premier étudiant noir dans une Université du Mississippi. Règne alors un système légal de ségrégation raciale qui fait des populations noires, des citoyens de seconde zone. Et cette réalité est manifeste dans le Sud, patrie du coton, des esclaves noirs d’antan et du Ku Klux Klan, illuminés racistes, qui voient dans l’homme noir un descendant de Cham, fils de Noé, maudit dans les textes bibliques.

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Il faut attendre 1964 et la Loi sur les Droits civiques imposée par JOHNSON pour reconnaître enfin l’égalité de tous les Américains et mettre fin, en théorie, à la ségrégation. Il y aura des résistances importantes et l’application de cette loi - résultat du combat non-violent mené par le pasteur baptiste noir Martin Luther KING27 - ne sera effective dans le Sud que progressivement.

Et tous les problèmes ne furent pas résolus. Loin de là. Aujourd’hui encore, la situation des Afro-américains reste préoccupante par rapport aux autres minorités qui vivent dans le pays. Plus de chômage, plus de gens en prison, plus de morts violentes.

27 I have a dream (Je fais un rêve) est à la fois le nom du discours le plus célèbre de Martin Luther King et une partie importante de l'American Civil Rights Movement. Cette phrase, ce cri d'espoir est illustre bien au-delà des États-Unis, à travers le monde entier. Le discours fut prononcé sur les marches du Mémorial Lincoln pendant la Marche vers Washington pour le travail et la liberté à Washington DC le 28 août 1963. Dans ce discours, King exprime avec toute la force de son éloquence son vif désir d'une Amérique où Blancs et Noirs coexistent harmonieusement en tant qu'égaux.

« I say to you today, my friends, so even though we face the difficulties of today and tomorrow, I still have a dream. It is a dream deeply rooted in the American dream.

I have a dream that one day this nation will rise up and live out the true meaning of its creed: “We hold these truths to be self-evident: that all men are created equal.”

I have a dream that one day on the red hills of Georgia the sons of former slaves and the sons of former slave owners will be able to sit down together at a table of brotherhood.

I have a dream that one day even the state of Mississippi, a desert state, sweltering with the heat of injustice and oppression, will be transformed into an oasis of freedom and justice.

I have a dream that my four little children will one day live in a nation where they will not be judged by the color of their skin but by the content of their character. I have a dream today !! »

Ce qui donne en français :

« Je vous dis aujourd'hui, mes amis, bien que nous devions faire face aux difficultés d'aujourd'hui et de demain, je fais quand même un rêve. C'est un rêve profondément enraciné dans le rêve américain.

« Je fais un rêve, qu'un jour, cette nation se lèvera et vivra la vraie signification de sa croyance : “Nous tenons ces vérités comme allant de soi, que les hommes naissent égaux.”

« Je fais un rêve, qu'un jour, sur les collines de terre rouge de la Géorgie, les fils des anciens esclaves et les fils des anciens propriétaires d'esclaves pourront s'asseoir ensemble à la table de la fraternité.

« Je fais un rêve qu'un jour, même l'État du Mississippi, un désert étouffant d'injustice et d'oppression, sera transformé en une oasis de liberté et de justice.

« Je fais un rêve, que mes quatre jeunes enfants habiteront un jour une nation où ils ne seront pas jugés sur la couleur de leur peau, mais par le contenu de leur caractère. Je fais un rêve aujourd'hui !! ».

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Face aux injustices, à côté de la lutte non-violente, d’autres, plus radicaux, se levèrent pour mener un combat révolutionnaire allant même jusqu’au

séparatisme : c’est le cas de MALCOLM X ou encore des Black Panthers qui exalteront la négritude et le “pouvoir noir” (Black Power28)

c) Contestation et révolte culturelle

Enfants du “baby-boom”, le nombre de jeunes explose à la fin des années 60, en pleine guerre du Vietnam. Les 14-24 ans sont 27 millions en 1960. Ils seront 40 millions en 1969…

Issue des classes moyennes, de l’opulence de la Grande Société et de l’économie florissante des Golden Sixties, cette génération accède en masse à l’Université mais ne tarde pas à en dénoncer son fonctionnement, les implications militaires de la recherche scientifique et la mainmise du business sur les universités privées et prestigieuses de l’est du pays.

Des mouvements anti-guerre se multiplient sur les campus, et notamment sur celui de la plus célèbre université publique du pays : Berkeley, près de San Francisco (dès 1964).

28 Cette photo célèbre de 1968, sur le podium du relais 4X100 m des Jeux olympiques de Mexico, permit de faire découvrir au monde la réalité des tensions raciales aux États-Unis, malgré les progrès réalisés. Le poing brandi et ganté de noir était le signe de ralliement des sympathisants d’un mouvement de lutte qui prônait clairement la violence pour acquérir le « pouvoir noir ».

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Lorsqu’on passe le cap des 10.000 tués au Vietnam, en 1967, et que la conscription réclame 50.000 hommes par mois (10 fois plus qu’en 1964), déserteurs et insoumis se multiplient et manifestent partout.

Le mouvement “hippy” (hip = “branché” en argot des jazzmen américains) exprime par le slogan “ Peace and Love” tout aussi bien le refus de la guerre que des valeurs qui l’ont engendrée. De ce pacifisme des années 60 sortira le mouvement écologiste et antinucléaire. Quant au respect des différences, exaltées par ce mouvement, il donne enfin la parole aux “exclus”, tels les homosexuels.

A la même époque se dessine un mouvement de contestation des femmes. Dans La Femme mystifiée (1963), Betty Friedan dénonce le conformisme de l’après-guerre, l’ennui des banlieues, l’aliénation de la femme au foyer. Alors que les femmes des années 60 constituent 90 % des opératrices téléphoniques, elles ne représentent que 8 % des médecins et 3 % des juristes. Dans le même temps, à emploi égal, elles gagnent en moyenne 40 % de moins que les hommes. Le féminisme n’est pas un phénomène nouveau, mais avec ces années, les mouvements qui lutteront pour l’égalité se multiplieront. La pilule contraceptive et une nouvelle liberté sexuelle, l’accès aux études pour toutes, l’indépendance financière… permettent à la femme d’être plus libre et d’exprimer ce besoin fondamental qui perturbera évidemment les habitudes de vie.L’anticonformisme devient un véritable phénomène de masse. La Beat Generation29 avec Jack KEROUAC et Allen GINSBERG influence la poésie alors que des écrivains jugés jusqu’alors indécents, comme Henry MILLER, sont enfin reconnus.

Le théâtre privilégie l’expression corporelle, l’improvisation et la participation du public aux représentations. Les films dénoncent l'absurdité de la guerre, la corruption des politiciens, les abus du pouvoir, la société traditionnelle. Dans les années 50 déjà, des films annonçaient la remise en cause du conformisme et la révolte des jeunes dont l’incarnation la plus marquante est James DEAN ( A l’Est d’Eden ; La Fureur de vivre).

29 Mouvement littéraire et artistique des années 50-60 aux USA caractérisé par le refus de la société industrielle ; la volonté de retrouver ses racines dans le voyage (On the Road, J. Kerouac) ; la méditation (influence du bouddhisme zen) et les expériences extatiques (drogues).

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Le pop art 30(ou art populaire), avec Andy WARHOL comme figure de proue, donne naissance à une peinture et une sculpture originales, utilisant souvent les matériaux de la société de consommation comme supports artistiques (ex. des bouteilles de Coca Cola…).

Le Rock des années 50, continuellement enrichi la décennie suivante, exprime les aspirations de la jeune génération. Les “Protest songs” se

popularisent avec Joan BAEZ et surtout Bob DYLAN. Le Rock “acide” (Jimi HENDRIX, Janis JOPLIN, Jim MORRISSON…) exalte la vie communautaire, la révolte, le pacifisme et l’évasion dans la drogue (“l’acide”). Le festival de Woodstock en 1969 marque l’apogée musicale de la contestation et de la révolte culturelle.

Joan Baez et Jimi Hendrix

2. EN FRANCE30 Le terme désigne des œuvres picturales qui célèbrent le consumérisme. Andy Warhol en est la figure emblématique en composant des œuvres quasi photographiques, vouées à des personnages ou à des objets de la vie quotidienne.

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a) Introduction

En France également l’agitation gagne les étudiants du « baby boom ». Sur le campus de Nanterre, édifié à la hâte pour décongestionner l’Université de Paris, un mouvement de révolte se développe dès 1967, mettant en cause le système universitaire inadapté à l’enseignement de masse.

Au début de l’année 1968, avec à sa tête Daniel COHN-BENDIT,

elle devient une contestation violente et radicale contre « l’Université bourgeoise ». Admirateurs du modèle chinois, les étudiants de gauche se réclament d’un marxisme-léninisme interprété selon la pensée de Mao et de son Petit Livre rouge. Ils appellent à « l’union des étudiants et des ouvriers pour servir le peuple ». Certains vont travailler en usine pour y militer auprèsdes travailleurs.

Un courant « tiers-mondiste » s’inspire de Che Guevara qui vient de mourir en plein combat pour la Bolivie (1967) ; d’autres exaltent la libération sexuelle… Tous s’en prennent à l’impérialisme américain au Vietnam.

b) Mai 68   : une révolution manquée   ?

Au début de mai, des incidents opposent étudiants et forces de l’ordre : les barricades du quartier latin à Paris sont prises d’assaut par la police.

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Les brutalités policières, relayées par les médias, entraînent grèves de protestation des syndicats de gauche et des nombreux sympathisants : 800.000 personnes manifestent avant qu’une grève générale suivie par 9 millions de travailleurs finisse par paralyser complètement le pays.

Dans l’exubérance politique ou poétique, les slogans les plus divers recouvrent les murs. La société est une fleur carnivore. La culture est l’inversion de la vie. Je prends mes désirs pour la réalité, car je crois en la réalité de mes désirs. La plus belle sculpture, c’est le pavé de grès, le lourd pavé cubique, c’est le pavé qu’on jette sur la gueule des flics. Sous les pavés, la plage. La marchandise est l’opium du peuple. Le veau testataire est le fils d’un con (allusion à la phrase prêtée à De Gaulle : « Les Français sont des veaux ») L’humanité ne pourra être libérée que lorsque le dernier capitaliste, sociologue, professeur, gaulliste, ancien combattant, député aura été pendu avec les tripes du dernier bureaucrate, syndicaliste, gauchiste, pacifiste, contribuable, militant. Il est interdit d’interdire.

Les appels à la révolution se multiplient et le Président DE GAULLEne peut calmer les choses. Il décide alors de jouer un énorme coupde poker : dissoudre, comme il en a le droit, l’Assemblée nationaleafin d’organiser des élections anticipées.

Les partis traditionnels se regroupent tous derrière la personnalité du Chef de l'État, garant des institutions françaises et de la démocratie. En face, une multitude de partis de gauche qui symbolisent un changement radical de société et qui, finalement, sont les leaders d’une révolution incontrôlable.

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Les élections de juin 1968 constituent un vrai plébiscite pour le chef de l'État et les mouvements révolutionnaires sont nettement battus. 1968 démontre clairement que l’immense majorité de la population française, la « France profonde », malgré des moments de sympathie pour le mouvement estudiantin, est conservatrice et a peur de l’inconnu.

On ne peut pourtant nier des changements profonds dans la société française – et occidentale en général. Ces années 60 ont été une époque de fracture, de transformation profonde des mentalités.

La crise de mai 68 a partout contesté (…) le modèle hiérarchique, autoritaire, qui continuait à régir l’État et les institutions sociales. Rien, ou presque, ne fut épargné : partis, syndicats, églises, familles… Petit à petit la législation a corrigé ses caractères les plus surannés : un abaissement de la majorité à dix-huit ans, loi sur l’interruption volontaire de grossesse, libertés syndicales dans l’entreprise… (…) Ce fut souvent un concours d’irréalisme dont cette génération est bien revenue dans l’ensemble. L’important était ailleurs : dans la transformation des mœurs, dans les nouvelles formes de vie sociale et politique : l’écologie, le féminisme, la critique de l’enfermement, les poussées d’autogestion. Toutes ces mutations n’avaient pas la France seule pour théâtre. Toutes les sociétés occidentales les ont vécues. Mais selon ses habitudes historiques, la France leur a ouvert la voie par un mouvement tumultueux, né du manque d’adaptation et de souplesse d’un pouvoir fort, de style patriarcal, ayant tendance à infantiliser les citoyens ».

Michel Winock, Les Folles Années 1963-1973, L’ Histoire, n° 61, novembre 1983.

VI. PROCHE-ORIENT   : FOYER DE TENSION PERMANENTE

1. ISRAEL ET LE REVEIL DU MONDE ARABE

a) Introduction

L'idée de restaurer l'État juif en Palestine a pris une force nouvelle à la fin du XIXè siècle. Victimes de nombreuses mesures discriminatoires, particulièrement en Europe, de pogroms périodiques en Russie, et de poussées d'antisémitisme comme en France (Affaire Dreyfus), des Juifs, bénéficiant de l'appui du Fonds national juif (1901), vinrent s'installer en Palestine, plus ou

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moins clandestinement. En 1909 est fondée Tel-Aviv, à côté de la ville arabe de Jaffa.

En face, presque tous les États du Proche-Orient ont en commun une même langue, une même religion (musulmane), le rêve d'un grand royaume d'Arabie et le rejet des Juifs (et plus particulièrement du mouvement de retour de ces derniers vers la terre d'origine = sionisme, du nom d'une des montagnes de Jérusalem : Sion).

Après la première guerre mondiale, la Société des Nations (SDN) transforma en territoires sous mandat les anciennes colonies allemandes et certaines régions de l'Empire ottoman ("L'homme malade de l'Europe"), respectivement au Traité de Versailles (1919) et au Traité de Sèvres (1920). Parmi ces territoires, une bonne partie du Proche-Orient (dont la Palestine) fut placé sous mandat britannique.

