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TENNIS PRENDRE LA BALL POURQUOI ET COM PAR J.-C. FLOTAT ET D. KELLER Au tennis, frapper des coups de fond de court très violents ne constitue pas la seule manière de prendre l'adversaire de vitesse ; par exemple, jouer en contrôle, en prenant la balle tôt après le rebond, peut permettre d'obtenir le même résultat. Pour exploiter cette moda- lité de frappe avec les meilleures chances de réussite, un certain nombre de principes « technico-tactiques » sont à respecter. Les options tactiques domi- nantes au tennis semblent dépendre des aptitudes parti- culières des grands champions pris comme modèles ainsi que de l'évolution technologique du matériel. Elles font davantage l'objet de mode et de réapparition cyclique que d'évolutions continues. Après l'ère du « lift » à outrance des années 70, avec des joueurs comme Borg et Vilas qui déployaient un jeu de neutra- lisation, Mc Enroe imposa, dans les années 80, un style à plat et des frappes de fond de court sur trajectoires montantes en refusant de reculer sur les balles hautes et « liftées » de ses adversaires ; il reprenait ainsi un style de jeu que Cochet, l'un des mousquetaires de l'équipe de France de coupe Davis, avait déjà systématisé dans les années 30. Aujourd'hui, des joueurs comme le chilien Rios, le russe Kafelnikof ou le tchèque Korda basent une grande partie de l'efficacité de leur jeu sur la précocité du moment de frappe de balle après le rebond. Une analyse en terme de logique interne du tennis peut permettre de dégager plusieurs avantages tactiques de cette modalité de frappe particulière. En ce qui concerne l'exécution technique du coup, des adapta- tions de l'amplitude et du temps de mouvement apparaissent indispensables. Des recherches en laboratoire nous ont permis, d'une part de caractériser les stratégies les plus efficaces pour paramétrer le geste lorsqu'il s'agit de prendre la balle tôt après le rebond, d'autre part de repérer les moments de frappe les plus compatibles avec une bonne précision. Sur le plan didactique, nous pro posons un référentiel « technico tactique » caractérisant plu- sieurs niveaux de compétence quant à la précocité du moment de frappe de balle. Les situations de référence et d'apprentissage suggé- rées permettent de sensibi- liser les élèves aux multiples intérêts de ce type de frappe et de s'y exercer. LES RAISONS DE LA MISE EN OEUVRE DE LA FRAPPE TÔT APRÈS LE REBOND Le but général et les caractéristiques réglementaires du ten- nis constituent unfaisceaude contraintes qui structurent ce que Parlebas (1) appelle la logique interne de l'activité, c'est-à-dire ce qui. fondamentalement, va induire les actions du joueur. Pour répondre à cette logique interne, le joueur a un ensemble de procédures tactiques à sa dispo- sition. Kusmierczyk considère que sélectionner certaines de ces procédures revient à revêtir différents rôles tac- tiques. Par exemple, le joueur est qualifié d'avanceur quand il tend vers lu recherche systématique d'un repla- cement offensif dans son espace d'action, en vue d'une optimisation du coup suivant (gain espace-temps) (2). Ainsi, prendre la balle tôt après le rebond représente une procédure tactique à privilégier par le joueur avanceur, elle répond de manière pertinente à certaines situations de jeu. Une procédure à vocation offensive Fond de court Alors qu 'il a déporté son adversaire, l'attaquant joue dans l 'espace libre en prenant la balle très tôt après le rebond afin de ne pas laisser à cet adversaire le temps de se replacer. L'utilisation de cette modalité de frappe va également permettre à ce joueur de s'ouvrir davantage les angles de jeu possibles. Montée à la volée Le joueur a décidé de monter au filet, il prend la balle tôt après le rebond ce qui lui permettra d'avoir moins de dis- tance à parcourir pour se retrouver près du filet afin d'espérer « volleyer » dans de bonnes conditions (photos 1 à 4). EPS N° 2 7 2 - JUILLET-AOÛT 1998 33 Revue EP.S n°272 Juillet-Août 1998 c. Editions EPS. Tous droits de reproduction réservé

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TENNIS

PRENDRE LA BALLE TÔT, POURQUOI ET COMMENT ?

