Université de Poitiers Faculté de Médecine et Pharmacie · DE DOCTEUR EN MEDECINE (décret du 16...

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Université de Poitiers Faculté de Médecine et Pharmacie ANNEE 2010 Thèse n° THESE POUR LE DIPLOME D'ETAT DE DOCTEUR EN MEDECINE (décret du 16 janvier 2004) Présentée et soutenue publiquement le 29 septembre 2010 à Poitiers par M. Xavier LEMERCIER TITRE Vécu et ressenti des médecins généralistes dans leur prise en charge de patients en fin de vie Analyse dʼentretiens semi-dirigés auprès de médecins généralistes de la Vienne COMPOSITION DU JURY Président : Monsieur le Professeur Roger GIL Membres : Madame le Professeur Marie-Christine PERAULT-POCHAT Monsieur le Professeur Pascal ROBLOT Monsieur le Professeur Bernard GAVID Directeur de thèse : Monsieur le Docteur Laurent MONTAZ

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Université de Poitiers

Faculté de Médecine et Pharmacie

ANNEE  2010                     Thèse n°

THESE POUR LE DIPLOME D'ETAT

DE DOCTEUR EN MEDECINE

(décret du 16 janvier 2004)

Présentée et soutenue publiquement

le 29 septembre 2010 à Poitiers

par M. Xavier LEMERCIER

TITRE

 

Vécu et ressenti des médecins généralistes

dans leur prise en charge de patients en fin de vie

Analyse dʼentretiens semi-dirigés auprès de médecins généralistes de la Vienne

COMPOSITION DU JURY

 

Président : Monsieur le Professeur Roger GIL

Membres : Madame le Professeur Marie-Christine PERAULT-POCHAT

Monsieur le Professeur Pascal ROBLOT

Monsieur le Professeur Bernard GAVID

Directeur de thèse : Monsieur le Docteur Laurent MONTAZ

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 6  rue  de  la  Milétrie  ,  B.P.  199,  86034  POITIERS  CEDEX,  France  

05.49.45.43.43  -­‐    05.49.45.43.05  –  e.mail  :  doyen.medecine@univ-­‐poitiers.fr  

 

UU NIVERSITE DE NIVERSITE DE PP OITIERSOITIERS

Faculté  de  Médecine  et  Pharmacie  

Année universitaire 2009 - 2010

LISTE  DES  ENSEIGNANTS  DE  MEDECINE    

Professeurs des Universités - Praticiens Hospitaliers

1. AGIUS Gérard, Bactériologie-Virologie 2. ALLAL Joseph, Thérapeutique 3. BATAILLE Benoît, Neurochirurgie 4. BECQ-GIRAUDON Bertrand, Maladies infectieuses, maladies tropicales (surnombre) 5. BENSADOUN René-Jean, cancérologie radiothérapie 6. BRIDOUX Frank, Néphrologie 7. BURUCOA Christophe, Bactériologie-Virologie-Hygiène 8 . CARRETIER Michel, Chirurgie générale 9. CORBI Pierre, Chirurgie thoracique et cardio-vasculaire 10. DABAN Alain, Cancérologie Radiothérapie (surnombre) 11. DAGREGORIO Guy, Chirurgie plastique et Reconstructrice 12. DEBAENE Bertrand, Anesthésiologie Réanimation Chirurgicale 13. DEBIAIS Françoise, Rhumatologie 14. DIGHIERO Paul, Ophtalmologie (disponibilité) 15. DORE Bertrand, Urologie 16. DUFOUR Xavier, Oto-Rhino-Laryngologie 17. EUGENE Michel, Physiologie 18. FAUCHERE Jean-Louis, Bactériologie- Virologie (surnombre) 19. FROMONT-HANKARD Gaëlle, Anatomie et cytologie pathologiques 20. GAYET Louis-Etienne, Chirurgie orthopédique et traumatologique 21. GIL Roger, Neurologie (surnombre) 22. GILBERT Brigitte, Génétique 23. GOMBERT Jean-Marc, Immunologie 24. GOUJON Jean-Michel, Anatomie et Cytologie Pathologiques 25. GUILHOT-GAUDEFFROY François, Hématologie et Transfusion 26. GUILLET Gérard, Dermatologie 27. HADJADJ Samy, Endocrinologie et Maladies métaboliques 28. HANKARD Régis, Pédiatrie 29. HAUET Thierry, Biochimie 30. HERPIN Daniel, Cardiologie et Maladies vasculaires 31. HOUETO Jean-Luc, Neurologie 32. INGRAND Pierre, Biostatistiques, Informatique médicale 33. IRANI Jacques, Urologie 34. KEMOUN Gilles, Médecine physique et Réadaptation 35. KITZIS Alain, Biologie cellulaire 36. KLOSSEK Jean-Michel, Oto-Rhino- Laryngologie

37. KRAIMPS Jean-Louis, Chirurgie générale 38. LEVARD Guillaume, Chirurgie infantile 39. LEVILLAIN Pierre, Anatomie et Cytologie pathologiques 40. MAGNIN Guillaume, Gynécologie et obstétrique 41. MARCELLI Daniel, Pédopsychiatrie 42. MARECHAUD Richard, Médecine interne 43. MAUCO Gérard, Biochimie et Biologie moléculaire 44. MENU Paul, Chirurgie thoracique et cardio-vasculaire 45. MEURICE Jean-Claude, Pneumologie 46. MIMOZ Olivier, Anesthésiologie, Réanimation chirurgicale 47. MORICHAU-BEAUCHANT Michel, Hépato-Gastro- Entérologie 48. NEAU Jean-Philippe, Neurologie 49. ORIOT Denis, Pédiatrie 50. PACCALIN Marc, Gériatrie 51. PAQUEREAU Joël, Physiologie 52. PERAULT Marie-Christine, Pharmacologie clinique 53. PERDRISOT Rémy, Biophysique et Traitement de l'Image 54. PIERRE Fabrice, Gynécologie et obstétrique 55. POURRAT Olivier, Médecine interne 56. PRIES Pierre, Chirurgie orthopédique et traumatologique 57. RICCO Jean-Baptiste, Chirurgie vasculaire 58. RICHER Jean-Pierre, Anatomie 59. ROBERT René, Réanimation médicale 60. ROBLOT France, Maladies infectieuses, Maladies tropicales 61. ROBLOT Pascal, Médecine interne 62. RODIER Marie-Hélène, Parasitologie et Mycologie 63. SENON Jean-Louis, Psychiatrie d'adultes 64. SILVAIN Christine, Hépato-Gastro- Entérologie 65. SOLAU-GERVAIS Elisabeth, Rhumatologie 66. TASU Jean-Pierre, Radiologie et Imagerie médicale 67. TOUCHARD Guy, Néphrologie 68. TOURANI Jean-Marc, Cancérologie Radiothérapie, option Cancérologie (type clinique) 69. TURHAN Ali, Hématologie-transfusion 70. VANDERMARCQ Guy, Radiologie et Imagerie Médicale 71. WAGER Michel, Neurochirurgie

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 6  rue  de  la  Milétrie  ,  B.P.  199,  86034  POITIERS  CEDEX,  France  

05.49.45.43.43  -­‐    05.49.45.43.05  –  e.mail  :  doyen.medecine@univ-­‐poitiers.fr  

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UU NIVERSITE DE NIVERSITE DE PP OITIERSOITIERS

Faculté  de  Médecine  et  Pharmacie  

Maîtres de Conférences des Universités-Praticiens hospitaliers 1. ARIES Jacques, Anesthésiologie et Réanimation chirurgicale 2. BEBY-DEFAUX Agnès, Bactériologie-Virologie-Hygiène 3. BEN-BRIK Eric, Médecine du travail 4. BOINOT Catherine, Hématologie et Transfusion 5. BOUNAUD Jean-Yves, Biophysique et Traitement de l'Image 6. BOURMEYSTER Nicolas, Biologie cellulaire 7. CASTEL Olivier, Bactériologie-Virologie- Hygiène 8. CAVELLIER Jean-François, Biophysique et Traitement de l'Image 9. CHANSIGAUD Jean-Pierre, Biologie du développement et de la reproduction 10. DAHYOT-FIZELIER Claire, Anesthésiologie et Réanimation chirurgicale 11. DIAZ Véronique, Physiologie 12. FAURE Jean-Pierre, Anatomie 13. FAVREAU Frédéric, Biochimie et Biologie moléculaire 14. GRIGNON Bernadette, Bactériologie-Virologie-Hygiène 15. GUILLARD Olivier, Biochimie et Biologie moléculaire 16. HURET Jean-Loup, Génétique 17. JAAFARI Nematollah, Psychiatrie d’adultes 18. KARAYAN-TAPON Lucie, Cancérologie 19. LAFAY Claire, pharmacologie clinique 20. LECRON Jean-Claude, Biochimie et Biologie moléculaire 21. MIGEOT Virginie, Santé publique 22. ROUMY Jérôme, Biophysique, Médecine nucléaire 23. ROY Lydia, Hématologie 24. SAPANET Michel, Médecine légale 25. TALLINEAU Claude, Biochimie et Biologie moléculaire Professeurs associés de Médecine générale

GAVID Bernard GOMES DA CUNHA José

Maître de Conférences associé de Médecine générale

VALETTE Thierry

Professeur certifié d'Anglais

BULKO Annie

Professeur émérite 1. FONTANEL Jean-Pierre, Oto-Rhino Laryngologie 2. LAPIERRE Françoise, Neurochirurgie Professeurs et Maîtres de Conférences honoraires

1. ALCALAY Michel, Rhumatologie 2. BABIN Michèle, Anatomie et Cytologie pathologiques 3. BABIN Philippe, Anatomie et Cytologie pathologiques 4. BARRAINE Robert, Cardiologie et Maladies vasculaires 5. BARRIERE Michel, Biochimie et biologie moléculaire 6. BEGON François, Biophysique, Médecine nucléaire 7. BONTOUX Daniel, Rhumatologie 8. BURIN Pierre, Histologie 9. CASTETS Monique, Bactériologie-Virologie - Hygiène 10. CLARAC Jean-Pierre, Chirurgie orthopédique 11. DE NAS TOURRIS Henri, Gynécologie obstétrique 12. DESMAREST Marie-Cécile, Hématologie 13. DEMANGE Jean, Cardiologie et Maladies vasculaires 14. GASQUET Christian, Radiologie 15. GOMBERT Jacques, Biochimie 16. JACQUEMIN Jean-Louis, Parasitologie et Mycologie médicale 17. LARSEN Christian-Jacques, Biochimie et biologie moléculaire 18. MAIN de BOISSIERE Alain, Pédiatrie 19. MARILLAUD Albert, Physiologie 20. MORIN Michel, Radiologie, Imagerie médicale 21. PATTE Dominique, Médecine interne 22. PATTE Françoise, Pneumologie 23. POINTREAU Philippe, Biochimie 24. REISS Daniel, Biochimie 25. RIDEAU Yves, Anatomie 26. SULTAN Yvette, Hématologie et transfusion 27.TANZER Joseph, Hématologie et transfusion

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«  Le   doute   est   ouvert   à   l’autre   puisque  

celui  qui  ne  sait  pas  cherche  des  éléments  

pour  mieux  comprendre  et  mieux  savoir.  Il  

existe   une   morale   du   doute,   le   doute   est  

vertueux  »8.  

Axel  Kahn  

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Remerciements    

A  Monsieur  le  Professeur  GIL,  

Vous  m’avez  fait  le  grand  honneur  d’accepter  de  présider  mon  Jury.  

Veuillez  trouver  en  ces  mots  l’expression  de    profonde  estime.  

 

A  Madame  le  Professeur  PERAULT-­POCHAT,  

Je  suis  très  sensible  à  l’honneur  que  vous  m’avez  fait  en  acceptant  de  porter  un  jugement  sur  mon  travail.  

Veuillez  accepter  l’expression  de  ma  sincère  gratitude.  

 

A  Monsieur  le  Professeur  ROBLOT,  

Vous  avez  accepté  d’être  membre  du  Jury  de  cette  thèse,  je  vous  en  remercie.  

Veuillez  trouver  ici  le  témoignage  de  mon  profond  respect.  

 

A  Monsieur  le  Professeur  GAVID,  

Je  vous  prie  de  recevoir  mes  sincères  remerciements  pour  avoir  accepté  de  juger  mon  travail.  

Veuillez  croire  en  l’expression  de  ma  sincère  considération.  

 

A  Monsieur  le  Docteur  MONTAZ,  

Je  vous  remercie  pour  vos  enseignements  au  lit  du  malade.  Soyez  certain  qu’ils  m’accompagneront  durant  

mes  années  d’exercice.  

Je  vous  remercie  très  sincèrement  d’avoir  accepté  de  diriger  mon  travail.  

Je  vous  remercie  surtout  d’avoir  assumé  cette  lourde  tâche  jusqu’au  bout,  malgré  mes  tribulations  et   les  

péripéties  auxquelles  je  vous  ai  exposé.  

 

A  ma  mère,    

Pour  ta  patience  et  ton  soutien  durant  mes  années  d’études,  ainsi  que  pour  ton  aide  lors  de  la  finalisation  

de  ce  travail,  merci.  

 

A  Valérie,    

Pour  ton  soutien  sans  faille  et  pour  tes  conseils  littéraires  avisés,  merci.  

 

A  Matthieu,    

Pour  tout  le  reste,  merci.  

 

A  mon  père,  

A  ma  grand-­mère  Yvonne,  

A  mon  arrière  grand-­mère  Marie-­Louise,  qui  se  sont  envolés  trop  tôt,  sans  un  bruit.  

 

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Table  des  matières    

AVANT-­PROPOS ..............................................................................................................................................7  

CHAPITRE 1.   INTRODUCTION .......................................................................................................... 10  

1.1.   SOINS  PALLIATIFS  :  DEFINITIONS  ET  PRINCIPES........................................................................10  

1.1.1.   La  fin  de  vie.................................................................................................................................................... 10  1.1.2.   Les  soins  palliatifs....................................................................................................................................... 11  1.1.3.   Le  domicile ..................................................................................................................................................... 14  

1.2.   CONTEXTE  NATIONAL  ET  LOCAL ..........................................................................................16  

1.2.1.   Rappel  historique  sur  les  soins  palliatifs .......................................................................................... 16  1.2.2.   Etat  des  lieux  dans  la  Vienne ................................................................................................................. 25  

CHAPITRE 2.   MATERIEL  ET  METHODES ....................................................................................... 29  

2.1.   OBJECTIF  ET  QUESTIONS  DE  RECHERCHE ...............................................................................29  

2.1.1.   Objectif............................................................................................................................................................. 29  2.1.2.   Questions  de  recherche............................................................................................................................. 30  

2.2.   UNE  RECHERCHE  EN  DEUX  ETAPES.......................................................................................31  

2.2.1.   Revue  de  la  littérature .............................................................................................................................. 31  2.2.2.   Une  enquête  de  terrain  qualitative ..................................................................................................... 33  

CHAPITRE 3.   RESULTATS  ET  ANALYSE ......................................................................................... 42  

3.1.   REVUE  DE  LA  LITTERATURE ................................................................................................42  

3.1.1.   Caractéristiques  de  la  littérature  étudiée ........................................................................................ 42  3.1.2.   Analyse  par  publication ........................................................................................................................... 42  3.1.3.   Analyse  comparée....................................................................................................................................... 51  3.1.4.   Conclusion  de  la  revue  de  la  littérature  et  ouverture  sur  l’enquête  de  terrain ............... 56  

3.2.   ETUDE  QUALITATIVE  DES  ENTRETIENS  AUPRES  DE  MEDECINS  GENERALISTES  DE  LA  VIENNE  :  RESULTATS  

ET  ANALYSE..............................................................................................................................59  

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3.2.1.   Données  générales  des  entretiens........................................................................................................ 59  3.2.2.   Relevés  thématiques  par  entretien...................................................................................................... 65  3.2.3.   Analyse  thématique  transversale  de  l’ensemble  du  corpus....................................................125  3.2.4.   Construction  de  l’arbre  thématique..................................................................................................163  

CHAPITRE 4.   DISCUSSION ................................................................................................................165  

CONCLUSION ...............................................................................................................................................175  

BIBLIOGRAPHIE.........................................................................................................................................178  

 

 

RESUME  ET  MOTS  CLES ...........................................................................................................................181  

SERMENT  D’HIPPOCRATE ......................................................................................................................182  

ANNEXES.......................................................................................................................................................183    

 

 

 

 

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AVANT-­‐PROPOS  

 

  La   Loi   n°  2005-­‐370   du   22   avril   2005   relative   aux   droits   des  malades   et   à   la   fin   de  

vie1,2,3  (dite  Loi  Leonetti)  marque  une  étape  importante  de  l’évolution  des  soins  palliatifs  au  

sein  du  système  de  soins  français,  tant  en  ce  qui  concerne  la  progression  de  l’offre  de  soins  à  

la  population,  qu’en  matière  de  développement  de   l’enseignement  et  de   la   recherche    en  

soins  palliatifs.  

  Lors   de   notre   formation   initiale,   nous   avons   en   effet   eu   l’occasion   d’être  

régulièrement   confronté   à   la   maladie,   à   la   souffrance   et   à   la   mort,   comme   le   sont   de  

nombreux  étudiants  en  médecine  et  professionnels  de  santé.    

  Marqué  par   ces  expériences  cliniques  et  par  un  deuil  personnel,   il  nous  est  apparu  

opportun  de  nous  former  à  l’approche  et  la  prise  en  charge  des  patients  en  fin  de  vie  et  de  

leur  entourage.  Ce  sont  ces  raisons,  dans   le  contexte  général  d’évolution  que  nous  venons  

de  rappeler,  qui  ont  présidé  à   la  volonté  de  nous   inscrire  au  diplôme  inter  universitaire  de  

soins  palliatifs,  ainsi  qu’à  la  réalisation  du  stage  au  sein  de  l’équipe  mobile  de  soins  palliatifs  

du   Centre   Hospitalier   et   Universitaire   (CHU)   de   Poitiers.   Ces   choix   et   ces   expériences   ont  

constamment   été   empreints   de   l’objectif   d’acquérir   des   compétences   nouvelles,   utiles   à  

l’exercice  futur  de  notre  profession  de  médecin  généraliste.    

  Selon   les   études,   un   médecin   généraliste   prend   en   charge,   chaque   année,   en  

moyenne,   entre   un   et   quatre   patients   en   fin   de   vie36.   Les   soins   palliatifs   ne   représentent  

donc  qu’une  part  résiduelle  de  l’activité  de  médecine  générale.    

  Il  nous  semble  pourtant  que  ces  prises  en  charge  tiennent  une  place  particulièrement  

importante   dans   la   carrière   d’un   médecin   généraliste.   Nous   verrons   en   effet   que   la  

confrontation  à  la  souffrance  et  à  la  mort  marque  profondément  les  médecins  généralistes  

qui  ne  restent  jamais  indifférents  à  cette  expérience  de  la  fin  de  vie.    

 

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  Notre   projet   de   recherche   trouve   ainsi   sa   genèse   dans   deux   situations   dont   nous  

avons   fait   l’expérience  :   d’une   part,   la   prise   en   charge   à   domicile   d’une   jeune   femme   de  

41  ans   atteinte   d’un   mélanome   métastasé,   lors   de   notre   stage   en   médecine   générale  

ambulatoire  ;  d’autre  part,  les  prises  en  charge  que  nous  avons  connues  lors  de  notre  stage  

au  sein  de  l’équipe  mobile  de  soins  palliatifs  du  CHU  de  Poitiers.  Les  situations  vécues  avec  

l’équipe  mobile,   les  prises   en   charge   collégiales,   pluridisciplinaires,   les   échanges   constants  

avec   les   patients   et   leur   famille   ont   fait   écho   à   la   prise   en   charge   isolée   du   médecin  

généraliste  que  nous  avions  suivi  quelques  mois  plus  tôt.  Ce  médecin,  dont  le  dévouement  

ne   pouvait   que   forcer   le   plus   grand   respect,   nous   avait   conduit   à   nous   interroger   sur   sa  

solitude  assumée  dans  cette  prise  en  charge.  Son   implication  personnelle  était  évidente  et  

risquait  d’être  destructrice  sur  le  plan  personnel,  tout  au  moins  déstabilisante.    

  Comment   vivait-­‐il   cette   prise   en   charge  ?   Comment   gérait-­‐il   ses   émotions   et   ses  

souffrances  ?  Ressentait-­‐il   le  besoin  d’être  aidé  et  soutenu  ?  Quels  étaient   les  éléments  de  

son  histoire  professionnelle  et  personnelle  qui  entraient  en  jeu  ?  

  Diverses   études,   à   la   fois   quantitatives   et   qualitatives,   ont   été  menées   auprès   des  

patients,   des   médecins   généralistes   ou   encore   des   différents   professionnels   de   santé  

intervenant  dans  ce  domaine,  mais   l’analyse  de   la   littérature  montre  que  celle-­‐ci   s’attarde  

essentiellement  sur  les  difficultés  posées  par  la  prise  en  charge  à  domicile  des  patients  en  fin  

de   vie,   difficultés   liées   à   la   relation   au   patient,   à   la   communication   avec   l’entourage,   à   la  

coordination  des  soins  entre  professionnels,  entre  l’ambulatoire  et  l’hospitalier.  

 

  Nous  avons  donc  axé  notre  questionnement  sur   le  vécu  et   le  ressenti  des  médecins  

généralistes  dans   leur  prise  en   charge  de  patients  en   fin  de  vie.   En  premier   lieu,   il   nous  a  

semblé   nécessaire   d’étudier   la   place   occupée   par   cet   aspect   dans   l’importante   littérature  

relative   aux   soins  palliatifs   à  domicile.  Dans  un   second   temps,   nous   avons   fait   le   choix  de  

réaliser  des  entretiens  auprès  de  médecins  généralistes  et  d’analyser  qualitativement  le  récit  

de   leurs   prises   en   charge   de   patients   en   fin   de   vie.   Nous   verrons   que   l’objectif   de   cette  

analyse  était  d’isoler  les  éléments  relatifs  à  l’expression  de  leur  vécu  de  leur  ressenti.  Nous  

tâcherons  de  montrer  que  ces  deux  points  sont   fréquemment   les  oubliés  des  études  de   la  

prise  en  charge  des  patients  en   fin  de  vie  à  domicile.   Le  vécu  et   le   ressenti  des  médecins,  

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souvent   effleurés,   jamais   disséqués,   sont   en   effet   difficilement   accessibles,   bien   que  

toujours   présents.   Nous   avons   donc   souhaité   dans   ce   travail   procéder   au   relevé,   à   la  

description  et  à   l’interprétation  de  l’expression  du  vécu  et  du  ressenti  à  travers   le  discours  

des  médecins  généralistes.  Ce   travail  constitue   le  préalable  nécessaire  à   la  compréhension  

du  fonctionnement  propre  aux  médecins,  compréhension  indispensable  à  l‘amélioration  de  

la  prise  en  charge  des  patients  et  à  celle  du  vécu  des  médecins.  Le  récit  des  prises  en  charge  

par   les   médecins   eux-­‐mêmes   s’avérait   donc   le   lieu   rêvé   de   l’expression   du   vécu   et   du  

ressenti.  

 

 

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Chapitre 1. INTRODUCTION  

1.1. SOINS  PALLIATIFS  :  DEFINITIONS  ET  PRINCIPES  

1.1.1. La  fin  de  vie  

  La   littérature   ne   nous   propose   pas   de   définition   claire   de   la   «  fin   de   vie  ».   Nous  

verrons  d’ailleurs   dans   cette   étude  que   chacun  des  médecins   généralistes   rencontrés  met  

derrière  ce  terme  un  sens  parfois  proche  mais  toujours  différent.    

  Dans   une   analyse   méthodologique   des   preuves   sur   lesquelles   sont   basées   les  

traitements  et   les   interventions  en  soins  palliatifs,  Sturtewagen  et  Chevalier4  définissent   la  

fin  de  vie  comme  étant  un  «  déclin  clinique  et  fonctionnel  ».  Ils  mettent  en  évidence  la  place  

des  caractéristiques  cliniques,  le  score  prédictif  de  survie  ainsi  que  le  jugement  du  praticien  

pour   parler   de   patient   en   fin   de   vie.   Ils   évoquent   également   l’importance   de   la   prise   de  

conscience   du   risque   de   décès.   Ces   différents   éléments   interviennent   dans   la   prise   de  

décisions  concernant  la  prise  en  charge  du  patient  qui  est  alors  qualifié  de  «  patient  en  fin  de  

vie  ».    

  Nous  comprenons  donc  que  la  fin  de  vie  est  difficile  à  définir  du  point  de  vue  médical.  

Une   définition   permettrait   pourtant   d’en   préciser   les   contours   et   les   concepts  ;   or,   la  

confrontation,  que  nous  avons  en  tant  que  soignant,  à  la  mort  nous  a  permis  d’appréhender  

la  difficulté  voire  l’impossibilité  d’affirmer  le  moment  exact  auquel  le  décès  d’un  patient  va  

intervenir.  Tout  au  plus  nous  ne  pouvons  le  déterminer  que  dans  les  minutes  précédentes.  

La   subjectivité   du   soignant   dans   la   qualification   de   son   patient   en   fin   de   vie   reste  

importante,  empêchant  la  définition  des  contours  de  la  fin  de  vie.  

  Ricot  dans  son  recueil  sur  la  philosophie  et  la  fin  de  vie5  revient  sur  les  termes  «  fin  

de  vie  »  et  «  mourant  »  en  avançant  que  ceux-­‐ci  ne  sont  pas  adéquats  «  pour  désigner  une  

phase   de   l’existence   qui   concerne   des   vivants,   certes   fragilisés   par   la   mort,   rôdeuse   et  

sournoise  ».  Il  pose  en  pré-­‐requis  dans  son  introduction  le  fait  que  «  finir  sa  vie  c’est  d’abord  

la  continuer  ».  Aussi,  l’utilisation  du  terme  «  mourant  »  comme  «  participe  présent  du  verbe  

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mourir,   surtout   lorsqu’il   est   substantivé  »   est   qualifié   par  Ricot   de  «  désignation  douteuse,  

parce  que  contradictoire  :  ou  bien  l’on  est  mort,  ou  bien  l’on  est  vivant  ».  

  D’un  point  de  vue  philosophique,  il  ressort  donc  que  l’utilisation  des  termes  de  «  fin  

de  vie  »  ou  de  «  mourant  »  n’est  pas  appropriée  puisque  ces  expressions  introduisent  l’idée  

que  tous   les  moments  de   la  vie  ne  valent  d’être  vécus,  excluant  ainsi,  de   la  communautés  

des   humains,   des   personnes   qui   sont   en   train   de   vivre   une   étape   de   leur   vie,   fût-­‐elle   la  

dernière.  

  La   fin   de   vie   ne   semble   donc   se   définir   qu’a   posteriori.   Nous   pouvons   au   mieux  

déterminer  qu’un  patient  est  en  fin  de  vie  dans  les  instants  proches  ou  supposés  proches  du  

décès.  Ce  n’est  finalement  que  lorsque  notre  patient  est  décédé  que  nous  pouvons  affirmer  

qu’il   était   bien   en   fin   de   vie.   Nous   pouvons   alors   reprendre   les   éléments   contextuels   qui  

nous  permettent  d’affirmer  qu’il  était  bien  à  la  fin  de  sa  propre  vie.  

  Pourtant   les   soins   palliatifs   prennent   en   charge   la   fin   de   la   vie.   Ce   sont   le   sens  

clinique   et   l’expérience   du   médecin,   probablement   son   intuition   d’Homme   qui   lui  

permettent   de   dire   que   son   patient   est   en   fin   de   vie,  moment   si   particulier  mais   encore  

inscrit   dans   la   vie.   Les   soins   palliatifs   sont   donc   bel   et   bien   des   soins   actifs   adressés   aux  

vivants.  

1.1.2. Les  soins  palliatifs  

  La   littérature   nous   propose   plusieurs   définitions   des   soins   palliatifs   issues   de  

différents   rapports,   travaux   de   sociétés   savantes   ou   instances   officielles.   Nous   verrons  

qu’elles  sont  relativement  proches  les  unes  des  autres  et  se  complètent  mutuellement.    

  En  1999,  Hérouville,  Morize  et  Serrÿn6  décrivent  l’évolution  de  la  définition  des  soins  

palliatifs  et  insistent  sur  l’importance  de  celle-ci.  Cette  définition  apparaît  comme  un  moyen  

de   fixer   des   limites   et   d’élaborer   ainsi   un   cadre   de   raisonnement   et   d’action   aux   soins  

palliatifs.  Une  fois  adoptée,  une  définition  fixe  des  objectifs  de  santé  publique  (délimitation  

du   groupe   de   patients   concernés,   évaluation   des   besoins,   intégration   dans   le   système   de  

soins),   des   objectifs   cliniques   (qualification   et  mise   en   place   des   soins   sur   le   terrain),   des  

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objectifs   éthiques   (prise   de   position   morale   et   clinique),   et   enfin   des   objectifs  

méthodologiques  (reproductibilité  des  recherches,  mise  en  place  de  protocole  validés).  

  Nous   allons   nous   attarder   sur   certaines   de   ces   définitions   qui   nous   semblent   avoir  

construit   la  définition  proposée  aujourd’hui  par   la  Société  Française  d’Accompagnement  et  

de  Soins  Palliatifs  (SFAP).  

  En  1990,  l’organisation  mondiale  de  la  santé  (OMS)  définit  les  soins  palliatifs7  comme  

des   «  soins   actifs,   complets,   donnés   aux   malades   dont   l’affection   ne   répond   pas   au  

traitement   curatif.   La   lutte   contre   la   douleur   et   d’autres   symptômes   et   la   prise   en  

considération  des  problèmes  psychologiques,  sociaux  et  spirituels,  sont  primordiaux.  Le  but  

des  soins  palliatifs  est  d’obtenir  la  meilleure  qualité  de  vie  possible  pour  les  malades  et  leur  

famille.  De  nombreux  éléments  des  soins  palliatifs  sont  également  applicables  au  début  de  

l’évolution  de  la  maladie,  en  association  avec  un  traitement  anticancéreux.  »  

  La   définition   précise   également   que   «  les   soins   palliatifs   affirment   la   vie   et  

considèrent   la   mort   comme   un   processus   normal  ,   ne   hâtent   ni   ne   retardent   la   mort  ,  

procurent   un   soulagement   de   la   douleur   et   des   autres   symptômes   pénibles,   intègrent   les  

aspects   psychologiques   et   spirituels   dans   les   soins   aux   malades,   offrent   un   système   de  

soutien  pour  aider  les  malades  à  vivre  aussi  activement  que  possible  jusqu’à  la  mort,  offrent  

un  système  de  soutien  qui  aide  la  famille  à  tenir  pendant  la  maladie  du  patient  et  leur  propre  

deuil  ».  

  En  1999,   la   loi   relative  aux  droits  d’accès  des  malades  aux  soins  palliatifs18  propose  

dans  son  titre  premier  cette  définition  :    

«  Art.  L.1er  A.  –  Toute  personne  malade  dont  l’état  le  requiert  a  le  droit  d’accéder  à  des  soins  

palliatifs  et  à  un  accompagnement.  

Art.  L.1er    B.  –  Les  soins  palliatifs  sont  des  soins  actifs  et  continus  pratiqués  par  une  équipe  

interdisciplinaire   en   institution  ou   à   domicile.   Ils   visent   à   soulager   la   douleur,   à   apaiser   la  

souffrance   psychique,   à   sauvegarder   la   dignité   de   la   personne   malade   et   à   soutenir   son  

entourage.  

Art.  L.1er    C.  –  La  personne  malade  peut  s’opposer  à  toute  investigation  ou  thérapeutique  ».  

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  Cette   définition   marque,   en   1999,   la   confirmation   de   l’implication   des   pouvoirs  

publics  dans  les  soins  palliatifs.  

  En   2002,   l’OMS   complète   cette   définition   par   deux   notions   supplémentaires  :   la  

première  est   l’importance  de   la  prise  en  charge  pluridisciplinaire  nécessaire  dans   les   soins  

palliatifs  ;  la  deuxième  est  le  fait  que  les  soins  palliatifs  peuvent  être  concomitants  avec  des  

soins  curatifs  et  donc  être  applicables  tôt  dans  l’évolution  de  la  maladie.  

  La   même   année,   le   programme   national   de   développement   des   soins   palliatifs21  

précise  que  «  les  soins  palliatifs  concernent  les  patients  de  tous  âges  atteints  d’une  maladie  

grave,  évolutive,  mettant  en  jeu  le  pronostic  vital.  Il  précise  que  leur  objectif  est  de  soulager  

les  symptômes  et  d’améliorer  le  confort  et  la  qualité  de  vie.  Les  soins  palliatifs  sont  définis  

par   les  traitements  et   les  soins  d’accompagnement  physiques,  psychologiques,  spirituels  et  

sociaux.  Enfin  ils  s’adressent  aux  patients  et  à  leur  entourage.  »  

  A  travers  ces  deux  définitions  et  leurs  évolutions,  nous  voyons  que  le  champ  d’action  

des   soins  palliatifs   s’est   enrichi   et  précisé.   Progressivement   la   loi   a   su   intégrer   les  notions  

présentes  dans  des  définitions  issues  de  l’expérience  et  des  pratiques  des  professionnels  de  

santé  prenant  en  charge  des  patients  en  soins  palliatifs,  à  savoir  :  

• Les   soins   palliatifs   concernent   tous   les   patients   atteints   de   pathologies   chroniques  

évolutives  graves  mettant  en  jeu  le  pronostic  vital.  

• Ils  doivent  permettre   la  mobilisation  d’une  équipe  pluri  professionnelle  usant  de   la  

collégialité  dans  ses  prises  de  décisions.  

• Ils   nécessitent   une   approche   globale   prenant   en   compte   les   problèmes   physiques,  

psychiques,  sociaux  et  spirituels  des  patients.  

• Ils  prennent  en  charge  les  patients  mais  aussi  la  famille  et  l’entourage.  

 

  Au-­‐delà  de  ces  définitions  officielles,  de  nombreux  auteurs  proposent   leur  vision  et  

leur  définition  de  la  prise  en  charge  de  la  fin  de  vie,  participant  ainsi  à  la  promotion  des  soins  

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palliatifs  et  à  l’évolution  de  leur  définition.  Nous  évoquerons  ici  deux  approches  qui  nous  ont  

marqués.  

  Ainsi  Kahn  dans  la  préface  à  l’ouvrage  de  Leonetti8  définit  les  soins  palliatifs  comme  

«  l’accompagnement  médical   et   affectif   des   personnes   qu’il   n’est   plus   possible   de   guérir,  

(non   pas   comme)   une   préparation   à   la  mort   […]  mais   (comme)   l’aménagement   de   la   vie  

meilleure  possible  dans  des  circonstances  particulières  ».  

  Nous  retrouvons  les  mêmes  notions  chez  Ricot  qui  explique  que  «  les  soins  palliatifs  

[…]  naissent  de   l’aveu  d’impuissance  à   guérir,   du   consentement   à   la   finitude  humaine,   de  

l’humilité  devant   le  tragique  de  la  mort  ».  L’acceptation  de  cette  impuissance  est  alors  «  la  

condition   d’une   nouvelle   puissance,   celle   d’offrir   à   la   fin   de   vie   les   conditions   d’un  

accomplissement  et  le  réconfort  d’un  accompagnement  ».  

  Les  soins  palliatifs  apparaissent  donc  bien  comme  des  soins  actifs  accompagnant   le  

vivant  et  non  comme  des  soins  passifs  accompagnant  vers  la  mort.  Nous  nous  intéresserons  

dans   ce   travail   à   la   façon   dont   les   médecins   généralistes   abordent   ce   temps   de   la   vie  

lorsqu’ils  y  sont  confrontés  au  domicile  de  leurs  patients.  Avant  cela,  définissons  le  domicile  

afin  d’appréhender  son  importance  et  sa  spécificité  dans  la  démarche  palliative.  

1.1.3. Le  domicile  

  Le  terme  de  «  domicile  »  est  très  fréquemment  utilisé  dans   le  domaine  de   la  santé.  

On   parle   en   effet   de   «  soins   à   domicile  »,   d’  «  aides   à   domicile  »,   d’  «  hospitalisation   à  

domicile  »,   ou   encore   de   «  soins   palliatifs   à   domicile  ».   Nous   verrons   que   la   population  

souhaite   majoritairement   «  mourir   à   domicile  ».   Nous   avons   donc   souhaité   définir   le  

«  domicile  »  afin  de  mesurer  l’importance  que  cette  notion  joue  dans  la  prise  en  charge  des  

patients  en  fin  de  vie,  à  la  fois  pour  lui-­‐même,  ses  proches  et  les  soignants.  

  Le  dictionnaire  de  l’Académie  française  nous  en  donne  la  définition  suivante  :  

DOMICILE  n.  m.   XIVe  siècle.   Emprunté   du   latin   domicilium,   «  habitation,   demeure  »,   de  

domus,  «  maison  ».  1.  Lieu  où  demeure  une  personne,  une  famille  […]9.    

  Cette  définition  peut  être  rapprochée  de  celle  du  terme  de  «  résidence  »  :  

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RÉSIDENCE  n.  f.  Demeure  ordinaire  en  quelque  ville,  en  quelque  lieu,  en  quelque  pays  […]10.  

  La  science  juridique  procède  à  une  analyse  poussée  de  la  notion  de  domicile  et  celle-

ci   nous   paraît   apporter   des   précisions   utiles   à   la   compréhension   de   l’enjeu   de   la   prise   en  

charge  des  patients  «  à  domicile  ».    

  Au   sens   strict,   le   domicile   est   visé   par   l'article   102,   alinéa   1er,   du   Code   civil   :   "Le  

domicile   de   tout   Français,   quant   à   l'exercice   de   ses   droits   civils,   est   le   lieu   où   il   a   son  

principal  établissement"11.    

  Au-­‐delà  de  cette  définition  du  Code  civil,  la  doctrine  juridique  différencie  la  notion  de  

domicile   de   celle   de   résidence   qui   «  constitue   le   lieu   où   la   personne   vit   effectivement   et  

habituellement  d’une  manière  assez  stable  sans  qu’il  constitue  toujours  son  domicile  »11.    

  Tel  qu’il  est  défini  par  le  Code  civil,  le  domicile  ne  remplit  qu’une  seule  fonction  :  celle  

de   la  «  localisation   juridique  de   la  personne  »11.  Cependant,   le  domicile   joue  également  de  

façon   très   concrète,   «  un   rôle   de   protection   de   la   personne   […]  »,   son   inviolabilité   étant  

garanti  par   l’article  8  de  la  Convention  européenne  de  sauvegarde  des  droits  de  l’homme  :  

«  toute  personne  a  droit  au  respect  de  sa  vie  privée  et   familiale,  de  son  domicile  et  de  sa  

correspondance  ».  

  Nous  comprenons  donc  que  la  pudeur  et  la  discrétion  spontanées  que  nous  pouvons  

observer,  en  tant  que  soignant,  lorsque  nous  pénétrons  au  sein  du  domicile  de  nos  patients  

trouve   ici   un   appui   juridique  de   taille.   Pour   la   question  qui   nous   intéresse,   les   notions   de  

domicile  et  de  résidence  peuvent  être  utilisées  indifféremment,  l’important  étant  de  garder  

présent  à  l’esprit  l’intrusion  qu’implique  la  prise  en  charge  à  domicile.  

  Les  définitions  littéraires  ou  juridiques  présentées  plus  haut  nous  laissent  entrevoir  le  

domicile  comme  un  lieu  choisi  par  un  individu  pour  y  vivre  sa  vie,  pour  y  partager,  avec  sa  

famille  et  ses  proches,  les  moments  de  joie,  d’échange  mais  aussi  les  moments  difficiles  ou  

les  épreuves  du  quotidien.  C’est  cette  même  conception  que  retient  la  circulaire  Laroque16,  

dont   nous   verrons   l’importance   dans   le   développement   des   soins   palliatifs   en   France,  

lorsqu’elle  définit  le  domicile  «  comme  le  lieu  naturel  de  la  vie  ».  

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  Par  rapport  à  notre  sujet,  il  apparaît  que  la  «  fin  de  vie  »  est  encore  la  vie  et  qu’elle  a  

donc  toute  sa  place  dans  ce  lieu  élu  comme  le  lieu  de  tout  ou  partie  d’une  vie.  Tout  l’enjeu  

de   la   prise   en   charge   à   domicile   sera   de   ne   pas   dénaturer   celui-­‐ci,   afin   que   le   patient   s’y  

sente  bien,  et  ce  jusqu’au  bout.  

1.2. CONTEXTE  NATIONAL  ET  LOCAL  

1.2.1. Rappel  historique  sur  les  soins  palliatifs  

1.2.1.1. L’émergence  de  la  prise  en  charge  des  incurables  

  En  Europe,  au  Moyen-Âge,  les  Hôtels-Dieu  accueillaient  indifféremment  les  indigents  

et  les  incurables.  Au  17ème  siècle,  les  hospices  constituent  les  prémisses  de  la  prise  en  charge  

des  patients  en   fin  de  vie  mais  celle-­‐ci  n’est  alors  ni  une  activité   spécifique  ni  une  activité  

exclusive.   Ce   n’est   qu’en   1842,   à   Lyon,   que   Jeanne  Garnier,   qui   vient   de   perdre   quelques  

années  plus  tôt  son  mari  et  ses  deux  enfants  fonde  l’Association  des  Dames  du  Calvaire  qui  a  

pour   objectif   d’accueillir   plus   particulièrement   les   incurables   jetés   hors   les   murs   des  

hôpitaux12,13.   C’est   avec   Jeanne   Garnier   que   le   mot   «  hospice  »   prend   le   sens   de   lieu  

accueillant  les  personnes  en  fin  de  vie.  

  En  1878,  la  congrégation  des  sœurs  de  la  Charité  ouvre  à  Dublin  un  premier  hospice  

dont  l’objectif  est  également  l’accueil  des  personnes  en  fin  de  vie.  Elle  crée  ensuite  en  1905  

l’Hospice   Saint   Joseph   à   Londres,   précédé   en   1893   par   l’Hospice   Saint   Luke   créé   par   un  

médecin,   le   Dr   Howard   Barret,   pour   accueillir   les   cancéreux   et   les   tuberculeux   en   fin   de  

vie.13,14    

1.2.1.2. De  l’accueil  des  incurables  à  la  conceptualisation  de  la  

prise  en  charge  globale  

  La   naissance   à   proprement  parler   des   soins   palliatifs   est,   quant   à   elle,   étroitement  

liée  au  Saint  Christopher  Hospice  de  Londres  fondé  en  1967  par  le  Dr  Cicely  Saunders.  Cette  

infirmière  britannique,  marquée  par  sa  rencontre  avec  les  patients  en  fin  de  vie,  a  choisi  de  

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reprendre  en  1951,  à  33  ans,   ses  études  pour  obtenir   son  doctorat  en  Médecine,  motivée  

par  sa  volonté  de  travailler  au  service  de  la  prise  en  charge  de  ces  patients.  Tout  au  long  de  

sa  formation,  elle  œuvre  bénévolement  à  St  Luke  puis  à  St  Joseph  où  elle  devient  ensuite  le  

premier  médecin  employé  dans  un  hospice.  Elle  développe  les  soins  aux  mourants  et  réalise  

des  travaux  de  recherche  sur  la  prise  en  charge  de  la  douleur.  C’est  alors  qu’elle  promeut  le  

concept  de  «  Total  Pain  »  traduit  en  français  par  la  notion  de  souffrance  globale  :  prendre  en  

charge  la  souffrance  et  la  douleur  d’un  patient,  c’est  prendre  en  compte  à  la  fois  sa  douleur  

physique,  mais  également  ses  souffrances  psychiques,  sociales  et  spirituelles.  C’est  à  partir  

de  cette  notion  de  souffrance  globale  que  née  celle  de  «  prise  en  charge  globale  »  qui  balaie  

l’ensemble  de  ces  champs  dans  l’accompagnement  des  patients  et  ne  se  cantonne  plus  à  un  

simple  accueil  en  hospice.  Ainsi,   lorsqu’elle  crée  en  1967   le  St  Christopher  Hospice  dans   la  

banlieue  de  Londres,  il  est  le  premier  établissement  prenant  en  charge  les  patients  en  fin  de  

vie  à  bénéficier  d’une  équipe  soignante  professionnelle13,14.  

  A   la  même  époque,  en  1969,   le  Dr  Elisabeth  Kübler-­‐Ross  publie,   aux  Etats  Unis,  un  

ouvrage   sur   les   réactions   psychologiques   et   spirituelles   des  malades   atteints   de   cancer   et  

confrontés  à   la  mort.  Elle  décrit,  entre  autres,  dans  cette  même  publication   les  différentes  

étapes  du  travail  de  deuil.  

  En  1975,  le  Dr  Balfour  Mount  crée,  au  Royal  Victoria  Hospital  de  Montréal,  une  unité  

de  soins  palliatifs.  A  l’image  de  ce  que  fait  le  Dr  Saunders  à  Londres,  il  développe  une  prise  

en  charge  mettant  l’accent  sur  les  besoins  et  l’autonomie  des  patients  en  fin  de  vie  dans  les  

décisions  les  concernant.  

1.2.1.3. La  naissance  des  soins  palliatifs  en  France  

  En  France,  la  sensibilisation  à  la  prise  en  charge  palliative  se  fait  également  dans  les  

années   70   grâce   aux   contacts   qu’établissent   des   médecins   français   avec   leurs   confrères  

anglo-­‐saxons.   Les   premières   publications   de   travaux   anglo-­‐saxons   sur   la   souffrance  

terminale  voient  le  jour  dans  des  revues  françaises.  Le  corps  infirmier  adopte  de  son  côté  la  

notion  de  prise  en  charge  globale.  

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  A   partir   de   1973,   le   père   Patrick   Vespieren   publie   ses   observations   à   partir   de   ses  

visites   au   St   Christopher   Hospice,   celles-­‐ci   auront   un   retentissement   important   et   le  

Ministère  de   la  Santé  constituera  un  groupe  d’experts  sur   l’accompagnement  des  malades  

en  phase  terminale.  Plusieurs  services  ou  consultations  spécialisés  ouvrent  progressivement  

dans  les  hôpitaux  français  (Pr  Levillain,  Dr  Salamagne,  ...).  Des  services  de  gériatrie  intègrent  

la   notion   de   prise   en   charge   globale   (Dr   Sebag   Lanoe,   Dr   Revillon,  …).   Enfin,   d’autres  

œuvrent  au  développement  des  soins  palliatifs  à  domicile  (Dr  Gomas,  Dr  Tavernier,  …).13,15  

  En  1984,  Vespieren  publie  une  tribune  dénonçant  des  pratiques  d’euthanasie  active  

dans  certains  services  hospitaliers.  Le  congrès  de  l’Association  pour  le  Droit  de  Mourir  dans  

la   Dignité   (ADMD),   partisan   de   l’euthanasie,   provoque   de   vives   réactions   et   des   voies  

s’élèvent   pour   s’opposer   aux   prises   de   position   de   l’association.   L’année   précédente,   le  

Président   de   la   République   François   Mitterrand   créait   par   décret   le   Comité   Consultatif  

National   d’Ethique   qui   est   amené   très   vite   à   prendre   position   sur   le   sujet.   L’association  

JALMAV   (Jusqu'A   La   Mort   Accompagner   la   Vie)   est   crée   à   la   même   époque,   ainsi   que  

l’Association  pour  le  développement  des  Soins  Palliatifs.  

  Deux  mouvements  d’affrontent  alors  à  propos  de  la  prise  en  charge  des  patients  en  

fin   de   vie  :   d’un   côté   les   partisans   de   l’euthanasie,   de   l’autre   les   défenseurs   du  

développement  des  soins  palliatifs  et  de  l’accompagnement.  

1.2.1.4. Intervention   des   pouvoirs   publics   et   évolution   de   la  

législation  française  

1.2.1.4.1. 1986  :  la  circulaire  Laroque  

  En  1985  une   commission   interministérielle   se   réunit   autour  de  Geneviève   Laroque,  

qui   est   alors   inspectrice   générale   des   affaires   sociales.   Ces   travaux   aboutiront   à   la  

publication   par   Michèle   Barzach,   ministre   de   la   Santé,   de   la   circulaire   du   26   août   1986  

relative  à  l’organisation  des  soins  et  à  l’accompagnement  des  malades  en  phase  terminale,  

appelée  «  circulaire  Laroque  ».16  Celle-­‐ci  introduit  les  notions  de  soins  d’accompagnement  et  

de   soins   palliatifs.   Elle   reprend   dans   son   développement   le   concept   de   prise   en   charge  

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globale   des   patients   par   une   équipe   pluridisciplinaire.   Cette   circulaire   constitue   un   texte  

fondateur   pour   les   soins   palliatifs   en   France,   elle   reprend   les   définitions   utiles   à   leur  

compréhension  et   à   leur  développement  dans   le   système  de   soins   ainsi   que   les  différents  

aspects  devant  être  mis  en  œuvre  pour  améliorer  l’accompagnement  des  patients  en  fin  de  

vie  :   l’attention   portée   à   la   douleur   et   à   la   souffrance   en   générale,   l’accompagnement   au  

domicile  et  en   institution,   les   interactions  hôpital  -­‐  domicile,   la  mise  en  œuvre  des  moyens  

matériels   nécessaires,   l’attention   portée   à   l’environnement   psychologique,   le   soutien   aux  

familles  et   aux  proches,   la   formation  des   intervenants,   la  place  des  bénévoles.   Elle  définit  

également   les   unités   de   soins   palliatifs.   Un   chapitre   est   enfin   consacré   à   la   situation  

particulière  des  enfants  en  fin  de  vie.  La  circulaire  Laroque  réinscrit  la  fin  de  vie  dans  le  cadre  

des  relations  sociales  habituelles,  elle  tente  de  replacer   la  personne  en  fin  de  vie  dans  son  

contexte   social   et   familial   réintroduisant   ainsi   la   mort   dans   le   cadre   des   évènements  

familiaux  dont  elle  s’était  trouvé  trop  souvent  écartée3.  

  Les   années   suivantes   virent   le   développement   d’une   véritable   dynamique   à   la   fois  

associative   et   politique   autour   des   soins   palliatifs.   On   notera   en   particulier   en   1990   la  

création   de   la   Société   Française   de   Soins   Palliatifs   qui   réunit   alors   des   associations  

d’accompagnement   et   des   soignants   libéraux   et   hospitaliers   impliqués   dans   la   démarche  

palliative.  Elle  a,  en  particulier,  l’objectif  de  faire  progresser  la  connaissance  dans  le  domaine  

de  l’accompagnement  aux  patients  en  fin  de  vie.    

  Sur  le  plan  législatif,  la  loi  du  31  juillet  1991  portant  réforme  hospitalière  introduit  les  

soins  palliatifs  parmi  les  missions  de  tout  établissement  de  service  public  hospitalier.17  

  Sur  le  plan  politique,  de  nombreux  travaux  (Rapport  Delbecque,  travaux  du  sénateur  

Neuwirth,   prises   de   positions   de   Bernard   Kouchner   alors   secrétaire   d’Etat   chargé   de   la  

Santé,  …)   permettent   des   avancées   qui   aboutiront   à   la   loi   de   1999   garantissant   le   droit  

d’accès  aux  soins  palliatifs  pour  toute  personne  en  fin  de  vie.  

  Sur   le   plan   déontologique,   le   nouveau   code   de   déontologie   médicale   revu   en  

septembre   1995   inscrit   le   soulagement   de   la   douleur   parmi   les   devoirs   des   médecins  

(art.  37)3.  

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1.2.1.4.2. Loi  du  9   juin  1999  visant  à  garantir   le  droit  d’accès  aux  soins  palliatifs18  

  D’une   valeur   juridique   supérieure   à   la   circulaire   Laroque,   cette   loi   a   été   votée   à  

l’unanimité   par   le   Parlement.   Elle   garantit   un   droit   d’accès   aux   soins   palliatifs   et   à   un  

accompagnement   à   toute   personne  malade   dont   l’état   le   requiert   (article   1).   Elle   dispose  

que  la  prise  en  charge  de  la  douleur  et  la  mise  en  place  de  soins  palliatifs  doit  se  faire  dans  

l’ensemble   des   services   hospitaliers   et   ne   pas   se   limiter   aux   unités   de   soins   palliatifs  

(article  7).  Elle  crée  un  congés  d’accompagnement  pour  l’aidant  d’une  personne  en  fin  de  vie  

(articles   11   et   12).   Elle   prévoit   également   l’insertion   des   soins   palliatifs   dans   les   Schémas  

Régionaux   d’Organisation   de   l’Offre   de   Soins   (SROS)   (article  2),   l’organisation   de  

l’enseignement   des   soins   palliatifs   (article  7)   et   l’organisation   de   l’intervention   des  

bénévoles  auprès  des  malades  (article  10).  

  Un  premier  programme  national  de  développement  des  soins  palliatifs  est  alors  mis  

en   place   de   1999   à   2002.   Il   met   l’accent   sur   l’extension   des   équipes   mobiles   de   soins  

palliatifs   au   sein   des   établissements   de   santé   et   réaffirme   la   volonté   de   formation   des  

professionnels   de   santé   mais   aussi   des   bénévoles   par   la   création   de   nombreux   diplômes  

universitaires.   La   loi   de   1999   inaugure   ainsi   un   ensemble   de   lois,   circulaires   et  

recommandations  qui  vont  encadrer  progressivement  la  fin  de  vie  à  la  fois  pour  les  malades,  

leurs  proches  et  les  soignants.  

  En  2000,  une  circulaire  de  la  Caisse  Nationale  d’Assurance  Maladie  (CNAM)  prévoit  la  

contribution   du   Fond   National   d’Action   Sanitaire   et   Social   (FNASS)   pour   le   maintien   à  

domicile  des  personnes  en  fin  de  vie,  en  particulier  pour  le  paiement  de  gardes  malades  et  

l’achat  d’équipements  spécifiques19.  

  En   2002,   la   Direction   de   l’Hospitalisation   et   de   l’Offre   de   Soins   (DHOS)   émet   une  

circulaire  relative  à  l’organisation  des  soins  palliatifs  et  de  l’accompagnement20.  Elle  se  veut  

la  traduction  de  la  loi  de  1999.  Elle  définit  les  missions  et  les  modalités  de  fonctionnement  

en  ce  qui  concerne  la  prise  en  charge  à  domicile  (réseaux  de  soins  palliatifs  et  hospitalisation  

à   domicile),   le   développement   de   la   démarche   palliative   dans   l’ensemble   des   services  

hospitaliers  et   le  concept  de   lits   identifiés  de  soins  palliatifs.  Cette  circulaire  s’accompagne  

d’un   second   programme   de   développement   des   soins   palliatifs   (2002-­‐2005)   dont   les   axes  

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principaux   sont  :   le   développement   des   soins   palliatifs   à   domicile,   la   poursuite   du  

renforcement  et  de  la  création  de  structures  spécialisées  dans  les  établissements  de  santé,  

l’information  et  la  sensibilisation  de  l’ensemble  du  corps  social  à  la  démarche  palliative21.  

  La  même  année,  une  loi  essentielle  au  droit  des  malades  est  votée  par  le  Parlement.  

Il  s’agit  de  la  Loi  du  4  mars  2002,  dite  «  Loi  Kouchner  »22.  Celle-­‐ci  ne  porte  pas  directement  

sur  les  soins  palliatifs  mais  deux  de  ses  articles  influenceront  sans  conteste  la  législation  qui  

suivra  concernant  la  prise  en  charge  des  patients  en  fin  de  vie.  Il  s’agit  de  son  article  11  qui  

précise   qu’«  aucun   acte   médical   ni   aucun   traitement   ne   peut   être   pratiqué   sans   le  

consentement  libre  et  éclairé  de  la  personne  »  et  que  «  ce  consentement  peut  être  retiré  à  

tout  moment  »,  et  de  son  article  3  qui  place  le  respect  de  la  dignité  du  malade  au  centre  de  

la  prise  en  charge  :  «  Les  professionnels  de  santé  mettent  en  œuvre  tous  les  moyens  à  leur  

disposition  pour  assurer  à  chacun  une  vie  digne  jusqu'à  la  mort  ».  

1.2.1.5. Des   débats   sur   l’euthanasie   à   la   Loi   Leonetti   sur   les  

patients  en  fin  de  vie1,2,3  

  En  2003  l’affaire  Vincent  Humbert  ébranle  l’opinion  publique  et  suscite  de  nombreux  

débats  sur  la  fin  de  vie  et  l’euthanasie  à  travers  la  France.  Vincent  Humbert,  jeune  homme  

de   21   ans,   tétraplégique   à   la   suite   d’un   traumatisme   crânien,   a   régulièrement   clamé   son  

«  droit  à  mourir  ».  En  septembre  2003,  alors  qu’il  vient  de  sortir  un  livre,  sa  mère  tente  de  lui  

donner   la   mort   en   lui   administrant   une   forte   dose   de   sédatifs.   Admis   en   réanimation,   il  

décèdera   quelques   jours   plus   tard   suite   à   l’arrêt   des   thérapeutiques     d’une   injection   de  

chlorure  de  potassium,  ces  décisions  ayant  fait  l’objet  de  concertations  entre  le  médecin  et  

la   famille.  Sa  mère  ainsi  que   le  médecin  réanimateur   l’ayant  pris  en  charge  ont  été  mis  en  

examen   pour   «  empoisonnement   avec   préméditation  »,   une   ordonnance   de   non-­‐lieu   a  

finalement  été  délivrée  en  février  2006.  

  Une   autre   affaire   est   celle   intéressant   Christine   Malèvre,   infirmière   à   l’hôpital   de  

Mantes  -­‐  la  –  Jolie,   qui   donna   la   mort   à   plusieurs   de   ses   patients   en   fin   de   vie   en   leur  

administrant,  sans  concertation  médical  ni  consentement  des  patients  ou  des  familles,  des  

substances  mortifères  dans  le  but  de  les  soulager.  Elle  fût  condamnée  en  appel  à  12  ans  de  

réclusion  criminelle  pour  assassinats  en  octobre  2003.  

