Prise en charge de la crampe de l’écrivain : 14 ans d’expérience de la toxine botulique

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Me ´ moire Prise en charge de la crampe de l’e ´crivain : 14 ans d’expe ´rience de la toxine botulique Treating writer’s cramp: 14 years experience with botulinum toxin H. Somma-Mauvais a, *, S. Soulayrol b , A. Duvocelle b , J.-P. Azulay b , J.-L. Gastaut b a Po ˆle neurosciences cliniques, neurophysiologie clinique, ho ˆpital Nord, chemin des Bourrelly, 13915 Marseille cedex 20, France b Po ˆle neurosciences cliniques, pathologie du mouvement, ho ˆpital de la Timone, 264, rue Saint-Pierre, 13385 Marseille cedex 05, France revue neurologique 166 (2010) 630–638 info article Historique de l’article : Rec ¸u le 9 juin 2009 Rec ¸u sous la forme re ´ vise ´e le 21 septembre 2009 Accepte ´ le 9 de ´ cembre 2009 Disponible sur Internet le 26 fe ´ vrier 2010 Mots cle ´s : Crampe de l’e ´ crivain Toxine botulinique type A Toxine botulique Dystonie en miroir Dystonie focale Kine ´ sithe ´ rapie Keywords: Writer’s cramp Botulinum toxin type A Mirror dystonia Focal dystonia Physiotherapy re ´sume ´ Introduction. – La crampe des e ´crivains est une dystonie focale dont la prise en charge demeure difficile. Nous rapportons notre expe ´ rience pendant 14 ans sur une population de 119 patients, d’a ˆge compris entre 18 et 85 ans (a ˆ ge moyen 43 ans). Me´thodes. – Le traitement consistait en injections de toxine botulinique Dysport 1 et kine ´si- the ´rapie. Les patients e ´taient revus tous les quatre a ` six mois avec e ´ valuation clinique et vide ´ o de la crampe analyse ´ e par trois observateurs diffe ´ rents et appre ´ ciation subjective de l’efficacite ´ du traitement par le patient (score de 1 a ` 3). Le de ´ ficit post-injection e ´ ventuel e ´ tait aussi quantifie ´. Re´sultats. – Une ame ´lioration de la crampe (score 2 et 3) a e ´te ´ obtenue chez 61,6 % des patients du groupe traite ´ par toxine et kine ´ sithe ´rapie avec une majorite ´ de patients se de ´ clarant moyennement satisfaits (14 patients dans le score 2). Dans le groupe traite ´ par toxine seule, 37,9 % des patients ont e ´te ´ ame ´ liore ´s (score 2 et 3) avec une majorite ´ tre `s satisfaite ayant re ´ cupe ´re ´ une e ´ criture normale (18 patients dans le score 3). L’a ˆ ge n’e ´ tait pas un facteur pre ´dictif pour la re ´ponse au traitement. Les meilleurs re ´sultats ont e ´te ´ obtenus par les injections de toxine dans les muscles flexor carpi radialis suivis par le flexor digitorum profundus II et III et le flexor pollicis longus. Soixante et onze pour cent des injections ont entraıˆne ´ un de ´ ficit musculaire juge ´ mode ´re ´ et peu invalidant par rapport au be ´ne ´fice du traitement. Vingt-sept patients ont e ´te ´ suivis pendant plus de deux ans et trois patients du score 3, avec re ´ponse excellente, ont e ´te ´ suivis pendant 14 ans avec une efficacite ´ tre `s constante des injections. Si les injections n’e ´ taient pas efficaces la premie `re fois, nous les avons re ´e ´ value ´ es et adapte ´ es et nous avons conside ´re ´ que le traitement par toxine e ´ tait un e ´chec apre ` s trois injections sans aucun be ´ne ´ fice. Conclusion. – Les injections bien cible ´ es de toxine botulinique restent le traitement de choix dans cette pathologie. La kine ´ sithe ´rapie est utile lorsque les injections de toxine n’ame ´ lio- rent pas comple ` tement l’e ´ criture. Cela ne ´ cessite une coope ´ ration e ´troite entre le me ´ decin injecteur, le kine ´ sithe ´rapeute et le patient. # 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits re ´serve ´s. * Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (H. Somma-Mauvais). 0035-3787/$ – see front matter # 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits re ´serve ´s. doi:10.1016/j.neurol.2009.12.008

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Memoire

Prise en charge de la crampe de l’ecrivain : 14 ansd’experience de la toxine botulique

Treating writer’s cramp: 14 years experience with botulinum toxin

H. Somma-Mauvais a,*, S. Soulayrol b, A. Duvocelle b, J.-P. Azulay b, J.-L. Gastaut b

aPole neurosciences cliniques, neurophysiologie clinique, hopital Nord, chemin des Bourrelly, 13915 Marseille cedex 20, Franceb Pole neurosciences cliniques, pathologie du mouvement, hopital de la Timone, 264, rue Saint-Pierre, 13385 Marseille cedex 05, France

r e v u e n e u r o l o g i q u e 1 6 6 ( 2 0 1 0 ) 6 3 0 – 6 3 8

i n f o a r t i c l e

Historique de l’article :

Recu le 9 juin 2009

Recu sous la forme revisee le

21 septembre 2009

Accepte le 9 decembre 2009

Disponible sur Internet le

26 fevrier 2010

Mots cles :

Crampe de l’ecrivain

Toxine botulinique type A

Toxine botulique

Dystonie en miroir

Dystonie focale

Kinesitherapie

Keywords:

Writer’s cramp

Botulinum toxin type A

Mirror dystonia

Focal dystonia

Physiotherapy

r e s u m e

Introduction. – La crampe des ecrivains est une dystonie focale dont la prise en charge

demeure difficile. Nous rapportons notre experience pendant 14 ans sur une population de

119 patients, d’age compris entre 18 et 85 ans (age moyen 43 ans).