PAR J.-C. FLOTAT ET D. KELLER

Au tennis, frapper des coups de fond de court très violents ne constitue pas la seule manière de p r e n d r e l ' a d v e r s a i r e de vitesse ; p a r exemple, jouer en contrôle, en prenant la balle tôt après le rebond, peut permettre d'obtenir le même résultat. Pour exploiter cette moda­

lité de frappe avec les meilleures chances de réuss i te , un cer ta in n o m b r e de pr inc ipes

« technico-tactiques » sont à respecter.

Les opt ions tactiques domi­nantes au tennis semblent dépendre des aptitudes parti­culières des grands champions pris comme modèles ainsi que de l'évolution technologique du matériel. Elles font davantage l'objet de mode et de réapparition cyclique que d'évolutions continues. Après l'ère du « lift » à outrance des années 70, avec des joueurs comme Borg et Vilas qui déployaient un jeu de neutra­lisation, Mc Enroe imposa, dans les années 80, un style à plat et des frappes de fond de court sur trajectoires montantes en refusant de reculer sur les balles hautes et « liftées » de ses adversaires ; il reprenait ainsi un style de jeu que Cochet, l'un des mousquetaires de l'équipe de France de coupe Davis, avait déjà systématisé dans les années 30. Aujourd'hui, des joueurs comme le chilien Rios, le russe Kafelnikof ou le tchèque Korda basent une grande partie de l'efficacité de leur jeu sur la précocité du moment de frappe de balle après le rebond. Une analyse en terme de logique interne du tennis peut permettre de dégager plusieurs avantages tactiques de cette modalité de frappe particulière. En ce qui concerne l'exécution technique du coup, des adapta­tions de l'amplitude et du temps de mouvement apparaissent indispensables. Des recherches en laboratoire nous ont permis, d'une part de caractériser les stratégies les plus efficaces pour paramétrer le geste lorsqu'il s'agit de prendre la balle tôt après le rebond, d'autre part de repérer les moments de frappe les plus compatibles avec une bonne précision.

Sur le plan didactique, nous pro posons un référentiel « technico tactique » caractérisant plu­sieurs niveaux de compétence quant à la précocité du moment de frappe de balle. Les situations de référence et d'apprentissage suggé­rées permettent de sensibi­liser les élèves aux multiples intérêts de ce type de frappe et de s'y exercer.

LES RAISONS DE LA MISE EN ŒUVRE DE LA FRAPPE TÔT APRÈS LE REBOND Le but général et les caractéristiques réglementaires du ten­nis constituent un faisceau de contraintes qu i structurent ce que Parlebas (1) appel le la logique interne de l 'ac t iv i té , c ' es t -à -d i re ce qu i . fondamentalement, va i ndu i re les actions du joueur. Pour répondre à cette logique interne, le j oueur a un ensemble de procédures tactiques à sa d ispo­si t ion. Kusmierczyk considère que sélectionner certaines de ces procédures revient à revêtir di f férents rôles tac­t iques. Par exemple , le j oueu r est qua l i f i é d'avanceur quand i l tend vers lu recherche systématique d'un repla­cement offensif dans son espace d'action, en vue d'une optimisation du coup suivant (gain espace-temps) (2). Ainsi, prendre la balle tôt après le rebond représente une procédure tactique à pr iv i lég ier par le joueur avanceur, elle répond de manière pertinente à certaines situations de j eu .

Une procédure à vocation offensive Fond de court A lo rs qu ' i l a déporté son adversaire, l 'at taquant joue

dans l 'espace l ibre en prenant la bal le très tôt après le rebond af in de ne pas laisser à cet adversaire le temps de

se replacer. L 'u t i l i sa t ion de cette modal i té de frappe va également permettre à ce joueur de s 'ouvr i r davantage les

angles de jeu possibles. Montée à la volée • Le joueur a décidé de monter au filet, il prend la balle tôt

après le rebond ce qu i lu i permettra d 'avo i r moins de dis­tance à parcour i r pour se re t rouver près du f i let a f in

d'espérer « vol leyer » dans de bonnes condit ions (photos 1 à 4) .