Alors que le Fonds national juif continuait à acheter des terres pour des colons (la forme d'exploitation la plus courante est le Kibboutz, communauté collective où tout est en commun : logement, loisirs, repas, éducation des enfants, soins médicaux, renoncement à la propriété privée et au salaire...), les premiers heurts sanglants éclatèrent entre Juifs et Arabes vivant sur cette même terre de Palestine.

b) Naissance d’un État et d’une nation   : Israël

Dès 1917, par ce qu'on nomme la Déclaration Balfour, Lord Balfour, ministre des Affaires étrangères de Grande-Bretagne, s'était montré favorable à l'établissement d'un foyer national juif en Palestine, terre dont le peuple juif avait été chassé dès le IXè siècle avant notre ère, mais surtout par la conquête romaine (Ier et IIè siècles), la conquête islamique (VIIè s.) puis les croisades chrétiennes (XIè-XIIIè), dispersant ainsi la communauté juive dans le monde31 (Rappelons également que les Hébreux étaient arrivés en Palestine venant d'Égypte vers 1200 av-J.C, menés par Moïse en "Terre promise" (= "L'Exode" ).

Avec la politique raciste d'Hitler et les Lois de Nuremberg (1935), une nouvelle vague d'immigration doubla la population juive en Palestine, ce qui provoqua une révolte arabe (1936) et décida les Anglais à limiter cette immigration. Les Juifs répliquèrent en recourant à l'action « terroriste » contre les fonctionnaires britanniques et les civils arabes.

Malgré la "Solution finale" et la découverte du génocide juif en 1945, la politique de la Grande-Bretagne ne changea pas : en 1947, les britanniques refusèrent de laisser débarquer les 4500 Juifs d'un navire sur les côtes palestiniennes (= épisode de l'Exodus). Devant les protestations et la violence de l'organisation militaire Irgoun, les Britanniques, dépassés, laissèrent à l'ONU nouvellement créée le soin de régler le problème.

31 C’est ce qu’on nomme la diaspora juive, ensemble des Juifs qui vivent dans le monde.

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«Nos ennemis nous traitaient de «terroristes». Et pourtant nous n'étions point des terroristes. L'origine historique et linguistique du mot terreur pris dans son acception politique prouve qu'il ne peut pas s'appliquer à une guerre révolutionnaire de libération. Une révolution peut donner naissance à ce que l'on appelle terreur comme ce fut le cas en France (...). Mais la révolution n'est pas la terreur, et la terreur n'est pas la révolution (...). Son objectif est de renverser un régime et d'en installer un nouveau à la place. Dans une guerre révolutionnaire les deux camps recourent à la force. La tyrannie est armée. S'il n’en était pas ainsi, elle serait liquidée en une soirée. Les combattants de la liberté doivent s'armer : à défaut, ils seraient liquidés en une nuit (...).

Les combattants de l'Irgoun se lèveront pour renverser un régime et le remplacer. Nous avons employé la violence physique parce que l'on nous opposait la violence physique. Mais la violence physique n'était ni notre but ni notre credo. Nous croyions à la supériorité des forces morales (...). Mais qu'est-ce qu'une lutte pour la dignité humaine, contre l'oppression et l'asservissement, peut avoir de commun avec le «terrorisme» ? En réalité, notre but était exactement le contraire du terrorisme. L'essence même de notre lutte était faite de la détermination que nous avions de libérer notre peuple de son mal le plus grave : la peur. Comment pouvions-nous continuer à vivre dans ce monde hostile où le Juif était attaqué parce qu'il était un Juif, comment pouvions-nous continuer à vivre, sans armes, sans patrie, sans moyens élémentaires de défense ?

M. BEGIN, La révolte juive, La Table Ronde, 1971, pp. 77-79.

Le 29 novembre 1947, l'ONU décréta la division de la Palestine en 3 parties et 2 États :

1) État juif (55 % du territoire)2) État arabe (la Jordanie)3) Jérusalem sous contrôle international.

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Ce plan, accepté par les Juifs fut rejeté par les Arabes. Ceci n'empêcha pas David BEN GOURION de proclamer l'indépendance de l'État d'Israël (14 mai 1948) :

" ERETZ-ISRAËL (Le Pays d'Israël) est le lieu où naquit le Peuple juif. C'est là que se forma son caractère spirituel, religieux et national. C'est là qu'il acquit son indépendance et créa une culture d'une portée à la fois nationale et universelle. C'est là qu'il écrivit la Bible (note : Thora) et en fit don au monde.

Exilé de Terre sainte, le Peuple juif lui demeura fidèle tout au long de sa Dispersion et il n'a jamais cessé de prier pour son retour, espérant toujours la restauration de sa liberté politique.

Mus par ce lien historique et traditionnel, les Juifs s'efforcèrent au long des siècles de revenir dans le pays de leurs ancêtres (...).

La catastrophe nationale qui s'est abattue sur le peuple juif, le massacre de six millions de Juifs en Europe, a montré l'urgence d'une solution au problèmede ce peuple sans patrie, par le rétablissement d'un État juif qui ouvrirait ses portes à tous les Juifs et referait du peuple juif un membre à part entière de la famille des Nations. (...)

Le 29 novembre 1947, l'Assemblée générale des Nations Unies a adopté une résolution demandant la création d'un État juif en Palestine et invité les habitants de Palestine à prendre les mesures nécessaires pour l'exécution de cette résolution. Cette reconnaissance, par les Nations Unies, du droit du Peuple juif à créer son État est irrévocable.

C'est là le droit naturel du peuple juif d'être, comme toutes les autres

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nations, maître de son destin sur le sol de son propre État souverain. (...)L' ETAT D'ISRAËL sera ouvert à l'immigration juive et aux Juifs venant

de tous les pays de leur Dispersion ; il veillera au développement du pays pour le bénéfice de tous ses habitants ; il sera fondé sur la liberté ; il assurera la plus complète égalité sociale et politique à tous ses habitants sans distinction de religion, de race ou de sexe ; il garantira la liberté de culte, de conscience, de langue, d'éducation et de culture ; il assurera la protection des Lieux saints de toutes les religions et sera fidèle aux principes de la Charte des Nations Unies (...).

NOUS DEMANDONS - face à l'agression dont nous sommes l'objet depuis quelques mois - aux habitants arabes de l'État d'Israël, de préserver la paix et de prendre leur part dans l'édification de l'État, sur la base d'une égalité complète de droits et devoirs, et d'une juste représentation dans tous les organismes provisoires et permanents de l'État. (...)

NOUS DEMANDONS au peuple juif dans sa Dispersion de se rassembler autour des Juifs d'Israël, de les assister dans la tâche d'immigration et de reconstruction et d'être à leurs côtés dans la grande lutte pour la réalisation du rêve des générations passées : la rédemption d'Israël.

Confiants en l'Éternel Tout Puissant, nous signons cette Déclaration en cette séance du Conseil Provisoire de l'État, sur le sol de la Patrie dans la ville de Tel-Aviv, cette veille de Sabbath, 5 Iyar 5708, 14 mai 1948".

Le Temps présent. Le XXe siècle depuis 1939, collectif Bordas, Paris, 1983, pp. 152-153.

La constitution de l'État d'Israël date de 1949 : elle instaure une république

parlementaire dont les députés de la Knesset (Chambre) sont élus au suffrage universel pour 4 ans. Le président a des pouvoirs limités. Installé d'abord à Tel-Aviv, le gouvernement israélien siège, depuis 1980, à Jérusalem.

c) Les conflits israélo-arabes

Dès après cette indépendance, les membres de la Ligue arabe créée en 1945 (Égypte, Irak, Syrie, Liban et Transjordanie) attaquent le nouvel État. C'est la première guerre israélo-arabe, dite "guerre d'indépendance" (mai 1948-juillet 1949).

Les Israéliens sont victorieux partout, occupent le Néguev et réduisent le territoire dévolu normalement aux Arabes. C'est aussi le premier exode de milliers de Palestiniens qui se réfugient dans des camps au Liban, en Syrie, en Cisjordanie (sous administration jordanienne) et dans la bande de Gaza (sous administration égyptienne).

L'Égypte se pose alors en défenseur du monde arabe vaincu et humilié en 1949. En 1955, son leader, Nasser instaure un blocus en Mer Rouge contre les bateaux israéliens. En 1956, alors que le Canal de Suez est nationalisé pour financer la construction du barrage d'Assouan, Israël brise le blocus et pénètre à Gaza et dans le Sinaï. C'est la deuxième guerre israélo-arabe. Sous la pression des "Grands", il doit évacuer mais obtient la liberté de navigation en Mer Rouge.

L'État hébreu va vivre en paix quelques années. Ensuite, on assiste à une recrudescence des attentats palestiniens par l'Organisation de Libération de la Palestine (OLP, créée en 1964). La Syrie devient de plus en plus belliqueuse vis-à-vis de l'État d'Israël. Aussi, les Israéliens bombardent Damas (1967). En guise de représailles, l'Égypte ré instaure le blocus en Mer Rouge. Du

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6 au 12 juin 1967, les aviations égyptienne, syrienne et jordanienne sont détruites au sol par les Israéliens. C'est la Guerre des Six jours. L'État hébreu conquiert le Sinaï, Gaza, la Cisjordanie, le Golan et Jérusalem Est, territoires sur lesquels vivent des milliers de Palestiniens en exil.

L'ONU décrète alors qu'aucun territoire ne peut être occupé par la force et

exige le retrait des troupes israéliennes des territoires occupés. C'est la célèbre Résolution n° 242. Toutefois, le refus arabe de négocier donne à Israël l'occasion de maintenir son occupation.

La quatrième guerre israélo-arabe est la Guerre du Kippour (1973), du nom de la fête juive du Yom Kippour. Dans cette situation de "ni guerre ni paix", la tension reste énorme. Le successeur de Nasser (mort en 1970), Anouar EL-SADATE, met sur pied une opération militaire avec les Syriens dans le Sinaï. Pour la première fois, les grandes puissances s'en mêlent directement : l'URSS soutient l'Égypte et les États-Unis Israël.

L'État hébreu conforte rapidement ses positions et intensifie sa politique de colonisation dans les zones occupées. Face à cette nouvelle déconvenue, les pays arabes producteurs de pétrole, pour punir les occidentaux de leur soutien à l'État hébreu, décident un embargo sur les exportations de "l'or noir". C'est le premier choc pétrolier qui fait flamber le prix du pétrole, paralyse les entreprises occidentales et plonge l'Europe et les États-Unis dans la crise économique. En Belgique, on vivra notamment les dimanches sans voiture.

En 1974, l'ONU admet le droit des Palestiniens à l'indépendance en dehors de l'État d'Israël et Yasser Arafat est reconnu comme représentant de l'OLP (qu'il préside depuis 1969).

Peu à peu, le président égyptien Sadate accepte l'idée d'une paix. En 1977, il effectue une visite historique à Jérusalem où il rencontre les députés israéliens et leur parle de paix. De leur côté, les Israéliens ne rejettent pas l'idée d'une discussion sur le problème, mais il est hors de question

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d'entamer des pourparlers avec l'OLP. Dans sa charte, cette organisation a pour but premier la destruction de l'État hébreu.

« Aucune force au monde ne pourra nous contraindre à négocier avec l'OLP (Organisation de Libération de la Palestine) qui aspire à la destruction de l'État d'Israël. Cela ne veut pas dire que nous refusons une présence palestinienne à la table de conférence. Je dis «oui» aux Palestiniens, mais «non» à l'OLP».

Déclaration d'un diplomate israélien, 1977.

A l’instigation du président américain Jimmy CARTER (1976-1980), et plus particulièrement de son secrétaire d'État Henry Kissinger, la paix est signée entre Menahem BEGIN, l'israélien (à droite) et l'égyptien SADATE (à gauche) : ce sont les Accords de Camp David (États-Unis) signés en 1979 et qui prévoient la fin de l'état de guerre, le retrait des forces armées israéliennes du Sinaï et l'établissement de relations normales entre les deux pays. Par cet acte, un pays arabe reconnaît le droit à l’existence d’Israël.

Des leaders arabes (dont le Libyen KADHAFI) et l'OLP accusent Sadate de trahison : il sera assassiné en 1981.

Cette première avancée vers la paix n'empêcha pas la reprise de la tension, surtout après l'assassinat de Sadate et le durcissement israélien qui suivit.

La Jordanie avait été la base de l'OLP d'Arafat pendant de nombreuses années. C'est de là que l'organisation mettait sur pied ses actions terroristes, aussi bien en Israël qu'ailleurs (ex : l'attentat aux J.O. de Munich en 1972, où 12 athlètes israéliens sont abattus). Mais le Roi Hussein de Jordanie, lassé des représailles israéliennes, devait contraindre l'OLP à s'installer ailleurs. Le Liban fut le nouveau pays d'accueil.

Le Liban est un des seuls pays arabes où les fedayins palestiniens (les combattants de l'OLP) ont pu aménager, notamment à Beyrouth, des bases d'entraînement et bénéficier d'une totale liberté d'action.

En 1975, cette présence terroriste est dénoncée par les chrétiens libanais lassés des représailles israéliennes. Elle est défendue, par contre, par les musulmans attachés à un Liban qu'ils considèrent comme appartenant au monde arabe et donc solidaire de la cause palestinienne. Une guerre civile oppose dès

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lors les deux parties, la Syrie entrant dans le conflit et contrôlant bientôt le Nord du pays. Ensuite, le Liban devient la cible du gouvernement Begin, décidé à en finir avec l'OLP. Israël envahit le pays. L'opération «Paix en Galilée» de 1982 amène le départ forcé des combattants d'Arafat et leur dispersion dans plusieurs pays arabes comme condition de son retrait. La guerre du Liban se prolongera de nombreuses années : le pays, partagé entre Syriens, Chrétiens de moins en moins nombreux et Musulmans, a perdu son indépendance et tout doit être reconstruit. Les événements de 2006, dont nous reparlerons, ont un air de « déjà vu ». Un parallèle intéressant peut-être fait avec cet épisode.

a) Les Intifada pour un retour de l’espoir------------------------------------------

L'année 1987 connaît une nouvelle aggravation du conflit israélo-palestinien avec l'Intifada (soulèvement en arabe). Les Palestiniens des territoires occupés (surtout la Cisjordanie et la bande de Gaza) se révoltent contre la confiscation des terres par Israël. Le fait d'être des citoyens de seconde zone, aussi bien économiquement que politiquement, les poussent à s'opposer aux forces israéliennes avec leurs moyens limités : les pierres. La «révolte des pierres» est réprimée, mais rappelle au monde la souffrance d'un peuple prisonnier sur une terre qui est aussi la sienne.