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  C’est   donc   dans   ce   contexte   émotionnel   chargé   que   Marie   de   Hennezel   rend   en  

octobre  2003  son   rapport   sur   la  «  fin  de  vie  et   [l’]   accompagnement  »23,  mission  que   lui  a  

confié  le  ministre  de  la  Santé  de  l’époque,  Jean-­‐François  Mattéi  en  octobre  2002.  Ce  rapport  

est   donc   le   5ème   depuis   le   rapport   Laroque   de   1985   ayant   abouti   à   la   circulaire   du  même  

nom.  Il  a  pour  but  d’établir  l’état  des  lieux  de  la  prise  en  charge  des  patients  en  fin  de  vie  en  

2003   et   de   formuler   des   propositions   pour   améliorer   les   pratiques   des   professionnels   de  

santé  et  approfondir  les  connaissances  de  la  population  sur  les  situations  de  fin  de  vie.  Marie  

de  Hennezel  dénonce  dans  son  rapport  les  confusions  et  ambiguïtés  qui  s’opèrent  entre  trois  

pratiques  de  la  fin  de  vie  que  sont  la  limitation  et  l’arrêt  des  thérapeutiques  actives,  les  soins  

palliatifs  et   l’acte  délibéré  de  provoquer   la  mort  ;  elle  tente  de  placer  au  cœur  du  débat   la  

question   de   «  l’intention  »,   du   sens   donné   aux   actes.   Elle   met   l’accent   sur   les   peurs   qui  

animent  le  débat  :  peur  de  mourir  dans  des  souffrances  extrêmes,  peur  de  la  dépendance  et  

de  la  déchéance,  peur  de  la  solitude  et  de  l’abandon.  Ses  propositions  sont  axées  autour  de  

quatre  points  forts  :  

La   communication   et   la   diffusion   parmi   les   soignants,  mais   également   dans   la   population  

générale,   sur   l’accompagnement   des   personnes   en   fin   de   vie  ;   accompagnement   qu’elle  

souhaite  voir  développer  et  multipliée.    

L’organisation  des   soins  avec   la   création  d’unités  de   soins  palliatifs,   le   renforcement  de   la  

présence  de  psychologues  à  disposition  des  patients,  des  familles  et  de  soignants  à  l’hôpital  

comme  au  domicile,  la  création  de  discussions  éthiques  autour  des  cas  les  plus  lourds.  

La   reconnaissance   et   le   développement   de   la   discipline   «  soins   palliatifs  »   au   sein   des  

Universités   pour   une   meilleure   diffusion   lors   de   la   formation   initiale   médicale   mais  

également   au   cours   de   la   formation   continue.   Elle   insiste   également   sur   la   nécessité   de  

former  les  médecins  à  la  communication  avec  leurs  patients  et  les  familles.  

L’amélioration  des  procédures  de  prises  de  décisions  lors  de  la  confrontation  à  des  situations  

limites  telles  que  les  limitations  ou  arrêts  des  thérapeutiques  actives  ou  encore  les  prises  en  

charge  de  douleurs  extrêmes  mettant  en  péril  le  pronostic  vital.  Marie  de  Hennezel  propose  

à  ce  propos  de   faire  évoluer   le  Code  de  déontologie  médicale  afin  qu’y  soient   intégrés   les  

principes  de  double  effet,  et  d’intentionnalité.  Elle  préconise  également  la  généralisation  des  

prises  de  décisions  collégiales  et  transparentes.  

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  Dans  les  suites  immédiates  de  la  remise  de  ce  rapport  et  alors  que  le  débat  autour  de  

l’affaire   Humbert   est   le   plus   vif,   une   mission   parlementaire   d’information   relative   à  

l’accompagnement   de   la   fin   de   vie,   présidée   par   le   Dr   Jean   Leonetti,   député   des   Alpes  

Maritimes,  est  constituée.  Elle  a  pour  objectif  d’aboutir  à  une  proposition  de  loi  sur  le  sujet.  

Jean  Leonetti  rend  son  rapport  le  30  juin  200424  après  80  auditions  auprès  des  représentants  

de   la   société   civile,   des   différents   cultes,   des   professionnels   de   santé   et   des   patients,  

enrichies  par  des  déplacements   sur   le   terrain  et  dans   les  pays   voisins.   Il   s’en  est   suivi   des  

débats   en   séances   publiques   au   Parlement,   clôturés   par   une   adoption   à   l’unanimité,   le  

22  avril  2005,  d’un  nouveau   texte  de   loi   relatif  au  droit  des  malades  et  à   la   fin  de  vie1.  Ce  

texte  est  capital  dans  l’évolution  de  la  prise  en  charge  et  de  l’accompagnement  des  patients  

en   fin   de   vie   en   France  :   il   prend   en   compte   le   refus   des   citoyens   de   l’acharnement  

thérapeutique   et   confère   une   valeur   législative   aux   règles   médicales   de   bonne   conduite,  

fondées  sur  la  transparence  et  la  responsabilité.    

  Les  décrets  d’application  de  cette  loi,  dite  Loi  Leonetti,  sortirent  le  6  février  2006.  Les  

dispositions  principales  et  remarquables  en  sont  les  suivantes  :  

• Le  refus  de  l’obstination  déraisonnable  (article  1)  :  il  s’agit  de  la  réaffirmation  du  droit  

de  chaque  patient  à  recevoir  des  soins  appropriés  et  à  bénéficier  de  thérapeutiques  

efficaces,   mais   également   de   la   disposition   précisant   que   ce   droit   ne   doit   pas  

conduire   à   la   pratique   d’actes   médicaux   au-­‐delà   du   raisonnable.   Par   conséquent,  

certains   soins   (de  maintien   de   la   fonction   vitale)   peuvent   ne   pas   être   entrepris   ou  

être  arrêtés.  Le  médecin  doit  poursuivre  les  soins  de  confort.  

• La   traduction   législative  des   situations  de  double  effet   (article  2)  :   le   texte  propose  

une   solution   moralement   acceptable   aux   situations   où   l’administration   d’un  

traitement   peut   avoir   un   effet   positif   (soulager   la   souffrance)   et   un   effet   négatif  

(abréger  la  vie).  Cette  notion  de  double  effet  issue  de  St  Thomas  d’Aquin  requiert  3  

conditions25  :   la   proportionnalité,   la   non   conditionnalité   de   l’effet   positif   à   la  

réalisation   de   l’effet   négatif   et   l’intentionnalité.   Les   conditions   légales  

supplémentaires   apportées   par   le   texte   sont   l’information   du   malade   et   à   des  

représentants,  l’inscription  de  la  procédure  au  dossier.  

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• Le   droit   à   l’abstention   ou   l’arrêt   de   tout   traitement   et   le   droit   à   l’accès   aux   soins  

palliatifs  (articles  3,  4  et  5)  :  ils  concernent  tous  les  patients  (en  fin  de  vie  ou  non)  et  

tout   traitement   (la   nutrition   et   l’hydratation   artificielle   sont   clairement   considérés  

comme   traitements   et   non   comme   soins   de   confort   et   peuvent   donc   faire   l’objet  

d’un  refus  de  la  part  des  patients).  Le  devoir  du  médecin  est  de  respecter  la  volonté  

du   patient   conscient.   La   décision   reste   médicale   in   fine   dans   le   cas   d’un   patient  

inconscient.  

• Les   modalités   de   prises   de   décisions   en   fin   de   vie   dans   le   cas   d’un   patient  

conscient  (article   6)  :   le   médecin   doit   informer   son   patient   des   conséquences  

prévisibles   de   ses   choix,   il   doit   in   fine   respecter   les   volontés   du   patient,   la  

confirmation   d’une   demande   d’arrêt   des   thérapeutiques   actives   doit   être   réitérée  

dans  un  délai  raisonnable.  Le  médecin  a  dans  tous   les  cas   l’obligation  de  mettre  en  

place   des   soins   de   confort.   L’inscription   au   dossier   de   la   procédure   de   prise   de  

décision  est  obligatoire.  

o Les  modalités  de  prises  de  décisions  en  fin  de  vie  dans  le  cas  d’un  patient  hors  

d’état  de  pouvoir  exprimer  directement  sa  volonté  (articles  7  à  9)  :  

o La   nouvelle   loi   dispose   de   la   notion   de   directives   anticipées   qui   sont  

l’expression   écrite   des   volontés   du   patient   qu’il   a   rédigé  a   priori.  Elles   sont  

recevables  et  prises  en  compte  si   le  patient  est   inconscient  et  doivent  dater  

de  moins  de  3  ans.  Elles  ne  s’imposent  pas  au  médecin,  mais  sont  «  prises  en  

considération  »,   primant   sur   l’avis   de   la   personne   de   confiance   ou   de   la  

famille.  

o L’article   8   prévoit   la   désignation   par   chaque   patient   d’une   personne   de  

confiance   lors   de   toute  hospitalisation,   celle-­‐ci   est   valable  pour   la   durée  de  

l’hospitalisation.  Son  avis  doit  être  recherché  et  prime  sur  tout  autre  avis  non  

médical.  

o En   ce   qui   concerne   la   procédure   à   suivre   pour   prendre   une   décisions  

concernant  un  patient  inconscient,  elle  doit  respecter  les  principes  suivants  :  

collégialité  de  la  décision,  consultation  des  éléments  permettant  d’interpréter  

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l’avis   qu’aurait   eu   le   patient   (directives   anticipées,   personne   de   confiance,  

famille,  proches),  inscription  dans  le  dossier  de  la  décision  motivée.  In  fine  la  

décision  prise  reste  médicale.  

• L’affirmation   législative   de   l’importance   d’ancrer   les   soins   palliatifs   dans   les  

politiques   de   santé   publique   (articles   11   à   14)   dans   les   établissements   hospitaliers  

(contrats   pluriannuels,   projet   médical)   dans   les   établissements   accueillant   des  

personnes   âgées.   Il   est   également   prévu   qu’un   rapport   spécifique   sur  

l’accompagnement   en   fin   de   vie   soit   intégré   tous   les   2   ans   dans   la   loi   de   finance  

soumise  au  Parlement.  

  Nous  venons,  avec  ce  rapide  rappel  du  contexte  historique,  de  cerner  l’importance  et  

l’enjeu  du  développement  des  soins  palliatifs  en  France.  La   loi  Leonetti  marque  en  2005  le  

début  d’une  nouvelle  aire  favorable  à  la  diffusion  de  la  démarche  palliative  à  la  fois  au  sein  

de   la   communauté   des   soignants,   qu’au   sein   de   la   population   générale.   Intéressons-­‐nous  

maintenant  à   l’illustration  sur   le   terrain  à   travers  un  état  des   lieux  des  structures  de  soins  

palliatifs  dans  le  département  de  la  Vienne.  

1.2.2. Etat  des  lieux  dans  la  Vienne  

1.2.2.1. Prise  en  charge  palliative  en  milieu  hospitalier  

  Le  département  de  la  Vienne  dispose  de  plusieurs  centres  hospitaliers  qui  opèrent  un  

maillage  du  territoire.  Celui-­‐ci  est  relativement  centralisé  autour  du  CHU  de  Poitiers  mais  le  

Centre   Hospitalier   (CH)   Camille   Guérin   de   Châtellerault   propose   une   offre   de   soins   assez  

conséquente   pour   le   Nord   du   département.   On   note   également   la   présence   de   plusieurs  

hôpitaux  locaux  comme  Montmorillon,  Lusignan,  et  Loudun.    

  Pour   rappel,   la   Vienne   dispose   d’une   superficie   de   6  990   km2   pour   418  460  

habitants26.  

  Au   sein   du   département,   les   soins   palliatifs   s’organisent   de   la   façon   suivante  :   une  

Unité  de  Soins  Palliatifs  (USP)  de  10  lits  -  ouverture  en  octobre  2009  -  ;  2  Equipes  Mobiles  de  

Soins   Palliatifs   (EMSP)   intra   hospitalière   au   CHU   de   Poitiers  et   au   CH   C.  Guérin   de  

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Châtellerault  ;  39  Lits  Identifiés  Soins  Palliatifs  (LISP)  répartis  entre  le  CHU  (17  lits),  la  clinique  

St  Charles  (5  lits),  la  Polyclinique  de  Poitiers  (4  lits),  le  CH  C  Guérin  de  Châtellerault  (6  lits),  le  

CH  de  Loudun  (5  lits),  le  CH  de  Montmorillon  (2  lits)27.  

  L’EMSP  du  CHU   est  organisée  autour  de  plusieurs  postes  :  un   temps  plein  médical,  

1,8  temps  plein  infirmier,  un  1  temps  plein  psychologue  et  1  temps  plein  secrétaire.  Elle  est  

renforcée  également  par  la  présence  de  deux  internes  de  médecine  générale.  Cette  équipe  

assure  le  suivi  des  patients  hospitalisés  dans  les  services  du  CHU  et  épaule  ainsi  les  équipes  

soignantes   traditionnelles   lors   de   l’accompagnement   des   patients   en   soins   palliatifs.   En  

dehors  des  périodes  d’hospitalisation,  elle  assure,  si  besoin  est,  un  suivi  en  consultation  des  

patients  et  peut  conseiller  le  médecin  traitant  dans  sa  prise  en  charge  à  domicile.  L’EMSP  est  

aussi   disponible   pour   les   patients   relevant   de   l’Hospitalisation   A   Domicile   du   CHU   et   est  

amené  à  se  déplacé  dans  les  hôpitaux  locaux  en  soutient  aux  équipes  de  soignants.  

  L’USP  du  CHU  est  composée  d’un  temps  plein  médical  (plus  un  temps  plein  vacant),  

un  cadre   infirmier   (qui  se  consacre  également  à   l’EMSP),  0,8   temps  plein  psychologue,  8,8  

temps   plein   infirmier,   8   temps   plein   d’aide   soignante,   ainsi   que   du   temps   consacré   au  

kinésithérapeute   (0,5   Equivalent   Temps   Plein),   à   l’assistante   sociale   (0,2   ETP),   et   au  

secrétariat   (0,5).   Il   est   à   noter   qu’il   n’y   a   pas   de   temps   de   diététicienne   ni   d’agents   de  

service.  Cette  équipe  peut  accueillir,  dans  l’unité,  dix  patients  qui  sont  adressés  soit  par  un  

autre   service   du   CHU,   soit   directement   par   un  médecin   généraliste.   Les   lits   sont   réservés  

pour  la  prise  en  charge  de  cas  complexes  de  patients  en  soins  palliatifs.    

  L’EMSP  du  CH  C.  Guérin  de  Châtellerault  est   composée  d’un  médecin   (0,5   ETP)   et  

deux   infirmières   à   temps   partiels   (1,75   ETP),   2   psychologues   également   à   temps   partiels  

(1,35  ETP),  et  une  aide-­‐soignante  sophrologue  (1  ETP).  Le  deuxième  0,5  ETP  du  médecin  est  

consacré  au  service  d’Hospitalisation  A  Domicile  (HAD).    

1.2.2.2. Prise  en  charge  palliative  en  milieu  ambulatoire  

  Il  n’existe  pas  dans  la  Vienne  de  données  sur  la  prise  en  charge  des  patients  en  fin  de  

vie  au  domicile,  ce  qui  ne  signifie  pas  pour  autant  qu’elle  est  inexistante.  Elle  est  assurée  par  

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les  médecins  généralistes  et   les  professionnels  de  santé   libéraux  du  département.  Dans  de  

nombreux  cas,  ils  sont  épaulés  par  les  services  d’Hospitalisation  à  Domicile  (HAD)  existants.    

  Il  existait,  début  2010,  3  services  d’HAD  dans  la  Vienne  :  au  CHU  de  Poitiers  (25  lits),  

le   service,   au   CH   C.   Guérin   de   Châtellerault   (21   lits),   à   la   Clinique   St   Charles   –   Poitiers  

(35  lits).   Il  est  a  noté  que   le  CHU  est  actuellement  en   train  d’étendre  son  service  sur  deux  

sites   délocalisés   basés   au   CH   de   Lusignan   (5   lits   ouverts   récemment)   et   au   CH   de  

Montmorillon   (ouverture   prochaine).   Une   antenne   du   service   du   CH   de   Châtellerault   a  

également  été  ouverte  ces  derniers  mois  à  Loudun,  elle  est  composée  de  6  lits.  

  Contrairement  au  département  des  Deux  Sèvres,  il  n’y  a  pas  dans  la  Vienne  de  réseau  

ambulatoire  de  soins  palliatifs  (ALISPAD  79).    

1.2.2.3. Interactions  et  mises  en  perspectives  

  En   l’absence  de  réseau,   les  relations  entre   les  professionnels  de  santé  ambulatoires  

et  les  structures  et  équipes  de  soins  palliatifs  se  font  en  fonction  des  réseaux  personnels  de  

chaque   professionnel.   Les   possibilités   d’hospitalisation   à   domicile,   encore   en   cours   de  

développement,   s’avèrent   être   un   moyen   pour   les   médecins   généralistes   d’obtenir   un  

soutien  et  d’être  épaulé  dans  leurs  prises  en  charge  de  leurs  patients  en  fin  de  vie.  On  note  

également   que   c’est   le   plus   souvent   à   l’occasion   d’une   évaluation   par   l’EMSP   ou   d’une  

hospitalisation  en  USP  que  les  liens  se  créent  entre  les  médecins  généralistes  et  les  équipes  

de   soins   palliatifs.   Ces   relations   semblent   cependant   dépendre   encore   beaucoup   de  

l’engagement  et  de  l’ouverture  des  différents  professionnels  hospitaliers  et  ambulatoires.  

  A   l’heure   actuelle,   un   petit   groupe   de   professionnels   de   santé   ambulatoire   du  

département   se   réunit   régulièrement   dans   l’objectif   de   créer   un   réseau   de   ville   dans   la  

Vienne.  Malgré  les  difficultés  de  mise  en  place,  celui-ci  semblerait  répondre  à  une  demande  

des  professionnels  eux-mêmes.  Ce  sujet,  étroitement   lié  à  celui  du  vécu  et  du  ressenti  des  

médecins  généralistes  dans  leur  prise  en  charge  de  patients  en  fin  de  vie,  ne    concerne  pas  

pour  autant  notre  étude  et  pourrait  faire  l’objet  d’un  travail  de  recherche  spécifique.  

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  Nous   avançons   cependant   que   les   liens   entre   les   relations   interprofessionnelles   à  

propos   des   patients   en   fin   de   vie   ne   peut   qu’être   étroitement   lié   à   la  manière   dont   sont  

vécues  ces  situations  par  les  professionnels  dont  les  médecins  généralistes  eux-­‐mêmes.  

  Nous  poursuivons  donc  notre  travail  par  la  définition,  dans  ce  contexte,    des  objectifs  

de  notre  recherche  ;  nous  nous  intéresserons  ensuite,  dans  un  premier  temps,  à  la  place  du  

vécu  et  du  ressenti  des  médecins  généralistes  à  travers  la  littérature  médicale  consacrée  aux  

soins  palliatifs  à  domicile  puis  dans  un  second  temps  nous  nous  consacrerons  à  la  réalisation  

d’une  enquête  qualitative  auprès  des  médecins  généralistes.  

 

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Chapitre 2. MATERIEL  ET  METHODES  

2.1. OBJECTIF  ET  QUESTIONS  DE  RECHERCHE  

2.1.1. Objectif  

  Nous  avons  perçu  à   travers  notre  expérience  propre  de   la  médecine  générale  que,  

selon   leur  vécu  et   leur  ressenti,   les  médecins  généralistes  mettent  en  place  consciemment  

ou  non  des  mécanismes  leur  permettant  de  répondre  aux  difficultés  que  peut  présenter   la  

prise  en  charge  d’un  patient  en  fin  de  vie.  A  partir  de  cette  affirmation  qui  constitue  déjà  un  

a   priori,   nous   avons   souhaité   réaliser   une   étude   auprès   de   médecins   généralistes   afin  

d’identifier  ce  vécu  et  ce  ressenti  et  de  comprendre   leur  place  et   leur   importance  dans   les  

décisions  prises  dans  le  cadre  de  prises  en  charge  de  patients  en  fin  de  vie.  L’ampleur  de  la  

tâche   ne   nous   est   pas   d’emblée   apparue  ;   mais,   au   fur   et   à   mesure   de   notre   réflexion,  

nourrie   par   la   revue   de   la   littérature,   elle   s’est   avérée   conséquente.   Aussi   nous   avons  

concentré  l’objectif  de  recherche  autour  de  l’expression  du  vécu  et  du  ressenti.  

  Ce   resserrement   de   notre   objectif   est   argumenté   par   le   fait   que   la   prise   de  

conscience,   la   description   puis   l’analyse   de   l’expression   du   vécu   et   du   ressenti   sont   des  

préalables  nécessaires  à  la  compréhension  du  fonctionnement  propre  au  médecin.  C’est  en  

respectant  ce  cheminement  que  nous  espérons  prendre  en  compte  le  vécu  et  le  ressenti  des  

médecins  généralistes  dans   la  démarche  d’amélioration  de   la  prise  en  charge  des  patients.  

Nous   avançons   également   que   ce   cheminement   sera   utile   à   l’amélioration   du   vécu   des  

médecins  eux-­‐mêmes.  

  L’objectif  de  ce  travail  est  donc  de  décrire  et  de  comprendre  l’expression  du  vécu  et  

du  ressenti  des  médecins  généralistes  dans  leur  prise  en  charge  de  patients  en  fin  de  vie.    

  Après  une  revue  de   la   littérature  circonscrivant,  dans   les  travaux  de  recherche  déjà  

effectués,  la  place  de  ce  vécu  et  de  ce  ressenti,  nous  étudierons  les  discours  produits  par  les  

médecins  généralistes  pour  en  identifier  l’expression.  

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  Nous  n’avons  donc  pas,  dans  notre  travail  de  recherche,  d’autre  hypothèse  de  départ  

que   celle   affirmant   que   les   médecins   généralistes   ne   sont   pas   insensibles   à   leur  

confrontation   à   la   fin   de   vie   et   à   la  mort   et   qu’ils   expriment   leur   vécu  et   leur   ressenti   au  

travers  des  récits  qu’ils  font  de  leur  prise  en  charge.    

  Notre  travail  est  bien  celui  de  comprendre  et  de  décrire  et  non  de  démontrer  ou  de  

généraliser  des  attitudes  individuelles  ou  des  singularités.  

2.1.2. Questions  de  recherche  

  Nous  avons  fait   le  choix  d’élaborer  un  panel  d’interrogations  autour  des  notions  de  

vécu  et  de  ressenti  de  la  prise  en  charge  de  la  fin  de  vie  par  les  médecins  généralistes.    

  Tout  au  long  de  notre  étude  ces  questions  devront  s’affiner.  A  cette  étape  du  travail,  

elles   ne   sont   volontairement   pas   organisé   ni   définitivement   arrêtées   afin   de   ne   pas   nous  

enfermer  dans  des  schémas  préconçus  qui   influenceraient   la  façon  d’analyser   la   littérature  

puis   la   façon   de   mener   les   entretiens   et,   par   conséquent,   le   contenu   du   discours   des  

médecins  rencontrés  lors  de  l’enquête.    

• Quelles   sont   les   émotions   ressenties   par   le  médecin   généraliste   lorsqu’il   prend   en  

charge  un  patient  en  fin  de  vie  ?  D’où  viennent-elles  ?  Comment  s’expriment-elles  ?  

• Quelles  influences,    ces  émotions,  ont-­‐elles  sur  la  prise  en  charge  de  la  fin  de  vie  ?  

• Comment  intervient  le  vécu  personnel  du  médecin  dans  l’émergence  de  son  ressenti  

et  sur  sa  prise  en  charge  de  la  fin  de  vie  ?  

• Quelles  représentations  de  la  mort  et  de  la  fin  de  vie  ont  les  médecins  généralistes  ?    

• Quelles  influences,  l’expérience  de  la  prise  en  charge  de  la  fin  de  vie,  a-t-elle  sur  les  

prises  en  charge  des  autres  patients  ?  

• Comment   le   vécu   et   le   ressenti   interviennent-­‐ils   dans   les   prises   de   décisions  

concernant  des  patients  en  fin  de  vie  ?  

 

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  Nous  verrons  plus   loin  que  ces  questions  nous  ont  permis  de  constituer  un  premier  

guide  d’entretien  pour  notre  enquête  de  terrain.  

  Avant  de  réaliser  cette  enquête,  nous  avons  donc  procédé,  dans  une  première  étape  

de   notre   travail,   à   une   revue   de   la   littérature   afin   d’évaluer   la   pertinence   de   notre  

questionnement   et   de   lui   trouver   une   place   dans   le   champ   de   la   recherche   en   soins  

primaires   et   en   soins   palliatifs.   Cette   revue   de   la   littérature   a   également   été   l’occasion  

d’affiner  notre  panel  de  questions  de  recherche  avant  d’aborder  la  phase  d’enquête.  

2.2. UNE  RECHERCHE  EN  DEUX  ETAPES  

2.2.1. Revue  de  la  littérature  

2.2.1.1. Objectifs  

  De   nombreux   articles   ou   thèses   traitent   des   soins   palliatifs   à   domicile.   Ces  

publications   évoquent   différents   thèmes   autour   de   la   prise   en   charge   au   domicile   des  

patients  en  fin  de  vie.  Cela  va  de  l’étude  du  lieu  de  décès,  à  celle  des  facteurs  favorisant  et  

limitant   la   prise   en   charge   au   domicile.   On   trouve,   dans   ces   publications,   des   éléments  

relatifs  au  patient  lui-même  ou  à  son  entourage.  Lorsqu’elles  évoquent  la  place  du  médecin  

généraliste,   celui-­‐ci   apparaît   comme   au   centre   de   cette   prise   en   charge,   les   différents  

professionnels  autour  affirmant  régulièrement  que,  sans  l’implication  du  médecin  traitant,  la  

qualité  de  la  fin  de  vie  au  domicile  peut  être  compromise.  Sa  formation  et  ses  compétences  

en  soins  d’accompagnement  sont  désignées  comme  faisant  partie  des  éléments  prédictifs  de  

la  qualité  de  la  prise  en  charge.  

  Aussi,  nous  avons  voulu  isoler,  dans  l’ensemble  de  ces  travaux,   les  éléments  relatifs  

au   vécu   ou   au   ressenti   du   médecin   généraliste.   Nous   avons   souhaité   aller   au-delà   des  

éléments   relatifs   à   ses   compétences,   à   sa   formation   ou   à   ses   attentes   afin   d’isoler   des  

éléments  de  réponses  à  notre  questionnement  initial.    

  A  travers  des  travaux  réalisés  sur  le  vaste  sujet  des  soins  palliatifs  à  domicile,  il  était  

également   important   pour   l’ensemble   de   notre   étude   d’établir   la   pertinence   de   notre  

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questionnement  en  mettant  en  évidence   le  contraste  entre   la  présence  quasi  permanente  

d’éléments   relatifs   au   vécu   et   au   ressenti   des   médecins   généralistes   dans   la   littérature  

consacré  à  la  fin  de  vie  à  domicile  et  la  rareté  d’études  spécifiques  sur  le  sujet.  

  Ce   travail   d’analyse   de   la   littérature   a   donc   été   réalisé   en   amont   de   l’enquête   de  

terrain  qui  constitue  le  cœur  de  notre  travail  de  thèse.  

2.2.1.2. Outils  et  méthodes  de  recherche  bibliographique  

  La  première  étape  de  ce   travail   a  été  de   rechercher  dans   la  bibliographie  médicale  

française   les   publications   relatives   à   la   fin   de   vie   au   domicile   depuis   2005.   Le   choix   de   se  

limiter  sur  ces  cinq  dernières  années  est  délibéré.  Deux  considérations  ont  présidé  à  ce  parti  

pris.   D’une   part,   il   s’agissait   de   ne   travailler   que   sur   des   travaux   de   recherche   récents.  

D’autre  part,   comme  nous   l’avons   vu,   l’année  2005  marque  un   tournant  dans   la   politique  

législative   de   la   prise   en   charge   des   malades   et   du   traitement   de   la   fin   de   vie  avec   la  

promulgation  de  la  Loi  Leonetti.  

  Procéder   à   une   revue   de   la   littérature   française   depuis   2005   prend   donc   tout   son  

sens   en   terme   de   cohérence   des   thématiques   traitées   par   les   différentes   publications  

étudiées.   Si   cette   cohérence   n’est   pas   totale   sur   le   plan   législatif,   puisque   les   décrets  

d’application   ne   sont   intervenus   qu’en   2006,   elle   l’est   complètement   sur   le   plan   sociétal,  

dans  la  mesure  où  les  travaux  préparatoires  et  le  débat  public  se  sont  mutuellement  nourris,  

dès  lors  que  les  débats  ont  débuté  au  Parlement  à  la  suite  de  la  remise  du  rapport  Leonetti.  

  Nos   recherches   documentaires   ont   été   effectuées   dans   la   base   de   données  

SCIENCE-­‐DIRECT,  dans  le  catalogue  SUDOC  ainsi  que  dans  la  base  documentaire  de  la  BIUM  

(Bibliothèque  inter  universitaire  de  médecine)  des  Universités  Paris  Diderot,  Paris  Pierre  et  

Marie   Curie,   et   Paris   Descartes.   Cette   dernière   permet   un   accès   à   toutes   les   thèses   de  

médecine  et  nous  a  permis  d’isoler  celles  qui  sont  en  lien  avec  notre  sujet.    

  Nous   avons   concentré   notre   analyse   sur   les   travaux   de   recherche   réalisés   par   des  

professionnels  de  la  santé  et  non  sur  des  ouvrages  plus  généraux  traitant  de  la  mort  ou  de  la  

fin  de  vie.  

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  Les  mots  clés  retenus  pour  la  recherche  étaient  :  fin  de  vie,  soins  palliatifs,  domicile,  

médecin  généraliste,  médecin   traitant.   Les  mots   ressenti  et  vécu  ont  du  être  éliminés  car,  

trop  restrictifs,  ils  ne  permettaient  pas  d’obtenir  de  résultats  dans  les  moteurs  de  recherche.    

2.2.1.3. Méthode  de  lecture  et  d’analyse  

  Nous   avons   procédé,   dans   un   premier   temps,   à   la   lecture   de   l’ensemble   des  

publications  et  thèses  trouvées  à  l’aide  de  la  recherche  par  mots  clés.  Certaines  publications  

n’étant  pas  en   lien  direct  avec  notre  sujet  ont  été  écartées.  Celles   traitant  directement  du  

vécu  et  du  ressenti  des  médecins  généralistes,  ainsi  que  celles,  plus  nombreuses,  évoquant  

ce  sujet  parmi  les  divers  thèmes  abordés  ont  été  retenues.  

  Nous  avons  ensuite  procédé  à  une  analyse   individuelle  de  chacune  des  publications  

et  thèses  sélectionnées.  Nous  avons  étudié  à  chaque  fois  le  type  de  publication,  les  objectifs,  

la   méthodologie,   les   idées   centrales   des   auteurs   avec   leurs   argumentations   et   leurs  

conclusions.   Nous   avons   enfin   isolé   notre   thème   au   sein   de   chacune   de   ces   analyses.   Ne  

seront  présentées  ici  que  les  éléments  en  rapport  avec  notre  sujet,  l’ensemble  de  l’analyse  

ayant  constitué  notre  travail  de  mémoire  du  Diplôme  Inter-­‐Universitaire  de  Soins  Palliatifs.    

  Dans  un  second  temps,  nous  avons  réalisé  une  analyse  comparée  des  publications  en  

nous  concentrant  sur  notre  thème,  l’objectif  étant  de  préciser  ce  que  la  littérature  dit  et  ne  

dit  pas  à  propos  de  notre  sujet.  

  En   fonction   de   ce   travail,   nous   avons   pu   établir   la   pertinence   de   notre  

questionnement  au  sein  de  la  littérature  avant  de  débuter  notre  enquête  de  terrain.  

2.2.2. Une  enquête  de  terrain  qualitative  

2.2.2.1. Principes  

  L’analyse   qualitative   est   «  d’abord   une   faculté   de   l’esprit   cherchant   à   se   relier   au  

monde   et   à   autrui  »28.   Cette   première   approche   de   la   pensée   qualitative   nous   a   semblé  

parfaitement   adaptée  à   ce   travail   de   recherche  de  médecine   générale.   La  prise  en   charge  

globale   constitue   le   quotidien   du  médecin   généraliste   et   du  médecin   assurant   la   prise   en  

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charge  palliative.  La  relation  n’est  jamais  une  simple  relation  de  dualité  entre  le  médecin  et  

son patient,  elle  est  toujours  une  relation  d’un  Homme  avec  un  autre  Homme  ayant  chacun  

ses   expériences,   ses   connaissances,   ses   croyances,   son   environnement   et   son   entourage  

propre.   Autant   d’éléments,   de   subtilités   qu’il   ne   nous   semblait   pas   possible   d’étudier,   de  

disséquer  dans  une  approche  quantitative.  Cependant,  à  travers  notre  travail  de  recherche,  

nous  souhaitons  nous  placer  au  plus  proche  de   la   réalité  de   la  prise  en  charge  palliative  à  

domicile.  

  La   recherche   qualitative   a   pour   particularité   d’étudier   les   comportements,   les  

paroles,   les   récits   de   ceux   auxquels   elle   s’intéresse.   Il   ne   s’agit   pas   là   de   démontrer,   de  

mesurer,  il  s’agit  simplement  d’observer  et  de  comprendre.  

2.2.2.2. Rôle  du  chercheur  

  Le  chercheur,  ou  enquêteur,  adopte  un  rôle  d’observation,  d’écoute,  de  recueil  puis  

d’analyse   des   expériences,   des   attitudes   et   des   récits.   Il   a   un   rôle   réflexif   lui   permettant  

d’analyser  les  attitudes  et  comportements  humains  et  d’en  comprendre  les  ressorts.  Il  n’est  

pas   un   phénomène   extérieur   mais   est   bien   partie   intégrante   du   processus   de  

compréhension.  

2.2.2.3. Méthode  de  recueil  des  données  

2.2.2.3.1. Choix  et  principe  de  l’entretien  semi-­‐dirigé  

  Le  choix  de  réaliser  des  entretiens  qualitatifs  s’est  imposé  de  lui-­‐même  dès  le  début  

de  notre  réflexion.  Les  entretiens  produisent  du  discours,  distinct  de  l’opinion  qui  est,  elle,  

produite   préférentiellement   par   la   réalisation   de   questionnaires.   Le   discours   constitue   le  

prolongement  d’une  expérience  concrète  ou  imaginaire  »29.  Il  ne  s’agit  pas  de  répondre  à  la  

question   «  pourquoi  ?  »  mais   plutôt   à   la   question   «  comment  ?  ».   Comment   les  médecins  

généralistes  expriment-­‐ils   leur  vécu  et   leur   ressenti   lors  de  prises  en  charge  à  domicile  de  

patients  en  fin  de  vie  ?  Nous  ne  recherchons  pas  de  lien  de  causalité  mais  cherchons  bien  à  

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comprendre   sans   décider   a   priori   du   système   de   cohérence   interne   permettant   aux  

médecins  d’exprimer  son  vécu  et  son  ressenti.  

2.2.2.3.2. A  partir  d’un  guide  d’entretien  

  Le  guide  d’entretien,  élaboré  en  amont  de   leur  réalisation,  est  un  système  organisé  

de   sujets   que   l’enquêteur   doit   connaître   de   manière   à   être   capable   d’improviser   des  

relances   ou   des   questions   en   lien   avec   l’objet   de   sa   recherche.   Il   n’est   pas   une   liste   de  

questions   définies   à   poser   directement   à   l’informateur   car   il   risquerait   ainsi   de   limiter   la  

spontanéité  et  donc   la  validité  des   réponses.  Ce  guide  doit  donc  «  permettre  d’obtenir  un  

discours   librement   formé   par   l’informateur   et   un   discours   répondant   aux   questions   de   la  

recherche  29  ».  

  Notre  guide  d’entretien  a,  ici,  été  élaboré  à  partir  du  panel  de  questions  de  recherche  

et   s’est   précisé   à   l’issue   de   la   revue   de   la   littérature.   Nous   l’avions   prés   de   nous   lors   du  

premier  entretien  afin,   sûrement,  de  nous  rassurer.   Il  n’a   jamais  été  consulté   tout  au   long  

des  autres  entretiens.  

2.2.2.3.3. Choix  des  informateurs  et  constitution  du  corpus  

Définitions  

  Les   informateurs   sont   issus   de   la   population   que   nous   souhaitons   étudier.   Ils   sont  

définis   comme   étant   les   acteurs   du   terrain   dont   on   estime   qu’ils   sont   en   position   pour  

répondre  aux  questions  posées29.  

  Le  corpus  est  constitué  des  entretiens  réalisés  auprès  des  informateurs.  C’est  à  partir  

du  corpus  que  le  chercheur  peut  réaliser  son  analyse  réflexive.    

Critères  d’inclusion  des  informateurs  

  Dans   notre   étude,   la   population   est   celle   des   médecins   généralistes   exerçant   une  

médecine  de  premier  recours  en  ambulatoire  dans  la  Vienne.  

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  Ont  été  exclus  de  cette  population  les  médecins  généralistes  exerçant  exclusivement  

en   centre   hospitalier,   en   clinique,   dans   des   collectivités   territoriales   ou   dans   des  

administrations.    

  Les  médecins  qualifiés  en  médecine  générale  mais  n’exerçant  pas  celle-ci  de  par  une  

qualification   dans   une   discipline   complémentaire   d’exercice,   telles   que   la   gynécologie  

médicale  ou  l’angiologie,  ont  également  été  exclus.  

  Au   sein   de   la   population,   les   informateurs   ont   été   sélectionnés   sur   des   critères   de  

diversité.   Ces   critères   doivent   être   pondérés   mais   il   n’y   a   pas   de   nécessité   de  

représentativité.   C’est   pour   cette   raison   que   l’on   parle   plutôt   d’informateurs   que  

d’échantillon.   En   recherche   qualitative,   il   n’y   a   pas   de   caractère   significatif   des   critères  

habituels30   (âge  /  sexe  /  situation  familiale  /  etc.).  L’objectif,   lors  du  choix  des   informateurs,  

est  de  contraster  au  maximum  les  individus  interrogés  et  les  situations  retranscrites29.  

  Nous   avons   fait   le   choix   des   caractéristiques   suivantes   comme   éléments  

discriminants  nous  permettant  de  constituer  un  groupe  d’informateurs  diversifié  valide  :  

• Sexe,  

• Âge,  

• Année  d’installation,  

• Formation  ou  non  aux  soins  palliatifs  ou  à  la  prise  en  charge  de  la  douleur,  

• Lieu  d’exercice,  

• Mode  d’exercice,    

• L’accès  ou  non  à  un  service  d’hospitalisation  à  domicile,  

• Implication   dans   l’enseignement   de   la   médecine   générale   (médecins   enseignants  

cliniciens  ambulatoires).  

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Mode  d’accès  aux  informateurs  

  Nous  avons  donc  recruté,  par  l’intermédiaire  du  fichier  du  conseil  départemental  de  

l’ordre  des  médecins,  des  médecins  généralistes  exerçant  en  ambulatoire  dans  la  Vienne.  

  Le  choix  de  se  limiter  au  département  a  été  guidé  par  une  nécessité  de  faisabilité.  

  Dans   un   premier   temps,   nous   avons   sélectionné   un   nombre   limité   de   médecins  

généralistes  (une  quinzaine)  que  nous  avons  contactés  par  téléphone.  Cette  sélection  s’est  

faite  au  hasard  dans  le  fichier  en  fonction  du  sexe  pour  ne  pas  avoir  que  des  hommes  ou  que  

des  femmes.    

  Lors  du  premier  contact  téléphonique,  nous  avons  présenté  notre  projet  de  thèse  à  

ces  médecins  généralistes,  en   insistant  sur  notre  volonté  de  réaliser  un  échange  autour  de  

situations  vécues  de  prise  en  charge  à  domicile  de  patients  en  fin  de  vie  (que  le  décès  soit  

intervenu  au  domicile  ou  non).  Dès  lors  qu’un  médecin  acceptait  de  nous  rencontrer,  il  était  

inclus  parmi  les  informateurs.  Nous  avons  ainsi  recruté  six  médecins  généralistes.  Les  refus  

étaient  le  plus  souvent  dus  à  un  manque  de  temps.  N’ont  pas  été  rappelés  les  médecins  qui  

ne  nous  ont  pas  recontacté  suite  au  message  laissé  (sur  répondeur  ou  au  secrétariat).  

  La  nécessité  de  diversifier  les  informateurs  nous  a  contraint,  dans  un  second  temps,  à  

opter   pour   un   accès   plus   indirect.   Nous   avions,   à   ce   stade,   des   médecins   exerçant   en  

campagne   et   en   zone   semi-­‐rurale,   deux   femmes   et   quatre   hommes.   Un   de   ces  médecins  

était  enseignant  clinicien  ambulatoire.   Il  nous  fallait,  pour  poursuivre  notre  recrutement  et  

permettre   une   diversité   des   informateurs   et   des   situations,   nous   assurer   que,   parmi   les  

médecins  interrogés,  les  différentes  caractéristiques  avancées  a  priori  se  retrouveraient.    

  Les  informateurs  recrutés  dans  ce  second  temps  l’ont  été  à  la  fois  de  façon  indirecte  

et   ciblée.   Nous   avons   contacté   ce   deuxième   groupe   de   médecins   par   l’intermédiaire   de  

notre   réseau   professionnel   ;   nous   avons   également,   pour   certains,   ciblé   notre   recherche  

dans  le  fichier  du  Conseil  de  l’Ordre  (par  exemple  en  recherchant  une  femme  jeune  exerçant  

en  milieu  rural).  L’inclusion  définitive  de  ces  médecins  s’est  faite,  comme  précédemment,  à  

la   suite   d’un   premier   entretien   téléphonique   bref.   Lors   de   cette   deuxième   phase   de  

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recrutement  nous  avons  contacté  cinq  médecins   supplémentaires  qui  ont   tous  accepté  de  

nous  rencontrer.  

  Nous  avions  bien  sûr  exclu   les  médecins  que  nous  connaissions  ou  que  nous  avions  

remplacés.  

  Le  groupe  d’informateurs  total  était  alors  constitué  de  onze  médecins.  

Constitution  du  corpus  

  Comme   nous   l’avons   vu   précédemment,   nous   avons   recruté   les   informateurs   afin  

d’obtenir  une  diversité  maximale  des  individus.  Cette  diversité  nous  a  permis  de  constituer  

un   corpus   de   récits   et   de   situations   également   le   plus   diversifié   possible.   Au-­‐delà   de   la  

diversification  des   individus  et  des  situations,   il  nous   fallait  éviter   la  dispersion29  qui  aurait  

rendu   l’analyse   réflexive   et   l’obtention   d’unités   d’analyse   plus   complexes.   Cet   écueil   était  

évité  en  grande  partie  par   l’unité  de  départ  de  la  population  choisie,  à  savoir   les  médecins  

généralistes  exerçant  en  ambulatoire  dans  la  Vienne.  

  La   taille   du   corpus   correspond,   quant   à   elle,   au   nombre   d’entretiens   réalisés.   Ce  

nombre   n’a   pas   été   fixé   a   priori   mais   a   été   guidé   par   une   première   analyse   au   fur   et   à  

mesure  des   récits.  Cette  analyse  nous  a  permis  d’évaluer  progressivement   la  diversité  des  

attitudes   et   modes   de   fonctionnement   des   médecins   face   aux   situations   de   fin   de   vie   à  

domicile.   Ainsi,   nous   avons   arrêté   les   entretiens   lorsque   nous   avons  mis   en   évidence   une  

relative   redondance   des   informations   recueillies   et   l’absence   de   données   nouvelles  

signifiantes.  C’est  cette  relative  saturation  des  données  ainsi  que  le  contexte  de  réalisation  

de   l’enquête   qui   permettent   d’établir   la   validité   des   informations   issues   des   entretiens   et  

non  leur  probabilité  d’occurrence29,30.    

2.2.2.3.4. Réalisation  des  entretiens  et  recueil  des  données  

  Les   entretiens  ont   été   réalisés  pour   la  plupart   au   cabinet  des  médecins   interrogés.  

Dans  tous  les  cas,  nous  leur  laissions  le  choix  du  lieu  afin  qu’ils  se  sentent  à  l’aise  au  cours  de  

l’échange.   Tous   les   entretiens   ont   été   faits   de   visu,   le   téléphone   ne   permettant   pas   un  

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recueil   aisé   des   données   et   excluant   la   mise   en   place   d’une   relation   de   confiance   et  

d’échange  aussi  poussée.  

  Afin   de   faciliter   le   recueil   des   données   et   leur   analyse,   les   entretiens   ont   été  

enregistrés  sous  format  numérique.    

2.2.2.4. Méthodes  d’analyse  des  données    

2.2.2.4.1. Transcription  

  La   retranscription   des   enregistrements   audio   a   été   réalisée   grâce   à   un   logiciel   de  

dictée  vocale.  Pour  chaque  entretien,  nous  avons  retranscrit   les  propos  de  l’informateur  et  

de  l’enquêteur  de  façon  littérale  en  utilisant  par  conséquent  les  signes  conventionnels  de  la  

ponctuation   pour   traduire   la   parole   orale   en   texte   écrit.   Nous   nous   sommes   également  

attardé  à  mentionner   les  silences,   les  hésitations,   les  rires,  etc.  afin  de  rester   le  plus  fidèle  

possible  aux  éléments  de  contexte  proxémiques,  kinésiques  et  émotionnels  des  entretiens.  

2.2.2.4.2. Données  chiffrées  

  Dans  nos  résultats,  les  données  chiffrées  et  les  caractéristiques  sont  présentées  dans  

l’objectif  de  rendre  compte  de  la  diversité  de  nos  informateurs  et  non  dans  l’objectif  de  faire  

valoir  une  quelconque  représentativité  de  ces  données.  

2.2.2.4.3. Etude  des  éléments  des  discours  par  analyse  thématique  

  «  Les   entretiens   ne   parlent   pas   d’eux-­‐mêmes  »28.   Pour   remplir   l’objectif   de   notre  

recherche,   il   nous   a   fallu   réaliser   l’analyse   des   discours.   Celle-­‐ci   se   réalise   sur   le   corpus  

d’entretiens   effectués,   c’est-­‐à-­‐dire   l’ensemble  des  discours  produits   par   l’enquêteur   et   les  

informateurs.  Nous  nous  sommes  attardé  sur   l’analyse  de  contenu,  qui  étudie  et  compare  

les  sens  des  discours,  pour  mettre  à  jour  l’expression  du  vécu  et  du  ressenti29.  

  Nous  avons  fait  le  choix  de  réaliser  une  analyse  thématique  du  corpus.  

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  Réaliser   une   analyse   thématique   consiste   à   attribuer   des   thèmes   en   lien   avec   le  

matériau  soumis  à  l’analyse.  Celle-­‐ci  procède  à  une  réduction  qualitative  des  données  pour  

en  saisir  le  propos  fondamental28.  Sa  fonction  première  n’est  ni  d’interpréter  ni  de  théoriser.  

Elle  sert  avant  tout  au  relevé  du  sens  des  témoignages,  à  sa  synthèse  (restitution)  puis  à  sa  

mise   en   perspective   (analyse)28.   Elle   prend   tout   son   sens   dans   notre   démarche   dont  

l’objectif,  rappelons-­‐le,  est  de  décrire  et  de  comprendre  l’expression  du  vécu  et  du  ressenti  

des  médecins  généralistes  dans  leur  prise  en  charge  de  patients  en  fin  de  vie.    

  La   première   étape   a   été   de   réaliser   la   thématisation   de   l’ensemble   du   corpus,  

entretien  après  entretien.  Nous  avons  opté  pour  une  thématisation  en  continu,  à  savoir  une  

démarche  ininterrompue  d’attribution  de  thèmes  au  fil  des  lectures  répétées  du  corpus.  La  

deuxième  étape,  réalisée  simultanément,  a  été  la  construction  d’un  arbre  thématique.    

  Avant  de  progresser  dans  la  description  de  ces  étapes  de  l’analyse  thématique,  nous  

devons  préciser  le  sens  des  termes  méthodologiques  que  nous  utiliserons  par  la  suite.  

  Un  thème  est  un  «  ensemble  de  mots  permettant  de  cerner  ce  qui  est  abordé  dans  

un  extrait  du  corpus  tout  en  fournissant  des  indications  sur  la  teneur  des  propos  »28.  

  Une   rubrique   est  une   formule  abstraite,  outil  de  classification,  ne   traduisant  pas   le  

propos   mais   indiquant   le   sujet   abordé.   Elle   n’est   pas,   pour   autant,   dénuée   d’intérêt  

puisqu’elle  est  un  outil  nous  permettant  de  classer  les  thèmes  relevés  lors  du  processus  de  

thématisation  pour  en  faciliter  la  lecture  et  l’étude28.  

  Un  ensemble   thématique   saillant   (ou   regroupement   saillant)   est  un   regroupement  

de   thèmes   qui   émergent   du   corpus   en   fonction   de   certains   critères  :   la   récurrence,   la  

divergence,   l’opposition,   la   convergence,   la   complémentarité,   etc.   Ce   sont   ces   critères  qui  

rendent   l’ensemble   significatif,   en  mettant   en   relief   les   thèmes   isolés   par   la   démarche  de  

thématisation  continue28.    

  Un  axe  thématique  est  le  résultat  de  l’analyse  des  ensembles  saillants.  Il  est  destiné  à  

constituer  les  branches  ou  ramifications  de  l’arbre  thématique.  

  Un   arbre   thématique   est   une   représentation   des   articulations   et   des   interactions  

entre  les  axes  thématiques.  Il  est  un  outil  descriptif  utile  à  la  compréhension  de  l’analyse28.  

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  Pour   la   première   étape,   nous   avons   relevé   les   thèmes   en   utilisant   le   mode  

d’inscription  en  marge  du   texte.  Ceux-­‐ci  ont  ensuite  été   transposés  au  sein  de   relevés   (un  

par  entretien)  qui  les  listent  de  façon  linéaire  et  les  classent  sous  différentes  rubriques  en  les  

illustrant  par  des  extraits  de  verbatim.  Le  choix  des  rubriques  a  été  guidé  par  le  contenu  du  

guide   d’entretien,   ainsi   que   par   les   questions   et   les   relances   de   l’enquêteur.   Chaque  

entretien  a  donc  fait  l’objet  d’une  analyse  thématique  aboutissant  à  la  rédaction  d’un  relevé  

de  thèmes.  Nous  rappelons  que  notre  objectif  vise   l’expression  du  vécu  et  du  ressenti  des  

médecins  généralistes  et  non  l’analyse  de  singularités.  Les  relevés  d’entretiens  ont  donc  été,  

au   fur   et   à  mesure   de   leur   construction,   confrontés   les   uns   aux   autres   afin   de  mettre   en  

évidence  les  ensembles  thématiques  saillants.   Ils  ont  fait   l’objet  d’une  analyse  transversale  

continue,  obligeant,  d’une  part,  à  un  aller  et  retour  permanent  entre  les  relevés  et,  d’autre  

part,   à   une   lecture   flottante   du   corpus.   Chaque   entretien   n’a   donc   pas   fait   l’objet   d’une  

analyse  isolée  de  son  contenu  au-­‐delà  du  relevé  de  thèmes.  

  C’est  grâce  à  l’émergence  progressive  des  ensembles  thématiques  saillants  que  nous  

abordons  la  deuxième  étape  de  notre  analyse  :  la  construction  de  l’arbre  thématique.  Cette  

étape   étudie   les   ensembles   saillants   en   les   organisant   autour   d’axes   thématiques   de  

réflexion  qui   participeront   à   la   constitution  des  branches  de   l’arbre.   Ces   axes  de   réflexion  

thématiques  sont  le  reflet  des  interactions  entre  les  ensembles  thématiques  saillants  ;  ils  en  

portent   le  sens28.  L’arbre  thématique  devient  alors  un  outil  de  synthèse  descriptif  puisqu’il  

présente  et  organise  les  thèmes  dont  nous  n’avons  eu  cesse  tout  au  long  de  notre  travail  de  

vérifier  la  robustesse  à  l’épreuve  du  corpus.  Il  constitue  alors  un  outil  utile  à  l’interprétation  

et  à  la  mise  en  perspective  du  contenu  étudié.  

  L’ensemble  de  ce   travail  d’analyse   thématique  doit  être  compris  comme   le   résultat  

d’une   analyse   en   profondeur   des   données   empiriques   pour   constituer   un   tout   intelligible  

grâce   à   son   évolution   continue.   Les   étapes   sont   décrites   dans   un  objectif   didactique  mais  

elles   ne   doivent   pas   faire   oublier   la   nécessité   pour   l’analyste   (comme   pour   le   lecteur)   de  

confronter   en   permanence   le   fruit   de   l’analyse   aux   données   empiriques   du   corpus.   Aussi,  

l’arbre  thématique,  objet  de  la  discussion,  n’est  qu’une  fenêtre  ouverte  sur  l’ensemble  des  

résultats  de  la  démarche  d’analyse  thématique.  

 

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Chapitre 3. RESULTATS  ET  ANALYSE  

3.1. REVUE  DE  LA  LITTERATURE  

3.1.1. Caractéristiques  de  la  littérature  étudiée  

  Les  travaux  et  les  publications  que  nous  avons  étudiés  sont  en  partie  des  articles  de  

revues  médicales,  mais   ils  sont  surtout  des  thèses  soutenues  depuis  2005  en  France.  Nous  

précisons  à  ce  propos  que  nous  pouvons  regretter  la  difficulté  d’accès  à  celles-­‐ci  qui  restent  

le  plus  souvent  de  la   littérature  grise  assez  mal  référencée  et  surtout  non  mises  en  valeur,  

alors  que,  nous  allons  le  voir,  elles  constituent  parfois  des  sources  d’informations  riches.  

3.1.2. Analyse  par  publication  

3.1.2.1. Articles  

3.1.2.1.1. Le  médecin  face  au  malade  en  fin  de  vie  :  enquête  auprès  du  corps  médical  sur  la  formation  aux  soins  palliatifs  et  l’accompagnement  des  malades  en  fin  de  vie31.  

  Cet  article  s’interroge  sur  la  place  de  la  mort  dans  la  relation  entre  le  médecin  et  le  

malade  en  fin  de  vie  à   la  suite  d’une  enquête  rétrospective  concernant  des  malades  admis  

dans  un  service  d’accueil  des  urgences  d’un  CHU  et  décédés  dans  les  72  heures  suivants  leur  

admission.    

  Dans   son   développement,   cet   article,   qui   semble   un   peu   lointain   de   notre  

problématique,   met   en   évidence,   dans   son   étude   auprès   des   soignants,   une   «  réelle  

souffrance  psychologique  des  internes  à  la  mort  de  leurs  malades  »  justifiant  la  mise  en  place  

puis   l’intégration   à   des   groupes   de   parole   afin   «  d’identifier   ses   propres   émotions   de  

médecin,  les  considérer  comme  normales  et  non  pas  comme  honteuses  ».  

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  Nous  voyons  ici  qu’au-delà  de  la  nécessité  de  formation  des  soignants,  il  est  un  autre  

point  essentiel  qui  relève  du  soignant  en  tant  qu’individu,  de  son  ressenti,  de  ses  angoisses  

face   à   des   patients   en   fin   de   vie.   Cet   élément   est   avancé   parmi   ceux   intervenant   dans   la  

qualité  de  l’accompagnement  en  fin  de  vie.  Les  auteurs  incluent  cet  aspect  dans  les  éléments  

pouvant  être  influencés  par  une  formation  en  soins  palliatifs  et,  en  particulier,  par  la  mise  en  

place  de  groupes  de  parole.  

3.1.2.1.2. Etude   par   entretiens   sur   les   avis   des   généralistes   et   des  équipes  de  réseaux  à  propos  de  leur  collaboration32.  

  Cette   étude   avait   pour   objectif   de   mieux   connaître   les   avis   réciproques   des  

généralistes  et  des  équipes  de   réseaux  de  soins  palliatifs  à  propos  de   leur  collaboration.   Il  

s’agissait   de   l’étude   d’une   série   d’entretiens   semi-­‐directifs   auprès   des   équipes   et   des  

médecins  traitants.  

  Cet  article  a  retenu  notre  attention  car  il  pointe  la  solitude  ressentie  par  les  médecins  

généralistes  prenant  en  charge  des  patients  en  fin  de  vie  au  domicile.  En  ce  qui  concerne  le  

recours  trop  rare  aux  réseaux  de  soins  palliatifs,  il  nous  apparaît,  à  la  lecture  de  cet  article,  

que  cette  articulation  entre  le  sentiment  de  solitude  et  la  volonté  de  rester  au  centre  de  la  

prise  en  charge  mérite  d’être  explorée.  L’expression  de  cette  volonté  semble,  en  effet,  être  

associé   à   un   sentiment   plus   insidieux   de   toute   puissance,   conférant   au   médecin   cette  

position  centrale,  de  facto,  dans  la  prise  en  charge.  

3.1.2.2. Thèses  

3.1.2.2.1. I.  DEVEAUTOUR  200733  

Titre  :   La  prise  en  charge  des  patients  en   fin  de  vie    à  domicile  dans   le  département  de   la  

Creuse  (enquête  auprès  des  médecins  généralistes).  

Objectifs  :  Evaluer  les  difficultés  des  médecins  généralistes  dans  leur  prise  en  charge  des  fins  

de  vie  à  domicile,  mettre  en  évidence  leurs  attentes  pour  améliorer  leur  prise  en  charge.  

