Les Enjeux de La Finance Islamique Au Maroc

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Par Abderrafi EL MAATAOUI Certified Islamic Finance Executive, et Expert comptable DPLE Avec le projet de refonte de la loi bancaire 34-03 relative aux établissements de crédit et organismes assimilés, la finance islamique marocaine pose ses premiers vrais jalons. Les deux lignes directrices de cette refonte sont : 1 – La recherche d’un équilibre structurel entre banques conventionnelles et banques participatives Les banques d’investissement subissent les mêmes obligations que les banques conventionnelles dans le cadre d’une même loi. Elles ne bénéficient pas d’un traitement spécifique étendu. La volonté est claire de ne pas chambouler le paysage bancaire marocain, en instaurant un démarrage conservateur et un taux de pénétration graduel. L’essentiel de la réglementation se fera par le biais des circulaires de Bank Al Maghrib. Il en est ainsi notamment des caractéristiques techniques des produits des banques participatives (Mourabaha, Ijara, Moucharaka, Moudaraba ou autres), et des modalités de leur présentation. Par contre, la consécration des banques participatives et des banques conventionnelles par un principe « d’unicité légale » serait judicieuse à condition que les circulaires d’application consacrent également la spécificité nécessaire aux produits des banques participatives dans un objectif de positionnement concurrentiel adéquat, et de promotion de l’innovation. En effet, le profil particulier du business des banques participatives appelle à une réglementation spécifique qui leur permettrait de pouvoir se positionner correctement sur le plan commercial, et être constamment imaginatives pour la création de produits compatibles avec la Charia. Par ailleurs, la refonte de la loi bancaire laisse également le libre choix aux établissements de crédit quant à leur positionnement commercial. Le paysage bancaire serait alors très hybride, avec la présence de toutes les configurations possibles : banques conventionnelles sans produits alternatifs, banques conventionnelles commercialisant à la fois des produits classiques

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Par Abderrafi EL MAATAOUICertified Islamic Finance Executive, et Expert comptable DPLE

Avec le projet de refonte de la loi bancaire 34-03 relative aux établissements de crédit et organismes assimilés, la finance islamique marocaine pose ses premiers vrais jalons. Les deux lignes directrices de cette refonte sont :

1 – La recherche d’un équilibre structurel entre banques conventionnelles et banques participatives

Les banques d’investissement subissent les mêmes obligations que les banques conventionnelles dans le cadre d’une même loi. Elles ne bénéficient pas d’un traitement spécifique étendu. La volonté est claire de ne pas chambouler le paysage bancaire marocain, en instaurant un démarrage conservateur et un taux de pénétration graduel.

L’essentiel de la réglementation se fera par le biais des circulaires de Bank Al Maghrib. Il en est ainsi notamment des caractéristiques techniques des produits des banques participatives (Mourabaha, Ijara, Moucharaka, Moudaraba ou autres), et des modalités de leur présentation.

Par contre, la consécration des banques participatives et des banques conventionnelles par un principe « d’unicité légale » serait judicieuse à condition que les circulaires d’application consacrent également la spécificité nécessaire aux produits des banques participatives dans un objectif de positionnement concurrentiel adéquat, et de promotion de l’innovation. En effet, le profil particulier du business des banques participatives appelle à une réglementation spécifique qui leur permettrait de pouvoir se positionner correctement sur le plan commercial, et être constamment imaginatives pour la création de produits compatibles avec la Charia.

Par ailleurs, la refonte de la loi bancaire laisse également le libre choix aux établissements de crédit quant à leur positionnement commercial. Le paysage bancaire serait alors très hybride, avec la présence de toutes les configurations possibles : banques conventionnelles sans produits alternatifs, banques conventionnelles commercialisant à la fois des produits classiques et des produits alternatifs, banques participatives ne commercialisant que les produits alternatifs.

Le positionnement des établissements de crédit marocains obéira alors principalement à des considérations internes d’ordre logistique, et à des objectifs de productivité. Quant aux établissements étrangers, leur spécialisation en finance islamique ne fait aucun doute, et leur positionnement local ne peut être que dans la lignée de la stratégie internationale de leurs maisons mères.