En 1992, l'arrivée au pouvoir du parti travailliste, plus ouvert aux négociations, ramène l'espoir. Yitzhak Rabin, le chef du nouveau gouvernement de l'État hébreu, accepte d'ouvrir la voie à un règlement politique du conflit. Des ministres norvégiens (la Norvège est réputée neutre dans ce conflit) organisent des négociations qui aboutiront aux «Accords d'Oslo» : l'idée de l'autonomie des Palestiniens (à Gaza et Jéricho d'abord) devient officielle. Parallèlement, Yasser ARAFAT, qui a déjà renoncé au terrorisme, reconnaît officiellement l'existence de l'État d'Israël. Les leaders se rencontrent à Washington pour une poignée de main historique, sous l'égide du président CLINTON et pour parapher les accords de paix.

De gauche à droite Rabin, Clinton et Arafat.

Un second accord étendra l'autonomie palestinienne en Cisjordanie (1995).Quelques jours plus tard, RABIN est assassiné par un extrémiste juif.

Le n°2 du parti travailliste, Shimon PEREZ, prix Nobel de la paix, en compagnie de Rabin et Arafat (1994) subit, à la surprise générale, une défaite électorale qui devait propulser au pouvoir le Likoud, des conservateurs plus que réservés sur les accords de paix. Le nouveau gouvernement de Benyamin Netanyahou a, de fait, relancé la colonisation juive en Cisjordanie. S'y ajoutent les partis religieux soutenus par l'extrême droite israélienne, la pauvreté de la

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population arabe qui n’a rien à perdre et les terroristes palestiniens fanatiques (comme le groupe Hamas), qui ont toujours refusé de discuter avec un pays qu'ils rêvent de détruire depuis sa création... Le gouvernement plus modéré de Barak d’abord puis nettement plus dur d’Ariel SHARON n’ont pu mettre fin à la

violence.

ARAFAT était accusé de miner toute chance de dialogue en ne contrôlant pas les terroristes arabes. Ce dernier fit remarquer que la politique israélienne, parce qu'elle continuait à privilégier la colonisation illégale de zones palestiniennes, était responsable de la détérioration de la situation.

La victoire du Hamas32 lors des premières élections démocratiques palestiniennes n’a rien arrangé. Pour Israël, il n’est pas question de discuter avec un groupe prônant la lutte armée contre l'État hébreu. Entre temps le Hezbollah33, qui défend les mêmes thèses depuis le Sud Liban a été pris pour cible par Tsahal (l’armée israélienne) en représailles aux attaques menées contre Israël. La colonisation de la Cisjordanie est poursuivie par le gouvernement conservateur de Benjamin Netanyaou. La paix espérée lors des Accords d’Oslo semble bien loin…

2. LA REVOLUTION ISLAMIQUE (1979)

En Iran, le Shah Mohammed REZA, « despote éclairé » allié des Américains, espérait faire de son pays une puissance moderne à l’occidentale. Mais les contrastes sociaux, les excès de la police politique et l’opposition de la philosophie du pouvoir avec la foi islamique chiite entraînèrent des émeutes sanglantes.

32 Le Hamas (en arabe : حماس - « ardeur » ou « ébullition », qui est l'acronyme de: Harakat al-Muqawama al-Islamiya ou حركة المقاومة االسالمية, ce qui signifie « Le mouvement de résistance islamique ») est le plus important mouvement islamiste palestinien actuel. Hamas est sur la liste des organisations terroristes de l'Union européenne, du Canada, des États-Unis, d'Israël mais pas sur celle de la Russie. Les attaques de sa branche armée visent les militaires et les civils israéliens. Le mouvement a créé un vaste réseau d'assistance sociale dans la Cisjordanie et dans la Bande de Gaza. Le Hamas remporte les élections législatives palestiniennes de 2006.

33 Le Hezbollah, fondé en 1982, (en arabe حزب الله ḥizbu-llāh, « Parti de Dieu »), est un mouvement politique chiite libanais possédant une branche armée qui fut à l'origine de sa création. Le Hezbollah est considéré comme un mouvement de résistance par la Syrie, l'Iran et une partie du monde arabo-musulman, et comme une organisation terroriste par la plupart des pays occidentaux et Israël (même si l’Union européenne n’a pas trouvé d’accord sur le sujet).

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Abandonné par son armée et sa police, le Shah d’Iran abdique et quitte son pays (janvier 1979).

Un guide religieux (un Ayatollah), exilé en France, mais très populaire dans son pays revient en Iran pour y installer un État théocratique34 en proclamant la république islamique. L’islam intégriste, déjà au pouvoir en Arabie Saoudite, s’impose donc. Sous le régime de l’Ayatollah KHOMEINY, l’Église et l’État ne font qu’un. Les guides religieux sont les vrais chefs de l’État dont les règles sont exclusivement basées sur le respect de l’islam, même dans ses côtés les plus obscurantistes. Sa propagation agressive à travers le monde en est l’objectif ultime. En Iran même, les musulmans « progressistes » (les moujahidins) et les communistes sont pourchassés.

34 Du grec theos, Dieu et kratos, pouvoir, puissance. C’est un régime politique dans lequel le pouvoir est considéré comme venant directement de Dieu, et exercé par ceux qui sont investis de l’autorité religieuse.

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L’affaire des otages (fin 1979 – début 1981) va marquer clairement les rapports entre l’Iran et l’Occident, et en particulier entre l’Iran et les États-Unis que Khomeiny décrit comme étant le « Grand Satan ». Pendant plus d’un an, sous l’administration du président Jimmy CARTER, les Iraniens prendront en otage le personnel de l’ambassade américaine à Téhéran, narguant et humiliant ainsi la première puissance occidentale. La « mollesse » de Carter lui coûtera son élection en 1980 face au discours musclé de son adversaire Ronald REAGAN (1980-1988).

Ronald Reagan et son épouse Nancy

L’Iran de l’Ayatollah Khomeiny (1980)

« Récusant aussi bien le modèle capitaliste que le modèle socialiste qui jusqu’à présent se sont partagé le monde, la révolution iranienne se présente non seulement comme un exemple pour les autres pays musulmans, mais surtout comme le fer de lance de la lutte des peuples du Tiers Monde contre l’impérialisme... C’est une véritable décolonisation, non seulement à l’égard de l’emprise militaire, politique ou économique, mais aussi de l’emprise culturelle, les valeurs de l’Occident ou celles de l’Union soviétique, fondées toutes deux sur l’hégémonie du « matériel », étant complètement rejetées au profit de valeurs spirituelles et morales. Le but de l’ayatollah Khomeiny est d’établir en Iran la société islamique idéale, celle qui existait au VIIème siècle en Arabie, sous Mahomet et son gendre Ali, une société fondée sur le tohid, principe de l’unité de Dieu et de l’Univers, qui a pour conséquence l’égalité de tous les hommes ».

L. Mourad, L’an I de la révolution islamique, 1980.

Le modèle islamique (1982)

« (...) Il est indéniable que le monde musulman cherche aujourd’hui à reconstituer son identité et sa personnalité, et à retrouver son « authenticité », tout en manifestant la ferme volonté de recouvrer la libre disposition des ressources naturelles. Il y a quelques années, on pouvait se demander si l’islam allait bien résister en tant que civilisation devant l’industrialisation et la modernisation. Aujourd’hui, les modèles représentés par les deux mondes dominants ont perdu leurs attraits : l’Occident représente un univers sans unité, sans volonté et sans morale, noyé dans la société de consommation, alors que le monde soviétique paraît non seulement athée, mais triste et morne. Le nationalisme musulman n’est pas seulement la recherche d’une libération politique, mais surtout d’une indépendance économique et culturelle ».

J. Burlot, La civilisation islamique, 1982.

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3. LA GUERRE IRAN - IRAK (1980-1988)

KHOMEINY, qui veut imposer la « guerre sainte », se tourne alors vers son voisin, l’Irak de Saddam HUSSEIN dont le régime laïc « socialisant » est une barrière à l’expansion islamique au Proche-Orient.

En pleine tension, c’est pourtant l’homme fort de Bagdad qui prend l’initiative d’étendre son territoire en attaquant, le premier, le régime de Khomeiny. La guerre dure huit ans (1980-1988) et oppose deux régimes caractérisés par la soif de puissance.

Du côté occidental, craignant surtout le fanatisme, on aidera clairement Saddam dans cette guerre de tranchées qui fera un million de victimes et dont ne sortira ni vainqueur ni vaincu. Le paradoxe de la diplomatie expliquera le revirement occidental face au même Hussein quelques années plus tard lors de la première guerre du Golfe.

La mort du chef spirituel de l’Iran en 1989 n’a pas changé grand chose à l’anti-américanisme fanatique de Téhéran. Les E-U continuent à prétendre que c’est là en Iran, mais aussi en Irak et en Libye, que se trouvent les responsables des attentats dont sont victimes les citoyens américains dans le monde depuis de nombreuses années : (catastrophe aérienne de la Pan-Am à Lockerbie en Ecosse, 1988 ; premier attentat du WTC à New York, 1993 ; explosions contre des bases américaines en Arabie Saoudite et au Kenya à partir de 1996 et enfin les attentats des Twin Towers au WTC de New York le 11 septembre 2001).

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VII. L’EFFONDREMENT DU SYSTEME SOVIETIQUE

1. INTRODUCTION

Le communisme en Europe Centrale (Pologne, RDA, Hongrie, Tchécoslovaquie, Roumanie, Bulgarie) avait été en grande partie imposé par l’URSS après la deuxième guerre mondiale. Les « peuples frères » qui voulurent se soulever contre cette mainmise politique se heurtèrent aux partis communistes en place, à la puissance des polices politiques et aux troupes du Pacte de Varsovie (Hongrie en 56 ; Prague en 68).

Malgré la parenthèse de l’ère KHROUCHTCHEV (1956-1964), le successeur de Staline, durant laquelle la « guerre froide » connaît quelques moments de détente dans la coexistence pacifique, la lourdeur de l’appareil soviétique, sa rigidité caractériseront les règnes suivants de Léonid BREJNEV (1964-1982) et de ses éphémères successeurs, les vieillards ANDROPOV (1982-1984) et TCHERNENKO (1984-1985).

L’arrivée au pouvoir, en 1985, d’un « jeune » licencié en droit de l’Université de Moscou, Mikhaïl GORBATCHEV, 54 ans, va constituer un tournant décisif pour l’avenir du communisme.

A travers la transparence de l’information (« glasnost ») et les

restructurations économiques, sociales et politiques d’un pays à la dérive (« perestroïka »), une véritable révolution s’engage en URSS et – de facto – dans les pays jusqu’alors sous contrôle.

1989 est l’année clé de ces transformations radicales :

l’Afghanistan, sorte de « Vietnam soviétique » (1979-1989) est évacué : l’Armée Rouge y était embourbée depuis 10 ans. Les anticommunistes afghans, fanatiques religieux, y prendront le pouvoir (les Talibans).

L’Europe de l’Est se libère puisque cette fois, on laisse aux peuples le droit de s’exprimer sans faire intervenir les chars :

a) le multipartisme apparaît en Hongrie et la frontière avec la partie occidentale du continent (Autriche) est ouverte : le « rideau de fer » connaît une première brèche.

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b) en Pologne, les élections libres consacrent le triomphe du syndicat « Solidarnosc » (Solidarité) et de son leader, un ouvrier catholique

anticommuniste Lech WALESA.

c) des manifestations en R.D.A qui fête les 40 ans de son existence entraînent un résultat stupéfiant : la foule prend le Mur de Berlin d’assaut. Cet affreux symbole de la division de l’Allemagne, de l’Europe et du monde tombe un soir de novembre 1989 (le 9).

d) le Roumain Nicolae CEAUSESCU, hué par sa population lors d’un discours public, est renversé, jugé sommairement et exécuté à la Noël avec son épouse.

e) en Tchécoslovaquie, l’écrivain Vaclav HAVEL, emprisonné quelques mois plus tôt pour avoir rendu hommage à l’étudiant Jan Palack qui s’était immolé par le feu lors du Printemps de Prague, est libéré et Alexander DUBCEK, leader de ce même Printemps, réapparaît en public. C’est la révolution de Velours. Toutefois, le Pays va doucement aller vers une séparation à l’amiable le 31 décembre 1992 et faire naître 2 États indépendants : la République de Tchéquie et la République de Slovaquie.

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Vaclav Havel et Alexander Dubcek

f) en Yougoslavie, le régime en place, bien qu’indépendant de Moscou, est également communiste et connaît les mêmes problèmes. La fédération yougoslave éclate en morceaux suite aux revendications indépendantistes des nombreux peuples et religions qui la composent (Serbes, Croates, Slovènes, Bosniaques, musulmans, chrétiens catholiques et orthodoxes, minorités albanaise, hongroise et roumaine). Alors que les choses se passent bien entre Tchèques et Slovaques, les vieilles rancœurs mises au frigo par la poigne de fer de TITO jusqu’en 1980, puis par un régime communiste dur dans les années qui suivent, refont surface. Les luttes pour le contrôle des territoires à forte minorité serbe ou croate sont les lieux d’affrontements sans merci qui conduiront à des crimes de guerre et à l’intervention des Casques bleus de l’ONU pour maintenir un semblant d’ordre (au Kosovo notamment et en Macédoine).

