La Russie d'Aujourd'hui
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Ce supplément de huit pages est édité et publié par Rossiyskaya Gazeta (Russie), qui assume l’entière responsabilité de son contenu
Distribué avec
Publié en coordination avec The Daily Telegraph, The New York Times, The Economic Times et d’autres grands quotidiens internationaux
Mercredi 17 avril 2013
70 ans après, l’amour perdu réapparaît
Style russe pour maisons de luxe
Un vétéran russe de 1941-45 retrouve la trace de sa « fiancée » française.
La styliste-graphiste Evgenia Miro, installée à Paris, crée des motifs pour les grandes marques.
P. 8
P. 7
Produit de Russia Beyond the Headlines
Chômage ?Les Russes s’en sortent bien, merci !
LA SUITE EN PAGE 2
PAUL DUVERNETLA RUSSIE D’AUJOURD’HUI
En dépit des risques de pertes
élevées pour de nombreuses
entreprises russes présentes à
Chypre, Moscou s’est rallié au
plan d’aide international visant
à éviter le naufrage de l’île.
Moscou fait (en partie) les frais de l’accord
Crise chypriote Les avoirs russes touchés par le prélèvement sur les comptes bancaires
Après avoir tempêté contre la ges-tion de la crise chypriote par les autorités européennes, la Russie a décidé de mettre la main à la pâte. Le 25 mars, Vladimir Pou-tine a fait savoir par son porte-parole Dmitri Peskov que Mos-cou acceptait de restructurer le prêt de 2,5 milliards d’euros ac-cordé à l’île en décembre 2011. Aux termes de l’accord avec les autorités de Nicosie, le gouver-nement russe effacera 10% du prêt dont la durée, selon le mi-nistre des Finances russe Anton
Silouanov, sera rallongée de cinq ans et dont le taux annuel sera abaissé de 4,5% à 2,5%.
En fait, l’assouplissement consenti par Moscou permet de débloquer le plan de la Troïka (Commission européenne, Banque centrale européenne et Fonds mo-nétaire international), qui pré-voit le versement d’une aide d’ur-gence de 10 milliards d’euros en échange d’un prélèvement sur les comptes bancaires. La réaction initiale de Moscou à la crise chy-priote avait été de claquer la porte, alors que Chypre semblait opter pour des mesures condui-sant à un gel de l’argent russe dans l’île, voire à des « expro-priations » (un terme largement employé par la presse russe). Le ministre des Finances chypriote Michael Sarris était rentré bre-douille d’une visite à Moscou le 20 mars. Et Nicosie s’était fait tancer par la chancelière alle-mande Angela Merkel pour avoir quémandé de l’aide et à Moscou, et à Bruxelles. Chypre était de-venue une pierre d’achoppement entre la Russie et l’U.E.
Le ministre des Finances chypriote lors de sa visite à Moscou.
ALINA OUKOLOVALA RUSSIE D’AUJOURD’HUI
Les Russes optant pour un style
de vie plus sain, l’alimentation
bio n’est plus perçue comme un
mode de consommation extra-
vagant. En amont, les fermes
biologiques se multiplient.
Des fermes bio pour alimenter un marché croissant
Consommation Tendance produits naturels
Boris Akimov, le fondateur du magasin d’alimentation biolo-gique Lavka, explique qu’il y a quatre ans, il avait du mal à trouver des agriculteurs suscep-tibles de lui assurer la fourni-ture régulière de ce type de nourriture de plus en plus re-cherché. Ce n’est plus le cas au-jourd’hui.
Les rayons d’aliments « orga-niques » ou « bio » prennent du volume dans les supermarchés russes. Les produits sans ferti-lisants ni additifs ont toujours existé en Russie mais il y a seu-lement cinq ans, les seuls fruits et légumes de ce type prove-naient des potagers des datchas privées. L’agriculture fermière avait disparu dans la première moitié du XXème siècle au pro-fi t de la production industrielle réalisée dans les kolkhozes. Mais depuis quelques années, on as-siste à un regain d’intérêt pour le terroir qui se manifeste par l’acquisition de terres agricoles et la culture de produits du sol ou la production de viande or-ganiques destinés à la vente. LA SUITE EN PAGE 4
PAGE 5
La vieille Russie vit encore dans ces beaux exemples d’architecture traditionnelle. Suivez notre guide !
