Regards de l'agam n°32 societe quand la jeunesse s’invite dans les enjeux métropolitains

8
SOCIÉTÉ AVRIL 2015 : 32 CHIFFRES-CLÉS 350 000 jeunes de 15-29 ans en 2011 au sein de la métropole Aix-Marseille-Provence soit 19% de la population contre 22% pour le référentiel 24,9 % des 15-29 ans déclarent être à la recherche d’un emploi en 2011, soit 4 points de plus que le référentiel 17 % des 15-29 ans sont sans diplôme en 2011, contre 13% pour le référentiel 32 % des 15-24 ans sont à temps partiel et 1 sur 2 occupe un emploi précaire en 2011 ; autant qu’au sein du référentiel Quand la jeunesse s’invite dans les enjeux métropolitains La jeunesse est une période de la vie qui a eu tendance à se prolonger ces dernières décennies, notamment en raison de l’allongement des études, mais aussi des difficultés d’insertion croissantes des jeunes. Au sein de la métropole Aix-Marseille-Provence, l’allongement des études a permis une im- portante progression des niveaux de diplôme, mais qui reste moins profitable qu’ailleurs. Malgré un fort recul de l’échec scolaire sur les vingt dernières années, le rattrapage tend à être moins rapide. L’une des caractéristiques du territoire est, en effet, la forte présence de jeunes sans diplôme. Par ailleurs, on observe une moindre fréquence de la poursuite d’études au-delà du Bac+2. Concernant l’insertion professionnelle, malgré une progression de la demande d’emploi des jeunes durant la crise moins rapide qu’à l’échelle nationale, en 2011 un jeune sur quatre déclare être au chômage. Un tiers des jeunes en emploi est à temps partiel et un sur deux occupe un emploi précaire. L’un des principaux enjeux du territoire concerne la lutte contre l’échec scolaire, en parti- culier dans les territoires les plus défavorisés. Il constitue également un enjeu de cohésion sociale. Face à de nouveaux entrants de plus en plus diplômés sur le marché du travail et à une faible disponibilité des emplois, être détenteur d’au moins un premier niveau de diplôme devient incontournable pour les jeunes afin d’éviter des difficultés d’insertion professionnelle sur le long terme. De surcroît, l’évolution des niveaux de diplôme de la population a également un impact sur le développement économique du territoire, tou- jours en recherche de compétences. La lutte contre le chômage des jeunes passe aussi par la mobilisation d’autres moyens d’actions (mobilité, lutte contre les discriminations…). SOCIÉTÉ

description

 

Transcript of Regards de l'agam n°32 societe quand la jeunesse s’invite dans les enjeux métropolitains

s o c i é t é

av r i l 2 0 1 5 : N ° 3 2

portrait

portrait

chiffres-clÉs

350 000jeunes de 15-29 ans en 2011 au sein de

la métropole Aix-Marseille-Provence soit 19% de la population contre 22%

pour le référentiel

24,9 % des 15-29 ans déclarent être à la recherche d’un emploi en 2011,

soit 4 points de plus que le référentiel

17 % des 15-29 ans sont sans diplôme

en 2011, contre 13% pour le référentiel

32 % des 15-24 ans sont à temps partiel

et 1 sur 2 occupe un emploi précaire en 2011 ; autant qu’au sein du référentiel

Quand la jeunesse s’invitedans les enjeux métropolitains la jeunesse est une période de la vie qui a eu tendance à se prolonger ces dernières

décennies, notamment en raison de l’allongement des études, mais aussi des difficultés

d’insertion croissantes des jeunes.

au sein de la métropole aix-Marseille-Provence, l’allongement des études a permis une im-

portante progression des niveaux de diplôme, mais qui reste moins profitable qu’ailleurs.

Malgré un fort recul de l’échec scolaire sur les vingt dernières années, le rattrapage tend

à être moins rapide. l’une des caractéristiques du territoire est, en effet, la forte présence

de jeunes sans diplôme. Par ailleurs, on observe une moindre fréquence de la poursuite

d’études au-delà du Bac+2. Concernant l’insertion professionnelle, malgré une progression

de la demande d’emploi des jeunes durant la crise moins rapide qu’à l’échelle nationale,

en 2011 un jeune sur quatre déclare être au chômage. Un tiers des jeunes en emploi est à

temps partiel et un sur deux occupe un emploi précaire.

l’un des principaux enjeux du territoire concerne la lutte contre l’échec scolaire, en parti-

culier dans les territoires les plus défavorisés. il constitue également un enjeu de cohésion

sociale. Face à de nouveaux entrants de plus en plus diplômés sur le marché du travail et