2. L’URSS ET LA RUSSIE DE 1953 A NOS JOURS

a) L’ère Nikita KHROUCHTCHEV (1953/56 - 1964)----------------------------------------------------

1) Dans le rapport secret du XX° Congrès du Parti communiste (PCUS) en 1956, Khrouchtchev dénonça la dictature de Staline, mort en 1953, et ses excès :

"Staline n'agissait pas par persuasion, par explication... mais en imposant ses idées... Staline fut à l'origine de la conception de "l'ennemi du peuple". Ce terme... rendit possible la répression la plus cruelle, violant toutes les normes de la légalité révolutionnaire contre quiconque était en désaccord avec Staline... Il a été établi que sur les 139 membres du comité central qui avaient été élus au 17è congrès, 98 avaient été arrêtés et fusillés (la plupart en 1937/1938)...

Et quand il fut procédé à l'examen des cas de ces soi-disant "espions" et "saboteurs", on découvrit que leurs procès avaient été montés de toutes pièces".

2) Dans le domaine international, avant de se lancer en juillet 1961 dans un réarmement massif en réplique au programme de surarmement de Kennedy, Khrouchtchev essaya de faire prévaloir le principe selon lequel, à l'âge du nucléaire, les deux superpuissances devaient apprendre à coexister. C'est ce qu'on nommera la coexistence pacifique, politique qui déplaira très fortement au puissant allié chinois, Mao Tsé-toung qui accepte très mal toute concession aux "puissances impérialistes". En 1964, la rupture est totale avec la Chine. Par ailleurs, Khrouchtchev est également touché par l'échec soviétique

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lors de l'Affaire de Cuba. Ses ennemis qui n'appréciaient guère ces échecs et une politique jugée trop conciliante vis-à-vis des occidentaux le forcèrent à démissionner en 1964. Il mourut oublié en 1971.

b) La période Léonid BREJNEV (1964-1982).--------------------------------------------

Le bilan de ce pur et dur du système peut se résumer assez simplement :

1) La doctrine de la souveraineté limitée élaborée à la fin du Printemps de Prague en 1968, interdit pratiquement toute initiative économique et politique aux pays satellites de l’URSS (Hongrie, Tchécoslovaquie, Pologne, République démocratique allemande (RDA), Roumanie, Bulgarie).

2) L'URSS a égalé la puissance militaire américaine.

3) Toute opposition intérieure a été étouffée.

4) Politiquement, ce fut une période marquée par le statu quo et qui se termina dans la stagnation, le pays étant, de plus en plus, dirigé par des vieillards.

c) Youri ANDROPOV (12 novembre 1982- 9 février 1984).------------------------------------------------------------

Ancien chef du KGB, peu connu, on sait qu'il est âgé (68 ans) et malade. En politique intérieure, il se révèle un réformateur inspiré par le modèle économique hongrois, accordant plus d'autonomie aux entreprises. En politique, il remplace les officiels du Parti les plus incompétents et les plus corrompus (purges) et révèle de nouveaux visages dont le plus célèbre est Mikhaïl GORBATCHEV, 52 ans, qu'il paraît choisir comme successeur.

d) Konstantin TCHERNENKO (13 février 1984- 10 mars 1985).----------------------------------------------------------------

L'élection de cet ancien compagnon de BREJNEV, âgé de 72 ans, semble résulter d'un compromis entre conservateurs et réformateurs dont l'heure va toutefois arriver.

e) Mikhaïl GORBATCHEV (11 mars 1985- 24 août 1991).-----------------------------------------------------------

Dès son arrivée à la tête du Comité central du parti communiste d’URSS, il se trouve face à une situation économique et sociale préoccupante : productivité très faible ; taux de mortalité en hausse ; alcoolisme généralisé. Il dénonce le système du plan quinquennal et réclame plus d'initiative et de créativité.

1) La Glasnost ou transparence permet la libération des prisonniers politiques, parmi lesquels le physicien "père" de la bombe H soviétique, Andrei SAKHAROV, Prix Nobel de la Paix 1975. Même si c’est tardivement, l'information

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passe également lors de la catastrophe nucléaire de Tchernobyl, en Ukraine (avril 1986).

2) La perestroïka ou restructuration concerne des réformes profondes dans les domaines économique, politique, social et spirituel, "GORBY", comme les Occidentaux l'ont nommé, promettant de faire passer une loi garantissant la liberté de conscience.

3) Dans le domaine international, un traité américano-soviétique de désarmement nucléaire est signé (1988). Toutes les fusées américaines et soviétiques déployées en Europe disparaissent.

4) L'intervention soviétique en Afghanistan - menée depuis décembre 1979, afin de soutenir un " régime ami" contre une guérilla anticommuniste - cesse. Les troupes soviétiques évacuent le pays en 1989.

5) Dans le domaine économique et social toutefois, la nomenklatura35 affolée de perdre ses privilèges, se déclare hostile aux reformes et reçoit le soutien d'une bonne partie de la population déboussolée: les "réformes" économiques de GORBATCHEV se déroulant sur fond de déclin de la production, de la qualité des produits, d'un retard considérable au niveau technologique, distribution... avec, ce qui n'arrange rien, une crise économique presque mondiale et une machine étatique lourde empêchant de réels changements profonds. Bref, le Prix Nobel de la Paix 1990, soutenu chez nous, doit faire face chez lui à une double opposition : celle des conservateurs qui voudraient un retour aux "bonnes vieilles méthodes", et les plus réformateurs, Boris ELTSINE en tête, qui estiment que malgré certaines réformes, GORBATCHEV reste un défenseur de l'idéologie communiste, ce que ce dernier ne nie d'ailleurs pas.

En août 1991, les opposants aux réformes organisèrent un coup d'État qui entraîna la démission de Gorbatchev et, par un hasard de l'histoire, propulsa à la tête du pays Boris Eltsine, bien plus réformateur que lui !

En 1992, l’URSS fut démantelée et les États qui la composaient retrouvèrent leur indépendance. Certains d'entre eux décidèrent de conserver des liens étroits sous forme de ce qu'on nomma "Communauté des États Indépendants" (C.E.I.).

f) La Russie de ELTSINE (12 juin 1992- décembre 1999) et de son successeur, Vladimir POUTINE

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35 La Nomenklatura (номенклату́ра) est un terme russe pour désigner l'élite du parti communiste de l'Union soviétique. Le terme désignait péjorativement l'ensemble des privilégiés (principalement les notables du PCUS et leurs familles) qui détournaient et accaparaient à leur profit les avantages de la société soviétique.

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Le 12 juin 1992, Eltsine devint le premier président du plus grand État de la C.E.I. : la Russie. Il renforça la politique de réforme économique en accélérant la privatisation des entreprises industrielles et commerciales ; et en permettant une économie plus libérale à l'américaine qui, malgré de nombreuses résistances et tentatives de renversement du régime, reste d'actualité.

g) Conclusions-------------

Le long passé totalitaire de la Russie, aussi bien sous le tsarisme que pendant la période soviétique, n'a jamais laissé à la population beaucoup de libertés individuelles. L'initiative et la responsabilité personnelles furent interdites par l'État en même temps que la propriété privée. La population soviétique était tenue de suivre la ligne officielle définie par le Parti, sous peine de sanctions morales, voire de privation de liberté. Avec l'introduction de la glasnost (transparence) et de la perestroïka (restructuration) dans les années 80, les Russes ont découvert l'entreprise privée, l'initiative personnelle et la prise de risque. Alors que certains profitent déjà des facilités que leur offre le nouvel environnement économique, d'autres se demandent si les méthodes de l'ère soviétique n'étaient pas meilleures : ils n'avaient pas à se soucier de leur avenir et un certain niveau de vie leur était garanti. Si le système actuel a permis d'accroître le nombre et la variété des biens offerts, les prix ont grimpé, les garanties sociales ont disparu, le chômage a explosé et reste important, le crime orchestré par une mafia toute puissante et le racket ont fait leur apparition.

Les difficultés d'adaptation au nouvel environnement économique ont favorisé la résurgence d'un énorme sentiment nationaliste : cette ancienne superpuissance ne fait plus peur à personne, alors qu'elle était respectée et crainte. Elle tente bien de conserver une certaine influence (ainsi la guerre en Tchétchénie qui doit empêcher l'indépendance de la multitude de peuples qui composent encore la Russie) mais sa dépendance économique vis-à-vis des occidentaux est une humiliation mal supportée par bien des Russes. Ne sachant plus trop à quels saints se vouer, ceux-ci se tournent vers une multitude de sectes et d’associations dangereuses qui profitent du désarroi et du chaos actuels pour s’enrichir et tenter de contrôler un pays qui, par certains aspects, semble à la dérive.

Enfin, la santé précaire de Boris ELTSINE était un élément déstabilisateur de plus : certains craignant une situation anarchique si ce dernier devait disparaître. Heureusement, le chef de l’État russe prenait les devants en décembre 1999 en désignant celui qui devait continuer l’œuvre entreprise de redressement : Vladimir POUTINE.

Si on excepte quelques dérapages dans le domaine politique et des droits

de l’homme, au niveau économique le cap des restructurations se poursuit et le marché s’ouvre de plus en plus aux investisseurs étrangers.

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Malgré la relation amicale qui s’est construite avec les États-Unis de l’ère Clinton, la tension est réapparue depuis la position russe concernant la guerre en Irak. Poutine ayant soutenu clairement la position franco-allemande d’opposition à la guerre, les relations entre Moscou et Washington se sont fortement tendues. Poutine est, par ailleurs, loin de faire l’unanimité par une personnalité qui, sous certains aspects, rappelle les dictateurs d’hier.

Enfin, le rapprochement de certaines ex-républiques soviétiques (comme l’Ukraine) avec l’Union européenne dans le domaine diplomatique gène considérablement la Russie qui entend conserver sa zone d’influence en Europe orientale. Même si Moscou s’en défend, l’arme du pétrole et surtout du gaz dont le pays est abondamment pourvu est (et sera) utilisée à la carte contre les Européens s’ils rechignent à tenir compte de cette réalité.

Poutine est resté au cœur du pouvoir après la durée légale de sa présidence en tant que nouveau Premier ministre russe. Son successeur à la présidence, MEDVEDEV sembla bien effacé. On considère généralement qu'il n'était qu'un homme de paille et que le vrai maître du pays n'a guère changé. Le nouveau tsar, comme on le surnomme, a repris la fonction de chef d’État depuis 2012 et reste très populaire en jouant sur le patriotisme (nationalisme plutôt) très développé chez les Russes. Son mandat est déjà marqué par l'annexion de la Crimée et les sanctions européennes et américaines qui touchent son pays.

VIII. UNE CONSEQUENCE DE LA FIN DU COMMUNISME   : LA NAISSANCE D’UNE «   HYPERPUISSANCE   »

1. INTRODUCTION

Les États-Unis sont, aujourd’hui, la seule superpuissance dont le système économique, idéologique et social est en passe de devenir le « standard » universel de référence. Son poids dans les institutions internationales est tel que son gouvernement y établit souvent les règles à son propre profit – et les change lorsqu’elles ne lui conviennent plus. Une politique qui fait grincer des dents, y compris chez certains alliés traditionnels qui voient dans ces manœuvres une tentative claire de contrôle de l’économie et de la pensée planétaires. Pour les États-Unis d’aujourd’hui, même si ses citoyens s’en défendent, la morale a cédé clairement le pas au pur intérêt financier. Les frustrations des autres sont énormes et peuvent virer clairement vers l'anti-américanisme fanatique, comme nous en avons fait l’expérience lors des attentats du 11 septembre 2001.

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La vision américaine est dans la droite ligne de la pensée de Hobbes36 : le monde est dur et il faut donc se protéger contre le mal, par la force de sa puissance. Une vision qui est aujourd’hui, dans le monde occidental, surtout propre aux anglo-saxons.

Du côté européen c’est une vision kantienne37 qui s’impose : elle ne nie pas les problèmes mais pense les régler progressivement par le dialogue, la tolérance et la diplomatie. Réalisme pour les uns et naïveté pour les autres… Pour paraphraser un ouvrage célèbre de John Gray, Les hommes viennent de Mars, les femmes viennent de Vénus, on pourrait dire que les Américains viennent de Mars et les Européens de Vénus. A côté de cela, le différentiel de puissance économique, technologique, militaire et diplomatique est tel que nous ne luttons plus à armes égales. Le futur proche restera américain, qu’on le déplore ou qu’on s’en réjouisse, et ce tant que l’Europe ne poussera pas plus loin son intégration et que la Chine n’aura pas atteint son développement économique maximum. Et encore : si les États-Unis sont endettés, n’oublions pas que c’est dans leur propre monnaie ; une monnaie que la banque centrale américaine (La Federal Reserve ou « Fed ») peut faire fluctuer selon les intérêts du moment. Enfin, on estime qu’à travers les fonds de pension, les actions des particuliers, celles des entreprises et des sociétés de placement, les Américains détiennent pratiquement 50 % de toutes les richesses boursières de la planète ! Il faudra donc être patient avant que d’autres voix aient suffisamment de poids pour se faire entendre en cas d’opposition.

Les exemples de domination de cette hyperpuissance unique dans ce monde devenu unipolaire sont multiples. Les institutions internationales en sont le premier cadre.

a) L’ONU ---------

L’ONU qui devrait avoir la priorité dans le règlement des conflits est régulièrement critiquée par les Américains qui s’en servent si elle hausse le ton, mais la rejettent et annoncent des opérations unilatérales régulières en cas de « mollesse ». Attitude totalement en contradiction avec la Charte des Nations Unies. Aujourd’hui, il est vrai, le conseil de sécurité n’étant plus bipolaire (la Chine elle-même étant très discrète), les Américains ont les mains libres pour y imposer souvent leur point de vue.

