S E P T E M SURVEILLER ET PUNIR B R O C T 1 5

12
vous simplement, pourtant tel a été le souhait de l’ensemble des membres pré- sents à la toute fin de la dernière assemblée générale: reformuler le journal de l’AMR – Viva la Musica – pour la rentrée, avec un programme détachable à l’intérieur. Mis- sion accomplie: voici ce Viva nouveau! Ne l’ayant à ce jour ni vu ni connu, vous m’obligeriez en vous repor- tant toute affaire cessante aux lignes qui suivent, un texte d’Aloys narrant dans les grandes lignes la genèse de cette métamorphose. Cela fait, il reste au comité, autre mandat de l’AG, de tenter une harmonisation entre jour- nal et site, car si, comme l’a souligné notre coordinateur éditorial, le jour- nal recèle amour et humour, il n’en est encore rien du site, qui reste aussi froid et neutre qu’un cœur d’Helvète. Reprenons par le début, par le titre de cet éditorial: surveiller et punir, deux verbes qui furent choisis par Michel Foucault précisément comme titre à sa vaste histoire de la prison et de la répression sous toutes ses formes. De fait c’est en pensant à la Grèce, pays que je m’apprête à rejoindre pour une quinzaine, que ces deux mots accolés me sont venus spontanément. L’affaire suit son cours, et le monde n’est pas près d’échanger le fouet contre le dialogue. Le destin de l’Hellénie, au- jourd’hui condamnée et punie, menacée de faillite pour in- capacité à rembourser sa dette – vieille dette certes mais immensément gonflée par son accession au très sélect club de l’Europe – en est la triste dé- monstration! Dérision du sort de cette terre à l’histoire richissime dont nous sommes tous débiteurs, de par sa langue, sa philosophie, sa démocratie, etc... Ensuite j’ai trouvé une phrase de ce même Foucault – mon inspirateur du mo- ment, voyez ci-dessus la phrase citée – et je me suis fait la réflexion qu’il fallait une grande liberté pour oser la folie. Cette liberté dont on dispose, par exem- ple dans une association telle que l’AMR qui n’a jamais pratiqué le fouet, un endroit – je me répète – unique, autogéré depuis quarante ans donc ouvert au dialogue, sait-on quoi en faire? Jeunes gens, si vous voulez vivre votre vie, lancer votre note, improviser vos cris, faites un effort, insufflez la folie! Sans liberté pas de musique, ou alors de celle dont on n’attend au- cune surprise, très répandue à ce jour malheureusement. Même dans le jazz, musique pourtant fondée sur la fraternité et l’improvisation,dés- ormais enseignée comme un quelconque courant musical: est-ce qu’on vous explique dans vos très-hautes écoles qu’il ne s’agit pas de concours, ni d’esthétique? N’oublions pas que la musique afro-américaine nous a conquis parce qu’elle nous a montré le chemin de la liberté, un chemin que nous avions perdu, alors respectons cette filiation, mais évitons les autoroutes, osons les chemins de traverses: pour jouer vrai, soyons fous! Cela dit, c’est la rentrée, et voyez le programme à l’intérieur du journal, oui, celui qui est détachable en son centre, venez, écoutez, regardez, c’est beau, c’est fou, c’est vrai! «De l’homme à l’homme vrai, le chemin passe par l’homme fou.» Michel Foucault Végétarien – Ainsi, vous mangez de tout. Autruche – Appelez-moi Mademoi- selle, s’il vous plaît. Qui mange de tout ? On mange ce que les autres laissent, les réveils, les croûtes de fromage, les mégots de havanes, les vieux sommiers. V. – Avec plaisir? A. – Vous sortez du sujet. V. – Que buvez-vous? A. – Mademoiselle. V. – Mademoiselle. A. – A moi les vins, les pauvres vins chargés de tous les maux du monde, accusés d’amplifier les effets des médicaments comme si vos semblables craignaient que les malades ne guérissent trop vite ! Un litre par tête et par repas. V. – Le repas idéal? A. – Il serait composé exclusivement d’entrées, c’est-à-dire de com- mencements. Des clairs matins, des œufs frais du jour, des vins verts et des rollmops. Des pilules feraient l’affaire. Dans le fond, je me fous de tout cela. V. – Nous venons de manger de la dent-de-lion. A. – Je vous en remercie. C’était bon. Mais les œufs dans la salade, je les préfère teints. V. –Teints? On n’est pas à Pâques, ni au cirque, et je ne vois pas pourquoi je teindrais des œufs pour les couper en tranches deux minutes après. A. – Monsieur ne comprendra jamais rien à la beauté. ce bout de texte de travers par exemple, on sait pas pourquoi... SOUS-ÉDITORIAL DU METTEUR EN PAGES ainsi, la vieille dame de l’affichette et michel foucault pensent qu’à l’amr, on est un peu fous... heureusement, colette est là pour nous expliquer pourquoi on l’est! cependant, il y a quinze ans que nous n’avions pas rafraîchi l’enve- loppe de notre organe de presse, certes modeste, mais pas sobre, à l’image de son association, on y trouve de tout, DIALOGUE ENTRE UN VÉGÉ- TARIEN ET UNE AUTRUCHE SURVEILLER ET PUNIR éditorial, par colette grand S E P T E M B R O C T O B 1 E 5 par jean-luc babel cette nouvelle formule sera plus facile à adapter à la lecture sur internet, son cahier central, programme labyrinthique, se posera plus facilement contre la porte de votre réfrigérateur; un tirage supplémentaire de ce programme, replié, sera distribué partout partout. j’assume volontiers tous ces changements, mais surtout je remercie en premier lieu leïla kramis (l’instigatrice) et tous ceux qui m’ont soutenu et aidé, et même tous ceux qui étaient plus que critiques envers ce projet (ça, ça booste). j’ajoute que je suis d’accord avec ceux qui pensent que la vieille dame n’inspire pas la sympathie, je promets de remédier à cela dans le prochain numéro, des angelots avec des lyres, peut-être. merci, camarades, pour votre confiance, la lotta continua et la musica también, votre aloys lolo louise bonnet pour roger loponte 96 6 1 3 Peut-être aviez-vous oublié cet épisode, le dernier de l’AG, ou alors l’ignoriez- Doc_3_Mise en page 1 02.09.15 09:20 Page1

Transcript of S E P T E M SURVEILLER ET PUNIR B R O C T 1 5

Page 1: S E P T E M SURVEILLER ET PUNIR B R O C T 1 5

vous simplement, pourtant tel a été le souhait de l’ensemble des membres pré-sents à la toute fin de la dernière assemblée générale: reformuler le journal de

l’AMR – Viva la Musica – pourla rentrée, avec un programmedétachable à l’intérieur. Mis-sion accomplie: voici ce Viva

nouveau! Ne l’ayant à ce jour ni vu ni connu, vous m’obligeriez en vous repor-tant toute affaire cessante aux lignes qui suivent, un texte d’Aloys narrantdans les grandes lignes la genèse de cette métamorphose. Cela fait, il resteau comité, autre mandat de l’AG, de tenter une harmonisation entre jour-nal et site, car si, comme l’a souligné notre coordinateur éditorial, le jour-nal recèle amour et humour, il n’en est encore rien du site, qui reste aussi

froid et neutre qu’un cœur d’Helvète.Reprenons par le début, par le titre de cet éditorial:

surveiller et punir, deux verbes qui furent choisispar Michel Foucault précisément comme titre àsa vaste histoire de la prison et de la répressionsous toutes ses formes. De fait c’est en pensantà la Grèce, pays que je m’apprête à rejoindrepour une quinzaine, que ces deux mots accolés

me sont venus spontanément. L’affaire suit soncours, et le monde n’est pas près d’échanger le

fouet contre le dialogue. Le destin de l’Hellénie, au-jourd’hui condamnée et punie, menacée de faillite pour in-

capacité à rembourser sa dette – vieille dette certes mais immensémentgonflée par son accession au très sélect club de l’Europe – en est la triste dé-monstration! Dérision du sort de cette terre à l’histoire richissime dont noussommes tous débiteurs, de par sa langue, sa philosophie, sa démocratie, etc...Ensuite j’ai trouvé une phrase de ce même Foucault – mon inspirateur du mo-ment, voyez ci-dessus la phrase citée – et je me suis fait la réflexion qu’il fallaitune grande liberté pour oser la folie. Cette liberté dont on dispose, par exem-ple dans une association telle que l’AMR qui n’a jamais pratiqué le fouet, unendroit – je me répète – unique, autogéré depuis quarante ans donc ouvertau dialogue, sait-on quoi en faire? Jeunes gens, si vous voulez vivre votrevie, lancer votre note, improviser vos cris, faites un effort, insufflez lafolie! Sans liberté pas de musique, ou alors de celle dont on n’attend au-cune surprise, très répandue à ce jour malheureusement. Même dans lejazz, musique pourtant fondée sur la fraternité et l’improvisation,dés-ormais enseignée comme un quelconque courant musical: est-ce qu’onvous explique dans vos très-hautes écoles qu’il ne s’agit pas de concours,ni d’esthétique? N’oublions pas que la musique afro-américaine nousa conquis parce qu’elle nous a montré le chemin de la liberté, unchemin que nous avions perdu, alors respectons cette filiation, maisévitons les autoroutes, osons les chemins de traverses: pour jouervrai, soyons fous! Cela dit, c’est la rentrée, et voyez le programme àl’intérieur du journal, oui, celui qui est détachable en son centre, venez, écoutez, regardez, c’est beau, c’est fou, c’est vrai!