Methodes. – Le traitement consistait en injections de toxine botulinique Dysport1 et kinesi-

therapie. Les patients etaient revus tous les quatre a six mois avec evaluation clinique et

video de la crampe analysee par trois observateurs differents et appreciation subjective de

l’efficacite du traitement par le patient (score de 1 a 3). Le deficit post-injection eventuel etait

aussi quantifie.

Resultats. – Une amelioration de la crampe (score 2 et 3) a ete obtenue chez 61,6 % des

patients du groupe traite par toxine et kinesitherapie avec une majorite de patients se

declarant moyennement satisfaits (14 patients dans le score 2). Dans le groupe traite par

toxine seule, 37,9 % des patients ont ete ameliores (score 2 et 3) avec une majorite tres

satisfaite ayant recupere une ecriture normale (18 patients dans le score 3). L’age n’etait pas

un facteur predictif pour la reponse au traitement. Les meilleurs resultats ont ete obtenus

par les injections de toxine dans les muscles flexor carpi radialis suivis par le flexor digitorum

profundus II et III et le flexor pollicis longus. Soixante et onze pour cent des injections ont

entraıne un deficit musculaire juge modere et peu invalidant par rapport au benefice du

traitement. Vingt-sept patients ont ete suivis pendant plus de deux ans et trois patients du

score 3, avec reponse excellente, ont ete suivis pendant 14 ans avec une efficacite tres

constante des injections. Si les injections n’etaient pas efficaces la premiere fois, nous les

avons reevaluees et adaptees et nous avons considere que le traitement par toxine etait un

echec apres trois injections sans aucun benefice.

Conclusion. – Les injections bien ciblees de toxine botulinique restent le traitement de choix

dans cette pathologie. La kinesitherapie est utile lorsque les injections de toxine n’amelio-

rent pas completement l’ecriture. Cela necessite une cooperation etroite entre le medecin

injecteur, le kinesitherapeute et le patient.

# 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits reserves.

* Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected] (H. Somma-Mauvais).

0035-3787/$ – see front matter # 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits reserves.doi:10.1016/j.neurol.2009.12.008

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1. Introduction

La crampe des ecrivains a ete definie par Bindman et Tibbets en

1977 comme un spasme musculaire des doigts et de la main lors

de l’ecriture, diffusant souvent aux muscles de l’avant-bras, du

bras et meme de l’epaule. Depuis les premieres descriptions, elle

a ete d’abord consideree primitivement comme une maladie

organique (Ramazzini, 1713 ; Bell, 1833), puis psychosomatique

danslapremieremoitiedu XXe siecle (Culpin,1931 ;Pai,1947),elle

fait maintenant partie des dystonies focales.

Elle est caracterisee par des contractions musculaires

involontaires du membre superieur lorsque le patient ecrit,

malgre un controle parfait des mouvements dans d’autres

activites. Les contractions peuvent etre douloureuses et etre

associees a des mouvements du poignet, du coude et parfois

de l’epaule. La crampe peut etre simple si elle ne touche que

l’ecriture ou complexe si elle se manifeste dans d’autres

activites. Certains auteurs parlent de « crampe dystonique »

dans ce cas (Sheehy et Marsden, 1982). Elle peut etre parfois

associee a une autre dystonie focale comme la dystonie

cervicale (Deuschl et al., 1997). Elle touche 14/1 000 000 de

personnes en Europe (ESDE, 2000) mais cette prevalence est

probablement sous-estimee.

La physiopathologie reste discutee. La crampe semble etre

declenchee par la repetition de gestes stereotypes chez un

individu predispose (Hallett, 2006). Cette predisposition,

probablement genetique, peut etre une augmentation de la

plasticite cerebrale, un defaut d’inhibition spinal ou cerebral et

un dysfonctionnement des fonctions sensorielles. En effet, la

repetition de la tache pourrait entraıner une modification des

representations somatotopiques du cortex sensorimoteur

(Bara-Jimenez et al., 1998, Quartarone et al., 2003). Il pourrait

y avoir aussi un defaut d’inhibition au niveau spinal et cerebral

(Hallett, 2004) entraınant des contractions excessives, une

cocontraction des muscles antagonistes, des phenomenes

d’overflow aux muscles non concernes. Les fonctions senso-

rielles seraient aussi impliquees avec des modifications

morphologiques preexistantes du cortex somatosensoriel

(Garraux et al., 2004).

