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    e-Kremlin :pouvoir et Internet en

    Russie

    Julien Nocetti

    Avril 2011

    Centre Russie/NEI

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    L'Ifri est, en France, le principal centre indpendant de recherche,

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    Russie.Nei.Visions

    Russie.Nei.Visions est une collection numrique consacre laRussie et aux nouveaux tats indpendants (Bilorussie, Ukraine,Moldavie, Armnie, Gorgie, Azerbadjan, Kazakhstan, Ouzbkistan,Turkmnistan, Tadjikistan et Kirghizstan). Rdigs par des expertsreconnus, ces articles policy oriented abordent aussi bien lesquestions stratgiques et politiques quconomiques.

    Cette collection respecte les normes de qualit de l'Ifri(valuation par des pairs et suivi ditorial).

    Si vous souhaitez tre inform des parutions par courrierlectronique, vous pouvez crire ladresse suivante :[email protected]

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    I. Dezhina, Dveloppement de la R&D dans les universitsrusses , Russie.Nei.Visions, n 57, fvrier 2011;

    O. Bagno, Z. Magen, Les partis politiques russophones en Isral :quelle capacit de lobbying ? , Russie.Nei.Visions, n 56,dcembre 2010.

    Retrouvez la bibliothque de la collection Russie.Nei.Visions en lignevia Pearltrees.

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    Auteur

    Julien Nocetti est chercheur associ lIfri depuis septembre 2009.Diplm en relations internationales et en gopolitique de lespacepostsovitique, il consacre ses recherches la politique de la Russieau Moyen-Orient et la politisation du Web. Il a publi Le Kremlin La Mecque : le plerinage saoudien de la diplomatie russe en juin 2010 dans la collection Russie.Nei.Visions (n 52), et Ladiplomatie dObama lpreuve du Web 2.0 dans Politique

    trangreen mars 2011 (n 1).

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    Sommaire

    RESUME.......................................................................................................... 4

    INTRODUCTION ............................................................................................... 5

    RECREER LTAT SUR LE WEB..................................................................... 7

    Dmocratiser le numrique .................................................................... 7

    Implication du politique........................................................................... 9Les hommes politiques investissent le Web ....................................... 9

    Dmitri Medvedev, un prsident connect ......................................... 11

    Imaginaire collectif 2.0 .................................................................... 13

    REGULER LE RUNET.................................................................................... 15

    Russifier le Web ............................................................................... 15

    Les voies de contrle du Web .............................................................. 18

    tat-blogueur .................................................................................... 18

    Arsenal juridique ............................................................................... 19

    Offensive sur les firmes populaires du Web ..................................... 20

    La Russie, laboratoire du contrle dInternet ? .................................. 22

    CONCLUSION ................................................................................................ 24

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    Rsum

    En essor constant depuis une dcennie, le Web russe fait lobjetdune attention soutenue du Kremlin. Le numrique cre un dfi degouvernance et de lgitimit politique que le prsident Medvedev asu anticiper. Dans un mouvement dindpendance technologique vis--vis des grands acteurs des technologies de linformation(majoritairement amricains), le pouvoir russe cherche fragmenterle Web pour en extraire la composante russe, facilitant la mise en

    place dune rgulation subtile de ltat. Cette russification du Webassocie troitement le secteur priv aux initiatives de ltat ; elle sera observer de prs lapproche des lections prsidentiellesde 2012.

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    Introduction

    Lune des particularits de la prsidence Dmitri Medvedev est latendance croissante des citoyens russes exprimer leurs griefs sur leWeb. Des policiers dsabuss par la corruption aux automobilistes encolre contre le comportement routier des officiels, nombreux sontceux qui ont diffus vidos et messages au prsident. Dans le mmetemps, D. Medvedev sest fait le porte-drapeau des nouvellestechnologies, postant rgulirement des vidos sur son blog, utilisant

    Twitter et militant pour une plus large participation dmocratique aumoyen de loutil numrique. Le potentiel politique croissant de lablogosphre1 a conduit le gouvernement sadapter aux nouvellesralits numriques. Alors que le gouvernement verrouille l'espacemdiatique traditionnel surtout la tlvision , le Web apparat aupremier abord comme un espace intermdiaire ouvert2.

    Depuis larrive de Vladimir Poutine au Kremlin en 2000, lecontrle de ltat sur les mdias audiovisuels et certains titres de lapresse crite est all de pair avec une forte croissance de lInternetrusse (communment appel RuNet). Entre 2000 et 2008, le RuNetqui inclut aussi les pays de la CEI et la diaspora russophone del tranger lointain , estime 27 millions de personnes, a connuune croissance moyenne annuelle respectivement cinq et quinze foisplus leve que le Moyen-Orient et lAsie3. La Russie est aujourdhuile plus grand utilisateur dInternet en termes de pourcentagedinternautes dans le monde, devant la Core du Sud4.

    Alors que la croissance du Web procde d'une volont desautorits russes de rattraper le retard technologique de la Russie surl'Occident5, de nombreuses questions se posent quant la nature del'implication de l'tat sur et dans la Toile. Multipliant les projets dansla sphre numrique, l'tat russe est un acteur proactif du Web,

    1 Le sujet mriterait une tude part entire.2 Dans son rapport de 2009 sur la libert dInternet, lONG jugeaitcependant le Web russe partiellement libre en raison dobstacles son accs, decontrle sur ses contenus et de violations des droits des internautes.3 Miniwatts Marketing Group, Internet World Statistics 2009 .4 38 millions de Russes sont connects, soit un peu moins du quart de la population.Au 30 juin 2010, les cinq pays avec le plus grand nombre dinternautes taient laChine, les tats-Unis, le Japon, lInde et le Brsil. Voir Miniwatts Marketing Group,Top 20 Countries with the Highest Number of Internet Users.5 A. Wilson, Computer Gap: The Soviet Union's Missed Revolution and ItsImplications for Russian Technology Policy , Problems of Post-Communism, vol. 56,n4, 2009, p. 49.

    http://www.freedomhouse.org/uploads/specialreports/NetFreedom2009/FreedomOnTheNet_FullReport.pdfhttp://internetworldstats.com/top20.htmhttp://internetworldstats.com/top20.htmhttp://internetworldstats.com/top20.htmhttp://internetworldstats.com/top20.htmhttp://www.freedomhouse.org/uploads/specialreports/NetFreedom2009/FreedomOnTheNet_FullReport.pdf
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    qui tente de modeler lespacedinformation national et de diffuser desmessages politiques qui lui sont favorables, tout en concentrant lesactifs des firmes russes du Net entre les mains dentrepreneursproches du Kremlin.