2 – Un cadre légal et réglementaire protecteur et centralisé

Avec l’appui du comité « Charia » et du comité des établissements de crédit, la banque centrale conserve des droits étendus de réglementation et de contrôle. Ce choix pourrait s’avérer judicieux dans un premier temps en attendant un retour d’expérience graduel, et une certaine maturité des banques participatives. Dans une phase ultérieure, les risques spécifiques liés aux banques participatives appelleront certainement une modulation plus adéquate des règles prudentielles et comptables, et des mesures protectrices.

En effet, le contrôle des banques dites participatives devrait aller au-delà du contrôle des banques classiques – fruits de la réglementation du comité de Bâle – en tenant compte des profils de risques particuliers induits par le principe de partage des profits et des pertes (3P), et en différenciant nettement entre :

les activités de détail,

les activités d’investissement,

et les activités de marché (gestion Actif / Passif).

L’instauration d’un comité « Charia » central pour toutes les banques , dont le secrétariat est tenu par Bank Al Maghrib, dénote également d’un souci de cohérence législative réglementaire. A côté des compétences religieuses, ce comité serait ainsi doté des compétences techniques nécessaires pour jouer pleinement son rôle de validation et de conformité.

A ce titre, un autre verrouillage est prévu en interne, en ce sens que les banques participatives seront tenues de mettre en place un comité d’audit chargé notamment d’identifier et de prévenir les risques de non-conformité à la Charia. D’autant plus que la gouvernance des banques dites participatives sera attendue à des niveaux d’exigence élevés en termes d’éthique et de déontologie, conformément aux préceptes de la Charia.

Le chemin est encore long…

Certes, la refonte de la loi bancaire est une avancée considérable dans le bon sens. Néanmoins, pour booster une véritable industrie de la finance islamique au Maroc dans un horizon de cinq ans, permettant par la même occasion un décollage rapide de la place financière de Casablanca, plusieurs défis importants devront être remplis dont :

l’assurance islamique Takaful et Re-Takaful :

Le lancement et développement des banques participatives passent inéluctablement par le lancement d’un système de couverture et de mutuelle collective et solidaire Takaful.

L’élargissement des produits des banques participatives aux Sukuks :

Le marché de la dette intérieure ou étrangère reste le domaine de prédilection de la finance islamique. Or, en cette période de sous liquidité, les Sukuks apparaissent comme le moyen le plus efficace de drainer les fonds étrangers participatifs et de les adosser à des actifs réels. La réglementation des Sukuks est une condition sine qua none pour l’essor de la finance islamique au Maroc. Il ne faut pas oublier que le marché international des Sukuks en 2011 a atteint presque 85 milliards USD (selon une étude Standard & Poor’s). La tendance pour 2012 et les années à venir est encore plus prometteuse.

L’élargissement des produits des banques participatives aux contrats Istisnaa et Istisnaa Tamwili :

Les contrats « Istisnaa », qui se caractérisent par le financement du coût de production, trouvent particulièrement leur utilité dans le financement de fonds de roulement des entreprises industrielles à cycle d’exploitation long (équipement, aéronautique, ouvrages de BTP…)

L’élargissement des produits des banques participatives aux contrats Salam :

Les contrats « Salam », qui se caractérisent par un paiement immédiat et une livraison ultérieure, trouvent particulièrement leur utilité dans le financement de fonds de roulement des entreprises – notamment les PME – à cycle d’exploitation court (agriculture, export, artisanat,..)

L’adoption progressive des normes internationales AAOIFI :

L’AAOIFI (Organisation des comptables et des vérificateurs des institutions financières islamiques) est l’organisme international de référence en matière de normes comptes et d’audit des banques islamiques. L’adoption des ces normes au Maroc est un gage additionnel de transparence des comptes des banques participatives vis-à-vis des investisseurs internationaux.

La gestion des risquesFinance islamique : La gestion des risques, l'autre challenge 