E P S N° 2 7 2 - J U I L L E T - A O Û T 1 9 9 8 33 Revue EP.S n°272 Juillet-Août 1998 c. Editions EPS. Tous droits de reproduction réservé

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• Lors de sa course vers le filet, le joueur frappe en « demi-volée » d 'approche car la balle est trop plongeante pour pouvoir jouer une volée et trop rapide pour pouvoir s'organiser pour une frappe classique après le rebond (photo 5).

Une procédure de contre-attaque

Retour de service L'adversaire v ient d 'exécuter un service très « slicé » pour déporter le joueur , ce dernier refuse de se laisser excentrer par l 'effet de la bal le en la prenant très tôt après le rebond , ainsi le « relanceur » garde la possib i l i té de contre-attaquer et de se replacer à temps pour le coup suivant (photo 6). Fond de court • L'adversaire vient d 'exécuter un coup droi t court croise ires « lifte ». au l ieu d'accepter le ga in d 'espace espéré par cet adversa i re , le joueur décide de couper la trajectoire en pre­nant la balle tôt pour monter au filet ou pour tenter un coup gagnant à plat en prof i tant de l 'angle offert par l 'adversaire. De plus, son replacement sera faci l i té par une moindre dis­tance à parcourir. • L'adversaire exécute une volée de défense, sur le « passing-shot » qu i suit, le j oueu r p r e n d la b a l l e tô t p o u r e f f e c t u e r un c o u p gagnant en ne laissant pas au « volleyeur » le temps de se replacer pour couvr i r le côté opposé à sa première volée (photo 7). Une procédure défensive

Fond de court La cont ra in te tempore l le imposée par l 'ad­versaire est tel le que le j oueu r est ob l igé de frapper une « demi-volée » de fond de court sans pouvo i r opérer des pet i ts pas d 'a juste­ment. La vitesse et la préc is ion de cette bal le sont, en général, assez faibles mais elle ob l i ­gera l 'adversai re à jouer un coup d 'at taque supplémentaire (photo S).

C O N S É Q U E N C E S SUR L A S O L L I C I T A T I O N DU S Y S T È M E DE T R A I T E M E N T DE L ' I N F O R M A T I O N

Si , effect ivement, prendre la balle tôt après le rebond permet d 'augmenter la contrainte tem­pore l le pour l 'adversa i re , cette moda l i t é de frappe provoque parallèlement une augmenta­t ion de la d i f f icu l té des exigences de précision spatio-temporelles pour le joueur qui a décidé de la mettre en ceuvre. En ce qu i concerne l 'analyse v isue l le de la ba l l e . G rego ry (3 ) d iscerne deux systèmes pe rme t tan t d ' a p p r é c i e r la t r a j ec to i r e d ' u n mobi le en mouvement : un système « image-

rétine » pour lequel l 'œi l reste fixe, l ' image du m o b i l e se déplaçant sur la ré t ine et un deux ième système « œi l - tête ». pour lequel l 'œi l , la tête ou les deux suivent le mobi le af in que la fovéa* en conserve une image fixe. Ces deux modes d 'appréc iat ion d ' un mob i le en mouvement entretiennent une relat ion avec le temps disponible pour l'observer. Une revue de la l i t térature établ ie par M o n ­tagne et Laurent (4) mon t re que lorsque le temps de p ré lèvement de l ' i n f o r m a t i o n est i n fé r ieu r à 245 m i l l i secondes (ms ) . seul le système « image- ré t ine » est m is en œuvre. Dans ce cas, la per formance dans une tâche d'ant ic ipat ion-coïncidence décroît au fur et à mesure que le temps disponible pour l 'obser­vat ion de l 'objet d iminue. A partir de 245 ms et j usqu 'à 365 ms. i l exis­terai t une zone de t rans i t ion du système « image-rét ine » au système « œil- tête » qui p r o v o q u e r a i t une s tagna t i on de la p e r f o r ­mance. A part i r de 365 ms, c'est le système « œil-tête » qu i est mis en œuvre et la perfor­mance augmente à nouveau jusqu 'à un temps de prélèvement de l ' in fo rmat ion de 445 ms. A par t i r de 445 ms, le système « œi l - tête » ne permet plus d'apporter des informat ions sup­plémentaires. A u tennis, les changements angulaires de la tra­j e c t o i r e de la ba l le après le rebond font du contact balle/sol un moment clé, à partir duquel le système visuel peut prélever les informations les plus utiles. La qualité de cette prise d ' in for­mation dépendrait donc directement du laps de temps s 'écoulant entre le contact de la bal le afférente au sol et la frappe du joueur. En ce qui concerne les paramètres de l 'exécu­t ion gestuelle, Schmidt et co l l . (5) ont montré que pour des tâches de pointage saturées en contraintes spatiales, les sujets avaient intérêt à rédu i re l ' a m p l i t u d e de leur m o u v e m e n t . Pour des tâches à exigences exc lus ivement t e m p o r e l l e s , ces auteurs mon t ren t que les sujets ont in térê t à rédu i re leurs temps de mouvement. Le but de nos études expérimentales était de conf i rmer ces résultats pour des gestes à voca­tion sportive, de grande ampli tude et assujettis à une doub le contra inte : spatiale et tempo­rel le. C'est plus part icul ièrement le coup droit de fond de court au tennis qu i a retenu toute notre attent ion.