    Linvestissement substantiel du Web par les autorits russes,alors que la Toile a donn naissance une vritable culture Web en Russie se diffrenciant dautres rgimes autoritaires ou semi-autoritaires, saccompagne dun usage du numrique encourag parune partie de llite. Il sagit non seulement de rendre Internet plusaccessible aux citoyens, mais aussi de donner la priorit unsegment particulier du Net dans le but de crer un Websouverain . Le modle de contrle russe de lInternet qui mergereconnat la difficult de mettre en pratique un contrle direct sur lesflux dinformation, tel quil est pratiqu en Chine, tant pour des raisonsdimage que de rentabilit conomique. Il vise plutt recrer ltat

    sur le Web et encourager les internautes rester dans ce cadre.

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    Recrer ltat sur le Web

    Internet place lexcutif russe devant un double dfi de gouvernanceet de lgitimit politique.

    En premier lieu, ltendue du territoire russe constitue un dfiau maintien dune identit nationale. Disposer dun rseau quiconnecte lensemble des citoyens est primordial contre unefragmentation du pays. La tlvision jouait ce rle de connecteur ,mais son impact est en net dclin, surtout auprs des jeunes

    gnrations6. Dans la pratique, le Kremlin adapte son modle degouvernance aux nouvelles ralits numriques en dmocratisantleur accs.

    En deuxime lieu, le Kremlin sattache renforcer linteractiongouvernants-gouverns sur le Web. Il sagit dintroduire delhorizontalit dans la verticale du pouvoir par lintroduction deshommes politiques sur le Net. Pour le prsident Medvedev, inclureles politiques dans le jeunumrique sert renforcer la lgitimit dusystme politique russe.

    Dmocratiser le numrique

    Adapter la gouvernance du pays aux opportunits cres par ledveloppement des technologies numriques est lune des mesures-phares de la prsidence Medvedev7. Pour le pouvoir russe, Internetdoit jouer le rle de maillon entre les citoyens et entre ltat et lescitoyens, en plus de contribuer la modernisation conomique pourrendre la Russie moins dpendante des ressources nergtiques.

    Avant tout, ltat cherche connecter le maximum de citoyens Internet par le dveloppement des infrastructures numriques.Depuis 2009, le gouvernement a lanc plusieurs initiatives visant rduire la fracture numrique , qui dsigne la disparit daccs auxtechnologies informatiques, en particulier Internet (rgulation des

    6 Internet prodolaet naraivat auditori v protivopolonost rossijskomu TV[Internet continue daccrotre son audience loppos de la TV], sondage Rumetrika,novembre 2010.7 Speech at Joint Session of the State Council and the Council for the Developmentof the Information Society , , 23 dcembre 2009.

    http://rumetrika.rambler.ru/review/0/4566http://rumetrika.rambler.ru/review/0/4566http://rumetrika.rambler.ru/review/0/4566http://eng.news.kremlin.ru/transcripts/123http://eng.news.kremlin.ru/transcripts/123http://rumetrika.rambler.ru/review/0/4566
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    leur propre blog et faire usage des outils du Web 2.0 (blogs, micro-blogs, rseaux sociaux)18. Sil sagit officiellement de rapprochergouvernants et gouverns, cette initiative est analyser sous troisangles.

    Tout dabord, ladministration prsidentielle sinquite de laperte de confiance dans les mdias officiels observe dans lesrgions19. Ensuite, Moscou veut promouvoir lexpansion de laccs auhaut dbit en dehors de la capitale. Si les leaders rgionaux serendent sur la Toile, la population suivra le mouvement au bnficedes fournisseurs privs daccs Internet. Enfin, comme le prsidentla suggr, promouvoir le Web est lun des aspects de lamodernisation du systme politique, qui rejaillira sur la bonnegouvernance .

    On observe ainsi une rue des hauts responsables russes(ministres, snateurs, dputs, gouverneurs) sur les blogs sur Live

    Journal et autres plates-formes de rseaux sociaux comme Twitter,Facebookou YouTube. Ce nouveau penchant pour le Web est le plussouvent intress : les gouverneurs veulent surtout exprimer leurloyaut lgard du Kremlin, laquelle se greffe une tradition demimtisme profondment ancre dans le comportement des hommespolitiques russes20. Le problme est que peu de dirigeants criventeux-mmes leur blog, prfrant se tourner vers des agences decommunication, qui y voient un march conqurir21. Le gouverneurde la rgion de Kirov, Nikita Belykh, a ainsi publi sur son blog (quilrdige lui-mme) loffre quil a reue de la part dune socit decommunication pour dvelopper et grer son blog22. Par ailleurs,outre laudience encore trs limite des blogs de politiques, les

    analyses se portent sur les drives auto-promotionnelles delutilisation qui sera faite de ces plates-formes, surtout en priodelectorale23. Pour le Kremlin, linvestissement du Web 2.0 par lespolitiques lui permet daccrotre la lgitimit du systme politique : les

    18 E. Bilievska, Online politika [Politique virtuelle], ,21 janvier 2010. Ces blogs sont encore relativement peu frquents, lexceptionnotable de celui de Vladimir Jirinovski (prsident du Parti libral-dmocrate et vice-prsident de la Douma), suivi par prs de 511 000 lecteurs en mars 2011. Voir Reiting Blogov Runeta , .19Idem.20 F. Tpfl, Blogging for the Sake of the President: the Online Diaries of RussianGovernors , Europe-Asia Studies, paratre. En mai 2010, 38 % des gouverneurs

    administraient un blog.21 G. Asmolov, Kogda politiki idut v Internet [Les hommes politiques investissentla blogosphre], , 26 fvrier 2010.22Ainsi, la cration dun blog coterait 5 500 dollars et la gestion, 3 000 dollars paran. La promotion du blog serait facture 7 000 dollars par an. Les activitspromotionnelles comprennent la rmunration dautres blogueurs qui ont plus de1 000 amis virtuels pour publier des informations sur le blog et les liens du blogsur diverses plates-formes.E. Miyazina, inovniki i blogosfera , , 3 dcembre 2010. Par ailleurs, rpertorie la prsence des hommes politiques russes (gouverneurs,dputs, snateurs, ministres, etc.) sur les plates-formes du Web 2.0.23 S. Kononova, Official Tweet , , 15 novembre 2010.

