Thèse Strategies Energetiques Europeennes pour l'intégration des Energies Renouvelables -...
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ISC PARIS
MBA MANAGEMENT DE LA PERFORMANCE DURABLE
ANNEE 2011/2012
THESE PROFESSIONNELLE
SOUTENUE LE : 27 SEPTEMBRE 2012
STRATEGIES ENERGETIQUES EUROPEENNES MISES EN ŒUVRE POUR
L’INTEGRATION DES ENERGIES RENOUVELABLES
PAR
JEAN-PHILIPPE ENZER
SOUS LA DIRECTION DE OLIVIER SORIA
08 Fall
2
3
Remerciements
Mes remerciements vont à l’ensemble des amis, professeurs, contacts professionnels qui ont
su m’écouter et transmettre leurs différents avis et savoirs. Je les remercie notamment pour
toute l’aide qu’ils m’ont apportée, les connaissances et conseils précieux qu’ils m’ont
transmis.
Je tiens à remercier tout particulièrement, Madame Karen Delchet-Cochet, responsable du
MBA Management de la Performance durable et professeur chercheur spécialisé dans les
domaines liés à l’environnement, la RSE, la biodiversité, les différentes normes
environnementales, les achats responsables. Monsieur Olivier Soria, professeur chercheur à
l’ISC PARIS spécialisé dans le droit de l’environnement, de l’urbanisme, et tuteur de ma
thèse professionnelle. Je le remercie pour sa disponibilité, pour les multiples débats animés
tout au long de l’année de formation et de la période de recherche.
Mesdames et Messieurs, Natacha Hakwik (Alpiq), Alexandre Soroko (E.ON), professionnels
du secteur de l’énergie et personnes remarquables. Ils ont eu la gentillesse de répondre à mes
questions, me donner leurs avis et conseils sur mon sujet de thèse et surtout m’apporter des
éléments concrets tirés de leurs expériences professionnelles à la CRE (Commission de
régulation de l’énergie) et de leur entreprise actuelle.
Je remercie l’ensemble du corps administratif et professoral de l’ISC Paris qui ont su nous
accompagner avec une qualité exceptionnelle cette année, nous transmettre des connaissances
de très haute qualité apportant un bagage culturel conséquent, exploitable de manière
opérationnelle, dans ma vie professionnelle et même personnelle.
Enfin, mes pensées vont aussi à l’ensemble de mes camarades de promotion avec qui j’ai
passé des moments inoubliables au cours de l’année 2011-2012, et chez qui j’ai trouvé un
soutien et une amitié sans bornes.
4
5
Sommaire
Glossaire ............................................................................................................................................. 6
Synthèse .............................................................................................................................................. 7
Introduction ................................................................................................................................... 11
1. Bilan des énergies renouvelables en Europe .............................................................. 13 1.1. Etat des lieux des énergies renouvelables en Europe. Analyse de la France, l’Allemagne et l’Espagne ....................................................................................................................... 14 1.1.1. France ......................................................................................................................................................... 16 1.1.2. Allemagne ................................................................................................................................................. 18 1.1.3. Espagne ...................................................................................................................................................... 21
1.2. Situation des énergies renouvelables au niveau politique, législatif et réglementaire .......................................................................................................................................... 25 1.2.1. Situation générale ................................................................................................................................. 25 1.2.2. Situation législative et réglementaire .......................................................................................... 25 1.2.2.1. France ..................................................................................................................................................... 27 1.2.2.2. Allemagne ............................................................................................................................................. 30 1.2.2.3. Espagne .................................................................................................................................................. 32
2. Positionnement des énergies renouvelables dans un marché libéralisé et leviers économiques existants ................................................................................................. 33 2.1. Choix énergétiques nationaux et intégration des énergies renouvelables dans le bouquet énergétique ............................................................................................................................. 37 2.1.1. France ......................................................................................................................................................... 38 2.1.2. Allemagne ................................................................................................................................................. 41 2.1.3. Espagne ...................................................................................................................................................... 43
2.2. Divers outils au service du développement des énergies renouvelables ................ 43 2.2.1. Echelle communautaire ...................................................................................................................... 44 2.2.2. Echelle nationale ................................................................................................................................... 45
3. Synthèse et réflexion sur l’optimisation des stratégies énergétiques sur le plan des EnR ............................................................................................................................................. 48 3.1. Les EnR, solution temporaire ou alternative incontournable ..................................... 48 3.2. Dépendance énergétique des pays. Independence ou convergence des stratégies énergétiques nationales ....................................................................................................................... 51 3.3. Pistes d'optimisation pour intégrer les EnR dans les mix énergétiques nationaux 52
Conclusion ...................................................................................................................................... 55
Bibliographie ................................................................................................................................. 57
Annexes ............................................................................................................................................ 58
6
Glossaire
AIE : Agence Internationale de l’Energie
CSPE : Contribution au Service Public de l’Électricité
E-SER : Electricité issue d’une Source d’Energie Renouvelable
EEG : Erneuerbare-Energien-Gesetz
EnR : Energies renouvelables
GES : Gaz à Effet de Serre
GIEC : Groupement International des Experts du Climat
ICPE : Installations Classées Pour l’Environnement
JO : Journal Officiel
MW / TW : Unités de puissance
MWc : Mégawatt crête (unité de la puissance installée photovoltaïque)
MWh / TWh : Unités d’énergie
SER : Source d’Energie Renouvelable
UE : Union Européenne
7
Synthèse
Face au changement climatique, à l’épuisement des réserves de pétrole, à l’explosion
démographique, à l’appétit exponentiel en énergie des NPI (Nouveaux Pays Industrialisés), à
l’augmentation et la volatilité des prix des ressources fossiles, les énergies renouvelables
passent aujourd’hui pour la solution énergétique rêvée : d’un côté elles n’émettent pas de
CO2 durant la phase d’exploitation (procédé de fabrication et de recyclage exclus); de l’autre,
elles sont inépuisables. Qu’attendent-elles pour percer sur la scène énergétique
internationale ? Sont-elles une des composantes de la croissance verte tant attendue?
La réponse est complexe: la densité énergétique des énergies renouvelables peut être remise
en question ainsi que leurs différents rendements. Au niveau économique, nous pouvons nous
demander si les énergies renouvelables peuvent concurrencer les énergies conventionnelles ou
l’énergie électronucléaire sur le long terme ; au niveau technique, se questionner sur la
possibilité d'intégrer des systèmes de production d’énergie décentralisés sur un réseau encore
fragile dans certaines zones.
Le développement économique du dernier centenaire à travers le monde est l’exemple concret
que l’énergie est le moteur de l’économie moderne. Depuis environ 30 ans, la société connaît
de profondes mutations, qui s’enchainent de plus en plus rapidement. En vingt ans, de
nombreuses innovations technologiques ont vu le jour et le secteur de l’énergie a subi une
vague de restructurations ainsi que des périodes de croissance sans précédent dans son
histoire.
Pourtant, « Notre politique énergétique n’est pas soutenable ». L’affirmation répétée de l’AIE
dans leurs différents rapports est indéniable. Citation appuyée par les différents travaux initiés
par Mathis Wackernagel et William Rees qui ont élaboré l’empreinte écologique. Depuis
quelques années, il a été démontré que l’Homme vit à crédit à partir de la moitié de l’année
(22 août pour l'année 2012), c’est à dire qu’il consomme plus que ce que la Terre peut
régénérer comme ressources. Combien de temps pouvons-nous encore vivre à ce rythme ?
L’empreinte énergie ou l’empreinte carbone, représente la plus grande composante de
8
l’empreinte écologique, qu’il faut absolument réduire, ceci amenant une réflexion globale au
niveau du modèle énergétique et économique mondial. Cette dernière a été en partie menée
par les travaux menés par Jay Forrester et son équipe du MIT (Massachussetts Institute of
Technology) [Meadows et al. 1972], dit rapport du Club de Rome ou aussi appelé Rapport
Meadows démontrant de manière scientifique et sans ambiguïté que les sociétés humaines ne
pouvaient poursuivre cette croissance démographique, économique et industrielle sans être un
jour confronté à une limite critique de non-retour.
Les principales matières fossiles ont témoigné d’une volatilité incroyable au cours de la
dernière décennie ; le pétrole a vu son prix multiplié par 7 entre 2001 et 2008, le gaz naturel a,
quant à lui, vu ses cours s’accroître de près de 80 % sur les marchés entre septembre 2007 et
juin 2008, avant de chuter très lourdement jusqu’à la mi-2009. Ce contexte d'instabilité
montre que nous sommes à un tournant historique de l'histoire énergétique et que des
décisions importantes doivent être prises, certes difficiles par rapport aux spécificités de
l'énergie.
Au niveau de l’UE, la prise de conscience de l’importance de l’énergie dans l’équation de la
croissance et le développement des sociétés a poussé les institutions communautaires à voter
des directives applicables de manière équitable dans l’ensemble des pays membres dont la
dernière en date, 2009/28/CE. Ces mesures, pouvant être perçues comme
contraignantes (libéralisation de marchés, dérégulation de l’électricité, ouverture à la
concurrence, politique de réduction des GES) ont permis l’avènement d'une politique
européenne de l'énergie ambitieuse, embrassant toutes les sources d'énergie qu'elles soient
fossiles (pétrole, gaz, charbon), nucléaire ou renouvelables (solaire, éolienne, issue de la
biomasse, géothermique, hydraulique, marines). C’est sur cette lancée, que les pays européens
doivent continuer pour montrer au reste du monde que les énergies renouvelables peuvent
atteindre une part importante des bouquets énergétiques nationaux, générer de l’emploi et
cette croissance tant attendue.
Les différentes analyses des situations énergétiques de la France, de l’Allemagne et de
l’Espagne au niveau des énergies renouvelables m’ont permis d’avoir un aperçu global du
9
développement de ces dernières. J’ai pu ensuite confronter ces informations avec différents
contacts professionnels qui m’ont donné des éléments supplémentaires sur la situation réelle
dans ces différents pays et les nouveaux enjeux majeurs auxquels est confronté l’Union
Européenne.
Cette étude m’a permis de rentrer dans l’analyse plus économique de l’énergie et de
comprendre les différents outils existants à l’échelle communautaire et à l’échelle nationale.
Les discussions autour de l’utilisation de ces différents outils, permettant l’essor important
des énergies renouvelables dans les pays comme l’Allemagne et l’Espagne, m’ont fait
comprendre qu’une certaine coordination globale doit être effectuée et les outils économiques
utilisés de manière beaucoup plus optimisés, d’où ma problématique suivante :
Quelles pourraient être les voies d’optimisation des stratégies énergétiques pour
intégrer de manière durable les énergies renouvelables dans les bouquets énergétiques
nationaux ?
Conjointement à l’aspect économique de l’énergie, des défis techniques majeurs doivent être
relevés (smart grids, centres de stockage, renforcement des réseaux locaux, économies
d’énergie, etc.). Néanmoins, la construction progressive de cette Europe fédérale de l’énergie
et l’établissement des mêmes règles du jeu pour les Etats membres grâce aux directives est
pour moi le terreau idéal pour apprendre à fonctionner différemment, opérer une
transformation sociétale majeure, et transmettre aux générations futures un monde équipé
pour répondre aux principales problématiques environnementales.
10
11
Introduction
La croissance de la demande énergétique à travers le monde, les problématiques
environnementales majeures, les catastrophes naturelles et industrielles font des énergies
renouvelables l’une des solutions les plus probantes pour la production d’électricité pour le
futur. Même si aujourd’hui, elles suscitent de nombreux débats autour de leurs
aléas (intermittence, variabilité des ressources, difficultés de stockage, gêne auprès du
voisinage), elles répondent à plusieurs enjeux majeurs : la sécurité énergétique, le
réchauffement climatique, le risque nucléaire et même la croissance économique. Un peu plus
d’un an après Fukushima, et dans un contexte de crise financière internationale aigue, de
raréfaction des matières premières et de tensions sur le prix de ces dernières, l’énergie devient
une préoccupation majeure à l’échelle des pays, à l’échelle communautaire mais également
internationale.
Les pays s’interrogent sur les différents choix de filières énergétiques à long terme. La filière
nucléaire sur laquelle de nombreux pays ont basé leurs stratégies énergétiques peut-elle, au vu
des accidents majeurs ces dernières décennies, demeurer dans les mix énergétiques
nationaux ? Le recours massif à court terme aux sources d’énergies fossiles peut-il constituer
un substitut à l’énergie nucléaire dans un contexte de pénalisation durable des émissions de
gaz à effet de serre ? Les énergies renouvelables sont une solution, mais peuvent-elles couvrir
une part suffisante des énergies conventionnelles ? Quels que soient les scénarios
énergétiques retenus, des investissements importants seront nécessaires qui généreront une
hausse des coûts de production et donc des tarifs. Pourquoi ne pas investir au bon endroit,
avant que le bon moment ne soit révolu ?
L’énergie n’a jamais connu autant de mutations et de transformations que depuis ce dernier
siècle. Après un développement local et parcellaire, elle s’est petit à petit concentrée dans des
systèmes intégrés à envergure nationale, pour finalement connaître un nouvel éclatement avec
l’insertion de nouveaux acteurs et la recherche d’une concurrence parfaite et équilibrée à
l’échelle de l’Union Européenne. Les énergies renouvelables doivent trouver leur place dans
12
cet environnement mouvant et surtout prendre place dans les stratégies énergétiques
nationales.