Finances newsPublié dans Finances news le 19 - 04 - 2012

Comme toute activité, la finance islamique comporte plusieurs risques qu'il faudrait pallier.La quasi-inexistence d'un marché monétaire permettant le refinancement bloque considérablement la gestion des risques des IFI.Al'instar des acteurs opérant dans la finance conventionnelle, les institutions financières islamiques (IFI) doivent également faire face, dans le cadre de leurs activités, à la gestion des risques. Néanmoins, les IFI font face à des risques qui leur sont propres. Anouar Hassoune, expert en la matière, a identifié, dans le cadre de l'une de ses présentations, deux risques caractéristiques des institutions financières conformes à la Chari'a : le risque commercial translaté, ainsi que l'enchevêtrement des risques.Le premier résulte de la concurrence entre banques islamiques et banques conventionnelles. Il intervient dans le cas où les banques islamiques n'enregistrent pas de rendements suffisants. De ce fait, les clients des IFI auront tendance à retirer leurs fonds au bénéfice des banques conventionnelles puisque le secteur bancaire marocain est très compétitif malgré la ressemblance des offres. Cette situation induit deux risques pour la banque : un risque de rentabilité, ainsi qu'un risque de crédit important. Selon Hassoune, afin de résoudre ce problème, les IFI seront contraintes d'ajuster leurs rendements aux taux appliqués et cela va leur permettre de proposer des rendements concurrentiels».Quant au risque d'enchevêtrement, il s'explique par le fait que de nombreuses

transactions sont tripartites. Ces contrats lient le client, la banque et le fournisseur de biens. Chaque partie du contrat contient des risques différents, ce qui a pour effet d'alourdir la gestion des risques de la banque.Quel produit de couverture ?Une autre source de risques spécifiques aux IFI est le manque de produits de couverturs comme les produits dérivés. Bien que ces produits ne soient théoriquement pas en adéquation aux principes de la Chari'a vu leur caractère spéculatif et incertain, il existe pourtant en pratique quelques exceptions. En effet, d'après une étude menée par l'Islamic Financial Service Board auprès des IFI de tous ses pays membres, bon nombre d'IFI utilisent des produits dérivés.Cette étude cite par exemple les swaps de profit, les forex swap, les forwards de commodités utilisant les techniques du Salam (vente avec prépaiement et livraison différée). Ils utilisent aussi la technique du Wa'd (accord portant sur un contrat futur) pour les forwards sur forex, ainsi que l'Arboun (garantie sous forme liquide afin d'assurer la réalisation d'un contrat après son lancement) pour effectuer des transactions se rapprochant des options. Cette étude relate aussi les divergences d'interprétations concernant ces produits. Effectivement, aucun produit n'est unanimement accepté auprès des pays membres de l'IFSB. Le produit qui semble le plus en adéquation avec les principes de la Chari'a est le Salam.En quête d'un marché spécifiquePar ailleurs, la quasi-inexistence d'un marché monétaire permettant le refinancement bloque considérablement la gestion des risques des IFI. Actuellement, les transactions interbancaires sont basées essentiellement sur le principe des 3P. Il existe aussi quelques exceptions d'accords entre les IFI et des banques conventionnelles portant sur des contrats Murabaha sur matières premières.Les quelques innovations apportées ces dernières années n'ont pas rendu le marché monétaire efficient. L'IFSB évoque deux causes à cet échec. Premièrement, les produits comme la Mudaraba et la Murabaha, qui sont les principaux instruments du marché monétaire et de la politique monétaire des banques centrales, ne sont pas très liquides et cela ne favorise donc pas l'émergence d'un marché secondaire. Deuxièmement, l'utilisation de Sukuk (obligation islamique) pour galvaniser le marché monétaire est entravée par une offre insatisfaisante, un marché secondaire absent et un risque élevé lié à l'utilisation d'instruments à long terme pour la gestion de la liquidité à court terme.Comme mentionné précédemment, le principe des 3P augmente l'incertitude et

