PSYMAG - Avril 2015

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Couverture : Mehdi Werghi | © René Magritte Ψ

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Les métiers du psychologue en Tunisie

La place du

psychologue au service

de Neurologie

l’hôpital Charles Nicolle, le service de Neurologie

prend en charge l'ensemble des pathologies du système

nerveux central et périphérique observées dans toutes

les tranches d’âge. De par sa variété de soins, ce service

offre non seulement une consultation neurologique,

kinésithérapeutique et orthophonique, mais aussi une

consultation neuropsychologique assurée par une

équipe de psychologues. Partant de ce fait, notre article

portera sur l’activité de cette équipe de cliniciens.

L’équipe exerçant dans ce service est formée de quatre

intervenants : trois neuropsychologues cliniciennes,

Aroua Cherif, Nadya Annane et Nouria Oudia ; et une

psychologue clinicienne, Lamia Ftouhi. Dans un premier

temps, la tâche des neuropsychologues consiste

essentiellement à élaborer un diagnostic

neuropsychologique et à surveiller l’évolution des

troubles qui leurs sont présentés. Les patients

hospitalisés au sein du service ou adressés par la

consultation neurologique externe pourraient présenter

des troubles cognitifs : troubles de la mémoire, troubles

du langage, troubles du comportement, troubles

affectifs, ou encore des problèmes de l’attention, des

problèmes scolaires, une déficience intellectuelle, etc.

Dans ce cadre, le déroulement du bilan passe

généralement par quatre temps. Premièrement, un

entretien préliminaire semi-directif, ayant pour but de

recueillir les informations anamnestiques et de repérer

quelques indices (plaintes, symptômes), qui font cibler la

démarche de l’investigation.

Situé à quelques pas de l’entrée de

l’hôpital

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Deuxièmement, l’administration des tests

neuropsychologiques et psychométriques. Pour

ce faire, l’équipe a recours à des tests adaptés à

la population tunisienne tels que l'A-MMSE et la

batterie d’efficience globale. En effet, cette

équipe de psychologues a participé à

l’adaptation de quelques tests en collaboration

avec des académiques et des professionnelles.

On cite, à titre d'exemple, l'A-ADAS-COG.

Ainsi, les neuropsychologues utilisent, avec

précaution, les tests de Stroop, de barrages et le

CVLT pour évaluer successivement l’attention

et la mémoire épisodique, vu l’absence des

orthophonique ou autre. Toutefois, aucune

possibilité de réhabilitation cognitive n’est

effectuée en raison du manque de matériels

nécessaires censés être procurés par le service

de l'hôpital, et de l’absence des formations

continues. La psychologue clinicienne, quant à

elle, intervient sur deux plans. D’une part, elle

rejoint ses collègues neuropsychologues dans

leurs tâches. D’autre part, elle rencontre des

patients ayant comme motif de consultation des

céphalées, des crises psychogènes, des troubles

du comportement et/ou de l’humeur. De ce

fait, son intervention permet d’affiner la

normes locales. Troisièmement, la cotation des

épreuves psychométriques et

neuropsychologiques, ainsi que l’analyse

quantitative et qualitative des résultats. Cette

cotation constitue le cœur du bilan, en ce sens

qu’elle nécessite un travail de synthèse et de

différents indices, en intégrant, bien

évidemment, les données anamnestiques. Il est

à noter que le bilan permet d’identifier les

fonctions déficitaires, ainsi que celles préservées

du fonctionnement cognitif et émotionnel du

patient. Quatrièmement, la restitution des

résultats au patient ou à ceux qui

l’accompagnent,

prise en charge médicale. Son travail n’est donc

pas limité à un simple diagnostic, mais elle peut

également assurer une prise en charge

psychothérapeutique des patients en fonction de

différents paramètres (âge, étiologie,

personnalité, demande, ...). Sa démarche est

ainsi basée sur trois types d’entretien (directif,

semi-directif et libre) et sur des tests projectifs

(Rorschach, T.A.T, patte noire, ...),

psychométriques et neuropsychologiques. En

somme, l’équipe de psychologues dans le

service de Neurologie de l'hôpital Charles

Nicolle, tente, par son travail habilement

l’accompagnent, ainsi qu’au médecin qui l’a

adressé par le biais d’un compte-rendu écrit.

Toutes ces étapes qu’on vient d'énumérer se

déroulent dans un seul bureau que les

psychologues se partagent entre elles. Bien

entendu, ceci constitue une contrainte, étant

donné que quiconque est susceptible

d’interrompre leur travail pour une raison ou

une autre (prendre un rendez-vous, pour

récupérer un compte- rendu, ...). Ensuite, à la

lumière du diagnostic, le médecin traitant

oriente la prise en charge médicamenteuse,

coordonné, d’évaluer le fonctionnement

cognitif, affectif et social des personnes

consultantes, afin d’établir un bon diagnostic.

Néanmoins, l’objectif est réalisé avec quelques

contraintes, à savoir le problème d’adaptation

des tests, le manque de matériels et de stages de

formation, ainsi que le problème du cadre.

Ceci serait-il le cas du reste des

neuropsychologues exerçant ailleurs en Tunisie

? Que faire, sachant que le problème pourrait

dépasser un simple problème matériel ?

Ahlem Ben Ouezdou

et Lamia Ftouhi

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La musicothérapie

psychoactifs soient nécessaires dans la prise en

charge de quelques maladies psychiatriques graves

(paranoïa, schizophrénie, trouble dissociatif de

l’identité, ...). Mais ne serait-il pas plus pertinent

d’explorer de nouvelles alternatives combinant

approches médicamenteuses et non

médicamenteuses afin d’en accroître l’efficacité ?

Il ne s'agit en aucun cas d’incriminer ces

substances, ni d’encourager leur élimination du

marché pharmaceutique, ni d’ailleurs de pousser

les patients à interrompre leurs traitements.

troubles psychiatriques demeure un sujet d'actualité

prêtant à controverse en Tunisie. Bien que les

traitements à base de substances psychotropes

stabilisent l'état de nombreuses personnes, plusieurs

d’entre elles s’en plaignent, compte tenu du fait que

ces produits-là perdent de leurs efficacités avec le

temps, ou bien qu’ils sont à l'origine d'effets dit «

indésirables », parfois graves. Aussi, certaines

substances masquent les symptômes sans vraiment

s'attaquer aux causes profondes. Cela n'exclut pas

pour autant le fait que certains médicaments

psychoactifs soient nécessaires

L La prise en charge des patients souffrant de

Une alternative

à l’utilisation

des psychotropes

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L’idée étant plutôt de proposer une nouvelle

perspective thérapeutique visant prioritairement à

atténuer les symptômes des maladies, et de

sensibiliser les professionnels aux bienfaits de la

thérapie par la musique et de ce qu’elle promet

d’apporter aux personnes concernées. De par son

caractère naturel, la musicothérapie s’inscrit dans

cette perspective de prise en charge des maladies

psychiques ou des problèmes d’ordre

psychologiques, comme complément à

l’utilisation des produits pharmaceutiques.

Malheureusement, rares sont les institutions

hospitalières tunisiennes qui proposent ce type de

thérapies, et les formations dans ce domaine sont

quasi inexistantes. Qu’est-ce donc la

musicothérapie ? D’où tire-t-elle ses origines ? A

qui s’adresse-t-elle ?

Composante de l'art-thérapie, la musicothérapie

associe les termes « thérapie » (du grec thérapeia «

cure »), et « musique » (du grec mousikê « art des

muses »).

Se basant sur les traités écrits par Hippocrate, les

médecins grecs cherchaient alors à soigner la

manie et la mélancolie à l’aide des fréquences

sonores variées. Depuis cette époque-là jusqu’à

aujourd’hui, on a accordé à la musique une

efficacité thérapeutique. Cependant, ce n'est qu'à

partir du XXe siècle que la profession de

musicothérapeute s'est progressivement installée,

notamment au Canada et aux États-Unis, destinée

aux personnes manifestant une souffrance

psychique et/ou physique, quels que soient leurs

âges ou leurs handicaps (autisme, dépression,

démence, Alzheimer, Parkinson, ...). Dans le cas

de l’autisme par exemple, la musique, étant une

forme de communication, constitue un moyen

privilégié de communication qui permettrait

l’entrée en contact avec ces personnes, chez qui le

langage est problématique.

« Prends un bain de

musique une à deux fois

par semaine pendant

quelques années et tu

verras que la musique

est à l'âme ce que l'eau

du bain est au corps. »

Oliver Wendell Holmes

Comme son étymologie l'indique, elle constitue

une pratique de soin qui utilise le son et la musique

comme moyens d'expression, dans le but

de rétablir et d’améliorer la santé mentale ou

physique d'une personne. Les propriétés curatives

de la musique remontent à l'aube de l'humanité.