À la veille du colloque France-Russie à l’Assemblée nationale, le politologue Arnaud Dubien fait le point sur les relations bilatérales.
Où en est le partenariat ?
PAGE 2
Églises en bois
Contrairement à l’idée reçue d’une Rus-sie jamais remise de sa brutale tran-sition vers le capitalisme, certains pa-ramètres de son économie font des envieux en Europe. En particulier un taux de chômage (4,8%) en baisse, quand la moyenne de la zone euro flirte
désormais avec les 12%. Le chômage est la hantise de nombreux Français, alors qu’un récent sondage indique que ce souci diminue dans l’esprit des Russes. Le marché du travail n’est pas dicté par les employeurs qui, en consé-quence, se plaignent d’une importante
rotation des effectifs et de graves dé-ficits de main d’œuvre qualifiée dans certains secteurs. D’ailleurs, tout n’est pas rose : inégalités et marché noir sé-vissent.
SUITE EN PAGE 3
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ARCHIVES PERSONNELLES
02LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI WWW.LARUSSIEDAUJOURDHUI.FR
EDITION DE ROSSIYSKAYA GAZETA
DISTRIBUÉE AVEC LE FIGARO Politique
LES SUPPLÉMENTS SPÉCIAUX ET SECTIONS SUR LA RUSSIE SONT PRODUITS ET PUBLIÉS PAR RUSSIA BEYOND THE HEADLINES, UNE FILLIALE DE ROSSIYSKAYA GAZETA (RUSSIE), DANS LES QUOTIDIENS INTERNATIONAUX: • LE FIGARO, FRANCE • LE SOIR, BELGIQUE• THE DAILY TELEGRAPH, GRANDE BRETAGNE • SÜDDEUTSCHE ZEITUNG, ALLEMAGNE • EL PAÍS, ESPAGNE • LA REPUBBLICA, ITALIE • DUMA, BULGARIE • POLITIKA, GEOPOLITIKA, SERBIE • THE WASHINGTON POST, THE NEW YORK TIMES ET THE WALL STREET JOURNAL, ÉTATS-UNIS • ECONOMIC TIMES, NAVBHARAT TIMES, INDE • MAINICHI SHIMBUN, JAPON • GLOBAL TIMES, CHINE • SOUTH CHINA MORNING POST, CHINE (HONG KONG) • LA NATION, ARGENTINE • FOLHA DE SAO PAOLO, BRÉSIL • EL OBSERVADOR, URUGUAY • SYDNEY MORNING HERALD, THE AGE, AUSTRALIE • ELEUTHEROS TYPOS, GRÈCE • JOONGANG ILBO, CORÉE DU SUD • GULF
NEWS, AL KHALEEJ, ÉMIRATS ARABES UNIS • NOVA MAKEDONIJA, MACÉDOINE.
EMAIL : [email protected]. POUR EN SAVOIR PLUS CONSULTEZ LARUSSIEDAUJOURDHUI.FR. LE FIGARO EST PUBLIÉ PAR DASSAULT MÉDIAS, 14 BOULEVARD HAUSSMANN 75009 PARIS. TÉL: 01 57 08 50 00. IMPRESSION : L’IMPRIMERIE, 79, RUE DE ROISSY 93290 TREMBLAY-EN-FRANCE. MIDI PRINT 30600 GALLARGUES-LE-MONTUEUX. DIFFUSION : 321 101 EXEMPLAIRES (OJD PV DFP 2011)
Un partenariat à l’abri de l’écueil syrien
ENTRETIEN AVEC ARNAUD DUBIEN
ORGANISATEUR DU COLLOQUE « FRANCE-RUSSIE : LES PERSPECTIVES DU PARTENARIAT STRATÉGIQUE » LE 18 AVRIL À
L’ASSEMBLÉE NATIONALE FRANÇAISE, ARNAUD DUBIEN ÉVOQUE LES PRINCIPAUX AXES DES RAPPORTS BILATÉRAUX
On observe une pause dans les
grands contrats entre la France et
la Russie. Qu’est-ce qui peut relan-
cer la dynamique ?