De nombreux traitements ont ete utilises : substances

anticholinergiques, therapies comportementales, biofeed-

back, hypnotherapie et chirurgie mais elles se sont averees

inefficaces (Siegfried et al., 1969, Furlong, 1980, Cottraux et al.,

1983, Sheehy et Marsden, 1982). La stimulation magnetique

(Siebner et al., 1999, Murase et al., 2005) ou la thalamotomie

stereotaxique (Taira et al., 2003) ont ete proposees mais les

series etudiees sont petites et les durees de suivi trop courtes

pour en evaluer le benefice reel. La toxine botulinique est

utilisee actuellement comme traitement symptomatique (Tsui

et al., 1987, Cohen et al., 1989).

Nous rapportons notre experience sur une serie de

119 patients pris en charge entre 1994 et 2008 afin d’evaluer

l’efficacite reelle de la toxine et les facteurs qui peuvent

influencer la reponse therapeutique.

2. Patients et methodes

2.1. Population

Cent dix-neuf patients presentant une crampe de l’ecrivain

ont ete inclus dans notre etude. Il s’agissait de 63 femmes et

a b s t r a c t

Introduction. – Writer’s cramp is a focal dystonia; treatment remains disappointing. We

report our 14-year experience with a population of 119 patients aged between 18 and 85 years

(average age 43 years).

Methods. – Treatment was based on botulinum toxin injections (Dysport1) and physiother-

apy. Patients were reviewed every four to six months with clinical and video evaluation by

three different observers and subjective analysis of the treatment efficiency by the patient

(score of 1 to 3). The post-injection deficit, if present, was also quantified.

Results. – In the group treated with toxin and physiotherapy, cramps improved (score 2 and

3) in 61.6% of patients; a majority of patients (n = 14) reported they were moderately satisfied

(score 2). In the group treated with toxin alone, 37.9% of patients were improved (score 2 and

3) with a majority (n = 18) very satisfied reporting normal writing (score 3). Age was not a

predictor of therapeutic response. Good results were obtained with injections of the flexor

carpi radialis followed by flexor digitorum profundus II and III and the flexor pollicis longus.

Seventy-one per cent of injections caused moderate muscle weakness, minimally disabling

compared to the benefit of injections. Twenty-seven patients were followed for more than

two years and three patients, who had achieved score 3 with excellent response, were

followed for 14 years with very efficient repeated injections. If the injections were not

effective the first time, we re-assessed the situation and adjusted the injections; we

considered that toxin treatment was unsuccessful after three injections without benefit.

Conclusion. – The choice treatment for writer’s cramp remains well-targeted injections of

botulinum toxin. Physiotherapy is useful when the toxin injections are ineffective in

completely improving writing. This requires close cooperation between the injector, the

physiotherapist and the patient.

# 2010 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

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56 hommes d’age compris entre 18 et 85 ans (age moyen

43 ans). Les symptomes duraient de six mois a 30 ans, en

moyenne huit ans. Dans les antecedents, on notait un

syndrome depressif dans six cas, une intervention sur canal

carpien dans quatre cas, sur le nerf ulnaire dans un cas. Trois

patients (2,5 %) avaient un mouvement anormal dans un autre

territoire : une dysphonie spasmodique, une dystonie cervi-

cale et un tremblement essentiel. Un patient presentait la

mutation DYT1. On notait l’existence d’un traumatisme

cranien avec hemiparesie controlaterale chez deux patients.

Huit patients (7 %) avaient des antecedents familiaux de

mouvements anormaux : on notait une maladie de Parkinson

chez le pere de deux patients et chez la mere d’un patient, une

crampe de l’ecrivain chez le pere de deux patients, une histoire

familiale de dysphonie spasmodique chez un patient, un

syndrome de Meije chez la mere d’un patient et enfin une

mutation DYT1 chez deux cousins d’un patient. Plusieurs

facteurs declenchant ont ete notes : un choc affectif dans sept

cas, un stress professionnel dans trois cas, un traumatisme

dans trois cas. Ces donnees sont resumees dans le Tableau 1.

Sur ces 119 patients, 92 patients ont beneficie d’injections

de toxine botulinique, 21 patients ont ete pris en charge par

kinesitherapie seule et six patients n’ont eu ni injection ni

kinesitherapie.

2.2. Analyse clinique de la crampe

Les patients etaient examines par trois observateurs diffe-

rents avec analyse de l’ecriture spontanee, dictee puis de

l’ecriture « compensee ». Dans un premier temps, on

demandait au patient de ne pas corriger la posture anormale.

Le patient decrivait sa gene et la localisation exacte de la

douleur, si elle existait. Les mouvements anormaux des doigts

du poignet du coude et de l’epaule etaient notes. Puis, on lui

demandait d’effectuer des lignes d’ecriture en analysant les

postures compensatoires qu’il avait l’habitude d’utiliser pour

examiner les muscles antagonistes mis en jeu. On etudiait,

lors de l’ecriture effectuee avec la main non interessee par la

crampe, l’apparition d’une dystonie « en miroir » qui

permettait parfois de mieux selectionner le muscle

« trigger » et de differencier l’activite musculaire dystonique

de l’activite musculaire compensatoire. Un enregistrement

video etait effectue chaque fois que cela etait possible.