Elle est utilisée depuis l'Antiquité à des fins

curatives. Mais il a fallu attendre l’époque de la

Grèce Antique pour découvrir le lien entre la

musique et la médecine. C’est à partir de cette

époque-là que la thérapie par la musique a

commencé à fleurir.

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Pour ces motifs, la musique constitue un moyen

d'expression qui tient une place essentielle dans

notre vie sociale, pour l’influence qu’elle

exerce sur notre corps et sur notre âme. Le

style de musique utilisé dans cette thérapie

compte toutefois. En effet, un morceau en

mode majeur (ou ionien) connu comme gai et

lumineux avec un tempo rapide (La primavera

de Vivaldi) procure de la joie, tandis qu’un

mode majeur avec un tempo lent (Symphony

N°.9 de Mahler) apaise. Inversement, un

morceau en mode mineur (ou aeolien) qualifié

de sombre et d’intériorisé avec un tempo rapide

(Symphonie N°9, 2° mouvement de Beethoven)

engendre la colère ou la peur, tandis qu'un

mode mineur avec un tempo lent (Moonlight

sonata de Beethoven) rend triste.

C’est en offrant un tel espace de parole,

d'écoute et de partage, que la musicothérapie

constitue une vertu thérapeutique efficace

souvent négligée dans la pratique clinique

tunisienne au profit des pratiques

pharmaceutiques pour soulager les

symptômes douloureux (psychologiques ou

physiologiques), en ce sens qu’elle a cette

caractéristique d’être sans stimulation.

Asma El Héni

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Notre image de soi et comment les autres nous perçoivent

« Alors ok, on se retrouve à 13 heures devant le café, je

vais être à l'heure ! », dit Sarra. Ses copines sourient en

entendant cela, se jettent des regards et retournent les yeux

avec un désespoir joueur. « Qu'est-ce qui se passe ?! »,

s'exclame Sarra indignée, « je suis toujours à l'heure ». Les

sourires dans le groupe s'intensifient et se transforment en

ricanements... « Oui, oui, tu es toujours à l'heure ! »

« Un groupe de projet de l'entreprise se réunit pour un

atelier ; il y a un débat intense sur une nouvelle ligne de

produits. Ben Salem prend alors son jeune collègue Rejeb de

côté, puis il dit : « Écoute, tu ne devrais peut-être pas interrompre P. aussi souvent. Tu n’arrêtes pas de lui couper

la parole, les autres te regardent déjà très bizarrement. » Rejeb est stupéfait : « Moiii ?! ». Il affirme avoir

interrompu P. rien qu’une fois, et surtout à un moment où cela était « absolument nécessaire».

« Après avoir assisté à un conseil pour discuter des notes

à donner aux examens, quelques-uns des profs sont

restés assis ensemble autour d'un café. On en vient à

parler de différentes classes d'étudiants « difficiles » et

de problèmes de l'enseignement. Radhia S. explique

comment il est dur pour elle d’attirer l'attention des

étudiants. Tous les collègues autour de la table

expriment leur étonnement : « Toi ? Tu es la Star ! Les

étudiants ne font que t’admirer ! Ils mangent même

dans ta main ! Tu es un talent naturel ! On est habitué

à entendre : ‘’ Mme S. est super, Mme S. est

formidable... ‘’». Radhia S. tente d’expliquer à quel

point elle est déprimée, épuisée et triste après chaque

cours, mais les collègues prennent cela pour de la

coquetterie ! Ils laissent même entendre une certaine

jalousie lorsque, à leur tour, ils prônent leur façon

naturelle de se comporter face aux étudiants en

comparaison avec Radhia. »

Nous croyons tous très bien nous

connaître. Mais savons-nous vraiment ce

que les autres ont comme images de nous

? Et qu’est-ce que cela signifie que leur

évaluation n'égale tout simplement pas

notre image de nous-mêmes ? Serions-

nous mal compris ? Ou y a-t-il des

facettes de notre personnalité qui nous

sont restées cachées jusqu'à présent ?

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Cette torsion dans l'autoglorification est appelée par

le psychologue social Shelley Taylor « l’illusion

positive ». En effet, nous exploitons ce genre

d'illusion surtout lorsqu’il s'agit de propriétés ou

caractéristiques qui apparaissent importantes pour

nous. La théorie de l'auto-amélioration essaie de

découvrir les instances de cette distorsion. L'un des

résultats les plus visibles de recherche se basant sur

cette théorie a été souvent répandu ces dernières

années : environ 85 pour cent des automobilistes

allemands pensent qu'ils sont meilleurs conducteurs

que la moyenne (ceci n’est pas une exclusivité

allemande). Un deuxième axe de recherche suppose

que l'image de soi correspond en grande partie à la

réalité parce qu'elle vient de la « réalité socialement

partagée » (socially shared reality). L’image que

nous avons de nous-mêmes reflète essentiellement

l'image que les autres ont de nous, à cause du

maison

comportement que nous avons : nous observons,

tout d'abord, comment les autres réagissent face à

nous et en concluons comment nous sommes. Mais

aussi, nous nous observons nous-mêmes « comme un

étranger, surtout lorsque nos signes internes sont faibles,

ambiguës ou obscurs », explique le psychologue social

Daryl J. Bem, fondateur de la théorie de la perception

de soi. Cela signifie que nous tirons et lisons de

notre comportement les propriétés et

caractéristiques que nous avons (« je suis ce que je

fais et je suis comme je le fais »). Si moi, par

exemple, je suis quelqu’un qui se plaît à critiquer,

je suis un esprit critique (que je sois considéré

comme un « casse-pied » ou un esprit brillant,

dépend naturellement de la façon dont je critique).

Cependant, ces théories n’ont pas tout à fait tort

mais sont incomplètes.

Apparemment, nous ne sommes pas

Narcisse, Le Caravage, 1597-1599.

toujours conscients de la façon dont nous

agissons dans la vie quotidienne, et quelle

impression nous donnons aux autres. Tout le

monde s’aperçoit de temps à autre qu'un fossé

se creuse entre son auto-évaluation et les

jugements que l'autre se fait à son sujet. Ceci est

un fait psychologique assuré : notre image de soi

n'est jamais complète, car notre auto-perception

est affectée par des tâches aveugles. Un courant

de recherche psychologique a supposé que nous

sommes systématiquement en train d’embellir

et de déformer notre image de soi en notre

faveur. L’auto-tromperie serait le cas normal :

nous nous voyons presque toujours mieux que la

description que la réalité fait de nous.

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Il existe pour les deux théories assez de contre-

exemples dans la réalité : beaucoup de gens ont

tendance à ne pas se pencher vers « l'auto-

agrandissement de soi » mais plutôt ont tendance à

se « rapetisser ». Ils sous-estiment leurs capacités ou

leur popularité. D'autres encore accordent peu

d'attention à la façon dont ils ont l’air ou à « l’effet

» qu’ils donnent. Ils ignorent même les feedback

bienveillants et maintiennent, en effet, une

surestimation systématique. Une chose est

maintenant sûre : certains traits de personnalité,

comme le narcissisme ou la dépression, ont un

impact

certaines situations, à un bon nombre de personnes.

Nous connaissons tous des personnes envers

lesquelles nous voulons faire bonne figure. Et

même si cela ne fait pas bonne impression, presque

tout le monde est convaincu que ses caractéristiques

propres sont au-dessus de la moyenne, de par au

moins certaines fonctions ou capacités. Ceci

s’applique de même à ceux qui sont généralement

plus enclins à l'autodépréciation. L'expérience

quotidienne montre que beaucoup de gens ont

souvent tort lorsqu'ils pensent qu'ils sont à l'heure,

soignés, minutieux, amicaux, travailleurs,

serviables

impact significatif sur la façon dont nous nous

voyons et comment nous traitons les « données » de

notre performance. De même qu’il existe des zones

plus ou moins grandes de notre image de soi que

nous ne pouvons pas vraiment combler. Rien le fait

que nous pouvons nous observer de « l'intérieur »,

mais pas objectivement de « l'extérieur », constitue

une riche source d'auto-malentendus. Dans

certaines situations, nous ne savons tout

simplement pas quel effet nous avons sur les autres ;

et si les autres interprétaient correctement ce qu'ils

voyaient en nous ?

serviables, généreux, tolérants et drôles. Un faible

niveau d'estime de soi n'est généralement pas un

mal. Les grandes différences entre l'image de soi et

l'image venant de l'extérieur pourraient affecter

notre vie sociale. Il est donc important que nous

connaissions, dans de nombreuses situations de la

vie, au moins approximativement, notre façon

d'agir et quelles impressions nous laissons auprès

des autres. Sans cette connaissance, la navigation

dans la sphère sociale serait beaucoup plus difficile.

