LE «TABLEAU ÉCONOMIQUE» DU DOCTEUR QUESNAY

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UN BICENTENAIRE ~ LE «TABLEAU ÉCONOMIQUE» DU DOCTEUR QUESNAY Le marquis de Mesmon, dans l'éloge de Quesnay qu'il pronon- çait en 1775, estimait à cent an» le temps nécessaire pour que les principes du maître fussent confirmés par des exemples et que « ses envieux et ses panégyristes fussent confondus dans la même poussière ». Il était trop optimiste. C'est de nos jours seulement que l'Association française de Science économique a décidé de commémorer le bicentenaire de la publication du Tableau, écono- mique par des manifestations qui ont eu lieu au début du présent mois. Peut-être faut-il chercher les raisons de ce retard dans l'incom- préhension d'un milieu où l'économie politique n'avait pas encore acquis droit de cité et cherchait maladroitement à se ménager une place à l'ombre des sciences exactes dont elle enviait et imitait la rigueur. Peut-être aussi devons-nous incriminer la richesse même des idées émises par celui que le roi appelait « le penseur » : les commentateurs ont eu peine à séparer le bon grain de l'ivraie et Quesnay a dû longtemps sa réputation plus à sa théorie discu- table du produit net qu'à sa conception géniale du circuit écono- mique. En outre, l'attitude dogmatique des disciples, qui « déci- dent et tranchent », et dont les explications manquent souvent de clarté, a irrité le publie et aggravé les réactions. Grimm, mau- vaise langue, en a profité pour multiplier ses railleries à l'égard de la « congrégation des pauvres d'esprit et simples de coeur ras- semblés dans la sacristie de monsieur le marquis de Mirabeau sous l'étendard du docteur François Quesnay », qu'il qualifie

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UN BICENTENAIRE • ~

LE

«TABLEAU ÉCONOMIQUE»

DU DOCTEUR QUESNAY

Le marquis de Mesmon, dans l'éloge de Quesnay qu'il pronon­çait en 1775, estimait à cent an» le temps nécessaire pour que les principes du maître fussent confirmés par des exemples et que « ses envieux et ses panégyristes fussent confondus dans la même poussière ». Il était trop optimiste. C'est de nos jours seulement que l'Association française de Science économique a décidé de commémorer le bicentenaire de la publication du Tableau, écono­mique par des manifestations qui ont eu lieu au début du présent mois.

Peut-être faut-il chercher les raisons de ce retard dans l'incom­préhension d'un milieu où l'économie politique n'avait pas encore acquis droit de cité et cherchait maladroitement à se ménager une place à l'ombre des sciences exactes dont elle enviait et imitait la rigueur. Peut-être aussi devons-nous incriminer la richesse même des idées émises par celui que le roi appelait « le penseur » : les commentateurs ont eu peine à séparer le bon grain de l'ivraie et Quesnay a dû longtemps sa réputation plus à sa théorie discu­table du produit net qu'à sa conception géniale du circuit écono­mique. En outre, l'attitude dogmatique des disciples, qui « déci­dent et tranchent », et dont les explications manquent souvent de clarté, a irrité le publie et aggravé les réactions. Grimm, mau­vaise langue, en a profité pour multiplier ses railleries à l'égard de la « congrégation des pauvres d'esprit et simples de cœur ras­semblés dans la sacristie de monsieur le marquis de Mirabeau sous l'étendard du docteur François Quesnay », qu'il qualifie

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à plusieurs reprises d'obscur, énigmatique, ténébreux, voire de cynique.

Sans doute les physiocrates, trop critiqués après avoir été trop louanges, ont-ils été appréciés au xixe siècle avec plus de justesse et de modération, mais c'est actuellement que le Tableau économique, mis de nouveau en lumière, vaut à son auteur d'être considéré comme le précurseur des méthodes les plus modernes de l'économie politique. '

UN HONNÊTE HOMME

François Quesnay est d'abord et surtout un « terrien », fils d'un paysan. Il naquit à Méré, près de Montfort l'Amaury le 4 juin 1694 et y passa son enfance. Le calme de la vie champêtre, la modération du paysage de l'Ile de France l'invitèrent à la médi­tation. Tout en concentrant sa pensée et ses efforts sur la terre, il sut rester ouvert aux idées nouvelles. Epris de philosophie autant que de géométrie, graveur par occasion et poète par goût, il finit par s'orienter vers" la médecine tout en restant passionnément attaché au sol natal. S'il étudia l'économie politique, remarque le comte d'Albon, c'est parce qu'il fut frappé par l'influence que la santé physique, commandée par la satisfaction des besoins, exerce sur le développement de l'intelligence. Beaucoup plus tard une de ses interlocutrices raconte qu'il aimait à causer avec elle de la campagne, qu'il la faisait parler « des herbages de Nor­mandie et du Poitou, de la richesse des fermiers et de la manière de cultiver ».

