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Le Graal et l’equerre , Laurence Elem

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Le

Gra

al e

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quer

re

Le Graal et l’equerre,

Laurence Elem

11.94 515844

----------------------------INFORMATION----------------------------Couverture : Classique

[Roman (134x204)] NB Pages : 142 pages

- Tranche : 2 mm + (nb pages x 0,07 mm) = 11.94 ----------------------------------------------------------------------------

Le Graal et l’équerre

Laurence Elem

Lau

rence

Elem

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Bonjour ! Je m’appelle Jeanne, ma famille fait

partie des Desposyni… Vous savez : les descendants

de Jésus et Marie-Madeleine. Je tiens un blog sur ce

sujet depuis des années. Avec 100 000 lecteurs par

an, je peux dire que je suis assez lue. Chaque jour, je

réponds aux courriers que les lecteurs postent et c’est

un deuxième métier car cela me prend beaucoup de

temps. Mon mari me laisse faire, et ce qu’il croyait

être pour moi un hobby, mais depuis quelques mois,

c’est bien plus. Voilà comment ma vie a basculé…

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Chapitre 1

Genèse de l’Ange

Quand j’étais petite, ma mère, Simone, me serinait

les histoires de notre famille. Je n’y attachais aucune

importance car je savais qu’elle était comme ces

griots africains capables de répéter à l’envi les mêmes

histoires en modifiant à chaque fois les versions, les

lieux et les visages. Ma mère racontait des histoires,

se perdait à l’intérieur et un jour n’en revint pas. Elle

sombra lentement dans la folie, me laissant seule au

monde. Ma mère avait été le personnage central de

mon univers et voilà qu’elle disparaissait.

Je dus alors me construire sans elle et j’ai fait

passer à la trappe les histoires qu’elle m’avait

racontées étant enfant. Je me suis mariée et quand j’ai

mis au monde mes enfants, j’ai ressenti la

responsabilité de mémoire que doivent avoir les

parents envers leurs enfants.

Pendant le congé parental de trois ans que je pris à

la naissance de mon deuxième enfant, je m’ennuyais

comme un rat mort : les pipi-caca arreuh de ma petite

dernière mêlés aux desiderata de la première avaient

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eu raison de mon esprit combatif. Je sombrais

lentement dans l’ennui le plus total. Le désert

intellectuel dans lequel j’étais plongée me semblait

interminable !

Je résolus donc d’y faire face et de me plonger

corps et âme (le mot est fort !) dans mon hobby

abandonné depuis longtemps : la généalogie. Mon

objectif était simple : je voulais faire la réelle part des

choses entre les fables de ma mère et la vérité. Je

repris mes recherches là où je les avais abandonnées

cinq ans plus tôt.

Je commençais à me prendre au jeu. Il faut dire

que les recherches étaient grandement facilitées avec

la mise en ligne de certaines archives départementales

et je me suis mise à avancer à pas de géants. Certaines

histoires de ma mère se trouvèrent démenties et je

ressentais un certain sentiment de victoire quand je

parvenais à débrouiller le vrai du faux !

Depuis la mort de ma mère, je n’avais pas eu la

force de mettre le nez dans ses papiers. J’avais pris

les documents de famille en vrac quand l’appartement

avait été débarrassé et je ne m’étais pas penchée

dessus. Ma mère avait le syndrome de Diogène. Son

appartement était d’une saleté repoussante et ses

papiers de famille étaient emballés dans des sacs

plastiques de supermarchés. Tout y était mêlé :

publicités, petits journaux, testaments, actes de

propriété, photos anciennes…

Parmi ces pochons surprises qui empestaient la

vieille maison, je tombai un jour sur un vieux rouleau

de parchemin jauni. L’écriture était finement tracée à

la plume d’oie et les caractères indéchiffrables

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s’approchaient de l’écriture moyenâgeuse. Le sceau

me semblait d’origine. Parmi le dépotoir de ma mère,

cet objet paraissait des plus insolites !