    http://www.ng.ru/politics/2010-01-21/1_online.html?mthree=1http://www.ng.ru/politics/2010-01-21/1_online.html?mthree=1http://blogs.yandex.ru/top/?sort=readers&page=7http://ru.globalvoicesonline.org/2010/02/26/1486/http://ru.globalvoicesonline.org/2010/02/26/1486/http://www.vedomosti.ru/politics/news/1161162/chinovniki_i_blogosfera_ot_vylazok_k_masshtabnomu_osvoeniyuhttp://www.vedomosti.ru/politics/news/1161162/chinovniki_i_blogosfera_ot_vylazok_k_masshtabnomu_osvoeniyuhttp://www.vedomosti.ru/special/governors-communications.shtmlhttp://www.vedomosti.ru/special/governors-communications.shtmlhttp://russiaprofile.org/politics/a1289850211.htmlhttp://russiaprofile.org/politics/a1289850211.htmlhttp://russiaprofile.org/politics/a1289850211.htmlhttp://www.vedomosti.ru/special/governors-communications.shtmlhttp://www.vedomosti.ru/politics/news/1161162/chinovniki_i_blogosfera_ot_vylazok_k_masshtabnomu_osvoeniyuhttp://ru.globalvoicesonline.org/2010/02/26/1486/http://blogs.yandex.ru/top/?sort=readers&page=7http://www.ng.ru/politics/2010-01-21/1_online.html?mthree=1
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    gouverneurs prsenteront les success storieset seront lcoute deleurs citoyens. Ces derniers ne sont toutefois pas dupes d unecertaine forme de dsinformation ; un nombre croissant de blogs citoyens a clos depuis 2010. Parmi ceux-ci, citons ceux dAlexeNavalny, qui a cr Rospil.info, compilant des rvlations sur desaffaires de corruption impliquant les autorits, ou celui de MarinaLitvinovitch militante prsente de longue date sur le Web, qui alancBestToday.ru, un agrgateur de blogs citoyens.

    Dmitri Medvedev, un prsident connectContrairement Vladimir Poutine, prudent avec la Toile24, DmitriMedvedev montre une relle apptence pour les nouvellestechnologies de lInternet, quil place au centre de la modernisationpolitique et de la diversification conomique impulses depuis sonaccession au pouvoir, au mme titre que le projet de ple

    technologique Skolkovo25

    .Le prsident aime se donner limage dun geek, discutant

    des dernires nouveauts technologiques avec la presse26 ouenjoignant des blogueurs influents le suivre lors de dplacementsen Russie27. Il tient un vido-blog accessible depuis le site officiel duKremlin et sur la plate-forme LiveJournal depuis octobre 2008, et aouvert un compte Twitter28 (aliment par son staff) depuis le sige dela firme en Californie, lors de son dplacement dans la Silicon Valleyen juin 2010. Davos, en janvier 2011, le prsident a plusieurs foisfait rfrence son usage personnel quotidien du Web 2.029. Il a t

    24 Le rapport de V. Poutine au Web est ambivalent. En dcembre 1999, alorsPremier ministre, il dclarait que les grandes puissances ne devraient plus tre

    jauges leur nombre de tanks, mais plutt leur capacit crer et utiliser lestechnologies avances ; en outre, son accession au Kremlin a t permise en partiepar un usage trs tudi de l'outil tlvisuel. Si l'ancien prsident concdait aumagazine en 2007 [qu'il] n'avait jamais utilis les [nouvellestechnologies comme] les e-mails , son entourage politique a mis le Web en avantlors de la campagne pour les lections lgislatives de 2007. Ses partisans ont crun site, , o les internautes ont t encourags exprimer leur soutienau leader du Kremlin. Son nom reste nanmoins associ aux amendements aux loissur l'extrmisme (2006, 2007), mdiatiss en Occident sous le prisme d'unergression des liberts d'expression et de runion.25 Remarquons que sigent plusieurs dirigeants de multinationales des TIC, commeCisco et Nokia, au Fonds charg de lorganisation de Skolkovo, prsid parloligarque Viktor Vekselberg.26 D. Muratov, Deklaraci Medvedeva 2009 [La dclaration de Medvedev 2009], , 15 avril 2009.27 Comme , lun des gourous du RuNet, et , trs populaire sur Live Journal. Voir A. Kornia, T. Dziadko, A. Golitsyna, Proit uim umom [Vivre grce lintelligence de quelquun dautre],, 25 septembre 2009.28 IntitulMedvedevRussia la place de KremlinRussiadepuis novembre 2010. Soncompte Twitter totalisait 219 000 abonns au 15 mars 2011, contre plus de 7 millionsau prsident Obama.29 Son discours est disponible sur le site .

    http://www.rospil.info/http://www.rospil.info/http://www.besttoday.ru/http://www.besttoday.ru/http://www.besttoday.ru/http://www.time.com/time/specials/2007/personoftheyear/article/0,28804,1690753_1690757_1695787-10,00.htmlhttp://www.time.com/time/specials/2007/personoftheyear/article/0,28804,1690753_1690757_1695787-10,00.htmlhttp://www.zaputina.ru/http://www.zaputina.ru/http://novayagazeta.ru/data/2009/039/01.htmlhttp://novayagazeta.ru/data/2009/039/01.htmlhttp://dolboeb.livejournal.com/http://dolboeb.livejournal.com/http://drugoi.livejournal.com/http://drugoi.livejournal.com/http://drugoi.livejournal.com/http://www.vedomosti.ru/newspaper/article/2009/09/25/214732http://www.vedomosti.ru/newspaper/article/2009/09/25/214732http://twitter.com/MedvedevRussiahttp://twitter.com/MedvedevRussiahttp://twitter.com/MedvedevRussiahttp://eng.news.kremlin.ru/transcripts/1684http://eng.news.kremlin.ru/transcripts/1684http://eng.news.kremlin.ru/transcripts/1684http://eng.news.kremlin.ru/transcripts/1684http://twitter.com/MedvedevRussiahttp://www.vedomosti.ru/newspaper/article/2009/09/25/214732http://drugoi.livejournal.com/http://drugoi.livejournal.com/http://dolboeb.livejournal.com/http://novayagazeta.ru/data/2009/039/01.htmlhttp://www.zaputina.ru/http://www.time.com/time/specials/2007/personoftheyear/article/0,28804,1690753_1690757_1695787-10,00.htmlhttp://www.besttoday.ru/http://www.rospil.info/
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    lu meilleur blogueur de Russie 2011 parmi les reprsentants deltat en fvrier 201130.

