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Édouard CHAVANNES

LES PAYS D’OCCIDENT

d’après leWEI LIO

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Les pays d’Occidentd’après le Wei lio

à partir de :

LES PAYS D’OCCIDENTd’après le WEI LIO

par Édouard CHAVANNES (1865-1918)

Revue T’oung pao, Volume 2:6, 1905, pages 519-571.

Édition en mode texte parPierre Palpant

www.chineancienne.frjuin 2011

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Les pays d’Occidentd’après le Wei lio

TABLE DES MATIÈRES

Avant-propos

Le Wei lio

I. Barbares de l’Ouest :1. Les Ti .2. Les Tseu-lou . 3. Les K’iang .

II. Contrées d’Occident. Préambule. 1. Royaumes qu’on rencontre sur la route du Sud. 2. Royaumes qu’on rencontre sur la route du Centre. 3. Royaumes qu’on rencontre sur la route du Nord.

Notes

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AVANT-PROPOS

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p.519 Dans son commentaire du San kouo tche publié en 429 ap. J.-C., P’ei Song-tche fait de longues et fréquentes citations d’un ouvrage aujourd’hui perdu qu’il appelle tantôt le Wei lio et tantôt le Tien lio . Ce livre existait encore à l’époque des T’ang ; dans le catalogue littéraire du Kieou T’ang chou (chap. LVI, p. 12 r°), nous trouvons mentionné, dans la classe des historiens de valeur mélangée, le Tien lio en cinquante chapitres, composé par Yu Houan  ; d’autre part, dans le chapitre correspondant du T’ang chou (chap. LVIII, p. 3 v°), nous relevons, aussi dans la classe des historiens de valeur mélangée, le titre du Wei lio de Yu Houan en cinquante chapitres. Cette double indication prouve péremptoirement que le Wei lio et le Tien lio ne sont qu’un seul et même ouvrage. La biographie de Yu Houan n’a point été admise dans les histoires canoniques ; aussi ne pourrions-nous déterminer que par des conjectures la date à laquelle écrivait cet auteur si un célèbre critique de l’époque des T’ang, Lieou Tche-ki, ne nous avait laissé, dans son Che t’ong publié en 710, le renseignement très précis que voici (001) :

« Précédemment, à l’époque des Wei (220-265), Yu Houan, originaire de la capitale (Tch’ang-ngan=Si-ngan fou), composa, sans en être chargé officiellement, le Wei lio ; le récit des événements s’arrête au règne de l’empereur Ming (227-239).

Le témoignage de Lieou Tche-ki, datant d’une époque où le Wei lio n’avait pas encore disparu, ne saurait être mis en doute ; il fixe la composition du Wei lio dans les vingt-six années p.520 comprises entre les années 239, fin du règne de l’empereur Ming, et 265, fin de la dynastie Wei (002).

Un des passages les plus importants du Wei lio est celui qui a été inséré par P’ei Song-tche à la fin du chapitre XXX de la section Wei tche du San kouo tche afin de tenir lieu des notices sur les pays d’occident

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absentes dans ce dernier ouvrage. Ce texte a déjà depuis longtemps attiré l’attention des travailleurs européens ; M. Hirth a traduit intégralement et commenté la notice sur le pays de Ta Ts’in dans son volume intitulé China and the Roman orient ; d’autre part, M. Sylvain Lévi (003) a réussi, à force d’ingéniosité, à dissiper la plupart des obscurités qui rendaient à peu près inintelligible la notice sur l’Inde. Il m’a semblé utile de donner maintenant la traduction du texte dans son ensemble ; je me suis abstenu cependant de reprendre la notice sur le pays de Ta Ts’in puisqu’on peut la lire dans le livre de Hirth.

L’économie du texte du Wei lio est la suivante :

I. Barbares de l’Ouest  :

1. Les Ti , dans certaines parties du Kan-sou, du Chàn-si

occidental et du Nord-Ouest du Sseu-tch’ouan.

2. Les Tseu-lou , entre Cha-tcheou à l’Ouest et l’Ala-chan à l’Est.

3. Les K’iang ou tribus tibétaines dont les Chinois ne connaissaient alors que les plus septentrionales et les plus orientales, à savoir, d’une part celles qui habitaient les versants nord de l’Altyn tagh, et d’autre part celles qui occupaient quelques cantons du Kan-sou et du Sseu tch’ouan.

II. Contrées d’Occident .

Préambule : les trois routes qui mènent de Chine dans les contrées d’occident.

1. Royaumes qu’on rencontre sur la route du Sud. — Digression sur l’Inde.

2. Royaumes qu’on rencontre sur la route du Centre. — Digression sur le Ta Ts’in.

3. Royaumes qu’on rencontre sur la route du Nord. — Digression sur les peuples septentrionaux.

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p.521 Le Wei lio dit :

Le traité sur les Jong d’occident dit :

Les Ti ont des rois ; leur origine est lointaine. Quand les Han eurent ouvert le territoire de Yi tcheou (004), et établi la commanderie de Wou-tou (005), ils repoussèrent les gens de cette race qui se dispersèrent et se réfugièrent dans les vallées des montagnes ; les uns se trouvent à Fou-lou (006), les autres dans les environs de K’ien (007) et de Long (008) ; leur race n’est pas une. On les dit descendants de P’an-hou (009). Les uns sont appelés les Ti verts, les autres les Ti blancs, les autres les Ti Jan (010), ce (dernier nom) p.522 désignant une classe de reptile dans laquelle on les range (011). Les gens du Royaume du Milieu les appellent d’après la couleur de leurs vêtements (012) ; mais eux-mêmes se nomment Ho-tche. Chacun (de leurs groupes) a ses rois et ses chefs qui, pour la plupart, reçoivent du Royaume du Milieu leurs terres, leurs titres et sont appelés (par lui à remplir leurs charges) ou sont dégradés. Pendant la période kien-ngan (196-220 p.C.), A-kouei, roi des Hing-kouo Ti et Ts’ien-wan, roi des Tseu-hiang Ti avaient chacun des tribus qui comptaient plus de dix mille hommes ; la seizième année (211 p.C.), ils firent cause commune avec Ma Tch’ao et se révoltèrent (013) ; après que (Ma) Tch’ao eut été vaincu, A-kouei fut attaqué et anéanti par Hia-heou Yuan ; Ts’ien-wan se dirigea vers le Sud-Ouest et entra dans la région de Chou (Sseu-tch’ouan) ; ses tribus ne purent s’en aller et se soumirent toutes ; le gouvernement (chinois) déporta en un endroit différent celles d’entre elles qui, au cours de ces événements, avaient tenu une conduite équivoque et les plaça à Mei-yang (qui est dans la commanderie) de Fou-fong (014) ; ce sont maintenant les deux tribus des

p.523 Ngan-yi (barbares paisibles) et des Fou-yi (barbares gouvernés) qu’administre un Protecteur militaire. Quand à ceux qui avaient bien observé une sage conduite, (le gouvernement chinois) les laissa de leur côté sur les confins de T’ien-chouei (015) et de Nan-ngan (016) ; ce sont

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maintenant ceux qui dépendent de la commanderie de Kouang-wei (017). Leurs mœurs et leur langue ne sont pas les mêmes que celles du Royaume du Milieu, mais elle s’accordent avec celles des K’iang et des divers p.524 peuples Hou. Chacun d’eux a pour soi un nom de famille ; ces noms de famille sont comme les noms de famille des royaumes du Milieu. Dans leurs vêtements, ils préfèrent le vert et le rouge. Leurs mœurs sont les suivantes : ils savent tisser la toile ; ils sont bons agriculteurs ; ils élèvent et nourrissent des porcs, des bœufs, des chevaux, des ânes, des mulets. Quand une femme se marie, elle revêt le jen-lou (018) qui, par la façon dont il est bordé et orné, ressemble parfois aux jen-lou des K’iang et parfois aux tuniques du Royaume du Milieu. Tous tressent leurs cheveux. Beaucoup d’entre eux connaissent la langue du Royaume du Milieu parce qu’ils ont résidé dans le Royaume du Milieu mêlés à la population ; mais, quand ils sont revenus dans le sein de leurs tribus, ils parlent naturellement la langue Ti. Dans les mariages, il y a (des coutumes) qui ressemblent à celles des K’iang. Ces (peuplades) sont ce qu’autrefois on appelait les Jong occidentaux. Quant à ceux qui demeuraient dans (la région de) Kiai (019), Ki (020) et Houan-tao (021), quoique maintenant ils soient sous l’administration chinoise (022), ils n’en ont pas moins conservé comme p.525 autrefois leurs rois et leurs chefs qui résident dans leur territoire et parmi leurs tribus. En outre, dans l’ancienne région de Wou-tou (023), dans les environs de Yin-p’ing (024) et de Kiai (025) il y a aussi des tribus qui comptent plus de dix mille hommes.

Les Tseu-lou étaient à l’origine des Hiong-nou ; tseu est le mot par lequel les Hiong-nou désignaient des esclaves (026). Autrefois, à l’époque kien-wou (25-55 p.C.), les Hiong-nou s’affaiblirent et se dispersèrent ; leurs esclaves s’enfuirent et se cachèrent dans la région du Hei chouei (027) et du Si ho (028), au Nord de Kin-tch’eng (029), de Wou-wei (030)

et de Tsieou-ts’iuan (031). Vaguant de l’Est à l’Ouest, ils gardaient leurs troupeaux en les menant à la recherche des eaux et des pâturages ; ils faisaient des déprédations dans le territoire de Leang-tcheou. Leurs tribus s’accrurent progressivement jusqu’à compter p.526 plusieurs myriades d’hommes. Ils ne sont pas identiques aux tribus de l’Est qui

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sont les Wei-pi (032). Leur race n’est pas une ; parmi eux se trouvent des Ta-hou et des Ting-ling (033) ; il y a aussi un assez grand nombre de K’iang qui demeurent parmi eux. C’est parce qu’ils étaient à l’origine esclaves des Hiong-nou. A l’époque (de la fin) (034) des Han et (du commencement) des Wei (035), un de leurs grands chefs se nommait T’an-t’o (036) ; après qu’il fut mort, de grands chefs, ses descendants, s’avancèrent vers le Sud jusque dans (la commanderie de) Kouang-wei (037) ; maintenant ils demeurent sur la frontière. Il y eut un certain T’ou-kouei qui vint (envahir notre territoire) et plusieurs fois se révolta ; il fut tué par (le préfet de) Leang-tcheou. Maintenant il y a (le chef nommé) Chao-t’i. (Ces peuplades) tantôt viennent se soumettre, tantôt se retirent en se cachant ; elles sont incessamment une cause d’inquiétude pour les districts des arrondissements de l’Ouest.

Dans les montagnes du Sud de Touen-houang et des contrées d’occident (038), depuis les Jö Kiang (039) p.527 jusqu’aux (monts) Ts’ong-

ling, sur une étendue de plusieurs milliers de li, il y a les restes des Yue-tche (040), les p.528 Ts’ong-tseu K’iang, les Po-ma (041) et les Houang-nieou

K’iang (042) ; chacun de ces peuples à ses chefs ; ils sont au Nord limitrophes des divers royaumes ; on ne sait ni les distances (qui les séparent de la Chine), ni l’étendue (de leurs territoires) ; d’après ce qu’on raconte, les Houang-nieou K’iang ont des variétés respectivement distinctes ; les femmes qui sont enceintes enfantent au bout de six mois ; du côté du Sud, ils sont voisins des Po-ma K’iang.

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C’est au début des Han qu’on ouvrit les routes qui menaient dans les divers royaumes des contrées d’occident ; en ce temps, (ces royaumes) étaient au nombre de trente-six (043) ; plus tard, ils se divisèrent en plus de cinquante (044). Depuis la période kien-wou (25-55 p.C.), jusqu’à nos jours, ils se sont de nouveau entredévorés et entredétruits et maintenant ils sont au nombre de vingt.

Pour ce qui est des chemins qui, partant de Touen-houang et de Yu-men kouan, vont dans les contrées d’occident, il y en avait auparavant deux, mais maintenant il y en a p.529 trois (045). La route du Sud est celle qui, partant de Yu-men kouan (046), sort du côté de l’Ouest, traverse les Jö K’iang (047), tourne à l’Ouest, franchit les Ts’ong-ling (048), traverse les passages suspendus (049) et entre chez les Ta Yue-tche (050). La route du centre est celle qui, partant de Yu-men kouan, sort du côté de l’Ouest, quitte le puits du Protecteur, revient à l’extrémité septentrionale du (désert de) sable San-long, passe par le grenier de Kiu-lou, puis, à partir du puits de Cha-si, tourne vers le Nord-Ouest, passe par le Long-touei (051), arrive à l’ancien p.531 Leou-lan (052), et, tournant vers l’Ouest, arrive à K’ieou-tseu p.532 (Koutcha), puis atteint les Ts’ong-ling. — La

p.533 nouvelle route (053) est celle qui, partant de Yu-men kouan, sort du côté p.534 du Nord-Ouest, passe par Heng-k’eng, évite le (désert de) sable San-long ainsi que le Long-touei (054), sort au Nord de Wou-tch’ouan (055) et arrive, sur le territoire de Kiu-che, à Kao-tch’ang (056) (Tourfan), qui est la résidence du p.535 wou-ki hiao-wei (057) ; puis elle tourne vers l’Ouest et rejoint la route du centre à K’ieou-tseu (Koutcha).

Les productions des contrées d’occident ont déjà été décrites en détail par les historiens antérieurs (058) ; maintenant donc je serai bref.

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La route du Sud, en allant vers l’Ouest, passe par (les pays suivants) (059) : le royaume de Tsiu-tche (060), le royaume de p.537 Siao-yuan (061), le royaume de Tsing-tsiue, le royaume de Leou-lan (062), qui

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tous dépendent de Chan-chan ; p.538 le royaume de Jong-lou, le royaume de Han-mi (063), le royaume de K’iu-le, le royaume de P’i-k’ang (064), qui tous dépendent de Yu-t’ien (065) (Khoten) ; le royaume de Ki-pin (Cachemire) (066), le royaume de Ta-Ma (Bactriane), p.539 le royaume de Kao-fou (Kaboul), le royaume de T’ien-tchou (Inde), qui tous dépendent des Ta Yue-tche (067).

Pour ce qui est du royaume de Lin-eul (Lumbinī)  (068), p.540 les livres bouddhiques disent :

« Le roi de ce pays p.541 engendra le Buddha ; le Buddha était l’héritier présomptif ; son p.542 père s’appelait Sie-t’eou-ye

(Çuddhodana) ; sa mère p.543 s’appelait Mo-ye (Māyā). Le corps du Buddha était revêtu d’une p.544 couleur jaune ; sa chevelure était bleue comme de la soie bleue ; p.545 ses seins étaient bleus : ses poils étaient rouges comme du cuivre (069). D’abord, Mo-ye (Māyā) rêva d’un éléphant blanc et devint enceinte ; quand (le Buddha) naquit il sortit du côté gauche (070) de sa mère ; à sa naissance il avait un chignon (071) ; dès qu’il eut touché terre (072), p.546 il put faire sept pas.

Ce royaume se trouve au centre des villes du T’ien-tchou (Inde) (073). Dans le T’ien-tchou (Inde), il y eut encore un homme divin nommé Cha-lu  (074). Autrefois, la première année yuan-cheou (2 av. J.-C.) (075), sous le règne de l’empereur Ngai, de la dynastie Han, le po-che-ti-tseu King Lou (076) fut chargé d’une ambassade chez les Ta Yue-tche ; le roi ordonna à son héritier présomptif de lui communiquer oralement les livres du p.547 Buddha (077). Celui qu’on appelle « le réapparu », c’est cet homme (078). p.550 Les termes que mentionnent les (livres bouddhiques) : lin-p’ou-sai (079) (upāsaka), sang-men (çramana), po-wen  (080), sou-wen, po-sou-wen, pi-k’ieou (bhiksu), chen-men (çramana), sont tous des termes désignant des disciples. Ce que rapportent les (livres) bouddhiques offre des analogies avec le livre sacré de Lao tseu dans le Royaume du Milieu ; en effet, on pense que Lao tseu sortit des passes en allant vers l’Ouest, traversa les contrées d’occident et arriva dans le

p.551 T’ien-tchou (Inde) où il enseigna les Hou. Des autres noms des

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disciples qui dépendent du Buddha, il y en a en tout vingt-neuf ; mais je ne puis les mentionner en détail, c’est pourquoi je les abrège comme ci-dessus. — Le royaume de Kiu-li  (081) est aussi appelé Li-wei-t’o, ou encore P’ei-li-wang ; il est à 3.000 li au Sud-Est du T’ien-tchou ; ce pays est bas, humide et chaud ; le roi a pour capitale la ville de Cha-k’i ; il a plusieurs dizaines d’autres villes ; la population est pusillanime et faible ; les Yue-tche et le T’ien-tchou les ont attaqués et soumis. Ce territoire a plusieurs milliers de li de l’Est à l’Ouest et du Sud au Nord. Dans ce peuple, les hommes et les femmes ont tous dix-huit pieds de hauteur (082). Ces gens montent sur des éléphants et des chameaux pour combattre. Maintenant les Yue-tche les ont asservis et leur ont imposé des taxes. — Le royaume de P’an-yue  (083) est aussi appelé Han-yue wang ; il est à plusieurs p.552 milliers de li au Sud-Est du T’ien-

tchou ; il est voisin de Yi-pou (084) ; les habitants sont petits ; ils ont la même taille que les Chinois. Kia Sseu, qui était un homme du pays de Chou (085), est allé là. Ainsi se termine la route du Sud qui, après avoir atteint son point le plus extrême dans l’Ouest revient vers le Sud-Est (086).

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La route du centre (087) va à l’Ouest et passe (par les royaumes suivants) : Le royaume de Wei-li (088), le royaume de Wei-siu (089), le royaume de Chan-wang (090), qui tous dépendent p.553 de Yen-k’i

(Karachar) ; le royaume de Kou-mo (Aksou) (091), p.554 le royaume de Wen-sou (Ouch-Tourfân), le royaume de Wei-t’eou (092), qui tous dépendent de K’ieou-tseu (Koutcha) ; le royaume de Tcheng-tchong (093), le royaume de So-kiu (Yarkand), le royaume de Kie-che (094), le royaume de K’iu-cha (095), le royaume de Si-ye (096), le royaume de Yi-nai, le royaume de Man-li, le p.555 royaume de Yi-jo (097), le royaume de Yu-ling (098), le royaume de Yen-tou (099), le royaume de Hieou-sieou (100), le royaume de K’in (101), qui tous dépendent de Sou-lei (Kachgar). A partir de là en allant vers l’Ouest, (on atteint) Ta-yuan (Ferghānah), Ngan-si (Parthie), T’iao-tche (Chaldée), Wou-yi (102) ; Wou-yi est aussi appelé P’ai-tch’e (103). Ces quatre royaumes se succèdent

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dans l’Ouest ; ce p.556 sont des royaumes qui existaient déjà auparavant et qui n’ont pas été modifiés. Les générations précédentes se sont trompées en plaçant le T’iao-tche à l’Ouest du Ta-ts’in (104), car en réalité il est à l’Est ; les générations précédentes se sont aussi trompées en croyant qu’il était plus puissant que le Ngan-si, car maintenant au contraire il lui est asservi et est appelé le territoire occidental du Ngan-si. Les générations précédentes se sont aussi trompées en pensant que la Rivière Faible était à l’Ouest du T’iao-tche, car maintenant la Rivière Faible est à l’Ouest du Ta-ts’in (105). Enfin les générations précédentes se sont trompées en croyant que si, à partir du T’iao-tche, on marche vers l’Ouest pendant plus de deux cents jours, on approche de l’endroit où se couche le soleil, car maintenant, c’est en marchant vers l’Ouest à partir de Ta-ts’in qu’on approche de l’endroit où se couche le soleil (106).

