Ouverture à la concurrence dans les réseaux : l'approche stratégique de l'économie des réseaux

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Anne Perrot Ouverture à la concurrence dans les réseaux : l'approche stratégique de l'économie des réseaux In: Économie & prévision. Numéro 119, 1995-3. pp. 59-71. Citer ce document / Cite this document : Perrot Anne. Ouverture à la concurrence dans les réseaux : l'approche stratégique de l'économie des réseaux. In: Économie & prévision. Numéro 119, 1995-3. pp. 59-71. doi : 10.3406/ecop.1995.5731 http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ecop_0249-4744_1995_num_119_3_5731

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Anne Perrot

Ouverture à la concurrence dans les réseaux : l'approchestratégique de l'économie des réseauxIn: Économie & prévision. Numéro 119, 1995-3. pp. 59-71.

Citer ce document / Cite this document :

Perrot Anne. Ouverture à la concurrence dans les réseaux : l'approche stratégique de l'économie des réseaux. In: Économie &prévision. Numéro 119, 1995-3. pp. 59-71.

doi : 10.3406/ecop.1995.5731

http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ecop_0249-4744_1995_num_119_3_5731

RésuméOuverture à la concurrence dans les réseaux : l'approche stratégique de l'économie des réseauxpar Anne PerrotL'économie des réseaux, développée depuis le milieu des années quatre vingt, examine lesconséquences des comportements stratégiques à l'œuvre sur les marchés caractérisés soit par laprésence d'externalités de réseaux (externalités d'offre ou de demande) soit par la nature de biens-systèmes des produits offerts. Joints aux avancées de la théorie de la réglementation, qui envisage lesimplications des situations d'information asymétrique entre le régulateur et les firmes régulées, cestravaux donnent des éclairages féconds sur l'organisation qui devrait prévaloir dans les activitésautrefois confiées aux monopoles publics. Cet article examine les implications de ces avancéesthéoriques pour le fonctionnement des secteurs ouverts à la concurrence (transports,télécommunications, énergie, ..).

ResumenApertura à la competencia en el ârea de sistemas: enfoque estratégico de la economia de sistemaspor Anne PerrotLa economia de sistemas, desarrollada desde mediados de los anos ochenta, examina lasconsecuencias de los comportamientos estratégicos implementados en los mercados caracterizados yasea por la presencia de externalidades de sistemas ( externalidades de oferta o de demanda ) ya seapor la naturaleza de los bienes-sistemas de los productos ofrecidos. En consonancia con los progresosde la teorîa de la reglamentaciôn, que estudia las implicaciones de las situaciones de informationasimétrica entre el regulador y las firmas reguladas, estos trabajos aportan esclarecimientos fecundossobre la organization que deberîa prevalecer en las actividades anteriormente confïadas a losmonopolios pûblicos. Este articulo examina las implicaciones de estos progresos teoricos en elfuncionamiento de los sectores abiertos a la competencia ( transportes, telecomunicaciones, energia,..).

ZusammenfassungOffnung der Netze fur den Wettbewerb: der strategische Ansatz der Netzwirtschaftvon Anne PerrotDie Netzwirtschaft, die seit Mitte der achtziger Jahre entwickelt wird, priift die Konsequenzen derstrategischen Verhaltensweisen auf den Markten, die sich entweder durch das Vorhandensein vonNetzexternalitaten (Angebots- oder Nachfrageexternalitaten) oder durch die giiter- und systembezogeneBeschaffenheit der angebotenen Produkte auszeichnen. Gemeinsam mit den Fortschritten derReglementierungstheorie, die die Auswirkungen der Situationen mit asymmetrischer Informationzwischen der Regulierungsbehôrde und den regulierten Unternehmen untersucht, geben dièse Arbeitenintéressante Aufschliisse iiber die Organisation, die bei den Tatigkeiten vorherrschen sollte, die friiherden ôffentlichen Monopolen ubertragen waren. In diesem Artikel werden die Folgen diesertheoretischen Fortschritte fur die Funktions weise der Sektoren untersucht, die dem Wettbewerbgeôffnet werden (Transport, Telekommunikation, Energie usw.).

AbstractOpening Up Networks to Competition: The Strategic Network Economy Approachby Anne PerrotThe network economy, developed since the mid-1980s, examines the consequences of strategicbehaviour at work in the markets featuring either the presence of network externalities (supply ordemand externalities) or the goods-systems nature of the products provided. When combined withadvances in regulation theory, which envisages the implications of asymmetric information situationsbetween regulator and regulated firms, this study throws a great deal of light on the organization thatshould predominate in the activities previously entrusted to public monopolies. The article studies theimplications of this theoretical progress for the operation of the sectors open to competition (transport,telecommunications, energy, etc.).

Ouverture

à la concurrence

dans les réseaux

L'approche stratégique

de l'économie des réseaux

Anne Perrot(*}

(1) Cerne - (Université de Paris-I) et OEST (ministère de l'Aménagement du territoire, de l'équipement, et des transports). Je remercie deux rapporteurs anonymes pour leurs remarques et suggestions sur une première version de cet article. Toutes les imprécisions ou erreurs subsistantes sont de mon seul fait.

Économie et Prévision n°l 19 1995-3

Les mouvements de déréglementation que connaissent, en Europe ou aux États-Unis, certains secteurs relevant traditionnellement du service public soulèvent une série de questions théoriques. Si un (relatif) consensus émerge aujourd'hui pour préconiser l'introduction d'une "certaine dose" de concurrence dans le fonctionnement de ces activités, de nombreuses questions demeurent sur les modèles d'organisation industrielle qui devraient guider le fonctionnement des activités en réseaux. Schématiquement, et en parcourant ces activités de l'amont vers l'aval, on peut regrouper ces questions autour des points suivants : - tout d'abord, où doit passer la frontière entre les activités en monopole et les activités concurrentielles ? Lorsqu'on considère des réseaux un peu plus complexes que des constructions rudimentaires à deux étages infrastructure/services, les réponses à cette question cessent d'être triviales, la difficulté provenant des interactions verticales entre les différentes "couches" du réseau. Que l'on songe par exemple au transport aérien, pour lequel il convient de distinguer les infrastructures (aéroports), le réseau de contrôle aérien, les systèmes informatisés de réservations (SIR) et les services de transport en soi. L'imbrication de ces diverses activités rend complexes le découpage des différents étages et l'analyse du type d'organisation qui devrait leur être appliqué ; - cette frontière étant tracée, comment organiser les rapports entre la tutelle et l'opérateur d'infrastructure ? Une telle question relève de la théorie récente de la réglementation, pour laquelle l'analyse des asymétries informationnelles entre régulateur et opérateur doit tenir une place prépondérante dans l'élaboration des contrats^1* ; - comment "l'amont" (l'opérateur d'infrastructure) doit-il tarifer l'usage du réseau d'infrastructure à "l'aval" (concurrents) ? Toute une série de travaux s'attache à définir les principes auxquels devrait obéir la contribution des acteurs au financement de l'infrastructure, depuis les méthodes comptables d'allocation des coûts fixes dans les secteurs à production jointe jusqu'aux travaux récents sur la détermination de la "charge d'accès" qui tiennent compte des problèmes d'information, ou des risques de contournement des réseaux ; - comment organiser la concurrence en aval ? Diverses réponses empiriques ou théoriques ont été apportées à cette question. Certaines recommandent d'interdire à l'opérateur amont d'intervenir sur le marché aval. Cette solution a été mise en œuvre, par exemple, dans le secteur des télécommunications aux Etats-Unis. D'autres préconisent au contraire une participation contrôlée de l'opérateur d'infrastructure sur le marché des services, comme c'est le cas dans ce même secteur en Grande-Bretagne. Par ailleurs, il convient également de déterminer le nombre d'intervenants sur ce marché aval, leur identité, les procédures de sélection : les concessions doivent-elles être attribuées par des procédures d'enchères ? Qui peut y participer ? Quels sont les risques de collusion ?