Toutefois, des tensions peuvent naître et montrer alors les frustrations de Washington : la position minoritaire des États-Unis dans l’affaire irakienne été très mal vécue par l’administration Bush et l’opinion publique américaine. On pouvait comprendre l’importance de laver l’affront du 11 septembre pour les Américains. Mais les cibles visées ne pouvaient, pour certains alliés, frapper un pays (malgré l'horreur du régime de Saddam Hussein) qui n'était nullement une « menace terroriste ».C’est ce qui devait expliquer l’opposition de beaucoup de pays à cette opération. Les manifestations massives à Rome, Paris, Londres ou Madrid n'empêchèrent pas sa mise sur pied. Les « mensonges » de justification de l'administration Bush (présence d'armes de destruction massive en Irak) pèseront longtemps sur les relations entre « alliés ». Ils renforcèrent sans doute 36 Philosophe politique anglais (1588-1679)37 Emmanuel Kant est un philosophe allemand des Lumières (1724-1804)

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encore un peu plus la méfiance de ceux qui voient dans ce pays, « phare de la liberté », une machine de domination mondiale. L'anti-américanisme est souvent lié à ses dirigeants, comme le montre ce graphique.

Graphique recomposé de l'image des États-Unis en Europe occidentale 1999-2009. D’après Pew Research Center Publications, Confidence in Obama Lifts U.S. Image Around the World, http:// pewresearch.org/pubs/1289/global-attitudes-survey-2009-obama-lifts-america-image, page consultée le 8 août 2009.

b) L’Organisation mondiale du commerce (OMC)--------------------------------------------------

Ici aussi les exemples ne manquent pas : il y a quelques années, des constructeurs d’avions européens virent leur demande de fusion refusée par les États-Unis sous prétexte de concurrence déloyale. En cause, la participation de certains États nationaux dans ces industries. En 1997, ces mêmes Américains imposèrent une fusion gigantesque entre Boeing, alors n°1 mondial et Mc Donnell Douglas, n°3… créant ainsi une situation de quasi-monopole à laquelle seul Airbus a pu prendre des parts importantes du marché dans le domaine de l’aviation civile.

Plus tard, le président George W. Bush a instauré une taxe spéciale sur l’exportation aux États-Unis d’acier non américain. L’industrie sidérurgique américaine est en plein marasme depuis des années. Mais à la différence de l’européenne, elle a refusé de se moderniser et de se restructurer. Proche de l’écroulement, elle se protège de façon illégale, bafouant toutes les règles du commerce mondial avec l’aval du gouvernement américain lui-même.

c) Le Fonds Monétaire International (FMI)------------------------------------------

Cet organisme, qui a son siège à Washington, a pour but d’aider par un prêt les pays en difficulté. Les Américains, qui prêtent peu, imposent régulièrement le choix de ces prêts. Leurs conditions sont claires : les entreprises US doivent être particulièrement bien accueillies dans les pays élus…

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d) La contradiction Chine/Cuba-------------------------------

La politique américaine à l’égard de ces deux pays montre bien que les intérêts commerciaux priment nettement sur une quelconque morale.Ces deux États sont aujourd’hui une sorte d’anachronisme dans un monde où le communisme s’est effondré. Les droits de l’homme y sont régulièrement bafoués et le système du parti unique et de la planification économique reste de mise. Pourtant, Washington a pour la Chine « les yeux de Chimène »… En cause, l’immense marché potentiel que ce pays, le plus peuplé du monde, représente. Alors que Fidel Castro reste un ennemi irréductible de l’Amérique et de ses valeurs (jusqu'à la très récente ouverture initiée par Raul Castro et Barack Obama), que l’embargo commercial est toujours en place pour étouffer le régime cubain, les visites des dirigeants US en Chine sont généralement très « chaleureuses » et « prometteuses »… La Chine s’est aujourd’hui ouverte au capitalisme dans certaines régions – condition sine qua non au retour de Hong Kong, ancienne colonie britannique, dans son giron en 1997 – mais dans les campagnes, les plans quinquennaux sont toujours d’actualité et les dirigeants communistes chinois s’accrochent tant qu’il le peuvent au pouvoir.

e) Conclusion-----------

Il y a quelques années, un peu après la chute du communisme, l’Europe et le Japon semblaient être des concurrents solides face aux Américains. Aujourd’hui, le constat est flagrant : les États-Unis sont largement en tête dans le domaine de la technologie de pointe, contrôlent l’information, « cocacolarisent » les pays du monde et imposent un mode de vie qui fait rêver une partie de la population planétaire. Le Japon a connu une énorme crise économique et l’Europe qui se construisait fait du surplace et reste ainsi désunie. La Chine devient un nouvel eldorado. Et les Américains y ont, là aussi, une longueur d’avance en creusant leur propre déficit commercial : pour 1$ vendu en Chine par les États-Unis, la Chine vend pour 10 $ aux Américains. En bref, ce sont ces derniers, en premier, qui permettent le décollage du pays le plus peuplé du monde. D'ailleurs, en retour, la Chine achète déjà la majorité de la dette américaine.

1. LES ETATS-UNIS DE L’APRES-GUERRE JUSQU'À 1963.

a) Introduction-------------

Vainqueurs de l'Allemagne et du Japon, les États-Unis se trouvaient chargés de responsabilités auxquelles ils n'étaient guère préparés. La création de l'ONU en 1945 n'empêcha pas la tension extrême entre les États-Unis et l'Union soviétique. La doctrine Truman et le plan Marshall, la riposte soviétique avec le blocus de Berlin et la construction du "Mur de la honte", marquent en Europe les oppositions idéologiques. La tension n'est pas moindre ailleurs, et particulièrement en Extrême-Orient : alors que le Japon doit s'accommoder de l'occupation militaire américaine, sous le commandement du général Mac Arthur, la Chine connaît la guerre civile entre les tenants des deux régimes rivaux de Tchang-Kaï Chek et de Mao Tsé-toung. Le premier, soutenu par les États-Unis,

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doit se réfugier sur l'île de Taïwan en 1949. Échec américain qui sera répété lors de l'expérience malheureuse et inutile de la guerre de Corée (1950-1953). b) Prospérité et tension

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Les inquiétudes à l'extérieur ont des répercussions à l'intérieur du pays. Si la reconversion de l'économie de guerre à l'économie de paix s'est bien effectuée ; si pour éviter les attirances vers le modèle soviétique, le président Truman fait passer un programme de réformes sociales inspiré du New Deal, l'atmosphère, reflétant les tensions extérieures, est empoisonnée par des affaires d'espionnage et une propagande anti-communiste aussi caricaturale que peuvent être les informations du côté des ennemis.

A force de crier "aux loups", l'opinion eut tendance à attribuer les échecs de la politique américaine à une foule de prétendus communistes qui, tout en noyautant les services officiels du pays, livraient des secrets à l'Union soviétique.

C'est sous l'impulsion du sénateur Mac Carthy que la paranoïa anti-communiste atteindra son comble (jusqu'à ce qu'on se rende compte du peu de crédibilité de ces accusations).

c) Le maccarthysme ---------------------

Définition

"C'est la croisade anti-communiste qui eut lieu aux États-Unis entre 1946

et 1954. A partir de 1950, c'est le sénateur républicain du Wisconsin Joseph Mac Carthy qui en prit la tête. La croisade avait été initialement lancée en 1946 par le chef du FBI, Edgar J. Hoover puis reprise par les républicains".

Effets

En 1953, 8 millions d'Américains travaillant directement ou indirectement pour l’État étaient sous la menace permanente d'une enquête. En comptant les familles, cela faisait plus de 20 millions de personnes, soit 10 % de la population de l'époque. Sur le plan extérieur, le maccarthysme (nommé également "chasse aux sorcières") et ses excès ternirent la réputation des États-Unis. On peut citer quelques cas célèbres tels le savant atomiste Julius Oppenheimer, l'acteur Charles Chaplin ou le cas plus dramatique (mais avéré) des époux Rosenberg condamnés puis exécutés pour espionnage au profit de l'URSS

a) La période des illusions ---------------------------

A part le maccarthysme, l'après-guerre se caractérise par un optimisme outrancier, par des illusions. On croit :

a) au progrès social illimité par la négociation et le consensus;b) à la vérité obtenue par la science;

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c) à la rationalité : en utilisant la science lors de problèmes pratiques, ceux-ci seront résolus efficacement. Bref, les Américains croient au progrès perpétuel.

b) Le premier traumatisme : l’assassinat de John F. Kennedy ------------------------------------------------------------------

Le plus jeune président des États-Unis fut assassiné à Dallas, au Texas, le 22 novembre 1963. Les conclusions de l'enquête officielle confiée à la Commission Warren avaient de tels points faibles que les circonstances exactes du drame ne furent jamais élucidées. La théorie retenue à l'époque fut celle qui devait conclure à l'acte isolé d'un détraqué : Lee Harvey Oswald.

Cet événement choqua profondément les Américains. Plus de la moitié de la population fut victime de troubles psychosomatiques dans les heures qui suivirent. Il marqua le début d'une crise de confiance qui allait s'aggraver par la suite avec :

les assassinats de Martin Luther King, pasteur noir et président du Mouvement national pour le progrès des noirs (NAACP) et, la même année 1968, de Robert Kennedy, frère de John, alors qu'il était en campagne électorale les émeutes raciales des années 60 le Vietnam le Watergate les échecs des présidences Ford et Carter...1. LA CRISE DE CONFIANCE (1963-1980)

a) Le Sud et le problème noir -------------------------------

L'assassinat de Kennedy, premier (et seul) président catholique, porta à la magistrature suprême le texan Lyndon Baines Johnson. Un sudiste à la présidence, voilà encore une nouveauté après un catholique à la présidence. Il développa la guerre du Vietnam et , sur le plan intérieur, lutta contre les inégalités (projet de "Grande Société").

La loi sur les droits civiques en faveur des noirs, qui devait leur apporter l'égalité des droits par rapport aux blancs, fut votée sous Johnson, en 1964. Elle fut suivie de manifestations d'Américains descendus du Nord dans le "Vieux Sud" pour la faire appliquer, les habitants du coin étant farouchement opposés à cette remise en cause des habitudes de la région. Cette loi n'empêcha pas des émeutes d'éclater dans la plupart des grandes villes les années suivantes (1966-1967-1968). L'intégration n'était plus alors un problème politique mais social. L'isolement des minorités, surtout afro-américaines; leur manque de postes à responsabilité; la pauvreté qui les touche plus que n'importe qui dans le pays expliqueraient, d'après certains, la délinquance et la violence qui gangrènent cette minorité.

b) La guerre du Vietnam ---------------------------

Rappelons-nous qu'à l'origine, il y avait le vaste mouvement de libération nationale qui toucha les colonies européennes après la guerre. C'était le cas de

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l'Indochine.La défaite française à Dien Bien Phu (1954) devait aboutir à la scission du

Vietnam en deux États le long du 17è parallèle : le Vietnam du Sud du dictateur Diem, et le Vietnam du Nord, communiste.

Les nombreuses actions communistes au sud poussèrent Diem à faire appel à l'aide U.S., avec les conséquences que l'on sait : escalade en hommes (16000 "conseillers militaires" en 1961; 540000 soldats en 1967), "trou d'enfer" et retraite américaine entérinant la victoire des troupes d'Hô Chi-Minh qui se marqua par la réunification du Vietnam sous un régime communiste (1975). Bilan américain : 60000 morts et 300000 blessés).

En 1969, la proportion des Américains opposés à la guerre du Vietnam dépassa les 50 %, chiffre qui devait croître continuellement jusqu'à la fin du conflit (64 % en 1974). Les sentiments les plus répandus à ce sujet - en tout cas jusqu'à la guerre du Golfe - sont la honte de la défaite et des atrocités ainsi que la volonté d'oubli.

En conséquence, en politique extérieure, l'opinion publique s'opposa à toute nouvelle guerre; le Congrès se donna les moyens légaux d'empêcher le Président de tenter toute nouvelle aventure militaire sans son accord (Acte des Pouvoirs de Guerre, 1973). Enfin, le prestige du pays fut largement entamé.

En ce qui concerne la politique intérieure : le pouvoir présidentiel fut affaibli au profit du Congrès; la confiance des Américains dans leur gouvernement devait en prendre un coup; le désengagement militaire sous la pression de l'opinion publique sembla être une victoire pour la démocratie aux États-Unis.

c) Nixon et le Watergate --------------------------

C'est contre toute attente que ce républicain conservateur, ami de Mac Carthy, et convaincu de multiples falsifications, fut élu en 1968. Ancien Vice-président d'Eisenhower, il traînait pourtant derrière lui une réputation de perdant : battu par Kennedy en 1960, même avec un écart minime, il fut également défait en 1962 lors de la course au poste de gouverneur de Californie. Alors qu'on croyait sa carrière politique terminée, il brigua et obtint l'investiture républicaine en 1968. Son programme axé sur le règlement rapide de la guerre du Vietnam, le passif de cette guerre à charge du parti démocrate et la relative inexpérience du candidat d'en face, Herbert H. Humphrey expliquent le succès de Nixon.

Sa réélection en 1972 sera le préambule au plus gros scandale de l'histoire présidentielle américaine : l'affaire du Watergate.

Le Watergate est une affaire de fraude politique qui eut lieu aux États-Unis de 1972 à 1974. Dans le cadre de la campagne présidentielle de 1972, le Parti républicain avait commandité la pose de micros au QG du Parti démocrate installé dans un immeuble de Washington appelé Watergate. Le président réélu, Richard Nixon, étant impliqué, la procédure d'impeachment fut entamée contre

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lui. Le 9 août 1974, sa destitution étant pratiquement certaine, il préféra démissionner.

De surcroît, d'autres scandales furent révélés pendant l'affaire : le Vice-président Spiro T. Agnew, coupable d'avoir reçu des pots-de-vin lorsqu'il était encore gouverneur du Maryland, et d'avoir fraudé le fisc, démissionna dès décembre 1973. Il fut alors remplacé par Gerald Ford qui, en tant que "Speaker of the House" ("président de la Chambre") était le successeur naturel à la Vice-présidence. Mais l'implication de Nixon ne devait pas s'arrêter au Watergate : pendant l'enquête, on devait apprendre la véritable obsession du président à être au courant de tout. Parce qu'il voyait des ennemis de sa politique partout, il avait mis sur écoute tous les bureaux de la Maison-Blanche, espionnant ainsi au passage ses plus proches collaborateurs. Une énorme campagne de presse s'engagea alors contre celui qu'on surnommait "Tricky Dick" ("Dick le tricheur"), seulement soutenu par quelques fidèles républicains.

