L'enfance du numérique

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L’ENFANCE DU NUMÉRIQUE Vanille Previtali - Jeanne Fichou François Hamelin PRATIQUES NUMÉRIQUES - JANVIER 2018

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L’ENFANCE DU NUMÉRIQUE Vanille Previtali - Jeanne Fichou François Hamelin

PRATIQUES NUMÉRIQUES - JANVIER 2018

INTRODUCTIONJeunes adultes (18 ans - 22 ans)

Enfants (8 ans - 12 ans)

4 entretiens parmi nos amis : - J-D 20 ans - B 19 ans - L 20 ans - M 20 ans

3 entretiens dans la librairie Furet du Nord :

- I 10 ans et sa maman - E 12 ans et sa maman- P 11 ans et sa belle-mère

7 entretiens dans notre entourage :- L 10 ans, G 8 ans et leurs parents- H 10 ans, C 11 ans et leur papa- G 9 ans et sa maman- I 10 ans, C 9 ans et leur maman- E 8 ans et ses parents- A 8 ans - S 12 ans et sa maman

2 entretiens dans la rue commerçante de Lille:

- D 7 ans, F 10 ans et leur maman

- X 9 ans, Q 11 ans et leurs parents

Problématique

En quoi les pratiques

numériques de la jeune

génération d’aujourd’hui

diffèrent-elles de celles des

générations précédentes ?

PLAN

1/ Constat : le progrès technique a élargi l’offre numérique

2/ D’où une évolution des pratiques

3/ Et une évolution des représentations du numérique

1/ Constat : le progrès technique a élargi l’offre numérique

L’OFFRE NUMÉRIQUE

AUGMENTE

Pratique transécranique

82 % des Français possèdent 1 ordinateur ou plus

65 % des Français ont un smartphone

40 % des Français ont une tablette

Source : chiffres du CREDOC

2 Franges Générationnelles de Digital Natives

Jeunes adultes (18 - 22 ans)

ayant eu 8 - 12 ans

à la fin des années 2000

Enfants ayant 8 - 12 ans aujourd’hui

2/ D’où une évolution des pratiques ...

A) La famille numérique

E. 8 ans, quand on lui demande si ses parents utilisent beaucoup leur smartphone : “Oui, beaucoup ! Même à table!”

I. maman d’une fille E. 8 ans et d’un garçon G. 6 ans “De temps en temps, je publie sur facebook des phrases rigolotes qu’ils m’ont sorties, des bêtises... Et parfois quelques vidéos: ils aiment bien quand on regarde les réactions ensemble après.”

“Pour se distraire on fait beaucoup de balades en plein air, pour éviter les écrans et être dans un lieu sans wifi” C. maman d’une fille de 10 ans

→ Les enfants sont sensibles à la pratique numérique de leurs parents.

→ Certains parents font le choix d’une pratique numérique familiale. On parle ici d’une attitude pro-numérique..

→ D’autres parents repoussent au contraire le numérique aux frontières de la vie familiale. On parle de doxa.

L. maman de S. 12 ans : “On a une conversation Whatsapp avec toute la famille [ils sont 7 enfants, S. est la cadette], les frères et soeurs, les grands-parents. On s’envoie des nouvelles, des photos… Je la laisse avoir mon téléphone pour leur répondre”

→ Influence sur la nature des liens familiaux

T. maman de Q., 11 ans : “Ses grands-parents sont loin, alors c’est vrai

qu’à défaut d’aller les voir souvent, elle peut leur envoyer des petits messages, c’est important

pour eux!”→ Le numérique semble permettre plus de spontanéité et de proximité dans les rapports familiaux, tout en contribuant à masquer une distance réelle : les contacts virtuels semblent prendre le pas sur les contacts réels.

M. 20 ans :“Je pense que le numérique empêche les

enfants de bien profiter de leur enfance. Ca bride leur créativité puisqu’ils font moins de

jeux de groupe ou de jeux d’extérieur.”

B) Et à l’école ? Q. fille, 11 ans : “On doit éteindre notre portable quand on est dans l’enceinte du collège. Par contre on a des tableaux tactiles dans certaines salles. Mais les profs les utilisent pas beaucoup, à part la prof de maths quand elle dessine des figures.”