Parmi les 119 patients etudies, 107 (90 %) presentaient une

crampe simple et 12 (10 %) une crampe complexe (gene dans

les activites de bricolage et de maquillage). Cinq patients

presentaient un tremblement de l’ecriture associe a leur

crampe. La dystonie en miroir etait presente chez 48 patients

(40 %) (Tableau 1).

Nous n’avons pas utilise les echelles de quantification des

crampes comme la « Writer’s Cramp Rating Scale (WCRS) »

(Wissel et al., 1996) ou l’echelle de Behari (Behari, 1999) etant

donne la difficulte d’apprecier un handicap fluctuant a un

moment precis.

2.3. Techniques d’injection

Les muscles selectionnes pour l’injection ou muscles

« trigger » etaient evalues par l’examen clinique : existence

d’une posture anormale au cours de l’ecriture et observation

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d’une dystonie en miroir. Les muscles etaient injectes sous

controle electromyographique a l’aide d’une electrode-aiguille

hypodermique a usage unique (Bo-jectTM, Alpine bioMed) soit

50 mm � 0,46 mm (26G) , soit 37 mm � 0,41 mm (27G) en

fonction de la taille et de la profondeur des muscles a injecter.

Pour plus de precision, les muscles etaient stimules elec-

triquement a travers la meme aiguille. Au cours d’une seance

un ou plusieurs muscles etaient injectes. Chez un meme

patient, les sites d’injection pouvaient varier au cours des

seances en fonction de l’evolution clinique et des resultats de

l’injection precedente.

La toxine botulinique type A (Dysport1) etait preparee sur

place a une concentration de 500 U/0,6 ml. Les doses utilisees

variaient entre 0,05 et 0,3 ml ce qui equivalait a 40 U et 240 U de

Dysport1 par muscle (moyenne = 115 U) en fonction de la taille

du muscle a injecter, de l’importance de la dystonie et de la

faiblesse potentielle du muscle injecte.

2.4. Suivi des patients

Les patients ont ete revus tous les quatre a six mois afin

d’evaluer la reponse therapeutique et l’importance eventuelle

d’une faiblesse transitoire dans un ou plusieurs muscles. Si

une nouvelle injection etait necessaire, elle etait effectuee en

moyenne dans les quatre a six mois avec des intervalles

maximum d’un an.

Une reeducation specialisee hebdomadaire etait entreprise

de facon concomitante mais ces seances s’etalaient sur des

durees variables selon l’adhesion du patient. Elle consistait

dans un premier temps en des exercices de relaxation

musculaire de l’ensemble du membre superieur avec detente

des muscles cervicaux de l’epaule du coude du poignet. Puis,

dans un second temps, etaient effectues une reactivation des

muscles antagonistes de la dystonie et un reapprentissage de

la tenue du stylo. Enfin, des exercices de dessin avec

entraınement axe sur la rapidite la fluidite et la precision

etaient realises avant de passer a l’ecriture proprement dite.

Les exercices de scription etaient progressivement introduits

en veillant a la detente parfaite de l’ensemble de la

musculature du bras et de la main (Bleton, 2000).

L’efficacite du traitement etait jugee par les examina-

teurs, d’une part, sur la qualite de l’ecriture comprenant la

vitesse, la lisibilite, la fluidite et, d’autre part, sur l’absence

ou la persistance de postures dystoniques lors de la prise du

stylo (un enregistrement video etait effectue chaque fois

que cela etait possible). Mais cette evaluation n’etait

appreciee qu’au moment de la consultation, ce qui ne

donnait pas une idee objective du handicap tres fluctuant

chez ces patients. Nous avons donc privilegie l’analyse

subjective en demandant au patient de quantifier globale-

ment l’amelioration de l’ecriture avec un score de 1 a 3 ;

score 1 = peu ou pas d’amelioration, estimee a moins de

35 % d’une utilisation normale de la main lors de l’ecriture ;

score 2 = amelioration de 35 % a moins de 70 % de la

normale ; score 3 = reponse excellente de 70 % a 100 % de la

normale. Ce score tenait compte a la fois de la qualite

d’amelioration de l’ecriture mais aussi de la persistance de

cette amelioration dans le temps. Une duree minimum de

deux mois etait indispensable pour considerer un resultat

comme positif.

L’importance de la faiblesse engendree dans le muscle

injecte ou les muscles voisins etait cotee de 0 a 5 selon l’echelle

du Medical Research Council (MRC, 1976) : 0 = aucun mouve-

ment, 1 = ebauche de mouvement, 2 = possibilite de mouve-

ment sans la pesanteur, 3 = possibilite de mouvement contre

la pesanteur mais non contre resistance, 4 = possibilite de

mouvement contre la pesanteur et contre resistance, 5 = force

normale. L’efficacite globale de la toxine par patient a ete

evaluee apres plusieurs essais. Si trois essais etaient infruc-

tueux, le traitement par la toxine etait considere comme un

echec.

3. Resultats

Les resultats ont ete evalues en fonction du nombre de

patients (119 patients), en fonction du nombre d’injections

(275 injections) et en fonction des muscles injectes (383 mus-

cles injectes).

