Les Phases Structurantes de l'Enfance Et de l'Adolescence

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Les phases structurantes de l'enfance et de l'adolescence Patrick Juignet, Psychisme, 2011. Le psychisme humain se construit progressivement depuis l’enfance jusqu’à l’âge adulte. On peut décrire cette construction selon quelques grandes phases évolutives. Par rapport aux stades classiques, nous proposons ici une approche plus synthétique et plus dynamique en considérant quelques grandes phases évolutives, qui aboutissent à des modifications structurelles du psychisme, caractéristiques du type de personnalité qui se dessine. Ces phases permettent de bien cerner la psychogenèse au sens propre, c'est-à-dire la structuration du psychisme résultant de l’évolution de l'enfant dans l'environnement familial. Ces phases structurantes sont au nombre de cinq. Nous parlons de « phases » et non de stades, car il s’agit de processus dynamiques repérables par rapport à aux acquisitions qu'ils permettent. PLAN DE L'ARTICLE 1. Phase précoce 2. L'individuation et la première triangulation 3. L'autonomisation, l’adaptation et la maîtrise 4. La sexuation et l’œdipe 5. La phase de reprise et d’achèvement Conclusion 1. Phase précoce et structuration primitive Au début la vie est autocentré et symbiotique avec la mère. Il y a un autoérotisme pur, sans objet identifié avec recherche automatique du plaisir et fuite du déplaisir. Il n’y a pas d’individualité mais un vécu flou. À cette phase précoce commence la mise en place des fonctions de contrôle et de représentation primitive. Le fonctionnement psychique est de type archaïque avec la mise en place de l'opposition entre le plaisir et le déplaisir (souffrance). Puis, se constituent des proto-objets, liés à des imago partielles du corps maternel. La structuration primitive du psychisme associe la différenciation plaisir/déplaisir et permet la constitution des proto-objets bon et mauvais, qui eux-mêmes polarisent les pulsions libidinales et agressives. Tout est centré sur la nutrition, c'est le stade oral. Il n'y a pas d'individuation. L'enfant se confond avec son environnement. Contrairement à la tradition freudienne, nous ne qualifions pas de "narcissique" le stade primitif d'indifférenciation. En effet,

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Les Phases Structurantes de l'Enfance Et de l'Adolescence

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  • Les phases structurantes de l'enfance et de l'adolescence

    Patrick Juignet, Psychisme, 2011.

    Le psychisme humain se construit progressivement depuis lenfance jusqu lge adulte. On peutdcrire cette construction selon quelques grandes phases volutives. Par rapport aux stades classiques,nous proposons ici une approche plus synthtique et plus dynamique en considrant quelques grandesphases volutives, qui aboutissent des modifications structurelles du psychisme, caractristiques dutype de personnalit qui se dessine.

    Ces phases permettent de bien cerner la psychogense au sens propre, c'est--dire la structuration dupsychisme rsultant de lvolution de l'enfant dans l'environnement familial. Ces phases structurantessont au nombre de cinq. Nous parlons de phases et non de stades, car il sagit de processusdynamiques reprables par rapport aux acquisitions qu'ils permettent.

    PLAN DE L'ARTICLE

    1. Phase prcoce2. L'individuation et la premire triangulation3. L'autonomisation, ladaptation et la matrise4. La sexuation et ldipe5. La phase de reprise et dachvementConclusion

    1. Phase prcoce et structuration primitive

    Au dbut la vie est autocentr et symbiotique avec la mre. Il y a un autorotisme pur, sans objetidentifi avec recherche automatique du plaisir et fuite du dplaisir. Il ny a pas dindividualit mais unvcu flou. cette phase prcoce commence la mise en place des fonctions de contrle et dereprsentation primitive.

    Le fonctionnement psychique est de type archaque avec la mise en place de l'opposition entre le plaisiret le dplaisir (souffrance). Puis, se constituent des proto-objets, lis des imago partielles du corpsmaternel. La structuration primitive du psychisme associe la diffrenciation plaisir/dplaisir et permetla constitution des proto-objets bon et mauvais, qui eux-mmes polarisent les pulsions libidinales etagressives. Tout est centr sur la nutrition, c'est le stade oral.