Rapidement, la procédure d'impeachment fut engagée contre lui. Cette dernière consiste en la mise en accusation du président devant le Sénat, transformé, pour l'occasion, en Haute Cour par la Chambre des Représentants. Le Comité judiciaire de la Chambre devait retenir plusieurs charges contre Nixon :

- violation des droits constitutionnels des citoyens, notamment par des écoutes et autres investigations pour lesquelles le FBI et d'autres services furent utilisés illégalement;

- manquement à son devoir d'exercer loyalement sa charge de président, en violation de son serment constitutionnel et des lois;

- manquement à obéir à des citations judiciaires du Comité Judiciaire de la Chambre lui ordonnant de remettre pièces à convictions (bandes sonores...) et documents divers.

Ainsi, le 9 août 1974, comprenant que sa destitution était pratiquement certaine, il préféra prendre les devants en démissionnant.

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C'est un cas unique dans l'histoire américaine : le seul autre cas

d'impeachment avec poursuites n'a pas abouti. Il s'agit d'Andrew Johnson (1865-1869), le successeur de Lincoln, à qui on reprochait de ne pas respecter l'égalité raciale après la guerre de Sécession.

Richard Nixon, retiré depuis lors dans son fief californien, est décédé en avril 1994, à l'âge de 81 ans.

d) La présidence Ford (1974-1976)------------------------------------

Curieux destin que celui de cet homme devenu le seul président non élu de l'histoire américaine. Considéré comme un ami de la CIA, Gerald Ford fut membre, en 1964, de la tristement célèbre Commission Warren, chargée de faire la lumière sur les circonstances de l'assassinat du président Kennedy.

Devenu la 3ème personne de l'Etat sous l'administration Nixon (Speaker of the House), il fut naturellement propulsé à la Vice-présidence en décembre 1973

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(démission d'Agnew), puis à la présidence en août 1974. Ford, considéré comme un homme intègre, héritait d'une fonction pour le moins discréditée. De surcroît, il assista impuissant à la conquête du Sud Vietnam par les armées communistes.

Sa tâche, qui consistait à rendre à la fois aux Américains la confiance en leur gouvernement, et du prestige à la magistrature suprême, était une énorme gageure. Aussi, son "intérim" devait-il être de courte durée : il perdit l'élection de 1976, laissant aux Démocrates la barre des affaires.

e) La présidence de James Carter (1976-1980) --------------------------------------------------

Bien sûr, James (Jimmy) Carter profita de l'image négative des Républicains depuis le Watergate; mais la bonne humeur de ce sudiste (Géorgie), son aspect avenant, la sympathie qu'il transmettait, sa franchise, son honnêteté, son optimisme, son programme ambitieux et son apparente compétence expliquent aussi sa victoire aux présidentielles de 76.

Mais les Américains déchantèrent vite cependant : son manque de poigne, ses nombreux échecs (malgré les premiers accords de paix entre l'Égypte et Israël : Camp David) et ses hésitations coupables le firent vite taxer d'incompétence.

Carter était gentil, mais également naïf : il croyait à la bonté naturelle des hommes. Il quitta sa fonction en 1980, vieilli par le poids des responsabilités et humilié d'être le seul Démocrate non réélu de l'après-guerre.

Aujourd'hui retiré à Plains, dans la campagne de Géorgie, il participe encore, - et souvent avec succès - à quelques missions diplomatiques ou de médiations internationales. Le reste du temps, avec son épouse Rosalynn, il s'occupe de bonnes œuvres.

1. LE RETOUR DU REVE AMERICAIN

h) La présidence Reagan (1980-1988)---------------------------------------

Cow-boy sympa, à l'opposé de l'intellectuel auquel les Américains ne s'identifient jamais (on les surnomme avec mépris Egg Heads, c'est-à-dire têtes d'œufs), toujours positif et naturel, qui donne l'impression que tout va bien tant qu'il veille. C'est le retour de la bonne humeur, une période de happy days pour le plus populaire des présidents depuis Eisenhower.

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Reagan lance le mouvement de « America is n°1 » ; le Dollar ($) crève des

plafonds et si le déficit budgétaire devient incontrôlable (les Américains s'en moquent voire l'ignorent), le chômage diminue et la consommation ne cesse d'augmenter. Tout doit aller pour le mieux et l'idée dominante est le retour du vieux rêve américain : tout le monde peut devenir riche, comme les nouveaux nababs de la finance (incarnation parfaite par Michael Douglas dans le film Wall Street), de l’informatique et de l'immobilier.

Les héros de cette nation sont Rocky Balboa et Rambo, tous deux incarnés par l’acteur Sylvester Stalone. Le premier, un petit boxeur qui symbolise l'Amérique courageuse et vertueuse. Celle qui permet, à force de travail et de persévérance, de devenir un grand boxeur, le meilleur, celui qui triomphera des méchants (tel l'acteur Dolph Lundgren, qui joue le rôle du vilain boxeur venu d'URSS). Le second fait le ménage dans une guerre du Vietnam revue et corrigée par Hollywood.

Au total, et malgré quelques dérapages, les Américains conservent de

Reagan un souvenir très positif. Lorsqu'il quitta son office en 1988, il était plus populaire qu'à son arrivée, ce qui est exceptionnel. Il laissa ainsi à son vice-président George Bush Sr. une voie royale pour lui succéder, ce dont ce dernier ne se priva pas. Il fut aisément élu avec plus de 53 % des suffrages.

Ronald Reagan, qui vivait retiré dans son ranch en Californie, a lutté, accompagné de son épouse Nancy, contre la maladie d'Alzheimer, maladie incurable qui affecte les neurones et qui se caractérise par un affaiblissement intellectuel progressif, des troubles de la mémoire, des troubles du jugement, l'égocentrisme, la gloutonnerie, l'incontinence… Elle concerne aujourd'hui 20 % des plus de 80 ans. L’ancien président est décédé en 2004 à l’âge de 93 ans.

i) La présidence Bush (1988-1992)-------------------------------------

Cet homme d'affaires (pétrole), diplômé en économie de la prestigieuse

université de Yale et issu d'un milieu très aisé du Massachusetts (père banquier), continua la politique payante de son prédécesseur, ainsi qu'il l'avait proposé lors de la campagne présidentielle. Il s'assurait ainsi, pour un temps, des sympathies.

Ancien ambassadeur des États-Unis à l'ONU puis en Chine ; directeur de la C.I.A. ; père de 6 enfants, croyant fervent et pratiquant, il est l'incarnation du bon père de famille qui a réussi et qui défend, avec son épouse Barbara - une "vraie mamie" aux yeux des Américains- les valeurs traditionnelles de l'Amérique, en particulier les "valeurs familiales".

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Sa connaissance de la politique extérieure, grâce à sa carrière diplomatique notamment, l'avantageait par rapport à un Reagan très peu au courant des affaires internationales. Malheureusement pour Bush, au niveau de l'économie, son arrivée coïncida avec un net ralentissement de l'activité économique, un accroissement du déficit et du déséquilibre de la balance commerciale vis-à-vis du Japon. Il tenta bien, à l'image des politiques ultra-libérales de Reagan ou de Margaret Thatcher en Grande-Bretagne, de favoriser encore plus les entreprises dans l'espoir de créer de l'emploi, mais sans réel succès. Le chômage augmenta et avec lui la criminalité.

Il devait néanmoins connaître un très grand moment dans sa fonction de président : la victoire des États-Unis, à la tête d'une coalition mondiale, contre l'agresseur du Koweït, l'Irak de Saddam Hussein. Ce triomphe américain permit une espèce de réconciliation nationale après la fracture due au Vietnam. L'affront vietnamien était lavé mais cela ne pouvait être suffisant aux yeux d'une population avide d'une autre politique. Il était facile pour le futur adversaire de Bush de réclamer un changement après 12 ans de gouvernement conservateur. C'est ce que fit Bill Clinton aux élections de 1992.

j) La présidence Clinton (1992-2000)---------------------------------------

Ce sudiste de l’Arkansas, issu d’un milieu modeste, a lui aussi été très populaire même si le programme très ambitieux qui fut le sien n’a pu être mené à son terme.

Il avait proposé des réformes en profondeur dans divers domaines sensibles aux États-Unis : les soins de santé, l'aide sociale, le droit d'acquérir librement des armes... Son bilan est mitigé : il se heurta, dans le domaine médical et social aux puissants groupes de pression, aux industries pharmaceutiques, aux cliniques privées et aux compagnies d'assurances. Les aides sociales ne pouvaient se faire, d'après les adversaires républicains, qu'avec l'augmentation des impôts (ce dont les Américains ont horreur). Incapable de

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convaincre la population, le Parti démocrate, et à travers lui Clinton, devait subir une humiliante défaite aux élections législatives de 1994. A partir de là, il gouverna avec un Congrès qui lui était hostile. Jugé trop "libéral" au début de son premier mandat, trop conciliant sur les sujets graves (avortement, peine capitale...), il se mettra définitivement à dos les conservateurs en faisant passer la "Loi Brady" sur le contrôle des identités des acheteurs d'armes à feu. Pour le reste il "chassa" sur les terres républicaines.

Ainsi, d'un point de vue économique, la politique dynamique de Clinton, combinée, il est vrai, à une période de croissance aux USA, fut un extraordinaire succès dont les électeurs firent leur priorité lors de l'élection du 5 novembre 1996. L'Amérique de Clinton, comme celle de Reagan était devenue une formidable "machine à jobs".

Bill Clinton, en menant une politique "centriste", a ratissé large, y compris au sein des Républicains. Face à cette stratégie, ces derniers ne pouvaient pas empêcher le président sortant d'être réélu, ce qui n'était plus arrivé à un démocrate depuis Roosevelt, en 1944.

Son second mandat, malgré ses succès économiques, fut surtout terni par « l’affaire Lewinski », la relation extraconjugale entretenue par le président avec une jeune stagiaire de la Maison-Blanche, Monica Lewinsky.

Dans ce pays où vie publique et vie privée des personnalités se confondent et où les valeurs morales du « commandant en chef » doivent être irréprochables, cet acte faillit lui coûter sa place. Ce fut surtout son Vice-Président, Al Gore, candidat aux présidentielles de 2000 qui paya la facture en étant battu à plates coutures par George Walker Bush.

d) G.W. Bush (2000-2008 ) -------------------------------

L’arrivée au pouvoir, en janvier 2001, du fils de l’ancien président Bush, marqua un nouveau tournant dans l’histoire américaine. Plus que Reagan encore, George Walker Bush est totalement incompétent dans les affaires extérieures. Il n’avait aucune idée des autres et ne s’en cachait pas. Avant d’être président, George Bush Junior n’avait d’ailleurs jamais mis les pieds en dehors des États-Unis ! Il a eu toutefois l’intelligence de s’entourer de spécialistes, même si ceux-ci furent vite qualifiés de « faucons d’extrême-droite ».

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Avec ses airs de cow-boy texan, jambes arquées,, langage dur, il symbolise lui aussi l’Amérique profonde conservatrice. Celle de l’action et non de la réflexion. Après les attentats du 11 septembre 2001, sa cote de popularité explose et lui permet de lancer sa croisade contre le terrorisme. Comme ce dernier n’a pas de frontière, les pays « ennemis » de l’Amérique et de ses valeurs sont des cibles faciles. Le puissant « complexe militaro-industriel », déjà dénoncé par le président sortant Eisenhower en 196138, se frotte les mains… La fin du communisme et du danger qu’il représentait auraient pu jouer en faveur d’un désarmement US. Il n’en n’est rien : les dépenses militaires américaines dépassent aujourd’hui celles de la guerre froide !

La guerre en Irak qui ne se passe pas bien, les mensonges de l’administration Bush devraient toutefois ternir la fin de son second mandat. Quelques mois après sa réélection en 2004, la confiance de l’opinion publique n’a cessé de diminuer. Sa défaite de novembre 2008 face au candidat démocrate Barack OBAMA fut loin d'être une surprise.

Biographies et notes complémentaires

ADENAUER Konrad (1876-1967). Homme politique allemand, premier Chancelier de la République fédérale allemande en 1949, il assure l'intégration politique, économique et militaire de la RFA dans l'Europe.

ALLENDE Salvador (1908-1973). Homme politique chilien, président socialiste du Chili de 1970 à 1973, il est renversé par un coup d’État militaire

38 " Nous ne pouvons plus risquer d'improvisations dans le domaine de la défense. Nous avons dû créer une vaste et permanente industrie d'armement. De plus 3 millions et demi d'hommes et de femmes travaillent directement dans les effectifs de la Défense. La conjonction d'un immense establishment militaire et d'une considérable industrie d'armement est nouvelle dans ce pays. L'influence globale, économique, politique, spirituelle même affecte chaque ville, chaque assemblée d'État, chaque ministère du gouvernement fédéral. Nous devons éviter que s'instaure une influence injustifiée, voulue ou non du complexe militaro-industriel. Cette coalition ne doit pas menacer nos libertés, ni le processus démocratique ".

Discours d'adieu du Président Eisenhower, janvier 1961.

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mené par le général Pinochet et l’armée chilienne, avec le soutien de l’administration Nixon et de la CIA.

ARAFAT Yasser (1929-2004). Homme politique palestinien, prix Nobel de la Paix, président de l'Autorité palestinienne de 1994 à sa mort. A la tête de l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP) dès 1969, il est à l’origine de multiples attentats contre Israël et ses intérêts. Réfugié au Liban, il en est chassé par l’opération Paix en Galilée (1982) et s’installe à Tunis. Il décide de changer de cap et renonce à la lutte armée contre l’État hébreu dont il reconnaît officiellement le droit à l’existence. Après les Accords d’Oslo en 1994 et son retour en Palestine, il ne peut empêcher les éléments arabes les plus radicaux de continuer la lutte armée contre Israël. Il meurt en 2004.