Etabli d'abord à Orgerus où il étudia la botanique, François Quesnay se rendit ensuite à Mantes où il se maria en 1717 avec la fille d'un marchand parisien et où il fut nommé chirurgien de l'Hôtel Dieu. Sa femme mourut en 1728 et c'est à la même époque qu'il réussit un coup d'éclat : il osa publier une critique fort per­tinente du traité de la saignée d'un des praticiens'les plus réputés de Paris, M. Silva. Cet acte de courage eut sa récompense. M. de la Peyronie, qui avait obtenu du roi l'autorisation de fonder l'Aca­démie de chirurgie, désigna comme secrétaire ce jeune praticien novateur et le chargea de rédiger la préface du premier volume des mémoires de cette compagnie. Quesnay s'installa donc dans la capitale et il fut mêlé à la grande querelle des médecins et des chirurgiens où il joua un des premiers rôles.

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Devenu médecin du duc de Villeroy, le hasard voulut qu'il rendît service à une dame de la suite de Mme de Pompadour ; il fut nommé alors médecin de la favorite et vint habiter Ver­sailles en 1749.

Le relevé des dépenses de la maison de Mme de Pompadour * mentionne les sommes suivantes : « Nesme, premier intendant, 8.000 livres ; Golin, chargé des domestiques et secrétaire, 6.000 ; Quesnay, médecin, entretenu de tout : 3.000 ». En 1752, Quesnay, déjà consultant non appointé du roi, acheta la survivance de la charge de premier médecin ordinaire de celui-ci.

Ce serait une erreur de croire qu'à cette époque les protégés de la maîtresse du roi étaient vus avec faveur : cette protection était recherchée, en raison de son efficacité, mais en même temps méprisée et tenue pour risquée. A en croire Voisenon, Marivaux tomba dans la mélancolie quand il apprit que sa pension lui était octroyée par la marquise et non par le roi. C'est un des .traits heureux du caractère de Quesnay que d'être toujours resté recon­naissant à sa protectrice. Lorsque Mme de Choiseul sut capter les faveurs du roi et que l'on crût que le règne de Mme de Pompa­dour touchait à sa fin, d'Argenson proposa à Quesnay de ne rien changer à ses attributions et de continuer à jouer son rôle de méde­cin comme par le passé, mais celui-ci répondit simplement qu'il avait été attaché à la marquise dans sa prospérité et qu'il le res­terait dans sa disgrâce.

Le docteur était logé « bien à l'étroit » à Versailles dans un entresol voisin de l'appartement de sa « belle et peu respectable cliente », suivant l'expression d'un contemporain. Sa correction resta toujours parfaite. Nous pouvons admettre sur ce point le témoignage de Mme du Hausset, femme de chambre de la mar­quise, bien placée pour ne rien ignorer des intrigues de la Cour et prompte à confier au papier ses réflexions intimes. C'est à peine, explique-t-elle, si l|fe docteur échange quelques mots avec sa voi­sine lorsqu'il voyage dans la même voiture. Il intervient cepen­dant parfois, même quand son art n'est pas en cause, en faveur de ceux qui se disent ses amis. Marmontel, désireux de faire de lui un médiateur auprès* de la marquise, n'hésita pas, comme il le raconte lui-même, à écouter « avec une patiente docilité » le maître parler d'économique, bien qu'il ne vît dans son système que « du vague et de l'obscurité ». Il lui rend par ailleurs justice en ajoutant : « Tandis que les orages se formaient et se dissipaient

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au-dessous de son entresol, le docteur griffonnait ses axiomes et ses calculs d'économie rustique, aussi tranquille, aussi indiffé­rent à ces mouvements de la Cour que s'il en eût été à cent lieues de distance ».

Peu à peu Quesnay délaissa les études médicales ; son der­nier ouvrage dans ce domaine date de 1751. A la même époque il fut élu membre de l'Académie des Sciences et l'année suivante membre de la Royal Society de Londres. Il se consacra dès lors à la philosophie en donnant à YEncyclopédie deux articles : Evi­dence et Fonction de Vâme, puis à l'économie politique en rédigeant les articles Fermiers et Grains. Il avait trouvé sa nouvelle voie. Nous verrons quelle fut sa réussite.

Quesnay avait peu d'ambition pour lui-même. Il était parvenu à une situation honorable comme médecin et il arrivait à se faire ' une vingtaine de milliers de livres de rente annuelle, ce qui suffi­sait à lui permettre de nombreuses générosités. Mais il était prêt à tout pour faire triompher ses idées et il songea même un jour à devenir ministre pour appliquer son système. Il se rendit compte alors que le roi, tout en l'estimant fort, ne goûtait nullement ses conceptions. Curieusement, la Cour le tenait pour un grand médecin et pour un piètre économiste.