Inversement, le fait de s’attribuer une image de soi

approximativement réaliste, fait de nous de

meilleurs

Lorsque, par exemple, nous écoutons avec calme et

réflexion quelqu’un, nous ne nous rendons pas

compte que nous sommes en train de froncer les

sourcils et de plisser les yeux : notre vis-à-vis prend

cela, peut-être, pour une expression de colère ou

d'ennui, même si nous sommes entièrement

focalisés. Ou bien lorsque nous essayons d'assouplir

une discussion difficile avec quelques remarques

humoristiques, cela pourrait donner aux autres

l'impression d'un air sarcastique voire moqueur. La

théorie du « self-enhancement » correspond, dans

certaines

meilleurs observateurs des autres. Si nous savons

comment une certaine impression peut avoir lieu,

nous pouvons à ce moment-là éviter un

débordement de fausses estimations lorsque nous

jugeons les autres. Nous restons ouverts à des

interprétations différentes (par exemple : « est-elle

en colère ou est-ce sa façon de voir les choses de manière

pensive ? »). La capacité de connaître son propre

effet sur les autres, du moins en partie et dans le cas

échéant, de savoir le corriger, fait partie de

l'intelligence sociale.

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l'apparence comportementale. Tout d'abord, il

y a des informations relativement claires et bien

visibles que nous ne pouvons pas ou voulons pas

réellement cacher à nous-mêmes ni aux autres.

Par exemple, en tant que « personnes publiques

», nous sommes visibles et savons généralement

assez bien ce que nous projetons comme image

sur les opinions, les croyances et les préférences

gustatives. Ce qui est pour nous difficile à

ignorer et pour les autres bien visible, c'est

généralement la caractéristique du

tempérament (vif, impulsif, léthargique,

anxieux...). C’est une certaine tendance à

l'auto-tromperie, lorsque nous rejetons, par

exemple, les jugements assortis de nombreuses

personnes qui nous connaissent bien, comme

lorsqu’on dit : « Je suis vraiment une personne très

tolérante et conciliante ! ».

Quelques vérités sur nous-mêmes sont tout à

fait vraies, bien que certaines d'entre-elles nous

mettent mal à l'aise. Deuxièmement, il y a des

vérités sur nous-mêmes que nous ne pouvons

pas reconnaître ou ne voulons pas reconnaître,

et ce sont effectivement ces tâches aveugles

dans notre perception de soi : nous ne

remarquons pas que nous sommes parfois

inutilement agressifs, peu bavards, facilement

offensés, très défensifs ou en rancune durable.

Les autres le savent bien, ils reconnaissent une

partie importante de notre personnalité que

nous ne voyons pas.

Troisièmement, il existe une multitude

d'informations sur nous-mêmes dont nous

sommes les seuls à connaître, comme par

exemple la crainte des grandes foules (que

nous dissimulons habilement), ou bien

l'aversion bien déguisée envers certaines

personnes. Seulement, nous savons ce que

nous sentons et pensons à chaque instant, et

pour de bonnes raisons, nous protégeons ces

sphères intérieures. Les observateurs doivent,

dans ces cas, fournir un grand effort s’ils

voudraient en détecter quelque chose. C'est,

cependant, notre propre choix à quoi nous

voulons divulguer volontairement une partie

de cette « connaissance privée ». L’inside et

l’introspection nous offrent un accès privilégié

aux informations qui décrivent

essentiellement notre personnalité et

constituent notre être : nous sommes les

mieux placés pour savoir ce qui nous touche

ou nous contrarie, ce que nous aimons et ce

que nous n’aimons pas, ce que nous croyons,

la raison pour laquelle nous avons telle ou

telle opinion... Seul l'observateur minutieux

pourra remarquer le battement nerveux d'une

paupière, pour dire que nous sommes soumis

à un stress énorme. Tant de gens sont timides

dans des situations sociales, mais cela n'est pas

toujours reconnaissable. Acteurs, managers et

artistes sont beaucoup plus fréquemment

extrêmement timides qu'on ne le croit, mais

ils ont ainsi appris à dissimuler cette insécurité

persistante dans le contact avec les autres.

Quatrièmement, il y a les impulsions et les

motifs qui forment notre personnalité, non

seulement ceux dont on n’est pas conscient,

mais aussi ceux qui restent cachés aux autres.

Inconscients des « missions parentales » ou

projections parentales, nous recherchons ainsi

des objectifs spécifiques professionnels et

sommes influencés dans le choix de notre

partenaire.

Il existe quatre types de données qui composent

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renforce face à des choses que nous n’aurions

autrement pas osé faire. Nous nous redressons

et nous nous remettons, de ce fait, plus

facilement de nos blessures ou de nos sensations

de rejets, par le fait que nous nous trouvons

tout de même assez bons. La perception de soi

distordue joue aussi un rôle important dans

l'évaluation de notre propre attractivité et dans

notre apparence. Cela peut conduire à de faux

jugements pour ces deux dernières

caractéristiques : certaines personnes pensent

qu'elles sont mannequins et « Adonis » (cf.

mythologie grecque), et ignorent

soigneusement chaque sourire sardonique ou

sarcastique à leur encontre.

D’autres ont négativement déformé leur image

de soi (jusqu'au point de la « dysmorphophobie

»). Tant l’une que l’autre nous montre que

nous sommes souvent incapables, surtout

lorsque c’est purement physique, d’avoir un

auto-jugement raisonnablement et objectif. A

fortiori, cela s'applique au langage corporel,

aux mimiques et à la gestualité. On a beau, en

effet, souvent se regarder dans le miroir. Mais «

en mouvement », les autres nous voient le plus

souvent beaucoup mieux, tout simplement

parce que nous ne nous percevons pas en

action. Les autres sont plus précis lorsqu’il

s’agit

s'agit de juger l'expression de notre

comportement et le langage de notre corps. Le

philosophe romain Sénèque a écrit à propos de

cette cécité partielle du Moi : « Les péchés des

autres sont souvent posés devant nous, nous-mêmes,

nous tournons le dos aux nôtres ». D'ailleurs, nous

sommes rarement présents lorsque les autres

tirent sur nos faiblesses et les mâchent. De plus,

nous obtenons rarement un feedback honnête

au sujet de certaines choses « sensibles » qui

nous correspondent. Nous ne savons pas tout ce

que les autres pensent de nous, et ce n'est pas si

mal que ça...

De lointaines blessures sont l’origine, dans certaines

situations, de certaines agressions inappropriées de

notre part, ou nous rendent profondément tristes.

Souvent, la cause d'un certain type de comportement ou

de motifs se trouve loin dans notre développement de la

personnalité, et cela nécessite souvent un grand effort

introspectif pour les dépister, grosso modo dans une

psychothérapie. Il nous est difficile d'évaluer les traits de

personnalité et les caractéristiques propres de manière

réaliste et sans émotions, dans lesquels nous avons

beaucoup Investi comme par exemple l'éducation et

l'intelligence. Si on demande à des gens d’évaluer ou

d’estimer

d’estimer leur propre iintelligence, cette estimation est

presque toujours supérieure au résultat « officiellement

» mesuré par le test d'intelligence. D'autre part, une

personne qui nous connaît bien est généralement dans

une certaine exactitude lorsqu’on lui demande

d’estimer notre intelligence. Son regard n’est pas, à ce

moment-là, faussé par l'intérêt personnel. Le fait que

nous nous estimons à travers des caractéristiques

précises toujours meilleures que ce que l’on est

réellement, a une raison à tendance positive : la

surestimation renforce notre confiance en soi et nous

autrement

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e manière globale, les résultats de la

recherche sur la personnalité se

laissent résumer comme suit : nous

sommes plus rapidement et plus précisément «

détectés » ou reconnus lorsqu’il s'agit de nos

propriétés actives. Dans ce sens, on parle de notre

style de comportement qui caractérise notre acte

social. Il semblerait que ce que nous rendons

visible à l'autre, soit principalement le

comportement qui sert à l'avancement

professionnel ou à l'acquisition d'une certaine

reconnaissance de la part d’autrui. Même notre

comportement dans les dynamiques de groupes

et l'affirmation de soi, sont facilement

reconnaissables pour définir les aspects de notre

personnalité. Ceci s’affirme, avant tout, dans les

situations où d'autres se font une première

impression de nous. Dans les relations durables

comme dans les amitiés, les partenariats, la famille

et les relations de travail à long terme, l'image

extérieure est dominée par les Big Five dits « plus

calmes » qui sont empreints par des propriétés

telles que la tolérance et l'ouverture. Certaines

personnes sont, pour d'autres, comme un livre

ouvert.