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Méthodologie  :   Etude   prospective   sous   forme   de   questionnaires   envoyés   à   tous   les  

médecins  généralistes  de  la  Creuse.  Analyse  quantitative  des  résultats.  

Idées   centrales   :   I   DEVEAUTOUR   met   en   évidence   les   multiples   difficultés   auxquelles   se  

heurtent   les  médecins   généralistes   dans   leur  mise   en   place   d’une   démarche   palliative   de  

qualité  au  domicile  :  le  faible  niveau  de  formation  complémentaire  des  médecins  concernant  

les   soins   palliatifs,   la   douleur,   la   gériatrie   ou   l’éthique  ;   le   recours   trop   rare   au   travail   en  

équipe  pluridisciplinaire  ou  à  des  professionnels  compétents  en  soins  palliatifs.  Elle  propose  

en   conclusion   la   création   d’un   réseau   ambulatoire   afin   de   permettre   l’amélioration   de   la  

prise  en  charge  palliative  au  domicile  dans  le  département  de  la  Creuse.  

Commentaires  :   A   différentes   occasions,   I   DEVEAUTOUR   évoque   le   ressenti   des  médecins  

interrogés  :  «  les  médecins  formés  […]  se  sentent  également  plus  à  l’aise  ».  Dans  son  analyse,  

l’auteur  fait  un  lien  entre  «  les  difficultés  d’ordre  émotionnel  »  des  médecins  avec  l’angoisse  

des  familles.  Aucune  hypothèse  n’est  formulée  à  propos  des  angoisses  propres  à  «  l’homme  

–   médecin  ».   Pourtant,   elle   affirme   au   vu   de   ses   résultats   que   ces   difficultés   d’ordre  

émotionnel   n’apparaissent   pas   influencées   par   l’existence   ou   non   d’une   formation  

complémentaire   ou   par   le   nombre   d’années   d’exercice   des  médecins.   Son   analyse   oscille  

constamment   sur   ce   point   entre  «  l’angoisse   des   soignants  »  et  «  l’angoisse   des   familles  »  

sans  s’arrêter  sur  la  première.  

Parmi   les  attentes  des  médecins  que  I  DEVEAUTOUR  met  en  évidence,  rien  ne  concerne   la  

gestion  des  émotions  des  médecins  eux-mêmes.  Ainsi,   si   l’on  perçoit,  dans  son  travail,   cet  

aspect  de  la  prise  en  charge  lié  au  médecin  lui-même,  à  son  ressenti,  à  ses  propres  angoisses  

et  émotions,   le   sujet  n’est  en   réalité  qu’effleuré.  Cela   s’explique   sûrement  par   la  diversité  

des  thèmes  traités  autour  de  la  prise  en  charge  palliative  à  domicile  dans  ce  travail,  ainsi  que  

par   le  choix  d’une  méthodologie  quantitative  à   travers  un  questionnaire   fermé,  celui-ci  ne  

permettant  pas  de  laisser  libre  cours  à  l’expression  des  médecins  interrogés.  

 

3.1.2.2.2. H.  TROUILLET  200734  

Titre  :  Soins  palliatifs  et  fin  de  vie  à  domicile  :  difficultés  et  aspirations  des  soignants.  

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Objectifs  :  Adopter  le  point  de  vues  des  soignants  confrontés  à  une  prise  en  charge  palliative  

à   domicile  ;   appréhender   leurs   difficultés,   leurs   questionnements   mais   aussi   leurs  

satisfactions  et  leurs  espérances.  

Méthodologie  :   Etude   qualitative   par   questionnaires   ouverts   adressés   à   des   médecins  

généralistes,   des   IDE   (Infirmière   Diplômée   d’Etat),   des   aides   soignantes,   des  

kinésithérapeutes.  

Idées  centrales  :  H  TROUILLET  met  en  évidence  l’implication  des  professionnels  du  domicile  

dans  la  prise  en  charge  palliative  dont  ils  s’occupent.  Il  souligne  que  ces  prises  en  charge  ne  

laisse   jamais   «  indifférents  »   les   professionnels.   Il   pointe   les   attentes   en   terme   «  de  

formation,  d’organisation,  d’assistance,  de  conseils,  de  soutien  »  et  souligne  que  celles-ci  ne  

pourront  être  satisfaites  «  que  dans  l’application  large  du  principe  de  pluridisciplinarité  ».   Il  

conclut   son   travail   en   avançant   qu’   «  ainsi   préservé   de   la   solitude   et   soutenus   dans   sa  

pratique,   il   appartiendra   encore   au   soignant   de   faire   face   à   un   obstacle   permanent  :  

l’inextensibilité  du  temps  ».  

Commentaires  :   H   TROUILLET   met   bien   en   évidence   dans   son   travail   les   différentes  

difficultés  liées  à  la  prise  en  charge  au  domicile  des  patients  en  fin  de  vie.  Le  thème  du  vécu  

et  du  ressenti  des  médecins  généralistes  (à  travers  son  travail  sur  l’ensemble  des  soignants)  

est  clairement  posé  même  s’il  ne  s’y  attarde  pas.  Dans  sa  conclusion,  il  ouvre  cependant  une  

réflexion   sur   ce   propos   en   évoquant   la   confrontation   du   soignant   à   «    l’inextensibilité   du  

temps  ».  

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3.1.2.2.3. V.  LAVENIR  200835  

Titre  :  Fin  de  vie  à  domicile  :  représentations  et  déterminants.  

Objectifs  :   Etudier   les   motivations   des   patients   en   fin   de   vie   rentrant   à   domicile,   leurs  

attentes,  et  au  delà,   les  représentations  que  les  patients  en  soins  palliatifs  se  font  de  la  fin  

de  vie  à  domicile  et  les  déterminants  de  la  prise  en  charge  liés  au  patient.  

Méthodologie  :  Etude  qualitative  basée  sur  des  entretiens  semi  dirigés  avec  des  patients  en  

fin  de  vie  (espérance  de  vie  inférieure  à  trois  mois)  à  leur  domicile.  

Idées  centrales  :  V  LAVENIR  justifie  son  étude  et  son  approche  qualitative  par  la  volonté  de  

mieux  cerner  les  ressentis  et  les  attentes  des  patients  en  fin  de  vie,  en  particulier  en  ce  qui  

concerne   la   volonté   de   rester   au   domicile.   Elle   en   tire   les   conclusions   suivantes  :   «  la  

représentation   de   la   maladie   est   capitale   dans   le   vécu   de   la   fin   de   vie  »  ;   «  le   choix   du  

domicile  n’est  pas  toujours  un  choix  clair  et  affirmé,  il  est  influencé  par  de  nombreux  facteurs  

[…]  qu’il   convient  d’analyser   […]  »  ;  «  l’image  de  soi  et  de   la  vie  en  général  a  une   influence  

certaine   dans   le   ressenti   du   patient   en   fin   de   vie  »  ;   «  le   rôle   du   médecin   traitant   est  

primordial   […].   Il   faut   en   être   pleinement   conscient   et   se   donner   les   moyens   d’aider   le  

patient,  si  on  estime  être  capable  de  le  faire,  […]  ne  pas  hésiter  à  le  dire  si  la  situation  nous  

dépasse,  pour  ne  pas  créer  un  sentiment  d’abandon  chez  le  patient  »  ;  «  chaque  patient  a  des  

besoins  spécifiques  qu’il  s’agit  de  cerner  de  façon  individuelle  ».  

Ainsi,   V   LAVENIR   propose,   parmi   les   pistes   d’approfondissement,   l’exploration   des  

représentations  des  professionnels  dans  la  prise  en  charge  palliative.  

Commentaires  :  Nous  voyons  dans  le  travail  de  V  LAVENIR,  à  travers  le  regard  des  patients,  

la  place  importante  du  médecin  traitant  dans  la  prise  en  charge  de  la  fin  de  vie  au  domicile.  

A   la   lecture   des   entretiens   apparaissent,   a   contrario,   les   difficultés   qui   peuvent   se   poser  

lorsque   le  médecin  généraliste  «  n’est  pas  à   la  hauteur  »  des  attentes  de   son  patient.  Ces  

attentes   dépassent   les   simples   compétences   techniques.   L’analyse   des   entretiens   sur   ce  

point  met  en  évidence  des  attentes  concernant  les  compétences  humaines  et  relationnelles  

du  médecin.  Mais  cela  va  bien  au-delà  :  parmi  les  points  importants  pour  les  patients  il  y  a  

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«  la  part  émotionnelle  de  la  relation  médecin  malade  »,  relation  qu’ils  attendent  basée  «  sur  

le  respect,  l’affection,  la  confiance  ».  Nous  retenons  ici  les  termes  d’émotion  et  d’affection.    

Le   vécu,   le   ressenti,   les   émotions   du  médecin   sont   ici   évoqués   à   travers   le   regard   et   les  

attentes  des  patients.  Le  médecin  est-il  prêt  à  s’impliquer  jusque  là  ?  A-t-il  le  choix  lorsqu’il  

s’investit  dans  la  prise  en  charge  d’un  patient  en  fin  de  vie  ?  Autant  de  questions  suscitées  

par  ce  travail  de  thèse.  

3.1.2.2.4. C.  VANTOMME36  

Titre  :  Difficultés  des  médecins  généralistes  dans  la  prise  en  charge  au  domicile  de  patients  

en  soins  palliatifs.  Enquête  auprès  de  268  médecins  généralistes  dans  le  Val-de-Marne.  

Objectifs  :  Avoir  un  aperçu  des  pratiques  des  médecins  généralistes  dans  la  prise  en  charge  

de  patients  en  soins  palliatifs  au  domicile,  déterminer  l’organisation  qu’ils  mettent  en  place,  

identifier   les   obstacles   qu’ils   rencontrent,   percevoir   les   améliorations   possibles   qu’ils  

attendent.  

Méthodologie  :   Enquête   prospective   par   questionnaire   ouvert   auprès   de   médecins  

généralistes   d’un   secteur   défini   a   priori.   Analyse   mixte   quantitative   et   qualitative   des  

résultats.  

Idée   centrale   :  C   VANTOMME   fait   du  médecin   généraliste   un   garant   de   la   réussite   d’une  

prise  en  charge  en  fin  de  vie  au  domicile,  le  définissant  comme  un  «  pivot  »  de  cette  prise  en  

charge.   Dans   sa   discussion,   elle   fait   un   point   relativement   exhaustif   sur   l’ensemble   des  

difficultés   relatives   à   la   fin   de   vie   à   domicile  :   elle   s’interroge   sur   les   obstacles   financiers,  

s’attarde  sur  l’importance  de  la  famille  comme  élément  facilitateur  ou,  au  contraire,  comme  

obstacle  au  maintien  à  domicile  ;  elle  décrit  l’évolution  des  soins  palliatifs  «  hors  les  murs  »  

de   l’hôpital,   et   engage  une   réflexion   sur   la  permanence  des   soins  palliatifs   à  partir   de   ses  

données  sur  le  recours  aux  urgences  des  patients  en  fin  de  vie.  Pour  terminer,  C  VANTOMME  

rappelle   la  place   importante  de   la   formation  des  soignants  aux  soins  palliatifs  et   insiste  en  

particulier   sur   la   réflexion   et   la   parole,   évoquant   alors   à   la   fois   la   souffrance   morale   et  

psychologique   des   patients  mais   également   la   souffrance   des   soignants,   la   souffrance   du  

médecin.  Elle  explique  cette  souffrance  par  l’importance  du  «  savoir  faire  »  dans  la  médecine  

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du  XXIe  siècle  basée  sur  «  la  maladie  et  sa  guérison  ».  «  Or   le  médecin  qui  veut  soigner  un  

patient  en  phase  terminale  doit   faire   le  deuil  de  sa   toute  puissance  et  mettre  en  avant  ses  

capacités  relationnelles  et  ses  qualités  d’écoute  ».  

Commentaires  :  Ce   travail   est   extrêmement   complet   et   balaie   de   façon   plutôt   exhaustive  

l’ensemble  des  difficultés  rencontrées  lors  de  la  prise  en  charge  de  patients  en  fin  de  vie  au  

domicile.   Cependant,   nous   voyons   à   la   lecture   de   son   analyse   que   de   nombreux   points  

méritent  d’être  développés  :  en  particulier,  les  aspects  relatifs  à  la  souffrance,  au  ressenti  du  

médecin  et  aux  difficultés  qu’il  ressent  personnellement  face  à  la  fin  de  vie.  C  VANTOMME  

explique   elle-­‐même   dans   son   analyse   que   cet   aspect   transparaît   dans   les   commentaires  

laissés  dans  son  questionnaire  par  les  répondants.  Elle  explique  que  la  «  compréhension  et  le  

sens  des  termes  »  utilisés  par   les  médecins  à  propos  de   leurs  sentiments  restent  délicats  à  

interpréter   dans   son   étude.   Elle   nous   livre   cependant   en   annexe   de   son   travail,   de   façon  

brute,  quelques  phrases  de  médecins   issues  des  commentaires   libres.  Nous   trouvons  dans  

ces   commentaires   différents   mots   qui   nous   interpellent  :   «  souffrance   du   médecin  »,  

«  solitude  »,  mais  aussi  «  enrichissant  »  et  «  valorisant  ».  

3.1.2.2.5. M.  GARREAU  2006  37  

Titre  :  L’accompagnement  de  fin  de  vie  à  domicile  par  le  médecin  généraliste.  

Objectifs  :  Mettre  en  évidence   les   représentations  et   les  pratiques  des   généralistes   face  à  

l’accompagnement  de  patients  en  fin  de  vie  à  domicile.  

Méthodologie  :   Enquête   qualitative   par   entretiens   semi   dirigés   auprès   de   médecins  

généralistes  maîtres  de  stage.  

Idées   centrales   :   M   GARREAU   fait   ressortir   de   ces   entretiens   plusieurs   notions  

fondamentales  à  propos  des  relations  entre  le  médecin  traitant  et  son  patient  en  fin  de  vie.  

Elle  affirme  tout  d’abord  la  «  nécessité  de  remettre  la  mort  à  sa  place  afin  de  mieux  la  vivre  

[…]  d’accepter  notre  finitude,  avec  l’incertitude  qui  la  définit  ».  Cet  aspect  concerne  à  la  fois  

le  patient,  sa  famille  et  le  médecin  en  tant  qu’individus  issus  d’une  même  société.  Au  cours  

de  ces  entretiens,  les  médecins  généralistes  consacrent  une  place  importante  à  la  famille  et  

plus   largement   à   l’entourage   du   patient,   analysant   les   relations   médecin-famille,  

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patient-famille   mais   aussi   intra-familiale.   M   GARREAU   relève   l’importance   de   la  

communication  dans   ce   contexte   en   insistant   sur   l’importance  de   la   relation  de   confiance  

entre   l’ensemble  des  protagonistes.  «  Cela  demande  au  médecin  une  adaptation  constante  

au  malade,  à  l’entourage,  aux  différentes  situations  et  à  leur  charge  émotionnelle  ».    

L’auteur   isole,  parmi   les  difficultés  auxquelles  sont  confrontés   les  généralistes,   leur  propre  

souffrance  dans  la  confrontation  au  mourant.  Son  analyse  lui  permet  d’avancer  les  stratégies  

mises  en  place  pour  diminuer  cette  souffrance  :   l’humilité,  l’acceptation  du  patient  tel  qu’il  

est  avec  ses  choix  et  ses  conceptions  différentes  parfois  de  celles  du  médecin,   le  travail  en  

équipe,  la  participation  à  des  groupes  de  parole,  le  travail  sur  soi-même.  

Commentaires  :  M  GARREAU  consacre   tout  un  chapitre  de  son  développement  à   l’analyse  

du  vécu  des  médecins  à  travers  leur  discours  mais  aussi  aux  moyens  qu’ils  mettent  en  œuvre  

pour  gérer  les  difficultés  et  les  souffrances  inhérentes  aux  soins  palliatifs.  Dans  son  analyse  

du   ressenti,   elle  met   en   évidence   la   dichotomie   des   sentiments  mis   en   jeu  :   elle   décrit   le  

bonheur  exprimé  par  les  médecins  lorsqu’ils  ont  la  sensation  d’avoir  rempli  la  tâche  qui  leur  

incombait,   «  l’impression   de   travail   bien   fait   […],   d’avoir   été   utile   au   malade   ou   à  

l’entourage  ».  Certains  médecins  décrivent  des  «  moments  de  bonheur  partagé  ».  L’auteur  

analyse   ce   sentiment   en   expliquant   l’enrichissement   personnel   qu’apporte  

l’accompagnement  en  fin  de  vie.  Elle  reprend  à  ce  titre  M  de  Hennezel  qui  parle  «  d’école  de  

la  vie  »38.  M  GARREAU  analyse  ensuite  la  souffrance  exprimée  par  les  médecins,  souffrance  

ressentie  face  au  mourant,  mais  aussi  face  à  sa  propre  impuissance  ;  elle  met  en  exergue  les  

sentiments  de  frustration  que  peut  engendrer  l’accompagnement  en  fin  de  vie,  ainsi  que  la  

fatigue   tant   physique   que   psychologique   du   soignant.   Le   risque  mis   en   évidence   dans   les  

entretiens  est  celui  de  ne  plus  faire  face,  de  tomber  dans  le  «  burn  out  ».  Mais  M  GARREAU  

fait  ressortir  également  de  ces  entretiens   les  moyens  mis  en  œuvre  par   les  médecins  pour  

«  faire   face  ».   C’est   à   ce   niveau   là   qu’interviennent   leur   personnalité   et   leur   histoire  

personnelle  dont  «  dépendent  leurs  réactions  aux  situations  de  stress  de  l’accompagnement  

de  fin  de  vie  ».  Parmi  les  outils  utilisés,  il  y  a,  en  premier  lieu,  «  le  travail  sur  soi  »  qui  permet  

au   médecin   «  d’accepter   la   mort  »,   «  d’apprendre   à   reconnaître   ses   sentiments,   ses  

émotions,   ses   failles,   ses   faiblesses  »  et  de   comprendre  «  la  nécessité  de   sortir   de   la   toute  

puissance  du  médecin  ».  L’empathie  et  la  distance  dans  la  relation  permettent,  par  ailleurs,  

au  médecin  de  «  rester  professionnel  ».  Son  humilité  lui  permet,  quant  à  elle,  de  respecter  le  

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désir  des  patients  et  de  «  limiter  la  souffrance  due  aux  nombreuses  frustrations  générées  par  

l’accompagnement  ».   M   GARREAU   explique   que   «  le   médecin   doit   s’oublier,   oublier   ses  

désirs,   ses   représentations,   […]   mettre   de   côté   ce   qu’il   voudrait   que   le   malade   dise   ou  

comprenne  ».  Ce  n’est  qu’au  prix  de  cette  acceptation  qu’il  réduira  ses  propres  souffrances  

d’être  humain.  Enfin,   l’auteur  place   la   formation  aux  soins  palliatifs,   le  soutien  humain  par  

les   groupes   de   parole   et   l’organisation   de   travail   du   médecin   comme   faisant   partie   des  

facteurs   lui   permettant   de   gérer   ses   émotions   et   ses   difficultés   personnelles   dans   sa  

confrontation  à  la  mort.  

3.1.2.3. Rapport  de  recherche  

Rapport  de  recherche  2008  :  prendre  en  charge  le  cancer  en  médecine  générale39.  

Objectifs  :  Apprécier   l’espace   thérapeutique   investi   par   les  médecins   généralistes   face   au  

cancer,   déterminer   les   actes   et   gestes   qui   le   composent   et   définir   les   relations   des  

généralistes  avec  les  équipes  de  soins  spécialisées.  

Méthodologie  :  Programme  de  recherche  composé  d’une  étude  prospective  en  deux  phases.  

La  première  était  la  réalisation  d’une  enquête  quantitative  grâce  à  un  questionnaire  destiné  

aux  médecins   généralistes   français   et   norvégiens.   La   deuxième   phase   se   composait   d’une  

approche   qualitative   avec   la   réalisation   d’entretiens   semi   dirigés   auprès   de   médecins  

généralistes  français  et  auprès  de  membres  de  réseaux  de  cancérologie.  

Commentaires  :   A   travers   ce   rapport   très   exhaustif   sur   la   prise   en   charge   des   patients  

atteints   de   cancer   par   les   médecins   généralistes,   il   est   intéressant   de   s’attarder,   dans   le  

cadre   de   notre   revue   de   la   littérature,   sur   le   chapitre   concernant   l’analyse   qualitative   de  

l’implication  des  généralistes  au  moment  de  l’aggravation  du  cancer  et  la  fin  de  vie.    

Il  ressort,  à  ce  niveau,  plusieurs  éléments  concernant  le  vécu  et  le  ressenti  des  généralistes  :  

le   suivi   des   patients   en   fin   de   vie   apparaît   d’emblée   comme   un   «  devoir  »   du   médecin  

traitant   même   si   «  c’est   dur  »,   même   si   «  ça   fait   mal  ».   «  Passer   du   soin   à  

l’accompagnement,  ce  n’est  pas  simple  pour  un  médecin  ».  Au-delà  des  difficultés  de  prise  

en  charge  des  symptômes,  de  la  gestion  de  la  douleur,  des  échanges  avec  le  patient  autour  

de  la  mort  ou  encore  des  relations  avec  les  familles,  les  auteurs  du  rapport  pointent  du  doigt  

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«  un   travail   invisible   des  médecins   généralistes  :   faire   face   à   la   charge   affective  ».   Il   s’agit  

bien   là  de   la  charge  affective  personnelle  du  médecin   face  à  son  patient  en   fin  de  vie.  Les  

termes  qui  reviennent  dans  les  entretiens  sont  ceux  d’  «  histoire  affective  »,  de  «  partage  du  

chagrin  »   d’  «  impuissance  »   ou   encore   d’  «  implication   émotionnelle  ».   Les   auteurs  

présentent   ensuite   les  moyens  mis   en  œuvre   pour   faire   face   à   ce   ressenti  «  d’expérience  

difficile  »  :   l’appui  sur   les  confrères,  sur   l’entourage,   la  participation  à  des  groupes  de  pairs  

ou  des  groupes  de  parole  mais  aussi  la  tentative  de  «  faire  face  seul  ».  

Enfin,  on  note,  parmi  les  propos  relevés,  des  éléments  nous  orientant  vers  l’impact  de  cette  

prise  en  charge  de  fin  de  vie  à  domicile  sur  les  propres  perceptions  de  la  vie  et  de  la  mort  du  

médecin,  propos  tel  que  «  cela  rend  la  vie  plus  précieuse  »,  «  la  notion  de  vie  n’a  de  sens  que  

si  elle  a  un  début  et  une  fin  ».  

3.1.3. Analyse  comparée  

  De  l’analyse  des  publications  relatives  à  la  fin  de  vie  à  domicile,  il  ressort  que  la  place  

du  vécu  et  du  ressenti  du  médecin  généraliste  est  souvent  évoquée  de  manière  incidente  et  

est  rarement  envisagée  pour  elle-même.  

  Nous   pouvons   cependant   proposer   différentes   thématiques,   autour   du   vécu   et   du  

ressenti   des  médecins   généralistes   dans   leur   prise   en   charge   de   la   fin   de   vie   au   domicile,  

issues  de  l’analyse  de  la  littérature  médicale.  

3.1.3.1. Le   vécu   et   le   ressenti   des   médecins   généralistes  

évoqués  par  eux-­‐mêmes  

  Le  sujet  est  en  effet  abordé  ponctuellement  à  travers  différents  points  de  vue  comme  

celui  du  patient  en   fin  de  vie33,34,37,  et  celui  des  professionnels  de  santé  hospitaliers  ou  de  

soins  palliatifs32.  Mais  il  reste  principalement  étudié  à  travers  le  point  de  vue  des  médecins  

généralistes  eux  mêmes31,32,33,34,37,39.  Les  émotions,  sentiments  et  ressentis  des  généralistes  

ne  sont  en  effet  évoqués  que  dans  des  travaux  de  recherche  qualitatifs  où  la  parole  leur  est  

donnée  au   cours  d’entretiens,   ou   à   l’occasion  de  questionnaires  ouverts.  Dans   l’ensemble  

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des  enquêtes  quantitatives  ou  à  questionnaires  fermés  que  nous  avons  étudié,  le  sujet  n’est  

quasiment  jamais  abordé  par  l’enquêteur  et,  par  conséquent,  par  les  répondants.    

  Parmi   les   lectures   préliminaires   à   cette   revue,   les   travaux   réalisés   auprès   de  

professionnels  de  santé  hospitaliers  n’abordent  pas  cet  aspect  du  vécu  des  généralistes  dans  

la   prise   en   charge   des   patients   en   fin   de   vie   et   ce   même   s’ils   abordent   les   facteurs  

intervenants  dans  la  qualité  d’une  prise  en  charge  à  domicile.    

  Apparaît   donc   un   besoin   des   médecins   généralistes   d’exprimer   leur   vécu   et   leur  

ressenti     dans   leur   approche   de   la   fin   de   vie.   Cela   est   confirmé   par   la   participation   de  

nombre  d’entre  eux  à  des  groupes  de  parole  (sous  forme  de  groupes  de  pairs  ou  encore  de  

groupes  Balint)  évoquée  dans  plusieurs  travaux31,36,37,39.  

3.1.3.2. Fin   de   vie   à   domicile  :   les   souffrances   du   médecin  

généraliste    

3.1.3.2.1. Place  du  généraliste  dans   la  prise  en  charge  de  patients  en  fin  de  vie  :  un  paradoxe  source  de  souffrance  

  Nous  relevons  à  ce  propos  un  élément  qui  nous  semble  paradoxal  dans  la  littérature.  

Plusieurs  des  publications  considérées  ici  précisent   la  place  du  médecin  généraliste  dans  la  

prise  en  charge  en  fin  de  vie  au  domicile,  s’accordant  sur  son  rôle  «  central  »33,35  ou  encore  

«  d’acteur  principal  »35,36.  Les  généralistes  eux-mêmes    semblent  se  définir  comme  étant  au  

«  centre   du   système  »32.   Cette   vision   du   positionnement   du   généraliste   est   inhérente   à   la  

place   qui   lui   est   donnée   par   les   pouvoirs   publics   au   sein   du   système   de   soins36   :   il   est   le  

médecin  de  famille,  le  médecin  de  premier  recours,  le  coordonnateur  de  la  prise  en  charge,  

le  référent  qui    assure  la  prévention,  le  dépistage,  les  soins,  le  suivi.    

  M  GARREAU37,  qui  a  étudié  de  façon  qualitative  le  discours  des  généralistes  à  propos  

de  leurs  prises  en  charge  de  fin  de  vie,  ne  place  pas  sur  ce  piédestal  le  médecin  généraliste,  

lorsqu’il  prend  en  charge  la  fin  de  vie  ;  au  contraire  elle  met  en  évidence  la  souffrance  que  

cette  position  peut  engendrer  dans  le  vécu  d’une  telle  prise  en  charge.  En  effet,  il  ressort  de  

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son   travail  mais   également   d’autres   publications   que   les   souffrances   du  médecin   peuvent  

venir  entre  autres  de  son  sentiment  de  «  perte  de  sa  toute  puissance  médicale36,37  ».  

  La   naissance  même  de   cette   souffrance   semble   donc   provenir   de   la   place   centrale  

que  se  donne  initialement  le  médecin  généraliste  dans  la  prise  en  charge  de  ses  patients  en  

fin  de  vie   (place  donnée  également  par   la   société).  Dès   lors  qu’il   fait   lui  même   le  deuil  de  

cette  place  et  de  sa  toute  puissance  médicale36,  qu’il  accepte  ses  émotions,  ses   failles,  ses  

faiblesses  d’être  humain  face  à  la  mort,  il  semble  se  dégager  de  cette  difficulté37.  Notons  à  

ce   niveau   que   les   réseaux   de   soins   palliatifs   définissent   le   médecin   généraliste   comme  

référent  et  non  comme  acteur  central  de  la  prise  en  charge  des  fins  de  vie  qui  se  veut,  dans  

la  démarche  palliative,  être  pluri  et  interdisciplinaire32.  

3.1.3.2.2. Le  sentiment  de  solitude  face  à  la  souffrance  du  patient  et  de  la  famille  

  La  solitude  est  un  sentiment  qui  revient  régulièrement  dans  la  littérature  relative  à  la  

place  du  médecin  généraliste  dans  la  prise  en  charge  de  la  fin  de  vie  au  domicile32,34,37.  Cette  

solitude   renforce   les   doutes   et   les   angoisses   du   médecin37.   Cela   peut   sembler   paradoxal  

alors  que  se  développent  de  plus  en  plus  de  structures  d’aides  pour  le  maintien  à  domicile  

(hospitalisation  à  domicile,  réseaux,  équipes  mobiles  des  soins  palliatifs  disponibles  pour  le  

secteur  ambulatoire,  etc.).  Elle  se  conçoit  lorsque  l’on  replace  la  prise  en  charge  des  fins  de  

vie   à   domicile   au   sein   de   l’activité   quotidienne   du   généraliste   qui   reste   relativement  

solitaire37.   La   solitude  est  donc  parfois  une  plainte  qu’expriment   les   généralistes  mais   elle  

correspond   également   à   une   façon   de   travailler   «  ancestrale  ».   Elle   est   aussi   parfois   une  

façon  de  tenter  de  «  faire  face  seul  »39,  et  constitue  alors  un  moyen  de  défense.  

3.1.3.2.3. La   souffrance   psychologique   face   à   la   mort  :   enjeux  existentiels  

  Le  médecin  formé  à  dépister,  prévenir,  guérir,  doit  ici  accompagner  son  patient  vers  

la  mort.   Et   il   «  souffre   parfois  »37.   Il   est   interpellé   dans   son  histoire   personnelle37   et   cette  

confrontation  professionnelle   le   ramène   sans   cesse   à  des  deuils   intimes,   à   sa   vision  de   sa  

propre  mort  et  de  sa  propre  fin39.  Les  enjeux  de  cette  souffrance  psychologique  se  situent  au  

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niveau  des  représentations  qu’a,  non  plus  le  médecin,  mais  l’homme,  de  sa  propre  existence  

et   de   celle   de   ses   proches.   L’écueil   est   de  méconnaître   les   transferts   qui   se   font   entre   le  

médecin,  son  patient  et  sa  famille37.  

  Cette   souffrance   est   liée   non   seulement   au   vécu   personnel   du   médecin   mais  

également   à   la   place   qu’occupent   la   souffrance   et   la  mort   dans   la  médecine   et   la   société  

d’aujourd’hui31.  

3.1.3.2.4. La  gestion  de  la  charge  affective  :  enjeux  émotionnels  

  La  gestion  de  leurs  propres  émotions  pose  une  difficulté  aux  médecins  qui  décrivent  

une  souffrance  engendrée  par  la  charge  affective.  La  mort  d’un  patient  peut  être  vécue  par  

le   médecin   «  comme   une   perte  »37.   L’attachement   à   des   patients   suivis   depuis   plusieurs  

années  permet  une  meilleure  qualité   de   la   prise   en   charge37   en   fin   de   vie  mais   expose   le  

médecin  à  un  investissement  émotionnel  plus  fort  et  plus  impliquant.  

3.1.3.2.5. Les  sentiments  d’impuissance  et  d’échec  

  Le   médecin   vit   parfois   difficilement   des   situations   qu’il   comprend   mal.   Elles  

engendrent  un  sentiment  d’impuissance37,  par  exemple,  lorsque  le  patient  refuse  des  soins  

ou  prend  des  décisions  que  le  médecin  a  du  mal  à  concevoir.  L’humilité  et,  à  travers  elle,  le  

respect  des  choix  du  patient  et  de  sa  famille  et   la  capacité  à  poursuivre  sa  prise  en  charge  

au-delà  de  ses  propres  convictions  et  représentations  vont  permettre  au  médecin  de  passer  

outre   ce   sentiment   d’impuissance33,37.   Celui-ci   apparaît   également   lorsque   le   médecin  

atteint   les   limites   de   ses   compétences,   le   ressenti   se   prolonge   alors   dans   le   sentiment  

d’échec.   La  mort   du   patient   apparaît   parfois   aussi   comme   un   échec   pour   le  médecin.   Tel  

peut  être  le  cas  lorsqu’il  n’a  pas  réussi  à  faire  le  deuil  de  sa  toute  puissance34,36,  lorsqu’il  est  

dans   la   culpabilité37   d’un   retard   diagnostique,   des   difficultés   à   gérer   les   symptômes   du  

patient  ou  les  angoisses  de  ses  proches.  

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3.1.3.2.6. Les  frustrations  du  soignant  

  Le  médecin  présent  lors  des  phases  actives  de  la  prise  en  charge  du  patient  doit  faire  

le   deuil   de   sa   démarche   curative36,37.   Cela   est   source  de   frustration  :   il   se   confronte   à   ses  

propres   limites   de   soignant   plus   formé   à   guérir   son   patient   qu’à   l’accompagner   dans   la  

souffrance  et  la  mort.  Ce  ressenti  est  majoré  quand,  après  le  décès  du  patient  pour  lequel  il  

s’est  tant  investi,   la  famille  «  le  quitte  »37  sans  préavis  ni  explications.  La  littérature  montre  

que,   bien   que   les   généralistes   le   comprennent   et   l’expliquent,   cela   reste   une   source   de  

souffrance  et  de  frustration.  

3.1.3.3. Fin  de  vie  à  domicile  :   le  bonheur  et   la  satisfaction  du  

médecin  généraliste  

  C’est   particulièrement   M   GARREAU37   qui,   dans   son   analyse   qualitative   poussée  

d’entretiens   avec   des   médecins   généralistes,   met   en   évidence   cet   aspect   de   la   prise   en  

charge  de  la  fin  de  la  vie  au  domicile.  

3.1.3.3.1. La   satisfaction   de   l’expérience   relationnelle,   l’enrichissement  personnel  

  Certains  médecins  décrivent  de  réels  moments  de  bonheur  partagé  dans  le  cadre  de  

prises  en  charge  de  patients  en  fin  de  vie.  Ils  décrivent  également  des  émotions  très  fortes  

qui   les   marquent   et   les   enrichissent,   en   leur   permettant   de   surmonter   eux-mêmes   leurs  

peurs  et  leurs  angoisses.  Ce  sont  alors  des  moments  de  complicité  qui  ne  relèvent  plus  de  la  

relation   médecin   –   malade   mais   bien   de   la   relation   inter   humaine.   «  La   mort   peut   aussi  

donner  du  bonheur,  de  façon  relative  toujours,  quand  elle  est  sereine  et  l’aboutissement  d’un  

accompagnement   bien   vécu  »37.  Dans   un   des   entretiens,   un   médecin   va   même   plus   loin:  

«  moi,   les  plus  belles  histoires  que   j’ai   vécu  en  médecine,   c’est   toujours  avec   la  mort.  C’est  

quand  même  très  bizarre.  C’est  un  accompagnement  sans  tricher  […]  ».37  

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3.1.3.3.2. La  satisfaction  du  travail  accompli  

  L’engagement   de   prendre   en   charge   un   patient   en   fin   de   vie   au   domicile   est   un  

engagement  moral,  qui,   lorsqu’il  est   tenu   jusqu’au  bout,  est  source  de  satisfaction  pour   le  

médecin.   Cette   satisfaction   vient   également   du   sentiment   d’avoir   bien   fait   son   travail,  

«  d’avoir   fait   ce  qu’il   fallait  »37   lorsqu’il   y  a  adéquation  entre   les  attentes  du  patient  et  de  

son  entourage  et   la  prise  en  charge  du  médecin.  Ce   sentiment  est  directement   lié  à   l’état  

d’esprit  du  patient  et  de  ses  proches  au  moment  du  décès.  

3.1.3.3.3. La  reconnaissance  des  proches  

  La  sérénité  du  patient  et  de  ses  proches  permet  parfois  à  ces  derniers  de  témoigner  

au  médecin  leur  reconnaissance.  Celui-ci  est  alors  conforté  dans  son  rôle  de  soignant  et  dans  

ses  compétences.   Il  s’agit   là  d’une  «  satisfaction  de   l’ordre  du  bénéfice  secondaire  qui  peut  

être  recherché  par  le  médecin  consciemment  ou  inconsciemment  »37.  

3.1.4. Conclusion  de  la  revue  de  la  littérature  et  ouverture  

sur  l’enquête  de  terrain  

  Le  vécu  et  le  ressenti  des  médecins  sont  quasiment  exclusivement  abordés  de  façon  

incidente  dans  la  littérature  médicale  récente  relative  à  la  fin  de  vie  à  domicile.  Les  travaux  

de   recherche   sont   principalement   consacrés   à   l  ‘évaluation   des   difficultés   et   des   facteurs  

limitant  ou  facilitant  la  prise  en  charge  au  domicile.  

  Le  médecin  généraliste,  considéré  comme  le  pivot  de  la  prise  en  charge  au  domicile  

(y   compris   et   en   particulier   en   dehors   du   contexte   de   fin   de   vie),   a   été   interrogé   à   de  

nombreuses  reprises  à  propos  de  sa  pratique  des  soins  palliatifs.  

  Les  sujets  abordés  dans  la  littérature  s’articulent  alors  autours  de  grands  thèmes  qui  

peuvent  être  résumés  ainsi  :  

• La  vérité  dite  au  patient,  la  communication  avec  le  patient,  

• La  communication  avec  les  familles  et  les  proches,  

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• Les  échanges  avec  l’hôpital,  les  médecins  spécialistes,  les  réseaux,  

• La  gestion  des  symptômes  de  la  fin  de  vie,  la  gestion  de  la  phase  agonique,  

• Le  lieu  de  la  fin  de  vie  et  le  lieu  du  décès,  

• La  place  de  la  mort  dans  notre  société  du  XXIe  siècle,  

• Les  évolutions  de  la  médecine  dans  la  prise  en  charge  des  mourants.  

  Parmi  tous  ces  thèmes  qui  concernent  de  près  ou  de  loin  le  médecin  généraliste,  on  

retrouve  çà  et  là  des  éléments  évoquant  le  vécu  et  le  ressenti  du  médecin  dans  cette  prise  

en  charge.  

  Le   travail   de   thèse   de   V   LAVENIR35   met   même   en   évidence   que   les   attentes   des  

patients  en  fin  de  vie,  vis-à-vis  de  leur  médecin  généraliste,  se  situent  principalement  autour  

de  son  implication  affective  et  émotionnelle  dans  l’accompagnement.  

  Peu  d’études   s’arrêtent  précisément   sur   cet   aspect.   La   thèse  de  M  GARREAU37   fait  

une   analyse   très   poussée   des   difficultés   des   médecins   de   façon   générale   et   plus  

particulièrement  de  celles  relatives  à  la  gestion  de  leurs  émotions,  de  leurs  angoisses,  ou  de  

leurs  ressentis  lorsqu’ils  accompagnent  des  patients  en  fin  de  vie.  

  Cette  revue  met  en  évidence  différentes  thématiques  relatives  au  vécu  et  au  ressenti  

des   médecins,   développées   dans   l’analyse   comparée   que   nous   avons   réalisé.   Ces  

thématiques  méritent,  de  notre  point  de  vue,  que  l’on  s’y  attarde  d’avantage.    

  La   difficulté   à   aborder   ces   sujets   semble   en   partie   liée   aux   choix  méthodologiques  

faits  par  les  chercheurs.  Le  choix  d’une  enquête  qualitative  par  entretiens  paraît  permettre  

l’expression   du   vécu   et   du   ressenti   qu’éprouvent   les   médecins   généralistes   et   qu’ils   ont,  

pour  certains,  l’habitude  d’exprimer  dans  des  groupes  de  parole.  

  Une  telle  recherche  est  forcément  très  impliquante  pour  les  médecins  interrogés  car  

il  s’agit  de  se  dévoiler  malgré  une  certaine  pudeur,  de  travailler  sur  soi,  d’être  capable  d’une  

relative   introspection.   Le   regard   d’un   «  étranger  »   sur   son   propre   travail   engendre   une  

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certaine   remise   en   cause   et   le   récit   de   ses   propres   prises   en   charge   oblige   à   une   analyse  

rétrospective  de  ses  actions,  de  ses  attitudes,  de  ses  choix.  

    L’implication  est  aussi   importante  pour   le  chercheur  qui  doit  permettre  au  médecin  

de  se  révéler  sans  paraître  trop  intrusif  et  qui  doit  faire  preuve  d’écoute  et  d’empathie  afin  

de  ne  pas   influencer  ni  orienter   le  médecin  dans   son   récit,   garantissant  ainsi   l’analyse  qui  

s’en  suivra,  exempte  de  tout  a  priori.  

  Le   vécu   et   le   ressenti,   jamais   abordés   pour   eux-­‐mêmes   ou   pour   ce   qu’ils   sont,  

méritent  que  nous  nous  consacrions  à  eux.  Dans  les  travaux  que  nous  venons  d’étudier,   ils  

transparaissent,   sont   effleurés,   à   travers   l’expression   que   les  médecins   en   ont   dans   leurs  

récits.  Cet  aspect  renforce  notre  objectif  de  recherche.  

  Le  vécu  de   la   fin  de  vie  et  de   la  mort,  ainsi  que   les   ressentis  qui  s’y  associent,  sont  

propres  à   chaque  médecin  et   à   son  histoire  personnelle  et  professionnelle.  Cependant,   ils  

sont  également  inscrits  dans  une  histoire  collective  aux  confins  de  l’histoire  de  la  médecine  

et  de  celle  de  la  place  de  la  mort  dans  la  société.  

  Notre   travail   de   recherche   a   nécessité   une   maturation   permise   en   particulier   par  

cette   revue   de   la   littérature   dont   l’objectif   était   de   nous   permettre   d’évaluer   les  

perspectives   de   travail   dans   le   paysage   actuel   du   développement   de   la   recherche   en  

médecine  générale  et  en  soins  palliatifs.  Une  fois  cette  première  étape  achevé  nous  pouvons  

abordé   l’enquête   de   terrain   qualitative   et   étudier   par   nous-­‐mêmes   et   pour   elle-­‐même  

l’expression  du  vécu  et  du  ressenti  des  médecins  généralistes  dans   leur  prise  en  charge  de  

patients  en  fin  de  vie.  

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59  

3.2. ETUDE   QUALITATIVE   DES   ENTRETIENS   AUPRES   DE   MEDECINS  

GENERALISTES  DE  LA  VIENNE  :  RESULTATS  ET  ANALYSE  

3.2.1. Données  générales  des  entretiens  

  Nous   avons   réalisé   au   total   onze   entretiens   semi-­‐dirigés   avec   des   médecins  

généralistes  de  la  Vienne  dont  nous  avons  détaillé  précédemment  le  mode  de  recrutement.  

Il  est  à  noter  que  le  corpus  total  ne  comprend  que  dix  entretiens  car  nous  avons  du  éliminer  

l’un   d’entre   eux   suite   à   une   erreur   d’enregistrement.   Cet   entretien   (n°5)   n’était   pas  

exploitable.  Il  a  été  par  conséquent  exclu  de  l’ensemble  des  résultats  présentés  ci-­‐dessous.  

3.2.1.1. Caractéristiques  des  entretiens  

3.2.1.1.1. Lieux  

  Le   lieu   de   réalisation   des   entretiens   était   laissé   à   l’appréciation   des   informateurs.  

Notre  objectif  était  qu’ils  se  sentent  à  l’aise  et  en  confiance  pendant  la  rencontre.    

  Huit  entretiens  sur  dix  ont  été  réalisés  au  cabinet  médical  de  l’informateur  en  dehors  

des  heures  de  consultation.  Un  entretien  a  été  réalisé  au  domicile  du  médecin.  Un  entretien  

a  été  réalisé  dans  le  bureau  de  l’EPHAD  dont  le  médecin  est  coordinateur.  

3.2.1.1.2. Durées  

Les  entretiens  ont  tous  durés  entre  30  minutes  et  une  heure.    

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60  

 

3.2.1.2. Caractéristiques  des  médecins  interrogés  

  Nous  rappelons  ici  que  notre  travail  n’a  en  aucun  cas  pour  objectif  de  généraliser  ces  

résultats.   Aussi   notre   groupe   d’informateurs   n’a   pas   vocation   à   être   représentatif   des  

médecins  généralistes  du  département.  La  validité  de  ce  groupe  est,  en  revanche,  fondée  sur  

la  diversité  des  profils  des  médecins  rencontrés,  et  ce  afin  d’assurer  une  diversité  maximale  

des  discours  retranscrits  au  sein  du  corpus.  Cette  diversité  nous  assure,  lors  de  notre  travail  

d’analyse,   de   retrouver   un  maximum  de   situations   différentes.   Celles-­‐ci   nous   permettront  

alors  d’envisager  un  état  des  lieux  exhaustifs  de  l’expression  de  leur  vécu  et  de  leur  ressenti  

par  les  médecins  généralistes.  

  Nous  présentons  donc   ici   les  différents   facteurs   retenus  comme  discriminants  pour  

constituer   un   groupe   d’informateurs   diversifié.   Aucun   pourcentage   n’est   volontairement  

présenté  pour  les  raisons  que  nous  venons  d’évoquer.  

  L’annexe  1  reprend  les  détails  de  ces  facteurs  sous  forme  de  tableaux.  

39  

51   53   52  

30  

55   55  

42  33   30  

0  

10  

20  

30  

40  

50  

60  

1   2   3   4   5   6   7   8   9   10   11  

DUREE  DES  ENTRETIENS  Temps  en  Minutes  

N°  des  entretiens  

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61  

3.2.1.2.1. Sexe  

 

3.2.1.2.2. Âge  et  année  d’installation  

Le  plus  jeune  des  informateurs  avait  39  ans  et  le  plus  âgé  63  ans.  Nous  devons  préciser  qu’il  

était  difficile  de  trouver  des  médecins  installés  plus  jeunes,  la  moyenne  d’âge  d’installation  

des  médecins  généralistes  étant  de  38  ans.  

 

 

7  

3  SEXE    DES    

INFORMATEURS  

Hommes  Femmes  

63  55  

48   50  59  

53  63  

39  49  

39  

0  10  20  30  40  50  60  70  

1   2   3   4   5   6   7   8   9   10   11  

AGE  DES  INFORMATEURS  

N°  des  entretiens  

Âge  

1976  1982  

1995  1989  

1980  

1991  

1974  

2007  

1988  

2001  

1950  1960  1970  1980  1990  2000  2010  

1   2   3   4   5   6   7   8   9   10   11  

ANNEE  D'INSTALLATION  DES  INFORMATEURS  Année  

N°  des  entretiens  

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62  

3.2.1.2.3. Lieu  et  mode  d’exercice  

 

Distance  entre  le  cabinet  du  médecin  informateur  et  le  CHU  de  Poitiers.  

 

Distance   entre   le   cabinet   du   médecin   et   l’hôpital   le   plus   proche   (hôpital   local   ou   centre  

hospitalier)  -­‐  Détails  fournis  dans  l’annexe  1.  

 

3  

3  

4  

LIEU  D'EXERCICE    DES  INFORMATEURS  

VILLE  

SEMI  RURAL  

RURAL  

46  

8   5  

63  

54  

33  

4  

33  

12  

47  

0  

10  

20  

30  

40  

50  

60  

70  

1   2   3   4   5   6   7   8   9   10   11  

DISTANCE  CHU    

N°  des  entretiens  

Distance  en  km  

10  8  

5  

13  

29  

7  4  

30  

12  

7  

0  

5  

10  

15  

20  

25  

30  

35  

1   2   3   4   5   6   7   8   9   10   11  

DISTANCE  HOPITAL  

N°  des  entretiens  

Distance  en  km  

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63  

Mode  d’exercice  du  médecin  informateur.  

 

3.2.1.2.4. Accès  à  des  services  spécifiques  

Accès  à  un  service  d’HAD.  

 

Disponibilité  d’équipes  spécialisées  en  soins  palliatifs  ambulatoires.  

 

5  

4  

1   MODE  D'EXERCICE    DES    

INFORMATEURS  SEUL  

CABINET  DE  GROUPE  

UN  ASSOCIE  EN  TEMPS  PARTAGE  

8  

2  

ACCESSIBILITE    DE    

L'HOSPITALISATION    A  DOMICILE  

OUI  

NON  

1  

9  

ACCESSIBILITE    A  UNE  EQUIPE    

DE  SOINS  PALLIATIFS    AMBULATOIRE  

OUI  

NON  

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64  

3.2.1.2.5. Formation  en  soins  palliatifs  

 

  Nous  relevons  ici  l’absence  d’informateurs  ayant  reçu  une  formation  initiale  en  soins  

palliatifs.  Ceci  s’explique  par   l’absence  de   formation   initiale  spécifique  obligatoire   jusqu’en  

199740.  

 

7  0  

3  

FORMATION    SPECIFIQUE  

AUCUNE  

FORMATION  INITIALE  

FORMATION  CONTINUE  

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65  

3.2.2. Relevés  thématiques  par  entretien  

  Les   relevés   thématiques   sont   issus   du   travail   de   thématisation   continue   de  

l’ensemble   du   corpus.   Pour   plus   de   clarté,   nous   avons   fait   le   choix   de   les   présenter   sous  

forme  de  tableaux  avec  des  rubriques  classant  les  thèmes.  Ces  rubriques  ne  sont  pas  le  fruit  

d’une   analyse   ni   de   regroupements   thématiques.   Elles   sont   présentées   uniquement   pour  

faciliter  la  lecture  et  ont  été  établies  en  fonction  des  questions  du  guide  d’entretien  et  des  

relances   de   l’enquêteur.   Les   thèmes   relevés   sont   illustrés   par   les   extraits   de   verbatim   à  

l’origine  de  leur  création.    

  Etant  à  la  fois  enquêteur  et  analyste,  la  dénomination  des  thèmes  a  été  facilité  par  la  

connaissance   des   éléments   de   contexte   proxémiques,   kinésiques   et   émotionnels   de  

l’entretien.  Cet  aspect  augmente  la  validité  des  thématisations  retenues.  

  A   cette   étape   les   thèmes   créés   sont   des   thèmes   présentant   le   plus   possible   une  

inférence  de  faible  niveau.  C’est  à  dire  que  le  lien  entre  chaque  thème  généré  et  les  indices  

du   corpus   ayant   mené   à   sa   création   est   étroit28.   Cette   volonté   d’utiliser   des   niveaux  

d’inférence   faible   est   lié   à   notre   objectif   de   rester   le   plus   longtemps   possible   fidèle   aux  

données  empiriques  en  en  faisant   la  synthèse.  Nous  repoussons  ainsi  au  maximum  l’étape  

d’interprétation.   Celle-­‐ci   n’interviendra   que   lorsque   nous   aurons   prélevé   l’ensemble   des  

thèmes  et  que  nous  embrasserons,  par  conséquent,   l’intégralité  du  corpus.  Nous  pourrons  

ainsi  nous  affranchir  des  singularités  des  entretiens  interprétés  les  uns  indépendamment  des  

autres.  

  Pour  mémoire,  l’annexe  1  reprend  les  caractéristiques  des  médecins  interrogés.  

  L’annexe  2  regroupe  l’intégralité  des  retranscriptions  textuelles  des  entretiens.  Nous  

avons   souhaité   mettre   à   la   disposition   du   lecteur   l’ensemble   de   notre   corpus   afin   de  

permettre  une  éventuelle  nouvelle  analyse  de  celui-­‐ci.  Une  approche  du  même  corpus  par  

une  méthode  analytique  différente  et/ou  avec  un  autre  objectif  pourrait  très  certainement  

avancer  des  résultats  complémentaires  aux  nôtres.  