    D. Medvedev milite pour l'alphabtisation cyberntique etl'utilisation des blogs au sein de la fonction publique. Il ne manque

    pas d'affirmer qu'il utilise son journal en ligne comme sourced'information sur ce qui se passe sur le terrain . Les exemples desractions prsidentielles des vnements qui ont agit lablogosphre russe sont connus : la collecte des signatures pour lalibration de Svetlana Bakhmina (juriste de Yukos emprisonne, ellea t libre) ; louverture du feu par le policier Evsioukov dans unsupermarch (il a t relev de ses fonctions et condamn perptuit) ; la mort en dtention provisoire du juriste SergueMagnitski (de hauts responsables du systme de l'excution despeines ont t limogs).

    D. Medvedev argue que dominer le Web confre un avantage

    politique indniable31

    . Il a dailleurs fait publier son clbre article Russie, en avant ! sur le site du journal en ligne Gazeta.ru. Sonvido-blog permet en outre de ractualiser la diplomatie publiquerusse en esquissant les contours dun soft poweradapt lre desrseaux. Ainsi, faisant cho la dgradation des rapports russo-bilorusses, D. Medvedev y a post en octobre 2010 une vido, danslaquelle il sadresse aux Bilorusses. Il y critique vertement leprsident Loukachenko et la rhtorique antirusse en cours Minsk32.

    La posture techno-compatible du prsident est nanmoinsfragile. Il est possible quil mette le Web en avant pour contourner unsystme politique quil ne contrle pas totalement ou auquel il ne faitgure confiance. Ainsi, lactuel ministre de la Communication et desTechnologies de linformation (et prsident du conseil dadministrationde Svyazinvest), Igor Shchegolev, est un proche de V. Poutine, dontil a dirig le service du protocole au Kremlin entre 2001 et 2008. Sonprdcesseur au gouvernement, Leonid Reiman (1999-2008), aconnu une ascension parallle V. Poutine dans les annes 1990 Saint-Ptersbourg, o il dirigeait un oprateur tlphonique. Il admissionn de son poste de conseiller du prsident enseptembre 2010 ; il chapeautait ce titre le Conseil prsidentiel pourle dveloppement de la socit de linformation, qui impulse lesprincipales initiatives tatiques d e-modernisation .

    30 Le concours, , tait organis par lAgence fdrale pour lapresse et les mdias.31 Sance parlementaire avec les dputs du parti Russie unie du 8 avril 2009,retranscrite sur le site .32 Vido disponible sur le site .

    http://2011.blogruneta.ru/winners/http://archive.kremlin.ru/text/appears/2009/04/214925.shtmlhttp://blog.kremlin.ru/post/111http://blog.kremlin.ru/post/111http://archive.kremlin.ru/text/appears/2009/04/214925.shtmlhttp://2011.blogruneta.ru/winners/
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    Imaginaire collectif 2.0

    De manire plus profonde, le Net constitue un rel dfi au maintiendune identit nationale dans un pays multiethnique comme laRussie. cet effet, les autorits russes cherchent tracer lescontours d'une identit russe sur le Web.

    cet gard, le parallle avec les travaux du sociologueBenedict Anderson est vocateur. Il y thorise le conceptd imaginaire collectif , partir duquel il tire une dfinition de lanation : une communaut politique imagine , runissant des gensqui ne se connaissent pas et ne se croiseront jamais mais quiprouvent un fort sentiment dappartenance une communaut33.Selon lui, le dveloppement de ltat-nation au XIXme sicle a tfavoris par lmergence de la presse crite, qui a cr des communauts de lecteurs . Internet nest pas seulement unespace de lecture collective , mais aussi d interactionscollectives .

    Ainsi, intensifier les activits numriques du gouvernement en particulier les rapports gouvernants-gouverns, lier conversationavec les citoyens (en priorit les jeunes) autour de thmatiques enlien avec lagenda national et structurer le Web comme un espacenationalcontribuent inclure les Russes dans un imaginaire collectif.Sur lavant-dernier point, le parti Russie unie tente de sadapter lre du Web social avec un certain succs en nouant ledialogue avec les blogueurs34 et en organisant des sessions-dbats

    avec des jeunes sur les questions numriques35.En outre, avec laide de diverses communauts dmigrs

    russophones, la communaut imagine russe est projete loin au-del des frontires physiques de la Russie, ce qui sert ledveloppement dun Russkiy Mir un monde russe virtuel. Eneffet, le RuNet rassemble tous les internautes qui crivent encyrillique et vhiculent la langue russe sur le Web : outre la Russie,dimportantes minorits russophones en Ukraine, en Bilorussie, enArmnie et en Isral vivent en ligne travers le RuNet36. Dans

    33 B. Anderson, Imagined Communities: Reflections on the Origin and Spread of

    Information, Londres, Verso (rd.), 1991.34 Edinorossy razvivat dialog s Internet-soobestvom [Edina Rossi intensifiele dialogue avec la communaut Internet], , 30 novembre 2010.35 En octobre 2010, a t ainsi organis un dbat sur le thme un dialogue inter-partis est-il possible dans la blogosphre ? . Notons que le responsable desquestions numriques au parti Russie unie est un snateur de 28 ans, RuslanGattarov, ancien prsident du conseil politique de la Jeune Garde de RussieUnie. V blogosfere nuno obats tak e, kak v offline [Dialoguer dans lablogosphre comme hors ligne], , 20 octobre 2010.36 B. Etling, et. al.Public Discourse in the Russian Blogosphere: Mapping RuNetPolitics and Mobilization, Harvard University, Berkman Center forInternet & Society, octobre 2010, p. 42-44.

    http://er.ru/er/text.shtml?17/1743http://er.ru/text.shtml?16/3740http://cyber.law.harvard.edu/publications/2010/Public_Discourse_Russian_Blogospherehttp://cyber.law.harvard.edu/publications/2010/Public_Discourse_Russian_Blogospherehttp://cyber.law.harvard.edu/publications/2010/Public_Discourse_Russian_Blogospherehttp://cyber.law.harvard.edu/publications/2010/Public_Discourse_Russian_Blogospherehttp://cyber.law.harvard.edu/publications/2010/Public_Discourse_Russian_Blogospherehttp://cyber.law.harvard.edu/publications/2010/Public_Discourse_Russian_Blogospherehttp://er.ru/text.shtml?16/3740http://er.ru/er/text.shtml?17/1743
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    lespace postsovitique, une grande partie des sites officiels et desmdias nationaux disposent galement de versions en russe37.En 2010, le russe tait la neuvime langue la plus utilise sur le Web,au mme niveau que le franais38.