ADAPTATION G E S T U E L L E À L A F R A P P E D E L A B A L L E T Ô T A P R È S L E R E B O N D

Notre méthodologie a consisté en l 'enregistre­ment du temps de mouvement, du moment de

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prise de bal le et de la vitesse de bal le d 'une populat ion de joueurs de deuxième série f ran­çaise. Cec i pour deux condi t ions expér imen­tales : une cond i t ion contrôle où le moment de prise de balle est l ibre et une cond i t ion où les sujets sont contraints de frapper la balle dans la phase ascendante de sa trajectoire, c'est-à-d i re entre 0 et 500 ms après le rebond . Les bal les, dél ivrées par une machine, possèdent une vitesse de 15 m/sec. et un angle d'arr ivée au sol de 25 e . Nos résultats montrent que pour garder une bonne précision en prise de bal le précoce, le joueur a intérêt à réduire son temps de mouve­ment par une d im inu t ion de l 'ampl i tude de ce dernier. En effet : • La précision spatiale est plus faci le à obtenir à partir d 'un mouvement de faible ampl i tude. • L e m inu tage du début du mouvemen t est également plus fac i le à obten i r p u i s q u ' i l se fai t en référence à un temps de mouvement plus court . • E n f i n , un temps de mouvement plus cour t permet d'augmenter la durée d'analyse visuelle de la trajectoire de la bal le car le déclenche­ment de ce mouvement peut être retardé par rapport au moment d'arrivée de la balle au sol. En ce qu i concerne le moment de déclenche­ment de la préparat ion gestuel le, ce ne sont pas les joueurs qu i préparent leurs gestes le plus tôt qu i obtiennent la mei l leure précision, nous avons, au con t ra i re , pu constater l ' i n ­verse. Ceci conf i rme les propos de Frery qu i . lors d 'un exposé sur les mythes pédagogiques au tennis, soul igne que « lors de la préparation du c o u p , me t t r e la raque t te tô t en a r r i è re entraîne une rupture de ry thme dans la frappe et un déplacement peu fonct ionnel . 11 est p lu ­tôt consei l lé de donner des repères corporels par rapport à la trajectoire de bal le » (6) .

M O M E N T D E PRISE DE B A L L E E T P R É C I S I O N

Notre étude expér imenta le montre qu ' en condi t ion de prise de balle précoce, les sujets qu i prennent la ba l le le p lus tô t . entre 0 et 200 ms. après le rebond au sol (demi-vo lée) , obt iennent une mei l leure précis ion que ceux q u i la f rappent dans un i n te r va l l e c o m p r i s entre 200 ms et 500 ms. I l semblerait que le premier groupe de sujets cité puisse bénéficier de l ' ana l yse de la t r a j ec to i r e précédant le rebond, la frappe s'effectuant très près de ce dernier . Par cont re cette stratégie s ' a c c o m ­pagne d 'une d im inu t i on de la vitesse de leurs balles en raison d 'une ampl i tude gestuelle des plus réduites. La mei l leure préc is ion est obtenue pour des moments de prise de balle se situant au-delà de 500 ms car. dans ce cas. le système visuel aura i t le temps de r e c u e i l l i r su f f i sammen t d ' in format ions sur la trajectoire de balle après le rebond. Les sujets f rappant la bal le dans l ' in terva l le compr is entre 200 ms et 500 ms après le rebond seraient dans une zone de transit ion où le système visuel ne peut plus vraiment p ro f i ­ter des i n fo rma t ions recue i l l i es avant le rebond au sol et ne peut pas encore exploi ter une analyse de la trajectoire après le rebond, faute de temps.