Je pense que les impulsions doivent désormais venir des grandes entreprises. Mais n’ou-bliez pas que le calendrier des investisseurs ne coïncide pas for-cément avec le calendrier poli-tique. Actuellement, les annonces sont moins spectaculaires, mais c’est aussi dû au fait que les grandes entreprises françaises sont déjà solidement implantées en Russie. L’un des gisements de croissance pour les exportations françaises en Russie réside à l’avenir dans les PME, qui, tra-ditionnellement, suivent le sil-lon tracé par les grands groupes. Les régions russes représentent également un marché très im-portant et encore peu exploré.
Les Français ne peuvent évi-demment pas gagner tous les grands contrats car les Russes mènent une politique prudente qui vise à ne pas placer tous leurs œufs dans le même panier. Des entreprises allemandes, italien-nes, canadiennes ou chinoises remportent également de grands succès. Le contexte politique est plutôt favorable à la France : on observe, depuis l’automne 2012, un sérieux refroidissement entre Moscou et Berlin, et l’Italie n’a pas de gouvernement. Enfi n, les Russes ne travailleront jamais avec les Américains ou les
position syrienne a tué dans l’œuf l’hypothèse d’un compro-mis. À l’inverse, la Russie a fait preuve de bonne volonté sur le dossier malien, dossier moins sujet à controverse mais de la plus haute importance pour Paris. Je peux me tromper, mais le différend sur la Syrie ne pa-raît pas « contaminer » le reste de la relation politique bilaté-rale ni la coopération écono-mique entre nos deux pays.
Comment expliquez-vous la po-
sition antagoniste Moscou sur la
Syrie, qui l’éloigne du camp occi-
dental ?
La position russe est basée sur des principes et non sur de sup-posés intérêts commerciaux ou militaires. Ni la modeste « base navale » russe de Tartus (qui n’en est pas une en réalité), ni les in-térêts économiques bilatéraux ne la justifi ent. Les Russes sont persuadés que les Occidentaux font fausse route et jouent un jeu aussi dangereux qu’incom-préhensible avec les islamistes. L’affaire libyenne a été, vue du Kremlin, un contre-modèle ab-solu. Moscou estime que l’écla-tement de la Syrie aura des conséquences très négatives dans toute la région, avec peut-être des répercussions dans le Cau-case.
Propos recueillis par Paul Duvernet
Moscou, parent pauvre de l’accord sur Chypre
probablement déjà perdus, et que le reste sera sujet à de rigoureux contrôles ».
Pour Valeri Mironov, de l’École Supérieure d’Économie, « si le scénario du pire se réalise (gel des gros comptes, limites sur les transferts de capitaux hors de Chypre), les pertes pour les rési-dents russes pourraient grimper jusqu’à 30 milliards d’euros, soit 1,5% du PIB russe ».
Devant un tel risque, Moscou fait le dos rond et opte pour un certain pragmatisme. Pourquoi
Situation inédite : l’ensemble des Russes, des libéraux aux inter-ventionnistes, des conservateurs aux progressistes, tous se sont emportés contre Bruxelles et Berlin, accusées d’éponger la dette chypriote avec l’argent russe qui s’y trouvait brusque-ment pris en otage.
Pour Natalia Orlova, écono-miste en chef chez Alfa Bank, l’irritation des autorités russes s’explique non seulement par le volume des fonds concernés, mais aussi par l’attitude des Euro-péens. « Moscou s’attendait évi-demment à être préalablement consultée sur cette affaire. La Russie, comme d’ailleurs la com-munauté internationale dans son ensemble, a été mise devant le fait accompli, avec un accord ins-tituant une taxe sur les dépôts [bancaires] », souligne Orlova. Taxe tout à fait inédite par ail-leurs en Europe.