De nombreuses études montrent que, pour certains traits de personnalité, nous sommes relativement bien au

courant et sommes relativement bien informés à leur propos. Avant tout, les cinq grands traits de personnalité

(Big-Five) sont à la fois pour nous et pour les autres facilement reconnaissables :

- Extraversion : nous sommes les mieux placés pour savoir si d'autres pensent que nous sommes plus extravertis

ou introvertis, et cette connaissance s’améliore avec la durée d'une relation. Plus on connaît quelqu'un, mieux

on apprend ce qu'il pense de nous et l’exactitude de ses estimations à notre encontre.

- Agréabilité : nous pouvons très bien déterminer si on est considéré comme acceptable, compatible, agréable

ou bien chamailleur et/ou difficile.

- Conscience : on nous met aussi plus ou moins clairement à l’esprit si nous sommes considérés comme

quelqu'un qui est parfois là pour les autres, quelqu’un qui respecte ses engagements, si on effectue les tâches à

temps, fiable et digne de confiance.

- Ouverture à l’expérience : il y a aussi un flux important de notre image déposée chez les autres, pour

déterminer si nous sommes plus ou moins curieux et ouverts à de nouvelles expériences, en les cherchant

activement. Ceci nous est souvent signalé et nous reste rarement caché.

- Névrosisme : notre stabilité émotionnelle (ou instabilité) est, de même, relativement facile à reconnaître, elle

constitue souvent une partie essentielle dans le jugement qui nous est adressé. L'anxiété, l'irritabilité,

l'impulsivité, la sensibilité sont des caractéristiques que les autres ne peuvent ne pas voir et sont la plupart du

temps mal interprétées. Nous apprenons plutôt tôt que tard, que nous sommes parfois « un peu difficile ».

D

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Elles peuvent être évaluées assez rapidement et très

précisément. Et à leur tour, elles expriment et

organisent par elles-mêmes l’impression qu’elles

ont souhaité donner d'elles-mêmes. Le psychologue

Randall Colvin de la Northeastern University a

étudié les caractéristiques de ces personnes-là et a

constaté que les extravertis, émotionnellement

stables et chaleureux, sont plus cohérents dans leur

caractère et leur comportement. Ces

caractéristiques sont, en psychologie de la

personnalité, définis en tant que « amplificateurs »,

car ils font que d'autres traits de personnalité soient

plus visibles. Par exemple, il est plus facile de juger

de la créativité d'un extraverti que celle d’un

introverti, tout simplement parce que l'extraverti

Sam Gosling, décrit le cas d'un professeur qui est

particulièrement aimé et connu pour son

enseignement vivant et magistral : il est drôle,

polémique, parfois moqueur et blessant et toujours

éveillé. Il est débordant d'idées, saisit aussi la

moindre objection et est largement réputé pour

être une typique personne qui déborde d'énergie et

d’extraversion. L'intéressé insiste, cependant, à

montrer tous ces comportements seulement parce

qu'il veut être un bon enseignant, et non pas parce

qu'ils conviennent à son tempérament. Peut-on se

tromper autant que cela concernant un tel trait de

personnalité central comme l'extraversion ?

En fait, non. Un examen attentif de ce professeur

d'université pourrait montrer qu'il est dans d'autres

s'exprime beaucoup plus sur ses idées, points de vue

et expériences. La personne introvertie garde

beaucoup plus de choses pour elle-même, la seule

chose que nous pouvons faire, c’est de deviner et

supposer ce qui se passe dans sa tête, et si ce qui s’y

passe a une valeur créative ou pas. Une autre

caractéristique qui agit comme « amplificateur »

est la spontanéité avec laquelle quelqu’un réagit

face à une autre personne. Celui qui, avec son

opinion ou son avis, ne se cache pas derrière une

montagne, qui ne se comporte généralement pas

tactiquement, mais qui, plutôt, fait parler son

cœur comme s’il l’avait sur la langue, qui répond

toujours immédiatement et ne se fait pas tirer les

informations du nez, cette personne a une

personnalité

contextes plutôt attentif, qu’il écoute plus

discrètement et de manière tranquille. Il jouit plus

à expliquer des choses en ayant des discussions à

deux, plutôt que d’avoir à faire un « show » devant

des centaines d’étudiants. Cette dernière situation,

rajoute l’enseignant, l’épuiserait

considérablement. Il explique qu’avant chaque «

spectacle », il doit s’auto-gonfler d’énergie, pour

qu’ensuite, à la fin, il se sente comme essoré. C’est

exactement cela qui ne correspond pas aux

extravertis. Ces derniers jouissent de leurs grands

spectacles. De ce fait, l’image extérieure, celle que

l’autre a de nous, peut très bien être erronée

lorsqu’un observateur perçoit toujours un autre

être humain dans une situation donnée et précise.

personnalité qui n'est pas aussi difficile à déchiffrer.

Ceci dit, celui qui veut être vu de manière «

authentique » et être mieux compris par les autres,

devra donc en payer le prix pour, ou, autrement

dit, en montrer les preuves. Même pour les

introvertis, il vaut la peine, souvent, de

communiquer ce qu'ils aiment, ce qui les motive, ce

qu'ils pensent des choses ou des personnes.

Cependant, lorsque les introvertis se couvrent de

traits et de comportements extravertis qu’ils jugent

nécessaires, ceci peut littéralement conduire à un

déni de soi. Ils projettent, de ce fait, une toute

autre image devant eux qui ne correspond pas à leur

monde intérieur. Le chercheur en personnalité,

Sam Gosling

Même le fait qu’un grand nombre ou bien une

majorité de personnes soit du même avis que

l’observateur, ne peut dissimuler ou cacher que

ceci constitue un jugement atypique et incorrect

vis-à-vis de l’observé. Ceci veut ainsi dire que,

pour notre propre jugement à l’égard d’autres

personnes étrangères, nous ne pouvons pas

vraiment juger une personne, mis à part lorsque

nous l'avons vue dans plusieurs situations et

plusieurs contextes différents. Les « vraies »

qualités de la personnalité se montrent alors

relativement stables dans toutes les situations. Qui

suis-je ? Cela dépend totalement de la situation...

Page 16: PSYMAG - Avril 2015

Page | 13

Lorsque l'image de soi et l'image extérieure

divergent, nous sommes avant tout convaincus

que les autres nous perçoivent mal, nous

sommes méconnus des autres et on nous traite à

tort : « On n’est pas comme cela ! ». Les

résultats sur la recherche de la personnalité sont

proches de ce type de raisonnement que nous

avons : cela vaut vraiment la peine de réfléchir

deux fois. Les jugements des autres reflètent le

plus souvent des caractéristiques et/ou

habitudes que nous avons, mais qui ne nous sont

pas conscientes. Les études sur les

comportements qui pourraient indiquer un

risque de crise cardiaque ont remarquablement

confirmé que les conjoints sont les plus aptes et

les plus précis dans l'estimation de l'anxiété, la

colère, l'auto-isolation, le retrait, que les

personnes elles-mêmes touchées. Leurs

observations ont une amplitude de mesure plus

vaste pour prédire un risque de crise cardiaque.

Comment pouvons-nous savoir quels angles

morts pourraient être dangereux ou

socialement préjudiciables dans notre image de

soi ? Comment pouvons-nous savoir quel

impact avons-nous vraiment sur les autres ? En

principe, de par les commentaires que nous

recevons directement, que nous demandons

directement ou que nous comprenons

indirectement, demander directement ne nous

vient dans un premier temps pas à l'esprit,

surtout du moment où nous percevons notre

image de soi comme étant « cohérente ». Mais

lorsqu'on lit correctement les signaux qui, peu à

peu, se multiplient, il vaut mieux essayer

« d’équilibrer les choses » : suis-je vraiment

perçu

perçu comme un esprit très créatif, un gentil

garçon, un patron qui encourage ? Suis-je le

bienvenu, un débatteur vif d'esprit ? Sur le lieu

de travail, une personne accompagnée de son

sentiment de déception, remarque qu'elle n'a

jamais été prise en considération pour une

tâche particulière, pour la participation à un

groupe de projet ou d'une candidature à un

poste plus gradé pour lequel elle avait

tellement bataillé et où elle est convaincue de

sa performance dans le domaine. Cette

personne, si elle le voulait, pourrait en déduire

qu'elle n'est probablement pas aussi bonne

qu'elle ne le pensait. Certains de ses

comportements, de ses opinions, ont dû être

pris avec désapprobation de la part de la

majorité des autres. Dans le cas contraire, elle

aurait appris beaucoup plus rapidement et

directement qu'elle a fait un bon travail et

qu'on souhaiterait la voir à nouveau comme un

candidat à la vice-présidence, ou bien pour

diriger le nouveau groupe de projet. Pour

savoir si d'autres nous jugent correctement et,

éventuellement, s’il est nécessaire de prendre

des mesures correctives dans ce processus de

jugement, nous devons savoir quels effets nous

avons sur les autres. Nous l'apprenons surtout

le mieux lorsque nous travaillons activement

sur les « feedback » que nous obtenons, et ceci

de préférence de la part du plus grand nombre

de personnes et des plus différentes. Une

erreur dans la recherche du feedback serait de

demander uniquement auprès des personnes

desquelles nous sommes habitués à obtenir des

opinions positives et desquelles on ne s'attend

pas à une autre opinion, justement parce

qu'elles sont nos amies et partenaires, et

surtout, qu'elles n'ont pas encore pu solidifier

entièrement une image cohérente de la

relativité de notre propre comportement et de

son caractère changeant.