Le royaume de Ta-ts’in est aussi appelé Li-kien (107) ;

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La nouvelle route du Nord va à l’Ouest et atteint (les royaumes suivants :) (108) le royaume de Tsiu-mi oriental, le royaume p.557 de Tsiu-

mi occidental (109), le royaume de Tan-houan, le royaume de Pi-lou (110), le royaume de P’ou-lou (111), le royaume de Wou-t’an (112) qui tous dépendent du p.558 roi de la tribu postérieure de Kiu-che (113) ; ce roi a pour capitale la ville de Yu-lai (114) ; les Wei donnèrent au roi de ce pays, Yi-to-tsa, pour qu’il le gardât, le titre de che-tchong (nommé par les) Wei; il s’intitula ta tou-wei et reçut le sceau de roi (nommé par les) Wei. (La route) oblique vers le Nord-Ouest et ce sont alors les Wou-souen (115) et le K’ang-kiu (Sogdiane) ; ces royaumes existaient auparavant et n’ont pas été modifiés. Le Wou-yi septentrional forme un royaume distinct qui est au Nord du K’ang-kiu. En outre, il y a le royaume de Lieou, puis le royaume de Yen (116), puis le royaume de Yen-ts’ai (117) p.559 qu’on appelle aussi A-lan (118) ; ils ont tous les mêmes mœurs que le K’ang-kiu ; à l’Ouest, ils touchent au Ta-ts’in ; au Sud-Est, au K’ang-kiu ; dans ces royaumes il y a beaucoup de martres réputées ;

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(les habitants) sont pasteurs et vont à la recherche des eaux et des paturâges ; ils sont voisins de grands marais ; précédemment ils ont parfois été quelque peu soumis au K'ang-kiu, mais maintenant ils n’en dépendent pas.

Le royaume de Hou-tō est au Nord des Ts’ong-ling, au Nord-Ouest des Wou-souen, au Nord-Est du K’ang-kiu ; il a plus de dix mille soldats d’élite ; (les habitants) sont pasteurs et se déplacent à la suite de leurs troupeaux ; (ce pays) produit d’excellents chevaux ; il possède des martres. Le royaume de Kien-kouen (119) est au Nord-Ouest du K’ang-kiu

p.560 (Sogdiane) ; il a trente mille soldats d’élite ; (les habitants) sont pasteurs et se déplacent à la suite de leurs troupeaux ; (ce pays) aussi a beaucoup de martres et possède d’excellents chevaux. Le royaume des Ting-ling  (120) est au Nord du K’ang-kiu ; il a soixante mille soldats d’élite ; (les habitants) sont pasteurs et se déplacent à la suite de leurs troupeaux ; (ce pays) produit des peaux de martres renommées, des peaux de Kouen-tseu blancs et de Kouen-tseu bleus. Des trois royaumes précités, les Kien-kouen forment celui qui est au centre ; tous sont à sept mille li de distance de la rivière Ngan-si où se trouve la cour du chan-yu des Hiong-nou ; du côté du Sud, ils sont à cinq mille li (121) de distance des six royaumes de Kiu-che (122) ; du côté du Sud-Ouest, ils p.561 sont à trois mille li de distance de la frontière du K’ang-kiu ; du côté de l’Ouest, ils sont à huit mille li de distance de la capitale du roi de K’ang-kiu. Quelques uns considèrent ces Ting-ling comme identiques aux Ting-ling qui sont au Nord des Hiong-nou ; mais les Ting-ling septentrionaux sont à l’Ouest des Wou-souen et paraissent être un autre peuple. En outre, au Nord des Hiong-nou il y a le royaume de Houen-yu, le royaume de K’iu-che, le royaume de Ting-ling, le royaume de Ko-kouen, le royaume de Sin-li (123). Il est clair que, puisqu’il y a encore, au Sud de la Mer du Nord, des Ting-ling, ceux-ci ne sont pas identiques aux Ting-ling qui sont à l’Ouest des Wou-souen. — Des vieillards parmi les Wou-souen racontent que chez les Ting-ling septentrionaux il y a le royaume des Jarrets de cheval ; les sons que profèrent ces hommes ressemblent aux (cris des) oies sauvages et des canards ; au-dessus du genou, ils ont un corps et une tête d’homme ; au-dessous du genou, il leur pousse des poils et ils ont des tibias de cheval et des sabots de cheval ; ils ne montent pas à

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cheval, mais ils courent plus vite qu’un cheval ; ce sont des gens braves et hardis au combat (124). — Le royaume des Nains est au Nord-Ouest du

p.562 K’ang-kiu ; les hommes et les femmes y sont tous grands de trois pieds (125) ; la population est fort nombreuse ; (ce pays) est très éloigné des divers royaumes tels que Yen-ts’ai ; les vieillards du K’ang-kiu nous apprennent par leurs récits que souvent des voyageurs ont traversé ce royaume ; il est à environ dix-mille li et plus du K’ang-kiu.

Yu Houan fait les observations suivantes : On juge communément que le poisson d’un petit cours d’eau (126) ne connaît pas la grandeur du K’iang et de la mer (127), et qu’un insecte tel que l’éphémère (128)  ne connaît pas les influences des quatre saisons ; quelle en est la raison ? C’est que l’endroit où l’un se trouve est petit et que la vie de l’autre est courte. Pour moi, maintenant, en jetant un regard étendu sur les barbares étrangers et sur les divers royaumes tels que Ta Ts’in, j’ai déjà trouvé cela une vaste tâche qui a comme dissipé mon ignorance. A combien plus forte raison (ne saurais-je m’initier) aux spéculations de Tseou Yen (129), aux p.563 profondes combinaisons du livre sur le Grand mystère du Yi king (130). Je me borne à demeurer dans la flaque d’eau qui remplit l’empreinte laissée par le sabot d’un bœuf (131) et je n’ai point d’ailleurs la longévité de P’ong-tsou (132). Je n’ai pas le moyen de profiter des vents heureux pour voguer au large, ni de monter sur des chevaux rapides pour visiter de lointains pays. Je m’efforce seulement, en contemplant le soleil, la lune et les étoiles, de laisser voler ma pensée sur les contrées les plus reculées dans les huit directions de l’espace.

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NOTE ADDITIONNELLE

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Je donne ci-dessous la traduction de deux passages du commentaire du Chouei king relatifs aux royaumes de la route du Sud et au Lop nor. Le Commentaire du Chouei king est l’œuvre de Li Tao-yuan, app. Chan-tch’ang, qui mourut en l’an 527 de notre ère (voir sa biographie dans le chap. XXVII du Pei che) ; c’est un document géographique de la plus haute importance ; mais il est souvent fort obscur. Une des meilleures éditions qui en aient été faites est celle qui a été publiée par . Tchao Yi-ts’ing en 1754 ; elle a tenté de distinguer par un artifice typographique deux parties dans le texte de Li Tao-yuan : l’une, imprimée en gros caractères, serait le commentaire du Chouei king ; la seconde, imprimée en plus petits caractères, serait le commentaire de ce commentaire lui-même. Cette disposition a certainement l’avantage de mieux faire apercevoir au lecteur la suite des idées ; il convient cependant de se rappeler que la distinction des deux textes est artificielle, que le petit texte fait partie, aussi bien que le grand texte de la rédaction primitive de Li Tao-yuan et qu’ils sont inintelligibles l’un sans l’autre. Dans ma traduction, fondée sur une p.564 ré-impression de 1880 de l’édition de Tchao Yi-ts’ing (chap. II. p. 4 r°-6 r° et p. 9 v°-10 r°), j’indique par deux astérisques ** le texte en gros caractères, et par un astérisque * le texte en petits caractères.

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Texte du Chouei king

Une autre source (du Ho) sort des montagnes qui sont au Sud de Yu-t’ien (Khoten) ; (cette branche) coule vers le Nord, se réunit au Ho des Ts’ong-ling (rivière de Kachgar), puis se jette à l’Est dans le P’ou-tch’ang hai (Lop nor).

Commentaire

** Les eaux du Ho se réunissent plus à l’Est avec le Ho de Yu-t’ien (rivière de Khoten). La source la plus méridionale (de la rivière de Khoten) passe par les montagnes qui sont au Sud de Yu-t’ien (Khoten) ; on l’appelle communément le K’ieou-mo-tche tseu-tche ; elle coule vers le Nord et passe à l’Ouest du royaume de Yu-t’ien (Khoten).

* (Le royaume de Yu-t’ien) a pour capitale la ville de Si (ou la ville occidentale) (133) ; le sol produit beaucoup de pierre de jade ; (ce pays) est à 380 li à l’Est de P’i-chan, et à plus de 5.000 li à l’Ouest de la passe Yang. Le Bouddhiste Fa-hien partit de Wou-yi (134), il se dirigea vers le

p.565 Sud-Ouest ; sur sa route il ne rencontra point d’habitants ; la marche à travers les sables était fort difficile ; les peines qu’il endura n’ont rien qui puisse leur être comparé dans ce que connaissent les hommes ; après avoir été en chemin pendant un mois et cinq jours, il parvint à atteindre Yu-t’ien (Khoten) ; ce royaume était florissant et populeux ; les gens y étaient sincèrement croyants et se rattachaient pour la plupart à la doctrine du grand Véhicule ; leur attitude digne était régulière et bien ordonnée ; les ustensiles et les bols à aumônes ne faisaient aucun bruit (135). A 15 li au Sud de la ville est le temple Li-tch’a où se trouvent (ce qu’on appelle) les bottes de pierre ; sur une pierre sont des empreintes de pieds ; d’après une tradition populaire de l’endroit, ce sont les empreintes d’un Pratyeka Buddha (136) ; mais, comme Fa-hien n’a pas relaté ce fait, il est à supposer que ce ne sont pas des empreintes de pieds du Buddha.

** Après avoir coulé vers le Nord-Ouest, (la rivière de Khoten) se jette dans le Ho (rivière de Kachgar) ; c’est ce qu’exprime le p.566

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(Chouei) king quand il dit qu’« elle se jette dans le Ho des Ts’ong-ling ». Le Fleuve du Sud se dirigeant plus à l’Est, passe au Nord du royaume de Yu-t’ien (Khoten). C’est ce qu’exprime le Che che si yu ki quand il dit : « Les eaux du Ho coulent vers l’Est pendant 3.000 li, et, arrivées à Yu-t’ien (Khoten) font un coude pour couler vers le Nord-Est ». Le Si yu tchouan du Livre des Han dit : « A l’Est de Yu-t’ien (Khoten), les eaux coulent toutes vers l’Est ». — Le-Fleuve du Sud se dirige ensuite vers le Nord-Est et passe au Nord du royaume de Yu-mi (137).

* (Ce royaume) pour capitale la ville de Yu-mi ; il est à 390 li à l’Est de Yu-t’ien (Khoten).

** Le Fleuve du Sud, allant plus à l’Est, passe au Nord du royaume de Tsing-tsiue.

* (Ce royaume) est à 460 li à l’Est de Yu-mi.

** Le Fleuve du Sud, allant plus à l’Est, passe au Nord du royaume de Tsiu-mo (138) ; plus à l’Est, il reçoit sur la droite la grande rivière A-neou-ta (Tchertchen darya). (C’est la rivière dont parle) le Che che si yu ki (quand il) dit : « Au Nord-Ouest des montagnes A-neou-ta (139), il y a une grande rivière qui coule vers le Nord et qui se jette dans le lac Lao-lan (le Lop nor) ». Cette rivière (A-neou-ta) coule vers le Nord ; elle traverse les montagnes qui sont au Sud de Tsiu-mo ; plus au Nord, elle passe à l’Ouest de la ville de Tsiu-mo.

* Ce royaume (de Tsiu-mo) a pour capitale la ville de Tsiu-mo qui, du côté de l’Ouest, communique avec (le royaume p.567 de) Tsing-tsiue à 2.000 li de là, et qui, du côté de l’Est, est à 720 li de Chan-chan. On y plante les cinq sortes de céréales ; les mœurs y sont à peu près les mêmes qu’en Chine.

** (La rivière A-neou-ta) est ensuite appelée rivière de Tsiu-mo ; coulant vers le Nord-Est, elle passe au Nord de Tsiu-mo ; coulant plus loin encore, elle s’unit sur la gauche avec le Fleuve du Sud. (Ces deux cours d’eau) coulent ensemble en obliquant vers l’Est, et, s’étant mêlées, deviennent le Fleuve Tchou-pin. Le fleuve Tchou-pin, plus à l’Est, passe au Nord du royaume de Chan-chan.

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* La capitale (de ce royaume) est la ville de Yi-siun (140). C’était autrefois le territoire de Leou-lan. Le roi de Leou-lan ayant manqué de respect aux Han, en la quatrième année yuan-fong (77 av. J.-C.) Houo Kouang chargea l’intendant de P’ing-lo, Fou Kiai-tseu de l’assassiner et de nommer à sa place le roi suivant. Les Han mirent ensuite sur le trône Wei-t’ou-k’i, fils du roi précédent, qu’ils avaient en otage et ils changèrent le nom de ce royaume en celui de Chan-chan. Au moment où tous les fonctionnaires vinrent à la porte Heng faire le sacrifice pour lui souhaiter bon voyage, le roi adressa de lui-même cette prière au Fils du Ciel :

— J’ai longtemps vécu chez les Han et je crains que le fils du roi précédent ne me fasse du mal ; dans mon royaume il y a la ville de Yi-siun qui est un endroit fertile et beau ; je désire que vous envoyiez un général y faire une colonie militaire et y accumuler du grain afin que je puisse m’appuyer sur son prestige et son autorité.

On établit donc là des colons afin de maintenir le calme (141). — Souo Man, dont l’appellation était Yen-yi p.568 et qui était originaire de Touen-

houang, était un homme capable ; sur la requête du préfet Mao Yi, il fut chargé des fonctions de général de Eul-che (142); à la tête de mille soldats de Tsieou-ts’iuan et de Touen-houang, il vint à Leou-lan pour y faire une colonie agricole ; il éleva une maison blanche ; il convoqua des soldats de Chan-chan, de Yen-k’i (Karachar) et de K’ieou-tseu (Koutcha), au nombre de mille pour chacun de ces trois royaumes, afin de faire un barrage transversal dans le fleuve Tchou-pin. Le jour où le fleuve fut barré, l’eau se précipita contre l’obstacle en bondissant avec violence et les flots recouvrirent la digue. (Souo) Man dit d’une voix sévère :

— Quand Wang Tsouen dressa son insigne de délégation, les digues du (Houang) Ho ne furent plus submergées (143) ; quand Wang Pa fit preuve de sa parfaite sincérité, (la rivière) Hou-t’o cessa de couler (144). Les divinités qui président à la vertu de l’eau sont les mêmes aujourd’hui que dans l’antiquité (145).

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(Souo) Man fit en personne des prières et des sacrifices ; mais l’eau ne diminua pas. Alors il rangea (ses soldats) en bataille et les mit sous les armes ; ils battirent du tambour, poussèrent de grands cris, tantôt frappant de l’épée, tantôt lançant des flèches, et livrèrent une grande bataille (à la rivière) pendant trois jours (146) ; l’eau se retira donc et baissa ; elle servit aux irrigations et produisit la fertilité. Les Hou proclamèrent que c’était un miracle. (Souo Man) fit de grands champs, et, au bout de trois ans, entassa un p.569 million de mesures de grain ; son prestige s’imposa aux royaumes étrangers.

** Cette rivière (le fleuve Tchou-pin) se jette à l’Est dans le lac. Le lac est au Nord de Leou-lan, à la ville de Yu-ni (147).

* (La ville de Yu-ni) est celle qu’on appelle communément la vieille ville orientale ; elle est à 1.600 li de la passe Yang ; du côté du Nord-Ouest, elle est à 1.785 li de Wou-lei ; du côté de l’Est, il y a 1.865 li jusqu’au royaume de Mo-chan (148) ; du côté du Nord-Ouest, elle est à 1.890 li de Kiu-che (Tourfan). Le sol y est sablonneux et salé et il s’y trouve peu de champs cultivés ; (ce pays) s’approvisionne de grain chez les royaumes voisins ; il produit du jade ; on y voit en abondance des roseaux, des tamaris, des saules, des éléococca de l’espèce barbare, des herbes blanches. Sur ses. confins orientaux, ce royaume occupe (le désert des) dunes en forme de dragons blancs ; comme (ce désert) est privé d’eau et de fourrage, (c’est le royaume de Leou-lan) qui toujours était chargé de fournir des guides aux ambassadeurs chinois, de leur porter de l’eau et des grains rôtis, d’aller à leur rencontre et de les accompagner (149).

** C’est pourquoi les gens de l’endroit appellent communément ce lac Lao-lan (150). C’est le terme dont se sert le Che che si yu ki quand il dit : « Le Fleuve du Sud, venant p.570 de Yu-t’ien (Khoten), va vers le Nord-Est pendant 3.000 li, et, arrivé à Chan-chan, entre dans le lac Lao-lan (151).

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

** Les eaux du Ho vont plus à l’Est et passent au Sud du royaume de Mo-chan.

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* (Ce royaume) a pour capitale la ville de Mo-chan (152) ; du côté de l’Ouest, il est à 240 li de Wei-li.

** Les eaux du Ho vont plus à l’Est et passent au Sud de la ville de Tchou-pin ; plus à l’Est, elles passent au Sud de la ville de Leou-lan (153)

puis vont se déverser du côté de l’Est.

* C’est là sans doute l’endroit où était établie la colonie des soldats envoyés pour défricher les champs et c’est pourquoi la ville a hérité du nom du royaume.

** Les eaux du Ho vont, plus à l’Est, se déverser dans les marais Yeou qui sont ce que le (Chouei) king appelle le lac P’ou-tch’ang (Lop nor). L’eau s’y accumule au Nord-Est de Chan-chan, et au Sud-Ouest de la ville du Dragon (154).

p.571 * La ville du Dragon est le site de la ville où résidait autrefois Kiang Lai (155). C’était un grand royaume des Hou. Un débordement du lac P’ou-tch’ang (Lop nor) recouvrit la capitale de ce royaume. Les fondements (de cette ville) sont encore conservés ; ils sont fort étendus ; si, au lever du soleil, on part de la porte occidentale, on arrive au coucher du soleil à la porte orientale. On avait pratiqué un canal au pied escarpé de cette ville ; sur la coulée qui en a subsisté, le vent en soufflant (156) a produit peu à peu la forme d’un dragon dont la face tournée vers l’Ouest regarde le lac ; c’est de là que vient le nom de ville du Dragon. Cette région a mille li d’étendue ; elle est entièrement faite de sel, mais de sel à l’état dur et solide. Les voyageurs qui passent par là étendent des pièces de feutre pour tous leurs animaux domestiques afin de les faire coucher dessus. Quand on creuse au-dessous du sol, on trouve des blocs de sel, gros comme de grand oreillers, qui sont empilés régulièrement les uns sur les autres. (Il y a dans cette contrée) comme des brouillards qui s’élèvent et des nuages qui flottent et on y aperçoit rarement les étoiles et le soleil ; il s’y trouve peu d’animaux vivants et beaucoup de démons et d’êtres étranges.

** (La région où se trouve la ville du Dragon) touche, du côté de l’Ouest, à Chan-chan et se rattache, du côté de l’Est, aux trois déserts de sable ; elle constitue la limite Nord du lac ; c’est pourquoi le (lac) P’ou-tch’ang (Lop nor) porte aussi le nom de lac salé.

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NOTES

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(001) Che t’ong t’ong che (réimp. de 1885), chap. XII, p. 13 v°.