le risque des IFI et ceci pour de nombreuses raisons. En premier lieu, du fait que la rémunération n'est connue qu'ex-post, les prévisions des rendements sont difficilement estimables. Ces prévisions sont très importantes, car elles donnent une information sur le rendement espéré des dépositaires de compte (risque commercial translaté).En deuxième lieu, et bien que le partage des pertes et profits transfère les risques globaux de la banque vers les propriétaires d'un compte d'investissement, le 3P augmente les risques du côté de l'actif avec la détention de positions impliquant les 3P.En troisième lieu, le système des 3P permet à un entrepreneur, en échange de son travail et de son savoir-faire, de disposer d'un financement, soit sous forme d'argent, soit en matières premières ou encore en matériaux pour le fonctionnement de son entreprise. Le bailleur de fonds, la banque en l'occurrence, se rémunère à l'aide des profits réalisés par l'entrepreneur.Contrôle et diversificationOr, la banque n'a que la possibilité de contrôler la bonne marche des affaires a posteriori. Ce système a l'avantage de permettre à l'entrepreneur d'avoir une marge de manœuvre certaine, mais cela peut parfois mener l'entrepreneur à des agissements frauduleux, inefficients ou exagérément risqués afin de maximiser son profit. Ce principe est appelé l'aléa moral.Pour finir, le manque de diversification quant à l'allocation d'actifs peut être un obstacle sérieux à l'analyse des risques et sa gestion. Effectivement, les restrictions d'ordre religieux, notamment l'investissement dans des activités illicites telles que l'alcool, le tabac, les jeux de hasard ou l'armement, restreignent le choix d'investissement à l'intérieur d'une zone géographique ou même d'une industrie et augmente le risque systémique. Afin de gérer au mieux ce risque, il est nécessaire d'évaluer les corrélations entre actifs et sélectionner des positions qui soient décorrélées entre elles.Dossier réalisé par W. Mellouk & S. Zeroual 

Bank Al-Maghrib se penche sur les risques des institutions islamiques Moussa DiopPublié dans La Nouvelle Tribune le 03 - 11 - 2011

Estampillés sous le sobriquet de «produits alternatifs», les produits islamiques commencent à avoir la côte au Maroc. A voir les workshops sur la finance islamique se multiplier, on comprend aisément que le Maroc a bien compris qu'il ne pourrait pas et ne devrait pas continuer à faire l'économie de cette

finance qui connaît une dynamique de croissance soutenue depuis bientôt une décennie dans certaines régions du monde et qui gagne de plus en plus de pays dont des pays non musulmans. Ainsi, après la Bourse de Casablanca, qui a organisé dernièrement une rencontre sur les produits islamiques, le CDVM qui vient de produire une étude sur la «Finance Islamique», c'est autour de Bank Al-Maghrib d'organiser un workshop sur le «Gestion des Risques, Processus de surveillance prudentielle et adéquation des fonds propres des Sukuks». Cette table ronde vise à faire la lumière sur les pratiques actuelles de gestion des risques dans les établissements offrant des services financiers islamiques. D'emblée, M. Abderrahim Bouazza, Directeur de la Supervision Bancaire à Bank Al-Maghrib, a souligné qu'à travers cette rencontre, Bank Al-Maghrib essaye d'«ouvrir de nouvelles perspectives sur la finance islamique au moment où le Maroc est engagé dans la mise en place d'une place financière régionale». Et au niveau de cette place, le Royaume compte bien évidemment accueillir des banques islamiques et tirer profit de la forte croissance de ce marché et des capitaux importants du Golfe investis sur ces marchés.Dans ce cadre, M. Abdellah Belatik, Assistant Secrétaire Général de l'IFSB –Islamic Financial Services Board-, a d'abord souligné que «le Maroc a tous les atouts pour être une plateforme entre le Moyen-Orient, l'Europe et l'Afrique qui a un besoin important en infrastructures». C'est ainsi que l'IFSB, institution créée en 2002 et qui compte actuellement 191 membres dans 42 pays, aide les pays membres à développer la finance islamique sur des bases saines et qui reposent sur la Charia (Coran, Sunna et Ijtihad) et qui interdit l'intérêt, le Gharar (pas d'incertitudes dans les termes du contrat), le Maysir et certains sous-jacents (alcool, viande de porc, etc.). En plus, explique t-il, pour la mise en place des banques islamiques, «il faut mettre en place des institutions très fortes pour défendre les intérêts des apporteurs de fonds que sont les actionnaires et les déposants». Et l'IFSB contribue à la normalisation qui favorise et améliore la solidité de l'industrie des services financiers islamiques par l'émission globale des normes prudentielles et les principes directeurs pour les banques, les marchés de capitaux et les assurances islamiques. En effet, si la finance islamique a su résister face à la crise tout en continuant à afficher une forte croissance, il n'en demeure pas moins que la crise financière a ébranlé certaines structures islamiques et certaines ont fait faillite. Cette situation pousse vers un cadre macro-prudentiel qui aiderait à maintenir la stabilité financière.Risques spécifiquesEt pour que ces banques soient saines, il faut bien évidemment que la gestion