Chaque pays doit définir une stratégie énergétique qui lui permette de répondre dans la durée
à ses besoins et de préserver l’environnement en tirant au mieux parti de ses atouts naturels et
de ses avantages compétitifs. Les nations se trouvent engagées dans une période de transition
vers de nouveaux modèles énergétiques dont les maîtres-mots seront durabilité des
ressources, compétitivité et innocuité des productions d’énergie, ce qui nous amène à la
problématique suivante : Quelles pourraient être les voies d’optimisation des stratégies
énergétiques pour intégrer de manière durable les énergies renouvelables dans les bouquets
énergétiques nationaux ?
L’analyse se déroulera en trois étapes. Dans un premier temps, un bilan des principales
énergies renouvelables sera effectué au niveau communautaire puis à l’échelle de trois pays
européens pris en exemple : la France, l’Allemagne et l’Espagne, présentant à eux seuls des
caractéristiques et stratégies extrêmement intéressantes à analyser. En effet, la France possède
l’un des plus grands parcs électronucléaires au monde, et l’Allemagne ainsi que l’Espagne
sont les leaders mondiaux au niveau de l’éolien et du photovoltaïque en termes de capacités
installées et de taux d’intégration dans leurs mix énergétiques. L’Allemagne a décidé la sortie
du nucléaire d’ici 2023 induisant un développement fort des EnR. L’Espagne connaissant une
situation économique extrêmement difficile du à un endettement fort, a décidé récemment
l’arrêt total des soutiens aux EnR pour une durée indéterminée. Ces contextes très différents
renforcent l’intérêt d’une analyse tripartite.
Dans un deuxième temps, les contextes politiques, législatifs et réglementaires de chaque
pays seront décrits point par point pour identifier les leviers communautaires et/ou nationaux
existants pour intégrer les énergies renouvelables.
Enfin, après compilation des données précédentes, une réflexion sera effectuée sur les voies
d'optimisation des politiques énergétiques pour intégrer les énergies renouvelables de manière
durable et soutenable.
13
1. Bilan des énergies renouvelables en Europe
Une source d’énergie est dite « renouvelable » lorsqu’elle peut être recréée naturellement à
une échelle de temps humaine (inférieure à 30 ans), contrairement aux énergies non
renouvelables issues de ressources dont le stock ne peut être régénéré qu’au bout de plusieurs
millions d’années (ressources fossiles : pétrole, charbon, uranium, etc.).
De nombreuses énergies renouvelables existent (voir table 1 en annexe), que l’on peut
catégoriser en 2 familles, celle des énergies thermiques et celle des énergies produisant de
l’électricité.
L’énergie thermique peut être utilisé à l’état brut (exemple : solaire thermique dédié à la
production d’ECS1 et au chauffage de bâtiments). D’autres énergies renouvelables produisent
essentiellement de l’électricité (exemple : énergie éolienne). Cette deuxième catégorie fait
souvent l’objet de transformation d’une énergie primaire2 (énergie cinétique du vent, énergie
potentielle d’une masse d’eau d’un réservoir de barrage) par un ensemble mécanique (arbre
de transformation : turbine couplé à un alternateur pour une éolienne) et/ou électrotechnique
(transformateurs, onduleurs, etc.).
Précision supplémentaire, certaines énergies renouvelables peuvent effectuer de la
cogénération (production d’énergie thermique et électrique simultanément), comme par
exemple la géothermie, qui peut distribuer la chaleur naturelle sur un réseau de chauffage
collectif et produire de l’électricité grâce à la mise en mouvement d’une turbine couplée à un
alternateur électrique.
Les énergies renouvelables représentent une part significative dans le mix énergétique
européen et sont classées par ordre d’importance décroissant (capacité installée): la biomasse,
l’hydraulique, l’éolien, la géothermie, l’énergie solaire et enfin les énergies marines (voir
table 1).
1 ECS : eau chaude sanitaire
14
Il est important de faire la distinction entre consommation d’énergie primaire et d’énergie
finale : la consommation d’énergie finale correspond à l’énergie prête à être consommée
(essence dans les stations services, électricité au sein des bâtiments) par opposition aux
consommations primaires d’énergie directement issues de produits énergétiques non
transformés, exploités de manière directe ou produits importés (pétrole, gaz naturel, énergie
cinétique du vent, combustibles minéraux non transformés, biomasse, rayonnement solaire,
énergie hydraulique, géothermie, réaction nucléaire) et marginalement sous forme de dérivés
non énergétiques (goudrons, bitume, lubrifiants).
1.1. Etat des lieux des énergies renouvelables en Europe. Analyse de la France,
l’Allemagne et l’Espagne
Au cours de la dernière décennie, le marché des énergies renouvelables s’est développé d’une
manière très importante dans certains pays européens avec des taux de croissance à deux
chiffres dans le secteur de l’éolien et photovoltaïque au niveau de la puissance installée (voir
figure 2 en annexe). Diverses mesures ont été prises par les Etats membres pour mettre en
application la directive européenne 2009/28/CE du 23 avril 2009 relative à la promotion de
l’utilisation de l’énergie produite à partir de SER (Sources d’Energies Renouvelables),
modifiant puis abrogeant les directives 2001/77/CE et 2003/30/CE. La dernière directive en
date définie une série de préconisations et d’objectifs au niveau de la maitrise de la
consommation énergétique, l’innovation technologique dans le secteur des transports, le
soutien financier à l’échelle nationale et régionale, la favorisation du développement du
marché des sources d’énergie renouvelable, et enfin des mesures de réduction des GES
constituant le Paquet Climat Energie pour chaque Etat membre. Pour ces derniers, la directive
fixe des objectifs de production d'énergie renouvelable. Les États membres ont du transposer
la directive au plus tard 18 mois après sa publication du JO de l'UE soit le 5 décembre 2010
dans leurs lois nationales.
15
La France, l’Allemagne et l’Espagne ont pour objectifs (part des énergies renouvelables dans
la consommation finale brute d’énergie) respectivement : 23 %, 18 % et 20 %.3
Toutes les filières renouvelables se sont vues attribuer des objectifs de puissance et/ou de
production supplémentaires à mettre en œuvre au cours des années à venir. Ces jalons
marquent les étapes à suivre pour les Etats, les régions, les communautés mais aussi les
porteurs de projets, investisseurs, et industries en vue d’accroître la structuration des filières.
Malgré un climat économique difficile, les premiers résultats sont aujourd’hui visibles. La
part des énergies renouvelables dans la consommation finale brute d’énergie en Union
européenne (Union des 27) en 2006 était de 9 % pour atteindre en 2010 12,4 %4. Rappelons
que l’objectif du Paquet Climat Energie est de 20 % d’énergies renouvelables dans le mix
énergétique européen d’ici 2020.
Avant de faire le bilan des énergies renouvelables en France, Espagne et Allemagne, il
convient de situer au niveau mondial et européen la part des énergies nouvelles dans la
consommation finale brute d’énergie par rapport aux autres sources d’énergie, qui rappelons
le sont le pétrole, le gaz naturel, charbon, uranium et autres énergies fossiles.
Au niveau mondial les énergies renouvelables couvrent environ 20 % de la consommation
mondiale d’électricité5 mais seulement 2 % de la consommation finale d’énergie. Pourtant le
gisement mondial des énergies nouvelles est considérable et largement sous-exploité.
Au niveau de l’Union européenne des 27, en 2010, la part des énergies renouvelables dans la
consommation finale brute d’énergie est de 12,4 %6 que l’on peut relativiser du fait de
l’absence de données dans les pays comme la Belgique, France, Hongrie, Suisse, Islande et
Monténégro. L’électricité provenant de sources d’énergie renouvelable en pourcents de la
3 Eurostat. Code tsdcc110 4 Part des EnR dans la consommation finale brute d’énergie % 5 Hydraulique incluse 6 Eurostat. Code : t2020_31
16
consommation brute d’électricité s’élève pour l’Union des 27 à 19,94 %7 en 2010. La
généralisation des énergies renouvelables dans un nombre croissant de pays et la
consolidation des filières devrait assurer la continuité de ce développement.
Toutefois, comme indiqué dans le § 1, il faut différencier l’énergie thermique de l’énergie
électrique ainsi que la consommation brute et nette. L’objectif européen est de porter la part
des énergies renouvelables à 20 % d’ici 2020 dans l’énergie brute consommé (thermique et
électrique). La part du nucléaire dans la production énergétique à travers le monde illustre
bien la différence fondamentale entre l’énergie totale et l’énergie électrique produite. Malgré
tout ce que l’on pourrait croire, le nucléaire ne représente que 15 % de la production
électrique mondiale et que 7 % de la production d’énergie totale, si l’on effectue le bilan
énergétique global8.
Dans les prochaines parties, un état des lieux détaillé des principales énergies renouvelables
dans les trois pays analysés permettra de planter le contexte d’analyse. Une comparaison sera
faite entre la capacité installée de chaque énergie renouvelable par rapport aux objectifs
nationaux établis par la directive 2009/28/CE (Paquet Climat Energie). Corrélés à des études
prospectives, une tendance pourra être établie quant à la probabilité de succès d’atteinte des
objectifs nationaux. A partir de cette évaluation, une tour d’horizon sera effectuée au niveau
de la situation politique, législative et réglementaire que connaissent la France, l’Allemagne et
l’Espagne.
1.1.1. France
En France, pendant les 30 glorieuses fonctionnait un schéma relativement simpliste. La
Nation était le plus à même d’effectuer les choix et orientations au niveau stratégie
énergétique et le monopole fût l’organisation industrielle privilégiée pour mettre en œuvre ces
choix. De ce fait, en France fût développé un système technico-économique intégré
7 Eurostat. Code : tsien050 8 Conférence le 15/03/2012. Olivier BLOND. Fondation Good Planet.
17
verticalement, géré de manière complètement centralisée. Le cœur de la production
d’électricité reste l’électronucléaire. En France, elle représente près de trois quarts de la
production (74,8 %)9 très largement devant les énergies fossiles (10,3 %). L’hydraulique
occupe une place importante dans la production française puisqu’elle représente 11,9 %. Au
niveau des principales sources d’énergies renouvelables, on retrouve la filière éolienne (1,7
%), la filière biomasse (0,8 %) et le solaire photovoltaïque qui contre toute attente ne dépasse
pas les 0,1 % de la production électrique totale du pays.
La France a connu un développement sans précédent des énergies renouvelables au cours des
dernières années. Trois objectifs ont été clairement définis dés 2005 pour enclencher le
développement des différentes filières. Premièrement, la part des renouvelables dans la
production électrique nationale devait atteindre 21 % de la consommation électrique en 2010.
En 2009, cette part n’était que de 13,5 %10. Deuxièmement, un accroissement de 50 % de
l’énergie thermique issue de sources renouvelables (le développement du thermique en France
est très lacunaire malgré le potentiel existant). Et troisièmement, au niveau du transport, une
progression de 7 % de la part des biocarburants. Le gouvernement français, dans le cadre des
plans pluriannuel d’investissement (PPI), détaille les moyens mis en œuvre pour atteindre les
objectifs cités précédemment.
Le Grenelle I adopté en octobre 2008, confirme la volonté du pays de diversifier ses sources
énergétiques et atteindre l’objectif des 23 % d’énergie renouvelables d’ici 2020 (partie
intégrante du Plan Climat Energie communautaire). La partie technique du Grenelle appelé
Grenelle II a été adopté en mai 2010.
L’éolien bénéficie de tarifs d’achat de l’électricité favorables définis dans le décret du 17
novembre 2008 (détail § 2.2). L’objectif établi pour le secteur éolien d’ici 2020 est de 25 000
MW (19 000 MW onshore et 6 000 MW offshore). Le lancement de l’appel d’offres offshore
9 Treizième inventaire - Édition 2011 - La production d'électricité d'origine renouvelable dans
le monde 10 EurObserv’ER
18
d’un montant global de 10 milliards d’euros a été lancée par la CRE (Commission de
Régulation de l’Energie) le 11 juillet 2011 pour la première tranche, 3 000 MW répartis sur 5
sites le long de la façade atlantique. Le début de la construction des parcs est prévu pour avril
2015. La deuxième tranche devrait être lancée courant 2013.
L’interview d’Alexandre SOROKO, anciennement à la CRE, m’expliqua concrètement que
l’appel d’offres avait été effectué dans la précipitation et possédait une dimension plus
politique qu’une véritable volonté de promouvoir l’éolien offshore. Les entreprises ayant
gagné l’appel d’offre (Consortium EDF-Alstom (3 sites), Consortium Iberdrola-Areva (1
site), GDF Suez écarté et 5ème site non attribué), n’avaient que très peu de temps pour
effectuer des études de qualité. Il est difficile d’admettre qu’aucune étude poussée n’ait été
effectuée (étude sommaire et/ou détaillée au niveau géotechnique, technique,
environnementale, concertation du public) pour des installations aussi importantes.
Contrairement en Europe du Nord avec l’Allemagne, où le système d’attribution de zones de
développement éolien offshore dépend de la réalisation d’une série d’études préliminaires
importantes déterminant la faisabilité des projets.
