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1/35 © éditions Ellipses, 2016 Procédure pénale, 2 e édition – Mises à jour Michèle-Laure Rassat Collection « Universités » - éditions Ellipses Mise à jour au 15 juin 2016 Sauf indications particulières, les paragraphes ci-dessous remplacent les mêmes numéros ou les même alinéas des numéros figurant dans le livre. 11-1 OBLIGATION DINFORMER LE SUSPECT ET LA PERSONNE POURSUIVIE DES DROITS DONT ILS BENEFICIENT AU COURS DE LA PROCEDURE. – La personne à l'égard de laquelle il existe des raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre une infraction ne peut être entendue librement sur ces faits qu'après avoir été informée : 1° De la qualification, de la date et du lieu présumés de l'infraction qu'elle est soupçonnée d'avoir commise ou tenté de commettre ; 2° Du droit de quitter à tout moment les locaux où elle est entendue ; 3° Le cas échéant, du droit d'être assistée par un interprète ; 4° Du droit de faire des déclarations, de répondre aux questions qui lui sont posées ou de se taire; 5° Si l'infraction pour laquelle elle est entendue est un crime ou un délit puni d'une peine d'emprisonnement, du droit d'être assistée au cours de son audition ou de sa confrontation par un avocat choisi par elle ou, à sa demande, désigné d'office par le bâtonnier de l'ordre des avocats ; du fait que les frais seront à sa charge sauf si elle remplit les conditions d'accès à l'aide juridictionnelle, qui lui sont rappelées par tout moyen et elle peut accepter expressément de poursuivre l'audition hors la présence d’un avocat; 6° De la possibilité de bénéficier, le cas échéant gratuitement, de conseils juridiques dans une structure d'accès au droit. Lorsqu'une convocation écrite est adressée à la personne en vue de son audition, cette convocation indique l'infraction dont elle est soupçonnée, son droit d'être assistée par un avocat ainsi que les conditions d'accès à l'aide juridictionnelle, les modalités de désignation d'un avocat d'office et les lieux où elle peut obtenir des conseils juridiques avant cette audition, les autres informations lui étant données lors de son audition effective 1 . 1 . L’éventualité d’une convocation ou d’une notification étant pour la première fois évoquée dans ce Livre, il convient d’atttirer tout de suite l’attention sur la dispositions de l’article 803-1, II du Code de procédure pénale selon lequel : « Lorsque le présent code prévoit que des avis, convocations ou documents sont adressés à une personne par l'autorité judiciaire par tout moyen, par lettre simple, par lettre recommandée ou par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, l'envoi peut être effectué par voie électronique, à la condition que la personne y ait préalablement consenti par une déclaration expresse recueillie au cours de la procédure. Cet accord précise le mode de communication électronique accepté par la personne. Il est conservé au dossier une trace écrite de cet envoi. Lorsqu'il est prévu que ces envois sont effectués par lettre recommandée, les procédés techniques utilisés doivent permettre d'établir de manière certaine la date d'envoi. Lorsqu'il est prévu que ces envois sont effectués par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, les procédés techniques utilisés doivent également permettre d'établir la date de réception par le destinataire. Lorsque sont adressés des documents, ces procédés doivent, selon des modalités prévues par arrêté du ministre de la justice, garantir la fiabilité de l'identification des parties à la communication électronique, l'intégrité des documents adressés, la sécurité et la confidentialité des échanges ainsi que la conservation des transmissions opérées. Le présent II n'est pas applicable lorsque le présent code impose une signification par voie d'huissier. ». Cettre disposition, dûe à une loi du 16 février 2015 est particulièrement bienvenue car elle devrait mettre un terme à la pratique qui voulait que des délais d’exercice de certains droits soient arbitrairement réduits pour tenir compte des horaires de fermetures de certains services, notamment les greffes des juridiction (V., infra, n° 567 et 687, par exemple).

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Procédure pénale, 2e édition – Mises à jour Michèle-Laure Rassat

Collection « Universités » - éditions Ellipses Mise à jour au 15 juin 2016

Sauf indications particulières, les paragraphes ci-dessous remplacent les mêmes numéros ou les même alinéas des numéros figurant dans le livre.

11-1 OBLIGATION D’INFORMER LE SUSPECT ET LA PERSONNE POURSUIVIE DES DROITS DONT ILS BENEFICIENT AU COURS DE LA PROCEDURE. – La personne à l'égard de laquelle il existe des raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre une infraction ne peut être entendue librement sur ces faits qu'après avoir été informée : 1° De la qualification, de la date et du lieu présumés de l'infraction qu'elle est soupçonnée d'avoir commise ou tenté de commettre ; 2° Du droit de quitter à tout moment les locaux où elle est entendue ; 3° Le cas échéant, du droit d'être assistée par un interprète ; 4° Du droit de faire des déclarations, de répondre aux questions qui lui sont posées ou de se taire; 5° Si l'infraction pour laquelle elle est entendue est un crime ou un délit puni d'une peine d'emprisonnement, du droit d'être assistée au cours de son audition ou de sa confrontation par un avocat choisi par elle ou, à sa demande, désigné d'office par le bâtonnier de l'ordre des avocats ; du fait que les frais seront à sa charge sauf si elle remplit les conditions d'accès à l'aide juridictionnelle, qui lui sont rappelées par tout moyen et elle peut accepter expressément de poursuivre l'audition hors la présence d’un avocat; 6° De la possibilité de bénéficier, le cas échéant gratuitement, de conseils juridiques dans une structure d'accès au droit.

Lorsqu'une convocation écrite est adressée à la personne en vue de son audition, cette convocation indique l'infraction dont elle est soupçonnée, son droit d'être assistée par un avocat ainsi que les conditions d'accès à l'aide juridictionnelle, les modalités de désignation d'un avocat d'office et les lieux où elle peut obtenir des conseils juridiques avant cette audition, les autres informations lui étant données lors de son audition effective 1.

1. L’éventualité d’une convocation ou d’une notification étant pour la première fois évoquée dans ce Livre, il convient d’atttirer tout de suite l’attention sur la dispositions de l’article 803-1, II du Code de procédure pénale selon lequel : « Lorsque le présent code prévoit que des avis, convocations ou documents sont adressés à une personne par l'autorité judiciaire par tout moyen, par lettre simple, par lettre recommandée ou par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, l'envoi peut être effectué par voie électronique, à la condition que la personne y ait préalablement consenti par une déclaration expresse recueillie au cours de la procédure. Cet accord précise le mode de communication électronique accepté par la personne. Il est conservé au dossier une trace écrite de cet envoi. Lorsqu'il est prévu que ces envois sont effectués par lettre recommandée, les procédés techniques utilisés doivent permettre d'établir de manière certaine la date d'envoi. Lorsqu'il est prévu que ces envois sont effectués par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, les procédés techniques utilisés doivent également permettre d'établir la date de réception par le destinataire. Lorsque sont adressés des documents, ces procédés doivent, selon des modalités prévues par arrêté du ministre de la justice, garantir la fiabilité de l'identification des parties à la communication électronique, l'intégrité des documents adressés, la sécurité et la confidentialité des échanges ainsi que la conservation des transmissions opérées. Le présent II n'est pas applicable lorsque le présent code impose une signification par voie d'huissier. ». Cettre disposition, dûe à une loi du 16 février 2015 est particulièrement bienvenue car elle devrait mettre un terme à la pratique qui voulait que des délais d’exercice de certains droits soient arbitrairement réduits pour tenir compte des horaires de fermetures de certains services, notamment les greffes des juridiction (V., infra, n° 567 et 687, par exemple).

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Ces droits seront réénoncés, dès lors que cela est toujours utile, aux différentes phases de la procédure lorsque celle-ci se poursuit, en pratique, avant tout interrogatoire.

Enfin, si la personne poursuivie est privée de liberté, ce qui s’applique même à la garde à vue, elle doit se voir remettre, lors de la notification de la mesure, un document énonçant, « dans des termes simples et accessibles et dans une langue qu'elle comprend », les droits dont elle bénéficie au cours de la procédure : 1° Le droit d'être informée de la qualification, de la date et du lieu de l'infraction qui lui est reprochée ; 2° Le droit, lors des auditions ou interrogatoires, de faire des déclarations, de répondre aux questions qui lui sont posées ou de se taire ; 3° Le droit à l'assistance d'un avocat ; 4° Le droit à l'interprétation et à la traduction ; 5° Le droit d'accès aux pièces du dossier; 6° Le droit qu'au moins un tiers ainsi que, le cas échéant, les autorités consulaires du pays dont elle est ressortissante soient informés de la mesure privative de liberté dont elle fait l'objet ; 7° Le droit d'être examinée par un médecin ; 8° Le nombre maximal d'heures ou de jours pendant lesquels elle peut être privée de liberté, au stade de la procédure auquel on se trouve, avant de comparaître devant une autorité judiciaire ; 9° Le droit de connaître les modalités de contestation de la légalité de l'arrestation, d'obtenir un réexamen de sa privation de liberté ou de demander sa mise en liberté. Sa remise est cependant limitée au placement initial et n’a pas a être réitéré en cas de prolongation 2

L’intéressé peut conserver ce document pendant toute la durée de sa privation de liberté. Si le document n'est pas disponible dans une langue comprise par la personne, celle-ci est informée oralement des droits prévus au présent article dans une langue qu'elle comprend et une version du document dans une langue qu'elle comprend lui est remise le plus rapidement possible.

Deux des droits ci-dessus énoncés appellent quelques précisions. Le premier est que la faculté d’obtenir des informations d’une structure d’accès au droit suppose, en pratique, que l’intéressé ait été informé à l’avance de l’audition dont il fera l’objet car il n’est pas concevable que celle-ci s’arrête si elle est déjà en cours (infraction flagrante, par exemple). La seconde est que le droit de ne pas s’incriminer soi-même auquel la Cour européenne des droits de l’homme est si attachée, est « consacré » par une formule alambiquée : « (information) du droit, lors des auditions, de faire des déclarations, de répondre aux questions qui lui sont posées ou de se taire » (art. 63.1 C.P.P.) 3. Il n’en est pas moins certain et sanctionné par la Chambre criminelle 4 étant cependant entendu que l’avertissement n’a pas à être réitéré en cas de mise en examen supplétive 5 et qu’il ne concerne que les interrogatoires et non pas les preuves qui pourraient être fournies par la personne de l’intéressé hors de ses déclarations 6.

2. Crim. 14 oct. 2014, B. 3. Notre formulation était plus limpide : Nos, Propositions de réforme du Code de procédure pénale, « Article 7. La personne poursuivie n'est tenue de participer ni au assemblement, ni à la discussion des preuves produites contre elle ou en sa faveur. Elle peut garder le silence ». 4. Crim.11 mai 2011, J.C.P. 2011, n° 819, note Pin ; 7 juin 2011, D. 2011.1824 ; 17 janv. 2012, D. 2012.503. 5. Refus de transmettre une QPC sur la question ; Crim. 26 sept. 2012, D. 2012.2607. 6. Crim. 6 janv. 2015, Dt pén. 2015, n° 25 (le droit de ne pas s’incriminer soi-même ne fait pas obstacle à un contrôle d’alcoolémie lorsque les conditions de celui-ci sont réunies).

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256 REGLES GENERALES. - Si, sauf cas particuliers, tous les modes de preuve sont admissibles, il est également vrai qu’on ne peut ni obtenir ni produire n’importe comment des éléments de conviction.

1) Respect des règles posées pour chaque rassemblement de preuve. - Chaque mode de preuve est doté d’une procédure d’obtention particulière qui fait l’objet d’une

……. Corrélativement, les procédures applicables cessent d’être obligatoires tant qu’aucune

pression n’est exercée sur quiconque. C’est ainsi qu’il est possible de pénétrer dans tous les lieux dont le titulaire ne s’oppose pas à la visite 7 ou de visionner les enregistrements régulièrement installés par les sociétés d’autoroutes et auxquels celles-ci donnent volontairement accès aux enquêteurs 8.

2) Détournement de procédures. – La Cour européenne des droits de l’homme a sanctionné à plusieurs reprises des décisions, concernant divers pays dans lesquelles des procédures légales avaient été sciemment détournées de leur objectif 9. La Chambre criminelle adopte la même position lorsque le prévenu reproche aux enquêteurs d’avoir utilisé une procédure prévue pour des infractions spécifiques dans le but de mettre à jour des infractions de droit commun 10, des procédures prévues avec un objectif particulier pour une constatation sans rapport avec cet objectif 11, quand des policiers ont transcrit, contre le gré de l’intéressé, des propos officieusement tenus 12 ou encore quand on sonorise des cellules de garde à vue pour connaitre les propos échangés par des co-poursuivis placés délibérément dans des cellules contigües 13.

……

257 JURISPRUDENCE – De ce qui vient d’être exposé, il se déduit logiquement que doivent être repoussées les preuves obtenues par des procédés déloyaux comme les perquisitions illégales ou les pièces issues de la commission d’une infraction pénale 14. La jurisprudence ne respecte pas la seconde de ces règles au moins sous l’un de ses aspects. Elle estime, en effet, que les règles de loyauté ne concernent que les agents publics et ne s’imposent donc pas aux simples particuliers. En conséquence, elle admet le dépôt au procès pénal, par des parties civiles ou de simples témoins, de tous éléments de conviction quelqu’aient été le moment de leur obtention (avant les faits ou durant la procédure) ou le moyen utilisé (ils peuvent avoir été acquis par une infraction pénale, même éventuellement

7. Crim. 23 janv. 2013, B. 29; Crim. 23 janv. 2013, B. 29. 8. Crim. 9 fév. 2016, D. 2016.379. 9. Perry, 17 juill. 2003, J.C.P. 2004.I.107 (utilisation d’une sonorisation normale d’un commissariat de police pour identifier, à son insu, une personne qui y était venue). 10. Crim. 18 déc. 1989, J.C.P. 1989.II.21531 note Chambon ; 17 oct. 1994, B. 333 ; 31 janv. 2006, R.S.C. 2006.243, obs. Commaret et 876, obs. Renucci. 11. Crim. 3 mai 2007, B. 117 ; 25 juin 2008, D. 2008.1902. 12. Crim. 3 avril 2007, B. 102. 13. Cass. ass. Plén. 6 mars 2015, D. 2015.711 note Pradel ; Crim. 7 janv. 2014, J.C.P. 2014, n° 272, note Gallois ; D. 2014.407, note Vergès ; Bergeaud-Wetterwals, Dt pén. 2014, chr. n° 7. 14. Crim. 28 oct. 1991, B. 381 ; Paris 26 avril 1990, J.C.P. 1991.II.21704, note Pannier (pour des documents volés).

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sanctionnée comme telle) 15. Ce faisant, la jurisprudence consacre, au profit des simples particuliers, un pouvoir d’investigation exempt de toutes règles et contraintes, sans réelle justification, avec des conséquences regrettables et, en toute hypothèse, en contradiction avec la Convention E.D.H. Pire, alors que le jugement en France d’une personne qui ne s’y trouve pas ne peut intervenir, à l’initiative des pouvoirs publics que si le prévenu ou l’accusé est venu spontanément dans le pays, ou a été remis au résultat de l’exécution d’un mandat d’arrêt européen ou d’une procédure d’extradition, il est jugé qu’il est loisible à une partie civile de faire juger en France une personne qu’elle a fait arrêter et détenir illégalement depuis l’étranger par des hommes de main 16.

Les conséquences de cette jurisprudence sont regrettables d’une part sur le terrain de la fiabilité des preuves et d’autre part dans la mesure où elles ouvrent la porte à une fraude des agents publics. Sur le premier point, on ne peut avoir, en effet, aucune garantie sérieuse sur la qualité, le lieu exact d’appréhension ou encore la consistance réelle de ce qui est apporté par des particuliers pour servir de preuve et qui a parfaitement pu être fabriqué ou falsifié pour la circonstance. Sur le second point, il est clair qu’on crée une forte tentation pour les agents publics qui savent qu’ils ne sont pas autorisés à faire quelque chose (procéder à une écoute téléphonique en enquête, par exemple 17), à inciter des particuliers intéressés aux faits, voire de simples hommes de main recrutés pour la circonstance, à faire ce qu’ils ne peuvent pas faire eux-mêmes puis à accepter le dépôt des preuves ainsi frauduleusement obtenues.