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66  

3.2.2.1. Entretien  n°1  

 

ENTRETIEN  1  –  MEDECIN  1  

 

RUBRIQUES  

 

THEMES   EXTRAITS  DE  VERBATIM  

La  mort  à  domicile  

entourée  des  siens  

comme  une  «  bonne  

mort  »  

 

«  fermer   les   yeux   dans   sa   chambre   entouré   des   siens   c’est   quand  

même   pas   la   même   chose   que   fermer   les   yeux   avec   des   étrangers  

autour  de  vous,  des  gens  en  blouses  blanches  »  

La  mort  à  l’hôpital  

comme  un  échec  

«  une  personne  âgée  en  fin  de  vie,  l’hospitaliser  uniquement  pour  aller  

mourir  à  l’hôpital,  là  moi  je  trouve  que  c’est  un  échec  »  

 

La  mort  paisible   «  il  est  mort  à  son  domicile  paisiblement,  entouré  de  sa  famille  »  

«  (…)   son   lit   d’hospitalisation   dans   la   salle   de   séjour…   il   n’a   pas  

appelé…  il  a  du  mourir  paisiblement  en  pleine  nuit  »  

«     ça   c’est   très   bien   passé.   La   personne   est   décédée   tranquillement,  

tout  doucement…  Ca  se  passe  souvent  très  bien…  »  

 

La  mort  libératrice   «  quand  ils  sont  en  fin  de  vie  comme  ça  (…)  ils  en  ont  tellement  marre  

(…  )  je  dirais  qu’ils  sont  contents  de  mourir  (…)  je  pense  pas  que  ça  les  

angoisse  »  

«  je  crois  que  le  fait  d’en  avoir  marre  ça  doit  supprimer  la  douleur…  je  

crois  que…  ça  les  soulage  de  mourir  »  

 

La  mort  n’est  pas  

effrayante  pour  le  

médecin  

«  -­‐  vous  vous  donnez  le  droit  d’être  effrayé  par  la  mort  (…)  ?  –  Non  pas  

du  tout.  Non  »  

«  je   pense   que   ce   n’est   pas   désagréable,   c’est   pas   un   inconvénient  

d’accompagner  un  mort  chez  lui  »  

 

Face  à  la  fin  de  

vie  et  à  la  mort  

Gagner  du  temps  

n’est  pas  un  objectif  

«  mais  bon  ça  servait  à  quoi  ?  On  aurait  gagné  1  mois,  on  aurait  gagné  

3  mois  ?  Elle  ne  souffrait  pas.  Ca  ne  servait  à  rien  de  plus  »  

«  ça  ne  sert  à  rien  quand  on  a  97-­‐98  ans  de  s’acharner  pour  pouvoir  

gagner  6  mois  (…)  »  

 

 

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67  

La  vieillesse  comme  

«  misère  

physiologique  »  

«  quand  j’étais   interne  (…)  il  y  avait  un  chef  de  service  qui  (…)  disait  

«  misère   physiologique  »   et   en   fait   je   trouvais   ça   très   joli   parce   que  

c’est  un  peu  le  cas.  Tout  est  usé  mais  il  n’y  a  rien  de  spécial.  »  

 

 

L’approche  de  la  

mort  ressentie  

comme  la  perte  de  

l’envie  de  vivre  

«  il  y  a  aussi  le  fait  que  les  gens  n’ont  plus  envie  de  vivre.  Ils  n’ont  plus  

de  ressort  »  

L’HAD  source  de  

confort  agréable  

pour  le  patient  

«  c’est  un  confort…  et  puis  je  pense  que  pour  le  malade  il  se  sent  très  

bien  entouré  aussi  et  je  pense  que  pour  lui  ça  doit  être  agréable  »  

 

Volonté  des  

patients  de  rester  

dans  l’ignorance  

«  j’observe  souvent  (…)  que  les  gens  ils  ne  veulent  pas  trop  savoir  »  

«  souvent  ça  les  arrange  qu’on  ne  leur  dise  pas  tout  »  

 

A  propos  des  

représentations  

du  patient  

Les  patients  savent  

 

«  et   puis   il   savait   (…)  mais   on   n’évoquait   pas   du   tout   le   fait   que   ça  

pouvait…  qu’il  pouvait  décéder  rapidement  »  

A  propos  des  

représentations  

de  la  famille  

La  réticence  des  

familles  à  

accompagner  leur  

proche  à  domicile  

est  liée  à  la  peur  

d’être  confronté  à  

un  mort  

 

«  les  gens  ils  n’aiment  pas  les  morts  »    

«  le  mari   avait   peur  de   la  mort  de   sa   femme  et  donc   il   fallait   qu’elle  

meurt  ailleurs  »  

«  les   gens   se   font   toute   une   montagne   de   choses   qui   sont…   (…)   je  

pense   que   c’est   plus   la   peur   de   la   mort,   de   voir   un   mort…   qui   les  

motive  pour  qu’on  hospitalise  »  

 

Accompagner  la  fin  

de  vie  :  une  mission  

du  médecin  traitant  

«     et  puis   à  partir  du  moment  ou  vous  êtes   le  médecin  de   la   famille,  

ben…  vous  êtes  obligé  de  suivre  la  personne  »  

«  ça  fait  partie  du  médecin  de  famille  »  

 

Une  fin  de  vie  peut  

être  réussie  

«  -­‐  vous  diriez  que  cette  prise  en  charge  en  fin  de  vie  était  réussie  ?  –  ah  

oui,  moi  je  pense,  oh  oui  …  »  

 

A  propos  de  son  

propre  travail  

de  prise  en  

charge  

La  prise  en  charge  

pluri-­‐

professionnelle  en  

fin  de  vie  est  un  

soutien  pour  le  

médecin  

 

 

«  c’est   même   relativement   agréable   de   se   retrouver   entouré   de  

professionnels.  Vous  avez  en  quelque  sorte  les  outils  hospitaliers  pour  

vous   aider   dans   vos   démarches   médicales  …   que   ce   soit   les  

traitements,   les  prises  de  sang  et   tout  ça…  vous  avez  plus   facilement  

(…).  L’HAD  c’est  tout  de  même  relativement  bien  »  

 

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68  

La  décision  du  

médecin      supplante  

la  décision  du  

patient  

«  j’avais   des   motifs   d’hospitalisation…   parce   que   je   pensais   qu’on  

pouvait   faire  quelque  chose   (…)  mais   la  personne   (…)  elle  n’a  pas   le  

ressort   (…)   mais   vous   avez   décidé   pour   des   raisons   valables   qu’il  

valait  mieux  l’hospitaliser  »  

«  je  pensais  qu’elle  avait  tort  et  moi  j’avais  raison  »  

«  je  le  fais  vraiment  parce  que  c’est  moi  qui  l’ai  décidé  »  

 

L’accompagnement  

en  fin  de  vie  est  

valorisante  pour  le  

médecin  

 

«  je  pense  que  c’est  valorisant  pour  soi-­‐même  »  

 

Prendre  en  charge  

une  souffrance  n’est  

pas  de  l’euthanasie  

même  si  cela  

accélère  le  décès  

 

«  vous   pouvez   très   bien   aider   les   gens   à   passer   le   cap   par   exemple  

parce   qu’ils   souffrent   beaucoup…   vous   augmentez   les   doses   (…)   ça  

peut  être  létal  »  

«  ce  n’est  pas  la  même  démarche  intellectuelle  bien  sûr  »  

 

Le  médecin  ne  doit  

pas  s’imposer  au  

patient    

«  elle  ne  voulait  pas  me  voir  car  elle  avait  peur  d’être  hospitalisée.  (…)  

 on  a  respecté  son  choix,  son  entourage  a  respecté  son  choix  »  

«  c’est  un  choix  respectable  »  

«  c’est  ce  que  j’ai  dit  à  l’entourage,  si  elle  ne  veut  pas  être  hospitalisée  

(…)  et  ben  de  toutes  façons  c’est  son  choix  »  

«  elle  a  choisi  on  ne  la  force  pas  c’est  tout  »  

«  c’est  son  droit  de  décéder  à  la  maison  »  

«  il  a  le  droit  d’avoir  sa  propre  volonté  »  

«  cette  femme  là  son  choix  était  de  rester  chez  elle  avec  ses  meubles,  

ses  photos,  donc  bon  ben…  »  

«  il  peut  arriver  que   les  gens   ils  veulent  (…)  qu’on  fasse   le  maximum  

en  les  hospitalisant.  Donc  là  c’est  pareil,  c’est  pas  un  échec  non  plus,  il  

ne  faut  pas  considérer  que  c’est  un  échec  pour  soi  »  

«    elle  avait  une  demande,  c’est  qu’on  lui  foute  la  paix  »  

 

A  propos  des  

relations  avec  

ses  patients  et  

leur  famille  

Ne  pas  respecter  le  

choix  d’un  patient  

est  un  échec  

«  l’échec  (…)  c’est  de  ne  pas  avoir  pu  dire  non  à  la  famille  qui  voulait  

absolument  hospitaliser  le  grand  père  »  

«  une  personne  âgée  en  fin  de  vie,  l’hospitaliser  uniquement  pour  aller  

mourir  à  l’hôpital,  là  moi  je  trouve  que  c’est  un  échec  »  

 

 

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69  

Les  patients  veulent  

fréquemment  rester  

dans  l’ignorance  

«  j’observe  souvent  (…)  que  les  gens  ils  ne  veulent  pas  trop  savoir  »  

«  souvent  ça  les  arrange  qu’on  ne  leur  dise  pas  tout  »  

«  on   n’évoquait   pas   du   tout   le   fait   que   ça   pouvait…   qu’il   pouvait  

décéder  rapidement  »  

 

 

La  volonté  du  

patient  justifie  que  

le  médecin  s’oppose  

à  la  famille  

«  c’est   plutôt   la   famille   sui   disait   on   peut   peut-­‐être   faire   quelque  

chose,  etc.  mais  à  partir  du  moment  où  elle  ne  voulait  pas  ça  ne  servait  

à  rien  de  lui  forcer  la  main  »  

«  il  faut  savoir  dire  non  »  

«  l’échec  (…)  c’est  de  ne  pas  avoir  pu  dire  non  à  la  famille  qui  voulait  

absolument   hospitaliser   le   grand  père  (…)  parce   qu’il   était   en   fin   de  

vie  alors  que  vous  savez  pertinemment  que  d’ici…  une  demi  journée…  

il  allait  décéder  »  

«  son  nouveau  médecin   traitant  à   la  demande  de   son  mari   a   fini  par  

l’hospitaliser  (…)  et  à   l’hôpital  (…)  ils   l’ont  renvoyé  chez  elle  (…)  elle  

est  décédée  en  transit  (…)  je  considère  que  c’est  un  échec  total  »  

«  le  médecin  n’a  pas  été  assez  ferme  »  

«  enfin   il   ne   s’agit   pas   d’imposer,   il   s’agit   de   leur   faire   accepter,   je  

pense  que  c’est  surtout  ça  (…  )  il  faut  leur  faire  comprendre  »  

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70  

3.2.2.2. Entretien  n°2  

 

ENTRETIEN  2  –  MEDECIN  2  

 

RUBRIQUES  

 

THEMES   EXTRAITS  VERBATIM  

La  mort  peut  être  

paisible  

 

«  et  ça  c’est  passé,  bon…  tristement  …  mais  paisiblement  »  

Le  médecin  

n’abandonne  jamais  

son  patient  

«  oui  vous  allez  mourir  mais   je  ne  sais  pas  comment  ni  quand  mais  

on  ne  va  pas  vous  abandonner  »  

«  (…)  mais  tout  ce  que  je  peux  vous  dire  c’est  qu’on  ne  va  pas  vous  

laisser   tomber,   on   va   faire   ce   qu’il   faut,   si   vous   voulez   rester   chez  

vous,   vous   resterez   chez   vous   et   que   l’on   fera   tout   ce   qu’il   faut  

pour…  »  

 

 La  fin  de  vie  est  la  

perte  de  conscience  

«  pour  moi   la   fin  de  vie   c’est  quand   le  patient  n’est  plus   conscient,  

qu’il  ne  peut  plus  décider  de  ce  qu’il  souhaite,  de  ce  qu’il  ne  souhaite  

pas.  Pour  moi  c’est  ça  la  fin  de  vie.  »  

«  la   fin   de   vie   c’est   quand   on   ne   peut   plus   correspondre,   qu’on   ne  

peut  plus  décider  de  soi-­‐même  »  

 

Mourir  jeune  n’est  

pas  dans  la  logique  

de  la  nature,  la  mort  

est  alors  injuste  

«  parce  que  ce  n’est  pas  dans  la  logique  des  choses.  Tout  au  moins  au  

sens  chrétien  du  terme…  on  va  dire  comme  ça…  »  

«  pour  moi   en   tant  que  médecin   c’est   vrai   que   c’est   beaucoup  plus  

facile   d’accompagner   quelqu’un   de   95   ans,   parce   que   c’est  

logique…  »  

«  quelqu’un  de  52  ans  comme  cette  dame  avec  un  enfant  de  15  ans,  

ce  n’est  pas  logique  (…)  »  

«  Elle  n’aurait  jamais  dû  mourir  cette  petite  jeune  fille.  »  

 

 Face  à  la  fin  de  

vie  et  à  la  mort  

La  mort  de  ses  

patients  affecte  le  

médecin  

«  Je  ne  dirais  pas  que  les  gens  qui  décèdent  maintenant  m’affectent  

moins.   Mais  mon   vécu   médical   me   permet   maintenant   de   plus  

respecter  la  distance  même  si  cela  me  touche…  enfin  tout  le  monde  

me  touche…  »  

«  je  me   suis   senti   très  mal   à   l’aise   qu’elle   décède   à   52   ans…    mais  

c’est   le  problème  personnel  de   tous   les  médecins  qui   voient  partir  

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71  

des  patients  jeunes  »  

A  propos  de  la  prise  en  charge  de  patients  jeunes  :  «  ça  ne  change  rien  

à  ma   gestion…   C’est   autre   chose,   c’est  mon   sentiment   personnel…  

c’est  mon  ressenti…  on  va  dire…  «  affectivo-­‐médical  »  (…)  »  

 

La  mort  d’un  

patient  jeune  est  

révoltante  pour  le  

médecin  

«  Voir   un   gamin   à   huit  mourir   d’une   leucémie   c’est   terrible…  C’est  

épouvantable…   Voir   mourir   quelqu’un   du   SIDA   en  moins   de   deux  

ans  (…)  »  

«  C’est  terrible  »  

«  Voilà,   elle   est   morte,   elle   n’avait   que   23   ans,   c’est   terrible.   Elle  

n’aurait  jamais  dû  mourir  cette  petite  jeune  fille.  »  

A  propos  de  la  prise  en  charge  de  patients  jeunes  :  «  ça  ne  change  rien  

à  ma   gestion…   C’est   autre   chose,   c’est  mon   sentiment   personnel…  

c’est  mon  ressenti…  on  va  dire…  «  affectivo-­‐médical  »  (…)  »  

 

Une  fin  de  vie  peut  

être  un  bon  

souvenir  

«  les   accompagnements   dont   je   garde   un   bon   souvenir…   c’est   les  

accompagnements   pour   lesquels   on   a   pu   respecter   la   volonté   des  

gens  »  

 

Le  médecin  est  gêné  

d’évoquer  l’idée  

d’une  bonne  mort  

 

«  je  ne  sais  pas  si  on  peut  accompagner  quelqu’un  bien  à  mourir  »  

«  alors   est   ce   qu’on   meurt   bien  ?   Ouh   la  !   Moi   je   ne   suis   pas  

philosophe  !  »  

L’accompagnement  

de  quelqu’un  d’âgé  

est  plus  facile  

«  pour  moi   en   tant  que  médecin   c’est   vrai   que   c’est   beaucoup  plus  

facile   d’accompagner   quelqu’un   de   95   ans,   parce   que   c’est  

logique…  »  

«  je  dis  simplement  que  c’est  plus  dans  la  nature  des  choses  »  

 

 

Le  ressenti  affectif  

que  peut  avoir  le  

médecin  ne  

concerne  que  lui  

 

A  propos  de  l’affect  :  «  mais  ça  c’est  mon  problème  »  

«  ce  que  je  ressens  moi  c’est  un  autre  problème  »  

A  propos  des  

représentations  

du  patient  

Les  patients  savent   «  et  bien  elle  avait  déjà  compris  »  

«  elle  avait  bien  compris  que  sa  maladie  évoluait,  que  l’on  avait  plus  

de  solutions  thérapeutiques  (…)  »  

«  donc  elle  a  bien  compris.  Elle  m’a  dit  :  «  c’est  que  je  vais  mourir  ?  ».  

Je  lui  ai  dit  :  «  oui  vous  allez  mourir  mais  je  ne  sais  pas  comment  ni  

quand  (…)  »  

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72  

La  fin  des  soins  

curatifs  vécus  

comme  un  

soulagement  

 

«  elle  n’allait  déjà  plus  à  l’hôpital  en  consultation  voir  les  oncologues  

(…)  …  c’était  d’un  côté…  comme  un  soulagement  »  

La  présence  et  l’avis  

du  médecin  vécus  

comme  rassurants  

«  elle  m’avait  dit  :  «  j’aimerais  bien  que  vous  soyez  là  à  la  fin  »  il  s’est  

trouvé   que   c’était   un   samedi   après   midi,   que   j’étais   disponible…  

donc  j’y  suis  passé,  et  elle  s’est  éteinte.  »  

«  il  m’a  dit  :  «  qu’est  ce  que  vous  en  pensez  ?  »  (…)  

A  propos  des  visites  à  l’hôpital  de  ses  patients  :  «  ils  y  sont  sensibles.  

Ils   ont   l’impression   de   ne   pas   être   coupés   du   monde…   Car   leur  

relation   c’est   leur   médecin   traitant   alors   que   l’hôpital,   c’est  

l’hôpital  »  

 

L’angoisse  de  mort  

augmente  avec  l’âge  

 

«  d’ailleurs  plus  les  gens  sont  âgés,  plus  ils  sont  angoissés…  ils  sont  

angoissés  de  mourir,  mais  ils  sont  aussi  angoissés  de  comment  ça  va  

se  passer  (…)  »  

 

Le  lieu  de  décès  est  

source  d’angoisse  

chez  les  personnes  

âgées  

 

«  l’angoisse   c’est  :   «  est   ce   qu’on   va   m’emmener   à   l’hôpital  ?  ».  

Mourir  à  l’hôpital,  tout  seul  isolé,  ça  fait  peur  »  

 

Le  patient  compte  

sur  leur  médecin  

traitant  et  ce  

d’autant  plus  qu’il  

est  suivi  depuis  

longtemps  

 

«  Et   plus   le   patient   est   connu   depuis   longtemps,   plus   ça  me   paraît  

légitime  qu’il  compte  sur  nous…  »  

La  famille  

reconnaissante  

«  c’est   même   plutôt   une   certaine   reconnaissance,   enfin   c’est   peut  

être  un  terme…  il  y  a  une  certaine  affectivité  positive  on  va  dire  »  

«  son  mari  nous  a  remercié  »  

 

A  propos  des  

représentations  

de  la  famille  

La  rupture  suivant  

le  décès  n’exclut  pas  

la  reconnaissance  

 

 

«  et  puis  il  y  a  ceux  qui  partent  et  qui  vous  disent  :  «  je  ne  reviendrai  

plus  vous  voir  car  je  ne  peux  pas,  merci  pour  ce  que  vous  avez  fait  »  

…  donc  ça  je  le  comprends  bien  »  

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73  

La  rupture  et  les  

conflits  avec  la  

famille  comme  

phénomène  de  

transfert  

«  il   y   a   des   patients   qui   partent   parce   que   le   médecin   est  

«  responsable  »   de   la   maladie…   ça   se   comprend   bien,   il   y   a   un  

transfert…  »  

«  on   le   sait   bien   que   l’on   est   responsable   de   la  maladie   des   gens  !  

C’est   forcément   le   médecin   qui   est   responsable   de   la   maladie  !  

Surtout  quand  c’est  dans  une  situation  urgente…  »  

«  Les  gens   sont   agressifs,   ils   sont   agressifs   contre   le   sort,   contre   le  

destin…   le   plus   souvent   (…).   Le  médecin   est   souvent   le   révélateur  

d’une  maladie  grave…  il  est  la  pour  ça.  Il  est  aussi  là  pour  ça.  »  

 

 

La  fin  de  vie  comme  

moment  de  

rapprochement  

familial  

 

«  il  va  réunir  ses  enfants  au  mois  de  juillet,  voir  tout  le  monde  »  

Le  médecin  à  l’aise  

sur  le  plan  médical  

dans  la  prise  en  

charge  de  la  fin  de  

vie  

«  -­‐  vous  vous  êtes  sentis  à  l’aise  dans  cette  prise  en  charge  ?  –  moi  oui,  

sur  le  plan  médical  oui.  »  

«  au   niveau   médical   ça   ne   me   pose   aucun   problème,   ni  

d’accompagnement,  ni  rien…  »  

A  propos  de   l’âge  des  patients  :   «  au  niveau  médical  pour  moi   ça  ne  

change  rien  »  

«  je  pense  que  je  les  gère  de  la  même  manière,  non  non  pas  du  tout,  

ça  ne  change  rien  à  ma  gestion  »  

 

A  propos  de  son  

propre  travail  

de  prise  en  

charge  

Le  médecin  

conscient  de  ses  

propres  limites    

«  parce  qu’on  fait  tout  ce  qu’on  peut…  »  

«  (…)  «  mais  pour  combien  de  temps  j’en  ai  ?  »  «  mais  je  ne  sais  pas  

monsieur...  (…)  »  

«  Et   plus   le   patient   est   connu   depuis   longtemps,   plus   ça  me   paraît  

légitime  qu’il  compte  sur  nous…  Après,  on  fait  ce  que  l’on  peut  !  C’est  

comme  tout  le  monde  !  »  

«  Pas  facile…  Je  ne  suis  pas  plus  performant  qu’un  autre  »  

 «  -­‐  Qu’est  ce  que  ce  serait  de  mourir  bien  ?  –  je  ne  sais  pas  »  

A   propos   d’un   retour   à   domicile   organisé   difficilement  :   «  On   a  

respecté  sa  volonté  et  tant  mieux.  Tant  mieux  pour  elle  et  tant  mieux  

pour   son  mari   qui   souhaitait   que   sa   volonté   soit   respectée.  Sur   le  

plan  de  la  mort  est  ce  que  c’était  bien  ?  Je  n’en  sais  rien…  Peut  être…  

Je  ne  sais  pas…  Ca  été  compliqué  ça  c’est  sûr  !  »  

 

 

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74  

Le  partage  des  

expériences  avec  

d’autres  

professionnels  

comme  un  soutien  

pour  le  médecin  

généraliste  

 

«  ce   n’est   pas   le   fait   qu’il   y   ait   une   unité   de   soins   palliatifs   qui  

change,   c’est   le   fait   qu’il   y   ait   des   médecins   spécialisés   en   soins  

palliatifs   avec   lesquels   on   puisse   correspondre   et   échanger.   C’est  

souvent  relationnel  (…)  »  

L’accompagnement  

à  domicile  permet  

un  

accomplissement  

du  travail  du  

médecin  

 

A  propos  de  la  prise  en  charge  à  domicile  :  «  Bon,  ça  prend  forcément  

beaucoup   de   temps,   beaucoup   de   disponibilités,   mais   c’est  

intéressant  pour  le  patient,  et  puis  on  a  le  sentiment…  de  finir  ce  que  

l’on  a  commencé…  le  suivi  »  

Pour  assurer  sa  

mission  

d’accompagnement  

le  médecin  dissocie  

son  affection  de  la  

prise  en  charge  

 

«  C’est   impitoyable  !   C’est   très   net  !   En   aucune   façon  mon   ressenti  

affectif  affecte  ma  décision  médicale  »  

L’expérience  

permet  au  médecin  

de  dissocier  son  

affect  de  son  travail  

 

A  propos  de   la  dissociation   entre  affect   et   travail  :  «  Je  pense  que   je  

n’avais   pas   le   même   comportement   il   y   a   25   ans   ou   20   ans   que  

maintenant  (…)  »  

«  mon   vécu   médical   me   permet   maintenant   de   plus   respecter   la  

distance  même  si  cela  me  touche  »  

 

 

L’implication  forte  

voire  personnelle  

du  médecin  permet  

un  meilleur  

accompagne-­‐ment  

«  elle  m’a  dit  au  revoir,  «  je  vous  remercie  pour  ce  que  vous  avez  fait  

pour  moi,  vous  avez  été  un  soutien…  ».   Je   lui  ai  dit  :   «  je  pense  que  

nous   avons   fait…  »   et   elle   m’a   dit   que   c’était   bien   que   je   lui   dise  

‘nous’…  »  

«  si   c’est   des   patients   que   l’on   voit   très   ponctuellement   et   si   c’est  

très   grave…   ben   on   gère   la   gravité   mais   on   a   aucun  

accompagnement   affectif…   me   semble-­‐t-­‐il…   pour   moi   tout   au  

moins  »  

A   propos   de   la   prise   en   charge   de   patient   inconnus  :   «  -­‐   C’est   plus  

difficile  ?  –  sur  le  plan  affectif  oui  car  on  ne  peut  pas  s’investir  (…)  »  

«  je  pense  que  si  on  a  un  vécu  plus  long  c’est  sur  le  plan  émotionnel  

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75  

plus  facile  pour  le  patient  et  pour  le  médecin  de  s’investir.  »  

«  ce   n’est   pas  moi   qui   accompagne   le   patient,   c’est   nous  qui   allons  

dans  une  certaine  direction,  dans  le  sens  que  le  patient  souhaite  »  

A  propos  d’un  patient  hospitalisé  en  réa,  dans  le  coma:  «  je  suis  passé  

le   voir   car   pour   moi   c’était   quelque   chose   d’utile   sur   le   plan  

relationnel,  même  si  évidemment   il  ne  m’a  pas  répondu…  (…)  Mais  

pour  sa  femme  et  ses  enfants  ça  me  paraît  utile  »  

«  Il  me  paraît  évident  que  plus  on  connaît  les  patients,  plus  on  est  en  

confiance,   et   plus   on   a   les   moyens   d’apporter   une   aide…ou   un  

accompagnement…  »  

 

Accompagner  la  fin  

de  vie  :  une  mission  

du  médecin  traitant  

 

«  Puisque  pour  moi  ça  fait  partie  de  la  profession  »  

La  diversité  des  

activités  du  

médecin  généraliste  

lui  permet  de  gérer  

les  difficultés  

affectives  

 

A   propos   de   la   gestion   de   l’affect   dans   la   prise   en   charge  :     «  Il   y   a  

beaucoup,  beaucoup  d’autres  activités  à  côté,  on  est  dilué  !  On  aurait  

qu’un  patient,  là  ce  serait  compliqué  »  

 

Humilité  source  de  

sérénité  

 

 

«  L’humilité   me   permet   d’être   plus   serein   dans   mes   prises   en  

charge  »  

A  propos  de  ses  

relations  avec  

ses  patients  et  

leurs  familles  

Le  médecin  ne  doit  

pas  s’imposer  au  

patient  ou  à  la  

famille  

«  elle  m’a  demandé  :  «  qu’est  ce  que  vous  en  pensez  ?  »  je  lui  ai  dit  :  

«  je  pense  comme  vous,  votre  décision  sera  la  bonne…  »  (…)  »  

«  on  a  grosso  modo  respecter  sa  volonté  de  ne  pas  s’acharner,  de  ne  

pas  la  faire  hospitaliser,  de  ne  pas  appelé  le  SAMU  »  

«  (…)  on  va  faire  ce  qu’il   faut,  si  vous  voulez  rester  chez  vous,  vous  

resterez  chez  vous  et  que  l’on  fera  tout  ce  qu’il  faut  pour…  »  

«  les   accompagnements   dont   je   garde   un   bon   souvenir…   c’est   les  

accompagnements   pour   lesquels   on   a   pu   respecter   la   volonté   des  

gens  »  

«  ce   n’est   pas  moi   qui   accompagne   le   patient,   c’est   nous  qui   allons  

dans  une  certaine  direction,  dans  le  sens  que  le  patient  souhaite  »  

«  On  a  respecté  sa  volonté  et  tant  mieux.  Tant  mieux  pour  elle  et  tant  

mieux  pour  son  mari  qui  souhaitait  que  sa  volonté  soit  respectée.  »  

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76  

«  Et   sur   l’ardoise   avant   qu’elle   ne   soit   hospitalisée   elle   avait   écrit  :  

«  je  veux  mourir  chez  moi  »  (…)  Moi   je  suis  content  pour  elle  parce  

que  l’on  a  respecté  sa  volonté.  »  

 

La  reconnaissance  

du  patient  ou  de  la  

famille  est  

importante  pour  le  

médecin  

 

«  Donc  elle  est  vraiment  venue  me  dire  au  revoir,  elle  ne  m’a  pas  dit  

adieu,   elle   m’a   dit   au   revoir,   «  je   vous   remercie   pour   ce   que   vous  

avez  fait  pour  moi,  vous  avez  été  un  soutien…  »  (…)  »  

 

La  connaissance  de  

l’histoire  

personnelle  du  

patient  aide  à  sa  

prise  en  charge  

«  je  crois  que  c’est  plus  compliqué  encore  quand  on  prend  les  gens  

en   cours   de   route…   qu’on   a   pas   de   vécu   ensemble…   ça  me   paraît  

plus   difficile   que   des   patients   que   l’on   suit   depuis   longtemps  …  

depuis  plusieurs  années…  on  connaît   les  anecdotes  un  petit  peu,   la  

vie,  ce  qui  s’est  passé.  »  

«  (…)  moins  de  vécu  ensemble…  donc  on  a  moins  de  repères…  »  

«  n’importe   quoi…   des   anecdotes   vécues,   ça   fait   un   dérivatif,   et   ça  

permet  d’avancer  ensemble  »  

«  si   c’est   des   patients   que   l’on   voit   très   ponctuellement   et   si   c’est  

très   grave…   ben   on   gère   la   gravité   mais   on   a   aucun  

accompagnement   affectif…   me   semble-­‐t-­‐il…   pour   moi   tout   au  

moins  »  

«  je  pense  que  si  on  a  un  vécu  plus  long  c’est  sur  le  plan  émotionnel  

plus  facile  pour  le  patient  et  pour  le  médecin  de  s’investir.  »  

«  je  pense  que  si  on  a  peu  de  vécu,  on  a  peu  de  repères,  on  a  moins  

de  prise,  moins  de  réactivité  (…).  C’est  compliqué  »  

«  si  l’on  a  un  vécu  plus  long  avec  «  des  antécédents  communs  »,  je  ne  

dirais   pas   que   c’est   plus   facile…   mais   ça   permet   d’avoir   plus   de  

communication,   plus   simplement   on   va   dire.   Mais   c’est   mon  

ressenti…  Peut  être  que  ce  n’est  pas  vrai…  »  

 

La  prise  en  charge  

en  fin  de  vie  

nécessite  une  

relation  de  

confiance  

 

 

 

«  je   pense   qu’un   bon   accompagnement   c’est   quand   il   y   a   une  

confiance  réciproque,  et  que  c’est  une  avancée  commune  »  

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77  

Le  médecin  est  

attaché  à  ses  

patients  

 

«  j’ai   une   cliente   qui   est   décédée   il   n’y   a   pas   longtemps   en  

cancérologie,  que  j’aimais  bien  aussi  »  

 

 

Les  conflits  avec  les  

familles  sont  mal  

vécus  par  le  

médecin  

«  on   le   sait   bien   que   l’on   est   responsable   de   la  maladie   des   gens  !  

C’est   forcément   le   médecin   qui   est   responsable   de   la   maladie  !  

Surtout  quand  c’est  dans  une  situation  urgente…  »  

«  la  chose  est  désagréable  »  

«  C’est  très  négatif  comme  sentiment  et  très  préjudiciable  »  

«  Le   neurochirurgien   que   je   connais   bien   m’avait   dit  :   «  tu   sais,   il  

veut  que  ce  soit  toi  le  responsable  »  (…)  »  

«  S’en  prendre  plein  la  tête  comme  ça  ce  n’est  pas  facile  (…)  »  

«  Les  gens   sont   agressifs,   ils   sont   agressifs   contre   le   sort,   contre   le  

destin  »  

A  propos  des  ruptures  suivant  le  décès  avec  les  familles  :  «  ce  n’est  pas  

très  gratifiant  sur  le  plan  relationnel  ultérieur  »  

 

Un  accompagne-­‐

ment  du  patient  

«  au   delà   du   recours   à   toute   chimiothérapie   (…)   c’est   un  

accompagnement  pour  qu’elle  ne  souffre  pas  »  

«  ça   permet   une   transition,   de   ne   pas   laisser   les   patients…   ce   que  

l’on  faisait  déjà…  un  accompagnement  »  

 

Une  médecine  

humble  

 

«  malheureusement  le  diagnostic  ne  nous  appartient  plus  »  

 

Le  non  abandon   «  oui  vous  allez  mourir  mais   je  ne  sais  pas  comment  ni  quand  mais  

on  ne  va  pas  vous  abandonner  »  

«  (…)  mais  tout  ce  que  je  peux  vous  dire  c’est  qu’on  ne  va  pas  vous  

laisser   tomber,   on   va   faire   ce   qu’il   faut,   si   vous   voulez   rester   chez  

vous,   vous   resterez   chez   vous   et   que   l’on   fera   tout   ce   qu’il   faut  

pour…  »  

«  mais   ça  permet  une   transition,  de  ne  pas   laisser   les  patients…  ce  

que  l’on  faisait  déjà…  un  accompagnement  »  

 

Représentation  

des  soins  

palliatifs  

Les  soins  palliatifs,  

annonce  

redoutable,  a  priori  

 

 

«  je  pense  que  les  soins  palliatifs  c’est  une  annonce  assez  redoutable  

car  elle  veut  dire  qu’a  priori  on  ne  fait  plus  de  traitement  pour  que  le  

pronostic  vital  puisse  être    a  priori  amélioré  »  

 

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78  

Un  soutien  pour  les  

médecins  

généralistes  

«  ce   n’est   pas   le   fait   qu’il   y   ait   une   unité   de   soins   palliatifs   qui  

change,   c’est   le   fait   qu’il   y   ait   des   médecins   spécialisés   en   soins  

palliatifs   avec   lesquels   on   puisse   correspondre   et   échanger.   C’est  

souvent  relationnel  (…)  »  

 

 

Les  soins  palliatifs  

accompagnent  aussi  

la  famille  

«  c’est  même  plus  qu’accompagner  le  patient…  parce  que  c’est  la  fin  

de   vie   du   patient  mais   ce   n’est   pas   la   fin   de   vie   de   la   famille,   des  

intervenants,  des  amis…  »  

«  ils  venaient   le   soir  qu’on  ait   le   temps  de  discuter…  histoire  qu’ils  

vident  un  peu  leur  trop  plein…  »  

 

 

 

 

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79  

3.2.2.3. Entretien  n°3  

 

ENTRETIEN  3  –  MEDECIN  3  

 

RUBRIQUES  

 

THEMES   EXTRAITS  VERBATIM  

La  mort  et  la  

souffrance  d’un  

patient  sont  

douloureuses  

pour  le  médecin  

«  -­‐  Vous  m’avez  dit  c’est  douloureux  ?  –  pour  le  médecin  ouais  !  »  

«  et  puis  c’est  douloureux  pour  nous  »  

«  Mais   je   pense   que   l’on   s’attache   vite   aux   patients…   Et   ça   fait  

mal.  »«  Et   puis   ça   dépend   de   l’âge   du   patient,   quand   c’est   des  

patients   jeunes   c’est   compliqué…   Et   puis   c’est   douloureux   pour  

nous…  »  

«  c’est  important…  ouais,  ouais  ça  j’ai  toujours  fait…  »  

«  Vraiment  c’était…  Une  fin  de  vie  qui  était  vraiment  difficile  »  

«  Ca   m’est   arrivé   de   pleurer   sur   le   certificat   de   décès  (…)   c’est  

comme   ça   on   est   des   êtres   humains,   on   est   pas   des   machins   à  

soins  »  

«  en   se   disant   au   revoir   ben   voilà,   on   s’est   fait   l’accolade   et   j’ai  

fondue  en  larme  »  

 

Le  décès  d’un  

patient  jeune  n’est  

pas  dans  la  

logique  de  la  

nature  

 

«  quand  il  y  a  la  mère  qui  est  là,  qui  sait  que  sa  fille  va  décéder,  ce  

n’est  pas  dans  la  logique  des  choses  »  

«  c’est  injuste  quand  c’est  un  patient  jeune  »  

«     c’est   pas   dans   l’ordre   des   choses…  (…)   c’est   comme   ça,   on   sait  

que  c’est  comme  ça  mais  on  ne  trouve  pas  ça  normal»  

«  il  avait  20  ans  …  donc  c’est  douloureux,  c’est  dur  »  

 

Le  médecin  se  

sent  seul  face  à  

ses  émotions  

«  on  est  pas  bien…  on  est  pas  bien.  On  est  seul  par  moments  »  

«  On   est   souvent   très   seul   par   rapport   à   l’émotion   que   l’on   peut  

ressentir  …  ou  alors  je  suis  trop  émotive…  »  

«  Ouais  mais  l’émotion  peut  être  forte…  ouais  c’est  dur  »  

 

Vécu  et  ressenti  

face  à  la  fin  de  

vie  et  à  la  mort  

La  fin  de  vie  est  la  

perte  de  

conscience  

 

 

A  propos  du  moment  où  le  médecin  parle  de  fin  de  vie  :  «  quand  elle  

est  tombée  dans  le  coma  (…)  elle  ne  pouvait  plus  s’exprimer  »  

 

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80  

L’expérience  ne  

blinde  pas  le  

médecin,  au  

contraire  

«  j’ai   en  parlé   avec  une   collègue  qui   a   le  même   ressenti   que  moi,  

plus  le  temps  passe,  plus  c’est  difficile  à  la  limite.  Pour  moi…  »  

«  j’ai   l’impression  avec   le   temps,   à   la   limite   c’est  plus  douloureux  

maintenant  que  quand  j’avais  30  ans  »  

«  et  puis  on  porte  pas  mal  de  choses  à  bout  de  bars  et  puis  ce  sont  

des  choses  répétitives,  une  première  fois,  une  deuxième  fois…  »  

«  c’est   une   histoire   qu’on   porte,   c’est   deux   histoires,   c’est   cinq  

histoires…  c’est  dix  histoires…  (…)  on  ne  vit  pas  avec   le  décès  de  

nos  patients  mais  c’est  quelque  chose  de  répétitif  et  puis  ça  bouffe  

de  l’énergie  ça…  ça  prend,  ça  affecte…  »  

«  et  pusi  je  sais  que  je  vais  en  avoir  un  paquet  parce  que  comme  je  

vieillit  ma  clientèle  vieillit  !  »  

 

Le  médecin  

s’identifie  à  ses  

patients  

 

«  moi  aussi  j’avance  en  âge,  il  y  a  plein  de  choses  qui  se  mettent  en  

route  et  je  trouve  ça  douloureux  »  

 

La  confrontation  à  

la  souffrance  

constitue  un  poids  

à  porter  pour  le  

médecin    

 

«  et  puis  on  porte  pas  mal  de  choses  à  bout  de  bars  et  puis  ce  sont  

des  choses  répétitives,  une  première  fois,  une  deuxième  fois…  »  

La  vie  est  toujours  

présente,  même  

avant  la  mort  

 

«  je  suis  obligée  de  la  booster  pour  qu’il  fasse  des  trucs  et  qu’il  ne  

soit  pas  tout  le  temps  dans  la  maladie,  il  y  a  la  vie  qui  est  là  »  

«  essayer  de  le  remettre  dans  la  vie  »  

 

Le  domicile  est  le  

lieu  le  plus  

propice  pour  la  fin  

de  vie  

«  De   toute   façon   on   est   mieux   chez   soir   qu’à   l’hosto,   ça   c’est  

évident  »  

«  je  pense  que  l’hôpital  par  moment  c’est  difficile  aussi…  on  a  pas  

forcément  le  même  confort,  les  mêmes  attentions,  les  siens  autour  

de  soi,  la  même  douceur  »  

 

 

La  fin  de  vie  est    

l’occasion  de  

rapprochements  

familiaux  

«  je   leur   ai   dit   qu’il   fallait   en   profiter,   que   ça   n’allait   pas   durer  

longtemps…  Donc  ils  sont  restés  plus  longtemps.  »  

«  il  y  a  toute  la  famille  qui  a  défilé,  ils  se  retrouvaient  ensemble  en  

famille  le  week-­‐end  »  

 

 

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81  

La  famille  a  un  

rôle  

d’accompagnant  

mais  pas  de  

soignant  

 

«  comme  j’ai  dit  à  la  famille  :  «  il  y  a  des  choses  qui  ne  sont  pas  de  

votre  ressort,  ce  n’est  pas  à  vous  de   faire   les  soins  (…)   il   faut  que  

vous…  c’est  la  présence,  c’est  manger  avec  elle…  »  (…)  »  

La  mort  à  l’hôpital  

peut  être    une  

nécessité    

 

«   On   ne   peut   pas   tout   gérer   à   domicile…   je   pense   que   vraiment  

quand  c’est  trop  lourd  pour  les  familles,  on  ne  peut  pas  mettre  tout  

le  monde  dans  la  détresse  »  

«  parce  que  ça  peut  être  douloureux  et  on  ne  peut  pas   imposer  à  

une  famille  de…  »  

«   On   ne   peut   pas   tout   gérer   à   domicile…   je   pense   que   vraiment  

quand  c’est  trop  lourd  pour  les  familles,  on  ne  peut  pas  mettre  tout  

le  monde  dans  la  détresse  »  

A  propos  de  l’accompagnement  des  familles  au  domicile  :  «  je  trouve  

que  c’est  bien  de  pouvoir  le  faire,  mais  tout  le  monde  n’en  est  pas  

capable…  et  ça  il  faut  le  savoir  »  

 

L’accompagne-­‐

ment  en  fin  de  vie  

peut  être  un  bon  

souvenir  pour  le  

médecin  

 

«  oui  oui  là  j’en  ai  gardé  un  bon  souvenir  »  

«  je   sais   que   c’était   un   choix   t   ça   c’est   fait   dans   la   sérénité   et   la  

douceur…  c’est  vraiment  s’endormir  à  la  maison  »  

La  famille  est  

essentielle  pour  

un  accompagne-­‐

ment  à  domicile  

 

A  la  question  sur  la  possibilité  de  mourir  seul  à  domicile  :  «  ça  finit  à  

l’hôpital  à  chaque  fois  »  

 

La  présence  du  

médecin  

rassurante  pour  le  

patient  

«  Elle   attendait  que   je   vienne,   car   il   y   avait   le   sourire,   je   voyais   à  

chaque  fois.  Elle  me  serrait  la  main  (…).  »  

«  (…)   ça   lui   faisait   plaisir,   quand  elle  me  voyait   arriver   j’avais  un  

grand   sourire,   même   si   elle   ne   pouvait   plus   parler…   dans   ses  

yeux…  c’est  quelque  chose  qu’on  voit.  »  

«    (…)  donc  lui  prendre  la  main,  la  rassurer  »  

 

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82  

Les  patients  

savent    leur  

pronostic  

«  les  gens  savent  de  toute  façon  »  A  propos  des  

représentations  

du  patient  

Les  patients  ont  

peur  de  souffrir  

mais  ne  veulent  

pas  mourir  

«  il   y   a   cette   demande   de   la   part   des   gens,   les   gens   ont   peur…  

«  docteur,  si  ça  ne  va  pas  vous  m’aiderez  ?  »  et  sachant  que  quand  

ça   ne   va   pas,   on   sait   très   bien   que   sur   les   fins   de   vie   les   patient  

n’ont  pas  envie  de  partir…  il  y  a  une  ambivalence  »  

Les  conflits  ou  les  

ruptures  avec  les  

familles  signe  de  

transfert  

«  «  par  contre  avec  des  familles  une  fois  que  le  patient  est  décédé  

je   ne   les   vois   plus   parce   que   je   leur   rappelle   de   mauvais  

souvenirs…  »  

«  pour  eux  quand   il   vont   te   revoir   ça  va   rappeler   le   souvenir…   le  

cancer  (…)  »  

La  famille  a  besoin  

d’être  rassurée  

par  le  médecin  

 

«  La   famille  m’a   appelée,  me   disant  :  «  qu’est   ce   que   vous   pensez  

des  résultats  ?  »  (…)  »  

 

A  propos  des  

représentations  

de  la  famille  

Les  conflits  ou  la  

rupture  est  un  

manque  de  

reconnaissance  

 

«  et  bien  l’ego  du  médecin  il  est  plof  »  

«  ça   fait   mal   sur   le   moment   comme   quand   on   se   frite   avec  

quelqu’un  »  

«  et  puis  ça  remet  en  question  ce  que  l’on  a  fait  »  

Le  médecin  a  

besoin  de  

verbaliser  sa  

douleur  et  ses  

difficultés    

«  et  puis  quand  ça  ne  va  pas  j’en  parle  à  mon  associé  »  

«  si   je   sens   que   j’ai   besoin   d’en   parler,   et   bien   je   l’appelle.   En  

disant  :  «  et  bien  voilà  j’ai  vu…  c’est  difficile…  »  Simplement  dire  ça,  

sentir   qu’il   y   a   quelqu’un     qui   est   en   face,   je   crois   qu’on   se   sent  

moins  seul  »  

«  Sentir   qu’il   y   a   quelqu’un   en   face,   je   crois   qu’on   se   sent  moins  

seul  »  

 

A  propos  de  son  

propre  travail  

de  prise  en  

charge  

Le  médecin  

s’implique  

fortement  dans  

ses  prises  en  

charge  

 

 

 

«  quand  je  suis  au  cabinet  je  suis  à  fond  »  

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83  

Le  médecin  évite  

parfois  de  se  

confronter  à  ses  

émotions  

 

«  Et   là   je  n’ai  pas  eu  le  courage  d’aller   la  voir…  (…)  On  se  protège  

hein…  je  crois  que  c’est  de  la  protection  »  

 

Le  médecin  est  

conscient  de  ses  

propres  limites  

«  Et  je  crois  qu’il  faut  savoir  le  dire  (…)  quand  c’est  trop  difficile  »  

«  le  kiné  aura  une  appréciation  différente  de  la  mienne  parce  que  

moi  je  ne  suis  que  médecin  »  

«  et   puis   il   y   a   des   choses   que   l’on   ne   sait   pas   faire.   Tout  

simplement.  Y’a  des  choses  que   je  ne  sais  pas   faire,   je  ne  suis  pas  

bonne  donc  »  

«  le   médecin   (…)   peut   se   retrouver   dans   l’incapacité   de   gérer  

certaines  choses…  il  y  a  des  moments  ou  on  arrive  pas…  ou  on  ne  

peut  plus  donner,  on  arrive  plus  à  avancer  »  

«  c’est  bien  de  faire  le  relais  dans  ce  cas  là,  je  trouve  que  c’est  bien  

de  souffler  »  

«  et  puis  y’a  des  trucs  ou  on  est  pas  bon,  des  jours  ou  on  se  plante  »  

«  parce  qu’on  a  étudié  dans   le  soin  et  pas  dans   le  palliatif…  ça  on  

l’apprend  quand  on  est  tout  seul  »  

 

Le  médecin  

apporte  plus  un  

accompagnement  

que  des  soins  

 

«  souvent  nous  quand  on  y  va  c’est  plus  pour  un  accompagnement  

que  du  soin,  il  faut  être  honnête  »  

 

Les  expériences  

personnelles  du  

médecin  affectent  

sa  prise  en  charge  

«  moi   je   l’ai   vécu   dans   ma   famille   ou   il   y   a   eu   des   choses  

douloureuses...   (…)   Il   faut   du   temps…   pour   digérer  (…)   je  

comprends   tout   à   fait   que   le   médecin   puisse   être   associé   à   une  

douleur  »  

«  on   vit   des   expériences   de   vie   personnelles   et   je  me   suis   rendu  

compte  que  c’était…  que  c’est  difficile,  douloureux  (…)  »  

«  une  fin  de  vie  que  je  n’ai  pas  géré  (…).  Je  n’étais  pas  bien,  j’étais  

en   plein   divorce,   mon   associé   était   absent,   il   était   malade   (…)  

c’était   un   énorme   bazar   (…)   et   puis   j’avais   une   fin   de   vie   sur…  

c’était  un  sarcome  (…)  chez  une  gamine  adoptée…  et  là  je  n’ai  pas  

pu,  j’y  arrivais  plus  »  

«  c’est  pas  dans  l’ordre  des  choses…  moi  j’ai  perdu  mon  petit  frère,  

ce  n’est  pas  dans  l’ordre  des  choses  »  

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84  

Le  médecin  est  

opposé  à  

l’euthanasie  

 

«  l’euthanasie  active  moi  je  ne  la  fais  pas…  »  

L’euthanasie  et  

difficile  à  définir    

«  -­‐vous  avez  vécu  ça  comme  de  l’euthanasie  ?  –  non  …  mais  comme  

une  accélération  de  la  fin  de  vie  oui…  alors  peut  être…  oui  …  non…  

en  fait  on  peut  pas  savoir  »  

«  ce  n’est  pas  de  l’euthanasie,  on  ne  pousse  pas  la  seringue  »  

 

 

Le  médecin  lutte  

contre  la  

souffrance  de  ses  

patients  à  tout  

prix  

«  je   leur   dit  :   «  écoutez,   l’euthanasie   active  moi   je   ne   la   fais   pas…  

par  contre  si  vous  avez  des  douleurs,  je  pourrais  vous  aider  »  

«  je   fais   vraiment   attention   au   niveau   de   la   douleur,   ça   c’est  

important  »  

«  laisser  quelqu’un  souffrir,  pour  moi  ce  n’est  pas  quelque  chose  de  

normal  »  

Le  médecin  ne  

s’impose  pas  face  

au  patient  ou  à  la  

famille  

«  Elle  me  l’a  dit  :  «  moi  je  ne  veux  plus  »,  alors  je   lui  dis  :  «  alors  il  

faut  lui  dire  que  c’est  votre  choix  (à  l’oncologue)  (…)  »  

«  (…)  de  toutes   façon  au  niveau  des  soins  c’est  votre  choix  (…)  ce  

n’est  pas  au  médecin.  »  

«  je  fais  attention  aux  mots  que  j’emploie  par  rapport  à  ce  que  les  

gens  veulent  entendre  »  

«  de   toute   façon   elle   ne   voulait   pas   retourner   à   l’hôpital   (…)   elle  

voulait  rentrer  chez  elle  »  

«  Oui  c’est  difficile  oui…  ceux  qui  ne  veulent  pas  savoir…  ça  m’est  

arrivé   (…)   des   petites   mémés   en   fin   de   vie   (…),   bon   là,   s’ils   ne  

veulent  pas  savoir  s’il  y  a  des  métastases  d’un  cancer…  (…)  ça  ne  

changera  pas  grand  chose  »  

«  C’est   une   femme   qui   était   intelligente,   qui   connaissait   bien   sa  

pathologie…  Je  la  laissais  venir,  mais  par  contre  je  n’ai  pas  caché  la  

réalité.  »  

«  C’était  avec  toute  la  famille…  on  laisse  venir…  »  

«  on  en  reparle,  on  reparle  même  de  l’enfant  qui  est  décédée…  (…)  

je  les  laisse  venir  »  

«  parce  que  ça  peut  être  douloureux  et  on  ne  peut  pas   imposer  à  

une  famille  de…  »  

 

A  propos  de  ses  

relations  avec  

ses  patients  et  

leurs  famille  

Le  médecin  est  

attaché  à  ses  

patients  

«  et  puis  avec  les  années  on  s’attache  encore  plus  aux  gens  »  

«  parce  que  l’on  s’attache  aux  patients…  »  

«  je  pense  que  l’on  s’attache  vite  »  

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85  

«  C’est  une  femme  adorable  »  

«  c’était  douloureux  parce  que  je  l’aimais  beaucoup  »  

 

Le  médecin  ne  

cache  pas  ses  

émotions  

A  propos  de  l’émotion  ressentie  par  le  médecin  au  moment  du  décès  :  

«  ça   m’arrive   de   les   montrer.   Ca   m’est   arrivé   de   pleurer   sur   le  

certificat  de  décès  »  

«  c’est  comme  ça  on  est  des  êtres  humains,  on  est  pas  des  machins  

à  soins  »  

«  en   se   disant   au   revoir   ben   voilà,   on   s’est   fait   l’accolade   et   j’ai  

fondue  en  larme  »  

 

 

Le  médecin  reste  

distant  

«  (…)   avec   le   patient…   Et   bien   j’essaie   d’être   neutre   si   possible,  

dans   la   compassion,   de…   dans   l’écoute   surtout…   et   de   lui   dire…  

que  je  comprends  que  c’est  difficile  »  

 

Les  équipes  

pluridisciplinaires  

sont  un  moyen  de  

soutenir  les  

médecins  traitants  

 

«  on   se   retrouve  avec   l’infirmière,   les  kinés…  pour   tout   le  monde  

c’est  plus  facile  »  

«  parce  que  c’est  vrai  que  quand  on  le  fait  en  équipe  »  

Les  soins  

palliatifs  :  soins  

quand  le  

pronostic  est  fatal  

 

A   propos   du   moment   où   le   médecin   évoque   les   soins   palliatifs  :  

«  quand  on  sait  qu’il  n’y  a  pas  d’issue.  »  

«  il  peut  y  avoir  une  stabilité  des   lésions  mais  c’est  du  palliatif  en  

attendant.  (…)  on  sait  (…)  qu’il  va  y  avoir  une  flambée  (…)  »  

A  propos  des  

soins  palliatifs  

en  général  

Les  soins  palliatifs  

accompagnent  la  

famille  comme  le  

patient  

 

«  à   la   limite   c’est   plus   lui   qui  me   pose   problème   que   son   épouse  

(malade)  »  

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86  

A  propos  de  la  

gestion  de  sa  

vie  privée  

Nécessité  de  

compartimenter  

dans  le  temps  et  

dans  l’espace  la  

vie  privée  et  la  vie  

professionnelle  

«  après   20h   c’est   fini,   c’est  ma   soupape   de   sécurité…   je   pourrais  

pas…  je  me  connais  suffisamment  quand  c’est  fini  c’est  fini,  je  peux  

pas.  C’est  pour  ça  que  je  n’habite  pas  où  je  travaille,  surtout  »  

«  de  toute  façon  je  ne  suis  pas  joignable  »  

«  entre   le   moment   ou   je   sors   du   cabinet   médical,   avoir   un   petit  

quart  d’heure  tranquille,  ranger  mes  émotions,  et  après  reprendre  

mon  rôle  de  maman  »  

«  si   je   ne   range   pas   mes   émotions   correctement   quand   j’arrive  

chez  moi  je  ne  suis  pas  disponible  pour  mes  enfants  »  

 

 

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87  

3.2.2.4. Entretien  n°4  

 

ENTRETIEN  4  –  MEDECIN  4  

 

RUBRIQUES  

 

THEMES   EXTRAITS  VERBATIM  

Le  domicile  est  le  

lieu  le  plus  

propice  pour  la  

fin  de  vie  

«  moi  j’essaie  des  les  garder  au  maximum  à  la  maison  »  

«  on  les  conserve  en  fin  de  vie  dans  de  meilleurs  conditions  et  je  dirais  

même  plus  longtemps  qu’à  l’hôpital  »  

«  Parce  que  moi  je  ne  voudrais  pas  mourir  à  l’hôpital.  C’est  inhumain  

(…)  je  préfèrerai  être  à  domicile  »  

«  je  pense  que   l’on  peut  mieux  vivre  et  dans  de  meilleurs  conditions  

qu’à  l’hôpital  »  

«  pour  moi  l’hôpital  n’est  pas  mieux  pour  lui  en  fin  de  vie  »  

«  à  la  maison  on  arrive  à  tenir  cette  dignité  »  

 

Les  patients  

jeunes  meurent  

moins  à  la    

maison  

A   propos   des   patients   jeunes  :  «  en   générale,   c’est   beaucoup   plus   dur  

des  les  garder  à  la  maison  »  

«  les   personnes   âgées   au   contraire   on   arrive   beaucoup   plus   à   les  

garder  à  la  maison  »  

 

La  fin  de  vie  est  

dégradante  

A  propos  de  l’image  de  la  personne  en  fin  de  vie  vis  à  vis  de  ses  enfants  :  

«  il  faut  leur  donner  quand  même  une  image  un  peu  plus  supportable  

que…  qu’une  image  de  quelqu’un  en  fin  de  vie  (…)  »  

 

Le  souvenir  de  la  

personne  

décédée  doit  être  

préservé  

 

«  Donc  il  faut  essayer  de  préserver  le  souvenir  de  la  personne  vis  à  vis  

de  l’entourage  et  surtout  vis  à  vis  des  enfants  »  

Face  à  la  fin  de  

vie  et  à  la  mort  

L’espérance  de  

vie  est  

supérieure  à  

domicile  qu’à  

l’hôpital  

 

«  on  les  conserve  en  fin  de  vie  dans  de  meilleurs  conditions  et  je  dirais  

même  plus  longtemps  qu’à  l’hôpital  »  

«  Bon  par  contre  c’est  vrai  qu’on  va  gagner  du  temps  sur  la  mort.  C’est  

à   dire   que   quelqu’un   qui   est   à   l’hôpital   en   fin   de   vie,   là   ou   son  

espérance  de  vie  à  la  maison  sera  peut  être  de  10  jours,  à  l’hôpital  elle  

sera  de  5  jours  »  

 

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88  

L’expérience  

blase  le  médecin  

«  on  est  relativement  blasé  »  

«  au  bout  d’un  certain  temps  on  a  une  forme  d’émotion  qui  est  tout  à  

fait  différente  par  rapport  à  quelqu’un  qui  commence  »  

«  on  est  pas  blasé  de  le  douleur,  (…)  mais  on  la  gère  différemment,  on  

est  capable  de  faire  abstraction  »  

 

La  mort  d’un  

patient  jeune  

affecte  plus  le  

médecin  

«  on   est   moins   blasé   devant   ces   cas   là   quand   c’est   des   personnes  

jeunes  ou  des  enfants  »  

«  le   point   de   vue   émotionnel   est   bien   plus   important   qu’avec   une  

personne  âgée  »  

 

Le  décès  d’un  

patient  jeune  

n’est  pas  dans  la  

logique  des  

choses  

 

«  Alors  qu’un  personne   jeune  on  va  pas   (…)   comprendre  pourquoi   à  

48  ans  on  va  mourir  alors  que  l’on  (…)  ne  l’a  pas  mérité  »  

Être  médecin  

implique  une  

relation  intime  

«  C’est   l’émotionnel,   c’est   une   relation,   que   moi   mes   maîtres   m’ont  

appris,   la   relation   avec   son   patient   qui   devient   quelqu’un   de   la  

famille  »  

 

La  mort  à  

l’hôpital  est  un  

échec  

 

«  c’est  un  échec  vis  à  vis  de  la  famille  »  

«  à  l’hôpital  vous  n’êtes  qu’un  numéro  »  

La  mort  à  

l’hôpital  peut  

être  une  

nécessité  

 

«  Si  vous  voyez  que  cette  demande  est  impossible,  si  cette  possibilité  

n’existe  pas  entre  la  famille  et  le  médecin,  ce  n’est  pas  la  peine  »  

Le  médecin  se  

sent  seul  face  à  

ses  émotions  

A  propose  de  son   implication  émotionnel  :  «  non  moi   j’en  discute  avec  

personne…  malheureusement…   (…)   éventuellement   avec  ma   femme  

puisqu’elle  est  cadre  de  santé  »  

 

Il  faut  préserver  

la  dignité  devant  

la  mort  

«  devant  la  mort  il  faut  être  digne  »  

«  vous  pouvez  l’aider  à  rester  digne  devant  le  mort,  et  ça  (…)  très  très  

important.  »  

«  si  c’est  gagner  du  temps  en  perdant  sa  dignité,  non  »  

 

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89  

  Face  à  la  mort  il  

faut  gagner  du  

temps  

 

«  Et  du  temps  c’est  quand  même…  devant  la  mort…  c’est  quand  même  

quelque  chose  »  

Les  patients  ont    

peur  de  souffrir  

«  ils  disent  :  «  est  ce  que  je  vais  encore  souffrir  ?  »  (…)  »  

Une  demande  

d’hospitalisation  

pour  ne  pas  

montrer  sa  

souffrance  

 

«  une   aide   hospitalière   (…)   pour   décharger   son   conjoint   ou   son  

entourage  »  

«  un  répit  »  

«  pour  ne  pas  faire  voir  sa  souffrance  »  

 

A  propos  des  

représentations  

du  patient  

La  demande  

d’hospitalisation  

cache  une  

demande  

d’attention  

 

«  il   vous   dit  :  «  j’ai   envie   de   partir   à   l’hôpital  »  mais   dans   son   intime  

conviction  il  demande  plutôt  à  rester  (…)  pour  faire  comprendre  que  

(…)  on  pourrait  faire  quelque  chose  »  

 

La  famille  est  

plus  disponible  

pour  

accompagner  

une  personne  

âgée  qu’un  

personne  jeune  

 

«  la  famille,  sur  une  personne  âgée  est  beaucoup  plus  présente  »  

«  pour   la   personne   jeune   (…)   ils   ne   seront   pas   disponibles   et   la  

conjointe  ou  le  conjoint  vont  avoir  une  activité  professionnelle  »  

 

Les  familles  des  

patients  jeunes  

sont  plus  fragiles  

 

«  elle   va   beaucoup   plus   facilement   craquer   nerveusement   (…)   Et   ils  

vont,  eux,  être  demandeurs  d’hospitalisation  »  

A  propos  des    

représentations  

de  la  famille  

Les  ruptures  et  

les  conflits  avec  

les  familles  sont  

un  manque  de  

reconnaissance  

 

 

 

 

«  parce  que  vous  vous  dîtes  après  tous  les  efforts  que  vous  avez  fait…  

c’est  dommage  »  

«  il  y  a  moins  de  reconnaissance  vis  à  vis  du  médecin  »  

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90  

Les  conflits  ou  

les  ruptures  sont  

mal  vécus  

comme  une  

trahison  par  le  

médecin  

 

A  propos  du  sentiment  provoqué  par  une  rupture  avec  une  famille  :  «  il  

n’y   a   plus   cette   part   de   confiance   où   le   médecin   fait   partie   de   la  

famille.  »  

«  Moi  je  pense  que  ce  lien  familial  entre  le  médecin  et  l’entourage  du  

patient  (…)  a  totalement  disparu  »  

Le  médecin  est  

un  prestataire  de  

service  

 

«  on  attend  un  service  (…)  on  attend  plus  un  accompagnement  »  

 

Les  conflits  ou  

les  ruptures  sont  

un  moyen  pour  

les  familles  de  ne  

pas  affronter  

leur  peine  

 

«  où   alors   s’ils   partent   c’est   peut   être   pour   ne   pas   affronter   ce  

désespoir.  Ca  c’est  possible  »  

Le  médecin  doit  

être  disponible,  

c’est  sa  vocation  

«  C’est  prendre  son  téléphone  24/24  »  

«  J’ai   même   donné   mon   numéro   de   portable   et   ils   pouvaient   me  

joindre  24H/24  »  

«  sans  ça  il  faut  faire  un  autre  métier  »  

«  ils  peuvent  compter  sur  vous  à  n’importe  quel  moment  »  

 

Le  médecin  a  

pour  objectif  

d’améliorer  les  

conditions  de  fin  

de  vie  

 

«  il  faut  l’aider  à  terminer  dans  de  bonnes  conditions  »  

Le  médecin  

hospitalise  

parfois  pour  se  

décharger  de  ses  

émotions  

 

«  on  va  avoir  plus   facilement  envie  de   l’envoyer…  pour  se  décharger  

de  cette  émotion  »  

«  l’hospitalisation  va  être  un  moyen  (…)  de  se  décharger  (…)  de  cette  

émotion  »  

A  propos  de  son  

propre  travail  

de  prise  en  

charge  

Tout  médecin  a  

déjà  aidé  des  

patients  à  mourir  

«  s’il   y   a   besoin   d’aider   malgré   ce   que   l’on   dit…   je   pense   que   tout  

médecin  l’a  fait…  consciemment  ou  inconsciemment  »  

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91  

Le  médecin  est  

opposé  à  

l’euthanasie  

«  ce   n’est   pas   de   l’euthanasie  !   L’euthanasie   c’est   une  

criminalité  !  Aider  à  mourir  dans  de  bonnes  conditions  c’est  tout  à  fait  

différent  »  

 

 

Le  médecin  

n’abandonne  pas  

«  c’est  là  que  vous  pouvez  lui  dire  :  «  écoutez,  même  jusqu’à  la  fin,  on  

fera  le  maximum  »  (…)  »  

 

Le  médecin  doit  

interpréter  ce  

que  dit  le  patient  

«  Ce   n’est   pas   parce   que   le   patient   vous   dit   quelque   chose  

qu’intérieurement  il  pense  la  même  chose  »  

«  il  faut  écouter  et  chercher  le  double  sens  de  temps  en  temps  »  

«  il   vous   dit  :  «  j’ai   envie   de   partir   à   l’hôpital  »  mais   dans   son   intime  

conviction  il  demande  plutôt  à  rester  (…)  pour  faire  comprendre  que  

(…)  on  pourrait  faire  quelque  chose  »  

 

Le  médecin  ne  

doit  pas  montrer  

ses  émotions  au  

patient  

«  il  faut  faire  abstraction  »  

«  il   faut   être   fort…   et   être   capable   (…)   de   faire   la   part   de   l’émotion.  