Il demeura pourtant à son poste, fidèlement, et en 1758 parut la première édition du Tableau économique dont nous reparlerons.

La marquise mourut en 1764, en laissant à son docteur une pension de 4.000 livres et celui-ci, débarrassé des importuns, se consacra à la science qu'il devait illustrer. Malheureusement, l'ombre de Mme de Pompadour, dans laquelle il s'était toujours tenu, lui fut à tel point funeste que Louis XVI le congédia lors de son accession au trône. Il en eut quelque amertume et sa rai­son semble avoir mal supporté ce coup du sort : dans son dernier ouvrage, Recherches philosophiques sur Vévidence des vérités géomé­triques, il prétendit avoir résolu le problème de la quadrature du cercle. Il s'éteignit le 16 décembre 1774.

D'après ses portraits et d'après le témoignage de ses contem­porains, Quesnay n'avait rien d'un Adonis, ce qui valait peut-être mieux dans l'entourage des trop belles personnes de la Cour. Il n'était «. ni d'une taille, ni d'une figure avantageuses », écrit M. de Fouchy, secrétaire de l'Académie des Sciences. Plus rude­ment, Mme du Hausset parle de « son air de singe » et le marquis de Meamon prétend « qu'il avait exactement la figure de Socrate,

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ce qui n'est point flatteur si l'on se souvient de la comparaison faite par Platon de ce philosophe avec le satyre Marsyas et de la description de Rabelais dans le prologue de Gargantua : « tant laid Socrate était de corps et ridicule en son maintien, le nez pointu, le visage d'un fol,... infortuné en femmes... » Mais les mêmes écri­vains critiques s'accordent à nous dépeindre Quesnay comme plein de gaieté et de bonhomie, remarquable causeur et fin psycho­logue. Nous ne doutons point que sa parole ait été brillante et persuasive lorsque nous le voyons, grâce à deux entretiens seule­ment, en juillet 1757, transformer en disciple fanatique un des plus ardents polémistes de ce temps, le marquis de Mirabeau, l'auteur de L'Ami des hommes. C'est ce converti qui fonda les célèbres mardis où les membres de la « secte » rencontraient la Cour et la ville et qui furent aussi courus que les mercredis de Mme Geoffrin. On y lisait les textes destinés aux Ephéméridts et Ton y discutait des problèmes économiques à l'ordre du jour.

C'est encore Mme du Hausset qui fait de Quesnay le plus bel éloge lorsqu'elle conclut qu'au demeurant il était « le meilleur homme du monde ».

LE CHEF-D'ŒUVRE

En décembre 1758 un grand désordre régne dans le royaume. La défaite de Rossbach, le bombardement de nos ports par la flotte anglaise, la perte de places situées en Amérique du Nord, l'accroissement des dépenses, tout concourt à créer un climat propice à un retour aux sources, c'est-à-dire à la terre. Là, pense-t-on alors, s'évanouissent toutes le» déceptions, là réside le seeret de la prospérité. Toute production purement humaine n'est qu'une transformation ; la terre seule est créatrice. Disons mieux et élevons nos esprits : c'est la nature que nous devons évoquer, dont le sol n'est qu'une partie, la bienfaisante et généreuse nature, dis­pensatrice aussi bien de richesse que de beauté. Ex natura fus, ardo et leges. La philosophie, la littérature, l'économie politique, la religion même se rejoignent pour composer un même hymne à la divine nature.

Quesnay le sait mieux que quiconque et le dit : seule la nature peut donner à l'homme quelque chose d'entièrement nouveau, un surplus, un produit net. Voilà le mot-clé lancé, il fera fortuné en entraînant dans son sillage une longue suite de vérités et

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d'erreurs : ce sera la plus-value de Karl Marx, le profit de Francis Walker, la rente d'Henri George. Sa justification ne se discute pas, le produit net est un fait et il devient le fondement de la science économique.

Comment se partage ce produit net ? Deuxième idée : il con­vient de diviser la population en catégories prenantes. Cette divi­sion est tripartite. En premier lieu figure la classe productive, celle qui fait surgir par la culture du territoire les richesses annuelles de la nation. En deuxième lieu prend place dans cette hiérarchie la classe des propriétaires parmi lesquels se trouve le souverain, conception qui heurte nos sentiments modernes parce que le grand public est porté à regarder le propriétaire non exploitant comme un oisif, mais qui est traditionnelle et justifiée puisque le souve­rain est propriétaire de son royaume et puisque tout détenteur de propriété a non seulement des droits vis à vis des exploitants, notamment celui de percevoir un revenu, mais encore des devoirs : celui d'assurer la sécurité, lourde charge souvent autrefois, et celui de fournir des capitaux sous forme d'avances foncières des­tinées à permettre la construction des immeubles, le défrichement, l'irrigation, etc.. Enfin Quesnay distingue une troisième classe, qualifiée de stérile, qui comprend en réalité tout le reste de la population : industriels, commerçants, membres des professions libérales, gens de maison.