1.1.2. Allemagne
La production d’électricité allemande est, comme la plupart des grands pays industrialisés,
largement dépendante des filières conventionnelles11 (82,5 % de l’électricité totale en 2010)
composée de centrales conventionnelles (58,7 %) suivie du nucléaire (22,7 %) et des déchets
non renouvelables (1,1 %). Le pays dispose également d’un large éventail de filières
renouvelables (17,5 %). La première d’entre elles est l’énergie éolienne (5,9 %), suivie de peu
par la biomasse (5,4 %), l’hydraulique (4,2 %) le solaire (1,9 %), et la géothermie (0,004
%) 12 . Le pays possède également quelques centrales géothermiques fonctionnant en
11 L’Europe de l’électricité et du gaz. 12 13ème inventaire Observ’ER – EDF. Chapitre 3
19
cogénération13, dont la production n’est pas encore représentative. Par contre, l’Allemagne a
su faire preuve d’une volonté hors normes pour modifier progressivement sa structure de
production d’électricité en faveur des filières d’énergie renouvelable.
La part de l’électricité renouvelable a ainsi augmenté de 10,6 points entre 2000 et 2010. Cette
modification résulte essentiellement du dynamisme de trois filières : l’éolien, la biomasse et
le solaire photovoltaïque.
La croissance la plus spectaculaire est à mettre au crédit du photovoltaïque (+ 69,9 % par an
en moyenne), principalement dans le sud de l’Allemagne. Le pays est de loin le premier
producteur mondial avec une production estimée à 12 TWh en 2010 soit environ 2 % de la
production électrique nationale. Son niveau de production a pratiquement doublé en 2010 (+
82,4 %). Ce niveau de production s’explique par la construction de nombreux parcs
photovoltaïques de grande puissance, allant de plusieurs dizaines à quelques centaines de
MW.
L’Allemagne est également un des leaders mondiaux de la production d’électricité éolienne.
La filière connaît pourtant pour la deuxième année consécutive une diminution de sa
production. Une première baisse a été enregistrée entre 2008 et 2009 (- 4,8 %), suivie par une
seconde l’année suivante (- 5,5 %). Ces deux baisses successives représentent un déficit de
production de plus de 4 TWh par rapport à 2008. Elles peuvent paraître étonnantes car le pays
a continué à augmenter ses capacités de production en 2009 (+1917 MW) et en 2010 (+1551
MW). Elles s’expliquent principalement par deux années historiquement peu ventées, mais
également par une nouvelle disposition qui permet aux gestionnaires de réseau de décrocher
13 La production combinée de chaleur et d'électricité, ou cogénération, est une technologie utilisée pour améliorer le rendement énergétique grâce à la production de chaleur et d'électricité dans la même installation, utilisant généralement une turbine à gaz avec récupération de chaleur. La chaleur produite par ces installations peut être utilisée pour divers processus ou à des fins de chauffage dans tout secteur d'activité économique y compris le secteur résidentiel. La cogénération réduit ainsi les besoins en combustible supplémentaire pour la production de chaleur et diminue les effets néfastes sur l'environnement, tels que les émissions de CO2.
20
certains parcs éoliens en cas de saturation du réseau, et ce en vue de le protéger d’une
surtension.
La croissance de la production d’électricité biomasse pose beaucoup moins de problème. La
filière évolue très régulièrement sur la période avec un taux de croissance annuel moyen de
22,6 %, lui permettant de passer d’un niveau de 4,4 TWh en 2000 à 33,6 TWh en 2010. Cette
croissance rapide place le pays à la deuxième place mondiale sur cette filière de production,
derrière les États-Unis.
Le potentiel de croissance de l’hydroélectricité est quasi inexistant. En 2010, sa production est
même légèrement inférieure à celle de 2000. La filière a été reléguée à la troisième place des
sources d’électricité renouvelable, devancée par la biomasse.
L’augmentation de la part de l’électricité renouvelable est continue depuis 2000. La
diminution de la production éolienne a été plus comblée par les filières photovoltaïque et
biomasse, permettant une hausse de 8 % de l’électricité renouvelable. On note toutefois un
retour à la croissance de l’électricité conventionnelle entre 2009 et 2010, mais dans de
moindres proportions (+ 4,9 %).
L’Allemagne est le deuxième producteur européen d’énergie éolienne derrière l’Espagne. On
note cependant une diminution du marché éolien, due à une difficulté croissante pour trouver
de nouveaux emplacements. Selon la DEWI (Institut allemand de l’énergie éolienne), 1 551
MW ont été installés durant l’année 2010, contre 1 917 MW en 2009. Cela représente une
diminution de 19,1 %. Au total, le pays compte désormais 21 607 éoliennes en opération pour
une puissance totale de 27 215 MW.
Le repowering (remplacement des éoliennes en fin de vie par de plus récentes) va devenir un
axe de développement important du marché éolien. En effet, dès 2015, près de 9 500
éoliennes seront potentiellement concernées pour un investissement pouvant aller jusqu’à 40
milliards d’euros. Le marché de l’offshore devrait être capable dans quelques années de
suppléer le marché de l’éolien terrestre. Le gouvernement a prévu l’installation de 20 000 à 25
000 MW de capacité offshore d’ici 2030, que ce soit en mer Baltique ou en mer du Nord. En
2010, le pays comptait en 2010 deux parcs offshores en fonctionnement, celui d’Alpha
Ventus (60 MW) et d’EnBW (opérateur électrique allemand) Windpark Baltic 1 (48,3 MW).
Le projet Bard Offshore 1 (400 MW) est quant à lui dans sa première phase de construction
avec une quinzaine d’éoliennes déjà installées fin 2010 sur les 80 prévues.
21
L’Allemagne est le premier pays producteur d’énergie solaire photovoltaïque. Elle est un des
rares pays avec l’Espagne à avoir fait le choix de développer une filière de production
d’électricité solaire à grande échelle malgré un gisement solaire peu propice.
Le pays a connecté au réseau pas moins de 7 406 MWc durant l’année 2010, portant la
puissance solaire cumulée à 17 320 MWc. La filière représentait en 2010 une production de
12 TWh, soit 1,9 % de la production d’électricité du pays. Compte tenu de la puissance
installée en 2011 et prévue en 2012 (au minimum 6 GWc), la part de l’électricité solaire
devrait être très proche des 3 % fin 2012.
Le pays a connecté au réseau en septembre 2011 la plus grande centrale photovoltaïque du
monde. Le projet Senftenberg II et III, qui a été mis en place en trois mois sur un ancien site
industriel, est dotée d’une puissance de 168 MWc et peut alimenter en électricité plus de 50
000 foyers.
L’objectif de l’industrie allemande selon sa feuille de route européenne est d’installer entre 52
000 et 70 000 MWc d’ici 2020, soit de quoi assurer 10 % de la consommation d’électricité du
pays à cette date. Selon elle, ce niveau d’installation devrait permettre de diviser au moins par
deux le prix des systèmes par rapport à 2010. L’industrie allemande estime également que
l’électricité solaire sera largement compétitive en Allemagne avant la fin de l’année 2020, lui
permettant enfin d’achever son indépendance par rapport au système d’incitation. Cette
rentabilité rapide s’explique par un prix de marché de l’électricité relativement élevé dans le
pays.
1.1.3. Espagne
La production électrique de l’Espagne dépend toujours majoritairement de sources
énergétiques conventionnelles. Les filières fossiles et nucléaires assurent 66,2 % de la
production électrique totale avec des parts respectives de 45,6 % et 20,7 %. La structure de
production d’électricité espagnole continue son ouverture aux filières renouvelables qui ont
représenté plus du tiers (33,5 %) de la production totale en 2010.
Après une année de sécheresse, l’hydraulique est redevenue en 2010 la première filière
renouvelable du pays avec 15,2 % du total (45,3 TWh contre une production moyenne de 33,1
TWh sur les dix dernières années).
22
Ce retour au premier plan ne devrait cependant pas durer compte tenu de la croissance
actuelle de la filière éolienne (+ 15,7 % entre 2009 et 2010). L’ascension de la filière éolienne
espagnole a été très rapide sur la période 2000-2010 (+24,9 % par an en moyenne). Alors
qu’elle ne pesait que 2,1 % de la production d’électricité du pays en 2000, elle représente 14,6
% en 2010. L’Espagne est également une référence mondiale en matière de production
d’électricité solaire. La filière solaire est la deuxième au monde derrière celle de l’Allemagne.
Elle représentait en 2010 2,4 % de la production d’électricité du pays, soit une production de
6,3 TWh d’électricité photovoltaïque et de 742 GWh d’électricité issue des centrales
héliothermodynamiques.
Le pays peut également s’appuyer sur ses ressources en biomasse. L’électricité issue de la
biomasse croît de manière régulière sur la période 2000-2010 avec un taux de croissance
annuel moyen de 10,2 %, ce qui correspond à une augmentation de 2,5 TWh de son niveau de
production par rapport à l’année 2000.
La forte augmentation de la production d’électricité renouvelable enregistrée en 2009 et 2010
a permis au pays de limiter son recours aux combustibles fossiles. La contribution des
centrales thermiques classiques a ainsi pu diminuer de 13,3 % entre 2008 et 2009 et de 16,9 %
entre 2009 et 2010. La filière nucléaire, dont la production de 2009 avait sensiblement
diminué, retrouve en 2010 une production supérieure à 60 TWh. La diminution de la
production en 2009 s’expliquait par la mise en maintenance prolongée de plusieurs centrales
nucléaires, notamment à des fins de modernisation.
La politique du pays visant à diversifier ses sources d’approvisionnement d’électricité en
faveur des énergies renouvelables a porté ses fruits au vu de la stabilisation et même
diminution du recours aux sources conventionnelles ou nucléaires. L’augmentation de la
contribution des filières renouvelables a permis à l’Espagne de gagner 12,8 points en l’espace
de deux ans la mettant dans une position confortable pour atteindre les objectifs de son Paquet
Climat Energie.
Solaire photovoltaïque
Le “Programme de promotion des énergies renouvelables” 2005-2010 (PPER) avait fixé une
cible de 400 MW d’installations photovoltaïques à atteindre en 2010. Ce chiffre est largement
23
dépassé avec 3 808 MW installés. Néanmoins, il faut noter que le gouvernement espagnol a
mis fin, en 2009, à la croissance de la filière solaire, particulièrement effrénée en 2008 (+ 2
687 MW en une année) par la mise en place d’un système lui permettant de contrôler le
développement de la filière via un nouveau régime d’autorisation, le “régime de pré-
allocation”. La forte augmentation de la puissance installée en 2008 s’expliquait par la remise
en cause du système d’incitation, particulièrement attractif pour les centrales terrestres de
forte puissance, qui a entraîné une course à l’installation. L’augmentation des capacités
photovoltaïques a été quasiment bloquée en 2009 (+ 17 MW) et limitée à 370 MW en 2010.
Cette diminution importante de la puissance installée en 2009 et 2010 explique le ralentisse-
ment important de la croissance de la production enregistré en 2010 (+ 134,9 % entre 2008 et
2009, + 4,9 % entre 2009 et 2010).
Solaire héliothermodynamique
L’Espagne disposait fin 2010 de 15 centrales héliothermodynamiques (12 de type cylindro-
parabolique, deux centrales à tour et une de type Fresnel), cumulant une puissance de 632,4
MW. En prime, huit centrales d’une puissance unitaire de 50 MW ont été raccordées au
réseau durant l’année 2010. La production d’électricité de ces centrales a été mesurée en 2010
à 742 GWh, contre 209 GWh en 2009 (+ 255 %). Cette production n’est pas représentative de
la puissance installée car une part importante de cette puissance a été connectée durant le
dernier trimestre de l’année. La production théorique des centrales s’élève à 1 851 GWh14, ce
qui correspond à un facteur de charge (nombre d’heures de production à puissance nominale)
de 2 712 heures par an. La montée en puissance de la filière est programmée. Au début de
l’année 2011, deux nouvelles centrales de 50 MW ont été raccordées, portant la puissance
héliothermodynamique espagnole à 732,4 MW. Une vingtaine d’autres projets sont en cours
de construction et seront opérationnels entre 2011 et 2012 pour un total de 898 MW. Cette
14 Protermo Solar
24
puissance additionnelle devrait permettre au pays de disposer d’une puissance connectée au
réseau de 1 630,4 MW dès 2012.
Eolien
Le pays a installé 1 515,9 MW en 2010, soit un niveau d’installation comparable à celui de
l’Allemagne, mais en baisse par rapport à 2009 où la puissance installée était de 2 470,7 MW.
Selon l’AEE (Association espagnole de l’énergie éolienne), cette diminution s’explique par
les nouvelles procédures administratives nécessaires à l’implantation d’éoliennes.
Principalement visé, le nouveau registre de pré-allocation en opération depuis mi-2009. Cette
procédure d’autorisation permet au gouvernement espagnol de mieux contrôler l’implantation
de nouveaux parcs éoliens, et donc de gérer la croissance de son marché national. La crise
économique a eu des effets négatifs sur l’industrie éolienne espagnole, qui a entraîné la
suspension de certaines commandes. À cela s’ajoutent les incertitudes liées à la mise en
œuvre d’un nouveau cadre législatif, prévue à partir de 2013. Entre temps, le décret royal 1
614/2010 a introduit quelques changements visant à réduire la rémunération des fermes
éoliennes qui ont choisi le système Premium plus prix de marché. Cette situation freine le
développement de nouveaux projets. D’après le “Plan d’action national sur les énergies
renouvelables” (issu de la directive européenne 2009/28/CE), le pays prévoit l’installation de
35 000 MW terrestres et 3 000 MW offshore d’ici 2020.
Au vu des fortes phases de croissance dans les trois pays européens des principales EnR,
l’éolien, le photovoltaïque, la biomasse, l’héliothermodynamique, les objectifs définis par la
directive européenne 2009/28/CE devraient être tenus. Le conditionnel est à employer avec
force car la situation est précaire dernièrement en France et en Espagne, avec un
développement de certaines EnR non maitrisé, mal cadré ou trop règlementé. Dans la partie
suivante, la situation des EnR au niveau communautaire et dans les trois pays sera décrite.
