L'Auvergne qui guérit : par ses saints, ses sources, ses...

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René CROZET

L'AUVERGNE QUI GUERIT

par ses Saints ses Sources

ses Guérisseurs

Editions Horvath - Roanne

Copyright Editions Horvath ISBN 2 7171 0100 4

AVANT-PROPOS

L'espoir est au cœur de l'homme tout autant que le sang qui en traduit les battements. Il est plus encore la motivation même de ce sang et de son flux, il est essence de toute vie et de toute existence. L'espoir n'est pas loin de la foi, les montagnes bougent parfois, tout est possible : conversions, guérisons, miracles. Il y en a.

L'Auvergne n'est pas Lourdes, il n'y existe pas de « bureau des constatations ». Pour autant vous serez étonnés du nombre de saintes ou de saints ignorés qui guérissent. Ce n'est pas moi qui l'affirme, ce sont les témoignages que j'ai recueillis, quelques-uns seulement sur des milliers et des milliers, vous les lirez ici, je pense avec intérêt.

Vous serez étonnés aussi du nombre de nos sources miraculeuses, de nos eaux spécifiques oubliées, méconnues et qui pourtant sont source de vie depuis la nuit des temps. On me les a contées ces fontaines sacrées où vous irez peut-être un jour puiser de l'eau et de l'espérance tout ensemble.

Mais n'aurais-je rien omis ? Oh si, bien sûr, la connaissance n'est pas infinie ; plus on découvre et plus l'on prend conscience qu'il reste toujours davantage à découvrir. J'aurais fait ce qu'il m'était possible.

Ce qui vous étonnera le moins, peut-être sera de savoir qu'il y a près de chez vous, à coup sûr, un guérisseur qui peut en quelques instants vous soulager d'une sciatique ou guérir un ulcère par l'imposition des mains... Elles rayonnent les mains de nos magnétiseurs d'un extraordinaire fluide, qu'un jour peut-être la science expliquera, mais sur l'heure elle ne peut que constater. Ce sont d'extraordinaires mains que celles de tous nos rhabilleurs, rebouteux, char- meurs de feu et guérisseurs en tous genres que d'aucuns des patients aujourd'hui délivrés de leurs maux disent être des mains bénies.

Je dois pour t an t vous met t re en garde ; dans ce répertoire de nos guérisseurs, bien incomplet, — mais il fallait le commencer, — certains m 'on t dit être âgés et ne pouvoir util iser leurs dons éternellement, aussi prenez mes rensei- gnements pou r seulement ce qu'ils sont au jour où je les écris : nous sommes en février 1979.

CHAPITRE I

LES SAINTS QUE L'ON PRIE

Avant même les procès en canonisat ion qui ne commencè- rent qu 'au XII siècle, la ferveur populaire avait rendu sainte ou saint de nombreux personnages de not re histoire régionale à qui la renommée vouait des mérites particuliers. Je n'en veux citer que quelques-uns à ti tre d'exemple : saint Sidoine, saint Alyre, saint Ménélée, saint Bonnet, saint Marien, sainte Thérence, saint Mary, saint Géraud. Il y en a plus de hui t cents je crois, cela va de l 'anachorète Victor qui menai t une vie érémit ique sur son rocher de Massiac, à Genès comte d'Auvergne et soldat de grande bravoure. Aujourd 'hui encore une certaine dévotion leur est conservée dans nos villages.

Mais nous devons bien reconnaî t re que les vieilles tradit ions t ransmises de génération en génération jusqu 'au début de ce siècle s'effritent de plus en plus et vont bientôt d isparaî t re tout à fait. Combien de pèlerinages déjà n 'ont plus lieu ! A Sainte-Marguerite, à Saint-Médulphe ; il reste les grandes fêtes de la Vierge : Orcival, Le Port, Vassivière, Le Puy... Bien que je ne veuille pas les passer sous silence, de toutes ces fêtes et de tous ces pèlerinages ce sont les moins connus qui m' intéressent le plus. Il est bon de les découvrir. Si ce n 'était que pour y t rouver une preuve de la foi de nos aïeux, cela en vaudrai t déjà la peine, mais c 'est qu 'en plus on s'y inst rui t sur la valeur de cette foi et sur les grâces et faveurs qui en re tour y sont liées.

J 'entends ne rien aff i rmer d 'autori té, s implement r appor t e r des informations, publ ier des témoignages ; vous ferez le reste, les conclusions appar t iennent à chacun !

SAINT BÉNILDE.

L'image que je garde de ma première visite à Saint-Bénilde est celle d'un parterre odoriférant et lumineusement mouvant de cierges blancs, de flammes rouges ou jaunes, que des fidèles en foule allumaient puis regardaient danser et se consumer dans le silence des grandes prières, au pied de l'autel où reposent des reliques du Saint. Cette image fut aussi une photo car, dans l'instant, bien étonné que je fus de tant de fervente piété, je trouvai là l'occasion d'un cliché.

C'était un dimanche de juillet. Thuret fêtait le 10e anniver- saire de la canonisation de l'un de ses enfants : Pierre Romançon, né, ici même, le 14 juin 1805, devenu disciple de saint Jean-Baptiste de la Salle, mort à Saugues, le 13 août 1862, après une vie toute entière vouée à l'éducation de la jeunesse. C'est le dernier Saint de France ; Pie XI affirmait : « Il sera le saint de tout le monde ». Il y avait, en effet, beaucoup de monde dans ce petit village de Thuret, que l'on trouve situé en pleine Limagne entre Clermont-Ferrand et Vichy. Les voitures s'alignaient en longues files de part et d'autre de la route, je dus laisser la mienne fort loin. C'est donc à pied et la caméra sous le bras que je pénétrai à Thuret peu avant la procession.

J'hérite assez souvent, de notre télévision régionale, les reportages touchant, comme le disent avec un brin de malice mes confrères journalistes, l'actualité du sabre et du goupil- lon. J'avais reçu mission de faire une bobine, de cette procession, ce qui dans notre ésotérique jargon signifie trente mètres de pellicule. Il s'agit d'une nouvelle brève, d'un spot, qui sera diffusé le lendemain entre la politique et les sports du dimanche.