«De l’homme à l’homme vrai, le chemin passe par l’homme fou.»Michel Foucault

Végétarien – Ainsi, vous mangez detout.Autruche – Appelez-moi Mademoi-selle, s’il vous plaît. Qui mange detout? On mange ce que les autreslaissent, les réveils, les croûtes defromage, les mégots de havanes, lesvieux sommiers.V. – Avec plaisir?A. – Vous sortez du sujet.V. – Que buvez-vous?

A. – Mademoiselle.V. – Mademoiselle.

A. – A moi les vins, les pauvres vins chargés de tous les maux du monde, accusésd’amplifier les effets des médicaments comme sivos semblables craignaient que les malades ne

guérissent trop vite! Un litre par tête et par repas.V. – Le repas idéal?

A. – Il serait composé exclusivement d’entrées, c’est-à-dire de com-mencements. Des clairs matins, des œufs frais du jour, des vinsverts et des rollmops. Des pilules feraient l’affaire. Dans le fond, je

me fous de tout cela.V. – Nous venons de manger de la dent-de-lion.

A. – Je vous en remercie. C’était bon. Mais les œufs dans lasalade, je les préfère teints.V. – Teints? On n’est pas à Pâques, ni au cirque, et je nevois pas pourquoi je teindrais des œufs pour les couper entranches deux minutes après.A. – Monsieur ne comprendra jamais rien à la beauté.

ce bout de texte de travers par exemple, on sait pas pourquoi...

SOUS-ÉDITORIAL DU METTEUR EN PAGESainsi, la vieille dame de l’affichette et michel foucault pensent qu’à l’a m r, on est un peu fous... heureusement, colette est là pour nous expliquer pourquoi on l’est!cependant, il y a quinze ans que nous n’avions pas rafraîchi l’enve-loppe de notre organe de presse, certes modeste, mais pas sobre, à l’image de son association, on y trouve de tout,

DIALOGUE ENTRE UN VÉGÉ- TARIEN ET UNE

AUTRUCHE

SURVEILLER ET PUNIRéditorial, par colette grand

SE

PT

EM

BR

OC

TO

B1

E5

par jean-luc

babel

cette nouvelle formule sera plus facile à adapter à la lecture sur internet, son cahier central, programme labyrinthique, se posera plus facilement contre la porte de votre réfrigérateur; un tirage supplémentaire de ce programme, replié, sera distribué partout partout.j’assume volontiers tous ces changements, mais surtout je remercie en premier lieu leïla kramis (l’instigatrice) et tous ceux qui m’ont soutenu et aidé, et même tous ceux qui étaient plus que critiques envers ce projet (ça, ça booste). j’ajoute que je suis d’accord avec ceux qui pensent que la vieille dame n’inspire pas la sympathie,je promets de remédier à cela dans le prochain numéro, des angelots avec des lyres,peut-être. merci, camarades, pour votre confiance, la lotta continua et la musica también, votre aloys lolo

louise bonnet pour roger loponte 96

6 13

Peut-être aviez-vous oublié cet épisode, le dernier de l’AG, ou alors l’ignoriez-

Doc_3_Mise en page 1 02.09.15 09:20 Page1

Page 2: S E P T E M SURVEILLER ET PUNIR B R O C T 1 5

Maël Godinat Trionyx & Quatuor Terpsycordes

DÉDALESEn mai dernier, je déambulais dans les couloirs dela Radio, tentant de suivre le pas agile de DanielRausis pour parler avec lui non pas comme ici desdisques des autres, mais du mien (qui n’est pastout à fait étranger à ce dont nous allons traiter,puisque qu’il mêle musique et lettres, comme l’abien décrit Philippe Koller dans le Viva la musican° 359). Nous croisons dans l’escalier Anne Gillot,musicienne et chroniqueuse vivace, passionnée decontemporain, qui s’étonne des disques si variésdans leurs formes et leurs couleurs qu’elle reçoit,galettes presque élevées au rang d’œuvre d’art, enpied de nez ou peut-être en réponse à la crisequ’elles connaissent. Ce à quoi l’homme de radiorenchérit avec une tendresse non dissimulée sousson accent valaisan : « Mais le plus con, c’est Go-dinat : il sort un vinyle ! » (Je le cite de mémoire, etle mot « con », peut parfois être chargé d’admira-tion). Quelque temps plus tard, nous cédons avec

mon sextette de guitare une salle 24 chargée decroches à la Fanfare du Loup pour qu’elle y tienneune réunion. Sur le pas de la porte, Maël rougit enme demandant si je peux lui acheter son disque auprix de production pour en faire une puce, lestrente-trois tours et le cachet des Terpsycordes luiayant coûté un bras. Il sort de son sac à dos unbien bel objet, grand carré dont le format rappelleà lui seul un autre temps, où l’homme n’avait pasen main de prétentieuses machines microtechno-logiques. Le carton d’un blanc cassé est délicieu-sement rugueux, parcouru de labyrinthes enescaliers, d’ébauches architecturales. À l’intérieur,de courts poèmes à l’alignement capricieux. J’enextirpe le vinyle et tends comme une grande hostieface à la lumière les sillons, pris dans une étrangematière transparente, marbrée de fumée – peut-onencore utiliser le terme de vinyle? Me reviennenten mémoire les mots de Rausis, et je me dis qu’ilest beau qu’un musicien de la trempe de Maëlfasse pareil sacrifice pour un art plus palpable quele sien, et que le bain de Terpsiychore, mère des si-rènes, dans l’Onyx, rivière éphémère des étés an-tarctiques, mérite bien pareil objet. Ce seral’occasion rêvée pour changer le saphir du vieuxLenco L78 que j’ai hérité de mes grands-parents.Je sors sans hésiter la somme et regrette à présentde ne pas lui en avoir pris trois.Ma chronique pourrait s’arrêter là, tant dans monélan j’ai dépassé largement les limites de l’intro-duction. Mais ce bel écrin n’a d’autre but que derenfermer tel un sarcophage la rumeur des pha-raons, les sons planqués dans leurs tranchées. Surla face A, trois titres. Des harmonies En bleu auhasard, qui glissent avec aisance. Coup de bluesvolatile d’une inconnue qui traverse MississippiRiver, Forest Lawn, Euclid avenue, Time Squareet sa rumeur, Villamette et Juniper. On imagine laSilver Ghost de 1910 pilotée par Gainsbourgavant qu’il ne renverse Melody. Archets et doigtsglissent ensuite au ralenti pour exprimer La Vio-lence faite au silence, silence d’un texte tu, bel etbien imprimé sous nos yeux, mais lu par les musi-