des risques soit bien huilée. La norme IFSB-1, principes directeurs de la gestion des risques pour les institutions islamiques, donne un canevas à suivre. De même, IFSB-5 donne des directives sur les éléments clés dans le processus de surveillance prudentielle des institutions islamiques. Selon M. Anouar Hassoune, Directeur Général de Hassoune Conseil, Consultant de IFSB, «la finance islamique étant d'abord une finance contractuelle, orientée vers l'économie réelle, la gestion des risques se base sur des contrats». De ce fait, si les banques islamiques sont assujetties aux mêmes catégories de risques que leurs consœurs conventionnels –crédits (surtout à cause de la concentration), opérationnel et marché-, de surcroît elles font face à des risques diverses, complexes et spécifiques à la finance islamique (Shariaa). En plus, les contrats financiers islamiques concentrent des catégories de risques dont il est difficile de faire la part des choses entre les différentes classes de risques. Du coup, souligne t-il, «il faut, en finance islamique, adopter une approche holistique des risques», soutient M. Hassoune. Et face à la crise, la gestion des risques est devenue une fonction centrale et transversale dans les institutions islamiques.La problématique de liquiditéEt concernant ces risques spécifiques, ils sont surtout liés à la liquidité et à la non-conformité à la Shariaa Board. Dans leur processus d'investissement, les banques islamiques doivent faire face à un important risque de liquidités du fait du système de collecte de fonds, étant donné que ces institutions ne peuvent pas recourir à des fonds rémunérés. En plus, ces risques de liquidités peuvent aussi être la conséquence d'une insuffisance des rendements poussant les investisseurs à chercher d'autres canaux de placements plus rémunérateurs. C'est pour faire face à cette situation que les banques islamiques mettent en place des Réserves de Péréquation et de Stabilisation, sortes de provisions, prélevées annuellement quand la banque réalise d'importants profits. Celles-ci constituent un matelas pour faire face à des périodes de vaches maigres pour maintenir les niveaux de rendements adéquats à même de fidéliser les apporteurs de fonds et éviter ainsi des sorties qui causeraient des problèmes de liquidités. A ce titre, il faut noter que l'IFSB prépare actuellement de nouvelles normes sur la gestion du risque de liquidité.Enfin, la finance islamique étant une finance éthique, la non conformité à la Shariaa peut constituer un gros risque pour une institution islamique. Ainsi, la réputation des institutions et de leurs dirigeants, l'image, la crédibilité, sont autant d'actifs intangibles mais puissants et qui sont sources de risques pour une banques islamique. D'où l'intérêt pour ces institutions islamiques de favoriser un degré élevé d'intégrité et de déontologie. 

La Samir opte pour la Murabaha 

Salima MarzakPublié dans Le Soir Echos le 09 - 09 - 2011

L'Arab Petroleum Investments Corporation (APICORP) et la Samir viennent de signer une nouvelle convention portant sur l'importation de produits pétroliers destinés au raffinage, pour un montant de 361 millions de dirhams. La convention permettra au groupe de se conformer aux principes de la Charia pour l'achat de ses produits.La Samir vient de signer une convention avec Arab Petroleum Investments Corporation (APICORP) pour un montant de 361 millions de dirhams (45 millions de dollars). Cette convention permettra à la compagnie marocaine de financer l'achat de produits pétroliers destinés au raffinage en se conformant

aux principes de la Charia. « Ce contrat de type Murabaha a été signé le 27

août dernier », nous révèle Jean-François Adelle, associé Banque Finance chez JeantetAssociés, un cabinet de conseil français qui a accompagné l'opération.De son côté, Arab Petroleum Investisments Corporation intervient comme arrangeur et seul financier dans ce financement revolving consenti à la Samir. Conformément aux principes de la Murabaha, APICORP achètera les produits pétroliers convenus auprès de fournisseurs de la Samir préalablement agréés et les revendra immédiatement à Samir, moyennant un prix payable à terme et constitué du prix d'achat et d'une marge : «Ce contrat est d'une durée d'un an. Il porte sur deux opérations d'importation de produits pétroliers d'un montant total de 45 millions de dollars. Une opération ayant déjà été réalisée mercredi, la deuxième se déroulera la semaine prochaine», nous confie Benaddou Idrissi Jamal, directeur Finances & Trésorerie à la Samir. «Le remboursement se fera dans les trois mois suivant les dates des deux opérations et sera constitué du prix d'achat et d'une marge», nous explique ce denier. Une marge qui sera calculée par référence au LIBOR, un taux de référence pour les prêts interbancaires sur la place de Londres. Cela dit, dans le cadre d'un contrat Murabaha, la banque islamique a tout intérêt à vouloir se protéger du risque que le client n'honore pas ses engagements en exigeant un Rahn (caution) et/ou kafâla (garantie) et elle peut proposer à son client des formules de Takâful (assurance mutuelle islamique).