Selon les estimations, l’argent russe placé sur des comptes ban-caires chypriotes s’élève à envi-ron 34 milliards d’euros, soit un tiers du total des dépôts ban-caires de l’île et 90% de ceux réalisés par des étrangers. L’éco-nomiste Anders Aslund estime que près de 3 milliards d’euros venant de comptes russes « sont
munauté d’affaires russes. Inva-riablement depuis dix ans, la mo-deste île méditerranéenne arrive en tête du classement des inves-tissements étrangers en Russie.
Une anomalie qui s’explique facilement : ce sont en réalité des capitaux russes injectés de-puis des sociétés de portefeuille installées à Chypre pour payer moins d’impôts et profi ter d’une juridiction plus libérale. Cet argent fait un mouvement aller et retour, soit in fine un aller simple vers l’île. En 2011, les banques et sociétés russes ont investi directement 22,4 milliards de dollars à Chypre (un tiers du total des investissement russes à l’étranger), tandis qu’au retour, la somme tombait à 13,5 mil-liards. Une partie de la différence s’explique par les dividendes ver-sés aux actionnaires situés à Chypre et qui ne retournent pas dans leur patrie.
Parmi les principales sociétés russes dont les sociétés de por-tefeuilles sont basées dans l’île, on peut citer les quatre princi-paux aciéristes du pays : Severs-tal, MMK, Evraz et NLMK. Des secteurs entiers basent leurs opé-rations dans l’île, comme l’im-mobilier/BTP. Selon Svetlana Kara, partenaire chez Praedium Investment Capital, « autour de 80% des actifs immobiliers russes sont entre les mains de sociétés enregistrées à Chypre ».
Le vice-premier ministre Igor Chouvalov fait valoir que « ce qui arrive est un bon signal pour ceux qui sont prêts à transférer leur capital vers des banques russes, sous une juridiction russe. Nos banques sont très stables ».
un tel revirement ? Selon Oleg Viouguine, président de la banque MDM, « la situation est devenue suffisamment claire pour que la Russie accepte de restructurer son prêt ».
La Russie essuie les plâtres, mais c’est pour la bonne cause : il faut rapatrier les fonds russes opérant depuis Chypre. Il s’agit de « désoffshoriser » l’économie russe, selon l’expression em-ployée par le Premier ministre Dmitri Medvedev. Chypre est le paradis fi scal préféré de la com-
OLGA DORONINALA RUSSIE D’AUJOURD’HUI
Les Russes sont de moins en
moins tolérants envers l’opulen-
ce affichée par certains élus ou
fonctionnaires, et perçue
comme étant en rapport avec
une activité criminelle.
L’étalage de la richesse ? Image de la corruption
Sondage Élus et fonctionnaires mal perçus
naires et les élus sont exclusive-ment guidés par l’enrichissement personnel. De là vient la faible autorité de la Douma. C’est un cercle vicieux : d’un côté, les gens considèrent que les hommes po-litiques corrompus doivent être démasqués, et de l’autre, ils ne croient pas à l’efficacité de la cam-pagne anti-corruption menée par le pouvoir ».
Le directeur de l’Institut de so-ciologie politique, Vyatcheslav Smirnov, estime que ces mêmes fonctionnaires sont dans une grande mesure responsables du du mécontentement grandissant : « Ce ne sont pas seulement les nantis qui sont détestés, mais aussi ceux qui affichent leur ri-chesse. Les fonctionnaires d’État n’en ont pas conscience et ne cherchent pas à cacher leur situa-tion fi nancière ». Le politologue conclut que la quête d’enrichis-sement doit rigoureusement de-venir un facteur d’exclusion de la fonction publique.
Les sondages sociologiques effec-tués en mars par le Centre Leva-da indiquent que seuls 13% des Russes estiment normal qu’un fonctionnaire ou un député soit « riche ». Un tiers des sondés (33%) considèrent cette situation comme mauvaise, alors qu’une majorité (44%) la jugent carré-ment criminelle.