Les rues de Thuret, ce dimanche là, étaient pleines de religieuse ferveur. Je comptais trois chars fleuris que des tracteurs attelèrent avec quelque retard. Il y avait une Vierge, je crois, sur le premier, saint Bénilde sur le second et sur le dernier le Saint-Sacrement. Derrière l'ostensoir un vieux prêtre demeura constamment à genoux, malgré les cahots du chemin. Je me souviens de l'apostrophe lancée au micro par un autre prêtre : « Eh Joseph tu ne vas pas rester comme ça tout le long, asseois-toi, t'as un tabouret ! ». Recommanda- tion inutile. La châsse, en bois, des reliques du Saint était portée par de vigoureux et sympathiques gitans dont mon

objectif t raduisi t après coup le profond recueillement. Les enfants de chœur étaient nombreux précédant Monseigneur Dozolme, ancien évêque du Puy, et Monsieur l'Abbé Chabrillat, le curé de Thuret , qui, ba r re t t e sur le chef, fermaient la marche.

Au-devant, toute la foule entonnai t cant ique après cantique, et il se voyait bien que des espoirs secrets se pressaient çà et là parmi les pèlerins.

Le chemin de prière prenai t la route d 'Ennezat , remonta i t à droite à la sortie du village puis s 'en venait par-devant la maison natale du Frère Bénilde re joindre l'église. A l 'aplomb du portail fleuri, des religieuses, un frère des écoles chré- tiennes, le dernier sans doute, regardaient la procession. Elle arrivait maintenant sur la place que les derniers qui t ta ient à peine. Sur le côté sud de l'église, la fanfare de Randan bat ta i t t ambour et faisait vibrer ses cuivres sans discontinuer.

Pour avoir une idée de la fête mettez pa r là-dessus un vigoureux soleil tel qu'il ne s 'en était plus vu depuis un bon mois et le carillon puissant du clocher qui sonnait des notes fortes de joie de pa r toute la campagne alentour.

Outre mon modeste reportage, je fis quelques diapos ; j 'avais entendu la voix de l 'abbé Chabrillat, que je ne connais- sais pas encore, demander au micro que si quelques photos lui étaient apportées de toutes celles que l'on prenait , elles serviraient à i l lustrer « Le Trait d'Union », le journa l paroissial.

C'est en passant d 'aventure, qua t re mois plus tard, appor te r à Monsieur le curé de Thuret quelques agrandissements et diapositives de cette cérémonie anniversaire que je fis sa connaissance et celle de saint Bénilde du même coup. Je ne vais pas ici vous conter la vie de Pierre Romançon, vous la trouverez résumée dans une excellente p laquet te que l 'abbé Chabrillat consacre à Thure t ; cette brochure mérite- rai t une plus large diffusion, je crois. Vous la trouverez également, cette vie, dans l 'ouvrage du Chanoine Alméras, son historiographe, sous le t i t re : « L'humble frère Bénilde ». Je ne relèverai à votre intention qu 'une formule lapidaire empruntée au « Trait d 'Union » : « Ins t i tu teur et Saint, Frère des Ecoles Chrétiennes de Saint-Jean-Baptiste-de-la-Salle, il fut canonisé par Paul VI en 1967 après avoir accompli de nombreux miracles, dont des guérisons de cancer ».

Gestionnaire spir i tuel de Saint-Bénilde, sans cesse sollicité par la foule de ceux qui me t t en t dans une foi ardente leurs ul t imes espoirs, Monsieur l 'abbé Chabrillat m'a dit conserver environ dix mille let tres de remerc iements à Saint-Bénilde pour les faveurs obtenues, let tres venant du bout du monde. Sur m a demande il m'en a confié quelques-unes ; bien entendu je me suis engagé à respecter l 'anonymat des personnes.

Brunoy, ce 11 novembre 1978.

Cher Monsieur le Curé,

Je vous ai visité en 1973, je ne sais si c'est encore vous ? Je ne sais pas votre nom. Nous avions été vous voir avec M C..., hôtelière, à Châtelguyon. Nous avions été at t i rées pa r le fait que vous aviez en votre église une part ie de « saint Bénilde » et c'est à ce sujet que je vous écris, ayant constaté une merveilleuse guérison.

« Je vous indique les faits : le 10 août, à 9 h 15 du soir, alors que je regardais t ranqui l lement la télé, je sens m a bouche, côté droit, qui s ' insensibilisait. Après, ma jambe et m o n bras. Connaissant les méfaits de l 'hémyplégie, j 'étais affolée. Je suis dans une maison de retraite, comme à cette heure-là les personnes se reposaient, je n'ai pas osé appeler, l ' e r reur que je commettais . Je me suis aussi tôt couchée et comme j 'ai la médaille de saint Bénilde à mon cou, je l'ai prise « dans mes mains » et l'ai prié de toute mon âme que je ne sois pas paralysée, que le Bon Dieu me prenne, mais que je ne sois pas paralysée, diminuée. Le lendemain j 'ai vu le Docteur qui a constaté une pet i te a t taque sans comprendre ni le chercher pourquoi cet a r rê t ? J'avais, en effet, une forte tension. E t combien j 'ai remercié saint Bénilde de sa grande bonté pour cette heureuse guérison.

« Le 15 août, en pleine messe, je me trouve mal et tombe dans un coma qui m'a duré deux heures. J'ai encore été guérie. J'ai mis longtemps à me remettre , il faut vous dire que j 'ai 86 ans. J'ai mis longtemps à vous faire connaî tre ces faits, je ne me souvenais plus ni du pays ni de votre nom et j 'ai re trouvé le nom du pays ce qui me permet au jourd 'hui de vous met t re au courant de ces faits et heureu- ses guérisons. »

M C. P..., 91800 Brunoy. Landelles, le 29-7-1978.