25
1.2. Situation des énergies renouvelables au niveau politique, législatif et
réglementaire
1.2.1. Situation générale
Dans chaque pays, les avancées législatives et réglementaires concernant les énergies
renouvelables sont dépendantes de la volonté politique en place. Des commissions au sein des
différents parlements, sénats, conseils ont pu être constituées pour mettre en œuvre des projets
de lois, des règlements, et grenelles de l’environnement.
Dans tous les cas, les Etats membres ont la responsabilité de transposer les directives du
conseil européen en lois nationales pour mettre en application les prérogatives
communautaires. Toutefois des acteurs industriels viennent influer les plans d’action
nationaux en pesant dans les décisions stratégiques.
Les lobbys (pétroliers, charbonniers, gaziers, nucléaristes) pèsent fortement sur les différents
gouvernements en placet influençant les politiques énergétiques nationales et réglementations
en vigueur. Un déséquilibre majeur existe entre les lobbys pétroliers, gaziers, nucléaires en
comparaison des lobbys en faveur des EnR encore en cours de structuration. Ce déséquilibre
illustre mal l’urgence de la transition énergétique qu’il faut effectuer dans les différents pays.
Dans le modèle actuellement en place, de nombreuses subventions au pétrole et gaz existent,
et ne semble pas enclins à être modifiés. Pourtant en 2009 à Pittsburgh, le G20 s’était engagé
à éliminer progressivement les subventions inefficaces aux combustibles fossiles.
Le développement des EnR est dépendante d’une part de la volonté politique en place mais
aussi du contexte législatif et réglementaire en vigueur dans les différents pays.
1.2.2. Situation législative et réglementaire
L’Union européenne a émis une série de directives depuis un peu plus de 10 ans cadrant de
manière claire le développement des énergies renouvelables et les objectifs associés dans les
27 pays. Ceci pour répondre à deux enjeux majeurs, la sécurité énergétique et le
réchauffement climatique. En effet, sans aucun doute, on peut affirmer que les sources
d’énergies primaire exploitées par les énergies renouvelables (énergie solaire photovoltaïque
26
et thermique, énergie cinétique du vent, énergie géothermique, énergie issu des déchets
organiques) sont inépuisables et produisent moins d’émissions de GES (gaz à effet de serre)
que les carburants fossiles présentant un stock fini.
« L’humanité consomme environ 30 milliards de barils de pétrole chaque année. Soit deux à
trois fois plus que nous n’en découvrons. Tôt ou tard, l’or noir viendra à manquer. Mais
quand ? »15
La Commission Européenne a publié le Livre blanc intitulé « Energie pour l’avenir : les
sources d’énergie renouvelables – Livre blanc établissant une stratégie et un plan d’action
communautaires » en 1997 (objectif de 12 % de consommation d’énergie primaire produite à
partir d’énergies renouvelables d’ici 2010). Une série de directives relatives aux EnR ont été
adoptées. Celle de 2001 (2001/77/CE), celle des biocarburants de 2003 (2003/30/CE). Et la
dernière en date, la directive énergie renouvelable de 2009 (2009/CE/CE) relative à la
promotion de l’énergie produite à partir de sources renouvelables qui fixe l’objectif
« contraignant » de 20 % d’énergie renouvelable dans la consommation brute d’énergie finale
d’ici à 2020 pour l’UE. Cette dernière ayant pour but de se conformer au protocole de Kyoto,
considère aussi la maîtrise de la consommation énergétique européenne, des économies
d’énergie accrues. Ces mesures ont aussi vocation à améliorer la sécurité des
approvisionnements en énergie, favoriser le développement technologique et l’innovation,
ainsi que dans la création de perspectives d’emplois et le développement régional, en
particulier les zones rurales et les zones isolées.
Toutefois, la complexité, la nouveauté et le caractère décentralisé de la plupart des
applications des énergies renouvelables posent de nombreux problèmes administratifs. Parmi
lesquels des procédures d'autorisation imprécises et décourageantes pour l'élaboration des
plans de financement, la mise en route de projets, la construction et l'exploitation des
systèmes industriels, les différences de normes et de certification, et l'incompatibilité des
régimes d'essai pour les technologies faisant appel aux énergies renouvelables. Il existe
également beaucoup de cas dans lesquels l'accès au réseau est régi par des règles opaques et
15 Après Fukushima. Quelles énergies pour demain. Fondation Good Planet.
27
discriminatoires, ainsi qu'une information généralement insuffisante à tous les niveaux, qu'elle
soit destinée aux fournisseurs, aux clients ou aux installateurs.
Le développement observé jusqu'à présent se compose de progrès généralement partiels et
très inégaux dans l'ensemble de l'UE, dont il ressort que les politiques nationales ne sont pas
encore en mesure d'assurer pleinement la réalisation des objectifs de l'UE. Bien que certains
Etats membres aient adopté des politiques ambitieuses pour favoriser la confiance des
investisseurs, les politiques nationales se sont révélées vulnérables aux variations des priorités
politiques. En raison de l'absence d'objectifs juridiquement contraignants pour les énergies
renouvelables au niveau de l'UE, de la faiblesse relative du cadre réglementaire de l'UE en
matière d'utilisation des énergies renouvelables dans le secteur des transports et de l'absence
totale de cadre juridique dans le secteur du chauffage et du refroidissement, les progrès sont
dans une large mesure le résultat des efforts de quelques États membres ayant fait preuve de
détermination.
Seul le secteur de l'électricité a connu des progrès significatifs, à la suite des directives
successives du secteur électrique produite à partir de SER (Sources d’Energies
Renouvelables), de 2001, 2003 et 2009. Les Etats membres semblent enclins à revoir leurs
politiques nationales.
La déréglementation du marché de l’électricité et du gaz fût l’un des plus grands chantiers
entrepris dans l’Union Européenne ces dernières années et nous allons analyser son degré
d’influence et les changements de paradigmes opérés.
Dans les trois parties suivantes, un état des lieux de la France, l’Allemagne et l’Espagne au
niveau de la situation énergétique et réglementaire permettra d’identifier les points bloquants
et mettre en lumière les bonnes pratiques.
1.2.2.1. France
La France présente une situation unique à travers le monde. La France, à la recherche d’une
indépendance énergétique accrue décida dans les années 70-80, le développement de la filière
électronucléaire. Actuellement, l’électronucléaire représente près de trois quarts de la
production électrique totale grâce à la plus grande densité de réacteurs au monde (58
réacteurs).
28
Cette politique énergétique n’a pu être mise en place que par une série de facteurs
déterminants : une forte capacité capitalistique de la part de l’Etat, une croissance forte de la
consommation électrique, une volonté de sécuriser la situation énergétique nationale et de
réduire sa dépendance par rapport aux autres pays.
Dans le cadre de la déréglementation électrique, de nombreuses décisions ont été prises en
France. Mais de manière générale, la France du fait de son bouquet énergétique actuel est
plutôt réticente et adopte une position défensive au vu des directives européennes. Nous
allons voir les principaux jalons qui ont marqué le paysage énergétique français et permis
l’intégration plus forte des EnR dans le mix énergétique.
Premièrement, fût instaurée en 2003, la CSPE (Contribution au Service Public de
l’Électricité), récoltée auprès de tous les consommateurs finaux d’électricité et censée
financer : (i) le soutien à la cogénération et aux énergies renouvelables, (ii) péréquation
tarifaire dans les zones insulaires, (iii) dispositifs sociaux en faveur des clients en situation de
précarité16. En France, la CSPE, pour l’année 2011 s’élevait à 12,9 € / MWh. Directement
payée sur la facture de l’électricité du consommateur, elle vise à compenser les charges des
fournisseurs d’énergie.
Dans un deuxième temps, le texte faisant avancer de manière considérable la prise en compte
des énergies renouvelables est la loi POPE (Loi Programme des Orientations de la Politique
Energétique) du 13 juillet 2005. Ce texte permet d'une part à définir les objectifs et les
grandes orientations de la politique énergétique française et d'autre part à compléter la
législation en place par des mesures dans les domaines de la maîtrise de l'énergie, des
énergies renouvelables et de la qualité du réseau de transport et de distribution d'électricité. Il
implique notamment des objectifs en terme de progression d'utilisation des énergies
renouvelables thermiques et de diversification des moyens de production d'électricité, ainsi
que des nouveaux outils incitatifs (crédit d'impôt majoré et certificats d'économie d'énergie).
16 http://www.cre.fr/dossiers/la-cspe
29
Dans un troisième temps, la loi NOME (Nouvelle Organisation du Marché de l’Electricité) a
imposé des changements importants dans l’environnement de l’électricité français. Depuis
l’ouverture du marché de l’électricité, l’activité de fourniture d’électricité était soumise à une
réglementation relativement souple. Les nouveaux entrants n’avaient pas d’obligation
industrielle de production. Ainsi la loi NOME a mis un terme à cette situation en replaçant
l’ensemble des acteurs du marché de l’électricité face à leurs responsabilités, en termes de
sécurité du réseau électrique français. En instaurant l’obligation de capacité, c’est-à-dire
l’obligation pour chaque fournisseur de prouver qu’il dispose de moyens de production
suffisants pour couvrir la pointe de consommation de ses clients, l’article 2 de la loi NOME
crée une incitation forte à plus de coopération industrielle, pour un réseau plus sûr. De cette
manière, la loi NOME assure aux consommateurs des moyens de production, ou liens
contractuels avec des producteurs pouvant couvrir leurs besoins électriques en période de
pointe et donc consolider la sécurité énergétique de la France. La loi NOME réponds en ce
sens parfaitement à la dérégulation des marchés souhaitée par la Commission Européenne et
justifie de cette manière les différentes interconnexions transfrontalières.
Plus récemment, différentes commissions ont pu examiner ensemble les éléments nécessaires
à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement.
Le Grenelle 1 et 2, vont établir une succession de mesures relatives à l’environnement. Nous
n’examinerons que les points concernant les énergies renouvelables.
Le Grenelle 1, très large va déterminer le Plan Climat-Energie et loi Grenelle 2 du 12 juillet
2010, va préciser des points plus techniques tels que les schémas de raccordement au réseau
électrique des énergies renouvelables (article 25), prenant en compte les équipements de
transport et de distribution électrique.
Le Grenelle 2 a pour le secteur éolien, d’après les orientations des SRCAE17, fait naître les
ZDE18 permettant de déterminer les bénéficiaires du tarif obligatoire d’achat de l’électricité
17 SRCAE : Schémas régionaux du climat, de l’air et de l’énergie 18 ZDE : Zone de développement éolien
30
produite mais surtout instaurer une forme de maitrise et régulation du développement des
fermes éoliennes. Annoncé dans le Grenelle 2, les régimes ICPE (Installations Classées Pour
l’Environnement) ont pour objectif de garantir la protection de l’environnement autour de
sites potentiellement nuisibles. Un décret relatif au classement des sites éoliens au régime des
ICPE est entré en vigueur le 26 août 2011. Dont la profession a toujours du mal à comprendre
les raisons qui justifient un tel classement. Cette dernière réglementation a fortement impacté
le développement de l’éolien français, déjà fragilisé par la multitude de démarches
administratives nécessaires à l’élaboration d’un projet.
La France n’est pas pour ainsi dire un leader dans le développement des EnR comme les
politiques aimeraient le faire croire. Le constat des différentes filières est là. Difficulté de
sortir des projets de terre, une pression réglementaire extrêmement forte et des démarches
administratives très lourdes. Personnellement, je trouve que la pression réglementaire en l’état
est mise en œuvre de manière incohérente. Les professionnels de l’éolien acceptent
difficilement d’être catégorisés dans la même famille que des industries extrêmement nocives
et dangereuses pour l’homme et l’environnement. Par contre, le niveau technologique exigé
par la réglementation pour respecter l’environnement (faune, flore, avifaune, chiroptères), le
respect du voisinage (habitations) ou autres activités (surveillance radar militaire (article 4 du
décret) et aéronautique) est pour moi une garantie de R&D et d’innovation au niveau
technique. Et par conséquent, la garantie de technologies véritablement vertes et
respectueuses de l’environnement.
1.2.2.2. Allemagne
L’Allemagne est rappelons le, un des pays les plus avancés au monde au niveau des énergies
renouvelables. De part la proportion des énergies nouvelles dans le mix énergétique (environ
14 %), mais aussi la volonté des particuliers et du gouvernement fédéral a promouvoir les
énergies vertes. L’interview d’Alexandre Soroko (Docteur en finances et énergie,
anciennement à la CRE et actuellement chez E.ON) m’a apporté des informations concrètes
concernant le développement allemand des EnR depuis une décennie et les différents points
marquants outre Rhin. Le résultat de la transposition de la directive européenne relative à la
promotion des énergies renouvelables dans le secteur de l'électricité est l'EEG (Erneuerbare-
31
Energien-Gesetz) entrée en vigueur le 1er avril 2000 et modifiée en 2004. Cette loi a dotée
l’Allemagne de forts moyens pour favoriser la production d’électricité issue de SER. Elle
regroupe toutes les dispositions relatives au développement de l'énergie hydraulique, de la
biomasse, du biogaz, de la géothermie, de l'éolien et du solaire.