La signification de « riche » dans ce sondage est laissée à l’ap-préciation des personnes interro-gées. L’écrasante majorité (62%) se prononce pour une limitation des revenus des fonctionnaires. Elles sont 20% à se prononcer également pour l’institution d’une limite du patrimoine immobilier, estimant que la possession de biens nuit à l’impartialité.
Selon Denis Volkov, sociologue au Centre Levada, « les citoyens sont convaincus que les fonction-
BIOGRAPHIE
Diplômé de l’Institut natio-nal des langues et civilisations orientales et de Sciences Po-
POSTE : DIRECTEUR DE
L’OBSERVATOIRE FRANCO-
RUSSE
Paris, Arnaud Dubien collabora à l’Institut de relations interna-tionales et stratégiques et fut rédacteur en chef des lettres confidentielles Russia Intelli-gence et Ukraine Intelligence. Il est membre du Club de Val-daï (spécialisé sur la Russie).
Non, il n’y a pas de revirement. C’est vrai qu’il y a eu des inquié-tudes à Moscou (moindres tou-tefois qu’en 2007 lors de l’élec-tion de Nicolas Sarkozy) car les socialistes n’ont pas vraiment montré un grand intérêt pour la Russie au cours des deux der-nières décennies. Le Kremlin, on le sait, préfère la famille gaul-liste et les interlocuteurs qu’il connaît déjà. Mais il y eu des si-gnaux positifs. François Hol-lande a nommé Jean-Pierre Che-vènement – l’un des rares russophiles à gauche – comme envoyé spécial pour la Russie. Le président français a montré, lors de sa visite à Moscou [les 27 et 28 février dernier, ndlr], qu’il mettait l’accent sur la diploma-tie économique.
On a le sentiment d’une bonne vo-
lonté mutuelle dans le domaine
commercial, mais ce n’est pas aussi
évident en matière politique.
La vraie pomme de discorde était et reste la Syrie. C’est le dossier qui cristallise les divergences po-litiques entre Paris et Moscou. Je pensais que la visite de Hol-lande allait permettre de trou-ver un compromis, d’autant que de nombreux dirigeants occiden-taux – y compris à Washington – s’émeuvent de la montée en puis-sance des islamistes sur le terrain. Mais l’annonce toni-truante, dans la foulée, de livrai-sons d’armes françaises à l’op-
Chinois dans des domaines vrai-ment sensibles relevant de la sou-veraineté nationale : le choix de Kourou pour le lancement de Soyouz ou l’achat des Mistral à la France reflètent au fond la conviction que Paris a une poli-tique étrangère et de sécurité in-dépendante, ce qui rend possibles de tels partenariats.
Lors de son passage à Moscou,
François Hollande a déploré que les
investissements russes en France
restent très modestes par rapport
aux investissements français en
Russie. À quoi est-ce dû ?
Tout d’abord, les choses com-mencent à changer. L’acquisition de Gefco par les Chemins de fers russes (RZD) pour 800 millions d’euros crée un précédent. D’autre part, la France n’est pas à la remorque par rapport au reste de l’Europe. Les Russes réa-lisent assez peu d’investissements industriels à l’étranger de ma-nière générale, hors CEI (Com-munauté des États indépen-dants). Il est vrai que la France n’est pas immédiatement perçue comme une terre d’investisse-ments : il faut donc faire de la pédagogie, expliquer par exemple que la France est la première des-tination pour les investissements américains en Europe.
Y a-t-il un refroidissement des re-
lations depuis l’arrivée au pouvoir
de M. Hollande ?
SUITE DE LA PREMIÈRE PAGE
Banques chypriotes
larussiedaujourdhui.
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ALIONA REPKINA
03LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI WWW.LARUSSIEDAUJOURDHUI.FR
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23095
BENJAMIN HUTTERLA RUSSIE D’AUJOURD’HUI
À l’heure où le taux de chômage
enregistre des records en France
et en Europe, le marché du
travail russe a de quoi faire des
jaloux. Les offres d’emploi
progressent, avec des nuances.
