Quinzaine littéraire, 89, février 1970

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SOMMA I RE

• L. LIV••

O. LA eU I .ZA I••

5 BO .A . S "BA .ÇAIS

• LIT'rIi:.A'l'U••

*T .A .G:&••

10

1.

Il18 A.TS

11 .88 ,A1

.0 BCOROMI .

POLIT l eU .

. . BISTOI••

•• POLITl eU .

.......IG••••• '!".5

Svetlana Allilouyeva

Philippe BoyerAlbert Cohen

Léon Edel

H. P. Lovecraft

Mouloud Mammeri

Jean Tardieu

Edmond Jahès

Pierre Cabanneet Pierre Restany

Fernand BenoitNorthroD Frve

François Quesnay

Donald N. Michael

Fernand Braudel

Milovan Djilas

Sacha SimonGeor!!es Bortoli

Pierre Daumard

Hu!!Uette Bastide

Shakespeare

En une seule année

Mots d'ordreLes valeureru

Une let tre d'André Gide

The lile 01 Henry James

The treacherow years1895-1901

Maud-EtJelyn.La mort du lionUn portrait de lemtt&e

Gustave FlaubertDagon et autrf!$ récitsEpouvante et surnaturelen littératureInvecrah

Les isefra, poèmes deSi Mohand-ou-MhandPoèmf!$ à jouer (Théâtre II )Les porlf!$ de toile

Elya

L'Ot1ant-garde au XX" siècle

Ar t et Diewc de la Gaule

Anatomie de la critique

Tableau éeonomiquedesPhysiocraIes

u.s.A. 1985

Une sociéIé imparfaiteLa SOI1ÏétiqueVivre ci Moscou

Le priz de renseignementen Fnmœ

lnslilutriœ th villGge

Biehard f i

pa r Maurice Nadeau

pa r Lionel MirischDar .losane Duranteau

pa r Diane Fernandez

pa r Serge Fauchereau

pa r Michèle Cote

pa r Claude Bonnefoy

pa r Philippe Bover

pa r Marcel Billot

Dar Jean Selzpa r Anne Fabre-Luce

Bernard Cazes

pa r Michel LutfalIa

pa r François Châtelet

pa r Janina Lagneau .pa r M. F.

pa r Louis, Arenilla

.pa r Michèle Albrand

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La

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Directeur de la publicationFrançois Emanuel.

Imprimerie: Graphiques Gambo.

Printed in France

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p. 9

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p. 17

p. 21

p. 22

p. 25

p. 28

Magnum

Gallimard

D. R.

D. R.

L'Herne

Vasco

Bernard Carrère

Arthaud

D. R.

Calmann-Lévy

Mercure de France

Bernand

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LE LIVRI!: DII:

La fille de StalineLA QUINZAINE

1

Svetlana AllilouyevaEn une $eule annéetrad. du russe pa r Nadiejda GneditzRobert Laffont, éd., 396 p.

Le de la, fille deStaline à l'Occident et la pu-bl ication de Vingt lettres à un

ami ont fait tant de bruit qu'onsemble en être désormaisquitte avec l 'événement: àQreuve le peu d'empresse-sement à signaler ic i et làt'intérêt exceptionnel des nou-vell es confidences de Svet-lana Allilouyeva. On s'estpeut-être di t aussi qu'el len'avait plus rien à révéler, ou

que, réfug iée aux Etats·Unis(. entre les mains des Amé-ricains .), vomie par son pays(qui vient de lui retirer lanat ionali té sov ié tique) , e llene pouvait qu'être conduite àtirer le profit maximum durôle de vedette qui lui estéchu. Pour un camp, contrel'aut re , n'est-elle pas deve-nue, en outre, a r me deguerre?

StleIlGnG AUiluyeiIG aoB c mari,. indien.

Ces préventions s'évanouissent à

la lecture d 'En une seule année, auton d'évidente sincérité de l'auteur,

à la sympathie que peu à peu i l

suscite. Pour feindre les sentimentsqu'elle montre, i l faudrait à Svet·lana moins de naïvet é, et si l'on

était porté à croire qu'elle a détestéson père en t an t que principal res-ponsable du suicide d'une mère

qu'elle adorait - après tout, cen'est pas une mince raison -, on

constate qu'el le n 'est pas plus en-fermée dans les histoires de famille

qu'elle n'a paru l'être, pendant dix-sept ans, entre les murs du Krem-

lin. L'école , l 'Université, les amisqu'elle s'est choisis, ses propres ob-

servations et réflexions, ses préoc-cupations, la droiture qu'on lu i voitet l 'a ttention qu'elle porte à son

prochain, autant de sources ou

d'éléments qui on t formé son juge-ment et l'ont menée à condamner,

outre son père, le régime dont i l fu t

pendant plus de vingt ans l'incarna·

tion. Etre fille du dictateur ne lu i

a pas facilité les choses. Ce n'est

pas un mince mér ite que d'avoirréussi à l 'oublier soi -même commeà le faire oublier à ses condiscipleset amis.

Ce ne sont pourtant pas les vuespolitiques qui l 'ont menée là où elle.se trouve présentement. Commebeaucoup de cette g énératio n desfils et petits-fi ls, elle n'a que désin·térêt ou même mépris pour ce dont

s'occupe une poignée de nantis :dix famil les, dit -e lle, pas plus, et

qui forment nouvelle classe deseigneurs, administrant ce qu'ils

apeellent encore Révolut ion ou

Socialisme et qui n'est plus pour

elle que mensonge, exactions, escla-vage,,_ au sein d'un des régimes lesplus rétrogrades qui soient. En rom·pant avec ce régime et en cherchant

refuge à l'étranger, Svetlana n'a fait

que profi ter des circonstances. Sesamis auraient-ils eu les mêmes pos-sibil ités : i ls n'auraient pas manqué

non plus de saisi r l 'occasion aux

cheveux.

Ce qu i les anime, c 'est moins une

idéologie, ou même un idéal, que

l 'impossibilité de continuer à pOr-ter un carcan qui limite leurs mou-vements, comprime leurs pensées,étouffe leurs désirs les p lu s n atu-rels, les empêche de vivre . Le paysde li: l'internationalisme proléta-rien » a été en fai t coupé du monde,et il cuit dans son ju s millénaire de

chauvinisme grand.russien, d'anti·

sémit isme, de xénophobie. Ce que

Lénine appelait la « com-vantar-dise) (une propriété qu'ont lescommunistes de se croire plus ma·

l ins que tout le monde, et de don·ner leurs ordres à l'Histoire) estvenue corser ce bouillon de sor-

cières.

Pour Svetlana, qui n' a d'autre

ambition que de v ivre l ib re e t heu-;reuse, tout autre pays ou régimeparait un paradis : l'Inde misérableet ses castes, la Suisse aux horizonslimités, l 'impitoyable Amérique où

el le se voit exposée nue et impuis-sante à la cur iosi té de la foule.Quand elle caractérise le climat de

l 'URSS, elle n'y va pas par quatrechemins : « La police secrète aufoyer, à la cuisine, à l'école. Au-

dessus de t ou t ça un homme (...)qui, avec quelques complices, avaitreconverti notre pays en une prison,dans laque lle tou t être v ivant, dèsqu'il pensait un tant soi t peu, étaitassassiné... ».

Elle hait son père et les éternelsben i . oui - oui ne manqueront

pas de la taxer de « délire anti·

communiste ». En f ait, elle hait

seulement ceux qui empêchent les

autr es de vivre. Son état habituelse caractérise plutôt par une bien-

veillance diffuse pour l 'humanité

entière e t u ne attention particulièreà l'égard de ses amis, surtout ceuxqui , parmi eux, figurent les victi-mes. Elle a, de plus, la tête solide-ment fichée su r les épaules, et l'on

a du mal à reconnaît re en cettefemme brave, franche et lucide, la

névrosée ou l 'aventur iè re que dé-noncent Kossyguine et ses acolytes.C 'est bien pourquoi, d 'a il leurs, ses

paroles portent, avec une force que

possédaient seuls jusqu'à présentl'auteur du Premier Cercle, celui du

Vertige, ce lu i encore de l'Accwé;

elles possèdent l 'acceIlt inimitable

de la vérité, on ne doute pas qu'el -les soient l a vérité, q uel qu e souf-france qu' on a it à voi r celle-ci gi .s an t parmi les débris des espoirs

piétinés. Une fille qui se voit repro-cher par· son père de tenir des

« propos antisoviétiques» quand

elle sait ce que signifie une telleexpression tombant d'une telle bou-

che n'a pas envie d'employer lelangage des théoriciens : elle ap-pelle « contre·révolution » ce qui asuccédé à la Révolut ion de 1917, et

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«Ch•• lui, le premier mouvement était toujoura prémé-

dité: aSlI&ssiner 8es adversaires. Pour le reste, on verrait

plus tard».

La fllle de Staline

contre·révolution comme il n'yeneut jamais de plus ample, de plushypocrite, de plus sanguinaire.

Ce n'est pas d'un coup que lesécailles lui 99nt tombées des yeux.Enfant préféré du dictateur, jus-qu'à son adolescence, elle é ta itmoins préparée que personne à dé·couvrir la vérité. Il aura f allu lesuicide d'une mère, la déportationd'un premier amoureux, coupabled'être juif, l'envoi en Sibérie dedeux tantes « qui en savaient trop »et l'exécution de quelques oncles, lescoups de téléphone qu'on surprendet qui ne laissent aucun doute surla responsabilité du père en tantqu'assassin, la découverte de la

vra ie histoire de la Révolution etdu Parti alors que l 'e spri t se for·tifie et rejete les nourritures frela-tées, il aura fallu tout cela pourr efuser de con ti nuer à croire queStaline incarne, comme on l' a en-foncé dans la tête de millions deRusses et d'autres millions d'hom-'mes à la surface de la terre, « cequ'il y a de plus beau dans l'idéaldu communisme D. « Chef génial »,doué d'une « toute-puissance infail·lible li ? Avant que son père meureet avant « les demi-ef forts b ient imides de cet te tête de cochon fan·faron et bon bougre », Khroucht-chev, pour lever une partie du voiele, Svetlana sait que l'homme dontelle est la fille est un despote à lafaçon de ses prédécesseurs, les tsars,

un tyran d'autant plus redoutable'VI'i l règne au nom d'une idéologiequi prétend abattre toutes les tyran·nies. Déjà, lors de son entrée à'l 'Université, elle avait voulu se dé-barrasser du nom qu'e lle por tai t :.Stalina, et qui lui pesait (mais, auregard du Chef, elle sut immédia·'tement ce qu'il lui en coûterait), lepère, mort, e lle le répudie en adop-tant le nom de sa mère.

Les circonstances dans lesquelles

'elle 's'est échappée de Russie la pei-gnent autant que ses déclarations.Après avoir divorcé d'un deuxièmemari ( le fils de Jdanov) et avoir eu

un enfan t du premier comme dudeuxième, on ne saura it a ff irmerqu'elle tombe amoureuse du « vieilIndien malade D - il a dix-sept ansde plus qu'el le et elle va sur la qua·rantaine - qu'elle rencontre dansle couloir de l 'hôpital où ils se fontsoigner tous deux. Il est déjà ex-traordinaire qu'el le rencontre un

Indien dans < un hôpital et plusextraordinaire encore qu'elle ose luiparler. C'est l 'ère post-krouchtche.

'.v ienne : l es é trangers (i l s 'agi t demembres des par ti s f rè res ) ne sont

plus comme du temps de Stalinesys tématiquement parqués , b ienqu'il soit mal vu de leur adresserla parole. Svetlana enfreint les

consignes: la douceur de l'homme,le fait qu'il vienne d 'a il leurs e tqu'elle puisse parler avec lui en

anglais, une certaine volonté de dé-

fier les imbéciles de l'Appareil et defaire la nique au règlement, la fontse rapprocher de lui . Au point qu'ildevient question de mariage. Alors,les Kossyguine et les Souslov se fâ-chent . Une loi khrouchtchévienne,fruit d'une déplorable libéralisation,permet au mari étranger d'emme-ner sa femme. Voit-oJi la fille de 'Staline préférer, un autre pays à sapatrie bien-aimée, s 'ins taller en

Inde, et, qui sa it ? faire des décla·rations à la pres se? On renvoie

chez lui « le vieil Indien malade »(alors, di t Kossyguine, qu'il existetant de « sains et beaux jeunesRusses») et un an et demi s'écouleavant que, par faveur diplomatique,il revienne occuper un poste de tra ·ducteur à l'Institut de Lit tératuremondiale. Il revient pour mourir.Pourquoi faut·il que Svetlana semette en t ête de respecte r l 'enviequ'il avait de savoir ses cendresje tées dans le Gange et se proposeelle-même pour ce pieux devoir?

Passons sur la suite de'l 'histoire,pourtant passionnante et révélatri-ce, qui lui fai t découvr ir , dans le

village de Kalakankar, non, certes,« l'homme nouveau», mais deshommes vrais, et la f ai t aboutir -après des heurts sans nombre, destracasseries infinies susci tés pa r

ceux qu i la tiennent au bout d'unelaisse, ses compatriotes, à l'am-bassade américaine de Delhi , puis,après un transit de plusieurs semai-nes en Suisse, aux Etats-Unis. Elleava it fai t passe r entre des màinsamies l e manuscrit de ses Vingt

Lettres, son seul viatique, et la voiciprécipitée IOUI le feu des projéCo

t eurs . Expér ience cui sante : « Le

passage de ma Russie du black-outau monde de la « liberté de la

presse » était si violent, et si brus·

que, que j'avais l'impression qu'onm'avait écrasé les os ». Il l ui f au tfaire l 'apprentissage du NouveauMonde, qui est auss i le monde capi.t ali st e, avec ses ta res, ses injus ti -ces, sa férocité. C'est lu i qu'ellechoisit malgré tout en brûlant solen-nellement son passeport soviétique.Elle ne doute pas qu'une au tr e

sorte de solitude l'attend.A mettre l'accent sur un person·

nage, aussi attachant et sur sonaudacieuse aventure,' on r isque deperdre de vue l'essentiel: l'extraor·dinaire document de première mainque const itue son ouvrage et la ré·vélation circonstanciée de ce qu'est

la vie en URSS, tant dans les hau·tes sphères que dans l'intelligentsiaet parmi les non-conformistes.Svetlana brosse à nouveau un por·trait de son père, p lu s nuancé quedans les Vingt lettres, mais sansdoute plus féroce : c 'é tait , dit -el le ,« essentiellement un homme sansinstruction », un ignorant qui tran-chait de tout sans rien savoir e tqui avai t le redoutable pouvoir de« simplifier les choses », de les « ré.duire au niveau pratique ». « Chezlui, dit-elle encore, et cela fait froiddans le dos, le premier mouvement

etait taujours prémédité : assassi·

nerses

adversaires. Pour le reste,on verrait plus tard D. Cette même« simplicité », on la' ret rouve dansla vision que Staline se faisait desautr es : « il y a les plus forts quesoi, dont on peut avoir besoin ; ceuxde même force, chez qui il fautvoir des gêneurs, et les moins fortsque soi, qui ne servent à rien D.Sauf dans les dernières années desa vie, où le dél ire de persécution

l'emporte, il est un homme froid et '

raisonnable, maître de ses émotions,

"désintéressé et même ascétique pour

tout ce qui ne regarde pas son uni .,que passion : l' exercice du pou.voir, absolument dépourvu de touttrait diabolique : l 'expérience du

séminaire lu i a appri s à considérerles hommes comme un troupeauqu' il f au t « abuser pour le tenir àsa merci», une conception ultra-primaire du marxisme lui a fourniun certain nombre d'autres recet-tes. « L'invention d'un monde mi-cachots mi-casernes, voilà le fin du

fin des « immenses mérites histori-ques D de mon père D. Encore unefois, elle ne prétend pas avoir latête politique.

Les dignitaires du régime (pau-vres dignitaires qu'un clin d'œil dumaître envoie ad patres) jouissentd'énormes privilèges pour le tempsoù il s sont en faveur et, apparais-

sent comme les délégués de la toute-puissance. Pour Svetlana qui les aapprochés de très près, ce ne sontque de pâles, marionnettes (commeMolotov qui va jusqu'à' dire oui

à la dépor ta tion de sa femme : ellea le tort d'être juive), ou des inca-pables, comme Kaganovitch - quifai t raser les plus beaux monumentsde Moscou - ou des faibles, com-me Jdanov, qui ont besoin d'une

forte armature dogmatique et qui,au besoin, la créent, ou des rouéscomme Mikoyan, ou des caractérielscomme,Béria. Tous ignorants d'une

réalité qui ne passe pas la porte deleurs luxueuses datchas (ors, mare

bres, tentures, tapis et porcelaines,col lect ions coûteuses) et tous par-fai tement cyniques. A la des Boukharine, Zinoviev, Radek- qui ont aidé S ta line à se hisse rau pouvoir - ils ont continué deplier l 'échine et s'en féli ci tent :c 'est grâce à une obéissance de tousles instants qu' il s ont pu survivre,fût-ce en tremblant.Plus rafraîchissante est la peine

ture que fait l'auteur de ses amis :Andrei Siniavski, avec qui elle tra-vai llai t é troi tement à l'Institut delittérature mondiale et dont elle aosé prendre publiquement la défen-se; Berta, fille d'un Noir e t d 'une

Juive américains - révolut ionnaires enthousiastes des années trente- que les bureaucrates voudraienttransformer en uzhèque en dépit dela couleur de sa peau (laquelle lu ivaut d'ailleurs maintes avanies) etqu i devient spécialiste de l'Afriquesans avoir pu y mettre le pied;Alyocha, le musicien qui n'a jamaispu se faire entendre et sa mère, p0é-tesse qu i n'a jamais eu le droit depublier; les savants de l 'a tome e

des fu n dont les RU88e8 ignoren

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ROMANS

La ftllede Staline Une forme ouverte

FRANÇAIS

w. QuiDame du 16 GU " livmr 1970

..CALMANN-LEVY1

ARTHUR InESUER

les principesd'économiepolitiquePréface de

J. -F. Faur!t-Sou/et

14.40F

à paraitre :

TURGOT

écrits économiquesJ.-B. SAY

cours d'économie politique

QUESNAYle tableau

économique

des physiocratesPréface de

MIchel Lutfalla

11.40F

MALTHUS

reuses, et la moins énigmatique

n'est pa s cette femm e v êtue de

noir (la mort?) qu i marche lanuit dans les rues de la vil le, sa·chant bien que celui qu i la re·garde finira par la rejoindre.

L'amour joue donc, lu i aussi et ,

bien sûr, avec la mort . Comme, au

sein de l'Organisation omnipré.

sente et à laquelle chaque individu

est peut-être affilié sans le savoir,

les bourreaux jouen t avec leurs

victimes (les uns et les autres inter-

changeables). Le Patron de l 'Or.

ganisation, qù i n e qui tt e guère sa

« bibliothèque » (et observatoire)

paradoxalement débarassée de

tous les l ivres, est aussi la marion-

nette de ceux qu'il dirige, jusqu'à

ce qu'il soi t mystérieusement mis

« hors je u ». .

Ces quelques coups de sonde ne

peuvent rendre compte que de cer-tains aspects de ce livre, riche,.

complexe et difficile. C'est cet te

richesse, .cette complexité et cette

difficulté (qui ne frôle la gratuité

qu'à cause de partis pris très

actuels de présentation), que pré-

cisément ils tendent à souligner.

La mer est profonde, et son fond

accidenté, mais les eaux sont pois .

sonneuses, et chacun doit y faire

bonne pêche: i l suffit d'être atten-

tif et patient.· Il y a enf in , dans

Mots d'ordre (un ordre que Phi -

lippe Boyer, en véritable écrivain,

a impos é aux mot s : son ordre),une volonté presque musicale, un

lyrisme sous-jacent, qui donnent

aux jeux de l 'intel ligence la d i·

mension plus humaine d'une bles-

sure.

Lionel Mirisch

Le démon

de Socrate.

1

Philippe Boyer

Mots d'ordre

Change

Seuil éd., 216 p.

Ce que l 'on peu t dire d'un tellivre est donc te rr iblement suje t

à caut ion, subject if . Dans sa cons·

tante mobil it é (bonds en avant ,

bonds en arr ière , frissons de peur

ou de désir qui ne cessent de trou·

bler la phrase la plus limpide),

dans la remise en cause, d'une

page à l 'autre .et j usqu 'à l a der-

nièrp., jusqu'au dernier mot, de

tout ce qui a été di t avant, cet ou-vrage n'offre au prem ier abord

qu'un chatoiement de que st ions

sans réponse, un perpé tuel débat

venu de sphères de l'esprit où vivrees t particulièrement incommode.

C'est le jeu, et il faut l'acceptercomme tel, comme ce « jeu du

pendu» qui , r édui t longtemps àun rôle contrapuntique, surgit à la

fin comme l'activité essentielle,

(ré)génératrice, e t dont la solution

(éventuelle mais p laus ib le ) est :un objet auquel on n 'aurai t paspensé jusque.là, de désir tendu,

visant au centre (ici même) : ne

visant désormais qu 'un but ima·

ginaire, toujours sûr de l'attein-dre. Cet obje t c 'est l'arc, suggère-

t·on. Mais pourquoi pas la pensée

créatrice, ou même le stylographe ?

Et le but, pourquoi pas le livreà écrire?

Le but, pourquoi ne serait-ce pas

non plus une femme rêvée , de

rêve, avec qui un accord tacite peromet. enfin l'apaisement, donc le

s ilence ( le l iv re se termine sur cet

« accord») ? Car, auprès des trois

hommes de ce roman, hommes qui

sont bien évidemment le même,

en t ro is faces, phases, de sa vie,quantité (une société,. un monde)

de femmes désirées vont et vien-nent, blondes et brunes toutes

_ sculpturales, hiératiques, dllnge.

Forêt de symboles ou récit

d'aventures, roman d'amour ou

débat ontologique s ur le livre qui

s'écrit? Mots d'ordre, le premier

roman de Philip pe Boyer,. ne

Hotte pa s entre ces possibilités,

il semble che rche r p lu tô t à les

rassembler, à intégrer tous les pos-sibles, et si sol ide que soi t sa subs-tance, il demeure une forme ou-verte que seul l 'interprète, le lec-

teur, s'y glissant, aur a l e d ro it de

f ermer sur soi, derrière soi, pour

soi.

les noms ; Essénine-Volpine, fils du

poète fameux et mathématicien, qu i

a trouvé une fo rme or ig inale d econtestation : il réclame et exige lerespect de la loi; Fanny Nevskaia,l'actrice au franc-parler qui brocar-de les impor tant s. C 'e st là l e ti ssuvivant dont est faite une Russie qui

existait déjà du temps de Tolstoi et

de Dostoïevski, et qui vit, travailleet souffre, aspire à la liberté.li( Quand tu rentreras chez toi,Andrei, écrit Svetlana à l'adressede Siniavski, tu retrouveras ta fem-me, ton fils, tes amis. Ta place enprison sera prise par ceux qui ont

condamné un écrivain innocent.Telle est l'histoire de Russie, sinis-tre, inexplicable, grotesque ».

Pourtant, le dictateur a fini pa r

mourir. Chose inouïe : il a mêmeété officiellement condamné en rai-son de ses « crimes ». Dès que « lafoudre frappa le sommet de la mon-tagne », écr it Sve tlana, « on entre-prit de respirer, de parler, de pen-ser, on se mi t à se promener, dansles rues, d'un pas naturel. Moiparmi eux ». On croit que « le jour arrivé de ne plus tremblerpour sa vie, celle de sa famille,celle de ses amis », et les libéra-teurs se présentent en foule : Bér ia ,Malenkov, Kaganovitch, Molotov,Boulganine. Après quelques révolu-t ions de palais, Krouchtchev l 'em-porte et c'est poussé pa r tout un

courant qu'il révèle l'envers du dé-cor précédent . Lu i aussi, hélas!

avait été complice : il s'aperçoitqu'à vouloir « tout mettre sur ledos du mort formidable », c 'est«discréditer formellement le Par-

ti » et par ce qu'il n' a pas le cou-rage d'y faire des coupes sombres,le Parti, menacé, se retourne tout

entier contre lui. Révolution hon-groise, révol te des étudiants géor-giens et révolte des ouvriers deNovotcherkassk : voici Khroucht-chev entre deux feux. Et qui s'ap-plique à scier la branche sur la-quelle il est assis . Après quelquesannées, où du moins l 'a ir du dehorsa pu pénétrer jusqu'à revigorer l'in·

telligentsia, la chape retombe. Pour

combien de t emps encore ?

La réponse, comme la conclusiondu l ivre de Svetlana All ilouyeva ,appartiennent à l'avenir. Et cha-

cun sait, Svetlana la première, que

c'est pure i llusion de croire qu'on

peut se contenter de tirer indivi-duellement Sôn épingle du jeu. Ellea' raison de faire confiance aux

« hommes· d'Espérance» dans leur

combat contre les «hommes deMémoire ». Mau1'ÎCe

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Solal et Mangeclous

IN:f:DIT

1lhert Cohen

Les valeureux

Gallimard éd., 362 p.

Les Solal d e Céphal on ie, lié.

par un cousinage qui les emplit

d 'o rgue il ; a ss umen t cha cun dans

son style propre la condition diffi.

cile qui est cel le des Ju ifs d e la

Diaspora.

Saltiel est un exemple de piété,

de respect sans faille pour la Loi

dans son antique tradit ion. Salo·

mon, pe tit homme ingénu qu i

vend de l 'eau d'ahricot, adore

Dieu et sa c réat ion avec un en ·

thousiasme attendrissant et non

dénué de quelque niaiSerie. Lé

somhre Mattathias, convaincu que

pour un Juif vivre est un l uxe qui8e paie cher, amasse les sous avecune fixe âpreté, obsédé par l e sen·timent qu'il n'aura jamais asez

d 'argent pour se racheter, en cas

de malheur. Michaël, toujours

l ui sant de transpiration, se voue

à un donjuanisme sans frein :quand il paraît, les femmes au

moins démontrent qu'elles ne sont

pa s contaminées pa r l'antisémitis.

me , - et Michaël vole de victoire

en victoire'.

Quant à Mangeclous, - personanage de t rè s haute fantaisie, grand

dévoreur, grand rêveur, myth,oma.

ne, mégalomane, cyclothymique,

toujours au bord de la gloire etde la fortune ou à deux p as du

suicide, péroreur incessant, - par

sa truculence, sa grandiloquence,

l 'excès de ses élans comme l 'excès

de son langage, - il fai t pense r

par fo is aux plus belles inventions

de Dickens, ou de Céline, ou de

Rabelais.

En r ep renant l a geste de cesValeureux, Albert Cohen avert it

le lecteur que nous sommes cet te

fois en 1935, c 'est -à-dire avant

l 'époque où se situe Belle 'du Sei.

gneur. Et si le Solal de Genève(important personnage à la Société

des Nations) n'apparaît pas en

personne dans ces pages, il es tpour tan t heaucoup ' questio n de

lui, en son ahsence, puisque cehrillant neveu de Saltiel a envoyé

aux Valeureux un chèque confor .

tahle pour qu'ils se transportent àGenève auprès de lui.

Après des adieux emphatiques

à Céphalonie, Mangeclous ayant,

devant le public, serré sur son

cœur ses t ro is pet it s garçons en

redingote et gihus , mais toujours

pieds nus (<< pingouins », «pin.

gouillons », dit le narrateur), les

Albert Cohen.

cinq cousins s'emharquent dans

des tenues houffonnes (frac, et

souliers à crampons, - ou hien

smokings,chaussures de tennis , et

masque d'escrimeur, pa r exemple)

dont chacune, a été longuement

méditée, son incohérence apparente

couvrant de profondes ra isons , -des raisons de sécurité.

Mangeclous emporte, avec force

victuailles orientales, l e t it re pres-

tigieux de recteur de l'Université

de Céphalonie, - titre d'autantplus enviahle qu'il se l'est confé-r é lui .même, fondant ladite uni-

ve rs it é dans son propre appar te-

ment, à savoir trois caves en Èmfi-lade où il vi t avec l'ohsèse

Rehecca son épouse «< je salue tescent vingt kilogs, jardin de mon

cœur ») , les t ro is p ingoui llons

merveilleusement intelligents (à

six ans Eliacin, l'aîné, poursuit

les travaux d'Einstein, et réfute

avec autorité les thèses du prince

de Broglie), - et deux longues

filles somnolentes , Trésorine et

Trésorette, qu'on aur a b ien de la

peine à marier, vu leur absence

conjuguée de dot e t de heauté.Mais toute cette cocasserie, -

invention débridée, semhle·t.il -déguise et en même temps révèle

les contradictions de la condition

juive dans ce qu'elle a , e n f ai t, de

moins amusant. Parfois, rarement,

il est vrai, le récit crève comme

un e bulle, et le lecteur éhahi setrouve face à face avec Albert

Cohen , qui pense à sa mort, à sa

mère, à la gue rr e, a ux désastresde l'extermination dans les camps.

Le temps à 'peine d'entrevoir

l'écrivain à sa tahle, - et repa·

raissent, haguenaudant, se cha-

maillant, e t p renant le Ciel à té ·

moin,les

cinq Céphaloniens en

voyage, grotesques, grandioses,

solennels, tantôt haisant le solcrasseux de la F ranc e s ur l e quai

de déharquement, e t tan tô t obser.

vant une minute de silence devant

la tomhe du So ld at in co nnu.

Epris d 'honnenrs et de recon·

naissance officielle, ils s'appellent

eux-mêmes « délégat ion françai .

se » (puisque l eu rs pap iers sont

français) ; ils écrivent au prési.

dent de la République, et à la

reine d'Angleterre, sollicitant sansrougir des titres, des fonctions"des décorations de t ou te s sortes.

Mangeclous ne va-t-il pas jusqu'àbriguer une cha rge de c ardi na l"

où il assure qu'il ferait merveille,

- à condition, bien entendu,

qu'on ne lui demande pas de se

convertir, ca r il est un hon Juif.