    Il n'y a pas d'individuation. L'enfant se confond avec son environnement. Contrairement la traditionfreudienne, nous ne qualifions pas de "narcissique" le stade primitif d'indiffrenciation. En effet,

  • lindividuation, qui sur le plan mtapsychologique correspond la constitution du soi, institue unefranche rupture avec ce stade. A la limite on pourrait parler de proto-narcissisme dans la mesure oune individuation somatique se met en place, de mme qu'une distinction trs partielle et progressived'avec l'environnement vers la fin de cette phase.

    La prescription de sortir de l'indiffrenciation primitive, joue un rle chez les parents, et toutparticulirement chez la mre, en guidant leurs attitudes vis--vis de l'enfant. Elle produit des effets eninstaurant une distance entre la mre et l'enfant. Il est en effet d'emble prescrit que la satisfaction ducorps corps mre-enfant connat une limite et aura une fin.

    2. Phase d'individuation et premire triangulation

    Commenant vers cinq six mois, elle aboutit vers deux ans. La prsence d'un tiers, sous la forme dupre, favorise lindividuation (voir l'article : Le rle du pre). Limago de soi et celle du du semblablehumain se forment. Cette phase permet l'unification du corps propre ; il pourvoit l'enfant d'une limiteet d'une identit qui le diffrencie des autres.

    Cest la fin du stade oral, amene par le sevrage, qui entrane des frustrations pulsionnelles. Commeprcdemment, la prescription de sparation, le projet d'autonomie, aident la mre sevrer l'enfant. Lasatisfaction orale de tter est moins frquente, puis stoppe. La frustration qui en rsulte est forte mais,le gain est important : c'est la dfusion, l'individuation et le dtournement de la pulsion orale vers unautre usage : la parole. L'apprentissage de la nourriture solide, selon un certain rituel (qui interdit depatouiller, dtruire, jeter la nourriture, etc.), confronte l'enfant des interdits et prescriptions quicanalisent la pulsion orale. Si c'est bien conduit l'effet positif est majeur, cette phase ducative vaapaiser l'avidit : bien que limite et canalise, la pulsion orale trouve quand mme satisfaction. Il n'y adonc pas d'alarme et une temprance peut s'installer. Du stade oral russi nat un sentiment descurit, un optimisme et une bonne insertion dans un monde ressenti comme accueillant.

    Le rle parental (surtout maternel) dapaisement tient une place importante au cours de cette phase.Grce lapprentissage du contrle des affects, lenfant peut les diminuer et grce la symbolisation(reprsentation) qui commence s'instituer, mais doit tre fortement paule par les parolesparentales, il trouve un drivatif et une moyen de matrise incomparable. La distinction entreimaginaire et ralit se met en place.

    Le soi comme instance psychique diffrencie se constitue au travers des premires identifications ouidentifications dites "primaires". Limago du semblable humain se forme et une intgration de cetteimago vient constituer le noyau du soi. Cette phase permet l'unification du corps propre ; il pourvoitl'enfant d'une limite et d'une identit et le diffrencie des autres. Les imagos de soi et des autresenfants se constituent. Les deux sont en miroir ce qui provoque des sentiments didentit par rapport lautre ou de jalousie.

  • Lobjet se constitue et sunifie. (Note de vocabulaire : Rappelons que la personne concrte constitue lerfrent objectal partir duquel se constitue l'imago investie que nous nommons l'objet) Une premirepasse se joue par rapport la position dpressive : risque de destruction de lobjet devenu total quientrane angoisse de perte et dpression par effondrement de soi. laffect dpressif sajoute uneangoisse de mort, danantissement. Lapaisement reprsentatif venu de la mre est essentiel pourjuguler ce type dangoisse. En mme temps quelle apaise lenfant, elle permet une reprisereprsentationnelle du ressenti primaire. Lapaisement devient maintenant apaisement reprsentatif etsymbolisant, au fur et mesure que la capacit de reprsentation se met en place. La fonction ralitairesdifie galement ce moment .

    Les parents et ducateurs doivent apporter une modration de la violence et le respect d'autrui. L'idedu respect intervient chez les parents : le respect de l'enfant lui permet de s'individualiser. Il intervientchez l'enfant : l'opposition agressive doit tre modre, tempre, et interdite, si elle est trop forte. Unfrein est mis sur les pulsions agressives. Limite et canalise la pulsion agressive doit quand mmepouvoir se manifester car elle contribue l'individuation.