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- enfin, la dimension de réseau commune à ces activités comporte en soi des implications importantes. Le développement considérable des travaux menés dans ce domaine depuis une dizaine d'années invite en effet à tenir compte des spécificités des stratégies industrielles dans les secteurs ayant une structure en réseaux. C'est essentiellement aux implications de ces résultats que cet article est consacré.

Si le principe des externalités de clubs et de réseaux et certaines problématiques centrales aujourd'hui avaient déjà fait l'objet d'investigations dans les années soixante-dix (voir par exemple Littlechild (1975)), il faut probablement dater des travaux de Katz et Shapiro (1985, 1986) la constitution de l'économie des réseaux en véritable centre d'intérêt pour les spécialistes d'économie industrielle. Sans doute doit-on voir là les résultats d'une double impulsion : d'une part, celle donnée par les expériences de déréglementation, qui ont alimenté les questions posées à l'économiste sur le fonctionnement des activités en réseaux ; d'autre part, celle qu'ont permis les avancées de la théorie micro-économique, tant dans le domaine de la théorie des contrats que dans celui des comportements stratégiques. Si l'économie des réseaux est aujourd'hui un domaine à part entière, elle recouvre néanmoins des situations dont l'extrême diversité fait qu'il est malaisé d'en définir les contours : entre la dimension géographique ou physique d'un réseau de transport ou de distribution d'électricité, le réseau de distribution d'un produit ou d'un service, et l'effet de réseau lié à la compatibilité de différents matériels informatiques entre eux, il existe sans doute plus de différences que de points communs. Certains de ces réseaux reposent en effet sur l'existence d'une infrastructure, dont la gestion est souvent confiée à une entreprise publique, tandis que le secteur de l'informatique ou certains segments du marché de la téléphonie, par exemple, sont au contraire entre les mains d'opérateurs privés soumis à des règles de concurrence. Pourtant, une série de principes communs guide les travaux des économistes sur ce thème et permet de mettre de l'ordre dans un champ a priori foisonnant. En particulier, les caractéristiques des biens réseaux suscitent de la part des offreurs des stratégies particulières, tant en matière de choix de produits que de décisions de compatibilité ou de tarification.

Cet article délimite dans un premier temps le champ couvert par l'économie des réseaux. On examine ensuite les implications des comportements stratégiques des agents, d'abord dans le cas d' externalités de réseaux, puis dans le cas où les biens offerts possèdent la caractéristique de biens systèmes, en mettant l'accent sur le rôle que devrait jouer le régulateur dans l'organisation de ces marchés (2).

Les spécificités des biens réseaux

Les activités dites "en réseau" présentent l'une au moins des trois propriétés suivantes : présence d' externalités de demande, d' externalités d'offre, ou caractéristique de bien système. On retrouve facilement l'une ou l'autre de ces caractéristiques dans les activités d'approvisionnement en énergie, de transport, ou de services de télécommunication. En premier lieu, les effets de réseaux directs sont rattachés à l'existence d'effets de clubs : en-deçà d'un éventuel seuil de congestion, chaque utilisateur voit sa satisfaction augmenter avec le nombre d'utilisateurs du même bien que lui, ou d'un bien compatible. Le téléphone, les réseaux informatiques, ou plus récemment le réseau Internet présentent tous trois cette propriété. L'effet de réseau apparaît alors comme une externalité de demande qui s'exerce entre les usagers d'un ensemble de produits ou de services compatibles. C'est ce type d'effets qui est analysé par Katz et Shapiro (1985, 1986), et par Farrell et Saloner (1986). L'encadré 1 précise la façon dont ces externalités de réseaux peuvent être modélisées. Une deuxième classe d'effets de réseaux transite par des mécanismes plus indirects : tel est par exemple le cas des réseaux de concessionnaires susceptibles de réparer une marque donnée de véhicule. Ici, les consommateurs ne bénéficient pas directement du nombre de ceux qui ont choisi le même modèle, mais simplement du fait que ce modèle étant plus répandu, le nombre des concessionnaires est plus élevé : chaque consommateur bénéficiera d' externalités d'offre. Cette dimension est évidemment présente dans la plupart des réseaux reposant sur l'existence d'une infrastructure : le nombre d'utilisateurs du réseau augmente le nombre de services qui peuvent être offerts avec profit et accroît donc la satisfaction que chaque utilisateur peut retirer du réseau en question. Ainsi, la plupart des services de communication (Minitel, Internet) mais aussi l'offre de transport (nombre de kilomètres d'autoroute, nombre de stations service sur une route, services annexes liés au transport aérien) dégagent de telles externalités. Ces effets de réseaux sans effets de clubs sont analysés par Chou et Shy (1990). Dans ces deux cas d'effets de réseaux directs et indirects, la question de la compatibilité ou de l'interconnexion entre les biens ou les services offerts occupe une place centrale : le degré d'interconnexion entre les réseaux détermine en effet la variété et la qualité des services accessibles aux consommateurs et infléchit la nature de la concurrence en prix. Dans les exemples envisagés jusqu'ici, la compatibilité des biens réseaux doit être entendue entre des biens substituables (deux marques différentes de voitures ou de matériel informatique, deux réseaux concurrents de téléphone ou de transport). Lorsque les biens offerts ne sont pas mutuellement compatibles, les consommateurs subissent des "coûts de changement

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Encadré 1 : les effets de réseaux directs et la compatibilité

On considère deux biens réseaux A et B. xA et xB désignent la taille des réseaux A et B, c'est-à-dire le nombre de consommateurs attachés à chacun d'eux. Les consommateurs sont différenciés par leur disponibilité à payer un bien réseau. Ce paramètre est désigné par 0 et est supposé distribué uniformément sur l'intervalle [0, 1]. En revanche, tous les consommateurs valorisent par la même fonction v (x) l'externalité de réseau. Cette fonction est supposé croissante et concave. Le prix du bien i(i=A,B)est noté p i . Le surplus net du consommateur de paramètre 0 qui choisit d'appartenir au réseau i dont le prix p t est et la taille anticipée x ,- est ainsi égal à 0 + v ( x i ) —p i . Sous l'hypothèse que les deux firmes se font concurrence en quantités et sont actives sur le marché et symétriques (c'est-à-dire qu'elles obtiennent chacune la moitié du marché), la demande qui s'adresse à la firme i est égale à :

À l'équilibre d'anticipations rationnelles, la taille anticipée du réseau x t et le nombre de consommateurs attachés à ce réseau q i doivent être cohérents. Deux cas sont à envisager suivant que les biens sont ou non compatibles. (0 Si les biens sont compatibles, ils forment un seul réseau dont la taille commune anticipée est égale au nombre cumulé des consommateurs des deux biens , c'est-à-dire que l'on a.:xA-xB = q La quantité d'équilibre produite par chacune des deux firmes est alors définie par l'équation :