S.V.P. Très urgent.

Monsieur le Curé,

Nous avons une amie, dans le bourg, M N..., qui est a t teinte d 'un cancer dans le ventre, elle est à l 'hôpital de Caen, c'est sans espoir. Aussi, comme nous avons vu son mari ce mat in (ils sont très croyants !) nous lui avons fait pa r t de notre croyance en saint Bénilde plus ses miracles obtenus aux très confiants.

Nous faisons le nécessaire, ainsi, voudriez-vous dire une messe pour cette malade, lui envoyer des images, reliques, médaille et la peti te revue paroissiale. Ci-joint un chèque C.C.P... à virer sur votre compte.

M G. A...

P.-S. — Nous ne nous rappelons pas exactement si nous vous l 'avons dit M. Jehanne de G... a été guéri d 'un cancer dans la bouche et aussi une peti te L... en danger de m o r t à Beuvigny ; il y a déjà plus d 'un an.

Monsieur l 'abbé Chabrillat qui eut la grande bonté de me recevoir à plusieurs reprises et for t amicalement m' indiqua aussi l 'adresse d 'une personne qui demeure à Vichy et me conseilla d'aller la voir. C'est me dit-il une miraculée de saint Bénilde, elle a été guérie d 'un cancer. Elle vient souvent ici, et puisque vous cherchez des témoins !...

Je pris aussi tôt rendez-vous avec Mademoiselle M..., à Vichy ; ma visite lui avait été d'ailleurs annoncée, je fus reçu avec la plus grande amabili té dans sa chambre d'hôtel et non au salon par souci de discrétion. Je demandais si je pouvais enregis trer notre conversat ion sur magnétophone. M M... accepta, la seule condit ion fut de ne jamais mention- ner son nom. Voici in-extenso la reproduct ion de cet entretien.

« Il y a 14 ans j 'ai fait une tuberculose rénale, je remonte loin pour que vous compreniez bien ! C'était déjà une chose grave : on m'a enlevé un rein. Il y a main tenant 6 ans. Un soir, au mois de janvier, en faisant ma toilette, je vous donne tous les détails, je me suis senti un peti t rien sous le sein gauche, mais j 'ai eu très très mal. J'ai palpé et j 'ai trouvé une petite grosseur. Je m'en suis tourmentée . Ma

pauvre amie, bien malade, dormait , je ne l'ai pas réveillée, le lendemain matin, je lui ai dit : — Je ne sais pas... voilà ce qui m'arr ive ! — Oh, m'a-t-elle répondu, il ne faut pas res te r comme ça, il faut voir le Docteur ; je crois bien que ce n 'est rien, mais il faut voir le Docteur quand même. J'ai appelé le Docteur, un ami de la famille de m o n amie, qui est venu et m 'a dit : — Ecoutez, je crois que ce n 'est rien, mais pa r précaut ion je vais vous faire passer une radio.

« Il m 'a donné une adresse, je suis allée faire faire m a radio. Le radiologue m'a dit, je crois que ce n 'est rien, mais il vaudrai t mieux voir un chirurgien. J'ai vu un chirurgien ici, puis je suis allée à l 'hôpital parce que le Docteur qui me soignait m'avai t dit : Il y a un très bon chirurgien à l 'hôpital.

« Je suis allée le voir, il a palpé, il a regardé, il m 'a dit je crois que ce n 'est rien, la meilleure preuve c'est que je pars en vacances et que je ne suis pas inquiet, je vous laisse comme ça. A mon re tour de vacances, dans quinze jours , revenez m e voir. Je suis re tournée le voir. Il m 'a dit : « Ecoutez, je crois quand même qu'il vaut mieux faire un prélèvement.

« Alors, je prends rendez-vous pour un certain jour, cela m'ennuyai t bien de laisser mon amie, bien malade, toute seule ici ; enfin je m'étais ar rangée quand même. Et je vais à l 'hôpital où l 'on me fait une anesthésie. J 'avais fait pro- me t t r e au médecin qui me soignait, qui était le Docteur Armand, qu 'à aucun prix on ne me ferai t l 'ablation si cela s 'avérait nécessaire, qu 'on a t t endra i t que je puisse prendre des disposit ions pour que mon amie soit auprès de moi, qu'elle ne reste pas seule.

« On m 'a fait une anesthésie qui a été horrible, une anesthésie locale ; mais j 'ai été très longue à être anesthésiée et j 'étais a f f reusement malade ; j 'ai souffert, on a cru qu 'on allait renoncer à l 'anesthésie, je ne tenais pas ; enfin, tout de même le pré lèvement a été fait, puis je suis restée sur la table d 'opérat ion. On avait fait venir quelqu 'un d 'un laboratoire de Clermont pour l 'analyse ; au bout d 'un instant ce quelqu 'un arrive dans la pièce en poussant de grands cris, j 'exagère à peine ! me croyant endormie.

— C'en est bien un, c'en est un beau... c'est le plus beau de tous !

« Je n'ai rien dit. Le Docteur est part i , lui met tan t le doigt sur la bouche, lui faisant comprendre que je n'étais pas endormie. On m'a ramenée dans une chambre de l 'hôpital, et là j 'ai revu mon docteur. Alors qu'est-ce que vous voulez que je vous dise ? — Les résultats. — Oh ! vous savez on n 'a pas les résul tats si vite. — Mais les résul ta ts je les ai entendus.

— Vous avez entendu ! — Oui, j 'ai même entendu, c'en est un, c'en est un beau, c'est le plus beau de tous. — Alors puisque vous savez, je ne vais pas vous le cacher...

