Les enjeux juridiques et stratégiques de la réforme de l'État au regard des NTIC

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Projet libre sur contrat Tuteure : Mme. Marie-Odile NICOUD Les enjeux juridiques et stratégiques de la modernisation de l'administration par les nouvelles technologies de l'information et de la communication Jérôme GOVINDIN Semestre 6 Année universitaire 2011 – 2012

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Projet libre sur contrat Tuteure : Mme. Marie-Odile NICOUD

Les enjeux juridiques et stratégiques de la modernisation de l'administration par les nouvelles

technologies de l'information et de la communication

Jérôme GOVINDIN

Semestre 6Année universitaire 2011 – 2012

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LISTE DES ABRÉVIATIONS

ADAÉ : Agence pour le développement de l'administration numérique

Art. : Article

C. cass. : Cour de cassation

C.civ. : Code civil

CC : Conseil constitutionnel

CE : Conseil d'État

CEDH : Convention européenne des droits de l'Homme

CNIL : Commission nationale informatique et libertés

DDHC : Déclaration des droits de l'homme et du citoyen

Dec. : Décret

DGME : Direction générale de la modernisation de l'État

JORF : Journal officiel de la République française

L. : loi

NTIC : Nouvelles Technologies de l'Information et de la Communication

OCDE : Organisation de coopération et de développement économique

PGD : Principe général du droit

RGPP : Révision générale des politiques publiques

TIC : Technologies de l'information et de la communication

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Sommaire

I. La conduite stratégique de la réforme de l'administration par les NTIC

A.La modernisation par les NTIC

B.Administration et usagers, vers une nouvelle structuration relationnelle

II. Les enjeux juridiques d'une réforme par les NTIC

A'.Les nouveaux défis soulevés par l'introduction des NTIC dans les rapports entre administration et administré

B'.Vers un cadre juridique de l'e-gouvernance

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« Il suffit de comparer un minitel et un ordinateur pour deviner les liens profonds qui unissent à un moment donné objet technique et culture juridique. Dans le minitel se retrouve tout l'esprit du droit

français des services publics : une organisation en arbre, pyramidale et centralisée ; un accès garanti à tous dans des conditions de parfaite égalité et à un moindre coût ; un rapport aux textes qui passe par la médiation d'un personne publique. Dans l'ordinateur relié à Internet se retrouve

tout l'esprit de la common law : une organisation en graphe, aux contours insaisissables ; un accès inégal dépendant des ressources économiques, techniques et culturelles de chacun ; un rapport

direct à tous les textes sans médiation d'une instance centrale »

Alain Supiot, Homo juridicus, p. 179, 1ère éd.

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INTRODUCTION INTRODUCTION

Le 10 juillet 2007 a été lancé la Révision générale des politiques publiques (RGPP) en

France. Cette RGPP consiste en l'analyse des missions et actions de l'État, suivie de la mise en

oeuvre de scenarii de réformes structurelles. La RGPP a pour but principal la baisse des dépenses

publiques et l'amélioration des politiques publiques de l'État. Trois objectifs sont affectés à cet

objectif principal à savoir mieux adapter l'administration aux besoins des usagers, valoriser le

travail des fonctionnaires et réduire les dépenses publiques pour revenir à l'équilibre budgétaire et

gagner des marges de manoeuvre en terme d'investissement.

Un des axes majeurs de la RGPP passe par la réfection de l'administration au regard des

nouvelles technologies afin d'arriver à une administration numérique efficace pour l'usager mais

aussi par rapport à la réduction des dépenses. Le grand emprunt de la France en 2010 a consacré à

cet effet plus de 4,5 milliards d'euros sur la totalité de l'emprunt au numérique, le numérique a été

considéré par le Gouvernement comme une « priorité d'avenir ».

L'administration numérique constitue un des pend de cette révision générale des politiques

publiques, mais elle est aussi envisagée hors de France comme étant une solution d'avenir en

matière d'administration car elle présente de nombreux avantages. Elle constitue pour la plupart des

pays de l'OCDE une « ardente obligation » au sens où l'entendait le Général de Gaulle, un grand

chantier d'une importance comparable à la planification à la française où l'aménagement du

territoire des années 1960. L'utilisation des technologies de l'information et de la communication

(TIC) est une des clef de la Réforme de l'État qui permettra de libérer les énergies et les

compétences dans les administrations pour un service public plus efficace au service des citoyens.

C'est du moins ce que postule les défenseurs de l'administration numérique ou e-administration1. Si

il y a une certaine exaltation de la part des gouvernements à moderniser l'État de manière

numérique, l'administré lui se veut plus réticent à ces mesures car cette administration numérique

suscite un certain nombre d'interrogations. Cependant, l'État doit montrer l'exemple en se

modernisant et en étant en phase avec la société de l'information actuelle. L'administration

numérique progresse mais en ordre dispersé et timidement. Certes avec la carte Vitale, l'impôt et les

déclarations sociales sur Internet ou encore le portail service-public.fr la France a montré qu'elle

était capable de mener des innovations en matière numérique. Mais en dépit de ces remarquables

succès, beaucoup de travail reste à effectuer, car si la volonté politique est d'aller plus loin dans ce

processus de numérisation cela ne va pas sans poser des problèmes substantiels qu'ils soient

techniques, structurels ou juridiques.