(ii) Lorsque les biens sont incompatibles, la taille de chaque réseau / est égale au nombre de consommateurs attachés au réseau i, et on a : qt = xt (i = A,B) La quantité d'équilibre produite par chaque firme est alors qic = q% = q«=[v (qic)+l)/4

II est facile de voir que la production est plus élevée en régime de compatibilité qu'en régime d'incompatibilité. Dans cette représentation très simple, tous les agents bénéficient de la compatibilité : le surplus des consommateurs est plus élevé et le profit des firmes aussi. Si l'on étudie les équilibres asymétriques de ce modèle, dans lesquels les deux firmes n'ont pas nécessairement la même production, ce dernier résultat tombe : la firme la plus forte en terme de part de marché (et de profit) préfère l'incompatibilité

de réseau" (switching costs) de plus ou moins grande ampleur lorsqu'ils décident de s'adresser à un autre opérateur. Si changer de marque de voiture n'engendre probablement pas en soi de coûts

significatifs, changer de standard technologique peut entraîner des coûts d'apprentissage, la mise au rebut d'équipements complémentaires ou une réorganisation de la production. Ces coûts, spécifiques aux externalités de réseaux, peuvent conduire à des inefficiences importantes dans les choix technologiques : si les agents valorisent fortement les effets de réseaux, alors ils peuvent choisir entre plusieurs technologies celle dont l'effet de réseau associé est le plus important, même si l'adoption d'une technologie concurrente serait en soi plus efficace. Ce phénomène explique l'importance que revêt, pour chaque offreur en concurrence, le développement d'une "base installée", c'est-à-dire d'un ensemble d'utilisateurs précocement attachés à son réseau. La plupart des stratégies mises en œuvre par les acteurs sur ces marchés sont dictées par la nécessité de s'assurer une base installée suffisamment large.

Ces deux premières propriétés - effets de clubs et externalités d'offre associées aux effets de clubs - sont à l'origine des effets "boule de neige" qu'engendrent généralement les réseaux : un nombre élevé de consommateurs durant les périodes de développement du service (une "base installée" importante) accroît la demande aux périodes suivantes - ce qui suscite éventuellement des externalités de demande - et accroît le nombre et la variété des offreurs - ce qui amène des externalités d'offre -. On conçoit donc l'importance de la dynamique de la tarification des biens ou des services offerts, en particulier dans les phases initiales de leur développement, pour le développement futur des réseaux.

Si le mécanisme des externalités d'offre est bien à l'œuvre dans la plupart des activités en réseau, il semble toutefois plus pertinent de combiner cette caractéristique avec une autre propriété particulièrement importante : le caractère de "bien système" que présentent la plupart des services. Dans la plupart des cas, un "bien réseau" (un déplacement ou une communication téléphonique par exemple) est la combinaison de plusieurs composantes élémentaires complémentaires. Cette structure est particulièrement évidente dans le transport aérien depuis la restructuration des réseaux selon le principe du "hub and spokes" : au lieu d'effectuer des trajets directs, les voyageurs sont généralement amenés à une plaque tournante (ou hub) et acheminés ensuite vers leur destination finale le long d'une "branche" (spoke) du réseau. Chaque segment du déplacement est alors vu comme une composante du déplacement complet. De la même manière, si un transporteur est autorisé à servir un réseau interurbain tandis que le réseau urbain est confié à un autre, un déplacement de centre ville à centre ville combine l'usage de portions de réseaux servies par des opérateurs différents. Dans les télécommunications, une communication interurbaine combine l'usage d'infrastructures locales et de segments "longue

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distance". Les différentes composantes du bien système constituent ainsi des marchés séparés (les conditions de concurrence peuvent ainsi y être différentes) mais dont l'interdépendance est forte, tant du côté de l'offre que du côté de la demande. Comme dans le cas des effets de réseaux engendrés par des externalités, le fonctionnement des marchés de biens systèmes est fortement dépendant du degré d'interconnexion qui relie les différentes composantes complémentaires. L'article de Matutes et Regibeau (1988) offre l'une des premières explorations du fonctionnement de ces marchés de biens systèmes, qui a par la suite donné naissance à une très abondante littérature(3). Plus récemment, Gilbert et Riordan (1995) s'intéressent explicitement au rôle de la régulation dans de tels marchés.

Les "biens systèmes", parce qu'ils résultent de la combinaison de plusieurs biens ou services élémentaires et complémentaires suscitent, comme la présence d' externalités, des stratégies spécifiques de la part des concurrents. Les comportements stratégiques sont alors liés aux interdépendances des marchés et non plus à l'exploitation des externalités de réseaux.

Dynamique de la concurrence et externalités de réseaux

La plupart des modèles de concurrence dans les réseaux sont de nature dynamique. Ils envisagent le déroulement de la concurrence comme un jeu séquentiel, au cours duquel les firmes choisissent d'abord le degré de compatibilité entre leurs produits puis se font concurrence en prix ou en quantités (voir par exemple Katz et Shapiro (1986) ou Farrell et Saloner (1986)). Nous retiendrons ce cadre d'analyse général.

Le caractère spécifique de la concurrence dans les marchés où des externalités d'offre ou de demande sont à l'œuvre tient essentiellement à l'existence d'effets "boule de neige" : puisque le nombre d'utilisateurs actuels ou anticipés détermine l'attractivité du réseau pour les consommateurs ultérieurs, la taille future du marché dépend de manière cruciale des conditions initiales de son développement. Dans la mesure où les choix technologiques qui découlent de l'adoption de tel ou tel bien réseau peuvent présenter un certain degré d'irréversibilité (en raison des "switching costs" subis par les consommateurs), la tarification mise en œuvre durant les périodes d'introduction du bien sur le marché ou lors de l'arrivée de nombreux consommateurs nouveaux détermine le sentier de développement futur du réseau. Les effets boule de neige peuvent aboutir à ce qu'un bien ou un service, socialement sous-optimal au sens où les coûts sociaux associés à son usage sont plus élevés que

ceux découlant d'une technologie concurrente, soit pourtant adopté parce que les utilisateurs sont d'abord sensibles à l'effet de réseau qui l'accompagne.

L'apparition de telles inefficiences dépend de manière cruciale de la faculté qu'ont les firmes de mettre en œuvre une tarification intertemporelle favorisant la capture précoce des consommateurs. Ainsi, un opérateur déjà installé sur le marché, dont les coûts unitaires sont aujourd'hui plus faibles, par exemple parce qu'il bénéficie d'économies d'apprentissage ou parce que ses coûts fixes sont déjà amortis, peut empêcher l'entrée sur le marché d'un opérateur dont la technologie serait demain plus efficace, mais qui est incapable aujourd'hui de soutenir une concurrence par les prix trop intense. Ces stratégies de tarification intertemporelles peuvent ainsi barrer l'entrée de concurrents efficaces.

Par ailleurs, la nature de la concurrence en prix qui prévaut une fois les choix technologiques effectués est étroitement liée aux décisions prises par les concurrents en matière de compatibilité. La raison de ce résultat est la suivante : si deux opérateurs produisent des biens incompatibles, il est crucial pour chacun d'eux de s'attacher le plus tôt possible une part importante de la demande. Les usagers d'un réseau donné subiront par la suite des coûts potentiels de changement de réseaux qui les dissuaderont de le quitter pour un autre et les rendront captifs du réseau en question. Dans le cas de réseaux incompatibles, on doit donc s'attendre à ce que la concurrence soit plus vive dans les premières périodes du développement du réseau et moins intense ensuite. L'encadré 2 propose une formalisation de cette idée(4).