    Lorsqu'on interdit l'enfant de nuire aux autres enfants cela sous-entend de les respecter.L'agressivit, la volont de domination entre frres et surs et entre enfants, l'expression de la haineen rapport avec la jalousie primitive, doivent tre freines au non du troisime principe. Par l, lasociabilit et la coopration s'amorcent. L'enfant peut frquenter d'autres enfants, changer et joueravec eux.

    La priode dopposition avec le dbut du stade anal, permet de s'individuer et de marquer sa diffrence.Avec l'apprentissage sphinctrien l'enfant est confront aux interdits et prescriptions qui canalisent lapulsion anale. Il est interdit de faire nimporte quand et n'importe o, de barbouiller, d'en mettrepartout, et il est prescrit de faire au pot, puis aux WC. La pulsion anale trouve quand mme satisfactionet se rgule au fur et mesure que la capacit physiologique de matrise s'accroit. La pulsion se trouveencadre par des rgles (qui sont culturellement variables), mais qui toutes imposent une rgulation etune ritualisation.

    la fin de cette phase, grce aux capacits de cognitivo-reprsentationnelle qui s'amorcent l'enfantdistingue pas seulement les rles de l'enfant, de la mre et du pre, mais aussi leurs statuts dansl'ordonnancement gnrationnel et familial. Il se produit une premire "triangulation" des relationsfamiliales grce aux capacits de reprsentation qui permettent de distinguer et sparer les places del'enfant de la mre et du pre. Ces distinctions permettent denvisager clairement les migrations delinvestissement narcissique survenant en contrepoint de lvolution libidinale et de bien voir le rle delautre par rapport lobjet.

    Lenfant commence exister pour lui-mme, il se sent spar, il a des penses, des sentiments, uncorps lui et agit en consquence. Il peut matriser certaines de ses conduites et sopposer aux autres etfaire preuve dune agressivit dirige vers un autre reconnu comme tel. Mais il reste trs fragile,

  • dpendant dune relation anaclitique aux parents.

    Ces deux premires phases produisent une premire structuration psychique. On peutretenir comme aspects essentiels : - lindividuation et lidentification primaire(constitution du soi) - le reprage des autres (autres enfant, mre, pre) - la constitutionde lobjet et une premire laboration du risque de perte - la mise en place delapaisement reprsentatif - la premire triangulation avec identification du pre - lahirarchisation des pulsions (prvalence des pulsions libidinales sur les pulsionagressives.

    Si cette premire structuration na pas lieu correctement le psychisme va sorganiser sur unmode psychotique. Dans lenfance, un arrt volutif et une fixation cette phase de cette volutiondonne une psychose symbiotique ou dficitaire (voir les psychoses de lenfant). Si lvolution sepoursuit, les remaniements ultrieurs donneront lge adulte une psychose distancie avec unepersistance de lincertitude identitaire, ou une personnalit paranoaque grce au colmatage dfensif dela phase suivante.

    3. Phase d'autonomisation, dadaptation et de matrise

    La seconde structuration correspond l'autonomisation et la matrise. Dbutant vers deux ans, elleaboutit vers quatre ans. Elle assure une stabilisation narcissique ce qui, sur le plan conomique etstructurel, correspond un investissement stable du soi. Le soi devenant plus solidement investi,l'enfant prend de l'assurance. L'instance rgulatrice, le moi commence assurer ses fonctionsadaptatives, le principe de ralit prend le dessus le processus primaire commence a tre contrebalancpar le secondaire.

    Ce nest quau cours de cette deuxime structuration que, la simple distinction de la ralit qui staitamorce prcdemment se transforme en une fonction ralitaire efficace : elle permet de distinguerplus clairement la ralit, elle comporte maintenant une hirarchisation entre imagination et ralit, etimpose la ncessit de respecter la ralit.

    Dans la mesure o lobjet et son rfrent apparaissent il y a un risque de perte ce qui se retourne contrele sujet. Ce deuxime temps de llaboration du risque de perte dobjet porte maintenant sur lerfrent : crainte de sa disparition. Du fait de la meilleure symbolisation et de l'volution de la fonctionralitaire, le rapport aux absences du rfrent objectal (la mre) se mdiatise. Il utilise d'abord pours'loigner du parent un substitut transitionnel. Llaboration de la position anaclitique dpressive estlenjeu majeur de cette phase. Si tout se passe bien, l'enfant devient plus indpendant, il s'autonomisepar rapport aux parents (surtout la mre) et supporte beaucoup mieux les sparations.

    Sur le plan libidinal, cette phase comporte le stade anal tardif et le stade phallique.