    Dmocratiser laccs au Net et inciter les citoyens seconnecter nest quune partie de la politique des dirigeants russes, qui souverainisent leur approche du Web.

    37 T. Kastouva-Jean, Soft power russe : discours, outils, impact ,Russie.Nei.Reportsn5, octobre 2010, p. 10.38 Source : , 2010.

    http://www.internetworldstats.com/stats7.htmhttp://www.internetworldstats.com/stats7.htmhttp://www.internetworldstats.com/stats7.htm
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    Rguler le RuNet

    Si le Web offre de nouvelles perspectives pour la gouvernance dupays, la nature de limplication de ltat dans celui-ci reste ouverte.En association avec le secteur priv, le pouvoir multiplie les projetsdans la sphre numrique pour tenter de modeler lespaceinformationnel russophone, dont le potentiel politique balbutiantapparat prometteur lapproche des chances lectorales de 2011-2012. Il sagit de fragmenter le Web pour en extraire la composante

    russe, facilitant la mise en place dune rgulation subtile de ltat,vitant un hard controlsur la Toile tel quil est pratiqu en Chine.

    Russifier le Web

    La nationalisation dInternet nest certes pas un dbat nouveau,mais le cas russe est original plusieurs gards, notamment parcequil superpose une srie dinitiatives gouvernementales incitant les

    internautes russes rester dans le cadre du cyberespace national,dlimit par la langue. Lide de crer un moteur de recherche dtatrentre dans cette grille de lecture. Rvl par le quotidien RBK enmars 2010, ce projet viserait rpondre aux besoins de ltat savoir : faciliter laccs des informations scurises et filtrerles sites qui affichent des contenus interdits 39. Le gouvernementserait prt y investir 100 millions de dollars, avec laide departenaires privs, mais sans participation trangre. Lors dunesance avec les parlementaires de Russie en 2009, D. Medvedev amis ce sujet que les investissements trangers dans les moteursde recherche et les rseaux sociaux sont invitables, mais doiventfaire lobjet dun suivi. Cest une question de scurit nationale 40.

    Au-del de la technologie, ce projet se positionne surtout surle terrain politique. Cest lors de la guerre russo-gorgienne daot2008 que le MCTI aurait commenc sintresser aux moteurs derecherche et aux agrgateurs dinformations, aprs avoir constatque des articles dfendant la Gorgie taient aisment accessibles

    39 Voir E. Sergina, Kremlndeks , , 26 mars 2010. Lide vient de VladislavSurkov, chef adjoint de ladministration prsidentielle et membre du conseildadministration de Skolkovo.40 Compte rendu du 8 avril 2009 disponible sur .

    http://www.rbcdaily.ru/2010/03/26/media/466886http://www.rbcdaily.ru/2010/03/26/media/466886http://archive.kremlin.ru/text/appears/2009/04/214925.shtmlhttp://archive.kremlin.ru/text/appears/2009/04/214925.shtmlhttp://archive.kremlin.ru/text/appears/2009/04/214925.shtmlhttp://archive.kremlin.ru/text/appears/2009/04/214925.shtmlhttp://www.rbcdaily.ru/2010/03/26/media/466886
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    par les moteurs de recherche internationaux41. Se pose une autrequestion : Yandex, le moteur de recherche leader sur le RuNet, seraitdirectement concurrenc par ce projet dtat. Comme en Chine, unefirme nationale contrle le march russe de la recherche Internet42.Actuellement, le Kremlin peroit Yandex comme lune des socitsrusses les plus innovantes et surveille de prs ses oprations : ltatdtient notamment un droit de veto sur la vente de plus dun quartdes actions de lentreprise. Clairement, ltat na aucun intrt saborder Yandex ; la vritable cible de cette nationalisation seraitGoogle, qui apparat chez un nombre croissant de dirigeants russescomme une extension du dpartement dtat amricain43.Cependant, la capacit du Kremlin btir un concurrent crdible deGoogle reste limite, sachant que la firme amricaine dispose deressources financires, technologiques et juridiques quasi-illimites44.Enfin, certains experts soutiennent que le principal dfi nest pas dedvelopper un moteur de recherche, mais plutt de le rendre

    populaire et viable alors que les internautes russes peuvent djchoisir entre Yandex, Google, Mail.ru et Rambler45.

    Dans un mme mouvement de russification , legouvernement envisage d'adopter l'open source des logicielslibres dans le cadre d'un vaste plan pour dvelopper un systmed'exploitation national destin aux diffrentes institutions de l'tat. Endcembre 2010, un plan quadriennal (2011-2015) a t sign parV. Poutine, prvoyant une enveloppe budgtaire d'environ3,5 millions d'euros pour le dveloppement d'un systme informatiquebas sur le modle Linux. Outre un souci d'conomie, ce projettraduit la volont des autorits russes de se distancier de Microsoft46.Ds l'annonce publique de la ralisation de ce projet, deuxconcurrents se sont manifests pour obtenir le march de l'opensource en Russie : le conglomrat public spcialiste des hautestechnologies Rostekhnologuii, qui a acquis une minorit de blocagedans Alt Linux, qui distribue Linux en Russie ; et le fonds