SITUATIONS DE REFERENCE Ces résultats sont intéressants dans la pers­pect ive d 'accroî t re la pert inence et la préc i ­sion des consignes de réalisation promulguées aux élèves. Pour mettre en évidence l ' intérêt de la prise de balle précoce auprès des élèves et pour que ces derniers puissent juger de leurs progrès ou des di f f icul tés qui persistent quant à la maîtr ise de cette habi leté spéc i f ique, la not ion de si tuat ion de référence nous semble intéressante. Pour Boda et Récopé (7 ) . « la s i tua t ion de ré férence apparaît c o m m e une tâche constru i te ou chois ie par l 'enseignant pour sa puissance à favor i se r l ' e x a m e n de comportements jugés signi f icat i fs. Destinée à être reproduite au cours de la séquence d 'en ­seignement el le permet d 'ef fectuer des c o m ­paraisons entre des états successifs des com­portements de l 'apprenant ». C o n c e r n a n t la p r i s e de b a l l e tô t après le rebond, nous proposons une situation de réfé­rence à trois niveaux de difficultés. Au regard des bases de compétences tennist iques m i n i ­males requises pour pouvoi r aborder ce type de travai l , la d i f f icu l té de niveau I correspon­dra i t à un classement m i n i m a l de f i n de 4e série ou début de 3 e série.

Toucher de halle, jeu en contrôle en prise de halle précoce voire en demi-volée : antici­pation et vitesse de l'enchaînement des actions : placement/frappe/replacement.

NIVEAU 1 :

Réalisation Dans les carrés de service essayer de marquer le point avec une balle en mousse sans frapper fo r t , en jouant en demi -vo lée. Les volées ne sont pas autorisées dans un premier temps. Variante : Volées autorisées mais, dans ce cas, les couloirs de double, jusqu 'à la l igne de carré de service, font partie du terrain.

Consignes Soigner la précision des orientations de tamis et les pet i ts pas d 'a jus tement , la vitesse de replacement et le moment de déclenchement des reprises d 'appuis.

NIVEAU 2/ NIVEAU 3

Réalisation D ' u n carré de service à l 'autre, chaque joueur engage une bal le fac i le « à la cu i l lè re », les 2 ba l les se t r ouven t donc en j e u en m ê m e temps, j oue r le po in t , chaque bal le vaut 1 po in t . D é l i v r e r des t ra jec to i res de ba l les hautes n'est pas autorisé, faire le point direc­tement au service ne compte pas. vitesses de balle moyennes, volées non autorisées. U t i l i ­sation de halles en mousse au début. Consignes Prendre la balle de plus en plus tôt pour que l 'adversaire se retrouve, au bout de quelques frappes, avec 2 balles à négocier pratiquement au même moment. Ut i l i ser son champ de vis ion périphérique pour anticiper la direct ion de la ba l le frappée par l 'adversa i re , tout en regardant la balle que l 'on frappe. Les phases de replacement et de reprise d 'appui sont qua­siment absentes ; i l faut enchaîner la frappe de la 1re balle et le déplacement vers le l ieu estimé du rebond de la 2e bal le.

NIVEAU 4 / NIVEAU 5

Réalisation Identique à celle des niveaux 2 et 3 mais avec 2 balles normales et dans un carré de service et demi . Consignes Le joueur doi t revêt ir le double rôle tactique « d 'avanceur -p laceur ». En ef fe t , ic i , la cont ra in te tempore l le peut être créée par la précocité du moment de prise de balle cumu­lée avec un jeu en angle.