BREJNEV Leonid (1906-1982). Succède à Nikita Khrouchtchev comme chef de l’État soviétique en 1964. Il reste au pouvoir jusqu'à sa mort en 1982.

CASTRO Fidel (né en 1926). Révolutionnaire cubain, il mena de 1953 à 1959 une guérilla contre le régime dictatorial de Batista. Chef de l’État cubain à partir de 1959, il a engagé l'île sur la voie du socialisme et s'est allié à l'URSS qui devint, jusqu'à la chute du communisme en URSS, son soutien économique et militaire. Malgré la haine des voisins américains et l'embargo commercial des États-Unis, Castro a continué à maintenir son pays dans cette voie en dénonçant l'impérialisme américain et en poussant à l'agitation révolutionnaire en Amérique latine.Malade et incapable de gouverner à partir de 2008, il laisse son frère Raul au commandes. Celui-ci vient de rétablir des relations diplomatiques avec les États-Unis.

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CHURCHILL Winston (1874-1965). Homme politique britannique, plusieurs fois ministre et premier ministre, il dénonça la mollesse des démocraties occidentales face à la montée en puissance d'Hitler et l'acceptation de ses revendications. Il organisa la résistance de la Grande-Bretagne pendant le conflit et participa, avec Roosevelt et Staline, aux Accords de Yalta en 1945. Il fut encore premier ministre de 1951 à 1955.

DE GAULLE Charles (1890-1970). Militaire et homme politique français, président de la République de 1958 à 1969. Il entre dans l’histoire le 18 juin 1940 en appelant les Français vaincus par la Wehrmacht à aller le rejoindre à Londres pour continuer la lutte. Comme président, il fera signer les Accords d’Evian pour l’indépendance algérienne et subira les événements révolutionnaires de mai 68. Nationaliste, il dotera la France de l’arme nucléaire, la fera sortir de l’OTAN et mènera une politique européenne dans les intérêts exclusifs de la France.

DIEM Ngo Dinh (1901-1963). Nationaliste vietnamien, antifrançais et anticommuniste. Premier ministre puis Président de la République du Vietnam du Sud qu'il proclame en 1955, soutenu par les Américains, il impose une dictature vite corrompue et impopulaire, sans pouvoir empêcher la guérilla communiste de gagner le Sud. Assassiné en 1963 lors d'un coup d'État militaire.

DUBCEK Alexander (1921-1992). Premier secrétaire du Parti communiste tchécoslovaque (janvier 1968), il prend la tête du mouvement de libéralisation du régime, appelé le "printemps de Prague", qui est arrêté par l'intervention militaire du Pacte de Varsovie en août 1968. Il est remplacé par Husak et exclu du parti. Il occupera des fonctions subalternes dans l'administration forestière avant de revenir au premier plan après la chute du communisme en Europe (1989), devenant président du Parlement

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tchécoslovaque. Décédé suite à un accident de voiture, il n’a pu assister, à quelques jours près, à la partition pacifique de son pays en deux républiques indépendantes : la République tchèque et la République slovaque (1992).

EISENHOWER Dwight (1890-1969). Général américain, commandant en chef des forces alliées en Europe pendant la deuxième guerre mondiale, il organisa le Débarquement de Normandie le 6 juin 1944 et mena les opérations jusqu'à la capitulation allemande. Président des États-Unis en 1952, réélu en 1956, il amorça avec Khrouchtchev une politique de "détente" qui sera continuée par John Kennedy, son successeur à la Maison-Blanche.

GANDHI (1869-1948). Surnommé le Mahatma (la Grande Âme), il est l’apôtre national et religieux de l’Inde. Avocat de formation, il défend la doctrine de la non violence comme arme contre les discriminations et les injustices. Leader, avec Nehru, du mouvement d’indépendance en Inde, il cherche à calmer les violences entre hindous et musulmans. Un fanatique hindou l’assassine en 1948.

GORBATCHEV Mikhaïl (1931- ). Homme politique russe, dirigeant de l’URSS de 1985 à 1991. Par la glasnost et la perestroïka, il réalise une vraie déstalinisation dont le résultat est la chute du régime communiste en Europe et puis en URSS même. Prix Nobel de la Paix en 1990. Il est aujourd'hui défenseur de la cause écologiste à travers le monde.

GUEVARA Ernesto, dit "Che" (1928-1967). Médecin argentin, participe à la révolution cubaine aux côtés de Fidel Castro avant d'essayer d'étendre la révolution à l'ensemble de l'Amérique latine. Arrêté et exécuté en Bolivie, il symbolisa l'idéal révolutionnaire pour une partie de la jeunesse de la fin des années 60.

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HO CHI-MINH (1890-1969). Révolutionnaire communiste vietnamien, fondateur du Viêt Minh et leader de l'agitation en Indochine française, il proclame la République démocratique du Vietnam en 1945. Après l'échec des négociations de 1946 avec la France (problème de la Cochinchine), il mena la guerre d'indépendance (1946-1954) avant d'établir un régime socialiste au Nord Vietnam.

HUSAK Gustav (1912-1991). Homme politique tchécoslovaque, premier secrétaire du Parti communiste à la suite d'Alexandre Dubcek et président de la République jusqu'à 1989. Il dut se retirer suite à la chute du communisme.

JOHNSON Lyndon (1908-1973). Président des États-Unis de 1963 à 1968. Vice-président et successeur de Kennedy, après son assassinat en novembre 1963, il fut réélu en 1964 et poursuivit la politique de coexistence pacifique avec l'URSS. Toutefois, dans le même temps, il développa fortement l'engagement américain dans la guerre du Vietnam. Richard Nixon lui succéda à la Maison-Blanche.

KADHAFI Mouammar (1942 -2011). Chef d'État de la Libye depuis 1970. Impliqué dans plusieurs actes terroristes dans les années 80, ennemi d’Israël, la communauté internationale le met au ban des nations pendant de nombreuses années. Il décide de faire volte-face dans les années 90 pour sauver son régime et s’ouvre au monde occidental en renonçant à sa volonté de se doter d’armes de destruction massive. Il est renversé par des rebelles lors de la guerre civile en Libye et est exécuté après 41 ans au pouvoir.

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KENNEDY John Fitzgerald (1917-1963). Homme politique américain, premier et seul président des États-Unis de confession catholique, il fut élu en 1960. Luttant avec fermeté contre la pauvreté, il défendit dans le même temps la détente avec le régime soviétique, malgré la Crise de Cuba (1962). En pleine campagne électorale pour les présidentielles de 1964, il est assassiné à Dallas le 22 novembre 1963, dans des conditions mal élucidées.

KHOMEINY Rouhollah (1900-1989). Ayatollah en exil en France, il revient en Iran suite à la révolution islamique en 1979. Il y instaure un théocratie et devient le pire ennemi du monde occidental et particulièrement des États-Unis qu’il surnomme « le Grand Satan ». Considéré par son action et ses suites (encore actuelles) comme l’un des hommes les plus influents du XXème siècle, Khomeiny meurt en 1989.

KHROUCHTCHEV Nikita (1894-1971). Successeur de Staline à la tête de l'URSS, dénonciateur des crimes staliniens lors du XXème Congrès du Parti Communiste (1956), il mène une politique de détente avec les États-Unis, malgré la crise cubaine (1962). Mais l'échec des réformes, notamment au point de vue économique, provoque sa mise à l'écart de la vie politique en 1964, au profit de Léonid Brejnev. Il mourra en 1971, complètement oublié.

LUMUMBA Patrice (1925-1961). Combattant pour l’indépendance du Congo, il en devient le premier Premier ministre en juin 1960. Son discours anti-impérialiste et ses affinités supposées pour l’URSS en font un suspect aux yeux des Occidentaux. Il est assassiné dans la tourmente de la quasi guerre civile qui s’installa au Congo dès l’accès à l’indépendance.

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LUTHER KING Martin (1929-1968). Pasteur noir américain, leader de la lutte non-violente pour les libertés civiques et le droit à l’égalité des Afro-américains, il est assassiné à Memphis en 1968.

MacARTHUR Douglas (1880-1964). Général américain, commandant des forces américaines en Extrême-Orient, il mène la résistance aux Japonais, puis engage la reconquête. En août 1945, il reçoit la capitulation du Japon. En 1950, il commande les troupes des Nations Unies en Corée et propose l'emploi de l'arme atomique contre la Chine, alliée de la Corée du Nord. Sa position lui vaut d'être destitué par le Président Truman.

MAO TSE-TOUNG ou ZE-DONG (1893-1976). Révolutionnaire chinois, fondateur du Parti communiste chinois en 1921, il doit faire face à la répression des nationalistes de Tchang Kaï-chek et doit fuir, avec tous les communistes, à Yanan, à l'extrémité nord du pays. C'est la Longue Marche (1934-1935). Allié temporaire des nationalistes contre l'occupation japonaise, il mène la guerre civile et contraint Tchang Kaï-chek à abandonner le continent (1949). Chef de la République populaire de Chine proclamée en 1949, il dirige le pays jusqu'à sa mort en 1976.

MARSHALL George (1880-1959). Général et homme politique américain, secrétaire d'État du président Truman, il a donné son nom au plan américain d’aide économique à l’Europe. Prix Nobel de la Paix 1953.

MOBUTU Joseph-Désiré ou Sese Seko (1930-1997). Surnommé le « Léopard de Kinshasa », ce général d’armée fut le second président du Congo après Kasavubu, de 1965 à 1997, le pays ayant été rebaptisé Zaïre de 1971 à 1997. Tenant du culte de la personnalité, il instaure au Congo une dictature

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favorable aux Occidentaux et à leurs intérêts économiques en Afrique centrale. Protégé par eux pendant la guerre froide, il est laissé à son sort dès la fin du communisme avant d’être renversé par Laurent-Désiré Kabila en 1997. Il meurt quelques semaines plus tard en exil.

MANDELA Nelson (1918-2013). Militant contre l’apartheid en Afrique du Sud, il est condamné à la prison à vie en 1965. Il est libéré par De Klerk en 1990. Prix Nobel de la Paix, il devient Président de son pays de 1994 à 1999. Il consacra la fin de sa vie à promouvoir la lutte contre le SIDA.

NAGY Imre (1896-1958). Homme politique hongrois, communiste, premier ministre (1953-1955), partisan d'une politique libérale, il est expulsé du Parti communiste. Rappelé au pouvoir lors de l'insurrection de 1956, il fut arrêté et exécuté en 1958.

NASSER Gamal abdel (1918-1970). Colonel égyptien, leader nationaliste du pays, il fut le grand vainqueur de la Crise de Suez, ce qui fera de lui un des porte-parole du Tiers monde.

NEHRU (1889-1964). Nationaliste indien proche de Gandhi, premier ministre de l'Inde indépendante de 1947 à sa mort, il représente sur le plan international la politique "neutraliste" du Tiers monde. La fille de Nehru, Indira Gandhi, deviendra elle-même Premier ministre de 1966 à 1977, puis de 1980 à 1984, lorsqu'elle est assassinée. Le fils de cette dernière, Rajiv Gandhi lui succède à la tête du gouvernement (1984-1989) avant d'être, lui aussi, assassiné en 1991.

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NIXON Richard (1913-1994). Président des États-Unis en 1968, il désengagea le pays de la guerre du Vietnam et mena une politique de détente avec l'URSS, tout en se rapprochant de la Chine de Mao. Réélu en 1972, il démissionna en août 1974 évitant d'être humilié par une destitution (Impeachment). (Voir Scandale du Watergate).

RABIN Yitzhak (1922-1995). Après une carrière dans l'armée israélienne au sein de laquelle il atteint le grade de général, il se lance dans une carrière politique. Il devient le cinquième premier ministre d'Israël de 1974 à 1977 puis à nouveau de 1992 jusqu'à son assassinat par un extrémiste juif en 1995. Il reçoit le Prix Nobel de la paix en 1994, notamment pour son rôle actif dans la signature des Accords d'Oslo en 1993.

ROOSEVELT Franklin Delano (1882-1945). Président des USA en 1932, réélu en 1936, 1940 et 1944. Organisateur du New Deal pour lutter contre la Grande Crise de 1929-1934, il entre en guerre contre le Japon suite à l'attaque de Pearl Harbor (7 décembre 1941) puis soutient la résistance aux armées allemandes en Europe. Il participe, très malade, à la conférence de Yalta aux côtés de Churchill et de Staline et meurt quelques jours avant la capitulation allemande.

ROSENBERG (Affaire) : affaire judiciaire américaine qui déclencha une campagne d'opinion internationale en faveur des époux Julius et Ethel Rosenberg, accusés d'avoir livré des secrets atomiques à l'URSS et qui, condamnés à mort en 1951, furent exécutés en 1953.

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SADATE Anouar al (1918-1981). Collaborateur de Nasser à qui il succède en 1970, il libéralise le régime égyptien, l'éloigne de l'Union soviétique et le rapproche des États-Unis. Il négocie avec Israël, ce qui lui vaut l'inimitié des pays arabes. Il est assassiné par des intégristes musulmans en 1981.

STALINE Joseph Djougatchvili dit (1879-1953). Révolutionnaire bolchevique et secrétaire du Parti communiste qui prit un rôle croissant après la mort de Lénine en 1924. Il élimine alors les autres dirigeants "historiques" de la Révolution, notamment Trotski. Devenu chef suprême du pays, il fait l'objet d'un culte de la personnalité jusqu'à sa mort. Ce n'est que trois ans plus tard, lors du XXème Congrès du Parti, que son régime et son culte seront publiquement condamnés par Nikita Khrouchtchev, son successeur.