    41 R. Badanin, et. al., Najdetsi ne vs [On ny trouvera pas tout], ,14 juillet 2010.42 En juin 2010, Yandex dtenait prs de 65 % de parts de march en Russie, contre22 % pour Google. Source : . Par ailleurs, selon comScore, Yandextait en 2009 le moteur de recherche qui a connu la plus forte croissance dans lemonde, et figurait au 7me rang mondial en termes de nombre de requtes. Yandexest lun des trois seuls portails non anglophones figurer dans le top -10 mondial,

    devanc par Baidu (Chine) et NHK (Core du Sud).43 E. Morozov, Is Russia Google's Next Weak Spot? , Foreign Policy,26 mars 2010.44Entretien de lauteur avec un blogueur russe, novembre 2010.45 Ces moteurs de recherche comptabilisaient respectivement pour 64,6 %, 22 %,7,3 % et 2,5 % des requtes en Russie en juin 2010 (donnes ).Lire A. Amzin, Gosudarstvo po zaprosu [Ltat sur requte], ,27 mars 2010.46 Il est estim qu'actuellement l'quipement informatique reprsente une dpensede 12 milliards de dollars par an en Russie, avec 1 milliard pour le paiement deslicences. Lire A. Malahov, E. Kiseleva, V. Lavickij, Programmisty-maksimum [Lemust des informaticiens],Kommersant, 8 juillet 2010.

    http://gazeta.ru/politics/2010/07/14_a_3397694.shtmlhttp://gazeta.ru/politics/2010/07/14_a_3397694.shtmlhttp://www.lenta.ru/columns/2010/03/27/search/http://www.lenta.ru/columns/2010/03/27/search/http://www.lenta.ru/columns/2010/03/27/search/http://www.kommersant.ru/Doc/1409923http://www.kommersant.ru/Doc/1409923http://www.kommersant.ru/Doc/1409923http://www.kommersant.ru/Doc/1409923http://www.lenta.ru/columns/2010/03/27/search/http://gazeta.ru/politics/2010/07/14_a_3397694.shtml
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    d'investissement NGI, qui a achet, sous la supervision de LeonidReiman en juillet 2010, une participation minoritaire dans ledveloppeur franais de logiciels libres Mandriva.

    Une autre initiative gouvernementale contribue russifier le

    RuNet : lobtention dun nom de domaine en cyrillique (.) auprsde lICANN en 2009 permet aux autorits russes dbaucher uncloisonnement de la russo-sphre virtuelle 47. Sil est encoreprmatur danalyser les implications politiques de ce nom dedomaine dont le dveloppement reste pour lheure limit aux sitesofficiels , lvnement a suscit un fort cho au sein de lablogosphre, certains activistes parlant de cyber ghettosation duWeb russe48.

    Lide de crer un moteur de recherche dtat et le lancementdun domaine en cyrillique faonnent lespace informationnel etencouragent les internautes russes rester dans le cadre du Web

    national et, par consquent, suscitent une isolation naturelle, malgrla nature globaledInternet. La relative isolation du Web russe nestpas nouvelle. La russit du RuNet serait une cl danalyse :contrairement la majeure partie du Web, de langue anglaise etdpendante dapplications et de services dorigine amricaine, leRuNet est bien des gards linguistiquement et culturellementhermtique, avec des moteurs de recherche performants et trspopulaires, des portails Web, des sites de rseaux sociaux (voir infra)et des services mail gratuits49.

    Laccroissement de la prsence numrique de ltat tend donc russifierle RuNet mais aussi lassocier plus troitement celui-ci.Outre les deux projets susmentionns, par exemple, seuls les plates-formes et les logiciels financs par le gouvernement sont utilissdans le systme ducatif. En consquence, ils deviennent partieintgrante du processus de socialisation pour les nouvellesgnrations de digital natives, ces personnes ayant grandi dans unenvironnement numrique.

    47 Fin octobre 2009, l 'ICANN (Internet Corporation for Assigned Names andNumbers) a entrin l'utilisation de caractres ne faisant pas partie de l'alphabet latinpour les adresses Internet de premier niveau ds la mi-2010. Il est dsormaispossible de dposer des noms de domaine en arabe, chinois, coren, cyrillique,hbreu et japonais.48 Kremlin Allies' Expanding Control of Runet Provokes Only Limited Opposition ,, fvrier 2010.49 R. Deibert, J. Palfrey, R. Rohozinski, J. Zittrain (dir.), Access Controlled: TheShaping of Power, Rights, and Rule in Cyberspace, Cambridge, MIT Press, 2010,p. 19.

    http://www.fas.org/irp/dni/osc/runet.pdfhttp://www.fas.org/irp/dni/osc/runet.pdfhttp://www.fas.org/irp/dni/osc/runet.pdf
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    Les voies de contrle du Web

    En plus de sa volont de russifier le Net russe, le Kremlin dploieune srie dinitiatives de nature sociale, juridique et commerciale quivisent tablir un contrle la fois plus ferme et plus sophistiqu surle RuNet.

    tat-blogueurComme la majorit des rgimes autoritaires ou semi-autoritaires50, leKremlin fait preuve de remarquables capacits dadaptation auxralits numriques. Les autorits russes ont su la fois crer unenvironnement juridique favorable au contrle des fluxinformationnels et cultiver une communaut dynamique de gourous

    de lInternet qui travaillent plus ou moins directement pour legouvernement. Cette communaut non unifie , proche desmilieux daffaires, permet au Kremlin de surmonter son impuissance contrler les flux dinformation dans la blogosphre51. Cetteimpuissance est le plus souvent positive : D. Medvedev tantpopulaire parmi les internautes, il s'agit d'une source supplmentairede louanges pour lexcutif. Quelquefois, nanmoins, les blogueursrvlent des histoires embarrassantes pour le Kremlin que lesnouveaux outils du Web 2.0 permettent damplifier. Les dirigeantsaimeraient avoir une meilleure connaissance des sites pourempcher ces rcits de gagner en audience. Cartographier lesconnexions entre les diffrentes parties de la blogosphre etcomprendre la manire dont elles sinfluencent mutuellement est ainsiprimordial. Cest dautant plus capital que le gouvernement est tout fait conscient que les opinions des internautes actifs sont pluttreprsentatives des croyances et proccupations de la classemoyenne russe52. Les tudier, puis les faonner, est crucial en vue dumaintien de la classe dirigeante au pouvoir lapproche de lacampagne prsidentielle de 2012.