T e r m i n o l o g i e

Logique interne : « Système des traits pertinents d'une situation motrice et des conséquences qu'il entraîne dans l'accomplissement de l'action motrice correspon­dante ». (Parlebas, op. cit. p. 131). Demi-volée : Coup joué très tôt après le rebond au sol. Service « slicé » : Service destiné à imprimer un effet latéral à la balle, ce qui a pour conséquence de produire une trajectoire curviligne dans un plan horizontal : cette trajectoire est conservée après le rebond. « Relanceur » : Joueur en position de retour de service. Coup droit « lifté » : Coup droit destiné à imprimer une rotation à la balle d'arrière en avant, ce qui a pour conséquence une déperdition de vitesse, après le rebond, moins importante que pour une balle sans rota­tion. L'effet lifté s'accompagne également d'une dissy­métrie angulaire conséquente entre l'angle d'arrivée de la balle au sol et l'angle de restitution après le rebond.

« Volleyeur » : Joueur qui frappe la balle de volée avant son rebond au sol. Bon « timing » : Bon moment de déclenchement de la préparation gestuelle pour que. en fonction de l'ampli­tude et de la vitesse de cette dernière, la tête de raquette rentre en contact avec la balle exactement au point d'impact virtuel anticipé par le joueur.

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R É F É R E N T I E L DE N I V E A U X D E C O M P É T E N C E S

Dans un enseignement qu i tend vers une cer­taine d i f fé renc ia t ion pédagogique, i l est nécessaire de pouvoir évaluer les élèves à dif­férents moments de leur apprentissage. C'est pourquoi nous proposons un référentiel à c inq niveaux de compétence. Les indices débou­chant sur cette d iscr iminat ion par niveau pro­viennent de l 'observat ion de comportements d'élèves frappant la balle tôt après le rebond en match ou . p lus par t icu l iè rement dans les s i tuat ions de référence évoquées ci-dessus. Ces comportements sont dif férents car la per­t inence tact ique, les capacités « percept ivo-motr ices » et les procédés techniques qu i les sous-tendent ne seraient pas de même niveau. I l ne s 'agit là que d'hypothèses d idact iques dont la f o n c t i o n est de tendre vers une meilleure efficacité pédagogique.

SITUATIONS D'APPRENTISSAGE Pour chacun des quatre « sous- thèmes » pédagogiques envisagés et afin de répondre à l 'hétérogénéité de niveau des élèves, trois tâches motr ices de difficulté croissante sont envisagées, ces tâches motr ices devraient être à même d'acquérir le statut

de situations d'apprent issage et permettre aux élèves de progresser d'un niveau à l'autre.

1er T H E M E : P R I S E D E B A L L E T O T P O U R D E B O R D E R L ' A D V E R S A I R E E N F O N D D E C O U R T

NIVEAU 1 Réalisation A joue en neutralisation des balles faciles dans la zone marron. B prend l'initiative en prenant la balle tôt pour déborder son adversaire. Consignes pour B (dessin 1 ) Se placer le plus tôt possible, réduire l 'amplitude de son geste, jouer en contrôle, sans vitesse de bras excessive.

NIVEAU 2 I NIVEAU 3 Réalisation A joue le rôle de « repousseur » en produisant des balles hautes et liftées. B joue la balle tôt pour déborder son adversaire. Consignes pour B (dessin 2) Frapper à hauteur d'épaule en phase ascendante de la balle pour profi­ter d'un angle favorable et minimiser les déchets, enchaîner au filet sur les balles courtes (photos 9 et 10 p. 35).

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NIVEAU 4 / NIVEAU 5 Réalisation A tente de déborder B. pr incipalement par gain d 'espace en alternant des balles hautes liftées et des balles cour tes croisées. B tente de couper les trajectoires en prenant la balle tôt.

Consignes pour B Jouer des bal les « coupées » ou des bal les rapides avec peu d'effet « lifté », monter au filet à la première occasion, répéter les consignes du premier thème.