(002) Ceci confirme l’opinion déjà exprimée par Sylvain Lévi qu’un léger indice avait conduit à la même conclusion (Journal Asiatique, Mai-Juin 1900, p. 498, lignes 22-29), et par Hirth qui avait trouvé à ce sujet un renseignement de seconde main dans l’encyclopédie T’ou chou tsi tch’eng (Nachworte sur Inschrift des Tonjukuk, p. 41, n. 2). Mais c’est en réalité le témoignage de Lieou Tche-ki qui seul peut nous donner une certitude définitive.

(003) Journal Asiatique, Janv.-Fév. 1897, p. 14-20 et Mai-Juin 1900, p. 461-468. p.521n

(004) Yi tcheou est le nom d’une commanderie qui fut instituée en l’an 109 av. J.-C. par l’empereur Wou, de la dynastie Han ; son centre administratif se trouvait à l’Est de la préfecture secondaire de P’ou-ning (préf. et prov. de Yun-nan). — Il ne faut pas confondre le Yi tcheou des Han avec le Yi-tcheou de l’époque des cinq dynasties, lequel correspond à Tch’eng-tou fou du Sseu-tch’ouan.

(005) La commanderie de Wou-tou fut établie en 118 av. J.-C. par l’empereur Wou ; son centre était à 80 li à l’ouest de la sous-préfecture de Tch’eng (préfecture secondaire de Kiai, prov. de Kan-sou).

(006) Fou-lou était le nom d’une sous-préfecture (hien) de la commanderie de Tsieou-ts’iuan (auj. préf. sec. de Sou, prov. de Kan-sou).

(007) L’ancienne sous-préfecture de K’ien était au Sud de l’actuelle préfecture secondaire de Long (préf. de Fong-siang, prov. de Chàn-si).

(008) L’ancienne sous-préfecture de Long était au nord de la sous-préfecture actuelle de Ts’ing-chouei (préf. sec. de Ts’in, prov. de Kan-sou).

(009) Au début du chap. CXVI consacré aux Barbares du Sud (traduit par Wylie, Rev. de l’Extr. Orient, 1882, p. 200-201), le Heou Han chou a raconté tout au long la légende du chien P’an-hou qui épousa la fille de l’empereur Kao-sin (identifié par Sseu-ma Ts’ien avec l’empereur K’ou) et qui fut l’ancêtre des Barbares du Sud. Le commentaire du Heou Han chou cite à ce propos un passage du Wei lio lui-même qui nous indique une étymologie populaire du nom de P’an-hou : « L’empereur Kao-sin avait une vieille femme mariée qui demeurait dans la maison du roi et qui avait un mal d’oreille. En lui extirpant

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ce mal, on trouva un objet grand comme un cocon, cette femme le plaça dans une calebasse (hou) qu’elle recouvrit d’une écuelle (p’an) ; au bout d’un instant, l’objet se transforma en un chien de toutes les couleurs ; c’est pourquoi on l’appela P’an-hou. »

(010) Le mot jan, d’après le dictionnaire de Couvreur, désigne un boa. p.522n

(011) Traduction très hypothétique des deux mots  ; en réalité, le texte me paraît ici soit incomplet, soit fautif.

(012) Ainsi s’expliquent les termes « Ti verts, Ti blancs » qui ont été cités plus haut.

(013) Dans le chap. I de la section Wei tche du San kouo tche, on lit que la révolte de Ma Tch’ao éclata en effet en 211 ; mais ce ne fut qu’en 213 qu’il obtint le concours des tribus Ti : « La dix-huitième année kien-ngan (213), … Ma Tch’ao, se trouvant à Han-yang (au S. de la s.-p. de K’ing fou, préf. de Siu-tcheou, prov. de Sseu-tch’ouan), recommença à faire du mal en se servant des K’iang et des Hou. Le roi des Ti, Ts’ien-wan, se révolta pour faire cause commune avec lui. (Ma) Tch’ao campa à Hing-kouo ; Hia-heou Yuan l’attaqua ». Dans le premier mois de la dix-neuvième année (214), Hia-heou Yuan vainquit et mit en fuite Ts’ien-wan ; il extermina les gens du pays de Hing-kouo.

(014) Mei-yang était une sous-préfecture (hien) de la commanderie de yeou Fou-fong (c’est-à-dire le Fou-fong à droite ou à l’Ouest de la capitale). Elle se trouvait au Sud-Ouest de la sous-préfecture actuelle de Wou-kong (préf. sec. de K’ien, prov. de Chàn-si). p.523n

(015) Le centre de la commanderie de T’ien-chouei était au Sud-Ouest de la sous-préfecture actuelle de T’ong-wei (préf. de Kong-tch’ang, prov. de Kan-sou).

(016) Nan-ngan était une sous-préfecture qui dépendait de la commanderie de Kien-wei ; elle se trouvait à 20 li au Nord-Ouest de la sous-préfecture actuelle de Kia-kiang (préf. de Kia-ting, prov. de Sseu-tch’ouan).

(017) Le texte est ainsi conçu : […]. Mais plus bas (cf. p. 626, lignes 9-10), on trouve le nom de [][][], ce qui prouve que le mot [] est ici une superfétation, et, en effet, l’introduction de ce caractère parasite rendrait le texte inintelligible. Cependant le nom de la commanderie de Kouang-wei est lui-même fort embarrassant, car il ne figure pas dans les chapitres géographiques du Tsin chou (chap. XIV et XV), et, par suite, ne se trouve pas dans le dictionnaire de géographie historique de Li Tchao-lo, lequel se fonde uniquement sur les

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historiens canoniques. Par bonheur, les chapitres géographiques du Tsin chou ont fait l’objet d’une étude de Pi Yuan publiée en 1781 sous le titre […] « le Traité géographique du Tsin chou nouvellement complété et rectifié » ; c’est dans cet ouvrage que nous trouvons enfin la solution désirée ; nous y lisons en effet (chap. I, p. 4 v° de la ré-impression faite dans le King hiun t’ang ts’ong chou) :

« L’empereur Wou (= Ts’ao Ts’ao, qui vécut de 155 à 220), de la dynastie Wei, institua la commanderie de Kouang-wei ; sous les Tsin, pendant la période t’ai-che (265-274), on changea pour la première fois ce nom en Lio-yang.

On relève en effet le nom de la commanderie de Lio-yang dans le Tsin chou (chap. XIV, p. 15 v°) avec un commentaire confirmant que le nom de Lio-yang était autrefois Kouang-wei ; le dictionnaire de Li Tchao-lo nous apprend d’autre part que le centre administratif de la commanderie de Lio-yang (ancien Kouang-wei) était à 90 li au N. E. de la sous-préfecture actuelle de Ts’in-ngan (préf. sec. de Ts’in, prov. de Kan-sou). Ainsi se trouve déterminé l’emplacement occupé par la commanderie de Kouang-wei. — Remarquons incidemment que l’emploi fait par Yu Houan du nom de Kouang-wei, qui ne fut en usage que de 220 environ à 265 environ, est en parfait accord avec la date approximative assignée par Lieou

Tche-ki à l’ouvrage écrit par cet auteur. p.524n

(018) Je n’ai trouvé aucun texte pouvant expliquer le sens précis et l’origine de ce terme.

(019) La localité de Kiai est mentionnée plus bas (p. 525, l. 2-3) comme étant voisine de l’ancienne commanderie de Wou-tou (cf. p. 521, n. 2) et de la sous-préfecture de Yin-tsin ; il faut donc vraisemblablement lire [] au lieu de [] et identifier cette place avec la sous-préfecture de Chang-kouei qui dépendait de la commanderie de Long-si, et qui était au Sud-Ouest de l’actuelle préfecture secondaire de Ts’in dans la province de Kan-sou.

(020) Ki était une sous-préfecture de la commanderie de T’ien-chouei ; c’est aujourd’hui la sous-préfecture de Fou-k’iang (préf. de Kong-tch’ang, prov. de Kan-sou).

(021) La sous-préfecture de Houan-tao était dans la commanderie de T’ien-chouei ; elle était au Nord-Est de la sous-préfecture actuelle de Long-si (préf. de Kong-tch’ang, prov. de Kan-sou).

(022) [][] « les commanderies et les royaumes » ; ce terme désigne les principales divisions administratives des Chinois qui avaient réparti tout leur

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Les pays d’Occidentd’après le Wei lio

territoire en un certain nombre de commanderies et de royaumes. p.525n

(023) Cf. n. 005.

(024) Le district de Yin-p’ing était au Nord-Ouest de la sous-préfecture actuelle de Wen (préf. de Kiai, prov. de Kan-sou).

(025) Cf. n. 019.

(026) Le mot qui signifie « prisonnier, esclave », est souvent employé comme terme générique désignant les barbares du Nord. Le mot lui-même est, comme on va le lire, un mot Hiong-nou signifiant « esclave ». Ainsi le nom de Tseu-lou ne paraît pas avoir une valeur ethnique précise ; il s’applique au ramassis de hordes qui, primitivement asservies par les Hiong-nou, vaguaient au Nord du Kan-sou.

(027) Le Hei chouei paraît devoir être identifié avec le Tang ho ou rivière de Cha tcheou. Cf. Sseu-ma Ts’ien , trad. fr., t. I, p. 126, n. 2 .

(028) Le terme Hei chouei désignant une rivière, et non une circonscription administrative, il doit en être de même du terme Si ho qui ne peut s’appliquer ici à la commanderie de Si-ho à cheval sur le Houang-ho dans le Nord du Chan-si et du Chàn-si. Je considère donc le Si ho dont il est question dans notre texte comme étant la branche occidentale de la grande boucle du Houang ho ; le domaine des Tseu-lou est ainsi limité par Cha tcheou à l’Ouest et par le massif de l’Ala-chan à l’Est.

(029) La commanderie de Kin-tch’eng avait son centre au Nord-Ouest de la ville préfectorale de Lan-tcheou (prov. de Kan-sou).

(030) Préfecture de Leang-tcheou, dans le Kan-sou.

(031) Préfecture secondaire de Sou, dans le Kan-sou. p.526n

(032) Je crois qu’il faut lire Sien-pi.

(033) On trouvera plus loin une notice sur les Ting-ling.

(034) Les Hiong-nou avaient réduit en esclavage et déplacé un grand nombre de peuples divers qui se trouvaient ainsi mêlés ensemble.

(035) Entre 200 et 220 environ ap. J -C.

(036) Le caractère se prononce aussi tche ; mais le prononciation t’o paraît préférable lorsqu’il s’agit de transcriptions de noms étrangers.

(037) Auj., s.-p. de Ts’in-ngan (préf. sec. de Ts’in, prov. de Kan-sou). Cf. p. 523, n. 3.

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(038) Les montagnes qui sont au Sud de Touen-houang (Cha tcheou) et des Contrées d’occident (Turkestan oriental) forment le système des Nan-chan et de l’Altyn tagh qui se rattache à l’Ouest au massif des Pamirs (Ts’ong-ling). Les peuples dont il va être question sont les peuples de race tibétaine dont les Chinois ne connaissaient alors que les tribus les plus septentrionales et les plus orientales, c’est-à-dire celle qui étaient limitrophes de leurs propres possessions.

(039) Le caractère se prononce ici je ou jö. — Le Ts’ien Han chou (chap. CXVI, p. 2 r°) renferme une notice sur les Jö K’iang :

« Lorsqu’on est sorti de la passe Yang p.527n (au S. O. de Touen-

houang ; cf. Dix inscriptions de l’Asie Centrale, p. 67, n. 2), le premier peuple qu’on rencontre en avançant est celui des Jö K’iang ; le surnom du roi du royaume des Jö K’iang est « Celui qui a quitté les barbares Hou pour venir se soumettre à l’empire » (titre qui lui avait été décerné par la Chine pour le récompenser d’avoir rompu avec les Hiong-nou). (Ce peuple) est à 1.800 li de la passe Yang et à 6.300 li de Tch’ang-ngan ; il vit retiré au Sud-Ouest et ne se trouve pas en travers de la grande route (la route de Cha tcheou au Lop nor). Ils sont au nombre de 450 foyers et de 1.700 individus ; ils ont 500 soldats d’élite. Du côté, de l’Ouest, ils touchent au (royaume de) Tsiu-mo (à peu près mi-distance entre le Lop nor et Niya). Ils se déplacent avec leurs troupeaux à la recherche des eaux et des pâturages et ne sont pas agriculteurs. Ils comptent sur (les pays de) Chan-chan (voyez plus loin) et Tsiu-mo pour les approvisionner de céréales. Ils ont dans leurs montagnes du fer dont ils font des armes ; en fait d’armes, ils ont des arcs, des lances, des poignards qu’on porte au côté, des épées et des cuirasses. Du côté du Nord-Ouest ils arrivent jusqu’à Chan-chan et c’est en cet endroit qu’ils sont en travers de la grande route. 

— Lors d’une expédition entreprise en 61 av. J.-C. pour empêcher les Hiong-nou de s’allier aux Tibétains (Ts’ien Han chou, chap. LXIX, p. 8 v°), deux officiers chinois étaient à la tête d’un contingent de 4.000 hommes recrutés parmi les Jö et les Yue-tche , ces derniers étant les petits Yue-tche

dont il va être question dans la note suivante.

— Nous voyons apparaître dans l’histoire de Chine, à la date de l’an 2 de notre ère, le titre de « Celui qui a quitté les barbares Hou pour venir se soumettre à l’empire » , titre qui, d’après la notice précitée du Ts’ien

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Han chou, désigne le roi des Jö K’iang ; à cette date, en effet, T’ang Teou, ayant le titre de « Celui qui a quitté les barbares Hou pour venir se soumettre à l’empire », demanda vainement l’appui du Protecteur Chinois pour lutter contre ses puissants voisins, les K’iang de la rivière rouge ; ne recevant aucun secours, il alla se réfugier auprès du chan-yu des Hiong-nou ; mais les Chinois obtinrent son extradition et le firent périr (cf. Ts’ien Han chou, chap. XCIV, b, p. 8 r° ; chap. XCVI, b, p. 9 r° ; Wylie, Notes on the Western Regions, Journ. Anthropological lnstitute, vol. XI, Aug.-Nov. 1881, p. 110-111 ; on remarquera que Wylie fait erreur en parlant du « Keu-hoo-lae king » ; en réalité, l’expression signifie « venir vers l’empereur » pour lui rendre hommage (cf. Che king, 4 e ode sacrificatoire des Chang ).

(040) Lorsque les grands Yue-tche, vaincus par les Hiong-nou, partirent vers le milieu du deuxième siècle avant notre ère pour le grand exode qui devait les mener sur les bords de l’Oxus où Tchang K’ien les trouva en 128 av. J.-C., « un petit nombre d’entre eux, incapable de partir, resta en arrière et se réfugia chez les K’iang des montagnes du Sud; on les surnomma les petits Yue-tche » (Sseu-ma Ts’ien, chap. CXXIII, p. 2 v°). — Le souvenir des petits Yue-tche cantonnés sur le versant septentrional de l’Altyn tagh entre Cha-tcheou et le Lop nor s’est conservé pendant longtemps. p.528n En 939 ap. J.-C., le voyageur Kao Kiu-houei, qui faisait partie d’une ambassade envoyée au roi de Khoten, note que : « A l’Ouest de Cha-tcheou est (le peuple) qu’on appelle les Tchong-yun ; leurs campements sont établis dans le désert Hou-lou ; on rapporte que les Tchong-yun sont un rameau qui est resté des petits Yue-tche (Ou tai che, chap. LXXIV, p. 5 r°) ».

(041) Le peuple des Po-ma est déjà cité par Sseu-ma Ts’ien (chap. CXVI, p. 1 v°) qui le range dans le catégorie des Ti. La géographie Kouo ti tche (645 ap. J.-C.) localise les Po-ma dans les deux arrondissements de Tch’eng (auj. s.-p. de Tch’eng dans la préf. sec. de Kiai de Kan-sou) et de Wou (au N. de l’actuelle préf. sec. de Kou-yuan, dans la préf. de P’ing-leang, prov. de Kan-sou).

(042) Houang nieou signifie « bœuf jaune ». Les Houang-nieou K’iang étaient, comme on le lira quelques lignes plus bas, au Nord des Po-ma.

(043) Ce nombre est celui qui est en effet indiqué au débat du chap. XCXVI du Ts’ien Han chou. — Ces trente six royaumes ne comprenaient que les régions connues aujourd’hui sous les noms de Dzoungarie et de Turkestan oriental ; c’étaient donc de fort petites principautés.

(044) « Sous les règnes des empereurs Ngai (6-1 av. J.-C.) et P’ing (1-5 ap. J.-C.), ils se morcelèrent de manière à former cinquante cinq royaumes » (Heou Han

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chou, chap. CXVIII, p. 1 r°). p.529n

(045) Dans le Ts’ien Han chou (chap. XCVI, a, p. 1 r°) on ne trouve en effet l’indication que de deux routes, celle du Sud et celle du Nord. La route du Sud conserve le même nom dans le Wei lio ; mais la route du Nord y prend le nom de route du Centre ; et enfin il y est question d’une troisième route qui est la nouvelle route du Nord.

(046) Pour Yu Houan, la passe Yu-men était encore, comme à l’époque des Han, au Nord-Ouest de Touen-houang (Cha tcheou). On sait que, à l’époque des T'ang, le nom de cette passe fut reporté plus à l’Est et appliqué à un défilé situé au Nord de Ngan-si tcheou (cf. Dix inscriptions chinoises de l’Asie Centrale, p. 67, n. 2).

(047) Cf. n. 039.

(048) Les Pamirs.

(049) Les passages suspendus sont une expression par laquelle on désigne la route du Bolor (petit Pou-lu), de l’histoire des T’ang ; Po-louen de Tche-mong (BEFEO, t. III, p. 431, n. 5) ; Po-lou-le de Song Yun ; Po-lou-lo de Hiuen-tsang ; le Pou-lou de Ki-ye (BEFEO, t. IV, p. 77), c’est-à-dire la vallée de Yassin par laquelle le voyageur venant du Wakhān passait pour arriver à l’Indus et se rendre soit dans le Cachemire, soit dans l’Udyāna. Les difficultés de cette route ont été décrites d’une manière particulièrement intéressante dans la biographie du pélerin Fa-yong (BEFEO, t. III, p. 435). Il est important de noter que, dès l’époque de Yu Houan, c’est-à-dire dès le milieu du troisième siècle de notre ère, les Chinois avaient connaissance du chemin qui menait des Pamirs dans le Cachemire.

(050) Au milieu du troisième siècle de notre ère, les Ta Yue-tche occupaient tout le Nord-Ouest de l’Inde. On verra plus loin, dans le paragraphe consacré spécialement à la route du Sud, que cette route débouchait dans le Ki-pin (Cachemire), alors sous la dépendance des Ta Yue-tche.

(051) On appelait « amas en forme de dragons » ou « amas en forme de dragons blancs » une partie du désert où les dunes de sable blanc allongées régulièrement paraissaient autant de dragons. Voici en effet ce que dit, au troisième siècle de notre ère, le commentateur Mong K’ang, (dans Ts’ien Han

chou, chap. XCIV, b, p. 7 v°) : p.530n

« Les amas en forme de dragons ont l’apparence du corps d’un dragon en terre qui n’aurait pas de tête mais qui aurait une queue. Les plus hauts ont de deux à trois tchang (20 à 30 pieds) ; les plus

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bas, plus d’un tchang (plus de dix pieds) ; tous sont tournés vers le Nord-Est et se ressemblent.