« J'ai passé trois jours à l 'hôpital pour essayer de me remet t re un pet i t peu de ce choc, de cette anesthésie, de ce prélèvement et le Docteur m'a dit : — Maintenant il faut l 'enlever ! J'ai un ami à Clermont, le Professeur T..., qui malheureusement main tenant est à la retrai te, je suis allée le voir ; c 'était ma bouée de sauvetage. Il m 'a dit : — Je vous donne de huit à quinze jours, pas un j o u r de plus ! Mais il me fallait t rouver une clinique ! A l 'hôpital on ne voulait pas de mon amie avec moi dans la même chambre, or je voulais qu'elle ne soit pas seule, qu'elle soit à côté de moi pour que s'il lui arr ivait quelque chose on soit ensemble et qu'elle ne soit pas inquiète de moi. Enfin, je suis arrivée à t rouver la clinique Jeanne-d'Arc, pa r le D Armand qui était en relation évidemment avec les chirurgiens et les médecins et comme cette clinique venait de se réinstaller, là j 'ai eu une chambre où je suis entrée avec m o n amie ; il faut que je vous dise que le résul ta t de l 'analyse après le prélèvement avait été que j 'avais un cancer à la métastase.

« Le Professeur m'a précisé à ce moment-là : « C'est un cancer, c'est un cancer actif », je ne sais pas si vous savez ce que c'est, peut-être ? mais lui il m 'a dit en termes élégants pour ne pas m'affoler : — « Ce cancer n 'est pas dans une coque, au t rement dit : c 'est un cancer qui a des peti ts cancers tout autour. J 'avais donc tous les chances qu'ils se répandent par tout .

« On m'a fait une opérat ion formidable. Au cours de cette opérat ion on m'avait anesthésiée, bien entendu. J'ai fait un spasme de la trachée. Je ne sais pas si vous savez ce qu 'est un spasme de la trachée, peut-être pas... c'est une chose que l 'on étudie en médecine, mais dont on ne voit en principe jamais de cas. On ne peut pas passer 4 minutes, au-delà on

est obligé de mour i r , en ce qui me concerne je suis restée, je crois, 8 minutes . Quand j 'ai demandé au Docteur ce qu'il avait fait alors il m 'a r épondu : — « J 'étais bien ennuyé, j 'ai dit que vous étiez morte, c 'était bien tr iste et j 'ai eu beaucoup de peine. Je pensais su r tou t à votre pauvre amie, qui est en t ra in presque de mourir , comment je vais faire pou r lui apprendre ».

« C'est vous dire que vra iment on me considérai t comme morte.

« J 'ai donc résisté à ce spasme de la t rachée et puis, on m'a opérée, on m 'a enlevé tout ce qu 'on a trouvé et plus encore, j 'avais r ecommandé au docteur que ce soit bien fait, que l 'on m'ôte tou t ce qu'il faudra. Il paraît , m'a-t-on dit, que ce fut une opéra t ion horrible, la plus épouvantable qu 'on eut vue. On a fait l 'analyse et on n 'a r ien trouvé !... Sans a t tendre que je la lui demande, M M... va me donner une extraordinaire explication.

— « Quand j 'a i su que c 'était positif, la p remière fois, j 'étais désemparée, vous pensez, gravement positif.

« J'ai un chauffeur de taxi habi tuel qui est un très brave homme, très pieux, t rès bien qui m 'emmena i t tou jours à Clermont quand j 'avais besoin d'y aller, c 'est lui qui me fait mes courses en taxi, q u a n d j 'ai besoin d'en faire. Il m 'a vu tel lement désemparée qu'il m 'a dit :

— « Ecoutez, vous devriez venir pr ier saint Bénilde. » — « Je veux bien, mais je ne connais pas. » En effet, je n'avais jamais entendu par ler de saint Bénilde. Ce devait faire cinq ans que j 'é tais là, alors je ne connaissais pas saint Bénilde. — « Je veux bien, mais emmenez-moi. » En passant , en reve- nan t de Clermont, nous nous sommes arrê tés à Thure t où j 'ai prié de tou t m o n cœur, puis nous sommes partis. Le brave chauffeur de taxi, qui est très croyant, sur le retour , m 'a aff i rmé : « Vous devriez écrire à Monsieur le Curé, on dit que c'est un saint. J 'ai donc écrit à Monsieur le Curé en lui expl iquant m o n cas. Je tenais beaucoup à la vie, sur tou t pou r cette grande amie qui étai t très malade et puis parce que j 'a i eu beaucoup d 'ennuis ; j 'avais ent re autres vis-à-vis de ses paren ts une det te morale, et je tenais à lui fe rmer les yeux à cette amie et à la secouri r aussi avant, bien sûr.

« J 'ai confié m a cause au curé de Thure t qui m'a envoyé

une lettre inoubliable... Je ne peux pas vous dire ce qu'il en émanait . Il ne me disait pas « ayez confiance vous serez guérie », mais de ces lignes il en ressortai t cela : « Ayez confiance, vous serez guérie. » E t je suis par t ie à l 'opérat ion pleine de courage, n 'ayant pas tellement peur parce que cette let tre m'avait réconfortée.

« Ensuite on m'a fait t rente séances de cobalt qui m'ont beaucoup fatiguée et depuis je n'ai plus rien eu, je n'ai pas eu de récidive. Je peux en avoir une un jour, mais pratique- ment j 'ai été guérie de ce cancer. Ce qui vous intéresse peut- être c'est une photocopie d 'un certificat que j 'ai demandé au docteur pour le cas où j 'en aurais besoin ».

C'est une photocopie sur deux feuillets, M M... me l'a confié. Vous pouvez déchiffrer ce certificat médical parmi les documents en annexe.