Page 17: PSYMAG - Avril 2015

Page | 14

Parfois, il est de ce fait utile de savoir comment l'on

est perçu par les personnes non sympathisantes ou

même hostiles. Lorsqu'il s'agit de notre manière de

nous exprimer, c'est-à-dire de notre façon de parler

et de gesticuler, les mimiques que nous exprimons

en réaction aux autres ou bien les signes du langage

corporel que nous envoyons inconsciemment, une

autre forme de feedback serait utile : regarder une

vidéo nous montrant dans une interaction sociale.

Cela peut être très décevant, mais très instructif.

Une expérience classique des psychologues Richard

Robins et Oliver John montre comment une image

de soi idéalisée et trop embellie de la réalité, peut

entrer en collision avec l'évaluation externe et

pourquoi il est parfois utile d'obtenir un feedback

maison

interlocuteurs ayant de l'humour, nous avons

tendance à surestimer nos réalisations et nos

qualités. Nous piochons les aspects ou les

représentations partielles qui nous plaisent et dans

lesquelles nous sommes, en effet, bons (« je sais très

bien garer les voitures » ; « je suis un esprit vif » ;

« je suis quelqu'un qui a du répondant ») et

ignorons d'autres aspects dans lesquels nous ne

sommes pas si bons. Un problème demeure avec

l'équilibre entre la perception de soi et l'image que

les autres ont de nous, de même que dans la

définition de « performance » : que veut dire «

solution créative » ? L'opinion moyenne des

observateurs, est-elle vraiment une échelle ou bien

une mesure objective ?

adéquat : Robins et John ont laissé leurs personnes

expérimentales discuter dans plusieurs groupes ; il

était question de donner clairement son point de

vue, dans chacun des groupes, sur le résultat de ces

derniers, en y contribuant autant que possible. Les

discussions ont été enregistrées. Après la fin de la

discussion, chaque participant devait d'abord

évaluer et juger sa propre contribution, ainsi que sa

propre performance. Ceci dit, il était question du

nombre d'interventions et de la qualité des

arguments de chacun. Comme prévu, la plupart des

participants se considéraient comme de fervents

débatteurs, à l'esprit vif et avec une ardente

argumentation. Après cette première auto-

évaluation

Comme nous n’aimons souvent parler qu'avec des

personnes qui ont des opinions similaires aux

nôtres, et avec qui nous entrons dans une relation

de soutien mutuel, nous stabilisons généralement

nos images de soi mutuellement. Ceci devient

seulement un problème lorsque nous devons nous

présenter dans d'autres contextes et d'autres

situations. Ensuite, il peut arriver que notre estime

de soi soit complètement ébranlée, parce que

d'autres ont tout simplement des échelles différents

et considèrent nos qualités comme n’étant pas à la

hauteur de la leur. Donc, si nous voulons vraiment

savoir comment nous sommes et comment nous

apparaissons face aux autres, il est utile d'obtenir

évaluation, tous les participants ont visionné la

vidéo de leurs discussions, et ils ont été ensuite

invités à évaluer, à nouveau, leurs performances et

leur apport à la solution dans la discussion. La

plupart des auto-évaluations initiales ont maintenant

été adaptées à la réalité et ont été nettement revues

et corrigées à la baisse. De ce fait, l'excès de

confiance est influençable, et la meilleure façon

serait ici de recourir au feedback objectif. Ainsi, je

le répète, lorsqu'il s'agit d'aspects concernant notre

performance, notre personnalité ou bien la capacité

de conduire une voiture, que nous soyons des

débatteurs habiles, de tendres amants ou des

interlocuteurs

des évaluations et des perspectives différentes selon

les personnes, en particulier dans les zones ou

comportements desquels nous pouvons avoir un «

point aveugle ». Cela peut, parfois, aider à rectifier

l'image que nous avons de nous-mêmes en nous

présentant en définitive tels que nous sommes «

vraiment », c’est-à-dire de la manière telle que

nous voulons être perçus. Obtenir le feedback est

donc très conseillé, tant chez la personne soi-disant

bien rodée en ce qui concerne sa propre personne,

d’où l’on part du principe de bien savoir que celle-

ci vous connaît « comme sa poche », et en assumant

faussement de le croire.

Page 18: PSYMAG - Avril 2015

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Selim Thabti,

Psychologue psychothérapeute,

Praticien dans les hôpitaux

en Allemagne.

Obtenir le feedback est donc très conseillé, aussi

bien dans les grandes unités sociales, qu’au travail

ou en groupes d'amis. Notre réputation sociale

est basée sur la façon dont les autres nous voient

et nous apprécient généralement. Et nous

sommes très intéressés par l'effet ou les traces

que nous laissons chez les autres, quelle

réputation nous précède et si nous pouvons faire

quelque chose pour améliorer cette réputation ou

peut-être la changer en général. D'une certaine

manière, il est difficile de nous dissuader de l'idée

que les autres doivent certainement bien nous

connaître. S’ils le voulaient réellement, ils

pourraient nous connaître par cœur, parce que

nous

d'une préoccupation constante pour les autres. Ils

nous observent rarement avec autant de soin,

contrairement à ce que l'on pourrait penser.

Nous oublions que chacun est un acteur

indépendant sur la scène, et qu’il est beaucoup

trop occupé avec sa propre performance et sa

propre mise en scène. L'image de soi et l'image

que les autres ont de nous sont liées l'une à

l'autre, et ceci de manière très diverse : nous

concluons trop hâtivement notre propre image à

partir de l'image que nous pensons que l'autre a

de nous, et nous la modifions à partir de cette

supposition. Cela suppose, cependant, que nous

croyons savoir ou connaître l'image que les autres

nous agissons, « bien évidement », sur une scène

ouverte à la vue de tout le monde ! Et nous

sommes toujours étonnés et déçus que ce ne soit

pas le cas. Nous sommes soumis à l'illusion de la

transparence ; c'est justement parce que nous

connaissons si bien notre vie intérieure, que nous

pensons que les autres se doivent

automatiquement d’avoir une très bonne idée de

nous, qu'ils connaissent nos sentiments,

intentions ou pensées. L'illusion de la

transparence consiste principalement dans le fait

que nous sommes persuadés que l'autre est un

bien meilleur observateur qu'il ne l'est en réalité.

Ceci dit, et contrairement à toute supposition,

nous ne sommes pas automatiquement l'objet

d’un

ont de nous réellement, car nous pensons

connaître l'effet qu'on a sur les autres. Nous

remarquons parfois que nous estimons mal l'effet

que l'on a sur les autres de par nos

comportements. L'interaction entre l'auto-

évaluation et l'évaluation externe est complexe et

souvent difficile. La recherche dans le domaine le

démontre bien précisément, de manière

impressionnante et réconfortante : on peut, en

effet, se surestimer à bien des égards, mais le plus

souvent, nous sous-estimons le degré de

sympathie ou d'appréciation que d'autres ont

placé en nous. Donc, en bonne nouvelle, je

dirais. De manière générale, nous sommes

beaucoup plus aimés que nous le pensons !

Page 19: PSYMAG - Avril 2015

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Entretien avec le psychanalyste Gérard Haddad

Ingénieur agronome né à Tunis en 1940, Gérard

Haddad est aussi psychiatre et psychanalyste. Il

devient français en 1967, la double nationalité

n’étant pas alors acceptée par la France. En 1969

il rencontre Jacques Lacan et entame avec lui une

psychanalyse de douze ans durant laquelle se réalise

une métamorphose : il commence à 30 ans des

études de médecine. Il découvre aussi la force du

sentiment religieux qui l’habite. Son parcours est

aussi influencé par sa rencontre avec le savant et

philosophe Yeshayahou Leibowitz. A part ses

travaux de psychanalyste, Haddad est aussi

écrivain, traducteur de l'hébreu et éditeur. Parmi ses

œuvres: L'enfant illégitime : Sources talmudiques de

la psychanalyse », « Manger le livre », « Le jour où

Lacan m'a adopté », « Les femmes et l'alcool », « Lumière des astres éteints », « Tripalium. Pourquoi le

travail est devenu une souffrance ».

Vous avez beaucoup échangé avec les tunisiens. N'y a-t-il pas une différence

entre la psychanalyse pratiquée en France et celle pratiquée en Tunisie ?