Le produit net, issu de la classe productive, va se diriger vers les autres classes en se fractionnant et en faisant des ricochets que l'économiste a pour tâche d'observer et de décrire : une partie de son montant reste sur place en vue de l'auto-consommation et de l'auto-financement (avances annuelles), une autre fraction est remise aux propriétaires sous forme de fermages, le reste sert à acheter des produits industriels à la classe stérile. Les membres de cette dernière classe retournent aux agriculteurs les sommes destinées à l'acquisition des matières premières et des denrées alimentaires dont ils ont besoin, et les propriétaires versent aux agriculteurs et aux membres de la classe stérile respectivement le prix' de l'achat des denrées alimentaires et celui de l'achat des objets fabriqués qui leur sont nécessaires. Le circuit de la circu­lation des richesses est donc fermé comme celui de la circulation du sang dont Quesnay s'est manifestement inspiré.

Pour rendre ces raisonnements plus clairs, des précisions arithmé­tiques s'imposent, et pour accroître leur force de suggestion, une

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présentation schématique est souhaitable. La mode est précisé­ment à la mathématique. Les dames de haut lignage, sans être pour autant des femmes savantes, font étalage de leurs connais­sances géométriques : citons la duchesse de Richelieu, la duchesse de Saint-Pierre, surtout la marquise du Chatelet qui traduit les Principes mathématiques de Newton. Montesquieu raille les géomètres et Voltaire se plaint de la faveur dont ils sont l'objet. Quesnay donne en conséquence des chiffres dont nous ignorons s'ils correspondent à la réalité, faute de statistiques valables. Il suppose un revenu de 5 milliards de francs produit par les: agri­culteurs, 2 sont consacrés aux avances annuelles, 2 sont versés aux propriétaires à titre de fermages, 1 à la classe stérile, en paie­ment des achats d'objets et de services. Les propriétaires remet­tent 1 milliard aux agriculteurs, 1 à la classe stérile, et celle-ci verse 2 milliards aux agriculteurs.

Une chaîne prend ainsi naissance et il est aisé de suivre son déroulement dans le temps en supposant pour la commodité du calcul que les dépenses se partagent toujours également entre les subsistances et les produits fabriqués ou services. Chaque milliard obéira à cette division, chaque demi-milliard qui résultera de cette opération en fera autant et ainsi de suite suivant le rythme d'une progression décroissante de raison un-demi. Les ondes qui prolongent les effets du mouvement initial en les amortissant gra­duellement rappellent celles que provoque la chute d'une pierre dans une eau calme et peuvent être regardées comme une préfi? guration du moderne «multiplicateur ».

Graphiquement les lignes droites qui indiquent la direction prise par les différentes sommes d'argent vont d'une classe à l'autre et s'entre-croisent harmonieusement. Joie de la vue et de l'esprit. Un mot résume l'ensemble : le « zig-zag ». Vocable et dessin se révèlent percutants. Ge tableau, sommaire et discutable, produit un effet de choc propice à sa diffusion. Il porte en soi une valeur publicitaire, indépendante des faits observés, au point que l'admira­teur en vient à donner tort à la réalité, s'il s'aperçoit qu'elle ne se conforme pas à lui.

Un tel système postule la* liberté et la propriété individuelle. L'une et l'autre sont admises comme corollaires logiques de la prémisse antérieurement posée : la nécessité d'utiliser les biens de la terre pour pouvoir subsister (loi de consommation). Cette utilisation, exige un travail qui n'est possible et rentable que si

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l'homme est libre, c'est-à-dire s'il dispose du droit de « propriété personnelle », mais la propriété de la personne implique celle de l'activité de cette personne, activité qui doit s'appliquer à un objet, d'où le droit de propriété des fruits du travail ou propriété mobilière et pour les travaux à long terme, propriété du fonds lui-même ou foncière.

Remarquons que la liberté se situe à l'ombre de la propriété dans cette longue chaîne de raisonnement. La seconde était alors beaucoup moins discutée que la première et Quesnay est beaucoup plus agrarien que libéral. Sans doute fonde-t-il la liberté sur des éléments psychologiques dans le tome III de la deuxième édition d'un de ses premiers ouvrages : Y-Essai physique sur Véconomie animale paru en 1747, mais il n'énonce qu'une fois la fameuse formule « laissez faire, laissez passer », dans la troisième proposition de sa lettre sur le langage de la science économique (octobre 1767), encore ne le fait-il que d'une manière indirecte.