2e T H È M E : E N C H A Î N E M E N T D E S A C T I O N S , P R I S E D E B A L L E T Ô T P O U R M O N T E R A U F I L E T

NIVEAU 1 Réalisation A lance successivement 3 bal les à la main : une balle entre la ligne de fond de court et la ligne de carré de service, une balle entre cette der­nière ligne et le filet, enfin une balle très proche du filet. B f rappe les 2 premières balles sur trajectoire montante après le rebond et la troisième de volée, les 3 f rappes sont dir igées vers la cible marron, puis B reprend sa place init iale en courant à reculons pendant que C entame le m ê m e travail etc..

Consignes pour B et C (dessin 3) Accélérer vers l'avant après les 2 premières frappes, reprise d'appuis au moment des lancers de A. Répéter les consignes du thème 1 .

NIVEAU 2/ NIVEAU 3 Réalisation A et B jouent des volées et des demi-volées suivant la longueur de la balle de l 'adversaire en se replaçant obl igatoirement derrière la ligne de carré de serv ice entre chaque frappe. La cible des frappes étant les deux zones de couleur marron.

Consignes pour A et B (dessin 4) Attitude très f léchie dès la posit ion d'attente de la balle, éviter les demi -volées à trajectoire trop haute produites par un tamis de raquette trop orienté vers le ciel.

NIVEAU 4 / NIVEAU 5 Réalisation A et B commencent un échange neutre en fond de cour t sur demi- ter ra in dans le sens de la longueur. Ap rès une diza ine de f rappes, l 'un des joueurs prend la balle plus tôt et monte au filet en s'arrêtant au niveau de la ligne de carré de service ; sur le renvoi, son partenaire fait de même pour se retrouver également au niveau de la ligne de carré de service. Les 2 joueurs exécutent alors une dizaine de volées et « demi-volées », suivant la longueur de la balle à négocier ; puis, les 2 joueurs avancent encore pour jouer une dizaine de frappes de

volée. Enfin, l'un des joueurs lobe l'autre qui consent à reculer sans smasher ; dès qu'il a exécuté son lob, le joueur regagne également sa ligne de fond de court. À partir de ce moment, les 2 joueurs recommencent le même enchaînement d'actions : une dizaine de frappes neutres, etc. Consignes pour A et B Jouer en coopérat ion ; il s'agit surtout ici, dans un premier temps, de faire des « gammes » qui intègrent des f rappes sur trajectoire montante et en demi-volée ; jouer en contrôle sans faire de fautes. Après 10 minutes, effectuer la même tâche en jouant pour gagner le point.

3* T H É M E : J E U A G R E S S I F E N R E T O U R D E S E R V I C E

NIVEAU 1 Réalisation Sur une deux ième balle servie avec peu d'ef­fet ; le serveur A indique où il sert ; le « relan­ceur » B prend la balle tôt pour entamer l'échange de manière agressive. Consignes Position d'attente avancée sur la ligne de fond de court ; préparat ion gestuel le écour tée : forte poussée des appuis vers l'avant pour transfé­rer le poids du corps de l'arrière vers l'avant.

NIVEAU 2/ NIVEAU 3 Réalisation Sur une deux ième balle de service, le serveur indique où il sert mais varie les effets sans les annoncer ; le « relanceur » prend la balle tôt. Consignes Identiques au niveau 1 ; util isation possible de l'effet « coupé » pour relancer les services très liftés.

NIVEAU 4 I NIVEAU 5 Réalisation Sur une deux ième balle de service, le serveur n' indique ni le l ieu, ni l'effet de son service ; le « re lanceur » a l terne la pr ise de bal le tôt en restant en fond de court et en montant au filet suivant la quali té de sa frappe. Consignes Identiques à celle des niveaux 2 et 3 ; possibi­lité d 'augmen te r l ' incert i tude événement ie l l e chez le serveur en ne prenant pas la balle tôt de manière systémat ique.

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4e T H È M E : C O N T R E - A T T A Q U E F A C E A U V O L L E Y E U R

NIVEAU 1 Réalisation A engage une balle facile et assez « tendue » en diagonale puis enchaîne un dép lacement pour couvr i r la zone C ; B prend la bal le tôt après le rebond pour jouer un « passing-shot » gagnant avant que A soit placé. Si A peut jouer la volée, les joueurs terminent le point de manière libre. Consignes pour B (dessin 5) Soigner le petit jeu de jambes ; réduire l 'amplitude gestuel le.