La première justification que donne la jurisprudence de la Chambre criminelle à cette position surprenante est que la liberté des preuves doit prévaloir dès lors qu’il n’y a pas de texte en sens contraire et que la réglementation de l’obtention des preuves n’étant prévue et sanctionnée que pour les agents publics et non pas pour les particuliers (on serait tenté d’ajouter « et pour cause » !), la liberté de ceux-ci reste entière dans la recherche et le dépôt des preuves. Le second argument est qu’il appartient à la juridiction saisie de quelque mode de preuve que ce soit d’en apprécier la valeur probante.

En droit, l’argument selon lequel le juge apprécie librement la valeur des preuves peut être immédiatement récusé dans la mesure où la question de l’appréciation de la valeur d’une preuve ne peut se poser que si l’élément de preuve en cause est recevable ce qui est le problème en cause ici. En fait, la connaissance d’éléments de preuve, même si le juge du fond les récuse ensuite pour manque de loyauté ou de fiabilité, ne peut pas ne pas exercer une influence sur la formation de son opinion surtout dans un système d’intime conviction et tout particulièrement lorsqu’interviennent des jurés mal formés à faire la différence entre preuves officielles et officieuses. Quant à l’argument tiré de l’absence de réglementation des pouvoirs de recherche des particuliers, il constitue toute la négation de la procédure pénale car on ne voit pas pourquoi on se donnerait le mal de réglementer les droits et obligations des agents publics si d’autres qu’eux peuvent obtenir les mêmes éléments de preuve sans respecter aucune des règles ou restrictions qui leur sont imposées, à eux : quel est l’intérêt de

15. Crim. 6 avril 1993, J.C.P.1993.II.22144, note Rassat ; 14 mai 2014, D. 2014.1742 (écoutes sauvages); 31 janv. 2007, B. 2007 n° 27 ; 31 janv. 2012, D. 2012.914, note Fourment (atteinte à l’intimité de la vie privée) ; 15 juin 1993, D. 1994.613 note Mascala (violation d’un secret de l’instruction) ; 30 mars 1999, D. 1999.I.R.131 (documents volés) ; 19 janv. 2000, Procédures, 2000 n° 155 ; 12 juin 2003, Procédures, 2003 n° 223 (documents dont la publication était pénalement sanctionnée) ; 19 janv. 2010, D. 2011.787 (documents issus d’une violation du secret des correspondances qui avait été, en tant que telle, sanctionnée) ; 27 janv. 2010, D. 2010. 655 ; Crim. 27 nov. 2013, JCP 2014, n° 139, note Détraz (documents volés). V. toutefois, Crim. 24 avril 2007, B. 108 qui, tout en rappelant la même règle casse cependant en ajoutant pour l’admission l’exigence supplémentaire que cette production soit nécessaire et proportionnée à l’objectif poursuivi et Crim. 19 janv. 2010, D. 2011.787 qui justifie sa position par la nécessité de se défendre, mais ne casse pas. 16. Crim.2 avril 2014, Aff. Krombach, D. 2014.1128, note Brach-Thiel. 17. V. infra, n° 288.

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réglementer les perquisitions publiques si les particuliers sont autorisés à voler les éléments qui devraient être saisis ? Si seul le récolement des preuves par les agents publics est réglementé c’est parce qu’il est invraisemblable que l’on autorise de simples particuliers à se livrer à des investigations personnelles et que le Code de procédure pénale n’a donc pas pu le prévoir 18. Les simples particuliers peuvent participer à la procédure par leurs déclarations. Il ne devrait pas pouvoir être question de les autoriser à se livrer, pendant le cours de la procédure, à des enquêtes forcément partiales et libérées de toute contrainte.

La jurisprudence criminelle a cependant maintenu, jusqu’à présent ce point de vue malgré une critique unanime de tous les auteurs ayant annoté ou rendu compte de ses décisions. On pouvait souhaiter qu’elle s’aligne sur l’arrêt rendu par l’Assemblée plénière de la Cour de cassation le 7 janvier 2011 qui a annulé une procédure commerciale au cours de laquelle l’une des parties avait obtenu une preuve de manière illicite 19 et l’ensemble des chambres civiles qui adoptent le même point de vue, mais la même assemblée plénière a réaffirmé, par prétérition, le position de principe des juridictions pénales dans une décision ultérieure, ce qui demeure incompréhensible 20.

En outre ce point de vue a été, malheureusement, conforté par le Conseil constitutionnel encore que la décision rendue soit relativement ambigüe. Dans une décision concernant les articles 37 et 39 de la loi du 6 décembre 2013 qui autorisent les administrations fiscales et douanières à exploiter toutes les informations qui leur parviennent, même si elles sont d’origine illicite, le Conseil a formulé une réserve d’interprétation disant que cette possibilité ne sera pas ouverte quand les pièces ou documents concernés auront été obtenus par une autorité administrative ou judiciaire dans des conditions ultérieurement déclarées illégales par le juge. Cela semble confirmer que la fraude commise par un particulier est considérée comme normale du point de vue probatoire 21. Mais d’un autre côté, la même décision a annulé les articles 38 et 40 de la même loi qui autorisait les mêmes administrations à se prévaloir de documents illicites pour solliciter du juge un droit de perquisition sans distinguer selon que l’origine illicite était imputable à l’administration ou à un particulier ce qui laisse subsister une marge de doute.

288 INTERCEPTION DE TELECOMMUNICATIONS. – Ainsi que nous l’avons exposé 22, une loi du 10 juillet 1991 a doté le Code de procédure pénale de 8 articles nouveaux (100 à

……

1) Instruction préparatoire. - Les interceptions de télécommunications sont possibles à l’initiative du juge d’instruction 23. Elles ne peuvent intervenir que si la poursuite en cause concerne une infraction qui encourt une peine égale ou supérieure à deux ans

18. Nous apportions, dans nos Propositions de réforme, art. 6 C.P.P., p. 60, la précision que les particuliers comme les autorités publique devaient, si tant est que les premiers doivent être autorisés à rechercher des preuves, être soumis aux mêmes obligations. 19. D. 2011.562,, note Fourment ; J.C.P 2011, n° 208, note Ruy. 20. 6 mars 2015, D. 2015.711 note Pradel 21. 4 déc. 2013, n° 2013-679 DC, considérant n° 29 et s. 22. V., supra, n°260 et s. 23. Mais le fait qu’on puisse annexer à une procédure des écoutes téléphoniques tirées d’une autre procédure affaiblit beaucoup le dispositif légal (Crim. 6 oct. 1999, B. 210).

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d’emprisonnement ce qui est d’une objectivité tout à fait regrettable car une appréciation au coup par coup de ce qui perturbe gravement ou non l’ordre public aurait été préférable. La décision est prise pour une durée de quatre mois mais peut être indéfiniment renouvelée dans les mêmes formes. Ce délai se calcul d’une façon indépendante pour chaque ligne téléphonique écoutée et non pas par référence à la personne qui en est titulaire, l’écoute cumulée ou successives de plusieurs lignes de la même personne étant licite 24. La décision de procéder à une écoute n’a pas à être motivée 25.

La personne opérant l’écoute doit dresser procès-verbal de toutes les opérations (date, heure, durée). Les enregistrements sont placés sous scellés fermés qui seront ouverts conformément au droit commun (art. 97 al. 4), les officiers de police judiciaire n’étant autorisés à conserver des copies que pendant la durée de l’exécution de la mission 26. Ils seront ensuite transcrits, éventuellement traduits et versés au dossier (art. 100.5).

Jusqu’à une loi du 9 mars 2004, il était prévu que les enregistrements devaient être intégraux malgré l’atteinte susceptible d’être portée aux droits de la défense en cas de conversation entre le mis en examen et son défenseur. Nous avions suggéré que les bandes soient purgées de ce point de vue 27. Après que la Chambre criminelle ait cassé une décision qui validait une semblable écoute 28, la loi de 2004 a repris cette proposition : à peine de nullité, ne peuvent être transcrite les communications avec l’avocat (art. 100.5 al. 3 C.P.P.) 29 sauf, si elles mettent en évidence une infraction commise par l’avocat lui-même 30. La Chambre criminelle précise cependant que la mesure de concerne que l’avocat défenseur et non l’avocat, en tant que tel, même s’il converse avec un de ses clients habituels, du moment que ce n’est pas dans le cadre d’une procédure en cours 31.

Les enregistrements seront détruits à la diligence du parquet à l’expiration du délai de prescription de l’action publique mais cette destruction ne concerne que les enregistrements, les procès-verbaux de transcription, qui constituent des pièces de la procédure, demeurant au dossier 32. Il faut s’en féliciter dans la mesure où le pourvoi en révision peut être exercé sans avoir à respecter le moindre délai.

Les lignes personnelles et professionnelles d’un avocat, ne peuvent être interceptées sans que le bâtonnier ait été informé par le juge d’instruction, celles d’un magistrat sans information du premier président ou du procureur général de la Cour d’appel dans le ressort de laquelle il « réside » (Sic), celles d’un parlementaire sans que le président de l’assemblée à laquelle appartient l’intéressé en ait été avisé. La Chambre criminelle ayant jugé que cette garantie ne concernait pas un député européen, le Parlement européen a sèchement contesté cette décision auprès des autorités françaises 33. La loi du 4 janvier 2010 relative à la protection des sources des journalistes interdit, à peine de nullité, la transcription des correspondances des journalistes qui permettraient l’identification d’une source. La Chambre

24. Crim. 8 juill. 2015, B. . 25. Crim. 13 oct.1999, Procédures 2000 n° 74. 26. 8 juill. 2015, B. 27. Nos Propositions de réforme, p. 72 et s. 28. Crim. 21 mai 2003, Dt. pén. 2003, n° 116 (bien que l’avocat en cause n’ait pas encore été désigné). 29. Crim. 17 sept. 2008, B. 191. 30. Crim. 8 nov. 2000, B. 335. 31. Crim. 22 mars 2016, D. 2016.713, B.. 32. Crim. 21 fév. 2007, B. 55. 33. Crim. 16 mars 2005 et 5 juill. 2005, J.C.P. 2006.II.10167 note Girard.

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criminelle déduit de ces dispositions qu’on ne peut enregistrer les conversations d’un avocat et de son bâtonnier, sauf si elles caractérisent la commission d’une infraction pénale 34

Il va de soi que cette procédure ne peut autoriser que l’enregistrement des conversations postérieures à la mise en œuvre de la procédure et ne saurait valider des enregistrements effectués antérieurement 35.

289 OPERATIONS DE SONORISATION, CAPTATION D’IMAGES ET DE DONNEES INFORMATIQUES. – 1) Sonorisation et images. - Le domaine de la sonorisation est doublement plus …

2) Captation de données informatiques. - La loi du 14 avril 2011 modifiée par la loi sur le terrorisme du 13 novembre 2014 a autorisé la captation de données informatiques avec un régime copié sur celui de la sonorisation sauf les adaptations strictement nécessaires.

Les actes autorisés sont la possibilité de participer sous un pseudonyme aux échanges électroniques ; d’être en contact par ce moyen avec les personnes susceptibles d'être les auteurs des infractions; d’extraire, acquérir ou conserver par ce moyen les éléments de preuve et les données sur les personnes susceptibles d'être les auteurs des infractions ; d’extraire, transmettre en réponse à une demande expresse, acquérir ou conserver des contenus illicites.

La Chambre criminelle considère, cependant, que la simple demande d’identification d’adresse du titulaire d’un E-mail qui permettent à l’enquêteur de suivre des mouvements sur le compte bancaire de l’intéressé sans avoir un accès aux correspondances proprement dites échangées par cet E-mail, est valablement effectuée en enquête préliminaire sur la seule base de l’article 77-1-1 C.P.P. dans la mesure où elle ne porte pas atteinte à l’intimité de la vie privée 36. On peut cependant se demander si cette jurisprudence qui parait en contradiction avec la nouvelle réglementation de la géolocalisation qui pose un problème identique et est cependant soumise à des règles particulières, devrait subsister.

289-1 GEOLOCALISATION. DOMAINE ET CONDITIONS. – Pour répondre au danger pesant sur nos procédures à l’égard de la Cour E.D.H. 37, la loi du 28 mars 2014 a introduit au Code de procédure pénale, au titre des « Dispositions communes » à l’exercice de l’action publique (il s’agit en réalité des enquêtes de police) et de l’instruction préparatoires qui devrait logiquement se trouver en tête de ces dispositions, mais qui se trouvent à la fin de celles-ci, un Chapitre consacré à la géolocalisation (art. 203-32 à 230-44 nouveaux) 38. Celui-ci montre assez clairement que le législateur qui, ainsi qu’il a déjà été dit, a travaillé dans l’urgence n’a pas bien saisi les données techniques de l’opération puisque ses dispositions empruntent à la fois aux écoutes de télécommunications, au témoignage anonyme et aux règles de la criminalité organisée, alors que le problème posé était tout à fait différent.

34. Crim. 22 mars 2016, D. 2016.713, B.. 35. Crim. 8 juill. 2015, Dt pén. 2015 n° 131. 36. Crim. 6 nov. 2013, D. 2013.2826, note Hennion-Jacquet. 37. V., supra, n°264 38. Pour l’application de cette loi dans le temps, Crim. 6 janv. 2015, J.C.P. 2015, n° 295, note Décima.

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1) Domaine matériel de la procédure. – a) Objets géolocalisables. Le dispositif légal a

pour but, selon l’article 230-32, de localiser, en temps réel, sur l’ensemble du territoire, une personne à l’insu de celle-ci, un véhicule ou tout autre objet sans le consentement de son propriétaire ou de son possesseur. Cette formule est inexacte, tant dans ce qu’elle dit que dans ce qu’elle ne dit pas.

La localisation directe et à distance d’une personne étant, en l’état actuel des choses, techniquement impossible, la géolocalisation a pour but de localiser soit un objet, en lui-même, soit une personne au moyen d’un objet qu’elle détient ou dont elle se sert ou s’est servie. Elle permet aussi de reconstituer les déplacements de cette personne ce qui est inévitable mais n’est pas dit.

Un doute existe, d’autre part quant aux objets considérés. L’article 230-22, censé définir la procédure se réfère à « un véhicule ou tout autre objet ». Mais, selon l’article 230-44 qui fait échapper une situation particulière à l’application du même régime, l’objet concerné est « un équipement terminal de communication électronique, un véhicule ou tout autre objet ». Certes, l’équipement terminal de communication électronique, peut être considéré comme un « objet », au sens de l’article 230-22. Ce n’est pas tout à fait le cas, cependant, puisque s’agissant, en pratique, d’un téléphone portable, d’une tablette ou d’un ordinateur portable susceptibles d’émettre de semblables communications, leur géolocalisation ne nécessite la pose d’aucun dispositif spécial mais seulement une requête au fournisseur d’accès. Un doute subsiste donc, mais l’interprétation étroite, si elle devait être retenue, priverait cependant le dispositif légal d’une grande partie de son intérêt.

b) Circonstances d’application. L’article 230-44 du Code laisse dans l’orbite de la procédure ordinaire des enquêtes et de l’instruction, le cas où la localisation concerne le véhicule ou l’objet « dont le propriétaire ou le possesseur légitime est la victime de l’infraction sur laquelle porte l’enquête et l’instruction ou la personne disparue…dès lors que ces opérations ont pour objet de retrouver la (« cette » serait mieux) victime, l’objet qui lui a été dérobé ou la personne disparue ». On pense immédiatement à un dispositif placé, d’une façon générale, dans son véhicule par un particulier, dans des fonds transportés par une banque ou un transporteur de fonds ou dans une rançon que s’apprêterait à verser les proches d’une personne victime d’arrestation et détention arbitraires. L’exception est justifiée par l’idée que cette géolocalisation est favorable à l’intérêt des victimes. Cela ne nous parait ni évident, ni suffisant. D’abord parce que dans cette perspective même, le dernier exemple que nous venons de donner incite à la prudence dans l’admission de l’exception. Il semble, en effet, que, dès lors que le dispositif n’a pas été placé par les intéressés eux-mêmes ou de leur connaissance, le consentement de la victime ou de son entourage devrait, au minimum être requis. Et surtout, parce que cette disposition perd, une fois de plus de vue que la procédure pénale n’est pas organisée dans l’intérêt des victimes, mais doit respecter, à l’égard des coupables possibles une règle de loyauté de la preuve qui ne change pas ici selon le propriétaire de l’objet. Même si le but premier est ici retrouver l’objet ou plus encore la personne disparus, il n’en demeure pas moins que les données recueillies serviront bien à la poursuite de l’auteur des faits et que, de ce point de vue, elles ne sont pas étrangères à la règle de loyauté de la preuve. Il n’est pas certain que notre législation satisfasse, dans le cadre de cette exception, à son objectif.