En conséquence, « il est demandé à la Samir d'en contracter une (moyennant

une charge supplémentaire pour la compagnie, ndlr) », nous précise Jean-François Adelle. Ce dernier nous révèle également que cette opération de finance islamique serait la première du genre qui serait conseillée par son

cabinet : « Il y a eu beaucoup de travaux pour acclimater la loi française à la finance islamique. Et aujourd'hui, il est possible que la France accueille ce

genre d'opération. Cependant, peu d'opérations ont été initiées ».Pour la Samir, il ne s'agit pas de la première convention signée dans le cadre du financement islamique. La société recourt depuis des années à ce type de financement avec comme partenaires des banques étrangères telles que la Banque islamique de développement (BID) ou BNP Paribas. Mais, ce serait la première opération en partenariat avec Arab Petroleum Investments Corporation qui en serait, elle-même, à son premier essai au Maroc, un pays non producteur de pétrole. Selon Jean-François Adelle, ceci montrerait la volonté de cette banque de se positionner sur un marché marocain prometteur. Une volonté clairement affichée du côté du cabinet de conseil qui a ouvert depuis un an et demi déjà un bureau au Maroc et qui compte parmi ses clients de grandes banques, telles Attijariwafa Bank, BMCI en encore la Caisse de dépôt et de gestion (CDG).◆L'Arab Petroleum Investments Corporation est une institution financière intergouvernementale arabe établie au Golfe (Arabie Saoudite-Bahreïn) créée notamment en 1975 par l'OAPEP et dédiée au financement du développement de l'industrie énergétique des pays arabes. Spécialisée à ce titre dans le financement de la chaîne de valeur énergétique, APICORP compte parmi les principaux acteurs de ce secteur où elle intervient dans des opérations de dette, conventionnelle ou islamique, de prises de participations et comme conseil financier. 

La banque islamique à la recherche d'une légitimité 

L'EconomistePublié dans L'Economiste le 04 - 06 - 1998

Le système participatif islamique n'a pas encore trouvé la brèche dans le secteur financier. Ses défenseurs jouent la souplesse en mettant en exergue sa complémentarité avec l'existant.C'est encore loin d'être acquis, mais les experts de l'Asmeci (Association Marocaine d'Etudes et de recherches en Economie Islamique) ne désespè-rent pas de voir un jour le système de financement islamique avoir droit de cité au Maroc. «En dehors de toute croyance religieuse, l'idée consiste à offrir d'autres opportu-nités aux investisseurs», explique M. Monsef Bentaïbi, secrétaire général de l'Association. Il poursuit: «Nous voulons montrer l'image d'un Islam ouvert, au service du développement du pays, et non d'un Islam qui fait peur». En clair, le financement proposé par les institutions islamiques ne remet nullement en cause le système conventionnel en vigueur. Plus exactement, sa mise en oeuvre doit être effectuée par les institutions existantes, en tenant compte bien évidemment de certaines conditions de fond, plus