— D’après Si Song (Han chou Si yu tchouan pou tchou, 1829, chap. II, p. 27 r°), le Long-touei, un désert des dunes en forme de dragons, est la partie du désert de Gobi dont on traverse l’extrémité septentrionale lorsqu’on passe à Che san kien fang, sur la route de Hami à Tourfan ; la localité de Che san kien fang est marquée à environ 350 li à l’Est de Pidjan sur la carte du territoire de Tourfan dans le Sin kiang che lio de Song Yun (1821).

— Ce dernier ouvrage, décrivant la route actuelle de Hami à Tourfan, dit (chap. I, p. 8 v° de la petite édition publiée à Chang-hai en 1894) :

« A partir de Hami, marchant dans la direction de l’Ouest, on oblique et on va vers le Nord pour franchir les monts Oukeke ; on va entre deux montagnes afin d’éviter les dangers du Gobi venteux.

En note, l’auteur ajoute :

« Au Sud de ces montagnes se trouve le Gobi venteux ; il s’étend partout sur plusieurs milliers de li ; c’est ce qu’on appelle le désert de sable Gachoun (amer) : ce sont les dunes en forme de dragons blancs de l’antiquité.

— Si on jette les yeux sur la carte 62 (édition de 1902) de l’Atlas Stieler, on constatera que la grande route de Hami à Tourfan décrit en effet un arc de cercle pour passer dans la région montagneuse du Nord. Elle évite ainsi la vallée du diable (Teufelsthal) ou, plus exactement, la vallée des démons qui est située sur la route plus directe mais plus dangereuse allant de Hami à Tourfan.

— C’est cette route plus méridionale que prit en 981 ap. J.-C. l’ambassadeur chinois Wang Yen-tö pour faire le trajet de Hami à Tourfan (Song che, chap. CCCCXC, p. 4 v° ; cf. Stan. Julien, Mélanges de géographie asiatique, p. 91-92) : partant de Yi tcheou (Hami), ce voyageur 

« passa par Yi-tou, # puis il passa par Na-tche (voyez la note suivante) ; cette ville est la localité la plus proche par rapport à Yu-men kouan qui est au Sud-Est du désert des démons grandement malfaisants. Dans cette région il n’y a ni eau ni herbages ; (Wang Yen-tö) se mit en route en emportant du grain grillé ; au bout de trois jours il arriva au relai de Pi-fong (qui éloigne le vent) à l’issue de la vallée des démons. Conformément à la règle de ce pays, il fit un sacrifice et adressa une invitation aux dieux pour qu’ils arrêtassent le vent et le vent alors cessa. Au bout de huit jours en

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tout, il arriva au temple Tsö-t’ien (qui fertilise les champs). (Le roi de) Kao-tch’ang apprenant l’arrivée de l’ambassadeur, envoya des gens à sa rencontre. Il passa ensuite par une localité appelée Pao-tchouang (ce doit être Pidjan), puis par Leou-tchong (Louktchoun) et arriva alors à Kao-tch’ang, qui n’est autre que l’arrondissement de Si (Yar-khoto, à 20 li à l’Ouest de Tourfan).

— Il était nécessaire de réunir ici tous ces textes afin de montrer que la route suivie dans l’antiquité pour aller de Hami à Tourfan traversait l’extrémité septentrionale du grand désert qui s’étendait au Sud jusqu’à p.531n Yu-men

kouan (près de Cha tcheou). Le terme Po long touei (les dunes en forme de dragons blancs) s’applique en réalité à une immense région ; c’est ce qui explique pourquoi le Ts’ien Han chou (chap. XXVIII, b, p. 2 v°) peut nous dire que,

« droit à l’Ouest de Touen-houang (Cha-tcheou), en-dehors des passes (Yu-men kouan et Yang kouan) il y a le désert de sable Po long touei et il y a le lac P’ou-tch’ang (Lop nor).

Il ne s’ensuit pas nécessairement que la route qui traversait le Po long mei se dirigeât droit à l’Ouest à partir de Cha tcheou dans la direction du Lop nor ; elle pouvait être tout aussi bien la route qui va de Cha tcheou à Hami (ou, pour être plus exact en parlant de la route antique, « à l’Ouest de Hami » ; voyez plus loin (n. 052 ici), puis à Tourfan, puisque, entre ces deux dernières localités on traversait l’extrémité septentrionale du Po long touei. Nous allons montrer dans la note suivante que c’est cette seconde direction que devait avoir la route dite du centre dans le Wei lio.

(052) A priori on peut admettre que la route dite du centre dans le Wei lio doit coïncider avec la route dite du Nord dans le Ts’ien Han chou ; en effet Yu Houan nous a dit qu’autrefois on ne connaissait que deux routes pour aller dans le pays d’occident, mais que maintenant on a ouvert une troisième route plus septentrionale ; ainsi, la seule route qui soit nouvelle est la route du Nord ; quant aux routes du centre et du Sud, elles ne sont autres que celles qui étaient déjà suivies à l’époque des premiers Han ; nous sommes donc en droit de considérer la route du centre d’après le Wei lio comme identique à la route dite du Nord dans le Ts’ien Han chou ; or cette route est décrite par le Ts’ien Han chou (chap. XCVI, a, p. 1 r°) en ces termes :

« A partir de la cour antérieure de Kiu-che (Tourfan), suivant les montagnes septentrionales (les T’ien chan), et longeant le Ho (la rivière Tarim considérée comme le cours supérieur du Houang ho),

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on marche vers l’Ouest et on arrive à Sou-le (Kachgar) ; c’est la route septentrionale. Plus à l’Ouest, (cette route) franchit les Ts’ong-ling (Pamirs) et débouche sur Ta-yuan (Ferghâna), K’ang-kiu (Sogdiane) et An-ts’ai (Alains) »

(après le nom de An-ts’ai vient encore celui de Yen-k’i, Karachar, qui est une superfétation amenée peut-être par la présence dans la rédaction originale de la particule finale ).

— Ce texte est important, car il établit que la route du Nord, dite route du Centre dans le Wei lio, passait par Tourfan ; elle ne s’enfonçait donc pas droit à l’Ouest à partir de Touen-houang, mais elle devait remonter au Nord dans la direction de Hami pour tendre de là vers Tourfan.

— La mention faite par le Wei lio de l’ANCIEN Leou-lan peut-elle se concilier avec cette conclusion ? Nous remarquerons d’abord que c’est une opinion traditionnelle chez bon nombre d’érudits chinois que le Leou-lan ou Chan-chan, de l’époque des Han doit être identifié avec Pidjan ; voyez, par exemple, dans le chap. III du Hai kouo t’ou tche la carte des contrées d’occident au temps des Han où il est dit : Chan-chan, aujourd’hui Pidjan. Une localisation assez voisine de celle-ci nous est suggérée par le T’ang chou (chap. XL, p. 8 v°) qui nous informe que la sous-préfecture de Na-tche fut établie en 630 ap. J.-C. sur l’emplacement de p.532n l’ancienne ville de Chan-chan ; or la sous-préfecture de Na-tche est identifiée par le Sin kiang che lio (chap. I, p. 8 v°) avec la localité de Teng-ts’ao-keou qui est marquée par les cartes chinoises, au Nord-Ouest de Hami, sous le nom de []. D’après le Yuan ho kiun hien t’ou tche, publié par Li Ki-fou entre 806 et 814 (cf. Pelliot, dans BEFEO, III, p. 716-718), « la sous-préfecture de Na-tche était à 120 li au Sud-Ouest de Yi tcheou (Hami) ; cette ville fut construite par des gens de Chan-chan ; comme les barbares donnent à Chan-chan le nom de Na-tche, c’est pour cette raison qu’on attribua ce dernier nom à la sous-préfecture ». Ce passage du Yuan ho kiun hien t’ou tche est cité dans le Ta Ts’ing yi t’ong tche, chap. CCCCXVII, 1, p. 2 v° ; on voit qu’il place Na-tche au Sud-Ouest, et non, comme le propose le Sin kiang che lio, au Nord-Ouest, de Hami ; d’autre part, il n’identifie pas, comme le fait le T’ang-chou, la sous-préfecture de Na-tche avec la ville même de Chan-chan, car il se borne à dire que la ville de Na-tche fut construite par des gens de Chan-chan. Malgré ces divergences, on peut dire que le témoignage de Li Ki-fou concourt lui aussi à nous montrer que l’ancien Chan-chan devait se trouver dans la région de Pidjan et de Na-tche. Enfin le texte de la relation de Kao Kiu-houei que nous avons traduit plus haut (note 051 ici) nous a appris que Na-tche était la ville la plus voisine de Yu-men kouan dont elle était séparée par un désert redoutable ; on

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peut en inférer, d’abord que Na-tche était au Sud-Ouest, et non au Nord-Ouest, de Hami, # ce qui donne raison au Yuan ho kiun hien t’ou tche contre le Sin kiang che lio, ensuite que la route partant de Yu men kouan aboutissait à Na-tche en laissant Hami à 120 li au Nord-Est, et en dernier lieu que l’ancien Chan-chan peut être identique à Na-tche, comme l’indique le T’ang chou, puisqu’il est précisément la ville sur laquelle on débouche en venant de Yu-men kouan à travers le désert, mais qu’il serait aussi bien identique à Pidjan, comme le veulent les érudits modernes, puisque le désert de Long-touei qu’on franchit avant d’arriver à l’ancien Chan-chan peut être soit la partie du désert située au Sud de Na-tche, soit celle qui s’étend entre Na-tche et Pidjan. En définitive donc l’ancien Chan-chan (Leou-lan) nous paraît être Pidjan ou Na-tche, sans que nous ayons de raison décisive pour opter en faveur de l’une plutôt que de l’autre de ces deux localités.

— Cependant, ainsi que nous le verrons plus loin, un très grand nombre de témoignages historiques s’accordent à placer Chan-chan (autrefois Leou-lan) au Sud du Lop nor ; comment concilier ces deux localisations si distantes l’une de l’autre ? # C’est le Wei-lio lui-même qui nous indique la solution du problème en plaçant Leou-lan sur la route du Sud et l’ANCIEN Leou-lan sur la route du centre ; nous dirons donc que la capitale du Leou-lan se trouva d’abord dans le voisinage de Pidjan et de Na-tche, et qu’il fut ensuite au Sud du Lop nor. On peut d’ailleurs déterminer avec assez de vraisemblance à quelle date dut s’opérer ce transfert : si on lit attentivement la notice du Ts’ien Han chou sur le royaume de Chan-chan (trad. Wylie, Journ. Anthrop. Inst., vol. X, p. 23-28) on remarquera que, antérieurement à l’année 77 av. J.-C., certains faits relatifs au royaume de Leou-lan supposent que la capitale de ce pays était située sur la route de Hami à Tourfan ; c’est ainsi que, en 108 av. J.-C. nous voyons le général Tchao P’o-nou entreprendre une expédition au cours de

p.533n laquelle il fait prisonnier le roi de Leou-lan, puis soumet Kou-che, (=Kiu-

che, Tourfan) et étend son prestige jusque chez les Wou-suen (vallée de l’Ili) et le Ta-yuan (Ferghânah). Il est évident que, dans cette campagne, Tchao P’o-nou a dû passer par la route de Hami à Tourfan et rencontrer dans ce trajet la capitale du Leou-lan. On pourrait, il est vrai, objecter que d’après Sseu-ma Ts’ien (chap. CXXIII, p. 2 r°), écrivant vers l’an 100 av. J.-C.,

« les royaumes de Leou-lan et de Kou-che ont des villes munies de remparts intérieurs et extérieurs et sont voisins du marais salé

,

c.-à-d. du Lop nor ; mais le mot me paraît ici signifier simplement que ces

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deux royaumes étaient en communication par des routes avec la région du Lop nor ; ce n’est pas à dire que leurs capitales respectives fussent nécessairement près de ce lac ; nous savons d’ailleurs d’une manière certaine que Kou-che ou Kiu-che occupait la région de Tourfan ; il n’y a donc rien de surprenant à ce que le royaume de Leou-lan, mentionné en même temps que lui, ait eu sa capitale à Pidjan ou à Na-tche, tout en possédant un territoire qui, de même que celui du roi de Kiu-che (Tourfan), atteignait au Sud le Lop nor. En 77 av. J.-C., les Chinois firent mettre à mort traîtreusement le roi de Leou-lan ; ils le remplacèrent par son frère cadet qui était à leur dévotion et c’est alors que ce royaume prit le nom de Chan-chan. A ce changement de nom me paraît correspondre un transfert de capitale qui est peut-être la raison du changement de nom lui-même ; en effet, nous lisons que le nouveau roi de Chan-chan, craignant que ses sujets ne le fissent périr, demanda aux Chinois d’établir une garnison dans la ville de Yi-siun, afin de le protéger ; pour que cette protection fût efficace, il est nécessaire d’admettre que la ville de Yi-siun était assez proche de la résidence du roi ; or, nous savons par le commentaire du Chouei king (voyez la note additionnelle à la fin du présent article) que Yi-siun était au Sud de la rivière Tarim, non loin de son embouchure dans le Lop nor ; il faut donc que la capitale du roi de Chan-chan ait été, à partir de l’année 77, voisine de cette localité ; elle ne peut être autre que la ville de Yu-ni que le Ts’ien Han chou dit être la capitale du royaume de Chan-chan et que le commentaire du Chouei king place au Sud du Lop nor.

(053) La nouvelle route du Nord fut aménagée en l’an 2 de notre ère. Elle passait par le territoire de la tribu postérieure de Kiu-che, c’est-à-dire par la localité que les Turcs du huitième siècle de notre ère désignaient sous le nom de Bichbaliq et que représente aujourd’hui la localité de Tsi-mou-sa (Dsimsa) près de Kou-tch’eng (Goutchen). Voici ce que nous lisons au sujet de cette nouvelle route dans le Ts’ien Han chou (chap. XCXVI, 6, p. 8 v°) :

« Pendant la période yuan-che (1-5 av. J.-C.), on fit dans le royaume du roi postérieur de Kiu-che une nouvelle route qui, sortant au Nord de Wou-tch’ouan, pénétrait jusqu’à la passe Yu-men ; le trajet s’en trouva raccourci. Le wou-ki-hiao-wei Siu P’ou-yu avait ouvert (cette route) afin d’abréger de moitié la longueur du chemin et d’éviter les dangers du Po-long-touei (voir la suite dans Wylie, Notes on the Western Regions, Journal Anthropological Institute, vol. XI, p. 109) ».

— D’après Siu Song (Han chou si yu tchouan pou chou, chap. II, p. 27 r°), le nom de Wou-tch’ouan « les cinq bateaux » s’appliquerait p.534n à cinq collines longues chacune d’un demi-li environ, qui ont le sommet aplati tandis que leurs

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deux extrémités sont abruptes, ce qui leur donne quelque analogie avec des bateaux ; malheureusement Siu Song n’indique pas avec précision l’emplacement de ces cinq collines et se borne à dire qu’elles se trouvaient dans le petit nan-lou, expression qui paraît désigner la partie la plus orientale du T’ien chan nan lou.

(054) Cf. note 051. Tandis que la route du centre, partant de Yu-men kouan au Nord-Ouest de Touen-houang (Cha-tcheou) me paraît être celle qui, sur la carte n° 62 de Stieler (éd. de 1902) est marquée comme passant à Br. Balotutsin, et ensuite près du lac To-li, la nouvelle route du Nord, partant elle aussi de Yu-men kouan, devait aller droit au Nord pour rejoindre à Ku-fi la grande route actuelle qui relie Ngan-si tcheou à Hami. De Hami, elle traversait les montagnes à la passe Kouchetou et débouchait sur Barkoul ; à partir de là, elle filait vers l’Ouest, comme le fait encore la route actuelle, en longeant le pied septentrional des T’ien chan.

(055) Cf. note 053, à la fin.

(056) Yu Houan  montre ici comment la route qui va de Hami à Barkoul puis à Kou-tch’eng (Goutchen) peut rejoindre la route du centre à Koutcha en obliquant brusquement vers le Sud à partir de Kou-tch’eng pour traverser les monts Bogdo ola et atteindre Tourfan. Il reste cependant pour moi un point obscur : pourquoi Yu Houan dit-il que la route du Nord rejoint la route du centre à Koutcha seulement ? Il aurait dû dire, semble-t-il, que les deux routes coïncident à partir de Kao-tch’ang (Tourfan), mais ce n’est pas une raison suffisante pour supposer que la route du centre eût un autre tracé que celui que nous avons déterminé. — Dans l’étude détaillée que Yu Houan fait plus loin des trois routes, il ne montre pas la route du Nord se raccordant à la route du centre, mais il la poursuit jusque chez les Wou-suen, c’est-à-dire jusque dans la vallée de l’Ili. Il est donc bien prouvé que la nouvelle route établie par les Chinois en l’an 2 de notre ère était celle qui passe au Nord des Tien chan par Ouroumtsi, Manas, Kour-kara-onssoa, puis franchit les monts Iren chabirgan à la passe Dengnoul pour déboucher sur la vallée de l’Ili (cf. Documents sur les T’ou-kiue occidentaux , p. 12-13 ).

— Comme on le voit par tout ce qui précède, les trois routes mentionnées par Yu Houan coïncident en somme avec celles que, vers l’an 608 de notre ère, le commissaire impérial P’ei Kiu décrivait dans son « Traité avec cartes sur les contrées d’occident » (Souei chou, chap. LXVII, p. 5 v°) :

« La route du Nord va par Yi-wou (Hami), passe par le lac P’ou-lei (lac Barkoul), les tribus des T’ie-le (Teulès), la cour du Kagan des

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Les pays d’Occidentd’après le Wei lio

T’ou-kiue (vallée de la Borotala ou vallée de l’Ili), franchit les rivières qui coulent vers le Nord (rivière Tchou, Syr darya, p.535n Amou-darya) et arrive au royaume de Fou-lin (Byzance) où elle entre en communication avec la mer occidentale.

La route du centre passe par Kao-tch’ang (Yar-khoto, près de Tourfan), Yen-k’i (Karachar), K’ieou-tseu (Koutcha), Sou-le (Kachgar), franchit les Ts’ong-ling (Pamirs), puis traverse les royaumes de P’o-han (Ferghâna) et de Sou-touei-cha-na (Osrouschana = l’actuel Oura-tépé), le royaume de K’ang (Samarkand), le royaume de Ts’ao (Ischtykan), le royaume de Ho (Koschânia), le grand et le petit royaumes de Ngan (Bokhârâ et Kharghân près de Karmynia ; mais il faut ici intervertir l’ordre des deux termes, car l’itinéraire passe à Kharghân avant d’atteindre Bokhârâ), le royaume de Mou (Amol), et arrive dans le Po-sseu (Perse) où elle entre en communication avec la mer occidentale.

La route du Sud passe par Chan-chan (au Sud du Lop nor), Yu-t’ien (Khoten), Tchou-kiu-po (Karghalik), Ho-p’an-t’o (Tasch-kourgane), franchit les Ts’ong-ling (Pamirs), puis traverse le Hou-mi (Wakhân), T’ou-ho-lo (Tokharestan), les Yi-ta (Hephthatites), le Fan-yen (Bamiyân), le royaume de Ts’ao (Ghazna ? ; cf. Lévi, dans Journ As. Sept.-Oct. 1895, p. 375), et arrive chez les P’o-lo-men (Hindous) du Nord où elle entre en communication avec la mer d’occident.

Les seules différences qu’on relève entre ces itinéraires et ceux de Yu Houan proviennent, d’une part, de ce que les routes de P’ei Kiu se prolongent beaucoup plus loin dans l’Ouest et, d’autre part, de ce que la route du Sud décrite par P’ei Kiu débouche des Pamirs dans le Badakchan, tandis que la route du Sud, d’après Yu Houan, va des Pamirs dans le Cachemire.