Un marché du travail à faire pâlir d’envie les Européens
Emploi La Russie connaît un taux de chômage deux fois moindre
Au bout de quelques jours à Mos-cou, quand un touriste européen a épuisé ses questions sur l’eau du robinet, la situation politique et la profondeur du métro, il en vient à s’interroger sur le taux de chômage.
C’est normal : en France, 67% des personnes interrogées affir-ment en avoir discuté en mars 2013 selon l’Ifop. Chaque mois, les statistiques annoncent une augmentation du nombre de chô-meurs. En février 2013, ils étaient plus de 3 millions dans l’Hexa-gone selon Eurostat, soit 10,8% de la population active. En Es-pagne, c’est pire : le pays compte 26,3% de chômeurs, dont 58,4% ont moins de 25 ans.
En Russie, c’est l’inverse. Selon un communiqué du ministère du Travail le 5 avril, « le nombre de personnes inscrites auprès des ser-vices d’aide à l’emploi a encore reculé de 1,75% en mars, soit une baisse de 19 400 personnes ».
Au total, 1,1 million de Russes sont enregistrés comme chô-meurs – soit trois fois moins qu’en France. Le nombre total de per-
4,8%Selon l’agence de-la statisique Rosstat, 4,8% de la population active serait sans em-ploi en Russie.
2,2%Le nombre d’offres d’emploi a augmenté de 2,2% sur le portail Superjob.ru en mars 2013.
50%La moitié de la popu-lation active travail-lerait au noir, selon la vice-première ministre Olga Golodets.
EN CHIFFRES
sonnes sans emploi en Russie s’élèverait toutefois à 4,3 millions de personnes, soit 4,8% de la po-pulation active, selon l’agence de statistiques Rosstat.
Les indicateurs sont au vert« La Russie est bien sortie de la crise, tant en termes de croissance que sur le marché du travail », souligne Olga Koulaeva, spécia-liste de l’emploi au Bureau de l’Organisation internationale du travail à Moscou (OIT).
« Le taux de chômage avait at-teint son maximum en février
2009, touchant 9,4% de la popu-lation active, soit 7,1 millions de personnes. Fin mars 2012, il était déjà retombé à 6,5%, retrouvant ainsi son niveau d’avant la crise », rappelle-t-elle.
L’offre d’emploi est à la hausse. Le portail Superjob.ru affirme qu’elle a augmenté de 2,2% en mars 2013. Les postes les plus re-cherchés ? Ceux de vendeurs (23,2% des postes vacants), d’ou-vriers dans l’industrie énergétique (8,6%) ou encore dans le secteur de la construction (6,6%).
Mais contrairement à la France où les services à la personne n’ont pas subi de crise, les offres d’em-ploi dans ce secteur sont en forte baisse (-24% en mars).
Les Russes peu angoissésQu’en pensent les principaux in-téressés ? Ioulia, 29 ans, estime que le chômage n’est pas un vrai problème à Moscou.
« J’ai quitté mon poste d’assis-tante de production dans une chaîne de télévision et n’ai eu aucun mal à me reconvertir », té-moigne-t-elle. Un mois après sa démission, elle était embauchée comme directrice de projet dans une galerie d’art. Roma, 42 ans, a déjà travaillé dans trois banques différentes ces deux dernières an-nées, dans les services fi nanciers. « Dans mon entourage, personne ne reste au chômage plus de trois mois », affirme-t-il.
Une atmosphère générale que refl ètent les résultats d’un son-dage mené par le Centre de re-cherche sur l’opinion publique de Moscou (VTsIOM). En décembre 2012, 58% des personnes inter-rogées affirmaient que pendant les deux ou trois derniers mois, aucun de leurs proches n’avait perdu son travail : ils étaient 67% à le dire en mars 2013. Notons qu’ en avril 2011, 51% des per-sonnes interrogées affirmaient dis-cuter du chômage contre 36% seu-lement le mois dernier.
Inégalités et marché noirTout n’est pourtant pas si rose. Car derrière ce faible taux de chô-mage se cachent des inégalités géographiques et un marché noir qui a pris des proportions énormes. Certaines régions ont largement décroché de la locomotive mos-covite.