Elle a en effet permis de porter la part des énergies renouvelables dans la production
électrique allemande de 6,9 % en 2000 à 12 % en 2006. L'objectif fixé par cette loi qui
demandait que la part d'électricité produite à partir de sources renouvelables atteigne 12,5 %
en 2010 a même déjà été atteint en 2007 et a été largement dépassé (17,5 % de part
renouvelable dans la production totale)19. Le gouvernenement allemand est donc très confiant
pour l'atteinte du second objectif fixé à 20 % en 2020 et à 45 % en 2030.
M. Soroko, me décrit l’EEG comme élément clé du développement des énergies
renouvelables en Allemagne mais aussi a contrario une des charges les plus importantes que
connaissent les ménages allemands. Par contre, la surprise provient de l’élargissement de
l’assiette d’exonération au niveau des industriels et maintenant 600 entreprises jouissent
d’une réduction de l’EEG, ne contribuant qu’à 0,3 % de la taxe mais consommateurs de 15 %
du courant. Cette exonération est sans doute un moyen de préserver la compétitivité de
l’industrie allemande mais une source de tension importante pour les particuliers. La EEG,
actuellement à 35 €/MWh va prochainement passer à 50 €/MWh. Cette dernière est
exclusivement dédiée au développement des énergies renouvelables en comparaison de la
CSPE française vu précédemment. Ces profondes différences, que ce soit au niveau du
montant de la taxe ou de la vocation de ces dernières peuvent être une des raisons des
disparités de développement des EnR entre les deux pays.
En application des directives de l’UE relatives à l’ouverture à la concurrence dans le domaine
de la production énergétique, des nouveaux relais sont apparus dans les différents Etats
membres. La BnetzA comme son homologue français la CRE (Commission de Régulation de
l’Energie) doit faire transposer et appliquer en bonne et due forme les directives de la
Commission européenne.
19 13ème Inventaire EurObserv'ER - EDF
32
1.2.2.3. Espagne
L’Espagne représente un des pays les plus actifs au niveau de l’UE et même du monde pour le
développement des énergies renouvelables. Malgré la forte dépendance aux énergies
conventionnelles (filière fossile et nucléaire assurant 66,2 % de la production électrique), les
énergies nouvelles représentent un tiers de la production électrique (33,2 %).
Référence en matière de production d’électricité solaire, cette dernière représente 2,4 % de la
production électrique nationale et se positionne au 2ème rang mondial juste derrière
l’Allemagne en terme de capacité de production installée.
Après des objectifs en termes de capacités installées largement dépassés si l’on prend pour
exemple le PPER20 2005-2010 où 3 808 MW d’installations solaires ont été installés au lieu
d’initialement 400 MW. Dés 2008, la situation économique internationale difficile modifia
profondément les priorités de l’Espagne. Le gouvernement a décidé dés 2009 de reprendre le
contrôle du développement effréné de la filière photovoltaïque (+ 81,7 % de taux de
croissance annuel entre 2000 et 2010), en mettant en place un système lui permettant de
contrôler le développement de la filière via un nouveau régime d’autorisation, le régime de
pré-allocation opérationnel depuis mi-2009, permettant au gouvernement espagnol de mieux
contrôler l’implantation de nouvelles centrales de production de SER et donc gérer les
différentes croissances des filières en instaurant de nouvelles procédures administratives. Ceci
pour ne pas dire « stopper » l’émergence de nouveaux projets bénéficiant encore de tarifs
subventionnés grevant davantage l’endettement espagnol.
La filière éolienne aussi est donc régulée par ce régime d’autorisation. Intuitivement nous
pouvons faire le parallèle avec la réglementation ICPE française qui comporte un régime
d’autorisation pour les éoliennes depuis l’été 2011 (issu du Grenelle 2).
Rappelons que le Plan d’action National issu de la Directive 2009/28/CE a défini des objectifs
ambitieux pour l’Espagne comme par exemple l’éolien (35 000 MW terrestres et 3000 MW
offshore d’ici 2020) qui au vu de la situation actuelle pourrait prendre du retard par rapport à
la feuille de route initiale. Cette partie a mis en lumière les différents contextes dans lesquels
20 Plan de promotion des énergies renouvelables 2005-2010
33
s’inscrivent les EnR, voyons maintenant quels sont les outils économiques existants pour la
promotion des SER.
2. Positionnement des énergies renouvelables dans un marché
libéralisé et leviers économiques existants
Historiquement, le marché de l’électricité se concentrait sur les territoires nationaux et
constituait des marchés autorégulés. La tendance actuelle est la libéralisation des différents
marchés nationaux pour une harmonisation à l’échelle communautaire.
L’objectif principal de la Commission européenne est de construire un marché intérieur unifié
de l’électricité. Cette perspective, sous tend l’ensemble de l’édifice juridique communautaire.
En juillet 2009, l’adoption du troisième paquet législatif a doté L’UE d’instruments de
régulation sectorielle proprement communautaire, qui permet de construire ce marché
intérieur unifié d’ici 2014. Toutefois, la Commission met en exergue systématiquement la
dimension nationale des marchés de l’électricité, ce qui est assez contradictoire. Par essence,
comme indiqué dans l'introduction, l'énergie possède une dimension souveraine, et c'est là où
réside le défi de la Commission européenne: étendre à l’ensemble de pays membres, un
nouveau modèle économique et une politique énergétique commune.
La délimitation du marché, même élargie à l’échelle de l’UE, favorise les mouvements de
consolidation paneuropéens. Les grands opérateurs cherchent à se concentrer ou se
positionner en oligopole, ne permettant pas de diversifier l’offre nécessaire pour obtenir un
modèle de concurrence équilibré et parfait. En ce sens, depuis une dizaine d’années à la suite
du premier paquet législatif communautaire, les régulateurs nationaux ont vu le jour. Pour la
France, nous pouvons citer la CRE21. Pour l’Allemagne, nous retrouverons la BnetzA22 et
enfin en Espagne la CNE23.
21 CRE : Commission de Régulation de l’Energie (France) 22 BnetzA : Bundernetzagentur (Allemagne) 23 CNE : Comision Nacional de la Energia (Espagne)
34
En 2011, le chemin à parcourir pour atteindre un véritable marché pan européen à tous les
niveaux de la chaîne de valeur (production, distribution24) est encore long, en témoigne les
écarts importants de prix finaux observés dans les différents pays européens. Ce même
phénomène est observable au niveau du coût du MW installé dans les différentes filières. Le
coût de construction et d’exploitation des SER (voir figure 4 en annexe) ne permet pas encore
une concurrence équilibrée avec les opérateurs nationaux sans un soutien financier des
pouvoirs publics qui sont les tarifs de rachat obligatoire d'électricité produite, des incitations
fiscales ou des moyens de financements adaptés. Rappelons que leur évolution est également
subordonnée au droit de l’environnement, les différents engagements internationaux et
volontés politiques locales.
Les subventions sont un des sujets majeurs de l’énergie. De nombreuses subventions existent
pour les énergies fossiles et énergies renouvelables. Concernant les ressources fossiles, elles
sont de plusieurs ordres ; elles concernent les prix, la production et la consommation.
Les rapports concernant les ressources pétrolifères montrent que les matières premières
doivent être puisés de plus en plus profondément (deep offshore), toutefois les pétroliers
mettent tout en œuvre pour aller débiter ces ressources malgré les investissements colossaux à
mobiliser. Cela démontre encore la rentabilité de l’exploitation de ces ressources.
Les ressources fossiles vont en s’amenuisant, toutefois le prix de ces matières ne reflètent pas
la rareté de ces matières. Les subventions en amont de la chaine, aux acteurs du domaine du
pétrole et gaz sont conservées alors que les bénéfices des principaux opérateurs sont de
l’ordre de plusieurs milliards de dollars.
24 L'activité de transport d'électricité constitue un monopole naturel car les coûts étant très
élevés, l'entreprise dominante évacue les concurrents et procèdent à des économies d'échelle
35
Les subventions en bout de chaine, à la consommation sont plus compréhensibles : certains
corps de métier sont sensibles à des hausses violentes des prix pouvant justifier une
conservation de certaines aides (taxis, agriculteurs, etc.)
Plus de 750 Milliards d’euros d’aides sont actuellement versés par les 24 pays de l’OCDE au
secteur du pétrole et gaz alors qu’à Copenhague (2009), 100 milliards d’euros ont été
difficilement alloués et de manière parcellaire au développement des Énergies
renouvelables25. Cette estimation ne concerne que les pays de l’OCDE et serait encore plus
marquée si l’ensemble des pays du globe était pris en compte.
Au cours du dernier siècle, on peut observer une forte corrélation entre la croissance
économique et la production d’énergie opérée dans les différents pays.
Les déterminants de l’activité du marché des énergies renouvelables sont relativement
semblables dans les pays étudiés mais ne sont pas mis en œuvre de la même manière. La
couche communautaire qui donne les principales directions à suivre fait apparaître ces
déterminants.
Parmi ces derniers, nous retrouvons différents vecteurs qui supportent le développement des
EnR mais aussi ceux qui le plombe. L’équilibre entre contraintes réglementaires et incitations
financières détermine de manière forte la croissance positive ou négative d’une filière
industrielle.
Premièrement, les engagements internationaux tels que le protocole de Kyoto (objectif de
réduire par 4 les émissions de gaz à effet de serre d’ici 2050), permettent de mettre en lumière
les différents engagements politiques nationaux, et les différents moyens mis en œuvre pour
atteindre les objectifs définis.
Deuxièmement, à une échelle plus petite, il est essentiel d’observer la manière dont les
différents pays transposent ces engagements publics. Selon la situation historique du pays,
l’Etat peut avoir un pouvoir de planification et d’ordonnancement fort.
25 Fossil fuel subsidies and government support in 24 OECD countries. Summary for
decision makers. 31 mai 2012. Yves Cochet
36
Troisièmement, au niveau économique, l’Etat peut mettre en place un tarif de rachat garanti
de l’électricité produite à partir de SER permettant d’attirer les différents investisseurs qui
peuvent être des groupes industriels, des fonds d’investissements spécialisés ou non dans les
énergies, des banques et même des particuliers (regroupement en société).
Quatrièmement, principal facteur jouant fortement sur le développement des énergies
nouvelles est le niveau des prix des énergies fossiles. Des cours élevés et sujet à de fortes
variations dégrade la rentabilité des moyens de production thermiques conventionnels et
favorise les SER. A contrario, si les tarifs du pétrole et du gaz sont subventionnés, par
conséquent les investissements dans les nouvelles filières renouvelables seront moindres car
le ROI (retour sur investissement) sera beaucoup plus long. De cette manière, les fluctuations
et niveaux très élevés du baril de pétrole entre 2004 et 2008 ont eu pour effet de doper le
nombre de projets industriels basés sur les énergies renouvelables.
Cinquièmement, facteur très important qui a permis une diversification des modes de
production et l’accroissement du nombre de producteurs d’énergie, fût la libéralisation du
marché de l’énergie en Europe, actée depuis le début des années 2000. Ce phénomène a eu
pour effet un accroissement de permis de construire et de dépôt administratif de projets
d’unités ou de fermes de production d’origine renouvelable pour bénéficier des tarifs de
rachat obligatoire de l’électricité. La dérèglementation opérée dans les différents pays s’est
aussi accompagnée par la création de systèmes d’échange de certificats verts permettant aux
fournisseurs d’attester de l’origine verte de leur électricité.
La dérégulation du marché de l’énergie a permis l'arrivée de nouveaux acteurs dans la
production d'énergie, possédant des flottes d'unités de production décentralisées, modifiant en
profondeur l’architecture des réseaux électriques nationaux.
Les différents engagements nationaux, la dérégulation des marchés énergétiques ainsi que
l’avènement des énergies renouvelables ont induit des bouleversements majeurs dans les
stratégies énergétiques nationales que nous allons analyser dans la prochaine partie.
37
2.1. Choix énergétiques nationaux et intégration des énergies renouvelables
dans le bouquet énergétique
Les stratégies énergétiques ont été très longtemps sujet de l’Etat et des gouvernements en
place. L’organisation du secteur électrique relevait de sa responsabilité. Fortement
hétérogènes à première vue, les structures industrielles, les formes de régulation, les
différentes filières industrielles en Europe présentent pourtant des traits communs. Jusqu’à
dans les années 90, le modèle intégré était privilégié, pouvant être horizontale ou verticale.
L’intégration horizontale correspond à l’exercice d’une firme de l’ensemble d’une activité
industrielle spécifique sur un territoire donné, et l’intégration verticale, le regroupement de la
propriété ou du contrôle des différentes composantes industrielles du système électrique ou
énergétique sous une seule autorité. Selon le pays, le degré de d’intégration est différent et
peut être reparti entre plusieurs acteurs (oligopole).
Le modèle intégré s’est structuré de manière progressive, comme réponse aux collectivités
locales cherchant à garantir leur approvisionnement en énergie. En Europe et comme ailleurs,
le développement des industries électriques a d’abord pris un caractère local. Les premières
centrales de production étaient dédiées à des réseaux de distribution à l’échelle de villes ou
communes. Le réseau de transport électrique ou gazier était morcelé, comparativement aux
actuels réseaux interconnectés actuels. La construction et structuration des réseaux de
transport ces dernières années ont permis d’interconnecter des producteurs et des
consommateurs distants de milliers de kilomètres, impulsant le chantier de libéralisation du
secteur de l’électricité et du gaz naturel européen.
La dérégulation des marchés s’est accompagnée d’une altération forte de la base industrielle
constituée de compagnies régionales ou locales et a modifié de manière durable le degré
d’influence des gouvernements des Etats membres dans les stratégies énergétiques nationales.