ciens seuls, silence entre les longues notes mélan-coliques du violoncelle. En Quête d’une fin, unpersonnage encadre alors d’un précieux jargontestamentaire ses ultimes pensés, qui sont, elles,d’un ton très argotique, illustrées par la caisseclaire et la grosse caisse tabassant sérieusementavant le retour des cordes, une sorte de douche dePsycho dont le jet serait moins fort.Sur la face B, quatre titres. On se perd dans les Dé-dales à sept ou six temps d’un balancement où labasse fait toujours le même pas de côté, mais oùl’harmonie ne cesse de montrer d’autres reflets,tour à tour inquiétants, oppressants, riants, nostal-giques comme le grincement d’une chaise à bas-cule. La voix très proche d’Olivier Carrel égrènedes mots, articule une phrase dont on perd le sens.Ces labyrinthes sonores s’attachent plus à la sono-rité, à la poétique des phrases, qu’à leur intelligi-bilité. Déjeuners d’un soleil brouillé et Valsemilliaire condensent d’ailleurs le texte dans leursdernières secondes, l’une suite à la promenade ato-nale d’une walking bass, l’autre après des pas bienplus légers, à faire défiler sans les voir passer lesmille d’une route antique. Gagarine, mélodie belleet simple qui vous arrache des soupirs même dansl’espace, va jusqu’à livrer à part son texte inspira-teur, sur les bonus du compact disc.Car pour ceux qui n’ont pas de platine, ou quicomme moi peinent à trouver une nouvelle tête delecture pour leur tourne-disque crachotant, un CDoffre quelques cadeaux, en plus des titres susmen-tionnés : en introdution à la Valse milliaire, un solode cymbales, dont le beau métal sonne comme lescasques d’une armée de centurion frappés dupilum des baguettes – je salue au passage les sonsnobles, profonds, vrais, mûrs, pleins et alcoolisésqui embaument tout l’album ; la note d’intentiond’un compositeur surréaliste, bribes et points desuspension, en tête à tête avec le quatuor ; uneContemplation tout aussi mallarméenne sous unciel lourd de nuages ; le tumbao impertinent d’UneVahiné de Gauguin et de Jean Échenoz, qui nousgifle gentiment de ses cheveux à chaque coup decrin ; Gravitation enfin, qui comme je l’ai ditdonne son poids de mots à Gagarine : « l’accordune rengaine au piano la contrebasse la remue larengaine / la voilà la récompense la peau résonnedu sein / le quatuor à la navigation jamais pour-tant le même son».Maël Godinat, piano, compositionManu Hagmann, contrebasseNelson Schaer, batterieGirolamo Bottiglieri, premier violonRaya Raytcheva, second violonTsubasa Sakaguchi, violon altoFrançois Grin, violoncelleOlivier Carrel, voixpoèmes de Gabriel Alanis, enregistré et mixé par Renaud Millet-Lacombe, mastering par Philippe Teissier du Cros, 2014www.maelgodinat.com

Airelle Besson & Nelson Veras

P R É L U D EAirelle n’est pas une baie, c’est un son. Airelle Bes-son n’est pas l’homologue francophone des Cran-berries, mais le Prix Django Reinhardt 2015. LePrix Django Reinhardt ne récompense pas le mu-sicien qui joue le mieux avec deux doigts en moins,mais simplement LE (en l’occurrence LA) musi-cien-ne français-e de l’année, cette année donc unebrillante élève de Wynton Marsalis à la discogra-phie déjà impressionnante, notamment choisie parRiccardo del Fra pour tenir la trompette d’un hom-mage à Chet Baker qu’il a composé et arrangépour orchestre symphonique et quintette.L’album qui nous préoccupe en est à l’opposépuisqu’il s’agit d’un duo, mais le spectre de Chet yplane dès la première minute, fil délicat tissé d’unseul souffle, captivante trompette du côté obscur del’amorce, toute en douceur, en gravité. Airelle nousgratifiera plus tard de deux pièces en solo : une Vir-gule improvisée et ce Birsay, du nom d’un comtéd’Écosse aux vertes prairies, chants d’une bergèrequi pleut sur ses moutons en intervalles expressifs,triturant les demi-tons pour faire tourner le vent.

Mais pour l’heure nous écoutons le premiertitre, Ma Ion, et Nelson Veras est entré, cueil-lant Airelle dans une nostalgie latinisanteaux harmonies baladeuses, comme unesprit qui furète, se pose sur diffé-rents souvenirs. Chet – que jeconvoque une dernière foisavant de le laisser voler sur lescanaux amstellodamois – ai-mait lui aussi les belles mélo-dies à la Jobim, y casant iciou là une blue note. Je repenseà ce merveilleux Zingaro, ac-compagné à la guitare par Ni-cola Stilo (qui n’est à la base nisecrétaire ni guitariste, mais flû-tiste). Du géant de la bossa-nova, on retrouve ici O Grande Amor, très joli thèmeoù Besson laisse progressivementVeras commencer les phrases, l’inci-tant à parler lui aussi dans ce dialogueamoureux. Encouragé, il se lance plustard dans une impro versatile, vraie mise enscène du doute. Le guitariste nous offre d’autresbeaux soli, funambule sans filet, notamment cettesorte de fugue improvisée sur Body And Soul. « Ôgrand amour », « corps et âme », de quoi donnerlieu à de jolis tête-à-têtes, elle nous laissant voirl’accompagnement par les trous de sa trompette,lui la suivant par des graves à vide mordantescomme elles peuvent l’être sur une guitare clas-sique, ou bien lâchant les basses, quittant même lacourtepointe douillette des accords pour lui préfé-rer un contrepoint mélodique.Hormis ces deux titres, Prélude ne comprend quedes compositions. Il y a ce Pouki Pouki aux fris-sons de flamenco, qui se termine accelerando parle jeu espiègle d’accents à placer ensemble, et cetteNeige qui tombe d’abord très violemment, qu’onpelle avec urgence pendant que l’autre tient lesquatre arpèges de l’ostinato, puis qu’on pèlecomme une peau d’oubli capable de recouvrir desfeelings très différents.Lulea's Sunset, Full Moon In K…. le disque est unpeu saturé de couleurs crépusculaires. Vertiges, laseule composition de Nelson Veras, amène à cet

égard d’autres teintes, moins tristes, car pluscontemporaines, danse lente où l’on ne sait sur quelpied s’appuyer. Mais Time To Say Goodbyeconclut l’album dans une clarté pathétique, unetristesse sereine. On se demande alors de quoi cePrélude est le prélude, et on guette la suite.Airelle Besson, trompetteNelson Veras, guitare classiqueenregistré et mixé en 2014 à Arles par Boris Darley, mas-tering par Pierre Vanderwaeter, produit par La Girafe,2014, Naïve, NJ 624911 www.airellebesson.com

Oggy & The Phonics

ATLASOggy est un chat bleu, héros d’une série télédiffu-sée au tout début de notre millénaire, qui courtaprès trois vilains cafards, tel Tom aux troussesd’un Jerry plus contemporain. Peut-être une réfé-rence commune pour ces jeunes mecs qui viennentde Paris, Nantes, Genève et se sont rencontrés sur

ppuucceess dduu ccaannaarrddDoc_3_Mise en page 1 02.09.15 09:20 Page2

Page 3: S E P T E M SURVEILLER ET PUNIR B R O C T 1 5

llee ccaannaarrdd,, cc’’eesstt nniiccoollaass llaammbbeerrtt

par claude tabarini

Les cariatides de la gare du nord veillent sur l’équilibre figé de ce mo-ment historique du jazz français frais comme une rose en son classi-cisme aventureux. Mise en pratique (oh combien pulpeuse en sonapparent ascétisme!) fruit des méditations d’André Hodair sur les ver-tus comparées de l’écriture et de l’improvisation. Une écriture mimantl’improvisation sur son propre terrain, à mesure qu’elle avance la dé-vorant, lui apportant la perfection de la forme en l’épurant de ses sco-ries. Mais est-ce bien tenable? Cette transformation, cette mutation dusoliste en exécutant finirait par supprimer les ressources propres du jazzet sa singularité dans le champ musicalpour n’en garder que sa particu-lière pulsation, ses intonationset son vocabulaire. L’objeten question y gagne icison caractère d’unicitéet d’intemporalité fi -gée. Il faut entendrel’univers de Thelo-nious Monk traitécomme un jardinà la française (àrendre Hubertfol!) Un collier dedouze perles uni -ques détournéd ’ A m é r i q u ec o m m e o n d é -tourne un avion.Kenny Clarke lui,qui fut partie pre-nante des débuts duModern Jazz Quartet,aime l’atmosphère de laFrance des années 1950,celle-là même que résume lecendrier «Martini» posé sur le pianopendant que les fumées des cigarettess’élèvent en une sinueuse offrande s’écrivant en noir et blanc dans unparfum d’anis. Il livre là peut-être une de ses plus belles parties de bat-terie, tout à la fois humble et étincelante de précision, de légèreté, dediscrétion et d’efficacité. Traiter une caisse claire de si royale façon exigequelque forme de pureté morale et particulière noblesse.

enveloppe

eÔrre,s-a-

e-renses

naet

seleee

-rts-

ntr

les bancs de l’école dejazz de Lausanne.