Ce fut le premier élément du puzzle qui s’avéra

être carolingien !

L’histoire de France n’ayant jamais été mon fort,

j’entrepris de m’y pencher malgré tout. Je me

souvenais des raclées que j’avais prises quand je ne

savais pas par cœur les dates de l’histoire de France !

L’évocation de 1 515 me faisait froid dans le dos !

Dans un autre pochon, j’ai trouvé des lettres de

mon arrière-grand-mère écrites à ma mère, des lettres

du père de ma grand-mère qui parlait d’un Ordre

auquel rester fidèle, de gants blancs défraîchis. Je

trouvais même un jour dans un grand sac des Galeries

un tablier en peau, blanc (jauni) galonné de triangles

bleus et violets. Je ne tardai pas à trouver l’écharpe

qui lui était assortie dans une vieille nappe tachée qui

sentait désespérément la sardine à l’huile !

Mes investigations dans le passé de ma mère me

ramenaient à différentes pistes qui semblaient se

rejoindre mutuellement : une tenue de cérémonie, un

rouleau de parchemin très ancien, des lettres

familiales parlant presque toutes d’un Ordre et un très

vieil évangéliaire dévoré avidement par les mites. Ah,

oui ! J’oubliais, à ce bric-à-brac, il fallait ajouter des

photos développées par mon grand-père féru de

photographie derrière lesquelles certaines annotations

n’avaient de sens que lorsqu’on juxtaposait plusieurs

photos entre elles. Mais alors, même si les phrases

avaient une signification, l’assemblage des photos

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n’avait aucun sens et la chronologie n’en était plus

respectée !

Devant tant de bazar, j’entrepris méthodiquement

de progresser dans la généalogie familiale et de ne

pas remuer les fantômes du passé.

D’abord, j’entrepris de faire traduire le parchemin

par Frédérique, mon cousin, fondu de paléographie.

– Fred, bonsoir mon grand, comment vas-tu ?

– Ça fait longtemps ! Comment vas-tu Jeanne ? Tu

es enfin sortie de ta retraite ? Tu en as marre des

couches et des siestes avec bébés ?

– Arrête de te moquer d’une pauvre mère au bord

de la crise de nerfs ! C’est lâche de ta part, les tiens

sont grands, tu n’as plus à les élever !

– C’est juste. Quel bon vent t’amène ?

– Quand ma mère est décédée, je n’avais pas le

courage de mettre le nez dans ses papiers, maintenant,

je m’y mets et j’ai trouvé dans son bazar un

parchemin ancien, pourrais-tu me le traduire, s’il te

plaît ?

– Si je peux, ce sera avec un grand plaisir ! Viens

chez moi à seize heures demain, les filles auront fini

leur sieste, je suppose.

– Ne sois pas si persifleur ! Je te prie. D’ailleurs, tu

les verras car je viendrai avec armes et bagages, je ne

peux pas laisser mes mouflettes seules à la maison

avec le chien plus gros qu’elles ! D’accord pour seize

heures demain. Salue ta femme de ma part.

– Je n’y manquerai pas ! À demain.

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Chapitre 2

Le parchemin carolingien

Cela faisait une heure que Fred étudiait à la loupe

le manuscrit que je lui avais apporté. Il lâchait de

temps en temps des « Hum ! » ou des « Très

intéressant ! » et moi, je commençais à trouver le

temps long, très long.

Les petites aussi s’impatientaient et j’avais grand-

peine à empêcher la première de se suspendre à la

nappe, tandis que la seconde n’arrêtait pas de hurler.

Devant un tel chahut, je m’écroulais dans un fauteuil,

prête à lâcher l’éponge. Le dur métier de mère au

foyer détruisait mon existence et je ne voyais pas

dans quel état j’allais un jour reparaître au boulot !

Enfin, Fred me rendit le parchemin.

– Tu sais ce que c’est ?

– Non, et j’aimerais bien le savoir, lui dis-je

exaspérée.

Les filles avaient eu raison de ma patience et je

n’étais pas disposée à jouer aux devinettes !