L’UE orchestre depuis des années un élargissement de la zone géographique de référence de
l’Etat nation à l’Europe pour les marchés de l’électricité et du gaz. C’est désormais à ce
niveau que les logiques d’acteurs se déploient et que la régulation se conçoit. La libéralisation
s’inscrit en cela dans l’essence même du projet communautaire, comme participant au vaste
38
dessein d’achèvement du marché unique : harmoniser et permettre l’échange sur la base d’une
concurrence libre et non faussée.
Comme indiqué dans les parties précédentes, trois paquets de directives ont été
successivement adoptés par l’UE (1996-1998, 2003 et 2009), déterminant les plans d’action
nationaux qui doivent être menés dans les Etats membres. Nous allons voir dans les parties
suivantes comment le marché des énergies nouvelles s’inscrit dans cette dérégulation des
marchés et les problématiques liées aux aides gouvernementales nécessaires à la création de
nouvelles filières industrielles faussant le modèle économique basé sur une concurrence libre
ainsi que l’hégémonie résistante d’anciens monopoles et modèles intégrés.
Au vu des prérogatives données par l’Europe, la politique énergétique d’un Etat membre est
finalement maintenant calquée sur les directives communautaires pour répondre à un objectif
commun : réduire la dépendance énergétique ou taux d’indépendance énergétique26. La
dépendance énergétique de l’UE-27 n’a cessé de croître ces dernières années au niveau de
l’ensemble des matières premières fossiles (+58 % charbon et dérivés, +24 % gaz naturel, +9
% tout produit pétrolier, soit 17 % toutes énergies confondues entre 1998 et 200927).
Cette volonté de réduire la dépendance énergétique de l’Europe et de garantir une sécurité
d’approvisionnement en énergie a impacté les stratégies énergétiques nationales. Etudions
celles de la France, l’Allemagne et l’Espagne et plus particulièrement sur le volet des énergies
renouvelables.
2.1.1. France
La France de part ses investissements massifs dans le nucléaire dans les années 60 a permis
l’essor de l’électronucléaire et a permis de développer une vitrine technologique à l’export.
26 Rapport entre la production nationales d’énergie primaire (charbon, pétrole, gaz naturel,
nucléaire, hydraulique, énergies renouvelables) et la consommation en énergie primaire, une
année donnée. 27 Figures for the future. Eurostat Statistical books.
39
Le bilan est le suivant :
-‐ La France a une renommé importante à l’étranger et demeure un pôle d’excellence
mondial dans le domaine du nucléaire
-‐ Près de 410 000 emplois directs ou indirects ont été créés28
-‐ La France exporte son expertise et ses produits à l’étranger
-‐ Le nucléaire assure environ 75 % (2010) de l’électricité en France, et la classe
première dans en termes d’électricité produite par habitant
-‐ Les coûts de démantèlement n’ont pas encore impacté le prix de vente de l’électricité
-‐ La construction de l’EPR à Flamanville (Projet FL3) présente des retards
considérables et un dépassement de budget très important
La stratégie énergétique de la France est clairement basée sur l’électronucléaire depuis près de
30 ans. Malgré une volonté politique d’introduire les énergies renouvelables dans le bouquet
énergétique national et de construire des filières industrielles permettant l’exportation d’un
nouveau savoir technique vert français à l’export, de nombreux points bloquants sont venus
freiner ce développement (voir § 1.2).
La France possède l’avantage d’avoir un potentiel hydraulique important et bien exploité
depuis plusieurs décennies. Selon les spécialistes, l’hydraulique n’a pas toujours sa place dans
la famille des énergies renouvelables. Mais au vu de la définition donné dans la première
partie « Une source d’énergie est dite « renouvelable » lorsqu’elle peut être recréée
naturellement à une échelle de temps humaine (inférieure à 30 ans) […], il est clair que
l’hydraulique doit être légitimement intégrée dans les énergies vertes avec le mérite d’avoir
une maturité technologique avancée. Néanmoins, son développement futur passera par
l’exploitation du potentiel de la micro hydraulique.
Malgré une industrie électrique historiquement intégrée verticalement, l’éolien et le solaire
ont pu s’intégrer dans le paysage énergétique et ont connu ces dernières années de forts taux
de croissance marqués par des évènements majeurs ces trois dernières années.
28 Le poids socio-économique de l’électronucléaire en France. PwC. Mai 2011
40
Le secteur des EnR a tout d’abord été frappé de plein fouet par le moratoire sur l’énergie
solaire impactant finalement l’ensemble des filières renouvelables (baisse de la confiance des
investisseurs). Découlant du Grenelle 2 de 2010, les éoliennes terrestres sont désormais
classées ICPE depuis l’été 2011 et les porteurs de projets éoliens croulent depuis, sous de
nouvelles contraintes administratives. Les textes relatifs au solaire ne permettent pas la
consolidation de la filière et présentent des écueils législatifs importants, présentant une
situation défavorable au développement des différents acteurs économiques (production des
unités de production jusqu’à la remise en état des sites). Toutefois concernant l’éolien, nous
pouvons relever l’appel d’offres concernant le grand éolien offshore lancé par le
gouvernement français en 2011 pour 3 000 MW de puissance installée répartis sur 5 sites sur
la façade atlantique (seuls 4 sites ont été attribués).
Plusieurs interprétations sont possibles par rapport à cette opposition entre le signe politique
fort de développer l’éolien offshore en France et la classification aux ICPE de l’éolien
terrestre.
Personnellement, je pense que la filière éolienne terrestre (tout comme la filière solaire) a
bénéficié de tarifs subventionnés d’achat de l’électricité produite trop élevés provoquant un
effet d’aubaine et un emballement du développement de ces filières. La non-maitrise du
développement de ces filières a induit des charges financières instantanées importantes au
gouvernement en place conduisant au moratoire sur le solaire et le décret de classification des
éoliennes terrestres aux ICPE, freinant instantanément le développement de ces filières. Nous
pouvons aussi s’interroger sur l’influence des lobbys pétrolier et nucléaire sur l’Etat, de même
que celui de l’opérateur historique, EDF.
41
Le taux d’indépendance énergétique de la France est de l’ordre de 49,5 % grâce à au parc
électronucléaire qui assure la base29 électrique (voir annexe figure 3) positionnant les SER
encore au second plan.
2.1.2. Allemagne
La sécurité de l'approvisionnement énergétique a été ébranlée ces dernières années, avec
notamment l’augmentation des prix du pétrole ainsi que les pannes électriques dans les pays
industriels en 2003. Ces signes avant-coureurs auraient dû alerter les différents pays sur
l'importance de la sécurité de l'approvisionnement énergétique. Très lié au contexte
géopolitique en Europe de l’Est, l’Allemagne a du absorber la hausse du prix du gaz due au
conflit entre la Russie et l’Ukraine.
L’Allemagne est un des 10 plus gros consommateurs d’énergie au monde se positionnant
juste derrière les Etats-Unis, Chine, Russie, Japon et l’Inde. Le gouvernement rouge-vert
mené par Gerhard Schröder a décidé en 2000 (voir interview Alexandre SOROKO en
annexe), la sortie du nucléaire.
“L’Energiewende” ou “Tournant énergétique” initié par Angela MERKEL, va à l’encontre de
la tendance européenne de se nucléariser, en déclarant à la suite de la catastrophe de
Fukushima, la sortie de l’Allemagne du nucléaire d’ici le début des années 2020 bien que
l’économie énergétique allemande soit très largement dépendante des importations. Due à une
diversification très faible des unités de production électrique (industrie charbonnière
historiquement), une stratégie de construction d’unités de production à partir de SER (parcs
offshore dans le nord de l’Allemagne et le solaire ; plus grandes fermes solaires du monde
dans le sud de l’Allemagne) s’opère depuis près de 15 ans.
29 La base correspond au niveau minimum de la consommation électrique, la semi-base
traduit le surcroît de demande durant la journée et enfin la pointe marque les pics de
consommation du matin et du soir
42
La production électrique en Allemagne est très concentrée, comme l’indique son IHH30
supérieur à 2000. E.ON et RWE produisent 60 % des volumes qui avec Vattenfall et EnBW
contrôlent 90 % des moyens de production. Toutefois, le cadre oligopolistique n’a pas freiné
depuis les années 2000, l’investissement dans de nombreux moyens de production d’énergie
renouvelable soutenue par des tarifs de rachat d’électricité garantis. Cette dernière représente
en 2010, 17,5 %31 de la production totale allemande répartis entre l’éolien 34 % (36,5 TWh),
la biomasse 31 % (33,6 TWh), l’hydraulique 23,96 % (25,9 TWh) et le solaire 11 % (12
TWh).
Pour le BMU (Ministère fédéral allemand de l’environnement), la loi allemande pour la
promotion des énergies renouvelables et les tarifs d’obligation d’achat d’électricité d’origine
renouvelable, la EEG (Erneuerbare-Energien-Gesetz), a eu des retombées économiques
positives. Les EnR en Allemagne concentrent de nombreux investissements et sont devenues
un secteur majeur pour l'exportation. 9 milliards d'euros ont ainsi été investis dans des
installations en Allemagne en 2006. Le BMU estime qu'environ 125 000 postes ont été créés
et plus de 214 000 personnes ont été employées dans le secteur. Par ailleurs, plus de 70 % des
éoliennes produites en Allemagne sont exportées et le BMU estime que les perspectives du
secteur photovoltaïque, se développant d'une manière semblable, sont prometteuses.
L’Allemagne est ainsi devenue au cours des 10 dernières années un leader sur le marché
mondial de l'énergie éolienne et semble prendre la même voie dans le photovoltaïque de
même que les centrales à cogénération biomasse.
30 IHH : indice de Herfindahl-Hirschman qui mesure l’intensité concurrentielle d’un secteur
donné 31 13ème inventaire Observ’ER - EDF
43
2.1.3. Espagne
Les objectifs de la directive européenne 2009/28/CE ont été repris dans le PANER (Plan de
Acción Nacional de Energías Renovables) 2011-2020 avec pour objectif global 22,7 % d’EnR
et mis en œuvre grâce au PER (Plan de Energias Renovables) 2011-2020.
La tension économique que connaît actuellement l’Espagne a poussé le gouvernement
espagnol à publier différents décrets royaux. Au niveau de l’éolien on peut citer le décret
royal 1 614/2010 introduisant des changements dans la rémunération de fermes éoliennes.
Pour le photovoltaïque (figure 2 en Annexe) montre bien la décroissance du tarif d’achat en 5
ans (-73 %).
Dernièrement fût décrété, par souci économique le moratoire sur les aides économiques aux
énergies renouvelables le 27/01/2012 (Real Decreto-Ley 1/2012), démontrant la fragilité du
modèle sur lequel repose le développement des filières renouvelables. Le ministère de
l'industrie, de l'énergie et du tourisme a justifié cette décision en déclarant la nécessité de
contenir le déficit tarifaire du système espagnol d'approvisionnement en électricité, qui s'élève
à 24 milliards d'euros. Pour cette raison, il a été décidé de réduire immédiatement les aides
aux tarifs obligatoires de rachat dés 2012, estimés à 7,2 milliards d'euros. Ce moratoire en
Espagne conjointement à celui appliqué en France en 2010 pour le solaire photovoltaïque a
mis en péril la confiance à la fois des financiers, des investisseurs mais surtout l’avis du
public sur une filière qui a déjà connu de nombreux déboires.
De cette manière, nous pouvons nous interroger sur les différents outils et aides économiques
existants permettant l’intégration dans les modèles économiques nationaux des EnR.
2.2. Divers outils au service du développement des énergies renouvelables
Avant de décrire les différents outils institutionnels ou économiques existants, il faut
expliquer en quelques mots leurs origines.
La plupart des instruments existants à l’échelle communautaire et des pays, découlent de
l’économie moderne, mais leurs différentes caractéristiques dépendent des engagements
44
politiques environnementaux pris au cours de sommets internationaux, et les politiques
énergétiques nationales.
2.2.1. Echelle communautaire
Dans l’Union Européenne, les 20 dernières années ont été marquées par l’émergence de
politiques environnementales visant à modérer les consommations énergétiques, réduire les
émissions de GES et promouvoir l’utilisation de SER. Ces politiques se sont progressivement
communautarisées, même si leur application demeure encore largement tributaire de choix
nationaux.
Le premier outil que l’on peut citer participant indirectement au développement des énergies
renouvelables est la compensation volontaire, qui pour des entreprises, des particuliers ou des
acteurs publics, consiste à acheter des crédits carbone correspondant à tout ou partie de leurs
émissions de GES. Mis en place dès 2005, ce système d’échange de quotas d’émissions de
CO2, dit EU ETS (European Union Emissions Trading Scheme) est un élément clé de la
politique climatique européenne. Le principe de fonctionnement de l’EU ETS est d’imposer
depuis 2005 un plafond d’émissions à environ 11 400 installations industrielles, responsables
de près de 50 % des émissions de CO2 de l’Union européenne.
Ces installations industrielles doivent restituer chaque année autant de quotas (1 quota = 1
tonne de CO2) que leurs émissions vérifiées et consolidées de l’année N-1. À partir de 2008,
elles ont également été autorisées à utiliser une quantité de crédits Kyoto (URCE ou URE)
limitée à 13,5 % de leur allocation en moyenne.
Autre date clé, la signature du protocole de Kyoto le 11 décembre 1997 entré en vigueur le 16
février 2005 et ratifié par 198 pays en 2010. Protocole, rappelons le, visant à réduire, entre
2008 et 2012, de 5,2 % par rapport au niveau de 1990 les 6 principaux GES.