Faut-il répéter une fois de plus que ce slogan présenté ridicule­ment par les adversaires du libéralisme comme une devise anar­chiste, a été le grand cri révolutionnaire poussé par les meilleurs esprits du xvme siècle désireux de jeter bas les douanes intérieures et les corporations ?

Sans doute Mirabeau fait-il sourire quand il proclame que les trois grandes découvertes qui marquent la route de l'humanité sont l'écriture, la monnaie et le tableau économique. Nous devons cependant reconnaître lés mérites de l'économiste hardi qui réagit vigoureusement contre le mercantilisme, doctrine devenue étouf­fante, bonne pour l'économie de puissance d'un Etat naissant et non pour un pays déjà unifié et développé. Quesnay détrône la monnaie qu'il remplace par les biens réels issus de la terre, il met en honneur le capital et fonde les théories de productivité, il s'élève enfin au-dessus des contingences pour nous donner une vision globale sans négliger pour autant un découpage sommaire de la population en classes sociales.

Le tableau économique, révisé en 1759 par son auteur, a été amoureusement remanié à plusieurs reprises par Mirabeau dan» VAmi des hommes. Son plus grave défaut cependant n'a pas été cor­rigé, son caractère statique. La nature fournit bien un cadre, l'an­née, et les avanoes constituent le lien entre les périodes successives de culture, mais ce mouvement reste identique à lui-même et si l'investissement est correctement observé et apprécié, il existe

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un certain flottement dans la différenciation entre l'épargne et la thésaurisation. Le docteur Quesnay vise une situation permanente, il construit dans un monde dont il a arbitrairement modifié une dimension : le temps. Cette coordonnée fondamentale de toute économie présente chez lui un caractère créateur, mais non évolutif. Auguste Comte affirmera également l'absolu de la nature et l'ab­solu de l'ordre, mais l'histoire de l'humanité, dans son système, fera partie de cette nature et il redonnera ainsi à la dynamique sa place légitime.

Il est singulier qu'en dépit de son ardeur à propager sa doctrine, le docteur ait manifesté une sorte de timidité. Il écrivait peu et ses lettres, adressées au Journal de l'agriculture, du commerce et des finances étaient signées par des initiales ou parfois par l'ana­gramme de son nom : Nisaque. Cet anonymat était> il est vrai^ transparent, et Quesnay se répondait souvent à lui-même. Il y & de l'humour dans la note suivante de Dupont de Nemours, intro-ductive à l'une de ces réponses : « Nous nous acquittons de notre parole [ l'engagement pris précédemment de publier cette réponse ) avec d'autant plus de plaisir que par la connaissance que nous avons de Monsieur H (alias Quesnay) nous sommes certains qu'il ne sera point du tout fâché de voir réfuter son mémoire (par Quesnay) ».

Le tableau économique eut son heure de gloire. « Les vrais économistes, déclare l'abbé Baudeau dans les Epkémérides du Ci­toyen d'avril 1776, sont faciles à caractériser... Ils reconnaissent une formule, le Tableau économique. » Mais la doctrine physio-cratique comprenait bien d'autres élément» que le circuit.

L'ORDRE SANS PROGRÈS

Par delà la charpente du système, schématisée dans le zig-zag, l'économiste découvre la notion de loi naturelle. Ce n'est pas une nouveauté : d'Heraclite à Bernard de Mandeville, cette loi a déjà revêtu de multiples formes. Quesnay loi en donne une qui est complexe, car il se situe au confluent de deux courants de pensée, l'un rationnel, l'autre théologique.

Le premier de ces courants à pour origine l'observation de la nature, ce « premier instituteur de l'homme » : la société fait partie de l'univers et l'ordre social prend place dans l'ordre physique du monde. La loi, dans les deux cas, est naturelle. Nous ne l'éta-

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blissons point, nous nous bornons à la découvrir, soit par tâton­nements grâce aux réactions de plaisir ou de douleur engendrées par nos actes suivant qu'ils se trouvent en conformité ou en oppo­sition avec elle (Condillac), soit par la révélation de l'évidence (Descartes). Ce dernier critère est d'une fragilité telle que les cri­tiques se sont multipliées à son égard : chacun entend l'évidence à sa manière. « L'évidence paraît et les passions se taisent respec­tueusement », écrit Linguet, et encore : « Cette évidence est un Dieu dont vous disposez selon votre bon plaisir ». Quesnay le sait et c'est pourquoi il prévoit que des « dépositaires de l'évidence » seront chargés de faire connaître celle-ci aux masses aveugles. Mais qui seront ces privilégiés ? Les physiocrates eux-mêmes iné­vitablement, au moins en attendant qu'une instruction appro­priée ait ouvert les yeux de l'homme de la rue. Manifestement il manque ici une théorie de l'élite.