La Chambre criminelle a, enfin jugé, qu’aucune procédure n’était nécessaire pour placer un dispositif de géolocalisation sur un véhicule volé et faussement immatriculé. Nous avouons ne pas comprendre la justification de cette décision 39.

39. Crim. 15 oct. 2014, B. 208.

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2) Domaine juridique de la procédure. – a) La géolocalisation peut intervenir en enquête préliminaire, de flagrance, de recherche des causes d’une mort suspecte (art. 74 C.P.P.) de recherche d’une personne vulnérable disparue (art. 74-1 C.P.P.) et de recherche d’une personne en fuite (art. 74-2 C.P.P.).

Elle peut également intervenir au cours d’une instruction préparatoire générale ou d’une instruction ouverte pour les mêmes motifs particuliers que les enquêtes.

b) Si l’opération ne nécessite par la pénétration dans un lieu privé, la géolocalisation est utilisable à propos des crimes et délit punissables (le texte dit « puni », naturellement !) d’au moins cinq ans d’emprisonnement ; des crimes et des délits contre les personnes punissables d’au moins trois ans d’emprisonnement ; des délits de recel de malfaiteurs (art. 424-6 C.P.) et d’évasion (art. 434-27 C.P.).

Si l’opération nécessite la pénétration dans un lieu privé, elle ne peut concerner que les crimes et délit punissables de plus de cinq ans d’emprisonnement et les disparitions.

c) La procédure est inapplicable si elle exige la pénétration dans un lieu où sont détenus des secrets professionnels (cabinet et domicile de l’avocat, étude ou cabinet des médecins, notaires, huissiers) dans une entreprise de presse, dans un lieu où sont détenus des secrets de la défense nationale (art. 56-1 à 56-4 C.P.P.), au bureau et domicile des députés, sénateurs et magistrats. Il convient de mentionner, en premier lieu, que la règlementation est ici plus restrictive que celle existant en matière d’écoutes puisque cette dernière est possible, dans les derniers cas visés, sous certaines conditions 40. Mais il convient aussi de constater que la géolocalisation est possible à l’égard des personnes visées, dès lors qu’elle peut intervenir sans qu’il soit besoin de pénétrer dans les lieux protégés, ce qui sera, le plus souvent le cas.

d) Le texte n’autorise que les interceptions opérées sur le territoire national. Si donc la geolocalisation d’un véhicule se poursuit lors de sa circulation dans un pays étranger, les éléments recueillis ne pourront être exploités valablement que si l’Etat concerné a donné son autorisation au titre de l’entr’aide pénale 41.

289-2 GEOLOCALISATION. REGLES DE FORME. – 1) Personnes compétentes pour

décider de la mesure. - La mesure est décidée (le texte dit « autorisée » mais on voit mal comment on pourrait s’autoriser soi-même) en enquête par le procureur de la République et en instruction par le juge d’instruction. Toutefois, en cas d’urgence « résultant d’un risque imminent de dépérissement des preuves ou d’atteinte grave aux personnes ou aux biens », la géolocalisation peut être mise en place par un officier de police judiciaire. Si celle-ci suppose la mise en œuvre d’un dispositif technique particulier dans un domicile, l’O.P.J. doit obtenir l’autorisation préalable « par tout moyen » donc éventuellement téléphonique soit en enquête du juge des libertés, soit en instruction du juge d’instruction ou du juge des libertés si l’introduction au domicile intervient en dehors des heures légales de perquisition. Hors mis cette dernière hypothèse, l’O.P.J. doit informer « sans délai » de la mesure de géolocalisation le procureur de la République ou le juge d’instruction selon le stade de la procédure auquel on se trouve. Ces magistrats peuvent ordonner la mainlevée de la géolocalisation. Ils peuvent aussi ordonner la poursuite de l’opération mais doivent le faire dans le délai de 24h (de la mise en place du dispositif ou du moment où ils en ont été informés ? s’agissant d’un décompte en heures, la précision aurait été utile). Cette poursuite doit procéder d’une décision écrite qui comporte l’énoncé des circonstances de fait établissant l’existence d’un risque

40. V., supra, n° 41. Crim. 9 fév. 2016, D. 2016.379.

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imminent de dépérissement des preuves ou d’atteinte grave aux personnes ou aux biens 42. A défaut d’une décision dans ce délai il serait mis fin à la géolocalisation. Les magistrats en charge de la procédure peuvent donc mettre fin à la géolocalisation expressément ou tacitement.

296 PRINCIPES – 1) Principes généraux. - On doit procéder à la restitution des pièces saisies lorsque leur détention judiciaire ne se justifie plus.

Il est bien acquis que l’on ne peut rendre à son légitime propriétaire que l’objet même qui lui appartient s’il se retrouve en nature dans la saisie 43 alors qu’on sait qu’un receleur est coupable, par exemple, non seulement à l’égard de l’objet de provenance frauduleuse qui lui a été remis mais aussi du produit de celui-ci et même de l’objet acquis avec ce produit 44.

Il est évident, d’autre part, que ne sont restituables que les objets saisis qui ne sont plus utiles à la manifestation de la vérité compte tenu du stade de la procédure auquel on se trouve, non seulement dans le cadre des procédures actuellement exercées mais encore pour celles auxquelles l’affaire pourrait donner lieu ultérieurement. Les éléments susceptibles d’être utiles, doivent rester au dossier pour être de nouveau sollicités dans le cadre, par exemple, d’une réouverture d’instruction sur charges nouvelles ou d’une procédure de révision. Cela vise notamment les prélèvements effectués à des fins médico-légales qui n’ont aucune vocation à restitution, sauf les règles particulières concernant les suites des autopsies 45.

Les procédures prévues ne concernent naturellement que les pièces saisies au cours de la procédure dans laquelle la restitution est demandée et non durant une autre 46.

Les juridictions compétentes à un moment donné de la procédure pour statuer sur les réquisitions ne peuvent refuser celles-ci que pour les causes précises énumérées, à leur propos, par la loi 47 et qui varient selon les hypothèses.

Le code de procédure pénale avait prévu les restitutions selon deux procédures différentes l’une très simple et l’autre plus complexe qui distinguaient selon que les pièces avaient été ou non judiciairement utilisées. Une loi du 30 décembre 1985 a modifié l’économie du système une nouvelle fois modifié dans le sens de l’allégement par une loi du 23 juin 1999, puis plusieurs fois depuis (9 mars 2004, 14 avril 2011,16 février 2015), ce n’est jamais un signe de clarté de la pensée. L’ensemble reste, tout d’abord très confus dans la mesure, notamment, où des règles générales plus nombreuses seraient les bienvenues (pourquoi n’existe-t-il pas, par exemple, une disposition unique qui interdirait à toutes les juridictions la restitution des objets dangereux ou illicites ?) et ensuite attentatoire à des droits fondamentaux.

2) Cas particulier des suites d’autopsies. – a) Lorsqu’une autopsie a été réalisée et que

le conservation du corps n’est plus utile à la manifestation de la vérité, l’autorité judiciaire en

42. Crim. 17 nov. 2015, D. 2015.2446. 43. Crim. 7 août 1919, S. 1921.1.281 note Roux; Crim. 19 mars 1941, G.P. 1941.1.388, R.S.C. 1941.189 obs. Hugueney, admet cependant la restitution de la somme provenant de la vente de l'objet volé. 44. notre Droit pénal spécial, n° 227. 45. Crim. 3 avril 2002, B. 75 ; 3 fév. 2010, D. 2010.1658. 46. Crim. 17 fév. 1992, B. 74. 47. Crim. 4 sept. 2002, B. 159.

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charge de la procédure délivre l’autorisation de remise du corps et le permis d’inhumer. Bien que l’article 230.29 ne précise pas à qui doit être faite la remise, il semble que ce soit aux personnes visées par l’article précédent et qui ont été informées de l’autopsie (conjoint, concubin – comment l’identifie-t-on ? -, personne pacsée avec le défunt, ascendants et descendants « en ligne directe » Sic).

A l’issue d’un délai d’un mois à compter de la date de l’autopsie, les « proches du défunt » ayant qualité pour pourvoir aux funérailles (si ce ne sont pas les mêmes personnes que précédemment il faudrait préciser) peuvent demander la restitution du corps au procureur de la République ou au juge d’instruction qui doivent répondre par une « décision » ( ?) écrite dans un délai de quinze jours. Aucune suite n’est prévue.

b) Lorsque des prélèvements biologiques ont été réalisés au cours d’une autopsie judiciaire il faut distinguer selon leur utilité.

S’ils ne sont plus nécessaires à la manifestation de la vérité l’autorité judiciaire peut ordonner leur destruction conformément aux règles du Code de la santé publique (art. R. 1335.11). Toutefois, s’ils constituaient les seuls éléments d’identification du défunt, l’autorité judiciaire peut autoriser leur restitution à la famille en vue de funérailles.

Si les éléments prélevés peuvent être encore utiles, ils sont conservés juridiquement au dossier et matériellement dans les conditions qui s’imposent.

297 ENQUETES – Tant que l’objet n’a pas été définitivement saisi, la restitution peut avoir lieu sans formes à l’initiative de l’officier de police judiciaire, mais avec l’accord du procureur de la République. Il y a dans ce cas mainlevée de la saisie (art. 56 al. 7 C.P.P.).

Lorsqu’au cours de l’enquête la conservation des biens placés sous main de justice n’est plus nécessaire, il existe des procédures à la fois complexes et peu respectueuses du droit de propriété.

Le procureur de la République peut restituer les biens saisis à leur propriétaire si la propriété n’est pas contestée. Dans le cadre d’une jurisprudence confuse ayant donné lieu à un revirement et à une modification législative (art. 41.4 al. 2 , phrase ajoutée par la loi du 9 mars 2004), il semble que le droit positif accorde au ministère public le droit de se prononcer sur la propriété de l’objet, lorsqu’elle est contestée, sous réserve qu’il y ait une voie de recours devant une juridiction de jugement 48. Cette solution est évidemment très contestable car un renvoi devant une juridiction civile pour faire trancher la contestation serait préférable.

Le propriétaire ou la personne à laquelle la restitution a été accordée doit réclamer l’objet dans un délai d’un mois à compter d’une mise en demeure adressée à son domicile. Si le procureur de la République décide de ne pas restituer l’objet sa décision peut être déférée par l'intéressé à la chambre de l'instruction, dans le même délai par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. Si la restitution n’a pas été décidée ou demandée dans les six mois suivant un classement sans suite ou si le propriétaire n’a pas réclamé l’objet dans le mois de son information, celui-ci devient la propriété de l’Etat sous réserve des droits des tiers (art. 41-4 C.P.P.).

Si le propriétaire ne s’est pas manifesté dans le mois qui suit cette information ou s’il ne peut être identifié, l’article 41-5 du Code de procédure pénale déclare la restitution « impossible » ce qui est tout de même un peu léger dans le premier cas. Le procureur de la République dispose alors de plusieurs possibilités. Il peut, sous réserve des droits des tiers, autoriser la destruction de ces biens (on voit mal ce que peut être, dans ce cas, le respect des droits des tiers !). Il peut aussi autoriser leur remise à l’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis aux fins d’aliénation et il agit de même si la conservation des biens serait de nature à diminuer leur valeur. Le procureur de la République peut enfin autoriser le service

48. Crim. 20 juin 2006, Procédures, n° 218.

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des domaines à affecter l’usage de ces biens à titre gratuit aux services de police, de gendarmerie ou des douanes. . Il s’agit, généralement des puissants véhicules des trafiquants qu’envient ces services beaucoup moins bien dotés. Dans le cas où les objets sont qualifiés par la loi de dangereux ou nuisibles ou que leur détention est illicite, le procureur de la République peut (pourquoi pas « doit » , d’autant plus que l’article précédent semble dire le contraire : « Il n'y a pas lieu à restitution lorsque celle-ci est de nature à créer un danger pour les personnes ou les biens ou lorsqu'une disposition particulière prévoit la destruction des objets placés sous main de justice » art. 41-4?) ordonner leur destruction.

Toutes les décisions prises par le procureur de la République sont notifiées « par tout moyen » ( ? alors surtout que les délais de réaction sont très brefs) aux personnes ayant des droits sur le bien, si celles-ci sont connues, et aux personnes mises en cause. Ces personnes peuvent contester ces décisions devant la chambre de l'instruction afin de demander « le cas échéant » (ou ne voit pas ce qu’elles pourraient demander d’autre) la restitution du bien saisi. Cette contestation doit intervenir dans les cinq jours qui suivent la notification de la décision, délai réduit à vingt-quatre heures, en matière de stupéfiants. Ces délais et l'exercice du recours sont suspensifs.

En cas de classement sans suite, le propriétaire des biens saisis obtient, selon ce qui a été fait de ceux-ci au cours de la procédure, soit à leur restitution en nature, soit le prix de leur aliénation qui a du être consigné, soit à une indemnité compensant la perte de valeur en cas d’usage.

298 INSTRUCTION - 1) Procédure de droit commun. – Le juge d’instruction ne peut restituer que des objets dont la propriété n’est pas contestée 49. Ni le juge d’instruction ni la chambre de l’instruction ne sont compétents pour juger au fond la contestation sur la propriété des objets 50. Il faut recourir à une procédure normale de droit privé 51, mais c’est à la juridiction d’instruction qu’il incombe de se prononcer sur le point de savoir si la propriété est contestable 52.

Le juge d’instruction ne peut restituer les objets présentant un danger pour les personnes ou les biens. Il a la possibilité (mais pas l’obligation53) de refuser de restituer les objets susceptibles d’être confisqués par la juridiction de jugement.

Le juge d’instruction peut décider une restitution soit sur réquisition du procureur de la République, soit d’office, avec avis du procureur de la République, soit à la demande du procureur de la République, de la personne mise en examen, de la partie civile ou toute personne prétendant avoir des droits sur l’objet. Le juge d’instruction statue par ordonnance motivée. L’ordonnance est notifiée au requérant en cas de rejet, au ministère public et aux autres intéressés en cas de décision de restitution. Elle peut être déférée à la chambre de l’instruction par simple requête déposée au greffe du tribunal dans le délai de dix jours ouvert par la notification 54. Tous les intéressés et donc les tiers peuvent être entendus par la chambre de l’instruction mais seules les parties ont accès au dossier, les autres personnes n’ayant accès qu’aux procès-verbaux qui les concernent. Un pourvoi en cassation peut être formé contre l’arrêt de la chambre de l’instruction. Directement recevable s’il émane d’un

49. Crim. 27 sept. 2005, B. 239. 50. Crim. 21 juill. 1951, D. 1951.J.686 ; 23 oct. 1984, B. 315. 51. Crim. 10 déc. 1970, B. 335; 6 juill. 1966, B. 191; Paris 7 janv. 1960, J.C.P. 1960.II.11455, note Depaule. 52. Crim. 27 sept. 2005, B. 239. 53. Crim. 21 fév. 1989, B. 85. 54. Mais il pourrait en être fait appel dans les formes normales, Crim. 19 fév. 1985, D. 1985.I.R.225, obs. Pradel: ce que la chambre criminelle avait d'abord refusé, 27 oct. 1959, J.C.P. 1959.II.11375, note Chambon.

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tiers, il est soumis au filtrage du Président de la Chambre criminelle s’il est formé par la personne mise en examen ou la partie civile 55. Les parties qui n’ont pas demandé les restitutions en première instance ne sont pas autorisées à les demander en cause d’appel pour un autre motif 56.