à une faible disponibilité des emplois, être détenteur d’au moins un premier niveau de

diplôme devient incontournable pour les jeunes afin d’éviter des difficultés d’insertion

professionnelle sur le long terme. De surcroît, l’évolution des niveaux de diplôme de la

population a également un impact sur le développement économique du territoire, tou-

jours en recherche de compétences. la lutte contre le chômage des jeunes passe aussi

par la mobilisation d’autres moyens d’actions (mobilité, lutte contre les discriminations…).

s o c i é t é

s o c i é t é

2 Quand la jeunesse s'invite dans les enjeux métropolitains

La jeunesse : une période de plus en plus longue

la sociologie définit la jeunesse bien plus comme un

passage qu’un état, une phase intermédiaire d’apprentis-

sage des rôles adultes. Ce processus comprend diverses

étapes : la fin des études, avoir un emploi stable, quitter le

domicile parental, se mettre en couple, avoir des enfants

(étapes qui ne seront néanmoins pas nécessairement

toutes réalisées). 1 le franchissement de ces étapes est

aujourd’hui nettement plus long que par le passé, et ses

contours sont moins définis. D’un point de vue statistique,

la période de la jeunesse peut désormais concerner les

15-29 ans et non plus seulement les 15-24 ans. l’allonge-

ment des études, mais également du temps d’accès à un

emploi stable, contribuent au prolongement de la période

de la jeunesse. Selon le CrEDOC, "entre 1979 et 2010, la

proportion d’étudiants dans la tranche d’âge 18-29 ans est

passée de 16% à 30%". 2 Et la part des jeunes de 15 à 24 ans

en CDi est passée de plus de 60% au début des années 90

à 50% en 2009.

les modes de socialisation des jeunes sont également

plus complexes, avec le passage du modèle de "l’identi-

fication", à celui de "l’expérimentation" (O. Galland) 3. le

premier modèle, celui de la reproduction sociale d’une

génération à l’autre, tend à s’épuiser. les jeunes sont en

effet souvent plus diplômés que leurs parents et ne sont

pas forcément en mesure de suivre la même voie profes-

sionnelle, en raison de la transformation de la structure so-

cioprofessionnelle. les jeunes auraient également de plus

grandes aspirations de mobilité sociale. ils doivent donc

désormais construire par eux-mêmes leur identité et leur

statut social, dans un monde en perpétuelle mutation. la

famille continue néanmoins de jouer un rôle important,

sur un mode moins autoritaire, mais plus d’accompagne-

ment et de soutien.

Aix-Marseille-Provence : moins de jeunes, mais un solde migratoire positif

au sein de la métropole aix-Marseille-Provence (aMP),

350 000 jeunes de 15 à 29 ans sont recensés par l’insee

en 2011. ils sont proportionnellement moins présents

que dans les grandes aires urbaines comparables : 19%

de la population, contre 22% pour les aires urbaines de

comparaison 4. les jeunes sont davantage représentés

dans les territoires de la métropole qui abritent une forte

population étudiante : aix-en-Provence, les 1er, 5e et 6e

arrondissements de Marseille (entre 23% et 27%). la faible

proportion des jeunes dans la population métropolitaine

fait, en partie, suite à un recul de 2% de leur nombre

durant les cinq dernières années, tandis que l’ensemble

de la population progresse (+2%), notamment en raison

d’une forte hausse des plus de 60 ans (+11%). Cette évo-

lution tranche avec celle des aires urbaines du référentiel,

pour lesquelles on constate une hausse du nombre de

jeunes (+2%), même si elle reste moins rapide que pour

l’ensemble de la population (+4%).

Pour autant, si on observe les migrations résidentielles des

jeunes de 20 à 29 ans sur la période la plus récente dispo-

nible (2003-2008), on constate que le solde migratoire est

positif pour aMP (+ 2 170 jeunes). le territoire se révèle

attractif pour les jeunes en formation (+ 4 700 personnes).

Néanmoins, une partie des jeunes semble le quitter pour

accéder à l’emploi, puisque le solde migratoire est négatif

pour les 20-29 ans au chômage (- 810 personnes) et ceux

en emploi (- 1 700 personnes). On retrouve cette tendance

au sein de la communauté urbaine de lille (dans des pro-

portions plus importantes), tandis que Grand lyon enre-

gistre un solde positif pour toutes les catégories de jeunes.

les Jeunes... De qui parle-t-on ?