(057) L’officier militaire appelé wou-ki-hiao wei résidait dans la ville de T’ien-ti, qui est aujourd’hui Louktchoun (Documents sur les T’ou-kiue occidentaux, p. 101, lignes 5-6 et p. 310, lignes 27-34).

(058) Yu Houan fait sans doute allusion ici au chapitre XCVI du Ts’ien Han chou.

(059) L’énumération qui va suivre est presque entièrement fondée sur le texte du Ts’ien Han chou (chap. XCVI, 1e partie) qu’elle ne fait que reproduire avec quelques lectures différentes et quelques omissions ; la liste du Ts’ien Han

chou cite successivement les royaumes de : p.536n

Chan-chan (act. Leou-lan), à 6.100 li de Tch’ang-ngan (Si-ngan fou) ;

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Tsiu-mo, à 6.820 « Siao-yuan, à 7.210 « Tsing-tsiue, à 8.820 « Jong-lou, à 8.300 « Yu-mi, à 9.280 « K’iu-le, à 9.930 « Yu-t’ien (Khoten), à 9.670  « P’i-chan, à 10.050 « 

Puis viennent les divers royaumes situés à l’Est et à l’Ouest de Tach kourgane ; enfin, les royaumes situés au-delà des Pamirs, à commencer par le Ki-pin (Cachemire).

— Si maintenant on se reporte au texte du Wei lio, on constatera que :

1° en ce qui concerne les royaumes dépendants de Chan-chan, la leçon Tsiu-tche est fautive et doit être remplacée par la leçon Tsiu-mo dont l’exactitude est confirmée par le commentaire du Chouei king, par le Pei che (chap. XCVII, p. 2 v°), par le T’ang chou (chap. XLIII, b, p. 14 r°) et indirectement par Song Yun (qui écrit Tso mo) et par la biographie de Hiuan-tsang (qui écrit Tsiu-mo) ; d’autre part, il faut dire que Tsiu-mo, Siao-yuan et Tsing-tsiue dépendent de Chan-chan, dont le nom primitif est Leou-lan, et admettre que ce royaume de Chan-chan ou Leou-lan doit, comme dans le texte du Ts’ien Han chou, être en tête de l’énumération, puisque celle-ci va de l’Est à l’Ouest ;

2° dans les royaumes dépendant de Yu-t’ien (Khoten), le Wei lio substitue la leçon Han-mi à la leçon Yu-mi et la leçon P’i-k’ang à la leçon P’i-chan ; il faut en outre admettre que Yu-t’ien (Khoten) lui-même était situé entre Han-mi (Yu-mi) à l’Est et P’i-k’ang (P’i-chan) à l’Ouest ;

3° le Wei-lio passe entièrement sous silence Tach-kourgane et les royaumes environnants ; la raison en est, comme on le verra plus loin, que ces royaumes dépendaient alors de Kachgar, lequel était sur la route du centre ;

4° pour les royaumes situés au-delà des Pamirs, le Wei-lio ne suit plus aucun ordre régulier.

(060) Lisez Tsiu-mo. C’est le Tso-mo de Song Yun, le Tsiu-mo de Hiuan-tsang ; à l’époque des T’ang, cette ville était nommée Po-sien tchen. Cf. BEFEO, t. III, p. 390, n. 9 et Documents sur les T’ou-kiue occidentaux, à l’Index, sous le mot Po-

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sien. — D’après le Commentaire du Chouei king (voyez plus loin la note additionnelle), cette ville devait se trouver sur le Tchertchen darya. — Dans le vol. III de la Mission scientifique dans la Haute Asie (p. 116), M Grenard écrit :

« Dans mes excursions dans les environs de Tchertchen et à Tatrang, j’ai eu connaissance de ruines situées sur le lit primitif de la rivière à environ 115 Kilomètres au N. 28 E. de Tchertchen. Je pense que ces ruines sont celles du Kiu-mo du temps des Han. La grande route du Sud était alors plus septentrionale que de nos jours. p.537n

(061) D’après le Ts’ien Han chou (chap. XCVI), la capitale du Siao-yuan était la ville de Yu-ling.

(062) Comme nous l’avons fait remarquer plus haut (p. 536, l. 19-20), Leou-lan ou Chan-chan aurait dû être mentionné en tête de l’énumération puisque cette ville est la plus orientale de toutes celles qui sont citées ici.

— On peut lire dans la traduction de Wylie (Journal Anthropological Institute, vol. X, p. 23-28) la notice étendue que le Ts’ien Han chou a consacrée au royaume de Chan-chan. Cette notice nous apprend notamment que le Chan-chan se nommait primitivement Leou-lan, et que le nom de Leou-lan fut changé en celui de Chan-chan en l’année 77 avant notre ère ; nous avons exposé plus haut (notes p. 532n, lignes 36 et suiv.) les raisons qui nous portent à croire qu’à ce changement de nom dut correspondre un changement dans la situation de la capitale de ce royaume ; cherchons maintenant à déterminer aussi exactement que possible quelle fut la situation de Leou-lan à partir de l’année 77 av. J.-C. ; il est nécessaire de nous entourer ici de tous les renseignements possibles, car on a avancé (articles de Macartney et de Sven Hedin dans le Geographical Journal de Mars 1903), un peu trop prématurément à notre avis, que Leou-lan devait être identifié avec les ruines qu’a découvertes M. Sven Hedin par environ 40° 40’ lat. N. et 90° long. E. Gr. sur le bord septentrional d’un grand lac desséché qui serait l’ancien Lop nor ; j’ai déjà eu l’occasion de protester contre cette localisation (T’oung pao , 1903, p. 426- 427), mais il importe de discuter la question avec plus de détails. Le Ts’ien Han chou (chap. XCVI, 1e partie) nous apprend, d’une part, que la capitale du royaume de Chan-chan était la ville de Yu-ni, et, d’autre part, que la ville de Yi-siun, résidence d’un officier chinois, n’était pas fort éloignée de cette capitale. Or le commentaire du Chouei king (voyez la note additionnelle à la fin du présent article) dit que le Nan ho (le Tarim), après sa jonction avec la rivière A-neou-ta (le Tcher-tchen darya), passe au Nord du royaume de Chan-chan dont la capitale est la ville de Yi-siun et que, plus à l’Est, il se jette dans le lac (le Lop

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nor), ce lac étant au Nord du royaume de Leou-lan ; (dans ce royaume il y a) la ville de Yu-ni qu’on appelle communément la vieille ville orientale. De ce passage, Siu Song (Han chou Si yu tchouan pou tchou, ch. I, p. 10 r°) conclut avec quelque vraisemblance que, si Yu-ni était la vieille ville orientale, Yi-siun devait être la nouvelle ville. Ainsi, il résulte du commentaire du Chouei king que, au commencement du VIe siècle de notre ère, on regardait comme la capitale du royaume de Chan-chan la ville de Yi-siun située au Sud du Tarim, non loin de l’embouchure de cette rivière dans le Lop nor ; il est probable que cette ville de Yi-siun était appelée la ville neuve, par opposition à la vieille ville, qui n’était autre que la ville de Yu-ni, ancienne capitale des rois de Chan-chan, ou Leou-lan, au Sud du Lop nor. Il est donc manifeste que la capitale du Leou-lan ou Chan-chan ne saurait être placée à l’endroit où Sven Hedin a fait ses fouilles.

— Si maintenant nous comparons les renseignements que nous fournit le commentaire du Chouei king avec ceux que nous trouvons dans le T’ang chou (chap. XLIII, b, p. 15 r°) et dans la biographie de Hiuan-tsang (cf. BEFEO, vol. III, p. 390, n. 9), il p.538n semble bien qu’on puisse identifier avec la ville de Yi-siun

de l’époque des Han la « Nouvelle ville » mentionnée dans le T’ang chou et l’ancien royaume de Na-fo-po dont parle Hiuan-tsang ; d’autre part, le T’ang chou place à 200 li à l’Est de la nouvelle ville, et à 300 li au Sud du Lop nor, la garnison de Che-tch’eng, qui est, dit-il, le royaume de Leou-lan de l’époque des Han ; mais j’hésiterais, si le texte du T’ang chou doit être considéré comme correct, à identifier la garnison de Che-tch’eng avec la ville de Yu-ni (capitale du Chan-chan, ou Leou-lan, à partir de l’année 77 av. J.-C.) car la ville de Yu-ni paraît, d’après le commentaire du Chouei king, s’être trouvée sur la rive méridionale du Lop nor, et non à 300 li plus au Sud.

(063) Le Ts’ien Han chou présente la leçon Yu-mi. Mais la leçon Han-mi paraît préférable ; en effet, Sseu-ma Ts’ien (chap. CXXIII, p. 2 r°) écrit Han-mi ; Song Yun écrit Han-mo (BEFEO, vol. III, p. 392, n. 4) ; le T’ang chou écrit Han-mi (cf. Documents sur les T’ou-kiue occidentaux, p. 128 , n. 1, où j’ai donné à tort la préférence à la leçon Yu-mi). — J’ai indiqué ailleurs (BEFEO, vol. III, p. 392, n. 4) les raisons qui permettent d’identifier le royaume de Han-mi, d’une part avec la ville de K’an mentionnée dans le T’ang chou, et d’autre part avec le Pi-mo de Hiuan-tsang. — Stein place le Pi-mo de Hiuan-tsang à Uzun tati, entre Keriya et Khoten (Archaeolog. expl. in Chin. Turk., p. 58-59).

(064) Le Ts’ien Han chou écrit P’i-chan.

(065) Un texte de l’histoire des T’ang, (Documents   sur les T’ou-kiue

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occidentaux, p. 125 , lignes 12-14) prouve que, à l’époque des T’ang, le roi de Khoten continuait à régner sur la Pentapole formée des cinq anciens royaumes de Jong-lou, Han-mi, K’iu-le, P’i-chan et Khoten. — Le témoignage du Wei lio nous apprend que ce groupement politique des cinq cités était constitué dès le milieu du troisième siècle de notre ère.

(066) Il importe de se rappeler que le nom de Ki-pin a eu pour les Chinois deux valeurs successives ; il désigne primitivement le Cachemire, et, comme l’a fort bien démontré M. Sylvain Lévi (Journal As., Sept.-Oct. 1895, p. 373-374), les caractères Ki-pin sont la transcription même du nom que Ptolémée nous a transmis sous la forme Kaspâria, nom qui dut être entendu Kaspir par les Chinois ; depuis l’époque des Han jusqu’à celle des Wei du Nord, le nom de Ki-pin s’applique uniquement et toujours au Cachemire, comme le prouvent à maintes reprises les voyages des pélerins bouddhiques (BEFEO, t. III, p. 415, n. 8 ; p. 417, n. 4 ; p. 432, n. 1 ; p. 435, n. 3). C’est seulement à l’époque des T’ang que le nom de Ki-pin est rapproché assez malencontreusement du nom du Kapiça et sert dès lors à désigner ce dernier pays. p.539n

(067) Ainsi, au milieu du troisième siècle de notre ère, la puissance des rois Kouchâna était à son apogée.

(068) Tout le paragraphe relatif au royaume de Lin-eul a fait à deux reprises l’objet de recherches approfondies de la part de M. Sylvain Lévi (Journal As., Janvier-Février 1897, p. 14-20 et Mai-Juin 1900, p. 451-463), qui a critiqué la traduction de ce texte proposée puis maintenue par M. Specht (ibid., Février-Mars 1890, p. 180-185, et Juillet-Août 1897, p. 166-181). Après avoir montré que le nom, jusqu’alors fort obscur, de Lin-eul (anct. Lin-ni) n’était autre que la transcription du nom de Lumbinī, le fameux jardin où naquit le Buddha, Sylvain Lévi a signalé divers passages du Tripitaka grâce auxquels le témoignage de Yu Houan devient plus intelligible. Ce sont ces passages que nous allons maintenant étudier :

— Dans le Pien tcheng louen composé entre 624 et 640, le religieux Fa-lin, se proposant de réfuter la thèse taoïste que Lao tseu serait devenu le Buddha, a recours à divers arguments parmi lesquels nous relevons le suivant (chap. V ; Trip., XXXVII, 8, p. 44 r° et v°) :

« Je considère que le Si yu tchouan dit : Lao tseu étant arrivé dans le royaume de Ki-pin vit (la statue du) Buddha ; il fut affligé de n’avoir pu rencontrer (le Buddha) ; il prononça donc une gāthā en lui faisant des offrandes et exprima ainsi en sentiments en présence de cette statue :

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— Pourquoi suis-je né si tard ? ou, ce qui revient au même, pourquoi le Buddha a-t-il fait son apparition si tôt ? De n’avoir pas vu Çākyamuni, mon cœur est perpétuellement navré.

Le Tsin che tsa lou dit :

« Le taoïste Wang Feou soutenait constamment des controverses contre le çramana Po-yuan. Wang (Feou) ayant eu le dessous à plusieurs reprises, altéra le Si yu tchouan dont il fit le Houa Hou king. Il dit que (Yin) Hi et (Lao) Tan convertirent les Hou et devinrent le Buddha et que telle fut l’origine du Buddha.

On voit quel est l’argument de Fa-lin : le texte original du Si yu tchouan atteste que Lao tseu, à son arrivée dans le royaume de Ki-pin (Cachemire), regretta lui-même d’être venu trop tard pour rencontrer le Buddha ; Lao tseu est donc postérieur au Buddha. Ce n’est qu’à l’époque des Tsin que, en vue de ses polémiques contre les Bouddhistes, Wang Feou modifia profondément le texte du Si yu tchouan dont il fit ce fameux Houa Hou king où le Buddha était représenté comme une transformation de Lao-tseu lui-même ou de son disciple Yin Hi.

Ce passage de Fa-lin a été commenté par un certain Tchen Tseu-leang p.540n qui paraît avoir vécu à la même époque que Fa-lin. Ce glossateur nous apporte les éclaircissements que voici :

« Le Wei lio et le Si yu tchouan disent : « Le roi du royaume de Lin yi n’avait pas de fils ; c’est pourquoi il sacrifia au Buddha ; sa femme, Mo-ye (Māyā) rêva d’un éléphant blanc et devint enceinte ; puis, quand le fils héritier naquit, il sortit lui aussi (c’est-à-dire comme le Buddha) du côté droit (de sa mère). Il avait spontanément un chignon. Dès qu’il fut tombé à terre, il put faire sept pas. Son extérieur ressemblait au Buddha. Comme on avait obtenu cet enfant en sacrifiant au Buddha, on donna au prince héritier le nom de Buddha. Dans ce royaume il y avait un homme saint dont le nom était Cha-lu ; il était vieux et sa tête était blanche ; son aspect ressemblait à celui de Lao tseu ; il exhortait constamment les hommes à devenir Bouddhistes ; à une époque récente, les Bonnets jaunes, voyant que sa tête était blanche, changèrent le Cha-lu de là bas en lui donnant le nom du Lao Tan de chez nous ; par ce subterfuge, ils purent faire l’obscurité et abuser tout l’empire ; sous les Han antérieurs, à l’époque de l’empereur Ngai, Ts’in King alla dans le royaume des Ta Yue-tche ; le roi de ce pays ordonna à son

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fils héritier de lui communiquer oralement les livres sacrés bouddhiques ; (Ts’in King) revint dans (le pays des) Han. Ce qui était contenu dans les (enseignements) bouddhiques concordait assez bien avec les livres sacrés taoïstes.

Pour ce qui est du propos attribué à Houang fou (Mi), nous n’avons pu en trouver l’origine (allusion à un prétendu texte de Houang-fou Mi que les Taoïstes invoquaient à l’appui de leur thèse et que Fa-lin a cité avant le passage que nous avons traduit).

Le Houa Hou king dit : « Le roi du royaume de Ki-pin, soupçonnant que Lao tseu était un méchant démon, voulut le brûler par le feu ; mais (Lao tseu) resta calme et ne périt point. Le roi reconnut qu’il était un homme divin, et, avec tout son royaume, il se repentit de ses fautes. Lao tseu leur dit : « Mon maître se nomme Buddha. Si vous pouvez entrer en religion, vous serez sauvés de vos crimes ». Les gens de ce pays acceptèrent la religion et tous devinrent çramanas.

Si le Buddha n’avait pas été antérieur à Lao Tan, comment celui-ci aurait-il su transformer sa personne pour devenir le Buddha ; c’est parce que depuis longtemps déjà le Ki-pin croyait en Buddha que Lao tseu se proposa comme une incarnation du Buddha et ce n’est pas à partir de Yin (Hi) et de Lao (Tan) qu’il y eut pour la première fois le Buddha.

A l’époque des Souei (589-618), le p’ou-ye Yang Sou, se rendant à la suite de l’empereur dans le palais Tchou-lin, passa par le monastère taoïste à étages et y vit un temple de Lao tseu ; sur les murailles on avait peint la scène de Lao tseu convertissant le royaume de Ki-pin, sauvant les hommes et leur faisant raser leurs cheveux pour entrer en religion ; (Yang Sou) posa cette question aux religieux taoïstes :

— Si le Taoïsme est plus grand que le Bouddhisme, quand Lao tseu convertit les Hou il aurait dû faire d’eux des religieux taoïstes ; pour quelle raison fit-il d’eux des çramanas ? On en conclura que la force du Bouddhisme était plus grande et pouvait par la conversion gagner les Hou, tandis que la force du Taoïsme était plus petite et ne pouvait pas convertir les Hou. Cette scène représente le Bouddhisme convertissant les Hou ; en quoi se rapporterait-elle au Taoïsme convertissant les Hou ?

Les religieux taoïstes n’eurent alors rien à répondre ». p.541n

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La seconde partie du passage précité du Pien tcheng louen a suggéré à Tch’en Tseu-leang les remarques suivantes :

« Le Kao seng tchouan de Fei Tseu-ye dit : « A l’époque de l’empereur Houei (290-306 ap. J.-C.), de la dynastie Tsin, le çramana Po-yuan, dont le surnom est Fa-tsou, soutint souvent des controverses sur le faux et le vrai avec le tsi-tsieou Wang Feou qu’on appelle aussi le taoïste Ki-kong-ts’eu. (Wang) Feou  ayant eu à plusieurs reprises le dessous, s’en irrita et ne put le tolérer ; alors il falsifia le Si yu tchouan dont il fit le Houa Hou king afin de calomnier la religion bouddhique. (Ce livre) eut alors cours dans le monde et, grâce à l’ignorance des hommes, il devint le principe de tout le mal et une source de calamités multiples ».

Le Yeou ming lou dit : « Li Tong, originaire de P’ou-tch’eng, mourut ; puis il revint (à la vie) et dit : « J’ai vu le çramana Fa-tsou qui expliquait au roi Yama (le roi des Enfers) le Lankāvatāra sūtra ; j’ai vu aussi le taoïste (Wang) Feou  dont le corps était chargé de chaînes et d’entraves et qui demandait à (Fa-)tsou de recevoir sa confession, mais (Fa-)tsou refusait d’aller vers lui ». Quand un individu a traité avec mépris un saint homme, après sa mort il se repent ». p.542n (Cf. le même récit sous une forme assez différente chez Pelliot, BEFEO, vol. III, p. 825).