  • Cest le dveloppement de lhomorotisme, car le rfrent objectal, certes spar et identifiable, na pasdaltrit vraie aux yeux du sujet. Les objets existent en effet indpendamment de lautre et peuventdonc tre dsirs pour eux-mmes. Il est dailleurs remarquable que les objets (les imago investieslibidinalement) soient identiques pour le garon et la fille. Ce sont des reprsentations des parties ducorps. tant conu comme dtachable du corps, ils peuvent tre dautant mieux assimils un rfrentidentifiable sur les autres. Lenjeu (par rapport lautre) est de lavoir ou de ne pas lavoir.

    Sur le plan libidinal, cette phase comporte la fin du stade anal. Maintenant l'enfant peut se contrler.Le stade anal tardif permet la matrise et le contrle sur le fces et, par extension sur le choses et lespersonnes. Il est souhaitable que ce contrle ne rsulte pas d'un dressage comportementaliste, mais del'intgration d'une rgle commune, selon laquelle, tous les humains, pour des raisons d'hygine et desociabilit, font leurs besoins en un temps et un lieu dtermin Plus largement, l'enfant s'autonomisedans tous les soins corporels (se laver s'habiller, manger , s'essuyer, etc.). La frustration de ne plusrecevoir ces soins est compense par l'autonomisation et le statut de "grand" qu'il acquiert, l'entredans la socit des adultes.

    Le stade dbut du phallique y fait suite, vers trois quatre ans, avec la diffrenciation etl'investissement des organes gnitaux. Il dbute vers le milieu du stade dautonomisation narcissiqueau moment du passage vers le narcissisme secondaire. Il est donc cheval sur les deux narcissismes, cequi explique les difficults de cette tape et le lien qui se fait entre possession du phallus et narcissisme.Le renoncement au premier pouvant entraner une atteinte du second. L'encouragement choisir et se situer selon le premier principe vhicul par les parents et l'entourage, aide l'enfant se positionner.

    Si tout se passe bien et que l'enfant fortifie son sentiment d'tre bon et valable, il devient indpendantdes parents, le rapport au monde s'organise de manire satisfaisante (le monde est peru comme bonet acceptable). En ayant un objet idalis trs bon, il se sent protg ce qui lui permet de se sentir lui-mme valable et de pouvoir vivre sans la prsence du parent. Le monde qui commence apparatre estli sur le plan affectif au parent maternant. Il lui parat vivant et suffisamment stable pour que lonpuisse agir sur lui. Lenfant prend confiance dans son action.

    Devenant plus actif, il doit acqurir un savoir-faire ce qui entrane une srie d'interdits et deprescriptions sur ses actes, de la part des adultes. Ces limitations pour tre constructives, doivent trerapportes l' incapacit temporaire de l'enfant et aux dangers encourus. Cela signifie qu'il lui estinterdit de se nuire. L'injonction de respecter les autres doit tre ritre, car la volont de domination,la jalousie, restent fortes et doivent continuer tre freines. La sociabilit et la coopration avec lesautres enfants peuvent ainsi progresser en lieu et place du rapport animal de domination en meute. Lerespect de soi-mme et des autres se forge.

    Au cours de cette deuxime structuration, on assiste plusieurs acquis fondamentaux : -une stabilisation du soi comme instance identitaire - un dveloppement des capacits de

  • mentalisation et de la fonction imaginative - lapparition des possibilits de rgulationet daction du moi - la deuxime laboration du risque de perte dobjet portant sur lerfrent - lacquisition du principe de ralit - une volution libidinale du stade anal austade phallique.

    Un ratage de cette seconde structuration conduit vers les formes psychiques intermdiaires, soit tat-limite par dfaillance de la stabilisation narcissique, soit une organisation somatisante si lespossibilits de reprsentation sont gravement mises en dfaut.

    4. Phase structurante de la sexuation et de ldipe

    La troisime phase structurante est celle de la sexuation, de la consolidation narcissique et de l'dipequi aboutit une secondarisation des processus et une intgration de la Loi par l'enfant. C'est le pointcrucial : les principes sont intgrs, ce qui se fait de deux manires : ils sont la fois reconstruit parl'enfant partir de ses capacits cognitives devenues suffisantes et adopts de faon faire partieintgrante de sa personnalit. Le surmoi se remanie en perdant son caractre purement rpressif : uneassimilation des interdits se produit ainsi qu'une une intgration de la Loi constitutive.