“J’aime bien quand on a informatique, on fait des recherches sur internet pour faire des exposés sur les pays.” I. fille de 10 ans

B. 19 ans : “Quand j’étais au collège, c’était le début des TNI [Tableaux Numériques Interactifs] certains profs se forçaient à les

utiliser, en français, en maths… Je n’ai pas le souvenir que ça apportait grand chose aux cours! Et le site du collège était assez rudimentaire.

Maintenant, ils ont un ENT!”

Maman de 39 ans d’une fille de 10 ans :

“C’est moi qui lui apprend à me servir de l’ordinateur… On

fait des recherches, et puis je lui explique Word.”

A. fille de 8 ans (6ème) : “Au collège, on a des ordinateurs dans la salle, mais j’y vais pas trop. Je préfère aller sur celui de la maison, c’est plus pratique. Par exemple, je révise sur des sites qu’ils nous conseillent pour travailler l’histoire ou l’anglais.”

→ Les cours de numérique ne sont pas vécus par les enfants comme des cours “classiques” : plus ludiques

→ Certains parents estiment qu’il est important de connaître les bases du numérique. Si l’école ne propose pas de cours, ils s’en chargent donc à leur place.

→ L’école semble freiner les pratiques du numérique chez les enfants : en moyenne peu de cours d’informatique et des équipements peu exploités. La pratique en classe dépend cependant du professeur. Généralement, les difficultés sont dues à une conception du numérique comme un “savoir constitué” (cf distinction de Marc PRENSKY entre digital natives et digital immigrants, 2001)

C) Scission générationnelle

VS

J-D. 20 ans : “A 10 ans, je ratais jamais Midi les Zouzous, TFou, Ca cartoon, C’est pas Sorcier… Je regardais un peu tous les matins et tous les soirs , mes parents étaient très tolérants.”

VS

VS

C. 8 ans : “Sur Youtube, je regarde des vidéos d’astuce. Surtout Troom-Troom : il y

a des astuces coiffure, manucure…”

E. 12 ans : “Je ne regarde jamais la télé. Par contre, je mets souvent des films en streaming, le plus souvent sans papa et maman.”

→ On observe une téléification du numérique et une bascule mobile dans le sens où le mobile est devenu la nouvelle TV. Les smartphones permettent aujourd’hui plus de fluidité dans la lecture de vidéos au sein d’une application comme YouTube.

→ Le contenu que propose Internet est beaucoup plus varié que celui des programmes TV. Les enfants ont plus de choix et le flux télévisuel permet une lecture illimitée.

3/ L’évolution des représentations du numérique

A) Enrichissement ou danger ?

E. 8 ans : “Moi mon dessin animé préféré, c’est le Bus magique : c’est des petits épisodes où des enfants se

promènent dans un bus, et ils apprennent des choses.” Sa maman, riant : “Je l’ai pas forcée, je te promets!”

“Je pense que ça dépend de l’enfant. Pour l’un c’est enrichissant pour l’autre c’est abrutissant”

E. papa de H (9 ans) et C (11 ans)

→ Les parents se montrent en général plus tolérants vis-à-vis des pratiques numériques qu’ils considèrent didactiques donc enrichissantes pour leurs enfants. D’où une préférence marquée pour les films enregistrés, les DVD par rapport à l’aspect aléatoire du contenu de Youtube par exemple.

B) Prise de conscience & prévention“Maman dit que la télé rend bête.” I. 10 ans

“Un usage trop abusif du numérique rend autiste” C. maman de I

“Si L est trop longtemps sur les écrans, ça se voit sur son visage, il a des plaques rouges” F. maman de L 10 ans

I. maman de E. 8 ans et G. 6 ans : “Je sais qu’il ne faudrait pas, pour des questions de sécurité… Mais je m’en fiche un peu. Et puis je ne mets pas tant de choses que ça. Je m’étais posé la question une fois, quand même : en tapant mon nom sur google, le premier résultat c’était une photo de E. et G. [ses enfants]”

“Je suis attentif aux études sur le danger du numérique chez les

enfants. J’entend ce danger mais ça ne change pas forcément ma

manière de faire avec mes enfants.”