L’efficacite des differents traitements, par groupe de

patients, est representee sur les Fig. 1A, B, C, et resumee sur

la Fig. 1D. Dans le groupe traite par injections seules

comprenant 58 patients, 22 patients (37,9 %) ont ete ameliores

(scores 2 et 3) contre 15 patients (25,8 %) non ameliores (score

1). On note un nombre plus eleve de patients tres satisfaits

(18 patients) ayant recupere une ecriture normale (score 3).

Dans le groupe traite par toxine et kinesitherapie comprenant

34 patients, 21 patients (61,6 %) ont ete ameliores (scores 2 et 3)

contre neuf patients (26,4 %) non ameliores. On note dans ce

dernier groupe, une majorite de patients moyennement

satisfaits (14 patients inclus dans le score 2). Dans le groupe

pris en charge en kinesitherapie seule, le suivi est beaucoup

plus difficile car les patients ont ete perdus de vue la plupart du

temps.

L’efficacite des injections de toxine est representee sur la

Fig. 2. Sur 275 injections, un peu moins de la moitie a ete jugee

efficace avec retour a une ecriture normale dans 35,6 % des cas

(score 3) et une amelioration partielle dans 13,4 % (score 2)

contre 23,6 % d’injections sans benefice.

Nous avons evalue les resultats obtenus en fonction des

muscles injectes (Fig. 3). Les muscles trigger les plus souvent

impliques etaient le flexor pollicis longus (FPL) et le flexor

digitorum sublimis II et III (FDS II et III) (Fig. 3A). Lorsque

plusieurs muscles etaient injectes lors de la meme seance, il

s’agissait surtout de l’association : FPL et FDS II ou FPL et

flexor digitorum profundus II (FDP II) ; les autres associations

etaient moins courantes. Des injections de trois muscles par

seance ont aussi ete pratiquees (Fig. 3B). La Fig. 4 illustre le

pourcentage de muscles injectes dans les differents scores.

Le meilleur resultat (score 3) est obtenu avec les muscles

flexor carpi radialis (FCR) (53,3 %) suivi par le FDP II et III

(42,3 %) et le FPL (41,1 %). Nous n’avons jamais injecte de

couple agoniste–antagoniste car il nous a semble plus

pertinent de privilegier le groupe musculaire trigger de la

crampe.

L’efficacite des injections a ete evaluee en fonction de l’age

des patients. La Fig. 5 illustre les moyennes d’age des patients

en fonction des differents scores. La repartition est assez

uniforme et ne met pas en evidence de facteur pronostique en

fonction de l’age.

Page 5: Prise en charge de la crampe de l’écrivain : 14 ans d’expérience de la toxine botulique

Fig. 1 – Nombre de patients par score en fonction des differents traitements. Score 1 = peu ou pas d’amelioration inferieur a

35 %. Score 2 = amelioration de 35 % a moins de 70 % de la normale. Score 3 = reponse excellente de 70 % a 100 % de la

normale. A. Patients traites par toxine seule. B. Patients traites par toxine et kinesitherapie. (C) Patients traites par

kinesitherapie seule. D. Pourcentage de patients en fonction des diverses modalites de traitements, scores 2 et 3 confondus.

Dans le groupe traite par toxine seule, le plus grand pourcentage est obtenu avec le score 3 (A). Dans le groupe traite par

toxine et kinesitherapie, le score 2 est plus important (B). Dans ce groupe, 61,6 % des patients sont ameliores (scores 2 +3 )

(D).

Number of patients by score according to different treatments. Score 1 = little or no improvement less than 35%. Score

2 = improvement of 35% to less than 70% of normal. Score 3 = good response from 70% to 100% of normal A. Patients treated with

toxin alone. B. Patients treated with physiotherapy and toxin. C. Patients treated with physiotherapy alone. D. Percentage of patients

with the different treatments, scores 3 and 2 together. In the group treated with toxin alone, the highest percentage is obtained with

the score 3 (A). In the group treated with toxin and physiotherapy, score 2 is more important (B). In this group, 61.6% of patients

improved (scores 2 + 3).

Fig. 2 – Pourcentage d’injections de toxine dans chaque

score. Score 1 = peu ou pas d’amelioration inferieur a

35 %. Score 2 = amelioration de 35 % a moins de 70 % de

la normale. Score 3 = reponse excellente de 70 % a 100 %

de la normale. Quarante-neuf pour cent des injections

sont considerees comme efficaces avec 35,6 %

d’amelioration complete (score 3) et 13,4 %

d’amelioration partielle (score 2).

Percentage of toxin injections in the different scores. Score

1 = little or no improvement less than 35%. Score

2 = improvement of 35% to less than 70% of normal. Score

3 = good response from 70% to 100% of normal. Forty-nine per

cent of injections were effective with 35.6% complete

improvement (score 3) and 13.4% partial improvement (score 2).

r e v u e n e u r o l o g i q u e 1 6 6 ( 2 0 1 0 ) 6 3 0 – 6 3 8634

Le benefice des injections a ete evalue en fonction du sexe

des patients (Fig. 6). Dans le score 3, correspondant a une

amelioration nette de la crampe, la preponderance feminine

semble nette tandis que dans le score 1, qui correspond a une

mauvaise evolution, les hommes sont majoritaires.

Dans 71 % des cas, les injections ont ete suivies d’un deficit

dans les muscles injectes et/ou dans les muscles adjacents.