particulièrement «la prohibition du taux d'intérêt et l'exclusion des champs d'activité économique récusés par le Coran ou les Hadiths».Greffe difficile? Non, rétorque M. Bentaïbi, expliquant que le système participatif cohabite sans problème avec les banques classiques et mieux se trouve proposé par celles-ci dans tous les pays qui l'on a adopté. Il fait remarquer au passage que le champ des interdictions est restreint, contrairement aux idées reçues. Pour preuve, l'Asmeci indique avoir identifié sur la Bourse de Casablanca plus d'une dizaine de sociétés éligibles au système de financement islamique, alors que les choix y sont très limités.En pratique, l'approche consiste à être souple. En d'autres termes, se démarquer d'une pratique consis-tant à rechercher à tous les coups une quelconque faille dans l'activité des entreprises. De l'avis du secrétaire général de l'Asmeci, il s'agit «de trouver le juste milieu tout en respectant l'éthique, l'intégrité et la transparence».Dans le fond le système de financement islamique se veut simple et utilise les outils existants, à la différence que la participation (le risque) constitue le principal, et les services classiques de guichet l'accessoire.RisqueLa moucharaka et la moudaraba, les grands volets du financement participatif, s'assimilent en fait au capital risque.La première est représentée sous la forme d'une opération en capital. C'est un contrat par lequel la banque consent un financement à un projet commun, avec un ou plusieurs partenaires qui contribuent en liquide ou en nature. Dans cette formule, la banque devient actionnaire à part entière dans le projet. Les profits et les pertes sont partagés au prorata du capital avancé.La Moucharaka est déclinée en deux formules. Dans la moucharaka tabita, la banque prend une participation fixe et permanente avec une possibilité de sortie, selon les conditions du marché, sans qu'aucune partie ne soit lésée. En ce qui concerne la moucharaka moutanakissa, la participation est régressive. En pratique, il s'agit d'un portage qui permet au promoteur du projet de racheter les parts de la banque selon un échéancier convenu. La moudaraba, second volet du financement participatif, est un contrat de confiance par lequel la banque finance un projet commercial ou industriel au profit d'un partenaire qui apporte son idée et son travail (de gestion ou d'exploitation). La banque n'est pas actionnaire et n'intervient pas dans la gestion. Elle peut toutefois apporter son assistance.Les bénéfices nets du projet (non déduits de la rémunération du partenaire) sont partagés selon un accord préétabli. En cas de perte partielle ou intégrale, la banque supporte les charges et le partenaire perd ses revenus potentiels.

Ces offres coexistent avec plusieurs produits de financement commercial, comme la vente à tempérament (mourabaha) ou le leasing (Ijara Wa L'Iktina).Selon M. Bentaïbi, celles-ci ont bien trouvé un écho favorable sur la place. Reste que les pouvoirs publics ne sont pas encore prêts à franchir le pas. Il y a quelques années, Wafabank avait été réprimandée par Bank Al-Maghrib pour avoir envisagé une ouverture sur ce type de produits.oAlié Dior NDOUR------------------------------------------------------------------------Un oeil sur l'environnement, l'autre sur les ressources humainesLE chemin menant à l'installation du système islamique au Maroc s'avère bien long. Pas moins d'une vingtaine de recom-mandations destinées à faciliter son renforcement dans les pays où il est mis en oeuvre, ou son entrée dans d'autres, ont été formulées par les experts invités au colloque sur " les applications économiques islamiques contemporaines", organisé du 5 au 8 mai à Casablanca par l'Asmec(1) . Ces recommandations ont été déclinées en deux séries.L'une est générale et concerne globalement le Monde musulman. Outre la libre circulation des biens et des capitaux dans les pays islamiques, les congressistes ont notamment souhaité l'adaptation des lois bancaires et le contrôle des banques centrales aux principes de la chari'a conformément aux spécificités de chaque pays. De même, ils insistent sur le dévelop-pement de la zakat et du waqf, tout comme sur la nécessité d'élaborer des normes comptables islamiques de manière à maîtriser l'activité des banques et institutions financières islamiques.Quant à la seconde série des recommandations, elle est spéci-fique à l'environnement marocain. Une des principales préoccupations, l'ouverture par les banques locales de guichets proposant des produits conformes à la Chari'a.Dans le même ordre, un appel a été lancé pour l'émission de titres et d'instruments financiers conformes à la Chari'a. Il s'agit notamment d'introduire de nouvelles formules de micro-financement, du développement de sicav et de FCP appropriés, d'émission de "bons de moqarada" (participation aux résultats), "bons de location", la "mourabaha" (vente à tempérament)...Pour ce qui est de la zakat, les travaux ont débouché sur la néces-sité de mettre en place des program-mes nationaux de collecte dans le but d'assurer une redistribution plus équitable et d'éviter une double taxation impôt-zakat.Les ressources humaines constituent toutefois la clé de réussite pour ces réformes désirées. A ce titre, les participants suggèrent la création de

structures de formation spécialisées en économie islamique afin de préparer les compétences à la fois dans la finance et dans le fiqh.Yousra MAHFOUD(1) Cf L'Economiste n° 329 du jeudi 7 mai 1998.