2) Situations particulières. - Le juge d’instruction se voit offrir les mêmes possibilités que celles accordées au procureur de la république en cas d’enquêtes sous réserve de ce que la procédure nécessaire à la prise de ces différentes décisions est, pour lui, la même que la procédure de droit commun. Il va de soi que ces mesures exceptionnelles ne peuvent être décidées par le juge qu’après que celui-ci ait éventuellement statué sur une demande de restitution 57.

299 JURIDICTIONS DE JUGEMENT - Si les objets n’ont pas été restitués antérieurement, la compétence en matière de restitution est celle des juridictions de jugement saisies 58.

Contrairement aux juridictions d’instruction, les juridictions de jugement doivent, se prononcer elles-mêmes, sur la base du droit civil, sur la propriété de l’objet dont le statut est contesté59 conformément aux règles ordinaires de compétence 60.

Le Code de procédure pénale se borne à signaler la possibilité de restitution par la cour d’assises. Dans la mesure où l’article 373 prévoit qu’elle ne statue, s’il y a eu condamnation, qu’après que la décision soit devenue définitive, il faut conclure qu’elle n’a pas la possibilité de statuer, en cours de procédure par un arrêt incident. Il semble donc qu’aucune possibilité de restitution n’existe entre la fin de l’instruction et la décision définitive de la Cour d’assises. La cour d’assises peut (et non doit) refuser la restitution des objets dangereux.

Le tribunal correctionnel, la chambre des appels correctionnels et le tribunal de police se prononcent sur les restitutions soit, durant la procédure par décision incidente, soit avec le jugement sur le fond étant donné que dans le premier cadre, elles doivent surseoir à statuer jusqu’au jugement sur le fond pour les pièces encore utiles à la procédure ou susceptibles de confiscation, leur décision sur ce point n’étant susceptible d’aucun recours. Si la demande est présentée par une des parties à l’instance, la décision est prise par la juridiction au cours de sa procédure ordinaire. Si elle émane d’un tiers se prétendant propriétaire, la juridiction statue par jugement séparé. La juridiction de jugement ne peut refuser la restitution que des pièces présentant un danger ou qui ont été confisquées par sa décision principale 61. Le jugement est susceptible d’appel mais uniquement avec la décision sur le fond s’il s’agissait d’un jugement incident.

Les saisies aux fins de confiscation suivent le sort de la condamnation définitive. L’acquittement, la relaxe ou l’absence de prononcé de la confiscation entrainent automatiquement la restitution du bien en nature ou exceptionnellement en valeur. La décision de confiscation est exécutée, lorsqu’elle a lieu en valeur, par les services du Trésor et

55. Crim. 6 juill. 1966, B. 191; 18 juill. 1967, B. 220. 56. Crim. 25 juin 2013, Dt pén. 2013, n° 132. 57. Crim. 6 mai 2014, D. 2014.1095. 58. Crim. 5 août 1997, Procédures 1998 n° 20. 59. Crim. 5 fév. 2002, B. 21 ; 1er et 15 fév. 2005, B. 37 et 60. 60. V., supra, n°138. 61. Crim. 3 déc. 2001, B. 254 ; 7 juin 2006, B. 163, cassation du refus de restituer le butin d’une infraction qui n’avait pas été confisqué ; Crim. 8 janv. 2014, D. 2014.85, non restitution d’un bien faisant partie de ceux confisqués.

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lorsqu’elle a lieu en nature par l’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (art. 707.1 C.P.P.).

300 RESTITUTIONS A L’ISSUE DE LA PROCEDURE - Quand la juridiction n’a pas statué sur les restitutions, situation à laquelle on assimile celle où aucune juridiction n’a été saisie, la restitution est décidée d’office ou sur requête par le procureur de la République ou le procureur général 62 pour les objets dont la propriété n’est pas sérieusement contestée. Une juridiction de jugement serait incompétente pour la décider 63.

La procédure est, sous réserve de différences de détail imposées par la situation, celle prévue dans le cadre des enquêtes, les articles 41-4 et 41-5 du Code de procédure pénale déclarant s’appliquer « au cours de l’enquête ou lorsqu’aucune juridiction n’a été saisie ou que la juridiction saisie a épuisé sa compétente sans avoir statué sur le restitution des objets ».

300-1 VALEUR DE CES PROCEDURES - Dues à la religion de la simplification à tout prix, les procédures mises en place, notamment au stade de l’enquête et de l’instruction, paraissent gravement attentatoires, pour certaines d’entre elles, au droit de propriété et pour d’autres à la présomption d’innocence. Il en est tout particulièrement ainsi en raison de la brièveté des délais accordés aux intéressés pour se manifester car il n’est nullement pathologique d’être absent de son adresse postale plus d’un mois ou même deux. En outre, la subsitution, par une loi du 16 février 2015, du procureur de la République au juge des libertés comme maitre d’œuvre des restitutions d’enquête ressemble à pied de nez un peu débile à la Cour E.D.H. La chambre criminelle veille à la limitation du domaine de ces procédures aux cas expressément prévus 64 mais ces solutions pourraient valoir à la France quelques difficultés avec la dite Cour 65, d’autant plus que la loi du 14 avril 2011 estimant que l’usage judiciaire de ces dispositions n’était sans doute pas assez actif, a accordé au directeur départemental de la sécurité publique et au commandement de groupement de gendarmerie le droit de demander aux officiers de police judiciaire de leur communiquer la liste des biens saisis dont la confiscation est prévue par la loi, afin de demander aux autorités judiciaires qui, heureusement, ne sont pas tenues de déférer à ces demandes, que ces biens soient aliénés. La Chambre criminelle a cependant refusé de transmettre une QPC contestant ces dispositions comme violant le droit de propriété 66.

322 INAPTITUDE A ETRE TEMOIN. INCAPACITES. LISTE. – Les incapacités trouvent leur justification dans le fait qu'on peut légitimement avoir des doutes sur l'authenticité du témoignage des personnes concernées.

4) Caractère limitatif. – La liste des incompatibilités est limitative. Rien de particulier n'est prévu en ce qui concerne les fonctionnaires même liés à la découverte ou à la

62. On ne peut saisir de nouveau à cet effet la juridiction de jugement (Crim. 12 déc. 1996, B. 467). 63. Mais il pourrait éventuellement y avoir recours à la procédure de difficulté d’exécuter d’une décision (Crim. 14 mars 1995, Dt. pén.. 1996 n° 12). 64. Crim. 6 mai 2008, D. 2008.58. 65. 13 juill. 2010, Tandam, Dt pén. 2011, chr.3, n° 40. 66. Crim. 8 janv. 2014, inédit.

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poursuite de certaines infractions 67. Aucune incapacité ne fait obstacle, contrairement à ce qu'on croit souvent, à l'audition normale des membres de la famille de la victime 68, même constituée partie civile 69, ni à celle des personnes qui sont au service de la personne poursuivie ou de la victime, ni du dénonciateur ordinaire 70 sous réserve du seul fait que le juge d'instruction ou le président de la juridiction doit leur faire préciser leur qualité.

L'application du principe de la limitation donne lieu à une casuistique plus ou moins difficile à suivre. On peut trouver normal que la parenté soit limitée à la parenté de droit 71 et au degré prévu 72. On peut comprendre que l'alliance ne s'applique qu'à l'alliance juridique (entre l'intéressé et les parents de son conjoint 73) et non à l'alliance sociologique (avec des alliés du conjoint) 74. Il est moins compréhensible que la mère d'un contumax puisse prêter serment au motif que l'exclusion ne vise que l'accusé présent 75 ou que l'alliance ne cesse pas avec le veuvage 76 mais disparaisse avec le divorce 77 et ne s’applique pas aux personnes liées par un Pacs 78. Quant à l’arrêt qui a jugé recevable le témoignage des enfants d’un couple dans une poursuite pour violences conjugales au motif que l’article 205 du Code de procédure civile qui l’interdit en matière de divorce n’était pas applicable, il se heurte tout de même, tant à l’âge des enfants qu’à leurs liens de descendance avec la personne poursuivie (art. 335, 2° et 7° C.P.P.), sans parler de considérations morales qui semblent évidentes 79.

394 REGIME – 1) Domaine. - Le délai de la prescription peut être suspendu pendant son écoulement par un événement faisant obstacle à la poursuite. Le Code de procédure pénale n’avait prévu que des hypothèses très particulières (art. 6, al. 2 et 41.2 al. 3), que la jurisprudence avait étendu, mais jusqu’à une date très récente insuffisamment.

Etaient considérées comme des causes de suspension du délai tous les obstacles de droit à la poursuite : nécessité d’une plainte 80, d’un avis ou d’un jugement préalable 81,

67. Crim. 29 nov. 1989, B. 456 et 3 mai 1990, B. 173 ; 30 sept. 1992, B. 295. S'ils sont dénonciateurs ; 3 janv. 1996, B. 2. 68. Crim. 15 déc. 1899, B. 373; 26 juill. 1966, B. 212; 29 nov. 1989, B. 456. 69. Crim. 24 janv. 1990, B. 44. 70. Le dénonciateur ordinaire dépose comme un témoin normal après que la juridiction ait été avertie de son action (art. 337 al. 1er C.P.P.). Mais cette formalité d'avertissement n'est pas prescrite à peine de nullité (Crim. 29 nov. 1989, B. 456). 71. Pour des enfants naturels et une concubine, Crim. 23 mars 1922, B. 122; 25 fév. 1958, D. 1958.J.516. 72. Pour des oncles, des neveux, des cousins, Crim. 5 aout 1911, B. 413; 19 mai 1949, B. 175; 1er déc. 1999, B. 286. 73. Crim. 5 déc. 1990, B. 418. 74. Crim. 15 avril 1905, D. 1905.1.533; 13 mars 1952, D. 1952.J.360; 30 juin 1993, B. 232. 75. Crim. 22 juill. 1976, B. 227. 76. Crim. 3 sept. 1977, B. 278. 77. Crim. 4 aout 1984, D. 1985.I.R.89 obs. Pradel. 78. Crim. 25 mai 2011, D. 2011.2241. 79. Crim. 2 juin 2015, J.C.P. 2015, n° 693. 80. Paris 27 mars 1953, J.C.P. 1953.II.7701, note Larguier. 81. Crim. 23 novembre 1900, D. 1902.1.527; 1er décembre 1955, D. 1956.J.451, note Larguier; 28 mars 2000, B. 139 ; 3 déc. 2003, B. 233.

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nécessité d’une procédure particulière 82 ; ordonnance du président de la Chambre de l’instruction faisant obstacle au déroulement de la procédure (art. 187 C.P.P.) 83 ; disparition des pièces d’une procédure obligeant à reconstituer celle-ci (art. 648 et s. C.P.P.) 84 ; délai de dépôt de la consignation 85, durée du délibéré d’une juridiction 86. Pouvaient aussi suspendre la prescription les obstacles de fait à l’action judiciaire (état de guerre ou catastrophe naturelle qui perturbent le déroulement normal des activités sociales 87; détention de l’intéressé par un état étranger 88).

La jurisprudence avait, cependant, jusqu’à une date récente, refusé d’appliquer l’idée d’une suspenstion initiale du délai de la prescription dans des hypothèses où il était impossible ou très difficile de découvrir les infractions. C’est ce qui avait conduit au développement de la jurisprudence et des règles particulières ci-dessus exposées et appuyées non sur la suspension mais sur le point de départ lui-même 89. Dans une affaire où, il est vrai, les faits étaient particulièrement favorables, l’Assemblée plénière de la Cour de cassation vient de changer d’avis. Une femme avait tué à leur naissance au moins sept de ses enfants sans que les faits soient découverts avant l’écoulement d’un délai de dix ans en raison de l’obésité de l’intéressée qui dissimulait à tous ses états de grossesse, d’une absence de déclaration des enfants à l’état civil et d’une dissimulation efficace des cadavres jusqu’à une découverte fortuite. Dans un premier temps, la Chambre criminelle, fidèle à sa jurisprudence traditionnelle a refusé, au nom de la prescription acquise, de permettre la poursuite des infanticides 90, mais la cour de renvoi ayant refusé d’adopter le point de vue de la Chambre criminelle 91, un nouveau pourvoi permit à l’Assemblée plénière de la Cour de cassation de juger que le délai de la prescription avait été suspendu jusqu’à la découverte des cadavres en raison de l’obstacle insurmontable à l’exercice des poursuites que constituait le relevé des faits effectué par les juges du fond 92.

L’interprétation de cette décision est, en l’état actuel des choses difficiles en raison de la particularité des faits. Si elle traduit un vrai revirement décidant de prendre désormais en considération de réels obstacles de faits à la découverte des infractions, elle rent inutile toute la jurisprudence et les textes particuliers que nous avons signalés dans le cadre du point de départ de la prescription. S’il s’agit d’une décision de faits elle ne changera rien. Mais en toute hypothèse, nous restons attachée à l’idée qu’une disposition du Code de procédure pénale devrait prévoir d’une façon claire, expresse et générale que le point de départ de la prescription est suspendu jusqu’au jour où les faits sont apparus dans des conditions

82. Cass. Ass. Plén. 23 déc. 1999, B. 312. 83. Crim.. 4 déc. 2001, Dt. pen. 2002 n° 79 ; 5 mars 2002, B. 53. 84. Crim. 26 sept. 2000, D. 2001.521. 85. Crim. 7 juin 1990, B. 235. 86. Crim. 22 oct. 2013, Dt pén. 2014, n° 7. 87. Crim. 1er aout 1919, D. 1922.1.49, note Matter. 88. Crim. 2 juin 1964, B. 189, R.S.C. 1965.121, obs. Légal. 89.V., supra, n°. 90. Crim. 16 oct. 2013, D. 2013.2676, note Mayaud; J.C.P. 2013, n° 1309 note Détraz; chr. Maréchal, Dt pén. 2013, chr. 18 91 Paris 19 mai 2014, D. 2014.1206 92. Cass. Ass. Plén. 7 nov. 2014, D. 2014.2498, note Parizot et 2014.2469 chr. Saenko ; Dt pén. 2014, chr. Maréchal, n° 57.

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permettant réellement la poursuite. Et nous persistons à ne pas voir en quoi cela pourrait conduire à la « mort » de la prescription ou au fait de la faire « voler en éclats »93.

2) Effets. - La suspension arrête le cours du délai de prescription mais n’annihile pas la période de temps écoulée avant l’événement suspensif si celui-ci intrevient en cours de procédure. Une fois l’obstacle disparu la prescription reprend son cours normal au stade où l’on en était avant son apparition.

Interruption et suspension peuvent éventuellement être complémentaires ainsi que le montre la jurisprudence qui juge que si un acte nul n’interrompt pas le délai de prescription le délai procédural nécessaire pour faire établir sa nullité le suspend 94.

413 PRISE EN COMPTE DES VICTIMES DURANT LA PROCEDURE. – 1) Personnel dédié. - Dans chaque tribunal.

………..

3) Aide de nature procédurale. - Au cours de l'exécution de la peine, la victime a le droit de saisir l'autorité…..

Une loi du 17 août 2015 portant adaptation de la procédure pénale au droit de l’union

européenne, ayant pour but de transposer une Directive établissant des normes minimales de protection des victimes d’infractions pénales a ajouté au Code de procédure pénale des articles 10-2 à 10-5 et modifié plusieurs autres articles. Pour l’essentiel, ces dispositions regroupent des droits des victimes qui étaient déjà prévus par d’autres textes qui sont simultanément abrogés. Les principales innovations concernent, d’abord la réaffirmation du droit à un interprète. Il est ensuite prévu une « évaluation personnalisée » afin de déterminer si les victimes ont besoin de mesures spécifiques de protection au cours de la procédure. Après un recueil par audition des « premiers éléments », l’évaluation peut être approfondie avec l’accord de l’autorité judiciaire. On peut émettre de sérieux doute sur l’opportunité, la légalité et même la constitutionnalité d’une mesure contraignante (il est seulement prévu que la victime y est « associée ») à l’égard d’une personne à laquelle l’autorité publique n’a aucun reproche à faire. Il est ensuite prévu que la victime peut, à sa demande et à tous les stades de l’« enquête » ( ?) être accompagnée par son représentant légal « et par la personne majeure de son choix, sauf décision contraire motivée prise par l’autorité judiciaire compétente. Le rôle de cette personne ajouté à celui du représentant légal et de l’avocat (sans compter les associations d’aide aux victimes) demeure aussi mystérieux que discutable.