Ce phénomène est internalise par les concurrents lors de l'étape du choix de compatibilité : les opérateurs auront tendance à produire des biens d'autant plus compatibles que les pertes liées aujourd'hui à une concurrence très forte sont grandes, et donc peu susceptibles d'être compensées par des bénéfices ultérieurs.

D'une façon générale, les résultats théoriques (voir Katz et Shapiro, 1985, 1986 ; Farrell et Saloner, 1986 ; Farrell et Shapiro, 1988) suggèrent que les opérateurs les plus "forts", en termes de parts de marché ou d'avantage technologique, sont incités à refuser la compatibilité de leur produits avec d'autres, tandis que les moins armés la recherchent. L'issue de ces décisions, en termes de degré de compatibilité des réseaux, dépend donc de la façon dont la compatibilité est atteinte : si celle-ci requiert le consensus, le veto des opérateurs les plus forts peut faire barrage à la compatibilité, ce qui n'est pas le cas si celle-ci peut être obtenue par une décision unilatérale.

Du côté des consommateurs, il est clair que toutes choses égales par ailleurs, une situation dans

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Encadré 2 : dynamique des prix dans les réseaux

On considère un modèle à deux périodes indicées par f(f=l,2)et deux biens indicés par i ( / = A, B). À chaque période, il y a un consommateur qui choisit d'acheter soit A, soit B. Le coût marginal de production du bien / à la période t est noté c \ et son prix p \. Si la taille du réseau / est xt , le surplus qu'en retire un consommateur achetant le bien à la date t est u(xi) = v(xi)—p\. On recherche les équilibres en prix du jeu dans lequel à la première étape, les firmes choisissent leurs prix pi (i = A,B), puis le consommateur de période 1 choisit d'acheter A ou B', observant l'histoire de la première étape, les firmes choisissent leurs prix de 2eme période p i (i = A,B)et le consommateur présent à cette période choisit d'acheter A ou B. "L'avantage de réseau" qu'offre sur sa concurrente la firme présente sur le marché à la date 1 au consommateur de période 2estr=v(2)-v(l). Une firme qui n'a pas vendu en période 1 doit donc, pour être présente en période 2, offrir au consommateur un avantage en prix qui compense son désavantage de réseau. Il est ainsi avantageux d'être présent très tôt sur le marché (si les biens sont incompatibles), et éventuellement pour cela, il peut être bénéfique de tarifer au-dessous du coût en première période pour se constituer un avantage de réseau qui permettra de pratiquer des prix plus élevés en période 2. Les configurations d'équilibre en prix dynamiques vont ainsi dépendre de la comparaison entre les avantages en coût et les avantages de réseaux de chacune des deux firmes.

Supposons par exemple que A ait un avantage en coût en période 1 tandis que B a un avantage en coût en

111 2 2 2 période 2, soit s = c B-cA>0 ets =c B — cA<0 (/) Considérons le cas de biens incompatibles. Si l'avantage de coût de B en période 2 est assez grand

2 pour compenser l'avantage de réseau (-s > r), B peut servir le marché en période 2 même s'il ne l'a pas servi en période 1. Sinon, B n'est présent en période 2 que s'il l'était déjà en période 1. Si l'avantage de réseau est grand, B peut donc avoir intérêt à capter le marché en première période en tarifant au-dessous de son coût : B peut ensuite exploiter la disponibilité à payer du consommateur de deuxième période puisque B offre un avantage de réseau est r. Ce type de stratégie de prix dynamique apparaît effectivement pour certaines configurations des avantages en coût (r > — s et 19 1 s +2s < 0 ou encore 3r > s ) : B remporte alors le

marché à chaque période en proposant en période 1 un prix p B inférieur à son coût de production c B. (ii) Si les biens sont compatibles en revanche, tout se passe comme si les deux firmes vendaient des biens homogènes : à chaque étape, la concurrence en prix se réduit à une concurrence à la Bertrand, au cours de laquelle la firme qui dispose de l'avantage en coût remporte le marché en tarifant au coût de l'autre. Aucune des deux firmes ne tarifant au-dessous de son coût, la concurrence est moins vive que dans le cas de biens incompatibles. Pour certaines valeurs des paramètres, cet effet prix négatif fait plus que compenser pour les consommateurs l'avantage de la compatibilité lié aux effets de réseaux.

laquelle tous les services sont compatibles est préférable, puisqu'elle permet à chacun de retirer les bénéfices des externalités de réseaux les plus larges. Mais comme le suggère la discussion précédente, la compatibilité peut réduire la concurrence en prix : le gain de la compatibilité doit donc tenir compte de ces deux effets partiels de sens opposés. Ce résultat invite donc à la prudence en matière d'incitation à la compatibilité de la part du décideur public. Si l'interconnexion des réseaux résulte des seules décisions privées des acteurs, alors les mécanismes décrits ci-dessus suggèrent que les comportements des agents sur les marchés de réseaux peuvent conduire à des solutions inefficaces en matière de choix technologiques (apparition d'un standard de facto). Mais l'adoption d'un standard ou l'interconnexion de réseaux peuvent également résulter d'une coordination organisée ou imposée par la puissance publique (standardisation de jure). Les actions de coordination menées par le régulateur devraient alors intégrer le fait que la compatibilité n'est pas nécessairement optimale si les offreurs se font ensuite concurrence par les prix.

L'ensemble de ces résultats peut être illustré par de nombreux exemples et comporte des implications

importantes pour les interventions publiques dans un contexte de déréglementation.

Tout d'abord, ces effets externes sont bien à l'œuvre dans la plupart des services en réseaux. Ainsi, dans le domaine des transports le fait que la plupart des utilisateurs de transport adoptent un même mode tend à favoriser l'extension des infrastructures et la multiplication des services associés à ce mode : ces externalités d'offre induisent elles-mêmes un nouvel accroissement de la demande, etc. Il en va de même dans le domaine des télécommunications. Ces activités portent donc en germe le risque que les effets boule de neige aboutissent à des choix collectifs sous-optimaux et assez irréversibles à court terme.

Ensuite, on peut interpréter comme une illustration de ce qui précède certaines évolutions passées des réseaux. Dans le cas de la concurrence opposant la route au rail dans le transport de marchandises par exemple, l'histoire des quinze dernières années atteste de l'érosion progressive de la part du rail au profit de la route. Parallèlement, le maintien à un niveau très faible de la taxe à l'essieu, qui s'interprète comme le prix de 1"' abonnement" au

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réseau routier pour les poids lourds, peut être vu comme l'origine d'effets boule de neige liés à la capture du trafic. Ce phénomène reflète plus qu'un simple effet de substitution entre modes lié à une modification de leurs prix relatifs : il s'est en effet accompagné d'une extension massive des infrastructures routières à l'origine d'effets de réseaux et de nouvelles régressions du réseau ferré.