Nous ne sommes pas très loin

alors de la raillerie d'un Patrick

Modiano, quand i l invente les fol.

les tentatives et les incroyables

prétentions de Raphaël Schlemilo-vitoh. Ic i aussi, la difficulté d'être

juif se manifeste, par une extra-vagance qui n 'e st pas inexplicable.Le grand problème de l'adaptation

qu i ne doit pas être, pour le Juif

religieux, une assimilation totaleoù son ident it é se perdrait, - on

en vo it chez les Valeu reux , la di·

mension écrasante. Est ·ce un pro-blème insoluble ?

Les Solal de Céphalonie, en 1935,

rêvent d'un futur état juif. Et

Mangeclous s'interroge sur ce que

seront les Juifs de cet état :« .. .pourvu aussi qu'i:ls ne 'devien-nent pas trop bronzés. Ccu si tu esbronzé et heureux et blondinet, :tu

deviens moins intelligent et en.

quelque sorte hoUanJdais.» Indi-

gné, Saltiel s 'écrie: « Et parfaite-ment, mon cher, nous deviendrons

normaux, nous serons comme lesautres, nous ne serons plus étran-gers et malheureux ! »

« Et s'i'l me plait à moi d'être

anormal et étranger! cria Mange.clous. Et pas comme les autres, et

même malheureux! Non, mon-

sieur, je ne renoncerai pas à cet

honneur! Anormal je suis, anor-mal je resterai, et grand profit me

fasse ! .. . »L'orgueil et la mélancoli e de ce

choix se lisent en filigrane au long

de ce roman ple in de verve et de

drô le ri e, où le comique n'est qu e

la part visihle de l'iceherg.

/O$4Re DuranteGu

La lettre d'André Gide que noupublions ne comporte ni date n

signature. Elle est adressée à LéonBlum,

alors présidentdu

Conseilet les événements auxquels elle faiallusion laissent penser qu'elle a étéécrite en décembre 1936.

Dans le « grand proscrit », on

aura reconnu Léon Trotsky. Celuici avait bénéf icié de l 'exi l pol it iquedans notre pays, de l'été 1933 au

printemps 1935, au milieu de tra·

casseries sans nombre suscitées pa r

les communistes français (1). Il estvictime d'une mesure d'expulsionaprès que Laval est revenu de Mos-cou, en mai 1935, où il a concluavec Staline les fameux accords sur

la nécessité pour la France de « porete r son armement à la hauteur desimpératifs de sa défense nat io-nale ».

La Norvège, où le parti travail·liste vient de gagner les élections,accorde l'aut orisat ion de séj our

qu'avait sollicitée l'ancien compa-gnon de Lénine. Il débarque dansce pays le 18 juin 1935 et y écrit

la Révolution trahie. Entre paren·

thèses, on trouve dans l 'ouvrage cepassage sur Léon Blum et les « nou-veaux amis de l'URSS » :

Léon Blum, qui fut l'adver·saire du bolchévisme dam sapériode héroïque e t 0 u v r i t

les pages du Populaire aux cam·pages contre l 'URSS n'imprime

plus une l igne sur les crimes dela bureaucratie soviétique. Demême que le Moise de la Bible,dévoré du désir de vo ir la facedivine, ne put que se prosternerdevant le postérieur de la divineanatomie, les réformistes, idolâ·tres du fait accompli, ne sontcapables de connaître et de re-

connaître que l'épais arrière-trainbureaucratique de la révolution.

Trotsky, qu i s'est engagé à ne pass'immiscer dans la politique inté·

rieure du gouvernement norvégien,ne tarde pas, cependant, à ê.re l'ob-je t de mesures vexatoires et de per-sécutions. Le 6 août 1936 d an s la

nuit, alors qu'il était absent de sondomicile, une bande, officiellemenquali fiée de « fasciste D, tente des'emparer de ses archives: les cam-brioleurs étaient déguisés en policiers. La « droite» accuse les t ra -vaillistes au pouvoir de donner tou·te fac il it é à Trotsky pour « fomen-ter la révolution et troubler les rela-tions i nt er na tion ale s d e la Nor-vège ». C 'est p réci sément le mo-ment où des mesures restr ictivespour sa liberté de mouvement e t

d'expression sont prises à l'encontre

8/14/2019 Quinzaine littéraire, 89, février 1970

http://slidepdf.com/reader/full/quinzaine-litteraire-89-fevrier-1970 7/32

Une lettre d'André Gide

,

(1) Un article de Jacques Duclopublié en décembre 1934 dansl'Humanité, par Iai t des «mainsde Trotsky couvertes de sang deKirov". «On salt que c ',est Stal ine qui fi t assassiner 80n' fidèledisciple et dauphin éventuel).

Léon Trot!ky

exprime dans Retour de l'URSS et

Retouches.... Gide ne peut être in

sensible au sort d'un des deux prin

cipaux artisans de la Révolutiond'Octobre désormais condamné àl'errance et en butte aux persécut ions de son tout.puis sant advel'-saire . Déjà, avec Romain RollandGide était intervenu en faveur deVictor Serge, grâce à eux libéré desprisons staliniennes. Et, dans une

le tt re à Jean Paulhan, récemmentpubliée dans la N.R.F.• il protestecontre un ar ticle de Cingria quparlait dans cette revue avec un peu

t rop de dés involture du « grandproscri t ». Si Gide n'agit pasde sa propre ini tiat ive (la let tre que

nous publions semble l 'indiquer)du moins ne cache-t·il pas sa sympathie à l 'exil é en un moment oùla plupart des intellectuels franç$dits de gauche tressent des couronnes au · « Père des peuples » et ap bl' \lyamment les Procède Moscou. "

, Maitre Gérard Rosenthal nousfait remarquer que ' Léon Blum

n'eut pas à faciliter le t rans it deLéon Trotsky par la France"et pou

cause : embarqué de fôrce vingt

quatre heures avant la date fixéepour le départ du bateau, LéonTrotsky, accompagné seulement desa femme. débarque le 9 janvie1937 à Tampico . Le voyage a duré

vingt-et-un jours. I l n'y a pas eu

d'escale.

c'est-à-dire des paiements des dif·

férents édi teurs. Je vous remer ·cie bien pour votre amitié agis-sante. Nous vous embrassons tousdeux chaleureusement. Nos sa-

lut s les plus cordiaux à tous les

amis. Qu'on envoie immédiate·ment Mexique tous les maté-riaux et lettres. Salut et frater-n ité! V'otre Léon Trotsky .

Léon Sedov, tout comme son pè-re, sera assassiné par les Servicessecrets staliniens, mais c'est le pèrequi survivra au fils, pour peu detemps, il est vrai.

On voit mieux le sens de la dé·marche d'André Gide auprès de sonami de jeunesse Léon Blum. Reve-

nu d'URSS avec les sentiments qu'il

Trot sky, avant de s' emba rque rpour le Mexique, c ra in t pour savie. I l sait que Staline chercheraà l'atteindre par tous les moyens,fût-ce en plein Océan, et il envoieà son avocat parisien, notre ami

Maitre Gérard Rosenthal, cettelettre qui en dit long :

(...) Il paraît q u' on v e ut nousfaire partir demain. Je m'abs-

t iens des commenta ir es sur lesconditions de ce départ. En tout

cas je vous fais comme à mo n

avocat la communication suivan-te : s 'i l nous arrive, à Nathalie

et moi, quelque mauvais tour en

route ou ailleurs, c'est Léon

Sedov, mon ,fils, qu i devrait d4 ·

poser de tous mes « biens »,

La lettre d 'André Gide à Léon Blum.

de pa r le ministre de la jus-t ice. Trotsky est finalement arrêté

et au bord d'un fjord

sous la surveil lance de treize poli-ciers. Heureusement, le Mexiqueaccepte' de lu i donner C'est qu'entre-temps avait com-

mencé, précisément en août, le pre-mier" des Procès d its de Moscou.Zinoviev et ' figuraientparmi les seize accusés à qui l'on

reproche (faussement) de s'être misaux ordres de Léon Trotsky pour

assass iner Staline, affamer le peu-

La Quiœaino littéraire. lu. 16 lm 28 fivrier 1970

pIe russe, faciliter l'invasion del'URSS par les impérialistes selondes directives données par Hitler etl e Mikado. Trotsky , dans des art i-cles ou des déclarations à la presse,

r édui t à néant ces accusations fan.tastiques et révèle les vra is but s deSiaIine, ce qu i ne pla it ni ' à l 'inté-ressé ni au gouvernement soviéti-que, ,qui mettent en demeure legou_vernement norvégien d'expulser« l 'i ndés irable » sous peine de voirle commerce mari time de la Nor·vège (4" flotte marchande du mon-de) boycotté. Les ministres socialis-tes s'inclinent: « Nous ne pouvonspas sacri fi er à Trotsk..y:. les intérêtsvitaux du pays!» s'écrie l'und'eux.

Mon cher ami,

On fait, de nouveau, appel ànotre amitié pour me demander

d'Intervenir auprès de toi : Ils'agit encore du grand proscrit.Après avoir refusé, le Mexiqueaccepte de l 'hospitaliser, tu lesais. D'autre part i l est à expira·

.tlon du bail (si j'ose dire) avecla Norvège; prêt à partir; maisgagner le Mexique n'est paschose aisée. La question se po-se -ou, du moins, on me de-mande offi ci el lement de t e laposer: le gouvernement françaislui accorderait-II le transit (avecprotection assuréè) le temps depasser d'un bateau sur un autre.

Forcé de quitter Paris ce soir,et regrettant de ne pouvoir

attendre ta réponse, tu voudrasbien donner celle-cl à Magde-leine Paz qui saura la transmet-tre.

Dols-je 'ajouter qu'II y a ur-gence.

Bien avec toI.

J'al, en vain, cherché à te télé-phoner ce matin.

8/14/2019 Quinzaine littéraire, 89, février 1970

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LITT••ATU••

Henry JaBles ou

Un Portrai t de Femme,trad. pa r Philippe Nee!.Stock éd., 702 p .

Gustave Flaubert,trad. pa r Michel Zeraffa.L'Herne, 156 p.

Maud.Evelyn. La Mort du Lion.Introd. pa r Tzvetan Todorov,Trad. pa r L. Servicen.Aubier-Flammarion éd.

L a scène

de la bougie éteinte

ges masculins sont relégués dansune aimable nulli té ou entourés duprenant mystère (rich mystery) que

confère l'absence. Alors revient enmémoire cet te .ga lerie de personanages évanescents qu i n'eussentpoint existé tels que ls s i l'enfanced'Henry eût été düférente : le mariberné et boîteux de sa premièrenouvelle A tragedy of Error (1864)que sa femme veut faire assassi ·ner; le sourd mentionné dans uncanevas des Carnets dont on espèrequ'il sera un mari complaisant etaveugle; le mari Touchett dominépa r son épouse dans le Portrait deFemme; le père de Kate, LionelCroy, que James se rep roche den'avoir pas assez fortement dépeintdans les Ailes de la Colombe «( Il

nefait qu'en trer et sortir, pauvreapparition qui aurait dû être belle,

éblouissante, accablante»); les fi·gures du père absent, du tuteurdémissionnaire et du ft! '1tôme perovers dans le Tour d'Ecrou.

Non moins importante que la« faiblesse » de l'image virile pater-nelle (en regard de la présenceusurpatrice de William) apparaît le

choix des scènes conservées pa r lamémoire de James. Citons celle dela bougie éteinte: James avait en·vi ron dix ans , William onze, lors.que leu r institutrice Lavinia leurapprit comment éteindre une flam·me en se saisissant de la mèche en·tre pouce et index. Expérience ja .lousement « épiée» par le cadet,que l 'a îné reproduit aussitôt, maisqu 'Henry se refuse à e ffec tuer , augrand mépris de Lavinia. Bien sûr,lu i dit-elle, vous avez peur. Vousn 'ê te s pas comme Lui. Episode oùl 'on peut ê tr e t en té d e voir tout unrés e au d'associations jamesien(flamme, bougie, peur, ressenti·

ment) exactement comme dans

l'Autel des Morts. Mais même sansprétendre se servi r de cette « grai.ne» pour interpréter et conclureà une double castrat ion (si le pèrea manqué, le frère et les femmesont marqué) on ne peut qu'être

saisi pa r la s ingulari té du terrainqu i enregistre urie si bénigne humi·liation, pa r l'approche craintive etdétournée de l'action (la scène est« épiée », c 'est la femme qu i dirigeet le frère qui triomphe tandis quele prot;agoniste se refuse à l'épreuve

rabilité, et que James qualifie de« terrain» (sail) où le fait prendracine. Dans cette préface, le voca·

bula ire de James s'inspire conti·nuellement du biologique (germe,graine, essence féconde, aiguillon,virus, idée-germe) comme s'il rap-prochait l'élaboration art is t ique dela gestation. Analyse de la créationqui donne à réfléchir: d 'une parti l apparaî t combien serait artificielde dissocier la graine du terrain, lematériel de l'intelligence qu i rem·ploie, en coupant le cordon ombi·lical entre l'écrivain et l 'écrit puis-que c'est la sensibilité qui capte ouécarte; d'autre part on saisit comabien l'art et la vie, lo in d e s'oppo-s er, se nourrissent l'un de l'autre,l'art étant de la vie transfigurée.

De plus, les « nemanquèrent point dans la vie del'écrivain. Pour n'en citer que quel.ques·uns : en mai 1844, alors quele j eune Hen ry n' a qu'un an etdemi, son père a la vision d'une« forme fét ide » tapie dans un coinde sa chambre, appar it ion maléf i·que qui «brisa sa v ir il it é ». (I lavait été, pa r ailleurs, amputé d'unejambe à tr eize ans). Mor t en 1870,à l 'âge de vingt.quatre ans, d'unedouce cousine angéliquement révé-rée, Minny Temple; mort, en

1892, de la sœur cadette et bienaimée d'Henry avec qui « il se sen·tait marié », Alice J ames , qu i

n'avait cessé toute sa vie d 'osc il le rentre la folie, l'appel du suicide etune passion frénétique de la vie.Mort, par le suicide, en 1894, d'uneam ie et confidente de James, MissW0015On, qu i se tue à Venise. Mê-me s 'i l n'y avait pas eu autant dedrames dans la vie de James (quoi.qu'ils expliquent l'importance que

tient dans l'œuvre le culte desmorts), les mémoires (1) dont onparlait plus haut, si révélateursd'une démarche qu i exige toujoursde remonter le cours du temps,montrent à que l point i l n 'existepas pour cette sensibili té si parti.culière de fait insignüiant.

Les quarante premières pages deA Small Boy and Others sont par-t icul iè rement frappantes : les sou-venirs y sont évoqués, non pas àl'ombre du père, dont on a vu qu'ilétait lui·même un être diminué,

fantomatique, mais à travers le frè-re ainé, William. De même on de·meure frappé pà r la vision des fem-mes, toutes dépeintes au premierplan, composant un monde matriar·cal impérieux, qu'el les soient fem-mes de la famille, nurses ou insti-

tutrices, tandis que les personna-

De quelque façon que l 'on ajus.te sa lunette, et à plus forte raisonsi l'on se s ert de la lorgnette psy·chanalytique (une méthode commeune aut re ) ce qu i ·ne cesse d'appa.raître chez James , c 'e st c ette sub-tile interaction entre l 'extérieur etl'intérieur dont tant de critiques ontdernièrement dégagé l'importancedepuis Jean Delay dans sa présenta-tion de la correspondance Martindu Gard-Gide jusqu'à· Marcel

Moré dans son essai su r Verdi.

vISIOn; aussi bien écoutons Jamesparler de lui -même dans cet te ad·mirable autobiographie qu'est A

Small Boy and Others écr ite danssa vieillesse: « Mon principe domi·nant, je l 'avoue, et celui par lequelje ne cesse aujourd'hui d'être gui-dé est que, dès qu'il s'agit de proje.ter une image, il n'existe point defragment, si minime soit·il, qui

n'ait son importance pour la mé-moire ou qui ne puisse servir dequelque façon à l'esprit... » Cesfaits minimes provoquent en Jamesdes « vibrations » grâce auxquellesl'écrivain est à même de composerson œuvre. Vibra tions si ténues, sisubjectives, que Percy Lubbock,dans son édition des Lettres deJames met en doute la possibilité

d'écrire une biographie de James:seul l 'auteur lui·même serait capa-ble de juger, de peser , de présen.ter les événements de sa proprevie.

Sur cette imbrication du vécu etdu créé, sur cet te rencontre (uni-que) en tre u ne certaine sensibilité

et le spectacle de la vie, Jamesinsiste d'ail leurs longuement danssa préface aux Dépouilles de Poyn-ton, texte capital pour saisir saconception de la création. Jamess'y explique sur la collaboration en-tre le fait et l'auteur fécondé, com-me su r celle entre l 'auteur fécon-dant et le f ait choisi : sans le créa·teur, le fai t r es te ra it parce ll e per-due au sein du chaos. « Rien n'estmoins commùn qu'un œi l perspi.

cace, capable de discerner un su·jet... La v ie é tant toute inc lusionet confusion, et l'art discriminationet sélection, ce dernier, en quête dela valeur latente et durable qu i

seule lu i importe, flairera cettesubstance avec un instinct aussi sûrque le chien flairant la présenced'un os enterré ».

L'accent est donc mis sur la vi·sion, s ur l a qua li té de celle.ci, sur

le t ri que doit opérer la sensibilité,cette sensibilité dont on disai t à la

fois le caractère unique et la vulné.

Henry James, dont tout lesouci fu t d'élaborer une tech-nique des points de vue, se·rait sans doute agréablementchatouillé de voir la multipli·

cité d'approches que son œu·vr e suscite. Si, au terme deson Introduction à MaudEvelyn et à La Mort du Lion,Todorov, avec la grâce d'unepirouette, conclut au sujet deJames ; • Aucun événementne marque sa v i e ; il la passeà écrire des l ivr es ; une ving-taine de romans, des nouvel -les, des pièces de théâtre,des articles. Sa vie, autrement

dit, es t parfait e me nt i nsi g ni ·

fiante (comme toute présen·ce ) ; son absenceessentielle, s'impose d'autant

plus fortement -, Léon Ede!,lui, vient de nous donner letome IV d' une remarquablebiographie à laquel.le il seconsacre depuis trente ans,dont chaque page dénote l'in·

f luence de l'événement vécusur la scène de l'imaginaire.

D'un même écr ivain, i l y a, nuldoute, plusieurs lectures.

A cel le proposée. pa r Todorov,

on peut opposer une autr e appro-che qu i met trai t autan t l'accent

sur le pourquoi de l 'œuvre que surle comment, où le comment, dansune certaine mesure, serai t com-mandé pa r le pourquoi. Points devue inconciliables ou complémen.

t air es ? Fidèl es à l'esthétique jame-sienne, laissons au l ec teur l e soinde conclure.

Précisons t out d e même combienil importe de ne point perdre l'au·teur lui ·même de vue, sa singula.

rité, la puissance unique de sa

I

Léon Edel

The Life of Henry lame!,

The treacherous Years

1895·1901. N.Y. 1969.

111

8/14/2019 Quinzaine littéraire, 89, février 1970

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la richesse des possiblesdu réel) que révèle cette scène en-fantine, symbolique de toute l'op-tique jamesienne.

Cette opproche indirecte du réel,qu i a subi comme une altération

dans son trajet, nous la retrouve-rons dans la vision du monde qu'ont

les personnages du Portrait de Fem-me. Isabel Archer communique àtravers la frigidité et le refus. Maissi elle incarne cette peur devant

la vie, sur laquelle un du Bos a eu

ra is on d 'in si st er , elle célèbre à safaçon la r evanche de l 'écr ivain,

prÏ$e grâce à la création, puisque

son personnage, ambigu, reste l ibred'évoluer dans le m iroir du lec-teur : I sabel est-elle naïve ou pha-risienne (ou les deux); son expé.rience débouche·t-elle sur la con·

naissance ou sur le masochisme (ousu r les deux)? Autant de ques-tions, autant de réponses. Si James

est un nostalgique en proie à cequ'on pourrait appeler un e névrosedu regret, n'est-ce pas d'avoir choisidès l'enfance de remplacer l 'action

p ar l a contemplation ?

Ce choix e st mo ins vécu commeun e diminut ion que comme un

point de dépar t pou r de subtilescompensations. Evoquant le petit

garçon rêveur qu'il fut, James

écrit : li. Il pourrai t avoir à se pri-ver de beaucoup de choses, et mê-me de tant de choses, comme c'est

le cas de tous ceux pour lesquelsla contemplation prend à ce pointla place de l 'act ion.. . mais en fait,je pense qu'il allait en tirer un pro-fit infini» (1). Cette ambiguïté du

li: voyeur », à la fois délivré desépreuves et maître à bord sur lesplans spirituel et imaginaire est fla-grante chez le Ralph du Portrait.

James s' identifie également à despersonnages apparence éloignés :la frêle silhouette de Pansy, esquis-sée, disponible, ser t le" besoin du

créateur de se mirer dans l 'i na-

chevé, d'y contempler ses virtuali·

tés, d'où, dans l 'œuvre, toute une

galerie de doubles rajeunis grâce

auxquels les protagonistes"vieil lisfrôlent encore le futur. Et encore,James se retrouve jusque dans Ma-dame Merle, à qui il confie le soind 'énoncer sa p ropre théorie de la

per sonnal it é; j us que dans l a nar ·

ratrice de Maud-Evelyn, Lady

Emma, li. prise au.. spectaCle D d'une

macabre li. fantaisie à trois D au

point d'avouer : « Je- crains aprèstout que mon anecdote ne soit un

simple exposé de ma propre folie ».Loin d'être seulement un témoin,Lady Emma est celle qui, insidieu-

sement, provoque les confidences,mène le jeu sans lequel il n' y au ·

rait point de réeit, ll.On rôle se

confondant avec celui de l'écrivaincréateur. Ce que James vise à tra-

vers ce lien inteme qu i le re lie àses personnages, c 'est à explorer la

richesse des possibles. Le roman ap-paraît comme le lieu idéll1 pour

ceux que hantent les d'eux-mêmes demeurés inconnus. Si Gidedisait que l'on écrit avec &es p0s-

sibles, si certains écrivains se consu·ment de curiosité pour ce qu'ils au-raient pu devenir et subissent jus-qu'à la folie la nostalgie d'être cequ'ils n'ont pas été, encore faut·il

fa ir e le d ép ar t, pour les compren·dre, entre ce qu'ils ont choisi d'être,et ce qu'ils ont choisi de vivre de

biais à travers leurs doubles.

La oomplezité

de l'être

Ce que toute œuvre ne cessed'illustrer, c'est la complexité del'être si multiple en ses facettes,si divers grâce à ses plans d'exis-tence, qu'il devient illusoire de pro-noncer à son sujet le mot d'essence,comme il est t émérai re de vouloirle saisir ou le : il est déjà

réfugié ailleurs. Pourtant i l existe;il est toujours quelqu'un pa r rap-port à quelqu'un, ce qu i prouvenon point son néant, mais ses poten-tialités. Selon James, les personna-ges de Flaubert n'ont pas ces dimen-sions multiples. Aussi, malgré toutel'admiration qu'il voue au créateur

d'Emma et à sa personnal ité « cor·rompue» mais si peu « corruptri-

ce », éprouve-t-il des réticencesquant aux héros choisis. Loin d'ac-compl ir l e t ra je t d 'une consciencequi s'élargit j us qu 'à l a révélation(trajet parcouru pa r l'héroïne du

Portrait) Emma reste embourbée,li( conscience ob jet liée au mondepar des sens et no"n par un regard »,

(2 ) vaincue par la bêtise. James exi·ge du mal qu'il ai t "plus d'enver-gure et de la nature humaine qu'el-,le ait plus de ressources; peu lu i

chaut la médiocr ité des miroirs

exigus.D'où un registre de thèmes par·

ticulièrement riche : pour n e pù .

1er que des vingt premières nou-vel les, voici quelques-uns des thè·

"mes traités : désir d'être autre;

l'horreur des ainés et revanche rem-portée sur les cadets; poids d'une

fatalité pesant su r l'amour (la fem-

Henry lame&., jeune.

me, le mar iage tuent); vengeancecontre la femme vampire; regard

posé sur un aut re qui a vu l 'amour

(pour ne point dire le sexe); fas-cination du rival. Dans ces pre-

mières nouvelles, particulièrementviolentes, le c rime et le ressenti-ment jouent un grand rôle.

Une vengeance plus secreten'est-elle pas aussi le sujet de

Maud.Evelyn où le jeune homme

prend prétexte d'avoir é té re fus épa r un e Lavinia bien en cha ir pou r

se mettre à aimer une ombre?

Amour dont il tire des joies tangi-bles puisque le voilà devenu li: grossans embonpoint », li: replet, heu-reux, jol i garçon », prêt à fuir lesréalités charnelles dans la mort. l ifaudrait citer encore d'autres thè-mes, ceux relevés par Jean-Jacques

Mayoux dans sa pénét rante étudede James : le regret lancinant à la

vue du trop tard ; li: la révélation desoi évitée au profit de celle des

autres D, l'horreur de soi et l a pour-sui te de l'échec; le refus de vivre,car li( vivre c'est se retenir de vivrepour conserver intacte l'imagination

i ll imitée de la vie D (3); ceux ana-lysés par Todorov (c présence de laquête, absence de ce qu i la provo-que D, c présence D du fan tôme ; la

mort comme source de vie, le se-cret , rapports cie la vie et de l'écri-

ture) sans oublier celui de 1 se:lUalité lié, selon nous, au thème

de l'imposture et du secret.

Que le c secret D conceme "lasexualité, plusieurs critiques "l'ont

suggéré (4). Le volume IV de LéonEdel apporte à ce sujet d'impor-tantes (et de discrètes) précisions,avec la publication des lettres d'un

James isolé, vieilli, au jeune sculp-teur Hendrick Andersen, traité. dèsla première rencont re en li( alter

ego D. (N'ont-ils pas, fait remar-quer Edel, le même p ré nom; n e

sont-ils pas tous deux c artistes »et c cadets » ?) .

Curieux ton que celui de cettecorrespondance, à la fois angoisséet efféminé, étrangement matemel,

au vocabulaire tactile qu i rappellebrusquement quelque c h 0 se:

l'étonnante scène où Isabel Archer

est embrassée par Goodwood dansle Portrait. Le vertige qu'éprouve

notre froide héroïne, qu i nous vaut

un e série d'admirables images liqui-des insolites, trahirait-il des attraits

et des effro is éprouvés par James

lui-même? De plus, analysant leTour d'Ecrou, rappelle com-ment James a bien connu l e senti-ment qu'avait Miles d'être exclud'un monde viril. Ceci à cause du

danger que représentait l a femme:

danger lié aux fantasmes d'un peti

La Quinzaine littéraire, du 16 au 28 févrÛIr 1970 •

8/14/2019 Quinzaine littéraire, 89, février 1970

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Il n'était pasHenry que l'amputation patemelleinquiétait. (Sur ce sujet, on lira

avec intérêt l'identification du fils

au père mise en lumière pa r O.Mannoni) (5).

Si ce thème de l 'homosexuali té,dont il nous paraît être continuelle·ment question en sourdine dansl 'œuvre, n 'est pas le secret de Ja-mes, ni la clef de l 'œuvre , car ilfaudrait remonter plus loin pour

en connaître les raisons secrètes etles clefs , cependant i l projette un

éclairage particulier su r l'universdu romancier, su r la texture et lechoix de ses personnages. (Hommesimposteurs ou évanescents; fem·

mes vampires ou femmes confiden-tes; sentiment d'exclusion qui ani·me tant de héros; quête-fuite et

secret jamais dévoilé; atmosphèrede société secrète, de complicité etde mystère; dialogues qui demeu-r en t e n suspens, incompréhensiblespour le tiers; désir et impossibilitédes a v eux ; multiplicité des« comp lo ts» etc). Une des toutesdernières nouvelles de James est àrel ire dans cet éclairage : La Tour-née de Visites où l'escroquerie, toutcomme la boisson chez Lowry ou lejeu chez Zweig, pourrai t bien êtrele symbole d'un «vice» plus ca·ché . Des courants de communica·

tions étranges, toujours entre êtresd'un même sexe, baignent d'ailleursles romans les plus élaborés deJames, où les personnages ont leplus d'épaisseur: Ralph et Osmonddans le Portrait ne communiquent-ils pas à travers Isabel ?Ainsi la présence de James se

fait-elle continuellement sentir àtravers l'œuvre qu'il a détachée delui -même. Comme l 'écrivait Wil ·de : « La forme objective est enréalité la plus subjective. L'homme

est moins lui -même quand i l parlepour son compte. Donnez-lui un

masque et i l dira la vérité ».

Diane Fernandez

(1) Henry James: A Small and Others.Londres, 1913. Notes of a sonand brother, Londres, 1914.

(2) Michel Zéraf fa j PersonJJ§ et perosonnage (cf . 1étude d"Emma etIsabel) Kllncksleck 1969.

(3) Jean·Jacques Mayoux Vivant. PI·11er.. Julliard, Lettres Nouvelles.

(4) Stephen Spender : The DestructiveElement Londres 1935.Edmund Wilson ln The TripleThlnker•. New York 1938.J.-B. Pontalls : Après Freud. Jul·liard, 1965.

(5) O. Mannoni : Clef. pour l ' lm.

nalre, Seuil, 1969.

10

H.P. LovecraftDagon et autres récitsTrad. de l'américain

pa r Paule PérezPierre BeHond éd., 352 p.

Epouvante et surnaturelen littérature

Trad. de l'américain

pa r J. Bergier e t F . Truchaud

Christian Bourgois éd., 170 p.

LovecraftCahiers de l'Heme, 380 p.

Lovecraft est depuis peul'objet de démonstrations ad-miratives variées: éditions etrééditions coïncident avec laparut ion d'un recuei l d'hom-

mages, avec des exposit ionsou des spectacles autour deson œuvre. A-t-on découvertun nouvel Edgar Poe?

Inconnu de son vivant, ayant

une vie étrangement recluse,Howard Phillips Lovecraft (1890.

1937) avait déjà les qualités requi.ses pour devenir un écrivain mau·

dit. On scrute aujourd'hui son héré·d it é, l 'é chec de son mar iage, sesmanies et ses phobies. I l n'est pasmauvais qu'un écrivain maudit

soit éthylique ou toxicomane, maiscelui.ci n'était gourmand que de

glaces; il faudra s'en contenter...