Le culte de saint Bénilde se répand de plus en plus, je l'ai constaté, sur quelques semaines seulement, lorsque je suis revenu faire des photos de l'église, de la chapelle et des reliques du saint, de la Vierge noire du X I I I une Vierge des croisades et des chapiteaux. Une église moins connue que ne l'est Frère Bénilde lui-même, mais qui a elle seule vaut bien une visite. C'est ainsi que j 'ai eu l 'occasion de lire non seulement les ex-voto accrochés là mais encore un cahier où les pèlerins inscrivent leurs suppliques. Ce cahier de 100 pages mis au pied de l'autel, avec crayon, s'il vous plait, à la disposition des fidèles, a été rempli en deux mois. L'abbé Chabrillat en a des dizaines. Rien n'est plus émou- vant que de constater avec quelle naïve candeur on vient ici solliciter des grâces, des faveurs, une protection, voire une guérison. Cela va de l 'écolier qui souhaite être aidé pa r notre saint dans son travail, n 'oublions pas que Bénilde passa toute sa vie à enseigner les jeunes, jusqu 'au Monsieur que j 'ai ent r 'aperçu un jour, qui m'a pa ru être P.D.G. ou quelque chose comme cela, qui a lu les prières d 'abord, une page plastifiée posée sur la marche de l'autel, qui a mis un cierge, puis qui a écrit sur le cahier : « Saint Bénilde aidez- moi dans mon travail, protégez-nous des maladies et des accidents. Merci » et a signé. Je n 'eus pas le temps d 'aborder ce monsieur très sélect qui sauta dans une « CX 2400 » immatriculée dans la Loire et d isparut aussitôt. Qu'il me pardonne ma curiosité si un jour il l ' apprend mais l 'affût d 'un témoignage m'est une constante. En déplaçant les fleurs

pour un meil leur cliché, j 'ai également trouvé entre deux pots des enveloppes qui por ta ient un nom, le même : Barr i ; mais il é tai t en vérité celui de deux peti tes filles, j ' ignore to ta lement ce qu'il pouvait y avoir à l ' intérieur, elles étaient très épaisses ces enveloppes, peut-être un peu de laine, un peti t ouvrage art isanal , en tout cas, un secret ; mais qu ' importe , ce que je me rappelle c'est que leur pa t ronyme me fut indiqué pa r l 'abbé Chabrillat lorsque je lui donnai m a première photo, lui disant que j 'a imerais t rouver des témoins de saint Bénilde. Cette photo représenta i t la châsse por tée pa r les gitans le jour du pèlerinage. D'un doigt l 'abbé me désigna le por t ra i t de l 'un d'eux.

— Tenez, me dit-il, voici un miraculé. Ou plutôt je crois que ce sont ses enfants qui ont été guéris.

Je finis pa r re t rouver Monsieur Barri, après quelques recherches. Il m 'a autor isé à citer son témoignage et son nom, sans aucune réserve. Il habi te Maringues, il a hui t en f an t s ; sur les huit , Joseph 13 ans, Marie-Christine 11 ans et demi et Diégo sont hémophyles, ou plutôt étaient hémo- phyles. Lors d 'une oti te du plus âgé le D F... lui perça l'oreille. Il se mit à saigner sans fin ; à l 'époque il avait 17 mois. Les deux autres enfants Marie-Christine et Diégo furent également t rouvés hémophyles dès leur naissance.

En 1977, Marie-Christine dut subir une opération. Cette opéra t ion eut lieu à Paris, Clermont n 'ayant pas voulu couri r de risque. Alors on s 'aperçut que les choses allaient beau- coup mieux, le sang enfin coagulait ; la même consta ta t ion fut faite sur ses deux autres frères. Pourquoi ?... Monsieur Barr i m'explique qu 'au débu t de cette année 77, l 'abbé Joseph leur a raconté saint Bénilde ; t rès croyant le père a emmené toute la famille faire ses dévotions à Thure t avant cette opération. J'ai pu voir que Marie-Christine est une très jolie fillette, en parfai te santé ; quand à Diégo, le benjamin, il était, ce jour-là, pou r une grippe, à l 'hôpital de Clermont, dans le cas où... Mais en fait tou t s 'est ar rangé et la famille Barri , heureuse, vit sans aut re problème que celui de prouver sa reconnaissance à Frère Bénilde.

Cette reconnaissance se manifeste pa r des dizaines de milliers de témoignages. Du « Trait d'Union », le bulletin paroissial de Thure t voici quelques extraits de lettres, r écemment publiées.

— 03 : Grâces nombreuses obtenues pa r l ' intercession de saint Bénilde, en part icul ier la miraculeuse guérison d 'une enfant condamnée. Que pa r vos soins et votre dévouement ce grand saint continue d 'être vénéré.

— 03200 : Guérison inespérée d 'un enfant a t te int d 'un cancer au foie. Messe d'action de grâces à Saint-Bénilde.

— 95160 : Grâce à vos prières et l 'entremise de saint Bénilde auprès du Seigneur me voici p ra t iquement guérie d 'un cancer. Le professeur qui m'a soigné n 'en revient pas.

D'après l 'ensemble de ces documents , il est évident que saint Bénilde soulage ou guérit par t icul ièrement le cancer, car lui-même en a souffert ; mais on le remercie de bien d 'autres actions, ainsi cette le t t re qui vient de l'Allier.

« Le 2 février, j ou r de verglas, m a fille a été miraculeuse- ment sauvée d 'un accident de voiture qui aura i t dû avoir des conséquences tragiques. Après un choc, sa voiture est tombée dans un ruisseau profond de 4 mèt res en contrebas. Elle a piqué dans un t rou profond, s 'est retrouvée sur le toit. Elle a réussi à sor t i r pa r le pare-brise, heureusement volé en éclats, a pa rcouru 3 kilomètres, t rempée et sans même un rhume alors qu'elle sortai t d 'une t rès grave opération. On sorti t la voiture, inutilisable, à grand peine. Trois heures après l 'accident son frère repassant voulut voir l 'endroit et aperçut f lot tant sur l 'eau et malgré un for t courant une image de saint Bénilde à qui nous a t t r ibuons ce miracle.