Le deuxième courant de pensée, issu du Moyen Age chrétien, semble avoir pour relais Malebranche, que Quesnay appelle « grand homme », bien qu'il combatte sa théorie de la « Vision en Dieu ». Il s'appuie sur cette constatation que les lois naturelles émanent de Dieu qui est toute intelligence et toute bonté, et que par con-» séquent elles sont non seulement bonnes, mais encore les meilleures possibles. Le « naturel » est donc « providentiel ». Dualisme fécond et redoutable : l'existence des lois est une vérité qu'il faut savoir gré aux physiocrates d'avoir affirmée et qui leur donne droit au titre de fondateurs de l'économie politique, mais l'excellence de ces lois est une erreur, car la nature n'obéit pas à notre logique, elle est un scandale pour notre raison et se comporte à notre égard avec une indifférence totale. Elle procède à des essais successifs de création avec une incroyable surabondance de moyens et en se livrant à un gaspillage effréné, mais avec une intuition sûre en vue d'assurer la conservation de la vie à travers des organismes et des systèmes instables.

Très vite le revêtement religieux de l'ordre physiocratique s'effritera et il restera seulement l'armature scientifique de l'ordre naturel. Cet ordre, dans la pensée de Quesnay et de ses disciples, est absolu, universel et immuable. Ainsi, le maître, avec une grande hardiesse et une non moins grande imprudence, rejette toute approximation dans un domaine où nous nous heurtons incessam­ment aux limitations de notre esprit, il interdit toute relativité dans un monde où la diversité des psychologies nationales invite

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l'économiste à édifier des systèmes également divers, il ignore le changement dans un univers perpétuellement mouvant. Pas de nuances, pas d'adaptation, pas d'évolution. Conception grandiose, mais transcendante.

Galiani a vu juste lorsque, tout en évitant de s'opposer bruta­lement à cette thèse, il a montré que cet ordre naturel était hors de notre portée, situé sur un plan divin inaccessible à l'homme : « La nature est quelque chose d'immense, d'infini, elle est le digne ouvrage de son Créateur. Et nous, qui sommes-nous ? des insectes, des atomes, des riens. Concluons donc de ne pas laisser à la nature le soin de nos petites guenilles. Elle est bien trop grande dame pour cela. »

Mais pour être équitable, cet intelligent mais malveillant abbé aurait dû souligner ce que cette conception avait à la fois d'exact et de nouveau : l'ordre naturel est constitué par un flux complexe et durable. Chaque période arbitrairement découpée dépend de la précédente et conditionne la suivante.

L'Etat n'a pas à instaurer cet ordre qui existe indépendamment de lui et dont il n'a qu'à assurer le maintien. Il est gardien et ar­bitre, non moteur et dirigeant.

Mais comment concilier cette thèse avec l'absolutisme royal dont Louis XV était jaloux ? Quesnay, médecin de la Cour, réalise ce miracle d'escamoter cet absolutisme, pour ainsi dire, au vu et au su de tous. En effet, le prince n'a pas à instituer de lois, il n'a qu'à énoncer et appliquer celles qui lui sont dictées par le Créateur. Le monarque se trouve soumis à un pouvoir supérieur, le seul qu'il ne puisse pas récuser, puisque c'est celui de Dieu même. Il devient le « despote éclairé ». Mais qui l'éclairera ? En principe tout citoyen peut invoquer l'évidence s'il est assez instruit pour la connaître, mais en fait nous venons d'indiquer que les physiocrates seront seuls qualifiés pour préciser cet ordre qu'ils ont étudié. Sous ses apparences de bonhomie, Quesnay semble ne pas manquer d'as­tuce. Il justifie a posteriori le jugement de La Bruyère : « La dis­tance qu'il y a de l'honnête homme à l'habile homme s'affaiblit de jour à autre, et est sur le point de disparaître ».

L'ENGOUEMENT RURAL

Si la célébrité de Quesnay est due aujourd'hui à son « Tableau », elle a été surtout autrefois la conséquence de ses théories relatives à l'agriculture. Les pièces villageoises de Sedaine enchantaient

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le public et le Dauphin, en mai 1768, mettait symboliquement la main à la charrue.

Il faut savoir gré à Quesnay d'avoir attiré l'attention sur la misère des paysans et d'en avoir montré les inconvénients pour le pays entier. « Pauvres paysans, pauvre royaume ; pauvre royaume, pauvre roi ». Grâce à lui, l'absentéisme est dorénavant considéré avec défaveur et les propriétaires comprennent l'intérêt qu'ils ont à effectuer des investissements dans leurs terres. La grande culture est à l'honneur parce qu'elle permet une meilleure exploitation, de nombreuses sociétés agricoles régionales et des caisses de secours se constituent, des fêtes champêtres s'organisent. Le progrès tech­nique prend son essor dans les campagnes. L'Angleterre donne l'exemple : jusqu'alors les cultures, même avec assolement triennal, comportaient des jachères, les engrais étaient uniquement d'origine animale et, comme le fourrage était restreint, il fallait sacrifier des bêtes à la Saint-Martin, faute de pouvoir les nourrir en hiver. Ce système routinier est détruit dans une large mesure par l'introduc­tion des plantes légumineuses fourragères d'hiver : navets, bette­raves, et de celles qui forment des prairies artificielles : trèfle, alfa, et qui prennent leur nourriture à l'air, non au sol, en laissant ce dernier en repos. La jachère peut dès lors être supprimée, ces plantes fournissent un aliment au bétail qui devient plus abondant et celui-ci à son tour donne davantage d'engrais.