    Sur le plan libidinal, se succdent la fin du stade phallique et le conflit dit dipien qui sont trsimbriqus. Le dcouverte de la diffrence des sexes commence vers trois ans devient maintenant lacertitude consciente et revendique d'appartenir l'un des deux sexes. Cela s'accompagnencessairement du choix d'un genre adapt au sexe. Ce dernier aspect n'a rien d'automatique et il fautque les parents duquent l'enfant dans ce sens, car le genre (fminit, masculinit) est acquis. Lepremier principe prescrit chacun d'adopter le genre correspondant son sexe.

    Une vritable triangulation des relations se constitue alors. Le moi devient efficace et la soi intgre desidentifications sexues. La baisse de lidalisation excessive favorise les identifications ralistes. Lesurmoi se remanie en perdant son caractre mortifre : une assimilation des interdits se produit et unevritable intgration de l'ordre symbolique (la loi constitutive) peut avoir lieu. Le rle interdicteur dupre est net au moment du conflit dipien que ce soit pour le garon ou pour la fille. Dans les deux casle pre doit tre porteur de l'interdit de l'inceste qui sera intgr par l'enfant.

    Le droulement du conflit dipien n'est pas le mme pour la fille et le garon. Il est l'effet direct de laLoi constitutive sur l'volution pulsionnelle et les relations familiales.

    Par identification le garon veut faire comme son pre et donc comme son pre avec sa mre. D'autantqu'il ressent une attirance et que se manifestent des pulsions urtrale pniennes. Si le pre a desrelations gnitalises avec sa femme, c'est le bon modle qui se propose au garon. Nous admettons icique ce soit le cas (en l'absence de ce modle il y a problme). Le conflit dipien vient de ce que selon laLoi le garon doit y renoncer. L'aspect rpressif existe aussi et se traduit chez le garon par la crainte dela castration comme rtorsion possible. Cette crainte favorise le refoulement pulsionnelle. Ce dernier

  • est galement permis par l'attitude parentale qui montre d'vidence l'impossibilit de toute satisfactionsexuelle avec la mre.

    Pour la fille les pulsions urtrale vaginales sont lies au dsir d'avoir un enfant comme sa mre. D'abord elle attend cela de sa mre. Il faut qu'elle se rende compte de l'impossibilit et de la diffrenced'attribution du pnis phallus pour ensuite se reporter vers le pre (les hommes) C'est la problmatiquedu changement d'objet et d'acception de son sexe fminin (sans pnis/phallus). partir de l, ledroulement est le suivant : Par identification la fille veut faire comme sa mre (ce qui implique deconqurir le pre). C'est le bon modle qui se propose la fille, mais nat alors le conflit dipien, carselon la Loi la fille doit y renoncer. Il s'ensuit une priode de coquetterie et d'attitudes sductricesenvers le pre et les hommes en gnral. Il faut expliquer l'enfant que c'est radicalement impossibleet qu'elle devra attendre d'tre grande pour rencontrer un garon de son ge. Comment l'interdit agit-il pour les enfants des deux sexes ? Selon le principe d'galit, il y aurait droit.Il faut donc que soit clairement nonc la diffrence des gnrations l'enfant n'appartient pas lamme gnration que l'adulte. De plus, au sein de la famille, ils sont dans un rapports particuliers quiest celui de la filiation. C'est au nom de ces deux principes d'ordre dans les gnrations et d'ordre dulignage (filiation) que se justifie les diffrences de statut et de conduites. Il y a un interdit entre parentset l'enfant. Cet interdit doit s'assortir d'une autorisation prescriptive qui prpare l'avenir : plus tard tuseras un homme ou une femme (passage la gnration des adultes) et tu pourra avoir des partenaires(hors de ta famille). Ainsi la famille s'ouvre vers les autres. Le rle interdicteur des parents, et desadultes en gnral (y compris des ducateurs), mais surtout du pre, doit tre net et explicite aumoment du conflit dipien, que ce soit pour le garon ou pour la fille. Dans les deux cas, le pre doittre porteur implicitement et explicitement de l'interdit de l'inceste, qui sera intgr trs facilement parl'enfant.