NIVEAU 2 I NIVEAU 3 Réalisation Le volleyeur A engage une balle facile et assez « tendue » sur B ; ce der­nier joue sur A et anticipe immédiatement vers la zone C ; le volleyeur joue sa volée dans cette zone C et démarre pour couvrir la zone D de l'autre coté. B doit avoir exécuté son « passing-shot » avant que A soit en posi­t ion pour l' intercepter ; pour cela il prend la balle tôt après le rebond. Consignes pour B (dessin 6 ) Frapper avec effet « lifté », pousser sur la jambe arrière pour le transfert du poids du corps vers l'avant afin de ne pas trop perdre en vitesse de balle.

NIVEAU 4 I NIVEAU 5 Réalisation Depuis sa ligne de fond de court, A engage une balle sur B et monte au filet ; B délivre systémat iquement son premier « passing-shot » dans la zone C. Après avoir anticipé son déplacement vers la zone rouge, A exé­cute une volée le long de la ligne ou croisée, au choix ; B prend la balle tôt pour exécuter son « passing-shot » dans la zone D pour prendre le volleyeur de vitesse, ou il choisit de prendre la balle plus tard pour jouer le contre-pied ; possibil i té de lober. Consignes (dessin 7) Le choix du moment de prise de balle et de la direction du passing-shot de B doit dépendre de la qualité de la volée de A et de la vitesse du repla­cement de ce dernier après sa première volée. Le choix de l'utilisation du lob dépendra de la distance séparant le volleyeur du filet au moment où B s 'apprête à frapper, c'est en vis ion pér iphér ique que B doit pouvoir recueill ir ces indices sur le déplacement du « volleyeur ».

C O N C L U S I O N

En analysant le coup droit d'Agassi. Tsukamoto souligne que plus lu bulle est frappée haut, plus elle peut être frappée de façon violente et offensive (...). En d'autres tenues, le coup le plus défensif est une demi-volée ( 8 ) . Pour notre part, nous ne pensons pas que le caractère offensif d'une balle soit uniquement lié à sa composante vitesse. Dans certaines situa­tions de jeu. la précocité de la prise de balle associée à une bonne longueur de balle peut rendre cette der­nière offensive même si la frappe a eu lieu à une hau­teur plus basse que le filet. Dans le cas où l'adver­saire, débordé, exécute un coup de défense coupé à ras du filet, prendre la balle très tôt constitue une des seules modalités de frappe après rebond susceptible de prendre définitivement cet adversaire de vitesse. En effet, la balle sera trop basse pour lui imprimer une grande vitesse, et un effet lifté accentué ralenti­rait la halle et permettrait à l'adversaire d'avoir le temps nécessaire pour organiser sa défense. En ce qui concerne la « demi-volée » l'australien Rafter. récent vainqueur du tournoi de Flushing

Meadow a prouvé que ce type de frappe pouvait revêtir un caractère très offensif. Nous espérons avoir pu montrer que la précocité du moment de frappe de balle après le rebond revêt des avantages tactiques indéniables et variés ; dès lors il nous paraît intéressant de la considérer comme un thème d'enseignement à part entière. A coté des coups de fond de court classiques, il nous semble important que le joueur automatise une façon spécifique de paramétrer son geste afin d'accroître son pourcentage de réussite quand les situations de jeu imposent de prendre la balle tôt après le rebond. Apprendre à repérer ces situations fait également partie de l'apprentissage des joueurs de niveau moyen.

Jean-Christophe Hotat Professeur agrégé - DEA STAPS,

Collège I I . Mölsheim 67. Dominique Keller

M a î t r e de con fé rences - HDR S T A P S . L a b o r a t o i r e de p s y c h o b i o l o g i e du C o m p o r t e m e n t m o t e u r et des spor ts - Un ive rs i t é de St rasbourg II.

* La fovéa : dégression médiane de la tâche jaune au centre de la rétine, zone où la vision est la plus nette.

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38 Revue EP.S n°272 Juillet-Août 1998 c. Editions EPS. Tous droits de reproduction réservé