Une autre illustration bien connue de l'effet de la tarification de développement d'un réseau est offerte par le Minitel : offert d'abord gratuitement aux usagers qui ont constitué la "base installée" du réseau, le Minitel a suscité une arrivée massive de services qui l'ont ensuite rendu plus attractif pour les nouveaux utilisateurs. La disponibilité à payer pour ce nouveau produit s' accroissant du fait de la valorisation des effets de réseau, le Minitel a ensuite été loué à un prix positif aux utilisateurs. La sous-tarification de l'accès au réseau dans un premier temps a contribué à son développement ultérieur.

Ces exemples illustrent une recommandation plus générale en matière de tarification des services en réseaux : si l'efficacité technologique requiert le choix d'une technologie plutôt qu'une autre, parce que les coûts associés à cette technologie sont plus faibles, alors il conviendrait d'en "subventionner" le développement au démarrage, de manière à engendrer une base installée rendant cette technologie plus attractive ensuite, quitte à augmenter ultérieurement le prix du bien. Inversement, de telles stratégies intertemporelles de tarification peuvent être à l'origine de comportements de barrières à l'entrée inefficaces : un opérateur de réseau installé, offrant une technologie moins efficace que des technologies concurrentes mais nouvelles, peut capturer une part importante du marché présent en proposant une tarification très faible de ses services. Si les consommateurs captifs jugent trop élevés les coûts de changement d'opérateur, l'économie peut se trouver "verrouillée" dans une technologie inefficace (phénomènes dits de "lock m")(5). Ces arguments peuvent alors justifier une certaine régulation des tarifs dans ces activités, de façon à favoriser l'entrée effective de concurrents sur le marché et surtout à éviter des choix technologiques inefficaces. Dans le cas de tarifs binômes, plus adaptés aux biens réseaux que des tarifs linéaires, il reste encore à déterminer quelle composante du coût (fixe ou variable) devrait être subventionnée ou taxée. Dans le cas du minitel cité plus haut, c'est par la réduction de l'abonnement que l'effet d'entraînement a été atteint. Ceci traduit un résultat plus général : si l'émergence d'un effet de réseau repose sur l'adoption massive d'une technologie et sur le fait que le changement de technologie est coûteux pour les agents, alors c'est bien le nombre d'utilisateurs qu'il faut tenter d'accroître, et non l'intensité de l'usage du réseau ; cet objectif peut être atteint par une réduction de la partie fixe du tarif binôme.

À l'inverse, si l'on veut décourager l'entrée sur un réseau au profit d'un autre, il convient d'accroître la partie fixe du tarif. Dans un cadre intertemporel, les pertes engendrées par une telle tarification sont susceptibles d'être compensées ultérieurement par l'augmentation de la disponibilité à payer des consommateurs futurs.

Ces recommandations tarifaires ignorent jusqu'ici la possibilité de congestion et d'autres nuisances engendrées par les réseaux. Ce problème intervient à deux étapes : d'une part, ces diverses externalités caractérisent en partie la qualité de chaque technologie, et leur prise en compte devrait donc intervenir dans le calcul des subventions ou des taxes destinées à encourager ou à décourager l'accès au réseau. Mais d'autre part, ces nuisances sont liées à l'intensité de l'usage qui est fait de chaque réseau et leur taxation devrait donc passer essentiellement par une tarification liée à cette intensité. Dans le cas d'un tarif binôme (partie fixe et prix unitaire), la prise en compte des externalités négatives devrait donc intervenir de deux façons : - d'une part dans le calcul de la charge fixe, celle-ci devant résulter de l'arbitrage entre les effets de réseaux positifs, qu'il convient d'encourager, et les externalités négatives qui réduisent la qualité de la technologie ; - d'autre part dans le calcul du prix unitaire, qui permet d'internaliser les nuisances.

Dans le domaine des transports, une taxation sur les carburants (comme la TIPP) ou des subventions à l'achat de véhicules moins polluants peuvent être utilisées pour internaliser les externalités de pollution. Dans tous les secteurs, c'est sur la modulation temporelle des prix que devrait reposer l'internalisation des externalités de congestion.

Quelques conclusions qualitatives peuvent être tirées de ce qui précède. Tout d'abord, la présence d' externalités de réseaux, positives et/ou négatives, requiert une multiplicité d'instruments tarifaires, de façon à répondre à des objectifs complexes. Surtout, la tarification mise en œuvre devrait prendre en compte deux types de problèmes. D'une part, les effets de réseau constituent des externalités dont il convient d'internaliser les effets de façon intertemporelle. D'autre part, les entreprises prennent leurs décisions de compatibilité, généralement plus irréversibles que les stratégies de tarification, en intégrant leurs implications pour la concurrence en prix ultérieure. Les gains à attendre de la compatibilité, aussi bien sur le plan collectif que privé, doivent donc être évalués en tenant compte des incidences du degré de compatibilité sur l'intensité de la concurrence en prix qui en découle. Des interventions publiques destinées à promouvoir la compatibilité des réseaux devraient ainsi anticiper les effets futurs du régime de compatibilité, en terme de tarification notamment.

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Les réseaux vus comme des biens systèmes

La plupart du temps, l'usage final d'un bien réseau apparaît comme la combinaison de composantes élémentaires et complémentaires. Une communication téléphonique ou l'usage de l'énergie électrique peuvent emprunter à la fois un réseau interurbain et un réseau local. Dans la mesure où tous ces segments élémentaires sont compatibles - au sens où ils sont éventuellement offerts par des agents différents, leur combinaison étant néanmoins possible - la tarification de chacune de ces composantes a des incidences sur la demande qui s'adresse à n'importe lequel des segments complémentaires. Plus précisément, toute modification de la tarification sur un segment du réseau modifie la demande qui s'adresse à l'ensemble des services faisant intervenir ce segment. Ces interactions entre les différentes composantes des biens systèmes engendrent plusieurs questions théoriques importantes. D'une part, la problématique des "charges d'accès" examine la manière dont les composantes aval interconnectées à un réseau amont devraient être tarifées. D'autre part, la littérature maintenant classique sur les marchés de biens systèmes met en avant les effets parfois paradoxaux des interdépendances d'offre et de demande sur la dynamique de la concurrence. Enfin, la structure propre aux biens systèmes conduit à s'interroger sur le degré d'intégration verticale qui devrait prévaloir dans ce type d'activité .

La problématique des charges d'accès Issus initialement des questions posées par la déréglementation du secteur des télécommunications, de nombreux travaux s'intéressent à la tarification d'une infrastructure amont à des concurrents situés en aval qui éventuellement viennent concurrencer l'activité aval de l'opérateur d'infrastructure.

Typiquement, dans ces modèles, le service final offert au consommateur incorpore d'une part l'usage d'une infrastructure, dont la gestion et la construction sont confiées à un monopole public ou à un monopole privé régulé et, d'autre part, des services intermédiaires fournis sur un marché concurrentiel où le monopole intervient lui-même comme offreur de services. Le service final apparaît ainsi comme un bien système, puisqu'il combine l'usage de l'infrastructure et celui d'autres biens ou services complémentaires situés en aval(7). Dans cette mesure, les concurrents du secteur aval, doivent participer au financement de l'infrastructure amont. Toutefois, si on juge que le marché aval doit fonctionner sur un mode concurrentiel, il convient de ne pas introduire de distorsions entre les concurrents et en particulier entre le coût de l'usage de l'infrastructure par l'activité aval du monopole et par les concurrents de celui-ci.