1. Les Jeunes d’aujourd’hui : quelle société pour demain, Credoc, déc. 2012 2. Op. cit. p 21 3. Sociologie de la jeunesse, Olivier Galland, Éditions Armand Colin, 2001 4. Quatre aires urbaines prises en compte : Lille, Bordeaux, Lyon et Toulouse. Les aires

urbaines sont des espaces homogènes de par leur continuité géographique et de par les déplacements domicile-travail

s o c i é t é

3

N taUx DE ChôMaGE DES 15-29 aNS EN 2011 - aix-MarSEillE-PrOvENCE

TAUX DE CHÔMAGE (au sens du RP)

moins de 15%

de 15% à 20%

de 20% à 25%

de 25% à 30%

de 30% à 35%

de 35% à 40%

de 40% à 44%

Quand la jeunesse s'invite dans les enjeux métropolitains

Une dégradation des conditions d’insertion des jeunes en France

Si l’allongement des études constitue une évolution favo-

rable quant à la progression des niveaux de diplôme de

la population, l’accès plus tardif à un emploi stable, mais

aussi la hausse du chômage, fragilisent les jeunes. les

difficultés d’insertion des jeunes sont en effet croissantes.

Selon le CrEDOC, "depuis plus de trente ans, le taux de

chômage a toujours été plus élevé pour les jeunes que

pour les plus âgés. En période de difficultés conjonctu-

relles, le taux de chômage des jeunes a tendance à sur-

réagir, l’emploi des jeunes servant de variable d’ajuste-

ment parmi d’autres." 5 l’écart entre le taux de chômage

des jeunes et de l’ensemble des actifs s’est donc creusé

en réaction aux difficultés économiques. Entre 1990 et

2009, d’une part, la proportion de jeunes en CDi a reculé

de plus de 10 points à l’échelle nationale, alors qu’elle a

légèrement progressé pour l’ensemble des salariés (de

76% à 78%) ; d’autre part, le taux de chômage des jeunes

(au sens du Bureau international du travail) est passé de

15,4% à 23,7% (+8,3 points), tandis que celui de l’ensemble

des actifs est resté relativement stable (de 7,9% à 9,1% soit

+ 1,2 point). 6

D’importantes difficultés d’accès à l’emploi dans notre territoire…

au sein de la métropole aMP, on observe des difficultés

d’insertion particulièrement importantes pour les jeunes.

Elles sont également nettement plus marquées que pour

l’ensemble des actifs. ainsi, en 2011, 24,9% des 15-29 ans

déclarent être à la recherche d’un emploi, contre 15%

pour l’ensemble des actifs (rP insee). Ce taux est de quatre

Des difficultés d'insertion croissantes

5. Op. cit., p197 6. Données Insee enquête emploi 2009 - CREDOC

s o c i é t é

4

points supérieur à la moyenne des grandes aires urbaines

comparables. les taux de chômage des jeunes sont parti-

culièrement élevés au sein des arrondissements défavo-

risés de Marseille (entre 30% et 44% dans les 13e, 16e, 2e,

1er, 15e, 3e et 14e arr.), ainsi que dans la commune de Berre-

l’Étang (33%), ou encore celle de Port-de-Bouc (37%).

les conditions d’emploi des jeunes se caractérisent quant

à elles par une forte précarité, mais autant qu’au sein du

référentiel. 32% des 15-24 ans sont à temps partiel au

sein de la métropole (42% pour les jeunes femmes et 24%

pour les jeunes hommes), contre 18% de l’ensemble des

actifs. Ces taux sont équivalents à ceux observés au sein

des grandes aires urbaines comparées. la part des jeunes

salariés à temps partiel est plus élevée au sein notamment

des territoires abritant une forte population étudiante (1er,

5e, 6e arr. et aix-en-Provence), ainsi que dans le 3e arrondis-

sement de Marseille qui est particulièrement défavorisé et

le 13e arrondissement (entre 36% et 44%). De surcroît, un

jeune métropolitain sur deux occupe un emploi précaire

(hors CDi et fonction publique), contre 15% pour l’en-

semble des actifs, à l’image des taux observés au sein du

référentiel. Parmi les communes les plus concernées, on

retrouve istres, Martigues, Salon-de-Provence et les 1er, 3e,

5e et 9e arrondissements de Marseille (entre 54% et 60%).