En fait, il y a plus de quinze ansque Lovecraft a été présenté pour

la première fois au pub lic fran·

çais. La Couleur tombée du ciel,qui, avec Démons et merveilles,r eprésente de loin le mei lleur de

son œuvre, parut en 1954, qua·

trième t it re de la collection « Pré·sence du futur» (1) de Denoël.Comme ses autres ouvrages l 'annéesuivante, l 'œuvre ne passa pas ina·perçue et fut plusieurs fois réédi.

tée ce qui ne contente pas les zéla·teurs de Lovec ra ft : il s font la peet it e bouche par ce que l e « génie »s'est trouvé placé dans une collec-tion de science.fiction. En outre,

les traductions leur paraissent

«faibles» ou « désinvoltes » .. . (2)

La presque tota li té des con tesde Lovecraft (une soixantaine, de 2à 120 pages) est à présent traduiteen français. Dagon rassemble descontes de diverses époques dont

certains même sont inachevés. OrLovecraft reste peu traduit hors deFrance. Si l'on en croit la biblio.

graphie de L'Herne, les traduc.

tions françaises représentent à ellesseules autant que toutes les autres.Exception faite d'Edmund Wilson

qui écrivit dans l es années qua·rante un art icle inti tulé « Contesmerveilleux et ridicules », la cri-tique américaine non spécialiséedans le fantastique a assez généra-lement ignoré Lovecraft. Un a rt i-

cle récent de l'Américain Vemon

Shea déclare Sans ambages« Dans l e coton du charlatanismede Poe se trouvait le génie, tandis

que H.P .L . était seulement doué

d'un talent exceptionnel. .. S i l 'œu-

vre de Lovecraft est jugée du point

de vue du grand art , c'est plutôt

un échec» (L'Heme, p. 298).

Après tou t, Edgar Poe n 'étai t- i l

pas encore méconnu en Amérique

quand on le célébra it en France ?

Cette fois, il nous sera plus diffi·

cile de convaincre l'Amérique de

placer Lovecraft dans son pan·

théon littéraire. Pour qu i connait

l es con tes et nouvelles d'Arthur

Machen, d'Algemon Blackwood,de Bram Stoker, de Lord Dunsany,de M.R. James, Lovecraft paraitbien moins origina l pour une

bonne partie de son œuvre. L'au·

teur d'Epouvante et surnaturel en

littérature connaissait ces auteurs

et les admirai t au point de les dé·

marquer parfois d'assez près (3).Les d if ficu ltés son t d 'u ne autre

sorte lorsqu'on en vient à la tenuel i ttéraire du maitre. Voici une d i·

zaine de lignes d'un des premiers

paragraphes de Je suis d'ailleurs:

Dans le c répuscul e moite, je

montai donc les degrés de pierreusés par les siècles jusqu'au der.

nier, et ensuite, entamai la dan·gereuse ascension en m'aidant de

saillies précaires aux jointures despierres. Epouvantable, affreux et

lisse, ce pui ts de pierre morte, un

puits d' encre, fissuré, désert, siniSe

tre avec ses chauves-souris éton-nées dont j 'éveillais les ailes silen-cieuses. Mais plus affreuse et plus

angoissante encore la lenteur dema progression ; car j 'ava is beaumonter et monter, au·dessus de

moi l'obscurité ne s'éclaircissaitpoint ; une nouvelle terreur gran-di t en moi, celle que susci te lapourriture maudite et vénérable.Des frissons m'ébranlaient...

De tels passages sont courants

chez Lovecraft. On aurait tort demettre ces effets forcenés su r le

compte d'une médiocre traduc-

tion : l 'œuvre de Lovecraft est leroyaume du superlatif absolu. Ses

personnages monologuent mais ne

dialoguent guère; ils s'expriment

ordinairement pa r le rictus, la gri-

mace, l e hur lement d 'h or re urPlus le hurlement est fréquent etviolent, plus l 'a ct ion est intense :c'est un signe. En elles.mêmesles monstrueuses entités de Love-craft sont peu impressionnantes

ou bien elles sont laissées à l'ima-gination du lecteur avec les loo tsrituels : « effrayant, v ivant l 'in-

concevable, l'indescriptible, l'in-

nommable monstruosité... Je ne

peux même pas donner l'ombre

d'une idée de ce à quoi ressemblaicette chose, car elle était une com-binaison horrible de tout ce qu

est douteux, inquiétant, importlUlanormal et détestable sur cette

terre ». L'auteur se dérobe avecune hécatombe d'épithètes ne sug-gérant rien de l 'horreur que peu

vent susciter d'un seul mot un Poe

un Wells ou un Klipling (certesun abominable impérialiste, mais

l'a-t-on relu récemment ?) . La

nouvelle vague de fans de Lovecraft , qui se donne commodémen

la caution de citations de Heidegger, Derrida, Lacan (et j'en passe)

ne parviendra pas, malgré son im

pressionnante panoplie linguisti

que, à nous faire admirer là « une

perpétuelle torsion pour exprime

l'indicible» (L'Herne, p. 95) (4)C'est un mauvais service à rendre

à Lovecraft que de le met tre sul e même pied que Kafka ou Edga

Poe , que de déclarer : « Le , écritde Lovecraft sont des poèmss en

prose ».

Les auteur .

qu 'i l admira it

Lovecraft rêvait de faire un

œuvre aussi for te que ces auteur

qu'il admirait : Machen, Black

wood, Dunsaoy. Dans 20 conteil a égalé ses maitres. Dans quel

ques autres, dans Démons et merveilles, il les a dépassés. AveEpouvante et Surnaturel, qui constitue un des manuels les plus autorisés qu'on puisse t rouver sur la

littérature fantastique (anglo.saxonne surtout), Lovecraft a dit songoût pour la littérature gothique

« des éclairages étranges, des trappes humides, des lampes éteintesdes manuscrits tombant en pous

sière et effroyables, des portes qu

grincent, des tentures qui bougen

et ainsi de suite .. . Rien de tout ce

8/14/2019 Quinzaine littéraire, 89, février 1970

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tout,a fait Poe

la petitecollectionmaspero

Les socialistesavantMarxAnthologie en 3 volumes

Votre mervenleuse oité d'or et de marbre n 'es t que la

.omme de oe que vou . aves vu et aimé dans votre jeu-

la n 'e st comp lèt emen t mor t au ·

jourd'hui, même si une technique

plus raffinée leur donne une forme

moins naïve et apparente ». Châ·teaux, tombeaux, vampires et re ·venants sont effectivement nom·breux dans l'œuvre de Lovecraft,dans Dagon et Je suis 'd'ailleurs enparticulier. Les textes américainsrassemblés pa r « L'Herne » sont làpour en t émoigner : Lovecraftétait un homme du XVIIIe siècle,un con temporain de Walpo le etBeckford, bien aise d'habiter,c omme tous ses personnages etcomme autrefois Hawthorne, obsé-dé comme lu i par l'hérédité et ladégénérescence, dans cet te Nou-velle Angleterre où l'on brûlait lessorcières et dont i l ne sortira pra-

tiquement jamais de toute s a vie .Dans son attachement au passé,Lovecraft voyait la société d'un œilpessimiste : « se l ivrant au brui t, àl'excitation, aux distractions barba-res et aux sensations animales, ils

prirent leur ennui pour un affaire-ment prétendûment utile» (Dé.mons et merveilles). Or on ne peutvoir en Lovecraft un passéistepréoccupé par les époques païen.nes, comme l'étaient Machen etBlackwood : i l regardait beaucoupplus loin, ailleurs, au-delà dumonde humain, et il se montreplus résolument moderne que cesauteu rs encore t rès pris dans les

ne.se.

courants d'occultisme et de mysti-cisme de la fin du siècle. Le hérosde Démons et merveilles, Carter,malgré des goûts à la Des Essein-tes, a quelques phrases très durescontre l 'occultisme et la religionet conclut : « la fausseté, la stupi-

dité grossière et l'incohérence de

la pensée ne sont pas l' du rêve ». Le rêve, l'évasion horsde la vie réelle, le grand mot love-craftien vient d'être dit. Ces êtres,ces paysages inouïs dont regorgentses l ivres , Lovecraft les découvre

dans ses rêves, ses rêves que, com-me l'auteur de Peter lbbetson, si·

gnificativement absent d'Epou-

vante et surnaturel, il sait liés àson enfance.L'appareil et le savoir scientifi-

H.P. Lovecraft.

ques son t, certes, impor tant s chezLovecraft, comme le sont aussi leslivres maudits, tel le fabuleuxNécronomicon. En fait, le rêve es tle matér iau et l'outil essentiels dusavant lovecraftien : preuve d'uneexistence et d'un monde autres,

c'est ce qui l'amène à fouiller ledésert australien (Dans l'abîme du

temps) ou le Pacifique (L'Appel

de Cthulhu). Mieux que les explo.rateurs de Jules Verne ou de RiderHaggard, Randolph Car te r par."iendra au terme d'un voyage fan-tastique à t ravers de dangereuseset merveilleuses con trées au·delà

de la v ie , de l'espace et du temps,au pied du grand Nyarlathotep lui-même, le Chaos rampant : etl'homme qui avait pu ê tre un petitgarçon en vacances chez -son grand-père reçoit alors la révélation :

Ce n'est pas au·delà de mers

ignorées mais dans votre passéb ien connu que vous devez pour-suivre votre quête ; dans un retour

aux étranges illuminations de l'en-

fance et aux visions inondées de

soleil et de magie que les vieux

paysages apportaient à de jeunes

yeux grands ouverts. Sachez quevotre merveilleuse cité d'or et de

marbre n 'est que la somme de ce

que vous avez vu et aimé dans vo-tre jeunesse.

Celui qui se plaint qu'il y a tropde sang, trop de hur lements ettrop de portes qu i grincent dansles films d'horreur ne comprendpas que ce sont là l es s ignes d is -t inctifs, les conventions du genre.Il me semble qu'on ne li t pas toutà fait les contes de Lovecraft com-me on li t ceux de Pierre Reverdy.I l faut les aborder avec l'intentionde la règle du jeu; à

cette condition, un bon conte est ,pou r p re nd re une de ses expres-sions, le meil leur antidote à la ba-nalité. Que l'œuvre de Lovecraftne soit pas à proprement parlerlittéraire mais un peu marginalen'empêche pas qu'elle puisse inté·resser - l a l it té ra tu re au premierchef. Lovecraft est un de ces écri·

vains-mythes cam m e l'étaientAnne Radcliffe, l'auteur du Moineou celui de Melmoth. C'est plusqu' il n 'en faut pour justifier leshommages qui lu i son t rendus.Après «L'Herne», quelle revueaméricaine nous rendra la pareilleen faisant un J.H. Rosny, ou unMaurice Renard?

Serge Fauchereau

1. Dans l 'Abîme du temps, Par-delà leMur du sommeil et Je sUÏ3 d'ailleurs sontégalement dans la coll. « Présence du fu·tur» ; Démons et merveilles a ét é rééditédans la coll. « 10/18 ».2. Un peu de 'Pudeur aurait dû retenirFrançois Truchaud de s'en prendre auxtraduct ions d e ses prédécesseurs : on

n'arrive pas à croire que des ama teur savertis de littérature fantastique aient pulaisser autant d'erreurs dans leur traduc·tion d'Epouvante et surnaturel: l e châ ·telain d'Ütrante est rebap tisé Manfield ;Bürger, Maupassant et Th. Gautier voientleu rs t it res modif iés, tandis que ceux deVilliers de l'Isle Adam et Erckmaun·Cha·t ri an son t r endus méconna is sabl es ; e tque dire de ceci : « Victor BUBO, avecdes récits comme Han d'ldande, Balzac,avec Peau d'Ane, Séraphita, Louis Lom·bert emploient tous deux le à un plus ou moins grand niveau» (p.M) . Quel que soi t le traducteur du livre,tout cela n'est pas d'un « grand niveau D.

3. On a découvert une source de Love-craft dans l 'énorme Diable au XIX· liècledu Dr Bataille (l'Herne, p. 141·146) ; jeme suis demandé si Lovecraft , grand lec-teur s 'i l en fut, n'aurait pas lu également

le roman de science·fiction de Defonte·nay, Star (Cf. Raymond Queneau, Bmons,chiffre& et lettre&, NRF, « Idées », pp .261·272). Il est r egr et tabl e qu e, dansEpoutumte e t surnature l, d'excellentsauteurs comme J.-H. Rosny et MauriceRenard ne soien t pas nommés, et peuvraisemblable que Peter Ibbeuon ait étéomis involontairement.4. Ces d is se rt at io ns u sant d'un amphi.gouri à la mode sont heureusement peunombreuses dans « l'Herne Il qui des tex tes et témoignages des auteursconsacrés du genre {J. Bergier, H. Juin,F. Lacassin, T. Owen, M. Béa lu ) et desolides études dont la plus 10nBue et laplus remarquable es t d e Gér ard Klein.

CELESTIN FREINET

Pour l'écoledu peuplePAUL LAFARGUE

Le droit à la paressePIERRE JALEEL'impérialismeen 1970

WOLFANG ABENDROTH

Histoi re du mouvementouvrier en Eu ropeL. ALTHUSSER et E. BALIBAR

Lire le Capita lWALTER BEN.JAMIN

Essais sur Bertolt BrechtCHARLES BETTELHEIM

Planification e tcroissance accéléréeLa constructiondu socialisme en ChineN. BOUKHARINEe t E . PREOBRA.JENSKY

ABC du communismePIDEL CASTRO

Révolution cubaine. JEAN CHESNEAUX

Le Vietnam

REGIS DEBRAY

Révolution dans la révo-lut ion? e t autres essais

FRANTZ PANON

Les damnés de l a t er reSociologied 'une révolutionPour la révolutionafricaineM.I. FINLEY

Le monde d'Ulysse

LORAND GAIIPAR

Histoire de la Pales t ine

CHE GUEVARA

Le soc ia l isme e t l 'hommeŒuvres (4 voU

Générat V.N. GIAP

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Histoire de la Communede 1871 (1 vol. triple)

GEORG LUKACS

Balzac etle réa li sme frança i s

ROSA LUXEMBURG

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MALCOLM JI:

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La Quinzaine littéraire, du 16 au 28 février 1970 11

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PO*SIB

Poésie kabyletaire dans un hôp it al de Sœurs

Blanches. Il est ainsi inhumé

selon son vœu, en terre étrangère

Toute une période de l'histoire

kabyle s'exprime à travers la viede ce personnage haut en cou-leur. Les misères de la pauvreté

et de l'exil vécu sur sa propre

terre, sont l es principales inspira

trices de s a poé si e, transfigurées

au besoin pa r le kif ou l'alcool

Et seule la résignation religieuse

empêche la p ro te st at ion de se

muer en cr i de révolte.

LA LIBRAIRIE TSCHANN a le

plaisir de vous Inviter à rencon·

trer Albert MEMMI qui signera

"ensemble de ses l ivres à l'oc-

casion de la parution de son

roman LE SCORPION (Ed. Galli-

mard) le mercredI 18 févrIer,

de 18 à 20 h, 84, bd Montpar-

nasse, Paris-14°, DAN.-74-57.

Michèle Cote

Volontairement, le poète coule

son chant dans une forme fixe« l'asefrou », trois strophes de

trois vers où alternent deux

rimes seulement . Le l yr isme estcontraint, épuré. Plus suggesti

sans rappeler la manière des gra-veurs néolithiques du Sahara.

1. Ed. d e Minui t.

2. Respectivement pub li és en 1952, 6265 chez Plon.

3. Khammès = le métayer au' quin

(kham8â = cinq).

La particule Si qui précède son nom

n 'e st nul lement d 'o ri gine marabou·

tique, mais transmise par son père

f in let tré, qui l'avait placé dans une

zaouïa pour apprendre la langue

sacrée.

L'intérê t majeur de cet te antho-

logie réside dans le paradoxe qu e

souligne Mouloud MalllJlleri lui-

même: le p lu s p ers onne l des

poètes se trouve être le plus répan-

du . L'adéquation est parfaite entre

l 'expression poétique d'un homme

né pauvre parmi l es pauvres , et

la vision socio-politique de toute

la communauté dont. il es t issu. Il

ne s'agit pas de «reflet », mais

d'interaction, d'osmose entre les

s tructures de l'univers de l'œuvreet les structures mentales des

contempora ins de cet te œuvre .

pour avo ir r evendi qué son iden·

tité. De son histoire, la collectivité

kabyle n'avait subi pareil le muta·

tionet

atomisation:

ce qu i lu i fait ut il iser souvent une

métaphore devenue célèbre: lu i

moissonne , ras semble les gerbes

su r l 'aire, les bat... et nn autre

emporte le grain. '

Famélique, nomade, apatride,

i l le restera jusqu'à sa mort soli·

Qui jamais n'obtiennent ce qu'ils

désirent,

« le monde pour tous

a volé en morceaux»

Du jour au l endema in , on assiste

à l'exode vers la Tunisie, à l'in-

terversion des rôles économiques

puisque les honnes terres sont

confisquées au profit des Algé-riens collaborateurs ou des Alsa-ciens-Lorrains devenus Français

« Beaucoup qu i font vœ u de

dévotionRuissellent de péchésLors même que leur chape le t

ne qu itt e point leur couIls on t laissé le Koran pour

l'intrigue ».

Ainsi psalmodie le qu i

sait, ailleurs, fus tiger les « charo-

gnards » au pouvo ir , « la vale-taille » qu i a le vent en poupe e t

commande, les imposteurs poli-

tiques et religieux :

« Celui qui avait une paire de

bœufs

Devient khammès (3)... .Les hommes sont ramollis

comme des fruits mûrsCoupés e n deu x

Foulés aux pieds sur le sol ».

Si Mohand visité bientôt pa r

un ange qu i lu i assigne le destin

de rime r, e nt re e n poésie comme

on ent re en religion (4). Sa renom·

mée grandit . On l 'i nv it e de par-

tout et ses goûts de sybar it e pour

l'absinthe, la cocaïne et les fillesne sont imputés qu'à l 'enver s de

son génie. Il n 'en est pas r ich e

pour autan t ( ca r l es d rogues s on t

chères, les amour s vénales) , ni

heureux, ca r il se di t en proie à

un ma l secret (l'impuissance sansdoute ), que « Dieu seul connaît »'

et qui lui fai t d is tinguer deux

sortes d'amoureux: ceux qui on tdomestiqué (sic) leur bonheur et

les frustrés,

trement de la t ra di ti on o ra le : l a

difficulté d 'a tt ribut ion e t l 'abon.

dance des variantes ? Le chantre

est en effet toujours repris pa r sesaudi teurs qui participent du même

fonds culturel et peuvent aména-

ger le texte initial d'autant plus

facilement qu'illettrés ils ne peu-

ven t l e f ixer p,ar l 'écr iture , e t que

le poè te lui-même av ait fait vœu

de ne jamais se répéter.

Si Mohand répond pa r toute sa

vie au stéréotype dù poète dont

l'histoire confine à la légende,

dont l e « carm'en » est aussi bien

le vers qu e la formule magique.

Sa naissance, entourée d'un halo

mythique, revendiquée pa r plu-sieurs villages à l'instar des sept

cités grecques pour Homèr e, n e

peut pas davantage être datée pré-cisément, puisque l 'état civil, en

Kabylie, n'eut pas d'existence offi-cielle avant 1891. On penche néan-

moins pour 1845 et pour le ha ·

meau Icheraiouen, dans la région

de Tizi-Ouzou. Ni l 'une ni l'autre

de ces coordonnées n'est indiffé-

rente. Mouloud Mammeri en est

conscient q ui pr écise que cette

zone de piémont, «intermédiaire

entre une montagne aux coutumes

ancestrales vives et denses et une

plaine plus ouverte aux influencesdu dehors, é ta it donc plus per-méable aux aléas de l' his.toire ».

La date impor te aussi puisque

Si Mohand naquit à une époqueoù la Kabylie se sentait indépen-

dante, et que son adolescence fu t

marquée pa r les premières révol-tes de 1857 (la résistance du bas-tion kabyle) prélude au sursaut

épique de 1871 où elle est écrasée

La Quinzaine.""rat..

43 rue du 'rempl ,·. Paria 4,

c.c.P, 1.53 Paris

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M.

Vill.

Date

, Mouloud Mammeri

,Les isefra,poèmes de

Si Mohand-ou-Mhand

édit ion bi lingue

Maspero éd., 480 p.

Il es t en Kabylie un nom qu e

t ou t le monde connaît , don t t ou t

le monde vénère la légende : SiMohand-ou-Mhand des Aït-Iraten.

Lorsqu'en 1960 MQuloud Feraoun

avait fait par aî tr e en un recueil

bilingue les poèmes du c han tre

national (1), c'était grâce à Bou-

lifa qui avait, au début du siècle,collationné les poésies kabyles de

sa connaissance, qu'il avait enten-

dues chanter ou déc lamer pa r le

« meddah » lui-même, ses témoinsoculaires ou ses proches disciples.

Si Mohand n'est peut-être, d'ail-

leurs, qu'un nom plus prestigieux

que les autres, tant il est vrai

qu'« ici, tout le monde i l es t

poète», comme on le disait àSaint-John Perse en Guadeloupe.

Aujourd'hui Mouloud Mammeri

qu i enseigne Démosthène, Virgile

et la l i tté ra ture française à l'Uni-

versité d'Alger, et don t on n 'a va it

guère ent endu par le r depuis la

Colline oub li ée , l e Som mei l d u

Juste, l' Op iu m e t le Bâton (2),nous donne une édi ti on presque

savante des «isefra» de Si Mohand,

texte berbère en r egard de la tra-duction française. Presque savante,ca r comment déterminer l'authen-

tique de l'apocryphe, comment

établir scientifiquement un texte

l ors qu 'on but e s ur des obs tacl es

inhérents à tout esSai d 'enregis-

12

8/14/2019 Quinzaine littéraire, 89, février 1970

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Poèmes à jouer

La Quimùao Utténire, du 16 au 28 févn.r 1970

1

Jean Tardieu

Poème. ci jouer (Thétitre 11)Gallimard éd., 328 p.

Le. Porte. de ToileGallimard éd., 168 p.

Parmi les auteurs q ui o nt pro-

fondément modifié le fonctionne-

ment de la littérature, qu i on t

miné le langage du dedans, on

oubl ie souvent de citer Jean Tar-

dieu. C 'est peut-êt re qu'on ne sait

pas où s itue r cet écrivain discret,

ennemi des querelles, des mani-

festes, du tapage, et q ui manie

de la dynamite avec des -gestesrares et mesurés d'orfèvre hollan-

dais ou de mus ic ien de chambre.

Du côté d'André Breton, puisqu'il

es t avec celui-ci, Julien Gracq etLise Deharme l 'un des respon-

sables du très précieux c Faroucheci quatre feuille. :t? Du côté de

Queneau à cause d'Un mot pourun autre que les crit iques drama-

tiques qui aiment le long, le sé-

r ie ux , l e r epos an t, t iennen t pour

une pochade de cabaret ? Du côté

de Beckett, d'Ionesco et du théâ-

tr e de l 'a bsur de par ce qu' il n 'y ani action ni logique apparente

dans la Serrure ou la Sonate etles trois messieurs? C'est oublierque l 'œuvre de Tardieu est commeces pierres travaillées dont les facet-

tes peuvent bien refléter les nuan·

ces de la lumière, mais dont le du rnoyau est quasiment infracassable.

Réunissant des textes déjà con-nus et des inédi ts , l es deux volu-mes qu i viennent de paraître , l 'un

de théâtre, Poèmes ci jouer et

l'autre sur l'art, les Portes de

toile nous permett en t de mieux

saisir ce qu i fait, sous une

apparente dispersion, la singula-rité et l 'uni té de la démarche de

Je an Tard ieu . Qu'il écrive pour

la scène ou d an s les marges des

tableaux, Tardieu es t d'abord, et

radicalement, poète. Qu'il ai t pro-

fondément le sens du thé ât re et

du j eu , qU'il déchüfre la peinturemieux que quiconque au point

non pas d'en décrire, mais d'en

réinventer les lignes, l es mouve -ments, les résonances, ses Poè·mes à jouer et les Portes de

toile en témoignent, sans pour

autant nous autoriser à le dire

auteur dramatique (donc confrère

d'un quelconque Achard) ou cri-t iq ue d 'a rt. L e cri ti qu e di88èquedes œuvres, ' les rapporte à des

règles formelles , à un e histoire

-de la peinture ou à la biographie

de l'artiste. L'auteur dramatique

anime des personnages et tire lesficelles d'une histoire. Le critique

et l 'auteur dramatique s'efforcent

d'éclairer (une œuvre , un e situa-

tion), ils parlent à peu près un

même langage où l'explication, la·discussion ont l eu r large part. Les

mots pour eux sont des outilti.Pour Tardieu au contraire, il sont

l a mati ère pr em ière ; ils n'ont

pas pour fonction de t radu ire des

images, des émo ti ons, mai s de l es

faire naître ou d 'en répercuter

l'éch9.

Aussi bien ses pièces dont Syl-vain Dhomme, Pie rre Peyrou et

surtout Jacques Poliéri on t mon·

tr é l 'efficacité scénique sont-ellesmoins des drames que des ora·

torios ou des c poèmes à jouer :t.Lui·même le précise, la -plupart

d'entre elles ne comporten t pa s

d'action, mais présentent, à l'exem·

pIe d'une sonate ou d'une sym·

phonie, la combinaison d'un cer-tain nombres de thèmes poéti.

ques. En f ai t, t ou s le s text es d ra -

matiques de Tardieu n'ont pas le

même degré d'abstract ion. Certai·

nes pièces, notamment du Théâtrede chambre, conservent commeun fantôme d 'a ct ion. Le per son-

nage du Guichet qu i se heurte àl'absurdité de l 'a dmin is tr at ion,

qui es t détourné de son chemin

pa r cet te absurdi té même, reste

encore un personnage de théâtre ,passe pour victime d'une étrange

mésaventur e. Même dans lesTemp. du Verbe (Poème. ci jouer)où la réalité présente vacille, es t

comme envahie, et presque gom·

mée, non pa r la résurgence, mais

pa r la permanence du passé, et

cela à.cause d'un déréglement du

discours, d'un discours dont on

pou rr ai t d ire q u' il c retarde :t

comme une horloge retarde, une

histoire se dessine, des person·

nages s e déterminent les u ns pa r

rapport a ux au tres. Mais dans

rA.B.C. de notre vie, dans Rythme

à trois temps, comme dans la So-

nate et les Trois messieurs, l'his-toire disparaît au profit d'un pu r

échange de IlOns - et de signes.Sons du poème et bru it s de fonds,

voix bruissante d'un_ peuple ano-

nyme, mai s tour à tour aimant,

souffrant, se réjouissant, s'accor-dant au souffle du vent ou aux

rumeurs de la ville, s'ordonnent

selon- un e progression musicale,

naissent des corps des protago-

nistes et des choristes pour sedép loye r dans l 'es pace s céni que,

r épondre aux sollicitations lumi·

Jean Tardieu.

neuses, se marier ou s'opposer

aux lignes du décor, aux gestesdes acteurs. Ces paroles ainsi

nouées et dénouées dans le grave

ou d an s l'aigu, si insolites ou obs-cur es qu' el le s pui ss en t paraître,

sont p lu s que les figures d 'un j eu ,

elles sont comme l 'écho des mur·

mures du monde ou de nos rêve-ries secrètes. C'est ce que nous

signifie le c protagoniste :t à la

fin de L'A.B.C. de notre vie :

rai oublié le sens de. mot•.

Je ne .uis qu'un murmure .oulevé

par la joie,serré par la douleur.

Des mots? Moins que de. mots :de. sons, de. plainte., de. cris,

des 8estes de la voix,un murmure .ans paroleparmi d'autre. murmure••.•

Tardieu s ai t c ap te r, t ra nsme t·

tr e ces murmures. Cependant ,

aussi abstrait, aussi proche de la

musique qu'il soit, son théâtre es t

essentiellement scénique, appellele geste et le d ép lo iement d an s

l'espace. n suppose une incarna ·

tion des voix, une mise en scène

(et su r ce point les indicat ions

du poète sont si précises qu'elles

conduisent à un élargissement du

champ de l'expressio1l dramati·

que) non point r éa li st e, mai s

transfigurant l es é lément s de la

réalité, suggérant rapprochements

et métamorphoses . Sans doute

est-ce là , pour l e théât re contem·

porain, un appor t ext rêmement

preCieux, analogue à ce que fut

pour la peinture, la découverte

de l 'informel.

Rien d 'é tonnan t donc, si lapeinture, comme la musique, estchère à Je an Tardieu, si, dans

l'une de ses pièces les personna-

ges sont élans les pro-

jections lumineuses de toiles de

Braque, de Mi ro , de Chaga ll, s on t

t rans po rt és dans l 'uni ve rs de ces

peint res. Lorsqu' il parle dansles Portes de toile de Corot ou

de Georges de La Tour, de Satie

ou de Ravel, d'Hartung ou -de

Vieira da Silva, Tardieu ne pro-cède pa s autrement. Ses proses et

ses poèmes nous transportent: àcotIp sû r au cœur d 'une œuvre , de

sa tonalité ou de sa probléma

tique. Par le verbe, le poète chante

su r le même ryt hme, exp lo re le

même paysage, les mêmes figures,f ai t j ai ll ir les mêmes tr ille s ou

le s mêmes signes qu e les musi

«liens ou les peintres, -nous donne

A vo ir o u à entendre . Non poin

analyste, mais alchimiste, dans

les marges d'une œuvre picturaleou musicale, il en erée une autre

poétique, qu i se mire dans la pre-

lQière oU consonne avec elle.

Ces œuvres d'art, en définitive

comme il fait de la réa li té dan

son théâtre, il les transforme en

po ème. Comme Jac qu es Villon

dont il parle si bien, il accompli

l'acte néçessaire « pour que ce

monde devienne un autre mondesans cesser d'être ic i :t.-

Claude Bonnefoy

18

8/14/2019 Quinzaine littéraire, 89, février 1970

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Les revues

REivues françaises

ESPRIT

(N° 1 - Janvier 1970)Gros numéro consacré à l'AdmInIs-

tration et présenté par éasamayor.Rébarbatif pour qui n'est pas concernéde l'intérieur par ce problème. C'est

pourquoi, on apprécie le témoignaged'André Lepage qui raconte une expé-rience vécue de dégradation de lapersonnalité à l'intérieur d'une entre-prise privée.