Dur de détermi-ner q u i d e s

cinq est lechat, l’in-

secte o ul a souris,mais onpeut ene f f e ts a n strop der i s q u ed i r eq u ’ i l sfont du

jazz, unjazz de

j e u n e sm e c s

puisque surleur site ils disent

chercher la «simpli-cité dans l’innovation»,

ce qui sonne un peu spot publi-citaire, mais colle assez bien à la réalité.Le premier morceau, Mi et fa, n’est à ce titre pasmensonger, tout construit qu’il est sur ces deuxnotes, pivot discret et tendu entre deux accords àtravers lesquels fonce une locomotive, tambourbattant les sextolets, lancée par un chouette riffagrémenté de glissades bluesy. Plus loin, Lyria amoins le train d’un TGV, mais part également d’unmotif répété à la guitare, d’un balancement toutsimple, pour que la clarinette et la pédale de grossecaisse y placent leurs esquives sous un sopranofêlé, essaient par tous les moyens de nous faire per-dre la mesure. On voudrait alors les nommer Oggy& the polyphonics, tant la mélodie peut passer d’unétage à l’autre, la basse piquant ici le motif initial,doublant là la mélodie.Slippery Leaf use un peu du principe inverse; cettevalse lente arrive, en une note par mesure pas plus,une mélodie soufflée à l’unisson, et quelques refletsd’accords, à rendre des couleurs glissantes commeun tapis de feuilles d’automne arrosé par la pluie.

Adagio quant à lui nous gratifie sur une trameefficace et minimale d’un solo où la guitare satu-rée s’entête, pose des sons qui par magie revien-nent, se répercutent. Duboule brille d’ailleursdans cet album d’une belle palette sonore, et vajusqu’à nous faire chercher du regard un fenderrhodes (réflexe d’autant plus stupide quand onécoute un disque) dans le groove accrocheur deStaka, succédant à un thème digne d’annoncerl’arrivée de César à Alexandrie.Panique tambourinant contre le couvercle ducercueil dans Buried Alive après l’introductionservie à part, lente et cruelle comme un westernspaghetti, jouissif «si» grave de la basse à cinqcordes, batterie nourrie d’Air comprimé quiavance au quadruple de la vitesse de ses com-parses : les rythmiques puissantes («pulsatiles»ajoute le descriptif du site), mais non dépourvuesde finesse sont légions dans cet Atlas. Ça chauffeet bouge tant et si bien qu’on déploie comme surla pochette un lot entier d’éventails bleus, jaunes,et verts : une explosion de Goûts et couleurs, dunom de cette samba futuriste qui tourne en funk

décadent avant de nous déposer en douceur surune plage léchée par les vagues. Ces ruptures de dy-namique, qui peuvent soudain faire entendre unpépiement macabre, marquant notre balade noc-turne des quinze ou seize contrecoups de minuit,tous ces contours, ces retournements peuvent nouspermettre d’y voir la course folle d’Oggy lechat. On peut aussi, pour s’expliquer ce nom, setourner vers l’italien, et en déduire que les Phonicsfont un jazz d’aujourd’hui.Louis Billette, saxophonesThéo Duboule, guitareGaspard Colin, basseClément Meunier, clarinetteMarton Kiss, batterieenregistré en 2014 à Saint-Denis-le-Ferment (France) et mixé par Alain Wits, mastering par Emil Spanyi,2014, Unit Records, UTR 4591www.oggyandthephonics.com

Doc_3_Mise en page 1 02.09.15 09:20 Page3

Page 4: S E P T E M SURVEILLER ET PUNIR B R O C T 1 5

o u t i l sp o u rl’improvisationpar Eduardo Kohan

Un choro de JoventinoMaciel interprété à laclarinette par Copinha.Joventino Maciel (1926-1993), compositeur bré-silien, a écrit environdeux-cents choros etvalses. Le plus célèbreest Cadência, enregistréen 1966 par Jacob doBandolim dans le fa-meux album «Vibra-ções». Je vous présente ici latranscription de l’inter-prétation de ce choropar Nicol ino Copia,«Co pinha» (1910-1984),compositeur, flûtiste,clarinettiste et saxo-phoniste brésilien.Pour écouter le mor-ceau, tapez sur youtube:Cadência Copinha (ouécrivez moi pour avoirle MP3). Sur mon siteweb vous trouverez destranspositions en Eb eten Bb.

Questions, suggestions,idées d’article, contac-tez-moi: [email protected] mon site, eduardokohan.com,vous trouverez tous les«Outils pour l’improvi-sation» publiés depuismars 2007 dans Viva laMusica. Lecture inspiratrice: Le pouvoir du chien

86

On s’étonnera toujours d’observerterprètes artistiques obsessionnelmêmes, consciemment ou non. Telpour les producteurs du langage dque les praticiens ambulatoires, suivistes en masse autant que par ile monde environnant dans la perspplaudissements que ce dernier leunanciers qu’il leur procure.Qui n’œuvrent jamais au nom de locéans qu’on empoisonne, des foéléphants qu’on fait disparaître, dd’un pied crétin. Qui négligent l’Aci soit membre certifié de la familvaloir dûment obscur ou concuparlent de la politique ou du sportmaines-là n’étaient jamais visés nque celui-ci prend la forme d’un pod’un tableau, d’un dispositif archiou d’un film.Je connais un écrivain dont l’urgetransporter ventre à terre en tel cenuniversitaire, semestre après semetaire de ce qu’il nomme son fonds un fragment de brouillon d’œquelques douzaines de courriels lettré peaufinant sa retraite au fo

éloge d

Doc_3_Mise en page 1 02.09.15 09:20 Page4

Page 5: S E P T E M SURVEILLER ET PUNIR B R O C T 1 5

CON

CER

TSA

UC

LU

B D

E J

AZ

Ze

t a

utr

es

mu

siq

ue

s im

pr o

vis

ée

sR

UE

DE

S A

LPE

S,

GEN

ÈVE,

TÉL

ÉPH

ON

E 02

2 71

6 56

30

w

ww

.am

r-g

en

eve.

chaffi

che

de le

s st

udio

s

lolos (al)

,

10

Cahier Interne_2_Mise en page 1 01.09.15 10:50 Page2

Page 6: S E P T E M SURVEILLER ET PUNIR B R O C T 1 5

VENDREDI 18

Ville de la diversité, le Cap a apporté au jazzune sonorité unique due à l’extrême variétéde ses populations. C'est pour lutter contrel’absurdité du système de l'apartheid qu'estné le fameux Cape Jazz, formé de musiciensnoirs, blancs, métis et même asiatiques réunispar leur seul talent. Country Cooking rend unbel hommage à cette tradition, désormais re-connue internationalement.

Béatrice Graf, batterie, compositionsYves Massy, trombone, compositions

Ludovic Lagana, trompetteAina Rakotobe, sax alto, arrangements

Ian Gordon-Lennox, tuba, arrangements

Sauf indication contraire, les concerts ont lieu a 21 h 30 au Sud des Alpes, 10 ruedes Alpes à Genève. Les membres, les étudiants, les beneficiaires de l’AVS/AC/AI, bénéficient du tarifréduit (deuxième indication) les de tenteurs de la carte 20 ans d'une réductionsupplémentaire (troisième indication) Les possesseurs du passeport jazzcontreband auront egalement une reduction aux concerts affubles de ce joli logo:

20.-15.-12.-

22 23D E L U N D I À J E U D I

Thomas Florin, pianoNinn Langel, contrebasse

Manu Gesseney, saxophone altoFrançois Christe, batterie à la cave à 20 h 30

Dans l'esthétique des combos de jazz moderne, ces quatre jeunes musiciens réunis par le pianisteThomas Florin nous font redécouvrir les pièces du groupe Weather Report sous un angle acoustiqueet poétique, loin de la fusion des années septante. Une musique intense, fraîche et audacieuse.

WEATHER HAS T I M E

S E P T E M B R

COUNTRYCOOKING jazz sud-africain & plus

SAMEDI 19ENRICO PIERANUNZI

SOLO 21 24

MERCREDI à la cave du sud30JAM D E S AT E L I E R S

O C T O B R R RVENDREDI DOUG HAMMOND

QUARTET

Doug Hammond est une légende du jazz, et c'est aussi un grandpoète. Batteur et percussionniste mythique et quasi mystique, iljouera ce soir avec son nouveau quartet, une sorte de prolongementdu trio qu'il formait en compagnie de Steve Coleman et de MuneerAbdul Fataah. Ses compositions ont été jouées par les plus grands,Charles Mingus, Steve Coleman et Dave Holland entres autres.

VENDREDI 25 DE BEREN GIEREN& SUSANA SANTOS SILVA

Depuis leur création en 2009, les membres de De BerenGieren ont mis en place un vocabulaire qui leur est propre,épousant une dynamique agitée, passant d'un romantismefleuri à un pointillisme fracturé. Les trois musiciens sontici accompagnés par la trompette de Susana Santos Silva,coloriste aux délicates textures reconnue pour sa capacitéà donner de l’émotion. A découvrir !