1 V. recommandations sur les équivalents français du préfixe e-, JORF n°169 du 22 juillet 2005, NOR : CTNX0508543X

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Le passage de l'État administratif classique à l'État en réseau apparaîtra aux générations

futures comme une étape aussi importante que le passage de la féodalité à l'État moderne comme le

souligne Pierre de la Coste dans son ouvrage L'Hyper-République.

D'ailleurs il est important de s'attarder sur ce qu'est réellement l'administration électronique.

L'administration numérique constitue-t-elle une façade de l'administration déjà existante sur

Internet ? Est-elle le prolongement de l'action administrative via les nouvelles technologies de

l'information et de la communication ? Finalement, il n'existe aucune définition doctrinale ou

institutionnelle sur l'administration électronique. Cependant, celle-ci à l'heure actuelle s'inscrit dans

un processus réformateur visant à assurer l'efficacité de l'administration à travers les outils que sont

les NTIC. Plus qu'une interrogation sur la définition même des contours de l'administration

numérique, il convient de s'interroger sur la nécessité de l'administration numérique. Une des

réponses constituerait à dire que pour que l'État continue à remplir ses tâches grandissantes, au

service d'une population qui augmente, il est impérieux que celui-ci se situe dans le contexte

économique, technologique, culturel dans lequel il évolue et ainsi agir avec les moyens, les outils,

les processus nouveaux. En effet, l'État ne pourra pas continuer à maintenir son niveau d'activité au

regard de la complexité administrative grandissante. D'ailleurs même si des processus de

simplification administrative sont étudiées aujourd'hui, ceux-ci s'avèrent complexe, l'État dans sa

volonté de simplifier ne fait-il pas au final l'inverse ? La complexité administrative ne résulte-t-elle

pas au contraire d'une volonté de trop simplifier ? De manière générale, la société elle-même tend à

se complexifier et cette société même génère un droit plus complexe. La multitude de normes et

d'acteurs auxquels l'État doit faire face (droit international, droit européen, mondialisation etc.) joue

pour une part substantielle dans la complexification administrative. Or si l'État utilise les mêmes

outils sans s'adapter il risquerait de s'effondrer sous le poids de ses lourdeurs, de ses rigidités et de

ses lenteurs.

En l'administration plus efficace à travers les nouveaux outils que sont les NTIC, l'État

s'assure de ne pas se couper d'avantage de la société. Une des perspective d'avenir c'est donc la mise

en place d'une administration numérique qui apporte des réponses concrètes et qui est susceptible

d'apporter une amélioration au rapport des administrés à leur administration.

En somme la vraie question ne réside pas dans la définition de l'administration numérique

mais comment l'administration l'administration numérique peut-elle contribuer à accroître

l’efficience de l'État.

Il va falloir dans un premier temps s'attarder sur la conduite stratégique de la réforme de

l'administration par les NTIC (I) et dans un second temps sur les enjeux juridiques de cette

modernisation par les NTIC (II).

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I. I. LA CONDUITE STRATÉGIQUE DE LA RÉFORME DE L'ADMINISTRATIONLA CONDUITE STRATÉGIQUE DE LA RÉFORME DE L'ADMINISTRATION PAR LES NTICPAR LES NTIC

« L'administration électronique commence à être perçue comme un facteur essentiel de la réforme

de l'État »

Jacques SAURET, directeur de l'ADAÉ (nouvellement la DGME)

L'enjeu stratégique de l'administration numérique va constituer dans un premier temps aux

enjeux stratégiques concernant la modernisation elle-même (A) et dans un second temps concernant

les effets de cette modernisation dans les relations entre l'usager et l'administration (B.)

A. A. La modernisation par les NTICLa modernisation par les NTIC

Les pouvoirs publics sont confrontés à la difficulté de favoriser le développement de

l'administration électronique alors que l'évolution technologique rapide soulève encore beaucoup

d'incertitudes. Les NTIC sont tentantes dans la mesure où elles sont porteuses de meilleures

solutions et offres la possibilité de changer de manière rapide les modes opératoires. La plupart du

temps comme le soulève Edwin Lau2 les solutions promises par l'administration numérique censées

permettre à un organisme de mettre en oeuvre les technologies de l'information sans modifier ses

processus opérationnels. Il n'est donc pas surprenant que les organismes du secteur public

s'efforcent toujours de mettre en place des systèmes reposant sur des nouvelles technologies. Il y a

de fait un risque très développé d'échec dans la mise en place de ces nouveaux systèmes

d'information et de la communication.

L'enjeu de la modernisation par les nouvelles technologies représente donc un certain

nombre de problèmes au regard des lois régissant les services publics (A) mais aussi au regard de

préoccupations organisationnelles financières (B)

1. Problématiques autour des lois du service public

Le service public est soumis au respect de trois principes fondamentaux, ceux de continuité

et d'égalité (1) et d'adaptation (2). Les règles ont été systématisées par le professeur Louis Rolland

dans les années 1930, d'où le nom « lois de Rolland » qui leur est souvent donné. Ces trois lois du

service public vont être au cœur des problématiques qui entourent la mise en place d'une

2 Lau, E. (2004). « PRINCIPAUX ENJEUX DE L’ADMINISTRATION ÉLECTRONIQUE DANS LES PAYS MEMBRES DE L'OCDE ». Revue française d’administration publique, 110, 225-243

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administration numérique.

a. Continuité de l'action administrative, égalité devant le service public et fracture numérique

Parce qu'il répond à un besoin public reconnu, le service public ne peut être exercé de

manière irrégulière, ainsi les usagers peuvent-ils exiger un fonctionnement continu du service

public. F. Gazier dans ses conclusions dans l'arrêt CE du 7 juillet 1950 Dehaene3 dit qu'il faut

« éviter un État à éclipses », postérieurement le Conseil constitutionnel est venu corroborer cette

décision constitutionnellement en déclarant que « la continuité du service public a le caractère d'un

principe de valeur constitutionnelle »4.