E. papa de H (9 ans) et C (11 ans)

→ Les parents qui se renseignent par eux-mêmes quant aux dangers du numérique sont plutôt alarmés et encadrent davantage l’usage du numérique de leur enfant.

→ Tous les parents interrogés se montrent globalement conscients des risques portés par le numérique. Néanmoins, cela ne se reflète pas systématiquement sur leurs attitudes.

C) Restrictions

I. maman de E., 8 ans et G. 6 ans : “On a la télé mais.. on l’a mise là-haut, pour la planquer un peu. On voulait pas que les enfants l’aient sous les yeux, sinon ils ne pensent qu’à ça.”

L. 20 ans : “A 10 ans, je jouais à la DS mais ma maman ne voulait pas m’acheter n’importe quel jeu. Elle aimait bien que je joue à un jeu éducatif avec du calcul mental (d’ailleurs elle y jouait aussi). Elle posait plus de limites si je jouais à un jeu qu’elle trouvait moins enrichissant”

C. maman d’une fille de 10 ans : “Ma fille n’a le droit de regarder que les films que je lui propose. Je ne veux pas qu’elle regarde n’importe quoi à la télé.”

L. 20 ans : “Quand je voulais absolument finir un niveau sur un jeu, je jouais à la DS la nuit en cachette”

“Ma belle-fille de 11 ans arrête tout de suite de jouer sur la tablette si je lui demande, alors que son frère de 7 ans fait souvent des crises de larmes si on lui impose des limites” M. belle-mère de deux enfants

→ La majorité des enfants interrogés semblent reconnaître la légitimité des restrictions imposées par leurs parents quant à l’usage du numérique (biais dans l’enquête : les enfants étaient toujours interrogés en présence de leurs parents…)

M. étudiante, 20 ans : “quand j’étais petite, on arrivait à la colo et ceux qui avaient des portables les donnaient aux monos le 1er jour, on leur rendait 3 semaines après. Notre colo, c’est un peu un cas particulier, c’était assez “préservé”... Alors que j’ai été anim’ dans une autre colo cet été, il y avait une heure où le portable était autorisé après les douches tous les jours.”

L. 20 ans : “Mes parents utilisaient peu le numérique comme punition. Parfois ils menaçaient de me confisquer ma DS si je n’arrêtais pas d’y jouer quand ils me le demandaient, donc en principe j’arrêtais.”

D. papa de deux garçons L., 10 ans et G. 8 ans : “Oui, il nous arrive de faire pression sur le numérique en guise de punition. Là, justement, ça fait une semaine qu’ils n’ont pas le droit à la tablette…”

→ Le numérique a suffisamment d’importance aujourd’hui pour être utilisé comme moyen de pression par les parents sur les enfants.

Punitions numériquesEvolution des restrictions

E. papa de H., 9 ans et C. 11 ans :“Je fais confiance à mes enfants. Je ne contrôle pas le contenu de leurs recherches internet, je limite seulement sur la durée”

→ La pratique numérique s’est banalisée, les parents sont donc plus tolérants à l’égard de leurs enfants.

CONCLUSION

→ Des résultats à relativiser au vu des échantillons considérés

→ Des outils et des pratiques qui ont manifestement évolué

→ Un usage du numérique beaucoup plus répandu, diversifié, banalisé et conscient des risques

BIBLIOGRAPHIE Laurence LE DOUARIN, Le couple, l'ordinateur et la famille (2007)

Cédric FLUCKIGER, “L’appropriation des TIC par les collégiens dans les sphères familiales et scolaires” (2007)

Georges-Louis BARON, “Elèves, apprentissages et «  numérique  » : regard rétrospectif et perspectives”, Recherches En Éducation, 18, 91–103 (2014)

Céline METTON, “Les usages d'Internet par les collégiens. Explorer les mondes sociauxdepuis le domicile”, Réseaux, 22, 59-84 (2004)