Dans le Pien tcheng louen de Fa-lin, Sylvain Lévi a encore signalé un autre passage (chap. VI ; Trip., XXXVII, 8, p. 56 r°) où le même témoignage du Wei lio et du Si yu tchouan est invoqué pour réfuter l’assertion suivante émise par les Taoïstes :

« Le Wei chou (lisez : Wei lio), le Wai kouo tchouan (lisez : le Si yu tchouan) et le Kao che tchouan de Houang-yong Mi (lisez : Houang fou Mi) disent tous : « Les livres sacrés bouddhiques des çramanas, c’est Lao tseu qui les a faits ». Fa-lin combat cette assertion de la manière suivante : « En ce qui concerne les livres sacrés bouddhiques, le Wei lio et le Si yu tchouan disent : « Dans le royaume de Lin-yi (Lumbinī), il y avait un homme saint nommé Cha-lu. Cha-lu était âgé et avait les cheveux blancs ; il exhortait constamment les hommes à être bouddhistes ; quand des gens étaient accablés de quelque calamité ou n’avaient pas de fils, il les engageait à observer les abstinences bouddhiques et les invitait à livrer leurs richesses pour racheter leurs péchés. Le roi de Lin-yi

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(Lumbinī) était depuis longtemps sans héritier présomptif ; sa femme, Mo-ye (Māyā) à cause de cela sacrifia au Buddha et enfanta un fils héritier ; on nomma donc ce fils Buddha. Sous les Han antérieurs, à l’époque de l’empereur Ngai, Ts’in King alla comme ambassadeur dans le royaume des Yue-tche ; le roi ordonna à son fils héritier de donner oralement à (Ts’in) King (les enseignements bouddhiques) ». Ainsi la doctrine des livres sacrés bouddhiques se répandit de bonne heure dès les Han antérieurs ; ce ne fut que soixante trois ans plus tard que l’empereur Ming fut ému par son rêve prophétique. (Mais,) si on examine le fait de la transmission des livres sacrés par Ts’in King, (on constate qu’il n’est pas dit que Lao tseu ait prononcé (ces livres). En réalité, c’est le taoïste Wang Feou, de l’époque des Tsin, qui, lorsqu’il modifia le Si yu tchouan pour en faire le Ming wei houa Hou king, prétendit que Lao tseu avait traversé les sables mouvants, qu’il avait enseigné au roi des Hou à devenir Bouddhiste, que lui-même avait transformé sa personne de manière à devenir le Buddha et qu’alors s’était produit le triomphe du Buddha. Ce sont là des faussetés extrêmes. D’ailleurs, le Ki-pin (Cachemire) est éloigné de nous de plus de dix mille li ; depuis les Ts’in et les p.543n Han, les marchands et les ambassadeurs à l’étranger s’y sont succédé sans interruption et aucun d’eux n’a rapporté que Lao tseu se soit trouvé là-bas pour convertir les Hou. Ils n’ont jamais entendu dire que (Lao tseu) ait prononcé les livres sacrés bouddhiques et que lui-même se soit transformé en Buddha. A supposer que Lao tseu fût devenu bouddhiste il aurait dû commencer par reconnaître les bienfaits (du Buddha) et par adorer les reliques et alors il aurait manifesté sa sainte vertu. Pourquoi le vanter faussement en lui décernant un titre (vide de sens) ? Les livres saints et les proclamations de l’école taoïste citent très fréquemment cette phrase du Heou Han ki de Yuan Hong : « Lao tseu pénétra chez les Hou et divisa sa personne pour devenir le Buddha ». Mais si on examine le Han ki de Yuan Hong, (on constate que ce livre) ne contenait point à l’origine la phrase que Lao tseu devint le Buddha. Actuellement à la cour il y a des hommes d’une vaste érudition en grand nombre ; comment donc peuvent-ils boucher leurs oreilles, voler les cloches (pour éviter de les entendre) et montrer un cerf en disant que c’est un cheval (cf. Sseu-ma Ts’ien , trad. fr., t. II, p.   211 ) ? Comment leur sottise peut-elle être si extrême ? p.544n

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Ce second texte de Fa-lin est reproduit tel quel par Tao-siuan dans son Kouang hong rning tsi (chap. XIII ; Trip., XXXVII, 5, p. 78 v°) qu’il publia en 664. Le témoignage de Tao-siuan ne nous apporte donc rien de nouveau. Enfin un quatrième texte également signalé par Sylvain Lévi est celui que nous fournit Yen-ts’ong dans son Tsi cha men pou ying pai sou teng che (chap. VI ; Trip., XXXVII, 7, p. 93 v°), publié en 662 ; on retrouve dans Yen-ts’ong un amalgame du texte de Fa-lin et de celui de Tch’en Tseu-leang, avec cette seule addition que la date de l’ambassade de Ts’in King y est indiquée comme ayant eu lieu pendant la période yuan-cheou (2-1 av. J.-C.) du règne de l’empereur Ngai.

Si nous bornons notre examen aux deux textes fondamentaux que nous trouvons dans le Pien tcheng louen de Fa-lin commenté par Tch’en Tseu-leang, nous constatons tout d’abord que ces deux textes diffèrent notablement. La raison en est qu’ils citent, non un ouvrage unique, mais deux ouvrages, à savoir le Wei lio et le Si yu tchouan ; ils ne font donc pas des citations littérales ; ils combinent ensemble deux auteurs et, par suite, ils peuvent être en désaccord l’un avec l’autre puisque ce travail de combinaison est nécessairement assez arbitraire. Pour la même raison, on ne saurait dire que soit l’un soit l’autre des deux textes du Pien tcheng louen nous donne du Wei lio une image plus fidèle que celle que nous a conservée P’ei Song-tche dans le commentaire du San kouo tche ; il serait en effet bien hasardeux de dire que, toutes les fois qu’un de ces deux textes présente une phrase qui est absente du commentaire, il fait une citation tronquée, car nous ne pouvons pas savoir si cette phrase précisément n’est pas extraite du Si yu tchouan ; il faut donc renoncer à l’espoir de pouvoir au moyen de ces deux textes rétablir dans son intégrité le passage du Wei lio cité par Pei Song-tche.

En second lieu, nous remarquerons que le témoignage du Wei lio aussi bien que celui du Si yu tchouan ont été invoqués par les Taoïstes pour établir que Lao tseu alla dans le royaume de Ki-pin (Cachemire), qu’il convertit le roi de ce pays et que lui-même devint le Buddha. Fa-lin et Tchen Tseu-leang soutiennent au contraire que ces deux ouvrages ne prouvent rien de semblable. Comme nous ne possédons pas le Si yu tchouan, nous n’avons pas en main toutes les pièces du procès ; mais, à ne considérer que le Wei lio, nous devons reconnaître qu’il énonce formellement la théorie selon laquelle Lao tseu aurait traversé les contrées d’Occident, serait allé jusqu’en Inde et aurait donné ses enseignements aux Hou, ce qui est le principe même sur lequel fut fondé plus tard le Houa Hou king ou Livre de la conversion des Hou. Quelle est l’origine de cette théorie ? Une phrase de Tch’en Tseu-leang (voyez plus haut, p. 540n, ligne 15), dont l’importance a été signalée par Sylvain Lévi, nous révèle que le

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Si yu tchouan et le Wei lio ne faisaient que reproduire une tradition mise en vogue par les Bonnets jaunes ; les Bonnets jaunes dont la révolte éclata en l’an 184 de notre ère et contribua à causer la perte de la p.545n dynastie des Han

orientaux, furent, comme l’a déjà indiqué Pelliot (BEFEO, p. 314, n. 4, et p. 325, lignes 2-4), les véritables organisateurs de l’église et de la religion taoïstes qu’ils cherchèrent aussitôt à opposer à l’église et à la religion bouddhique ; ils tentèrent notamment de diminuer le prestige du Bouddhisme en prétendant que Lao tseu, lorsqu’il avait soudain disparu, était allé évangéliser les pays d’Occident ; le Bouddhisme ne serait donc que le Taoïsme revenu de l’Inde et le Buddha lui-même aurait été un des disciples de Lao tseu. Le Wei lio nous fait entendre un écho de ces bruits mis en circulation par les Bonnets jaunes.

A partir des mots : « les livres bouddhiques disent... » jusqu’aux mots : « je ne puis les mentionner en détail, c’est pourquoi je les abrège », le texte du Wei lio, comme l’a indiqué M. Specht, se trouve reproduit dans le T’ong tien (chap. CXCIII, p. 8 v°), encyclopédie composée de 766 à 801 par Tou Yeou, et dans le T’ai p’ing houan  (chap. CLXXXIII, à la fin de l’article T’ien-tchou), géographie publiée sous les Song entre 976 et 983. Ces deux ouvrages ne font aucune allusion au Wei lio, ils introduisent leur citation par la phrase « Les livres bouddhiques de l’époque des Tsin (265-419) et des Song (420-478) disent... ». Il est vraisemblable que le texte du Wei lio fut incorporé dans quelques compositions plus tardives datant de l’époque des Tsin et de celle des Song et que c’est de ces livres que se sont inspirés les auteurs du T’ong tien et du T’ai p’ing houan yu ki ; nous indiquerons en note, au fur et à mesure, les variantes de ces deux rédactions parallèles quand elles offrent quelque intérêt.

(069) Le caractère qui signifie « libellule » ne paraît présenter ici aucun sens ; mais je ne vois pas quel caractère on pourrait lui substituer pour rendre la phrase intelligible. — Le T'ong tien et le T’ai p’ing houan yu ki omettent tous deux les mots : « Ses seins étaient bleus ; ses poils étaient rouges comme du cuivre ».

(070) La leçon est ici fautive, bien qu’elle se retrouve dans le T'ong tien et dans le T’ai p’ing houan yu ki ; au lien de « gauche », il faut lire « droit », comme dans le texte du Pien tcheng louen (cf. p. 540n, ligne 7).

(071) Le caractère est l’équivalent phonétique du caractère que nous trouvons dans le T'ong tien et le T’ai p’ing houan yu ki et aussi dans un des deux textes précités du Pien tcheng louen (cf. p. 540n, ligne 8). Cette équivalence est bien connue des commentateurs chinois.

(072) Littéralement : dès qu’il fut tombé à terre. p.546n

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(073) Cette leçon est aussi celle du T'ai p’ing houan yu ki ; mais le T'ong tien écrit : […] « ce royaume se trouve dans le territoire du T'ien-tchou ».

(074) M. Sylvain Lévi (Journal As., Janv. -Fév. 1897, p. 16, n. et Mai-Juin 1900, p. 461-462) a montré que les caractères Cha-lu pouvaient être une transcription vulgaire du nom de Çariputra.

(075) Cette date précise ne se retrouve ni dans le texte de Fa-lin (voyez plus haut, p. 542n, fin de page) ni dans celui de Tch’en Tseu-kang (p. 540n, ligne 23), car tous deux se bornent à dire que l’ambassade dont il est ici question fut envoyée au temps de l’empereur Ngai ; seul le texte de Yen-ts’ong (p. 544n, ligne 9) mentionne la période yuan-cheou mais sans indiquer l’année. Il est certain cependant que la leçon que nous trouvons dans le commentaire de P’ei Song-tche est correcte et que le Wei lio devait bien parler de la première année yuan-cheou ; en effet, au dire de Fa-lin lui-même (p. 542n, vers fin de page), le témoignage du Wei lio atteste que le Bouddhisme pénétra en Chine soixante-trois ans avant le rêve de l’empereur Ming ; or ce songe fameux est fixé par une tradition qu’on retrouve dans le Fo tsou li tai t’ong tsai (chap. V ; Trip., XXXV, 10, p. 31 v°) à l’année 61 ap. J.-C. ; donc, puisque le Wei lio rapporte l’ambassade envoyée par l’empereur Ngai à une date de 63 ans antérieure, c’est donc la preuve qu’il assigne à cette ambassade la date de la première année yuan-cheou = 2 av. J.-C.

— Je rappellerai que les écrivains Bouddhistes fixent souvent le rêve de l’empereur Ming à la septième année yong-p’ing = 64 ap. J.-C. (cf. Ta T'ang nei tien lou et K’ai yuan che kiao lou ; Trip., XXXVIII, 2, p. 37 r°, col. 2, et XXXVIII, 4, p 1 v°, dern. col.) ; mais cette date n’a été artificiellement détérminée qu’afin d’attribuer à une année kia-tseu, première du cycle sexagénaire, l’origine traditionnelle de l’introduction du Bouddhisme en Chine.

(076) On a va plus haut (pp. 541n et 543n) que ce nom est écrit Ts’in King par Tch’en Tseu-kang et par Fa-lin ; mais Ts’in King est le nom d’un des envoyés de l’empereur Ming en 61 ap. J.-C. et le véritable nom de l’ambassadeur de l’empereur Ngai en l’an 2 av. J.-C. paraît avoir été King Hien. On verra par les textes cités dans la note suivante les inextricables confusions qui ont été commises entre le nom de Ts’in King et celui de King Hien.

(077) Le texte est conçu comme suit [—] : Ce texte est inintelligible ; mais le T'ong tien nous indique une variante importante en écrivant [f] au lieu de [e], le caractère qui suit le mot [d]. La légitimité de cette variante est confirmée par les trois textes suivants : Wei chou, composé de 551 à 554 par Wei Cheou (chap. CXIV, p. 1 r°). — Tchen tcheng louen, composé vers l’an 700 par le

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religieux Hiuan-yi (déjà cité par Lévi) (Trip., XXXVIIII, 8, p. 83 v°). — Souei-chou, chap. King tsi tche (XXXV, p. 14 r°), composé entre 620 et 636 par Wei Tcheng (cf. Sseu-ma Ts’ien, trad. fr., t. V, n. a51.134) :

Si on admet la substitution du caractère [f] au caractère [e] après le mot [d], le texte du Wei lio présentera un sens qui ne pourra être que le suivant :

« Autrefois, sous le règne de l’empereur Ngai, de la dynastie Han, la première année yuan-cheou, le po-che-ti-tseu King Lou reçut de Yi-ts'ouen, ambassadeur du roi des Ta Yue-tche, la transmission orale des livres bouddhiques.

Les textes du Wei chou et du Tchen tcheng louen auront, mutatis mutandis, le même sens ; quant au texte du Souei chou, il signifiera :

« Au temps de l’empereur Ngai, le po-che-ti-tseu Ts'in King chargea Yi-ts'ouen de lui transmettre oralement les livres bouddhiques.

Si donc on s’en tenait au texte du Wei lio rectifié et confirmé par les textes que nous venons de citer, le fait historique serait le suivant : un fonctionnaire chinois ayant le titre de po-che-ti-tseu aurait reçu d’un envoyé du roi des Ta Yue-tche venu à la cour des Wei l’enseignement oral des livres bouddhiques.

Mais cette interprétation soulève de graves difficultés : en premier lieu, les deux caractères [a][b] ne peuvent guère être considérés comme un nom propre, car le caractère [b] n’est pas, à ma connaissance, un caractère usité pour les transcriptions ; en second lieu, la tradition historique bien établie en Chine veut que le po-che-ti-tseu King Hien ait, non pas reçu un ambassadeur des T’a Yue-tche, mais été lui-même comme ambassadeur chez les T’a Yue-tche ; nous en trouvons la preuve dans les textes suivants : Li tai san pao ki, publié en 597 par Fei Tch’ang-fang (Trip., XXXV, « Au temps de l’empereur Ngai, pendant la période p.548 yuan-cheou, King Hien fut envoyé en ambassade dans le royaume des T’a Yue-tche et y reçut les livres bouddhiques ». — P’o sie louen (B. N, N° 1500 ; publié entre 624 et 640 ; Trip. XXXVII, 8, p. 4 vo), — Che kia fang tche (B. N., N° 1470 ; publié en 650 ; Trip., XXXV, 1, p. 104 v°) ; — Fa yuan tchou lin (B. N., N° 1482 ; publié en 668 ; Trip., XXXVI, 5, p. 108 v°) ; — ces trois textes déjà cités par Lévi donnent la leçon [—] :

« Sous le règne de l’empereur Ngai, de la dynastie Han, la première année yuan-cheou, on envoya King Hien dans le royaume des T’a Yue-tche ; c’est ainsi que celui-ci revint en Chine en ayant appris par cœur les livres bouddhiques.

On remarquera que les citations du Wei lio et du Si yu tchouan faites par Fa-lin

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et par Tch’en Tseu-leang (cf. p. 540n et 542n) s’accordent bien avec cette dernière manière de voir ; Fa-lin dit en effet :

« Ts’in King alla comme ambassadeur dans le royaume des Yue-tche ; le roi ordonna à son fils héritier de donner oralement à (Ts’in) King (les enseignements bouddhiques) ;

quand à Tch’en Tseu-leang, il écrit :

« Ts’in King alla dans le royaume des Ta Yue-tche, le roi de ce pays ordonna à son fils héritier de lui communiquer oralement les livres sacrés bouddhiques.

Puisque le texte du Wei lio tel que le citent Fa-lin et Tch’en Tseu-leang est préférable à celui que cite P’ei Song-tche dans son commentaire du San kouo tche, ne peut-il pas nous mettre sur la voie de la correction qui est nécessaire pour rectifier une leçon certainement fautive ? pour ma part, je le crois ; il suffit en effet d’admettre que les deux caractères [][], dans lesquels git la principale difficulté, résultent d’une mauvaise lecture des trois caractères [][][] qui figuraient dans le texte original ; en outre, le T'ong tien nous indique une variante excellente en plaçant le mot [] après, et non avant, le mot [] ; avec cette variante, cette correction, et la variante [], au lieu de [], le texte cité au début de cette note devient [—] :

« le po-che-ti-tseu King Lou fut chargé d’une ambassade chez les Ta Yue-tche ; le roi ordonna à son fils héritier de lui communiquer oralement les livres bouddhiques.

C’est la traduction à laquelle je m’arrête, bien qu’elle prête encore le flanc à une objection, car on ne saurait guère considérer comme absolument correcte la tournure ; il semble que la phrase régulière devrait être [—] ; on remarquera cependant que Fa-lin lui-même a omis la préposition [], lui qui écrit [—]. Si, d’autre part, on venait à prétendre que les corrections de texte ne doivent pas être admises lorsqu’il s’agit de textes chinois, je demanderai qu’on veuille bien expliquer, sans faire aucune correction, ce dernier avatar du même passage que je relève dans le commentaire du Fo tsou li tai t’ong tsai (Trip., XXXV, 10, p. 30 v°) : [—]. p.549n

(078) [—]. Pour comprendre cette phrase, qui a déjà fait l’objet de nombreuses discussions, je crois qu’il faut considérer, ainsi que nous l’avons dit plus haut, tout ce texte comme nous apportant l’écho des théories soutenues par les Bonnets jaunes qui prétendaient que le Bouddhisme n’était que le Taoïsme implanté en Inde par la prédication de Lao tseu. A mon avis, [a][b]

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« réinstaller » est une expression qui conviendrait très bien pour désigner le Buddha en tant que réapparition de Lao tseu ou d’un de ses disciples. Le point qui peut faire doute est le suivant : d’après Tch’en Tseu-leang, les Bonnets jaunes considéraient Cha-lu (Çāriputra ?) comme identique à Lao tseu. Mais le texte du Wei lio, en plaçant les mots [][][] immédiatement après les mots [][][] nous porte à croire que l’épithète [a][b] se rapporte au Buddha et que c’est par conséquent le Buddha lui-même qui est regardé comme Lao tseu dans sa seconde manière. Cette opinion se trouve d’ailleurs confirmée par un passage du Yeou yang tsa tsou, écrit vers la fin du VIIIe siècle par Houan Tch’eng-che (chap. II, p. 3 v° de la réimpression de cet ouvrage dans le Pai hai ; Bib. nat., N. f. Chin., N° 618a, vol. IX) :

« Lao kiun franchit à l’Ouest les Sables mouvants et traversa quatre-vingt un royaumes, tels que Wou-yi (Alexandrie = Hérat ?) et Chen-tou (Inde). Il devint le Buddha ; les conversions qu’il opéra s’étendirent sur trois mille royaumes ; il y eut alors les livres saints de discipline en quatre vingt dix mille sections ; ce sont les « livres du réapparu » des Ta Yue-tche qu’on trouva à l’époque des Han. K'ong-tseu (Confucius) est l’immortel du Premier palais ; le Buddha est l’immortel des Trayastrimças. C’est ce qu’exprime Yen-pin-koan-tchou (quand il dit) : Le tao exista en Inde et il y eut là d’anciens maîtres taoïstes qui excellèrent à entrer dans le non-agir.