L'administration numérique ne peut ainsi pas échapper à ce principe, et la mise en place de

cette administration numérique pose un problème substantiel dans la mesure où mettre en place une

administration numérique va supposer exclure certains usagers de l'accessibilité aux services

numérique de l'administration, c'est qui est appelé la fracture numérique. De manière générale, Elie

Michel5 définit la fracture numérique comme la constitution d'une inégalité face aux possibilités

d'accéder et de contribuer à l'information et ainsi de bénéficier des avantages de développement

offerts par les TIC.

Dans les pays membre de l'OCDE, un nombre croissant de personnes a certes accès à

Internet mais beaucoup en sont encore exclues. En France, un peu plus de 64% des ménages

déclarent avoir accès à Internet à leur domicile en 2010 contre 56% en 2008, neuf fois sur dix c'est

un accès haut débit. Par ailleurs, 24% des internautes ont utilisé leur terminal mobile afin d'accéder

à Internet6.

Le principe d'égalité d'accès devant le service public se retrouve donc aussi menacé par cette

fracture numérique. Ce sacro-saint principe du droit public consacré par la DDHC de 17897, par le

Conseil constitutionnel8 et par le CE9 doit être respecté dans la mise en place de l'administration

numérique.

Ainsi, la modernisation de l'administration par les NTIC se confronte-t-elle à cet obstacle car

les groupes au sein de la société qui présentent les niveaux d'accès les plus bas tendent à être ceux

3 CE, 7 juillet 1950, Dehaene, n°01645, Rec. Lebon p.4264 Décision 25 juillet 1979 n°79-105 DC5 MICHEL (E.), « Le fossé numérique. L'Internet, facteur de nouvelles inégalités ? », Problèmes politiques et sociaux,

La Documentation française, n°861, août 2001, p.326 Chiffres INSEE, INSEE Premiere, n°1340, Mars 20117 Art. 1 et 6 DDHC8 Décision CC, 12 juillet 1979, Ponts à péage, 79-107 DC9 CE, 9 mars 1951, Société des concerts du Conservatoire

Arrêt érigeant l'égalité devant le service public comme principe général du droit

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qui sont déjà défavorisés. Leurs relations avec les pouvoirs publics sont complexes et celles-ci ne

sont pas toutes bien adaptées à une fourniture en ligne. Il serait important pour ces groupes d'avoir

accès aux informations et services gouvernementaux mais ils risquent de ne pas bénéficier des

améliorations de la qualité et de l'élargissement des choix que permettent les services en ligne

même si l'érection d'une administration en ligne pourra à long terme inviter les foyers non encore

pourvus d'une connexion Internet à en acquérir une.

En somme, la mise en place de l'administration numérique ne peut se faire sans un politique

publique efficace en matière de réduction de la fracture numérique. L'effectivité de l'administration

numérique ne peut également se faire sans prise en compte de manière générale d'alternative à cette

administration numérique en renforçant par exemple les fonctions de front office c'est-à-dire la prise

en charge de l'usager par un agent de l'administration afin d'assurer le lien entre administration et

l'interface numérique.

b. Mutabilité de l'action administrative et administration numérique

L'administration est positionnée comme étant une véritable chance pour l'administration.

C'est au nom de ce principe de mutabilité de l'action administrative que va pouvoir se faire la

transition vers un État en réseau. L'administration fiscale a su par exemple comme le souligne C.

FRANKO dans son étude10, avec l'informatisation de ses services à l'usager muter son action

administrative et arriver à un véritable renversement dans son organisation administrative.

L'utiliser des NTIC en tant qu'outil de la modernisation, l'administration va restructurer ses

modes opératoires sur une trame distincte que celles pourvues par le droit. Il va ainsi y avoir une

approche différente avec l'administré lui-même.

C'est dans le cadre de la mutabilité des services publics que l'administration va pouvoir

transformer son action et mettre en œuvre l'administration numérique au regard de la volonté de la

RGPP.

La mise en place de l'administration numérique au sein de l'appareil administratif pose un

certain nombre de problème relatifs au service public même mais également par rapport à des

préoccupations plus structurelles.

10 Franko, C. (2004). « La conduite du changement par les TIC : l'exemple de l'administration fiscale », Revue française d’administration publique, n°110, p. 327-336.

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2. Problématiques structurelles et et financières autour de l'administration numérique

Au-delà de l'accord avec les lois du service public, la mise en place de l'e-administration va

constituer un certain nombre de problèmes connexes au regard de la modernisation. Tout d'abord un

des obstacles majeurs à l'érection de l'administration numérique va être incontestablement un

obstacle budgétaire et financier (1), l'autre obstacle substantiel concernant l’organisation même de

cette e-administration au vu de la structure bureaucratique actuelle (2).

a. Obstacles budgétaires et financiers`

En finances publiques il existe un principe de spécialité dans l'ordonnancement des dépenses

publiques. Une dépense ne peut être affectée qu'à un objectif particulier particulier. Un organisme

public sera donc tenu responsable pour la réalisation d'objectifs organisationnels et l'ordonnateur lui

affectera en vu de réaliser cet objectif des ressources spécifiques.