    50 Voir S. Kalathil, T. Boas, Open Networks, Closed Regimes: The Impact of theInternet on Authoritarian Rule, Washington, CEIP, 2003. Si les auteurs n'analysentpas le cas de la Russie, ils montrent, travers les exemples de la Chine et des pays

    arabes, que, ds 2003, la capacit des gouvernements autoritaires de s'adapter auxdfis poss par l'utilisation du Web dans un but politique.51 E. Morozov, op. cit. [17], p. 124-126. Citons Konstantin Rykov, dput du partiRussie Unie, prsident du comit des nouvelles technologies la Douma et patronde la startup New Media Stars, charge de produire des commentaires flatteurs pourle rgime ; Igor Ashmanov, lun des consultants les plus influents sur les questionsnumriques (lire la retranscription de son interview la radio ), et quidirige Ashmanov & Partners, sollicite jusquau Vietnam ; et Askar Tuganbaev,crateur de .52Entretien de lauteur avec un blogueur russe, novembre 2010. cet effet, le MCTIa lanc en 2009 un appel d'offres en vue d'tudier les possibilits de promouvoirles intrts des organes fdraux de pouvoir par le biais des rseaux sociaux .

    http://echo.msk.ru/programs/tochka/651123-echo/http://echo.msk.ru/programs/tochka/651123-echo/http://echo.msk.ru/programs/tochka/651123-echo/http://rutube.ru/http://rutube.ru/http://rutube.ru/http://rutube.ru/http://echo.msk.ru/programs/tochka/651123-echo/
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    Commission sur la politique de linformation du Conseil de laFdration a discut de la mise en place dun environnementnumrique scuris destin protger les internautes de lahausse des activits illgales sur le Net58. Le gouvernement a bti unarsenal lgislatif qui consolide son pouvoir rpressif en ligne et traduitson ambition grandissante en matire de contrle du Web.Premirement, la doctrine de scurit de linformation, publie en2000, stipule que lespace informationnel est instrumentalis pardautres pays et des lments hostiles des fins dedstabilisation de la Russie. Contrler lespace informationnel estdonc une question de scurit nationale. Cette ide transparatdailleurs dans la doctrine militaire ractualise en fvrier201059.Deuximement, la Cour suprme a exonr depuis 2010 les sitesweb des mdias traditionnels de toute responsabilit sur lescommentaires publis sur leurs forums, tout en donnant Roskomnadzor (le service fdral charg de faire appliquer la loi sur

    le Net, qui relve du MCTI) lautorit de qualifier certains de sescommentaires d inappropris . Si un site reoit un certain nombrede rappels lordre parce que certains contenus nont pas t retirs,Roskomnadzor peut ainsi suspendre ses activits60. Le risque est quesinstaure un mcanisme pourla fermeture des sites inappropris ,autrement dit que naisse une nouvelle mthode de contrle desmdias critiques. Troisimement, le FSB (Service fdral de Scurit)a propos nombre damendements la loi Information, informatiqueet vie prive 61. lactivisme du FSB sajoute le dispositif SORM-IIqui, depuis 1999, autorise les services spciaux surveiller le traficInternet en restreignant notamment la marge de manuvre desfournisseurs daccs62. Outre une anticipation des prochaines

    chances lectorales, cet arsenal juridique tend rvler lesinquitudes du gouvernement face linfluence des nouveaux mdiaset rseaux sociaux.

    Offensive sur les firmes populaires du WebLachat dactifs des principales startups du Web russe peut se lire lafois comme un signe de l'importance accorde par le pouvoir au

    E. Morozov, Russia May Soon Create a "Bloggers' Chamber" , Foreign Policy,30 septembre 2009.58Le texte est disponible sur le site dopposition .59Pour une analyse concise de lapproche de la doctrine militaire en matiredinformation, lire G. Asmolov, New Military Doctrine and Information Security ,, 23 fvrier 2010.60 Internet-SMI osvobodili ot obzannosti moderirovat forumy [Les mdiasInternet librs de lobligation de modrer les forums], , 15 juin 2010.61 savoir : la conservation des donnes, la possibilit de fermer des sites dans lestrois jours sur dcision du cabinet du procureur et non pas sur dcision judiciaire, ouencore la possibilit de dsactiver un domaine sur la base dune lettre darguments motivs manant de la direction de certains dpartements spciaux. Lire FSBupordoit Internet [Le FSB mettra de lordre sur Internet], , 25 juin2010.62 R. Deibert, et. al.,op. cit. [49], p. 219.

    http://forum.msk.ru/material/lenty/433019.htmlhttp://forum.msk.ru/material/lenty/433019.htmlhttp://globalvoicesonline.org/2010/02/23/russian-military-doctrine/http://globalvoicesonline.org/2010/02/23/russian-military-doctrine/http://www.lenta.ru/news/2010/06/15/forums/http://www.lenta.ru/news/2010/06/15/forums/http://www.lenta.ru/news/2010/06/15/forums/http://www.sotovik.ru/news/fsb-uporiadochit-internet.htmlhttp://www.sotovik.ru/news/fsb-uporiadochit-internet.htmlhttp://www.sotovik.ru/news/fsb-uporiadochit-internet.htmlhttp://www.lenta.ru/news/2010/06/15/forums/http://globalvoicesonline.org/2010/02/23/russian-military-doctrine/http://forum.msk.ru/material/lenty/433019.html
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    potentiel politique d'Internet et dune nationalisation progressive duRuNet. En effet, on observe depuis 2007-2008, une hausseexponentielle des investissements dans les firmes du Web russe parles oligarques proches du pouvoir. Lhomme daffaires AlisherOusmanov63, rput proche de D. Medvedev, contrle travers laholding SUP (dont il a achet la moiti des parts en 2008 AlexanderMamut) LiveJournal, la plate-forme de blogs la plus populaire enRussiesouvent utilise pour exprimer des critiques lencontre dupouvoir64 et la socit Mail.ru Group (anciennement Digital SkyTechnologies). Sous limpulsion de son dirigeant Youri Milner (luhomme d'affaires 2010 en Russie), Mail.ru Group a entrepris uneoffensive sur les principales russites du Web social. En Russie,celle-ci possde certains des sites web les plus populaires : le portailMail.ru et les rseaux sociaux Vkontakte.ru et Odnoklassniki.ru,respectivement proches de Facebook.comet Classmates.com. SelonMail.ru, 70 % des pages vues sur le RuNet appartiennent aux sites

    web du groupe, qui possde dautres sites dans les pays de l'espacepost-sovitique.