Il faut bien que je m 'a r rê te quelque part , car on ne finirait pas de relever de tels témoignages. Mais que faire pour implorer saint Bénilde. Eh bien là encore c'est le « Trai t d'Union » qui nous l ' indique :

a) Lui adresser la pr ière suivante :

« 0 Dieu ! qui a fait de saint Bénilde un excellent éduca- teur et un modèle d'application au labeur quotidien, accorde- nous dans ta bonté d 'être à son exemple fidèle dans les petites choses et de conquér i r ainsi la récompense éternelle ( indiquer ici la faveur implorée) pa r Jésus-Christ Notre Seigneur. Amen. »

b) Faire une neuvaine. Pour cela, a jou te r à la pr ière ci-dessus les actes de contrition, foi, espérance et chari té plus une confession et communion.

c) Accomplir le pèlerinage de Thure t (25 kilomètres de Vichy ou de Clermont).

d) Faire célébrer des messes en son honneur .

e) Faire met t re des neuvaines de cierges devant ses reliques, à Thuret .

f) Réciter le Chapelet avec l ' invocation « Saint Bénilde, priez pour nous » après chaque dizaine.

g) Por te r sa médaille ou vénérer son image, por t ra i t .

h) Déposer une photographie sous la châsse de ses reliques pour demander sa protect ion.

Comme je voulais photographier cette châsse, je l'ai levée et j 'ai tout aussi tôt renoncé à la déplacer, il y avait tel lement de photos !...

NOTRE-DAME DE LISSEUIL.

C'est tou t à fait pa r hasard , alors que je tournais une « Belle Auvergne » dans la vallée de la Sioule, que j 'ai découvert Lisseuil :

Un village de verdure endormi dans un cirque de hautes collines, à hu i t ki lomètres au Sud du pon t de Menat. Le site est tout à la fois p i t toresque et gracieux. La Sioule qui coule en un lit étroi t depuis Châteauneuf-les-Bains s 'élargit soudai- nement et fait à t ravers champs de paresseux méandres . Sur sa rive gauche s'élève une falaise presque verticale. On devine l 'entrée d 'une grot te p a r la blanche présence d 'une s ta tue à l 'entrée : c 'est la grot te de saint Ménélée. Sur la rive droite, quelques maisons, un hôtel, une place, un Sully ou tilleul trois fois centenaire et tou t au centre, et toute blanche, l'église à peigne ou plutôt la chapelle de Lisseuil, toute basse, toute coquet te de son âge que les spécialistes évaluent à 900 ans.

On dit aussi qu'elle est un bi jou d 'a r t roman ; je veux bien mais c 'est un a r t que je jugerais simplifié si j 'avais à le faire. En fait la r enommée de cette chapelle dont les voûtes ont ma lheureusement été détrui tes et remplacées pa r

un simple plafond de bois, vient d 'une pet i te s tatue de la Sainte Vierge, très ancienne elle aussi, et, de temps immé- morial connue sous le nom de Notre-Dame de Lisseuil.

Elle est encore au canton de Menat ce qu 'est Notre-Dame d'Orcival à la montagne ou Notre-Dame du Por t à la Lima- gne. Ce n'est pas moi qui le dit c'est un tou t pet i t opuscule, tout peti t pa r les dimensions mais grand pa r le contenu. Ce petit, tout peti t livre qui tient facilement dans la poche, je le dois à l 'obligeance d 'un paroissien chez qui je suis allé f rapper pour avoir la clé de l'église. Il s'agit de Monsieur Chassagnol avec qui j 'ai pu lier d 'emblée d'amicales rela- tions ; il me confia la clé et mieux il me fit faire lui-même le tour du propriétaire. — « La seule chose qui est moche ici, fit mon guide, c'est ce confessionnal. Il irait mieux dans une église moderne, qu'est-ce que vous en pensez ? ».

— Ah fichtre oui, et si, comme me l'a depuis réaff i rmé mon interlocuteur, Monsieur le Curé veut en changer, mon- sieur le Curé, a par fa i tement raison ; mais il serait peut-être bien qu'il fasse para î t re une peti te annonce que j ' imagine ainsi : « Echangerais deux confessionnaux modernes rut i lants contre un seul confessionnal mais rus t ique ou ancien ».

Eh bien voilà, l 'annonce est posée pour lui ; à bon enten- deur salut. Tout le monde y t rouvera son compte, Notre-Dame de Lisseuil en particulier.

Un soir, dit la légende, saint Ménélée, fondateur de l 'abbaye de Menat et du couvent de Lisseuil, aidé pa r Genès, Comte d'Auvergne, mit en fuite une t roupe de br igands qui pillaient la chapelle. Les voleurs abandonnent tout leur but in en chemin.

Le matin, au peti t jour, saint Ménélée et saint Genès suivent à peti ts pas le chemin des fuyards, fouillant du regard, à droite et à gauche, les moindres replis du terrain. 0 bonne for tune ! ils t rouvent d 'abord le calice, un peu plus loin le ciboire. Encouragés dans leurs recherches, ils avancent tou- jours et ne ta rdent pas à rencontrer , au pied d 'un peti t ter t re , la s ta tue elle-même, renversée, la face contre terre. Ils la soulèvent avec respect, mais quel n 'est pas leur é tonnement en voyant jaillir, du point précis où elle reposait , une source d 'une eau claire et limpide. Tout au tour la te r re étai t sèche et r ien n'accusait la présence d 'une source. Pour perpé tuer le souvenir de ce prodige, saint Ménélée fit const rui re une

petite chapelle servant de fontaine ; dans une niche, ménagée à dessein, il plaça une s tatue de la Sainte Vierge qu 'un de ses moines avait sculptée.

La source et la chapelle existent encore, on les trouve sur l 'ancien chemin de Lisseuil à Saint-Rémy, à peu de distance de la chapelle principale. Les pèlerins ne manquen t pas de les visiter. Après avoir en tendu la messe et fait leurs dévo- tions devant la s tatue miraculeuse, ils vont à la source boire un peu de cette eau qui coule en abondance. Beaucoup en empor t en t chez eux pour en donner aux malades.

Je vais p rendre la suite pou r dire que cette eau qui sort à 6° ne gèle jamais et que je l'ai trouvée comme toutes les sources que l 'on m 'a dit ê t re miraculeuse fraîche, l impide et sans goût aucun. Dans le bass in il y a de très nombreuses piècettes de monnaie, preuve s'il en est qu'il y a de très nombreux fidèles qui viennent ici formuler un vœu.