Cependant, ces cadres budgétaires ne tiennent parfois pas compte des besoins spécifiques de

certains projets d'administration électronique, en particulier ceux qui nécessitent un financement à

long terme et un financement croisé, c'est-à-dire des financements nécessitant la collaboration de

différents organismes. En somme les cadres budgétaires actuels permettent le financement de

projets pris isolément mais ne permettent guère de tenir compte des responsabilités partagées

inhérentes à de nombreux projets d'administration électronique. Par ailleurs, autre obstacle

budgétaire au développement de l'administration numérique c'est que celle-ci est généralement

considérée en matière de finances publiques comme une dépense d'investissement et non de

fonctionnement, or une bonne part de l'e-administration concerne substantiellement des dépenses

liées à la maintenance, les frais de personnels.

À cet égard, l'Observatoire européen des technologies de l'information estime qu'en 2002,

les dépenses consacrées aux TIC par les administration publiques dans l'Union européenne sont

élevées à 30 milliards d'euro, hors secteur de la santé, de l'éducation et de la défense. Sur ce

montant environ 5 milliards d'euros étaient destinés à l'administration électronique proprement dite,

hors coût de réorganisation et de formation11. Aux États-Unis, les dépenses du gouvernement fédéral

consacrées aux TIC pour les administrations publiques se sont élevées à environ 48 milliards de

dollars en 2002 et 52 milliards en 2003, soit une augmentation de 8% entre 2002 et 200312.

Enfin la temporalité des budgets est peut-être source de difficultés. En effet, en France,

11 « Le rôle de l’administration électronique pour l’avenir de l’Europe », communication de la CE, 26.9.2003 (COM, 2003, Final).

12 USA, « USAe-Government Strategy ; Simplified Delivery of Services to Citizens », Executive Office of the President, 2002, p. 4. (http ://www.firstgov.gov/Topics/Includes/Reference/egov_strategy.pdf)

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l'autre principe élémentaire des finances publiques est le principe d'annualité, le budget n'est voté

que pour une durée d'un an, cependant en vue de se mettre en conformité avec les normes

européennes, des plans pluriannuels sont adoptés pour une durée de 5 ans. Le développement d'une

administration numérique devrait se placer dans ces plans pluriannuels car les projets relatifs aux

NTIC nécessitent un engagement bien supérieur à l'horizon budgétaire annuel.

Si les obstacles budgétaires représentent de réelles difficultés, la principale entrave réside en

la difficulté d'avoir une vision transversale de l'action administrative.

b. Administration numérique et transversalité de l'action administrative

En France, comme dans la plupart des pays de l'Union européenne l'administration

fonctionne de manière très cloisonnée, c'est-à-dire qu'elle repose avant tout sur des domaines de

compétences relativement clairs et exclusifs la plupart du contrôle. Des mécanismes de contrôle et

des responsabilité spécifiques sont appliquées à chacune de ces administrations. Un des obstacles

substantiels lié à l'administration numérique réside dans le fait qu'il y a défaut important de

communication des données entre les administrations. Edwin Lau13 dit qu'il y a une « absence de

flexibilité » dans les cadres mis en place, ce qui empêche l'adoption de perspective

interministérielle. Or l'administration numérique ne doit pas être considérée comme une question

purement technique mais comme touchant à la mission fondamentale des pouvoirs publics en

matière de fourniture de services à l'usager. Les pouvoirs publics, négligent la valeur ajoutée

supplémentaire qu'apporte une meilleure collaboration avec d'autres organismes fournissant des

services connexes. D'ailleurs la RGPP elle-même tente de pallier ce problème, en essayant de

trouver une nouvelle forme d’organisation administrative afin de permettre une meilleure lisibilité

de l'administration mais aussi de permettre à l'usager de réduire ses démarches tout en accroissant la

satisfaction pour l'usager.

Cette entrave structurelle à l'administration numérique va expliquer notamment pourquoi les

tentatives de numérisation des administrations déjà existantes ont été soldé par des échecs, la

numérisation ne consistant qu'en la mise en ligne des services propres à chaque administration sans

considérations plus larges sur la mission même du service public dont elles ont la charge.

Il y a donc une incapacité des administrations à communiquer entre elles. Une approche

nationale pourrait aller de système partagés à des règles ou normes communes régissant des

systèmes distincts mais reliés entre eux. L'harmonisation des systèmes et normes est un élément

particulièrement important car celle-ci a fait cruellement défaut dans le passé. Le gouvernement

13 Ibid

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allemand s'est lui déjà placé dans cette perspective en regroupant les normes et lignes directrices

applicables à l'ensemble de l'administration dans un document unique SAGA. Les prémices de cette

harmonisation normative peuvent se retrouver dans le programme ACTES concernant les normes

régissant le contrôle dématérialisé de légalité des actes des collectivités territoriales.