Cette faiblesse etait jugee moderee et peu invalidante par

rapport au benefice des injections (niveaux 3 et 4 du MRC pour

la plupart des patients). Ce deficit durait en moyenne deux

semaines. Dans six cas, le deficit etait prolonge pouvant aller

jusqu’a deux mois. Il faut noter que dans ces cas-la, les

ameliorations sur l’ecriture etaient excellentes avec des scores

a 3. Lors de huit injections (sur un total de 275), le deficit etait

plus important (MRC niveau 2) avec une diffusion importante

aux muscles adjacents mais ce deficit est reste relativement

bien tolere du fait que les patients etaient parfaitement

informes des effets indesirables des injections et de la

reversibilite de ces effets.

La duree du suivi a ete evaluee en fonction du score

d’amelioration (Fig. 7). La duree moyenne etait d’un a deux

ans. C’est dans le score 3 que les suivis ont ete les plus longs.

Plus le patient etait ameliore, plus il repetait les seances.

Vingt-sept patients ont ete suivis pendant plus de deux ans et

trois patients du score 3, avec reponse excellente, ont ete

suivis pendant 14 ans avec une efficacite tres constante des

Page 6: Prise en charge de la crampe de l’écrivain : 14 ans d’expérience de la toxine botulique

Fig. 3 – A. Nombre d’injections par muscles (total = 383). B. Nombre d’injections associant 2 ou 3 muscles. Flexor carpi radialis

(FCR), extensor digitorum communis (EDC), flexor carpi ulnaris (FCU), extensor indicis proprius (EIP), extensor pollicis longus (EPL),

extensor carpi radialis (ECR), extensor carpi ulnaris (ECU), flexor digitorum profundus II et III (FDP II et III), flexor digitorum

profundus IV et V (FDP IV et V), flexor digitorum sublimis II et III (FDS II et III), flexor digitorum sublimis IV et V (FDS IV et V),

flexor pollicis longus (FPL).

A. Number of injected muscles (total = 383). B. Number of associated injected muscles. Flexor carpi radialis (FCR), extensor digitorum

communis (EDC), flexor carpi ulnaris (FCU), extensor indicis proprius (EIP), extensor pollicis longus (EPL), extensor carpi radialis (ECR),

extensor carpi ulnaris (ECU), flexor digitorum profundus II and III (FDP II and III), flexor digitorum profundus IV and V (FDP IV and V),

flexor digitorum sublimis II and III (FDS II and III), flexor digitorum sublimis IV and V (FDS IV and V), flexor pollicis longus (FPL).

Fig. 4 – Pourcentage de muscles injectes dans les differents scores. Score 1 = peu ou pas d’amelioration inferieur a 35 %.

Score 2 = amelioration de 35 % a moins de 70 % de la normale. Score 3 = reponse excellente de 70 % a 100 % de la normale.

Les fleches indiquent les meilleurs pourcentages obtenus dans le score 3. Flexor carpi radialis (FCR), extensor digitorum

communis (EDC), flexor carpi ulnaris (FCU), extensor indicis proprius (EIP), extensor pollicis longus (EPL), extensor carpi radialis

(ECR), extensor carpi ulnaris (ECU), flexor digitorum profundus II et III (FDP II et III), flexor digitorum profundus IV et V (FDP IV et

V), flexor digitorum sublimis II et III (FDS II et III), flexor digitorum sublimis IV et V (FDS IV et V), flexor pollicis longus (FPL).

Percentage of different muscles in the different scores. Score 1 = little or no improvement less than 35%. Score 2 = improvement of

35% to less than 70% of normal. Score 3 = good response from 70% to 100% of normal. The arrows indicate the best percentages

obtained in the score 3. Flexor carpi radialis (FCR), extensor digitorum communis (EDC), flexor carpi ulnaris (FCU), extensor indicis

proprius (EIP), extensor pollicis longus (EPL), extensor carpi radialis (ECR), extensor carpi ulnaris (ECU), flexor digitorum profundus

II and III (FDP II and III), flexor digitorum profundus IV and V (FDP IV and V), flexor digitorum sublimis II and III (FDS II and III),

flexor digitorum sublimis IV and V (FDS IV and V), flexor pollicis longus (FPL).

r e v u e n e u r o l o g i q u e 1 6 6 ( 2 0 1 0 ) 6 3 0 – 6 3 8 635

injections sans recours a la kinesitherapie. Les frequences

d’injections etaient assez variables et chez certains patients,

une seance annuelle suffisait pour un bon controle de la

crampe.

4. Discussion

Notre population est a peu pres comparable aux autres series

de la litterature (Tableau 1).

Page 7: Prise en charge de la crampe de l’écrivain : 14 ans d’expérience de la toxine botulique

Fig. 5 – Moyenne d’age des patients traites par toxine en

fonction des differents scores d’amelioration.

Average age of patients treated with toxin in function of score

improvement.

Fig. 7 – Nombre d’annees de suivi des patients dans chaque

score. L’axe horizontal represente le nombre d’annees,

l’axe vertical represente le nombre de patients. Score

1 = peu ou pas d’amelioration inferieur a 35 %. Score

2 = amelioration de 35 % a moins de 70 % de la normale.