A la suite du protocole de Kyoto, le Conseil européen de mars 2007 a annoncé trois objectifs
à l’horizon 2020, dits «3x20» :
-‐ porter à 20 % la part des renouvelables dans les énergies consommées,
-‐ améliorer de 20 % l’efficacité énergétique,
-‐ réduire de 20 % les émissions de GES par rapport à 1990.
45
A la suite des « 3x20 », le Paquet Climat Energie de mars 2009 (2009/28/CE) fixe des
moyens plus précis pour atteindre ces objectifs et les répartit entre les États membres. Ces
derniers sont ensuite libres d’adopter des règlementations nationales plus restrictives comme
la France et l’Espagne, respectivement 23 % et 22 % de part énergies renouvelables dans les
mix énergétiques nationaux.
Plus généralement, l’européanisation du marché électrique, outil indirect à la promotion des
énergies renouvelables, a réduit la marge de manœuvre dont disposait les Etats pour mettre en
place des politiques spécifiques et a poussé l’arrivée de nouveaux acteurs dans le domaine de
l’énergie. Dans la troisième partie de cette thèse, nous allons aborder justement la nécessité de
cadrer les actions menées par les gouvernements pour intégrer de manière durablement les
EnR.
2.2.2. Echelle nationale
Au vu de la croissance de la demande énergétique (+1 % / an), le développement des
différentes SER peuvent répondre à cette demande en privilégiant une diversification forte des
énergies contributrices, dans le but de profiter de l’effet de foisonnement32.
Selon les gisements énergétiques des pays (atouts naturels), la politique environnementale
communautaire a défini des objectifs différents de développement des SER dans chaque Etat
membre, donnant un caractère unique à chaque stratégie énergétique nationale. Chaque
gouvernement a donc décidé de mettre en place des systèmes de soutien différents par leur
cadre et leur ampleur pour chaque filière renouvelable.
Dans un contexte d’européanisation des marchés électrique et gazier ainsi qu’une
harmonisation de la politique environnementale communautaire, les outils d’intégration des
énergies renouvelables sont sensiblement les mêmes dans chaque pays avec par contre des
32 Définition de l’effet de foisonnement : réduction de l’intermittence et de la variabilité par la
multiplication de sources de production à des lieux géographiques différents
46
situations économiques, environnementales, techniques différentes ainsi que des degrés
d’avancement ou d’intégration disparates.
Les différents leviers sont de différentes natures ; politiques, économiques, fiscaux, incitatifs
ou contraignants.
Politique
Les décisions politiques peuvent être un moyen efficace pour axer les efforts des industriels,
et les investissements. On peut citer en France, l’appel d’offre gouvernementale pour la
première tranche de 3 000 MW pour l’éolien offshore en 2011. Ces décisions peuvent avoir
une face retorse où des industriels peuvent se lancer dans une course contre la montre sans
avoir fait toutes les études nécessaires pour respecter des contraintes réglementaires et
environnementales en vigueur comme indiqué dans une partie précédente.
En marge des appels d’offres gouvernementaux, les régulateurs nationaux peuvent publier des
appels d'offres comme par exemple celui émis par la CRE portant sur des installations
photovoltaïques sur bâtiment de puissance crête comprise entre 100 et 250 kW.
Au niveau communautaire des Programmes-cadre pour l'innovation et la compétitivité (CIP)
sont lancés afin de répondre aux objectifs définis par les différents paquets législatifs, plaçant
l’énergie au cœur de l’activité européenne.
Economique et financier
Dans un contexte de libéralisation du marché de l’électricité, ce sont aux entrepreneurs privés
d’investir dans les nouveaux moyens de production électrique. Dans ce sens, plusieurs
instruments économiques ont été mis en place.
D’après les lois en vigueur dans les pays européens, les producteurs d’électricité à partir de
sources renouvelables bénéficient d’une obligation d’achat de la part de l’opérateur national,
permettant aux producteurs de vendre la totalité de leur production à ce dernier.
Par exemple en France dans l’éolien, pour garantir les investissements et assurer la rentabilité
des projets industriels, un tarif garanti a été mis en place. Ce tarif est fixé pour 15 ans, et
47
composé de deux phases distinctes. La première phase, d'une durée de 5 années, fixe un prix
d'achat de 8,38 ct€/kWh. La deuxième phase est un prix variable en fonction de la qualité du
vent sur le site (nombre d'heures de fonctionnement annuel pleine charge c’est à dire
équivalent pleine puissance).
De nombreuses subventions existent, à différentes échelles et de nature diverses. Elles
permettent de casser les barrières financières existantes pour le développement des E-SER33.
En règle générale, des institutions, financeurs locaux signifiants existent, tels que les banques
de développement local, commerciales et même des banques de développement agricole34.
Des infrastructures particulières comme la CDC (Caisse des dépôts) en France, financent de
nombreux projets de SER et plus généralement de développement durable. Par contre aucun
organisme national n’existe dans les trois pays analysés pour canaliser les financements
permettant de garantir les investissements et minimiser les risques encourus.
Des fonds spécifiques ont été crées pour établir un contexte financier favorable au
développement de projets. En France, par exemple, l’ADEME gère un fonds intitulé Fonds
Chaleur Renouvelable, permettant de financer sous forme de subventions des projets de
production renouvelable de chaleur de taille importante (solaire thermique, bois, biomasse,
PAC géothermiques, etc.).
Fiscal
Une forte fiscalité du développement durable existe à travers les pays européens. C’est un
levier incitatif permettant de diversifier les sources des investissements. Concrètement, des
avantages fiscaux peuvent être accordés selon la nature des investissements effectués
(puissance installée, type de technologie, efficacité énergétique de l’installation). Pour le cas
de la France, pour les entreprises par exemple, le code des impôts permet à une société
d’investir dans une énergie renouvelable et de bénéficier d’une forte économie d’impôt grâce
33 E-SER : électricité issue d’une source d’énergie renouvelable 34 World Energy Outlook 2010
48
à l’amortissement dès la première année de 100 % de son investissement tout en lui
permettant de revendre l’électricité produite aux tarifs fixés par la loi en vigueur.
3. Synthèse et réflexion sur l’optimisation des stratégies
énergétiques sur le plan des EnR
3.1. Les EnR, solution temporaire ou alternative incontournable
Le secteur énergétique, du fait de la combustion de matières fossiles, contribue à près de 60 %
des GES produits par l’homme. Il est donc particulièrement affecté par les politiques
publiques mise en place pour lutter contre le réchauffement climatique.
En 2011, une succession de crises et d’évènements marquants ont affecté le secteur de
l’énergie. L’accident de Fukushima au Japon a conduit à s’interroger sur la sûreté de l’énergie
nucléaire. Le printemps arabe a occasionné des tensions sur les prix du pétrole et du gaz.
L’arrêt du nucléaire, décidé en Allemagne, a amplifié le débat sur le choix du mix énergétique
et sur les conditions de la sécurité d’approvisionnement en Europe. Le 8 février 2012, la
France a battu son record de consommation d’électricité, désormais établi à 101 700 MW –
pointe qui a été couverte grâce à une mobilisation exceptionnelle du parc nucléaire et aux
importations. Ces dernières ayant pu, au cours des deux dernières années, répondre aux
besoins de plusieurs régions en Europe ayant des moyens de production locaux très limités,
par les parcs éoliens offshore ou les grosses unités de production photovoltaïque
respectivement dans le nord et le sud de l’Allemagne.
Cette solidarité concrète entre les systèmes de production et l’interconnexion des réseaux
électriques des différents pays a, une nouvelle fois, montré l’importance de la construction du
marché européen de l’énergie et de l’utilité de développer ces énormes fermes de production
d’électricité renouvelable.
Rappelons que la consommation énergétique principale de l’Homme est la biomasse (bois,
déchets organiques) énergie renouvelable par nature et neutre au niveau de l’empreinte
carbone. Par contre, cette dernière aura tendance à croître de manière considérable pour
subvenir aux besoins énergétiques des pays développés qui ont recours principalement aux
ressources fossiles (en Chine, une centrale à charbon est construite en moyenne par jour). Ces
49
ressources ne sont pas renouvelables à l’échelle de l’homme et la découverte de nouveaux
gisements est fortement compromise. Néanmoins, dans le cas de découvertes de nouveaux
gisements, le coût d’extraction sera tellement élevé que les prix finaux auront une tendance
haussière et pourra être sujet à de fortes variations.
Finalement, les principales énergies renouvelables sont les E-SER, sources de production
électrique issues d’énergie renouvelable. La production électrique des E-SER peut être
transportable sur de longues distances (interconnexion de zones à forts gisements
renouvelables et zones de consommation) et assure la possibilité d’échanger sur les marchés
les différentes productions, contrairement aux SER thermiques vouées à un développement
local. En revanche, le recours aux E-SER n’est pas en tant que tel non polluant (y compris en
termes d’émissions des GES) dés lors que le cycle de vie est intégralement pris en compte35.
(i) comme pour toute unité de production, la mise en place des E-SER nécessite des procédés
coûteux en énergie (électricité utilisée pendant les process de fabrication des modules
photovoltaïques par exemple) ou pour l’hydraulique, impactant l’écosystème inondé en
amont. (ii) les produits de certaines filières peuvent être polluants, par exemple les effluents
de centrales biogaz (forte teneur en azote). (iii) en fin de vie, les installations techniques sont
considérées comme des déchets. En ce sens, des filières de recyclage des modules en fin de
vie doivent être structurées pour chaque filière d’E-SER (synonymes de création d’emploi et
de valorisation d’une unité de la chaine de valeur). La filière éolienne est au bilan moins
impactant que le photovoltaïque.
Contrairement au nucléaire, les sites d’installation de renouvelables possèdent la
particularité de pouvoir effectuer une phase de « repowering » lorsque les installations
arrivent en fin de vie. Les modules photovoltaïques peuvent être aisément démontés et
remplacés par de nouveaux modules plus performants tout comme les éoliennes dont les
35 Selon le GIEC, en considérant l’ensemble du cycle de vie, l’utilisation des différentes E-
SER permet de diminuer d’un allant de 10 à 200 les émissions de GES par rapport à
l’utilisation d’énergies fossiles (Source ; IPCC, Special Report on Renewable Energy Sources
and Climate Change : Summary for Policy Maker, 2011)
50
fondations en béton armé peuvent recevoir des éoliennes plus performantes en puissance,
rendement, impact environnemental etc.
Mes relations professionnelles avec SGN (ingénierie d’Areva) à Pierrelatte ont pu me donner
des informations intéressantes: le site nucléaire du Tricastin d’une puissance totale de 3 600
MW, normalement un CNPE (centre national de production d’électricité), est utilisé aux trois
quarts (équivalent en puissance à près de 1400 éoliennes) pour alimenter le site
d’enrichissement d’uranium CXII (Comurex) et GBII (Georges Besse) situé sur le même site.
Comparativement, aucune filière renouvelable n’a besoin d’autant d’énergie pour alimenter
son processus de fabrication.
Le bilan des énergies renouvelables effectué dans la partie 1 à l’échelle européenne montre un
développement considérable mais sujet à des fluctuations de croissance, dépendant des aides,
subventions de la puissance publique mais aussi du contexte réglementaire dans lesquelles
elles s’inscrivent.
En tout état de cause, actuellement, les E-SER restent globalement moins rentables que la
production d’électricité conventionnelle comme indiquée dans la partie 2. Dans ce cadre, il
parait illusoire d’envisager le développement des E-SER à moyen terme sans un appui des
pouvoirs publics ou de mécanismes de soutien (directement en favorisant le développement
des SER, ou indirectement en reflétant les véritables prix des matières fossiles (rareté et cout
d’extraction inclus) induisant une réduction des subventions au pétrole et gaz) (voir partie
2.2). Ce changement de paradigme est justifié par les externalités négatives provoquées par
l’usage des énergies fossiles.
L’utilisation de E-SER de préférence aux énergies fossiles, apporte sans aucun doute une
réponse à la problématique d’épuisement des ressources de la planète et répond surtout à une
problématique environnementale majeure, le réchauffement climatique planétaire, qui
concerne l’ensemble de l’humanité.
51
3.2. Dépendance énergétique des pays. Independence ou convergence des
stratégies énergétiques nationales
Avec les tensions occasionnées par les conflits géopolitiques, les crises économiques
successives, la remise en cause du système financier mondial, l’énergie n’a jamais été autant
au cœur de tous les débats. Devenant un des principaux chantiers de l’Union européenne, la
dérégulation du marché a débuté dans les années 2000 pour mieux connecter les différentes
zones de production et de consommation et surtout introduire un modèle de concurrence
parfait et équilibré. Cette stratégie a été adoptée pour garantir l’approvisionnement en énergie
au niveau de l’UE, réduire les zones de pauvreté énergétique, offrir une électricité accessible à
tous et surtout réduire la dépendance énergétique vis à vis des pays gaziers ou de l’OPEP
sujets à des instabilités de plus en plus marquées.