Susana Santos Silva, trompetteFulco Ottervanger, pianoLieven Van Pée, contrebasseSimon Segers, batterie

Doug Hammond, batterieStephane Payen, saxophone alto Irving Acao saxophone ténorGuillaume Ruelland, basse électrique

20.- 15.- 12.-

EVARISTO PÉREZCAJON TRIO

S A M E D IEvaristo Pérez, pianoMarta Themo, cajonPhilippe Brassoud, contrebasse

20.-

15.-

12.-

2

20.-15.-12.- ©de

neka

pen

isto

n

MARDI 22 JAM SESSION à 21 h

6 7D E L U N D I À J E U D I

Raúl Esmerode, batterieHoracio Fumero, contrebasse

Stéphane Métraux, saxophone ténorMathieu Rossignelly, piano

à la cave à 20 h 30

Tribute to Mc Coy est parti d'une envie; me retrouver à la batterie avec des musiciens quej’apprécie pour faire un voyage dans le temps et essayer de retrouver le jazz du début desannées 1970 qui m'avait tant fasciné au festival de jazz de Montreux. Et la musique de McCoy Tyner en fait évidemment partie. Je tiens à remercier Mathieu Rossignelly, StéphaneMétraux et Horacio Fumero et bien entendu l'AMR. Raùl Esmerode

TRIBUTE T O5 8

MARCOS JIMEpiano solo

NEZS A M E D I 3

Dans ses nouveaux albums en piano solo, Marcos Jimenez partage avecnous une partie de ses racines culturelles : des chansons d’origine la-tino-americaines qu’il parcourt et aborde tels des standards de « l’Ame-rican Songbook». Chacun des deux disques représente une vision et unema nière différentes d’interpréter ces mélodies.

Ces deux musiciens confirmés revisitent des compo-sitions allant de Bill Evans, Thelonious Monk, Char-lie Mingus à Avishai Cohen. Un voyage à travers unrépertoire de ”standards de jazz” truffé d’imprévus,d’improvisations et d'interprétations surprenantes.

Marcos Jimenez, piano

Soraya Berent, chantStéphane Fisch, contrebasse

DEUX CONCERTS! 20.- 15.- 12.- PICK & PITCH

vernissage des albums «three words» et «three other words»

MARDI 29 JAM SESSION à 21 h

MC C OY

àp

Trois passionnés emmenés par un pianiste helvé-tico-catalan, une percussionniste polonaise habi-tée par le duende du flamenco et un desexcellents bassistes français de jazz : voilà pourl’ambiance! Ce casting de rêve fait la part belleaux rythmes issus du jazz et du flamenco, qu’il in-vite sans rougir à se mélanger par l’intermédiairedu cajon. Fraîcheur et complicité musicale garantie!

26

20.- 15.- 12.-

Qu’on se le dise, l’un des tous grands pianistes européens nous re-vient en solo! Nat Hentoff, excellent critique de jazz, le définit enune seule phrase perspicace : Pieranunzi est un pianiste d'intenselyrisme, capable de développer nombre d'idées en dessinant deslignes dotées de grande clarté et d'implacable logique structurale.

PROGRAMME D E S C O N C E R T S AUEN S E P T E M B R E ET EN OCTOBRE 2015

ENTR

ÉE LIB

RE

ENTR

ÉE LIB

RE

PAYEZ UNE ENTRÉE , VENEZ À DEUX

ENTR

ÉE LIB

RE

ENTR

ÉE L

IBRE

Cahier Interne_2_Mise en page 1 01.09.15 10:50 Page3

Page 7: S E P T E M SURVEILLER ET PUNIR B R O C T 1 5

MERCREDI à la cave du sud14JAM DES ATELIERS

MERCREDI à la cave du sud28JAM D E S A T E L I E R S

16 K A L A J U L AA la fois enracinée dans la tradition des griotsmaliens et résolument moderne, la musiquede Kala Jula est une véritable ode au métis-sage. Samba Diabaté et Vincent Zanetti nousproposent avec leurs compositions originalesun développement remarquable de l’art de laguitare mandingue.

Samba Diabaté, guitare, jeli n’goniVincent Zanetti, guitare, kamele n’goni, jembé, tama

DIMANCHE T O N Y M A L A B Y ' S TUBACELLO

Il y a un mystère dans le son du tuba, d'où vient-il ? On l'entend quelque-fois devant, sur les côtés ou derrière le groupe. Il vient se frotter au sonrugueux du violoncelle, créant une dimension sonore que j'affectionneparticulièrement. Ajoutez y l'univers de John Hollenbeck au piano préparéet aux percussions et je me retrouve au centre d'un monde qui a une touteautre « gravité » que celle d'un groupe avec basse. Tony Malaby

120.-15.-12.-

VENDREDI M AT S E I L E RT S E NTRIOPilier du jazz norvégien, le très expérimenté con tre -bassiste Mats Eilertsen exploite son instrumentsous toutes ses coutures. Son compatriote ThomasStrønen et le pianiste hollandais Harmen Fraanjesont tout autant expansifs dans leur jeu. Ensemble, ils créent de courtes études axées sur lerythme et la texture, qui naviguent bien au largedes orthodoxies classiques du jeu en trio.

Harmen Fraanje, pianoMats Eilertsen, contrebasse

Thomas Strønen, batterie

920.-15.-12.-

©w

esen

berg

VENDREDI A L I C E P E R R E T keman kiz

A cordes perdues, a voix et a mains nues, c'est un perilleux et delicat voyageintrospectifque nous propose Alice Perret en solo avec des claviers, un violonalto, des micros, des pedales et des objets pour tout bagage; avec les tripescomme seule boussole. Une musique de l'imaginaire, de ressenti, où résonnepar moments la musique traditionnelle turque, en écho à des voyages à Istanbul.

Mêlant compositions et improvisations articulées autour de textes,INNLAANDDS déploie sa musique à la façon d’un univers teinté d’onirisme, une évocation dumonde des rêves, de ses méandres, ses paradoxes et ses fluctuations émotionnelles, au travers d'unmaillage de chansons pop, de textures électro-acoustiques et de fulgurances rock.

Alice Perret, claviers,violon alto, électronique, effets

Antoine Läng, voixMichel Wintsch, piano, synthés

Raphaël Ortis, basse électriqueBernard Trontin, batterie

23

20.-15.-12.-

J E R O M E SABBAGHQUARTET

Saxophoniste parisien issu de la tradition du jazz, Jérôme Sabbagh vit depuis vingt ans à New York,ville dont il est désormais un des représentants de la scène contemporaine dans ce qu’elle a de pluséclectique et de plus vivant. En compagnie des excellents musiciens de son quartet, il a su déve-lopper au fil des ans un son et un vocabulaire très personnel. Un groupe expressif et percutant.

Ted Poor, batterieBen Monder, guitare / Joe Martin, contrebasse

Jerome Sabbagh, saxophone tenor24

20.-15.-12.-

S A M E D I 17 D I M A N C H E 18Chaque année, sous la houlette de l'Union européenne de radio-diffusion(UER) une radio mem-bre met sur pied un Big Band de jazz constitué de musiciens européens de moins de trenteans. C'est au tour de la Radio télévision suisse RTS d'assumer l'organisation de cet événementimportant cette année. Menés par le chef d'orchestre Ohad Talmor, les musiciens joueront unrépertoire spécialement préparé pour l'occasion avant de donner quatre concerts en Suisse, dontles deux derniers au Sud des Alpes dans le cadre du Festival Jazz Contreband.

direction, compositions,Ohad Talmor

anches....Joao Guimaraes, saxophonealto, flûte (Portugal) Tapiwa Svosve, saxophone alto (Suisse) Pedro Jose Coelho, saxophone ténor,flûte, clarinette (Portugal) Jan Kyncl, saxophone ténor, clarinette (Tchéquie) Matic Kuder, clarinette basse, clarinette (Slovénie) cuivres.... Hans Marius Andersen,trompette, bugle (Norvège) Tomi Nikku, trompette, bugle (Finlande)

Jonathan Ernst, trompette, bugle (Allemagne)

Tom Green, trombone(Grande-Bretagne)

Odey Al-Magut, trombone (Russie) Ádám Ladányi, trombone basse

(Hongrie)Baptiste Germser, cor d'harmonie (France)

section rythmique.... Viola Hammer,piano, fender rhodes (Autriche)

Felisia Westberg, contrebasse, basse électrique (Suède)

Simon Quinn, contrebasse, basse électrique (Suisse)

Adriano Bernobić, batterie (Croatie) 20.- 15.- 12.-

Tony Malaby, saxophone ténor, saxophone soprano Bob Stewart, tubaChristopher Hoffman, violoncelleJohn Hollenbeck, batterie, piano préparé

à 20 h 30

à 21h30

à 20h30

VENDREDI DE L’ETHNO

SAMEDI M O N K' S CASINO10Alexander von Schlippenbach, pianoAxel Dörner, trompetteRudi Mahall, clarinette basseJan Roder, contrebasse et John Schröder, batterie

25.- 20.- 15.- faveurs suspendues

VEN D R E D I la vitesse desFLEURS

Un éleveur de guitares en plein ciel qui porte,pied nu gauche, un orteil d’or à hautes cordes fines.Un type soufflant l’ébène intense fermant les yeuxquand l’orage par le monde pond des aigles.Un vieil enfant soldat de la plume aux Eaux-Vives.Histoire d’embrasser la vitesse des fleurs& de dénuder des dents d’un couples fils de cuivre de l’étincelle bleue.