    La rsolution oedipienne a un retentissement sur la fonction ralitaire et la secondarisation qui sestabilisent. La structure psychique est au terme de sa constitution. Toutes les grandes fonctions sontalors en place et toutes les instances sont constitues. Lautre est plac dans lordre symbolique etpourvu dune altrit reconnue, ce qui institue une diffrence radicale dans le rapport intersubjectif.

    partir du stade gnital, cest le corps global sexu qui est en jeu dans les imagos et la structurefantasmatique organisant les pulsions libidinales. Le phallus cesse dtre imaginairement dtachable etvient se fixer sur lhomme, alors que les attributs fminins viennent se fixer sur la femme. Le corpsdevient corps sexu et cette imago constitue lobjet organisant le dsir. Lobjet perd son aspect partielet devient selon le terme convenu "gnitalis" ; il se donne pour rfrent le corps de lautre, mais cestade cest un rfrent qui n'est encore que partiellement pourvu daltrit.

    Une rsolution dipienne favorable apporte un gain considrable concernant le fonctionnementpsychique tant du point de vue de la dynamique et de lconomique. La congruence des instances entreelles apporte a et un effet de renforcement positif entre le moi le soi et lidal et libre une nergie

  • importante. Il sensuit un silence psychologique signe de bonne sant et une ouverture vers lesacquisitions cognitives.

    Rappelons que, les principaux acquis de cette priode sont : - lvolution du soi(consolidation et identification sexue) - le renforcement du principe de ralit - lasecondarisation du surmoi et l'intgration de la Loi constitutive - le remaniementgnitalis de la structure fantasmatique.

    Une russite de cette structuration conduit vers une organisation psychique nvrotiquequilibre et un ratage vers une organisation psychique nvrotique conflictuelle souffrant dessymptmes. Si il y a chec dans la rsolution du conflit dipien, l'enfant restera a un stade homorotique la recherche de satisfactions auto centres, selon deux possibilits relationnelles soit par unmme que lui (homosexualit) soit par un autre diffrent, mais qui sera un substitut parental. Il ne sesentira pas bien inscrit dans la Loi et donc dans la socit. La personnalit se construira selon deuxformes possibles : - sur un mode pervers : modalit et un choix d'objet rgressif et irrespect de la Loi etd'autrui. - soit sur un mode nvrotique avec une persistance du conflit qui donnera des conduites etsymptmes dont le sujet souffrira.

    Aprs cette phase volutive mouvemente, il s'ensuit une priode plus calme (qu'on appelle latence).L'interdit freine l'aspect partiel, centrifuge, homorotique (concernant une partie du corps, tourn verssoi, avec un autre (rfrent objectal) identique ou instrumentalis), qui reste malgr tout prsent, car laralisation gnitale est impossible et reporte plus tard. La stabilisation pulsionnelle et narcissiqueamne un moment de stabilit qui permet une ouverture vers les activits praxiques et cognitives detous ordres (en gros de six treize ans).

    S'il y a chec dans la rsolution du conflit dipien, l'enfant restera a un stade homo rotique larecherche de satisfactions auto centres, selon deux possibilits relationnelles soit par un mme que lui(homoxexualit) soit par un autre diffrent, mais qui sera un substitut parental. Il ne se sentira pasbien inscrit dans la Loi et donc dans la socit. Une volution perverse peut se faire par une modalit etun choix d'objet rgressif et surtout du fait de l'absence d'intgration de la Loi.

    5. La phase de reprise et dachvement

    On peut considrer l'adolescence et le dbut de la vie adulte comme phase de reprise qui parachve lesphases prcdentes.

    C'est le moment o dimportantes oscillations narcissiques peuvent avoir lieu en attendant que le soi seconforte dfinitivement. Il y a une recherche de valorisations, qui doivent trouver un support ralistepour tre stabilisatrice ( dans les diverses russites : tudes, sport, vie professionnelles, art, ralisationsconcrtes, etc. Il est utile qu'elles soient guides et encourages, en respectant les choix du jeune. Lesidentifications des super hros imaginaires ne sont pas propices cette stabilisation.

  • La phase d'opposition aux parents et aux adultes pousse le jeune transgresser les codes sociaux, leslois normatives. Il est indispensable qu'il reste des adultes tutlaires rfrents (ducateur, mdecin), siles proches sont plus ou moins disqualifis par cette contestation pour rappeler le bien fond de la Loiconstitutive. Si les phases prcdentes se sont bien passes, cette opposition donnera lieu destransgressions mineures, des manifestations d'originalit qui peuvent tre cratives.