B. B. Administration et usagers, vers une nouvelle structuration relationnelleAdministration et usagers, vers une nouvelle structuration relationnelle

Au-delà des considérations économiques et organisationnelles en terme de gain de

productivité pour l'administration, l'e-administration vient apporter une plus-value considérable en

matière de démocratie. On pourra dès lors parler d'une renouveau de la démocratie a travers l'e-

gouvernance ou encore l'émergence d'une e-democratie. En effet, aujourd'hui les innovations

technologiques se sont propagées à une très grande vitesse et elles modifient en permanence et de

manière très significative les relations entre les individus ouvrant de très nombreuses possibilités en

terme de communication, mais aussi plus globalement de liberté individuelle, de vie privée et de

rapports sociaux. La démocratie est donc directement concernée par le développement des usages

électroniques. L'administration numérique n'échappe pas à ce mouvement, car elle va changer le

rapport entre l'individu et l'administration d'une part par une accessibilité facilité de l'information à

l'usager (1) et d'autre part par l'amélioration du service rendu à celui-ci par des techniques

électroniques (2).

1. Le numérique et l'information dans les relations entre l'administration et l'administré

Pour Patrice FLICHY14, la première étape de l'administration numérique est la mise en ligne

d'informations (textes législatifs et réglementaires). Cette première étape est importante dans le

processus d'accessibilité à l'information. Un des versants de l'administration numérique est sans

conteste cette disponibilité de l'information par l'usager. Cette disponibilité de l'information par

l'usager va venir structurer différemment les relations entre l'usager et l'administration. En effet,

cette disponibilité informationnelle vient renforcer l'adage « nul n'est censé ignorer la loi »,

l'administré dispose par ce moyen de toutes les informations dont il a besoin dans ses relations avec

l'administration et manière facilitée. Aujourd'hui, l'administration crée et gère de nouveaux services

sous la forme de sites Internet, donc diffusés sur le réseau mondial d'information.

14 Flichy, P., & Dagiral, É. (2004). « L’ADMINISTRATION ÉLECTRONIQUE : UNE DIFFICILE MISE EN COHÉRENCE DES ACTEURS » Patrice Flichy et Éric Dagiral. Revue française d’administration publique, n°110, p. 245-255.

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De très nombreux sites ont vu le jour, ce qui permet une plus grande circulation de

l'information administrative. Des portail publics généralistes ou spécialisés, fonctionnent et

permettent d'accéder aux administrations et à leur service. Le portail généraliste d'accès à

l'administration française est aujourd'hui lié à la notion de service public crée par la circulaire du

Premier ministre du 6 novembre 200015. La diffusion des données juridiques et des rapports officiels

s'est généralisée16. Ainsi le JORF est-il mis à disposition du public sous forme électronique de

manière permanente et gratuite. Chaque citoyen peut ainsi le recevoir de manière journalière dans

sa messagerie électronique. Dans la même optique, l'ensemble du droit français et de ses codes est

directement et rapidement accessible à tous ceux qui le souhaitent sur le liste legifrance.gouv.fr. La

Documentation française quant à elle met à disposition les rapports publics sur son site.

Cette mise en ligne de l'information apporte un changement profond du rapport au droit pour

le citoyen. En effet, ils peuvent se reporter facilement à des dispositions d'un code et en avoir une

version à jour en permanence. L'effort linguistique fait par les services du journal officiel permet de

proposer de nombreux codes aussi bien en français qu'en anglais et espagnol. Le recours au support

numérique a certainement facilité cette innovation majeure pour cet État membre de l'Union

européenne.

Ce développement des sites Internet engendre de nouveaux comportements de la part des

administrés. Cela conduit par extension à une certaine transparence administrative, l'administré ne

se retrouvant plus sans moyens face à l'administration.

Cette information plus facilement accessible à l'usager permet de facto de créer un proximité

entre l'usager et le l'administration par l'intermédiaire de téléservices, qualifié par l'ordonnance du 8

décembre 2005 comme « tout système d'information permettant aux usagers de procéder par voie

électronique à des démarches ou formalités administratives »17. C'est la deuxième étape dans le

processus de modernisation par les nouvelles technologies proposée par Flichy18. Ces téléservices

peuvent être par exemple la publication ou la notification électronique de décisions, l'inscription à

des concours ainsi que la consultation des résultats, le recours aux enchères électroniques dans le

cadre des marchés publics19 ou la dématérialisation des procédures de passation des marchés20.

L'utilisation des services en ligne est donc croissante. Elle installe l'administration

15 Circulaire du 7 octobre 1999 relative aux sites internet des services et des établissements publics de l'Etat, JORF n°237 du 12 octobre 1999 page 15167, NOR : PRMX9903708C

16 Circulaire du Premier ministre 14 février 1994 relative à la diffusion des données publiquesCirculaire du Premier ministre du 17 décembre 1998 relative à la diffusion des données juridiques sur les sites Internet des administrationsCirculaire du Premier ministre du 28 janvier 1999 relative à la diffusion gratuite des rapports officiels sur Internet.

17 Ordonnance du 8 décembre 2005, n°2005-151618 Ibid.19 Dec. N°2001-846 du 18 septembre 200120 Dec. N°2002-692 du 30 avril 2002

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électronique dans le quotidien de l'administré. Pour exemple, 12 millions de télédéclarations

d'impôts sur le revenus ont été effectué en France en 2011 selon le Ministère des finances, la quasi-

totalité des demandes d'extraits de casiers judiciaires sont effectuées en ligne (1,2 millions

d'utilisateurs), plus de la moitié de la TVA est collectée de façon dématérialisée 21.

L'administration électronique est donc bien une réalité, elle représente une profonde

modernisation de l'administration. Le panel de services qui est offert par l'administration numérique

vient indubitablement faciliter les relations de l'usager avec l'administration.

Ce changement dans les relations avec l'administration se caractérise également par une

amélioration du service rendu à l'usager.