…mais une dégradation moins rapide qu’à l’échelle nationale durant la crise

Entre janvier 2009 et janvier 2015, le nombre de deman-

deurs d’emploi de moins de 25 ans a progressé de 27%

au sein des Bouches-du-rhône (soit + 5 500 jeunes), pour

atteindre 26 000 jeunes en janvier 2015 (cat. aBC) 7. Cette

hausse importante reste néanmoins inférieure à celle ob-

servée à l’échelle nationale (+30%). la progression de la

demande d’emploi des jeunes est également bien en deçà

de celle de l’ensemble des actifs (+48% pour les Bouches-

du-rhône et +57% en France), en lien, notamment, avec

les mesures gouvernementales à l’attention des jeunes

(emplois d’avenir…). Cet écart est néanmoins à relativiser.

En effet, les jeunes peuvent renoncer à s’inscrire à Pôle

emploi, soit par découragement, soit parce qu’ils n’ont pas

de droits au chômage. En France, on estime à 1,9 million

le nombre de jeunes de 15 à 29 ans qui ne seraient ni en

emploi, ni en formation, et dont près de la moitié (900 000

jeunes) ne chercherait pas d’emploi (NEEt : not in employ-

ment, education or training) 8.

Par ailleurs, au fil des mois, on constate que les jeunes ont

fortement subi les effets de la crise en début de période,

et plus longuement sur notre territoire qu’à l’échelle natio-

nale. En effet, au sein des Bouches-du-rhône, la progres-

sion de la demande d’emploi des moins de 25 ans est plus

Quand la jeunesse s'invite dans les enjeux métropolitains

7. Statistiques du Marché du Travail-Pôle Emploi / Direccte-Sepes, traitement Agam

8. L’emploi des jeunes peu qualifiés en France, P. Cahuc, S. Carcillo et K. F. Zimmermann, Les notes du Conseil d’analyse stratégique n°4, avril 2013

Paroles d’acteur

isabelle langloisChargée de mission Éducation

au GIP Politique de la ville

“ Nous sommes en pleine phase de construction des nou-veaux contrats de ville, qui prendront le relais des contrats urbains de cohésion sociale (CUCS) pour la période 2015-2020. Ces nouveaux contrats proposent une nouvelle approche de la jeunesse dans une logique de travail en réseaux et de diagnos-tic partagé. Jusqu’à présent le CUCS de Marseille était struc-turé en sept thématiques : habitat et cadre de vie, éducation, santé, culture, emploi, prévention de la délinquance, citoyen-neté et accès aux droits... portées par le GIP Politique de la Ville pour l’action sociale envers les habitants et par le GIP Marseille Rénovation urbaine pour le traitement urbain des quartiers. La jeunesse était abordée dans ces 7 thématiques dont l’édu-cation qui regroupe 3 champs : la famille, le monde scolaire et les loisirs. Mais, ces trois sphères ne peuvent pas être cloi-sonnées, c’est tout l’objet des contrats de ville. Aujourd’hui, on travaille sur ces axes bien sûr, mais l’entrée est avant tout un "projet jeunesse". Cette notion de parcours et de public plutôt que thématique est une véritable avancée. Elle apporte une approche globale et transversale de la jeunesse. C’était une demande très forte des associations et des institutions. Aujourd’hui, certains ne voient les jeunes qu’à travers le prisme de l’échec : décrochage scolaire, difficultés d’insertion professionnelle, délinquance. Poser un regard bienveillant sur eux, c’est leur faire confiance et les voir comme des ressources plutôt qu’un danger pour la société. Comment les aider à de-venir adulte et leur donner leur place dans notre société ? Dans le contrat de ville, un volet important est donné à la "partici-pation des habitants, au pouvoir d’agir". Les jeunes sont majo-ritaires dans ces quartiers, comment peuvent-ils être force de propositions ?L’enjeu majeur est de concentrer les actions et de faire levier pour améliorer les conditions de vie urbaine et sociale. Il est nécessaire de raccrocher les habitants de ces quartiers au reste de la ville et de renforcer le droit commun au sein de ces quar-tiers pour y parvenir. ”

les missions locales au service des jeunesActeur incontournable auprès des jeunes de 16 à 25 ans, les mis-sions locales les accompagnent depuis plus de 30 ans dans leur recherche d’autonomie. Chaque jeune peut bénéficier de réponses individualisées pour définir son projet professionnel et les étapes de sa réalisation, pour établir son projet de formation et l’accomplir, pour accéder à l’emploi et s’y maintenir. La mission locale assure des fonctions d’accueil, d’information, d’orientation et d’accompagne-ment pour résoudre l’ensemble des problèmes que pose leur inser-tion sociale et professionnelle en mobilisant les partenaires locaux, des entreprises et les collectivités locales. La Mission Locale de Marseille est la plus importante structure de France avec 29 relais répartis sur l’ensemble de la commune et 197 salariés. Elle anime notamment les mesures et dispositifs nationaux, régionaux et locaux : CIVIS, emplois d’avenir, mise en place de la garantie jeune.