Au niveau de l’Europe, la libéralisation du marché de l’électricité comme expliqué dans les
parties précédentes et la volonté de respecter le protocole de Kyoto a entrainé une série de
directives communautaires, servant de guides aux différents Etats membres pour intégrer de
manière concrète et réelle les énergies renouvelables dans le mix énergétique propre à chaque
pays. De grands chantiers d’interconnexion électriques pans européens ont été effectués et
sont en cours d’exécution. « L’année 2011 a été marquée par le démarrage du chantier
d’interconnexion France-Espagne par l’Est des Pyrénées (projet Baixas-Santa Llogaia). La
mise en service de cette nouvelle interconnexion en 2014 devra permettre d’atteindre des
niveaux de capacité physique d’export depuis la France vers l’Espagne équivalents à
l’objectif de 2 800 MW »36. L’interconnexion des réseaux nationaux a permis de sécuriser
l’approvisionnement énergétique européen et réduire la dépendance énergétique aux matières
fossiles. Toutefois cela a créé des avantages et inconvénients. Les gisements hydrauliques de
la France, la Suisse et l’Italie peuvent servir de piles européennes en cas de manque
d’ensoleillement ou de vent dans les autres régions européennes, toutefois une certaine
dépendance s’est instaurée entre les différents pays européens (risque de coupure de courant
36 Source : Rapport d’activité 2011 de la CRE
52
en cas d’impossibilité d’importer chez un voisin). Mais l’installation de nouvelles unités de
production exploitant les différents gisements naturels locaux ainsi que le renforcement des
interconnexions des réseaux nationaux amplifiera l’effet de foisonnement, et permettra de
contrer le principal aléa des EnR, leur intermittence.
Comme expliqué dans la partie 2, le développement des énergies renouvelables n’est pas la
priorité au niveau politique (exemple de la France et de l’Espagne qui ont procédé à des
moratoires brutaux). Décisions liées à des politiques qui doivent répondre à des besoins
nationaux plus urgents, mais peut être du à une mauvaise exécution des moyens et leviers à
disposition aux bons moments (voir taux d’apprentissage et courbe de développement en
cloche des différentes technologies).
Les énergies renouvelables sont tributaires d’une localisation géographique précise : les
ressources naturelles utilisées pour la production d’électricité sont « données » en un lieu
précis (soleil, vent, géothermie, etc.). La disponibilité des ressources influe ainsi de manière
déterminante sur la nature des unités de production, et donc les possibilités pour un pays
donné de pouvoir développer une multitude de filières vertes. (i) aucune technologie ne peut
être installée efficacement n’importe où en Europe ; (ii) chaque région/lieu dispose d’atouts
différents favorisant telle ou telle énergie renouvelable.
Puisque chaque pays possède des atouts naturels propres, une convergence des stratégies
énergétiques nationales, interconnectés physiquement, et un développement unifié des SER
permettrait un développement plus cohérent des EnR et garanti sur le long terme. Cette
convergence doit s’effectuer sur des points précis, détaillés les dans la partie suivante.
3.3. Pistes d'optimisation pour intégrer les EnR dans les mix énergétiques
nationaux
La convergence des stratégies énergétiques nationales semble découler naturellement des
particularités liées aux EnR. Toutefois, une véritable feuille de route doit être établie et des
actions doivent être menés sur plusieurs fronts.
Rappelons que les directives européennes ont établi des objectifs pour l’ensemble des Etats
membres de l’UE et que les moyens doivent être mis en œuvre pour les atteindre.
53
Tout d’abord, comme indiqué dans la partie 1, d’importantes subventions aux opérateurs et
distributeurs pétroliers et gaziers existent et sont sans commune mesure équivalentes à celles
données pour le développement des EnR. Si les subventions aux énergies fossiles étaient
réduites, les prix refléteraient la rareté des ressources fossiles. Par conséquent la
consommation serait réduite, et les investissements dans les unités de production
conventionnelles redirigés vers des projets de SER, économiquement plus rentables en cas de
renchérissement des matières premières. Un des principaux avantages est la réduction
automatique des émissions en GES. L’assurance d’une sécurité énergétique plus sobre et une
réduction de la dépendance aux pays exportateurs de matières fossiles sensibles aux tensions
géopolitiques mondiales.
Il est essentiel que les politiques d’intégration des EnR soient harmonisées au sein de l’UE,
car des effets d’aubaine pourraient apparaître en cas de déséquilibre entre les aides et
subventions des différents pays. L’existence même de ces subventions (voir partie 2 : CSPE
en France ; EEG en Allemagne) va à l’encontre de l’ouverture à la concurrence souhaitée par
la Commission européenne. Il est essentiel qu’elles soient réduites au cours du temps selon la
puissance installée (fonctionnement en Espagne) ou relative à la quantité d’électricité produite
(voir éolien en France). Un fonctionnement hybride permettrait de stabiliser le soutien
économique aux EnR mais d’atténuer progressivement l’intensité des aides gouvernementales
lorsque les différentes filières seront suffisamment développées et concurrentielles, tout en
récompensant les porteurs de projets et investisseurs ayant élaboré des fermes ou centrales
maximisant la production (exploitation des meilleurs gisements). Des bonus pourraient être
accordés à des unités de production ayant des forts taux d’intégration dans le paysage ou un
respect accru de la faune, de la flore ou tout simplement du voisinage. Mon expérience chez
Nordex France, constructeur de turbines et développeur de projets éoliens m’a montré que le
développement de solutions innovantes (technologie d’asservissement des turbines pour
protéger les chiroptères) a créé des avantages compétitifs par rapport aux concurrents. Des
bonus supplémentaires pourraient aussi être données lors d’une forte stimulation des
entreprises, fournisseurs, industries locaux.
54
Parmi les autres voies d’optimisation, il est nécessaire d’intensifier les efforts de R&D et
d’innovation au niveau européen sur différents points bénéfiques pour l’ensemble.
Premièrement, le travail en collaboration permettrait de créer un pôle d’excellence au niveau
mondial, réaliser des économies d’échelle, accélérer les progrès techniques en la matière, et
rendre plus rapidement compétitives les énergies renouvelables afin de répondre aux objectifs
des « 3x20 » mais aussi le protocole de Kyoto auquel de nombreux responsables politiques
européens ont adhéré.
Deuxièmement, il est indispensable d’anticiper à l’échelle communautaire le renforcement
des interconnexions pans européens afin de garantir une bonne intégration des EnR au réseau
électrique. Le renforcement des lignes de transport THT nationaux et transfrontaliers
permettrait de solidariser les différentes unités de production réparties à travers les régions car
rappelons le, chaque pays bénéficie d’atouts naturels qu’il peut exploiter de manière optimale
en contre partie d’un effet de foisonnement à l’échelle européenne.
Cet effet est pour moi une des solutions pour le bon développement des EnR, mais exploitable
qu’avec l’avènement des smart grid (transit de flux énergétiques géré de manière automatique
et optimisée entre les différents pays en fonction de l’offre et la demande en énergie dans les
différentes régions européennes).
Le développement des EnR doit désormais s’inscrire dans une véritable politique industrielle
communautaire sur le long terme. Cette politique, fondée sur des engagements réciproques
des Etats, des industriels et professionnels des secteurs permettra un développement des
filières renouvelables sur l’ensemble de leurs chaines de valeur. Mais il est clair que des
changements sociétaux majeurs doivent s’opérer, par la contrainte ou l’incitation, mais
doivent s’opérer rapidement avant d’atteindre la limite de non-retour (pollution irrémédiable,
déchets non recyclables, tensions géopolitiques majeures).
55
Conclusion
Comme indiqué dans l’introduction, le Rapport Meadows peut être considéré comme
l’origine d’une prise de conscience, dans les milieux économiques et industrielles, des limites
de l’exploitation de stocks épuisables de ressources naturelles, au premier rang desquels
figurent les énergies fossiles. Emanant de personnes associées au monde industriel et
économique, il symbolise en effet l’émergence d’une critique du modèle de développement ne
se cantonnant pas aux marges de la société ou à ceux refusant ses modèles de valeur, et d’une
formulation proprement économique de la question de la gestion des ressources.
Alimentée par les chocs pétroliers, la crise économique et l'émergence de l’écologie comme
thème politique, la prise de conscience des enjeux relatifs à la gestion des ressources
naturelles se traduit par la mise sur pied en 1983 par les Nations Unies de la Commission
Mondiale sur l’Environnement et le Développement, qui aboutit en 1987 à la publication du
rapport Brundtland avec la fameuse définition du développement durable.
Après les différents jalons qui ont marqué la scène politique et environnementale telle que le
Sommet de la Terre de Rio en 1992, les différents COP avec des engagements et décisions
plus ou moins concluantes, il est clair que l’utilisation des énergies fossiles, qui ne peuvent
être renouvelées à l’échelle de temps humaine, apparait ainsi en contradiction avec le modèle
du développement durable érigé au rang de nouvel idéal. Les politiques publiques spécifiques
construits sur ces fondements visent à faire porter aux consommateurs actuels les coûts
véritables associés à l’épuisement des ressources fossiles, et à en décourager l’usage par
rapport à d’autres sources d’énergie.
L’empreinte écologique et plus spécifiquement l’empreinte carbone doit être l’une des
préoccupations majeures des différents gouvernements. La reprise d’une croissance
économique satisfaisante pour assouvir industriels et gouvernements semble une période
révolue dans modèle actuel qui fait déjà preuve de ses limites.
La source d’émission principale de GES est l’énergie. L’empreinte carbone associée à
l’énergie, répartie entre l’électricité, chaleur, le transport, l’industrie doit être drastiquement
réduite et les sources d’énergies renouvelables (SER) et surtout les E-SER (électricité issue
des sources d’énergie renouvelable) doivent être développées. Ceci par la mise en œuvre
d’outils économiques ou réglementaires réfléchies sur le moyen long terme.
56
L’énergie est un vaste domaine qui mélange, économie, politique, finance, technique et bien
d’autres paramètres. Elle est centrale pour la pérennité du développement des sociétés
humaines mais présente de nombreuses contraintes.
Mais que représentent-elles en comparaison du risque d’accident et la nocivité des déchets
actuellement rejetés par la filière nucléaire et les moyens de production électrique thermique
d’origine fossile qui rejettent une quantité trop importante de GES.
Il est indéniable que des changements profonds dans les modèles économiques et
énergétiques vont s’opérer dans les années à venir et amène de nombreuses interrogations.
Quand surviendra le point de non-retour ? Peux-t-on envisager des stratégies énergétiques
nationales performantes convergeant toutes vers des stratégies énergétiques plus larges,
communautaires et même une stratégie énergétique mondiale ? La société est-elle prête à
accepter un changement dans ses habitudes de consommation ?
Cette série d’interrogations en amène bien d’autres montrant la complexité et surtout la
fragilité du système dans laquelle s’inscrit les sociétés modernes actuelles. L’équation
répondant au développement durable possède de nombreux paramètres intrinsèquement liés
entre eux. L’énergie est une des composantes principales de cette dernière et l’utilisation des
EnR pourrait être un facteur déterminant pour obtenir une issue favorable à la suite de la
résolution de cette équation.
57
Bibliographie
Ouvrages et revues :
BOUTAUD A., GONDRAN N., Empreinte écologique », La Découverte, Paris, 2009
EUROBSERV’ER, Etat des énergies renouvelables 2011, EurOberv’ER, Paris, Edition 2011
GRAND E., VEYRENC T., L’Europe de l’électricité et du gaz, Economica, Paris, 2011
LARROUTUROU P., C’est plus grave que ce qu’on vous dit… mais on peut s’en sortir !,
Nova Editions, Paris, 2012
MEADOWS D., MEADOWS D., RANDERS J. Les limites de la croissance, Rue de
l’échiquier, Paris, 2012
SER, Syndicat des Energies Renouvelables, Le Livre blanc des énergies renouvelables,
février 2012
Sites internet :
EUROSTAT, « Statistiques européennes »,
http://epp.eurostat.ec.europa.eu/portal/page/portal/energy/data/main_tables, 2012
EUROSTAT, « Thème 6: Changement climatique et énergie»,
http://epp.eurostat.ec.europa.eu/portal/page/portal/sdi/indicators/theme6, 2012
OBSERVER, « Baromètre », http://www.energies-renouvelables.org/barometre.asp, 2012
OBSERVER, « Inventaire », http://www.systemes-solaires.com/observ-
er/html/inventaire/Fr/introduction.asp, 2012
CRE, régulateur énergétique national français, http://www.cre.fr/
BnetzA, Bundesnetzagentur, régulateur énergétique national allemand,
http://www.bundesnetzagentur.de/
CNE, Comision Nacional de Energia, régulateur énergétique national espagnol,
http://www.cne.es/
ADEME, http://www.ademe.fr
RTE, Réseau de Transport d’Electricité, http://www.rte-france.com
GIEC, Groupement international des experts du climat, http://www.ipcc.ch
AEE, Agence Européenne de l’Energie, http://www.eea.europa.eu
Institut de recherche européen, http://www.ie-ei.eu
58
Annexes
Ressource renouvelable exploitée Technologies
Mouvement de l’eau Centrale hydraulique
Centrale houlomotrice
Centrale marémotrice
Vent Eolien onshore (terrestre)
Eolien offshore (en mer)
Rayonnement du soleil Panneau photovoltaique
Centrale solaire thermique
Température du sous-sol terrestre Centrale géothermique
Matière organique Centrale à biomasse
Installation de gazéification (biogaz) Table 1: Classification des principales E-‐SER
Figure 1: Part de chaque énergie dans la consommation d'énergie primaire renouvelable de l'UE
59
Figure 2: Evolution du tarif d'achat du kWh solaire en Espagne
Figure 3: demande stylisée de la demande énergétique en une journée
00 :00 12:00 24:00
Base
Semi-base
Pointe Pointe
60
Figure 4: Cout marginal des principales SER en Europe