469 SANCTION DES ENQUETES IRREGULIERES. — Le législateur s’est montré avare de sanctions textuelles procédurales en matière d’enquêtes et surtout aussi désordonné que peu convaincant.

93. Commentateurs cités à la note précédente ; Etude Lepage, J.C.P. 2015, n° 69. 94. Crim. 26 mai 1992, B. 212.

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……. Aucune nullité textuelle n’est prévue en ce qui concerne les formalités de la garde à

vue. Celle-ci avait été ajoutée par la loi du 4 janvier 1993, mais elle a été supprimée par celle du 24 août. La Cour de cassation a refusé, d’autre part, pendant longtemps, d’y voir tant des nullités substantielles de l’enquête, que des nullités d’ordre public après l’introduction au Code de procédure pénale de la règle de l’article 802 95. Mais cette époque est aujourd’hui révolue. La Chambre criminelle estime, depuis une douzaine d’années, que toute irrégularité commise au cours de la garde à vue doit être sanctionnée car, si la nullité demeure soumise à la règle du préjudice, les irrégularités de la garde à vue portent nécessairement atteinte aux intérêts de la personne poursuivie 96, sauf à ce que la procédure puisse être sauvée lorsque d’autres éléments que celui mis en cause témoignent de l’accomplissement des formalités imposées 97. La Chambre criminelle estime même, qu’au-delà du respect des règles précisément prévues, il faut que les contraintes imposées soient proportionnées au but à atteindre 98. Mais cette jurisprudence ne déroge pas, cependant, à la possibilité de renoncer à la formalité 99, et à la forclusion de l’article 173-1 du Code de procédure pénale 100. Autrement dit, elle ne fait pas de cette nullité une nullité d’ordre public. Après avoir jugé qu’il était possible d’invoquer une irrégularité concernant une autre personne, si l’on n’y avait intérêt 101, la jurisprudence adopte désormais une position inverse 102 sauf si les pièces annulées font référence à la tierce personne qui souhaite les invoquer 103.

…..

484 COMMENT MET-ON EN EXAMEN ? - Il n’existait avant 1993 aucune démarche procédurale d’inculpation proprement dite, celle-ci résultait de l’accomplissement par le juge

2) Mise en examen par transformation du statut de témoin assisté. – À tout moment de la procédure et après avoir informé l’intéressé et l’avoir mis en mesure de présenter ses

95. V., infra, n°579. 96. Crim. 3 avril 1995, B. 140 ; 4 janv. et 30 avril 1996, B. 5 et 182 ; 12 juin 2007, B. 155 ; 27 oct. 2009, D. 2010.245, note P-J.Delage ; 4 janv. 2011, B. n° 3, ; 11 mai 2011, J.C.P. 2011, n° 819, note Pin ; 31 mai 2011, B. 115, 25 juin 2013, B. 154 et toutes les références citées dans les notes précédentes ; 25 juin 2013, G.P. 2013, n° 286 à 288, p.38 ; V. toutefois en sens contraire (exigence de démonstration d’un préjudice) une décision civile : Cass. Civ.1, 10 oct. 2012, J.C.P. 2012.1309, note Desprez. 97. Crim. 5 mars 2013, B. 55. 98. Crim. 7 mai 2008, R.S.C. 2008.930, obs. Finietz. 99. Crim. 15 déc. 2010, B. 207. 100. Crim. 20 juill. et 27 sept. 2011, Dt pén. 2012, chr.1, n° 14 ; 14 fév. 2012, B. 78, Chronique Guéry, D. 2014.1460. 101. Crim. 6 sept. 2006, J.C.P. 2007.II.10081, note Matsopoulou ; 27 avril 2011, B. 75. 102. Crim. 14 fév. 2012, D. 2012.775, conc. Boccon-Gibod et note Matsopoulou ; J.C.P. 2012, n° 485, note Pradel ; 10 mai 2012, B. 42 ; 11 et 18 déc. 2013, Dt pén. 20104, n° 31. 103. Crim. 21 oct. 2015, D. 2015.47, note Beaussonie et Cazalbou (les procès-verbaux de garde à vue annulés faisaient référence à la personne qui souhaitait invoquer la cause de nullité)

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observations, le juge d’instruction peut mettre en examen quelqu’un qui était jusque-là témoin assisté 104.

… La mise en examen peut, enfin, intervenir à l’initiative de la Chambre de l’instruction

à condition, avant de décider de son renvoi devant une juridiction de jugement, d’ordonner un supplément d’information aux fins de notification de la mise en examen 105.

490 SECRET A L’EGARD DES TIERS. DROIT POSITIF. PRINCIPES. - Les rédacteurs du Code de procédure pénale n’avaient pas envisagé expressément la question. Le secret de l’instruction a fait l’objet d’un article particulier, l’article 11, voté sur amendement parlementaire. Celui-ci prévoit que «...la procédure au cours de l’enquête et de l’instruction est secrète. Toute personne qui concourt à cette procédure est tenue au secret professionnel dans les conditions et sous les peines des articles 226.13 et 14 du Code pénal (infraction de violation du secret professionnel) ».

1) Domaine procédural. - Du point de vue de la procédure concernée, le secret de l’instruction couvre l’ensemble des éléments discutés ou acquis au cours des enquêtes de police et de l’instruction préparatoire qu’il s’agisse d’actes de procédure ou d’éléments relatifs aux faits ou aux personnes 106.

2) Domaine personnel. - L’article 11 impose le secret aux personnes qui « concourent à l’instruction ». Cette expression employée par l’article 11 du Code de procédure pénale, n’est pas de celles qu’une tradition juridique a forgées. Elle n’a donc pas de sens précis. L’interprétation qui en a été donnée est discutable.

Concourent manifestement à l’instruction les magistrats du siège 107 et du parquet et leurs auxiliaires (les policiers, le greffier, les huissiers, les experts, les interprètes). Ils doivent donc conserver le secret à l’égard des tiers. Le secret ne joue pas, en revanche pour les informations qu’ils se donnent les uns aux autres dans l’intérêt de l’instruction 108.

Doctrine et jurisprudence sont unanimes pour considérer, à l’inverse, que ne concourent pas à l’instruction, le mis en examen 109, la partie civile 110, les témoins 111 et les avocats sauf pour ces derniers à respecter le secret professionnel direct que leur impose leur état. C’est un point de vue discutable qui tient à une confusion entre ce qui est autorisé, d’une part, et ce qui, bien qu’interdit, ne peut être puni, d’autre part, deux notions différentes et le plus souvent malheureusement confondues. Il est difficile, en effet, de considérer, par exemple, que le juge d’instruction concourt à l’instruction en interrogeant un mis en examen

104

. Crim. 29 mars 2006, B. 99 ; 11 juin 2013, B. 176. 105. Crim. 17 sept. 2014, D. 2014.2243. (B) 106

. Crim. 19 juin 2001, D. 2002.1463 ; 25 oct. 2005, Dt. Pén. 2006 n° 18. 107

. Crim. 6 déc. 1977, B. 385; Rennes 7 mai 1979, J.C.P. 1980.II.19339, note Chambon et J-Y.Chevallier, J.C.P. 1980.I.1984 et H.Pascal, J.C.P. 1980.I.1993b 108

. Crim. 17 oct. 2000, B. 298 (absence de nullité liée à la présence, dans le cabinet du juge d’instruction des policiers ayant opéré la garde à vue). Mais la solution est différente pour un stagiaire n’ayant pas participé à la procédure (Crim. 27 avril 2000, B. 170). 109

. Paris 11 juin 1986, R.S.C. 1986,n°4 Obs. Levasseur. 110

. Crim. 9 oct. 1978, D. 1979.J.185, note Chambon; Pradel et Varinard, Op.cit., n°29. 111

. Crim. 9 oct. 1978, D. 1979.J.185, note Chambon, R.S.C. 1979, n°3, Obs. Levasseur.

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ou un témoin mais que ceux-ci n’y concourent pas en répondant aux questions du juge d’instruction. S’il est vrai que la plupart des personnes citées comme non tenues au secret n’encourent pas les peines de la violation du secret de l’instruction en cas de révélations, ce n’est pas parce qu’elles ne commettent pas les éléments matériel et moral de l’infraction de violation du secret de l’instruction mais parce qu’elles bénéficient, dans le cadre de cette infraction, d’un fait justificatif si la révélation entre dans le cadre de leur défense, ce qui n’est pas du tout la même chose. Si un problème de violation du secret de l’instruction se pose, en effet, c’est parce qu’une des personnes en cause dans la procédure a révélé des éléments de celle-ci. Or si l’on songeait à reprocher ce comportement au mis en examen, à la partie civile ou à leurs avocats, ceux-ci opposeraient le fait justificatif de la permission de la loi que constitue la première phrase de l’article 11 : « Sans préjudice des droits de la défense… ». Mais il faut bien voir qu’il s’agit là du fait justificatif d’un comportement et non d’une absence de violation du secret de l’instruction. Mis en examen, partie civile, témoins et avocat sont donc bien tenus au secret de l’instruction, mais les parties et leurs avocats ne sont pas coupables de violation de ce secret qu’ils révèlent certains faits pour se défendre 112. Il reste que le témoin présenté comme n’étant pas tenu au secret n’est pas en mesure d’invoquer ce fait justificatif et qu’il nous paraît donc inexact de considérer qu’il peut faire impunément des révélations. Nous savons que le témoin acquis au procès a l’obligation d’éclairer la justice. Il est tout à fait logique de considérer qu’il a, corrélativement, l’obligation de ne pas révéler ce qu’il sait à d’autres personnes qu’elle. Et il va de soi que ce sont uniquement les révélétations faites dans l’intérêt de la défense qui justifient ce qui permet la condamnation de l’avocat qui révèle des éléments d’un dossier d’instruction dans le cadre d’une autre procédure 113

Aucune sanction ne s’applique, naturellement à la presse qui ne concourt pas à l’instruction, même si certains de ses membres ont filmé, à tort, des actes d’enquête. Seule une action en réparation d’une atteinte à la présomption d’innocence est possible 114.

3) Domaine temporel. - Le secret dure autant que les enquêtes et l’instruction préparatoire. Si l’affaire se clôt par un non-lieu, le dossier demeure définitivement secret, sauf à en extraire des pièces utiles à une autre instance 115. Le secret cesse, au contraire, avec l’ouverture de la procédure publique de jugement. Cette cessation est même rétroactive dans la mesure où les personnes qui ont concouru à l’instruction peuvent être appelées à témoigner à l’audience de jugement non seulement sur les faits dont elles ont eu connaissance mais aussi sur la procédure d’instruction jusque-là secrète 116.

5) Sanctions. – La violation du secret de l’instruction constitue à la charge de celui qui la commet une infraction spécifique sanctionnée par les peines de la violation du secret professionnel. Cela signifie que même commise par des professionnels de la justice, il ne s’agit pas d’une infraction de violation du secret professionnel mais d’une infraction de violation du secret de l’instruction qui encourt les mêmes peines que la violation du secret professionnel. Malheureusement, la jurisprudence a quelque mal à le comprendre et préfère retenir la qualification de violation du secret professionnel ce qui n’a pas d’incidence sur le

112

. En ce sens, Crim. 20 juin 2006, D. 2007.404 validant la condamnation d’un avocat qui avait transmis des pièces en dehors de tout intérêt de défense. 113. Crim. 18 mars 2015, B. 114. Crim. 24 nov. 2010, D. 2011.783. 115. Crim. 7 janv. 2010, D. 2010.212. 116

. Crim. 23 janv. 1935, S. 1935.1.565; 5 nov. 1903, D. 1904.1.25, note Le Poittevin; 16 déc. 1975, B. 282.

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terrain de la peine jusrtifiée mais procède tout de même d’une erreur manifeste 117. Cette violation peut ouvrir à la personne qui en a souffert certaines possibilités de réparation 118. Elle n’affecte pas, en revanche et en tant que telle, la validité de l’instruction 119. Mais la Chambre criminelle, tout en ne retenant pas l’argument, paraît réserver la possibilité qu’il puisse en être ainsi si la violation avait porté atteinte aux droits de la défense 120.

491 SECRET A L’EGARD DES TIERS. EXCEPTIONS RELATIVES A LA PROCEDURE EN CAUSE. – Plusieurs faits justificatifs tirés de la permission de la loi permettent de déroger à la règle de secret de l’instruction. Certains sont d’origine, d’autres ont été, peu à peu ajoutés au Code de procédure pénale.

1) Faits justificatifs d’origine. - Outre la justification tirée des droits de la défense que nous avons évoquée, la violation du secret de l’instruction est autorisée pour les communications faites par le juge d’instruction dans le cadre de sa procédure à des personnes qui doivent être informées pour accomplir leur mission (officiers de police judiciaire exécutant une commission rogatoire ou experts commis) et aussi des communications par voie de presse pour permettre une avancée de l’enquête ou de l’instruction : diffusion de portrait-robot, appel à témoins, etc...

2) Communiqués du procureur de la République. - Une autre voie consiste à conserver le principe du secret de l’instruction mais en autorisant les responsables de celle-ci (juge d’instruction, procureur de la République et même policiers autorisés par les magistrats) à publier des communiqués pour rétablir la vérité des faits en cas d’informations par trop fantaisistes 121. Cette solution nous a toujours paru indigne puisqu’elle manifeste l’impossibilité de la justice à imposer les solutions qu’elle juge bonnes en la contraignant à une espèce de course-poursuite avec leurs violateurs. Elle a pourtant été reprise par la loi de 2000 qui ajoute à l’article 11 un nouvel alinéa autorisant le procureur de la République à « rendre publics des éléments… tirés de la procédure ».

La justification de l’intervention du procureur de la République est « d’éviter la propagation d’informations parcellaires et inexactes » ou « de mettre fin à un trouble de l’ordre public », ce qui paraît lui laisser toute latitude. En revanche, seuls « des éléments objectifs ne comportant aucune appréciation sur le bien-fondé des choses » peuvent être divulgués ce qui paraît bien faire obstacle à la pratique pourtant courante, des conférences de presse générales.

Seul le procureur de la République est autorisé à parler ce qui paraît exclure même les substituts en charge du dossier. Le procureur peut le faire soit d’office, soit à la demande de la juridiction d’instruction ou des parties ce qui paraît aberrant sous ces deux aspects. Dès lors qu’il est admis que la justice peut parler, on ne voit pas pourquoi, tout d’abord, les juridictions d’instruction soucieuses de faire des mises en point seraient tenues de passer par l’intermédiaire d’une partie serait-elle publique. Quant aux parties privées, nous savons qu’elles tirent de l’alinéa 1er de l’article 11 le droit de s’exprimer pour assurer leur défense. On ne voit donc pas pourquoi elles solliciteraient le ministère public de rendre public ce qu’elles peuvent révéler elles-mêmes.

117. V. notre Droit pénal spécial, n° 1023. 118

. V. infra, n° suivant. 119

. Crim. 30 avril 1996, B. 183 ; 24 nov. 2010, D. 2011.783. 120

. Crim. 25 janv. 1996, B. 51, nov. Rapport Larosière de Chamfeu, Dt. pén. 1996 chr. 39. 121

. La circulaire d'application du Code de procédure pénale contenait déjà une disposition de cette nature, mais manifestement contraire à la lettre de l'article 11, elle était illégale, V. R.Vouin, R.S.C. 1960.303.

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3) Publicité en matière de détention provisoire. – Depuis 2007, le juge des libertés et de la détention statue, en principe, publiquement en matière de détention provisoire pour les mis en examens majeurs sauf à ce que les parties publique et privées s’opposent à cette publicité.