    On voit reprendre dans les bandes d'adolescent ce qui se jouait au dbut de la socialisation, la reprisedu rapport de domination directe et de la jalousie. L'injonction de respecter les autres doit tre ritre.Cette affirmation dans la classe d'ge et le besoin de valorisation conduisent des prises de risque,surtout chez les garons.

    Il se joue, concernant la sexualit, le passage de l'aspect partiel, centrifuge, homorotique (concernant une partie du corps, tourn vers soi, avec un autre (rfrent objectal) identique ou instrumentalis),vers la ralisation gnitale htrorotique (avec un autre diffrent de soi) htrosexue (de l'autre sexeet genre que le sien). Le rfrent objectal est le corps global et htrosexu d'une personne qui possdeune altrit vraie et une inscription dans l'ordonnancement symbolique humain : on entre dans unehtrosexualit au sens plein du terme.

    Le jeune acquiert et doit assumer les caractres de la masculinit et la fminit, qui permettront qu'ons'adresse lui comme une personne fminine ou masculine et dsirable ce titre. Si le droulementva son terme, il y a adoption de la fminit ou de la masculinit (identit de genre), intgration de laloi constitutive. Sauf qu'actuellement la loi normative ne prescrit plus d'adopter un genre conforme son sexe, ni un choix d'objet htrosexu et ce qui rend l'arrt volutif, ou la rgression, lgitimes.

    L'autonomisation est remise sur le tapis, puisqu'il est question de la mettre en pratique en quittant lefoyer parental et en menant un vie indpendante. Des tentatives partielles sont en gnral ncessaires.Surmonter ces preuves amnera une autonomisation complte et la confortation narcissiquencessaire pour mener une vie d'adulte indpendant.

    Le jeune est confront la ralit sociale avec ses imperfections. Il comprend qu'il faut s'y adapter, ceque ne veut pas dire tre conformiste ou cynique, mais plus raliste et abandonner les idaux tropabsolus de l'enfance. La encore les conseils des adultes sont utiles.

    Si tout se passe bien il y a : - une consolidation narcissique dfinitive - oubli de l'dipe etentre dans un statut d'adulte sexu - intgration de la Loi constitutive - une sexuationharmonieuse (identit de genre adapte au sexe), - la sparation entre reprsentationsimaginaires et ralit. Cela correspond une personnalit nvrotique quilibre.

    L'adolescence peut prendre une tournure violente et chaotique si les phases prcdentes se sont maldroules. Les adultes sont souvent surpris par cette explosion. Les possibilits d'action de l'adolescentrendent les manifestations spectaculaires, si prcdemment les freins pulsionnels n'ont pas t mis en

  • place. On observe parfois une fuite dans l'addiction. S'il n'y a pas de rattrapage ducatif l'volutionmne vers la consolidation de ce qui s'est prpar dans l'enfance vers une organisation de lapersonnalit selon l'un des modes possibles : nvrotique pathologique, intermdiaire (limite etpervers), ou psychotique.

    Conclusion : une vision d'ensemble

    Les grandes phases permettent davoir une vision simplifie de la psychogense (la gense dupsychisme) et d'valuer lvolution de lenfant. Dans la clinique de l'adulte leur reconstitution donnedes indications majeures pour le diagnostic et les rsultats envisageables d'une psychothrapiedynamique. Sur le plan de la chronologie, ces phases s'enchanent tout en se chevauchant et secompltent l'une l'autre. Les problmes une phase prcoce vont entraner des difficults dans lessuivantes. L'ge est, dans une certaine mesure, secondaire, l'important tant que les processus quiviennent structurer le psychisme se produisent effectivement. Des reprises peuvent avoir lieuultrieurement, mais de manire limite.

    Les perturbations des deux premires phases structurantes conduisent gnralement vers uneorganisation psychique que l'on peut placer vers le ple psychotique. Des problmes lors de latroisime structuration conduisent une organisation psychique que l'on place vers le pleintermdiaire. Et enfin, c'est la quatrime phase qui conduit une organisation psychique que l'on peutplacer vers le ple nvrotique. La dernire phase, peut donner lieu des difficults, dont l'issuedpendra principalement des phases prcdentes (rgressions partielles vers l'une d'elle).

    Raffirmons le une fois de plus, afin qu'il n'y ait aucune ambigut, nous parlons ici desvolutions et des formes d'organisations psychiques qui se construisent chez l'enfant etl'adolescent dans ses relations avec l'entourage, en dehors de tout troubleneurobiologique.

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