Gérard Haddad : « D’abord je tiens à

affirmer que je me sens tunisien. Et puis, je

dirai qu’il n’y a pas de différences dans

l’écoute d’un patient tunisien ou français.

Bien sûr, il y a un élément culturel qui

intervient, mais l’espèce humaine est une.

En fait, depuis quelques années, je travaille

en Tunisie. J’ai plus de 40 ans de pratique,

et les patients qui me consultent en Tunisie

n’ont rien de différent avec ceux que je

pourrais rencontrer dans ma pratique

clinique française. J’ai beaucoup de plaisir et

d’intérêt à travailler comme psychanalyste

en Tunisie, cela m’a rendu une sorte de

jeunesse professionnelle. Mes patients

s’investissent beaucoup dans leur cure, et

c’est un grand moment de satisfaction de

constater l’impact positif d’une cure. »

Page 20: PSYMAG - Avril 2015

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Vous avez manifesté le désir de parler d'un thème précis, à savoir le judaïsme et la

psychanalyse. Pourquoi ce sujet ?

Gérard Haddad : « Freud était un juif athée. Il avait dit que la psychanalyse n’aurait pas pu être inventée par un non juif, et n’aurait non plus pu être inventée par un juif croyant. Il fallait, disait-il dans une lettre à Karl Abraham, que ce soit un juif détaché de sa religion pour inventer la psychanalyse.

Analyser le rapport de la psychanalyse et du judaïsme permet de dénouer ce lien entre les deux, et donc de donner plus d’universalisme à cette discipline. C’est une question que Lacan a soulevée comme « péché originel de

la psychanalyse » et que moi j’ai reprise. »

D’après Lacan, « la psychanalyse n'est pas une science. Elle n'a pas un statut de

science, elle ne peut que tendre vers ce statut, l'espérer. C'est un délire, un délire

dont on attend qu'il devienne une science. » Pourquoi donc la psychanalyse ne

peut-elle être une science ?

Gérard Haddad : « Cette critique de la

psychanalyse n’est pas de Lacan à l’origine ; Karl Popper, éminent philosophe et épistémologue allemand, l’a émise en premier. Pour Popper, la psychanalyse n’est pas une science parce qu’elle ne répond pas aux critères de toute science. Selon lui, une théorie est scientifique si elle est réfutable. Or, la psychanalyse n’est pas réfutable. Lacan, à la fin de sa vie, l’a confirmée. Allons plus loin, aucune des sciences humaines, que l’on décrivait comme des « sciences molles », ne mérite ce nom ; ni la sociologie d’ailleurs, qui veut nous impressionner par son étalage de chiffres et de statistiques. On ne peut en déduire aucune loi. Prenons une loi de la physique banale : l’eau bout à 100. Chaque fois qu’on porte de l’eau, à une pression atmosphérique définie, à 100 degrés, elle

bout. En sciences humaines, on ne peut établir ce type de lois. On ne peut prévoir le comportement humain, parce qu’un être humain peut toujours faire des choses qui ne sont pas prévues. Mais, dire qu’une discipline qu’elle n’est pas scientifique ne veut pas dire qu’elle n’est pas rigoureuse, qu’elle doit avoir une méthodologie précise. Les neurosciences, qui sont très importantes en elles-mêmes, ont créé autour d’elles une sorte d’idéologie qui prétend que ces neurosciences vont nous expliquer le psychisme humain. Ce n’est pas vrai. Les neurosciences nous éclairent sur leur physiologie, mais ne peuvent nous dire ce qu’est l’amour, ce qu’est la vérité, ce qu’est la haine. Ces phénomènes ne relèvent pas des échanges d’énergie et de matière, seuls

phénomènes que la science peut étudier. »

Sur quoi se base l’interprétation en psychanalyse ?

Gérard Haddad : « L’interprétation n’est pas la vérité : quand j’interprète le discours d’un patient, cela ne veut pas dire que je lui donne la vérité. Qui suis-je pour connaître la vérité d’un autre individu ? En réalité, ce qu’on attend de l’interprétation, c’est le déclenchement de quelque chose qui, auparavant, était refoulée. Une interprétation

réussie est donc une interprétation qui surprend le patient. Mais la plupart des analystes confondent interprétation et explication. De plus, la conception de l’interprétation des uns, diffère selon les courants psychanalytiques des autres. Lacan, par exemple, souhaitait que l’interprétation

garde un caractère un peu énigmatique. »

Page 21: PSYMAG - Avril 2015

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Quelles sont les dimensions de l'écoute psychanalytique ?

Gérard Haddad : « L’écoute en psychanalyse est différente des autres disciplines. Dans le travail du psychanalyste,

le principe de base est de supposer que chaque être humain a un inconscient. Donc,

en tant qu’analystes, nous sommes à l’écoute de ce que dit cet inconscient, de ce que le patient veut nous dire au-delà de ce

qu’il croit dire ; Ce qu’il dit a un impact sur lui, avant même qu’il n’y ait une interprétation. A la fin de la séance, le

patient s’aperçoit souvent qu’il a parlé de

choses sans qu’il ne s’en rende compte. En revanche, en psychologie, on reste à la surface des choses ; le psychologue reste au

niveau imaginaire. Ce niveau est certes très important et les psychanalystes essayent à la

fois de tenir compte de ce niveau-là, mais aussi de ce qu’on pourrait appeler le « niveau du désir ». Dès que la personne sente

qu’on est capable de l’écouter, elle nous accorde sa confiance, elle éprouve pour nous de l’affection. C’est ce qu’on appelle «

le transfert. »

Pourquoi, selon vous, la psychanalyse est tant haïe ? Et quel avenir pour cette

discipline ?

Gérard Haddad : « De toutes les disciplines de la psychologie, la psychanalyse

est celle qui dure depuis le temps le plus long. La psychanalyse est haïe par certains,

elle est adorée par d’autres. Des penseurs aussi importants qu’Einstein, Stefan Zweig, Thomas Mann et Romain Rolland, ont eu

une grande estime pour cette discipline. Si elle gêne certains, c’est parce qu’elle a désidéalisé l’être humain. Le fait qu’elle ait

placée la sexualité au centre et qu’elle lui ait

donnée un sens différent du sens habituel, qu’elle ait dévoilée que l’enfant n’est pas ce

petit être innocent et angélique qu’on croyait, mais qu’il a une sexualité a

beaucoup dérangé. Aujourd’hui, beaucoup de gens croient pouvoir enterrer la psychanalyse, ce sont d’ailleurs des gens de

qualité intellectuelle médiocre. Pour moi, si la psychanalyse disparaît, cela sera surtout la faute des psychanalystes eux-mêmes, qui se

déchirent en chapelles rivales. »

Pour finir, auriez-vous des conseils à donner aux étudiants de psychologie ?

Gérard Haddad : « Je leur conseille de ne

pas se contenter des cours polycopiés, mais de lire directement les textes des grands

auteurs. Ils sont souvent plus clairs que ceux qui croient les expliquer et les résumer. Il faut aussi lire les grands écrivains,

romanciers, dramaturges, philosophes qui connaissent souvent l’âme humaine mieux que les théoriciens et sont souvent à l’avant-

garde. Ne pas dire : on lira Shakespeare ou

Molière quand j’aurais fini mes études. Il sera alors trop tard. Le moment des études

est un moment essentiel. Un autre avis : la psychanalyse n’est pas obligatoire. On fait une analyse non pas pour devenir

psychanalyste, mais parce qu’on se sent mal. Que l’on devienne psychanalyste après, ça vient en plus. »

Propos recueillis par

Asma El Héni

Page 22: PSYMAG - Avril 2015

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A TU

P

L’association Tunisienne de l’Union

des Psychomotriciens (A.T.U.P.) est

une association à but non lucratif qui a

été fondée en octobre 2014, dans le but

de rassembler les professionnels

salariés, libéraux et étudiants en

psychomotricité, et ainsi œuvrer

ensemble pour enrichir à la fois leur

pratique mais aussi leurs réflexions.

L’enseignement de cette nouvelle

discipline, qu’est la psychomotricité, a

débuté à la Faculté des Sciences

Humaines et Sociales de Tunis après

l’obtention de l’assentiment du ministère

de tutelle en 2008, et une bataille

acharnée pour certifier la primordialité

du rôle qu’elle occupe au sein des

professions de la santé. La discipline a,

sans nul doute, fait ses preuves au cours

des cinq dernières années depuis son

avènement en Tunisie, et se doit d’être

connue et reconnue d’avantage. En

créant cette association, l’un des objectifs

que nous nous sommes fixés est de

préserver la longévité et la continuité de

la pratique psychomotrice au sein de

notre pays, et cela en préparant un

terrain propice à son développement

permettant ainsi de garantir de meilleures

conditions qui favorisent

l’accomplissement de nos étudiants et de

nos praticiens.