SAMEDI

Suite à un récital joué en mars dernier au Théâtre du Loup,il m'a été suggéré de ressortir l'album épuisé: Je me sou-viens, accompagné de l'ensemble des textes des chansons. A l'occasion de la sortie de cet ouvrage, le concert-vernis-sage permettra de faire partager au public de l'AMR le sou-venir d'une période pendant laquelle le pianiste de la for mationétait François Jacquet. Roger Loponte

31Roger Loponte, chantPierre Losio, basse électriqueChristian Graf, guitare Marco Sierro, saxophone altoHélène Nicolet, pianoIgor Francesco, flûteClaude Tabarini, batterie

Marc Liebeskind, guitare à prodigesPascal Maillard, clarinette à mondesJean Firmann, textes, lecture & flûte Iakota

je me souviens

ROGERLOPONTE

20.- 15.- 12.-

N O V E M B R E

MARDI 27 JAM SESSION à 21 hMARDI JAM SESSION à 21 h

MARDI 6 JAM SESSION à 21 h

13

2120D E L U N D I À J E U D I

Jacques Siron, contrebasse, voixMichel Bastet, piano

Tony Renold, batterie

à la cave à 20 h 30

Une ancienne complicité lie Bastet et Siron, auxquelsse joint Renold, un batteur subtil et vigoureux. L’om-bre du jazz plane, avec ses accords bien perpendicu-laires. Mais le carré échappe au trio. Le frisson de larencontre et le plaisir du jeu le poussent à déménager,

à explorer ce qui se présente quand on a enlevé tous les meubles. L’imprévu s’invite commepartenaire clandestin, histoire de fendre la malle et de déménager du chapeau.

SIRON-BASTET-RENOLD19 22

Jacques Siron, contrebasse, voixMichel Bastet, pianoTony Renold, batterie

Le pianiste allemand Alexander von Schlippenbach nous revientavec Monk's Casino, son projet de relecture des compositions deThelonious Monk.Ce quintet est soudé dans une acoustique sen-suelle et joue avec une liberté d'expression qui rend hommage àl'écriture et au propos toujours moderne et teinté d'humour dugrand Monk. Un concert à ne pas manquer!

INNLAANDDS

Alliage de musique et d’écriture: mots etnotes, lignes et mesures, intervalles et si-lences, ensemble intimiste, récemment gravéet imprimé sous forme de disque livret. Poésie de l’absence et du temps qui passe, musique d’es-paces, de nuances et de climats, un cheminement vers l’horizon à la fois ouvert et suggestif.

Olivier van Bogaert, textes, compositionsMichel Bastet, piano

Charles Schneider, saxophone ténorPierre-François Massy, contrebasse

Jean Rochat, batterie

SAMEDI

DEUX CONCERTS! 20.-15.-12.- PAYEZ UNE ENTRÉE, VENEZ À DEUX

ENTR

ÉE LIB

RE

ENTRÉE LIBRE

ENTRÉE LIBRE

ENTR

ÉE LIB

RE

30

Ohad Talmor & E U R O R A D I OJ A Z Z O R C H E S T R A 2 0 1 5

week-end texte & musique (30, 31):

V E R S L’ H O R I Z O N

Cahier Interne_2_Mise en page 1 01.09.15 10:50 Page4

Page 8: S E P T E M SURVEILLER ET PUNIR B R O C T 1 5

CO

UN

TR

YC

OO

KIN

G

EN

RIC

O P

IER

AN

UN

ZIS

OLO

W

EA

-T

HE

RH

AS

TIM

EDE

BER

EN G

IERE

N &

SU

SAN

ASA

NTO

S SI

LVA

EV

AR

IST

OPÉ

REZ

CA

J ON

TR

IOD

OU

G H

AM

MO

ND

QU

AR

TE

T

M

ARCO

S JI

MEN

EZ +

T

RIB

UT

ETO

MC

CO

YM

ATS

EILE

RTS

EN T

RIO

MO

NK

'S C

ASI

NO

KALA

JULA

+o

ha

d t

alm

or

&EU

RORA

DIO

JAZ

Z O

RCH

ESTR

A20

15S

IRO

N-

BA

ST

ET-

RE

NO

LD

A

LICE

PER

RET

+IN

NL

AA

ND

DS

J

ERO

ME

SABB

AG

HQ

UA

RT

ET

la v

ites

se d

esF

LE

UR

S +

VER

S L'

HO

RIZ

ON

RO

GE

R L

OP

ON

TE

TO

NY

MA

LA-

1819

2526

1017

1824

3023

32

16SE

PT

OC

T

2122

2324

56

78

1920

2122

9

311

NO

V

B Y ' S TUBACELLO

PIC

K&

PIT

CH

Cahier Interne_3_Mise en page 1 03.09.15 08:31 Page1

Page 9: S E P T E M SURVEILLER ET PUNIR B R O C T 1 5

erver tels créateurs ou tels in-nnellement tournés sur eux-n. Tels ou tels qui se prennentage dont ils ne sont pourtantres, chichement inventifs etpar instinct. Qui considèrentperspective exclusive des ap-r leur amène et des gains fi-

m de la nature massacrée, deses forêts qu’on arrache, desre, de la fourmi qu’on écrasent l’Autre à moins que celui-famille, complice utile, faire-oncurrent stimulant. Et quisport comme si ces deux do-sés ni travaillés par l’art dèsun poème, d’une symphonie,

architectural, d’une sculpture

urgence cardinale consiste àel centre d’archivage culturelemestre, un bout supplémen-onds littéraire — je veux dired’œuvrette inachevée, ou

iels échangés avec un semi-au fond d’un mas provençal

évidemment semi-déglingué, et quelques pages deson journal forcément intime dûment impri-mées sur son Epson domestique.De ces gens-là, le monde crève. Ils sont lacouverture sociétale de ceux qui détrui-sent objectivement la planète à la têtede leur entreprise pollueuse en Chine,foreuse en Alaska, arracheuse d’ar-bres en Amazonie, employeused’enfants au Pakistan, minière surle territoire des peuplades origi-nelles dans les Andes ou transper-ceuse de thons rouges enMéditerranée. Ils sont leur ambas-sade dans les salons, les galeries et lescaves à jazz.Or je les mets à la question. Ah bon, tu esl’écrivain ne songeant qu’à ta gloire mesurableen termes de profit narcissique? Eh bien tu es le néo-libéral de la littérature. Tu es le musicien qu’enclt son seulmicrocosme? Tu es le boursicoteur de ta propre valeur enson sein. Tu es le plasticien qui parcourt le réseau de tespairs entretenu par le réseau consanguin de la critique? Tuprendras la parole au pro chain Forum de Davos.Ah, comme de tout cela ce journal est resté jusqu’ici lesymptôme inverse! Et comme il serait beau que la maisondes simples gens encaqués dans les villes de notre époque

soit percée, comme lui, defenêtres intérieures

aussi fluides et trans-versales! Par ellescirculerait tout l’airpossible en prove-nance d’ailleurs.Par elles circule-raient des couleursen vol migratoire

entre des herbagesprintaniers en Nou-

velle-Zélande et uneforêt d’automne au sur-

fin fond de la Sibérie. Parelles circuleraient le rire des

pôles et le soupir des tropiques.Par elles on entendrait le désert sé-

cher. Par elles on saurait que la pluie nousvient de loin. Par elles on imaginerait des livres à peineécrits, dont le cap des histoires tremblerait encore à l’ho-rizon. Par elles on aimerait que tous les films soient sacréspour nous faire entrevoir l’impossible à montrer, et pournous faire percevoir l’impossible à démontrer. On enten-drait des Mozart tout neufs et des canons de ragtime enra-gés par leur propre énergie. Et tous les rideaux de lamaison danseraient. Et ce serait bien. Et ça l’est. Et salut.

e de la fenêtre par christophe gallaz

P I A N O S V O L E N T

ÉTÉ BR

ÛLE

jean firmann

Doc_3_Mise en page 1 02.09.15 09:20 Page5

Page 10: S E P T E M SURVEILLER ET PUNIR B R O C T 1 5

samedi 23 novembre, 11 h 10Nous sommes arrivés hier à Mum-bai, vers une heure du ma tin, un taxide l’hôtel nous attend comme prévu.Concert de klaxons dès le parking.Circulation assez intense même àcette heure de la nuit. Il fait 15 de-grés et l’air est plutôt épais et chargéd’odeurs chaudes.