L’opposition suppose s’il s’agisse d’une infraction relative à la criminalité organisée, ou que cette publicité soit de nature à nuire aux investigations, à la présomption d’innocence, à la sérénité des débats, à la dignité des personnes ou aux intérêts des tiers. La demande doit être satisfaite de droit si elle est présentée par une partie civile qui pourrait imposer le huis-clos devant une juridiction de jugement 122. La décision du juge des libertés est libre, pour le surplus. Elle n’est susceptible d’aucun recours 123. L’absence de publicité, qui n’est pas caractérisée par le simple fait que la porte du cabinet du juge soit fermée 124 peut entrainer la nullité de la procédure si elle a nuit aux intérêts de la personne concernée, préjudice

491-1 SECRET A L’EGARD DES TIERS. EXCEPTIONS JUSTIFIEES PAR UN PRINCIPE DE PRECAUTION. – Des articles 11-1, 11-2 et 706-47-4 ont été ajoutés au Code de procédure pénale dans le but de permettre au procureur de la République ou au juge d’instruction de révéler certains éléments des procédures d’instruction dans le but de prévenir la commission d’infractions ou de troubles à l’ordre public ou d’améliorer le sort des victimes.

1) Prévention d’accidents ou aide aux victimes (art. 11-1 C.P.P.). - Sur autorisation du

procureur de la République ou du juge d'instruction, peuvent être communiqués à des autorités ou organismes habilités à cette fin par arrêté du ministériel, des éléments des procédures judiciaires en cours permettant de réaliser des recherches ou enquêtes scientifiques ou techniques, destinées à prévenir la commission d'accidents, ou à faciliter l'indemnisation des victimes ou la prise en charge de la réparation de leur préjudice. Les agents de ces autorités ou organismes sont tenus au secret professionnel en ce qui concerne ces informations.

2) Information des employeurs publics des personnes poursuivies (art. 11-2 C.P.P.). - Le ministère public peut informer certaines autorités publiques de décisions rendues contre une personne qu'elles emploient, y compris à titre bénévole ou dont elles sont responsables alors que ces décisions sont prises au cours d’une instruction préparatoire, au sens large du terme, et qu’elles sont donc théoriquement couvertes (au moins pour certaines d’entre elles) par le secret de l’instruction.

Les personnes susceptibles d’être prévenues sont l’administration, les personnes publiques, les personnes morales de droit privé chargées d'une mission de service public et les ordres professionnels. Les informations ne peuvent concerner qu’un crime ou un délit puni d’une peine d’emprisonnement. Elles sont relatives à la mise en examen, la saisine d’une juridiction de jugement ou une condamnation non définitive (le texte dit « même non définitive » ce qui est absurde car si la condamnation est définitive, on ne se trouve plus au stade d’une instruction). L’information est donnée par écrit mais la décision d’information est facultative pour le ministère public qui ne peut y procéder que s'il estime cette transmission nécessaire, en raison de la nature des faits ou des circonstances de leur commission, pour mettre fin ou prévenir un trouble à l'ordre public ou pour assurer la sécurité des personnes ou des biens. La personne concernée est informée par le ministère public qui est tenu de prévenir des modifications apportées à sa situation judiciaire en fonction de l’avancement de la procédure. Les personnes informées sont tenues au secret professionnel et doivent faire disparaitre toute trace de l’information quand la procédure se termine par un non-lieu, une relaxe ou un acquittement.

122

. V., infra, n°609. 123. Crim. 15 mars 2005, B. 87. 124. Crim. 18 juin 2008, inédit.

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3) Prévention des infractions contre les mineurs (art. 706-47-4 C.P.P.). – Le ministère public informe de faits reprochés à une personne dont il a été établi, au cours de l'enquête ou de l'instruction, qu'elle exerce une activité professionnelle ou sociale impliquant un contact habituel avec des mineurs. L’information n’est donnée qu’à l’administration qui contrôle directement ou indirectement l’activité de la personne concernée. L’information concerne le placement sous contrôle judiciaire s’il est assorti d’une interdiction de tout contact avec les mineurs et les condamnations non définitives (même remarque rédactionnelle que ci-dessus). Elle est relative à toutes les infractions de violence directe ou sexuelle, au terrorisme ainsi qu’à la mise en danger par incitation à avoir certains comportements. L’information donnée par écrit semble obligatoire pour le ministère public (« le ministère public informe… »), le régime étant pour le surplus le même que dans le cas précédent.

603 TEMPS DE PAIX. – L’instruction devant les formations militaires de droit commun manifeste, comme les règles de compétence des juridictions, que la matière n'a pas, en réalité, été rendue au droit commun. Si, dans l’ensemble, celui-ci est applicable, on note, cependant, quelques règles particulières. La mise en mouvement de l'action publique par la victime est limitée à la voie de l’instruction, la voie de la citation directe lui étant fermée. Quant au ministère public il n’agit pas pas en pleine liberté car ou bien l'infraction lui a été dénoncée par l'autorité militaire ou bien il doit prendre l'avis de celle-ci sous la réserve de son pouvoir de passer outre si cet avis ne lui a pas été donné dans le délai d'un mois (art. 698.1 et 698.2 C.P.P.). Ces deux disposition ayant été transmises au Conseil constitutionnel par QPC ont cependant été validées par lui 125. La limitation au droit d’agir ne concerne pas, cependant, le juge d’instruction qui a le pouvoir de mettre en examen toute personne ayant pris part aux faits dont il est saisi 126. De même, la reprise de l’instruction sur charges nouvelles est soumise soit à la dénonciation soit à l’avis de l’autorité militaire. Le contrôle de l'autorité militaire se fait également sentir dans la mesure où les actes d'instruction à effectuer dans les locaux militaires ne peuvent l'être qu'après l’information de l'autorité militaire et avec l'accompagnement d'un de ses membres (art. 698.5). Pour des raisons de même nature que ce qui concerne le sursis avec mise à l'épreuve 127, le contrôle judiciaire, qui suppose une certaine pression exercée sur l'individu, a été exclu en matière militaire à moins que l'intéressé ne soit un civil ou n'ait été rendu à la vie civile au cours de l'instruction (art. L. 211.22 C.J.M.). La détention provisoire s’exécute dans des quartiers réservés aux militaires.

L’instruction devant les juridictions parisiennes compétentes pour juger les infractions commises hors du territoire de la République applique la procédure prévue par le Code de justice militaire.

676 JUGEMENT DE L'APPEL. – Juridiction de réformation, la cour d'appel déclare l'appel recevable ou non et, dans la première hypothèse, doit ou bien confirmer le jugement attaqué en déboutant l'appelant ou bien faire droit à l'appel, annuler le jugement en tout ou en partie et lui substituer sa propre décision.

………

125. 24 avril 2015, D. 2015.924. 126 . Crim. 9 juill. et 3 sept. 2003, B. 137 et 153. 127. V. notre Droit pénal général, n°530.

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Lorsque l'évocation est possible, elle est obligatoire pour la juridiction 128. Si l'affaire

n'est pas en état d'être jugée, la chambre prescrit un supplément d'information dans les termes du droit commun 129. La portée de sa décision varie cependant selon la raison qui l'a amenée à intervenir. Si la juridiction annule un jugement qui ne s’est pas prononcé sur le fond, elle est libre de statuer comme elle l'entend puisqu’il n'y a droit acquis de personne 130.Si elle annule un jugement sur le fond elle est liée par l'effet dévolutif de l'appel (limitation de l'appel aux points contestés 131; interdiction de la reformatio in pejus 132). La Chambre criminelle a jugé inutile de transmettre au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité qui critiquait, au nom du double degré de juridiction la procédure d’évocation, estimant que la possibilité du pourvoi en cassation ne prive pas de voie de recours 133.

706 PREVISION ET FONDEMENT – 1). Textes. - Une des critiques souvent présentées contre le droit pénal d'Ancien Régime tenait à la fréquence des arrêts de plus ample informé qui, à défaut de preuves déterminantes, renvoyaient le suspect de la poursuite mais sans que cette mise hors de cause ait l'autorité de la chose jugée ce qui permettait de le reprendre quasi indéfiniment. C'est sans doute ce qui explique la consécration rapide et continue du principe de l'autorité négative de la chose jugée par le droit révolutionnaire et les textes qui ont suivi avec une bonne volonté certaine mais une maladresse non négligeable. Dans le droit interne, en effet, le principe n’a été et n’est consacré expressément qu'en matière criminelle (art. 359 C.I.C. ; art. 368 C.P.P.) alors qu'il est clair que son domaine doit être général ce qui ne se trouve exprimé qu’indirectement à l’article 6 du Code de procédure pénale citant l'autorité de la chose jugée parmi les causes d'extinction de l'action publique. Mais cette avarice de textes sur un principe qui devrait être considéré comme fondamental n'est pas sans poser de sérieux problèmes d'interprétation. Les textes internationaux qui reprennent le principe (Pacte international sur les droits civils et politiques, Convention européenne des droits de l’homme, Charte des droit fondamentaux de l’union européenne) s’ils ne sont pas douteux sur celui-ci ne donnent pas davantage de détails.

2) Fondement. - L'idée d'une autorité de la chose jugée est de bonne technique juridictionnelle qui veut qu'on ne puisse remettre indéfiniment en cause ce qui a été jugé. Elle est donc commune à tous les contentieux. Il serait cependant inexact de ne considérer l'autorité pénale que sous cet aspect comme l'a fait longtemps la doctrine n’analysant l'autorité au pénal sur le pénal que comme une application particulière de l'article 1351 du Code Civil ou comme une conséquence de la notion d'acte juridictionnel.

128

. Crim. 8 oct. 1863, B. 272; 5 juin 1980, B. 178. 129. Crim. 23 juin 1981, B. 216. 130

. Crim. 18 mars 1909, B. 169; 10 juill. 1963, S. 1964.J.35, note Meurisse; 8 juill. 1964, B. 226 ; 12 oct. 1993, B. 284. 131. Crim. 2 mars 1976, B. 75. V., en sens contraire, Crim. 6 janv. 2015, Dt pén. 2015, n° 24, qui semble être un revirement et qui estime que la Cour d’appel ayant évoqué devait se prononcer sur l’intégralité de l’affaire et notamment l’action civile alors que les parties civiles n’avaient pas fait appel. 132

. Crim. 25 oct. 1912, D. 1914.1.145, note Nast. 133. Crim. 15 mars 2011, Dt pén. 2011, n° 57.

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L'autorité pénale nous parait reposer essentiellement, en démocratie, sur l'idée d'un contrat social qui fonde aussi la prescription pénale 134 : la société a le droit de se défendre et le devoir de défendre ceux qui la composent contre les infractions pénales ; elle peut et doit poursuivre les délinquants. Mais, compte tenu de la disproportion des moyens existant entre la Société et l'individu, celui-ci doit bénéficier des maladresses et de l'inefficacité de celle-là parce que ce sont pour elle des fautes. Ce qui a été jugé conformément aux règles procédurales normales (qu'il appartient à la société de modifier si elles ne sont pas bonnes) doit apurer les rapports respectifs de la collectivité et du délinquant. De même que le doute profite à la personne poursuivie 135, de même que la prescription de l’action publique éteint l’action publique, la chose jugée crée au profit du condamné un droit à la tranquillité.

Dans cette perspective, il n'y a pas lieu de distinguer selon que le premier jugement était de condamnation ou de relaxe ou même un examen d’un aspect seulement de la poursuite du moment que l’appréciation portée est définitive. Si la décision était de condamnation, un souci humanitaire impose de ne pas punir de nouveau; si la décision était de relaxe, la société ne peut s'en prendre qu'à elle-même de ne pas avoir découvert ou exploité, par ses organes compétents, les motifs de condamnation qui pouvaient exister en la cause ; et il en est de même d’erreurs de fait ou de droit qui ont donné lieu à des décisions définitives qui n’entrent pas dans le cadre de procédures de rectification 136. Une nouvelle action ne reste possible, pour d’uniques faits matériels, que si un seul de leur aspect pénal a été sanctionné 137 ou que si des faits nouveaux sont de nature à affecter le jugement initial 138.

De ce fondement découlent les deux caractères de l'autorité de la chose jugée au pénal sur le pénal. C'est une règle d'ordre public qui joue quelles que soient les juridictions 139. Les juges et le ministère public doivent la relever d'office 140 et elle doit même l'être avant toutes les autres exceptions. Les parties ne peuvent se mettre d'accord pour y renoncer et demander à une juridiction de statuer de nouveau 141. Sa violation peut être relevée en tout état de cause y compris devant la Cour de cassation. La seconde condamnation qui violerait l'autorité de la chose jugée devrait faire, à défaut de mieux, l'objet d'un pourvoi d'ordre du Garde des Sceaux dans l'intérêt de la loi et du condamné 142.

707 DOMAINE. IDENTITE D’OBJET. - On sait que le jeu de l’autorité de la chose jugée suppose, qu’après une première décision de justice, on en envisage une seconde, qui présenterait avec la première, une identité, d’objet, de parties et de cause. L’identité de l’objet entre un précédent jugement sur l’action publique et une nouvelle poursuite pénale est, par la force des choses réalisée puisque l'action dont il s'agit est l'action publique dont l'objet est toujours l'application d'une sanction pénale qu'il s'agisse d'une peine principale ou d'une sanction.

134. V. supra, n° 361 et s. 135. V. supra, n° 267. 136. Crim. 24 mars 1999, B. 54 ; 2 juin 1999, Dt. pén. 2000 n° 24. 137. Crim. 11 mars 2009, D. 2009.1281 (une condamnation pour détention de produits contraire à la santé publique n’empêche pas une action douanière pour importation illicite de ces produits). 138. CEDH 13 nov. 2012, J.C.P. 2013.64, n° 27. 139. De droit commun, d'exception ou de l'une à l'autre (Paris 16 mars 1948, D. 1948.J.363, note Donnedieu de Vabres). 140. Crim. 3 mai 1860, D. 1860.1.519; 5 juill. 1907, D. 1909.1.542; 20 fév. 1931, G.P. 1931.1.699. 141. Crim. 18 déc. 1989, B. 483. 142. Crim. 14 nov. 1968, B. 299.

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Là où un problème peut, au contraire, être soulevé, c’est pour le cas où s’agissant, certes, de faits uniques, on envisage une première condamnation et une autre poursuite de nature différentes, par exemple, le cumul d’une condamnation pénale avec une poursuite disciplinaire, administrative ou fiscale ou inversement.

On considérait, jusqu’à présent, logiquement, que l’autorité de chose jugée au pénal ne pouvait empêcher, que concurremment à un jugement pénal et pour les mêmes faits, intervienne une action administrative, fiscale ou disciplinaire, parce que les objectifs de ces différentes actions sont, eux-mêmes, différents, quel que soit leur ordre d’exercice. Cela avait toujours été le cas dans l’ordre purement interne. Tout au plus, le Conseil constitutionnel estimait-il, depuis quelques années, que si le cumul de deux actions étaient possible, il ne fallait pas que l’ensemble des sanctions prononcées dépasse le maximum de la plus élevée d’entre elles 143, solution qui ne nous parait reposer sur aucun texte susceptible de lui servir de fondement (le Conseil constitutionnel invoquant le principe de proportionnalité mis par tout le monde à toutes les sauces).

C’est pour réserver cette solution que la France avait, à toutes fins utiles, formulé des réserves à l’égard de l’application de la Conv. E.D.H. en précisant, au moment de sa ratification, que ne seraient concernées par l’impossibilité du double jugement prévue par la Convention, que « les infractions relevant en droit français de la compétence des tribunaux statuant en matière pénale » 144. Bien que très ferme et rendue par la Grand Chambre, une décision récente, en sens contraire, de la Cour E.D.H., pouvait donc être considérée comme ne s’appliquant pas nécessairement à la France 145. Mais une décision postérieure rendue à l’égard de l’Italie, qui avait fait la même réserve que la France, a refusé d’en tenir compte au motif de son imprécision. Il paraissait donc probable que la même solution serait retenue aussi à l’égard de la France 146. Or ce que la Cour E.D.H. proscrit dans cette situation, ce n’est pas seulement l’impossibilité du cumul intégral des peines, c’est la seconde poursuite elle-même en sorte qu’une seconde poursuite devrait être interrompue, si elle est en cours, et les peines éventuellement prononcées annulées (par voie de révision ???) 147.

Le problème rebondit avec l’article 50 de la Charte de l’Union Européenne qui reprend le même principe en ne citant, cependant, qu’un « jugement pénal ». La Cour de justice de l’Union européenne a eu l’occasion de préciser qu’à son sens, le cumul de deux actions est possible et que le cumul d’une amende fiscale et d’une amende pénale aussi. Mais elle ne semble pas avoir retenu l’idée d’un maximum au cumul mais seulement celle d’une modération de la seconde peine en considération de la première 148 qui nous parait, préférable, si tant est qu’il faille s’engager dans cette voie.