2. E-administration et amélioration du service rendu à l'usager

La finalité de la RGPP est l'amélioration du service rendu à l'usager, dans un perspective

privatiste l'administration doit fournir le plus de satisfaction possible à l'usager d'un service public.

L'administration numérique va être un outil permettant d'aboutir à cette satisfaction de l'usager.

Cette amélioration du service va se caractériser par plusieurs éléments. Tout d'abord c'est

l'amélioration des délais de traitement qui va permettre à l'administration d'être plus efficace dans

ses rapports avec l'usager et d'autre part cela va être le suivi de son dossier administratif.

Concernant les délais, l'administration numérique il faut distinguer deux fonctions du travail

administratif. Tout d'abord il va falloir s'attarder sur la fonction de back office puis sur le traitement

en front office du dossier de l'administré. Ces deux notions sont inspirées directement du

management en vigueur dans les entreprises.

Le back office va constituer le traitement à proprement parler du dossier de l'usager c'est-à-

dire le traitement par les agents administratifs de la demande de l'administré. Cette fonction de back

office en matière d'administration numérique va être améliorée parce que celle-ci doit permettre un

contact régulier avec l'administré afin de le consulter sur les éléments manquant à chaque étape de

la procédure.

Le front office va constituer les relations directes avec l'usager du service public. Cette

fonction va permettre à l'usager d'intervenir auprès de l'administration dans le traitement de son

dossier.

Concernant le suivi de son dossier, l'administration numérique va permettre une meilleure

transparence de l'action administrative. Un administré va pouvoir par exemple suivre la gestion de

21 Rapport Arthuis remis au Sénat, http://www.senat.fr/rap/r06-010/r06-0101.pdf

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son dossier à chaque étape de son traitement et ainsi être au courant de la localisation exacte de son

dossier.

Ces deux aspects sont important, car l'administration numérique doit répondre à ses

exigences, l'administration numérique en ce sens, constitue le meilleur outil possible afin de

rationaliser l'action administrative même si deux nombreux problèmes juridiques restent à être

résolus dans l'érection de ce processus numérique.

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II. II. LES ENJEUX JURIDIQUES D'UNE RÉFORME PAR LES NTICLES ENJEUX JURIDIQUES D'UNE RÉFORME PAR LES NTIC

L'avènement de l'administration numérique ne peut se faire sans le droit. C'est en ce sens

qu'il est important de ne pas oublier cet aspect car la mise en place d'un tel projet suppose de réels

enjeux juridiques tout d'abord face à l'usager lui-même (A') mais aussi face aux mutations à opérer

dans le cadre de cette administration numérique (B').

A. A. Les nouveaux défis soulevés par l'introduction des NTIC dans les rapports entreLes nouveaux défis soulevés par l'introduction des NTIC dans les rapports entre administration et administréadministration et administré

L'administration numérique, constitue un levier indéniable dans l'introduction de nouvelles

relations avec l'usager. L'avènement d'une administration numérique va comporter un certain

nombre d'enjeux au regard de ces nouvelles relations avec l'usager. Une administration numérique

va supposer l'utilisation par l'administration d'un certain nombre de données personnelles, au regard

du droit public, les informations concernant les usagers du service public ne sont pas mutables d'une

administration à une autre, ainsi la mise en place d'une administration électronique va devoir

prendre en compte les libertés individuelles des usagers (1) et permettre ainsi le contrôle des

données par l'usager lui-même, ce qui va constituer de nouveaux rapports entre l'administration et

l'administré (2).

1. Administration numérique et protection de la vie privée

L'e-administration, si elle constitue une chance pour l'administré comporte un certain

nombre de risques. Le progrès technique a toujours eu pour corollaire une forte réticence de la part

de la société, la mise en place d'un État en réseau n'échappe pas à cette règle. C'est principalement

pour cette raison qu'a été voté en 1978 la loi « informatique et libertés » visant à protéger le citoyen

envers les tentatives inquisitrices de l'administration.

Ainsi, la mise en place d'un État en réseau et de fait d'une circulation accrue des données

personnelles relatives à l'administré va susciter bon nombre de questions juridiques. Tout d'abord

quel cadre juridique appliquer aux espaces d'interaction résultant de la virtualisation ? La mise en

place d'une nouvelle aire administrative va nécessiter la mise en place d'un nouveau cadre juridique

visant à encadrer les conduites dans les lieux virtuels. Ainsi à cet égard, il va falloir considérer

l'existence d'un nouvel espace administratif virtuel tout comme les espaces géographiques

différenciés le sont au regard du droit de l'environnement.

Il y a actuellement en droit public français le maintien d'un régime juridique prohibant la

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circulation des renseignements personnels entre les administrations ce qui rend problématique la

mise en place des services intégrés suivant les catégories qui ne coïncident pas avec les frontières

bureaucratiques. Or l'administration numérique ne peut se faire sans un décloisonnement des

frontières administratives. Ainsi l'administration fiscale ne va pas pouvoir fournir des informations

relatives à un administré à une autre administration, l'administré va devoir lui-même fournir ces

informations.