s o c i é t é

5Quand la jeunesse s'invite dans les enjeux métropolitains

Le niveau de diplôme : premier déterminant de la capacité d’insertion

le niveau de diplôme constitue le premier déterminant

de la capacité et de la qualité de l’insertion profession-

nelle (emploi stable, rémunération…). l’insee 10 montre

que le taux de chômage des personnes sorties depuis un

à quatre ans de formation initiale est de 47% lorsqu’elles

n’ont pas ou peu de diplôme (au maximum le Brevet des

collèges), tandis que ce taux chute à 28% avec un premier

niveau de formation (CaP-BEP), 22% avec un Baccalauréat

et 10% avec un niveau supérieur.

le taux de chômage est également lié à l’ancienneté sur

le marché du travail. toujours selon l’insee, le taux de

chômage passe de 20% pour un débutant sur le marché

du travail, à 12% pour une ancienneté de 5 à 10 ans et à

8% au-delà de 10 ans. Néanmoins, l’expérience profession-

nelle ne pallie que partiellement et que progressivement

le handicap que constitue l’absence de diplôme. ainsi, le

taux de chômage des non diplômés est de 31,5% avec une

ancienneté de 5 à 10 ans, soit un niveau qui reste supérieur

à celui d’un débutant avec un CaP-BEP (28%).

Mais d’autres facteurs interviennent dans l’accès à l’emploi.

Selon le CErEQ 11, un jeune issu de l’immigration (parents

nés à l’étranger), à niveau et parcours scolaire équivalents,

a un risque de chômage près de deux fois supérieur à celui

d’un jeune dont les parents sont nés en France. le lieu

d’habitation a aussi un impact, même s’il reste de moindre

ampleur : le risque de chômage est multiplié par 1,5 pour

les jeunes domiciliés en ZUS 12. autre facteur de difficulté

d’insertion, la nécessité de mobiliser un réseau pour trou-

ver un emploi. Selon l’insee, 21% des 18-29 ans ont mobi-

lisé leur réseau pour trouver l’emploi qu’ils occupent. De

surcroît, le réseau se révèle d’autant plus important que le

niveau de diplôme est faible (36% des non diplômés ont

mobilisé leur réseau pour trouver leur emploi contre 11%

pour les niveaux supérieurs à Bac+2) 13. On observe égale-

ment un lien entre l’exercice d’une activité professionnelle

et la possession du permis (avoir le permis favorise-t-il

l’accès à un emploi ou l’inverse ?). En effet, à Marseille, les

jeunes qui occupent un emploi sont nettement plus fré-

quemment détenteurs du permis de conduire (69% hors

CUCS 14 et 65% en CUCS) que les chômeurs (36% hors

CUCS et 26% en CUCS). Et 61% des 18-24 ans utilisent leur

voiture pour aller travailler 15.

la formation : un élément clé de l'insertion

9. STMT - Pôle emploi, Dares. Calculs des CVS : Direccte Paca / Sese, traitement Agam

10. Enquêtes emploi, 2012

11. Parcours d’insertion et sentiment de discrimination des secondes générations en ZUS, Y. Brinbaum et C. Guegnard, in Les Nouvelles ségrégations scolaires et professionnelles, CEREQ, mai 2011

12. Zone Urbaine Sensible

13. Enquête Emploi 2009 Insee, traitement CREDOC

14. Contrat Urbain de Cohésion Sociale

15. Exploitation Enquête Ménages Déplacements 2009, Agam

rapide que celle de l’ensemble des actifs jusqu’à la fin de

2e trimestre 2010 9. a l’échelle nationale, ce changement de

tendance s’opère plus tôt (dès le premier trimestre 2010).

Par la suite, la hausse du chômage des jeunes restera en

deçà de celle de l’ensemble des actifs. On notera égale-

ment que si la demande d’emploi des jeunes se maintient

à un niveau élevé en début de période, on observe une

situation plus proche de la moyenne nationale à partir du

2e trimestre 2012, et même plus favorable à partir du 2e

trimestre 2014.

s o c i é t é

6 Quand la jeunesse s'invite dans les enjeux métropolitains

Une forte présence des jeunes sans diplôme

la métropole aMP se caractérise par une forte présence

de non diplômés : 17% des 15-29 ans sont sans diplôme

en 2011, soit un niveau nettement supérieur à celui ob-

servé au sein du référentiel (13%). les taux les plus élevés

sont notamment observés au sein des arrondissements

défavorisés de Marseille (entre 21% et 34% dans les 1er,

2e, 3e, 13e, 14e, 15e et 16e arrondissements), ainsi que dans

les communes de Marignane (20%), Salon-de-Provence

(20%), Port-de-Bouc (26%) et Berre-l’Étang (30%).