TCHANG KAI-CHEK (1887-1975). Général chinois, Président de la République chinoise, il est vaincu par les communistes de Mao Tsé-toung en 1949. Il maintient à Taïwan (anc. Formose) un gouvernement de la "Chine nationaliste" appuyé par les Américains.

TITO Josip Broz dit (1892-1980). Membre du Parti communiste yougoslave, il est résistant face aux armées germano-italiennes pendant la guerre 1939-1945. Président de la république de Yougoslavie, il refuse de se plier aux "ordres" du Kremlin et entre en conflit avec Staline. Tito se fit le champion d'une politique de "neutralisme" entre les 2 blocs.

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TRUMAN Harry (1884-1972). Vice-président de Roosevelt, il lui succède à sa mort en avril 1945. Il décide d'utiliser l'arme atomique en août de la même année (Hiroshima et Nagasaki). Il définit la "doctrine Truman" (1947) qui vise à venir en aide aux pays menacés par l'expansion communiste. Réélu en 1948.

WATERGATE (Scandale du) : affaire d'espionnage politique qui eut lieu dans un immeuble de Washington nommé Watergate, quartier général du Parti démocrate pendant la campagne pour l'élection présidentielle de 1972. Les enquêtes menées par deux journalistes du Washington Post (Woodward et Bernstein ci-dessus) montrèrent une volonté des Républicains, dont probablement le Président Nixon lui-même, de déjouer les plans du parti d'en face en l'espionnant (cambriolage et photos de documents). Le scandale qui résulta de l'enquête contraignit Nixon à démissionner de son poste de président, ce qui est un cas unique dans l'histoire américaine.

ZHOU EN-LAI (1889-1976). Révolutionnaire communiste chinois, ami de Mao, il est, de 1949 à sa mort, Premier ministre et ministre des Affaires étrangères de la République populaire de Chine. Il domine en 1955 la conférence de Bandoeng et amène les États-Unis de Nixon à reconnaître la Chine populaire (1972)

CAPITALISME : C’est un système d’économique d’échanges complexes, de marchés ou règne la libre concurrence entre les entreprises, cellules fondamentales du système. Le mobile essentiel de l’activité économique y est la recherche du profit qui trouve sa contrepartie dans le risque d’entreprise. Bien que n’existant nulle part à l’état pur, le capitalisme est aujourd’hui le système dominant dans les pays occidentaux.

Sous l’Ancien régime, le capitalisme est commercial et financier (domination des marchands et des banques). Au XVIIIème siècle, c’est l’avènement du capitalisme industriel dont le personnage central est l’entrepreneur. Le capitalisme classique du XIXème siècle repose sur quelques principes fondamentaux tels que la liberté économique, la propriété privée et l’hérédité. Dès la fin du XIXème siècle et au XXème siècle, alors que les intérêts

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des acteurs économiques s’opposent (patrons-travailleurs), l’État intervient pour contrôler et préserver la concurrence entre les entreprises contre les monopoles (ex. lois antitrust aux États-Unis), voire en créant lui-même des monopoles (rails, électricité…).

Le degré d’interventionnisme de l’État varie d’un pays à l’autre (moins dans les pays anglo-saxons par tradition). Cependant, un peu partout, existe un secteur public industriel, financier et commercial en même temps qu’apparaissent des procédés de redistribution des revenus ou, tout au moins, de couverture collective des risques (sécurité sociale). Par sa politique économique et financière, l’État cherche essentiellement à limiter les inégalités résultant de la répartition primaire des revenus par le canal du marché.

La levée progressive des barrières douanières a eu une conséquence énorme : les grandes firmes et les banques s’installent hors de leur territoire national si elles le désirent… et le désirent d’autant plus que les marges bénéficiaires, nécessaires pour rester compétitif face à la concurrence, augmentent avec ces « délocalisations ». Ainsi est né l’espace multinational et l’apparition d’une « économie mondiale » ou « mondialisation ».

COMMUNISME   : L’idée communiste est fréquemment projetée par les théoriciens du XIXème siècle dans les sociétés qui ont existé à l’aube de l’humanité : n’appartenant en propre à personne, la terre aurait été la propriété de tous et, par là, État et classes sociales n’auraient pas eu de raison d’exister. Cette vue complète le mythe du « bon sauvage », vivant à l’état naturel, répandu dans la littérature du XVIIIème siècle.

Au sens général, le communisme est une idéologie très ancienne qui a inspiré de nombreux inventeurs d’utopies et notamment Platon. Il resta longtemps un idéal de l’Église chrétienne primitive, et les premières communautés chrétiennes reposent sur la mise en commun des biens.Des philosophes de la Renaissance ont développé des théories d’inspiration communiste. Thomas More, dans l’Utopie (1516), décrit une société imaginaire dans laquelle les biens sont mis en commun par l’ensemble des citoyens et non plus par des groupes restreints.

A l’époque des Lumières, les théories d’inspiration communiste se multiplient. En 1796, elles débouchent sur la « Conjuration des Égaux » dirigée par Gracchus Babeuf, première tentative d’un communisme révolutionnaire.

Au XIXème siècle, les transformations économiques et sociales nées de la récente révolution industrielle posent la question de la juste redistribution des richesses, et donc de leur production, en des termes nouveaux. Une classe sociale nombreuse - le prolétariat urbain – s’est formée et prend conscience de l’exploitation dont elle est victime. Le terme « socialisme » apparaît dans les années 1830 et s’applique à des doctrines qui critiquent le libéralisme tout en proposant divers modèles pour remplacer la propriété privée des moyens de production et d’échange.

Les œuvres théoriques – notamment Le Manifeste du parti communiste (1848) – et l’action politique de Marx et Engels donnent de nouvelles bases au communisme. Ils assignent à la classe ouvrière la mission d’accomplir l’Histoire. En effet, pour eux, le prolétariat ouvrier, force avancée de tous les exploités (petits paysans, petits salariés, pauvres), doit achever l’Histoire car il ne peut

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« s’émanciper sans émanciper l’humanité tout entière ». La révolution doit mettre en place un pouvoir transitoire, la « dictature du prolétariat », pouvoir dont la première mission est de réaliser le socialisme, c’est-à-dire la socialisation des moyens de production. L’objectif suivant est la suppression progressive de l’État et l’instauration d’une société organisée par les travailleurs au bénéfice de tous. L’objectif final est le communisme pur et simple.

Remarques :

Après l’accession au pouvoir des bolcheviques en Russie (1917), est créée « l’Internationale communiste » ou komintern. Elle a pour but d’organiser la révolution dans les autres pays européens et regroupe bientôt tous les partis « frères » d’Europe. A côté de cela, l'État, dans ce qui est devenu l’Union des Républiques Socialistes Soviétiques (URSS), loin de dépérir, s’est au contraire renforcé ! Durant la guerre 39-45, les partis communistes s’allient aux mouvements de résistance contre le nazisme. Les succès militaires de l’URSS de Staline, ainsi que sa contribution à la libération de l’Europe de l’Est renforcèrent le prestige du communisme. Beaucoup s’honorent de porter le titre de « stalinien ». Jusqu’à l’écroulement du mythe.

Dans le contexte de la « guerre froide » entre les USA et l’URSS, le mouvement communiste connaît un grand essor jusqu’à la fin des années 70 : établissement de « démocraties populaires » en Europe centrale et orientale ; victoire des communistes de Mao Tsé-Toung en Chine (1949) et progression en Asie du Sud-Est. Soutenant les mouvements de décolonisation et d’émancipation du tiers-monde, l’URSS anime un camp « rouge » de plus en plus étendu malgré des rapports difficiles avec la Chine. Le système étend son influence en Afrique (Angola…), en Asie ( Vietnam, Corée du Nord) et prend même pied en Amérique (Cuba, 1959).

Pourtant, les années 80 ouvrent la voie à un double constat de faillite : à l’intérieur, l’économie soviétique est profondément délabrée. A l’extérieur apparaît le coût, disproportionné par rapport à son utilité réelle, d’une vaste zone d’influence à laquelle le communisme n’a dispensé ni amélioration des conditions de vie, ni paix intérieure. Conscient des carences du système, M. Gorbatchev opta pour une révision radicale qui allait sonner le glas du monopole du Parti communiste dans une URSS qui explose en de multiples républiques indépendantes.

Aujourd’hui, le communisme survit de façon résiduelle dans le tiers-monde (Cuba, Corée du Nord, Vietnam) et, partiellement en Chine qui se tourne de plus en plus vers le capitalisme.

On pourrait définir le communisme en 4 caractéristiques fondamentales :

1) l’exclusivité de la doctrine : le marxisme-léninisme est érigé en corps de doctrine scientifique, exclusif et global.2) L’édification du communisme : « a chacun selon ses capacités, à chacun selon ses besoins » reste le but ultime de cette édification qui passe par différents stades, de la dictature du prolétariat au communisme.

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3) La socialisation de l’économie : elle s’accompagne d’une planification permettant à l’État d’imposer ses choix économiques et d’organiser la programmation, la production et la répartition des biens.4) Le parti unique : le parti communiste détient le monopole du pouvoir ou a un rôle dominant si d’autres partis sont maintenus.

TABLES DES MATIERES

I. LE MONDE AU LENDEMAIN DE LA GUERRE

1. INTRODUCTION……………………………………………………………………………p.22. LE PROCES DE NUREMBERG……………………………………………………….p.33. LES MESURES TERRITORIALES…………………………………………………. p.44. L' ORGANISATION DES NATIONS UNIES (ONU)……………………… p.5

II. L’AFFRONTEMENT EST/OUEST   : LA   «   GUERRE FROIDE   »

1. INTRODUCTION…………………………………………………………………………..p.8 2. LA NAISSANCE DE DEUX BLOCS RIVAUX ……………………………. p.9 3. LE PLAN MARSHALL……………………………………………………………… p.12 4. LE RIDEAU DE FER ………………………………………………………………. p.16 5. L’URSS CONSTRUIT LE CAMP SOCIALISTE…………………………. p.17 6. LA CRISE DU BLOCUS DE BERLIN……………………………………………. p.18

III. «   L’EQUILIBRE DE LA TERREUR   » OBLIGE «   LA COEXISTENCE PACIFIQUE   »

1. APRES L’ARGENT, LES ARMES : LES ORGANISATIONS

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MILITAIRES……………………………………………………………………………… p.222. LA COEXISTENCE PACIFIQUE …………………………………………………..p.243. LES REALITES DE LA COEXISTENCE : DETENTES ET CRISES….p.24

a) La révolte hongroise (1956)………………………………………….. p.24b) La crise de Suez (1956)………………………………………………..

p.27 c) Les crises cubaines (1961-1962)…………………………………. p.28

d) Le printemps de Prague (1968)………………………………….. p.30

IV. DECOLONISATION ET MOUVEMENTS NATIONAUX   : QUELLES IDEOLOGIES   ?

1. ORIGINES DE LA DECOLONISATION ………………………………………. p.322. UN IDEAL : LA DECLARATION UNIVERSELLE p.323. NATIONALISME ET DECOLONISATION EN ASIE…………………….. p.33

a) L’Inde (1947)………………………………………………………………… p.33

b) La victoire des communistes en Chine (1949)……………. p.36c) La guerre de Corée (1950-1953)………………………………… p.42d) La guerre d’Indochine (1946-1954) et du

Vietnam (1954-1975) …………………………………………………… p.444. DECOLONISATION DE L’AFRIQUE ……………………………………………p.47

a) Les réussites…………………………………………………………………. p.47

b) Le problème algérien……………………………………………………. P.47 c) Le Congo belge………………………………………………………………. p.50 d) L’Afrique du Sud et l’apartheid………………………………………. p.53

5. L’AMERIQUE LATINE ENTRE LES ETATS-UNIS ET LA SUBVERSION COMMUNISTE……………………………………………………..p.55 a) Introduction……………………………………………………………………. p.56 b) L’exemple du Chili (1973)…………………………………………….. p.56

V. UNE SOCIETE EN EBULLITION   : LES ANNEES 60

1. LES « SIXTIES » AUX ETATS-UNIS……………………………………….. p.58 a) « Guerre à la pauvreté »……………………………………………….. p.58 b) Révolte des ghettos…………………………………………………….. p.59

c) Contestation et révolte culturelle…………………………………. p.612. EN FRANCE. ……………………………………………………………………………

p.63a) Introduction…………………………………………………………………..

p.63b) Mai 68 : une révolution manquée ?.......................... p.63

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VI. PROCHE-ORIENT   : FOYER DE TENSION PERMANENTE

1. ISRAEL ET LE REVEIL DU MONDE ARABE……………………………… p.662. LA REVOLUTION ISLAMIQUE…………………………………………………. p.743. LA GUERRE IRAN-IRAK (1980-1988) ………………………………….. p.76

VII. L’EFFONDREMENT DU SYSTEME SOVIETIQUE

1. INTRODUCTION………………………………………………………………………. p.77

2. L’URSS ET LA RUSSIE DE 1953 A NOS JOURS……………………… p.77a) L’ère Nikita Khrouchtchev (1953/56-1964)………………… p.79b) La période Leonid Brejnev (1964-1982)..................... p.80c) Youri Andropov (1982-1984)………………………………………. p.80d) Konstantin Tchernenko (1984-1985)……………………….. p.80e) Mikhaïl Gorbatchev(1985-1991)……………………………….. p.81f) La Russie de Eltsine (1992-1999) et de son successeur Vladimir Poutine……………………………………….. p.82g) Conclusions………………………………………………………………..

p.82

VIII. UNE CONSEQUENCE DE LA FIN DU COMMUNISME   : NAISSANCE D’UNE «   HYPERPUISSANCE   »

1. INTRODUCTION……………………………………………………………………. p.84

2. LES ETATS-UNIS DE L’APRES-GUERRE A 1963………………….. p.873. LA CRISE DE CONFIANCE (1963-1980)………………………………. p.884. LE RETOUR DU « REVE AMERICAIN » (1980- )……………….. p.93

BIOGRAPHIES ET NOTES COMPLEMENTAIRES ………………… p.97

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