Dans cet état du droit international, la Chambre criminelle, saisie d’une affaire où l’Autorité des marchés financiers avait déjà prononcé une condamnation pour manipulation des cours de bourse alors que le ministère public souhaitait poursuivre pour entrave au fonctionnement régulier du marché, d’une part, n’a pas jugé utile de renvoyer la QPC qui lui

143. 28 juill. 1989, J.O. 1er août, p. 9676 ; 20 juill. 2012, J.O. 21 juill., p. 12001 ; 13 mars 2014, Dr. pén. 2014, n° 94 ; 8 oct. 2014, Ch. Mathieu, J.C.P. 2014, n° 1233, n° 22 ; 24 oct ; 2014, Dt pén. 2015, n° 14. 144. Crim. 28 avril 1993, Dt. pén. 1993 n° 168 ; 20 juin 1996, D. 1997.249 note Tixier et Lamulle ; 1er mars 2000, B. 98 ; solution validée par le Conseil constitutionnel saisi par QPC, 27 sept. 2013, Dt pén. 2013, n° 156. 145. Gde Chambre 10 fév. 2009, Zolotoukhine/Russie, D. 2009.2014, note Pradel, R.S.C. 2009.675 obs. Marguénaud et Roets (en l’espèce il s’agissait d’un militaire déjà sanctionné par sa hiérarchie et dont la Cour a estimé qu’il ne pouvait pas faire l’objet d’une poursuite pénale). 146. Grande-Stevens / Italie, 4 mars 2014, Petites affiches, 2014, n° 217, p. 3. 147. 27 nov. 2014, Lucky Dev/ Suède, J.C.P. 2014, n° 1349, obs. Milano. 148. 26 fév. 2013, Dt pén. 2014, Chr. 3, n° 21.

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était demandée et qui aurait clarifié les choses ; d’autre part, a jugé que le cumul des actions était possible et , enfin, a retenu le principe de la limitation du cumul possible des sanctions dans la limite du maximum de la sanction la plus élevée fixé par le Conseil constitutionnel 149. Mais la Chambre criminelle a ultérieurement changé d’avis et renvoyé plusieurs QPC au Conseil constitutionnel. La Chambre criminelle a , d’abord, renvoyé deux QPC relatives au cumul de poursuites pénales et administratives du chef d’abus de marché 150 tout en refusant d’en renvoyer une relative au cumul de poursuites pénale et fiscale 151. L’explication semblerait être, car la Chambre criminelle juge, comme d’habitude inutile de fournir une explication claire, que, dans le premier cas, elle estime qu’il s’agit de « matière » pénale alors que dans le second cas les actions auraient un objet différent. Le conseil constitutionnel a, semble-t-il suivi la même voie car s’il annule l’article L. 465-1 du Code monétaire et financier qui définit et punit le délit d’exploitation d’informations privilégiées sur les marchés réglementé, pour dualité impossible avec les actions qui peuvent être conduites devant l’Autorité administrative, il a laissé ouverte la possibilité d’autres cumuls entre des poursuites pénales et des poursuites administratives ou disciplinaires 152. Il semble que l’explication soit que le cumul (des poursuites semble-t-il) est interdit si les faits identiques sont définis de la même façon dans les deux ordres de textes (pénal, administratif ou disciplinaire), que la finalité poursuivie par ces différents textes est la même, que la sanction est identique et que les deux premiers degrés de juridiction relèvent du même ordre juridictionnel pour la suite de la procédure. A contrario la dualité de poursuite et de sanction serait possible si les définitions des faits sont différentes, que les sanctions n’ont pas la même finalité ou la même nature et que les juridictions relèvent des deux ordres juridictionnels différents 153. Mais en toute hypothèse, le cumul des sanctions ne devrait pas dépasser le maximum de la plus élevée ce qui laissait en suspens la question de la nature différente des peines. Dans ce cas, la Chambre criminelle admettait le cumul pur et simple 154 et le Constitutionnel, saisi d’une nouvelle QPC concernant le domaine fiscal, que la Chambre criminelle avait décidé, cette fois, de faire suivre, a validé le même principe en vertu de l’idée que les peines ne sont pas alors identiques, ce qui fait obstacle à l’absence de cumul 155.

La question reste donc, dans son ensemble, extrêmement confuse. La Cour E.D.H. estime que c’est la seconde poursuite elle-même qui est impossible et dans tous les cas. Toutes les autres juridictions admettent le cumul possible de certaines actions, dont la délimitation nous parait, en l’état actuel du droit positif, très incertaine et se situent, pour la plupart simplement sur le terrain de la sanction. La cour de justice de l’Union européenne admet le cumul des poursuites et des sanctions et encourage seulement le second juge à tenir

149. Crim. 22 janv. 2014, B. ; J.C.P. 2014, n° 345, note Mauro ; de Graeve, Dt pén. 2014, chr. n° 6 ; 23 juill. 2014, Dt pén. 2014, n° 125 (refus de renvoi d’une QPC). 150. Crim. 17 déc. 2014, Dt pén. 2015, n° 23 et 29. 151. Crim. 3 déc. 2014, Dt pén. 2015, n° 20. 152. 18 déc. 2015, J.C.P. 2015, n° 368, note Sudre et n° 369, note J-H. Robert ( la Chambre criminelle tire les conséquences de cette décision en jugeant dans une poursuite ultérieure que les tribunaux répressifs doivent constater l’extinction de l’action publique exercée après le prononcé d’une sanction par l’Autorité des marchés financiers, 20 mai 2015, Dt pén 2015, n° 99); 18 mars 2015, D. 2015.894, note Schmidt et Le Fur, 874 obs. Décima, 1506, obs. Mascala, Dt pén. 2015, n° 369, obs. J-H.Robert, R.S.C. 2015.705 obs. de Lamy. 153. Dans le même sens, Cass. Civ. 1, 9 avril 2015, D. 2015.1187, avis JP.Sudre et note Decima ; Crim. 20 mai 2015, Dt pén. 2015, n° 98 ; 5 août 2015, Dt pén. 2015, n° 151. 154. 1er fév. 2014, Dt pén. 2014, n° 68 (cumul d’une sanction disciplinaire d’interdiction d’activité professionnelle et d’une poursuite pénale pour abus de faiblesse). 155. 14 janv. 2016, D. 2016.819, note Décima.

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compte de la sanction précédente. La Chambre criminelle admettait jusqu’aux décisions du Conseil constitutionnel, le cumul de toutes les actions et appliquait la règle de la limitation du cumul des peines au maximum le plus élevé pour les sanctions de même nature et le cumul intégral des peines lorsqu’elles étaient de nature différente. Il faut attendre pour voir si elle déduira de l’attitude réaffirmée de la Cour E.D.H., comme l’a fait la Première chambre civile, le 9 avril 2015, qu’elle doit avoir désormais une autre attitude et proscrire certaines nouvelles actions et certaines d’entre elles seulement, solution qui est cependant moins certaine depuis la décision du Conseil constitutionnel du 14 janvier 2016.

707-1 DOMAINE. IDENTITE DES PARTIES. - L'unité de demandeur est toujours réalisée sans qu'il y ait lieu de s'interroger sur le point de savoir si l'action a été mise en mouvement à l'initiative du ministère public ou de la partie civile 156. L'action publique est inséparable de la notion de procès pénal et elle est toujours exercée par le ministère public qu’elle ait été mise en mouvement par lui ou par la victime. En outre la personnalité de l'attributaire individuel de cette action importe peu puisque le ministère public est indivisible.

En ce qui concerne la personne poursuivie, la notion d’unité de partie doit s'interpréter par rapport à la qualité juridique et non par rapport à l’identité personnelle de l’intéressé. La poursuite nouvelle ne peut être exercée contre une même personne prise en la même qualité d'auteur, de complice ou de civilement responsable de la même infraction. Mais il est possible de poursuivre la même personne successivement comme auteur ou complice, puis comme civilement responsable, ou inversement 157. Le même principe est retenu en matière de responsabilité pénale des personnes morales puisque la relaxe de celle-ci n’empêche pas de poursuivre son représentant légal à titre personnel 158.

Une controverse a longtemps agité la doctrine et divisé la jurisprudence sur le point de savoir quel sort il convient de réserver aux poursuites exercées contre plusieurs personnes ayant participé à la même infraction. Le problème ne se pose pas si tous les participants sont poursuivis dans le cadre d'un procès unique. Il est clair qu'un jugement unique doit comporter une cohérence de décisions à l'égard des différentes personnes qui y sont impliquées. Il ne s'agit pas ici de chose jugée mais de nécessité d'une non-contrariété de motifs. En cas de poursuites successives, des distinctions subtiles ont été proposées par la doctrine classique et plus ou moins suivies par la jurisprudence 159 avant que celle-ci n'adopte la seule solution de bon sens qui est celle d'une indépendance des décisions prises à l’égard des différents participants qui est, au surplus, conforme à la loi, puisque l'article 622 du Code de procédure pénale qui évoque, en matière de révision, des décisions contradictoires implique bien qu'il puisse y en avoir 160.

708 DOMAINE. PROBLEME POSE PAR L’IDENTITE DE FAITS - L'autorité négative de la chose jugée ne peut être un permis donné à une personne, une première fois condamnée, de se livrer ensuite et impunément à d'autres infractions pénales. Elle se limite donc à l'interdiction de poursuivre de nouveau la même infraction 161. Des infractions, même voisines les unes des

156. Crim. 3 mai 1860, D. 1860.1.519; de même pour une administration, Crim. 6 déc. 1982, B. 275 et 6 mai 1985, B. 168. 157. Crim. 23 nov. 1916, B. 256; 15 nov. 1962, B. 326. 158. Crim. 26 oct. 2004, B. 254. 159. V. Le récit dans Merle et Vitu, op. cit., n°765. 160. Crim. 25 juill. 1912, S. 1914.1.116, Pradel et Varinard, op. cit., t.2, n° 48; 28 fév. 1952, S. 1953.1.141, note Légal; 9 fév. 1956, D. 1956.J.501, note M.R.M.P.; J.C.P. 1956.II.9574, note Larguier; 6 juin 1978, B. 181. 161. Crim. 13 déc. 1990, B. 433.

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autres ou découlant les unes des autres (faux et usage de faux; escroqueries, abus de confiances, banqueroute, abus de biens sociaux) peuvent et doivent toutes être poursuivies successivement, au moment où la poursuite devient possible et du moment qu'il ne s'agit pas strictement de la même infraction 162. De même la commission successive de plusieurs infractions identiques ne se heurte pas à l'autorité de la chose jugée et peut même constituer un état de récidive 163. Et il en est de même de la persistance dans une infraction continue après une première condamnation puisque cette persistance constitue de nouveau une infraction 164. On peut enfin faire l'objet d'une poursuite pour des faits concernant un ensemble d'associés (abus de biens sociaux) après avoir été poursuivi pour des faits qui ne concernaient que l'un d'eux (abus de confiance) 165.

L'autorité de la chose jugée ne fait donc obstacle qu'à la poursuite du même fait ce qui a, cependant, soulevé une polémique. On n’a guère hésité à appliquer la règle non bis in idem à des qualifications successives de même gravité (impossibilité de poursuivre les mêmes faits matériels sous deux qualifications correctionnelles par exemple 166) En revanche bien des difficultés ont concerné deux aspects complémentaires du même problème : un nouveau jugement est-t-il possible en correctionnelle, pour des faits uniques, après un premier arrêt de cour d'assises; un nouveau jugement en cour d’assises est-il possible après un premier jugement par un tribunal correctionnel ou de police?

709 DOMAINE. LA CONTROVERSE SUR L’IDENTITE DE FAITS. PREMIERE DECISION D'ASSISES- Selon le Code d'instruction criminelle, l'autorité négative de la chose jugée interdisait de poursuivre une nouvelle fois quelqu'un qui avait été jugé «pour le même fait». Se fondant sur ce singulier, la jurisprudence estimait que le fait de l'article 360 n’était que le fait «juridique» c'est-à-dire la qualification donnée aux faits matériels commis. Depuis 1812, de très nombreuses décisions jugeaient qu'on pouvait parfaitement poursuivre quelqu'un qui l'avait déjà été du moment que la qualification retenue (fait juridique) était différente 167. En pratique, cela permettait ce que la doctrine appelait «la correctionnalisation a posteriori» 168 et le jargon de Palais, plus réaliste, le «repêchage après acquittement» 169: un accusé acquitté par la cour d'assises pour meurtre, par exemple, était poursuivi devant le tribunal correctionnel pour les mêmes faits matériels autrement qualifiés (homicide par imprudence). Garraud 170 et Roux 171 exceptés, l'intégralité de la doctrine critiquait cette solution à laquelle la réforme de la cour d'assises de 1941 avait souhaité mettre fin en substituant délibérément

162. Crim. 28 fév. 1868, D. 1868.1.506; 20 fév. 1931, S. 1932.1.273, note Hugueney; 29 avril 1948, D. 1949.1.37 note Meurisse; 3 juin 1985, B. 24 ; 4 sept. 2001, Dt pén. 2002, chr. parquets, n° 6. 163. Crim. 19 janv. 1967, B. 31; Paris 18 déc. 1970, J.C.P. 1971.II.16664, note D.S. 164. Crim. 5 oct. 1972, D. 1974.J.113, note J-M.R.; 30 juin 1981, B. 223 (ne pas confondre avec une infraction « continuée » qui ne peut donner lieu qu’à une seule condamnation, Crim. 7 juin 1995, B. 206 ; sur tous ces points V. , notre Droit pénal général, n° 259). 165. Crim.2 avril 1990, B. 141. 166. Crim. 19 janv. 2005, B. 25, impossibilité de poursuivre sous la qualification d’agression sexuelle quelque chose qui a été jugé sous celle de harcèlement sexuel ; La règle s’applique a fortiori, dans l’hypothèse de deux poursuites sous la même qualification (Crim. 18 nov. 2014, J.C.P. 2014.n ° 12496). 167. Ch.Réun. 25 nov. 1841, S. 1842.1.93, conc. Dupin; 12 déc. 1889, D. 1880.1.401. 168. V. supra, n° 129 et s. 169. Chapar, note, D. 1984.J.51. 170. op. cit., t. 6,n°2286. 171. Op. cit., t.2, p. 210 et note 5.

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l'expression «les faits» à celle «du» fait jusque-là retenue, manifestant par là que l'autorité négative de la chose jugée s'appliquait aux actes commis et non à leur qualification juridique. Cette modification terminologique devait trouver sa consécration judiciaire dans le fameux arrêt Chevalot 172 avant que le Code de procédure pénale ne reprenne et n'amplifie les termes de la réforme de 1941 en écartant de nouvelles poursuites «à raison des mêmes faits, même sous une qualification différente» (art. 368). La question est donc résolue.

710 DOMAINE. LA CONTROVERSE SUR L’IDENTITE DE FAITS. PREMIERE DECISION CORRECTIONNELLE OU DE POLICE. THEORIE. - Avant comme après le Code de procédure pénale, la question du domaine de l'autorité négative de la chose jugée n'était pas entièrement réglée dans la mesure où l'article 368 est écrit au seul chapitre de la cour d'assises. La question de la possibilité ou non d’un renvoi en cour d’assises après un jugement correctionnel ou de police se posait donc toujours. Plusieurs arguments ont été invoqués pour cantonner la solution légale à un premier arrêt d'assises et permettre un second jugement d’assises après une décision correctionnelle.