La tarification de l'infrastructure ou charge d'accès doit donc respecter plusieurs exigences : les coûts d'infrastructure doivent être couverts ; la tarification ne doit pas introduire trop de distorsions entre les concurrents ; la charge d'accès doit inciter les opérateurs à choisir les technologies efficientes et éviter les problèmes de contournements(8) {by pass) ; la charge d'accès doit aussi permettre éventuellement de compenser pour l'opérateur amont, les charges liées aux obligations de service universel ; enfin, la charge d'accès doit produire les bonnes incitations à l'effort en vue de la réduction des coûts.

Une littérature déjà ancienne s'intéresse à certains de ces points ; la question de la charge d'accès y est envisagée comme un problème d'allocation des coûts joints dans une activité multiproduit : il ne s'agit donc pas d'une approche spécifique au caractère de réseaux des activités en cause.

Les travaux plus récents de Laffont et Tirole (1994), au contraire, proposent une première formalisation du problème d'asymétrie d'information dans un contexte de bien système. L'ouvrage de Baumol et Sidak (1994), quant à lui, développe une approche de second rang.

Ces contributions retiennent le cadre d'analyse d'un monopole à deux "étages" : en amont, une partie du monopole gère l'infrastructure ; l'accès à celle-ci fait l'objet d'une tarification spécifique à une frange concurrentielle qui vient concurrencer l'activité aval du monopole(9). La tarification envisagée est linéaire.

Laffont et Tirole adoptent une optique purement normative : le régulateur détermine l'ensemble de la tarification sur les différentes composantes du réseau (charge d'accès et prix des services situés en aval). Au problème de la tarification du réseau aux concurrents s'ajoute la nécessité d'inciter le monopole à entreprendre les efforts adéquats d'amélioration de sa productivité et à révéler ses véritables coûts de production. Sous certaines conditions, la charge d'accès optimale découle d'une règle de Ramsey-Boiteux, préconisant une tarification de l'accès au réseau d'autant plus éloignée de son coût marginal d'usage que la super-élasticité de la demande de service est faible.

À partir de ce modèle de base, diverses extensions peuvent venir affiner l'analyse. En particulier, la question du contournement des réseaux (ou "by pass") peut revêtir une importance particulière. Le problème du "by pass" est le suivant : si la charge d'accès nécessaire à la couverture des coûts d'infrastructure est trop lourde, les acteurs du secteur concurrentiel aval ont intérêt à se tourner vers d'autres réseaux. Le cas d'école, dans le domaine des télécommunications est l'usage de la radio ou des satellites en substitution au réseau de téléphone. Le problème du décideur public est alors de veiller à ce que des technologies inefficaces ne

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se trouvent pas encouragées du fait d'une tarification trop lourde de l'accès au réseau (voir Curien, Julien, Rey, 1994): Ce risque pèse d'autant plus que les effets de réseaux engendrent des coûts de changement technologique (switching costs) importants et que toute "erreur" aujourd'hui comporte des effets boule de neige à long terme. Pour toutes ces raisons, des prix linéaires s'avèrent ici encore sous-optimaux. Si on ne dispose que d'un instrument tarifaire unique (la charge d'accès), celui-ci ne peut réaliser qu'un compromis insatisfaisant entre d'une part la couverture des coûts fixes, à laquelle il est primitivement destiné, et d'autre part les incitations au choix de la technologie la plus efficace.

Cette contrainte supplémentaire conduit donc à préconiser une double tarification : l'une doit servir à financer les coûts fixes d'infrastructure, l'autre à tarifer l'accès. Cette deuxième composante pouvant dès lors s'approcher du coût marginal, elle conduirait aux choix technologiques adéquats par les agents (abstraction faite des problèmes de congestion qui doivent faire l'objet d'une autre tarification encore).

Enfin, un dernier aspect est lié encore une fois aux effets de réseaux sur le marché des services aval : si des externalités de clubs se manifestent à cet " étage" , alors on sait qu'il faut veiller à ce que le nombre d'offreurs de services ne soit pas trop grand, ce qui aurait pour conséquence de "diluer" les effets de réseau en restreignant le nombre d'utilisateurs de chacun des services. La charge d'accès doit alors tenir compte de cet arbitrage : la diversité des services doit être suffisante (et donc le nombre de concurrents assez grand) mais pas trop forte afin de conserver un caractère attractif au réseau si des externalités de demande sont à l'œuvre.

Baumol et Sidak (1994) développent une approche plus positive de la determination de la charge : celle-ci n'y est pas déterminée par le régulateur (à qui devrait être accessible une quantité d'information selon eux trop importante) mais par l'opérateur d'infrastructure. L'hypothèse selon laquelle l'ensemble des prix des services serait déterminé par le régulateur est elle-aussi abandonnée( . La règle proposée, appelée "Efficient Component Pricing Rule" (ECPR) se borne à définir la charge d'accès optimale pour des prix de service donnés et exogènes. La charge d'accès optimale est alors la somme du coût incrémental moyen(I1) et du coût d'opportunité subi par l'opérateur12). Comment peut-on évaluer une telle règle ? Dans la mesure où la tarification ECPR permet de compenser la perte de l'opérateur en place du fait de l'entrée du concurrent, le profit de l'opérateur reste inchangé et laisse l'opérateur indifférent à l'entrée du concurrent : le déficit lié aux opérations de service universel est ainsi comblé. Par ailleurs, la règle ECPR conduit à ne laisser rentrer que les concurrents plus efficaces que l'opérateur, mais en revanche, elle n'incite le

concurrent qu'à tarifer juste en-dessous du prix de l'opérateur, même si les coûts lui permettraient de pratiquer des prix inférieurs. Les hypothèses qui assurent l'optimalité de la règle ECPR sont celles d'un marché parfaitement contestable, ce qui assure que le prix pratiqué par l' opérateur avant l' ouverture à la concurrence est un prix concurrentiel : si tel n'est pas le cas, alors la règle ECPR n'est pas optimale. Ergas et Ralph (1994) montrent ainsi que certains mécanismes simples de tarification dominent la règle de Baumol et Sidak.

Ces deux approches, toutefois, adoptent essentiellement le point de vue qui devrait être celui du décideur public. Des travaux récents (voir Flochel, 1995) s'intéressent aux comportements stratégiques d'un opérateur d'infrastructure qui détermine lui-même la charge d'accès à son réseau, la concurrence en prix sur le marché aval se déroulant à une étape ultérieure : dans ce modèle, où les services aval offerts par l'opérateur et par le concurrent sont différenciés horizontalement, plusieurs configurations d'équilibre peuvent apparaître, selon la valeur des coûts des différentes composantes du réseau. En particulier, dans certains cas, l'opérateur peut avoir intérêt à ne pas dissuader l'entrée du concurrent, et donc à ne pas imposer une charge d'accès trop élevée. En effet, l'entrée du concurrent suscite un accroissement de demande qui profite aussi à l'opérateur : celui-ci récupère une partie du profit induit par le biais des recettes liées à la charge d'accès. Ainsi, la tarification de l'accès au réseau ne conduit pas toujours l'opérateur à bloquer l'entrée des concurrents. Flochel et Baranès (1995) reprennent ce problème dans un cadre de différenciation verticale(13).

Les questions relatives à la détermination de la charge d'accès sont donc importantes à un double titre : d'abord, il s'agit d'un domaine dans lequel l'intervention du régulateur est parfois (mais pas toujours) souhaitable pour permettre l'entrée de concurrents ; ensuite, les modalités de détermination de la charge d' accès ont une incidence sur le nombre, la qualité et la variété des services offerts en aval. Des recherches ultérieures devraient permettre d'approfondir ces différents aspects dans des situations concurrentielles variées.