On dort vite fait trois petites heures,tous dans la même chambre qui sentla naphtaline. A 5 h 30, Shrinivas (Shrini) arrive àl’hôtel et nous repartons à l’aéroportpour Hyderabad, première ville oùnous jouons. Shri ni sera notre tourmanager pen dant toute la tournée,c’est la première fois qu’on est ac-compagnés tout le temps. Au secu-rity check, on me dépouille de mesdeux briquets. Arrivée a Hyderabad, trajet de trenteminutes pour l’hôtel, cette fois unhôtel plutôt business class. Pendant le trajet, des squelettesd’im meubles pas finis avec leurséchafaudages de bambou, au milieud’autres immeubles habités, parfoisun peu des deux, l’autoroute suspen-due qui traverse tout à dix mètres dusol, des collines de pierre rouge em-pilées comme par un géant, une cir-culation dense où tout le mondeklaxonne tout le temps. Il pleut unpeu. Il fait 20 degrés. Je tue un toutpetit moustique dans la voiture. Desmotos qui doublent n’importe oùavec trois personnes sans casque, desgens qui traversent la route au milieude nulle part. Un quartier pauvrejuste avant d’arriver. Il y en a un àcôté de l’aéroport de Mumbai, onvoit les baraques par le hublot del’avion qui décolle. On mange un peu, je n’ai pas faimalors que tout a l’air très bon, j’ail’impression d’entendre un chœurd’Européens en train de dire : «ah,j’adore l’Inde, c’est incroyable, etpuis la bouffe c’est incomparable,etc...» On fait une sieste jusqu’à15 h, puis repas, soundcheck à 16 h,puis repas et concert enfin à 19 h 30.Ce soir on est le seul groupe. Je fume une cigarette devant l’hôtelen regardant et écoutant la rue et lacirculation et les peintures sur lesmurs. Tout est dense – pourtant c’estune «petite» ville ici, l’air, les sons.Je manque un peu de sommeil et mesens flottant. J’écris ça. Je n’ai pas encore pris dephoto. C’est pas pareil d’écrire. ex-périence... Il est 15 h 30 je vais dormir un peu.

24 novembre, 10 h, dansl’avion de Hyderabad à Pune

Trois cents personnes au concert deHyderabad hier, piano droit qui netenait pas l’accord au fur et à mesuredu concert, Cyril sur un stand de bat-terie, standing ovation après unconcert d’une heure trente, on signe

des autographes eton pose pour lesphotos... Discussion intéres-sante autour d’unebière à l’hôtel à pro-pos de la différenceentre l’intensité descon certs et ce qu’onarrive à canalisersur les disques et lesvidéos. Shrini dit,comme beaucoupd’autres, qu’il nes’attendait pas a ceniveau de quasitran se, ni à voir le

public - plutôt con servateur selon luiqui est né dans cette ville - aussi ré-ceptif, aussi touché. Ce matin petit déj excellent, potagede légumes, petites crêpes... Je suisaussi allé au gymnasium transpirerun peu. Puis taxi pour l’aéroport,toujours cette circulation chaotique.Mais en fait, qui est le plus stresséentre un conducteur genevois et unconducteur indien? Il n’est pas rarepar exemple qu’un automobiliste àGenève accélère quand un piéton es-saye de passer au rouge, alors qu’icioù tout le monde essaye de passer etklaxonne tout le temps, il semblequ’il n’y ait pas la même expressiondangereuse de frustration. A propos du non-port de casque àmoto et scooter, on se dit que c’estpour ne pas avoir l’air d’une poulemouillée. On se demande aussi com-ment on passe son permis deconduire ici, et à quel moment la po-lice arrête une voiture ou une moto:qu’est-ce qui est vraiment interdit?Shrini dit en plaisantant: « this is truedemocracy, people really do whatthey want.»

lundi 25 novembre, 16 h 50,Mumbai, hôtel

Ça devient plus difficle d’écrire, enfrançais et à chaud. Mumbai (Bombay) c’est 20 millionsd’habitants avec une densité de10 000 hab/km2 (la même qu’à Ge-nève!). C’est dense. Il se passe tou-jours quelque chose. Un genre deparadis du photographe... Mais je nefais pas beaucoup de photos, je pré-

p

pr

p

M

b

p

b

br

jp

Aujourd’hui, sur la route entre Puneet Mumbai (quatre heures de voiture,avec un bon chauffeur qui ne nousterrorise pas; je peux même dormirun peu), des paysages magnifiques,des collines, il y a un genre d’herbejaune et haute qui recouvre tout,même les toits des maisons pas en-tretenues ou à l’abandon. Les ca-mions sont décorés comme auMoyen-Orient, plein de couleurs etde dessins. Il y a cette inscription quirevient souvent sur la face arrière etque je ne suis pas sur de compren-dre : «HORN OK PLEASE». Jecomprends beaucoup mieux:« PLEASE KEEP DISTANCE ».Toujours ce trafic incroyable. Il fait

chaud. Il y a des perroquets sur le filélectrique qui passe devant ma fenê-tre, on entend des cris d’oiseaux in-connus, et on voit un peu l’océanqu’on a longé en arrivant. Sur les sets de table du restaurant,des photos de Mumbai à la fin duXIXe siècle; dans les légendes, desnoms d’officiers de police et de gou-verneurs anglais qui font plutôt flip-per. Et puis ce truc de la modernité,les trams, les voitures, des chevauxet des façades, toutes les villes occi-dentales ou d’anciennes colonies seressemblent beaucoup à ce niveau-là. Ça fait un genre de point communentre Mumbai et Gaillard! Je m’entraîne à dire oui en hochantla tête de droite à gauche. Et commeje me dis que cette façon de dire«oui» est la même – d’un point devue «psysio-social» – que d’expri-mer un rythme, je m’entraîne a groo-ver «à l’indienne», en hochant latête sur les côtés plutôt que d’avanten arrière, et c’est pas facile...

fère rester disponible aux momentsqui passent. Hier concert dans un joli club – ter-rasse, un public plutôt friqué en trainde boire des coups l’après-midi, pasvraiment attentif ni intéressé par nostrucs métaphysiques qui demandentd’être à l’écoute. On a fait deux sets. La nuit précédente, Shrini a écrit,dans la suite de notre conversation,un bon article sur notre concert deHyderabad. Je poste ça sur face-book... Que faire avec facebook, que faireavec le pétrole... Impossible de s’enpasser pour vivre dans ce momentbizarre de l’humanité? Le soir on boit quelques bières et je

parle avec Shrini de la fin de mes an-nées à Toulouse, l’Espagne, le désert,le restaurant, la Chine... Je me voislui dire un truc d’inspiration franche-ment bouddhiste : « on prend nospro jections et nos interprétations duréel pour la réalité, on croit que c’estdu solide, et en fait c’est une illusion,ça ne résiste pas à un changement depoint de vue, à certaines expé-riences.»On est rentrés en rik-shaw, à quatresur la banquette arrière. Sommeil difficile, il fait chaud, jeflippe un peu de toutes ces maladiestropicales potentielles – on s’est tousfait vacciner avant de partir – je mecouvre d’anti-moustique. On entenddes rires depuis la terrasse en bas, etaprès, régulièrement, la sirène destrains. Je m’imagine qu’il en va destrains comme des voitures ici, il fautfaire sa place dans le trafic... je rêve beaucoup, de tout en mêmetemps, et je ne me rappelle pas debeaucoup de chose en me réveillant.