Quesnay va jusqu'à proposer de construire les fabriques en province pour revaloriser la campagne et rejoint ainsi les préoc­cupations des théoriciens modernes de la localisation industrielle.

Les pouvoirs publics s'émeuvent à leur tour : une école vétéri­naire est fondée, des réductions fiscales sont décrétées, les droits de vaine pâture et de parcours font l'objet d'une revision.

De leur côté, certains apôtres de la population apportent leur appui aux physiocrates, car ils voient dans l'amélioration de l'agri­culture la source de la multiplication des hommes et donc de la puissance militaire des nations —- « les champs ensemencés enfantent des armées » -—. Cette théorie n'est d'ailleurs pas partagée par Quesnay pour qui la richesse engendre la population et non celle-ci, celle-là. En définitive, Grimm a été mal inspiré lorsqu'il a traité les membres de la « secte » de « cultivateurs de cabinet » et de « défri­cheurs sur le papier » : le résultat de cet « engouement rural », suivant l'expression de Mably, fut très heureux pour notre économie natio­nale puisque les revenus fonciers augmentèrent.

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Voltaire traduisit l'enthousiasme général par des ver» d'une fâcheuse platitude, mais caractéristique» :

La nature t'appelle, apprends à l'observer ; La France a des déserts, ose les cultiver.

Oa sait qu'une fois de plus les agriculteurs triomphants furent oontraints de constater que la roche Tarpéienne est proche du Capi­tule : avec une rigueur logique implacable et presque humoristique, Quesnay préconisa l'établissement d'un impôt unique sur le sol, puisque celui-ci était la source unique du produit net. Il menaçait donc de pulvériser l'idole qu'il venait de couvrir de lauriers. Le fait que le margrave de Bade osa tenter cette expérience dont l'échec était certain atteste le rayonnement dé la doctrine physiocratique.

LE DÉCLIN ET LA RÉSURRECTION DU «CONFUCIUS D'EUROPE »

Préoccupé d'améliorer la situation du paysan, Quesnay dési­rait relever le prix du blé en autorisant sa libre circulation. Il se plaignait que l'on eût sacrifié les campagnes aux villes. Mais celles-ci protestèrent. Le» édita de 1763 et de 1766, qui établissaient la liberté du commerce des grains, durent être abrogés en 1770. Le» pbysiocrates furent rendus responsables de l'agitation populaire et les Parlements se firent l'écho des doléances des population» urbaines qui voyaient dans l'augmentation du prix du pain un « vol fait aux salariés ».

La société française se divisa en économistes et antiéconomiates. Les disciples de Quesnay, « enivrés de leurs sublimités », suivant le» termes de Forbonnais, desservaient le maître par leurs outrances, plus qu'ils ne l'aidaient. Leur morgue et leur pédantisme devenaient insupportables. Les opposants se firent de plus en plus nombreux : aux fermiers généraux, qui critiquaient les mesures fiscales préco­nisées par les physiocrates et firent jeter Mirabeau en prison pour sa Théorie de Fimpêt, se joignirent Rousseau et l'avocat général Séguier. ParticuHèrement acerbes se montrèrent Linguet et l'abbé Mably. Le premier va jusqu'à déclarer qu'il n'existe pas « la moindre analogie » entre les règles hasardeuses de la politique et les axiomes irréfragables de la mathématique ; le second, plus nuancé, proteste au nom de la vertu oubliée par Quesnay dans sa construction pure­ment a physique » de la société. '

La doctrine avait été accueillie favorablement dans plusieurs pays étrangers : Suisse, Allemagne, Pologne, Espagne, et avec