— (Dans cette dernière phrase, Yen-pin-koan-tchou « celui qui préside officiellement à l’introduction des hôtes » paraît être un de ces titres compliqués dont sont souvent affublés les écrivains taoïstes ; quant à l’expression [a][b] ou [b][a] elle désigne l’Inde, soit que [b][a] soit l’équivalent de [c][a] , soit que ces deux mots soient une combinaison des deux termes « Gāndhāra » et [c][a]« Inde ».

Au lieu des mots [—], le T'ong tien présente la leçon [—] qui me paraît explicable comme une correction introduite par Tou Yeou dans une phrase qu’il ne comprenait pas bien. Tou Yeou aura voulu interpréter ce texte comme signalant une déformation dialectale du nom du Buddha et c’est pourquoi il écrit : « Les royaumes qui disent Fou-teou (au lieu de Feou-t’ou) désignent par là ce même homme (c’est-à-dire le Buddha) ». — Mais il est évident que l’exactitude de la leçon [] est mise hors de doute par le passage du Yeou yang tsa tsou que nous avons rappelé plus haut ; il n’y a donc pas lien de tenir compte de la correction proposée par Tou Yeou. p.551n

(079) Au lieu de lin p’ou-sai, il faut lire, ainsi que l’a déjà proposé Specht, yi-

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p’ou-sai, comme dans le texte du T'ong tien. Cette variante se trouve en effet confirmée par un passage de la biographie de ce Ying, roi de Tch’ou, qui fut un des premiers adeptes du Bouddhisme :

« La huitième année yong-p'ing (65 ap. J.-C.), lisons-nous dans le Heou Han chou (chap. LXXII, p. 3 r°), un décret impérial ordonna que, dans tout l’empire, ceux qui étaient passibles de la peine capitale pourraient se racheter en livrant des pièces de soie. Ying envoya un lang-tchong-ling apporter trente pièces de soie jaune et de soie mince blanche au conseiller d’État en lui disant : « Me trouvant dans un fief lointain, mes fautes se sont accumulées ; je suis heureux de la grande bonté impériale et je vous envoie des soies et des soies minces afin de racheter mes crimes. » Le conseiller d’État informa l’empereur qui répondit par le décret suivant : « Le roi de Tch’ou (se plaît à) réciter les sentences profondes de Houang ti et de Lao tseu et à mettre en honneur les sacrifices bienfaisants du Buddha. Après s’être purifié pendant trois mois, il a fait un serment avec les dieux (c’est-à-dire qu’il s’est engagé à bien agir ; il est donc un homme vertueux et n’a rien de commun avec un criminel). Pourquoi est-il inquiet et troublé comme s’il devait avoir quelque sujet de repentir et de regret ? Qu’on lui rende sa rançon afin qu’il l’emploie à concourir à l’alimentation abondante des yi-p’ou-sai (upāsaka) et des sang-men (çramana). »

Le commentaire du Heou Han chou (676 ap. J.-C.) explique [] comme l’équivalent de [] (upāsaka), et [] comme l’équivalent de [] (çramana). Incidemment, nous ferons remarquer l’importance de ce texte qui prouve que, dès l’année 65 de notre ère, le Bouddhisme était déjà en Chine une religion ayant ses moines et ses dévots.

(080) Ce terme et les deux suivants sont fort obscurs. Sylvain Lévi (Journ. As., Mai-Juin 1900, p. 463) a proposé d’y voir des traductions du mot « çrāvaka » (l’auditeur). — Le T'ong tien donne la leçon : [—] ; le T’ai p’ing houan yu hi écrit : [—]. Enfin si l’édition de Chang-hai (1888) du San kouo tche, présente pour le dernier de ces trois termes, la leçon [—], je relève dans l’édition dite du Pao jen t’ang, la leçon [—]. p.552n

(081) Le Heou Han chou (chap. CXVIII, p. 5 v°) mentionne ce royaume sous le nom de Tong-li :

« Le royaume de Tong-li a pour capitale la ville de Cha-k’i. Il est à 3.000 li au Sud-Est du T’ien-chou ; c’est un grand royaume ; le

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climat et les productions y sont les mêmes que dans le T’ien-tchou. Il s’y trouve plusieurs dizaines de villes importantes (dont les chefs) prennent tous le titre de « roi ». Les Ta Yue-tche ont attaqué ce pays et se le sont soumis. Les hommes et les femmes ont tous huit pieds de haut ; mais ils sont pusillanimes et faibles ; ils montent sur des éléphants et des chameaux pour aller et venir dans les royaumes voisins ; quand se produit une attaque de pillards, ils montent sur des éléphants pour combattre.

(082) Le Heou Han chou (chap. CXVIII, p. 5 v°) donne la leçon plus admissible : « Hommes et femmes y ont tous huit pieds de haut ».

(083) Ce royaume paraît être celui que le Heou Han chou (chap. CXVIII, p. 5 v°) mentionne sous le nom de P’an-k’i dans la phrase suivante :

« A partir du royaume de Kao-fou (Kaboul) (qui appartient aux) Yue-tche toute la région qui s’étend au Sud-Ouest jusqu’à la mer occidentale, et à l’Est jusqu’au royaume de P’an-k’i, constitue le territoire du Chen-tou (Inde). p.552n

(084) Au lieu de Yi pou, je pense qu’il faut lire Yi kiun ; la commanderie de Yi, à l’époque des Han, avait son centre à l’Est de la préfecture secondaire de P’ou-ning (préf. et prov. de Yun-nan).

(085) Le Sseu-tch’ouan actuel.

(086) Cette indication semble prouver que le pays de P’an-yue doit être cherché en Assam ou en Birmanie.

(087) Sur la route du centre, dont le tracé n’est indiqué ici qu’à partir de la région de Karachar, voyez p. 529, lignes 6 et suiv. et note 052.

(088) Pour tous les noms qui sont déjà cités par le Ts’ien Han chou, Wylie dans ses Notes on Western Regions (Journ. Anthrop. Institute, vol. X et XI) s’est borné à proposer comme identifications provisoires celles qui sont indiquées par le dictionnaire polyglotte Si yu t’ong wen tche publié en 1766. Mais ces identifications sont souvent sujettes à caution. — D'après ce dictionnaire (chap. II, p. 14 r° et v°), Wei-li (transcrit Yu-li par Wylie) correspond à la localité actuelle de Kalgan aman, que la carte du district de Karachar dans le Sin kiang che lio marque à peu de distance au N. E. de Kourla.

(089) D’après le Si yu t’ong wen tche (II, 42 v°), Wei-siu est aujourd’hui Tchagan toungi, au N. E. de Karachar ; cependant Siu Song (Han chou si yu tchouan pou chou, chap. II, p. 19 r°) place ce royaume au S. E. du lac Bostang ou Bagrach.

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(090) Il semble qu’il y ait ici une interversion fautive de deux caractères et qu’il faille lire « le roi du royaume de Chan », comme dans le Ts’ien Han chou (chap. XCVI, b, p. 7 v°), qui, ailleurs (chap. XCVI, a, p. 2 r°) mentionne encore le royaume de Chan. Siu Song (Han chou si yu tchouan pou chou, chapitre I, p. 10 v° et chapitre II, p. 23 r°) suppose que le Ts’ien Han chou lui-même a omis un caractère et qu’il faut lire « Mo-chan kouo », comme dans le commentaire du Chouei king (voyez la note additionnelle à la fin du présent article). Ce royaume de Chan ou Mo-chan était, d’après la notice du Ts’ien Han chou, limitrophe de Chan-chan et de Tsiu-mo qui se trouvaient plus au Sud-Est ; il était donc situé entre le lac Bagrach et le Lop nor. Grenard (Mission scientifique dans la Haute Asie, t. II, p. 61) propose de placer cette principauté à Kyzyl sanghyr, à 130 Km., au S. E. de Kourla ; cette identification est très plausible. p.553n

(091) Kou-mo apparaît encore dans l’histoire sous les noms de Ki-mo, Weiÿong, Po-houan, Pou-han et Po-lou-kia. Dans mes Documents sur les T’ou-kiue Occidentaux , p. 8 , j’ai accepté l’identification du Si yu t’ou tche qui place cette principauté à Yaka-aryk, à mi-distance entre Bai et Kara-youlgoun ; Siu Song (Han chou si yu tchouan pou chou, chap. II, p. 11 r° et v°) la localise dans l’endroit appelé Ti chouei yai qu’il marque sur sa carte (Si yu chouei tao ki, chap. I1, p. 33 r°) à l’Est de Kara-youlgoun, c’est-à-dire dans le voisinage immédiat de Yaka-aryk. On peut donc dire que cette identification est celle qui est regardée comme la plus vraisemblable par les meilleurs géographes chinois et c’est pourquoi je l’avais moi-même adoptée. Cependant, je me suis rendu aux observations fortement motivées qu’a bien voulu me faire M. Grenard ; je crois maintenant, comme lui, que l’identification Wen-sou = Aksou, qui est le pivot autour duquel tournent tous les raisonnements des géographes chinois, est fausse ; il faut dire que Kou-mo (ou Po-lou-kia) = Aksou et que Wen-sou = Ouch-Tourfân. Voici quelques unes des raisons qui motivent cette décision :

1° dans le Ts’ien Han chou (chap. XCVI, b, p. 4 r°), il est dit que le royaume de Kou-mo est à quinze jours de marche à cheval au Nord de Khoten ; or, m’écrit M. Grenard, « il n’y a jamais eu et il ne peut y avoir de route de Yaka-aryk ou de Kara-yolghoun à Khoten, tandis qu’il y en a toujours eu une d’Aksou à Khoten, et cette route est précisément longue de quinze jours de marches. » On remarquera en effet que ce passage a embarrassé Siu Song qui, à cause de la localisation erronée qu’il attribue à Kou-mo, ne sait comment expliquer l’itinéraire de Kou-mo à Khoten (Han chou si yu tchouan pou chou, chap. II, p. 11 r°).

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2° Le Ts’ien Han chou, dit M. Grenard, « donne pour Kou-mo une population de 24.500 âmes, et pour Wen-sou une population de 8.400 seulement. Or Aksou a toujours été, à cause de l’abondance des eaux, une des principales oasis du Turkestan et il serait absurde de supposer qu’elle ait pu être trois fois moins peuplée qu’un endroit presque sans eau comme Yaka-aryk ou Kara-yolghoun. Au contraire, les chiffres donnés par le Ts’ien Han chou sont bien proportionnels à l’importance relative d’Aksou et Ouch-Tourfân ».

3° Si on admet que Kou-mo = Aksou et que Wen-sou = Ouch-Tourfân, l’itinéraire que le T'ang chou indique entre ces deux villes devient parfaitement clair (Documents sur les T’ou-kiue occidentaux , p. 9 ) : de Po-koan (=Wen-sou = Aksou) on se dirige vers le Nord-Ouest et on franchit la rivière de Po-houan qui est à quelque distance au Nord de la rivière Sseu-houen (Tarim) ; la rivière de Po-houan n’est autre que la rivière Aksou qui va se jeter au Sud dans le Tarim. A 20 li de là, l’itinéraire passe par la ville de Siao-che tch’eng qui est la localité actuelle de Bourgé, à mi-distance entre la rivière d’Aksou et le Taouchkan daria ; puis 20 li plus loin, il franchit la rivière Hou-lou du territoire de Yu-t’ien (lisez Yu-tchou= Ouch-Tourfân) ; cette rivière n’est autre que le Taouchkan daria. A 60 li de là, on arrive à la ville de Ta-che qu’on appelle aussi Yu-tchou, ou encore arrondissement de Wen-sou, et qui ne peut être qu’Ouch-Tourfân. — Pour ma part, je considère maintenant les équivalences Kou-mo = Aksou et Wen-sou = Ouch-Tourfân, proposées par M. Grenard, comme incontestables.

(092) Grenard (Mission scientifique dans la Haute-Asie, t. II, p. 61) identifie Wei-t’eou (que Wylie transcrit Yu-t’eou) avec la localité de Safyr bay, au Sud-Ouest d’Ouch-Tourfân.

(093) Le nom de cette ville se retrouve, dans le texte suivant du Ts'ō fou yuan kouei (chap. 973, p. 8 v°) :

« Sous le règne de l’empereur Ling, la deuxième année kien-ning (169 ap. J.-C.), le préfet de Leang tcheou, Mong T'o, chargea le ts’ong-che Jen Chō de prendre cinq cents soldats de Touen-houang (Cha tcheou), et, avec le wou-ki sseu-ma Ts’ao K'ouan et le si-yu-tchang-che Tchang Yen qui étaient à la tête de plus de trente mille hommes de Yen-k’i (Karachar), de K’ieou-tseu (Koutcha) et des tribus antérieure et postérieure de Kiu-che (Tourfan et Goutchen), d’aller attaquer Sou-lei (Kachgar) ; ils attaquèrent la ville de Tcheng-tchong pendant plus de dix jours sans pouvoir la soumettre ; alors ils se retirèrent.

— Cette ville est celle qui est mentionnée dans la biographie de Pan Tch’ao

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(Heou Han chou, chap. LXXVII, p. 4 r°) avec la graphie Souen-tchong ; le commentaire du Heou Han chou (766 ap. J.-C.) fait remarquer à ce propos qu’on trouve encore la variante Touen-tchong (faussement écrit [][] dans l’édition de Chang-hai, 1888) et qu’on ne sait comment choisir entre ces diverses leçons.

(094) Ce nom doit certainement être rapproché des noms K’ia-cha et Kia-che que nous trouvons employés à l’époque des T'ang pour désigner la ville de Kachgar dans le nom moderne de laquelle a d’ailleurs subsisté l’élément Kach. Le texte du Wei lio, datant du milieu du troisième siècle de notre ère, est, à ma connaissance, le plus ancien témoignage chinois attestant l’existence de ce vocable ; il nous fait remonter assez haut pour que l’intervalle qui nous sépare de Ptolémée ne soit plus trop considérable ; aussi nous croyons-nous autorisés à reprendre pour notre compte la vieille hypothèse de l’identité de la Kάσια χώρα avec la région de Kachgar, hypothèse qui restait jusqu’ici douteuse parce qu’on ne retrouvait chez les historiens chinois aucun nom ancien qui fût apparenté à celui qu’on rencontrait chez le grand géographe Alexandrin.

(095) Le K’iu-cha paraît identique au K’iu-so que le Pei che (chap. XCVII, p. 3 v°) mentionne comme occupant l’ancienne ville de So-kiu (Yarkend). Le K’iu-cha ou K’iu-so ne serait donc pas une principauté distincte de Yarkand.

(096) Aujourd’hui Yul arik, dans les montagnes au Sud de Yarkand. Cf. BEFEO, III, 397, n. 4. p.555n

(097) Au lieu de Man-li (le second caractère étant écrit [] dans l’édition du San kouo tche dite du Pao jen t’ang), le Ts’ien Han chou (chap. XCVI, a, p. 4 v° donne la leçon P'ou-li ; au lieu de Yi jo, le Heou Han chou (chap. CXVIII, p. 4 r°) donne la leçon Tö-jo. — Les trois royaumes de Yi-nai, P’ou-li et Tö-jo devaient se trouver dans la région de Tach-kourgane ; cf. BEFEO, III, p. 397, n. 4.

(098) Je ne relève rien ni dans le Ts’ien Han chou, ni dans le Heou Han chou, qui rappelle le nom de ce royaume.

(099) Le caractère [] se prononce aujourd’hui kiuan à Péking. — Le Ts’ien Han chou (chap. XCVI, a, p. 8 v°) place le royaume de Yen-tou à l’Ouest de Kachgar et sur les versants septentrionaux des Ts’ong-ling (Pamirs). Ce pourrait être le Karategin.

(100) Le Ts’ien Han chou (chap XCVI., a, p. 8 0°) écrit Hieou-siun ; mais, d’après Siu Song (Han chou si yu tchouan pou chou, ch. I, p. 34 r°), la leçon Hieou-sieou se retrouve dans le Heou Han ki de Yuan Hong (328-376 ap. J.-C. ; sur ce personnage, voyez Tsin chou, chap. XCII, p. 10 r°-13 r°). Ce royaume se

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trouvait, d’après le Ts’ien Han chou (ch. XCVI, a, p. 8 v°), à 1.300 li au S. E de Ta-yuan (Oura-tepe) ; il était à l’Est du royaume de Yen-tou et à l’Ouest de Kachgar. — Il paraît donc correspondre à la région des Pamirs où est située aujourd’hui Irkeshtam, sur la route de Kachgar à Och. — Le Ts’ien Han chou (chap. XCVI, a, p. 5 r°) dit encore : « Les pays qui sont au Nord-Ouest de Sou-lei (Kachgar), tels que Hieou-siun et Yen-tou, sont tous issus des anciens Sai (Sakas) ». — Ce texte du Wei lio nous permet de voir quelle était au milieu du troisième siècle de notre ère la puissance des princes de Kachgar qui dominaient sur la majeure partie des Pamirs.

(101) Je n’ai pas retrouvé ce nom ailleurs.

(102) Wou-yi est une abréviation de Wou-yi-chan-li (Ts’ien Han chou, XCVI, a, p. 6 r°), nom qui paraît être la transcription d’Alexandrie ; ce royaume pourrait donc être identifié avec ̉Aλεξάνδρεια ή εν ̉Αρίοίς de Strabon, c. -à-d. avec Hérat. — Le Wei lio place inexactement le pays de Wou-yi après ceux de Ngan-si et de T’iao-tche. Le Ts’ien Han chou dit formellement que le Ngan-si est situé entre le Wou-yi-chan-li à l’Est et le T’iao-tche à l’Ouest.

(103) Cette indication se retrouve dans le Heou Han chou (chap. CXVIII, p. 4 r°). L’édition du San kouo tche dite des Song du Nord donne la leçon P’ai-t'o (notes critiques de l’éd. de K’ien-long). p.556n

(104) Je n’aborderai pas ici la question du Ta Ts’in, me bornant à renvoyer le lecteur au livre classique de Hirth, China and the Roman Orient .

(105) Le Ts’ien Han chou (chap. XCV I, a, p. 6 r°) dit : « Les vieillards du pays de Ngan-si (Parthie) ont appris par tradition que dans le T’iao-tche (Assyrie) il y avait la Rivière faible et la mère reine d’occident ; cependant ils ne les ont point vues ». — On sait qu’à l’époque des T’ang la Rivière faible fut identifiée par les Chinois avec la rivière de Yasin (cf. Documents sur les T ou-kiue occidentaux , p. 153 et p. 313).

(106) Cf. Heou Han chou, chap. CXVIII, p. 5 r°.

(107) La prononciation kien est indiquée par Yen Che-kou (Ts’ien Han chou, chap. XCVI, a, p. 6 r°). — A partir d’ici, j’omets tout ce qui a trait au royaume de Ta Ts’in, ce passage ayant déjà été traduit par Hirth (China and the Roman Orient , p. 67-77 ).

(108) Les six royaumes qui vont être ici énumérés jalonnent de l’Est à l’Ouest la route p.557n qui passe au Nord des T’ien chan pour aller de Barkoul à l’Ebi nor. Mais il paraît impossible de les identifier avec certitude. C’est peut-être ce texte du Wei lio qui nous renseigne le mieux sur leurs positions respectives, car

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les évaluations de distances qu’on trouve dans le Ts’ien Han chou sont, en ce qui concerne ces pays, tout à fait fautives.