Page 23: PSYMAG - Avril 2015

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La promotion du travail bénévole

chez les membres de l’association, afin

d’élargir la portée de notre action et

atteindre les classes sociales les plus

défavorisées, en leur faisant bénéficier des

touts de notre pratique.

Agir dans le sens de faire évoluer

les capacités d’intervention des membres de

l’association et des spécialistes dans le

domaine de la psychomotricité, et les

consolider dans le but d’assurer un meilleur

acheminement des projets présentés, ainsi

qu’une élaboration plus performante des

approches utilisées.

Encadrement des étudiants et des

professionnels pour leur fournir un espace

adéquat, où ils pourraient partager leurs idées

dans une atmosphère d’interaction et d’échange

constructive, et ce à travers l’organisation de

rencontres à l’échelle nationale et

internationale, permettant aux adhérents à cette

spécialité de débattre différents sujets autour

des méthodes d’intervention en

psychomotricité.

La présentation de la psychomotricité

auprès du grand public, afin d’éclaircir les

confusions faites à ce sujet, et éliminer toute

ambigüité concernant les enjeux de cette

approche.

E-mail : [email protected]

Tel : (+216) 97 505 848

Adresse : Bardo centre, Bloc 2, Appt 20, Tunis 2000, Tunisie.

Wajdi Ben Hassen

Président de l’ATUP

Page 24: PSYMAG - Avril 2015

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Page 25: PSYMAG - Avril 2015

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L’expérience (Das Experiment) est un film

allemand réalisé par Oliver Hirschbiegel,

sorti en 2001. Il s'inspire du livre « The

Experiment : Black Box » de Mario

Giordano paru en 1999, lui-même s'appuyant

sur l'expérience de Stanford menée par le

professeur Philip Zimbardo en 1971, portant

sur les effets de la situation carcérale.

L’histoire du film tourne autour d'une

expérience en psychologie sociale menée par

une équipe de scientifiques (le professeur

Klaus Thon et la docteure Jutta Grimm).

Pendant deux semaines, les expérimentateurs

étudieront les comportements des 20 sujets

participants à l’expérience, à l'aide des

caméras de sécurité. Les règles sont simples :

le premier groupe de sujets s’attribue le rôle

de gardiens de prison, tandis que le deuxième

groupe s’attribue celui des détenus. Bien

vite, le contrôle de l'expérience se perd,

pour aboutir à des tentatives de viol,

d’humiliation et de meurtre...

CINÉ-PSY L’ÉXPERIENCE (2001)

Page 26: PSYMAG - Avril 2015

Page | 23

Note de lecture

Cet ouvrage réunit une pléiade de chercheurs venant de disciplines différentes (psychologie

cognitive, neuroscience cognitive, sciences de l’éducation, psychologie sociale) autour d’un

thème complexe et doublement fédérateur en science cognitive contemporaine. Ce thème

correspond d’une part aux liens entre perception, connaissances conceptuelles et décision, et

d’autre part leur intégration à l’émotion et la motivation. Il

rassemble 13 chapitres consacrés à l’étude des

modulations/régulations émotionnelles et motivationnelles des

opérations de traitement de l’information, régissant l’ensemble

de nos activités, essentiellement perceptives, conceptuelles et

décisionnelles. L’intégration des émotions et des motivations

dans la compréhension des processus cognitifs est un thème qui

intéresse de plus en plus la communauté des chercheurs en

science cognitive. D’éminents chercheurs venant d’horizons

différents, en préface, prologue, épilogue et postface,

respectivement de Bernard Rimé, Alan Baddeley, Louise

Lafortune et Johnmarshall Reeve, ont renforcé cet aspect

multidisciplinaire de la thématique de l’ouvrage. Leurs

disciplines respectives sont la psychologie des émotions, la psychologie cognitive, les sciences de

l’éducation (avec ouverture vers le milieu professionnel) et la psychologie de l’éducation (avec

ouverture vers la psychologie expérimentale et les neurosciences de la motivation). La

participation de ces chercheurs concrétise l’ambition de l’ouvrage de s’ancrer à la fois dans le

fondamental et dans l’appliqué.

Page 27: PSYMAG - Avril 2015

Page | 24

La première partie de cet ouvrage est consacrée à la

présentation d’une vision globale de l’intégration de la

cognition, l’émotion et la motivation au sein d’un nouveau

paradigme général que les auteurs ont appelé PCD

(Percept-Concept-Décision). Dans le chapitre 1, Slim

Masmoudi de l’Université de Tunis, offre un survol assez

exhaustif des bases théoriques de ce nouveau paradigme,

en commençant par aborder l’évolution des idées et des

recherches en rapport avec chaque dimension isolée

(stimulus, percept, concept, décision, émotion,

motivation), et en évoluant progressivement vers une

vision plus intégrative. Après la discussion de l’évolution

des idées par dimension, l’auteur aborde les différents

liens unissant les processus perceptifs, les représentations

conceptuelles et les processus décisionnels. Ensuite, il

discute les multiples façons dont ces processus et

représentations sont intégrés à l’émotion et à la

motivation. Enfin, il termine par la présentation du

paradigme PCD dans une vision intégrant les deux

fonctions, affective et conative, à savoir l’émotion et la

motivation.

Dans le chapitre 2, Andy Christen et Didier Grandjean, de

l’université de Genève, mettent l’accent sur les

mécanismes cérébraux impliqués dans la construction

d’une représentation et les processus émotionnels en lien

avec les prises de décisions. Dans cette contribution, les

dynamiques des réseaux neuronaux seront au centre de la

notion d’intégration. La deuxième partie de cet ouvrage

est consacrée à la perception en tant qu’ensemble

d’activités et processus représentationnels très liés aux

mécanismes mnésiques, et ses liens réciproques avec des

processus émotionnels et motivationnels. Trois chapitres

sont consacrés à ce sujet. Alan Baddeley, de l’Université

de York, ouvre cette deuxième partie avec un chapitre

(chapitre 3), traduit en français pour la première fois,

après son livre « La mémoire humaine : Théorie et

pratique », paru en 1999 (Baddeley, 1999). C’est pour la

première fois qu’Alan Baddeley participe à un ouvrage

collectif francophone, permettant ainsi aux lecteurs

francophones de tirer profit de cinquante ans de recherche

sur la mémoire de travail. Le chapitre de Baddeley met à

jour toutes les données sur la mémoire de travail,

composante centrale de notre système cognitif, en

intégrant au cœur même de ce sous-système (lui-même

composite) une composante affectivo-conative : le

détecteur hédonique.

La mémoire, qui correspond à cette capacité qu’ont les

individus à retenir et utiliser un ensemble de connaissances

ou d’informations, est impliquée dans notre vie

quotidienne et détermine notre devenir. Dans son

chapitre, Baddeley constate que les chercheurs ont moins

progressé sur la question de savoir pourquoi cette

mémoire exécute une tâche plutôt qu’une autre ou même

pourquoi elle n’exécute rien du tout. Baddeley, qui a

développé un modèle qui représente actuellement une des

propositions théoriques les plus influentes pour rendre

compte des processus de la mémoire de travail et du

maintien à court terme de l’information, tente ici

d’utiliser le modèle multicomposant de la mémoire de

travail pour expliquer l’influence de l’émotion sur la

cognition. Ensuite, Nicolas Silvestrini et Guido H.E.

Gendolla, de l’Université de Genève, proposent (chapitre

4) un nouveau modèle tenant compte explicitement de la

variabilité des effets de l’humeur et de l’influence du

contexte sur ces effets, le mood-behavior-model (MBM).

Page 28: PSYMAG - Avril 2015

Page | 25

Ce modèle représente un système intégratif offrant des

prédictions et des explications à propos de l’influence des

humeurs sur la direction, l’intensité et la persistance des

comportements humains. La perception des stimuli

émotionnels chez les personnes âgées a retenu l’attention

de Sandrine Vieillard et Alexa Pijoff de l’Université de

Franche-Comté (chapitre 5). Travaillant sur l’impact du

vieillissement sur le traitement des émotions, les auteurs

ont pu mettre en valeur un vecteur puissant pour les

émotions : la musique. Elles ont vérifié à l’aide de tâches

4de jugements émotionnels, de catégorisation libre et de

reconnaissance incidente, si l’avancée en âge affecte la

perception, la structure psychologique et la mémorisation

de stimuli musicaux. La prise en compte du déclin des

ressources cognitives dans l’analyse des données révèle des

différences liées à l’âge. Quatre chapitres regroupés dans

la troisième partie ont pour objet la description du rôle de

l’émotion et la motivation dans la construction et

l’organisation des structures conceptuelles.

Les études visant une meilleure compréhension de l’étape

post-épisode émotionnel s’avèrent essentielles pour

appréhender l’impact cognitif des processus émotionnels.