Sur les vingt dernières années, l’échec scolaire a néan-

moins fortement reculé au sein de la métropole. les 16-24

ans sans diplôme représentaient 30% de la population

non scolarisée en 1990 ; ils ne sont plus que 19% en 2011.

Ce recul (-11 points) correspond à celui du référentiel.

Néanmoins, au sein du référentiel, les aires urbaines de

Bordeaux et de lille, qui enregistraient en 1990 un niveau

de jeunes sans diplôme proche de celui de la métropole

aMP (respectivement 28% et 30%), connaissent un rattra-

page plus rapide (respectivement -15 points et -13 points).

ainsi, en 2011, Bordeaux fait état d’une part de jeunes sans

diplôme désormais dans la moyenne (13% contre 14%

pour lyon et 12% pour toulouse). lille reste à un niveau

plus élevé (17%), mais de 2 points inférieurs à la métropole

aMP. On notera le recul particulièrement important enre-

gistré par Pertuis (de 37% à 13%), Port-de-Bouc malgré des

N Part DES 16-24 aNS SaNS DiPlôME aU SEiN DES airES UrBaiNES Et DE la MÉtrOPOlE aix-MarSEillE-PrOvENCE

10%

15%

20%

25%

30%

RP1990 RP1999 RP2006 RP2011

AU Toulouse

AU Lille

AU Lyon

AU BordeauxAix-Marseille-Provence

Source : Insee 2011, traitement Agam

PART DES NON-DIPLÔMÉS

de 30% à 34%

de 25% à 30%

de 20% à 25%

de 15% à 20%

de 10% à 15%

inférieure à 10%

N Part DES 15-29 aNS SaNS DiPlôME - aix-MarSEillE-PrOvENCE

s o c i é t é

7Quand la jeunesse s'invite dans les enjeux métropolitains

taux encore élevés (de 47% en 1990 à 26% en 2011), ou en-

core de Gardanne (de 33% à 13%). la baisse est d’environ

10 points pour Marseille (de 33% à 22%), vitrolles (de 27%

à 16%), Martigues (de 29% à 19%), ou aix-en-Provence

(de 22% à 13%). Berre l’Etang peine à faire reculer l’échec

scolaire durant cette période (de 33% à 28%), ainsi que

Miramas (de 29% à 23%).

autre spécificité de la métropole aix-Marseille-Provence,

le territoire enregistre une moindre fréquence de pour-

suite d’études au-delà de Bac+2. Seuls 15% des 15-29 ans

sont titulaires d’un diplôme supérieur à Bac+2 contre 20%

en moyenne dans grandes aires urbaines comparables.

les taux sont particulièrement bas (entre 5% et 12%) dans

les 3e, 11e, 13e, 14e et 15e arrondissements de Marseille, ainsi

que dans les communes Port-de-Bouc, Berre-l'Étang, Mira-

mas, Fos-sur-Mer, istres, Marignane et Salon-de-Provence.

a l’inverse, les 1er, 2e, 5e, 6e, 7e et 8e arrondissements et

aix-en-Provence enregistrent des taux élevés (entre 21%

et 32%).

Une réussite scolaire corrélée à l’origine sociale

Si le diplôme a un impact déterminant sur la capacité

d’insertion des jeunes, son obtention n’est pas neutre so-

cialement. a l’échelle nationale, l’insee montre que, statis-

tiquement, le premier déterminant du niveau de diplôme

d’un élève est le niveau de diplôme de ses parents. Une

personne dont le père est non diplômé a 17% de chances

pour les hommes et 20% pour les femmes de décrocher

un Baccalauréat ou plus, contre 74% des hommes et 79%

des femmes dont le père détient le Baccalauréat ou plus 16.

les inégalités scolaires s’observent de fait dès l’école pri-

maire et les écarts tendent à se creuser au fur et à mesure

de l’avancée dans la scolarité 17. Mais d’autres facteurs

interviennent qu’ils soient sociodémographiques (être

d’origine étrangère, le sexe…), familiaux (familles mono-

parentales ou nombreuses), économiques, ou liés à l’école

(organisation de l’école, orientation…) 18. Ces facteurs se

conjuguent et se renforcent entre eux, amplifiant la vulné-

rabilité de certains jeunes ou groupes de jeunes au décro-

chage scolaire.