LA REVUE DE PARIS(N° 1 Janvier 1970)

Entre une étude du général Beauf resur les modalités de la prochaineguerre et les souvenirs de Mgr Mob itsur son séjour à Madrid, André Pieyrede Mandiargues par le de Lermontov,l 'auteur t rès peu connu en France deUn Héros de notre temps.

RAISON PRESENTE(N° 13 - la trimestre 1968)

Ce numéro s'ouvre par un Appelaux prêtres du fameux Curé Meslier

dont les œuvres complètes sont enInstance de parut ion (1). Outre quel-ques études philosophiques, on retien-dra le texte du Dr Henri Bangou, mairede Pointe-à-Pitre sur Personnalité et

cul tu re aux Ant il les, synthèse rapide

(1) Ct. Mau ri ce Dommanget : Le Testamentdu cur6 Muller, Les Lettres Nouvelles, Julliard.

INFORMATIONS

Romans à paraître

Avec le Gé",ral de l 'armée mor te ,par Ismai l Kadaré, Albin M iche l nouspropose la première t raduct ion f ran-çaise d'une œuvre littéraire albanaise.Le livre parait avec une préface deRobert Escarpit et nous of fre , à tra-vers une int ri gue quelque peu maca-bre, une v ision inat tendue et pleined 'humour du petit peuple d'Albaniavingt ans après la seconde guerremondiale.

Dans la collection des «LettresNouvelles" (Denoël), on attend beau-coup du nouveau roman de GenevièveSerreau, Cher point du monde, dontle héros est un comédien profession-nel et un militant révolutionnaire(amateur) qÙi, tout au long d'un iti-néraire le menant de l'expérienceprémoni to ire de la mort à la réa li téde cet te mort , ne cessera de confon-dre le théâtre et la vie, son person-nage réel et son double imaginaire,l 'u topie d 'un monde réconci lié et larévolut ion truquée des technocrates,l'amour impossible et les compromis-sions de l 'amour vécu. Aut res titres :Anamorphoses, par Jean-Cl.aude Hé-mery, l'auteur de Curric ulum vitae(voir le n° 11 de la et

1f

mais à peu près comp lète de tou te lalittérature de la Mar ti nique et de laGuadeloupe.

L'AAC(N° 27-28)Numéro consacré à Joseph Delteil.

Interviews, témoignages, études, toutest di t sur cet écr ivain vigneron quioccupe une place bien à par t dans lal it té ra tu re contemporaine. Les nomsd'Henry Miller, de Montherlant, deCrevel , de Breton, d'Aragon, d'Ar ra -bal, de Jean Cau sont, parmi d'autres,non moins célèbres, au sommaire decette revue.

C'(N° 1)Une nouvelle revue trimestrielle de

poésie publiée à Paris, revue dont onne discerne pas encore quelle serason orienta tion. Des inf luences mul-tiples (e t contradictoires) s'y font

jour : André du Bouchet (chez Alain

Malclès), Henri Michaux (chez Châ-teaureynaud), René Char (chez Jean-Paul Seguin), Artaud (chez AndréDrean). De jeunes poètes qui cher-chent leur voix...

J.W.

Revues étrangères

Wyndham Lewis Special IssueLondres, revue Agenda, vol. 8, n° 1224 p., 67 reproductions

Toujours inconnu chez nous, Wynd-ham Lewis (1884-1957) est copieuse-

Ainsi des exilés, premi er roman deViviane Forrester ayant pour cadre unes ta ti on balnéai re de Belgique, juste

après la guerre, d ont les habitants.hantés par le passé récent, demeu-rent engourdis dans cette atmos-phère nostalgique qui suit les grandsévènements.

Deux premiers romans aux édi tionsdu Seuil : Graff ites , par J.R. Gaxie etYahia pas de chance, par l 'Algéri enNabile Farès. Signalons égalementun l iv re traduit du serbo-croate : lesVo leurs de feu, par Vuk Vtcho.

Chez Gal limard, on pourra lire unnouveau roman de Romain Gary,

Chien blanc, ainsi que la suite de laBâtarde de Vi ol ett e Leduc : la Folieen tête. Dans la col lect ion «Le Che-min" parait un premier roman deJ.A. Bourrec, la Brûlure et, dans lacollection «Du monde entier", unrecueil de contes 'de la romancièredanoise Karen Blixen, Contes d'hiver,ainsi qu'un récit poé ti que qui se pré-sente comme une so rte d'éducat ionsentimentale à l 'américaine: Cri dansle désert, par Franck Conroy.

Au Mercure de France, Olivier Per-relet, qui avait publié chez le mêmeéditeur. en 1967, un roman intitulé

Les peti tes f i lles criminelles (voir le

ment réédité et étudié en Grande-Bre-tagne depuis quelques années. La pa-rut ion d 'un numéro spécia l abondam-ment I llus tré de la revue Agenda mar-

que sa so rti e officielle du purgatoireoù i l se t rouvai t depuis deux ou troisdécennies. Ce n 'est que justice carLewis est l 'un des mei lleurs peint reset l 'un des écr ivains anglais les p lusintéressants de ce siècle; ceci é tantreconnu, on peut se l ai sser aller

l 'antipathie qu'inspirent le personnageet ses idées.

Il n'est cer tes pas commode de dé-fendre Wyndham Lewis, mais qu'espè-re donc l'un de ses crit iques l es plusenthousiastes, E.W.F. Tomlin, en s 'enprenant au communisme soviétique etchinois? A quoi sert de se réjou ir au-jourd'hui, comme C.H. Sisson, quequelques exceptions se soient trou-vées pour approuver Franco pendant la

guerre civile (des catholiques, Eve-lyn Waugh en tête, et Roy Campbellqui manifestait son originalité ens 'engageant dans les rangs f ranquis-tes) ? On peut se féliciter de l 'impor-tance et de la célébri té du triumvirat

Pound-Eliot-Lewis entre les deux guer-res, mais appelons un chat un chat, etce trio, des fascistes - ce qui n'em-pêche pas de saluer leur génie. Du-rant les années où T.S. Eliot se faisaitle porte-parole à Londres de Maurraset de l 'Action française, WyndhamLewis publ iait Hitler (1931). A l'ap-p roche de la guerre, El io t perd ra son

n° 30 de la Quinzaine), nous donneaujou rd'hu i, sous le titre du Dieumourant, trois réc its symboliquesayant pour thème la recherche del'absolu et la nostalgie de l 'ascèse,t andis que Miche l Vachey présen te ,après C'était à Mégara, un secondroman part iculièrement représentat ifdes recherches l i ttéraires actuellesla Snow. Aut res titres : l e Pistonné,par Claude Berry, l 'auteur-réal isateurdu Vieil homme et l 'enfant, qui a tiréde ce p remier li vr e un film à paraitreprochainement sur les écrans pari-siens; Tro is contes, première œuvrede François Lejeune.Chez Rober t Laf font où, dans la col -

lection • Pavillons", parait un nou-veau· roman de Graham Greene :Voyage avec ma tante, on annonceégalement un court récit de FrançoiseXénakis dans la lignée de Kafka :Elle lui d i ra it dans l'île et un premierroman : Point virgule, par EvelyneSoren.Chez Grasset, Yves Buin, l 'auteu r

des Alephs (voi r les nO' 10 et 51 dela Quinzaine), publie la Nuit verticale,tandis que Françoise MaHet-Jorispublie, sous le titre de la Maison depapier, une chron ique inspi rée de sav ie fami li al e. Dans le domaine étran-ger , on pourra également l ire, traduit

de l 'i ta li en , Madame al le r et retour,. par Lisa Marpurgo et, t radu it du por tu -gais, l'Instinct suprême, par A. Fer-rei ra de Cast ro .

enthousiasme et Lewis fera amendhonorable. Soi t, ma is l 'homme qu ipu intituler un l iv re Les Juifs sont- Ifhumains ?, dont seule la bibliographie

d'Agenda fait é ta t, ne saura it j amaien être blanchi.

Wyndham Lewis fut d'abord un peiptre. Sa revue Blast (1914), à laquelleKandinsky collabora, était destinée à

défendre la peinture nouve lle et lesidées de Lewis en mat ière d 'art . Lewisa dit son admirat ion pour Picasso eChi ri co (p lus tard, I l céléb rera aussMax Ernst et Yves Tanguy), et cesaffinités marquen t aussi dans quelsparages peut se situer son œuvreVers 1912, Lewis peint des abstractions géométriques et combine les inf luences du cubisme, du futur isme e

de l 'express ionnisme pour about ir à

un art très par ticu lier qu' il nommevortlclsme, Isme dont il sera, avecpeut-être le sculpteur Gaudier·Brzeska, le seul représentant.

Ces tab leaux vort lc lstes formenl 'une des périodes les plus intéressantes du peintre, des œuvres d'unestructure très élaborée, très sculptu-rales, culminant avec la sér ie inspiréepar Timon d'Athènes. C'est au coursdes années 20 et 30 que Lewis se ré-vélera l 'un des plus grands por trai tistes du xx· siècle: por ta its de T.SEliot et d'Ezra Pound, et le féroce por-trait d'Edit h S itwe ll de la Tate Galle-ry. Le graphisme des œuvres de sadernière manière fait parfois songer à

André Masson mais, dans son ensem-ble, l'art de Lewis res te unique et nepeut être déf in i par que lque rappro-chement ou étiquet te de mouvement

C'est grâce à sa revue BIas t, qu'idirigeait avec l'aide de Pound, queLewis en vint à la l it té ra tu re . Plusieurs des grands pei ntres de notre

époque ont écrit; il n'en est guèrecependant dont les écr its peuvent ba-lancer l 'œuvre picturale. C'est pourtant le cas avec Wyndham Lewiscomme avec ses compatr iotes Will iamBlake et D.G. Rossetti. Son œuvrecomporte des essais, des romans, despoèmes, plus de trente volumes, deTa " (1918) à The Red Priest (1956)- fe Prêtre rouge! seuf quelqu'und'aussi éloigné du socialisme queLewis pouvait forger un pareil concept.

On n'en finirait pas d'énumérer toutce qu'a combattu celui qui se bapti-sait lui-même l 'Ennemi: « le cult e desenfants, le snobisme littéraire, l'homo-sexuali té, l ' idolâtr ie de l 'inconscient,l'exaltation et l'exploitation simultanéedes Noirs, le jazz, les romans poli-cers ... " Moins nombreuses que sesavers ions, les affections de l 'écr ivain

n 'é ta ient pas moins d iscu tables . Sesmeil leures œuvres sont cel les où lesidées sociales et pol it iques sont ausecond plan. De l'un de ses livres,Lewis disait au lec teu r : « je vous pr ied'oublier sa pol it ique , si vous la t rou-vez détestable ". Faute de pouvoirl 'oubl ie r, i l f au t s 'e ff or ce r de n 'y paspenser en lisant ses romans : Ta",The Revenge fo r Love, Self Condem-ned ou bien son unique recueil devers, l'étrange One-Way Song; de lamême façon qu'on regarde ses toiles

sans arrière-pensée. Car, en dépit detou t, Wyndham Lewis fu t un hommede génie.

Serge Fauchereau

8/14/2019 Quinzaine littéraire, 89, février 1970

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L'oubli du livre

pl r MICHEL WINOCK pl JEAN-PIERRE AZEMA

déjà paru:

LA ,. " REPUBUQUE par ALBERT SOBOUL

LA Il''''' REPUBUQUE par LOUIS GIRARD

LA IV"'" REPUBUQUEpar JACQUES JULLIARD

CALMANN-LÉVY

NAISSANCE ET MORTDE...

LA IlleREPUBLIQUE

Philippe Boyer

nom oublié, mémoire de cet

oubli : « nous partons de ce qu i

fut oublié. Le livre se fait à parti r

de l'oubli du livre. » C'est à re-prendre l a l angue première , celle

de l a mère, à la pétrir, à en chan-

ger l'ordre, que le livre apparaît.

Mais l'interdit qu i pèse sur lui le

soumet à l 'exigence de sa propre

perte.

Elya tu e Yaël, le livre tu e le

l ivr e. Mais au ss i la naissance du

liv re tu e la mèr e du livre. Et celui

qui tue , c 'e st celui qui fait le livre.

Le prix du livre e st exige nc e d e

ruine, exigence de crime. « Ah ,

combien de fois es-tu morte pour

le livre? En te supp rimant , j e

m'identifiais à chacune de ses

pages, je m'appropriais Elya.»Cette appropriation fait apparaître

aussitôt que r ie n j amai s n'appar.

t ient . E lya comme image du désir

de Yaë l, s e substituant à elle, de-

vient ce lieu de l'autre où l e l iv re ,

en ce qu'il se manque à lui-même,

ne se donne à lire que comme

question. n s'articule des portes

qu'il ouvre et non de cel les qu'il

ferme : « un l ivre , tel le une suc·cession de portes, dont le passage

de l 'u ne à l'autre est seul à dire,

seul à lire. » Entre les portes le

silence es t à l 'œuvre, porteur de

signes, porteur de traces.

Et si, parlant du livre, on n'ena rien su dire, alors peut-êt re en

aura-t-on repéré pa r hasard, et

sans même le savoir, une port e

possible.

Edmond Jabès.

au le sacrifice de sa voix. IlSacrifice de cette voix qui est

c omme le r efl et d e la voix mater·

nelle. La naissance est la première

lIDort et l e premier c rime . Le pre-

lIDier cr i aussi. Elya, enfant mor t-

né d'un impossible inceste, est ce

Jlivre des premières traces, contem·

1P0raines du premier cri. Mais ces

1traces sont déjà la marque de

JI'exil, posées sur le corps pa r un e

lIDain étrangère, anonyme, avant

lIDême que la main de la mère

vienne marquer son bien.

Elya es t encore ce livre qui

efface Yaël comme livre et comme

lIDère. « Après "Yaël", "Elya";

après la parole à l'affût du livre,

ile livre du refus de la parole. » La

DDère es t parole à l'affût de l 'en·

lant, ce texte p récédan t tou te

lParole. Elya refuse la parole pour

re trouver l 'écr iture de son nom;

Mémoire de l'arrièr.

livre

Yaë l, d ev ient l 'ordre du livre,

Elya, l 'enfant mort-né d'un amour

impossible. Mais l 'ordre de Yaë l,

nom d'origine, c 'es t peüt-être' aussil 'ordre de ce Dieu absent dont

l 'histoire juive por te l e nom dans

sa mémoire et son oubli : nom de

désir, nom interdi t. Et le livre,

enfant mort-né, « c'est-à-dire mort

afin de naître» ouvre à l 'ordre

d'un nom propre qu i est celu i des

premières traces : là où la mort

de D ieu est naissance du désir.

Ainsi, ce que raconte le livre,

c 'e st tou jours et obstinément ce

qu'il es t : mémoi re de l'arrière-livre perdu depuis toujours.

« D'une entreprise qui n'a cher·

ché qu'à se libérer du j oug de laparole et qui, un jour, s 'est enlisédans ses marécages, je n'aurai riensauvé ». Ecrire, c 'es t se libérer de

la parol e, t en te r de l 'e ff ac er jus-

qu'à cette arrière-parole qu'est

l e c ri d 'o ri gi ne , cri de mort et de

naissance. « Ne crois pas que le

livre, qui n'est pas épargné no n

plus par la. malad ie , d isparaisseavec le l ivre. I l ne meurt que dansson filigrane. Et nous savons qu'il

nous incombe d 'a ller le chercher

au-delà, où il nous restitue notre

univers écrit. » Cet univers écritque t en te de rejoindre l 'homme de

la Let tre, n'est-ce pas finalement cenom du désir qui n'a pa s de nom ?

Le l ivre de Jabès s 'inscr it d ' év i·

dence dans l e champ de l 'h is to ir e

et de la culture juive. Mais ce

seJ:'ait encore masquer l 'enjeu du

l iv re que de l e r édui re à sa seule

inscription historique. Dire ic i qu e

le juif es t d'abord homme d 'ex il ,

c'est aussi faire ouverture à la mé-

moire de cet autre exil qu' es t l a

naissance - pour chacun d'entre

nous. « Car être juif c'est, à lafois, s'exiler dans' la parole et

pleurer son exil. Le retour au livre

est retour aux sites oubliés. » Exildans la parole du Christ qui, se

faisant entendre, occulte l'écriture

dont elle es t né. Exil dans la

parole de l a mère. Les sites oubliés

sont aussi ceux des premières ins·

criptions, des premières traces ins-

crites snr le corps mémoire

d'écriture. Le livre est au prix de

perdre la voix, la paro le p le ine e t

c ha ud e d e la mèr e. C ar il s'agit

bien d e r emon te r d er riè re l a pa-

role pour tr ou ve r l a tr ace : « le

livre est le l ieu où l'écrivain fait,

Parler du livre de Jabès pour

l'ouvrir plutôt que pour le fermer,

exige d 'a bo rd qu' on ne s 'embar -

rasse d'autre intention que de n'en

rien d ir e, o u de dire à p ropos de

ce rien. Suivant ainsi la voie tracée

pa r l e l iv re , comme impossibilité

et comme absence. Alors seule-men t, r is quan t pa r détour de le

rejoindre. L'attente, l 'oubli . Le

titre de M. Blanchot devient ainsi

mode de lecture. Et si l 'on veut

encore parler de réc it , aux confins

de l'histoire (juive) et d'un désir

(muet), ce serait l 'his toire du livre

lui-même qu'il faudr,ait évoquer,émanation d'un premier livre, ori-

ginel et toujours perdu, et comme

en écho, l'histoire de . celui qu i

écrit : s 'y per dant et perdant le

l ivre pour s' y t rouver e t l e t rouver .

Cette difficile remontée aux

sources du liv re se fa it sans hâte

ni souci, mais plutôt pa r retenue

et réserve ; ne laissant su r l a page

que l'amorce d'un chant dont le

s il en ce e st l 'écho; ouvrant des

portes vers les marges blanches.

Elya, c'est un livre et un nom.

Comme Ya,ël. Les l et tres sont les

m·êmes, à l'ordre près. Un livre

pour effacer un livre. Un nompour effacer un nom. Parce

qu'écrire, c 'e st tou jours réécr ire,

c 'e st tou jours effacer. Effacer la

parole aussi , cel le de Yaël, femme

d'origine. « Lorsque nous nous ren-contrâmes, Yaël, bien que tous

deux jeunes encore, nous étionsarrivés au t erme de notre errance ;toi, dans t on deven ir d e parole et

moi, dans celui, parallèle, me de la Lettre. »

y aël, dans le l ivre précédent,

était la femme de la parole pero

due , mémoi re d'un nom qui es t à

l'origine du monde: l e nom d'une

femme, e t d 'u ne mère. L'homme

de la Lettre, celui qu i écrit,s'efforce de r et en ir , en ces mots

rares venus s 'inscr ire sur la page,

la mémoire d'un livre toujours

perdu : arrière-livre, comme gage

et possibilité du l iv re . A in si le

livre n'est jamais que la porte du

livre, et ch aq ue mot, porte d'un

mot p er du . Le l ivr e se fait enten-

dre, en un imperceptible murmure

des marges, à fleur de mémoire

attentive et dist rai te . Et il se fait

entendre précisément à ce moment

privilégié où l'ordre de la mère,

1

dmond J abès

Elya

Gallimard, éd., 192 p .

La Quinzaine littéraire, du 16 au 28 février 1970 lS

8/14/2019 Quinzaine littéraire, 89, février 1970

http://slidepdf.com/reader/full/quinzaine-litteraire-89-fevrier-1970 16/32

AB'I'8

Avant-garde

1

Pier re Cabanne e t P ie rr e

Restany,

L'avant-garde au XX" siècle.

Balland éd., 474 p.« L'avant-garde existe, nous

l'avons rencontrée. »

Cette « dévote» paraphra!le ou -

vre un long dialogue en guis e d e

préface de MM. Cabanne et Resta-

ny au cours duquel ils tentent de

cerner la nature de ces moments

de créat iv ité qu'on appelle avant-

garde tant qu'ils n'ont pas été re -

connus et accepté8. Pou r P ie rre

Cabanne, il s 8eraient un e rupture

sociologique, pour Restany un e

rupture de langage.

N'entrons p u dam le débat,

puisqu'aussi bien l 'un e t l 'a ut re

sont d'accord pour affirmer qu e le

bilan qu 'i ls publ ien t reflète avant

t ou t l eu r attitude pe1"8onnelle de-

vant les «moments, les pe1"8onna-

lités, les mouvements d'avant-gar-

de depuis le début du siècle )).

C'est donc un cho ix p lu s qu'un

bilan qu'ils propo8ent à travers

soixante-douze art icles classés al-

phabé tiquement, t ren te -huit à

Pierre Cabanne contre trente-trois

à Res tany , l e soixant e-douzième

- et premier puisqu' il s 'agi t de

l 'abstraction lyrique - leur étant

commun.

Voici, assez doctement énoncé

p ar P ie rr e Rest any, commen t a

ét é fait cet équitable partage :

« Une 'ois reconnue la dimensionobjective du temps, deux attitudes

sont possibles : être l' horloger de

l' histoire qui a tt end que sonnent

les consécrations, ou s'engager

pleinement dans l'aventure du

langage, dans le prés ent d e la

communication. C'est ce que nous

avons laït dans ce livre, dans lalogique de nos personnalités et de

nos options respectives. ))

Il n' y a pas à s 'y t romper . B ien

qu'il lu i arrive d'avancer sa pen-

dule et de chiper Warhol, le hard

edge et le cool art à son compère,

Pierre Cabanne es t bien l 'horloger

en question , mais pour ce qu i es t

de l'histoire ce serait plutôt AlainDecaux. La période qu'il a prise

en charge, du d ébut du siècle jus>

que vers 1945, il la raconte beau-

coup p lus qu'il ne l 'analyse et , de

ce fait il écrit le plu s banalement

du monde le roman de l 'a vant -

garde, te l que b ien d 'aut re s avant

lu i l 'ont fait. Rien n' y manque.

Sou tine est « le peintre crasseuxet lamélique de la Cité Falguiè-re », Diaghilev répond à Cocteau

« Etonne-moi )), Paul Guillaume

invente les bals nègres et Sonia

Il

Delaunay prophét i8e l 'avènement

du prêt-à-porter.

Il semblerait pourtant qu e Ca-

banne se veuille plus h ard i q ueses devancie1"8. Il n ' hé8i te pas en

effet à compter au nombre des

pe1"8onnalités qu i pour lu i corres-

pondent à des é ta pe s- cl és de

l 'avant-garde, Aubrey Beardsley

dont « le principal titre de gloire

est d'avoir tenté de 'aire, avant le

surréalisme et Bacon, l'éducation

sexueUe des Anglais)); Gaudi

Cl qui n 'a pas lait avancer l'archi-

tecture d'un pas»; Gertrude

Stein et ses frères dont on sait

qu'ils soutinrent exclmivement

Picasso, Matis!le et Juan Gris, les-

quels ne figurent qu e pa r la bande

à son ilITentaire. Et pourquoi cet

éreintement de Balthus dont on sedemande bien ce qu'il a à voir

avec l 'avant-garde?

Pierre Cabanne reproche à

« l'esthète passéiste Malraux )) son

Musée imaginaire. Pourquoi pas !à chacun son musée , mai s le sien

ne 8erait-il p as le mus ée Grévin?

Il en va t ou t aut rement avec

Restany. Lui, ce sont ses campa-

gnes qu'il raconte et personne ne

songera à le lui r ep ro ch er . I l e n

a le droit. L'avant.garde, il y par-

ticipe, il la vi t avec l'impétuosité,

la fougue que l 'on sait. Il es t un

de ces critiques promoteU1"8 qu i

o nt animé les arts pla8tiques de-

puis vingt am . Lo1"8qu'il parle des

biennales ou des galeries expéri-

mentales, c'est en connaissance de

cause et en ce qui concerne Klein,

Arman, Raysse et quelques autres,

c'est à lu i que le s futurs horloge1"8

de l 'his toire auront recours, non

pour savoir s' i ls portaient les che·

veux longs ou cou rt s, mais pour

connaître le sens de leurs recher-

ches, de leurs manifestations.

Certes, i l f au t f ai re la part de

!leS enthousiumes excessifs, de ses

out rances verba les (Cl César, lemoderne démiurge du polyurétha-

ne )), « La grandeur de Fautrier,c'est celle de l'insurgé vain-queur ))) il

n'enre ste pa s mo ins

qu'il introduit - de façon par-

tielle et volontairement partiale,

mai s i l le revendique - aux mul -

ti pl es forme s q ue re vê t actuelle-

ment ce qu'il est encore convenu

d 'appele r a rt .

Malheureusement , cela ne sau-

rait suffire à justifier pareil ou-

vrage qui ressemble par trop à un

recueil factice de fonds de tiroir

ou de textes écrits à la hât e, que

seul en effet, l 'ordre alphabétique

pouvait ra88embler. Marcel Billot

1

Fernand Benoit

Art et Dieux de la Gaule

314 photos et 4 car tes

Arthaud, éd., 200 p.

Dans un vaste domaine del'archéologie, notammentpou r les obscures pér iodesde la pro tohistoi re , l'art est

le principa l et souvent leseul ins trument de connais-sance à l 'a ide duquel on par-vient peu à peu à déchiffrer

les modes d'existence et depensée des peuples dispa-rus. Le titre même de l'ou-vrage de Fernand Benoit, Artet Dieux de la Gaule, estrévélateur de cet te ind isso-

ciable union des croyancesde l'homme et des formescréées de sa main.

C'est souvent à partir de lamort, c'est-à-dire à par ti r de ceque nous ont livré les nécro-poles, que la vie s'anime auxyeux de ces sortes de nécro-manciens que sont les archéo-logues. Leur tâche n'a pas étéfacile en ce qui concerne unecivilisation aussi dispersée etinstable que le fu t le mondedes Cel tes.

La complexité des mouve-ments de migration en Europeoccidentale a été telle Qu'il es timpossible de savoi r avec pré-cision comment se sont for-mées les zones de populationles plus stables à l'époque dela grande expansion cel ti que,entre le V," et le Il'" siècleavant J.-C. Pour mieux compren-dre sur Quelles données et sur

Quelles incerti tudes se fondentl'histoire et la géographie dece Que furent, à l'époque deleur indépendance, avant l 'i n-vasion romaine, les peuplesque, faute d'une mei lleure dé-

nomination, on appelle gaulois,il serai t profi table de commen-cer par lire l'ouvrage de GuidoA. Mansuelli sur les Civilisa-

tions de l'Europe ancienne (éga-Iement publié chez Arthaud).

On y trouvera une utile ap-proche des prob lèmes étudiéspar Fernand Benoit.

A partir de l'occupat ion ro-maine, tout devient plus facile

pour l'archéo logue et pourl'historien, encore que leschroniques contemporaines ne

puissen t ê tre utilisées sanséclaircissements et que beau-coup de pierres n'aient pas

livré leur secret. Nous ne con-naissons aucune littérature desCel tes du continent , et cellesde la Celtique insulaire, gal-loise et irlandaise (les poèmesépiques des Mabinogion) , neremontent pas au-delà du hautMoyen Age. Des poèmes chan-tés par les druides ne noussont parvenus que des échoschez les auteurs romains. Ettout ce qui peut être di t au

sujet de leur religion se fédult

à quelques aperçus sur le cul te

des ancêtres et sur la croyanceà la survie. Même plus tard, àl'époque d'une imprégnationromaine des cultes, la part desurvivance d'un.e magie Indo-eur.opéenne devai t Int rodu iredans l'imagerie sculptée dessanctua ires bien des é lémentsdemeurés mystérieux.

Aussi, lorsque César, dansses Commentaires de la Guerredes Gaules, citait les dieuxadorés par les Gaulois: Mer-cure, Apollon, Mars, Jupiter,Minerve, nous devons compren-dre qu' il n 'était pas en mesurede découvrir en quoi les dieuxainsi nommés se différenciaientprofondément de ceux qu'ils

avaient en par tie empruntés àla théogonie gréco-romaine.

Pluralité

des iDflu8nOH

Le reflet de ces conjoncturesspirituelles apparaît dans l'ar

gaulois en même temps ques'y révè lent les divergencesesthé tiques dues à la p lu ra li tédes inf luences qu i ont orientéses créations. Ce manque d'unité a été pendant longtemps lacause d'un désintérêt des historiens de l'art, sauf en ce quconcerne les monnaies où s'es

manifesté le style gaulois leplus original. Pour Fernand Be-

noi t, une continu ité cel tique sedégage à t ravers les sty les suc-cessifs qu'il étudie à partir desœuvres les p lus primitives quela terre gauloise ai t recéléesIl constate ainsi la persistancede certains caractères d'originepréhistorique et l'utilisation demotifs et de symboles • barba-res. (le chien et la tête cou-pée) prolongée jusqu'à l'épo-que romanisée.

8/14/2019 Quinzaine littéraire, 89, février 1970

http://slidepdf.com/reader/full/quinzaine-litteraire-89-fevrier-1970 17/32

La Gaule et ses· dieux

Dans le réperto ire iconogra-phique très étendu, les inten-t ions symboliques ne sont pastoujours ident if iables, surtout

l orsqu'el les se cachent dans lapure abstraction des signes,héritée du langage magique. Leculte du héros, apparu dèsl 'époque mégal ithique avec lesstatues - menhirs, nombreusesen Corse (où elles ont étél 'objet d'une étude approfondiede Roger Grosjean) (1), se re-t rouve avec les cavalie rs com-bat tant de Glanum et l es f igu-res de guerriers, découvertes àEntremont, cette capitale del 'archéologie cel tique méridio-nale. Ce sont encore des guer-riers qui participent à unescène d'initiation ou de résur-

rection sur les parois du chau-dron de Gundestrup trouvédans un marais, au nord duJutland, mais dont l 'origine es t

restée ignorée. Le beau décoren relief d'argent se réfère authème du «chaudron d'immor-tal i té. que l'on voit entourédes dieux de la mytholog ie cel-tique avec leurs attributs:roue de Taranis et maillet de« l 'Assommeur., libérateur desâmes. Toute une zoologie fan-tastique y est aussi f igurée, legriffon et l 'hippocampe ailé voi-sinant avec le serpent des di-vinités chtoniennes.