journal de la tournée de plaistow en inde par johann bourquenez en novembre et d

Doc_3_Mise en page 1 02.09.15 09:20 Page6

Page 11: S E P T E M SURVEILLER ET PUNIR B R O C T 1 5

Encore une affiche décoiffante et une superbe programmationpour la vingt-huitième édition du festival de jazz lausannois. Çacommencera au cinoche par un bon anniversaire à Keith Jarrettpour ses septante ans, à la Cinémathèque suisse, avec la projec-tion d'une très belle captation d'un concert à Tokyo.CUIVRES, VOIX et GROOVE pour une ouverture fastueuse desconcerts à la salle Paderewski avec le Big Band de Suisse romandequi invite le superbe saxophoniste Ricky Ford, China Moses, chan-teuse solaire, fera vibrer de plaisir les rideaux de Paderewski.SONS et INVENTIONS avec le super quartette des grands John Sco-field & Joe Lovano et, venu de Zurich, un sextette brut de décof-frage à l'âme noire: Christoph Grab Raw Vision.GRANDS JEUX et MESSAGE du charismatique Marcus Miller -Afrodeezia Tour avec le percussionniste Mino Cinelu précédé dutrio d'un pianiste helvète au groove dévastateur: Christoph Stiefel.Un voyage en zig zag d'Amsterdam à Genève en passant par laNouvelle Orléans avec ICP Orchestra, Gabriel Zufferey, piano soloet Christian Scott aTunde Adjuah, tous musiciens à l'originalitérenversante.UN DUO DE HÉROS de la musique improvisée actuelle avec Wa-dada Leo Smith (trompette) & Gunter Baby Sommer (percussions).De plus, à l'ESPACEJAZZ, entrée gratuite (Salle des fêtes du Ca-sino) durant trois nuits, des joyaux des musiques actuelles tels Pro-fessor Wouassa, Vaudou Game, Sidony Box, Grand Pianoramax,Gauthier Toux, et cerise sur le gâteau Guillaume Perret & the Elec-tric Epic.En début de soirée, trois groupes sélectionnés sur concours parl'HEMU de ses meilleurs élèves feront vivre aux festivaliers leurspremiers émois nocturnes.Les nuits s'achèveront avecles sets torrides de JeanToussaint, Round TableKnights ou Kalabre -se.Cette édition seraaussi l'occasion pourFrancine et SergeWintsch de quitterla barre du vaisseauen tant que directeursaprès vingt-trois ans debons et loyaux services. Dou-ble grand coup de chapeau à tousdeux. L'association a choisi Vincent Favrat pour les remplacer.

Les Indiens sont souriants, et lesconversations vont rapidement surdes sujets comme «comment êtreheureux?». C’est peut-être une clépour comprendre l’engouement desOccidentaux qui adôôôrent l’Inde?Chez nous on est beaucoup plus cy-niques. Il y a aussi ces énormes structures depanneaux de publicité à l’abandon,rouillés, qui symbolisent quelquechose d’assez monstrueux. Parfois ily en a un avec une nana dans unepiscine, pour vendre un appart deluxe dans une nouvelle résidence ouun téléphone, et c’est encore pire.

mercredi 27 novembre, 13 hMumbai, hôtelJe perds le fil des jours – normal entournée – je ne sais le jour et la datequ’en regardant sur mon ordi. Lundi soir, on est sorti faire un tourdes bars de Bandra avec Shrini. Il ha-bite là. C’est le quartier des artisteset des resto pas trop chers. En Inde,la bière standard c’est la King Fisher,et c’est bon. Mardi, on est parti à 10h de l’hôtelpour aller à South Bombay, le quar-tier plein de bâtiments victoriens etde touristes. On est restés quatrebon nes heures, entre le «India Gate-way», la station de train qui ressem-ble à une cathédrale, les marchés derue et un petit atelier de photo aufond d’un couloir humide dans unevieille baraque. Je transpire beau-coup, et je ne suis pas sûr que lejus de canne à sucre es t bienpassé...

t décembre 2013

L’après-midi, workshop à la «trueSchool of Music», on joue trente mi-nutes puis on parle avec les étu-diants, c’était intéressant pour tout lemonde, on leur a parlé de nos façonsde composer ensemble, des limitesdu rêve démocratique dans ungroupe, de la diffusion sur internetou pas, j’ai même parlé de mes exer-cices très lents et dit que ce qu’onaborde dans une école on peut mettredix ans à l’appliquer, parce que çademande d’être disponible (ce quim’est arrivé). Rencontre avec les jeunes profs etingé son, français, américains, anglo-indiens. On fume un joint dans la rue(c’est tranquille avec ça ici, la polices’en fout.) On rencontre aussi Emma, qui abooké nos concerts et le workshop.Elle est là depuis dix ans (on peutdire qu’elle kiffe) et elle essaye desortir de Mumbai deux jours parmois sinon ça rend fou, surtout lebruit. Un resto trop cher le soir. Puis j’aipassé une nuit de onze heures àtranspirer et à me sentir plutôt mer-dique. J’ai regardé des clips à la téléet c’est horrible. Apologie de l’al-cool, de la violence, des flingues,confusion entre sexe et amour, etc...comme partout. Il y a un film qui sortle 29, Bullet Raja, une grosse prodbollywood, j’en ai vu cinq bandesannonces et les commentaires de lapresse et des people.

le mois prochain, on se réveillera le 28, ça ira mieux, sans doute

Doc_3_Mise en page 1 02.09.15 09:20 Page7

Page 12: S E P T E M SURVEILLER ET PUNIR B R O C T 1 5

FENÊTREA travers ma fenêtreSe balancent deux gros hêtresGros comme des bateauxLes oiseaux sont matelotsSur mon immense toitSe logent de fines oiesfines comme des sans-emploiDans ma cheminéeSe trouve le noir traînéNoir comme un tableau noirDans mon minuscule fourSe trouvent des petits foursQui ressemblent à des monts

Joakim

UN BANDIT DIT

«par essence même, le sauvage est rebelle» proverbe corse

UN BANDIT DIT est une rubrique du nouveau Vivala Musica, un espace libre & voyou qui vous estgrand ouvert. Grand tout vert. Une catapulte à co-lères autant qu’à joies. Un grand tromblon à coupsde rogne, à coups de cœur. Envoyez-nous sanscrainte, sans honte vos lignes à[email protected] un truc, nous ne coupons point de têtes maisnous aimons les textes sangliers. Pour inaugurer cetespace, je vous dis qu’il a neuf ans Joakim qui a écritce poème qui fut massacré par des aveugles in-tenses, qui fut jugé caca par des brutes épaisses. Entendez vous-mêmes:

Alors elle ou il, l’institut, lui a mis au garçon vivantla salope note de 3,5 (trois/virgule/cinq) là juste enplein jus où gogent & grouillent les médiocres & aécrit de sa main, oui, de sa main écrit texto les hal-lucinantes imbécillités suivantes:

«Attention Joakim. Ton poème n’a pas de sens. Deplus le voc. (sic) utilisé ne se situe pas dans un regis-tre poétique.»

Attention d’abord à vous insensibles & crouillesjuges. Quelle note diable vous donner, instituteur ouinstitutrice, cuistres enchristés du zéro absolu lividequi sévissez en votre voc. (sic) dans une école de Ge-nève pour oser signer jugement si insigne? Car il estbourré, car il est pénétré de sens nom de dieu cepoème. D’enfant écrit à l’école. Il a neuf ans toutneufs Joakim qui sous la docte menace a risqué dedire dans l’épaisseur si lourde du monde ce qu’il avu. Ce qu’il voit incendié par la terre chaque jour. Enpure vérité nue sous le soleil comme rien d’autre.Quant au registre poétique, nous le laissons aux ser-gents-majors de votre espèce d’engrangésd’i-Clouds. A paume entière & du plein des cinqdoigts cependant violemment je vous gifle espérantvous réveiller comme vous l’avez mérité à la joue quevous tendez au moins trois fois le jour comme le coqde dieu dont la crête est cinabre. Poésie, mon œil.Sucette à la fraise & coup double en plein front dela boule carrée. Ton cervelet, il est derrière. Grandbobet qui n’a pas vu comme elle est fine la vie desoies, comme elle est vide, la vie des sans-emplois.

sous les remparts de jéricholes anges nègres jouent de la trompette bouchée … Henri Pichette, Apoème No 4, éditions Granit 1979

des écrivains des musiciens

jean firmann

cette nouvelle rubrique (deux nouvelles rubriques sur une page, bigre) est désormaisouverte à tout-e créateur-trice d’art en deux dimensions du monde entier. envoyez-moi votre œuvre sous n’importe quelle forme, adresse mail ci-dessous, sinon: aloys, 22 filature, 1227 carouge. votre œuvre doit avoirun rapport avec la mu-sique, le jazz ou l’amrmais ne doit pas forcé-ment être drôle... le dé-fraiement consistera àpartager un plat du jouravec des membres del’équipe de les studioslolos.hop!à vos crayons!

VIVA L A MUSIC A - mensueld’ informat ion de l ’AMR,assoc iA t ion pour l ’encourageMent de la mus ique impRovisée10, rue des alpes, 1201 genèvetél . (022) 716 56 30Fax (022) 716 56 39www.amr-geneve.chcoordinat ion rédact ionnel le :v iva.s tampa@gmail . compubl i c i té : tar i f sur demandemaquette: les studios lolos, e-mail : [email protected] genevoise, tirage2200 ex.+2200 flyers ISSN 1422-3651

tribune libre, espace brandi« je t’avais pourtant bien dit de réserver: ils ont le téléphone!»

le dessin

d’h

um

our m

usical d

u m

ois

Doc_3_Mise en page 1 02.09.15 09:20 Page8