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plus de réserve aux Etats-Unis où Benjamin Franklin, qui l'avait adoptée à Paris en 1767, se heurta aux partisans de la protection. Mais un adversaire imprévu devait lui causer un mal irréparable : Adam Smith. Ce maître avait connu Quesnay, Dupont de Nemours, Helvetius, Turgot ; il avait conversé avec eux dans son français fort défectueux et avait acquis une bonne réputation. La déception fut grande lorsqu'il décocha aux physiocrates une flèche empoi­sonnée dans la Richesse des Nations après les avoir couverts de fleurs. « Ce n'est sûrement pas la peine de discuter fort au long les erreurs d'une théorie qui n'a jamais fait et qui vraisemblable­ment ne fera jamais de mal en aucun lieu du monde ». Il ajouta à cette appréciation générale peu nuancée le reproche d'avoir attribué aux artisans, manufacturiers et marchands, une dénomination humiliante. Sur ce point il avait raison. Nous savons bien que l'ad­jectif stérile n'avait aucun sens péjoratif pour les physiocrates, mais Quesnay a négligé cette résonance que les mots ont dans l'opi­nion publique, qui est le résultat d'une longue tradition et qui n'a rien à voir avee la logique. Il s'est montré provoquant en appliquant ce qualificatif à une classe sociale entière dont les membres ne pou­vaient pas manquer d'être irrités contre ceux qui les traitaient comme des terres impropres à la culture. On sait que, pour comble de malheur, l'idée elle-même est. inexacte. Jean-Baptiste Say dé­montrera que la classe dite stérile est productrice d'utilités, comme les autres.

D'un point de vue exclusivement scientifique, le défaut le plus grave de celui que l'abbé Baudeau appelle « le Confucius d'Europe » est l'élévation même de sa pensée qui l'entraîne au-delà du monde réel sur un plan supérieur. Nul mieux que l'abbé Galiani n'a critiqué cette tendance et nul n'en a mieux exprimé les inconvénients. « Lors­que l'homme médite, il peut devenir presque aussi grand et presque aussi vaste que la nature entière », alors « il ne tient pas compte de la durée des époques du retour, il balance leè inégalités par des compensations, il prend des termes moyens qui n'existent jamais ailleurs que dans la méditation », il oublie l'homme : « le frêle de sa structure, le court espace de sa vie, l'instantanéité de ses besoins, le raboteux des plus petites inégalités... ».

Tout à la joie de ses découvertes, Quesnay croit voir des appli­cations de son système dans certains pays lointains qui échappent dans une large mesure à son analyse. Il consacre à la Chine une longue étude dans quatre numéros des Ephémérides de mars à juin

LE « TABLEAU ÉCONOMIQUE » DU DOCTEUR QUESNAY 66j5

1767 en s'inspirant des mémoires des missionnaires, et dans le numéro de janvier de la même année il donne une Analyse du goU' vernement des Incas du Pérou dont les éléments sont empruntés aux Commentaires royaux de Garcilaso de la.Vega et qui ne le cède en rien en naïveté et en absence de sens critique aux Incas de,Mar-montel et aux Lettres d'une Péruvienne de Mme de Graffigny.

Grimm multiplie les sarcasmes : « Le vieux Quesnay, écrit-il, a toutes les qualités d'un chef de secte. Il a fait de sa doctrine un mélange de vérités communes et de visions obscures. Il écrit peu lui-même, et s'il écrit, ce n'est pas pour être entendu. Le peu qu'il nous a manifesté de ses idées est une apocalypse inintelligible; la masse de sa doctrine... est répandue par ses disciples, qui ont toute la ferveur et toute l'imbécillité nécessaires au métier d'apôtre. »

Non seulement Grimm n'entend rien à l'économie politique, mais encore sa volonté de dénigrement le rend antipathique. Il serait bien surpris s'il constatait la réputation mondiale actuelle de celui qu'iï appelait par dérision : « le grand homme qui a réformé l'Europe, sans que l'Europe s'en soit aperçue, le précepteur du genre humain qui était à peine connu dans son quartier ». Quesnay est unanimement considéré aujourd'hui comme un précurseur avec les lumières et les ombres que comporte cette 'désignation. Plus qu'un faiseur de système, il est un lanceur d'idées, il en est si riche que des économistes manifestant les tendances les plus diverses découvrent chez lui des matériaux pour leurs constructions doctrinales et le citent parmi leurs inspirateurs. Les libéraux voient en lui un de leurs premiers maîtres, les marxistes lui savent gré d'avoir conçu les formes de production comme « physiques », les économètres retiennent ses calculs, les keynésiens soulignent les globalités du Tableau, économique, nos contemporains découvrent en lui un ancêtre de la comptabilité nationale, un fondateur des théories relatives à l'équilibre, à la productivité et à la plus-value, et surtout le créateur d'une méthode, celle des modèles. W. Léontief a obtenu son tableau input-output en remplaçant le schéma par une matrice et les classes par des secteurs d'activité. Ainsi Quesnay est-il entré dans la gloire avec une auréole faite des multiples con­ceptions qu'il a exposées et aussi de certaines idées dont nous trouvons les germes dans ses œuvres et dont il serait sans doute à la fois surpris et fier de se voir attribuer la paternité.

LOUIS BAUDIN.