Le style à la fois réaliste etsynthétique du chaudron deGundestrup se différencie, parsa finesse, des styles étrus-ques ou hel lénist iques qui ont

apporté leur contribution etsouvent leur lourdeur à lasculpture gallo-romaine. Mais

ce lle-ci, dans son évolu tion du1" au lue siècle, s'est affirmée

par une technique de la sta-tua ire qui a joute à ses sourcesromaines un génie particulier.

La force, par fo is la sensual ité,des bas-rel ie fs de mausolées,annoncent la formation d'unar t qui trouvera son p le in épa-

nouissement au Moyen Age.Ceux qui ont eu la chance de

voir, cet été, l 'expos it ion desTrésors de l'Art champenois auMusée d'Art et d'Histoire deFribourg ont pu remarquer enmême temps que de très bellespièces du xv" et du XVI" siècle,une série de scu lptures gallo-romaines provenant du MuséeSaint-Didier , à Langres. A côtéde divini tés dont les figura-tions ont été si bien étudiéespar Fernand Benoit : Epona et

Masque de Tarbes.

son cheval, le Dieu cornu, leDieu au mai llet , etc. , un Bustemasculin, montrant non plusl'effigie d'un dieu mais le por-trait d'un homme vêtu d 'une pè-lerine à capuchon, était un ex-cellent exemple de cet ar t qu'ilne semble pas trop prématuréd'appeler pré-roman. On sent

par quel caractère monumentall'œuvre se rattache encore àl'antiquité et par quel goût

d'une observat ion sensible lesculpteur appartient déjà à lagrande époque de la scu lp tu remédiévale.

Par ces pierres sculptées,dont beaucoup sont demeuréeslongtemps dans l'ombre dé-se rte des musées d'archéolo-gie, et que des travaux plusattentifs commencent à éclaI-rer d'un jour meil leur, nous ap-paraît de plus en plus instruc-

tive et enrichissante l'explora-t ion de la grande nuit gauloise.

Jean Selz,. Roger Grosjean, La Corse avantt'histoire (Klincksieck, 1966).Sur la conquête par les Celtes del'Europe occidentale à l 'âge du fer , surleu r place dans l 'évo lu ti on de la civi -lisation occidentale. sur la survivancede leurs mythes et de certaines valeursfondamentales. on l ira u ti lement l 'ou-vrage qui vient de paraître de JeanMarkale: Les Ce/tes et /a civilisationceltique. Payot. éd., 492 p. (N.D.L.R.).

La Quinzaine littéraire, du 16 au 28 février 1970 1'7

8/14/2019 Quinzaine littéraire, 89, février 1970

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B 8 8 A I

La nouvelle

La tâche du c r it i q ue c o n si s te à reforger le s maillons

r o m pu s d ' un e chaine rattachant la création à la connais-

s a nc e, l ' ar t à la science, le mythe a u concept.

Northrop Frye

Anatomie de la critique

Traduit de l'anglais

pa r Guy DurandColl. Sciences Humaines,

Gallimard éd., 455 p.

c'est dans l'optique desefforts décisifs que fait la cri -tique littéraire depuis unevingtaine d'années pour cons-tituer son propre objet qu'ilfaut considérer les mérites deces essais dont la publicationaux Etats-Unis remonte à1957. L 'in té rê t de ce t ravailréside principalement dans lagageure qu'il tente de- soute-ni r à propos de la cri tique l it -térai re dont Frye veut struc·turer l'édifice à la fois globalet autonome.

Rien, en effet, n'apparaît plus

capital pour l 'aveni r de ce type

d'écriture qu e de se remettre en

question p ar r ap po rt aux aut re s

types de discours. On sait aussique cet « exercice» a longtemps

ét é considéré comme « parasi-

taire » vis-à·vis de l'œuvre « créa.

trice D.

I l s 'a gi t t ou t d'abord pour N.

Frye d'un problème de délimita·tion d e champ. Son désir est de

constituer une « grammaire » spé-

cifique du discours critique pero

mettant de le dissocier du langage

c ré at eu r q ui es t l'objet de ses

énoncés. Ces « clefs de composi-

tion» ne doivent pas non plus

recouper les autres «grammaires»,

cel les des sciences humaines pa r

exemple. Pour lu i, l a c ri tique doit

être pa r rapport à l'œuvre, ce que

la philosophie es t à la sagesse,

c'est-à-dire un domaine de ré fl e-

xion indépendant. Ce sont les

langages mathématique et musical

qui semblent les plus appropriés à

isoler la critique des autres formesde discours, en raison de leur ri -

gueur et de leur absence de conte·

nu émotionnel. Mais ce sont encore

des formulations idéales.. .

En f ai t l es essais contenus dans

ce livre se fondent sur les dist inc·

t ions formulées pa r Aristote dans

sa Poétique et sa Rhétorique,

d'une part, et sur la pensée Tho·

miste, d e l'autre, et l 'apport de

l 'es thétique allemande, préfich-

téenne. Les quatre grands chapitres

18

qu'il présente concernent respec.

tivement : l a c ri ti que historique

(théorie des modes), la c rit iq ue

éthologique (théorie des symboles),la crit ique des archétypes (théoriedes mythes) _et la critique rhéto.

rique (théorie des genres). Les

exemples littéraires sont pris pour

la plupart dans la littérature

anglaise (on sait qu e les autres t ra-

vaux de Frye portent principale .

ment su r Shakespeare, Milton et

Spencer) et sur tout dans l 'Anc ien

Testament qui apparaît comme la

source pa r excellence, l'archétype

privilégié don t s on t issus tous les

autres mythes, symboles et méta-

phores de la littérature dans son

ensemble.

Partant comme Aristo te des ori.

gines formelles de l 'art , Frye re-prend l 'étude des modes tragique,

comique et ironique de l'œuvre lit-

téraire en utilisant les niveaux de

caractérisation de s pe rso nna ge s

selon un e axiologie rationnelle :

dans la mimésis supérieure, le

héros es t D ieu ou c ompa rab le à

lui , l 'œuvre relève alors du mythe,

les demi-dieux donnent l'écriture

des légendes, l e héros t ragique, la

tragédie et l 'épopée. Dans la mi-

mésis inférieure, on t rouve l'hom-

me moyen de la comédie, de la

satire et de l 'i l' on ie . Le mode t ra -

gique souligne l 'aliénation du pero

sonnage pa r rappor t à son groupe

social, la comédie relève au

con tr ai re de son intégration au

groupe. D'une manière générale,les modes supér ieurs t endent àl'impossible, au r êv e d e l'homme,

alors que le mode inférieur

demeure p lu s p roche de la réalité

quotidienne.

Le mode thématique qu i es t

celui de la pensée (diano'ia) s'op-

pose au mode imagina ti f des

mythes (mythos) et à celui de la

s i tuation morale des personnages

(ethos). Dans son développement

historique la création littéraire a

progressivement évolué du mode

imaginatif vers le mode théma-

tique, c'est·à-dire de l'a_ffabulation

encyclopédique et oraculaire à

l'écriture de fiction « thématique »qui i ronise su r des situations par-

ticulières et humaines .

Frye fait appel aux quatre

niveaux de l a c ri ti que médiévale

( l it téral , a l légorique, éthique et

anagogiq ue ou mys tiq ue) pour

env isager l es n iveaux de signifi-

cat ion de l'œuvre du poi nt de vue

de sa polysémie fondamentale. Le

symbole peut être littéral ou des-

criptif : il es t a lors une s tructure

verba le minimale renvoyant à la

finalité interne de l'œuvre. Le

symbole abstrait le germe hypo-

thétique qu i es t à la base de tout

discours littéraire. Les complexes

d'images contenus dans un poème

sont la matière, ou texture à la ·

quelle s'attache l 'éco le de la «Nou-

velle Critique » américaine. Celle.

ci considère l'œuvre c omme une

« s tr uc tu re amb iguë de motifs

enchevê tr és» dans 1 e s q u e 1 s« l'image récurrente » du symbole

renvoie à des rapports internes.

C'est, pour Frye, une cri tique de

commentaire qui refuse de remon-

te r aux sources véritables des

images. En effet, s'il y a tautologie

de l'œuvre pa r rapport à elle·

même, e ll e se situe à un niveau

plus profoud et les point s de vue

heuristiques, pour inépuisables

qu'ils soient, doivent «remonter»

dans l'univers des image s signi-

fiantes jusqu'aux instances d'ordrearchétypal.

Considéré comme fondamental,

l'archétype est « l'agent symbo-

l ique de l a communication» à tra·

vers les âges; (le symbole n'en

représente que l'élément instan-

tané) il révèle une unit é organi-

qu e « semblable à l 'unité organi.

que de la nature Jl . Sans accréditer

l'existence d'un inconscient collec-

t if immanen t à la création litté-

raire (celle-ci es t t ou jour s pou r

Frye, comme pour Aristote

« l'imitation d'une action et/ou

d'une pensée) l 'auteur remont

• la chaîne symbolique des image

signifiantes» (comme la croix, oula couronne) dans une opti qu

jungienne et analyse successivement les imageries « apocalypt

qu e », « démonique », et « analo

gique ». Tous ces ensembles se rac

cordent à une totalité archétypal

qu i fonctionne comme un ordr

naturel et dans lequel se situe l'af

frontement originel entre l e dés i

et l a réa li té , le rituel et le rêve

Les mythe s s on t a lo rs des arché

types « déphasés » ou désacralisé

qu i « descendent» au cours d

l'histoire depuis le niveau du divi

jusqu'à celui de l'humaine condi

tion sous l'égide de grands cycles

tell! ceux de la naissance et de lmor t, ou celui des saisons.

Dans son quatrième essai, Fry

propose une c lass if icat ion de

œuvres d'art à partir des troi

autres catégories aristotélicienne

concernant la «musique» (mélos)

l'aspect visuel (l 'opsis) et la dic

t ion (lexis). Pour l ui , l a not ion d

rythme es t inséparable de l 'éc ri

ture en génér al . Que ce soit l

rythme de récurrence propre à l

poésie, ou le rythme sémantiqu

dominant dans l 'ouvrage en prose

le lyr isme inhérent à la créatio

artistique se fonde su r l'existenc

« d'accords fortuits» dans lrythme verbal ; ces accords dénon

cent l 'existence d'un centre de gra

vité profond, s itué en deçà de l

pensée consciente et dans l eque

intervient le je u associatif du

rêve. La poésie jaillit de ce « mur

mure J) ou « b roui ll on» e t com

pose les éléments de l'imagerie ly

r ique , tel un idéogramme chinois

à l a maniè re d'un collage associa

t if qu i se détache peu à peu ave

son rythme propre des zones feu

trées du subconscient.

Dans l 'évolut ion de l 'express io

théâtrale, qui va du s ac ré au ré a

liste en passant pa r le mythiqu

« semble se dégager l 'idée que lpoésie con.,titue un é lément inter

médiaire et médiateur entre la li

térature et la philosophie, qu

viendrait rattacher par ses imagesles chaînes symboliques d 'événe

ments de la première aux idéeintemporelles de la seconde »

Entre «[ 'autosacramental:ll du

Moyen Age et la comédie propre

ment dite se t rouv en t « le masqu e J) et le mime, dans lesquels l

mus ique ret rouve ses droits a

même titre qu e l'élément visue

8/14/2019 Quinzaine littéraire, 89, février 1970

http://slidepdf.com/reader/full/quinzaine-litteraire-89-fevrier-1970 19/32

critique .

amerlCalne

La Quinzaine littéraire, du 16 au 28 .1970

dans la col lect ion

chaque vo l ume : 7 . 2D f

Anne Fabre-Luc

l'énoncent la psychologie,. la logie, la psychanalyse et la linguistique ?En dehors de ces questions, aux

quelles, il faut bien l 'avouer; 'lacritiJIUe contemporaine n'a pas en-core répondu, ce travail présentele m érite insigne de tenter unesynthèse des modes d'approchede l'œuvre d'art (3). Sa lectùrpermet tra au cri tique de mesurerune fois de p lu s l 'imp or ta nc e deson d iscours dans un monde où leproblème du langagé et de ses manifestations demeure l'en jeu le

plus passionnant, sinon le plus difficile à assumer.

1. R. Genette; 'Enquête SUT la CritiqueTel Qnel, nO 14 p. 70.2. R. Barthes, Cri tique e t Vér ité, Le

Senil, 1965, p. 46. .3. Les trois niveaux de significatiOn del'œuvre d'an (naturelle, conventionnellet de c on te nu ), que propose Panofskypar exemple, JNlI'IÙ8IIent remplacer dansune optique «moderne» le principe decohérence proposé pa r Aristote. L'œuvred'an et /l U si,nifU:ations, Erwin PanofskyGallimard, 1969.

1920-1970: i l Ya cinquante ans

la scission de tours...

FLAMMARION

SC IENCE •••

...DE L'HISTOIRE

.J. BOUVIER : NA I SSANCE D 'UNE BANcaUE: L. CREDIT LYDNNAIS

F. eRAUOEL : I !CRITS SUR L'HISTDIRE

P. GOUeERT : 1C C acc PROVINCIAUX AU XV II . S II !C L I!E. LE R OY LADURIE: LI!S PAYSANS DI ! LANGIUEDDC

...DE LA NATURET. o o eZHANSKY : L 'HEREDITI ! I! T LA NATURI ! HUMAINI !LECOMTE O U NOUY : L 'HDMME DEVANT LA SCI I !NCE

H. POINCARE : LA SCII!NCE I! T L 'HYPDTHESI !

R. RUYER: LA CYSI !RNI!T lcaU l! ' ET L'DRlca lNI ! DI ! L ' INFDRMATIDN

,.J, ULLMO : LA PENSI!I ! SCIENTIFlcaUI! MDDERNE

...DE L1HOMMEFDNTANIER : L.S FIGlURI!S DU DISCCURS

W . . JAMES : LI ! PRAGIMATISMI!e . RUSSELL : SIGINIFICATIDN ET V.RIT I !

E. SOURIAU: L.A CORRI !BPDNDANC& DES ARTS

AU X ORIG INESDUCOMMUN I SME ,FRANÇA I S

ANNIE K R I E G E L

ment construite et qu'elle est ana·logue dans ses fonde.ments à l 'or·dre naturel du monde. Dans cet teperspective aristotélicienne de lacontinuité des manifestations, i l n esemble pas y' avo ir d e p la ce pourles. ruptures. '

Ùn objectera sans doute aussi àla fréquence des correspondancesde typ e élétuentaire auxquelles leslaborieuses nomenclatures de ces

essais on t donné lieu (peut-on vrai.ment rapprocher la « petite made-leine» de Proust de l'Eucharis.t ie ? ). Il y a, à n'en pas dou te r,

un nombre considérable de « faus-ses fenêtres» dans ce t édifice oùl 'auteur fai t correspondre chaquesaison de l'année à un genre litté.raire part icul ier .Enf in deux quest ions se posent

surtout : Pourquoi dem.ander à dessystèmes de pensée révolus (l 'Aris-totélisme et le Thomisme) derésoudre le s problèmes spécifiquesde l'âge modeme, et ensui te com·ment peut·on envisager d'éviterdans l 'activité critique la multidi·mensionalitéde l 'homme telle que

de type documentaire exhaustif etencyclopédique (Anatomie de la

Mélancolie de Hurton), quise mêle intimement au roman.C'est dans la Bib le que N. Frye

8emble situer la ' source communede tous les symboler. littéraires.Elle représente l'archétype domi-nant qui va de la Création à l'Apo.calypl!e au moyen d'un discoursfait d'identifications d'ordre méta-ph or iq ue . F orme suprême del'focriture « encyclopédique », ellecontient tou s l es thèmes de la lit-térature à venir , celui du Retou r( l'Odyssée) , celui de la Colère

(l'Illiade), celui de la Construc-

tion ou de la Destruction de laCité, celui des mondes Inférieuret Supérieur (Dante).

La tâc he du cri tique consiste à« re fo rger les maillons rompus

d'une chaîne rattachant la créationà la connaissance, l'art à lascience, le mythe au concept ».

En dehors de la contributionévidente qu'une entreprise de sys-tématisation telle que celle·ci peutoffrir à la crit ique li ttéraire entant que discipline autonome, unetentative de ce t o rd re n e peu t man ·quer de soulever quelques ques.tions de f ond. On peut se deman-der, pa r exemple en quoi consistela distinction entre ce que F ryeappelle « modes» et ce qu'il

appelle « thèmes» dans l'œuvrf'littéraire. S'agit-il de « tonalité»et de « contenu » ? Pour ce qu iest du « symbole » qu'il compareà l'ethos (situé entre la pensée- diano'ïa - et l'action - my-t ho s) , i l ne fait pas l 'ob jet d 'unevéritable analyse théorique. Sanature contradictoire, 'par exem-p le, (s on doubl e aspe ct de partici-pation et de résistance à la commu·nication des consciences) n'est pasabordé, pas p lus qu'il ne l 'est pourla métaphore qui semble envisagéesous l'aspect exclusif de « l'identi·fication ». Il semble aussi que lesuni té s m in imal es du discours,

telles que l'image verbale d'uncôté, et l 'archétype premier, del 'autre, vus comme lieux de signi.fication intime son t préci sémentles éléments su r lesquels s'instauretoute problématique textuelle etnon son point d'aboutissement.Et puisque, en fait, il s'agit de

concepts anthropologiques appli.qués à une théorie de « l'origine »,comment rendre compte des my-thes sans écriture? L'auteursemble poser comme hypothèseque la littérature est déjà entière.

On peut, de nos jours le pla cerentre l'opéra (mélos) et l e c inéma(opsis), c'est·à·dire à mi·chemindu mélodique et du visuel dan s l espectacle. Les « moralités » elles,remontent aux a rché type s e t à lanaissance de la tr ag éd ie telle quela concevait Nietzsche, c'est·à·direà la représentation d'un affronte·ment e nt re l e monde de la foliedionysiaque et celui de l 'ordreapollinien.A l'intérieur du cycle lyrique

que constitue l'œuvre d'art en gé.néral, poésie et fiction se rejoi.gnent grâce à l a con tinu ité desarchétypes. C'est ainsi que Fryepeu t ra tt acher l es processus sociation oraculaire propre auxtextes sacrés (où dominent la pro-

phétie, l 'a phor isme , l a p arabol eet le proverbe) au lyrisme poéti-que moderne de Hopkins ou deT .S . E li ot . Leur ambiguï té poé-

t iq ue n 'e st pa s différente en na-ture de cel le des psaumes hébraï·ques pa r exemple. La fable et laparabole se retrouvent donc auxdeux extrémités de l a chaîne histo·rique dans une association spéci-fique qui est celle des rythmessémantique (de la prose) etrécurrent (de l a poési e) .

Frye fait une distinction inté-ressante entre la fiction et le ro ·manesque du point de vue de la

conception des personnages : leromanesque, genre plus ancien,présen,te, de!! êtres stylisés, irréels,et « susceptible de représenter desarchétypes psychologiques» enrapport avec l'interprétation detype jungien. Le roman tend aucontraire vers la singularité de casindividuels et l ' in tégrat ion de samatière à une concept ion de latemporalité de type occidental,c'est-à-dire l e p lus souvent contem·porain. Le romanesque demeureun genre plus universel e t prochedu mythe .Les autres formes de fiction

existent à côté du « romanesque »

et du « roman » sont « la confes-sion» dans laque ll e la réflexiond'ordre pol it ique , rel ig ieux ouest hé ti qu e dom ine (Rousseau),« la satire» de type Ménippéenqui r id icul ise l e « philosophe glo.rieux » et s'intéresse aux attitudesmentales des personnages comme àdes maladies de la pensée (Vo l.taire, Rahelais, Swift) - alors quele romancier voit dans les attitudesde ses personnages des maladiesde la société et enfin « l'anato.mie » qu i correspond à une œuvre

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ÉCONOMIE

LesPhysiocrates U.S.A. 1985

POLITIQUE

HI8TOIRB

car il montre de façon convain-

cante l' importance de Quesnay su rle plan des techniques d'analyseéconomique. Son Tableau, qu i dé-

crivait graphiquement l a c réat ionet la circulation des richesses à par-ti r du secteur agricole, est en effetà l'origine des modèles économi-

ques ( te ls que ceux de Leontieff) ,qui retracent les relations entre lesdiverses branches d'une économie

et permettent, par exemple, de me-surer l'incidence d'une variation dela dépense (publique ou privée) surles n iveaux de p roduct ion respec-

tifs de ces branches.I l y a plus : Quesnay ne fu t pas

simplement un précurseur remar-quable de ce qu'on pourrait appe-le r l'analyse macro-économique. Sonoriginalité, c 'est aussi d'avoir affir·

mé, comme le di t très bien HerbertLüthy (1 ) que « le travail humain

ne peut créer des richesses qu'en

s'alliant aux forces productives dela Terre ». Est-ce aller à l'encontrede l'analyse marxiste? Je ne le croispas personnellement, si l'o n veutbien se souvenir que l 'appor t deQuesnay a consisté à fonder la va-leur économique su r des bases natu-relles, à savoi r les ressources dumême nom, alors que Marx, touten prenant comme fondement de lavaleur le travail humain, donc del'offre, n'a cessé en même tempsd'insister sur l'origine sociale desbesoins humains, c'est-à-dire de la

demande. Or s'il est vrai que letravail humain devient au fi l dutemps plus productif grâce au pro-grès scientifique e t techn ique , etque les besoins changent en fonc-

tion de la dynamique des sociétés,nous commençons maintenant àprendre conscience que la dialecti-

que du travail et des besoins s'in·sère inévitablement dans un milieunaturel sans leque l la méc aniqueéconomique finirait par tourner àvide (2).Ainsi notre dette intellectuelle

envers Quesnay, c 'est d 'avoir réin-troduit cette partie lanature, qu i après avoir été édifiée

sous ce qu'Auguste Comte appelaitl'âge théologique, ava it é té par unexcès inverse totalement passée soussilence par les libéraux et les socia-listes, pour une fois d'accord.

Bernard Cazes

François QuesnayTableau économiquedes PhysiocratesColl. « Les fondateursde l'économie». Calmann-Lévy éd. , 272 p .

Voici une nouvelle collection quiva enfin permettre d'accéder, pour.un prix modéré, aux grands texteséconomiques qui étaient générale-

ment épuisés ou r ep ri s dans des

éditions pour spécialistes. Son pre-

mier t it re : les éc ri ts essentiels d eFrançois Quesnay.

Si l'on ne connaît les physiocra-tes que pa r l'ironie voltairienne del 'Homme aux quarante écus, ce

choix peut surprendre. La présen-ta tion his torique et théor ique rédi-gée par M. Lutfalla est propre àéliminer d'éventuelles préventions,

ESPRITLettre sur

l'homosexualité

•L'Université :

enquête aux U.S.A.

•Giacometti

•La violence

selon Freud et

selon la Bible

•L'armée française

ou Tchad

•FËVRIER 1970, 8 F

ESPRIT19, rue Jacob, Paris 6

8 l'l C.c.P. Paris 1154-51

(1)

(2)

Le Passé pr6sent. éd. du Rocher,p. 163.C'est d'ail leurs un des aspectsles plus originaux du livre deRlchta. la Civ il isat ion au carre-four (Anthropos) que ce rappelde la dimension écologique dela v ie économique et sociale.

1onald N. Michael

U.S.A. 1985,

Editions ouvrières, 215 p.

Une his to ir e vraie, et bien sûr cari·

caturée, perm et de défi nir l'attitu deprospective : e n F ra nc e, lorsqu'il s'estag i d'élaborer une politique de la jeu·nesse, on s'est adressé aux jeunes pourleur demander leurs opinions, leursdésirs, leurs espoirs. On a oub li é q uelc temps du dépoui ll ement e t de l'inter·prp.tation, de la déf in it ion e t de la miseen œuvre de la politique choisie, lesjeunes pour l es qu el s c el te politiquedevait être fondée étaient devenus desCt v·jeux n.

Aux Eta ts .Cnis, lor sque le minis tè rede la Santé, de l'Education et desAffai re s Soc ia le s a vou lu é la bo re r unepolitique satisfaisante de la jeunesse, il adressé à un sociologue pour lu idemander ce que s er on t les Etats·Unisen 1985 . A partir de ce point d'arr ivée,une pol it ique c ohér en te et utile peutêtre préparée (sera·t·elle en œuvre?

·c'est une a ut re h is to ir e) .Le livre de Donald Michael est le

résultat Je cette enquête prospective.Ecrit simplement (et fort bien traduit),il es t une recherche de bonne foi dllf ut ur p roba bl e de l a soc ié té et de l'éco·nomie américaine. Si aucun palier de laréalité sociale n'est oublié (on trouverades développements intéressants sur lafamille et la sexualité), c 'est su r l a t ech·nologie, l'économie et plus généralementsur l'extension de la rationalité à tous lestypes d'activité (l'économie est, rappe·lons.le, la s cien ce d e l'aménagementrationnelle des r essour ces rares) qu el'auteur a les c hos es les plus stimulantesà nous dire.

Retenons que, mal gr é l es g ra nd s pro·grès de l 'enseignement (machines àen sei gn er, et c. ) l e m onde d 'ap rè s. de.

main souffrira d'une pénurie de main·d'œuvre qualifiée, la main·d'œuvrenon f o r m é e , not amme nt n oi re ,étant au contraire excessive, et que leshommes nouveaux - chercheurs scien·tifiques, mathématiciens, économistesspécialistes des ordinateurs (la « techno·structure» chère à Galbraith) - travail·leront 60 à 70 heures par semaine. Voilàqu i chan!!e des prophéties de certainsou des 35 heures présentes du plombiernew·yorkais.

Surtout le r ègne de l'ordinateur - cequ e l'auteur a ppel le l a cybernation -conduira au travail continu, 24 heuressu r 24. On voit immédia tement les consé·quences de cette activité échevelée surle peu de vie de famille qu i restera en1985'! Il n e semb le pas qu e l'autemle s ai t toutes t i rées.

Donald Michael s'effraie des possibi·

lités de sur-production : le vieux mythestagnationniste renait. Michael écrit :« Il &e peut que notre cOMommationnationale ne &oit pl U &u//i&ante pourmaintenir le chômage (des non qualüiés)à un ni"eau tolérable ». Aussi faudra·t·iltrouver un système pour surpayer lesinutiles et permettre à la machinede con t i n u e r de tourner ration-nellement. Le rôle de l'Etat ne manquerapas de s'étendre sous la press ion de cesfaits.

L'auteur conclut su r le caractère no nagréable du tableau tracé et sur sonpessimisme. En 't'ériré•..

1ernand Braudel

Ecrits sur l 'Histoire

Flammarion éd.

L'œuvre de Fernand Braudees t considérable. Les écrits del'historien, la Méditerranée et le

monde méditerranéen à l'époquede Philippe Il - achevé il y amaintenant presque un quart desiècle -, Civilisation matérielle

et capitalisme, paru en 1967, en-tr e autres, constituent mainte-nant des modèles et ceux qui ,historiens ou t héor iciens, s'int é-

ressent aux méthodes des

sciences historiques ne peuventmanquer de s 'y référer.

Au . Collège de France, depuis1950, l'enseignant a révélé des do-

maines de recherches nouveaux eta allié au travail historien la critique de ce travail. A la sixièmesection de l'Ecole pratique des

Hautes Etudes, i l a encouragé etp ro té gé les chercheurs qu i vou-

laient du nouveau, alors qu'iln'était pas entièrement d'accordavec eux. Et il a contribué à fairedes « Annales (Economie-SociétéCivilisation) » l a r evue h is to riquela plus riche, la pl us vi vante e t l aplus solide qu'on puisse lire actuel-lement.

Précisément, l'intérêt de ce re-cueil de Fernand Braudel, Ecrit:.sur l'Histoire

-qui regroupe des

textes allant de 1946 l 1963 -est de présenter les divers .aspectsde cet te act iv it é. Les articles sondistribués en trois rubriques d'iné-gale longueur : le:. Temp:. del 'His toire, l 'His toire et les autre:.sciences de l'homme, Histoire etTemps présent. Il n 'est pas sû r queces titres soient bien choisis. I ls ont,en effet, un côté formel qui ne rendnullement oompte du frémissementdes pages , de leur écr iture, tantôtironique, tantôt érudite, tantôt cha-leureuse.

En fait, à travers ces différentstextes - différents pa r les objets,

le ton, les objectifs - se manifes-tent, semhle-t-il, les trois « obses-sions » majeures de Fernand Brau-del . N 'e ssayons pas de les classeret r isquons l 'arbitraire . Il y ad 'abord le thème de l' « intérêt J)

ou de l' « utilité » de l'histoire.

On retrouve ic i l'admirateur deMichelet. Que l 'h is tor ien s 'entourede toutes les qu'ilfasse œuvre de science, qu'il uti-lise l e con trôle des « disciplines

annexes » : il ne .saurait oublierque son travail - po rterait-il su r

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Un grand historienle passé le plus lointain ou l'objet

l e p lu s abs tr ai t - est du présent,

qu'il a rapport à celui-c i et q u'e n

aucun cas ne saurait être abolie

la co-présence du jadis, du naguère

et du maintenant.

Remarquable à cet égard est

l'analyse consacrée au livre de

Marwin Harris sur une petite villebrésilienne: l 'étude portant sur la

situation actuelle de Minas Velhas- qu i a survécu à « la catastro-phe des mines d'or» - rend intel-

ligibles « les mécanismes mé.dié·vaux ou à demi-modernes que nousoffre l'histoire européenne ». Déjà

les prétent ions de la philosophiede l'histoire sont contestées, qu i

voudrai en t que l 'o rd re d'une pré-tendue chronologie mondiale pré-

side au choix des his toriens. Maisc'est plus encore dans le chapitre Vdu vingt ième tome de l'Encyclopé-die française que se manifeste cerefus du · « tout-fait» de l 'h is to ire

spéculative. On se réjouira fort, pa r

exemple, qu'à propos d'un essai de

définit ion de la not ion de civilisa-

tion, soien t dénoncées le s insuf fi -sances radicales des « livres clairs,des plaidoieries habiles, des évoca-t ions intel ligentes d'Arnold Toyn-bee» ou les improvisations poéti-ques d'Oswald Spengler. Bref, l'his-

torien n'a pas à supposer un ordre

préalable, manifeste ou caché -qu'il soit désigné comme destin, cy-

cle, répétition ou progrès-. Dans

son présent , il a affaire à une dis-persion ;' il doit, dès lors, décou-vrir des f il s, t is se r une trame, sa-

voir jusqu'où « on peut a ll er t rop

loin» (dans le passé) et reconsti-tuer, ainsi des temporalités.