Concurrence en prix et biens systèmes

Un résultat important sur la concurrence en prix dans les biens systèmes, démontré par Matutes et Régibeau (1988), est le suivant : lorsque plusieurs producteurs fabriquent les différents composants d'un bien système, ces composants étant compatibles et pouvant donc être combinés entre eux, les incitations à la concurrence en prix sont réduites par rapport au cas où ces producteurs fabriquent des composants incompatibles et offrent donc chacun un système complet. Cette proposition peut être approchée intuitivement de façon assez simple.

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Appelons X(j un bien système dans lequel la première composante est produite par le producteur i et la deuxième par le producteur j.

Si les biens sont incompatibles, il n'existe que deux systèmes : Xu et X^ . Si les composants sont compatibles, deux systèmes nouveaux apparaissent : Xtj et Xjt . Les variétés de biens accessibles aux consommateurs sont donc plus nombreuses, ce qui, toutes choses égales par ailleurs, augmente leur bien-être. Comme dans le cas des externalités de réseaux, mais pour des raisons différentes, ce gain peut être contrebalancé par des effets-prix négatifs. Dans un monde de systèmes incompatibles, en effet, chaque baisse de prix pratiquée par un offreur (i ou j) sur une quelconque des deux composantes qu'il produit est entièrement répercutée dans la demande qui s'adresse à son système, dans une proportion qui dépend de l'élasticité de la demande. Si les biens sont compatibles, au contraire, chaque baisse de prix d'une composante offerte par le producteur i réduit le prix de tous les systèmes qui intègrent cette composante. Ainsi, si le producteur / réduit le prix de la première composante du système, ceci augmente non seulement la demande qui s'adresse au système Xu mais aussi celle qui s'adresse au système X{j : le producteur,/ en profite donc aussi, puisqu'il voit la demande pour la deuxième composante qu'il produit augmenter. Comme les bénéfices liés à une concurrence par les prix intenses ne sont pas entièrement récupérables, les offreurs sont moins incités à se faire concurrence par les prix qu'ils ne le sont dans le cas d'incompatibilité des produits. Pour les consommateurs, ceci conduit donc à une baisse de surplus qui peut plus que compenser les gains liés à la plus grande diversité des produits.

Les conséquences de ce mécanisme ont été étudiées, sous des angles variées, dans le cas du transport aérien(14) : en effet, la restructuration des réseaux aériens en "hub and spokes" a transformé beaucoup de trajets autrefois directs en "biens systèmes", les deux composantes complémentaires du voyage étant alors assimilées aux deux trajets élémentaires réalisés autour de l'escale au hub. La plupart des travaux sur ce thème concluent effectivement que cette organisation des réseaux est susceptible de conduire à des prix plus élevés, parce que les compagnies aériennes ne se trouvent pas incitées à se concurrencer trop durement par les tarifs. Dans ce cas particulier toutefois, il ne faut pas conclure de manière hâtive que l'incompatibilité des réseaux de chacune des compagnies restaurerait une concurrence en prix plus intense et donc meilleure du point de vue collectif, au moins pour deux raisons : d'abord, les comportements des consommateurs révèlent une sensibilité très grande à la diversité des horaires offerts et l'effet positif dû à la plus grande diversité de l'offre plaide plutôt en faveur d'une compatibilité des réseaux. Ensuite, les réseaux étoiles conduisent souvent à des positions

de monopole aux aéroports. Ces positions dominantes permettent aux compagnies d'exercer un contrôle absolu sur une ressource rare (les créneaux aéroportuaires) et l'exploitation de ce pouvoir de marché renchérit considérablement le prix du transport aérien(15). Le "yield management" qui permet aux compagnies aériennes d'optimiser leur tarification et leurs coûts sur l'ensemble de leurs réseaux constitue un exemple privilégié d'application de ces principes à la tarification des biens systèmes.

Dans un monde économique "idéal", l'influence d'une modification de tarif sur un segment de réseau devrait être ainsi appréhendée sur l'ensemble des autres segments, complémentaires ou substituables. En outre, encore une fois, l'évaluation des bienfaits collectifs de la compatibilité doivent être estimés en intégrant ses effets sur la tarification ultérieure des biens. Cette recommandation est sans doute difficile à mettre en pratique, mais la prise en compte des interactions de l'offre et de la demande des différentes composantes des biens systèmes devrait néanmoins conduire à anticiper certains effets a priori paradoxaux liés aux modifications de la tarification.

L'introduction de la qualité des services et l'intégration verticale Un autre développement de l'économie des réseaux concerne le degré d'intégration qui devrait prévaloir sur des marchés utilisant verticalement une infrastructure et d'autres types de services afin de produire un bien ou un service final.

Récemment, autorités en charge de la concurrence et théoriciens ont plutôt plaidé en faveur d'une désintégration verticale, interdisant parfois au monopole gestionnaire de l'infrastructure d'intervenir sur le marché final. Certaines contributions récentes(16) de l'économie des réseaux permettent toutefois de relativiser ce point de vue. Elle s'appuient sur les résultats mentionnés précédemment et comparent diverses formes de propriété et de contrôle pouvant s'exercer dans des biens réseaux. Surtout, ces analyses tiennent compte de la qualité des services finals offerts aux consommateurs : les opérateurs offrant les services se font concurrence par la qualité dans une première étape, puis par les prix. Pour fixer les idées, imaginons un réseau de télécommunications comportant à la fois une partie interurbaine et une partie urbaine. Doit-on organiser ce réseau en laissant le même opérateur servir l'ensemble du réseau, ou serait-il préférable de désintégrer verticalement les deux composantes ? Doit-il y avoir concurrence entre plusieurs opérateurs, ou certains segments du réseau doivent-ils être confiés à un monopole ?

Quelques résultats préliminaires peuvent alors être avancés : - la qualité du réseau et le surplus global sont plus élevés, et les prix sont plus faibles, lorsqu'il existe

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un opérateur verticalement intégré offrant l'ensemble du système. Si l'on applique ce résultat à notre exemple, en d'autres termes, il est collectivement avantageux que soit présente sur le marché une structure verticale assurant à la fois les communications interurbaines et urbaines : cette structure pratiquera des prix plus bas et choisira une meilleur qualité de service que si les deux segments étaient offerts par deux opérateurs différents ; - une concurrence efficace ne peut être viable lorsqu'il existe un goulot d'étranglement provoquant de la congestion. Pour préserver la concurrence en aval, les prix d'accès au goulot d'étranglement devraient être réglementés.

Cette situation est particulièrement bien illustrée par le cas de la congestion aéroportuaire : certaines compagnies détiennent une position de monopole dans certains aéroports qui empêche l'accès des créneaux aéroportuaires aux concurrents, leur interdisant alors de desservir certaines liaisons même dans le cas d'un marché du transport aérien déréglementé. Le résultat suggère que l'accès aux créneaux aéroportuaires devrait alors être réglementé, plutôt que livré au seul jeu concurrentiel, si l'on veut assurer une concurrence effective sur les services de transport eux-mêmes. Ainsi, les mécanismes d'enchères qui ont parfois été proposés pour pallier l'abus de position dominante sur les créneaux semblent être particulièrement sensibles aux phénomènes de collusion.