C’est  à  dire  oublier  notre  émotionnel,  ce  qui  n’est  pas  forcément  facile,  

mais  on  y  arrive…  »  

«  C’est   grave   parce   que   à   ce   moment   là   vous   allez   lui   montrer   une  

souffrance…   et   cette   souffrance   elle   va   s’accumuler   avec   sa   propre  

souffrance  »  

 

Le  médecin  peut  

partager  ses  

émotions  avec  la  

famille    

 

«  l’entourage  ça  peut  l’aider  de  voir  que  quelqu’un  d’extérieur  à  cette  

famille  peut  ressentir  aussi  une  souffrance  ou  une  émotion  »  

Le  médecin  est  

un  membre  de  la  

famille  

 

«  Quand  vous  soignez  quelqu’un  depuis  plus  de  20  ans  moi  je  pars  sur  

le  principe  que  le  médecin  il  fait  partie  de  la  famille  »  

«  la  relation  avec  son  patient  qui  devient  quelqu’un  de  la  famille  »  

A  propos  de  ses  

relations  avec  les  

patients  et  leurs  

familles  

 

Le  médecin  aide  

le  patient  à  se  

placer  dans  un  

projet  de  vie  

«  c’est  à  dire  que  par  l’interrogation  il  va  mettre  en  doute  cette  issue  

fatale…  à  brève  échéance…  (…)  au  lieu  de  se  dire  c’est  pour  demain  ou  

après   demain   il   va   se   dire   «  ben   oui   je   peux   gagner   encore   quelque  

temps  ».  (…)  »  

 

 

 

 

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92  

Les  soins  

palliatifs  axés  

sur    les  

symptômes  et  

non  sur  la  mort  à  

venir  

 

«  Palliatif  cela  ne  veut  pas  dire  un  soin  vers  une  issue  fatale  »  

«  ça   veut  dire  pallier…   (…)   à   une  douleur…  on  peut   lutter   contre  un  

type  de  douleur  »  

Pour  faire  des  

soins  palliatifs  il  

faut  être  

disponible  

24H/24  

 

«  C’est  prendre  son  téléphone  24/24  »  

«  J’ai   même   donné   mon   numéro   de   portable   et   ils   pouvaient   me  

joindre  24H/24  »  

A  propos  des  

soins  palliatifs  

en  général  

Les  soins  

palliatifs  traitent  

les  symptômes  

sans  chercher  les  

causes  

 

«  palliatif  c’est  encore  une  fois,  essayer  de  traiter  les  symptômes  sans  

obligatoirement  aller  chercher  les  causes  »  

«  parce  qu’il  y  a  des  causes  qui  sont  intraitables  »  

 

 

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93  

3.2.2.5. Entretien  n°6  

 

ENTRETIEN  6  –  MEDECIN  6  

 

RUBRIQUES  

 

THEMES   EXTRAITS  VERBATIM  

Le  médecin  n’est  

pas  affecté  par  la  

souffrance  ou  le  

décès  de  ses  

patients  

«  moi  je  n’ai  pas  d’états  d’âmes  »  

«  Le  médecin  doit  déboubler  sa  personnalité  en  permanence.  On  doit  

toujours  resté  en  dehors  (…)  »  

«  vous  n’avez  aucun  sentiment  »  

«  non  non  moi  je  ne  fais  pas  le  deuil  de  mes  patients  »  

«  attendez   le  coup  de  «  j’aime  mon  patient  »  c’est  des  conneries  !  (…)  

J’aime  ma  femme  oui  mais  je  n’aime  pas  mes  patients  !  »  

«  Elles  sont  mortes,  et  bien  elles  sont  mortes  !  »  

«  Le  patient  je  n’ai  pas  d’intimité  avec  lui.  Donc  ce  problème  là  n’existe  

pas  »  

 

Le  domicile  est  le  

lieu  le  plus  propice  

pour  la  fin  de  vie  

 A  propos  du  domicile  :  «  Et  puis  il  y  a  un  meilleur  vécu  pour  le  patient,  

je  crois  que  c’est  mieux  de  mourir  dans  son  lit  (…),  que  d’aller  mourir  

à  l’hôpital  »  

 

La  mort  à  l’hôpital  

peut  être  une  

nécessité    

«  Il  faut  quand  même  qu’il  y  ait  un  milieu  familial  autour.  Le  gars  qui  

est  tout  seul  il  part  à  l’hôpital  »  

«  Quand  on  ne  peut  pas,  on  en  peut  pas.  C’est  pas  possible  (…).  Et  puis  

il  y  a  des  gens  qui  ne  peuvent  pas,  il  faut  être  capable  de  supporter  »  

«  Ce   n’est   pas   gênant,   ils   vont   à   l’hôpital.   Pour   certains   c’est   une  

solution  pour  d’autres  ça  ne  l’est  pas…  »  

«  Il  faut  faire  ce  qui  est  faisable  »  

«  Il  y  a  des  fins  de  vie  qui  ne  peuvent  être  faites  qu’à  l’hôpital.  J’en  suis  

absolument  convaincu.  »  

 

Face  à  la  fin  de  

vie  et  à  la  mort  

L’accompagnement  

en  fin  de  vie  peut  

être  un  bon  

souvenir  pour  le  

médecin  

«  oui  oui,  sur  le  plan  professionnel  c’est  agréable  »  

«  Mais  ça  se  passe  bien  les  fins  de  vie  à  domicile  »  

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94  

A  propos  des  

représentations  

du  patient  

Les  patients  savent  

leur  pronostic  

«  Elle  avait  complètement  acquis  la  notion  de  mort.  Elle  avait  intégré,  

elle  le  savait,  elle  le  voyait.  Ils  sont  pas  fous  les  gens  »  

A  propos  des  

représentations  

de  la  famille  

Le  milieu  familial  

est  fragile  et  

fatigable  

«  Il  y  a  donc   la   fatigue  du  milieu   familial.   Il   faut  pouvoir  encaisser   la  

fin  de  vie.  »  

«  Il  y  a  tout  le  problème  de  la  fatigabilité  de  l’entourage  »  

 

La  

pluridisciplinarité  

est  un  soutien  pour  

le  médecin  

A   propos   de   l’équipe   de   soins   palliatifs   ambulatoire  :   «  Donc   c’est  

pratique.   On   est   en   zone   rurale   profonde   ici   donc   il   n’y   a   plus  

personnes.  Les  spécialistes  ils  sont  au  CHU  »  

«  et  surtout  la  supériorité  c’est  qu’il  y  a  une  psychologue  »  

«     (…)   la   psy   qui   est   formée   pour   ça.   Ca   c’est   pas  mal.   Cette   équipe  

ambulatoire  c’est  sympa  »  

«  L’équipe  de  fin  de  vie  ambulatoire,  ça  c’est  un  truc  qu’il  faut  mettre  e  

place  »  

«  C’est  bien  qu’il  y  ait  un  relais  avec  l’hôpital,  que  l’on  puisse  travailler  

en  groupe  »  

«  Il  y  a  tout  de  le  dynamisme  de  l’hôpital  derrière  »  

«  moi   ce   que   j’aime   bien   c’est   l’infirmière   psy.   C’est   vraiment   très  

important,  ça  aide  beaucoup.  C’est  un  bon  truc.  »  

L’accompagnement  

de  la  fin  de  vie  est  

une  mission  du  

médecin  traitant  

 

«  ça  ne  pose  pas  de  problème…  Il  faut  le  faire,  c’est  le  job  »  

«  mais  il  faut  faire  ça  pour  les  patients  »  

«  c’est   le   service   rendu   à   la   population,   c’est   le   remerciement   du  

dévouement…  pendant  30  ans  ils  vous  ont  fait  vire  »  

«  on   ne   demande   pas   à   être   honoré   pour   ça.   On   est   honoré   sur   le  

nombre  de  fois  qu’ils  sont  venus  à  notre  cabinet  »  

«  ça  fait  partie  du  business  »  

 

Les  seules  

difficultés  

ressenties  sont  

d’ordre  médical  

 

«  bon  à  un  moment  donné,  j’ai  eu  un  problème  technique,  j’ai  appelle  

le  médecin  de  l’équipe  ambulatoire…    mais  c’est  tout  »  

A  propos  de  son  

propre  travail  

de  prise  en  

charge  

Le  médecin  doit  

s’adapter  au  patient  

et  à  sa  famille,  être  

pragmatique  

 

A  propos  des  prises  en  charge  dans  le  non  dit  :  «  alors  là  on  intervient,  

on  dit  rien…  (…)  sans  préciser  du  tout  l’issue  fatale  »  

«  Chaque  cas  est  d’espèce  »  

«  Il  faut  faire  ce  qui  est  faisable  »  

«  mais   le   médecin   généraliste,   il   connaît   bien   son   milieu,   il   est   très  

pragmatique,  il  sait  orienté  »  

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95  

Les  décisions  du  

médecin  sont  

basées  sur  son  

ressenti  

 

«  mais   le   médecin   généraliste,   il   connaît   bien   son   milieu,   il   est   très  

pragmatique,   il   sait   orienté.   Ça   se   fait   automatiquement,   sans  

réfléchir.  »  

«  On  repère   les  critères  sociaux  sans  vraiment  s’occuper  des  critères  

sociaux.  On   vit   dedans,   on   les   connaît,   on   les   intègre.  On  ne   fait   pas  

d’effort   pour   ça,   c’est   intégré   instantanément.   Parce   qu’on   les  

connaît  »  

 

La  relative  rareté  

des  fins  de  vie  à  

domicile  lui  permet  

de  mieux  gérer  la  

lourdeur  de  la  prise  

en  charge    

 

«  Mais   ce   n’est   pas   tout   le  monde,   ce   n’est   pas   la  majorité,   c’est   une  

minorité  finalement  qui  a  ça  »  (A  propos  de  la  fin  de  vie  à  domicile).  

Le  médecin  est  

toujours  disponible    

 

«  On  leur  laisse  le  portable.  On  reste  joignable  en  permanence.  Il  faut  

donner  le  portable,  il  faut  donner  les  numéros  »  

«  Il   ne   faut   pas   les   laisser   à   domicile   sans   numéro   et   se   barrer   en  

sucette  le  week  end  !  Non  non  !  »  

 

 

Le  médecin  doit  

rester  humble  

«  Attendez,   les   professionnels,   on   av   y   aller   une   heure   dans   la  

journée  !   Mais   après   on   est   parti  !   Les   23   heures   restantes   c’est   la  

famille  !  »  

 

A  propos  de  ses  

relations  avec  les  

patients  et  leurs  

familles  

 

Le  médecin  ne  

s’impose  pas  au  

patient  ou  à  la  

famille  

«  (…)  permettant  la  prise  en  charge  à  la  fois  de  la  famille  et  à  la  fois  de  

la  patiente,  en  fonctions  des  besoins  et  de  ce  qu’il  veulent  »  

«  dans   la   cas   de   cette   famille,   c’était   le   mari,   qui   était   tout   à   afit  

d’accord  pour  cette  mise  en  place  »  

«  ça  s’est  fait  à  domicile  selon  leurs  vœux  »  

A   propos   de   l’intervention   de   la   psychologue  :   «  Elle   vient   tout  

doucement   par   petites   touches,   elle   fait   ça   avec   beaucoup   de  

délicatesse  en  fonction  du  désir  de  la  famille  »  

«  Tout  est  négocié  et  cela  se  passe  de  façon  sympathique  »  

«  Chacun  choisit  un  petit  peu  ce  que   l’on  peut  offrir  dans   le  panel  de  

soins  »  

«  je   le   fais   souvent   en   accord   avec   la   famille.   Cela   permet   de   laisser  

une  personne  mourir  dans  son  lit  »  

«  C’est  absolu  cela,  il  faut  la  coopération  totale  du  milieu  familial  »  

«  Celui  qui  ne  veut  pas  voir,  eh  bien  on  se  plie  à  lui  (…).  Attendez  si  le  

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96  

patient  n’est  pas  d’accord…  il  faut  l’accord  du  patient  et  de  la  famille  »  

A  propos  du  désir  de  mourir  à  domicile  :  «  je  sais  qu’il   le  veut  alors  on  

essaiera  de  lui  offrir  »  

«  en  fin  de  compte  c’est  la  famille  qui  décide,  pas  le  médecin  »  

A  propos   de   l’évocation   des   soins   palliatifs  :  «  Pour   l’instant   il   ne   faut  

pas,  c’est  trop  tôt,  il  faut  sentir  le  moment  où  on  se  lance  »  

 

Les  discussions  

doivent  être  

franches  et  directes  

 

A  propos  de  l’évocation  des  soins  palliatifs  avec  le  patient  :  «  eh  bien  on  

lui  dit  direct,  souvent  le  patient  est  au  courant  de  sa  maladie  »  

La  connaissance  de  

l’histoire  

personnelle  du  

patient  aide  à  sa  

prise  en  charge  

 

«  (..)  souvent  le  médecin  traitant  annonce  plus  que  l’hôpital.  Parce  que  

les  gens  nous  connaissent  depuis  30  ans,  on  les  connaît  tellement  que  

c’est  plus  facile  de  notre  bouche.  »  

«  L’infirmière   libérale   connaît   depuis   30   ans,   c’est   l’amie,  ça  

rassure…  »  

«  on  connaît  tellement  les  gens…  au  bout  de  30  ans  on  voit  bien  ce  qui  

est  faisable  socialement…  »  

«  on  connaît  les  rapports  sociaux  à  l’intérieur  de  la  famille  »  

«  On   le  connaît   le  contexte.  On  a  pas  besoin  de   l’exprimer.  On   le  sait  

souvent   très   bien.   (…)   on   voit   là   ou   c’est   faisable   ou   pas.   Ceux   pour  

lesquels  ce  n’est  pas  faisable,  on  les  hospitalise  direct.  C’est  tout…  Le  

tri  se  fait  automatiquement  en  amont.  »  

«  On  vit  dedans,  on   les  connaît,  on   les   intègre.  On  ne  fait  pas  d’effort  

pour  ça,  c’est  intégré  instantanément.  Parce  qu’on  les  connaît  »  

 

Les  relations  avec  

les  patients  sont  des  

relations  de  

courtoisie  et  non  

d’intimité  

 

«  Le  patient,  je  n’ai  pas  d’intimité  avec  lui  »  

«  On  a  de  bonnes  relations  avec  les  gens,  c’est  de  la  courtoisie  »  

«  Mais  ça  se  passe  bien  les  fins  de  vie  à  domicile  »  

L’acceptation  par  le  

patient  de  la  fin  de  

vie  facilite  sa  prise  

en  charge  

 

 

 

«  Je  pense  que  si  le  patient  accepte,  c’est  plus  facile  »  

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97  

A  propos  des  

soins  palliatifs  

en  général  

Coordination  des  

soins  de  fin  de  vie    

«  sur   le   secteur   j’ai   fait   appel   à   l’  équipe   mobile   de   soins   palliatifs  

ambulatoire  de  l’hôpital  de  X  avec  qui  on  travaille  en  coordination  »  

Prise  en  charge  

psychologique  

«  et  surtout  la  supériorité  c’est  qu’il  y  a  une  psychologue  »  

«  Elle   vient   tout   doucement   par   petites   touches,   elle   fait   ça   avec  

beaucoup  de  délicatesse  en  fonction  du  désir  de  la  famille  »  

 

 

Proximité    A   propose   de   l’équipe   mobile   de   soins   palliatifs   ambulatoire  :   «  je  

trouve  que  c’est  bien  ça.  En  terme  de  proximité  »  

 

A  propos  de  la  

gestion  de  la  vie  

privée  

Le  médecin  doit  

dissocier  dans  son  

esprit  sa  vie  privée  

de  sa  vie  

professionnelle  

 

«  il  faut  complètement  dissocier  le  business  et  le  reste  !  La  vie  privée  

et  la  vie  publique  »  

«  pour  dissocier  ?  Et  bien  c’est  dans  sa  tête,   je  ne  sais  pas,   je  n’ai  pas  

de  recette  »  

«  la  boulot  a  toujours  été  en  dehors.  C’est  le  business  et  puis  c’est  tout.  

Je  suis  bien  dans  ma  tête  par  rapport  à  ça  »  

 

 

 

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98  

3.2.2.6. Entretien  n°7  

 

ENTRETIEN  7  –  MEDECIN  7  

 

RUBRIQUES  

 

THEMES   EXTRAITS  VERBATIM  

La  mort  et  la  fin  

de  vie  restent  

tabous    

 

A  propos  des  prises  en  charge  de  fin  de  vie  à  domicile  :  «  Alors  moi  j’ai  

toujours  un  peu  de  mal  à  trouver  ma  place  là  dedans  »  

A  propos  de  l’évocation  des  soins  palliatifs  :  «  il  y  a  aussi  le  fait  que  moi,  

en  tant  que  médecin,  je  suis  un  petit  peu  mal  à  l’aise  pour  aborder  ce  

sujet  »  

A   propos   de   son   absence   de   formation   en   soins   palliatifs  :   «  -­‐   est   ce  

l’absence   de   besoin   de   formation   ou   plutôt   la   volonté   de   ne   pas   se  

confronter  à  une  formation  sur  les  soins  palliatifs  ?  –  oui  en  effet,  c’est  

plutôt  quelque  chose  qui    ressemblerait  à  la  dernière  formule  »  

«  c’est   un   aspect   qui   m’a   toujours   un   peu   dérangé   en   fait…   c’est  

quelque   chose   de   très   personnel…   tout   ce   qui   touche   les   maladies  

graves  »  

«  ça   renvoie   avec   d’autres   problématiques   avec   lesquelles   je   ne   suis  

pas  forcément  à  l’aise…  la  vieillesse  et  la  mort…  »  

«  c’est   pas   forcément   très   stressant  mais   il   y   a   un   petit   côté   un   peu  

pénible  quoi…  dans  ces  prises  en  charge  (…)  c’est  un  peu  ce  sentiment  

que  je  ressens  »  

«  avec   ce  patient   là   si   vous   voulez,   c’est   vrai   qu’on   a   jamais   aborder  

l’aspect…  ultime…  de  l’évolution  de  sa  maladie…  on  est  toujours  resté  

dans  les  soins  »  

«  la  fin  de  vie,  non…  en  20  ans  d’installation  je  n’ai  jamais  eu  l’occasion  

véritablement   d’aborder   ce   sujet…   j’ai   eu   des   soins   palliatifs,   mais  

jamais  je  n’ai  abordé  ce  sujet  avec  les  patients  »  

«  je  ne  pose  pas  de  questions  sur…  la  mort…  ou  éventuellement  sur  le  

fait  de  savoir  s’ils  sont  inquiets,  si  ça  les  angoisse  »  

«  le  terme  de  «  mourir  »  par  exemple  c’est  un  terme  que  je  n’ai  jamais  

utilisé  en  présence  d’un  patient  dans  ce  type  de  situation  »  

 

Face  à  la  fin  de  

vie  et  à  la  mort  

La  mort  et  la  fin  

de  vie  sont  des  

sujets  religieux  et  

A  propos  du   fait   de  parler  de   la  mort  avec  un  patient  :     «  je   voyais   ça  

plutôt  un  peu  schématiquement  dans   la  bouche  d’un  curé  !  …  qui  est  

plutôt  là  pour  la  paix  de  l’âme  »  

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99  

personnels  

 

«  ne  pas   avoir  mal  de   façon   à   ce  que   le  patient  puisse   aborder   cette  

étape  là  soit  avec  la  famille,  soit  éventuellement  sur  le  plan  religieux  »  

 

Le  médecin  

s’occupe  de  la  

souffrance  du  

corps  

 

«  nous   on   est   plutôt   là,   si   j’ose   dire,   pour   la   paix   du   corps   (…)   pour  

donner  ce  répit  sur  le  plan  physique,  c’est  à  dire  ne  pas  souffrir,  ne  pas  

avoir  mal  (…)  »  

Accompagner  un  

patient  jeune  est  

difficile    

 

A  propos  des  patients  jeunes  en  fin  de  vie  :  «  C’est  plus  dur  car  il  y  a  un  

phénomène  de  transfert  qui  se  fait  inévitablement  »  

Le  décès  d’un  

patient  jeune  n’est  

pas  dans  l’ordre  

des  choses  

 

«  C’est  plus  dur  car  il  y  a  quelque  part  un  sentiment  d’injustice  (…)  »  

«  quelqu’un  qui  a  une  maladie  à  l’âge  de  80  ans  et  qui  est  emporté  par  

sa  maladie  c’est  presque  un  peu  dans  l’ordre  des  choses  »  

«  quelqu’un   qui   a   une   maladie   à   l’âge   de   30,   35,   40   ans   et   qui   est  

emporté   par   cette   maladie…   il   y   a   effectivement   une  

incompréhension,  un  sentiment  d’injustice  »  

 

Le  médecin  

s’identifie  à  ses  

patients  jeunes  

 

A  propos  des  patients  jeunes  en  fin  de  vie  :  «  C’est  plus  dur  car  il  y  a  un  

phénomène  de  transfert  qui  se  fait  inévitablement  »  

Le  domicile  est  le  

lieu  le  plus  

propice  à  la  fin  de  

vie  

A  propos  de  la  fin  de  vie  à  domicile  :  «  je  pense  que  c’est  bien  parce  que  

ça  permet  à  la  famille  d’être  dans  l’intimité  »  

«  ça  a  permis  à   la   famille  de   se   retrouver  dans   cette   intimité  …  pour  

ces   raisons   là   je   pense   que   c’est   bien…   c’est  même   plus   confortable  

pour  le  patient  et  pour  la  famille  »  

 

La  fin  de  vie  est  

l’occasion  de  

rapprochements  

familiaux    

 

«  et  c’est  souvent  l’occasion  pour  la  famille  de  se  retrouver  »  

«  ça  a  permis  à  la  famille  de  se  retrouver  dans  cette  intimité  »  

 

La  mort  d’un  

patient  n’est  pas  

un  échec  pour  le  

médecin  

«  non  non  je  ne  dirais  pas  ça  comme  ça…  (…),  ce  n’est  pas  un  échec  de  

la  médecine  ».  

«  la   médecine   est   un   peu   impuissante   mais   elle   n’est   pas   mise   en  

échec  »  

 

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100  

La  mort  et  la  

souffrance  

affectent  le  

médecin  

 

«  si   la   question   est  :   à   l’issue   des   soins   palliatifs,   est   ce   qu’on   est  

affecté   par   la   disparition   des   patients  ?   …   oui   bien   sûr,   oui.   On   est  

affecté  parce  que  tout  s’arrête  soudain  »  

«  Ce  patient  a  occupé  une  place  privilégiée  dans  notre  esprit  »  

«  Apaiser   la   douleur   des   parents   (…)   vis   à   vis   d’un   jeune   adulte   ou  

d’un  enfant,  c’est  extrêmement  douloureux  »  

 

 

Le  médecin  

angoisse  d’avoir  

rater  quelque  

chose  

 

Il   y   a   aussi   cet   aspect  :   «  est   ce   que   je   n’ai   pas   loupé   quelque  

chose  ?  »…   c’est   un   peu  ma   hantise…   c’est   un   peu  ma   hantise   d’une  

manière  générale.  »  

La  présence  du  

médecin  est  

rassurante  

«  et  même  si  on  aborde  pas  directement  le  sujet  de  la  mort…  je  crois  

que   ça   gravite   tellement   autour,   que   quelque   part,   ça   répond   ça  

répond  à  des  questions  angoissantes  »  

malgré  tout  le  fait  de  voir  le  médecin,  le  fait  de  sentir  sa  disponibilité,  

le  fait  d’avoir  sa  présence  rapidement…  ces  3  éléments  là  contribuent  

je  crois  à  apaiser  le  patient  »  

«  ça  m’a  vraiment   frappé  avec   lui  parce  que  vraiment   il   avait  besoin  

que  je  sois  là  (…)  il  avait  besoin  de  ma  présence  avec  tout  ce  que  cela  

représentait  »  

«  ce  besoin  d’avoir  cette  présence  qui  rassure  »  

«  ah  ben  docteur,  le  simple  fait  de  vous  voir  ça  nous  soulage  déjà  »  

«  en   fait   c’est   simplement   notre   présence…   et   quelques   mots…   peu  

importent   les   mots   à   la   limite…   c’est   surtout   montrer   qu’on   est  

disponible  »  

 

A  propos  des  

représentations  

du  patient  

Le  patient  a  

besoin  de  sentir  le  

médecin  

disponible  

«  il  sait  très  bien  que  son  médecin  il  peut  l’appeler,   il  arrivera  le  jour  

même  »  

«  en   fait   c’est   simplement   notre   présence…   et   quelques   mots…   peu  

importent   les   mots   à   la   limite…   c’est   surtout   montrer   qu’on   est  

disponible  »  

«  et  puis  du  temps,  c’est  ce  que  je  disais,  il  faut  du  temps  »  

«  on  ne  peut  pas  leur  donner  le  sentiment  que  c’est  une  consultations  

ordinaire  »  

«  en   fait   c’est   simplement   notre   présence…   et   quelques   mots…   peu  

importent   les   mots   à   la   limite…   c’est   surtout   montrer   qu’on   est  

disponible  »  

 

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101  

  Les  patients  

savent  

«  Alors   est   ce   qu’on   a   parlé   du   pronostic  ?   …   euh   et   bien   oui  

puisqu’elle  était  au  courant  de  ses  pathologies  »  

«  Elle   a   fini,   je   pense,   par   prendre   conscience   que   les   choses  

s’aggravaient  et  qu’elles  s’aggraveraient  encore  »  

«  Elle   savait,   elle   avait   deviné   qu’il   y   avait   un   pronostic   qui   était  

engagé  »  

«  il   avait   bien   compris   que   c’était   la   fin,   même   si   ce   n’était   pas  

verbalisé,  il  avait  bien  compris  tout  ça  »  

 

Être  parent  et  

perdre  un  enfant  

est  plus  difficile  

qu’être  enfant  et  

perdre  un  parent  

 

«  on  arrive  assez  facilement  à  apaiser  la  douleur  des  enfants  vis  à  vis  

de  leur  parents  mais  parfois  dans  le  sens  contraire  c’est  extrêmement  

douloureux  »  

A  propos  des  

représentations  

de  la  famille  

Les  familles  sont  

demandeuses  

d’échanges  avec  le  

médecin    

«  il  y  a  toujours  un  grande  envie  de  la  part  des  enfants  de  savoir  (…)  »  

La  fin  de  vie  à  

domicile  est  

difficile  à  mettre  

en  place  pour  le  

médecin  

 

«  C’est  toujours  difficiles  de  mettre  en  place  ces  structures  de  soins  »  

«  Il  y  a  tout  l’aspect  organisationnel  qui  est  un  petit  peu  compliqué  je  

trouve  »  

«  ça  demande  beaucoup  d’investissement  en  terme  de  temps  pour  un  

médecin  généraliste  »  

Les  prises  en  

charge  en  fin  de  

fin  sont  lourdes  

car  chronophages  

 

«  ça  demande  beaucoup  d’investissement  en  terme  de  temps  pour  un  

médecin  généraliste  »  

A  propos  du   temps  :  «  mais  c’est  un   frein  pour  que  éventuellement   je  

sollicite,  que  je  leur  suggère…  »  

«  en  fait  ce  sont  des  situations  qui  sont  un  peu  lourde,  principalement  

au  niveau  du  temps  qu’on  y  passe  »  

«  il  faut  toujours  jongler  avec  son  emploi  du  temps  »  

«  je   sais   que   ça   va   être   des   situations   compliquées   en   terme   de  

temps  »  

 

A  propos  son  

propre  travail  

de  prise  en  

charge  

Le  médecin  prend  

en  charge  les  

problèmes  

médicaux    

«  soigner  ne  me  pose  pas  de  problème  »  

«  et  bien  moi  je  reste  sur  des  choses  purement  médicales  »  

«  mais  ce  n’est  pas  forcément  cet  aspect  technique  qui  est  dérangeant  

et  pénible  »  

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102  

Les  prises  en  

charge  des  fins  de  

vie  ne  sont  pas  

des  surprises  

   

«  de  ce  côté  là  si  j’ose  dire,  il  n’y  a  pas  de  mauvaises  surprises  et  donc  

il  n’y  a  pas  de  sentiment  négatif  par  rapport  à  ce  type  de  situations  »  

Le  médecin  évite  

parfois  de  se  

confronter  à  la  fin  

de  vie  pour  se  

protéger  

 

«  ce   n’est   pas   des   situations   (…)   auxquelles   je   cherche   à   être  

confronté…   si   je   peux   éviter   c’est   pas   plus   mal.   C’est   pour   ça  

finalement  que  je  n’ai  pas  beaucoup  de  fin  de  vie  à  gérer  »  

La  

pluridisciplinarité  

est  un  soutien  

pour  le  médecin  

 

«  les  médecins  (hospitaliers)  sont  je  trouve  assez  disponibles  (…)  pour  

ce  genre  de  situation.  

Le  médecin  est  

toujours  

disponible    

«  ce  temps  que  nous  prenons  (…)  pour  discuter  »  

«  il  sait  très  bien  que  son  médecin  il  peut  l’appeler,   il  arrivera  le  jour  

même  »  

«  on  ne  peut  pas  leur  donner  le  sentiment  que  c’est  une  consultations  

ordinaire  »  

«  je  leur  donne  mon  portable  oui,  je  le  fais  ça  »  

 

Le  médecin  

n’abandonne  pas  

«  j’incarnais   la  médecine,  mais   surtout   j’incarnais   la  médecin   qui   ne  

laisse  pas  tomber  »  

 

 

Le  médecin  est  

humble  

A  propos  de  la  prise  de  conscience  du  médecin  de  son  importance  à  être  

présent  pour  rassurer  :  «  ça  me   touchait  quelque  part…  ça  me   touche  

de  voir  que  c’est  parfois  presque  disproportionné  »  

 

A  propos  de  ses  

relations  avec  

ses  patients  et  

leurs  familles  

 

Le  médecin  ne  

s’impose  pas  au  

patient  ou  à  la  

famille  

«  C’est  même  elle  (…)  qui  avait  eu  cette  volonté  et  avait  dit  :  «  moi   je  

voudrais  que  vous  continuiez  à  me  soigner  à  domicile  »  (…)  »  

«  C’est   là   qu’elle   a   progressivement   parle   de   soins   palliatifs  …   sans  

prononcer  le  mot  (…)  »  

«  C’est  elle  qui  a  abordé  le  sujet  »  

 

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103  

Le  médecin  

n’aborde  pas  

spontanément  le  

sujet  de  la  fin  de  

vie  ou  de  la  mort  

 

«  -­‐  C’est  elle  qui  a  abordé  le  sujet  ?  –  dans  mon  souvenir  oui…  c’est  pas  

moi,  ça  c’est  sûr  »  

«  euh,  non,  je  ne  mets  pas  forcément  les  pieds  dans  le  plat…  j’attends  

que  ce  soit  les  patients  qui  formulent  la  demande  »  

«  avec   ce  patient   là   si   vous   voulez,   c’est   vrai   qu’on   a   jamais   aborder  

l’aspect…  ultime…  de  l’évolution  de  sa  maladie…  on  est  toujours  resté  

dans  les  soins  »  

 

Le  médecin  est  

plus  à  l’aise  pour  

aborder  la  mort  

avec  la  famille  

qu’avec  le  patient  

 

A  propos  des  échanges  avec  la  famille  :  «    j’ai  l’impression  que  c’est  plus  

facile   presque   de   trouver   les   mots,   de   trouver   les   phrases   qui  

apaisent,  qui  tranquillisent  la  famille…    

«  la   communication   n‘est   pas   difficile  (…)   on   est   presque   dans   un  

registre  technique  si  j’ose  dire  »  

«  enfin  moi  j’ai  le  sentiment  qu’il  est  plus  facile  de  prendre  en  charge  

la  douleur  de  la  famille  »  

 

La  connaissance  

de  l’histoire  

personnelle  du  

patient  

n’intervient  pas  

dans  la  qualité  de  

la  prise  en  charge  

 

A  propos  des  patients  non  connus  par  le  médecin  en  fin  de  vie  :  «  est  ce  

que   c’est   plus   difficile  ?   non,   ça   ne   me   pose   pas   de   problèmes  

particuliers  »  

 

Le  médecin  est  

attaché  à  ses  

patients  connus  

depuis  longtemps  

 

«  il  y  a  des  patients  auxquels  on  s’attache  parce  qu’on  les  suit  depuis  

longtemps  »  

«  il  acquièrent  dans  notre  esprit  un  statut  particulier  »  

A  propos  des  

soins  palliatifs  

en  général  

 

Les  soins  palliatifs  

évoquent  un  décès  

imminent  

«  soins  palliatifs…  sous  entendu…  ça  va  se  terminer  »  

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104  

3.2.2.7. Entretien  n°8  

 

ENTRETIEN  8  –  MEDECIN  8  

 

RUBRIQUES  

 

THEMES   EXTRAITS  VERBATIM  

La  médecine  a  ses  

limites  

«  je  crois  qu’il  arrive  un  moment  où  il  faut  un  peu…  leur  montrer  que  

la  médecine  a  fait  beaucoup  de  progrès  mais  qu’elle  a  des  limites  »  

 

La  mort  est  un  

processus  naturel  

«  l’être  humain  par  définition  mortel  »  

«  voilà  il  y  a  quand  même  un  moment  comme  on  dit  au  delà  de  cette  

limite  votre  ticket  n’est  plus  valable.  C’est  peut  être  un  peu  dur  mais  il  

ne  faut  pas  se  masquer,  se  voiler  la  face  »  

«  la  mort  est  toujours  présente  même  dans  nos  sociétés  évoluées  »  

«  ça  se  termine  toujours  par  la  mort  !  »  

«  la   mort   fait   partie   du   cycle   de   la   condition   humaine   et   en   fera  

toujours  partie  »  

«  Si  vous  occultez  la  mort  ,  vous  occultez  l’humain  »  

 

La  mort  est  une  

fatalité  

 

«  (…)  malheureusement  on  est  acculé  à  une  fatalité  »  

La  souffrance  et  la  

mort  d’un  patient  

affectent  le  médecin    

«  quand  un  patient  comme  a  décède,  on  est  triste,  pace…  Il  vous  a  fait  

confiance  pendant  très  longtemps,  on  s’est  décarcassé  »  

«  le  médecin   souffre,   pas   au   sens   de   la   douleur,  mais   souffre   quand  

même  avec  son  patient  »  

«  c’est  douloureux  d’être  auprès  d’une  personne  douloureuse,  (…)  on  

a  beau  prendre  de  la  distance  »  

«  il  y  a  un  côté  émotionnel  qui  joue  »  

«  vous   me   demandiez   si   j’étais   triste   quand   on   perd   un   patient…  

oui…  »  

 

Face  à  la  fin  de  

vie  et  à  la  mort  

La  mort  d’un  

patient  soulage  le  

médecin  

«  quand  on  le  voit  partir  dans  la  paix  on  est  un  peu  soulagé,   il  y  a  un  

soulagement…  je  vous  le  dis  franchement  »  

«  c’est  très  dur  pour  un  médecin  de  vivre  avec  un  patient  en  fin  de  vie,  

on  est  désemparé  »  

 

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105  

La  mort  peut  être  

paisible  

«  quand  on  le  voit  partir  dans  la  paix  on  est  un  peu  soulagé  »  

La  mort  à  l’hôpital  

peut  être  une  

nécessité  

A  propos  de  patients  partis  décédés  à  l’hôpital  :  «  ils  sont  restés  jusqu’à  

la   dernière   minute   à   la   maison,   on   a   vraiment   attendu   le   dernier  

moment  »  

«  elle  avait  surtout  un  isolement  total  »  

«  C’est  une  décision  que  l’on  prend  dans  l’intérêt  du  patient  »  

«  De  toute  façon  le  choix  d’hospitaliser  ne  se  fait  pas  de  gaité  de  cœur,  

c’est  un  choix  qui  s’impose  »  

 

Même  en  fin  de  vie  

le  médecin  a  une  

obligation  de  

moyen  dans  sa  

prise  en  charge  

«  il   ne   faut   pas   oublier   qu’en   médecine   on   a   une   obligation   de  

moyens…  sur  le  plan  responsabilité  civile  ou  déontologique  on  a  une  

obligations  de  moyens  »  

«  Ca   joue   énormément   sur   la   décision   du   médecin.   Obligation   de  

moyens,  j’insiste  là-­‐dessus  »  

«  et   donc   si   vous   voulez   l’entourage,   les   proches   ont   la   conscience  

tranquille…  et  quelques  fois  le  médecin  aussi  »  

Les  situations  de  fin  

de  vie  sont  

enrichissantes  pour  

le  médecin  

 

«  oui  oui,   sur   le  plan  humain   c’est   très   enrichissant  pour   le  médecin  

car   on   voit   l’évolution   cognitive   de   ces   gens   au   fur   et   à   mesure   de  

l’évolution  de  la  maladie…  ça  s’apparente  à  un  deuil  »  

La  fin  de  vie  

correspond  au  

moment  ou  le  

patient  atteint  la  

phase  de  

découragement  

dans  l’évolution  de  

sa  maladie  

 

«     (…)   et   après   malheureusement   c’est   la   phase   de   découragement  

(…).  Alors  on  s’oriente  un  peu  vers  la  fin  de  vie.  Du  découragement  on  

arrive  à  la  phase  de  résignation  »  

La  fin  de  vie  peut  

être  un  bon  

souvenir  pour  le  

médecin  

«  alors   c’est   un  bon   souvenir   parce  que   (…)   on   a   l’impression  d’être  

utile  au  patient…  on  est  médecin,  on  a  ce  côté  humain  »  

 

Le  médecin  

s’identifie  aux  

émotions  des  

familles  

«  on  ne  peut  pas  s’en  empêcher,  on  est  pas  de  pierre.  Il  y  a  un  transfert  

un   peu   émotionnel,   ça   dure   quelques   secondes,   quelques   minutes,  

mais  ça  existe  voilà  »  

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106  

A  propos  des  

représentations  

du  patient  

En  fin  de  vie  les  

patients  suivent  des  

étapes  de  deuil  

«  on   voit   l’évolution   cognitive   de   ces   gens   au   fur   et   à   mesure   de  

l’évolution  de  la  maladie…  ça  s’apparente  à  un  deuil  »  

L’accompagnement  

en  fin  de  vie  est  très  

dur  pour  les  

proches  

«  Il   ne   faut  pas  oublier  que   (…)  pour   les   accompagnants  qui  ne   sont  

pas  toujours  jeunes,  c’est  très  dur,  c’est  très  pénible  »  

«  Quand   ça   s’éternise   pour   ces   gens   là   c’est   assez   dur.   Il   faut   donc  

aussi  penser  à  l’entourage  »  

 

A  propos    des  

représentations  

de  la  famille  

Les  conflits  avec  les  

familles  sont  un  

transfert  sur  le  

médecin  de  leurs  

émotions  

 

«  et   donc   si   vous   voulez   l’entourage,   les   proches   ont   la   conscience  

tranquille…  »  

«  les  gens  sont  assez  procéduriers  »  

«  il  suffit  que  vous  ne  fassiez  pas  les  choses  au  maximum  pour  qu’il  y  

ait  un  membre  de  la  famille  (…)  qui  vous  fasse  des  reproches  »  

«  les   gens   aux  mêmes   ne   veulent   rien   avoir   à   se   reprocher   et   ils   ne  

veulent  pas  qu’on  leur  dise  qu’ils  n’ont  pas  fait  le  maximum  pour  leurs  

proches  et  leurs  parents  »  

 

Le  travail  du  

médecin  est  guidé  

par  les  textes  

législatifs  

«  ça   fait   partie  de   l’information  que   l’on  doit   au  malade   (…).   C’est   la  

fameuse  loi  Kouchner.  C’est  la  loi  du  4  mars  2002  »  

«  ça  c’est  dans   le  code  de  déontologie,   (…)   le  médecin  ne  doit   jamais  

véhiculer  des  paroles  de  désespoir  »  

«  il   ne   faut   pas   oublier   qu’en   médecine   on   a   une   obligation   de  

moyens…  sur  le  plan  responsabilité  civile  ou  déontologique  on  a  une  

obligations  de  moyens  »  

«    (…)  d’après  la  loi  (…)  la  loi  Leonetti…  »  

A  propos  de  l’implication  du  médecin  au  conseil  de  l’ordre  :  «  ah  oui  ça  

m’aide   dans   ma   pratique  !   Et   ça   incite   surtout   à   la   prudence,   ça   ne  

veut  pas  dire  timidité  ou  frilosité  (…)  »  

«  vous  parliez  donc  du  maintien  à  domicile  ou  du  décès  à   l’hôpital,   il  

faut   que   l’information   soit   comme   il   est   dit   dans   la   loi   Kouchner  :  

claire,  loyale  et  adaptée  (…).  Et  puis  le  deuxième  élément  c’est  le  code  

civile,  le  code  de  déontologie  :  c’est  l’obligation  de  moyens  »  

«    De  toutes  façon  les  deux  piliers  qui  guident  le  médecin  pendant  son  

exercice  c’est  la  loi  Kouchner  (…)  et  puis  le  code  de  déontologie.  D’un  

côté  le  droit  des  malades,  de  l’autre  côté  les  devoirs  des  médecins  »  

 

A  propos  de  son  

propre  travail  

de  prise  en  

charge  

L’expérience  du  

médecin  l’aide  dans  

sa  prise  en  charge  

A   propos   de   la   démarche   adoptée   pour   aborder   la   fin   de   vie  :   «  vous  

savez  j’ai  36  ans  d’installation  !  C’est  mon  expérience  !  »  

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107  

Le  médecin  est  

porteur  d’un  

message  d’espoir  

«  il  faut  toujours  dire  un  mais,  il  faut  toujours  donner  de  l’espoir  »  

«  ça  c’est  dans   le  code  de  déontologie,   (…)   le  médecin  ne  doit   jamais  

véhiculer  des  paroles  de  désespoir  »  

«  le   médecin   a   des   paroles   apaisantes   (…)   sans   jamais   véhiculer   le  

désespoir  »  

 

Le  médecin  est  

humble  

 

«  on   avoue   aux   gens,   en   toute   humilité,   que   l’on   a   vraiment   fait   le  

maximum  au  niveau  (…)  médecine  curatrice  »  

Le  médecin  

n’abandonne  pas  

 

«  (…)   on   va   vous   assurer   que   vous   ne   souffrirez   pas…   que   vous  

n’aurez  pas  soif…  on  ne  vous  abandonnera  pas…  »  

Le  médecin  est  

disponible  pour  le  

patient  et  sa  famille  

 

«  il  faut  dire  :  «  ne  vous  inquiétez  pas,  je  reviendrai  vous  voir  lundi…  si  

vous  avez  un  problème  appelez  moi  »  

Après   un   décès  :   «  je  me  manifeste   toujours   par   un   petit   mot,   ou   au  

téléphone  »  

 

Le  médecin  a  des  

qualités  d’écoute  

«  un  écoute  attentive,  une  écoute  bienveillante  »  

«  il  faut  être  empathique  »  

«  tout  médecin  devrait  avoir  un  peu  de  cet  aspect  empathique,  et  un  

peu  de  thérapie  de  soutien  »  

 

Le  médecin  a  besoin  

de  verbaliser  sa  

douleur  et  ses  

difficultés  

«  (…)  il  faut  faire  dans  un  premier  temps  des  groupes  de  paroles,  des  

débriefing,  une  verbalisation,  des  groupes  de  pairs  »  

«  le  pire  c’est  de  s’enfermer  sur  soi  même  »  

«  ce   qu’il   fait   faire   c’est   s’ouvrir     (…)   ça   c’est   important,   très  

important  »  

 

Pour  un  patient  

inconscient  la  

décision  finale  

appartient  au  

médecin  

 

«  le   médecin   doit   s’entourer   d’avis   de   façon   collégiale   (…)   mais   la  

décision  finale  appartient  au  médecin,  ça  c’est  très  important  »  

 

Les  expériences  

personnelles  

marquent  le  

médecin  

 

«  un  patient  jeune…  bon  ce  n’était  pas  un  de  mes  patients,  mais  c’était  

mon  neveu…  qui  est  décédé  d’un  mélanome  à  31  ans  (…)  il  arrive  un  

moment  ou  voilà…  il  est  mort  dans  un  autre  CHU  »  

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108  

Le  médecin  évoque  

la  fin  de  vie  avec  la  

famille  pour  la  

préparer  

 

A  propos   de   l’évocation   de   la   fin   de   vie  avec   la   famille  :  «  C’est   de  ma  

propre   initiative…   pour   les   préparer   (…)   pour   pas   qu’ils   soient  

surpris  »  

Le  médecin  doit  

adaptée  sa  

communication  au  

patient  et  à  sa  

famille  

A  propos  de  l’évocation  de  la  fin  de  vie  :  «  il  faut  y  aller  avec  doigté,  avec  

diplomatie.  Il  faut  éviter  la  brutalité.  »  

«  attendre   le   moment   propice.   Quant   la   personne   est   relativement  

sereine  »  

 

Le  médecin  ne  

s’impose  pas  au  

patient  ou  à  sa  

famille  

A  propos  de  l’évocation  de  la  fin  de  vie  :  «  il  faut  éviter  la  brutalité  »  

«  et  je  pense  que  petit  à  petit,  ça  chemine  dans  leur  tête  »  

«  c’est  donc  une  annonce  qui  se  fait  sur  huit  jours,  quinze  jours  (…)  au  

fil  des  consultations  »  

«  le  choix  final  leur  appartient  »  

«  (…)  ce  qui  prime,  si  le  patient  est  conscient  donc,  c’est  la  volonté  du  

patient  »  

«  si  possible  il  faut  que  le  personne  exprime  sa  volonté  par  écrit  (  …)  

c’est  ce  qu’on  appelle  les  directives  anticipées  »  

«  quand  la  personne  n’est  pas  en  mesure  d’exprimer  sa  volonté,  il  faut  

s’appuyer   sur   les   proches,   sur   la   famille,   sur   la   personne   de  

confiance  »  

 

Le  médecin  doit  la  

vérité  au  patient  

 

«  il  ne  faut  pas  se  dérober,  il  faut  répondre  la  vérité  au  patient  »  

«  quand  la  personne  est  consciente  et  qu’elle  vous  dit  :  «  dîtes  moi   la  

vérité   docteur  »   et   bien   oui   on   dit  :   «  oui   votre   pronostic   vital   est  

engagé…  vous  risquez  de  mourir…  »  Il  ne  faut  pas  se  dérober  »  

 

Le  médecin  appuie  

sa  prise  en  charge  

sur  les  convictions  

du  patient  

«  même   si   on   est   athée,   agnostiques,   on   a   quand   même   une  

spiritualité,  une  philosophie,  alors  de  temps  en  temps  on  peut  y  faire  

une  petite  allusion,  et   leur  dire  (…)  «  vous  êtes  croyants  ?  »  (…)  voilà  

on  peut…  »  

«  ça  peut  soulager,  réconforter  »  

 

A  propos  de  ses  

relations  avec  les  

patients  et  leurs  

familles  

 

Le  médecin  

n’improvise  pas,  il  

doit  avoir  mené  une  

réflexion  sur  sa  

prise  en  charge  

«  Vous   savez   l’improvisation   comme   partout   ce   n’est   pas   toujours  

évident.  Donc  quelque  chose  qui  est  préparé  c’est  beaucoup  plus  aisé.  

Et   le   discours   dont   je   vous   parle   philosophique,   religieux   ou  

carrément  sur  la  mort,  il  se  prépare  avant  »  

«  En  allant  le  voir  dans  la  voiture  on  prépare  son  petit  discours  »  

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109  

Le  médecin  ne  

cache  pas  ses  

émotions  

«  C’est  le  côté  humain  qui  reprend  le  dessus  (…).  Voilà  il  faut…  parler  

avec  son  cœur.  Sans  aller  trop  loin  non  plus,  il  ne  faut  pas  que  ce  soit  

trop  fusionnel,  il  ne  faut  pas  qu’il  y  ait  de  transfert  »  

«  il  faut  quand  même  parler  avec  son  cœur  et  ses  convictions  »  

«  quand   je   vais   faire   un   constat   de   décès,   quand   je   rencontre   les  

proches…   (…)   neuf   fois   sur   dix   on   s’embrasse.   On   s’étreinte.   On   se  

donne  l’accolade  chez  les  hommes,  on  s’embrasse  chez  les  femmes…  je  

vous   le   dis   franchement…   et   moi   même   ça   me   remue   un   peu   là…  

quelquefois  j’ai  la  larme  à  l’œil.  »  

«  Je  suis  un  peu  sensible,  un  peu  émotif  »  

 

Le  médecin  doit  

rester  dans  la  

mesure  

«  Voilà   il   faut…  parler  avec  son  cœur.  Sans  aller  trop  loin  non  plus,   il  

ne   faut   pas   que   ce   soit   trop   fusionnel,   il   ne   faut   pas   qu’il   y   ait   de  

transfert  »  

«  Il   faut   une   certaine   distance,   il   faut   être   empathique  (…)   sans  

choquer  les  choses.  »  

«  un  écoute  attentive,  une  écoute  bienveillante,   sans   juger,   sans  aller  

trop  loin,  sans  être  fusionnel  »  

 

La  connaissance  de  

l’histoire  

personnelle  du  

patient  facilite  la  

prise  en  charge  

«  quand   c’est   quelqu’un   que   l’on   connaît   depuis   très   longtemps   ça  

facilite  les  choses  »  

«  quelques   fois   les   patients   ont   des   points   communs   avec   les  

médecins  »  

«  on  est  toujours  liés  à  eux  de  près  ou  de  loin,  on  les  connaît  en  dehors  

du  cabinet,  si  c’est  le  charcutier  (…)  »  

«  il  y  a  un  côté  beaucoup  plus  personnalisé,  moins  anonyme  »  

 

La  relation  de  

confiance  qui  unit  le  

médecin  et  son  

patient  son  source  

d’attachement  

 

«  quand  un  patient  comme  a  décède,  on  est  triste,  pace…  Il  vous  a  fait  

confiance  pendant  très  longtemps,  on  s’est  décarcassé  »  

 

 

Le  médecin  craint  

les  reproches  de  la  

famille  

 

«  les  gens  sont  assez  procéduriers  »  

«  il  suffit  que  vous  ne  fassiez  pas  les  choses  au  maximum  pour  qu’il  y  

ait  un  membre  de  la  famille  (…)  qui  vous  fasse  des  reproches  »  

Mais  il  ne  faut  pas  qu’il  y  ait  d’ambiguïté.  Que  l’on  ne  vous  fasse  pas  de  

reproches  après  »  

 

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110  

  La  prise  en  charge  

doit  être  claire  avec  

la  famille  

 

«  si   vous   avez   un   proche   autour   de   vous,   il   faut   quand   même   lui  

demander  son  avis…  donc  oui  oui…  après  vous  réalisez  la  volonté  du  

patient,   vous   le  maintenez   à   domicile.  Mais   il   ne   faut   pas   qu’il   y   ait  

d’ambiguïté.  Que  l’on  ne  vous  fasse  pas  de  reproches  après  »  

 

A  propos  des  

soins  palliatifs  

en  général  

Soins  de  confort   A   propos   de   l’explication   donné   à   l’évocation   des   soins   palliatifs  :  

«  maintenant  il  faut  lui  assurer  un  maximum  de  confort  pour  les  jours,  

semaines  ou  mois  qu’il  lui  reste  à  vivre  »  

 

A  propos  de  la  

gestion  de  sa  

vie  privée  

Le  médecin  doit  

aménagé  un  sas  

entre  sa  vie  

professionnelle  et  

sa  vie  privée  

«  entre   le  moment  où  vous   fermez   le   cabinet  et  où  vous   rentrez  à   la  

maison   il   faut   aller   faire   un   petit   tour   dans   le   parc,   aller   acheter   un  

journal  (…)  se  changer  les  idées  quoi  »  

«  un   sas   de   décompression   entre   la   vie   professionnelle   et   la   vie  

privée  »  

«  pour   un  médecin,   le   fait   de   ne   pas   avoir   ce   sas,   si   quand   il   rentre  

chez  lui  il  pense  encore  à  ses  patients,  ça  c’est  pas  normal  »  

 

 

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111  

3.2.2.8. Entretien  n°9  

 

ENTRETIEN  9  –  MEDECIN  9  

 

RUBRIQUES  

 

THEMES   EXTRAITS  VERBATIM  

La  mort  et  

l’euthanasie  sont  

tabous  pour  

certains  soignants  

 

«  Ce  n’est  pas   forcément  difficile  avec   les  patients.  C’est  plus  difficile  

avec  l’entourage.  Les  aidants  et  les  soignants.  »  

«  Pour  des  problèmes  de  conviction…  je  pense  à  une  infirmière  qui  est  

terrorisée  à   l’idée  de  mettre  du  TRANXENE  dans  une  perfusion…  ou  

de  la  morphine  »  

«  Je  pense  que  l’euthanasie  est  un  sujet  tabou  !  »  

Les  patients  plus  

jeunes  affectent  

plus  le  médecin  

 

A  propos  des  patients   jeunes   en   fin  de   vie  :  «  je  n’ai  pas   été   confronté  

encore  (…)  mais  je  pense  que  ce  sera  plus  difficile  »  

Le  médecin  

s’identifie  à  ses  

patients  

 

A   propos   de   la   confrontation   à   des   patientes   jeunes  :   «  Peut   être   une  

projection  sur  moi  ou  mon  entourage,  mon  épouse,  frère,  sœur…  »  

«  Il   n’y   a   pas   de   raison   que   j’agisse   différemment   (…)   si   ce   n’est   la  

difficulté  (…)  de  s’identifier  à  eux  plus  facilement  qu’à  des  personnes  

plus  âgées  »  

 

Le  médecin  retient  

principalement  les  

expériences  

négatives  et  

douloureuses  

 

«  je  vois  que  je  suis  en  train  de  noter…  de  retenir  que  les  expériences  

douloureuses…  les  négatives  »  

La  mort  peut  être  

paisible  

«  Ce  qui  est  rassurant,  en  tout  cas  pour  le  docteur,  c’est  de  voir  qu’il  a  

pu  partir  apaiser  et  non  douloureux  »  

«  Et  l’époux  était  apaisé,  (…)  Il  était  parti,  il  était  détendu.  Et  ça  ca  fait  

plaisir…  même  si  la  fin  est  triste  »  

«  Quand  la  bougie  s’éteinte  comme  ça…  pour  moi  ça  va.  »  

 

Face  à  la  fin  de  

vie  et  à  la  mort  

Le  décès  peut  

entraîner  un  

sentiment  

 «  Ce  qui  est  rassurant,  en  tout  cas  pour  le  docteur,  c’est  de  voir  qu’il  a  

pu  partir  apaiser  et  non  douloureux  »  

«  Et  l’époux  était  apaisé,  (…)  Il  était  parti,  il  était  détendu.  Et  ça  ca  fait  

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112  

satisfaction  pour  le  

médecin  

 

plaisir…  même  si  la  fin  est  triste  »  

«  Quand  la  bougie  s’éteinte  comme  ça…  pour  moi  ça  va.  »  

 

La  fin  de  vie  est  

l’occasion  de  

rapprochements  

familiaux  

 

«  (…)  ils  ont  eu  le  temps  de  dire  au  revoir  à  leurs  familles  »  

Le  médecin  est  

affecté  par  la  mort  

de  ses  patients  

«  (…)  Il  était  parti,  il  était  détendu.  Et  ça  ca  fait  plaisir…  même  si  la  fin  

est  triste  »  

«  Quand   la   bougie   s’éteinte   comme   ça…   pour  moi   ça   va.  Même   si   je  

suis  triste  de  les  avoir  perdu  »  

«  -­‐  On  est  ému  ?  –  un  petit  peu  oui…  »  

 

La  mort  d’un  

patient  reste  un  

échec  pour  le  

médecin  

 

«  forcément  on  ne  les  a  pas  guéris…  (…)  un  semi  échec.  Moi  quand  j’ai  

fait  mes   études  de  médecine,   on  me  disait   que   le  médecin   était   tout  

puissant.  (…)  Le  docteur  était  là  pour  guérir.  Je  me  suis  aperçu  après  

qu’on  ne  pouvait  pas  tout  guérir…  »  

Le  décès  à  domicile  

doit  être  un  choix  

pour  le  patient  

 

«  A  partir  du  moment  où  (…)  l’envie  des  gens  c’est  de  pouvoir  rester  

dans  leur  environnement  (…).  Voilà.  Mais  est  ce  qu’il  le  faut  à  chaque  

fois.  Non  pas  forcément.  »  

«  Mais  est  ce  qu’ils  doivent  mourir  à  la  maison  ?  Non  pas  forcément  »  

 

Le  décès  à  l’hôpital  

peut  être  une  

nécessité  

 

«  Quelqu’un   qui   est   tout   seul…   qui   n’aurait   pas   de   soutien..   Ou   chez  

qui  les  aidants  ne  seraient  pas  à  même  de  gérer.  Ou  pour  lequel  je  ne  

pourrais  pas  avoir  de  soutien  paramédical  ou  autre  »  

«  Je  dirais  que  c’est  au  cas  par  cas  »  

 

 

La  fin  de  vie  c’est  

quand  il  n’y  a  plus  

rien  à  faire  sur  le  

plan  curatif  

 

«  -­‐  A  partir  de  quand  parle-­t-­on  de  fin  de  vie  ?  -­‐    Quand  il  n’y  a  plus  rien  

à  faire  (…)  je  n’avais  plus  de  solutions  thérapeutiques  curatives  »  

A  propos  des  

représentations  

du  patient  

Les  patients  

redoutent  les  soins  

palliatifs  

«  Palliatif   pour   eux   c’est   un   peu   raide   quand   même.   Palliatif   c’est  

vraiment  la  mort  »  

«  C’est  pour  les  patients,  la  frontière  n’est  pas  toujours  facile  »  

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113  

A  propos  des  

représentations  

de  la  famille  

La  médicalisation  

de  la  mort  majore  la  

difficulté  des  

familles  à  

accompagner  leurs  

proches  

 

«  Ce   qui   est   difficile   c’est   que   maintenant   on   médicalise   plus…   Les  

anciens   ils   ont   vu   mourir   le   papy   et   la   mémé   à   la   maison…   tout   le  

monde   était   ensemble…   maintenant   pour   les   enfants   c’est   plus  

difficile  »  

Le  médecin  se  sent  

seul  dans  la  prise  en  

charge  

 

«  le   message   de   l’hôpital   était   en   substance  :   démerdez   vous   avec  

votre  médecin  traitant  »  

«  et  j’attendais  un  retour…  je  n’ai  eu  ni  l’un  ni  l’autre  »  

«  J’ai  continué  de  me  débrouiller  »  

«  En  fait  je  fais  un  peu  ma  popote,  c’est  ça  qui  me  manque…  Est  ce  que  

c’est  bien,  est  ce  que  ce  n’est  pas  bien,  je  n’en  sais  rien  »  

 

Le  médecin  anticipe  

les  problèmes  à  

venir  

 

«  Il  y  a  donc   la  première  prescription,   les  prescriptions  de  deuxième  

ligne  et  quand  ça  ne  vas  pas  »  

«  moi   la   question   que   je   pose   aux   gens  :   «  si   ça   se   passe   mal   à   la  

maison,  qu’est  ce  qu’on  fait  ?  »  après  je  me  démerde  »  

Le  médecin  est  

disponible  

 

A   propos   de   la   question   du   numéro   de   téléphone   du  médecin  :   «  dans  

certains  cas  oui,  pour  ces  deux  là  j’étais  joignable  »  

Le  médecin  est  clair  

avec  la  définition  de  

l’euthanasie  

 

A   propos   des   prescriptions   anticipées   en   phase   agonique  :   «  -­‐   vous   ne  

faîtes  pas  d’euthanasie  à  ce  moment  là  ?  –  ah  non  !  pas  pour  moi  !  »  

«  Pour   moi   l’euthanasie   c’est   vraiment   provoqué   la   mort.   Pour   moi  

l’idée   des   anxiolytiques   et   des   antalgiques   c’est   plutôt   pour  

accompagner  »  

 

A  propos  de  son  

propre  travail  

de  prise  en  

charge  

Les  expériences  

personnelles  du  

médecin  affectent  

sa  prise  en  charge  

   

«    Côté   familial   également,   j’au   une   grand   mère   qui   est   morte   à   la  

maison,  avec  les  enfants  et  les  petits  enfants  pas  très  loin  »  

«  Il  y  a  forcément  une  part  personnelle.  Moi  j’ai  assisté  au  décès  de  ma  

grand-­‐mère  à  la  maison.  (…)  les  choses  étaient  claires  »  

A  propos  des  

relations  avec  les  

patients  et  leurs  

familles  

 

Le  médecin  ne  

s’impose  aux  

patients  et  aux  

familles  

 

«  mais  l’important  c’était  de  faire  ce  qu’avait  envie  le  monsieur  »  

«  Ils   ont   donc   décidé  :   c’est   à   la  maison   que   ça   se   passe   et   jusqu’au  

bout.   On   est   donc   parti   sur   ces   bases.   A   partir   de   là   on   a   fait   au  

mieux  »  

«  s’ils  me  disent  :   «  écoutez   toute   sa  vie   il   a  voulu   rester  à   la  maison  

avec   nous…  »   alors   il   y   a   des   moments   ou   c’est   moins   facile   mais  

j’essaie  de  suivre  un  petit  peu  la  décision  des  patients  »  

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114  

«  A   partir   du  moment   où   eux   ont   décidé   de   rester   à   la  maison   c’est  

aussi  mon  boulot  de  faire  en  sorte  que  tout  se  passe  bien  »  

A  propos  de  l’évocation  de  la  fin  de  vie  avec  un  patient  :  «  Pour  l’instant  

non,  il  n’est  pas  prêt  je  crois  »  

«  Donc   lui   je   ne   le   sens   pas   prêt   à   aborder   le   problème.   Ca   viendra  

peut  être  mais  pas  pour  l’instant  »  

 

Le  médecin  aborde  

le  sujet  de  la  mort  

spontanément  

 

A  propos  de  l’évocation  de  la  mort  :  «  je  crois  que  c’est  moi,  et  lui  il  s’y  

attendait  »  

«  oui  c’est  venu  sur  le  tapis,  c’était  clair  »  

 

Le  médecin  pose  

clairement  la  

situation  et  la  prise  

en  charge  avec  le  

patient  et  la  famille  

 

«  Et  une  fois  que  les  choses  ont  été  établies,  mais  avec  les  trois  parties,  

donc  avec  son  épouse  aussi  (…)  et  bien  c’était  clair  »  

«  moi   la   question   que   je   pose   aux   gens  :   «  si   ça   se   passe   mal   à   la  

maison,  qu’est  ce  qu’on  fait  ?  »  après  je  me  démerde  »  

«  une  fois  que  tout  est  clair  »  

«  L’idée  que  j’en  ai  fait  que  cela  fonctionne  très  bien,  ou  pas  trop  mal  

quand  tout  le  monde  est  clair  »  

«  à   partir   du   moment   ou   les   choses   sont   dites,   sont   claires,   sont  

établies,  là  on  peut  bosser  »  

«  Que  les  gens  acceptent  ou  non  l’idée  de  la  mort  c’est  une  chose,  mais  

qu’au  moins  on  soit  tous  clairs,  et  qu’on  aille  dans  la  même  direction  »  

«  Il  faut  que  tout  soit  clair,  dit  au  départ.  Et  c’est  uniquement  à  partir  

de  là  que  l’ont  peut  faire  quelque  chose  qui  tient  à  peu  près  la  route.  