Le partage des données va avoir pour effet d'améliorer le traitement de l'information et

permettre à l'administration d'être plus rapide et tout ceci en réduisant la redondance en limitant les

situations dans lesquelles les personnes sont obligées de transmettre l'information. Mais cette

technique va supposer de plus grandes garanties pour l'administré de voir ses informations

personnelles traitées. Il va falloir ainsi tout au long du cycle de traitement de l'information garantir

une relation de confiance entre l'administré et l'administration traitant l'information. Ainsi, plus

l'information sera sensible, plus il faudra multiplier les précautions afin de garantir le niveau de

confiance. Pour ce faire, il va falloir mettre en place une évaluation des risques pour procurer la

légitimité et la confiance, essentielles à l'acceptabilité des modes de circulation des données

personnes22. Christine de Noiville considère que la prise de décision à l'égard de phénomènes

comportant des risques à assumer par la collectivité, doit revêtir une dimension explicative et

délibérative : « Rappelons-le : un risque n’est pas en soi acceptable, il le devient par le prisme du

débat, qui lui donne sa légitimité. L’acceptabilité n’est pas une essence qui s’imposerait à celui qui

est confronté au risque. [...] Ainsi, parce que le « risque acceptable » n’est pas un « donné » mais le

fruit d’une appréciation à chaque fois renouvelée, le sens qu’il convient de lui attribuer doit autant

que possible être négocié »23. Ainsi, doit être fait de l'utilisation de ces données personnelles une

appréciation a priori de la part de l'administré.

En somme, cette protection des données personnelles va de pair avec un contrôle nécessaire

de l'administré sur ces mêmes données.

2. Le contrôle de ses données par l'usager

Dans une perspective juridique de traçabilité de l'information et de transparence de

l'utilisation de celle-ci, il est nécessaire que l'usager puisse contrôler l'utilisation faite de ses

données par les administrations. L'administré dans cette posture se voit ainsi gardien de ses propres

données au vu de limiter les atteintes à la vie privée garantie par la Convention européenne des

22 Trudel, P. (2004). « Renforcer la protection de la vie privée dans l'État en Réseau : l'aire de partage de données personnelles ». Revue française d’administration publique, 110, 257-266.

23 Noiville (Christine), Du bon gouvernement des risques, Paris, PUF (coll. « Les voies du droit »), 2003, p. 120.

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droits de l'Homme24. En ce sens comme le rappelait Juvénal par sa question « Quis custodiet ipsos

custodes ? »25, il est important de mettre en place des « gardiens » afin de garantir la protection des

données personnes de l'individu, et l'administration numérique ne peut échapper à cette règle.

L'instauration d'un contrôle des données personnelles par l'administré est une des conditions à la

mise en confiance de l'administré envers l'administration. Ainsi l'administré va pouvoir après

demande électronique de l'administration permettre ou non la délivrance des informations

demandées à l'administration. L'usager doit pouvoir également suivre l'utilisation faite de ses

données personnelles mais aussi de pouvoir en exiger le retrait comme le prévoit aujourd'hui la loi

informatiques et libertés de 1978 à l'égard de toute information circulant de manière électronique.

L'Union européenne sur ce point s'est également investi de la question de la durée de conservation

des données personnelles en matière d'infractions pénales, cette directive26 fixe le délai de

conservation des données à un an. Ainsi l'administration électronique peut se baser sur des textes

déjà existant et l'adapter afin de rendre l'action administrative plus transparente. Par ailleurs, la

CNIL à travers la loi informatiques et libertés27 a édicté un certain nombre de principes relatifs à

l'utilisation des données personnelles permettant de fournir à l'administré un certain nombre de

garanties en vue de contrôler lui-même ses données, ces principes concernent : le droit à

l'information, le droit d'opposition, le droit d'accès aux données et le droit de rectification des

données personnelles.

L'OCDE qui également joué un rôle important dans la mise en place normative de

l'administration numérique dans ses pays membres a considéré elle aussi qu'il fallait un contrôle de

l'administré sur ses données à caractère personnel, elle a par ailleurs affirmé que « les données de

caractère personnel devraient être pertinentes par rapport aux finalités en vue desquelles elles

doivent être utilisées et, dans la mesure où ces finalités l’exigent, elles devraient être exactes,

complètes et tenues à jour »28. Ainsi il faut-il donner la possibilité à l'administré de contrôler ses

données afin d'assurer l'exigence de correspondance de entre les finalités administratives et les

données utilisées.

Enfin, Pierre Trudel29 propose lui à l'égard des données personnelles la notion d'« aire de

partage » qui constituerait un environnement d'information dans laquelle les données personnes

24 Art. 8 CEDH25 En français : « Mais qui gardera ces gardiens », Juvénal, Satires VII, lignes 347 et 34826 Directive 2006/24CE, du Parlement européen et du Conseil du 15 mars 2006 sur la conservation de données générées

ou traitées dans le cadre de la fourniture de services de communications électroniques accessibles au public ou de réseaux publics de communications

27 L. n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés 28 OCDE, Lignes directrices régissant la protection de la vie privée et des flux transfrontières de données de caractère

personnel, Paris, OCDE, 200229 Trudel, P. (2004). « Renforcer la protection de la vie privée dans l'État en Réseau : l'aire de partage de données

personnelles ». Revue française d’administration publique, 110, 257-266

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nécessaire à la délivrance d'un ensemble de services accomplis au bénéfice du citoyen peuvent être

rendus disponibles à différentes entités. Ainsi l'usager va-t-il baliser l'information en limitant les

usages. Au niveau juridique cela aboutirait à un espace régulé dans lequel il y aurait

systématiquement une identification des utilisateurs des données ce qui juridiquement va permettre

d'établir les responsabilités des différentes entités administratives.