(109) Le Heou Han chou (chap. CXVIII, p. 8 r°) ne mentionne que le Tsiu-mi oriental. Siu Song (Han chou si yu tchouan pou chou, chap. II, p. 22 r°) en conclut que le Tsiu-mi occidental avait dû vraisemblablement être conquis par le Tsiu-mi oriental. Le texte du Wei-lio prouve cependant que, au milieu du IIIe

siècle de notre ère, le Tsiu-mi occidental s’était reconstitué.

(110) Le nom de ce royaume est écrit [][] dans le Ts’ien Han chou (chap. XCVI, b, p. 6 v°) et dans le Heou Han chou (chap. CXVIII, p. 8 v°).

(111) Il est probable que P’ou-lou est ici l’équivalent de P'ou-lei. Mais P'ou-lei est le nom du lac Barkoul et, par conséquent, le royaume de P’ou-lei devrait se trouver en tête de l’énumération puisque celle-ci suit une progression régulière de l’Est à l’Ouest. La solution de la difficulté me paraît être fournie par le Heou Han chou (chap. CXVIII, p. 8 r°) : ce livre nous informe en effet que, le roi de P’ou-lei ayant déplu au chef des Hiong-nou, celui-ci transporta en masse les gens de P'ou-lei, au nombre de plus de 6.000, dans la région de A-ngo, qui était à plus de 90 jours de marche à cheval au Nord de la Cour postérieure de Kiu-che (Dsimsa, près de Goutchen) ; quelques-uns des plus misérables parmi ceux qui avaient été ainsi déplacés réussirent à s’enfuir et à se réfugier dans les gorges des montagnes où ils fondèrent un nouveau royaume qui conserva le nom de P'ou-lei ; quant au territoire de l’ancien royaume de P’ou-lei, près du lac Barkoul, il était occupé, d’après le Heou Han chou, par le royaume de Yi-tche. Ces événements durent avoir lieu dès l’époque des premiers Han et c’est sans doute ce qui explique pourquoi le Ts’ien Han chou, aussi bien que le Heou Han chou, placent le royaume de P’ou-lei à l’Ouest des T’ien-chan, c’est-à-dire dans la région d’Ouroumtsi et de Manas ; telle étant la vraie situation du nouveau royaume de P’ou-lei, on trouvera tout naturel qu’il occupe l’avant-dernière place dans l’énumération du Wei lio.

(112) Ce royaume est appelé Wou-t’an-tseu-li dans le Ts’ien Han chou (chap. XCVI, b, p. 6 v°) et dans le Heou Han chou (chap. CXVIII, p. 1 r°). D’après le Ts’ien Han chou, ce royaume touchait, à l’Est au Tan-houan, au Sud au Tsiu-mi, à l’Ouest aux Wou-souen. Cette dernière indication est précieuse, car elle nous montre que le royaume de Wou-t'an-tseu-li était bien, comme le donne déjà à penser le Wei lio, le plus occidental des royaumes situés le long de la route qui passait au Nord des T’ien-chan. — Le Si-yu t’ong wen tche (chap. I, p. 6 r°) identifie ce pays avec l’endroit appelé aujourd’hui Teneger ; d’après la carte du district d’Ouroumtsi, dans le Sin kiang che lio, Teneger est le nom de la rivière qui passe à la sous-préfecture de Feou-k’ang, à l’Est d’Ouroumtsi ; il est donc

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p.558 probable que Teneger est le nom indigène de la ville que les Chinois ont baptisée Feou-Fang. Cependant les identifications du Si yu t’ong wen tche paraissent faites fort à la légère, et, pour ma part, je considère que Wou-t'an-tseu-li doit avoir été situé beaucoup plus à l’Ouest, entre Manas et l’Ebi nor.

(113) La tribu postérieure de K’iu-che, à l’époque des Han, avait sa capitale dans les montagnes qui sont au Sud de Dsimsa ; la ville de Kin-man de l’époque des T’ang était au contraire à 5 li au Nord de Dsimsa (cf. Siu Song, dans Han chou Si yu tchouan pou tchou, chap. II, p. 23 v°). Dsimsa est située à 60 li à l’Ouest de Kou-tch’eng (Goutchen).

(114) Le Ts’ien Han chou et le Heou Han chou disent tous deux que la capitale de la tribu postérieure de Kiu-che se trouvait dans la vallée de Wou-t’ou. Peut-être Yu-lai est-il le nom de la ville située dans cette vallée.

(115) Il est probable qu’au temps des Han, comme plus tard à l’époque des T'ang (cf. Documents sur les T’ou-kiue occidentaux, p. 13), on franchissait les montagnes qui mènent de la Dzoungarie dans la vallée de l’Ili en traversant la passe du poste de Dengnoul que Siu Song marque droit au Sud de l’Ebi nor (Si yu chouei tao ki). On sait qu’actuellement le passage des montagnes se fait plus à l’Ouest par la passe du poste de Talki-aman, au Sud du Sairam nor. — Les Wou-souen occupaient la vallée de l’Ili, mais ils s’étendaient jusqu’à l’Issyk koul, et même, s’il faut en croire au itinéraire du T'ang chou, leur capitale se serait trouvée à 50 li au Nord de la passe Bédel, sur la route qui mène d’Ouch-Tourfan à l’Issyk koul (cf. Documents sur les T’ou-kiue occidentaux , p. 9 , lignes 25-28).

(116) Le royaume de Yen est mentionné avec la graphie [] dans le Heou Han chou (chap. CXVIII, p. 6 r°) qui dit que ce royaume est au Nord des Yen-ts’ai (Alains) et dépend du Kang-k’iu (Sogdiane).

(117) Hirth a bien montré (China and the Roman Orient , p. 139, n. 1 , et Ueber Wolga-Hunnen und Hiung-nu, p. 249-251) que le nom Yen-ts’ai (prononcé An-

ts’ai) pouvait p.559n être la transcription du nom du peuple que Strabon appelle les ̉Aορσοι. Le témoignage du Wei lio que les An-ts’ai (Aorsi) ont pris plus tard le nom d’A-lan (Alani) explique d’ailleurs fort bien le terme Alanorsi qui, chez Ptolémée, embrasse à la fois les Alani et les Aorsi ; il est vraisemblable que ce royaume comprenait deux peuples distincts, les Aorsi et les Alani, et qu’il fut connu d’abord sous le nom du premier d’entre eux (Aorsi), puis sous les noms de tous deux combinés (Alanorsi) enfin sous le nom du second seul (Alani). — On sait que le nom des Alains s’est maintenu pendant tout le moyen âge comme désignation d’une nation fort importante occupant la région du

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Caucase et les territoires environnants. Marquart (Untersuchungen zur Geschichte von Eran, II, p. 240-241) conteste l’équivalence phonétique de An-ts’ai et Aorsi. Il considère An-ts’ai comme représentant le nom des Massagètes.

(118) Le Heou han chou (chap. CXVIII, p. 6 r°) écrit : « Le royaume de Yen-ts'ai a changé de nom et s’appelle le royaume de A-lan-leao ». Mais il est aisé de voir que le caractère [] n’est ici que l’équivalent du caractère [] dont le Wei lio se sert pour désigner un royaume distinct ; le Heou Han chou fait donc erreur en parlant du royaume de Yen, puis du royaume de Yen-ts’ai appelé plus tard A-lan-leao ; il faut dire, avec le Wei lio, qu’il y a trois royaumes : celui de Lieou, celui de Yen et celui de Yen-ts’ai, appelé plus tard A-lan.

(119) « Les Hia-kia-sseu, dit le T'ang chou (chap. CCXVII, b, p. 7 v°) sont l’ancien royaume des Kien-kouen, dont le territoire se trouvait à l’Ouest de Yi-wou (Hami), au Nord de Yen-k’i (Karachar), à côté des montagnes Blanches (le Bogdo ola et les montagnes au Sud de Barkoul). » Ce témoignage ne s’accorde pas avec celui du Wei lio qui place les Kien-kouen au Nord-Ouest du K’ang-kiu (Sogdiane). D’après le T'ang chou, les Kirgiz furent chassés de leur habitat primitif par le chan-yu Hiong-nou Tche-tche (seconde moitié du premier siècle avant notre ère) et allèrent se réfugier à 7.000 li à l’Ouest de la cour du chan-

yu et à 5.000 li au Nord de Kiu-che (Tourfan et Goutchen) ; p.560n ils se trouvèrent alors à 3.000 li au Nord-Ouest des Ouïgours ; ils s’appuyaient au Sud sur les monts T’an-man qui paraissent être les monts Tang-nou, au Sud des rivières formant le haut cours de l’Iénisséi (voyez cependant Hirth, Nacheworte zur Tusch. des Tonjukuk, p. 41-42, qui identifie le T'an-man avec les monts Saian). A vrai dire, il semble bien que ce soit dans la région comprise entre les monts Saian au Nord et les monts Tang-nou au Sud que se soit trouvé le berceau des Kirgiz ; mais il est possible en même temps que ce peuple ait eu une ère d’extension immense et qu’il ait poussé à de certains moments ses ramifications jusque vers Hami et Karachar au Sud et jusqu’à la mer d’Aral à l’Ouest, ce qui justifierait les dires du Wei lio et du T'ang chou sur l’habitat primitif des Kien-kouen.

(120) Le nom de ce peuple est écrit [a][b] dans Sseu-ma Ts’ien (chap. CX, p. 5 r°), [a][c] dans le Ts'ien Han chou (chap. XCIV, a, p. 4 r°), et [d][b] dans le Chan hai king (chap. XVIII, p. 8 r° de l’édition lithographique de 1891). On verra cependant plus loin que Yu Houan prétend distinguer les Ting-ling qui habitent au Nord du K’ang-kiu des Ting-ling qui demeurent au Nord des Hiong- nou ; mais cette distinction paraît bien factice.

(121) Ces distances de 7.000 li et de 5.000 li sont celles que nous avons déjà

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relevées dans le T’ang chou (cf. n. 119) ; mais le T’ang chou, et sans doute Yu Houan  lui-même, ont emprunté ces indications au Ts’ien Han chou dans lequel nous lisons (chap. XCIV, b, p. 2 v°) : « Les Kien-kouen (Kirgiz) sont à 7.000 li à l’Ouest de la cour du chan-yu, et à 6.000 li au Nord de Kiu-che (Daimsa).

(122) Les six royaumes de Kiu-che, doivent être sans doute pour Yu Houan les six royaumes qu’il a énumérés plus haut (n. 108) comme dépendant du Kiu-che postérieur (Daimsa). — Pour l’auteur du Heou Han chou (chap. CXVIII, p. 8 v°), les six royaumes de Kiu-che sont : le Kiu-che antérieur (Yar-khoto, près de Tourfan), le Kiu-che postérieur (Dsimsa, près de Kou-tch’eng), le Tsiu-mi

oriental, le Pi-lou, le P’ou-lei p.561 (entre Ouroumtsi et Manas) et le Yi-tche (près du lac Barkoul).

(123) Yu Houan ne fait que reproduire ici un texte de Sseu-ma Ts’ien (chap. CX, p. 5 ro) où il est dit que, antérieurement à l’an 200 avant notre ère, les Hiong-sou soumirent divers peuples qui habitaient au Nord de leur territoire, à savoir les Houen-yu, les K’iu-che, les Ting-ling, les Ko-kouen et les Sin-li. Dans le Ts’ien Han chou (chap. XCIV, p. 4 r°), la même phrase devient [—].

(124) Cf. Chan kai king, chap. XVIII, p. 8 r° de l’édition lithographique de 1191 : « Il y a le royaume des Ting-ling ; ces gens ont des poils au-dessous du genou et des sabots de cheval ; ils excellent à la course. » p.562

(125) Confucius disait déjà en 494 av. J.-C. que la mesure de 3 pieds était la dernière petitesse de la taille humaine. C’est encore à 3 pieds de haut que, en l’an 642 de notre ère, T’ai, roi de Wei, évalue la taille des Pygmées dans le curieux texte du Kouo ti tche qui parle des combats des Pygmées contre les grues. Quoique Yu Houan ne mentionne pas les grues en parlant du royaume des Nains, et quoique la description qu’il fait des hommes aux sabots de cheval ne s’accorde pas absolument avec la notion classique des Centaures, il me paraît difficile de ne pas voir dans son récit un reflet des légendes occidentales relatives aux Centaures et aux Pygmées.

(126) Je n’ai trouvé dans aucun dictionnaire l’expression […]. Peut-être les mots [][] sont-ils l’équivalent des mots [][] qui désignent un petit cours d’eau.

(127) Le Kiang et la mer sont une métaphore souvent employée lorsqu’il s’agit d’exprimer l’idée d’une étendue qu’on ne saurait mesurer.

(128) L’insecte appelé [][] ne vit que trois jours ; il ne peut donc connaître les quatre saisons qui forment une année complète.

(129) Sur les théories cosmologiques de Tseou  Yen, qui fleurissait à la fin du quatrième siècle avant notre ère, voyez le chap. LXXIV de Sseu-ma Ts’ien. p.563n

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(130) Yu Houan a ici en vue l’ouvrage sur le Yi king que publia, le lettré Yang Hiong (53 av. J.-C. -18 ap. J.-C.).

(131) Cette image est tirée du chapitre de Houai-nan tseu (d. 122 av. J.-C.).

(132) P’ong-tsou, qui passe pour avoir vécu plusieurs centaines d’années, est cité dans le Louen yu (VII, 1) et à plusieurs reprises dans Tchouang tseu (voyez Legge, SBE, vol. XXXIX, p. 167, n. 1). p.564n

(133) Cf. T'ang chou, chap. CCXXI, a, p. 10 ro : « La ville où réside le roi s’appelle ville de Si-chan (c.-à-d. ville de la montagne occidentale). On sait que Grenard a retrouvé le site de l’ancienne capitale du royaume de Yu-t'ien « au petit village de Yotkân, dans le canton de Bourazân, à neuf kilomètres à l’Ouest de la ville actuelle de Khotan » (Mission scientifique dans la Haute-Asie, t. III, p. 127).

(134) Ce nom se retrouve avec la même graphie dans un passage du Che che si yu ki que cite un peu plus loin le commentaire du Chouei king par Li Tao-yuan : « Les deux branches (du Ho, à savoir la rivière de Khoten et la rivière de Kachgar) coulent vers le Nord ; elles passent par K’iu-ts’eu (Koutcha), Wou-yi et Chan-chan, puis entrent dans le lac Lao-lan (le Lop nor) ». — Watters (On Yuan Chwang’s travels in India, vol. I, p. 46) exprime l’avis que le Wou-yi de Fa-

hien n’est probablement autre p.565n que Karachar dont le nom est écrit Yen-k’i

par les historiens chinois ; la transition entre la forme [][] et la forme [][] nous est fournie par la forme Wou-k’i que Watters a retrouvée dans plusieurs ouvrages ; aux exemples cités par Watters, j’en ajouterai un que je tire de la biographie d’Amoghavajra dans le Tcheng yuan sin ting che kiao mou lou (Trip., XXXV, 6, p. 82 r°) : « Le 22e jour du 11e mois (de la 13e année t’ien-pao = 754), il partit de la ville de Ngan-si (Koutcha), sur sa route il passa successivement par Wou-k'i (Karachar) et par le désert Mo-ho-yen  ; d’étape en étape, il traversa Kiao-ho (Yarkhoto, près de Tourfan), Yi-wou (Hami), Tsin-tch’ang (près de Ngan-si tcheou), Tsieou-ts’iuan (Sou tcheou), et arriva à la commanderie de Wou-wei (Leang-tcheou fou, prov. de Kan-sou) ». — Dans le même ouvrage (Trip., XXXV, 6, p. 25 v°), on lit que, vers l’an 400 de notre ère, la ville de K’ieou-tsen (Koutcha) ayant été ravagée, le religieux hindou Vimalāksa transporta sa résidence à Wou-tch’en ; je crois qu’il s’agit encore là de la même localité.

(135) Lorsque les religieux étaient au réfectoire. Cf. Fa-hien, trad. Legge, p. 18.

(136) Cf. la relation de Song Yun, BEFEO, vol. III, p. 397. p.566n

(137) Cf. n. 063.

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Les pays d’Occidentd’après le Wei lio

(138) Près de Tchertchen ; cf. n. 060.

(139) Le nom d’A-neou-ta s’applique proprement à la partie septentrionale du système des monts Kouen-louen, depuis le Sud de Kériya en allant vers l’Est. Cf. A. De Humboldt, Asie Centrale, t. II, p. 418-420. p.567n

(140) Cf. n. 052 à la fin.

(141) Tous ces faits sont racontés avec plus de détail dans le chap. XCVI du Ts’ien Han chou traduit par Wylie. p.568n

(142) Ts’iuan Tsou-wang qui publia une édition du Chouei king peu d’années avant Tchao Yi-ts’ing, fait remarquer que l’anecdote qu’on va lire est suspecte, car, d’une part le titre de « général de Eul-che » n’existait pas sous la seconde dynastie Han, et, d’autre part, un préfet n’avait pas qualité pour faire nommer un général.

(143) Cf. Ts’ien Han chou, chap. LXXVI, p. 12 v°.

(144) Elle se gela. Cf. Giles, Biog. Dict., n° 2208, et Heou Han chou, chap. L, p. 2.

(145) La divinité du fleuve Tchou-pin doit donc se soumettre à l’autorité de Souo Man, tout comme autrefois les divinités du Houang ho et de la rivière Hou-t’o se sont inclinées devant Wang souen et Wang Pa.

(146) Cf. Achille et le fleuve Xanthe (Homère, Iliade, XXI, 211 et suiv.). p.569n

(147) La phrase est ici bizarrement coupée... Il est à remarquer cependant que Siu Song dans son commentaire du Si yu tchouan (chap. 1, p. 10 r°), coupe la phrase de la même manière que Tchao Yi-ts’ing.

(148) Cf. n. 090.

(149) Ici, comme le remarque Tchao Yi-ts’ing, il doit y avoir une lacune dans le texte qui devait sans doute reproduire tout au moins en substance le récit du Ts'ien Han chou sur la révolte du roi de Chan-chan contre les Chinois (Wylie, J. Anthrop. Inst., X, p. 27).

(150) C’est-à-dire que le lac aurait pris son nom du pays, Lao-lan et Leou-lan

n’étant que des prononciations d’un même nom. p.570n

(151) Dans les pages qui suivent, le commentaire du Chouei king traite du Fleuve du Nord, c’est-à-dire des rivières de Kachgar et de Yarkand ; j’omets tout ce passage pour arriver au point où les eaux du Fleuve vont se jeter dans le Lop nor.

(152) Cf. n. 090.

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(153) Voici donc, si je ne me trompe, une troisième localité ayant droit au nom de Leou-lan : la première est l’ancien Leou-lan que nous plaçons à Pidjan ou à Na-tche ; la seconde est le royaume de Chan-chan ou Leou-lan au Sud du Lop nor ; la troisième enfin est au Nord du Tarim, peu avant l’embouchure de cette rivière dans le Lop nor ; cette dernière ville de Leou-lan n’était primitivement qu’une colonie militaire, mais elle hérita du nom du royaume dont elle dépendait, ainsi que nous l’apprend Li Tao-yuan lui-même.

(154) Ainsi, les eaux s’accumulent pour former le Lop nor qui se trouve au Nord-Est de Chan-chan et au Sud-Ouest des ruines qui ont reçu de l’imagination populaire le nom de Ville du Dragon. Il serait peut-être prématuré d’identifier ces ruines avec celles qui ont été explorées par Sven Hedin. p.571n

(155) Kiang Lai paraît être un nom d’homme.

(156) Et en entassant le sable.

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