Paroles d’acteur

Michèle rouZierCoordinatrice du bassin Littoral Nord

de la Mission de Lutte contre le Décrochage Scolaire

“ La lutte contre le décrochage scolaire (nous disons plutôt maintenant le raccrochage et la persévérance scolaire) est une thématique prioritaire du gouvernement et de l’acadé-mie. La mission regroupe 62 personnes au sein de l’académie d’Aix-Marseille. Elle dépend de financements européens, du ministère de l’Éducation via le rectorat, et de la région. Nous intervenons avec plusieurs dispositifs sur la prévention des ruptures, et surtout sur des actions de formation pour les jeunes de plus de 16 ans sortis du système sans qualifica-tion, uniquement sur les lycées, mais aussi en appui technique auprès des équipes des collèges du secteur. L’objectif est de remobiliser les élèves meurtris par l’échec vers une forma-tion et un projet professionnel. Nous travaillons en parte-nariat étroit avec les éducateurs de l’ADDAP13 (Association départementale pour le développement des actions de pré-vention), avec les familles et nous allons jusqu’à contacter les entreprises pour des stages. Il faut beaucoup de médiation, d’information et de communication pour que ça fonctionne. La solidarité interprofessionnelle est essentielle. Nous travail-lons en étroite collaboration avec les acteurs des établisse-ments (CPE, enseignants, assistantes sociales et conseillers d’orientation-psychologues), mais nous cherchons également d’autres partenariats pour élargir le champ des possibles. Par exemple, nous avons établi depuis deux ans un partenariat avec le festival d’art lyrique d’Aix-en-Provence. Il est nécessaire, auprès de ces jeunes, de retravailler leur per-ception de l’échec. Bien sûr il y a un manque d’investissement, mais il ne faut pas oublier l’environnement social et urbain dans lequel ils vivent. On cherche des leviers, des partenaires et on les suit dans la durée pour reconstruire de la cohérence dans des parcours chaotiques. On met de l’huile dans les rouages du système éducatif, notre rôle est d’apporter de la souplesse pour que les jeunes puissent se réinvestir dans un esprit de bienveillance. Le dispositif de "passerelle", par exemple, est emblématique. Il permet aux jeunes entrés dans une filière, de changer en cours d’année et ça marche ! ”

16. Enquête Formation et Qualification Professionnelle de 2003, Insee, parmi les 25-59 ans

17. Les inégalités de réussite à l’école élémentaire : construction et évolution, J.P. Caille et F. Rosenwald, Insee, France, portrait social - Édition 2006

18. Le décrochage scolaire : perspective générale, Éducation et francophonie, Jeunes à risque : État de leur situation, R. Ouellet, vol. XXII, no 1, avril 1994

la mobilité sociale et résidentielle des jeunes en questionEntretiens avec des jeunes Marseillais sur leurs difficultés d’insertion En 2013, le Conseil de développement de Marseille Provence Métropole a réalisé des entretiens de groupe auprès de jeunes Marseillais en difficulté d’insertion. Au total, 26 jeunes on été interviewés, âgés de 18 à 26 ans, aux profils et lieux d'habitation différents. L’Agam analyse ces entretiens.

Pour les jeunes interviewés, l’accès à un emploi stable se confond avec l’entrée dans le statut d’adulte, au travers de l’autonomie financière et résidentielle. Ils adhérent à un modèle plutôt classique. Ils souhaitent par le travail pouvoir subvenir aux besoins de la famille qu’ils fonderont, avoir une maison, une voiture, partir en vacances…, "être comme les autres". L’accès à un emploi stable s’accompagnerait d’une mobilité géographique, puisqu’ils sont nombreux à souhaiter quitter leur lieu de résidence : "tant que tu vis dans un HLM, c’est que tu n’as pas réussi". L’accès à l’emploi per-mettrait ainsi de rompre avec la précarité et par la même avec une forme d’exclusion sociale et territoriale. Les jeunes souhaitent offrir à leurs enfants un environnement disposant de plus de possibilités (scolarité, cadre de vie…) et échapper aux stigmates de leur lieu de résidence.