Sinon  on  ne  peut  pas  y  arriver.  »  

 

Aborder  la  mort  est  

plus  difficile  avec  la  

famille  qu’avec  le  

patient  

 

«  Ce  n’est  pas   forcément  difficile  avec   les  patients.  C’est  plus  difficile  

avec  l’entourage.  Les  aidants  et  les  soignants.  »  

Les  non-­‐dits,  les  

désaccords  

entrainent  une  

mauvaise  prise  en  

charge  

«  à   partir   du   moment   ou   les   choses   sont   dites,   sont   claires,   sont  

établies,  là  on  peut  bosser  (…).  Maintenant  si  on  a  des  sons  de  cloches  

différents   (…)   il   y   aura   forcément  des  parasites   et   on  ne  pourra  pas  

travailler.  Donc  là  on  y  arrivera  pas…  »  

 

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115  

  Accompagner  un  

patient  jusqu’à  la  

mort  c’est  honorer  

un  contrat  de  

confiance  

 

«  Mais  c’est  une  impression  d’avoir  rempli  la  contrat.  Entre  le  patient  

et  moi  »  

«  ce  qui  m’importe  c’est  de  faire  en  sorte…  en  tous  cas  de  respecter  le  

plus  longtemps  possible,  le  plus  loin  possible  l’envie  des  patients  »  

A  propos  des  

soins  palliatifs  

en  général  

Accompagner,  

apaiser  

«  Pour  moi  l’idée  des  anxiolytiques  et  des  antalgiques  c’est  plutôt  pour  

accompagner  »  

«  L’idée  pour  moi  est  plus  d’apaiser  plutôt  que  de  faire  partir  »  

«  On  parle  de  soins  d’accompagnement  »  

 

Le  terme  de  soins  

palliatifs  évoque  la  

mort    

 

«  Palliatif   pour   eux   c’est   un   peu   raide   quand   même.   Palliatif   c’est  

vraiment  la  mort  »  

Les  soins  palliatifs  

sont  un  soutien  

pour  le  médecin  

 

A  propos   des  moyens   pour   gérer   les   difficultés  :  «  il   y   a   les   centres  de  

soins  palliatifs  »  

Les  soins  palliatifs  

peuvent  intervenir  

parallèlement  à  des  

soins  curatifs  

 

«  «  On   peut   parler   de   soins   palliatifs   chez   d’autres   patients,   comme  

ceux  qui  ont  des  problèmes  de  leucémie…  et  qui  actuellement  sont  de  

plus  en  plus  transfusés,  hospitalisés  (…)  donc  pour  ces  patients  on  est  

pas   encore   au   bout   du   bout   du   bout…  mais   ça   peut   faire   partie   des  

prises  en  charge  que  l’on  peut  envisager  »  

 

Les  soins  palliatifs  

sont  difficiles  

d’accès  pour  le  

médecin  traitant  

 

«  Alors  les  équipes  de  soins  palliatifs  existent…  mais  quelque  fois  c’est  

difficile…  La  notion  que  j’ai  c’est  que  c’est  difficile  d’y  accéder  »  

La  disponibilité  du  

médecin  influe  sur  

sa  vie  privée    

 

«  on  le  gère  (…),  soit  il  y  en  a  un  qui  ne  va  pas  à  la  piscine,  et  puis  on  a  

de  bonnes  nounous  qui  ont  les  épaules  solides  »  

A  propos  de  la  

gestion  de  la  vie  

privée  

La  relative  rareté  

des  prises  en  charge  

lourdes  évite  les  

conséquences  sur  la  

vie  privée  

A   propos   des   conséquences   de   la   disponibilité   du   médecin   sur   la   vie  

privée  :  «  Ce  n’est  pas  le  souci.  Et  puis  ce  n’est  pas  tous  les  jours  »  

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116  

3.2.2.9. Entretien  n°10  

 

ENTRETIEN  10  –  MEDECIN  10  

 

RUBRIQUES  

 

THEMES   EXTRAITS  VERBATIM  

L’accompagnement  

en  fin  de  vie  n’est  

jamais  un  bon  

souvenir  

 

«  Ce  n’est  jamais  des  bons  souvenirs  »  

La  mort  et  la  

souffrance  du  

patient  affectent  le  

médecin  

«  enfin  moi   je   trouve   que   c’est   très   difficile,   c’est   quelque   chose   qui  

m’atteint,  moi  »  

«  ça   m’atteint   parce   que   l’accompagnement   je   trouve   que   c’est  

quelque   chose   (…)   de   très   difficile,   ça   demande   beaucoup   (…)  

d’énergie)  

«  les   derniers   jours,   les   dernières   semaines   de   la   vie   de   quelqu’un,  

quand  on  est  médecin  de  famille,  (…)  quelque  part   je  vis  ça  avec  eux  

(…)  moi  je  suis  incapable  de  me  protéger  »  

«  je   me   souviens   quand   j’étais   à   l’hôpital   à   20   ans   les   premiers  

patients   qui   sont   morts   dans   mes   lits,   ça   était   quelque   chose   de  

très…  »  

«  Ce   n’est   pas   une   souffrance   insurmontable   (…)   mais   c’est   de   la  

tristesse,  oui  voilà…  et  puis  cet  espèce  de  plomb…  »  

 

Le  médecin  n’arrive  

pas  à  mettre  de  la  

distance  entre  ses  

émotions  et  sa  prise  

en  charge  

 

«  les   derniers   jours,   les   dernières   semaines   de   la   vie   de   quelqu’un,  

quand  on  est  médecin  de  famille,  (…)  quelque  part   je  vis  ça  avec  eux  

(…)  moi  je  suis  incapable  de  me  protéger  »  

Face  à  la  fin  de  

vie  et  à  la  mort  

Le  médecin  suit  un  

processus  de  deuil  

pendant  la  fin  de  vie  

de  son  patient  

 

«  moi  je  pense  que  le  processus  de  deuil  je  le  commence  avant…  avant  

la  famille…  »  

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117  

L’expérience  du  

médecin  affecte  la  

vision  qu’il  a  de  la  

mort  

«  (…)  quand  on  est   adolescent  on   considère   la  mort   comme  quelque  

chose   de   très   romantique   (…).   La   mort   c’est   pas   romantique   du  

tout  !  »  

«  Enfin   moi   en   tout   cas   j’ai   pris   ça   comme   quelque   chose   de   très  

violent.  De  très  très  violent.  »  

 

Le  médecin  

s’identifie  à  ses  

patients  en  fin  de  

vie  

 

«  c’est   toujours   difficile   de   (…)   voir   quelqu’un   partir…   alors   ça   peut  

être…  ma  propre  mort…  la  mort  des  gens  qui  sont  très  très  proches  »  

 

La  fin  de  vie  à  

domicile  doit  être  

un  choix  du  patient  

«  je  crois  que  la  première  chose  dont  il  faut  tenir  compte  c’est  quand  

même  «  qu’est  ce  que  veut  le  patient  ?  »  (…)  »  

Le  médecin  est  

ressenti  comme  le  

rempart  entre  le  

patient  et  la  mort  

«  il  y  a  des  patients  on  à  l’impression  qu’on  est  le  rempart  entre  eux  et  

leur  mort,  leur  angoisse  de  mort  »  

«  ce   n’est   pas   que  moi   je  me   ressens   comme   le   rempart  !   –   c’est   les  

gens   qui   vous   placent   comme   ça  ?   -­‐   oui   c’est   l’impression   que   j’ai   eu  

plusieurs  fois  »  

 

A  propos  des  

représentations  

du  patient  

Certains  patients  

trouvent  l’hôpital  

sécurisant  pour  leur  

fin  de  vie  

«  et  il  y  en  a  quelques  uns  vraiment  en  fin  de  vie…  on  sent  que…  d’être  

à  l’hôpital  c’est  quelque  chose  qui  les  sécurise  »  

La  famille  a  besoin  

d’être  rassurée  

«  il  y  a  toujours  des  réflexions  qui  sont  «  ah  ben  tu  vois  quand  même  

aujourd’hui  il  a  un  peu  mangé  »  (…)  

«  on  est  toujours  dans  la  communication,  à  essayer  d’expliquer  (…)  »  

 

La  rupture  avec  la  

famille  est  mal  

vécue  

 

«  et  après  c’est  quelqu’un  que  je  ne  plus  jamais  revue  (…),  alors  là  par  

contre  je  n’ai  pas  compris  »  

A  propos  des  

représentations  

de  la  famille  

La  rupture  avec  la  

famille  est  un  

moyen  pour  elle  de  

ne  pas  affronter  ses  

émotions  

 

 

«    et  après  c’est  quelqu’un  que   je  ne  plus   jamais  revue  (…),  peut  être  

aussi  que  c’est  être  attaché  à  des  choses  très  pénibles  »  

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118  

L’accompagnement  

en  fin  de  vie  est  une  

mission  du  médecin  

généraliste  

 

«  je  crois  que  ça  fait  partie  du  noyau  dur  de  notre  métier  »  

«  on  fait  bien  ce  que  l’on  avait  à  faire  »  

L’accompagnement  

en  fin  de  vie  est  

noble  

 

«  je  crois  que  ça  fait  partie  du  noyau  dur  de  notre  métier…c’est  aussi  

(…)  quelque  chose  de  noble  (…)  »  

L’accompagnement  

procure  au  médecin  

un  sentiment  de  

travail  accompli  

 

«  le   côté   positif   c’est   peut   être   de   se   dire  :   «  j’ai   bien   fait   mon   job  »  

voilà  »  

Le  médecin  est  

disponible  

«  C’est  des  patients  que  l’on  va  voir  quasiment  tous  les  jours  »  

A   propos   du   fait   de   laisser   son   numéro   de   téléphone  :   «  oui   oui,   ben  

oui…  alors   je  n’y  vais  pas  à   chaque   fois   (…)  mais  au  moins  quelques  

fois  ça  permet  de  donner  des  réponses,  d’évaluer  ce  qui  se  passe  et  de  

contrôler  l’angoisse  aussi  de  l’interlocuteur  »  

 

Le  médecin  a  besoin  

de  verbaliser  ses  

difficultés  

A  propos  de   la   façon  de  gérer   le  poids  des  prises   en   charge  :  «  et  bien  

j’en  parle…  moi  je  suis  marié  à  un  médecin  donc  je  peux  en  parler  avec  

mon  conjoint…  j’en  parle  aux  soignants  hospitaliers  »  

«  On  va  dire  des  choses  par  rapport  à  notre  ressenti  face  à  ce  type  de  

souffrance  »  

«  c’est  des  gens  à  qui   je  peux  dire  «  bouh,  c’est  dur   là,  c’est  difficile  »  

(…)  »  

La  diversité  de  

l’activité  du  

médecin  généraliste  

lui  permet  de  gérer  

la  lourdeur  de  ces  

prises  en  charge  

 

«  le   plus   d’accompagnements   que   l’on   peut   avoir   à   la   fois   c’est   peut  

être  2  ou  3  donc  c’est  gérable  »  

«  c’est  plutôt  quelque  chose  qui  me  donne  de   l’énergie   les  gens  !   (…)  

les  autres  m’en  donnent  !  »  

A  propos  de  son  

propre  travail  

de  prise  en  

charge  

L’échange  avec  

d’autres  

professionnels  est  

un  soutien  

«  Je  trouve  qu’avec  la  création  du  pôle  de  cancérologie  (…)  le  lien  qu’il  

peut  y  avoir  avec  l’infirmière  coordinatrice,  avec  les  oncologues…  (…)  

je  me  sens  beaucoup  moins  toute  seule  »  

«  on  a  besoin  de   tout   le  monde  parce  qu’on  a  besoin  de   ce  que  vont  

vous  dire  les  infirmiers  qui  passent  (…)  »  

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119  

  Les  expériences  

personnelles  

influent  sur  la  prise  

en  charge  

«  moi   j’ai   perdu   mes   parents   il   y   a   quelques   années   (…)   je   les   ai  

accompagné  en  tant  que  fille  (…)  la  vie  s’arrête  (…).  Toute  proportion  

gardée  c’est  quand  même  l’impression  que  j’ai  avec  certains  patients  »  

La  reconnaissance  

est  importante  pour  

le  médecin  

«  c’est  toujours  satisfaisant  quand  on  a  un  retour  du  patient  quand  il  

est   encore   là,   ou   de   sa   famille…   (…)   avec   des   gens   qui   nous  

remercient,   qui   continuent   à   partager   des   choses   avec   nous   (…)   àa  

c’est  important  pour  nous  »  

 

Les  rapports  entre  

le  médecin  et  le  

patient  sont  francs  

 

A  propos  d’un  patient  en  fin  de  vie  :  «  je  le  connaissais  très  bien  et  donc  

je  lui  disais  «  écoute  là  tu  me  fais  chier  »  (…)  

Le  médecin  ne  

change  pas  de  

comportement  vis  à  

vis  des  patients  en  

fin  de  vie  

 

«  parce   que   je   crois   qu’il   faut   absolument   continuer   à   communiquer  

comme  on  faisait  avec  eux…  il  ne  faut  pas  changé  son  attitude  »  

«  parce  que  c’est  perdre  à  mon  avis  ce  qui  est   la  relation  entre  êtres  

humains  »  

Le  médecin  ne  

cache  pas  ses  

émotions  

 

«  si   j’ai  envie  de  rester  une  demi  heure  de  plus  à  prendre  un  café…  à  

prendre  quelqu’un  dans  mes  bras…  ça  moi  je  le  fais  sans  difficultés  »  

«  on  soigne  comme  on  est  »  

«  si   j’ai  envie  de  rester  une  demi  heure  de  plus  à  prendre  un  café…  à  

prendre  quelqu’un  dans  mes  bras…  ça  moi  je  le  fais  sans  difficultés  »  

 

Le  médecin  est  

attaché  à  ses  

patients  

«  (…)  je  pense  qu’on  s’attache  aux  gens  (…)  c’est  pas  possible  de  faire  

autrement,  en  tous  cas  moi  il  m’est  impossible  de  faire  autrement  »  

«  les  gens  qu’on  aime  on  est  appelé  à   les  perdre.  Ou   il  ne   faut  aimer  

personne  »  

 

A  propos  des  

relations  avec  les  

patients  et  leurs  

familles  

 

Le  médecin  ne  

s’impose  pas  au  

patient  et  à  la  

famille  

«  ça  se  fait  le  plus  possible  en  fonction  des  désirs  du  patient  »  

«  je  crois  que  la  première  chose  dont  il  faut  tenir  compte  c’est  quand  

même  «  qu’est  ce  que  veut  le  patient  ?  »  (…)  »  

«  ce  qui  va  être  dit  en  amont  n’est  pas  forcément  la  même  chose  que  

ce  qui  va  se  produire  et  ce  qui  va  être  effectivement   le  désir   final  du  

patient  ou  de  la  famille  »  

A  propos  de  l’évocation  du  lieu  de  décès  :  «  je  pense  que  j’attends  que  ça  

vienne  »  

 

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120  

  Le  médecin  protège   «  on  est  toujours  dans  la  communication,  à  essayer  d’expliquer  et  puis  

essayer  de  protéger  un  petit  peu  malgré  tout  »  

 

Les  soins  palliatifs  

sont  des  soins  de  

confort  

 

«  on   est   dans   quelque   chose   qui   est   (…)   la   recherche   d’un   confort  

maximum  pour  le  patient  »  

A  propos  des  

soins  palliatifs  

en  général  

Les  soins  palliatifs  

impliquent  la  mort  

 

En   parlant   des   soins   palliatifs  :   «  en   sachant   que   la   fin   sera  

inéluctable  »  

 

 

 

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121  

3.2.2.10. Entretien  n°11  

 

ENTRETIEN  11  –  MEDECIN  11  

 

RUBRIQUES  

 

THEMES   EXTRAITS  VERBATIM  

Le  lieu  de  décès  est  

un  choix  personnel  

du  patient  

A  propos   du   lieu   de   fin   de   vie   et   de   décès«  c’est   un   choix   personnel…  

après  on  en  discute  avec  le  patient  (…)  avec  la  famille  »  

«  ça  dépend  vraiment  du  vœu  de  la  personne  »  

 

Le  médecin  est  plus  

affecté  par  les  

patients  jeunes  

 

«  j’ai   eu   voilà,   notamment   effectivement   des   patientes,   enfin   deux  

patientes  (…)  relativement  jeunes  …  donc  ça  marque  toujours  plus…  »  

Le  médecin  n’aime  

pas  les  prises  en  

charge  de  fin  de  vie  

 

«  moi  j’aime  pas  ça…  enfin  je  veux  dire…  on  fait  un  travail…  on  est  plus  

dans  la  vie  »  

Le  médecin  est  dans  

la  vie  

 

«  enfin  je  veux  dire…  on  fait  un  travail…  on  est  plus  dans  la  vie  »  

La  mort  est  un  

processus  naturel  

«  on  sait  que  la  mort  fait  aussi  partie  du  cycle  de  la  vie  »  

Le  médecin  est  

modérément  affecté  

par  la  mort  et  la  

souffrance  

 

«  je  pense  qu’on  ne  peut  pas  rester  de  marbre  non  plus…  je  pense  qu’il  

faut  quand  même  qu’on  ait  des  sentiments…  »  

«  de  la  tristesse  oui…  mais  bon  ça  ne  nous  affecte  pas  non  plus  dans  le  

sens  où  ce  n’est  pas  notre  famille  non  plus  »  

La  médecine  a  ses  

limites  

«  c’est   que   la   médecine   et   ben   malheureusement   on   ne   fait   pas   de  

miracle  non  plus  !  »  

La  mort  est  une  

fatalité  

«  si  ça  doit  arriver  et  ben  ça  arrive  »  

«  il   y   en   a   qui   étaient   destinés   à   mourir   et   qui   ne   meurent   pas   ey  

d’autres  qui  n’y  étaient  pas  et  qui  meurent  »  

Face  à  la  fin  de  

vie  et  à  la  mort  

L’accompagnement  

en  fin  de  vie  peut  

être  un  bon  

souvenir  

A   propos   de   cette   notion   de   bon   souvenir  :     «  oui,   par   rapport   aux  

relations   avec   les   familles   (…)   on   en   reparle   après   de   la   personne…  

j’essaie  toujours  de  rappeler  les  bons  moments  »  

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122  

La  mort  peut  être  

paisible  

«  il   est   mort   au   cabinet…   sur   la   chaise   en   attendant   que   je   sors   de  

consult…  (…)  c’est  la  plus  belle  mort  qu’il  pouvait  souhaiter  »  

 

Le  médecin  est  dans  

l’espoir  

«  finalement   il  y  a  des  gens  qui  au  bout  du  protocole  (de  traitement)  

vont  bien,  sont  en  rémission  pendant  des  années  »  

 

 

Le  médecin  ne  

s’identifie  pas  à  ses  

patients  

A  propos  d’un  transfert  éventuel  :  «  oui  mais  bon  je  crois  qu’à  partir  de  

là  si  on  commence  à  penser  ça,  on  ne  fait  plus  ce  métier,  si  à  chaque  

fois  on  se  transfère  sur  la  personne  »  

 

Les  patients  ne  

pensent  pas  à  la  

mort,  ils  sont  dans  

le  combat  contre  la  

maladie  

 

A  propos  de   l’évocation  de   la   fin  de   vie   et  du  décès  :  «  je  pense  que   je  

pose   la   question,   parce   que   c’est   souvent   des   questions   qui   ne   leur  

viennent  pas  à  l’esprit  parce  que  eux  ils  veulent  se  battre  encore  »  

Les  soins  palliatifs  

sont  synonymes  de  

décès  

 

«  par  contre  pour  les  gens  quand  ils  sont  en  soins  palliatifs  ils  savent  

que  c’est  la  fin  »  

A  propos  des  

représentations  

du  patient  

Les  patients  

n’acceptent  pas  la  

mort  

«  c’est   tout   le   problème   de   fin   de   vie   que   les   gens   forcément  

n’acceptent  pas  et  qui  (…)  essaient  de  tout  faire  pour  que  d’un  coup  il  

y  ait   cette  possibilité  de  vie   (…)  alors  que  pour   le   coup  ce  n’est  plus  

possible  »  

Les  conflits  ou  

rupture  avec  les  

familles  sont  un  

moyen  de  ne  pas  

affronter  leurs  

émotions  

A   propos   d’une   rupture   avec   une   famille   après   le   décès   d’un   patient  :  

«  dans   un   cas   comme   ça   je   le   comprends   parce   que   ça   fait   toujours  

mal  (…)  après  je  me  dis  c’est  peut  être  une  réaction  aussi  de  quand  on  

nous  vous  de  revoir  la  personne  »  

«  il  est  revenu  pour  des  papiers  d’assurance  et  il  est  encore  convaincu  

que…  on  a  pas  fait  le  travail…  »  

«  la  colère  c’est  la  non  acceptation  du  décès  (…)  peut  être  qu’on  ne  les  

a   pas   assez   préparé   ou   peut   être   que   c’est   vraiment   le   refus   quand  

même  »  

 

A  propos  des  

représentations  

de  la  famille  

La  colère  des  

familles  leur  

empêche  de  profiter  

de  leur  proche  

«  et  donc  lui  pour   le  coup  c’est  dommage  parce  qu’il  est  passé  à  côté  

de   sa   femme…  des  moments   qu’il   aurait   pu  passer   avec   elle   et   lui   il  

était  dans  la  colère  (…)  il  est  passé  à  côté  »  

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123  

Le  médecin  est  

empathique  

 

«  c’est   ce   que   je   leur   dis  :   «  il   n’y   a   pas   de   mots   dans   la   peine  »,  

«  chacun  vit  sa  peine  »…  mais  après…  on  essaie  de  les  préparer  »  

Les  échanges  avec  

les  professionnels  

de  santé  sont  un  

soutien  pour  le  

médecin  

 

«  moi   je   suis   très   téléphone  donc  de   toute   façon  quand   j’au  un  souci  

j’appelle   les  médecins  hospitaliers  en  disant  :  »voilà,  qu’est   ce  que   je  

peux  faire  de  mieux  »  (…)  »  

«  je  pense  que  voilà  quand  on  est  en  difficulté  c’est  aussi  d’avoir…   le  

réseau  et  de  se  sentir  soutenu,  épaulé  »  

A  propos  de  son  

propre  travail  

de  prise  en  

charge  

Le  médecin  a  besoin  

de  verbaliser  

«  oui  j’en  parle  en  général  quand  je  rentre…  je  dis  à  mon  mari…  »  

«  quand  j’ai  un  dossier  compliqué  j’en  parle…  je  parle  beaucoup  aussi  !  

donc  il  prend  ce  qu’il  veut  c’est  pas  grave  !  »  

Les  relations  avec  

les  familles  sont  

difficiles  

«  c’est  surtout  la  famille  qui  est  difficile  à  prendre  en  charge  »  

«  et  là  c’est  la  panique,  ils  veulent  l’hospitalisation  ou  après  ils  nous  en  

veulent  »  

«  quelques  fois  ça  arrive  d’avoir  de  la  colère  après  nous  »  

 

Le  médecin  aborde  

spontanément  la  fin  

de  vie  et  la  mort  

 A  propos  de   l’évocation  de   la   fin  de  vie  et  du  décès  :  «  je  pense  que   je  

pose   la   question,   parce   que   c’est   souvent   des   questions   qui   ne   leur  

viennent  pas  à  l’esprit  »  

 

La  connaissance  de  

l’histoire  

personnelle  du  

patient  et  de  sa  

famille  facilite  la  

prise  en  charge  

 

«  comme  c’est  gens  là  moi  je  ne  connaissais  pas  toute  leur  famille  donc  

après   on   sait   pas   tout   le   vécu   qu’ils   ont   ensemble   donc   il   y   a   des  

choses  qu’on  a  du  mal  à  aborder,  qu’on  a  pas  abordé  »  

La  connaissance  de  

l’histoire  

personnelle  du  

patient  entraîne  un  

attachement  du  

médecin  

 

«  on   est   toujours   plus   affecté   plus   on   connaît   leur   histoire,   plus   on  

connaît  la  famille,  (…)  »  

«  forcément   (…)   parce   que   du   coup   on  met   plus   de   sentiment   (que)  

(…)  quelqu’un  qu’on  connaît  pas  »  

A  propos  des  

relations  avec  les  

patients  et  leurs  

familles  

 

Le  médecin  ne  

s’impose  pas  au  

patient  et  à  sa  

famille  

A  propos  du  lieu  de  décès  :  «  c’est  un  choix  personnel…  non  non  en  rien  

j’impose   et   je   ne   vois   pas   en   quoi   on   aurait   le   droit   d’imposer   là  

dessus  quoi  que  ce  soit  »  

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124  

  Le  médecin  garde  

ses  distances  

«  mais  bon  ça  ne  nous  affecte  pas  non  plus  dans  le  sens  où  ce  n’est  pas  

notre   famille   non   plus.   Je   veux   dire   on   a   appris   à   garder   nos  

distances  »  

 

Les  soins  palliatifs  

sont  une  spécialité  

hospitalière  

 

«  c’est  ce  qu’ils  ont  instaurés  en  milieu  hospitalier  »  

«  le   terme   de   soins   palliatifs   pour   moi   c’est   un   service   hospitalier  

spécialisé  »    

Soins  palliatifs  sont  

des  soins  de  

confort,  de  lutte  

contre  la  souffrance  

 

«  qu’est   ce   qu’on   appelle   soins   palliatifs,   c’est   de   toute   façon   que   la  

personne  ne  souffre  pas,  qu’elle  soit  au  mieux…  »  

A  propos  des  

soins  palliatifs  

en  général  

Les  soins  palliatifs  

ne  sont  pas  

exclusifs  de  l’hôpital  

«  c’est   le  but  de   tout  médecin  que  son  patient  ne  souffre  pas  et  qu’il  

soit  au  mieux…  donc  oui  …  c’est  ce  qu’on  essaie  de  faire  »  

A  propos  de  la  

gestion  de  la  vie  

privée  

L’éventuelle  

affectation  du  

médecin  dans  ses  

prises  en  charge  n’a  

pas  d’influence  sur  

sa  vie  personnelle  

 

«  je  pense  qu’on  ne  peut  pas  rester  de  marbre  non  plus…  je  pense  qu’il  

faut   quand   même   qu’on   ait   des   sentiments…  voilà   mais   quand   je  

reviens…   je   fais   ma   vie   avec  mes   enfants,   mon  mari…   je   pense   que  

c’est  pas  forcément  plus  dur  »  

 

 

 

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125  

3.2.3. Analyse   thématique   transversale   de   l’ensemble   du  

corpus  

  C’est   à  partir  de   l’étude  des   relevés  de   thèmes  que  nous  venons  de  présenter  que  

nous   avons   mis   en   évidence   les   ensembles   saillants   et   abordé   la   phase   d’analyse  

transversale   du   corpus.   Une   lecture   flottante   entre   les   relevés   de   thèmes   a   permis   de  

constituer   des   axes   de   réflexion   thématiques   autour   de   leurs   convergences,   de   leurs  

complémentarités  voire  de  leurs  oppositions.    

  Les  ensembles  saillants  sont  donc  présentés  sous   formes  de  neuf  axes  thématiques  

de  réflexion  qui  participeront  à  la  construction  de  l’arbre  thématique  à  venir.  Il  s’agit  d’une  

étape  clairement  et  volontairement  plus  interprétative  que  la  précédente.  

  La   pertinence   du   choix   des   axes   est   systématiquement   expliquée   et   trouve   sa  

justification   dans   les   tableaux   reprenant   les   thèmes   des   relevés  ;   la   robustesse   de  

l’argumentation  est  appuyée  par   les  extraits  de  verbatim   les  plus  signifiants  (le  numéro  de  

l’entretien  est  repris  entre  parenthèses).    

  Il   est   important   de   noter   que   les   axes   thématiques   de   réflexion   se   recoupent  

fréquemment,   alimentés   par   des   thèmes   communs.   C’est   grâce   à   ses   recoupements   que  

nous  construirons  notre  arbre  thématique.  

 

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126  

3.2.3.1. Axe  n°1  :  EMOTIONS  ET  SENTIMENTS  GENERES  PAR  LA  

PRISE  EN  CHARGE  DE  LA  FIN  DE  VIE  

  La  confrontation  à  la  fin  de  vie,  à  la  souffrance  et  à  la  mort  génère  chez  les  médecins  

généralistes   des   émotions   et   des   sentiments   que   l’analyse   des   relevés   de   thèmes   nous  

permet  de  mettre  en  évidence.  

  Nous   proposons   une   articulation   de   ces   émotions   et   sentiments   autour   de   deux  

dimensions  simples   qui   s’opposent  :   ceux   qui   sont   plutôt   positifs   et   ceux   qui   sont   plutôt  

négatifs.  Nous  illustrons  la  pertinence  de  notre  articulation  par   la  consignation  des  thèmes  

relevés  correspondants  ainsi  que  des  extraits  de  verbatim.    

 

  Thèmes  issus  des  

relevés  

Extraits  de  verbatim  

POSITIF  

Soulagement   La  mort  soulage  le  

médecin.  

«  quand  on  le  voit  partir  dans  la  paix  on  est  un  peu  soulagé,  

il  y  a  un  soulagement  »  (8)  

Satisfaction   Le  décès  entraîne  un  

sentiment  de  

satisfaction.    

 

L’accompagnement  

donne  le  sentiment  de  

travail  accompli.  

«  Et  l’époux  était  apaisé,  (…)  il  était  parti,  il  était  détendu.  

Et  ça  ça  fait  plaisir…  même  si  la  fin  est  triste  »  (9)  

«  Quand  la  bougie  s’éteint  comme  ça…  pour  moi  ça  va  »  (9)  

«  Le  plus  positif  c’est  de  se  dire  :  j’ai  bien  fait  mon  job,  

voilà  »  (10)  

Bon  souvenir   L’accompagnement  peut  

être  un  bon  souvenir.  

 

La  fin  de  vie  

enrichissante.  

«  oui  oui,  là  j’en  ai  gardé  un  bon  souvenir  »  (3)  

«  les  accompagnements  dont  je  garde  un  bon  souvenir…  

c’est  les  accompagnements  pour  lesquels  on  a  pu  respecter  

la  volonté  des  gens  »  (2)  

«  sur  le  plan  humain  c’est  très  enrichissant  pour  le  

médecin  »  (8)  

«  alors  c’est  un  bon  souvenir  parce  que  (…)  on  a  

l’impression  d’être  utile  au  patient  »  (8)  

«  oui  oui,  sur  le  plan  professionnel  c’est  agréable  »  (6)  

Fierté   L’accompagnement  est  

noble.  

«  je  crois  que  ça  fait  partie  du  noyau  dur  de  notre  métier…  

c’est  aussi  (…)  quelque  chose  de  noble  »  (10)  

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127  

L’accompagnement  est  

valorisant.  

«  je  pense  que  c’est  valorisant  pour  soi-­‐même  »  (1)  

Humilité   Le  médecin  est  humble.  

 

L’humilité  est  source  de  

sérénité.  

«  on  avoue  aux  gens,  en  toute  humilité,  que  l’on  a  vraiment  

fait  le  maximum  pour  eux  au  niveau  (…)  médecine  

curatrice  »  (8)  

A  propos  de  la  prise  de  conscience  du  médecin  de  la  

importance  sa  présence  pour  rassurer  :  «  ça  me  touche  de  

voir  que  c’est  parfois  presque  disproportionné  »  (7)  

«  malheureusement  le  diagnostic  ne  nous  appartient  plus  »  

(2)  

«  l’humilité  me  permet  d’être  plus  serein  »  (2)  

Attachement   Le  médecin  est  attaché  à  

ses  patients.  

«  je  pense  que  l’on  s’attache  vite  »  (3)  

«  c’était  douloureux  parce  que  je  l’aimais  beaucoup  »  (3)  

NEGATIF  

Souffrance   La  mort  et  souffrance  

sont  source  de  douleur.  

 

La  mort  et  la  souffrance  

affectent  le  médecin.  

 

Le  médecin  retient  les  

expériences  négatives  ou  

douloureuses.  

«  ce  n’est  jamais  des  bons  souvenirs  (…)  c’est  trop  

difficile  »  (10)  

«  c’est  douloureux  d’être  auprès  d’une  personne  

douloureuse  »  (8)  

«  le  médecin  souffre,  pas  au  sens  de  la  douleur  mais  souffre  

quand  même  avec  son  patient  »(8)  

«  moi  je  trouve  que  c’est  très  difficile,  il  y  a  quelque  chose  

qui  m’atteint  moi  »  (10)  

«  quelque  part  je  vis  ça  avec  eux,  (…)  moi  je  suis  incapable  

de  me  protéger  »  (10)  

Tristesse   La  mort  et  la  souffrance  

affecte  le  médecin.  

«  vous  me  demandiez  si  j’étais  triste  quand  on  perd  un  

patient…  oui  »(8)  

«    (…)  même  si  je  suis  triste  de  les  avoir  perdus  »  (9)  

«  Ce  n’est  pas  une  souffrance  insurmontable  (…)  mais  c’est  

de  la  tristesse  (…)  »  (10)  

Révolte,  

injustice  

La  mort  d’un  patient  

jeune  est  révoltante.  

 

La  mort  d’un  patient  

jeune  n’est  pas  dans  la  

logique  des  choses.  

«  voilà,  elle  est  morte,  elle  n’avait  que  23  ans,  c’es  terrible.  

Elle  n’aurait  jamais  dû  mourir  cette  petite  jeune  fille  »  (2)  

«  quand  il  y  a  la  mère  qui  est  là,  qui  sait  que  sa  fille  va  

décéder,  ce  n’est  pas  dans  la  logique  des  choses  »  (3)  

«  il  y  a  quelque  part  un  sentiment  d’injustice  »  (7)  

Solitude   Le  médecin  est  seul  face  

à  ses  émotions.  

«  on  est  pas  bien,  on  est  pas  bien…  on  est  seul  par  

moment  »  (3)  

«  on  est  souvent  très  seul  par  rapport  à  l’émotion  que  l’on  

peut  ressentir…  ou  alors  je  suis  trop  émotive  »  (3)  

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128  

Echec   La  mort  à  l’hôpital  est  un  

échec.  

 

La  mort  du  patient  est  

un  échec.  

«  forcément  on  ne  les  a  pas  guéris  (…)  un  semi  échec.  Moi  

quand  j’ai  fait  mes  études  de  médecine  (…)  le  docteur  était  

là  pour  guérir.  Je  me  suis  aperçu  après  qu’on  ne  pouvait  

pas  tout  guérir.  »  (9)  

Deuil   Le  médecin  vit  

également  un  deuil.  

«  (…)  on  voit  l’évolution  cognitive  de  ces  gens  au  fur  et  à  

mesure  de  l’évolution  de  la  maladie…  ça  s’apparente  à  un  

deuil  »  (8)  

Lourdeur   La  confrontation  à  la  

souffrance  est  un  poids  à  

porter  

«  «  c’est  une  histoire  qu’on  porte,  c’est  deux  histoires,  c’est  

cinq  histoires,  c’est  dix  histoires…  »(3)  

«  Et  puis  on  porte  pas  mal  de  choses  à  bout  de  bras  »  (3)  

«    (…)  c’est  de  la  tristesse…  et  puis  cet  espèce  de  plomb  »  

(10)  

Crainte   Le  médecin  craint  les  

reproches  de  la  famille.  

«  les  gens  sont  assez  procéduriers  »  (8)  

«  il  suffit  que  vous  ne  fassiez  pas  les  choses  au  maximum  

pour  qu’il  y  ait  un  membre  de  la  famille  (…)  qui  vous  fasse  

des  reproches  »  (8)  

Gêne   Evoquer  la  mort  est  

tabou  

«  la  fin  de  vie,  non,  en  20  ans  d’installation  je  n’ai  jamais  eu  

l’occasion  véritablement  d’aborder  ce  sujet  »  (7)  

«  je  ne  pose  pas  de  question  sur…  sur  la  mort  »  (7)  

«  C’est  un  aspect  qui  m’a  toujours  dérangé  en  fait…  «  (7)  

«  je  suis  un  petit  peu  mal  à  l’aise  pour  aborder  ce  sujet  »  

(7)  

  Les  émotions  et   les  sentiments  relevés  dans   les  récits  des  médecins  sont  nombreux  

et  extrêmement  nuancés.  Ils  sont  l’expression  même  du  vécu  et  du  ressenti.  Nous  mettons  

en  évidence   ici   l’ambivalence  qu’engendre   la  prise  en  charge  de  patients  en  fin  de  vie.  Les  

médecins  sont  constamment  partagés  entre  des  sentiments  positifs  et  négatifs.  Nous  avons  

même  pu  parfois  percevoir,  dans  certains  entretiens,  un  sentiment  de  culpabilité  à  ressentir  

des  émotions  positives  dans  ces  prises  en  charge.  

  Nous  proposons  de  commencer  la  construction  de  l’arbre  thématique  à  partir  de  cet  

axe  qui  identifie  les  sentiments  et  les  émotions.  Nous  avançons  qu’ils  constituent  l’essence  

même  de  l’expression  du  vécu  et  du  ressenti  des  médecins  généralistes  dans  la  leur  prise  en  

charge  de  patients  en  fin  de  vie.  La  richesse  et  la  diversité  des  émotions  et  des  sentiments,  

leurs  complémentarités,  leurs  ambivalences  et  parfois  leurs  oppositions  se  retrouvent  dans  

chacun  des  entretiens.  Les  sentiments  et  les  émotions  pourront  par  conséquent  constituer  le  

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tronc   de   notre   arbre   thématique.   Nous   y   distinguerons   les   émotions   et   les   sentiments  

ressentis   et   exprimés   comme   étant   positifs,   et   ceux   ressentis   et   exprimés   comme   étant  

négatifs.  

  Nous  commençons  ainsi  la  construction  de  notre  arbre  :  

 

EMOTIONS  ET  SENTIMENTS  GENERES  

RESSENTIS  POSITIFS  •  Soulagement  •  Satisfaction  • Bon  souvenir  •  Fierté  • Humilité  • Attachement  

RESSENTIS  NEGATIFS  •  Souffrance  • Tristesse  • Révolte  et  injustice  •  Solitude  • Echec  • Deuil  •  Lourdeur  • Crainte  • Gêne  

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3.2.3.2. Axe  n°2  :  LA  PLACE  DE  L’EXPERIENCE  DU  MEDECIN  

  L’étude  attentive  des  entretiens  fait  ressortir,  à  de  nombreuses  reprises,  des  thèmes  

en  lien  avec  l’expérience.  Nous  parlons  ici  de  l’expérience  au  sens  large  du  terme,  et  non  pas  

uniquement  de   l’expérience  de   la  confrontation  à   la   fin  de  vie.  Qu’elle  soit  personnelle  ou  

professionnelle,   l’expérience   représente   donc   visiblement   pour   les   médecins   un   aspect  

important  intervenant  dans  la  prise  en  charge  des  patients.  

  Nous   proposons   ici   deux   ensembles   thématiques   saillants   relatifs   à   l’expérience  :  

d’une  part,   les   thèmes  qui   l’abordent  comme  une  aide  et  un  soutien  dans   la  gestion  de   la  

prise  en  charge,  et  d’autre  part,  ceux  la  présentant  comme  une  charge  pour  le  médecin.  La  

distinction   de   ces   deux   aspects   est   guidée   par   la   façon   dont   les  médecins   expriment   leur  

vécu  de  leur  prise  en  charge  dans  les  entretiens.  

  Thèmes  issus  des  

relevés  

Extraits  de  verbatim  

SOUTIEN  :  L’EXPERIENCE  COMME  UNE  RICHESSE  

Constitution  

d’une  carapace  

L’expérience  blase  le  

médecin.  

 

«  on  est  relativement  blasé  »  (4)  

«  au  bout  d’un  certain  temps  on  a  une  forme  d’émotion  qui  

est  tout  à  fait  différente  par  rapport  à  quelqu’un  qui  

commence  »  (4)  

«  on  est  pas  blasé  de  la  douleur,  (…)  mais  on  la  gère  

différemment,  on  est  capable  de  faire  abstraction  »    (4)  

Dissociation  de  

l’affect  et  de  

l’action  

L’expérience  permet  au  

médecin  de  dissocier  son  

affect  de  sa  prise  en  

charge.  

«  C’est  impitoyable  !  C’est  très  net  !  En  aucune  façon  mon  

ressenti  affectif  n’affecte  ma  décision  médicale  »  (2)  

«  mon  vécu  médical  me  permet  maintenant  de  plus  

respecter  la  distance  même  si  cela  me  touche  »  (2)  

Constitution  

d’un  référentiel  

L’expérience  personnelle  

influence  la  prise  en  

charge.  

 

L’expérience  personnelle  

l’aide  dans  sa  prise  en  

charge.  

«  moi  je  l’ai  vécu  dans  ma  famille  où  il  y  a  eu  des  choses  

douloureuses...  (…)  Il  faut  du  temps…  pour  digérer  (…)  je  

comprends  tout  à  fait  que  le  médecin  puisse  être  associé  à  

une  douleur  »  (3)  

«  vous  savez  j’ai  36  ans  d’installation  !  C’est  mon  

expérience  !  »  (8)  

«  Il  y  a  forcément  une  part  personnelle.  Moi  j’ai  assisté  au  

décès  de  ma  grand-­‐mère  à  la  maison.  (…)  les  choses  

étaient  claires  »  (9)  

 

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131  

CHARGE  :  LE  POIDS  DU  PASSE  

Exacerbation  

de  la  sensibilité  

L’expérience  ne  blinde  

pas  le  médecin  au  

contraire  

«  plus  le  temps  passe,  plus  c’est  difficile  à  la  limite  pour  

moi…  »  (3)  

«  c’est  une  histoire  qu’on  porte,  c’est  deux  histoires,  c’est  

cinq  histoires,  c’est  dix  histoires…  »  (3)  

«  j’ai  l’impression  qu’avec  le  temps,  à  la  limite  c’est  plus  

douloureux  que  quand  j’avais  30  ans  »  (3)  

Perte  des  

illusions  de  la  

jeunesse  

L’expérience  modifie  la  

vision  d’une  mort  

romantique  

«  (…)  quand  on  est  adolescent  on  considère  la  mort  comme  

quelque  chose  de  très  romantique  (…).  La  mort  c’est  pas  

romantique  du  tout  !  »  

(10)  

 

  Que   ce   soit   de   manière   directe   ou   non,   consciemment   ou   inconsciemment,   les  

médecins   s’appuient   constamment   sur   leurs   expériences   professionnelles   ou   personnelles  

dans  leurs  prises  en  charge.  Elles  sont  ressenties  de  façon  positive  ou  négative  et  influent  sur  

la  façon  dont   le  médecin  vit   la  prise  en  charge.  Ainsi  un  médecin  qui  exprime  qu’il  n’  «  est  

pas  blasé  de  la  douleur,  (…)  mais  [  qu’il  ]  (…)  la  gère  différemment,  [et  qu’il]  (…)  est  capable  

de  faire  abstraction  »  (n°4),  ressent  que  son  expérience  l’aide  à  gérer  ses  émotions  dans  ses  

prises  en  charge.  Ailleurs,  elle  sera  vécue  comme  un  poids  difficile  à  porter  dans  les  prises  en  

charge  de  patients  en  fin  de  vie  :  «  c’est  une  histoire  qu’on  porte,  c’est  deux  histoires,  c’est  

cinq  histoires,  c’est  dix  histoires…  »  (n°3),  «  j’ai  l’impression  qu’avec  le  temps,  à  la  limite  c’est  

plus  douloureux  que  quand  j’avais  30  ans  »  (3).  

 

  Nous   comprenons   avec   l’analyse   de   cet   axe   que   l’expression   de   l’influence   de  

l’expérience  par  le  médecin  témoigne,  d’une  part,  du  vécu  que  le  médecin  a  de  sa  prise  en  

charge  des  patients  en  fin  de  vie  et,  d’autre  part,  de  son  ressenti.  

 

 

 

 

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132  

 

  A  partir  de  ce  nouvel  axe  thématique  nous  construisons  ce  qui  sera  une  branche  de  

l’arbre  thématique  :  

 

 

 

EXPERIENCES  VECUES  

RICHESSE  DE  L’EXPERIENCE  

Constitution  d'une  carapace  

Dissociation  de  l'affect  et  de  l'action  

Constitution  d'un  référentiel  

POIDS  DU  PASSE  

Exacerbation  de  la  sensibilité  

Perte  des  illusions  de  jeunesse  

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3.2.3.3. Axe  n°3  :  LE  SENS  DE  LA  VIE,  A  LA  FIN  

  L’analyse  du  corpus  fait  émerger  des  thèmes  convergeant  vers  ce  que  nous  pourrions  

qualifier  de  concepts.  De  façon  récurrente,  les  thèmes  abordés  évoquent  la  mort  ou  la  fin  de  

vie  d’une   façon  générale,  abstraite,  détachée  d’un  cas  particulier  ou  de   l’expérience.  Ainsi  

certains  thèmes  abordent   le  concept  de   la  mort,  ou  encore   le  concept  de   la   fin  de  vie  tels  

qu’ils  sont  ressentis  et  exprimés  par  le  médecin  généraliste.  

  Nous  avons  donc  étudié  ces  deux  ensembles  saillants  autour  du  concept  de  la  mort  et  

du  concept  de  la  fin  de  vie  et  les  avons  réunis  sous  cet  axe  thématique  que  nous  nommons  :  

le  sens  de  la  vie,  à  la  fin.  

 

 Thèmes  issus  des  

relevés  Extraits  de  verbatim  

CONCEPTIONS  DE  LA  MORT  

La  sérénité   La  mort  paisible.  

 

La  mort    est  un  

processus  naturel.  

 

La  mort  est  libératrice.  

«  quand  on  le  voit  partir  dans  la  paix  on  est  un  peu  soulagé  »  (8)  

«  il  est  mort  à  son  domicile  paisiblement,  entouré  de  sa  famille  »  

(1)  

«    ça  c’est  très  bien  passé.  La  personne  est  décédée  

tranquillement,  tout  doucement…  Ca  se  passe  souvent  très  

bien…  »  (1)  

«  il  est  mort  à  son  domicile  paisiblement,  entouré  de  sa  famille  »  

(1)  

«  on  sait  que  la  mort  fait  aussi  partie  du  cycle  de  la  vie  »  (11)  

«  quand  ils  sont  en  fin  de  vie  comme  ça  (…)  ils  en  ont  tellement  

marre  (…  )  je  dirais  qu’ils  sont  contents  de  mourir  (…)  je  pense  

pas  que  ça  les  angoisse  »  (1)  

La  violence   Mort  douloureuse.  

 

La  mort  qui  affecte.  

 

«  Enfin  moi  en  tout  cas  j’ai  pris  ça  comme  quelque  chose  de  très  

violent.  De  très  très  violent.  »  (10)  

«  le  médecin  souffre,  pas  au  sens  de  la  douleur  mais  souffre  

quand  même  avec  son  patient  »(8)  

«  moi  je  trouve  que  c’est  très  difficile,  il  y  a  quelque  chose  qui  

m’atteint  moi  »  (10)  

«  quelque  part  je  vis  ça  avec  eux,  (…)  moi  je  suis  incapable  de  

me  protéger  »  (10)  

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L’injustice   La  mort  injuste.  

 

La  mort  révoltante.  

 

«  voilà,  elle  est  morte,  elle  n’avait  que  23  ans,  c’es  terrible.  Elle  

n’aurait  jamais  dû  mourir  cette  petite  jeune  fille  »  (2)  

«  quand  il  y  a  la  mère  qui  est  là,  qui  sait  que  sa  fille  va  décéder,  

ce  n’est  pas  dans  la  logique  des  choses  »  (3)  

La  fatalité   La  mort  est  une  fatalité.   «  (…)  malheureusement  on  est  acculé  à  une  fatalité  »  (8)  

«  il  y  en  a  qui  étaient  destinés  à  mourir  et  qui  ne  meurent  pas  et  

d’autres  qui  n’y  étaient  pas  et  qui  meurent  »  (11)  

L’échec   La  mort  du  patient  

reste  un  échec  du  

médecin.  

«  forcément  on  ne  les  a  pas  guéris…  (…)  un  semi  échec.  .  Moi  

quand  j’ai  fait  mes  études  de  médecine,  on  me  disait  que  le  

médecin  était  tout  puissant.  (…)  Le  docteur  était  là  pour  guérir.  

Je  me  suis  aperçu  après  qu’on  ne  pouvait  pas  tout  guérir…  »  (9)  

CONCEPTIONS  DE  LA  FIN  DE  VIE  

Une  perte   Perte  d’envie.  

 

Perte  de  conscience.  

«  il  y  a  aussi  le  fait  que  les  gens  n’ont  plus  envie  de  vivre.  Ils  

n’ont  plus  de  ressort  »  (1)    

«  la  fin  de  vie  c’est  quand  on  ne  peut  plus  correspondre,  qu’on  

ne  peut  plus  décider  de  soi-­‐même  »  (2)  

A  propos  du  moment  où  le  médecin  parle  de  fin  de  vie  :  «  quand  

elle  est  tombée  dans  le  coma  (…)  elle  ne  pouvait  plus  

s’exprimer  »  (3)  

Un  abandon  

du  patient    

Découragement.  

 

Résignation.  

 

Gagner  du  temps  n’est  

pas  un  objectif.  

«    (…)  et  après  malheureusement  c’est  la  phase  de  

découragement  (…).  Alors  on  s’oriente  un  peu  vers  la  fin  de  vie.  