B. B. Vers un cadre juridique de l'e-gouvernance Vers un cadre juridique de l'e-gouvernance

La réussite de l'administration électronique en somme dépend largement de la mise en place

par les pouvoirs publics d'un cadre juridique approprié. En effet, l'efficacité de l'administration

numérique demeureront minimales en l'absence d'équivalence juridique entre le processus nouveau

de numérisation et le processus ancien reposant sur des documents papiers.

Ce cadre juridique ne peut se faire sans la mise en place d'un système de sécurisation des

données et en particulier des formulaires contenant des données personnelles et financières

sensibles. Dans le domaine privé ce phénomène est déjà largement avancé. En 2005 à cet égard a eu

lieu une révolution en droit des contrats avec la reconnaissance par le Code civil de la nécessité de

contrats numériques sécurisés. Les articles 1369-1 à 3 ont été modifié afin de garantir la possibilité

de conclure des contrats sous forme électronique. Ainsi l'électronique et le papier deviennent égaux

devant le droit.

Il n'existe pas de lien univoque entre le droit et les techniques mais l'évolution des

techniques entraîne des transformations du droit mais il est également vrai que l'évolution des

techniques dépend elle-même de la culture juridique à un moment donné. Alain Supiot30 souligne

que c'est parce que les institutions de l'Occident reposaient sur l'idée de loi qu'on a pensé que la

nature obéissait elle-même à des lois et qu'on a fait de la découverte scientifique la base de la

technique. Ainsi le droit et la technique doivent avancer en même temps, c'est en ce sens qu'il y a

une nécessité à proposer des innovations juridiques tout en accompagnant le développement

technique de l'administration numérique. C'est ainsi qu'en 2007, 26 des 30 membres de l'OCDE ont

adopté des lois reconnaissant les signatures numériques mais seul un nombre beaucoup plus

restreint ont effectivement mis en place des applications par delà une phase pilote. Beaucoup de ces

pays attendent que le secteur privé comble le vide.

Par ailleurs, la complexité des réglementations et les obligations imposées aux organismes

publics peuvent constituer un autre obstacle conduisant à investir dans un projet inadéquat. Outre

les problèmes de sécurité l'ensemble des exigences des pouvoirs publics concernant les achats des

30 SUPIOT (A), Homo juridicus, 2005,1ère ed., p.180

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TIC, l'aide à l'industrie, les clauses des contrats, le respect des obligations de sécurité et d'autres

normes peuvent venir accroître le coût d'un projet qui est déjà bien vaste et coûteux. Il règne

également une confusion quant à la nature exacte des obligations dans les domaines de la sécurité

des données et des normes techniques. Il est ainsi d'une nécessité absolue que des normes bien

définies soient adoptées de manière verticale afin que les projets de plus petites ampleurs ne se

heurtent à des normes juridiques contraires et ainsi déboucher sur une mauvaise définition des

projets d'administration électronique et sur un gaspillage de ressources qui conduit à élaborer de

nouvelles réglementations. Sur ce point, il est nécessaire également qu'il y ait la présence de

coordonateurs en matière d'administration électronique. Certains pays se sont dotés d'une direction

générale technique afin de pallier les problèmes normatifs concernant la mise en place de tel ou tel

outil à des niveaux différents.

Concernant la vie privée, les réglementations européennes tentent vainement d'essayer de

concilier libre circulation des données entre administrations, libre circulation des données au sein de

l'Union européenne et protection de la vie privée.

Il y a donc un réel enjeu juridique sur la question de l'e-gouvernance. Les questions sont

tellement vastes et techniques qu'elles impliquent des problèmes encore plus larges.

Si l'administration numérique de par sa technicité et par les problèmes organisationnels

qu'elle emporte avec elle est difficile à mettre en place, l'aspect juridique joue une part substantielle

dans la mise en place de cette État en réseau.

Mais au final, ces présupposés blocages juridiques existent-ils ? N'est-ce pas plutôt des

conflits sociologiques ou culturelles qui viennent se heurter à la tradition administrative qui

empêcherait la nouvelle culture de l'administration numérique ?

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Les enjeux stratégiques et juridiques de la modernisation de l'administration par les NTIC

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Page 23: Les enjeux juridiques et stratégiques de la réforme de l'État au regard des NTIC

Table des matièresIntroduction ....................................................................................................................................... 5

I.La conduite stratégique de la réforme de l'administration par les NTIC..............................7

A.La modernisation par les NTIC........................................................................................... 7

1.Problématiques autour des lois du service public............................................................... 7a.Continuité de l'action administrative, égalité devant le service public et fracture numérique.......................................................................................................................... 8b.Mutabilité de l'action administrative et administration numérique................................9

2.Problématiques structurelles et et financières autour de l'administration numérique.......10a.Obstacles budgétaires et financiers...............................................................................10b.Administration numérique et transversalité de l'action administrative.........................11

B.Administration et usagers, vers une nouvelle structuration relationnelle.....................12

1.Le numérique et l'information dans les relations entre l'administration et l'administré....122.E-administration et amélioration du service rendu à l'usager ...........................................14

II.Les enjeux juridiques d'une réforme par les NTIC..............................................................16

A.Les nouveaux défis soulevés par l'introduction des NTIC dans les rapports entre administration et administré..................................................................................................16

1.Administration numérique et protection de la vie privée.................................................. 162.Le contrôle de ses données par l'usager.............................................................................17

B.Vers un cadre juridique de l'e-gouvernance .................................................................... 19

Bibliographie et sitographie.............................................................................................................21