Les jeunes abordent en effet la question de la relégation des quartiers dans lesquels ils vivent. L’école notamment y offrirait moins de possibili-tés (concentration de l’échec scolaire, pas les mêmes chances de réussite selon la situation familiale, manque d’aide de l’institution scolaire). De surcroît, ils ont le sentiment d’avoir été catalogués très tôt : "les bons élèves d’un côté, les mauvais de l’autre", "tu feras un petit chemin, un petit métier". Cette situation s’accompagnerait par la suite de choix d’orienta-tion restreints et souvent contrariés, pouvant conduire à des impasses sco-laires et professionnelles : "ce n’est pas mon projet, c’est leur projet à eux".

Concernant l’accès à l’emploi, les jeunes expriment un certain désarroi face à leurs difficultés d’insertion : "on cherche mais on ne trouve pas". Le chômage et la précarité des emplois, sont en effet plus marqués pour cette catégorie d’âge. Les jeunes identifient bien cette période de la vie comme moins propice à l’accès à l’emploi, notamment au regard de leur faible expérience professionnelle. Ils citent également des facteurs liés aux discriminations à l’adresse, ou encore à un accès plus limité à la cooptation. Ils expriment également le souhait de participer pleinement à la vie sociale, au même titre que les autres actifs : "laissez-nous notre chance", "il faut faire avec les jeunes et pas sans eux". Malgré les difficultés qu’ils rencontrent, lorsqu’on demande aux jeunes de se projeter à trois ans, ils se révèlent plutôt optimistes quant à la réalisation de leurs projets professionnels et personnels.

http://www.conseil-developpement-mpm.fr

portrait

portrait

8

Toutes nos ressources @ portée de clic sur www.agam.orgPour recevoir nos publications dès leur sortie, inscrivez-vous à notre newsletter

s o c i é t é

A Marseille, des territoires précarisés qui subissent un fort échec scolaire

la ségrégation territoriale a également un effet sur la

réussite scolaire des élèves 19. D’une part, quel que soit

le niveau socioculturel de leurs parents, les enfants sont

beaucoup plus souvent en retard à l’école quand ils ha-

bitent dans un voisinage où le taux de retard scolaire des

autres enfants est fort (que le faible niveau socioculturel

des autres familles soit associé ou non) 20, même si les

différences de contexte pèsent toujours moins que les

caractéristiques individuelles sur la réussite des élèves 21.

D’autre part, les choix résidentiels et les choix scolaires des

ménages s’interpénètrent et ont un impact en matière de

ségrégation urbaine et scolaire 22 : les collèges situés dans

les quartiers populaires ou mixtes sont ainsi plus ségré-

gués que les secteurs de recrutement eux-mêmes.

a Marseille, dans les collèges situés dans les quartiers prio-

ritaires, 66% des élèves en moyenne sont issus de caté-

gories sociales défavorisées, contre seulement 19% des

élèves hors CUCS. les résultats des évaluations d’entrée

en 6e montrent des écarts significatifs : le taux de réussite

médian à ces examens (français et mathématiques) n’est

que de 47% en CUCS contre 60% hors CUCS. les difficultés

ont tendance à s’accumuler avec l’avancée de la scola-

rité et se traduisent par une moindre poursuite d’études.

10% des élèves quitteront le système éducatif après la

3e dans les territoires CUCS, soit deux fois plus que dans

le reste du territoire marseillais. Et lorsqu’ils accèdent au

second cycle, les élèves scolarisés en CUCS s’orientent plus

fréquemment vers la voie professionnelle (1/3 seulement

accède à une seconde générale).

:::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::..........

Agence d’urbanisme de l’agglomération marseillaiseLouvre & Paix – La Canebière – CS 41858 13221 Marseille cedex 01Tél : 04 88 91 92 11 - e-mail : [email protected]

Directeur de la publication : Christian BrunnerRédaction : Aurélie Soulier, Isabelle ColletConception / Réalisation : Pôle graphique AgamMarseille - Avril 2015Numéro ISSN : 2266-6257

Quand la jeunesse s'invite dans les enjeux métropolitains

19. Observatoire des quartiers, Zoom éducation, Agam, GIP Politique de la ville de Marseille, décembre 2012

20. Composition sociale du voisinage et échec scolaire, une évaluation sur données françaises, D. Goux & E. Maurin, Presses de Sciences Po, Revue économique, 2005/02, vol. 56, pp. 349-361

21. J.P. Caille & F. Rosenwald, op. cit. p. 134

22. Les effets de l’assouplissement de la carte scolaire, M. Oberti, E. Préteceille, C. Rivière, rapport de recherche réalisé pour La Halde et le ministère de l’Éducation nationale, janvier 2012