Du  découragement  on  arrive  à  la  phase  de  résignation  »  (8)  

«  mais  bon  ça  servait  à  quoi  ?  On  aurait  gagné  1  mois,  on  aurait  

gagné   3   mois  ?   Elle   ne   souffrait   pas.   Ca   ne   servait   à   rien   de  

plus  »  (1)  

Une  atteinte  

de  soi  

Fin  de  vie  dégradante   «  il  faut  leur  donner  quand  même  une  image  un  peu  plus  

supportable  que…  qu’une  image  de  quelqu’un  en  fin  de  vie  (…)  »  

(4)  

Un  moment  de  

rapprochement  familial    

«  ça  a  permis  à  la  famille  de  se  retrouver  dans  cette  intimité  »  

(7)  

«  (…)  ils  ont  eu  le  temps  de  dire  au  revoir  à  leurs  familles  »  (9)  

«  je   leur   ai  dit   qu’il   fallait   en  profiter,   que   ça  n’allait   pas  durer  

longtemps…  Donc  ils  sont  restés  plus  longtemps.  »  (3)  

La  préservation  du  

souvenir  

«  Donc  il  faut  essayer  de  préserver  le  souvenir  de  la  personne  

vis  à  vis  de  l’entourage  et  surtout  vis  à  vis  des  enfants  »  (4)  

Un  moment  

de  partage  

Un  partage  spirituel   A  propos  du  fait  de  parler  de  la  mort  avec  un  patient  :    «  je  voyais  

ça  plutôt  un  peu  schématiquement  dans  la  bouche  d’un  curé  !  …  

qui  est  plutôt  là  pour  la  paix  de  l’âme  »  (7)  

«  ne  pas  avoir  mal  de   façon  à   ce  que   le  patient  puisse  aborder  

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  cette  étape  là  soit  avec  la  famille,  soit  éventuellement  sur  le  plan  

religieux  »  (7)  

«  même   si   on   est   athée,   agnostique,   on   a   quand   même   une  

spiritualité,  une  philosophie,  alors  de  temps  en  temps  on  peut  y  

faire  une  petite  allusion,  et  leur  dire  (…)  «  vous  êtes  croyants  ?  »  

(…)  voilà  on  peut…  »  (8)  

Toujours  la  

vie  

La  vie  est  toujours  

présente  même  à  la  fin  

 

«  je  suis  obligée  de  le  booster  pour  qu’il   fasse  des  trucs  et  qu’il  

ne  soit  pas  tout  le  temps  dans  la  maladie,  il  y  a  la  vie  qui  est  là  »  

(3)  

 

  Nous  découvrons  dans  ce  tableau  que  les  conceptions  qu’expriment  les  médecins  de  

la  mort  et  de   la   fin  de  vie   sont   complexes,  nuancées  et   s’opposent  parfois.  Nous  pouvons  

avancer   qu’elles   sont   le   fruit   d’une   expérience,   d’une   éducation,   d’une   culture   et   de   la  

théorisation   implicite  qui   en  découle.  Dans   les   récits   étudiés,   elles   sont   souvent   affirmées  

comme   des   vérités   péremptoires  :   «  quand   ils   sont   en   fin   de   vie   comme   ça   (…)   ils   en   ont  

tellement   marre   (…   )   je   dirais   qu’ils   sont   contents   de   mourir   (…)   je   pense   pas   que   ça   les  

angoisse  »   (n°1).   Cette   affirmation   semble   dire   que   la   mort   est   libératrice.   Le   médecin  

n’évoque  par  ici  un  cas  en  particulier  mais  parle  bien  des  patients  en  fin  de  vie  d’une  façon  

générale.    

  Cependant  ces  conceptions  s’opposent  parfois,  contrebalancées  par  une  expérience  

singulière  à  laquelle  elles  ne  résistent  pas,  ou  par  les  échanges  avec  d’autres  professionnels  

ou  encore  par   l’émergence  de   référentiels  extrinsèques   tels  que   les   référentiels   sociétaux.  

Un  médecin  explique  à  propos  du  fait  de  parler  de   la  mort  avec  un  patient  :  «  je  voyais  ça  

plutôt  un  peu  schématiquement  dans  la  bouche  d’un  curé  !  …  qui  est  plutôt  là  pour  la  paix  de  

l’âme  »  (n°7),  mais  plus  loin  il  remarque  l’importance  de  sa  présence  qui  va  bien  au-­‐delà  des  

soins  qu’il  prescrit  au  patient  :  «  ça  m’a  vraiment  frappé  avec  lui  parce  que  vraiment  il  avait  

besoin  que  je  sois  là  (…)  il  avait  besoin  de  ma  présence  avec  tout  ce  que  cela  représentait  »  

(n°7).   Il   finit   par   avouer   être   touché   par   cette   prise   de   conscience,   qui   pourtant   semble  

remettre  en  cause  son  affirmation  de  départ  :  «  ça  me  touchait  quelque  part…  ça  me  touche  

de  voir  que  c’est  parfois  presque  disproportionné  »  (n°7).  

 

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  A  partir  des   réflexions  menées  autour  de   cet  axe,  nous   rajoutons  des   ramifications  

destinées  à  notre  arbre  thématique  :    

 

 

LE  SENS  DE  LA  VIE,    A  LA  FIN  

LA  MORT  

Sérénité  

Violence  

Injustice  

Fatalité  

Echec  

LA  FIN  DE  VIE  

Perte  

Abandon  

Atteinte  de  l'intégrité  

Moment  de  partage  

La  �in  de  vie  mais  toujours  la  vie  

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3.2.3.4. Axe  n°4  :  LE  LIEU  DU  DECES  

  Les   thèmes   évoquant   le   lieu   du   décès   sont   récurrents   tout   au   long   du   corpus  

constituant  assez  naturellement  un  ensemble  saillant.  Nous  proposons  de  constituer  un  axe  

à  partir   de   cet   ensemble.   Les   thèmes  en   lien   sont   exprimés  par   les  médecins   généralistes    

sous   deux   angles   différents   mais   complémentaires   qui   nous   permettent   de   comprendre  

l’importance  du  lieu  du  décès  dans  le  vécu  du  médecin  de  la  prise  en  charge  de  patients  en  

fin  de  vie.  Nous  admettons  à  ce  propos  que  la  dénomination  de  cet  axe  devrait  être  moins  

restrictive  car  les  thèmes  regroupés  ici  et  les  deux  angles  de  lecture  concernent  à  la  fois  le  

lieu  de  la  fin  de  vie  et  le  lieu  du  décès,  qui  ne  sont  parfois  pas  les  mêmes.  

  Le   tableau   ci-­‐dessous   présente   dans   un   premier   temps   les   thèmes   relatifs   aux  

éléments  contribuant  au  choix  du  lieu  de  décès  (les  termes  du  choix)  et,  dans  un  deuxième  

temps,  les  représentations  relatives  au  lieu  lui-­‐même.  

 Thèmes  issus  des  

relevés  Extraits  de  verbatim  

LES  TERMES  DU  CHOIX  

Angoisse  du  

patient  

Le  lieu  du  décès  à  venir  

est  source  d’angoisse  

pour  les  patients  âgés.  

«  l’angoisse  c’est  :  «  est-­‐ce  qu’on  va  m’emmener  à  

l’hôpital  ?  ».  Mourir  à  l’hôpital,  tout  seul  isolé,  ça  fait  peur  »  

(2)  

La  volonté  du  

patient.  

Le  patient  choisit  son  

lieu  de  fin  de  vie  et  de  

décès.  

A  propos  du   lieu  de   fin  de   vie   et  de  décès  :  «  c’est  un   choix  

personnel…  après  on  en  discute  avec  le  patient  (…)  avec  la  

famille  »  (11)  

«  ça  dépend  vraiment  du  vœu  de  la  personne  »  (11)  

 

L’âge  du  

patient.  

Les  patients  jeunes  

meurent  plutôt  à  

l’hôpital.  

A  propos  des  patients   jeunes  :  «  en  général,   c’est  beaucoup  

plus  dur  des  les  garder  à  la  maison  »  (4)  

«  les  personnes  âgées  au  contraire  on  arrive  beaucoup  plus  

à  les  garder  à  la  maison  »  (4)  

La  famille   La  famille  influence  le  

lieu  du  décès  

«  elle  va  beaucoup  plus  facilement  craquer  nerveusement  

(…)  Et  ils  vont,  eux,  être  demandeurs  d’hospitalisation  »  

(4)  

«  dans  la  cas  de  cette  famille,  c’était  le  mari,  qui  était  tout  à  

fait  d’accord  pour  cette  mise  en  place  »  (6)  

«  ça  s’est  fait  à  domicile  selon  leurs  vœux  »  (6)  

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«  en   fin   de   compte   c’est   la   famille   qui   décide,   pas   le  

médecin  »  (6)  

«  quand   la   personne   n’est   pas   en   mesure   d’exprimer   sa  

volonté,  il  faut  s’appuyer  sur  les  proches,  sur  la  famille,  sur  

la  personne  de  confiance  »  (8)  

«  c’est   un   choix   personnel…   après   on   en   discute   avec   le  

patient  (…)  avec  la  famille  »  (11)  

«  l’échec  (…)  c’est  de  ne  pas  avoir  pu  dire  non  à   la   famille  

qui  voulait  absolument  hospitaliser  le  grand-­‐père  (…)  »  (1)  

L’avis  du  

médecin  

Le  domicile  est  le  lieu  le  

plus  propice.  

 

Mourir  à  l’hôpital  est  un  

échec  pour  le  médecin.  

«  De  toute  façon  on  est  mieux  chez  soi  qu’à  l’hosto,  ça  c’est  

évident  »  (3)  

«  moi  j’essaie  des  les  garder  au  maximum  à  la  maison  »  (4)  

«  on   les   conserve   en   fin   de   vie   dans   de   meilleures  

conditions   et   je   dirais   même   plus   longtemps   qu’à  

l’hôpital  »  (4)  

«  Parce  que  moi  je  ne  voudrais  pas  mourir  à  l’hôpital.  C’est  

inhumain  (…)  je  préfèrerais  être  à  domicile  »  (4)  

«  je  pense  que  l’on  peut  mieux  vivre  et  dans  de  meilleures  

conditions  qu’à  l’hôpital  »  (4)  

«  pour  moi  l’hôpital  n’est  pas  mieux  pour  lui  en  fin  de  vie  »  

(4)  

«  c’est  un  échec  vis  à  vis  de   la   famille  (…)  à   l’hôpital  vous  

n’êtes  qu’un  numéro  »  (4)  

«   une   personne   âgée   en   fin   de   vie,   l’hospitaliser  

uniquement  pour  aller  mourir  à   l’hôpital,   là  moi   je   trouve  

que  c’est  un  échec  »  (1)  

La  nécessité   Mourir  à  l’hôpital  peut  

être  une  nécessité.  

A  propos  du  décès  à  domicile  :  «  Si  vous  voyez  que  cette  

demande  est  impossible,  si  cette  possibilité  n’existe  pas  

entre  la  famille  et  le  médecin,  ce  n’est  pas  la  peine  »  (4)  

«   On   ne   peut   pas   tout   gérer   à   domicile…   je   pense   que  

vraiment   quand   c’est   trop   lourd   pour   les   familles,   on   ne  

peut  pas  mettre  tout  le  monde  dans  la  détresse  »  (3)  

LA  CONCEPTION  DU  LIEU  DE  DECES  

Idéalisation  de  

la  mort  à  

domicile  

Le  domicile  est  le  lieu  le  

plus  propice  pour  le  

décès.  

 «  De   toute   façon   on   est   mieux   chez   soir   qu’à   l’hosto,   ça  

c’est  évident  »  (3)  

«  moi  j’essaie  de  les  garder  au  maximum  à  la  maison  »  (4)  

«  on   les   conserve   en   fin   de   vie   dans   de   meilleures  

conditions   et   je   dirais   même   plus   longtemps   qu’à  

l’hôpital  »  (4)  

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«  Parce  que  moi  je  ne  voudrais  pas  mourir  à  l’hôpital.  C’est  

inhumain  (…)  je  préfèrerais  être  à  domicile  »  (4)  

«  je  pense  que  l’on  peut  mieux  vivre  et  dans  de  meilleures  

conditions  qu’à  l’hôpital  »  (4)  

«  pour  moi  l’hôpital  n’est  pas  mieux  pour  lui  en  fin  de  vie  »  

(4)  

 

L’hôpital  utile  

en  fin  de  vie  

L’hôpital  est  un  moyen  

de  protéger  les  proches.  

 

L’hôpital  rassure  le  

patient.  

«  une  aide  hospitalière  (…)  pour  décharger  son  conjoint  ou  

son   entourage  (…)    un   répit  (…)   pour   ne   pas   faire   voir   sa  

souffrance  »  (4)  

«  et  il  y  en  a  quelques-­‐uns  vraiment  en  fin  de  vie…  on  sent  

que…   d’être   à   l’hôpital   c’est   quelque   chose   qui   les  

sécurise  »  (10)  

L’hôpital  

ressenti  comme  

un  échec  

La  mort  à  l’hôpital  est  

un  échec.  

 

La  mort  à  l’hôpital  peut  

être  une  nécessité.  

«   une   personne   âgée   en   fin   de   vie,   l’hospitaliser  

uniquement  pour  aller  mourir  à   l’hôpital,   là  moi   je   trouve  

que  c’est  un  échec  »  (1)  

«   Il   faut  quand  même  qu’il  y  ait  un  milieu   familial  autour.  

Le  gars  qui  est  tout  seul  il  part  à  l’hôpital  »  (6)  

«  Quand  on  ne  peut  pas,  on  ne  peut  pas.  C’est  pas  possible  

(…).  Et  puis  il  y  a  des  gens  qui  ne  peuvent  pas,   il   faut  être  

capable  de  supporter  »  (6)  

«  De   toute   façon   le   choix   d’hospitaliser   ne   se   fait   pas   de  

gaité  de  cœur,  c’est  un  choix  qui  s’impose  »  (8)  

 

  Le   lieu   du   décès   qui,   dans   les   faits,   reste   majoritairement   l’hôpital,   occupe,   dans  

l’expression  du  vécu  et  du  ressenti  des  médecins  rencontrés,  une  place  notable.  L’étude  des  

termes   du   choix   et   les   représentations   des   lieux   montrent   que   le   ressenti   et   le   vécu   du  

médecin  ont  une  place  prépondérante  et  assez  insidieuse  dans  le  choix  définitif  du  lieu  de  fin  

de  vie  et  de  décès  du  patient.  Le  domicile  est  généralement  ressenti  comme  le   lieu  le  plus  

propice  :   «  De   toute   façon   on   est   mieux   chez   soi   qu’à   l’hosto,   ça   c’est   évident  »   (n°3),   et  

l’hôpital  est  vécu  comme  un  échec  ou  au  mieux  une  solution  de   recours  :  «  c’est  un  échec  

vis-­‐à-­‐vis   de   la   famille  (…)   à   l’hôpital   vous  n’êtes   qu’un  numéro  »   (n°4),   «  De   toute   façon   le  

choix  d’hospitaliser  ne  se  fait  pas  de  gaité  de  cœur,  c’est  un  choix  qui  s’impose  »  (n°8).  

  Il  est  intéressant  de  relever  également  que  lorsque  l’avis  du  médecin  intervient  dans  

le   choix   du   lieu   de   fin   de   vie   et   de   décès,   celui-­‐ci   est   présenté   uniquement   par   des  

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arguments   de   l’ordre   du   vécu   et   du   ressenti,   et   non   pas   par   des   critères   médicaux,  

psychologiques   ou   encore   sociaux.   Cela   ne   signifie   pas   que   ce   n’est   pas   le   cas,   mais  

simplement  que   l’expression  du  ressenti  et  du  vécu  reste  dominante  :  «  moi   j’essaie  de   les  

garder  au  maximum  à   la  maison  »   (n°4)  ;  «  une  personne  âgée  en   fin  de   vie,   l’hospitaliser  

uniquement   pour   aller   mourir   à   l’hôpital,   là   moi   je   trouve   que   c’est   un   échec  »   (n°1).   Le  

ressenti   du   médecin   semble   également   prendre   le   dessus   d’autant   plus   que   le   médecin  

s’identifie  au  patient  :  «  Parce  que  moi  je  ne  voudrais  pas  mourir  à  l’hôpital.  C’est  inhumain  

(…)  je  préfèrerais  être  à  domicile  »  (n°4)  .  

  Pour  terminer  sur  l’analyse  de  cet  axe  nous  relevons  que  le  choix  du  patient,  et  celui-­‐

ci  de  la  famille  dans  un  second  temps,  sont  ressentis  comme  prépondérants  dans  les  termes  

du  choix  du  lieu  de  décès  par  de  nombreux  médecins  :  «  c’est  un  choix  personnel…  après  on  

en  discute  avec   le  patient   (…)  avec   la   famille  »  (n°11)  ;  «  ça  dépend  vraiment  du  vœu  de   la  

personne  »  (n°11).  Cependant  l’ensemble  des  autres  éléments  illustrés  dans  le  tableau  vient  

contrebalancer,  dans  les  récits  des  médecins,  la  place  du  choix  du  patient.  

 

 

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  La  branche  de  l’arbre  correspondant  à  cet  axe  thématique  se  construit  ainsi  :    

 

LE  LIEU  DU  DECES  

LES  TERMES  DU  CHOIX  

Angoisse  du  patient  

Âge  du  patient  

Volonté  du  patient  

In�luence  de  la  famille  

Avis  du  médecin  

Nécessité  

LA  CONCEPTION  DU  LIEU  

Idéalisation  de  la  mort  à  domicile  

Hôpital  refuge  

Hôpital  échec  

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3.2.3.5. Axe  n°5  :  LES  ASPECTS  RELATIONNELS  DU  VECU  ET  DU  

RESSENTI  

  Plusieurs   thèmes   sont  en   lien  avec   l’aspect   relationnel  de   la  prise  en   charge.  Cette  

récurrence   tout   au   long   des   entretiens   nous   incite   à   nous   intéresser   à   l’articulation   des  

expressions  du  vécu  et  du   ressenti   relative  à   la   relation  que   le  médecin  entretient  avec   le  

patient  et  la  famille,  ainsi  qu’avec  ses  pairs  et  les  autres  professionnels  de  santé.  Il  s’agit  bien  

sûr  des  relations  dans  le  cadre  de  la  prise  en  charge  de  patients  en  fin  de  vie.  

  Nous   trouvons,   autour   de   l’aspect   relationnel,   des   rapports   complexes   entre   les  

thèmes  à  type  de  hiérarchisation  et  de  subsidiarité.  Les  expressions  du  ressenti  et  du  vécu  à  

ce   propos   s’organisent   entre,   d’une   part,   les   relations   avec   les   patients   et   les   familles   et,  

d’autre  part,  les  relations  avec  les  pairs  et  les  professionnels  de  santé.  

  En  ce  qui  concerne  les  relations  avec  les  patients  et  les  familles,  elles  se  divisent  en  

deux   grands   types  :   les   relations   allant   dans   le   sens   de   l’autonomie   des   protagonistes  

(patient,   famille  mais   aussi  médecin)   et   celles   remettant   en   cause   cette   autonomie.   Dans  

cette  deuxième  catégorie  nous  distinguons  les  relations  de  types  paternalistes,  les  relations  

fusionnelles  (d’identification)  et  les  relations  d’opposition.  

  Le   tableau   ci-­‐dessous   présente   cette   hiérarchisation   des   représentations   en  

l’appuyant  sur  les  thèmes  relevés  au  sein  du  corpus.  

  Thèmes  issus  des  

relevés  

Extraits  de  verbatim  

AUTONOMIE  DES  PROTAGONISTES  DANS  LA  RELATION  

Respect   Le  médecin  ne  s’impose  

pas  au  patient  ou  à  la  

famille.  

 

Le  médecin  respecte  les  

choix,  la  volonté  et  le  

mode  de  

fonctionnement  du  

«  elle  a  choisi  on  ne  la  force  pas  c’est  tout  »  (1)  

«  Tout  est  négocié  et  cela  se  passe  de  façon  sympathique  »  

(6)  

«  C’est  elle  qui  a  abordé  le  sujet  »  (7)  

«  si  possible  il  faut  que  la  personne  exprime  sa  volonté  par  

écrit   (  …)   c’est   ce   qu’on   appelle   les   directives   anticipées  »  

(8)  

«  je   crois   que   la   première   chose   dont   il   faut   tenir   compte  

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patient  et  de  la  famille.   c’est   quand  même   «  qu’est-­‐ce   que   veut   le   patient  ?  »   (…)  »  

(10)  

«  c’est  un  choix  personnel…  non  non  en  rien  j’impose  et  je  

ne  vois  pas  en  quoi  on  aurait  le  droit  d’imposer  là-­‐dessus  

quoi  que  ce  soit  »  (11)  

«  elle  a  choisi  on  ne  la  force  pas  c’est  tout  »  

«  elle  m’a  demandé  :  «  qu’est-­‐ce  que  vous  en  pensez  ?  »  je  lui  

ai   dit  :   «  je   pense   comme   vous,   votre   décision   sera   la  

bonne…  »  (…)  »  (2)  

«  Elle   me   l’a   dit  :   «  moi   je   ne   veux   plus  »,   alors   je   lui   dis  :  

«  alors   il   faut   lui   dire   que   c’est   votre   choix   (à   l’oncologue)  

(…)  »  (3)  

 

Confiance   Relation  de  confiance.  

 

Contrat  de  confiance  

entre  médecin  et  

patient.  

«  Il  me  paraît  évident  que  plus  on  connaît  les  patients,  plus  

on  est  en  confiance,  et  plus  on  a  les  moyens  d’apporter  une  

aide…ou  un  accompagnement…  »  (2)  

«  elle  m’a  demandé  :  «  qu’est-­‐ce  que  vous  en  pensez  ?  »  je  lui  

ai   dit  :   «  je   pense   comme   vous,   votre   décision   sera   la  

bonne…  »  (…)  »  (2)  

«  quand  un  patient  comme  ça  décède,  on  est  triste,  pace…  Il  

vous   a   fait   confiance   pendant   très   longtemps,   on   s’est  

décarcassé  »  (8)  

«  ce  qui  m’importe  c’est  de  faire  en  sorte…  en  tous  cas  de  

respecter  le  plus  longtemps  possible,  le  plus  loin  possible  

l’envie  des  patients  »  (9)  

Reconnaissance   Reconnaissance  

exprimée  par  le  patient  

ou  la  famille.  

«  c’est  toujours  satisfaisant  quand  on  a  un  retour  du  patient  

quand  il  est  encore  là,  ou  de  sa  famille…  (…)  avec  des  gens  

qui  nous   remercient,  qui   continuent  à  partager  des   choses  

avec  nous  (…)  ça  c’est  important  pour  nous  »  (10)  

«  son  mari  nous  a  remerciés  »  (2)  

«  il  y  a  moins  de  reconnaissance  vis  à  vis  du  médecin  »  (4)  

Franchise   Les  relations  sont  

franches  et  directes.  

 

Le  médecin  pose  

clairement  la  situation.  

«  moi  la  question  que  je  pose  aux  gens  :  «  si  ça  se  passe  mal  

à   la  maison,  qu’est-­‐ce  qu’on   fait  ?  »   après   je  me  démerde  »  

(9)  

«  Il   faut   que   tout   soit   clair,   dit   au   départ.   Et   c’est  

uniquement  à  partir  de  là  que  l’ont  peut  faire  quelque  chose  

qui   tient   à   peu   près   la   route.   Sinon   on   ne   peut   pas   y  

arriver.  »  (9)  

A   propos   de   l’évocation   des   soins   palliatifs   avec   le   patient  :  

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«  eh  bien  on  lui  dit  direct,  souvent  le  patient  est  au  courant  

de  sa  maladie  »  (6)  

 

Distance   Le  médecin  reste  

distant  et  mesuré.  

(…)  avec  le  patient…  Et  bien  j’essaie  d’être  neutre  si  

possible  »  (3)  

«  un   écoute   attentive,   une   écoute  bienveillante,   sans   juger,  

sans  aller  trop  loin,  sans  être  fusionnel  »  (8)  

«  Il   faut   une   certaine   distance,   il   faut   être   empathique  (…)  

sans  choquer  les  choses.  »  (8)  

«  mais  bon  ça  ne  nous  affecte  pas  non  plus  dans  le  sens  où  

ce  n’est  pas  notre  famille  non  plus.  Je  veux  dire  on  a  appris  à  

garder  nos  distances  »  (11)  

«  Mais  mon   vécu   médical   me   permet   maintenant   de   plus  

respecter  la  distance  même  si  cela  me  touche…  »  (2)  

«  c’est   douloureux   d’être   auprès   d’une   personne  

douloureuse,  (…)  on  a  beau  prendre  de  la  distance  »  (8)  

 

Empathie   Le  médecin  est  

disponible.  

 

La  présence  du  médecin  

rassure.  

 

Le  médecin  est  

empathique  

«  il   sait   très   bien   que   son   médecin   il   peut   l’appeler,   il  

arrivera  le  jour  même  »  (7)  

«  c’est  ce  que  je  leur  dis  :  «  il  n’y  a  pas  de  mots  dans  la  

peine  »,  «  chacun  vit  sa  peine  »…  mais  après…  on  essaie  de  

les  préparer  »  (11)  

«  (…)  dans  la  compassion,  de…  dans  l’écoute  surtout…  et  de  

lui  dire…  que  je  comprends  que  c’est  difficile  »  (3)  

«  une  écoute  attentive,  une  écoute  bienveillante  »  (8)  

«  tout   médecin   devrait   avoir   un   peu   de   cet   aspect  

empathique,  et  un  peu  de  thérapie  de  soutien  »  (8)  

 

REMISE  EN  CAUSE  DE  L’AUTONOMIE  DANS  LA  RELATION  

Paternalisme  

et/ou  

subordination.  

Médecin  membre  de  la  

famille.  

 

Relation  intime.  

 

Interprétation  du  

discours  du  patient.  

 

Décision  basée  sur  le  

ressenti  du  médecin.  

«  Quand  vous  soignez  quelqu’un  depuis  plus  de  20  ans  moi  

je   pars   sur   le   principe   que   le   médecin   il   fait   partie   de   la  

famille  »  (4)  

«  C’est  l’émotionnel,  c’est  une  relation,  que  moi  mes  maîtres  

m’ont   appris,   la   relation   avec   son   patient   qui   devient  

quelqu’un  de  la  famille  »  (4)  

«  mais   le  médecin  généraliste,   il   connaît  bien  son  milieu,   il  

est   très   pragmatique,   il   sait   orienté.   Ça   se   fait  

automatiquement,  sans  réfléchir.  »  (6)  

«  il   faut   écouter   et   chercher   le   double   sens   de   temps   en  

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Décision  à  l’inverse  du  

choix  du  patient.  

 

Les  patients  préfèrent  

rester  dans  l’ignorance.  

 

Le  médecin  ne  cache  

pas  ses  émotions.  

 

 

temps  »  (4)  

«  Ce  n’est   pas   parce   que   le   patient   vous  dit   quelque   chose  

qu’intérieurement  il  pense  la  même  chose  »  

 (4)  

«  j’observe  souvent  (…)  que  les  gens  ils  ne  veulent  pas  trop  

savoir  »  (2)  

«  souvent  ça  les  arrange  qu’on  ne  leur  dise  pas  tout  »  (2)  

«  ça  m’arrive  de  les  montrer  (les  émotions).  Ca  m’est  arrivé  

de  pleurer  sur  le  certificat  de  décès  »  (3)  

«  l’entourage  ça  peut  l’aider  de  voir  que  quelqu’un  

d’extérieur  à  cette  famille  peut  ressentir  aussi  une  

souffrance  ou  une  émotion  »  (4)  

Le  médecin  s’identifie  

au  patient.  

 

Le  médecin  s’identifie  

aux  familles.  

 

 

A  propos  des  patients  jeunes  en  fin  de  vie  :  «  C’est  plus  dur  

car  il  y  a  un  phénomène  de  transfert  qui  se  fait  

inévitablement  »  (7)  

«  on  ne  peut  pas  s’en  empêcher,  on  n’est  pas  de  pierre.  Il  y  a  

un  transfert  un  peu  émotionnel,  ça  dure  quelques  secondes,  

quelques  minutes,  mais  ça  existe  voilà  »  (8)  

A   propos   de   la   confrontation   à   des   fins   de   vie   de   patients  

jeunes  :   «  Peut   être   une   projection   sur   moi   ou   mon  

entourage,  mon  épouse,  frère,  sœur…  »  (9)  

«  moi   aussi   j’avance   en   âge,   il   y   a   plein   de   choses   qui   se  

mettent  en  route  et  je  trouve  ça  douloureux  »  (3)  

A  propos  d’un  transfert  éventuel  :  «  oui  mais  bon  je  crois  qu’à  

partir  de   là  si  on  commence  à  penser  ça,  on  ne   fait  plus  ce  

métier,   si   à   chaque   fois   on   se   transfère   sur   la   personne  »  

(11)  

Identification  et  

transfert.  

La  colère  de  la  famille  

envers  le  médecin  est  

un  phénomène  de  

transfert  émotionnel.  

«  il   y   a   des   patients   qui   partent   parce   que   le  médecin   est  

«  responsable  »  de   la  maladie…  ça  se  comprend  bien,   il  y  a  

un  transfert…  »  (2)  

«  Les   gens   sont   agressifs,   ils   sont   agressifs   contre   le   sort,  

contre   le   destin…   le   plus   souvent   (…).   Le   médecin   est  

souvent  le  révélateur  d’une  maladie  grave…  il  est  là  pour  ça.  

Il  est  aussi  là  pour  ça.  »  (2)  

 

Opposition  et  

confrontation.  

Conflits.  

 

Colère.  

 

«  les  gens  eux  mêmes  ne  veulent  rien  avoir  à  se  reprocher  

et   ils  ne  veulent  pas  qu’on   leur  dise  qu’ils  n’ont  pas   fait   le  

maximum  pour  leurs  proches  et  leurs  parents  »  (8)  

«  il  est  revenu  pour  des  papiers  d’assurance  et  il  est  encore  

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  Le  choix  de  cette  hiérarchisation  des  thèmes  regroupés  autour  de  l’aspect  relationnel  

nous  apporte  un  éclairage   intéressant  qui  ne   ressort  pas  d’emblée  à   la   lecture  du   corpus.  

Nous   avons   pu   mettre   en   évidence   que   les   ressentis   concernant   l’aspect   relationnel  

fluctuaient  et  que  les  actions  ou  les  décisions  qui  en  découlent  remettent  parfois  en  cause  le  

principe   d’autonomie   du   patient   mais   également   celui   du   médecin.   Prenons   quelques  

exemples  à  ce  propos  (nous  ne  revenons  pas  sur  les  expressions  du  vécu  et  du  ressenti  qui  

évoquent   les   relations   allant   dans   le   sens   du   respect   de   l’autonomie,   les   illustrations   du  

tableau  sont  à  notre  sens  assez  explicites).  

  Lorsque   le  médecin  affirme  :  «  j’observe  souvent   (…)  que   les  gens   ils  ne  veulent  pas  

trop  savoir  »  (n°2),  ou  encore  «  souvent  ça  les  arrange  qu’on  ne  leur  dise  pas  tout  »  (n°2),  il  

exprime   à   travers   ces   affirmations   le   ressenti   qu’il   a   de   ce   que  pense   le   patient.  Une   fois  

affirmée  que  celui-­‐ci  ne  veut  pas  échanger  avec  lui  sur  sa  situation,   le  médecin  n’a  plus  de  

moyen   pour   rechercher   sa   volonté.   Il   accepte   donc,   implicitement,   de   remettre  

partiellement  ou  totalement  en  cause  l’autonomie  de  son  patient  sur  le  seul  ressenti  qu’il  a  

de   ce   que   souhaite   ce   dernier.   Nous   retrouvons   une   situation   similaire   dans   l’affirmation  

suivante  :  «  mais  le  médecin  généraliste,  il  connaît  bien  son  milieu,  il  est  très  pragmatique,  il  

sait   orienter.   Ça   se   fait   automatiquement,   sans   réfléchir.  »   (n°6).   Parfois,   cela   va   même  

jusqu’à   ignorer   la  volonté  explicite  du  patient  :  «  Ce  n’est  pas  parce  que   le  patient  vous  dit  

quelque   chose   qu’intérieurement   il   pense   la   même   chose  »   (n°4).   Le   médecin   a   ici   le  

sentiment  que  son  patient  ne  dit  pas  ce  qu’il  pense  ou  souhaite,  il  est  donc  prêt  à  aller  à  son  

encontre.  

Reproches.  

 

Opposition.  

 

Craintes.  

convaincu  que…  on  a  pas  fait  le  travail…  »  (11)  

«  la   colère   c’est   la   non   acceptation   du   décès   (…)   peut   être  

qu’on   ne   les   a   pas   assez   préparés   ou   peut-­‐être   que   c’est  

vraiment  le  refus  quand  même  »  (11)  

A  propos  des  ruptures  suivant  le  décès  avec  les  familles  :  «  ce  

n’est   pas   très   gratifiant   sur   le   plan   relationnel   ultérieur  »  

(2)  

«  Mais  il  ne  faut  pas  qu’il  y  ait  d’ambiguïté.  Que  l’on  ne  vous  

fasse  pas  de  reproches  après  »  (8)  

 

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  Nous   envisageons   également   une   perte   d’autonomie   lorsque   la   relation   est  

empreinte  d’émotions  intenses  et  envahissantes.  Dans  ces  situations,  c’est  alors  le  médecin  

qui  perd  une  partie  de   son  autonomie  puisqu’il   n’a  plus  de   recul  dans   sa  prise  en   charge.  

«  Mais  il  ne  faut  pas  qu’il  y  ait  d’ambiguïté.  Que  l’on  ne  vous  fasse  pas  de  reproches  après  »  

(n°8)  :  ici  c’est  la  crainte,  voir  la  peur  qui  risque  d’entamer  l’autonomie  du  médecin  dans  ces  

décisions.  Ailleurs   c’est   l’implication   affective  :   «  C’est   l’émotionnel,   c’est   une   relation,   que  

moi,   mes   maîtres   m’ont   appris,   la   relation   avec   son   patient   qui   devient   quelqu’un   de   la  

famille  »  (n°4),  ou  encore  l’identification  :  «  moi  aussi  j’avance  en  âge,  il  y  a  plein  de  choses  

qui  se  mettent  en  route  et  je  trouve  ça  douloureux  »  (n°3).  

  Les  relations  entre  les  médecins  et  les  patients  sont  des  phénomènes  complexes  qui  

pourraient  être  étudiés  pour  eux-­‐mêmes.  Dans  notre  propos,  nous   souhaitons   retenir  que  

l’expression  du  ressenti  et  des  émotions  du  médecin  dans  sa  prise  en  charge  en   fin  de  vie  

passe   également   à   travers   le   récit   des   relations   qu’il   entretient   avec   les   patients   et   les  

familles.   Son   vécu   et   son   ressenti   quant   à   ses   relations   ont   une   place   de   choix   dans   les  

décisions  qu’il  prend  concernant  la  prise  en  charge  de  ses  patients  en  fin  de  vie.  

 

  Au  début  de  ce  paragraphe  nous  avons  évoqué  également  les  relations  avec  les  pairs  

et  les  autres  professionnels  de  santé.  Les  thèmes  qui  s’y  rapportent  restent  subsidiaires  dans  

le  cadre  de   l’analyse  de  notre  corpus.  Nous  relevons   tout  de  même  deux  aspects  de  cette  

relation   dans   les   récits   étudiés  :   tout   d’abord   les   médecins   expriment   leur   besoin   de  

verbaliser  et  d’échanger  avec  leurs  pairs  sur  les  prises  en  charge  de  patients  en  fin  de  vie,  cet  

échange   est   vécu   comme   bénéfique   pour   les   médecins   sur   le   plan   personnel  

principalement  ;  ensuite,   les  médecins  ayant  accès  à  des  équipes  pluridisciplinaires  comme  

celles  des  EMSP  ou  celles  des  HAD  affirment  que  l’échange  avec  d’autres  professionnels  de  

santé  est  vécu  comme  un  soutien  utile  à  la  prise  en  charge  du  patient.    

 

 

 

 

 

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  Thèmes  issus  des  

relevés  

Extraits  de  verbatim  

RELATIONS  AVEC  LES  PAIRS  

Echanges  à  

propos  du  vécu  et  

du  ressenti  

commun  avec  les  

pairs.    

Le  médecin  a  besoin  

de  verbaliser  et  

d’extérioriser  

«  et  puis  quand  ça  ne  va  pas  j’en  parle  à  mon  associé  »  (3)  

«  (…)   il   faut   faire   dans   un   premier   temps   des   groupes   de  

paroles,   des   débriefing,   une   verbalisation,   des   groupes   de  

pairs  »  (8)  

«  le  pire  c’est  de  s’enfermer  sur  soi  même  »  (8)  

«  ce  qu’il  fait  faire  c’est  s’ouvrir    (…)  ça  c’est  important,  très  

important  »  

«  On  va  dire  des  choses  par  rapport  à  notre  ressenti  face  à  

ce  type  de  souffrance  »  (11)  

 

RELATIONS  AVEC  LES  AUTRES  PROFESSIONNELS  DE  SANTE  

Soutien     Les  échanges  pluri-­‐

professionnels  sont  

un  soutien  pour  le  

médecin.  

«  le   kiné   aura   une   appréciation   différente   de   la   mienne  

parce  que  moi  je  ne  suis  que  médecin  »  (3)  

«  on   se   retrouve   avec   l’infirmière,   les   kinés…  pour   tout   le  

monde  c’est  plus  facile  »  (3)  

«  moi   ce   que   j’aime   bien   c’est   l’infirmière   psy.   C’est  

vraiment   très   important,   ça   aide   beaucoup.   C’est   un   bon  

truc.  »  (6)  

«  Je  trouve  qu’avec  la  création  du  pôle  de  cancérologie  (…)  

le   lien   qu’il   peut   y   avoir   avec   l’infirmière   coordinatrice,  

avec  les  oncologues…  (…)  je  me  sens  beaucoup  moins  toute  

seule  »  (10)  

 

 

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  Nous   pouvons   maintenant   édifier   à   partir   de   cet   axe   thématique   concernant   les  

relations,  une  nouvelle  partie  de  l’arbre  thématique  :  

 

 

ASPECT  RELATIONNEL  DU  VECU  ET  DU  RESSENTI  

RELATIONS  LES  PATIENTS  ET  LES  

FAMILLES  

LE  RESPECT  DE  

L’AUTONOMIE  

Respect  

Con�iance  

Reconnaissance  

Franchise  

Distance  

Empathie  

LA  REMISE  EN  CAUSE  DE  

L’AUTONOMIE  

Paternalisme  et/ou  

subordination  

Identi�ication  et  transfert  

Oppostion  et  confrontation  

RELATIONS  PROFESSIONNELLES  

Le  partage  du  vécu  et  du  ressenti  avec  

les  pairs  

Le  soutien  des  équipes  pluri-­‐professionnelles  

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3.2.3.6. Axe  n°6  :  ROLE  ET  PLACE  DU  MEDECIN  TRAITANT  DANS  

LA  PRISE  EN  CHARGE  DE  LA  FIN  DE  VIE  

  Les   ressentis  qu’expriment   les  médecins  au  sujet  de   leur  propre   rôle  et  de   la  place  

qu’ils  occupent  au  moment  de  la  fin  de  vie  d’un  patient  constituent  également  un  ensemble  

saillant  de  thèmes  dans  notre  corpus.    

  Nous   regrouperons,  dans  un  premier   temps,   les   thèmes   concernant   le   rôle  que   les  

informateurs  expriment  comme  étant  en  lien  direct  avec  leur  statut  de  médecin.  Ces  thèmes  

peuvent  être  ressentis  de  façon  positive  ou  négative  selon  les  médecins  et  les  circonstances.    

  Dans   un   deuxième   temps,   nous   isolerons   les   thèmes   ressentis   comme  plus   en   lien  

avec  leur  statut  d’Homme.  Ces  thèmes  vont  au-­‐delà  du  statut  de  médecin  sans  pour  autant  

vouloir   dire   qu’ils   en   sont   dissociés,   ou   qu’ils   constituent   une   «  plus-­‐value  ».   Ils   sont   ici  

individualisés   dans   un   souci   didactique,   la   frontière   entre   la   fonction   de   médecin  

communément   admise   et   l’implication   du   rôle   d’Homme   étant   floue   et   variable   selon   les  

informateurs.    

  Enfin,   un   troisième   regroupement   thématique   concerne   les   éléments   ressentis  

comme  étant  des  facteurs  qui  contraignent   la  place  et   le  rôle  du  médecin  dans  sa  prise  en  

charge.   Ce   regroupement   est   dissocié   des   deux   précédents   et   a   plutôt   une   fonction  

complémentaire.  

  Thèmes  issus  des  

relevés  

Extraits  de  verbatim  

LE  MEDECIN  DANS  SA  FONCTION  

Disponibilité  et  

présence  

Le  médecin  est  

disponible.  

 

Le  médecin  

n’abandonne  pas.  

«  Bon,  ça  prend  forcément  beaucoup  de  temps,  beaucoup  

de  disponibilités,  mais  c’est  intéressant  pour  le  patient,  et  

puis  on  a  le  sentiment…  de  finir  ce  que  l’on  a  commencé…  

le  suivi  »  (2)  

«  ils  peuvent  compter  sur  vous  à  n’importe  quel  moment  »  

(4)  

«  C’est   prendre   son   téléphone   24/24  (…)   sans   ça   il   faut  

faire  un  autre  métier  »  (4)  

«  Il   ne   faut   pas   les   laisser   à   domicile   sans   numéro   et   se  

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barrer  en  sucette  le  week  end  !  Non  non  !  »  (6)  

«  le  fait  de  voir  le  médecin,  le  fait  de  sentir  sa  disponibilité,  

le  fait  d’avoir  sa  présence  rapidement…  ces  3  éléments-­‐là  

contribuent  je  crois  à  apaiser  le  patient  »  (7)  

«  il   sait   très   bien   que   son   médecin   il   peut   l’appeler,   il  

arrivera  le  jour  même  »  (7)  

«  c’est  là  que  vous  pouvez  lui  dire  :  «  écoutez,  même  jusqu’à  

la  fin,  on  fera  le  maximum  »  (…)  »  (4)  

«  j’incarnais   la   médecine,   mais   surtout   j’incarnais   la  

médecine  qui  ne  laisse  pas  tomber  »  (7)  

«  (…)  on  va  vous  assurer  que  vous  ne  souffrirez  pas…  (…)  

on  ne  vous  abandonnera  pas…  »  (8)  

«  oui   vous   allez   mourir   mais   je   ne   sais   pas   comment   ni  

quand  mais  on  ne  va  pas  vous  abandonner  »  (2)  

Action   Le  médecin  lutte  

contre  la  souffrance.  

 

Le  médecin  agit  pour  

améliorer  les  

conditions  de  fin  de  

vie.  

 

Le  médecin  anticipe  

les  problèmes.  

«  je  fais  vraiment  attention  au  niveau  de  la  douleur,  ça  c’est  

important  »  (3)  

«  laisser  quelqu’un  souffrir,  pour  moi  ce  n’est  pas  quelque  

chose  de  normal  »  (3)  

«  il  faut  l’aider  à  terminer  dans  de  bonnes  conditions  »  (4)  

«  Il  y  a  donc   la  première  prescription,   les  prescriptions  de  

deuxième  ligne  et  quand  ça  ne  vas  pas  »  (9)  

«  moi  la  question  que  je  pose  aux  gens  :  «  si  ça  se  passe  mal  

à  la  maison,  qu’est  ce  qu’on  fait  ?  »  après  je  me  démerde  »  

(9)  

Accompagnement   Le  médecin  

accompagne  plus  

qu’il  ne  soigne.  

«  ça  permet  une  transition,  de  ne  pas   laisser   les  patients…  

(…)  …  un  accompagnement  »  (2)  

«  au   delà   du   recours   à   toute   chimiothérapie   (…)   c’est   un  

accompagnement  pour  qu’elle  ne  souffre  pas  »  (2)  

A  propos  des  familles  :    

«  c’est   même   plus   qu’accompagner   le   patient…   parce   que  

c’est  la  fin  de  vie  du  patient  mais  ce  n’est  pas  la  fin  de  vie  de  

la  famille,  des  intervenants,  des  amis…  »  (2)  

«  ils   venaient   le   soir   qu’on   ait   le   temps   de   discuter…  

histoire  qu’ils  vident  un  peu  leur  trop  plein…  »  (2)  

«  souvent   nous   quand   on   y   va   c’est   plus   pour   un  

accompagnement  que  du  soin,  il  faut  être  honnête  »  (3)  

Mission   L’accompagnement  

en  fin  de  vie  est  une  

mission  du  médecin  

«  je  crois  que  ça  fait  partie  du  noyau  dur  de  notre  métier  »  

(10)  

«    et  puis  à  partir  du  moment  où  vous  êtes  le  médecin  de  la  

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généraliste.   famille,  ben…  vous  êtes  obligé  de  suivre  la  personne  »  (1)  

«  Puisque  pour  moi  ça  fait  partie  de  la  profession  »    (2)  

Prestation   Le  médecin  est  un  

prestataire  de  

service.  

«  on  attend  un  service  (…)  on  n’attend  plus  un  

accompagnement  »  (4)  

Adaptation   Le  médecin  s’adapte  

aux  patients  et  aux  

familles.  

 

 

 

Le  médecin  respecte  

le  choix  des  patients  

et  des  familles.  

«  Chaque  cas  est  d’espèce  »  (6)  

«  mais  le  médecin  généraliste,   il  connaît  bien  son  milieu,  il  

est  très  pragmatique,  il  sait  orienter  »  (6)  

A  propos  de  l’évocation  de  la  fin  de  vie  :  «  il  faut  y  aller  avec  

doigté,  avec  diplomatie.  Il  faut  éviter  la  brutalité.  »  (8)  

«  attendre   le   moment   propice.   Quant   la   personne   est  

relativement  sereine  »  (8)  

«  si  possible  il  faut  que  le  personne  exprime  sa  volonté  par  

écrit   (  …)   c’est   ce   qu’on   appelle   les   directives   anticipées  »  

(8)  

«  je   crois   que   la   première   chose   dont   il   faut   tenir   compte  

c’est  quand  même  «  qu’est-­‐ce  que  veut   le  patient  ?  »   (…)  »  

(10)  

«  c’est  un  choix  personnel…  non  non  en  rien  j’impose  et  je  

ne  vois  pas  en  quoi  on  aurait  le  droit  d’imposer  là-­‐dessus  

quoi  que  ce  soit  »  (11)  

«  elle  a  choisi  on  ne  la  force  pas  c’est  tout  »  

«  Elle  me   l’a   dit  :   «  moi   je   ne   veux   plus  »,   alors   je   lui   dis  :  

«  alors   il   faut   lui  dire  que  c’est  votre   choix   (à   l’oncologue)  

(…)  »  (3)  

Le  médecin  

soigne  le  corps  

Le  médecin  s’occupe  

de  la  souffrance  du  

corps  

«  nous  on  est  plutôt  là,  si  j’ose  dire,  pour  la  paix  du  corps  

(…)  pour  donner  ce  répit  sur  le  plan  physique,  c’est  à  dire  

ne  pas  souffrir,  ne  pas  avoir  mal  (…)  »  (7)  

 «  soigner  ne  me  pose  pas  de  problème  »  (7)  

«  eh  bien  moi  je  reste  sur  des  choses  purement  médicales  »  

(7)  

Anticipation   Le  médecin  anticipe  

les  difficultés.  

«  si  possible  il  faut  que  le  personne  exprime  sa  volonté  par  

écrit   (  …)   c’est   ce   qu’on   appelle   les   directives   anticipées  »  

(8)  

«  Il  y  a  donc   la  première  prescription,   les  prescriptions  de  

deuxième  ligne  et  quand  ça  ne  va  pas  »  (9)  

«  moi  la  question  que  je  pose  aux  gens  :  «  si  ça  se  passe  mal  

à  la  maison,  qu’est-­‐ce  qu’on  fait  ?  »  après  je  me  démerde  »  

(9)  

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«  à  partir  du  moment  où  les  choses  sont  dites,  sont  claires,  

sont  établies,  là  on  peut  bosser  »  (9)  

Obligations   Obligation  de  

moyens.  

 

Respect  des  textes  

législatifs.  

«  il  ne  faut  pas  oublier  qu’en  médecine  on  a  une  obligation  

de   moyens…   sur   le   plan   responsabilité   civile   ou  

déontologique  on  a  une  obligation  de  moyens  »  (8)  

«  vous  parliez  donc  du  maintien   à  domicile   ou  du  décès   à  

l’hôpital,  il  faut  que  l’information  soit  comme  il  est  dit  dans  

la   loi   Kouchner  :   claire,   loyale   et   adaptée  (…).   Et   puis   le  

deuxième   élément   c’est   le   code   civil,   le   code   de  

déontologie  :  c’est  l’obligation  de  moyens  »  (8)  

«    De   toutes   façon   les   deux  piliers   qui   guident   le  médecin  

pendant   son   exercice   c’est   la   loi   Kouchner   (…)   et   puis   le  

code   de   déontologie.   D’un   côté   le   droit   des   malades,   de  

l’autre  côté  les  devoirs  des  médecins  »  (9)  

«    (…)  d’après  la  loi  (…)  la  loi  Léonetti…  »  (9)  

Porteur  d’espoir   Le  médecin  est  

porteur  d’un  message  

d’espoir.  

«  il   faut   toujours   dire   un  mais,   il   faut   toujours   donner   de  

l’espoir  »  (8)  

«  ça   c’est   dans   le   code   de   déontologie,   (…)   le  médecin   ne  

doit  jamais  véhiculer  des  paroles  de  désespoir  »  (8)  

«  le   médecin   a   des   paroles   apaisantes   (…)   sans   jamais  

véhiculer  le  désespoir  »  (8)  

L’HOMME  AVANT  LE  MEDECIN  

Attention,  écoute  

Empathie  

Le  médecin  a  des  

qualités  d’écoute.  

 

Le  médecin  rassure.  

 

Le  médecin  est  

empathique.  

«  une  écoute  attentive,  une  écoute  bienveillante  »  (8)  

«  c’est  ce  que  je  leur  dis  :  «  il  n’y  a  pas  de  mots  dans  la  

peine  »,  «  chacun  vit  sa  peine  »…  mais  après…  on  essaie  de  

les  préparer  »  (11)  

«  (…)  dans  la  compassion,  de…  dans  l’écoute  surtout…  et  de  

lui  dire…  que  je  comprends  que  c’est  difficile  »  (3)  

«  un  écoute  attentive,  une  écoute  bienveillante  »  (8)  

«  tout   médecin   devrait   avoir   un   peu   de   cet   aspect  

empathique,  et  un  peu  de  thérapie  de  soutien  »  (8)  

Le  médecin  

intime  

Le  médecin  est  un  

membre  de  la  famille.  

 

Le  médecin  ne  cache  

pas  ses  émotions.  

 

«  Quand  vous  soignez  quelqu’un  depuis  plus  de  20  ans  moi  

je   pars   sur   le   principe   que   le   médecin   il   fait   partie   de   la  

famille  »  (4)  

«  souvent  ça  les  arrange  qu’on  ne  leur  dise  pas  tout  »  (2)  

«  ça  m’arrive  de  les  montrer  (les  émotions).  Ca  m’est  arrivé  

de  pleurer  sur  le  certificat  de  décès  »  (3)  

«  l’entourage  ça  peut  l’aider  de  voir  que  quelqu’un  

d’extérieur  à  cette  famille  peut  ressentir  aussi  une  

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souffrance  ou  une  émotion  »  (4)  

«  C’est   le   côté   humain   qui   reprend   le   dessus   (…).   Voilà   il  

faut…  parler  avec  son  cœur  (…).  »  (8)  

«  quand   je   vais   faire   un   constat   de   décès,   quand   je  

rencontre  les  proches…  (…)  neuf  fois  sur  dix  on  s’embrasse.  

On   s’étreint.   On   se   donne   l’accolade   chez   les   hommes,   on  

s’embrasse  chez  les  femmes…  je  vous  le  dis  franchement…  

et  moi-­‐même   ça  me   remue   un   peu   là…   quelquefois   j’ai   la  

larme  à  l’œil.  »  (8)  

«  Je  suis  un  peu  sensible,  un  peu  émotif  »  (8)  

Le  médecin  

distant  

Le  médecin  reste  

distant  et  mesuré.  

 

Le  médecin  ne  

montre  pas  ses  

émotions.  

«  (…)  avec  le  patient…  Et  bien  j’essaie  d’être  neutre  si  

possible  »  (3)  

«  un  écoute  attentive,  une  écoute  bienveillante,  sans   juger,  

sans  aller  trop  loin,  sans  être  fusionnel  »  (8)  

«  Il   faut  une  certaine  distance,   il   faut   être  empathique  (…)  

sans  choquer  les  choses.  »  (8)  

«  mais  bon  ça  ne  nous  affecte  pas  non  plus  dans  le  sens  où  

ce  n’est  pas  notre  famille  non  plus.  Je  veux  dire  on  a  appris  

à  garder  nos  distances  »  (11)  

«  Mais  mon   vécu   médical   me   permet   maintenant   de   plus  

respecter  la  distance  même  si  cela  me  touche…  »  (2)  

«  il  faut  faire  abstraction  »  (4)  

«  il   faut   être   fort…   et   être   capable   (…)   de   faire   la   part   de  

l’émotion.  C’est  à  dire  oublier  notre  émotionnel,  ce  qui  n’est  

pas  forcément  facile,  mais  on  y  arrive…  »  (4)  

LES  CONTRAINTES  LIMITANT  LE  RÔLE  DU  MEDECIN  

Les  limites  de  la  

médecine  

Le  médecin  a  ses  

limites,  en  

l’occurrence  la  mort.  

«  je   crois   qu’il   arrive   un  moment   où   il   faut   un   peu…   leur  

montrer  que   la  médecine  a   fait  beaucoup  de  progrès  mais  

qu’elle  a  des  limites  »  (8)  

«  c’est  que  la  médecine  et  ben  malheureusement  on  ne  fait  

pas  de  miracle  non  plus  !  »  (11)  

Les  limites  du  

médecin.  

Le  médecin  est  

conscient  de  ses  

propres  limites.  

 

Le  médecin  qui  ne  

sait  pas.  

«  oui   vous   allez   mourir   mais   je   ne   sais   pas   comment   ni  

quand  mais  on  ne  va  pas  vous  abandonner  »  (2)  

«  parce  qu’on  fait  tout  ce  qu’on  peut…  »  (2)  

«  (…)  «  mais  pour  combien  de  temps  j’en  ai  ?  »  «  mais  je  ne  

sais  pas  monsieur...  (…)  »  (2)  

«     Après,   on   fait   ce   que   l’on   peut  !   C’est   comme   tout   le  

monde  !  »  (2)  

«  Pas   facile…   Je  ne   suis  pas  plus  performant  qu’un  autre  »  

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(2)  

«  et   puis   il   y   a   des   choses   que   l’on   ne   sait   pas   faire.   Tout  

simplement.  Y’a   des   choses   que   je   ne   sais   pas   faire,   je   ne  

suis  pas  bonne  donc  »  (3)  

La  contrainte  du  

temps  

Les  prises  en  charge  

de  fin  de  vie  sont  

lourdes  car  

chronophages.  

«  et  puis  du  temps,  c’est  ce  que  je  disais,  il  faut  du  temps  »  

(7)  

«  Bon,   ça   prend   forcément   beaucoup   de   temps,   beaucoup  

de  disponibilités  »  (2)  

«  ça   demande   beaucoup   d’investissement   en   terme   de  

temps  pour  un  médecin  généraliste  »  (7)  

«  en   fait   ce   sont   des   situations   qui   sont   un   peu   lourdes,  

principalement  au  niveau  du  temps  qu’on  y  passe  »  (7)  

«  il  faut  toujours  jongler  avec  son  emploi  du  temps  »  (7)  

 

  Cette  analyse  des  représentations  que  les  médecins  ont  de  leur  place  et  de  leur  rôle  

reste  relativement  critiquable  du  fait  de  la  frontière  floue  entre  ce  qui  relève  de  la  prise  en  

charge  du  médecin  et  ce  qui  relève  de  l’Homme.  Nous  pourrions  avancer  que  cette  limite  ne  

se   situe   pas   dans   l’attitude   ou   l’action,   objets   de   la   discussion   (l’écoute,   l’empathie,   le  

partage   des   émotions,   etc.)   mais   dans   la   façon   dont   le   médecin   concerné   le   ressent   et  

l’exprime.   Nous   retrouvons   dans   les   entretiens   réalisés   des   expressions   similaires   et  

pourtant,  nous   comprenons  dans   le   contexte  que   le  message  est  différent  :   pour   certains,  

exprimer   ses   émotions   devant   la   famille   sera   une   manière   de   les   accompagner   en   leur  

permettant   d’assumer   leurs   propres   émotions  ;   pour   d’autres,   ce   sera   une   implication  

personnelle  du  médecin  beaucoup  trop   importante  risquant  de   le  mettre  en  danger  sur   le  

plan  émotionnel.  

  Les   relations   entre   les   regroupements   saillants   que   nous   avons   proposées   ici,  

concernant  la  place  et  le  rôle  du  médecin,  sont  donc  à  interpréter  et  à  comprendre  à  la  lueur  

de  cette  précision.  

    Pour  compléter  notre  propos,  voici  deux  remarques  exprimées  sur  l’attitude  que  doit  

adopter  le  médecin  vis-­‐à-­‐vis  de  ses  émotions  :  «  C’est  grave  parce  que  à  ce  moment  là  vous  

allez   lui   montrer   une   souffrance…   et   cette   souffrance   elle   va   s’accumuler   avec   sa   propre  

souffrance  »   (n°4),   «  l’entourage   ça   peut   l’aider   de   voir   que   quelqu’un   d’extérieur   à   cette  

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famille  peut  ressentir  aussi  une  souffrance  ou  une  émotion  »  (n°4).  Il  est  intéressant  de  noter  

que  ces  deux   remarques  sont   issues  du  même  entretien,  elles  évoque  dans   la  première   le  

patient,   dans   la   deuxième   les   familles.   Le   ressenti   en   la   matière   n’en   reste   pas   moins  

ambivalent.  