Score 3 = reponse excellente de 70 % a 100 % de la normale.

Dans le score 3, certains patients ont ete suivis pendant

dix a 14 ans.

Number of years of follow-up of patients in each score. The

horizontal axis represents the number of years, the vertical

axis represents the number of patients. Score 1 = little or no

improvement less than 35%. Score 2 = improvement of 35% to

less than 70% of normal. Score 3 = good response from 70% to

100% of normal. In the score 3, the follow-up is the longest

r e v u e n e u r o l o g i q u e 1 6 6 ( 2 0 1 0 ) 6 3 0 – 6 3 8636

La moyenne d’age de notre population est de 43 ans ce qui

est equivalent aux etudes de Djebbari et al. (2004), Jedynak

et al. (2001), Karp et al. (1994). Dans certaines series (Das et al.,

2007, Behari, 1999), la moyenne d’age est un peu plus jeune

(33 ans). Comme dans l’etude de Djebbari et al. (2004), notre

population comporte plus de femmes que d’hommes alors que

d’autres etudes rapportent une preponderance masculine de

la crampe (Das et al., 2007, Jedynak et al., 2001, ESDE, 2000).

Dans notre population, les symptomes existaient en moyenne

depuis huit ans avant la confirmation du diagnostic, ce qui est

similaire a l’etude de Djebbari et al., 2004. Pour Das et al. (2007),

la duree moyenne de la maladie au moment du diagnostic etait

plus courte (quatre ans), ce qui est correle a la moyenne d’age

plus jeune de leurs patients mais il s’agit d’une etude des

Fig. 6 – Pourcentage d’hommes et de femmes dans chaque

score. Score 1 = peu ou pas d’amelioration inferieur a 35 %.

Score 2 = amelioration de 35 % a moins de 70 % de la

normale. Score 3 = reponse excellente de 70 % a 100 % de la

normale. Predominance feminine dans le score 3 (fleche

orange) et preponderance masculine dans le score 1 (fleche

bleue).

Percentage of men and women in each score. Score 1 = little or

no improvement less than 35%. Score 2 = improvement of 35 %

to less than 70% of normal. Score 3 = good response from 70%

to 100% of normal. Preponderance of women in the score 3

(orange arrow) and males in the score 1 (blue arrow).

(10 to 14 years).

profils cliniques des differents sous-types de crampe des

ecrivains. Nous n’avons note des antecedents familiaux que

chez 7 % des patients ce qui est nettement inferieur aux

donnees habituelles (Das et al., 2007, Jedynak et al., 2001, Karp

et al., 1994) qui font etat de 10 a 20 % d’antecedents familiaux

de mouvements anormaux. Cette difference peut s’expliquer

par le fait que nous n’avons pas comptabilise les antecedents

familiaux de tremblement essentiel. De toute facon, ces taux

sont obligatoirement sous-estimes. Une dystonie dans un

autre territoire ou un tremblement essentiel n’etait retrouve

que chez 2,5 % de nos patients ce qui est a peu pres comparable

aux donnees de Das et al. (2007). Pour Karp et al. (1994), les

associations avec des dystonies touchant d’autres territoires

sont plus frequentes. Il est probable que les patients ayant des

crampes isolees ou mineures soient beaucoup plus nombreux

a consulter dans les etudes plus recentes.

Les caracteristiques de la crampe etaient un peu differentes

dans notre population avec 90 % de crampes simples et 10 % de

crampes complexes, ce qui correspond a peu pres aux donnees

de Djebbari et al. (2004). Certaines etudes font etat d’un

nombre plus important de crampes complexes dans leur

population : 60 % pour Karp et al. (1994) mais peut-etre que la

selection des patients n’etait pas la meme avec des formes

d’emblee plus evoluees. De meme, Jedynak et al. (2001)

trouvent 50 % de crampes complexes mais le recrutement

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r e v u e n e u r o l o g i q u e 1 6 6 ( 2 0 1 0 ) 6 3 0 – 6 3 8 637

n’est pas le meme, puisqu’il s’agit d’une etude prospective

clinique et demographique ne portant pas expressement sur

les indications de traitement pas toxine botulinique. La

dystonie en miroir est retrouvee chez 46 % des patients de

Das et al. (2007), chez 44,6 % des patients de Jedynak et al.

(2001) et seulement chez 19 % des patients de Djebbari et al.

(2004). Nous l’avons observe chez 40 % de nos patients. Nous

n’avons comptabilise que les postures anormales de la main

opposee lors de l’ecriture avec la main dominante et non les

simples tremblements. Ces postures anormales lorsqu’elles

existent sont d’un grand interet pour detecter le muscle trigger

et cibler l’injection de toxine.

En ce qui concerne la reponse therapeutique, si nous

incluons les scores 2 et 3 dans nos resultats positifs, le plus

grand pourcentage de patients (61,6 %) a ete ameliore par les

injections de toxine associee a la kinesitherapie. Mais il faut

noter que la majorite des patients etait moyennement

satisfaite alors que, dans le groupe traite par toxine seule, la

majorite des patients etait tres satisfaite avec un retour a une

ecriture normale. Nous n’avons pas d’analyse objective de la

prise en charge par kinesitherapie et les patients bien

ameliores a long terme abandonnaient assez vite cette prise

en charge. Il semble que la kinesitherapie a son role a jouer

lorsque les injections de toxine n’apportent pas une reponse

therapeutique satisfaisante.