À partir de l’observation et l’analyse de cette étape chez

différents sujets, Bernard Rimé, de l’Université de

Louvain, partage avec nous les idées les plus marquantes et

les plus innovantes en trente années de recherches sur les

émotions, à partir d’une perspective cognitive. Dans le

chapitre 6, il met en évidence le fait que tout épisode

émotionnel suscite une rémanence de plus ou moins

longue durée. Celle-ci se manifeste à la fois dans une

préoccupation cognitive – la recherche de sens – et dans

un comportement social – le partage social de l’émotion.

Partant d’une approche intégrative et dynamique, Slim

Masmoudi (Chapitre 7) se propose dans son travail de

montrer que la pensée créative ne dépend pas du seul

système cognitif et qu’une dimension motivationnelle est

fortement impliquée.

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Il s’appuie d’abord sur un ensemble d’études qu’il

a effectuées avec différents apprenants. Son

interprétation repose sur le concept de «

modulation motivationnelle », qu’il dérive des

travaux d’Amabile (1996), selon laquelle

différents types de motivations, intrinsèques et

extrinsèques, jouent un rôle facilitateur entre les

processus créatifs et d’autres processus cognitifs.

Ces réflexions ont fait l’objet d’une tentative

d’élaboration d’un modèle intégré en couches

dynamique et circulaire de la cognition, intégrant

ces différentes correspondances. L’articulation

entre des systèmes de motivation et leur apport à

l’apprentissage, et plus précisément au

développement de la référence interne chez

l’apprenant, est l’objet du chapitre 8 proposé par

Daniel Favre de l’Université Montpellier 2.

L’auteur présente une approche multi-

référentielle de l’acte d’apprendre. En s’appuyant

sur les données neurobiologiques relatives aux «

circuits du renforcement positif et négatif des

comportements », l’auteur propose un modèle

qui intègre différentes approches psychologiques

(béhavioristes, humanistes et psychanalytiques) en

identifiant et formalisant trois modes de

fonctionnement, trois « systèmes de mo tivation »

de ces circuits nerveux : le système de motivation

de sécurisation, le système de motivation

d’innovation et le système de motivation de

sécurisation parasitée ou d’addiction.

Enfin, le travail de Reynaud et al. (Chapitre 9)

présente les premiers résultats d’une étude

portant sur les relations entre les changements

conceptuels et les attitudes envers

l’environnement animal (le cas des requins).

Cette étude visait une meilleure exploration des

dimensions cognitives et affectives dans

l’acquisition de nouvelles connaissances sur un

Environnement Non Humain (ENH). Les auteurs

ont dégagé trois dimensions principales peuvant

s’interpréter comme des composantes

significatives de l’expérience d’un changement

conceptuel par rapport à l’ENH : « les sentiments

d’apparentement avec l’ENH » qui renvoient à la

capacité à se sentir formé des mêmes éléments

que l’univers, et les deux attitudes

psychologiques, « la fusion » et « la coupure »

avec l’ENH correspondent respectivement au

stade affectif dans lequel une personne se sent en

symbiose totale et passionnée avec des éléments

de l’environnement et à la négligence de l’ENH

par une personne émotionnellement absorbée par

les problèmes humains. Ce chapitre constitue une

contribution importante à la réflexion sur les liens

entre changement conceptuel et émotion, dans le

cadre de leurs rapports à l’environnement. La

dernière partie de cet ouvrage est structurée en

quatre chapitres.

Elle porte sur les différentes implications des

émotions dans la prise de décision. En un

parcours à la fois familier et nouveau, théorique et

empirique, Abdelmajid Naceur (Chapitre 10) de

l’Université de Tunis, replace décision et émotion

dans leurs cadres respectifs et propose, en

validation de ses postulats théoriques, un

ensemble de recherches fondamentales et

appliquées. L’auteur constate d’abord que la

majorité des travaux sur la prise de décision ont

opté pour une approche neurobiologique ou

plutôt une approche s’intéressant aux faits

psychopathologiques. Il souligne la courte portée

des résultats obtenus en laboratoire. En tenant à

les dépasser, il fait progresser la connaissance des

procédés et dispositifs décisionnels. Il propose de

comprendre le fonctionnement de la prise de

décision grâce à l’étude de l’intelligence

émotionnelle dans le domaine scolaire et plus

précisément en contexte d’orientation scolaire.

Dans ce contexte, l’essentiel de la démarche du

sujet élève réside dans la conquête progressive de

la capacité à s’orienter soi-même et de piloter son

parcours scolaire, en tirant parti des situations et

des expériences concrètes rencontrées dans la vie

personnelle et scolaire selon les cas.

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Dans le chapitre 11, les processus

d’accompagnement dans la mise en œuvre d’un

changement dans un système éducatif qui se

veut innovateur, dynamique et prometteur sont

l’objet de la contribution de Louise Lafortune

de l’Université du Québec à Trois-Rivières.

Adoptant la méthode de la recherche-

accompagnement, l’auteur souligne

l’importance de la dimension affective dans

l’interaction entre la personne accompagnatrice

et celles qui sont accompagnées. Ses

observations l’ont menée à considérer qu’il est

nécessaire d’exercer un regard cognitif et

professionnel quant à la façon de comprendre et

de tenir compte de la dimension affective dans

ses actions. L’utilisation de différents types de

traitement de l’information lors d’une prise de

décision chez l’adolescent fait actuellement

l’objet d’un débat. Est-ce que ce sont les

processus de traitement des informations

relatives à soi ou plutôt relatives à la tâche de

décision qui prédominent chez les adolescents ?

Peut-on supposer la présence du « mindfulness

» (langer, 1994) dans le processus de prise de

décision chez les adolescents ?

Quelle serait la part de l’implication de la

représentation de soi, avec ses composantes

cognitives et affectives, dans le processus de

traitement de l’information ? Naceur,

Masmoudi et Becher (Chapitre 12) tentent

d’élucider ces différents points en apportant des

éléments théoriques et empiriques. Enfin, le

but de l’étude de Bénédicte Gendron de

l’Université Montpellier (Chapitre 13) est

d’apporter des éléments à l’appui d’une autre

conception des liens entre le cognitif et le

conatif. Cette conception peut se dessiner à

partir de deux problématiques distinctes a

priori, mais non moins liées. La première porte

sur les relations entre émotion, cognition et

performance. La deuxième est relative aux

travaux sur le « capital émotionnel ». Une

analyse assez originale de l’auteur du capital

émotionnel a permis de faire une analyse

articulant « sujet, situation, environnement »,

et de prendre en compte le sujet, comme acteur

non isolé, inscrit dans un environnement et

dans une situation donnée.

En conclusion, « Du percept a la décision » est

un ouvrage ayant un fort caractère

multidisciplinaire autour d’une problématique

récente. Ses chapitres sont très bien structurés

sur le plan pédagogique, offrant une ouverture

très riche sur d’autres disciplines d’intérêt

applicatif, comme les sciences de l’éducation,

les sciences affectives et l’intelligence

artificielle. Enfin, les thèmes de cet ouvrage

rompent avec la taxinomie de la cognition

humaine, ouvrant les portes vers l’intégration

des processus émotionnels, motivationnels et

cognitifs, ce qui a permis la naissance d’une

nouvelle formule de l’esprit : Esprit =

C*E*M.

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Encore appelée « folie du fugueur », « fugue

dissociative » ou « automatisme ambulatoire », la

dromomanie se caractérise par une impulsion irrésistible

de se promener et de voyager. La personne qui en est

atteinte ressentirait une envie incontrôlable et irrésistible

de se déplacer.

L'ecmnésie est une forme de paramnésie, c'est-à-dire un

trouble de la mémoire caractérisé par une erreur

d'appréciation ou une altération du souvenir, se

caractérisant par la reviviscence de souvenirs anciens qui

semblent très réels avec les gestes et détails

correspondants. Ces souvenirs agissent comme

distracteurs et altèrent le fonctionnement normal de la

mémoire, en la rendant moins efficace à enregistrer de

nouveaux souvenirs.

Inventé par le sexologue Friedrich Salomon Krauss en

1903, le terme « paraphilie » désigne les attirances ou

pratiques sexuelles différentes des comportements

sexuels classiques considérés comme « normaux ». Dans

certains pays, ces pratiques sont considérées comme des

crimes sexuels. Néanmoins, leurs causes et origines

demeurent inconnues. En effet, il n'existe aucune

altération psychologique ou organique. Exemples de

paraphilies : la zoophilie (avoir un animal comme objet

de désir) ; le fétichisme (excitation sexuelle causée par la

vue d’un objet ou d'une partie du corps) ; la pédophilie

(attirance ou préférence sexuelle d'un adulte envers un

enfant) ; la podophilie (le fétichisme du pied).

Psychonnaire

Ecmnésie

Paraphilie

Dromomanie

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