  Nous  proposons  le  schéma  suivant  pour  la  construction  de  l’arbre  thématique  :    

 

PLACE  ET  RÔLE  DU  MEDECIN  

LE  MEDECIN  DANS  SA  FONCTION  

Disponibilité  et  présence  

Action  

Accompagnement  

Mission  /  vocation  

Prestation  

Adaptation  

Soins  du  corps  

Anticipation  

Obligation  

Porteur  d'espoir  

L'HOMME  AVANT  LE  MEDECIN  

Attention,  écoute  et  empathie  

Intimité  

Distance  

CONTRAINTES  

Limites  de  la  médecine  

Limites  personnelles  du  médecin  

Gestion  du  temps  

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3.2.3.7. Axe  n°8  :  LES  SOINS  PALLIATIFS  

  Les  informateurs  rencontrés  en  entretiens  affirment  tous  faire  des  soins  palliatifs.  La  

frontière  est  parfois  floue  et  la  distinction  n’est  pas  clairement  définie  entre  «  accompagner  

un   patient   en   fin   de   vie  »   et   «  prendre   en   charge   un   patient   en   soins   palliatifs  ».   Nous  

n’avons  pas  pour  objectif,   ici,  de   répondre  à  cette  question,  ou  de  déterminer   si   ces  deux  

notions   sont   bel   et   bien   différentes   et   en   quoi.  Nous   relevons   dans   le   tableau   suivant   les  

éléments   du   discours   relatifs   aux   représentations   que   se   font   les   médecins   généralistes  

interrogés   de   la   notion   de   soins   palliatifs.   Ces   éléments   sont   présentés,   comme   pour   les  

autres  axes,    selon  les  regroupements  de  thèmes  que  nous  avons  relevés  dans  le  corpus.    

  Nous  proposons  de  regrouper  ces  thèmes  selon  deux  sous-­‐ensembles  :  les  thèmes  en  

lien   avec   le   concept   général   de   soins   palliatifs,   d’une   part   et   les   thèmes   en   lien   avec   les  

applications  concrètes  vécues  par  les  médecins  au  quotidien  dans  leurs  prises  en  charge  de  

patients  en  fin  de  vie,  applications  qu’ils  expriment  comme  étant  des  soins  palliatifs.    

  Thèmes  issus  des  

relevés  

Extraits  de  verbatim  

LE  CONCEPT  DE  SOINS  PALLIATIFS  

Soins  

annonciateurs  de  

mort  

Les  soins  palliatifs  

interviennent  quand  

le  pronostic  est  fatal.  

 

Les  soins  palliatifs  

évoquent  le  décès  

imminent.  

 

Les  patients  

redoutent  les  soins  

palliatifs.  

«  quand  on  sait  qu’il  n’y  a  pas  d’issue.  »  (3)  

«  je   pense   que   les   soins   palliatifs   c’est   une   annonce   assez  

redoutable   car  elle  veut  dire  qu’a  priori  on  ne   fait  plus  de  

traitement  pour  que   le  pronostic  vital  puisse  être    a  priori  

amélioré  »  (2)  

«  soins  palliatifs…  sous  entendu…  ça  va  se  terminer  »  (7)  

«  Palliatif  pour  eux  c’est  un  peu  raide  quand  même.  Palliatif  

c’est  vraiment  la  mort  »  (9)  

 

 

Humilité   Les  soins  palliatifs  

sont  humbles.  

«  malheureusement  le  diagnostic  ne  nous  appartient  plus  »  

(2)  

Soins  de  confort   Les  soins  palliatifs  

sont  des  soins  de  

confort.  

 

A   propos   de   l’explication   donnée   à   l’évocation   des   soins  

palliatifs  :  «  maintenant   il   faut   lui   assurer  un  maximum  de  

confort   pour   les   jours,   semaines   ou   mois   qu’il   lui   reste   à  

vivre  »  (8)  

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Les  soins  palliatifs  

traitent  les  

symptômes  sans  en  

chercher  la  cause.  

«  palliatif   c’est   encore   une   fois,   essayer   de   traiter   les  

symptômes   sans   obligatoirement   aller   chercher   les  

causes  »  

(4)  

«  qu’est-­‐ce  qu’on  appelle  soins  palliatifs,  c’est  de  toute  

façon  que  la  personne  ne  souffre  pas,  qu’elle  soit  au  

mieux…  »  (11)  

Accompagnement  

et  apaisement  

Les  soins  palliatifs  

c’est  accompagner  et  

apaiser.  

«  On  parle  de  soins  d’accompagnement  »  (9)  

«  L’idée   pour   moi   est   plus   d’apaiser   plutôt   que   de   faire  

partir  »  (9)  

«  on   est   dans  quelque   chose  qui   est   (…)   la   recherche  d’un  

confort  maximum  pour  le  patient  »  (10)  

 

Spécialité  

hospitalière  

Les  soins  palliatifs  

sont  un  service  

hospitalier.  

«  c’est  ce  qu’ils  ont  instauré  en  milieu  hospitalier  »  (11)  

«  le  terme  de  soins  palliatifs  pour  moi  c’est  un  service  

hospitalier  spécialisé  »  (11)  

APPLICATIONS  CONCRETES  DES  SOINS  PALLIATIFS  

Coordination  et  

proximité  

Les  soins  palliatifs  

assurent  une  

coordination  des  

soins  de  fin  de  vie.  

«  sur  le  secteur  j’ai  fait  appel  à  l’  équipe  mobile  de  soins  

palliatifs  ambulatoire  de  l’hôpital  de  X  avec  qui  on  travaille  

en  coordination  »  (6)  

A  propose  de  l’équipe  mobile  de  soins  palliatifs  ambulatoire  :  

«  je  trouve  que  c’est  bien  ça.  En  terme  de  proximité  »  (6)  

Difficulté  d’accès   Les  soins  palliatifs  

sont  une  spécialité  

difficiles  d’accès.  

«  Alors  les  équipes  de  soins  palliatifs  existent…  mais  

quelque  fois  c’est  difficile…  La  notion  que  j’ai  c’est  que  c’est  

difficile  d’y  accéder  »  (9)  

Prise  en  charge  

psychologique  

La  prise  en  charge  

psychologique  est  un  

point  important  des  

soins  palliatifs.  

«  et  surtout  la  supériorité  c’est  qu’il  y  a  une  psychologue  »  

(6)  

Soutien  du  

médecin  

généraliste  grâce  

la  

pluridisciplinarité.  

Les  équipes  

pluridisciplinaires  de  

soins  palliatifs  sont  

un  soutien  pour  les  

médecins  

généralistes.  

«  on   se   retrouve   avec   l’infirmière,   les   kinés…   pour   tout   le  

monde  c’est  plus  facile  »  (3)  

 

 

 

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  L’expression  du   ressenti   vis-­‐à-­‐vis   des   soins  palliatifs,   et   du   vécu  de   leur   application  

dans   la  prise  en  charge  au  quotidien  des  patients  en   fin  de  vie,  nous  permet   ici  d’avancer  

que   les   représentations   des  médecins   généralistes   sont   guidés   à   la   fois   par   le   sens   qu’ils  

attribuent  à  cette  discipline  et  par  les  contacts  qu’ils  entretiennent  ou  non  avec  les  équipes  

existantes.  Ainsi,   les  médecins  généralistes  interrogés  se  présentent  comme  faisant  ou  non  

des   soins  palliatifs  alors  que   tous  accompagnent  des  patients  en   fin  de  vie.  Nous  pouvons  

également   affirmer   au   travers   de   cette   analyse   que   la   définition   des   soins   palliatifs   reste  

relativement   floue   pour   la   plupart   d’entre   eux.   Plusieurs   annoncent   «  faire   des   soins  

palliatifs  »  mais  l’examen  de  leur  récit  de  prise  en  charge  ne  résiste  pas  aux  définitions  que  

nous  avons  présentées  dans  la  première  partie  de  notre  travail.  Il  reste  bien  évident  que  cela  

n’empêche  pas   les  médecins  d’accompagner  des  patients  en   fin  de  vie  et  de  proposer  des  

prises  en  charge  de  qualité.  Peut-­‐être  parce  que  toutes  les  fins  de  vie  ne  sont  pas  complexes,  

et  qu’elles  ne  nécessitent  pas  toutes  de  soins  palliatifs  au  sens  des  définitions  de  l’OMS7  ou  

des  définitions  législatives1.  

  Les   médecins   généralistes,   ne   faisant   pas   référence   à   des   équipes   ou   à   des  

professionnels  de  soins  palliatifs  connus,  expriment  une  certaine  incompréhension  vis-­‐à-­‐vis  

des   soins   palliatifs   et   ont   souvent   des   difficultés   à   les   définir.   Nous   retrouvons   dans   le  

tableau  précédent  certains  éléments  constituant  la  définition  des  soins  palliatifs  mais  elle  est  

loin  d’être  complète  :   la  notion  de  décision  collégiale  ne   revient  que  dans  un  entretien,   la  

notion  de  prise  en  charge  globale  est  absente.  

 

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  Comme  pour  chaque  axe  thématique  ayant  fait  l’objet  de  réflexion  et  d’analyse,  nous  

proposons  une  branche  qui  complètera  l’arbre  thématique  :  

 

 

 

NOTION  DE  SOINS  PALLIATIFS  

RESSENTIS  DU  CONCEPT  

Annonciateurs  de  la  mort  

Humilité  

Soins  de  confort  

Accompagnement  et  apaisement  

Spécialité  hospitalière   APPLICATIONS  VECUES  

AU  QUOTIDIEN  

Coordination  et  proximité  

Prise  en  charge  psychologique  

Dif�iculté  d'accés  

Soutien  du  médecin  généraliste  

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3.2.3.8. Axe  n°9  :  LES  REFERENCES  SOCIETALES  

  Notre  dernier  axe  thématique  de  réflexion  s’est  concentré  sur  un  ensemble  saillant  

concernant   les   références   sociétales   auxquelles   le   médecin   fait   appel   pour   illustrer  

l’expression  de  son  vécu  et  de  son  ressenti.    

  Il  s’agit  d’une  part  des  références  culturelles  (éducation,  culture,  religion)  et  d’autre  

part  des  références  législatives.  Il  est  important  de  relever  que  nous  n’observons  que  peu  de  

récurrences  dans  notre  corpus  sur  ces  références.  Elles  n’en  sont  pas  moins  signifiantes  et  

trouvent   leur  place  parmi   les   thématiques  mises  en  évidence  au  sein  des  émotions  et  des  

sentiments  exprimés.  Cela  est  plus  particulièrement  vrai  en  ce  qui  concerne   les  références  

législatives  qui  n’ont  été  abordés  que  par  un  seul  informateur  mais  qui  constituent  un  socle  

extrêmement  solide  auquel  il  se  réfère  constamment  tout  au  long  de  son  récit.  

  Nous  pensons   intuitivement  que  cet  axe   tient  une  place  beaucoup  plus   importante  

dans   la  prise  en  charge  par   les  médecins  des  patients  en  fin  de  vie,  qu’ils  n’ont  bien  voulu  

l’admettre.  Au  sein  des  axes  thématiques  précédents,  à  chaque  fois  qu’il  est   fait  référence  

directement  ou  indirectement  à  la  place  du  médecin,  à  son  rôle,  aux  attentes  de  la  famille  et  

du   patient,   à   l’élaboration   de   concepts,   nous   percevons   clairement   l’importance   des  

influences  culturelles.  

  Nous  illustrons  notre  propos  avec  les  relevés  de  thèmes  et  des  extraits  de  verbatim.  

REFERENCES  SOCIETALES  

La  force  de  la  

loi  

La  prise  en  charge  du  

médecin  est  guidée  par  

les  textes  législatifs  

«  ça  fait  partie  de  l’information  que  l’on  doit  au  malade  

(…).  C’est  la  fameuse  loi  Kouchner.  C’est  la  loi  du  4  mars  

2002  »  (8)  

«  ça  c’est  dans  le  code  de  déontologie,  (…)  le  médecin  ne  

doit  jamais  véhiculer  des  paroles  de  désespoir  »  (8)  

«  il  ne  faut  pas  oublier  qu’en  médecine  on  a  une  

obligation  de  moyens…  sur  le  plan  responsabilité  civile  ou  

déontologique  on  a  une  obligations  de  moyens  »  

«    (…)  d’après  la  loi  (…)  la  loi  Leonetti…  »  (8)  

«    De  toute  façon  les  deux  piliers  qui  guident  le  médecin  

pendant  son  exercice  c’est  la  loi  Kouchner  (…)  et  puis  le  

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code  de  déontologie.  D’un  côté  le  droit  des  malades,  de  

l’autre  côté  les  devoirs  des  médecins  »  (8)  

La  place  de  la  

culture  

Le  médecin  prend  en  

compte  la  spiritualité  du  

patient.  

 

Les  décisions  du  

médecin  sont  

empreintes  de  sa  propre  

culture.  

«  même  si  on  est  athée,  agnostique,  on  a  quand  même  une  

spiritualité,  une  philosophie,  alors  de  temps  en  temps  on  

peut  y  faire  une  petite  allusion,  et  leur  dire  (…)  «  vous  

êtes  croyant  ?  »  (…)  voilà  on  peut…  »  (8)  

A  propos  du  fait  de  parler  de  la  mort  avec  un  patient  :    «  je  

voyais  ça  plutôt  un  peu  schématiquement  dans  la  bouche  

d’un  curé  !  …  qui  est  plutôt  là  pour  la  paix  de  l’âme  »  (7)  

 

 

 

  Nous  posons  ci-­‐dessous  la  dernière  branche  qui  constituera  l’arbre  thématique  :  

 

 

   

 

 

 

REFERENCES  SOCIETALES  

La  force  de  la  Loi   Les  références  culturelles  

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3.2.4. Construction  de  l’arbre  thématique  

  L’étude  transversale  des  relevés  thématiques  que  nous  venons  de  présenter  propose  

des  regroupements  de  thèmes  convergents,  complémentaires  voire  opposés  autour  d’axes  

de  réflexion  que  nous  avons  déterminés  grâce  aux  ensembles  saillants.  

  A   cette   étape   du   travail,   nous   avançons   dans   la   description   des   éléments   de  

l’expression  du  vécu  et  du  ressenti  des  médecins  généralistes  dans   leur  prise  en  charge  de  

patients  en   fin  de  vie.  Nous  pouvons  maintenant,   à  partir  de   ces  axes   thématiques  et  des  

branches   que   nous   avons   constituées,   envisager   leur   articulation   au   sein   d’un   arbre  

thématique  permettant  également  leur  mise  en  perspective  les  uns  par  rapport  aux  autres.  

  L’arbre  thématique  devient  un  outil  à  la  lecture  et  à  la  compréhension  de  l’expression  

du  vécu  et  du  ressenti.  

  Nous   proposons   donc   une   représentation   de   cette   expression   à   partir   d’un   tronc  

commun   figurant   les   émotions   et   les   sentiments   engendrés   par   la   prise   en   charge   de  

patients  en   fin  de  vie.   Ils   sont   l’expression  même  du  vécu  et  du   ressenti  dans   les  discours  

étudiés.  Les  branches  de  l’arbre  ont  vocation  à  réaliser  une  systématisation  des  émotions  et  

des   sentiments  ;   elles   sont   le   fruit   d’une   opération   intellectuelle   visant   à   les   rendre  

exploitables  sur  un  plan  scientifique.  

  Nous  proposons  deux  niveaux  de  lecture  de  l’arbre  que  nous  commenterons  dans  la  

discussion  :    

• Dans  un  premier  temps,  nous  appréhendons  l’expression  du  vécu  et  du  ressenti  par  

l’intermédiaire   du   tronc   de   l’arbre   qui   représente   les   émotions   et   les   sentiments  

ressentis  dans  la  prise  en  charge  de  patients  en  fin  de  vie  et  qui  peuvent  être  vécus  

comme  positifs  ou  comme  négatifs.  

• Dans  un  second  temps,  nous  abordons  la  façon  dont  s’organisent  les  émotions  et  les  

sentiments  des  médecins.  Ce  sont  les  branches  de  notre  arbre  :  elles  représentent  les  

thèmes   autour   desquels   se   cristallisent   et   se   nourrissent   les   émotions   et   les  

sentiments  exprimés.    

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Chapitre 4. DISCUSSION  

 

  A  propos  du  sujet.  Notre  travail  est  le  fruit  d’une  longue  et  intense  analyse  réflexive  

de   notre   propre   vécu   et   de   notre   confrontation   à   la   fin   de   vie   et   la   mort.   Les   éléments  

déterminants  dans   le  choix  de  notre  sujet  sont  complexes  et   font   intervenir  à   la   fois  notre  

expérience   professionnelle   et   personnelle   mais   également   des   conceptions   et   des  

représentations   que   nous   avons   construites   (et   continuons   à   construire)   à   partir   de  

références   culturelles,   familiales,   sociétales.   Notre   expérience   de   l’accompagnement   de  

patients   en   fin  de   vie   a   fait   surgir   ces   représentations  et   a   engendré  des  émotions  et  des  

sentiments  que  nous  avons  souhaité  appréhender.  Nous  souhaitions  à  ce  stade  comprendre  

le   fonctionnement   propre   aux   médecins   généralistes   confrontés   à   la   prise   en   charge   de  

patient  en  fin  de  vie.  

  La  tâche  s’est  avérée  ardue.  

  La   revue   de   la   littérature   a   été   l’occasion   de  mettre   en   évidence,   dans   les   travaux  

étudiés,  la  présence  permanente  d’éléments  concernant  le  vécu  et  le  ressenti  des  médecins  

généralistes   dans   ces   prises   en   charge.   Pourtant,   nous   n’y   avons   pas   trouvé   de   réponses  

nous  aidant  à  comprendre  le  fonctionnement  des  médecins  dans  ces  situations.  Notre  sujet  

de  thèse  trouvait  donc  toute  sa  justification  mais  méritait  d’être  approfondi  et  précisé.  

 

  A  propos  de  l’objectif.  La  première  difficulté  a  été  de  définir  notre  objectif  et  notre  

questionnement   de   recherche.   Notre   projet   initial   était   clairement   plus   ambitieux.   La  

faisabilité   de   notre   travail,   limitée   par   l’ampleur   du   sujet,   par   notre   inexpérience   en  

recherche   qualitative,   et   par   la   contrainte   du   temps,   nous   a   obligé,   tout   au   long   de   sa  

réalisation,  à  revoir  régulièrement  et  à  préciser  petit  à  petit  cet  objectif.  

  Le  choix  de  la  méthodologie  par  analyse  thématique  nous  a  définitivement  permis  de  

fixer   cet   objectif.   Le   niveau   d’observation   et   de   compréhension   devait   se   limiter   à  

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l’expression  du  vécu  et  du  ressenti,  d’une  part,  parce  que  le  terrain  ne  nous  permettait  pas  

d’accéder  à  plus,  et  d’autre  part,  parce  que  la  compréhension  de  l’expression  du  vécu  et  du  

ressenti   s’est   imposée   comme   un   préalable   à   la   compréhension   du   fonctionnement   des  

médecins.    

 

  A   propos   de   la   méthodologie.   Avant   de   poursuivre   sur   les   résultats   de   notre  

enquête,  il  convient  de  discuter  de  la  méthodologie  mise  en  œuvre.  Nous  avons  opté  pour  la  

réalisation  d’entretiens   semi-­‐dirigés  avec  des  médecins  généralistes.  Pour   la   réalisation  de  

ces   entretiens,   nous   avons   respecté   les   références   méthodologiques28,29,30   quant   à   la  

constitution   du   groupe   d’informateurs   et   du   corpus.   Nous   avons   tâché   de   respecter   les  

règles  de  l’entretien  semi-­‐dirigé,  à  savoir  :  une  fois  la  présentation  de  l’objectif  de  l’entretien  

précisée  et  la  question  initiale  posée,  nous  avons  laissé  l’informateur  s’exprimer  librement  et  

n’avons  utilisé  les  relances  et  les  questions  que  dans  le  but  de  recentrer  le  propos  autour  des  

rubriques  que  nous  avions  définies  a  priori  dans   la   grille  d’entretien.  C’est   à   ce   stade  que  

nous  avons  rencontré  une  difficulté.  A  la  relecture  des  entretiens,  nous  devons  reconnaître  

que   certaines   de   nos   interventions   ont   été   trop   directives   et   orientées,   biaisant   ainsi   les  

réponses  et  limitant  l’expression  spontanée  de  l’informateur.  L’attitude  de  l’enquêteur  doit  

être   à   la   fois   neutre   et   empathique   et   doit   se   débarrasser   des   idées   pré-­‐conçues   ou   des  

jugements  concernant  l’informateur  ou  son  propos.  

  Le   deuxième   écueil   que   nous   avons   souhaité   éviter   était   celui   de   l’interprétation  

hâtive.  Nous  rappelons  que,  dans  l’analyse  thématique,  le  premier  objectif  est  la  description  

et   la   synthèse   d’un   corpus,   en   l’occurrence   des   entretiens   réalisés.   Cette   analyse,   non  

dénuée   d’interprétation,   doit   être   retardée   au   maximum   afin   de   pouvoir   présenter   des  

résultats  fidèles  à  la  teneur  des  propos.  La  difficulté  se  situe  lors  de  l’étape  de  thématisation  

du   corpus   lorsque   l’analyste   crée   les   thèmes   et   en   rédige   les   dénominations.   Il   est   alors  

constamment   balancé   entre,   d’une   part,   la   volonté   et   la   nécessité   de   rester   fidèle   aux  

données  empiriques  et,  d’autre  part,  le  risque  de  procéder  soit  à  une  classification  qui  ignore  

la  teneur  du  propos  et  ne  fait  que  relever  les  sujets  abordés  vides  de  sens,  soit  à  une  analyse  

interprétative  de  type  analytique  qui  interprète,  conceptualise  voire  théorise  en  s’éloignant  

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des  données  empiriques.  Or,  cette  étape  d’interprétation  va  au-­‐delà  de  notre  objectif  qui  est  

de  circonscrire  l’expression  du  vécu  et  du  ressenti  des  médecins.  

  A   l’issue   de   notre   travail,   nous   pouvons   dire   que   notre   inexpérience   en   matière  

d’analyse  thématique  nous  a  contraint  à  une  prudence  lors  de   l’étape  de  thématisation  en  

continu.   L’analyste-­‐enquêteur,   ayant   un   regard   inévitablement   marqué   par   ses   propres  

représentations,  adopte  une  disposition  analytique  lors  de  l’étape  de  thématisation.  «  On  ne  

peut   pas   ne   pas   avoir   de   référents   interprétatifs  »28.   Cette   posture   analytique   intervient  

donc   dans   la   sélection   des   données   et   dans   leur   transposition   thématique.   Il   s’agit   de   la  

«  sensibilité   théorique   et   expérientielle  »   du   chercheur28   (expérience   subjective,  

personnelle,  intime  et  professionnelle),  elle  oriente  toujours  le  regard  de  l’analyste  et  donc  

sa   facilité   à   trouver   telle   ou   telle   thématisation   plutôt   qu’une   autre.   Cela   intervient   en  

particulier  au  niveau  de   la   thématisation  du  corpus.  Notre  problème  est  sans  doute  d’être  

resté  trop  empirique  pour  résister  à  la  tentation  d’interpréter  trop  tôt.  Les  thèmes  dégagés  

sont   donc   parfois   plus   proches   d’énoncés   phénoménologiques   que   de   véritables  

dénominations  thématiques.  Cependant,  nous  sommes  parvenu,  à  notre  sens,  à  échapper  à  

l’écueil   inverse  de  nous  contenter  de  classer   les   sujets  abordés  en  nous  éloignant  du  sens  

des  propos.    

  La   validité   de   notre   travail   et   de   nos   résultats   s’appuie   sur   la   diversité   des  

informateurs   recrutés   et   des   situations   retranscrites   tout   au   long   des   entretiens.   Celle-­‐ci  

nous  a  permis  d’assurer  une  relative  saturation  des  données  au  fur  et  à  mesure  des  récits  de  

prise  en  charge  en  fin  de  vie.    

  Nous   voyons  donc  que   la  méthodologie   choisie   a  occupé  une  place  prépondérante  

tout  au  long  de  notre  travail.  Celui-­‐ci  est  construit  autour  d’une  double  démarche  :  un  travail  

de   recherche   à   proprement   parler   mais   également   un   travail   d’apprentissage   d’une  

approche  qualitative  innovante  du  sujet.  Celle-­‐ci  nous  est  apparue  parfaitement  adaptée  à  la  

notion   de   prise   en   charge   globale   chère   à   la   fois   aux   soins   palliatifs   et   à   la   médecine  

générale.  

  Ces   précisions   étant   faites,   nous   abordons   la   discussion   à   propos   des   résultats   qui  

ressortent  de  notre  enquête  et  de  l’analyse  que  nous  en  proposons.  

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  A   propos   des   résultats   de   l’enquête   de   terrain.   Les   émotions   et   les   sentiments  

suscités  par  les  prises  en  charge  de  patients  en  fin  de  vie  sont  l’expression  même  du  vécu  et  

du  ressenti  des  médecins  généralistes  confrontés  à  ces  prises  en  charge.  

  Les  émotions  et  les  sentiments  peuvent  être  ressentis  de  façon  positive  ou  négative  

par  les  médecins  tout  au  long  de  la  prise  en  charge.  Nous  avons  mis  en  évidence  la  diversité  

des  émotions  et  sentiments  générés  ainsi  que  les  nuances  avec  lesquels  ils  sont  exprimés.  La  

prise  en  charge  de  patients  en  fin  de  vie  créé  également  une  ambivalence  émotionnelle  chez  

le   médecin.   Avec   les   années,   le   médecin   s’attache   à   ses   patients,   cet   attachement   est  

exacerbé  au  moment  de  la  fin  de  vie  par  le  rapprochement  qui  s’effectue  entre  le  patient,  le  

médecin  et  la  famille.  Ce  rapprochement  est  à  la  fois  physique,  puisque  le  médecin  multiplie  

ses   visites   au   patient,   mais   il   est   également   émotionnel.   La   fin   de   vie   est   un   moment  

singulier  où   les  émotions  et   les  sentiments  se  cristallisent  au  sein  des   familles,  que  ce  soit  

dans   la   colère  ou   la   révolte,  dans   le  non-­‐dit,   ou  encore  dans   l’attention  qui   est  portée  au  

patient,   dans   les   rapprochements   familiaux   ou   au   contraire   dans   les   déchirements   qui  

s’opèrent.  Personne  ne  reste  indifférent  à  l’évolution  de  la  situation  et  le  médecin  n’est  pas  

exclu  de  cette  modification  des  rapports  humains.    

  Les   émotions   et   sentiments   qu’il   exprime   à   ce   moment   là   peuvent   être   des  

sentiments   négatifs   comme   la   tristesse,   la   souffrance,   la   douleur,   parfois   la   révolte   ou   le  

sentiment  d’injustice.  Certains  d’écrivent  même  un  processus  de  deuil  pour  eux-­‐mêmes.  La  

prise  en  charge  est  alors  vécue  comme  un  poids  qui  peut  être  lourd  à  porter  par  le  médecin.  

Dans   le   même   temps,   le   médecin   exprime   des   sentiments   qui   s’avèrent   relativement  

positifs.   L’attachement,  même   s’il   est   source  de  difficultés   émotionnelles,   est   vécu   le  plus  

souvent   comme   aspect   positif   de   la   prise   en   charge.   Les  médecins   relatent   également   un  

sentiment   de   satisfaction   lorsqu’ils   assument   l’accompagnement   du   patient   et   de   ses  

proches  jusqu’à  la  mort,  ou  lorsqu’ils  réussissent  à  respecter  la  volonté  du  patient  malgré  les  

difficultés  rencontrées.  Cela  va  même  parfois  jusqu’à  un  sentiment  de  fierté.  Le  corollaire  du  

sentiment  de  lourdeur  de  la  prise  en  charge  est  celui  de  soulagement  qui  est  parfois  ressenti  

et   exprimé   par   le   médecin   au   moment   du   décès.   L’ensemble   des   nuances   que   nous  

exprimons  ici  autour  des  sentiments  et  des  émotions  des  médecins  fait  naître  un  souvenir  de  

la  prise  en  charge  qui  est  régulièrement  décrit  comme  bon,  même  si  les  médecins  semblent  

gênés   de   garder   un   bon   souvenir   d’une   prise   en   charge   de   fin   de   vie,   marqués   par   des  

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références  culturelles  selon  lesquelles  la  fin  de  vie  et   la  mort  doivent  être  tristes.  Un  autre  

sentiment   laissé   par   la   prise   en   charge   de   la   fin   de   vie   est   celui   d’un   enrichissement  

personnel   pour   le  médecin  ;   il   tire   cette   richesse   des   relations   intenses   et   intimes   qu’il   a  

entretenu  avec  le  patient  et  la  famille  et  qui  parfois  perdure,  avec  celle-­‐ci,  au  delà  du  décès  

et  de  la  prise  en  charge  du  patient.    

  Sur   le   plan   professionnel,   le   médecin   exprime   régulièrement   un   sentiment   de  

solitude  dans  sa  prise  en  charge.  Ce  sentiment  est  retrouvé  également  dans  la  littérature  et  

est   souvent   source   d’étonnement   de   la   part   des   commentateurs   qui   lui   opposent   le  

développement   des   structures   de   soins   palliatifs   et   des   réseaux   que   le   médecin   semble  

ignoré  ou  méconnaître.  Nous  expliquons   ce  décalage  par   le   fait  qu’il   ne   s’agit  pas   tant  du  

sentiment  de  solitude  face  à  la  prise  en  charge  elle-­‐même  de  la  fin  de  vie  ou  aux  difficultés  

d’ordre   technique   ou  médicale   qu’elle   pourrait   poser.   Il   s’agit   bien   ici   d’un   sentiment   de  

solitude  face  à  ses  propres  émotions,  à  leur  ambivalence,  à  leurs  nuances.  Ce  n’est  donc  pas  

tant   les   équipes   de   soins   palliatifs   qui   doivent   se   faire   connaître   auprès   des   médecins  

généralistes.   C’est   plutôt   la   possibilité   qu’elles   ont   d’être   un   soutien   pour   le  médecin   lui-­‐

même  dans  sa  confrontation  avec  une  charge  émotionnelle  trop  forte  qui  doit  être  mise  en  

avant.  

  Nous   terminerons   cette   première   partie   de   la   discussion   en   abordant   le   sentiment  

d’échec   exprimé   régulièrement   par   les   médecins   dans   leur   récit.   Le   sentiment   d’échec  

ressenti  est  complexe.  Il  peut  tout  d’abord  concerner  la  mort  au-­‐delà  de  toute  considération  

de  la  prise  en  charge.  Même  s’il  le  sait  et  le  verbalise,  le  médecin  a  du  mal  à  se  détacher  de  

ce  qu’il  lui  a  été  enseigné  tout  au  long  de  ces  études,  à  savoir  que  la  médecine  est  faite  pour  

guérir.  La  prise  en  charge  de  patients  en  fin  de  vie  semble  être  l’occasion  pour  le  médecin  de  

se  rendre  compte  de  l’illusion  de  cette  toute-­‐puissance.  Notre  propos  n’est  pas  de  dire  que  

les  médecins   se   ressentent   comme   tout-­‐puissants  mais   bien   de   relever   que   les  médecins  

généralistes   sont   inscrits   dans   une   histoire   de   la   médecine   qui   a   véhiculé   pendant   des  

années  cette  toute-­‐puissance,  et  qu’il  reste  parfois  difficile  de  se  détacher  de  cette  notion.  

La   mort   du   patient   laisse,   à   ce   moment-­‐là,   un   sentiment   d’échec   qu’il   est   capable   de  

critiquer  mais   qui   reste   tout   de  même  présent.   Le   sentiment   d’échec   est   par   ailleurs   plus  

fréquemment  exprimé  lorsque  le  médecin  se  fixe  des  objectifs  relatifs  à  la  fin  de  vie  et  qu’il  

n’arrive  pas  à  les  remplir.  Le  plus  souvent,  il  ressent  un  échec  lorsqu’il  ne  réussit  pas  à  offrir  

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au  patient  la  prise  en  charge  que  celui-­‐ci  désirait,  par  exemple,  en  respectant  son  souhait  de  

rester  au  domicile.  Il  peut  s’agir  aussi  du  sentiment  d’échec  suscité  par  une  prise  en  charge  

qui  ne  se  déroule  pas  comme  le  médecin  l’aurait  souhaité  ou  imaginé.  Nous  avons  retrouvé  

régulièrement  cette  idée  dans  les  récits  étudiés,  lorsque  le  médecin  se  fixe  comme  objectif  

de  garder  le  patient  au  domicile  parce  qu’il  considère  que  le  domicile  est,  dans  tous  les  cas,  

le  lieu  le  plus  propice  au  décès.  La  réflexion  avançant  nous  voyons  que  nous  retrouvons  ici  

encore  la  notion  de  toute-­‐puissance  du  médecin  qui,  déçue,  entraîne  le  sentiment  d’échec.  

  Les   sentiments   et   les   émotions   engendrées   par   la   prise   en   charge   sont   donc  

complexes  et  nuancés,  parfois  opposés.   L’expression  du  vécu  et  du   ressenti  du  médecin  à  

travers  ses  émotions  est  prégnante.  Pour  autant,  les  émotions  et  les  sentiments  ne  sont  pas  

exprimés  d’emblée  pour  ce  qu’ils  sont  mais  ils  sont  exprimés  au  travers  du  récit  de  situations  

vécues.  

 

  Dans   les   récits   que   nous   avons   étudiés,   les   sentiments   et   les   émotions   puisent   en  

effet  leur  origine  dans  cinq  dimensions  que  nous  avons  concrétisées  dans  les  cinq  branches  

principales  de  notre  arbre  thématique.    

  Ces   cinq   dimensions   sont   issues   du   regroupement,   des   articulations   et   des  

interactions   entres   les   axes   thématiques   que   nous   avons   développés   dans   notre   analyse  

transversale.  

  Certains   médecins   expriment   volontiers   leurs   sentiments   et   leurs   émotions,   non  

seulement   lors   des   entretiens,   mais   également   dans   leur   relation   avec   les   patients,   les  

familles,  ou  avec  d’autres  professionnels  de  santé.  Les  aspects  relationnels  constituent  une  

première  dimension   autour  de   laquelle   l’expression  des  émotions  et  des   sentiments  nous  

ont   permis   d’approcher   l’essence   du   vécu   et   du   ressenti   du  médecin   dans   ces   situations.  

Aussi,   les  sentiments  peuvent  être  un  moyen  pour   le  médecin  d’entrer  en  relation  avec   le  

patient   et   la   famille.   Ces   relations   constituent   un   élément   clé   de   la   prise   en   charge.   En  

exprimant  son  ressenti  auprès  du  patient  et  de  la  famille  le  médecin  s’ouvre  à  eux,  modifiant  

la   nature   de   cette   relation.   Ailleurs,   les   sentiments   et   les   émotions   sont   volontairement  

étouffés,   cachés   par   pudeur,   par   mesure   de   protection   mais   aussi   pour   des   raisons  

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professionnelles,   certains   considérant   qu’il   ne   fait   pas   partie   de   leur  mission   de   partager  

leurs   états   d’âmes.   Enfin,   certains   ne   ressentiraient   rien,   étant,   sur   le   plan   émotionnel,  

détachés  de  la  souffrance  qui  leur  fait  face.  A  bien  y  regarder,  il  s’agit,  ici,  non  pas  d’absence  

d’émotions,  mais  plutôt  de  distance  prise  par  le  médecin  pour  se  protéger  de  quelque  chose  

qui  semble  le  mettre  en  danger,  le  déstabiliser.  Notre  analyse  de  l’expression  du  vécu  et  du  

ressenti   relatifs   à   ces   aspects   relationnels   a   également  mis   en   évidence   que   le   vécu   et   le  

ressenti   du   médecin   avaient   une   influence   sur   la   nature   des   relations.   Celle-­‐ci   peut   être  

observée   sous   l’angle   de   l’autonomie   des   protagonistes.   Comme  nous   l’avons  montré,   les  

postures   adoptées   par   le   médecin   dans   sa   relation   au   patient   et   aux   familles   impacte  

directement   l’autonomie  de  chacun.  Nous  avons  vu,  par  exemple,  que   le  médecin  pouvait  

décider  de  ne  pas  aborder  avec  son  patient   la  mort  ou   la  question  du   lieu  de  décès  parce  

qu’il  ressentait  le  fait  que  le  patient  ne  souhaitait  pas  en  parler.  Ailleurs,  nous  avons  relevé  le  

ressenti  d’un  médecin  qui  explique  devoir  interpréter  parfois  ce  que  souhaitent  ses  patients,  

ceux-­‐ci   exprimant   l’inverse   de   leur   volonté.   Il   ne   s’agit   pas   pour   nous   de   porter,   ici,   un  

jugement  quelconque  sur  une  situation  particulière  mais  bien  de  comprendre  la  complexité  

des  relations  entre  le  médecin  et  son  patient  et  la  place  du  ressenti  dans  ces  relations.  Ces  

relations,   qui   peuvent   être   qualifiées   de   paternalistes,   remettent   en   cause,   à   un  moment  

donné  et  dans  une  situation  donnée,  l’autonomie  que  le  patient  a  de  décider  pour  lui-­‐même.  

Nous  pouvons,  à  nouveau,  avancer  comme  origine  de  ce  type  de  relation  et  de  ressenti,   le  

sentiment,   encore   ancré,   de   la   toute-­‐puissance  médicale.   En   ce  qui   concerne   les   relations  

avec  les  pairs  ou  les  autres  professionnels  de  santé,  nous  retenons  dans  cette  discussion  le  

fait  que  les  échanges  avec  les  pairs  constituent  pour  le  médecin  un  moyen  de  verbaliser  et  

d’extérioriser   leur   vécu   et   leur   ressenti   par   le   partage   des   expériences.   Les   relations   sont  

alors   un   outil   pour   la   gestion   des   émotions   et   des   sentiments   qui   semble,   au   travers   des  

entretiens,  salutaire  pour  le  bien-­‐être  du  médecin.    

  La  deuxième  dimension  que  nous  souhaitons  relever  dans  cette  discussion,  et  autour  

de   laquelle   se   concentrent   les   expressions   du   vécu   et   du   ressenti,   est   celle   des   concepts.  

Nous  avons  regroupé  dans  notre  arbre,  sous  cette  dimension,   l’axe  thématique  appelé  «  le  

sens  de  la  vie,  à  la  fin  »,  traitant  de  la  conception  qu’exprime  le  médecin  de  la  mort  et  de  la  

fin   de   vie,   et   l’axe   thématique   traitant   du   lieu   de   décès.   Ce   dernier   point   a   montré  

l’importance  de  la  conception  qu’avait  le  médecin  du  lieu  pour  la  fin  de  vie  et  le  décès.  Ces  

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axes  sont  donc  le  témoin  de  l’expression  de  représentations  profondément  ancrées,  élevées  

au  rang  de  concepts,  et  servant,  pour  le  médecin,  de  référentiels  dans  sa  prise  en  charge  de  

patients  en  fin  de  vie.  Le  vécu  et  le  ressenti  du  médecin  sont  profondément  marqués  dans  le  

discours  par  ces  concepts  qui  peuvent  être  à  l’origine  de  sentiments  ou  d’émotions  vécus  de  

façon  négative  par   le  médecin.  Le  ressenti  devient  désagréable  alors  que  son  origine  ne  se  

trouve  pas  dans  la  situation  vécue  mais  dans  l’inadéquation  entre  ce  qu’il  vit  dans  sa  prise  en  

charge  et  la  conception  qu’il  s’en  était  faite  en  amont.  L’absence  d’analyse  réflexive  sur  ses  

prises   en   charge   prive,   à   notre   sens,   le   médecin   d’un   regard   qui   lui   permettrait   de   se  

détacher  voir  de  s’affranchir  de  ces  concepts  qui  peuvent  être  source  de  souffrance  pour  lui-­‐

même.  

  La   troisième   dimension   que   nous   souhaitons   aborder   est   relative   aux   expériences  

vécues.  Elle  est  également  l’occasion  de  mettre  en  évidence  des  sentiments  et  des  émotions  

négatifs   qui   sont   à   l’origine   de   difficultés   pour   le   médecin.   Nous   avons   vu   que   dans   un  

certain  nombre  de  cas,  l’expérience  est  ressentie  comme  un  poids  du  passé  qui  est,  avec  le  

temps,  de  plus  en  plus  lourd  à  porter  par  le  médecin.  Ce  ressenti  contraste  avec  le  vécu  de  

l’expérience  comme  enrichissement  permettant  au  médecin  de  se  construire  une  carapace,  

d’établir   une   distance   ou   encore   d’apprendre   à  maîtriser   et   à   utiliser   ses   émotions   et   ses  

sentiments  dans  sa  prise  en  charge,  sans  pour  autant   les  nier  ou   les  refouler.  Notre  travail  

met  en  évidence  que  la  possibilité  de  verbaliser  et  de  partager  constitue  un  moyen  efficace  

pour   le   médecin   de   réaliser   une   analyse   réflexive   de   son   propre   travail.   Il   peut   ainsi  

relativiser   l’impact   du   poids   du   passé   et   appréhender   l’expérience   sous   l’angle   d’une  

ressource  mobilisable  à  l’occasion  de  difficultés  de  prise  en  charge.  Notons  qu’une  passerelle  

vient   de   s’ouvrir   entre   la   dimension   relative   aux   aspects   relationnels   et   celle,   juste  

envisagée,  abordant  les  expériences  vécues.  

  La  quatrième   dimension   concerne   la   place   et   le   rôle   du  médecin   dans   la   prise   en  

charge.  Nous  parlons  bien  de   la  place  et  du  rôle  que  s’attribue   lui-­‐même   le  médecin,  ainsi  

que   de   la   place   et   du   rôle   que,   selon   lui,   lui   confèrent   les   patients,   les   familles,   voire   la  

société.  Nous   retrouvons  dans  cette  approche   l’expression  d’une  ambivalence  décrite  plus  

haut.   Le   médecin   exprime   des   sentiments   contradictoires   en   fonction   de   la   place   qu’il  

s’attribue  au  sein  de  la  prise  en  charge  de  patients  en  fin  de  vie.  L’attachement  qu’il  a  pour  

le  patient  n’est  pas  vécu  comme  quelque  chose  de  négatif  quand  le  médecin  accepte  l’idée  

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qu’il  peut  faire  partie  de  son  rôle  de  médecin.  Pour  d’autres,  cet  attachement  est  négatif  car  

il   ne   relève  pas   du   rôle   du  médecin  mais   plutôt   de   sa   position  d’Homme  :   il   risquerait   de  

mettre  en  danger   le  médecin  dans   sa  prise  en   charge.  Dans   ce  deuxième  cas  de   figure,   la  

place  du  médecin  vis  à  vis  du  patient  et  de  sa  famille  est  une  place  distante,  en  retrait.  C’est  

cette  ambigüité  dans   le   rôle  du  médecin  et   la   frontière   floue  entre  sa   fonction,   forcément  

impliquante,  et  sa  position  d’Homme,  forcément  touché,  qui  sont  à  l’origine  de  l’expression  

d’un  vécu  et  d’un  ressenti  prégnant  dans  les  discours  étudiés.  Nous  pouvons  ici  établir  une  

passerelle  avec  la  dimension  concernant  les  aspects  relationnels.  En  effet,  la  place  et  le  rôle  

que  s’attribue  le  médecin  sont  étroitement  liés  à  la  nature  des  relations  qu’il  entretient  avec  

ses  patients.  

  Mais,  la  place  et  le  rôle  du  médecin  dans  la  prise  en  charge  des  patients  en  fin  de  vie  

sont   également   liés   à   la   notion   que   le   médecin   a   des   soins   palliatifs.   Il   s’agit   là   de   la  

cinquième  dimension  de  l’expression  du  vécu  et  du  ressenti  des  médecins  dans  la  prise  en  

charge   de   patients   en   fin   de   vie.   Nous   constatons   ici   à   travers   le   vécu   et   le   ressenti   des  

médecins   que   la   notion   de   soins   palliatifs   est   perçue   généralement   de   façon   incomplète  :  

nous   retrouvons   bien   les   notions   de   soins   de   confort   et   d’accompagnement   mais   ils  

semblent   souvent   limités   à   un   temps   restreint   précédent   la   mort,   oubliant   tout   l’aspect  

relatif  à  la  prise  en  charge  globale,  à  la  collégialité  ou  à  la  prise  en  charge  interdisciplinaire.  

Le  récit  des  applications  quotidiennement  vécues  par   les  médecins  est  encore  plus  parlant  

car   il   met   le   doigt   sur   la   méconnaissance   des   structures   locales   et   sur   le   fait   que   leur  

accessibilité   est   ressentie   comme   difficile.   Cependant,   parmi   les   informateurs,   ceux   qui  

connaissent   et   contactent   régulièrement   des   professionnels   de   soins   palliatifs   en   retirent  

des  éléments  positifs  et  expriment  un  sentiment  de  soutien  et  d’aide  pour  eux-­‐mêmes  ainsi  

qu’une  plus-­‐value  pour  la  prise  en  charge  du  patient.  

  Nous   avons   relevé   enfin   une   sixième   dimension.   Il   s’agit   du   ressenti   vis-­‐à-­‐vis   des  

référentiels   sociétaux.  Nous   nous   attendions,   au   début   de   ce   travail   à   retrouver   de   façon  

plus  prégnante  encore  l’impact  de  ces  référentiels  dans  l’expression  du  vécu  et  du  ressenti.  

Pourtant,  les  références  à  la  culture,  à  la  religion  ou  à  l’éducation  ont  été  assez  rares  dans  les  

entretiens  que  nous  avons  réalisés.  Les  quelques  allusions  n’en  sont  pas  moins  significatives.  

Ceci  fait  écho  à  notre  sujet  de  recherche  relatif  non  pas  au  ressenti  et  au  vécu  directement,  

mais  bien  à  leur  expression  à  travers  le  discours  des  médecins  généralistes.  Cela  étant,  nous  

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percevons  intuitivement  que  les  influences  sociétales,  qu’elles  soient,  culturelles,  religieuses  

ou  éducatives,  contribuent  à  façonner  la  perception  par  le  médecin  de  la  conduite  qu’il  doit  

tenir   et,   par   conséquent,   sous-­‐tendent   l’expression   du   vécu   et   du   ressenti   de   la   prise   en  

charge  de  patients  en  fin  de  vie.  Aussi,  la  place  des  références  sociétales  dans  le  vécu  et  le  

ressenti  des  médecins  généralistes  pourrait  faire  l’objet  d’une  étude  spécifique.  Cependant,  

si   les  références  à   la  culture  ne  sont  pas  récurrentes  dans  notre  corpus,  nous  avons  relevé  

que  les  références  à  la  Loi,  sont  quant  à  elle  présentes  de  façon  significative.  Ce  n’est  pas  la  

récurrence   qui   nous   a   permis   d’établir   un   axe   de   réflexion   à   ce   propos,   puisqu’un   seul  

informateur   aborde   le   sujet,  mais   bien   la   force   et   l’importance   que   la   Loi   prend   dans   cet  

entretien.  Nous  relevons  donc  que  la  Loi  peut  être  une  ressource  essentielle  permettant  au  

médecin  d’appuyer  ses  actions  et  ses  décisions  dans  la  prise  en  charge  de  patients  en  fin  de  

vie,  lui  permettant  ainsi  d’éviter  les  états  d’âmes  qui,  comme  nous  l’avons  vu,  entretiennent  

et   sont   entretenus   par   des   représentations   parfois   erronées,   sources   de   souffrance   et   de  

difficultés.   De   la  même  manière   que   nous   avons  mis   en   évidence   que   les   soins   palliatifs,  

quand   ils   sont   compris   et   utilisés   pour   ce   qu’ils   sont,   assurent   un   soutien   au   médecin  

généraliste,  nous  pouvons  avancer  que  la  Loi  est  également  un  moyen  pour   le  médecin  de  

mieux  appréhender  ses  prises  en  charge  et  de  mieux  les  vivre.  

  Avant  de  conclure  notre  travail,   il  nous  appartient  de  mentionner  un  sujet  qui,  peu  

abordé  au   cours  des  entretiens  et  des   relevés  de   thèmes,  n’a  pas   fait   l’objet  de  pistes  de  

réflexions.  Il  s’agit  des  représentations  concernant  l’euthanasie.  Nous  avons  tenté,  en  vain,  

d’étudier   les  éléments   signifiants  du  discours  à   ce  propos  mais   force  est  de  constater  que  

l’ensemble   des   données   empiriques,   en   lien   avec   l’euthanasie,   ont,   d’une   part,   été   peu  

récurrentes,  et  sont,  d’autre  part,  le  fruit  d’une  sollicitation  de  l’enquêteur  et  non  le  résultat  

d’un   discours   spontané,   nécessaire   à   la   mise   en   évidence   de   l’expression   du   vécu   et   du  

ressenti  des  médecins.  L’importance  sociétale  de  l’euthanasie  en  fait  par  ailleurs  un  possible  

sujet  pour  un  travail  spécifique  qui  pourrait  étudier  le  vécu  et  le  ressenti  des  médecins  vis-­‐à-­‐

vis  de  la  notion  d’euthanasie.  

 

 

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CONCLUSION  

 

  L’approche  de  la  fin  de  vie  effectuée  dans  ce  travail  a  été  motivée  par  notre  volonté  

de   demeurer   au   plus   près   de   la   pratique   quotidienne   des   soins   primaires   en   Médecine  

Générale.  Notre   thèse  présente   cette  prise  en   charge  des  patients   à   travers   le   regard  des  

médecins  généralistes  et  nous  permet  ainsi  d’appréhender  et  de  comprendre   leur  vécu  et    

leur  ressenti  par  l’expression  qu’il  en  ont.  

  Nous   avons   mis   en   évidence,   à   partir   de   l’analyse   thématique   d’entretiens   semi-­‐

dirigés,  les  émotions  et  les  sentiments  engendrés  par  la  prise  en  charge  de  patients  en  fin  de  

vie.  Ils  sont  l’expression  même  du  vécu  et  du  ressenti  des  médecins  généralistes  interrogés.  

Nous  avons  ensuite  proposé  une   systématisation  des  émotions  et  des   sentiments.  Celle-­‐ci  

nous  permet  d’appréhender,  dans  un  premier  temps,  leur  diversité,  leur  complexité  et  leurs  

nuances   et   de   mettre   en   évidence   l’ambivalence   entre   les   sentiments   et   les   émotions  

ressentis   de   façon   positive,   ou   ceux   ressentis   de   façon   négative.   Dans   un   second   temps,  

nous   avons   abordé   l’organisation   des   sentiments   et   des   émotions   en   fonction   de   leurs  

articulations  et  de   leurs   interactions   au   sein  de  dimensions   thématiques  évoquées  par   les  

médecins.  

  Nous   confirmons,   par   la  mise  en  évidence  de   l’importance  et   de   la   complexité  des  

émotions   et   des   sentiments   exprimés,   que   ces   prises   en   charge   sont   l’occasion   pour   le  

médecin   de   se   confronter   à   ses   propres   angoisses   existentielles,   même   si   elles   ne  

représentent  qu’une  petite  part  de  son  activité  quotidienne.  A  travers  l’expression  du  vécu  

et   du   ressenti   nous   comprenons   qu’au   delà   du   médecin,   c’est   bien   l’Homme   qui   est  

confronté  au  sens  de  la  vie  et  à  sa  fin,  inéluctable.  

  Nous   pensons   également   que   les   émotions   et   les   sentiments   mis   en   lumière  

bousculent  le  médecin  dans  sa  fonction  et  remettent  en  cause  sa  position  dans  la  société,  en  

mettant  à  mal  sa  prétendue  toute-­‐puissance.  Il  apparaît,  en  effet,  que  le  mythe  de  la  toute-­‐

puissance   du  médecin   s’accommode  mal   de   la   prise   en   charge   des   patients   en   fin   de   vie  

puisque,   par   hypothèse,   la   mort   est   un   échec   de   la   médecine.   Or,   soigner   n’est   pas  

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seulement   guérir,   comme   en   atteste   la   réflexion   qui   accompagne   le   développement   des  

soins  palliatifs.  Soigner,  c’est,  par  définition,  prendre  soin,  s’occuper  d’une  personne,  de  son  

bien-­‐être  physique,  psychique,  social  et  spirituel14.  En  ce  sens,  prendre  en  charge  un  patient  

en   fin   de   vie   fait   partie   de   la   mission   du   médecin,   ce   que   chacun   des   informateurs  

rencontrés   s’accorde  à  dire,   tout  en  exprimant   sa  difficulté  à   l’associer  à   l’exercice  de   son  

métier  tel  qu’il  lui  a  été  enseigné.  

  Finalement,   les   prises   en   charge   de   patients   en   fin   de   vie   sont   pour   le   médecin  

l’occasion  d’être  remis  en  question  en  tant  que  professionnel  mais  aussi  en  tant  qu’Homme.  

Les  frontières  entre  ce  qu’il  est,  ce  qu’il  fait,  ce  qu’il  croit  devoir  faire,  et  ce  qu’ont  attend  de  

lui,   deviennent   floues   et   l’exposent   à   l’émergence   de   doutes,   d’hésitations   et   de  

questionnements.    

  L’essor   actuel   des   Soins   Palliatifs,   ainsi   que   le   développement   de   la   discipline  

Médecine  Générale,  doivent  donc  être   l’occasion  de  donner  aux  médecins  généralistes   les  

moyens  de  prendre  conscience  de  cet  aspect  de  leur  prise  en  charge.  La  prise  de  conscience  

et   la   compréhension   du   vécu   et   du   ressenti   du  médecin   sont   un   pré-­‐requis   essentiel   qui  

permettra  de  proposer  des  pistes  de  travail  supplémentaires  et  renforcera  les  initiatives  déjà  

nombreuses  relatives  au  développement  des  soins  palliatifs  en  Médecine  Générale.  L’enjeu  

n’est   pas,   uniquement,   de  développer  des   réseaux  de   soins   palliatifs   en   ambulatoire  mais  

bien  de  permettre  une  évolution  du  mode  de   fonctionnement  et  de  pensée  des  médecins  

généralistes.  Ces  derniers   se  perçoivent  encore  souvent  comme  des  acteurs  de   la  prise  en  

charge,  avançant  sur  le  chemin  voisin  de  celui  emprunté  par  les  soins  palliatifs.  Il  s’agit  bien  

d’utiliser  cette  analyse  pour  renforcer  les  passerelles  et  les  interactions  entre  ces  deux  voies,  

dans  le  but  d’améliorer  la  prise  en  charge  du  patient,  mais  aussi  le  vécu  des  Hommes  qui  ont  

la  charge  de  prendre  soin  de  lui.  

  Les   données   sur   le   vécu   et   le   ressenti,   ainsi   que   l’interprétation   que   nous   en  

proposons,   constituent,   pour  de  nouvelles   analyses  qualitatives,   par   exemple   linguistiques  

ou  psychanalytiques,  une  base  de  travail  solide,  issue  des  données  empiriques.  

  Par  ailleurs,  nous  avons  relevé,  dans  nos  résultats,  l’absence  de  formation  initiale  en  

soins   palliatifs   de   notre   groupe   d’informateurs.   Cependant,   depuis   plusieurs   années,   avec  

l’essor   de   cette   discipline,   un   enseignement   spécifique   s’est   progressivement   développé  

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dans   la   formation   initiale  des  médecins40.  Aussi,   il  sera   intéressant  d’étudier,  dans   l’avenir,  

l’évolution  de  l’expression  du  vécu  et  du  ressenti  des  médecins  généralistes  actuellement  en  

cours  de  formation,  par  le  biais  d’une  nouvelle  analyse  thématique  de  leur  discours  sur  leur  

vécu  et  leur  ressenti  de  la  fin  de  vie.    

  Gageons  que  cette  formation  récemment  mise  en  place  aura  les  effets  escomptés  et  

qu’elle  saura  guider  le  médecin  dans  ses  choix  et  améliorer  la  prise  en  charge  des  patients  en  

fin  de  vie.  

 

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BIBLIOGRAPHIE  

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                                                                                                                 19  CIRCULAIRE  CNAMTS  du  22  mars  2000  relative  à  la  contribution  du  fonds  national  d'action  sanitaire  et  sociale  à  la  mise  en  place  de  mesures  de  maintien  à  domicile  dans  le  cadre  des  soins  palliatifs.  :  Consulté  sur  :  http://www.sante.gouv.fr/htm/actu/palliatif/8palliatif3.htm.    20  CIRCULAIRE  DHOS/O  2/DGS/SD  5  D  n°  2002-­‐98  du  19  février  2002  relative  à  l'organisation  des  soins  palliatifs  et  de  l'accompagnement,  en  application  de  la  loi  n°  99-­‐477  du  9  juin  1999,  visant  à  garantir  le  droit  à  l'accès  aux  soins  palliatifs.  :  Consulté  sur  :  http://www.sante.gouv.fr/adm/dagpb/bo/2002/02-­‐12/a0121073.htm.    21  Programme  national  de  développement  des  soins  palliatifs  2002-­‐2005.  :  Consulté  sur  :  http://www.sante.gouv.fr/htm/actu/palliatif/sommaire.htm.    22  LOI  n°  2002-­‐303  du  4  mars  2002  relative  aux  droits  des  malades  et  à  la  qualité  du  système  de  santé.  JORF  Du  5  Mars  2002  .    23  De  Hennezel  M.  Fin  de  vie  et  accompagnement.  Rapport  remis  à  Monsieur  J-­‐F  Mattéi,  Ministre  de  la  Santé  de  la  Famille  et  des  Personnes  Handicapées;  2003.    24  Leonetti  J.  Rapport  fait  au  nom  de  la  mission  d'information  sur  l'accompagnement  de  la  fin  de  vie.  Assemblée  Nationale:  Rapport  n°1708;  2004.    25  Sentis  L.  Saint  thomas  d'aquin  et  le  mal:  Foi  chrétienne  et  théodicée.  Beauchene  ed.  ;  1992.    26  Source  :  Conseil  Général  de  la  Vienne.    

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                                                                                                                 38  De  Hennezel  M.  La  mort  intime.  Robert  Laffont  ed.  ;  1995.    39  Bungener  M,  Demagny  L.  Prendre  en  charge  le  cancer  en  médecine  générale.  Centre  de  Recherche  Médecine,  Sciences,  Santé  et  Société  -­‐  CNRS  UMR  8169,  EHESS,  INSERM  U  750,  Université  Paris-­‐Sud;  2008.    40  Burucoa  B.  Enseignement  des  soins  palliatifs.  Actualité  Et  Dossier  En  Santé  Publique  (Adsp)  1999;  28;  p  51-­‐52.