– Ce manuscrit retrace une généalogie.

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– Tiens donc, moi qui me penche actuellement sur

celle de la famille, cela va peut-être bien m’aider !

– Je ne suis pas certain qu’elle t’aide.

– Pourquoi ? Elle appartenait à ma famille, je suis

sûre qu’elle va me servir. Pourrais-tu me la traduire ?

Je sais que ton travail de conservateur des Cabinets et

Médailles t’accapare beaucoup… Allez, dis-moi oui !

– Si tu y tiens… Je vais faire un effort. Tu es sûre

que ce parchemin appartient à ta famille ?

– Oui, c’te blague ! Il était dans la maison de ma

mère.

– Je ne pensais pas qu’un tel document pût

exister !

– Vraiment ? Fred, tu me chambres ! Tu en as déjà

tellement vu dans ton métier !

– Non, celui-là est vraiment très spécial ! Lundi

prochain à dix heures je te le rends. Je partirai ensuite

au Salon de l’art à Tokyo à quinze heures. Ne sois pas

en retard, Princesse !

– Merci Fred, à lundi !

C’est en reprenant la voiture que je me suis rappelé

la dernière phrase de Fred… Pourquoi m’a-t-il

appelée « Princesse ». Pfft, encore une de ses

plaisanteries. Allez les filles, on rentre à la maison !

La route était dégagée et les filles roupillaient à

l’arrière. Pourquoi est-ce qu’une mère de famille ne

passe pas toute la journée au volant ? Ce n’est

vraiment qu’en voiture que les enfants sont vraiment

sages !

J’arrêtai la voiture devant chez moi à regret…

J’allais devoir réveiller les filles !

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Une semaine s’étire en longueur quand on est

désœuvré, mais en même temps pour certains

moments de la vie, ça passe extraordinairement vite !

Lundi arriva, je mis les filles en voiture, direction

Choisy, pour retrouver Fred et récupérer ma

traduction. Ding, dong ! Un petit coup de sonnette

suffit, Fred ouvrit la porte.

– Viens, entre vite !

– Je te savais pressée aujourd’hui mais là ton

accueil est carrément précipité !

– Non, non, fais comme chez toi. Tiens, j’ai

terminé cette nuit ta traduction. Voilà les pages et le

parchemin. Je t’ai fait une copie sur clé USB, tiens.

– Merci beaucoup Fred, service extrêmement

soigné ! Combien je te dois ?

– Rien, rien, c’est un honneur ! Excuse-moi, ton

parchemin m’a un peu privé de sommeil ces derniers

temps. Bon, je dois filer à l’aéroport. On se rappelle à

mon retour ?

– O.K., merci pour le coup de main. À la prochaine

Fred. Je t’inviterai avec Lucie chez moi et je vous

ferai ma tarte maison.

– C’est ça, à plus tard.

Fred venait de me ramener dans ma voiture, de

boucler les ceintures des filles et de claquer ma

portière. Cette galanterie signifiait bien qu’il ne

pouvait s’éterniser et je mis donc le moteur en route

direction la maison. En chemin, Madeleine (mon

aînée) voulut manger au fast-food et je cédais à ce

caprice enfantin, soulagée à l’idée de ne pas faire la

vaisselle.

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Pendant qu’elle jouait les acrobates dans le parc de

jeux du fast-food, j’ouvris l’enveloppe que Fred

m’avait donnée. Le document traduit faisait 10

pages ! Je me demandais bien comment il avait pu

faire pour les traduire si rapidement. Il avait dû y

passer toutes ses nuits !

Ce que je découvris au fil des pages me laissa sans

voix. C’était donc vrai ! Ma mère, malgré ses

bouffées délirantes, m’avait toujours dit la vérité sur

la famille ! Jésus avait eu une descendance avec son

épouse Marie-Madeleine, et ce parchemin en relatait

les premiers maillons. Ces maillons étaient les

chaînons manquants d’une Histoire européenne que la

plupart des grandes Cours d’Europe avaient modifiée

pour la rendre politiquement correcte vis-à-vis du

trône de saint Pierre !