Voici la deuxième « obsession »

admirateur cette fois de ceux qu'il

nomme ses maîtres, Lucien Febvre

et Marc Bloch, Fernand Braudel

pose la question essentiel le dessciences pol it iques, aujourd'hui

celle qui est la plus souvent éludée.Entendons bien qu'il ne s'agit pas

de la question philosophique du

temps e t de sa nature : l e problème

est cel ui de la pratique de l'histo-rien face aux « consécutions tem-·porelles», « aux sui te s d 'événe -

ments» que, dit-on, lu i offre lepassé. Deux interrogations intedè-

rent ici.

Celle du « fil du temps»

d'abord. Voici un fi: présent» : un

présent politique, par exemple:

jusqu'où est-on en dro it de remon-

te r p ou r que s'établisse une bonne

explication; ca r il ' arrive qu'au

cours de cette régression, le « fil »

se casse et que, dès lors, on ent re

dans la var iation romanesque. Ce-

la, on l 'appelle aussi le problème de

la pér iodisa tion . Mais à le poserainsi, on reste dans l 'abstrait . Fer-nand Braudel suggère constamment

que l a ' pratique hi storienne a

affaire à des quest ions plus techni-

ques, et qui exigent autre choseque des réf lexions théor iques su r

la validité de telle ou telle cou-pure, traditionnelle ou originale.

Ainsi, la seconde « obsession »

s'articule autour d'un t hème p lu s

important encore; celui de la di-versité des niveaux de temporalité.La chrono logi e - celle des événe-ments repérés , cel le des années -est un cadre vide. Quant aux infor-

mations que livre - ap rè s que l

effort! - le passé, il impor te deles ordonner. La philosophie de

l'histoire - d'Augustin à Hegel et

à Spencer - , suivant en cela lesr éc it s h is to riens c la ss iques - ne

f ait g uè re d e maniè re s : pour or-donner son discours, elle s 'accom-mode de ce cad re vide. Or, remar-

que F. Braudel, et ce n'est pas pa r

hasard qu'il a mis en tête de cerecueil quelques pages de la pré-face à la Méditerranée... à l'époquede Philippe 11, ce qu i compte, cen'est pas le temps, le devenir, en

général , mai s l a temporalité, pour

ainsi dire, matérielle - au sens où

Bachelard uti li sait cet adjecti f - ,

les modes de vie réels (e t imaginai-res) des sociétés. Sans doute , faut- il

en venir enf in à « l'histoire tradi·

tionnelle, si l'on veut l 'histoire non

de l'homme, mais de l'individu,

l'histoire événementielle»; mais

en-deçà il y a l'histoire sociale,« cel le des groupes et des groupe-ments » ; en-deçà plus profondé-men t, il y a « une histoire quasi-

immobile, celle de l'homme dans

ses rapports avec le milieu quil'entoure... :

Je n'ai pas voulu négliger cettehistoire-là, presque hors du temps,au contact des choses inanimées, nime contenter, à son su jet, de ces

traditionnelles introductions géo-graphiques à l'histoire, inutilement

placées au seuil de tant de livres,avec leurs paysages minéraux, leurslabours et leurs fleurs qu'on mon-tre rapidement et dont ensui te il

n'est plus jamais quest ion, comme

s i les f leurs ne revenaient pas avecchaque printemps, .comme si lestroupeaux s'arrêtaient .dans leurs

déplacements, comme si les naviresn'avaient pas à voguer sur une mer

réelle, qui change av'ec les saisons.»C'est cet te histoire quasi-immo-

Fernand Braudel.

bile qui fascine Fernand Braudel,

c'est à elle qu'il a consacré ses

analyses les plus riches et les plus

novatrices. N'est-il point, dès lors ,sociologue autant qu'historien ? Latroisième « obsession » s'inscrit

ici : les Ecrits sur l'Histoire posentconstamment la quest ion du statut

de la science historique face à ces

disciplines nouvelles-venues, impé-rialistes, remuantes, la sociologie,la psychanalyse, l 'e thno logie. Ds'interroge su r l a p lace que doivent

occuper ce qu'on t ient trop facile-ment pour des l( sciences annexes »:

la démographie, les géographies ,

l'économie, l'anthropologie physi-que, mais il ne tombe pas dans le

piège de l ' interdisciplinari té. Il

sait bien que le « pluridiscipli-naire » à la mode est le « Tou t en

un » du n'importe quoi de la cul-t ur e, don t l'expresse finalité est la

formation des cadres, de l'agent im-mobilier au P .D .G .; il s ai t b ien

qu'il convient de poser le problèmedes relat ions entre disciplines en

termes tout à la fois institution-

nels, techniques et théoriques. Celavaut à son lecteur des études d'au-

tant p lus p robant es qu' el les trai-tent, no n de telle relation en géné-

ra l - celle de l'histoire à la démo-

graphie ou à l'étude statistique - ,

mais d'ouvrages effectivementécr its - de M. Sorre , de P. Chau-

nu , d'O. B renn er , d e A. Sauvy,

d'E. Wagemann, de L. Chevalier -

pour les éva luer dans l eu rs résul-tats et leurs méthodes.

A la lecture de ces remarquables

critiques on en vient à se demander

si la perspective de Fernand B rau·

deI n'est pas trop modeste ou , si

l'on préfère, resserrée. Sévère pour

les h is tor ien s «de profession:e,n'est-il point t rop accueil lant pour

les « sciences rivales », pour la sociologie en particulier ? Celle-ci, i

la reçoit tout ent ière - avec une

bienveillancet rop grande.

Il dialogue avec Georges Gurvitch comme

s i celui-c i, quelqu'ait été son apport, représentait l 'essentiel des re

cherches de ce type ; il se met, pou.ainsi dire, en retrait pa r rapport àces disciplines de la fi: généralitéhumaine»: la sociologie, mais

aussi la psychanalyse, la philoso-phi e (dont il n'étudie pas précisé-ment l'impact su r l 'histoire mais

qu'on sent implici tement présentes).

Par souci de libéralisme, pa r volonté de briser les cadres institu-

tionnels, pa r volonté de donne r àla recherche scientif ique les chan

ces qui lu i restent, Fernand Braudel en arrive quelquefois à ne pas

reconnaître aux travaux historiquesl ' importance exemplaire qu'i ls on

aujourd'hui. Il est vra i que les historiens on t des difficultés à élaboreleurs méthodes et que, souvent, lesplus inventifs s on t d ans le le droit-

fil» d'une référence quelque peu

massive: démographique ou aut re

Il est vrai aussi qu'il y a plus d'in-

formations, de suggestions dans

leurs textes que dans les exposés

programmatiques des théor ic ienssociologues, dans les réf lexions des

philosophes sur la nature du temps

ou dans les méditations des préten-dus adeptes de Freud su r le rap-port travail-désir.

Certes, fi: il n'y a pas de voieroyale pour la science», comme

l 'écri t Marx à La Châtre - phrase

que rappelle opportunément Fer-nand Braudel. Mais cet énoncé, il

convient de l 'en tendre non comme

affirmation d'un empirisme prêt àtout recueillir, mais comme for-mule polémique. Cela signifie que

chaque science - constituée pa r

une tradition - doit sans cessedétruire ses méthodes, ses modèles,ses objectifs, son objet et s'interro-ger su r les relations qu'elle entre-tient avec les institutions. Et c'est

d 'abo rd dans son propre t ravail ,dans les obstacles qu'elle y rencon-t re , dans le combat qu'elle doit me-ner contre l 'ordre idéologique et

administratif régnant, qu puise

sa force questionnante. Au vrai, leshistoriens n'ont guère à recevoir au-jourd'hui, de la sociologie en géné-

ral, de la philosophie en général...Il s ont à construire leur science :

dans leur pléthorique solitude.

Comme l' a fait, dans son œuvre,

Fernand Braudel.

Françoi.$ Châtelet

La Quinzaine littéraire, du 16 cm .28;évriB 1970 21

8/14/2019 Quinzaine littéraire, 89, février 1970

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POLITIQUE

DjilasBaudelaire

Guernica

(.. .] Personne ne s'étonnera qu'une pen·

sée finDle, suprême, jaill isse du cerveaudu rêveur : «Je s ui s d ev enu Dieu!"qu'un cri SGUooge, ardent, s'élance de sa

poitrine avec une én.ergie telle, une tellepuissance de project ion, que , s i les volon·tés et l es croyances d'un homme ivre

avaient une ver tu efficace, ce cri culbute-rait les anges disséminés dans les chemins

du ciel: « Je suis un Dieu! • Mais bien·

tôt cet ouragan d'orgueil se transforme en

une température de béa ti tude calme ,

muette, reposée, et l 'universalité des êtresse présente colorée e t c omme i ll um in ée

par une aurore sulfureuse Si pa r hasard

un vague souvenir se gli sse dans l'âme

de ce déplorable bienheureux : N'y aurait-

il pas un autre dieu? croyez qu'il seredressera devant celui-là, qu'il discutera-

ses volontés e t q u' il l'affrontera sans ter-

reur . Qeu l e st l e phi losophe frança is qui

Après l'échange de lettres entre

M. Brian Crozier (Franco, Mer cur e d e

Fra nc e) e t M. Herbert Southworth (voir

la Quinzaine, n° 86, du 1« au 15 jan-

vier), M. Brian Crozier nous écrit à nou-veau, et en particulier ceci :

Le 15 janvier 1970

S 'i l e st e xact que la partie de Guernicll

où se trouvent les bâtiments municipaux

et le f am eux chêne sacré étaient absolu-ment intac ts après le supposé bombarde-ment nazi, il est b ien évident que, lacause de la destruc tion partiel le de laville, il faut la chercher ail leurs. Il n'est

même pas besoin d 'êt re a vi at eu r pou rcomprendre cet te é vi dence : il suffit

d'avoir fai t l 'expérience des raids aériensdes anneés trente ou quarante. C'est mon

cas, et c'est, je suppose, le cas deM. Southworth. Sur ce point, qui est fon.damental, M. Southworth n'a r ien dit . Ils'est borné à tenter de jeter le discrédit,u r Sir Archibald lames et moi-même.C'est facile, m ais cela n'ajoute rien àl'évidence.

Par ail leurs, je n'ai jamais dit , ainsi

que M. Southworth me le reproche, que

le professeur Seton-Watson m'avai t sou-tenu sur le point précis de Guernica(lequel, soit dit en passant, est important

en soi mais d'une importance très relative.dans une biographe de Franco). Mais puis-

qu'il me cite un passage de Seton-Watson,je lui rends la pareill e. Dans l e Spectator

de Londres du 24 novembre 1967, l e pro-fesseur Seton-Watson a écrit, au sujet de

mon Franco :

oc Pour moi aussi, Franco é ta it un desgrands «vilains. du d rame i nt emat io -

nal, d'autant p lus odieux qu'il seÎnblaitêtre de son propre gré l'agent de « l'archi-

vilain D, Adolf Hitler. Cette vue sim-pliste ne suffit plus en 1967. M. Croziera re-examiné la c ar ri èr e d e F ranco à la

lumière des trente dernières années. Il

a étudié une large gamme de sourcesespagnoles, il a vécu e t t rava il lé en Espa-gne et caus é avec de nombreux partici-pants aux événements, y compris Franco

lui·même. Le public anglophone a de bon-nes raisons de l ui e n savoir gré.,.

pour rail ler les doctrines allemandes mo-

dernes, disait : «Je suis un dieu qui aimal d iné ? " Cette ironie ne mordrait pas

sur un esprit enlevé pa r le haschisch; ilrépondrait tranquillement : «I l est p0s-

sible q ue j' ai e m al d iné, mais je suis un

dieu.•

Ch. Baudelaire,

Les Paradis arti ficiels,

Le Poème du haschisch.Paris, « Bibliothèque de la Pléiade.

[1961], p. 382·383.

L'auteur d'un travail sur Baudelaire

demande si quelqu'un d 'en t re nos lec·teurs pourrait répondre à la ques tion poséedans l'extrait ci-dessus des Paradis arti-

ficiels : "Quel est le philosophe français

qui , pou r rail ler les doctrines al lemandes

modernes, disait : «J e suis un d ie u q ui

ai mal d în é? • .

Pour ma part, je me réjouis de IGvoirque M. Southworth a l'intention de pré-senter à l 'Univers ité de Paris une thèsetraitant de la destruction de Guernica.

Brian Cro:r.ier.

D'aut re part , M. Seton-Watson, don t l e

nom a été prononcé pa r les deux jouteurs,

nous écrit ceci :

21 janvier 1970

L'auteur du l ivre cité por M. Southworthétait mon père, l 'historien R.W. Seton-Watson, mort en 1951.

Lo critique du livre de M. Crozier que

j 'a i é cr it pour l 'hebdomadaire Spectator

du 24 novembre 1967, et que M. Croziercite dans la lettre qu'il vous a envoyéele 15 janvier, et dont i l v ient de m'envoyer

une copie, qualifie ce livre d'étude sérieu-se et utile de la vie de Franco. Si

M. Southworth lit le texte ent ier de mon

article, je ne pense pas qu' il e n recevral'impression que je sois admirateur du

général. Le livre me semblait intéressant,et utile pour le public anglophone non-spécialiste qui v eu t se renseigner sur une

personnalité importante de la pol it iqueinternationale. Cela n'empêche pas que lel ivre puisse contenir des erreurs de fait.

Je sui s t rop peu spécialiste des affairesespagnoles pour que je puisse reconnaîtrede telles erreurs, m ais je sais bien, demon expérience personnelle d'historien l' époque c on tem po ra in e d 'autr es pays,combien il est dif fic ile d 'éliminer leserreurs même dans des mat ières que l'onconnait relativement bien.

le suis absolument incompétent d'expri-mer une opinion sur la question du bom-bardement de Guernica. Je connais M. Cro-z ier personnellement depuis des années, e tje le connais comme journaliste, écrivain

et commentateur sérieux de la poli tiqueinternationale. Perosnne n'est infaillible,mais M. Cro:r.ier est un homme d'hon.

neur.H. Seton-Watson,

Unive rs it y o f LondonSchOllI of Slavonic an d East European

Studies.

1i lovan Dji las

Une société imparfaite

Calmann.Lévy éd., 291 p.

De la Nouvelle Classe à un e

Société imparfaite, le chemin par.

couru est l ong. Dan s l e p remie r

livre, un homme pol it ique au

sommet du pouvoir accusait le ré .

gime dont il était cobât isseur de

n'avoir pas su respecter la doctri·

ne qu i l e fo nd ait. I l d énon çait

(dans un e société qui p ré tendai t

réaliser l'égalité et qu i se voulait

sans classes) l a forma ti on d'un

nouveau g roupe de p rivi légi és ,

constitué pa r les bureaucrates du

parti. En 1969, i l rejette la doctri·

ne elle ·même. La Nouvelle Classesemblait aboutir à des conclusions

optimistes : le croyant avait vu

les imper fe ct io ns d e s a r el ig io n,

ou plutôt le mauvais usage qu i en

était f ai t. Une f oi s les consciences

éveillées pa r la révélat ion de cesperversités, les d ir ig eant s pou -

vaient rentrer dans le droit che·

m in mon tr é pa r l e marx isme.

Une Socié té imparfai te est un

livre pessimiste. L'auteur ne croit

Miluvan Djilas.

plus à la cOllstruction d'une socié·

té parfaite, qu'elle s 'a ide du mare

xisme ou de n'importe quelle au ·

tr e idéologie : « .. • j' affirme qu'il

n'existe pas de système absolu-

ment supérieur aux autres, et de

plus, que les sys tèmes fondés sur

la proprié té privée ou la bureau-

cratie du par ti son t les uns com·

me les autres inadaptés à la vie

des nations et des hommes d 'au·

jourd'hui. »

La c rit iq ue du marxisme déve·

loppée dans Une socl.ete impar.

faite part de deux hypothèses,présentées déjà dans la Nouvelle

Classe e t qu' appu ie l'observation

empirique.

Premièrement, tout pouvoir

d'Etat né d'une révolut ion com·muniste se transforme progressive.

ment en un gouvernement natio·

nal, ou plus exactement en une

forme du communisme national.

Deuxièmement, le communisme

es t en voie de transformation

continue, quoique demeurant

identique à lui.même quant au

fond : ce qui demeure c'est un

système selon lequel un monopole

du pouvoir règne su r l'économie,

ainsi que sur ]a vie tout entière du

pays. Le communisme d'aujour·

d'hui est désintégré, ca r il a pero(lu son homogénéit é, i l « se dis·

perse en autant de variétés qu'il

y a de pays qu i se réclament delui, et dont chacun diffère 'des au ·

sous le rapport de la doctrine

comme sous celui de l a pra tique

politique ». Mais cette désintégra.

tion e n c ommunisme s nationaux

s 'accompagne de l 'éclat ement du

marxisme.léninisme. Une idéolo·

/!ie, considérée comme monoli ti .

que e t monopol is tique, se frac·

t i onne en se fondant su r des bases

nationales, et cela bien que, fidèle

à l 'héritage marxiste, les commu·

nistes considèrent le nationalisme

comme l e p lu s mor te l des péchés.

Le marxisme, en se partageant en·

tr e des idéologies nationales, aperdu de sa force d'intégration, et

prouvé qu'il est semblable à tous

les autres mouvements qu i se sont

fixé des objecti fs ult imes idéale-

ment définis, « Les u ns et les au ·

tres ont réalisé ce qui é ta it pas· historiquement et sociale-ment, mais n'ont r ien inventé et ,

à cet égard, i ls présentent les mê ·

mes caractéristiques de réalisme

ou d 'u top ie que les sociétés et lesrévolutions qu i les ont précédés. »

Restant fidèles à eux·mêmes, les

8/14/2019 Quinzaine littéraire, 89, février 1970

http://slidepdf.com/reader/full/quinzaine-litteraire-89-fevrier-1970 23/32

Vivre en U.R.S.S.

pays communistes ne peuvent pas

sortir du d il emme où ils se sont

enfermés. Il s n'ont pas plus de

chance d e transformer le marxis-

me , et ce , au nom de la doctrineelle-même. L'impossibilité d'un

progrès que lconque peut-êt re im.

putée à deux causes. D'une part,

le marxisme se fige en une doctr i-

ne immuabl e don t la définition et

le maint ien appart iennent au mê-

me groupe ; la doctrine résiste à

toutes les objections de la science

ou de l'expérience. En out re , sonimmuabilité es t maintenue pa r lesgroupes di rigeants , qu i freinent

toute transformation pa r « peur

de p e rd re d e s privilèges économi.

q ue s, p ar peur qu e le système de

propriété qu i les 'dote de s avanta-ges matériels dont ils disposent ne

disparaisse ».

Toutes les tentatives de

renouveler le marxisme de

l'intérieur on t échoué.

L'expérience montre que toutes

les t en ta ti ve s de renouveler lemarxisme de l'intérieur (fut.ce

simplement pour 1'« humaniser »)on t échoué. A vrai dire, e lle s n e

pouvaient p,as ne pas échouer, car

un e telle mutation équivaudrait àun e des tr uc ti on . La doc tr in e ne

peut res te r inébran lable qu'en

anéantissant to ute au tre forme

idéologique; l'ouverture SUl' lemonde conduirai t inévi tablement

à la fin de l a s up réma ti e du mar-

xisme en tant qu'idéologie. Son

immu.abilité rend le marxisme

« incapable de résoudre les pru-b:lèmes foooamentaux qu i se po-sent a uj ou r d' hu i a u x nations vi-vant sous sa loi car, en dépit descommunistes, des nouvelles formesde propriété et de nouveaux rap-ports de product ion se développentdans les pays socialistes brisant lespréjugés idéologiques et les stéréo-types bureaucratiques. » Au surplus

I.a critique de Djilas vise, au-delà

du marxisme, toutes les qui voudrai en t s 'impos er totale-ment à l'homme.

S'il n' y a pas de salut dans lecommunisme, où l 'homme peut.il

l e t rouver, selon Dj ilas ? Dans la

liberté de l'esprit sur le plan in-

tellectuel, et dans la collaboration

pacifique entre toutes les nations

sur le plan économique. Incapa.

ble de construire la société parfai.

te l 'homme ne peut qu'essayer de

l 'améliorer; la actuelle

des pays communistes emprisonnés

1

Sacha Simon

La gagelUe soviétique

Laffont éd . 380 p.

Georges Bortoli

Vivre à MoscouLaffont éd . 222 p.

Entre les schémas des doc te s et la viequotidienne, il est vain de chercher lesrelais, l'explication : la réalité soviéti·

que est bien souvent insaisissable. Deux

journalistes q ui o nt séjourné de longues

années en U.R.S.S. essaient, simultané·

m en t, d e r el at er leur expérience.

Sacha Simon ne man qu e jamais de

l'intégrer dans un savoir : i l présente,

ainsi, un livre à deux tonalités, où

l 'anecdote et l e v éc u appuien t ou confir-

ment la description et l'analyse. La Ga-

gelUe soviétique est une sorte de petite

introduction à l'U.R.S.S., bourrée d 'in-

formations utiles, p ertine nte e t qu i

r ef lè te l e point de vue de l 'Occidental,

toujours prêt à juger, à évaluer, à corn·parer.

Celle analyse cl inique révèle l es sym-pathies de l'auteur. Il aime les Russes,même sovié tiques , mais les as pectsr évo lu tionnair es de l 'o rgani sa tion de lasociété le concernent , au fond, assez peu.

I l est plus à son aise pour faire l ' inven·

taire d e toutes les oppressions que le

système secrète que pour décrire sesréussites. Il est v ra i que celles-ci ne sont

pas toujours sensibles aux Sovié tiques

eux.mêmes, plus prompts à critiquer lesmille et un tracas de l'administration

qu'à établir un diagnostic exact de la

situation sociale, comparé à celle des

pays non socialistes. Je sais bie n qu e

nous sommes ceDllés la connaitre et que

nous avons é té suf fi samment abusés:

est-ce une rai son pour expédier' en quel.

ques l ignes des conquêtes aussi impor-

tantes que la sécur it é de l'emploi, l'or-

ganisation, le système éducatif, l 'hygiène

soc ia le , l e sou ti en aux per sonnes âgées,la r éduct ion de la misère ?Est·ce parce qu' il n 'a p as d es objectifs

aussi ambitieux? l 'ouvrage de Georges

Bor to l i nous a fait r espi re r un a ir plus

d ét en du , p lu s fra is, p lu s soviétique.

Aussi vraies que nature, vivement

décri tes, ses scénettes de, la vie' quoti-dienne nous apprennent infiniment plus

qu'il n'y para ît sur la réalité soviétique.

Cer te s, l e fichier du soviétologue ne s'y

enrichit ni d'un fait ni d'un Mais il se diver t it et a l'impression, par

instants, de lire, pour l'Union Soviéti·

que, les nouveaux carnets du Major

Thompson.

M. F.

dans le corset d'une doctrine tota-

litaire, ne le ur p erm et pas cet

effort.

Ce n'est pas là un réquisitoire,

ni une analyse scientifique du

marxisme de Marx, mais un juge-

men t sur la p ra tiq ue du matéria-

lisme dialectique dans les pays

dits communistes.

Janina Lagneau

1. Publié dès 1956 aux Etats·Unis, tra-duction française chez Calmann-Lévy.

Je suivais avec intérêt l'émission télévisée intitulée Pelengator

(le Goniomètre). La séquence type était la suivante: le présenta-teur exhibait un obj et quelconque - metton s un rasoir électrique- en annonçant :

• Vo ici le nouveau rasoir fabriqué par l'u sine numéro ... de laville de... Nous invitons tout spectateur qui aurait pu l'utiliser sanss'arracher la peau du visage à nous écr ire d 'urgence.

- Quant aux autres, à tou s les autres qui se so nt écorchés jus-qu'au sang, qu'ils évitent de nous envoyer des lettres. Notre secré-tar iat n 'est pas assez nombreux. -

Pelengator diffusà, plusieurs semaines de sui te, un • concoursdu plus mauvais objet -. Le jury décerna le premier prix à un nou-veau magnétophone transistorisé où personne, semble-t- il , n'avaitjamais pu enregistrer le moindre son. Le second prix fu t attribuéà des col la nts pour enfants - a rt ic le pr éc ieux sous ces cli mats -qui, fabriqués en série, présentaient néanmoins une légère imper-fecti on . Dans chaque paire, l 'un des pieds r egar dai t vers l'avant ,l 'autre vers l 'arrière.

Le travall

J'observe les ouvriers qui repeignent mon appartement. Et je suisfasciné par leur facul té de rester allongés sur une bâche en grillan

des cig ar et tes. Cela s 'ap pell e le perekour, ou pause-tabac. Maisquelles pauses, grand Dieu! Le plus gros du travail est assuré pales femmes de l'équipe, leurs compagnons manifestant la plus viverépugnance à prendre le rouleau en main.

J'ai vu les camionneurs semer négl ig emm en t l eur chargementout au long des routes (fa ites très attention si vous roulez là-basVous pouvez voir sur gi r devant vot re capot n 'i mp or te quoi, de labrique au madrier). J'ai vu les bâtisseurs de Tachkent faire la siesteau haut de leur échafaudage, au bon soleil du midi. Et je ne saisque trop que mes compatr iotes, ingénieurs ou techniciens, venusdiriger le montage d'usines, ne sont pas toujours enthousiasméspar le rendement de leur main-d'œuvre locale. Notez qu' il ne s'agi

plus cette fois de la « Sphère de Service -, aux défaillances recon-nues, mais des secteurs clés - bâtiment ou industrie lourde -que glorifie sans cesse la propagande officielle.

L'aloooi

La littérature boit beaucoup. Verlaille et son absinthe, Mussetavec ses cuites susciteraient tout au plus, à l 'Union des Ecrivains,une ironie indulgente du genre: • Nous avons mi eux chez nous. -

A cette intempérance littéraire, on peut trouver deux raisons. Lapremière bassement'matérielle : les écrivains gagnent énormémentd'argent. Alors que l'ouvrier, après avoir bu son salaire, essayé deboir e celu i de sa femme (mais en général elle résiste) et venduà la sauvette les pauvres meubles du ménage connaît des diffi-

cul tés d'approvisionnement, eux peuvent se procurer ces alcoolssi coûteux sans aucune limitation.

Et puis, les écrivains ne manquent pas de motifs de chercher

l' oubli . " y a les • rédacteurs - qui coupent dans leurs manuscritset le glavlit - la censure - qui coupe dans ce qu'il en reste. "y a tous ces organismes officiels ou officieux qui les jugent, lesexhortent, les mettent en demeure, les condamnent, l es répri-mandent, attribuent les gros t irages aux plus dociles et réduisentles contestataires à vivre de traduct ions.

Les plus courageux se font insulter. D'autres vivent dans unconformisme pesant. Certa ins enfin pratiquent le double jeu, l'art

de deviner. jusqu'à quel point l 'on peut aller trop loin -.

Dans to us les cas, l'alcoo l aide à vivre.

Extraits de Vivre à Moscou

La Quinzaine littéraire, du 16 au 28 février 1970

8/14/2019 Quinzaine littéraire, 89, février 1970

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BII8IlIGNIIIImIT

Le prix de l'enseignement

1

Pierre Daumard

Le prix de l 'enseignement en

France

Calmann-Lévy éd., 269 p.

En 1968. la France a consa-cré 5 % de son produit natio-nal brut à l'enseignement; lescrédits de l 'Education natio-nale représentent le 1/ 6 dubudge t de l'Etat et leur ac-croissement est Inéluctable.Dans ces conditions, il est

légitime de déterminer le prix

de l 'enseignement en Franceet les facteurs qui entrent

dans sa composition. C'est ceque fait Pierre Daumard.

Sa méthode consiste à invento-

rier l es charges f inanci ères que

s'impose l 'Etat pour accueillir et

enseigner 12 millions d'élèves et

étudiants. Elle discerne, dans les

fascicules budgétaires, les crédits

affectés au fonct ionnement (rému-

nérations de 700.000 fonction-

naires, dépenses de matériel, allo-

cations de scolarité), aux interven-

tions publiques (bourses, aides à

l 'enseignement privé , t ransport s

scolaires) et aux investissements.

Le volume des crédits de fonc.

tionnement permet d e d éf in ir le

prix de revient d'un élève.

L'aspectqualitatif

I l serait commode mais simpliste

d'imaginer un quotient pe u affiné

tenant compte seulement du nom-

br e des bénéficiaires ; en revanche

l a p ri se e n con sid érat ion d e l 'as.

pect qualitatif (réduction du nom-

br e d'élèves pa r classe, accroisse-

men t de l a dur ée de forma ti on des

maîtres, adoption de nouveaux

programmes et méthodes, dévelop-

pement de l'aide sociale) donnera

lme i dée plus exar.te des facteurs

qui conditionnent le prix de l'en-

seignement. Daumard propose une

formule de coût unitaire dont

l'utilisation fait ressortir immédia·

tement les incidences financières

de n'importe quel le mesure pr,ise

à ]a suite d'une réorganisation pé .

dagogique, d'une augmentation de

salaires ou d'effectifs, de l'intro-

duction d'une réforme.

Ce calcul n e t ien t compt e que

des sommes inscrites au budget.

Or en 1964 pour un t ot al de 8.200

24

millions p ri s e n charge par l 'Eta t

(traitement du personnel et trans-

f er ts soc iaux ) l es col lect iv it és l o-

cales on t dépensé 2.300 millions(entretien de locaux, investisse-

ments) et les ménages 7.700 (frais

scolaires, etc.). Si l 'on ajoute le s

dégrèvrements d'impôts résultant

de la prise en considération des

é tudiant s dans le calcul du quo-

tient familial, l es sommes consa-

crées à l a formation technique et

professionnelle pa r les entreprises,

p eu t- êt re même l e manqu e à ga-

gner pour la collectivité, provoqué

pa r toute prolongation de la scola-

rité (immobilisation de terrains et

bâtiments à valeur locative élevée,

abs en ce d e tout prélèvement fis-

cal sur une popula tion croissante,

etc. ), on dé te rminera it un coûtsocial infiniment supérieur.