Dans la chapelle où les forains viennent souvent faire brû ler des cierges, j 'ai relevé dix-neuf ex-voto, ent re autres remerciements , ceux des familles Degray et Héri t ier et puis datée de mar s 1941 une reconnaissance à Notre-Dame de Lisseuil pou r une protec t ion et une guérison. Mais quant à savoir si des faveurs plus récentes ont été prodiguées, je ne l'ai pu, aucun bénéficiaire éventuel n 'a laissé l 'adresse. Monsieur C... se rappelle qu'il y a quelques années on amenai t des enfants à la source pour les guérir de la teigne.

SAINT ROCH.

Je passais un j o u r à Saint-Alban-sur-Limagnole et m'ar rê ta is à l 'Hôtel du Centre, chez Monsieur Gotty, c 'est là que je fis la connaissance de Monsieur l'Abbé Vissac, curé de la paroisse.

— « Puisque vous vous intéressez aux sources et aux saints, connaissez-vous saint Roch et la source de l 'Hospitalet ? »

Non, je ne connaissais pas, mais cela n'allait pas tarder , puisque le lendemain matin, nous par t ions Monsieur l'Abbé Vissac et moi-même pour l 'Hospitalet . J ' apprends alors de

mon guide que l 'Hospitalet est un lieu de pèlerinage en l 'honneur de saint Roch, très f réquenté puisque en 1978 il y eut plus de 5 000 pèlerins. Nous suivons une excellente route, celle qui va de Saint-Alban à Saugues, sur 12 kilomè- tres environ et nous nous arrê tons près d 'une chapelle élégante et solitaire. Nous sommes à 1 300 mètres d 'alt i tude. Cette chapelle dédiée à saint Roch est dépendante de la paroisse de Lajo. Nous passons du dépar tement de la Lozère dans celui de la Haute-Loire pour aller voir, deux cents mètres plus loin la source dite de « Saint-Roch ».

C'est une source abondante qui coule au pied d 'un monu- ment qui abr i te une s tatue du saint. D' immenses sapins fris- sonnent a lentour sous le vent aigre de décembre, mais à la belle saison il est certain que ce site doit être ravissant et, comme me le dit mon guide, la solitude ici favorise le recueil- lement. Nous sommes en pleine Margeride ; si la route est belle l'été, l 'hiver le vent de neige la balaie sans trêve et le pèlerin se perdai t jadis à ce col de la « Croix de l 'homme mor t » qui por te bien son nom.

Monsieur l'Abbé V... me fit les honneurs de « l 'abri du Pèle- rin », qu'il a lui-même res tauré et dont l 'une des deux pièces, ouverte en permanence ser t de refuge aux passants surpr is par le mauvais temps. Voici dans une lettre datée de Paris, le 20 avril 1977, le simple merci de deux jeunes qui n 'ont signé que leurs prénoms.

« Nous gardons un souvenir merveilleux de la beauté de la région que nous avons traversée sous un ciel qui nous réser- vait toujours des surprises, tan tô t de la neige, tan tô t du soleil et toujours du vent. Nous gardons sur tout en mémoire le confort inespéré de l 'Hospitalet près de la chapelle Saint-Roch cette nuit où il a neigé.

« Deux randonneurs reconnaissants. Ber t rand et Florence. »

De re tour à Saint-Alban, mon guide me donna un exem- plaire de l 'histoire du pèlerinage de Saint-Roch qu'il a lui- même écrite, avec l 'autorisat ion d'y puiser ce que je jugerai bon. Aussi bien je lui laisse nous conter, en érudi t qu'il est, un abrégé de la vie de saint Roch.

« Jean Roch de la Croix, Seigneur de Montpell ier et sa femme Libérie, étaient de vertueux époux, adonnés au service de Dieu, d is t r ibuant aux pauvres la plus grande pa r t de leurs

revenus. Mais leur foyer restai t vide d 'enfants, et la pieuse femme adressai t souvent au ciel cette pr ière :

— 0 Dieu créa teur de l 'univers, et vous glorieuse Reine des cieux, s'il vous plait d 'exaucer une prière que je fais pour votre gloire, donnez-moi un fils. Je ne vous le demande pas pour en faire l 'héri t ier de nos richesses, je ne désire pas qu'il soit comblé d 'honneurs ici-bas, mais qu'il soit le soutien des pauvres, qu'il soit livré aux contradict ions pour la gloire de votre Saint nom...

Dieu exauça cette pr ière : un fils naqui t aux nobles époux vers l 'an 1295.

Très chré t i ennement élevé pa r sa mère, dès l'âge de cinq ans, il donnai t des marques de sa fu ture sainteté. Il fut la joie de ses parents et de toute la ville de Montpell ier que, par droi t de naissance, il était appelé à gouverner.

Sa jeunesse fut ver tueuse et studieuse. Aux écoles déjà célèbres de Montpellier, il eut vite conquis le p remier rang, sans que le succès atteignit en rien sa modestie. A vingt ans, la croix s 'abat t i t su r lui bien lourde. Presque à la fois, Roch perd i t son père et sa mère. Vingt ans et la for tune et la l iberté ! N'y a-t-il pas là de quoi tourner la tête à bien des jeunes gens ? Roch savait les paroles de l 'Evangile : « Si vous voulez être parfait , distr ibuez vos biens aux pauvres et suivez- moi. » Sa résolut ion est pr ise ; il suit à la let tre le conseil du Divin Maître et se fait pèlerin.

Ses pieux voyages l ' amenèrent en Italie alors en proie à la peste. Le nombre des mor t s était effrayant ; les cadavres restaient sans sépul ture ; les malades manqua ien t de secours ; les populat ions terrifiées s 'enfuyaient devant le fléau. Certes, c 'était un beau champ de dévouement pour une âme géné- reuse. Roch s'y précipita.