- Une concurrence entre plusieurs producteurs intégrés accroît le bien-être vis-à-vis d'une situation de monopole : la qualité et la variété des services offerts augmente, les prix baissent.

En d'autres termes, la présence d'un opérateur intégré en monopole ne suffit pas à garantir l'efficacité collective de l'activité. La concurrence d'autres structures, intégrées verticalement elles aussi, améliore le bien-être par rapport à une situation de monopole.

- Lorsque plusieurs structures intégrées se font concurrence, il n'y a pas de gains à attendre d'une interconnexion des services, c'est-à-dire de la compatibilité des composantes élémentaires du système entre elles.

Il est préférable que deux structures intégrées, offrant chacune la totalité du service, ne rendent pas leurs services compatibles. Bien sûr, ceci accroîtrait toutes choses égales par ailleurs la variété des services offerts, mais a aussi pour conséquence de réduire les incitations à la concurrence en prix. On retrouve ici un résultat déjà rencontré dans le cas des externalités de réseaux : le régime de compatibilité n'est pas toujours socialement bénéfique puisqu'il induit une concurrence en prix moins intense que celle qui prévaut dans des réseaux non compatibles. Comme précédemment, le régulateur devrait tenir compte de ces effets pervers avant d'entreprendre des actions en faveur de la compatibilité.

Conclusion

II est difficile de tirer de ce qui précède des conclusions générales. La raison de cette prudence tient d'ailleurs, en partie, à l'une des recommandations de l'économie des réseaux : le mode de tarification optimal et la structure de marché adéquate dépendent à la fois de la configuration du réseau, de l'ampleur des effets externes aussi bien positifs (effets de clubs, externalités d'offre) que négatifs (congestion, nuisances) et du degré d'interdépendance des marchés des composantes élémentaires dans le cas des biens systèmes.

On peut tout de même avancer quelques principes qui devraient prévaloir si la dimension de bien-réseau devait être prise en compte dans les débats sur la nature de la régulation dans ces secteurs. Il convient, tout d'abord, de disposer d'une multitude d'outils tarifaires si l'on veut atteindre simultanément des objectifs d'efficacité dans les choix technologiques, de réduction des nuisances (encombrement, pollution) et permettre le développement des externalités positives liées aux effets de réseaux. C'est ainsi qu'une "bonne" tarification devrait à la fois subventionner l'accès des consommateurs au réseau technologiquement le plus efficace afin de favoriser les effets de clubs ou d'offre, réguler les nuisances, faciliter l'accès de nouveaux concurrents. Généralement, ces objectifs multiples ne peuvent être atteints par le biais d'une tarification linéaire et il convient alors d'envisager des tarifications plus complexes, combinant des taxes et des tarifs binômes par exemple. Ensuite, l'interconnexion des réseaux engendre d'autres problèmes : toute modification de la tarification sur un segment de réseau affecte le fonctionnement des segments complémentaires ou substituables. Si les élasticités de la demande sont importantes, les déplacements de demande le seront aussi. En particulier, l'ouverture à la concurrence d'un segment donné d'un réseau devrait modifier considérablement les conditions de la concurrence sur les autres segments interconnectés. La compatibilité ou l'interconnexion des réseaux, a priori favorables au bien-être collectif, peuvent voir leurs effets bénéfiques annihilés par une concurrence en prix peu intense. Cet effet est susceptible de se manifester aussi bien pour les biens dégageant des externalités de réseaux que dans les marchés de biens systèmes et devrait donc être correctement anticipé par le régulateur si celui-ci doit intervenir dans les choix technologiques, en particulier dans le but de promouvoir un degré plus élevé de compatibilité des services. Enfin, concernant l'organisation de l'offre, certains apports de l'économie des réseaux viennent relativiser la portée des arguments libéraux souvent avancés dans ce domaine. Il n'y a là rien d'étonnant

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dans la mesure où les effets de réseaux sont générateurs d'externalités, tant du côté de l'offre que de la demande, pour lesquelles on sait que le marché remplit mal sa fonction régulatrice. Cette remarque a d'autant plus de pertinence que les effets réseaux sont importants ou qu'il existe des goulots d'étranglement dans l'accès à une ressource.

L'économie industrielle trouve dans l'économie des réseaux un champ d'application particulièrement riche. Les résultats obtenus jusqu'ici dans ce domaine soulignent que les stratégies mises en œuvre sur les marchés de biens réseaux sont complexes, et aboutissent souvent à des situations inefficientes, tant en matière d'entrée sur les marchés que de tarification, de choix technologiques ou de choix de produits. Certains de ces résultats peuvent a priori paraître paradoxaux au regard des effets attendus des mouvements de déréglementation en cours. Leur compréhension peut ainsi utilement enrichir la réflexion sur l'ouverture à la concurrence dans les réseaux et permettre aux autorités de tutelle de mieux cibler la nature de leurs interventions.

Notes

(1) Voir sur ce thème l'ouvrage de référence de Laffont et Tirole (1993). (2) Quelques revues de littérature sur l'économie des réseaux existent par ailleurs; voir par exemple Perrot (1993), Katz et Shapiro (1994), Besen et Farrell (1994) ou Liebowitz et Margolis (1994). (3) Voir Einhorn (1992) pour une analyse des marchés de biens systèmes à la Matutes et Régibeau dans un contexte de différenciation verticale. (4) Pour plus de détail, se reporter à Perrot (1993). (5) Sur les phénomènes de lock-in et la possibilité d'équilibres multiples que présentent ces situations, voir par exemple Arthur (1989). (6) Voir Amiel et Rochet (1987) pour une introduction des externalités négatives dans le cadre d'un modèle de concurrence entre réseaux. (7) Voir Henriet et Voile (1987) pour une première approche de cette structure dans le secteur des télécommunications. (8) Certains travaux, comme ceux de l'OCDE (1995), suggèrent néanmoins que dans le secteur des télécommunications, les gains engendrés par une concurrence accrue sur les infrastructure permettraient de compenser les pertes liées au bypass et à la duplication des coûts. (9) Bien entendu, cette situation pose une fois de plus le problème de l'asymétrie d'information entre le monopole (qui, en principe, connaît ses propres coûts mieux que quiconque) et les concurrents situés en aval. Nous laissons de côté ici les aspects purement incitatifs de la question. (10) Sur le plan théorique, de nombreux travaux suggèrent que lorsque l'opérateur fixe lui-même la charge d'accès, il ne choisit pas nécessairement d'évincer les concurrents. Voir par exemple Flochel (1995). (1 1) Coût additionnel subi par l'opérateur du fait de l'usage du réseau par un concurrent. (12) C'est-à-dire la perte de profit de l'opérateur induite par un détournement de la demande par le concurrent du fait de son entrée. (13) Voir aussi Démange et Henriet (1987) pour un modèle avec services différenciés verticalement. (14) Voir Encaoua, Moreaux, Perrot (1995). (15) Voir sur ce point l'article de Borenstein (1989), qui montre que les augmentations de prix dues aux "positions aéroportuaires dominantes" peuvent plus que compenser les baisses de coûts liées au système des hubs. (16) Voir par exemple, Economides N. et White L. (1993), Economides N. et Lehr W. (1994), ou encore Economides N. (1994). Gilbert et Riordan (1995) analysent la question de l'intégration verticale dans un contexte d'asymétrie d'information.

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