Une significat ionpratique

Le choix délibéré d'une hypo-

thèse de travail purement compta-

b le r épond à un e volonté d 'effi -

cience ; l a formule mathématique

établie pa r Daumard a un e signi-

fication pratique dans la mesure

où elle permet de p révo ir et de

diriger une politique scolaire au lieu

de la subir; c'est une idée souvent

reprise dans le livre q ue le finan-

cement actuel de l'Education es tle résultat d'une pression mécani-

que, de compromis politiques et

de t radi tions , que finalement les

décisions ne devancent jamais les

événements. La possession d'une

formule opératoi re doit remett tre

à l 'Etat l ' ini tia tive de tout déve-loppement éducatif.

Un tel avantage es t sérieusement

atténué dans la mesure où le choix

méthodo logi que de Dauma rd im-

pl ique une définit ion classique de

l'éducation et l e main ti en de l 'i ns -

titution scolaire traditionnelle. Or ,

si les facili tés de prévisions bud-

gétaires sont accrues, il ne s'ensuit

pas nécessairement l'adoption desc rédi ts ; ceux-ci une fois votés ,assureront un fonctionnement

meilleur ; mais ils ne remédieront

pa s à l'inadéquation profonde du

système scolaire aux situations ac-

tuelles. Celle-ci réclame, contrai-

rement aux présupposés du livre,

un bouleversement radical des atti-

tudes.

Tou t d 'a bo rd un e remise en

question des concept s de culture

et d'éducation. La cul tu re n 'e s t

plus un capital de connaissances

et d e normes que le groupe social

conserve, fait fructifier et transmet

pa r l'éducation, celle-ci choisissant

la période plas t ique de la jeunessepour installer commodément et dé-

finitivement l'individu dans un

univers désormais familier. De nos

jours, la culture es t un e relation

de l 'h omme au monde, une rela-

tion à la recherche incessante de

son équilibre à t ravers les 'fluctua-

tions d'un univers continuellement

modifié. L'éducation n 'est p lu s un

moment de l'existence mais une for-mule de vie, pa r laquelle l 'homme

cherche à retrouver une familiarité

rassurante. L'éducation devien-

drait « nationale » en s'identifiant

avec un e fonction « éducation et

culture» où seraien t regroupés

l'enseignement proprement dit, lesarts et les lettres, l ' information et

peut-être les loisirs. Le prix de

l'enseignement, calculé à partir

d'une ventilation fonctionnelle des

dotations budgétaires, méthode ré -

cusée pa r Daumard , serait consi-

dérablement accru; mais étant

donné l 'élargissement de la clien-

tèle, i l n'est pas certain qu e le

coût unitaire soit plus élevé. Et le

plein emploi des équipements ser-

vant aux jeunes et aux adultes, du-

rant les périodes et horaires sco-

laires et en dehors, mettrait fin au

scandale économique des f ai bl es

taux d'utilisation.

Un bilan de sooiite et des prof ite

A ce renouvellement conceptuel

doit ensuite correspondre l'élabo-

ration d'une théorie économique

de la fonction éducative et cultu-

r el le , e n par ticu lier un bilan des

coûts et des profits escomptables.

L'établissement de ces derniers es t

problématique (voir le rapport

Robbins, Higher Education); mais

l'évaluation chiffrée des avantages

(la technique du bene/it casting)justifierait la légitimité d'une af-fectation importante des ressources

nationales à l'œuvre éducative. La

force persuasive des arguments

économiques serai t encore renfor-

cée si les théoriciens de l'éducationcessaient de considérer cel le-ci

comme une s imple indust ri e pro-

ductrice d'aptitudes et de connais-

sances; ca r ces dernières consti·tuent également des produits récla·

més pa r une clientèle sans cesse

élargie.

Déjà, l 'Etat et l'entreprise pri-

vée investissent des sommes consi

dérables p ou r livrer au public la

«culture considérée comme bien

de consommation» selon l'expression de Magnus Enzensberger. Ies t possible au jourd 'hu i e t il sera

demain nécessaire, avec l'organi

sat ion des loisirs et l 'élévation de

niveaux de vie, de ne plus regarde

avec tristesse comme une perte fi

nancière toute poursu it e d 'é tudes

qu i ne trouverait p'as son aboutis

s emen t dans une activité profes

sionnelle. A la volonté d'épargne

d'autrefois, les sociétés moderne

substituent un e éthique de la satisfaction immédiate des désirs e

aspirations qu i élève à l a d igni t

d'impératif moral l'exigence de la

consommation. La f inal it é socio

culturelle et l'utilité économiquse rejoignent, autorisant un dia

logue entre économistes et univer

sitaires e t donnant à la fonction

éducative une sigirification soci.ale

illustrée par la recherche avoué

d'une démocrat isat ion de l 'accè

à la culture et pa r le rôle de la

carte scolaire qui, en creant d

nouvelles zones d'attraction autou

des centres scolaires, constitu

l'extraordinaire instrument d'un

« géographie volonta ire de l

France » commandant l 'aménage

ment du t er ri to ir e e t les mouve

men ts mig ra to ir es de la popula

tion.

Les sommes mises dans le circui

économique pa r une société qu

veut assumer ses fonctions éduca

tives et culturelles sont considéra

bles. Par elles transitent des im

pulsions diverses qui contribuen

à l 'aménagement rat ionne l de

choses et des hommes eux-mêmes

'Le l iv re d e P. Daumard, malgr

la modestie de ses ambitions a le

mérite de poser en toute connais

sance de cause le problème d'une

option prior itai re en faveur de

l'édncation. Mais nous penson

qu e cette option doit ê tre solidaire

d'un renouvellement total des

concepts et des institutions.

LouÎ$ Arenilla

1. De la fonnu le du coût unitaire ontire une fonnule analogue des dépeuseéducatives (U) présentées sous la fonne

d'un produit: U = P.E.T. VI (k + 1P = population à sco lari ser ; E = tauxde scolariBation ; T = rappon e nt re l

nombre d'enseignants et le nombre d 'en

eeipaée; VI = u iveau de r émunér at iondes enseignants, (k + 1) = rappon entr

la dépense totale pa r élève et les dé

..-es de pen6DDeI .

8/14/2019 Quinzaine littéraire, 89, février 1970

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«Faire -l'école »

INFORMATIONS

E,·..I., cl .. 1. Vllissière· de Rieutor t ( intér ieur de la classe).

1

uguette BastideInstitutrice de village

Mercure de France éd., 198 p..

Instituteurs d e campagne . Ils'en t rouve encore. Bravant le sintempéries, la boue, la crasse,l 'ennu i, l 'oubl i. Minables héroÏ-ques. Méprisés parce qu'ils sont

pauvres, qu'ils on t perdu l'auto-r ité d ans la cité. Déchus.On le s embauche l e p lus souvent

au sortir du lycée et l es voi là

b rusq uement un is p ou r l e p ir e à

l a p lus grande tâche et la plus dif-

ficile, au moment même où ils

découvrent la vie, le mariage, lepremier bébé. Il ne leu r reste qu'àse débrouiller, à ces bons à toutfaire, ces bouche-trous d'occasion

qu'au moindre pas de t ra ve rs , un 'inspecteur saura remettre dans lerang.

La f at al it é pèse su r le s meil.leurs, pris qu'ils sont, malgré tout,p ar l 'amour du métier, l 'amourdes gosses, dans l'engrenage des

stages, du C .A .P ., de ces petitséchelons à grimper, humil iat ionaprès humiliation, vers la décora-tion pour bons offices, l à re tra it eet la petite maison.

Huguette Bastide témoibrne

« Faire l'école - aller ramasser

du bois mort pour se chauffer cet

hiver - préparer le souper, le

déjeuner du lendemain - corriger

mes cahiers ... Je vis seule , je tra·

vaille seule, je suis seule au milieu

de quelques enfan ts qu i ont leur

monde à eu x bien fermé. ») Elle di tla routine des jours, le cafardet tout le gâchis; ell e cite destextes officiels. Partie documen-t ai re qui , dan s c e coin de Lozèrebien précis, peut servir d'illustra-tion à tout un pays - d'heureusesexceptions confirmant la règle -

d u p rima ir e a u sup ér ie ur , de la.campagne à la ville. Le décorchange, mai s c'est la même his -

toire.Une seu le école échappait à ce

dérisoire: l 'école maternelle noue

velle avec des cadres bien formés,un t ravail d 'équipe, où l'en fan ts'épanouissait, ca r elle s'ouvrait àla vie, au rêve, à l ' imagination, autravail créateur. Alors, évidem.ment, un min is tre di t de l'Educa·tion a dû la trouver trop belle et ,dans un discours récent menace dela condamner.

La foudre es t tombée su r l e t oi tde la maison, un soir de mai. Ona b ien é té obl igé de le rafistoler,tant bie n que m al, - p lutôt mal

que bien. Quant à l'école priemaire, fondation du bâtiment, ni

gouvernement, ni direction de syn·dicat - grande machine à mar-chandages - n'ont osé y touchervra iment. E ll e e st res tée la même,avec ses programmes, ses mé-

thodes, sa discipline de l'ancientemps, et , pour encadrer des en ·fants d e p lu s en plus difficiles etexigeants, en un moment où d ansl 'unité famil ia le menacée l'auto-rité du père est con testée , unemain-d'œuvre féminine à bonmarché, souvent sans forma tion ,vite débordée et résignée.Les écoliers sont trop petits pour

protester. Ils se contentent de pIeu.rer, de s 'ennuyer, de dormir, de

faire du brui t, d'être malheureux.On en fait v it e de pet it s vieux , desaigris, des mal-aimés, bousculés derebuffade en rebuffade, culpabi-lisés et honteux, craintifs ou vani.teux, à travers classements, puni-tions et programmes à boucler,depuis le Gaulois retrouvé à cha·que rentrée jusqu'au de Gaull e dela sortie et leur libération avec

« Marseillaise» et distributiond'affreux livres enrubannés pourfermer le ban.

On a ime entendre une voix pourbriser le silence, dénonce r l e sys-

tème. Pendant que le Tout-Parisdanse, que les Présidents jouentles Pères Noël, que dans un maga·

zine féminin, des cover-girls écri·ven t qu' el le s on t trop d'argent,cette voix di t la misère , le décou-ragement et même le désespoir des

jeunes instituteurs : « Ma t ête que

j e c roya is sol ide me semble sou-

dain fragile, fêlée, ébréchée, desenvies subites d'en f inir , des bouf-

fées 'de mort s'y infiltrent et tra-versent mo n esprit comme de

mauvais éclairs. »)

Le l iv re n'est pas seulement undocument su r le s instituteurs etla vie d'un village de Lozère- partie finale, trop rédactionfrançaise, qui semble rajoutée - ilest plu s que cela, heureusement.Quand, du témoignap:e d'une insti·tutrice solitaire, i l devient réelle·ment confession, confidence def emme désenchan té e, d é ç u e

d 'avo ir t rop espéré et t an t a tt en ·du , i l es t littérairement le plus in .téressant.

« Le c ie l é ta it s i près, le monde

était si loin et nous étions si

fow. J)

8ooiologie,Philosophie

Chez Flammarion, où Maurice Clavepublie un essai sur la société' dconsommation intitulé Oui est aliéné 1on fait beaucoup de cas d'un ouvragdû à un psychanalyste suisse, S, Fantqu i y e xpose quatr e e xpér ie nc es psychanalystiques réalisées avec un générai américain, un abbé, une jeune femme et un médecin américain. Le livrs'Intitule Contre le mariage.

Sous la signat ur e de Massin, le dr ec te ur art is tiqu e des é di tions G al lmard, parait un ouvrage somptueusement Il lustré: la lettre et l'Image, ol 'auteur s 'est efforcé de resti tuer, dedessins des cavernes à l 'ère de l'audiovisuel, l 'évolution de la civilisation dl 'é cri tu re , marquée, selon lu i, par uretour à l 'image après avo ir é té lo ngt emps dominé e par l 'abs tr act io n de la

l et tr e, ainsi qu'en témo igne la placede plus en plus grande que tendprendre, dans notre ci vil isa tion , lapublicité.

Chez l e même. éd it eu r, dans la collectlon • Les classiques de la philosophie", on annonce un essai I né di t deH eide gger : T ra it é des c at égor ie s ede la signification.

Chez Payot parait, dans la col lect ion • Bibliothèque Scientifique", uneétude sociologique et< cl in iqu e desconséquences de l'héritage esclavagiste que subissent les Noirs américainspar deux psychiatres eux-mêmes Noirsamé rica ins : la Rage des Noirs amérIcains, par W. Grler et P. Cobbs.

Au Seuil , Alfred Wil lemer analyse le

processus seloln lequel la société, secrétant sa propre image, trouve dansla nécessité qu'el le éprouve de coïncider avec c et te image , le m ot eu r qui lapousse à l 'act ion. L'ouvrage Int i tulél'image-action de la société, paraidans la col lect ion • Espri t " .

Robert L af fo nt publie un t exte deBertrand Russel l paru en 1929 dansune revue è petit tirage : le Mariageet la morale.

Par cette déchirure montent le smots p ur s, les passages le s plusémouvants, meilleurs moments dulivre.

Livre tout gris de pluie et de

désespérance, sans sourire et sansri re, écri t pa r une femme que l'onsent gaie pourtant tout au fondd'elle-même, avec, pour se défen·dre, ses sursaut s de colère, sa ré .volte et ce geste d'écrire pour seprouver qu'elle existe, pours 'é cout er v iv re à travers «les

mots sincères, les phrases simples

c omme un c he min, une herbe, un.

ciel. »

Michèle Albrand

La Quinzaine littéraire, du 16 GU 28 lévrier 1970

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COLLECTIONS

«En toute liberté»

Les col lect ions consacrées à l 'ac-

tuali té pol lt lque ne manquent pas.Elles répondènt à un Intérêt de plusen plus marqué chez le lecteur moyen- intérêt que l'on a fort bien pu me-surer à l 'occasion des diverses foi resdu l ivre qui se sont déroulées récem-ment en France et dans les pays voi-sins - pour les ouvrages qui luipermettent d'ordonner et d'approfon.dlr les formations contrad ic to iresou sporadiques que la presse, la ra-dio et la télév is ion lui appor ten t aujou r le j ou r sur des évènements don t"Incidence se fait sentir lourdementsur leur vie quotidienne.

Comme la plupar t des collect ionsde ce type, • En toute liberté" a étécréée peu après les événements demal. Elle fu t du reste dès l e début de

Juillet 68 I,naugurée par un ouvragede' réf lexion sur cette révolut ion avor-tée qui a fait cou le r tan t d'encre ,ouvrage qui devai t fai re beaucoup debruit et soulever bien des contro-verses (plus de 60.000 exemphiiresvendus) et qui par sa conception,l'autorité de son auteur 'e t la rapiditéde sa' parution i llustre parfaitementla politique de ses édi teurs : la Révo-lut ion Introuvable, par Raymond Aron(voir le n° 59 de la Quinzaine). Ildevai t ê tre suiv i, au lendemain desévènements de Prague, par un livrede Roger Garaudy où se trouvaientréunis, selon l 'expression de l 'auteur,• quelques fragments significatifs dudossier tchécoslovaque" éclai rés pardes textes de Dubcek, Ota Sik et

Jlrl Hajek : la Liberté en sursis -Prague 68. Puis devai t venir, au mo-ment où la gauche s'efforçai t de tirerla leçon des évènements de mai, unessai de Guy Mollet ou le leader du

Parti SOCialiste s'Interrogeai t sUrl'avenir du sociali sme frança is : lesChances du socialisme.

Mis en cause par "ensemble de sespartisans, devenu aux yeux du publicle responsable de la catastrophe dela gauche, François Mitterrand appor-tait à son t our sa volx au débat dansun l iv re qu'II devait Int it ul er Ma par tde vér ité et qui a rr ivai t à son heure,à en j uger par l 'accue il qui devai t luiêtre fait (35.000 exemplaires). En1969 était publié , sous le titre de laVérité sur l 'économie tchécoslovaqueun recueil de conférences téléviséespeu avant l'occupation de la Tchécos-lovaquie et au cours desquel les OtaSik c 'é ta it ef fo rcé d' exp liquer à sesconcitoyens la situation de l'économiede leur pays. Cet exposé, dont l'lm·pact avait été très puissant et quidevait jouer un rôle sensible au coursdu « Printemps de Prague " devait

avoir un Immense retentissemendans tous les pays de l'est.

Enfin, attendu avec Impatience pa

ses adversaires, comme par ses partisans, paraissait ce mois-cl le l iv red'Edgar Faure, un l iv re «essent ie ll ement politique", pour reprendre j'expression de l 'auteur, puisqu' II • va àl'essence de la politique et parce qu'Idébouche sur la politique ", et qui présente en tou t cas la double originalitéd 'ê tre l 'œuvre d'un homme pol it iqueen activité et celle d'un empirisme qus'efforce de faire fi de toutes les doctrines : l'Ame du combat (38 000exemplaires vendus).

Ces ouvrages ont Lln dénominateucommun : i ls sont tous l'œuvre d'unepersonnalité en vue dont l' au tor it édans le domaine concerné, est Incontestable, C'est là un impé ra ti f debase qui résume l'objectif de la col

FEUILLETON

-- ., " ..

par Georges Perec

Après divers tâtonnements, ref le ts de tiraillements entre destendances orthodoxes qui prétendaient s'en tenir aux épreuves desJeux antiques ou, à la limite, aux douze qui furent chois ies poules Jeux d'Athènes de 1896, et des tendances modernistes qui sou-haitaientimposer d'autres disciplines telles que l'haltérophil ie, lagymnastique, le foot-bail , l 'Administrat ion des Jeux a fin i par f ixerà 22 le nombre des épreuves à disputer.A l 'except ion de la lutte gréco-romaine (qui est, ici, en fai t, une

sor te de pancrace où les lut teurs, out re qu'ils se battent à mainnue, peuvent se porter des coups de coude, ceux-ci étant entourésde lanières de cuir plombées), toutes ces épreuves appartiennenà ce que les Américains appel lent le « Track & Field -, c'est-à-direà l 'a th létisme. Douze sont des courses, parmi lesquel les 3 épreu-ves de sprint (100 m, 200 m, 400 m), 2 de demi-fond (800 et

1500 m), 3 de fond (5000 m, 10000 m, marathon), 4 d'obstacles(110 m haies, 200 m haies, 400 m haies, 300 m steeple) ; sept sont

des concours, parmi lesquels 3 épreuves de sauts (hauteur, lon-gueur, triple saut) et 4 de lancers (poids, marteau, disque et javelot). A 'ces dix-sept épreuves s 'a joutent deux concours mixtes

combinant plusieurs épreuves d'athlétisme, le pentathlon et ledécathlon. Assez inexplicablement, mais sans doute pour des rai-sons morphologiques, le saut à la perche n'est pas, ou n'est pluspratiqué. Il n'existe pas davantage d'épreuves de relais, elles n'auraient ici aucun sens, elles ne seraient pas comprises par le public:la victoire d'un homme est toujours la victoire de son équipe, la victoire • par équipes - ne veut r ien dire.

Po'ur que l'intérêt des Jeux soit assuré, il faut évidemment que lalutte soit chaude entre les représentants des vil lages. Chaque vil-lage est donc tenu d'aligner des concurrents au départ de chaqueépreuve et doit, par conséquent, former ses hommes en vue decette obligation. Il s'ensuit que l'entraînement des athlètes obéit àune spécialisation poussée et que l'on s 'e fforce de former, pourchaque type d'épreuve, ceux qui seront les mei lleurs dans cette

épruve et dans cette épreuve seulement.L'effectr f d 'un vil lage oscille entre 380 et 420 athlètes. Parm

ceux-cl, un nombre variable (entre 50 et 70) de novices (ce son

des garçons de 14 ans qui, venant des Maisons de Jeunes, arrivent au village au fu r et à mesure,que les Vétérans le quittent) etun nombre Immuable de COAcurrents, 330, réparti en 22 équipes de15 athlètes chacune. Lorsqu'un athlète quitte son équipe, soit parcequ' il est atteint par la limite d'âge, soit parce qu'il n'apparaît pluscapable d'aucune performance valable, soit par suite d'un accidentles directeurs sportifs choisissent. parmi les plus anciens des novices ( ils ont alors 17 ou 18 ans) celui qui l eu r semble, sur la basede critères morphologiques, physiologiques et psychologiques een se fondant sur les résul ta ts obtenus à l 'ent raînement , le plusapte à prendre sa place.

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lectlon et qui lui confère toute sono rigina li té. S 'i l la l im it e, d' en tr ée dejeu, quant au rythme de parut ion destitres, i l assure, du même coup, à la

p lupart des volumes, un grand reten-tissement.Fondateur et directeur actuel de la

collection "E n toute liberté., AlainDuhamel définit ainsi sa pol it ique :«Nous nous en tenons exclusivementà des ouvrages qui se rapportent à unévènement précis de l 'actua li té pol i.tique et nous demandons à nos lec:-t eu rs de s'en tenir exclusivement, deleur côté, à leur spécialité, au domal·ne où Ils font autor ité. Not re ambl·t lon, en pub li an t ces livres qui «col·lent - à l'évènement et qui s'effor·cent de faire l e point sur les prob lè-mes pol i tiques qui font la une desJournaux est que leur parution soit

saluée à son tour par le public com-me un évènement-.

En préparation, un essai d'Edmond

Michelet où le min istre de la cultu retentera de définir ce que représenteà l 'heure actuelle pour un compagnonde la première heure son apparte-

nance à un mouvement dont l 'évo lu -tion est inquiétante aux yeux de ceuxqu'on appellent les gaullistes • his-toriques ".

«His toi re immédia te»

Dans la col lect ion • Histoi re Immé-diate", Morvan Lebesque analyse leproblème des rég ionalismes dans unessai intitulé Comment peut-on êtrebreton? Tandis que Madeleine Chap-sai et Michèle Manceaux présententun document exp losi f sur la si tuat ionde l 'Université " française, appuyé surune sér ie d 'ent re ti ens avec une dou-zaine de professeurs en vue : lesAntl·mandarins. B. Eliade défend avecbrio un certain nombre de thèses

révolut ionnai res sur l 'enseignementdans une étude qu'il intitule l'Ecoleouverte. Autres titres : dans la col-l ec ti on • Politique., Cuba est·1l révo-

lut ionnaire 1, parRené

Dumont quinous y présente, en les commentantl ibrement, une sér ie d'entretiens avecFidel Castro, l'Italie chaude, analysede la situation politique actuelle dece pays, par J. Nobécourt, et les Pay·sans dans la lutte, par un des diri·geants du mouvement des jeunespaysans, B. Lambert; dans la col lec-tion • Société., une étude trè s com·piète et sans doute la p remière dugenre sur le problème des t ransportsen France et dans le monde : le Mar·ché des t ranspor ts, par J. Pellegrln,J. Frébanet et J.-N. Chapelut.

«Textes à l 'appui lt -

Chez Maspero, Bernard Granotier

analyse la condi tion des t rava lI Ieuraétrangers en France depuis 1945 dansun document à paraître dans la collec:-t ion • Textes à l 'appui. et qui a pourtitre les Travail leurs Immigrés.

« Les let t res Douvelles lt

Un nouveau titre dans la col lection• Dossie rs des Let tres Nouvelles. :Dans le poing de la Révolution, parJosé Yglesias. L'ouvrage, traduit del'américain, est un document de pre-mière main écrit par un reporter et unécr ivain américa in d 'origine cubainequi, pour nous donner cette imageintime et vivante d'une petite bour·gade cubaine vivant à sa manière larévolution, s'y est installé pour troismois en 1967 en s'attachant à y me-ner la vie de ses habitants.

Les épreuves de classement régulièrement pratiquées dans cha·que v il lage pour chaque équipe permettent de déterminer quelssont les trois mei lleurs de ces quinze athlètes. Ce sont ces troisathlètes classés qui représentent le vil lage dans les championnatslocaux, dans les épreuves de sélection et aux Olympiades. Les deuxmei lleurs ont, de surcroî t, le droit , farouchement envié, de partici -per aux Atlantiades. En revanche, ce sont les 12 derniers, c'est-à·dire les athlètes non classés, qui prennent part aux Spartakiades.On voit que ce mode de répar ti ti on en quelque sorte dynastique

répond surtout à un souci d'organisation; il permet un décompteexact et r igoureux des ath lè tes ce qu i, du point de vue des Offi-ciels, réduit au maximum toutes les opérations de contrôle. On sait,une fois pour tou tes, qu' il y a, dans tout W, 60 sprinters de 100 mrépartis en 4 équipes de 15, que 6 participent aux championnatslocaux ou aux épreuves de classement, 12 aux Olympiades, 48 auxSpartakiades. On sait , de la même façon, que les Atlantiades ras-

semblent 176 concurrents, les Olympiades 264 et les Spartakiades1056. Une fois f ixés, ces chi ff res sont bientôt devenus immuables,I ls se sont incorporés au r ituel des éliminatoires; grâce à eux, ledéroulement d'une rencontre, quelle qu'el le soit, est toujours assu-ré d'une régularité absolue, ce dont l'Administration des Jeux, tou-jours soucieuse d'eff icacité, ne peut que se réjouir.C'est évidemment pour les Direc teurs Sport ifs, qu'ils soient

responsables d'un vil lage entier ou seulement d'une équipe, quece système présente quelques inconvénients. Le plus grave estsans doute qu'il interdit le cumul. On sait - les palmarès de laplupart des Jeux, les doubles victoires de Thorpe à Stockholm, deHill à Anvers , de Kuts à Melbourne, de Snell à Tokyo, les triplesvictoires de Zatopek à Helsink i et d'Owens à Berlin, la quadruplevictoire de Paavo Nurmi à Paris, sont la pour le démon trer - qu'unsprinter est généralement aussi bon aux 100 m et aux 200, un cou-reur de demi-fond aux 800 et aux 1 500 m, un coureur de fond aux5000, aux 10000 ou au marathon. La plupart des Directeurs Spor-

tifs auraient donc souvent tout intérêt, à la veille d'une grandecompétition, à aligner un même athlète - celui qui serait alors aumeilleur de sa forme - au départ de p lusieurs épreuves. Bienque cela soit théor iquement possible, bien qu'aucune loi écr iten' interdise le cumul, cela ne s'est jamais vu : aucun vil lage ne s'estjamais risqué à engager dans une rencontre moins de concurrentsqu'il n'est normalement prévu, de peur sans doute d' indisposer lesOrganisateurs, ne serait-ce que parce que la présentation des Athlè-tes aux Officiels, lors de ('ouverture des Olympiades par exemple,affecte la forme d'un W grandiose dessiné par les 264 concurrents,et qu'une équipe à l'effectif rédui t (mais comptant sur un seulde ses champions pour remporter plusieurs victoires) troubleraitla perfect ion de cette mosaïque humaine.L'on pré fère admett re , même si cela n'est pas toujours réelle-

La Quinzaine littéraire, du 16 au 28 févriB 1970

ment vérif ié, que les méthodes d'entraînement sont suffisammentappropriées aux différents types d'épreuves pour qu'un sprinter, parexemple, puisse être spécifiquement préparé pour le 100 m, tandisqu'un autre le sera pour l e 200.

il res te évidemment les cas du pentathlon et du décathlon.L'une des conséquences de cet entraînement ultra-spécialisé estque l'on n'a pas le temps (ni à vrai dire la méthode) de former unathlète capable de pratiquer 5 ou 10 épreuves différentes avec unminimum d'efficacité. L'entraînement pluri-disciplinaire que suiventles novices lors de leur première année dans le vil lage serait enco-re le mieux adapté, mais les maigres efforts qui ont-été faits pourle poursuivre d'une manière professionelle en vue de former desathlètes réellement polyvalents n'ont pas été couronnés de sucèès.Ceci s'explique aisément: les loi s du Sport W, chaque vil lage l 'aassez vite compris, sont a insi fai tes qu' il vau t mieux tout mettreen œuvre pour remporter 5 courses avec 5 athlètes préparés pour

ces seules courses, qu'une seule victoire avec un unique ath lè tedevant triompher dans 5 ou 10 épreuves.Les Organisateurs, d 'abord étonnés par la faiblesse véritable-

ment déplorable des résul tats obtenus lors des décathlons et despentathlons, faillirent un instant supprimer ces épreuves. Ils lesmaintinrent, finalement, mais en les adaptant d'une façon tout à faitoriginale à la médiocrité des concurrents: ils en firent des épreu-ves pour r ire, des fausses épreuves destinées à délasser le publicde la tension extrêmement forte qui règne pendant la p lupart descompéti tions : c'est déguisés en clowns, grimés d 'une manièreout ranc ière , que les concurrents du pentathlon et du décathlonpénètrent sur le stade et chaque épreuve est prétexte à dér is ion :le 200 m se court à cloche-pied, le 1 500 m est une course en sac,la planche d'appel du saut en longueur est souvent dangereusemensavonnée, etc. La victoire dans ces épreuves requiert certes quel-ques quali tés sport ives, mais surtout des quali tés d 'acteurs , uncertain sens du mime, du grotesque. Un novice faiseur de grimaces

ou aff ligé de tics, ou légèrement handicapé, s'il 'est par exemplerachitique, ou s'il boite, s'il.présente quelque tendance à l'obésitéou s 'i l est au contraire d'une maigreur extrême', s'il est atteint d'unfort strabisme, etc., risquera fort (mais l 'on court souvent sur Wdes risques beaucoup plus graves que d'être livré aux facéties. d'unpublic hilare) d'être affecté à l'équipe du pentathlon ou dudécathlon. .C'est là aussi , rar issime exemple de changement d'équipe, que

pourra se retrouver, s'il a eu les appuis nécessaires, un athlète enexercice évincé à jamais de la compétition, à la suite d'un accidenpar exemple, s 'il est encore trop jeune pour jouir des droits desvétérans et trop manifestement inapte à devenir entraîneur..

(à suivre).

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Richard Il, par Chéreau

1hakespeare

Richard IlOdéon.