Notre etude, qui porte sur une population tres importante

de patients, peut etre comparee aux autres series en matiere

d’efficacite de la toxine botulinique (Tableau 1). Marion et al.

(2003) ont obtenu une amelioration chez 56 % des patients avec

une ecriture normale chez 46 % et une amelioration partielle

chez 10 %. Pour Karp et al. (1994), 58,4 % des patients ont une

amelioration excellente ou moyenne. Les resultats rapportes

par Das et al. (2007) sont plus difficilement comparables car la

quantification porte sur le benefice subjectif obtenu sur une

periode d’observation tres courte (un mois apres injection) et

non sur un pourcentage de patients ameliores. Les autres

etudes (Kruisdijk et al., 2007, Djebbari et al., 2004, Ross et al.,

1997, Wissel et al., 1996, Tsui et al., 1993) portent sur beaucoup

moins de patients, entre 20 et 40 environ. Certaines rapportent

des resultats superieurs avec des taux d’amelioration des

patients pouvant atteindre 70 a 80 % mais ces series ont un

suivi plus court, de quelques mois a cinq ans, avec des echelles

d’analyse quantitative. Dans nos resultats, nous avons

privilegie le benefice reel reconnu par le patient et juge sur

une periode prolongee et non l’analyse a l’aide d’echelles

d’ecriture realisees a un temps donne en presence de l’equipe

medicale avec tous les risques de modification de la crampe

lies aux conditions d’examen. Comme dans la serie de Karp

et al. (1994), le sexe feminin semble etre un facteur de meilleur

pronostic (Fig. 6).

Les doses moyennes de toxine que nous avons injectees

sont un peu superieures a certaines etudes, notamment celle

de Ross et al. (1997) (Tableau 1). Nos doses variaient entre 40 U

et 240 U Dysport1 par muscle avec une moyenne de 115 U

Dysport1 ce qui correspond a 13 U a 80 U Botox1 avec une

moyenne de 38 U Botox1 ce qui est equivalent aux doses

utilisees par Das et al. (2007). Nous utilisons un facteur de

conversion de 1U Botox1 pour 3 U Dysport1.

Les muscles que nous avons le plus souvent injectes sont le

FPL et le FDS II et III (Fig. 3). Les meilleurs resultats (Fig. 4) ont

ete obtenus avec les injections dans les muscles FCR suivis par

le FDP II et III et le FPL. Dans la serie de Das et al. (2007), les

muscles les plus souvent injectes sont le FDS et FDP. Pour

Djebbari et al. (2004), les meilleurs resultats ont ete obtenus

avec les muscles FCR, FDP. Ces muscles semblent donc a la fois

les plus injectes mais aussi ceux qui repondent le mieux au

traitement par toxine.

Nos injections ont ete suivies dans 71 % des cas d’une

faiblesse musculaire dans les muscles injectes et parfois dans

les muscles adjacents ce qui est legerement superieur aux

taux notes dans la litterature (Tableau 1). Cela peut etre relie

aux dosages plus importants de toxine, mais dans la majorite

des cas, il n’y avait pas de plainte de la part des patients : la

faiblesse etait notee a l’interrogatoire et jugee peu invali-

dante.

Nous rapportons ici un suivi a long terme avec, pour trois

patients, une constance du benefice de la toxine depuis 14 ans

jusqu’a ce jour, sans prise en charge en kinesitherapie depuis

de nombreuses annees. Aucune resistance n’a ete notee et les

patients ont eu des injections regulieres dans les memes

muscles tous les quatre a six mois en moyenne et pour

certains, des injections encore plus espacees pouvant aller

jusqu’a un an. Il faut noter que chez certains patients, les

premieres injections n’etaient pas totalement satisfaisantes et

que ce n’etait qu’apres la troisieme ou quatrieme injection que

le bon muscle etait repere ainsi que le dosage adequat de

toxine. Il faut donc renouveler les essais si les injections ne

sont pas efficaces d’emblee et nous considerons que le

traitement par toxine est un echec apres trois injections sans

aucun benefice.

5. Conclusion

La prise en charge de la crampe des ecrivains reste difficile. La

toxine botulinique ne resout pas tous les problemes mais elle

reste le traitement de base associee a la kinesitherapie. Cette

derniere semble utile lorsque les injections de toxine

n’apportent pas une reponse therapeutique suffisante. Cela

necessite une cooperation etroite entre le medecin injecteur,

le kinesitherapeute et le patient. Ce dernier doit connaıtre

parfaitement les limites et les effets secondaires des injections

afin de mieux adherer a une prise en charge de longue duree.

Les echecs ponctuels de certaines injections ne doivent pas

remettre en cause de facon definitive l’efficacite de la toxine

mais les indications doivent etre parfaitement ciblees notam-

ment du point de vue des muscles impliques mais aussi de la

compliance au traitement.

Conflits d’interet

Aucun.

Remerciements

A Monsieur Jean-Paul Beaulieu pour ses conseils precieux et

pour son aide dans la prise en charge des patients en

kinesitherapie.

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