    En outre, il est noter que Mail.ru Group mne depuis 2009une politique dachat dactifs ltranger, comme en tmoignent sonentre remarque hauteur denviron 10 % dans le capital deFacebook, ses prises de participation dans lditeur de jeux surrseaux sociaux Zynga et le site de-commerce Groupon, son rachatde la messagerie ICQ lamricain AOL, ou encore son entrerussie la Bourse de Londres en novembre 201065. Cesinvestissements diversifis rvlent la confiance des entrepreneursde la nouvelle conomie russe, qui, avec l'appui du Kremlin,permet de diffuser une vision russe du Web66.

    63 Copropritaire de Metalloinvest et directeur gnral de Gazprominvestholding(filiale dinvestissements financiers de Gazprom), A. Usmanov a diversifi sesactivits vers les mdias : il possde la maison ddition Kommersantet la moiti ducapital de SUP, fonds dinvestissement ddi aux nouveaux mdias (qui dtientnotamment LiveJournalet Gazeta.ru). Il est par ailleurs copropritaire de loprateurtlcom MegaFon. A. Usmanov est, selon le magazine Forbes, lun des hommes lesplus riches de Russie et serait proche de V. Poutine.64 Voir H. McLeod, Examining Political Group Membership on LiveJournal , DigitalIcons, vol. 1, n1, 2009, p. 19-21.65Notons quA. Ousmanov a fait nommer Yu. Milner la Commission prsidentiellepour la modernisation de lconomie en 2009, o celui-ci sige avec A. Tchoubas etV. Evtouchtchenkov.66 Entretien de l'auteur avec un expert europen, janvier 2011.

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    La Russie, laboratoire du contrle dInternet?

    Dans son ouvrage Power and Powerlessness, le sociologue JohnGaventa dfinit trois dimensions du pouvoir67. La premire met enscne un acteur A qui utilise son pouvoir pour influencer etvaincre lacteur B . La deuxime est la mise en place dobstaclespar A contre la participation de B par le contrle de lagenda.La troisime consiste influencer ou faonner la conscience de B par un contrle de la socialisation et de linformation. Lecontrle du Web tel quil est pratiqu en Russie sapparente cettetroisime approche : il consiste dvelopper un environnementnumrique qui favorise la passivit et amoindrit la motivation descitoyens aller au-del des contenus affilis ltat et l'espacerussophone.

    Ainsi se mettrait en place en Russie une troisime voie enmatire de contrle du Web, qui irait bien au-del de la censure et dela propagande directe68. Certains auteurs estiment que lesprochaines gnrations de contrle du Web mergent dans leRuNet : [o] les stratgies de contrle sont relativement subtiles etsophistiques, et sont conues pour faonner et affecter la faon dontlinformation est reue par les internautes 69. Le professeur canadienRonald Deibert et lexpert en scurit de linformationRafal Rohozinski dfinissent trois gnrations de contrle de lespacenumrique. La premire gnration se focalise sur le dni daccs etla censure de contenus spcifiques, quasiment pas utiliss en

    Russie. La seconde gnration correspond la cration dunenvironnement juridique et de capacits techniques qui permettent derefuser laccs des informations. Dans la troisime gnration decontrle, il sagit de passer dune politique ractive une politiqueproactive: il sagit moins de refuser laccs que de rivaliser avecdes menaces potentielles au moyen de campagnes de contre-information efficaces qui discrditent ou dmoralisent lesopposants 70.

    La spcificit de la politique numrique russe est encore plusinstructive si on la compare lapproche chinoise du Net. Au niveaudes similitudes, Russie et Chine adoptent une approche stato-centredInternet: il sagit dutiliser le Web pour prserver la lgitimit dusystme politique et du rgime en place. Les deux pays adoptentgalement une dmarche utilitaire dInternet, peru comme un moyenpourune fin. Plutt que de placer Internet dans le prolongement de la

    67 J. Gaventa, Power and Powerlessness: Quiescence and Rebellion in anAppalachian Valley, Champaign, University of Illinois Press, 1982.68 M. Alexander, The Internet and Democratization: the Development of RussianInternet Policy , Demokratizatsiya, vol. 12, n 4, 2004, p. 620.69 R. Deibert, et. al.,op. cit. [49], p. 16.70Idem.

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    Conclusion

    Lactivit croissante du gouvernement russe sur le Web vise recrerltatsur la Toile. La stratgie de lexcutifest motive par un soucide prserver la souverainet du RuNet. Ce concept estdactualit, un nombre croissant de pays ne dissimulant plus leurmalaise quant la part croissante des firmes occidentales essentiellement amricaines dans les nouvelles technologies surleur march. Outre la Russie, des pays comme la Chine, lIran ou la

    Turquie tentent darticuler leur propre vision dun Websouverain 75, distanci en particulier de Google. Certainsobservateurs laissent entendre que le RuNet est un modle dedveloppement pour dautres Web nationaux . Il sagit de savoir silon se dirige vers une fragmentation de lInternet globalis tel quelon connat et vers lmergence de multiples Internetssouverains .

    Dans loptique du Kremlin, la dmocratie directe viaInternet est une stratgie gagnant-gagnant. Sur le plan interne,lutilisation du Web rend les dirigeants plus accessibles lapopulation et lui donne limpression de prendre part au processusdmocratique. Sur le plan international, lutilisation des outilsnumriques contribue projeter de la Russie une image progressive,moderne et tourne vers lOccident. Lobjectif est double : faireoublier le potentiel de nuisance de la Russie sur le Net (les cyber-attaques contre lEstonie et la Gorgie sont encore vivaces) etcapitaliser sur son soft power tout en contrant les initiatives del'administration Obama en matire dInternetfreedom76.

    On assiste progressivement une monte en puissancenumrique de la Russie et de la Chine. Outre lvolution du contrledu Web par le pouvoir russe, il est impratif de sintresser auxrelations public-priv : les acteurs russes du Net, soutenus par leKremlin, mnent une stratgie offensive sur le march mondial desnouvelles technologies. Lvolution de cette tendance permettracertainement de polir la marque Russie naissante et de dfinir lacrdibilit dune puissance numrique russe.

    75 I. Bremmer, Democracy in Cyberspace , Foreign Affairs, vol. 89, n 6,novembre-dcembre 2010.76 Sur les dfis poss par l'intgration des outils numriques dans la diplomatieamricaine, voir J. Nocetti, La diplomatie d'Obama l'preuve du Web 2.0 ,Politique trangre, n 1, 2011, p.157-169.