Les noms de mes ancêtres s’étalaient sous mes

yeux dans un assemblage saisissant : les Porteurs du

Saint Graal, les rois mérovingiens, les débuts de la

branche de la famille de Rhedea…

La traduction me fit frissonner ! C’était donc vrai !

Ma mère d’un seul coup remonta dans mon estime. Je

savais qu’elle avait mené de grandes recherches

auprès de ses grands-parents, oncles et tantes, mais la

pièce maîtresse, le moteur de toutes ses recherches,

c’était bien ce parchemin. D’un coup, je me suis mise

à frémir en pensant que si je n’avais pas été prise de

scrupules en jetant les affaires de ma mère à la

poubelle, ce parchemin aurait pu être envoyé à la

déchetterie !

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En rentrant chez moi, je me suis immédiatement

mise à faire le point sur les éléments que ce document

me révélait sur ma famille.

Une fois les filles couchées pour la sieste, je me

suis mise à compiler dans une colonne les dires de ma

mère, et dans l’autre, les éléments apportés par le

document de l’époque carolingienne.

Quand les filles se réveillèrent, je n’avais toujours

pas fini. À regret, je leur donnai à manger, les lavai et

préparai le repas. Mon esprit était complètement

accaparé par la foule de souvenirs que je laissais pour

la première fois depuis trois ans remonter à la

surface ! Les noms s’entrechoquaient, comme dans

une boîte déjà trop pleine. Il fallait vite que Josselin

revienne du travail, que je le laisse s’occuper des

filles jusqu’au coucher et que je me remette au travail.

Depuis des mois, je n’avais pas ressenti cette

fièvre, cette joie de faire travailler mes neurones !

Assise devant mon ordinateur, je ne lâchai plus les

souvenirs qui sortaient en foule de la boîte de Pandore

de ma mémoire !

Au bout de quatre heures d’un travail acharné, je

pus faire le point sur mes recherches ! Seuls deux

souvenirs relatés par ma mère ne figuraient pas

conjointement dans les deux listes. Il semblait que

seuls les souvenirs contemporains de ma mère avaient

été modifiés par ses bouffées délirantes mais que par

contre, tout ce qu’elle relatait sur les événements

anciens de la famille était vrai ! Époustouflant !

La vérité était bien loin de tous les romans publiés

sur le sujet ! La famille de Jésus et Marie-Madeleine

étalait ses branches devant mes yeux et je ne cessais

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de me demander pourquoi cette ascendance n’avait

pas été plus connue plus tôt. En effet, toutes les têtes

couronnées d’Europe pouvaient se targuer de

descendre de ce couple, une bonne partie des

Américains du Sud comme du Nord issus de la vieille

Europe, les Canadiens, des Cachemiris et des

Japonais pouvaient faire de même.

Alors, pourquoi en faire l’apanage d’une seule

famille ? Le roman était une bien pâle copie de la

réalité !

La théorie du Prieuré de Sion ne tenait pas non

plus debout ! Avec des milliers de descendants,

comment cette organisation, si elle existait, aurait-elle

pu faire pour les protéger ?

Dans l’état de mes connaissances d’alors, je ne

soupçonnais pas une minute que la vérité

m’entraînerait plusieurs fois au bord du gouffre

creusé par la mégalomanie des hommes. Mais

revenons aux débuts de mes recherches.

Quand j’eus fini de coucher mes deux lampions

incouchables, Josselin, qui venait de finir la vaisselle

du soir, vint me retrouver dans la salle à manger et me

demanda :

– Alors ? Il dit quoi, ton parchemin dans un sac du

Prisu ?

– Pff, tu n’imagines pas tout ce que peut contenir

un sac plastique !

– Dis toujours ? persévéra Josselin en regardant

d’un œil distrait le match de foot.

– Bon, je me lance. Attends un peu, je vais te

chercher la traduction.