D 'humanisme chré tien, i l n 'ya, dans ce Richard Il, pas uneonce: aux or ties, le roi dépos-sédé trouvant une grandeur danssa misère, dans son martyre sarédemption. Voici un gamin né-ronien, un petit Satrape de laRenaissance choisissant, ensomme, de se suicider quand ilcomprend qù' il a perdu au jeumatérialiste de l'histoire qu'iln'a pas su mener. Dans ce spec-tacle superbe d'intelligence tout

est superbement païen. De là,

sans doute, la rage des cagotset de l'engeance imbécil e dé-chaînée contre ce spectacle et

appelant su r lui la répression.Mais la sottise nationale peutbien s'acharner contre PatriceChéreau; de partout d é i àl'étranger appelle ce metteur enscène de 25 ans qui, d 'ent réede jeu, domine sa génération.J 'admire d'ail leurs l 'assuranceimpavide de nos Vadius et Tris-sot ins qui crient à la trahisonde Shakespeare au nom d'unescience de la chose shakespea-r ienne qui peut tout au plus re:monter chez nous à 1820 et aux

oripeaux romantiques dont on acontinué, jusqu'à Laurence Oli -vier , de travestir Shakespeare.Avec Chéreau, comme avecStrehler, Planchon, Peter Brook- et lan Kott étant passé parlà - toute la niaiserie idéalisteest extirpée, - d'où les cris

d'or fr aie - ; le monde féodal etélisabéthain est retrouvé danssa cruauté et la v io lence de sesaff rontements, tous masquesarrachés; la réal ité est ramenéeà ce qu'el le ést : I.e gratin aris-tocra tique à une horde de bêtess'étripant ou une bande de pan-tins j.nfantiles et grotesques, la

lutte pour le pouvoir à des sché-mas stratégiques selon Machia-vel, et le monde à une arène: ily a cinq tonnes de sable sur lascène de l 'Odéon.

Comme dans tous les specta-cles de Chéreau il se joue surla scène et à la Cour d'Angle-ter re, un jeu, un jeu violent, etles grosses machineries de boisissues de Léonard de Vinci,treuils, palans, pont-levis, passe-relles roulantes sont là pour le

servi r, ce jeu, comme aussi pourle révéler , pour en rendre visi-ble le mécanisme et en scander

la brutali técynique;

déjà Plan-chon, dans Richard III rendaitvisible, par des machines debois la machine de l 'Histoire. Lejeu qui se joue dans Richard Il-, Vilar aussi nous l'indiquait

-, est celui d'une classe féo-dale p réci pit an t du t rône un roilamentable et sybarit e qui ris-quait le lui faire perdre le pou-voir par l'avilissement de lamajesté, et portant au trône, en

Bolingbroke, l'arriviste providen-tiel qui, dans le bruit de bottescher "à tous les fascismes, val iquider la • pourr iture ., la • dé-cadence ., c 'est-à-dire fai re ré-gner l'ordre qu'on devine, ou-vrant du même coup la Guerredes Deux Roses.

Comme i l l 'avait fait pour DonJuan, Chéreau demande aux ima-ges scéniques, agressives, vio-lentes, que la mise en scène apour but de constituer, il leurdemande de nous raconter cejeu, de nous livrer ce que leseul discours rhétorique risquede ne nous donner à entendrequ'imparfaitement, voire de nousmasquer. D'où cette polyphonieéchevelée mais pourtant r igou-reuse, et parfois provocante

mais jamais gratu ite véri table-ment, de déplacements abrupts,mouvements arrogants, symétri-

queset

ruptures, projections decorps dans l 'espace, combat del it iè re e t de chaise à por teurs,descente du roi dans le palandérisoire et tragique de l'His-toire, bref cette construction sa-vante, et toujours signifiante, del'espace et des gestes, chargéed'imposer sur la scène ce wes-tern élisabéthain qui, la musiqueaidant - la Callas, pop 'music,airs 1925 -, prend par moments

la f igure d'un opéra. Cet te bel leet vi olente géométr ie de l'es-pace,cette mise en scène éper-dument physique Où tout est

aff rontement, déf is , coups et

blessures et mises à mort , ser-vie d 'a il leurs par l 'é tonnantescience picturale de Chéreau, -

des Zurbaran, des Piero dellaFrancesca -, cette architecturede gestes tou jours lisible faitau texte un contrepoint et uncommentaire lumineux.

Mois voi là que dans ce spec-tacle il s'est passé quelquechose : l'acteur Chéreau, quijoue le roi, a quelque peu per-turbé, et c'est fort bien, le sché-ma analytique conçu par le met-teur en scène, qui pré tendai tnous montrer le fonctionnement

du pouvoir et la fin d'un mondepolitique. Et certes la mise enscène nous le donne à voi r, ce

mécanisme del'Histoire,

maisle jeu de l 'acteur, privilégiant unhomme, exp lorant les abyssesintimes d'un roi-enfant, confèreà cet te mise en scène, qui pourrait pécher par excès d'analyseet de démonstration, une sensibilité, et un pouvo ir d 'émotionqui éclatent dans la deuxièmemoitié ( les longueurs de la première sont en partie imputablesà la pièce). Même si Chéreaune dispose pas encore d'un instrument vocal suffisant, sacomposition de Richard eséblouissante d'intelligence etde sensibilité, une sensibilité

moderne, accordée à cett e fin

de siècl e qui es t le nôtre. Qu'i

soit, au début, un Néron Renais-sant en robe blanche, v irevolt an t sur son char aérien qui ades seigneurs pour chevaux etses mignons pour suivants, pou-pées au masque blême et auxyeux pa ill etés, - comme lui -,ou qu'il soi t, à la fin, l 'émigrant,l 'exi lé , t ra înant ses pieds dansla poussière et la couronne dansun panier, il demeure toujou rsun enfant : d'abord un enfaninsolent, tyrannique, irresponsable, fastueux et pervers, affermant le domaine royal pour cou-vrir ses dépenses, et ensuite, labanqueroute venue, et la chute,un enfant malheureux à qui ona cassé son jouet et qui s 'eni -vre de son désespoir : et dansles deux cas, un enfant toujoursen porte-à-faux vis-à-vis de lui-même et du monde.

Et autour de lui, c'est bienaussi un monde infantile quecelui de ces coqs, ces renardset ces loups se ba ttan t dans lesable pour jouer aux puissantsà t ravers un r itue l où la cruautéle dispute à la dérision. Et i

es t bien que, dans une distr ibu-tion qui comporte des acteu rs

aussi remarquables que GérardDesarthe, Michelle MarquaisMiche l Hoppenot, Daniel Emilfork ai t poussé jusqu'à l'insoutenable, jusqu'au monstre comiqueabsolu, le rôle de ce Duc d 'Yorkrelique hypocrite de l'ancientemps et des anciennes valeursdont il a fait un dinosaure fili-forme qui fait le matamore, donnant à la dérision du person-nage la d imension du dél ire.

Gilles Sandier

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publiés du 20 • •JanVier au 5 février 1970

RBEDITIONS

Jean-Michel FrankMa fenêtre sur la fo lleGrasset, 120 p., 9 F.

Marc PlétrlHistoire du reliefGrasset, 80 p., 9 F.

représentative d'uncourant l it téra ire quin'est pas sans rapportavec le «nouveau • Antonin Artaudroman - européen. Œuvres complètes

et Supplémentau tome 1Gallimard, 460 p., 26,10 FUne rééditionrecomposéeconformément aux -Intentions du poète etaugmentée de nombreuxtextes et documents

• John ClelandMémoires de Fanny HilPréface de GérardBauer.L'Or du Temps, 24,50 FUn grand classique dela l it térature érotique

• Daniel DefoeRomans • Tome IlIntroduction de

Francis LedouxTrad. de l'anglaispar Marcel Schwob etFrancis LedouxBibliothèque de laPléiadeGallimard, 1.760 p.,65 F.

PO*S I .

Lawrence FerlinghettiUn regard sur le mondechoix et traductionspar Mary Beach etClaude PélleuEdition bilingueCh. Bourgeois, 224 p.,18

F•

• E. EvtouchenkoDe la cité du ouià la ci té du non.Préface d'A. LanouxGrasset, 216 p., 16 F.Voir le n° 16 de laQuinzaine.

sur la condi tion del'homme moderne,menacé parla schizophrénie.

• Clarice L1spectorLe bitlsseur de ruinesTrad. du brésilienpar V. de CantoGallimard, 328 p.,22,20 F.

Une œuvre

• Hermann KantL'amphlthéitreTrad. de l'allemandpar Anne GauduPar un écrlcaln del'Allemagne de l'Est,un roman paru en 1967et qui a obtenu le prixHeinrich Mann

ROMANS.TRANGERS

• Tonlno Guerral'équilibreTrad. de l'Italienpar E. JolyGallimard, 168 p.,11,60 F.Par le célèbre scénaristed'Antonioni, un roman

• Edith ThomasLe Jeu d'échecsGrasset, 272 p., 18 F.A la ml-temps de sa vieune femme fait le bi lanet choisit de payer le • John Hopkinspr ix de la lucidité et L'arpenteurde la liberté... Trad. de l'anglais

par Pauline PetitGallimard, 224 p.,16,40 F.Les aventures d'unjeune Américain auPérou et un premierroman fort captivant.

Juan MontanerLes écarlatesPréface de L. PauwelsL'Or du Temps,296 p., 31 F.

Six nouvelles érotiquesdans la grande traditiondu genre.

.Maurlce RaphaëlLe fesUval de deuxchoses l'uneAinsi solt·Il, ClaquemurLosfeld, 328 et 256 p., • Erskine Caldwell24,60 F le volume. Miss Mamma AlméeRéédition de Trad. de l'américaindeux romans parus dans par Mar le Tadléles années 50 (l'auteur A. Michel, 256 p.,est également connu 15,90 F.sous le nom d'Ange Par l 'auteur deBastlanl) . « La route au tabac -

et du «Petit arpent duBon Dleu-.

ean Clémentlne Fomasl352 p" 20 F.

le chroniqueur dunard Enchaîné-,roman de

politique-fiction.i met joyeusementsac le monde des

et de la

erre Fritsche enfance lorraineIl : Nos cousins

320 p., 18 F.chronique d'unetite vil le ouvrièrel'Est, de .Jacques Sternberg1940 à la Libérat ion. Atten tion planète

Malet habitéerilogie noire Losfeld, 416 p., 27,80 F.

448 p" 24,60 F. Par J'auteuren un seul de «L'employé-,

de trois romans Grand Prix de l'HumourIl y a plus noir 1961, et de «Je

e v ingt ans. t'aime, Je t'aime -.

Une nouvelle f.orme d'équipement'culturelLE COLLÈGE GUILLAUME BUDÉ DE YERRES

a 1 CES 1200 éléves : enseignement généralb / CES ·1200 éléves : enseignement

scientif ique et spécialisé

c / CES i 200 éléves : enseignement pratiqued 1 Restaurant libre-service, salles

de réunion, centre médico-scolairee 1 Logements de fonètionf 1 Salle de sports avec gradins (1000 places)

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a Quinzaine littéraire, du 16 GU 28 févriB 1910

8/14/2019 Quinzaine littéraire, 89, février 1970

http://slidepdf.com/reader/full/quinzaine-litteraire-89-fevrier-1970 30/32

Livre. publiés du 20 janvier au 5 février 1970

Walker ChapmanLe rêve doré(les conquistadores)Trad. de l'américainpar Rober t LatourA Michel , 320 p., 23,10 F.L'épopée extraordinairede ces aventurierslancés à la recherche del'Eldorado mythique etdont les découvertesont transformé le mondeoccidental.

Robert ChristopheLes grandes heuresd'ItaliePlon, 470 p., 30,60 F.L'histo ire de l'Italie

è t ravers ses grandspersonnages et sesmonuments les pluscélèbres.

HISTOI••

Préface de J.-P. SartreGallimard, 368 p.,30,90 F.Voir le n° 88 de laQuinzaine •

Daniel PhamInformatique à l'usagedes éducateursPréface de G.BachelardP.U.F., 114 p., 12 F.Les not ions de basede l'Informatique.

• Jean BécarudGilles LapougeAnarchistesd'EspagneCol le ct io n • R •Balland, 164 p., 15 F.L'histoire de

l'anarchisme ousoixante-quinze annéesde luttes quiprécédèrent la f lambéelibertaire de 1936.

Emilienne DemougeotLa formation del'Europe et les Invasionsberbares des originesgermaniques àl'avènement deDioclétien

Hors-texte, cartes etdér' antsAubier-Montaigne,616 p., 49 F.

Six siècles d'histoire

Impér ia le entre César

et Justinien.

• Domin ique Desant iL'InternationalecommunistePayot, 400 p., 24,80 F.

De la ré vo lu ti on de1917 à la d ispari tion duKomintern, l'histoire deshommes, des idées etdes évènements.

Jacques DuclosMémoires IIIPremière par tie :de la drôle de guerreè l a ruée vers

A la fols un bilan decette action et

une é tude prospec tive .

Jean FourastiéLettre ouverte

à quatre milliardsd'hommesA. Mihel, 168 p., 9,30 F.A l'intention du grandpub lic, une méd itat ionsur les problèmespersonnels quicommandent l'existencede l'homme d'aujourd'huiet l 'avenir de l'espèce.

Michel GauquelinLes horloges cosmiquesGonthier, 272 p., 22,90 F.Une étude sur la genèsede l'astrologie et surl 'exploration dela science modernedans le domaine desInfluences quicontrôlent la v ie .

Jean CordatRévolution despauvres et EvangileEdit ions Ouvrières,272 p., 22,50 F.

Collection • Economieet humanisme •.

Jacques DevalAfin de vivrebel et bienA. Michel, 192 p.,11,50 F.

Let tre d 'un père à sonfils sur l e bon usagede soi-même et desautres.

• Eugène IonescoDécouvertesColl . • Les sen ti er sde la création.

20 hors-texte couleursde "auteurSkira, 128 p., 33,55 F.Voir le numéro 88 de laQuinzaine.

Antonin LiehmTrois générationsEntretiens sur lephénomène cultureltchécoslovaqueTrad. du thèque parMarcel Aymin

• Michel ButorLa rose des ven ts(32 rhumbs pourCharles Fourier)Gallimard, 184 p.,12,60 F.

Une extrapolationple ine d'humour parlaquelle se trouvesavamment complétéle tableau que Fourieravait prévu pourl'histoire de l 'human itéet qu'il avait laisséinachevé.

ESSAIS

chrétiens: les AymarasCerf, 484 p., 45 F.

Une é tude desmythologies et

coutumes morales de • Simone de Beauvoirces Indiens d'Amér ique La vieillesse

Lat ine qui ont assimi lé Gal limard, 608 p.,les not ions chrét iennes 30,90 F.en les mélangeant à Voi r le n° 88 de laleurs habitudes de Quinzaine.pensée.

Emmanuel KantLettres sur la moraleet la religionIntroduction, traductionet commentaires parJean-Louis BruchEdition bilingue

Aubier-Montaigne,240 p., 26 F.Vingt-elnq lettres, pourla p lupa rt i néd it es , quicontribuent à placerl'homme et l'œuvre dansleur juste éclairage.

Henri AvronLa philosophieallemandeSeghers, 224 p., 18 F.De Maître Eckart àHeidegger et à Marcuse,en passant par Kant,Hege l ou Nie tzsche , unpanorama historique destendances de la penséeallemande.

PHILOSOPHIE

Francine RoureAlain ButeryMathématiques pourles sciences sociales200 figuresCol l. • S.D . •P.U.F., 336 p., 38 F..Inaugurant cettenouvelle col lect ion, unouvrage d'Introductionaux notionsmathématiquesfondamentales.

Suzanne BalousL'action culturellede la France dansI.e mondeP.U.F., 192 p., 18 F.

F. Parent-LardeurLes demoisel les demagasinEditioRs Ouvrières160 p., 13,50 F.

Les rapports que legrand magasin entretientavec son personnel.

• Carl RogersLa relation d'aideet la psychotérapieEditions SocialesFrançaises, 240 p., 29 F.

La première traductionen français d'un livre

de base écrit par unpsychologue célèbredans le monde ent ie r.

fondamentaux dela pédagogie, de Platonà Bergson, de Rousseauà Fre inet , e tc .

Oliver CotinaudLa rencontre dupsychologueCenturion, 256 p.,12,60 F.

Une vue d'ensemble, àl'intention du grandpublic sur

la psychologie et

ses applications.

La liberté etl'ordre socialRencontresInternationales deGenève 1969.Ed. de La Baconnière,336 p., 36,60 F.

Avec des textes deMarcuse, Aron, Ricœur,Danlèlou, etc.

Alnslie MearesSoulagement sansdroguesTrad. de l'anglais

par G. de CheriseyA. Miche l, 256 p.,14,40 F.Comment dominer sesangoisses sans recouriraux tranquillsants.

Louis MilletL'agressivitéEd. Ouvrières,200 p., 15 F.

L'agressivité et sesdifférents avatars dansle monde d'aujourd 'hui .

J.-E. Monast

On les croyait

• Emile DurkheimLa science socialeet l'action

Introduction etprésentation de J.-C.FillouxP.U.F., 336 p.,20 F.

Un recue il de textes surle rappor t de la

sociologie à la pratiquesociale.

• Sandor Ferencz iŒuvres complètesT. " : 1913-1919Psychanalyse "Préface de M. Bàl intPayot, 360 p., 34,70 F.Le deuxième volume desœuvres de ce pionnierde la psychanalyse.

Joseph FoliletLa paix du cœurCenturion, 208 p., 12 F.Une initiation à la pai xdu cœu r par "humouret la poésie.

Colette Hovasse

Du danger d'êtresérieux

Centurion, 160 p.,12,60 F.

Pour un ar t de vivre

basé sur l'humour.

et de R. Dorgelès4 gravures h.-t.A. Michel , 392 p.,25 F.

La vie et l 'œuvre dece peintre, illustrateurde • La Comédiehumaine •.

A.J. FestugièreDe l 'essence dela tragédie grecqueAubier-Montaigne,146 p., 24,10 F.

Les sources profondesde la tragédie grecqueet ses aspectsspécifiques.

René GodenneHistoire

de la nouvellef rançaise aux .xVII" etXVJII' siècles.Librairie Droz, 350 p.,46 F.

Avec un répertoire parannée des titres denouvelles de cette

époque.

Robert LafontRenaissance du SudGallimard, 320 p.,19,30 F.

La littérature occitaneau t emps de Henr i IV.

Elsa Triolet

La mise en mots

Coll. • Les sen ti er sde la création.22 hors-texte en

noir et en couleursSkira, 146 p., 33,55 F.Voi r le n° 88 de laQuinzaine

CRITIQUEHISTOIREt t lTTÉRAIRE

Franz WeyergansBibliothèque Idéaledes jeunesEd. Ouvrières, 272 p.,18,50 F.

Réédition entièrementrevue et augmentée.

Emile ChanelLes grands thèmesde la pédagog ieCenturion, 320 p.,18,30 F.

Les textes

SOCIOLOGIEPSYCHOLOGIEETHNOGRAPHIB

. VercorsDestin ou liberté

Œdipe d'après sophocleHamlet d'aprèsShakespearePlon, 306 p., 16,90 F.Deux personnages clés'du théâtre universel;deux héros de l'angoissede vivre qui résumenten eux des valeursspécifiques à notretemps.

Kléber HaedensUne histoire de lalittérature françaiseGrasset, 408 p., 35 F.qéédltion revue et

augmentée.

• Jean PaulhanJacob Cow, le p irateTchou, 192 p., 18 F.

A.-D. RabinelLa tragique aventurede Roux de Marilly

Préface d'A. ChamsonPrivat, 308 p., 24 F.Le destin à la folspicaresque et

exempla ire d 'un hérosde la lutte duprotestantisme françaiscontre la pol it iquerel ig ieuse de Louis XIV.

Jean SaintenyFace à Ho Chi Minh16 p. d'IllustrationsSeghers, 224 p.,15,66 F.

Un témoignage capitalsur une despersonnal ités les p lusétonnantes et aussiles plus mystérieusesde notre temps.

F. Wilson-HuardCharles Huard(1874-1965)Préfaces d'A. Billy

BIOGRAPHIESMEMOIRESCORRESPON·DANCES

Samuel BernsteinAuguste BlanquiTrad. de l'anglaispar Jean VachéMaspero, 368 p.,23,70 F.

Par un historienaméricain des idées

sociales, qui volt enBlanqui un anti-marxlste.

Cahiers Romain RollandGandhi et RomainRolland Correspondanceextraits du JOl,lrnal ettextes diversA. Michel, 496 p.,31,70 F.

A l 'occas ion ducentenaire de Gandhi,un ouvrage qui jetteune lumière nouvellesur l 'homme et sur lechef d'Etat.

• J. Humbert-DrozMon évolution dutolstoisme aucommunisme (1891.1921).

Ed. de La Baconnière,444 p., 46,60 F.

Les Mémoires d 'unjeune pasteur suissequi devint secrétairede l'Internationale en1921, sur la proposit ionde Lénine.

30

8/14/2019 Quinzaine littéraire, 89, février 1970

http://slidepdf.com/reader/full/quinzaine-litteraire-89-fevrier-1970 31/32

Roger GentisLes murs de l' asi leMaspéro, 96 p., 5,90 F. THÉATREUn réquisitoireimpitoyable contre la •condition qui est faite Calderonaux aliénés en France, Le par le d irec teur d'un établissement TradUIt et préfacépsychothérapique de la par.B. Ses.érégion parisienne bilingue

, " Aubier-Montaigne,288 p., 17,35 F.

Stalingrad (1939-1942)Fayard, 320 p., 20 F.Le Parti Communistedans la clandestinité.

Histoire économiqueet soc ia le de la FranceDes derniers temps de"âge seigneurial auxpréludes de l 'âgeindustrielOuvrage collectif sousla direction deF. Braudel48 planches h.-t.P.U.F., 800 p., 68 F.La lente. mais puissanteprogression de labourgeoisie jusqu'àl 'éclatement de laviei l le sociétéseigneuriale.

D. Dharmond KosamblL'Inde ancienneTrad. de l'anglais

par C. MalamoudMaspero, 260 p., 23,70 F.Une étude approfondiesur tous les aspects'de l'Indianisme, quiexplique les structuresactuelles de l 'Inde.

G. LegmanLa culpabilitédes Templierssuivi de L'innocencedes Templierspar Henri Charles Leaet de Les Templiers etl e cul te des forcesgénésiquespar Th. Wright, G. Wittet J. TennentTchou, 318 p., 25 F.Une révision du procès

des Templiers appuyéesur des sourcesnouvelles.

POLIT IQUEECONOMIE

Amilcar CabralGuinée CI Portugaise»Le pouvoir des armesMaspero, 120 p., 6,15 F.Un recueil de textespol it iques, par le leaderdu mouvement delibération de la Guinéeet du Cap vert.

Jean CharlotLe phénomène gaulliste

Fayard, 208 p., 24 F.Le gaullisme en tant que• parti d 'é lecteurs ",comme en connaîtl'Angleterre, opposéaux • 'partls demilitants"caractéristiques de lavie pol it ique françaisejusqu'en 1962.

• André Gunder FrankLe développement dusous-développement :l'Amérique latineTrad. de l 'anglais parChrlstos Passadéos

Maspero, 376 p., 23,70 FLe sous-développementcomme produit de lastructure coloniale ducapitalisme mondial.

Georges LefrancGrèves d'hier etd'aujourd'huiAubier-Montaigne,302 p., 23,10 F.

L'idée de la grève àtravers son histo ireet à travers l 'ensemblede problèmes qu'ellepose.

DOCUMENTS

Le plus long Jourdu JaponOuvrage colle.ctlf parla Société japonaise deRecherches sur la

guerre du Pacifique.Trad. de l'américainpar Jane Fll llon8 hors-texteTrévise, 284 p., 25,90 F.Le compte rendu des-journées d'aoOt 1945 quidevaient se terminerpar la capitulationdu Japon.

Philippe AzlzTu trahiras sansvergogneFayard, 288 p., 22 F.A travers la f igurede deux• collaborateurs"tristement célèbres,l'histoire d'unmouvement qui a

profondément marquéla France.

Jean-Bertrand BaryHomme avec deshommesEditions Ouvrières,184 p., 12 F.Un témoignage sur lemétier de prêtre.

RELIGION

Bilan de la théologiedu XX· siècleOuvrage collectif sousla direction de R. VanderGucht et H. VorgrimlerCasterman, 608 p., 65 F.Les grands courantsthéologiques du 'mondecontemporain analyséspar une équipeinternationale etinterconfessionnelle.

J.-M. LeclercM.-F. ValkhoffLes premiers défenseursde la l iber té rel igieuseCerf, 400 p., 30 F.

Un- recueil de textes dutemps de la Réforme etdes guerres de religion.

Michel LeclerqLe divorce etl'EgliseCol l. • Points chauds.Fayard, 160 p., 15 F.Un bilan des recherchesthéologiques qui tendentactuellement à assouplirla doctrine séculairede l'Eglise en cedomaine.

O. LoretzQuelle est la véritéde la Bible?Centurion, 176 p.,17,10 F.

Pour une nouvellelecture des Ecrituresbasée sur uneconception modernede la foi. .

ARTS

URBANISME

Michel ButorLes mots dansLa peintureNombr. illustrationsen noir et en couleursCollection. Les sentiersde la création"Skira, 184 p., 33,55 F.Voir le numéro 88 de laQuinzaine.

• Robert KleinLa forme etl'IntelligiblePréface d'A. Chastel16 pl. hors tex teGallimard, 504 p.,40,60 F. -L 'ensemble des étudesde Klein surla Renaissance et l 'artmoderne.

DIVERS

Bordas EncyclopédieVisages de la ter re

Sous la direction deRoger CaratinlPréface de M. Le LannouNbr. IllustrationsLe tome VI de cette'

encyclopédie thématiqueen vingt volumes aussioriginale par saconception que par saprésentation.

Jean-Louis BrauLes mauvais lieuxde LondresBalland, 224 p., 80 F.Un haut l ieu dufantastique et dela v io lence : le Londresnocturne.

Jacques KermoalProcès en canonisationde Charles de GaulleBalland. 148 p.• 12 F.Un roman de • politique-fiction» des plus

savoureux.

Livresde

poche

LITTERATURE

TieckContes fanstastiquesBilingue Aubier-Flammarion.

Yves BonnefoyDu mouvement et del' immobil ité de Douvesuivi de Hier règnantdésert et accompagnéd'Anti-Platon et dedeux essaisGallimard poésie.

Saint-John PerseAmers suivi deOiseauxGallimard/Poésie.

THEATRE

Jean GenetHaute surveillanceGallimard/Le Manteau

d'Arlequin.Reprise au format depoche, la célèbre piècede Genet, créée en 1949au Théâtredes Mathurlns.

Roger VitracLe coup de TrafalgarGallimard/Le Manteaud'Arlequin.Réédition au format depoche d'une pièce crééeen 1934 et qui serajouée .prochainement àParis dans une mise enscène de Planchon.

ESSAIS

Berkeley

Cahiers de notes.et Essai d'une théoriede l a v is ionTraduction et préfacepar André LeroyAubier-MontaignePhilosophie en poche.

BerkeleyTrois dialogueseptre Hylas etPhilonousprécédé d'un essaipar Michel Ambachersur La Philosophiede la natureCommentaire parM. AmacherTrad. par A. LeroyAubler-Montaigne/•Philosophie en poche.

BerkeleyPrincipes de laconnaissance humaineédition bilingueObéissance passive(extraits)Aubler-Montalgne/•Philosophie en poche.

J. Chasseguet-Smlrgell,a sexualité fémininePetite BibliothèquePayot.

Aldous HuxleyL 'a rt de voi rAvant-propos deG. NeveuxPetite Bibliothèque,Payot.

INBDITS

Jean BoulalneLes sols de FranceQue sais-je 1

Glan Carlo BravoLes soclaUstesavant MarxTrad. de l'Italienpar Alice ThéronPetite collectionMaspéro. 3 tomesAnthologie avecintroduction, notes etbibliographies dessocialistes du XIX'

siècle.

Fernand BrunnerEckhart.

Nombr. IllustrationsSeghers/Philosophesde tous les tempsEclalrée par des textesjusqu'Ici inconnus enfrançais. uneintroduction à lapensée du grandmystique allemand.

Noam ChomskyLe langage et la penséePetite Bibliothèque

Payot.Ini ti at ion à la méthodede la linguistiquemoderne.

Robert J. CourtineLa gastronomieQue sais-je?

Michel GoustardLes singes anthropoïdesQue sais-je 1

Léon E. HalklnErasmeEd. Ouvrlères/Classiques du XX' SiècleErasme contestataireavant la lettre.

Jean JolivetAbélardSeghers/Philosophesde tous les temps.Abélard oula philosophie dans

le langage : une étudeéclairée par un choixde textes.

Annie KrlegelAux origine's ducommunisme françaisFlammarion/Questionsd'histoireVoi r le n° 65 de laQuinzaine.

Albert LabarreHistoire du l ivreQue sais-je?

C. lemercler-QuelquejayLa paix mongoleFlammarion/Questionsd'histoire.le monde pendant

la seconde moitié duXII' Siècle ou cinquanteannées d'histoirependant lesquellesle monde connut la paix.

André NicolasMarcuseSeghers/Philosophesde tous les temps.Une étude critique del'œuvrede ce philosophede la contestation.

Richard StaufferLa Réforme(1517-1564)Que sais-je'?

Catherine Valabrègue

La condition étudiantePetite BibliothèquePayot.Une enquête surle terrain : la conditionsociale, matérielle,politique. affectiveet sexuelle de l'étudiant.

Louis Gautier VignalMachiavelEd. ouvrièresClassiquesdu XX' sièclela penséede Machiavelaujourd'huI

La Quinzaine littéraire, du 16 au 28 février 1970 31

8/14/2019 Quinzaine littéraire, 89, février 1970

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dance s'insèrent à leur place chronologique dans l'ensemble de l'œuvre.C'est là «une méthode saine et féconde», comme le relève Michel

Décaudin dans le Bulletin de l'Université de Toulouse.

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l'histoire littéraire, et constitue uninstrument de premier plan pour uneconnaissance profonde de la vie et del'art de l'auteur de Madame Bovary.

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