Il f rappe à la por te de l 'hôpital d 'Aquapendente et s'offre à soigner les pestiférés. A voir ce jeune homme de frêle apparence, aux cheveux blonds et bouclés, aux yeux doux et pensifs, exténué d'ailleurs pa r ses longues marches, on eut pitié de sa jeunesse et l 'on refusa ses services. Mais le saint insista tel lement qu'il obt int enfin d 'approcher les malades. Il passe devant les lits, p rend la main des pestiférés, les réconfor te pa r de saintes paroles, trace sur eux le signe de la Croix. 0 prodige ! chacun se lève, guéri. De toutes

parts, on crie au miracle : on croit qu 'un ange sauveur est descendu du ciel.

Roch visite toutes les maisons de la ville, toutes les villes de la région et pa r tou t refoule le mal avec le même succès. Le fléau ayant disparu, Roch songeait à revenir en France, lorsque le Ciel, pour épurer encore son âme, le soumit à la terrible épreuve. En songe, il entend une voix lui dire : « Fidèle serviteur, ton courage a été grand pour soulager les maux de tes frères, qu'il soit encore grand pour suppor te r les maux que je t 'enverrai à toi-même ».

A son réveil, il se sent pris d'une fièvre ardente, une plaie cuisante s 'ouvre au-dessus du genou gauche ; il était f rappé de la peste. Pour n 'être à charge à personne et ne rien perdre de ses souffrances, il se t ra îna jusqu 'à la forêt ent re Plaisance et Sarmato. Mais la douleur était si vive qu'il ne put s 'empêcher de demander au ciel un peu de soulagement.

Un ange vint le consoler ; une source miraculeuse jaillit à ses pieds qui lui servit à apaiser sa soif et à laver sa plaie. En même temps un chien du château voisin lui appor ta i t un pain pour sa nourr i ture . Chaque jour, l 'animal fidèle renouvelait sa visite. Son maître, le seigneur Gothard- Palastrelli, intrigué des manèges du chien le suivit un jour. Il le vit déposer le pain dans la forêt auprès d 'un inconnu qui lui cria : « Ne m'approchez pas : je suis un pestiféré ». Et le riche seigneur s'en revenait chez lui quand, tout à coup, réfléchissant que son chien était plus chari table que lui-même, il fut pris de honte et r e tourna près du malade. Touché pa r l 'a t t i tude du saint, il qui t ta la vie de plaisirs pour la solitude et la prière.

L'épreuve de la maladie de Roch ne ta rda pas à p rendre fin. La voix du ciel se fit entendre à nouveau : « Roch, m o n fidèle serviteur, la santé t 'est rendue, re tourne en ta patrie, fais-y des œuvres de pénitence pour mieux mér i te r d 'être rangé parmi les Bienheureux ». Le saint repr i t aussi tôt son bâ ton de pèlerin et regagna la France.

Arrivé dans sa ville de Montpellier, il s 'assied harassé de fatigue, sur un banc de pierre. Pas un de ses compatr iotes ne le reconnaît et il se garde bien de décliner son nom. Pris pour un espion, il est jeté en prison sur l 'ordre du gouverneur, lequel était jus tement son oncle. Cinq ans il resta dans un cachot infect, souffrant tout pour Jésus-Christ.

Averti par un ange de sa fin prochaine, il demande les Sacrements des mourants . Mais quelle ne fut pas la surprise du prê t re au contact d 'une telle âme ? Vite informé le Gouverneur accourt , mais t rop t a rd : le fruit m û r avait été cueilli pour le ciel. C'était en 1326, ou 27, le 16 août, Roch avait 32 ou 33 ans.

Dans l ' infect et noir cachot, le corps du Bienheureux gisait inanimé, les mains jointes pour sa dernière prière, le visage rayonnant d 'une joie céleste. Sur sa poitr ine dévoilée au cours de la toilette funèbre, la croix rouge le fit reconnaî tre . A côté, une tablet te por ta i t ces mots : « Quiconque m' invoquera contre la peste sera délivré de ce fléau ». Désolé et demandan t pardon, le Gouverneur tombe aux pieds de la dépouille mortel le de son neveu. Il lui fit des funérail les magnifiques. Une c lameur unanime s'éleva de Montpell ier : « Un Saint est mor t en prison ! ». Ainsi le canonisa la voix du peuple.

Au cours du grand Concile de Constance, 1414-1418, la peste qui ravageait la ville cessa subi tement à la suite de pr ières solennelles, que, sur l ' invitation d 'un jeune h o m m e resté mystérieux, les Pères adressèrent au nouveau Saint.

Rentrés dans leur diocèse, ils y implantèrent le culte de Saint-Roch qui se répandi t ainsi t rès largement et très vite. Dans not re région, il res te bien vivant : nombreuses sont les chapelles qui lui sont consacrées, la plus connue, et la plus f réquentée aussi est celle de l 'Hospitalet .

En remerc ian t Monsieur l'Abbé V..., je lui ai quand même demandé, car la chapelle de Saint-Roch compte pas mal d'ex-voto, s'il pouvait m ' ind iquer un ou deux témoins de guérisons obtenues pa r l ' intercession de saint Roch ; il m ' ind iqua son oncle, hab i t an t Paulhac-en-Margeride où je me suis rendu. Monsieur V... a main tenant 85 ans, son histoire commence avec not re siècle, un soir de foire de Paulhac, il perdai t sans cesse son sabot, le gauche et pleurait sans fin en s 'accrochant aux jupes de sa mère, il avait qua t re ans. Il ne se rappelle pas de tou t lui-même, bien entendu, il é tai t t rop jeune, mais combien de fois a-t-il écouté par le r au tour de lui de sa « poliomélite ». Le Médecin de Saugues a été appelé. Il est venu deux jours plus tard.

— « Les communicat ions n 'é taient pas ce qu'elles sont de nos jours . Il m 'a re tourné dans tous les sens et il a dit à