Le premier argument tient à la place des articles relatifs à la question dans le Code de procédure pénale comme dans le Code d'instruction criminelle. Il est inopérant, dans les deux cas pour des raisons inverses mais qui ne peuvent qu’aboutir au même résultat. Les codes napoléoniens pénaux n'ont jamais brillé par la rectitude de leurs plans. Il ne manque pas de dispositions écrites à un endroit donné et dont tout le monde s'accorde à considérer qu'elles avaient une vocation générale. Les exemples sont nombreux et le cas de la légitime défense est le plus connu 173. Il est donc aléatoire de prétendre tirer quelque conséquence que ce soit de la place d'un article dans l'un de ces codes. À l'inverse, le Code de procédure pénale avait, au moins au moment de sa parution, un plan rationnel qui conduit à considérer que toute disposition écrite à une place précise vaut pour tous les développements ultérieurs dès lors qu'elle n'y est pas écartée ni en contradiction évidente avec ceux-ci. Cette méthode d'interprétation est tout particulièrement suivie pour les subdivisions relatives à la procédure de jugement qui renvoient souvent à des dispositions écrites à propos d'une juridiction traitée dans le code avant celle dont il s'agit. Ajoutons que la règle de l'autorité négative de la chose jugée, évidemment dans l'intérêt de la personne poursuivie, est de celles dont l'interprétation restrictive ne s'impose pas et dont l'interprétation extensive est même vivement recommandée dans un système libéral 174.

La seconde raison de droit de cantonner la solution légale à la cour d'assises serait qu’en cour d'assises le président doit poser des questions subsidiaires, si la qualification retenue ne lui paraît pas indiscutable, ce qui épuiserait la poursuite alors que le tribunal correctionnel ou de police ne le font pas. C'est oublier que les juridictions pénales ont le devoir impérieux de vérifier leur compétence dont les règles sont d'ordre public. Si un tribunal correctionnel ou un tribunal de police s'est prononcé sur des faits c'est parce qu'il a jugé, implicitement mais nécessairement, qu'il ne s'agissait ni d'un crime pour le premier, ni d'un crime ou d'un délit pour le second car ils auraient, dans le cas contraire, été obligés de se dessaisir. Tribunal correctionnel et tribunal de police épuisent donc la poursuite avec une technique différente de celle de la cour d'assises mais un résultat certainement identique.

172. Crim. 20 mars 1956, D. 1957.J.33, note Hugueney; précédé de plusieurs décisions de cours d'appel notamment Amiens 12 juill. 1954, D. 1955.J.317, note Hugueney, J.C.P. 1954.II.8385, note Granier et Douai 19 juin 1955, D. 1955.J.317, note Hugueney. 173. V, notre Droit pénal général, n° 282. 174. V. pour une application expresse de cette idée, Paris 26 mai 1965, J.C.P. 1966.II.14725, note P.Bouzat.

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711 DOMAINE. LA CONTROVERSE SUR L’IDENTITE DE FAIT. PREMIERE DECISION CORRECTIONNELLE OU DE POLICE. DROIT POSITIF. – 1) Jurisprudence. - La jurisprudence antérieure au Code de procédure pénale avait toujours admis la possibilité du cumul de poursuites 175 notamment dans le fameux arrêt Thibaut où un individu d'abord condamné pour homicide par imprudence, le fût ensuite pour assassinat après découverte qu'il avait intentionnellement et non par imprudence mis le feu au lit de sa femme 176. La jurisprudence postérieure a été longtemps divisée 177. Certains auteurs pensent aujourd'hui que «l'impossibilité de nouvelles poursuites d'un même fait sous une autre qualification parait implantée en matière non criminelle» 178. La chose paraît, en réalité, plus que douteuse. D'une part, un arrêt Laurent du 19 mai 1983 179, est venu curieusement reprendre la jurisprudence Thibaut dans des circonstances presque identiques. D'autre part, cette jurisprudence est confortée par celle qui s'est instaurée sur la question voisine du conflit de qualification. Nous savons, en effet, qu'il est possible de poursuivre simultanément, sous plusieurs qualifications différentes, un fait matériel unique pour lequel son auteur a eu plusieurs éléments moraux distincts violant plusieurs impératifs sociaux différents 180. Dès lors qu'un même acte peut se voir appliquer simultanément plusieurs qualifications différentes il n'y a guère de raison pour qu'il ne puisse faire l'objet de deux qualifications successives. Enfin, la Chambre criminelle a récemment réaffirmé cette solution, dans un arrêt rendu dans une Affaire dite du sang contaminé. Elle y déclare, en effet, qu'il aurait été possible de retenir simultanément pour la fourniture d'un produit sanguin infecté la double qualification de tromperie sur la chose vendue et d'empoisonnement ce qui rend possible, après une condamnation correctionnelle pour tromperie, une nouvelle poursuite criminelle pour empoisonnement 181 solution validée, en l’espèce, par la Cour européenne des droits de l’homme 182, mais, semble-t-il condamnée par un arrêt postérieur, rendu en Grande Chambre 183. Le droit positif est donc aujourd'hui incertain. Comment alors justifier cette jurisprudence, si tant est qu’elle doive se maintenir?

2) Discussion. - La doctrine considère dans une proportion non négligeable 184 que l'arrêt Laurent ne se rattache pas à l'idée de faits identiques avec une qualification différente mais de «faits nouveaux... (qui) ne sont pas à eux seuls constitutifs d'une infraction distincte mais (qui) combinés avec des éléments sur lesquels les premiers juges avaient statué... font naitre une infraction nouvelle» 185 et il est vrai que la chambre criminelle justifie son arrêt de 1983 par des «circonstances révélées postérieurement au jugement du tribunal correctionnel».

175. Ch. Réun. 10 janv. 1876, S. 1877.1.41 note Villey; Crim. 30 janv. 1937, S. 1939.1.193, note Légal; 27 janv. 1949, D. 1949.J.514, note Donnedieu de Vabres 176. Crim. 25 mars 1954, S. 1955.1.89, note Brouchot, J.C.P. 1954.II.8272, note Verdier. 177. Pour l'interdiction de la double poursuite, Crim. 8 octore 1959, J.C.P. 1959.II.11324, note Larguier, Pradel et Varinard, op. cit. n°50; Paris 26 mai 1965, J.C.P. 1966.II.14725, note Bouzat; Contre: Crim. 6 nov. 1963, B. 313; Trib. Pol. Macon 28 juin 1966, G.P. 1966.2.256, R.S.C 1967.646, obs. Légal. 178. Jeandidier et Belot, op. cit., n°44. 179. J.C.P. 1985.II.20385, note Jeandidier, D. 1984.J.51, note Chapar, G.P. 1983.2.225, note Doucet. 180. Crim. 3 mars 1960, B. 138 (le jet d'une grenade dans un café constitue à la fois une tentative de meurtre et une tentative de destruction d'un immeuble par explosif), V. notre, Droit pénal général, n° 190. 181. Crim. 22 juin 1994, J.C.P. 1994.II.22310, note Rassat. 182. 4 mars 2008, Garetta, R.S.C 2008.708 obs. Margnénaud et Roets. 183. V., supra, n° . 184. Merle et Vitu, op. cit. t.2, n°767; Pradel, op. cit. n°1036, Jeandidier et Belot, op. cit. n°44. 185. Merle et Vitu, op. cit., n° 767.

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Cette argumentation, outre son caractère alambiqué qui ne peut échapper à personne (« ce qui se conçoit bien… »), n'en est pas moins fort discutable, car, d'une part, cette argumentation est, en fait, inexacte dans l'affaire Laurent et, d'autre part, elle est juridiquement inopérante. Le prétendu «fait nouveau» invoqué dans l'affaire Laurent tenait à ceci qu'après avoir été condamné pour homicide par imprudence de sa femme, le dénommé Laurent avait assassiné son fils ce qui avait conduit à penser qu'il avait pu faire de même avec sa femme. Or, si l'on voit bien en quoi cette seconde infraction constitue un fait nouveau dans le développement de la vie et de l'activité criminelle de Laurent, il est également fort clair qu'elle est totalement étrangère à l'affaire précédemment jugée dont elle ne modifie nullement les termes. Nous savons, d'autre part, juridiquement, que le fait nouveau susceptible de remettre en cause une décision définitive n'est connu de notre droit que dans une seule hypothèse, celle de la révision d'une condamnation dont le but est d'alléger la situation de l'intéressé. La solution de la chambre criminelle est donc lato sensu, contra legem et ses conséquences sont trop graves pour qu'elle puisse être admise 186.

Un autre argument serait un argument d'équité sociale : «il ne faut pas que le manque de « chance » des policiers et du juge d'instruction profite au délinquant» 187. Cet argument ne prend pas en compte, comme il conviendrait de le faire, la différence qui existe entre la relaxe ou l'acquittement, d'une part, et la condamnation, de l'autre. La méthode du repêchage correctionnel pouvait se comprendre quand les règles propres à la cour d'assises conduisaient, comme elles pouvaient le faire, à l’époque, à des acquittements scandaleux 188. Mais l'argument a toujours été dénué d'autorité, même devant la cour d'assises et même lorsque le jury délibérait seul, lorsque la première décision était un arrêt de condamnation et que la condamnation avait été exécutée comme c'était le cas dans l'affaire de 1983. L'équité individuelle d'une nouvelle poursuite après condamnation se dresse alors aux côtés du droit et du bon sens pour combattre la prétendue équité sociale, alors surtout que le fiasco, obtenu est totalement imputable aux organes sociaux de lutte contre la délinquance auxquels on ne doit ouvrir aucun repêchage pour cause d'incapacité mais auxquels on devrait, au contraire, appliquer les sanctions de toute nature que leur comportement rend possibles.

727-1 FICHIER JUDICIAIRE NATIONAL AUTOMATISE DES AUTEURS D’INFRACTIONS TERRORISTES. – La loi du 24 juillet 2015 relative au renseignement, a créé le fichier judiciaire national automatisé des auteurs d’infractions terroristes, qui constitue une application automatisée d’informations nominatives tenue par le service du casier judiciaire national, sous l’autorité du ministre de la justice et le contrôle d’un magistrat, afin de prévenir le renouvellement des infractions de terrorisme (à l’exclusion de l’infraction de provocation au terrorisme et d’apologie de celui-ci, art. 421-5-25 C.P.) et des infractions relatives à l’interdiction de sortir du territoire (art. L. 224-1 C. de la Sec. Int.) ainsi que de faciliter l’identification de leurs auteurs.

Le fichier concerne les personnes ayant fait l’objet d’une mise en examen, d’une condamnation, même non encore définitive ou rendue par défaut, d’une déclaration de culpabilité assortie d’une dispense ou d’un ajournement de la peine, d’une décision de même nature prononcée à l’encontre d’un mineur, d’une décision d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental que celles-ci aient été prononcées par une juridiction française ou par

186. En ce sens et par anticipation, les notes L.Hugueney, D. 1955.J.317 et D.1957.J.33. 187. Pradel, op. cit., n°1036. 188. V., supra, n°80 et 81. ; J-H. Robert, Procédures 2007, chr. 19.

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les juridictions ou les autorités judiciaires étrangères qui, en application d’une convention internationale ou d’un accord international, ont fait l’objet d’un avis aux autorités françaises ou ont été exécutées en France à la suite du transfèrement des personnes condamnées.

L’inscription se fait pour la mise en examen sur décision du juge d’instruction, pour les décisions des juridictions de jugement sur précision de celles-ci, pour les personnes atteintes de troubles mentaux et les décisions juridictionnelles étrangères sur décision du procureur de la République. Les faits concernant les mineurs de treize ans ne sont pas inscrits. Ceux concernant les mineurs de treize à dix-huit ne le sont que sur décision spéciale de la juridiction ou en cas de trouble mental et de décisions étrangères sur décision du procureur de la République.

Sont enregistrées les informations relatives à l’identité ainsi que l’adresse ou les adresses successives du domicile ou des résidences des personnes concernées, les informations relatives à la décision judiciaire ayant justifié l’inscription et la nature de l’infraction.

Les informations sont retirées du fichier en cas de décision définitive de non-lieu, de relaxe ou d’acquittement, ou même pendant l’instruction, sur décision du juge d’instruction. Les autres mentions sont retirées au décès de l’intéressé ou à l’expiration d’un délai de vingt ans s’il s’agit d’un majeur et dix ans s’il s’agit d’un mineur pour les infractions prévues au Code pénal et de cinq ans pour un majeur et trois ans pour un mineur pour la violation des interdictions de sortir du territoire. En cas de détention, le délai ne part que de la libération. Une procédure est prévue pour que les personnes mentionnées fassent effacer leur nom si elles estiment l’inscription injustifiée (art. 706-25-11 et 12 C.P.P.). L’amnistie ou la réhabilitation ainsi que les règles propres à l’effacement des condamnations figurant au casier judiciaire n’entraînent pas l’effacement de ces informations.

Les informations contenues dans le fichier sont directement accessibles, par l’intermédiaire d’un système de communications électroniques sécurisé aux autorités judiciaires et aux officiers de police judiciaire, dans le cadre de procédures concernant les infractions de terrorisme ou, sur décision spéciale du procureur de la République ou du juge d’instruction, d’autres enquêtes. Elles le sont aussi, dans des conditions plus restreintes à d’autres autorités publiques.

Toute personne figurant au fichier est astreinte, à titre de mesure de sûreté, à un certain nombre d’obligations pour des périodes de dix ans ou cinq ans (infractions du Code pénal) et de cinq ans et trois ans (interdictions de sortir du territoire) qui partent, de la décision de condamnation si l’intéressé est en liberté et de la libération s’il est détenu. La personne est tenue de justifier de son adresse, une première fois après avoir reçu l’information des mesures et des obligations auxquelles elle est tenue, puis tous les trois mois ; de déclarer ses changements d’adresse, dans un délai de quinze jours au plus tard après ce changement ; de déclarer tout déplacement à l’étranger quinze jours au plus tard avant ledit déplacement ou si la personne réside à l’étranger, de déclarer tout déplacement en France quinze jours au plus tard avant ledit déplacement. Le fait de ne pas respecter ces obligations est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 € d’amende.

Les dispositions relatives au fichier judiciaire national automatisé des auteurs d’infractions terroristes sont applicables aux auteurs d’infractions commises avant la date d’entrée en vigueur de la loi qui l’a créé, mais qui font l’objet, après cette date, d’une des décisions qui justifient l’inscription. Elles sont également applicables, sur décision du procureur de la République, aux personnes exécutant, à la date d’entrée en vigueur de la loi, une peine privative de liberté pour les infractions concernées.

Ces informations ne peuvent, à elles seules, servir de preuve à la constatation de l’état de récidive.

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730 CONDITIONS- Son domaine est général mais les conditions et la procédure ne sont pas toujours les mêmes.

1) Droit commun. – …

2) Cas particuliers. - Si le requérant est un récidiviste ou s'il a déjà obtenu une réhabilitation pour une condamnation antérieure, le délai est de dix ans pour une condamnation criminelle et six ans si les récidivistes n’ont subi aucune peine criminelle ou si les réhabilités n’ont encouru qu’une peine correctionnelle.

La possibilité de demander sa réhabilitation est offerte au condamné qui a prescrit sa peine au lieu de l'exécuter. Cela est profondément anormal dans le cadre d'une mesure qui a pour but de sanctionner une réinsertion sociale. La prescription enlève, en effet, tout moyen de contrôle quant à la bonne volonté du condamné depuis sa condamnation. Elle fait même, à l'inverse, supposer une réelle insertion dans le milieu délinquantiel puisque l’aide de celui-ci est le meilleur moyen d'échapper aux recherches. La réhabilitation est, alors, soumise à un régime plus strict que de droit commun. Les délais sont de dix ans pour les condamnés ayant prescrit une peine criminelle et six ans pour ceux qui ont prescrit une peine correctionnelle et ils ne partent que du jour de la prescription. Le demandeur doit faire, d’autre part, la preuve positive de ce qu'il n'y a pas eu, depuis la condamnation prescrite, de nouvelles condamnations pour crime ou délit et de ce que sa conduite a été irréprochable (art. 787 C.P.P.).

Une QPC a été soulevée concernant les peines principales définitives qui n’ayant pas de « fin » rendent la procédure inutilisable. Il était soutenu que cette disposition constitue une inégalité devant la loi et une atteinte à la proportionnalité des peines. Le Conseil constitutionnel a rejeté les arguments et validé la solution 189.

Une disposition permanente, bien qu'issue de textes de guerre, permet d'obtenir une réhabilitation, sans condition aucune, au condamné qui a rendu des services éminents au pays (art. 789 C.P.P.) 190.

189. Crim. 27 nov. 2015, D. 2015.2446. 190. Crim. 26 avril 1951, R.S.C. 1951.677, note Patin.