« Dans le Nord-Caucase, le chô-mage se situe à 14,9% et à 32,3% en Tchétchénie », souligne Olga Koulaeva.
Et si le taux d’emploi apparaît satisfaisant, il pourrait être en dé-calage par rapport à la réalité. « En Russie, la moitié de la popu-lation active travaille au noir », déplorait Olga Golodets, vice-pre-mière ministre, lors d’une confé-rence à la Haute école d’écono-mie le 3 avril.
Selon elle, 86 millions de per-sonnes travailleraient aujourd’hui en Russie, dont seulement 48 mil-lions légalement. « Cela vient du fait que dans de nombreuses ré-gions du pays, il est difficile de trouver un emploi déclaré conve-nable », analyse Olga Koulaeva.
Si le taux d’emploi apparaît satisfaisant, il pourrait cependant être en décalage par rapport à la réalité
EKATERINA KOURKOVALA RUSSIE D’AUJOURD’HUI
Lors d’une réunion le 27 mars à
l’ambassade de la Russie en
France, l’association Dialogue
franco-russe a annoncé la tenue
d’un forum économique consa-
cré aux deux pays en juin 2013.
Les chantiers du « Dialogue franco-russe » Coopération bilatérale Un Forum économique entre autres initiatives visant à rapprocher les communautés d’affaires des deux pays
Priorité au « Grand Paris » et au « Grand Moscou »Le Forum mettra donc l’accent sur le développement des mar-chés fi nanciers et la réglemen-tation bancaire, le commerce et la coopération économique franco-russes ainsi que le par-tenariat concernant les petites et moyennes entreprises (PME).
« Les sujets de discussions ne manquent pas, souligne Vladi-mir Iakounine, co-président de l’association. Le système éco-nomique et fi nancier mondial n’est pas en bon état et jusqu’à maintenant, personne n’a pro-posé de plan pour sortir de cette crise ».
On imagine que l’un des élé-ments clés de ce « dialogue fran-co-russe » concernera la colla-boration autour des projets de « Grand Paris » et de « Grand Moscou », qui visent à trans-former l’agglomération des deux capitales en grandes mé-tropoles mondiales. Les auto-rités moscovites sont particu-lièrement intéressées par l’expérience française en ma-tière d’infrastructures de trans-port et de divers autres secteurs sociaux.
Le chef de l’Union russe des industriels et entrepreneurs, Alexandre Chokhine, y voit l’amorce d’une coopération tou-jours plus étroite.
Selon lui, il convient de trou-ver le moyen de pousser plus loin l’intégration économique des deux pays. « Ce dialogue franco-russe est le premier pas vers un plus grand rapproche-ment », estime-t-il. L’Union russe des industriels et entre-
En général, les relations fran-co-russes sont surtout mises en lumière lors de la signature de gros contrats – ou quand éclatent des conflits géopoli-tiques, ce qui est fort heureu-sement très rare. Au quotidien, des acteurs plus discrets œuvrent pourtant dans l’ombre pour renforcer la coopération entre les deux pays : c’est le cas du Dialogue franco-russe, créé en 2004, qui se présente comme une plateforme ouverte pour la discussion entre les sociétés ci-viles russe et française.
Sa priorité ? Renforcer le par-tenariat économique entre les deux pays. Un forum écono-mique russo-français sera ainsi organisé à Paris, à la veille du G20 de Saint-Pétersbourg en juin.
Objectif annoncé : promou-voir la coopération économique et les investissements mutuels entre les deux pays – une prio-rité rappelée par le président russe et son homologue fran-çais François Hollande lors de leur rencontre à Moscou le 28 février dernier. Vladimir Pou-tine avait alors souligné la baisse du commerce bilatéral entre 2011 et 2012 : « Les ex-perts sont unanimes : ce déclin est principalement dû à la crise de la zone euro ».
Vladimir Iakounine à l’assemblée générale du Dialogue.
cette année, comme l’a deman-dé l’Office franco-russe de la jeunesse à Vladimir Iakounine et au député français Thierry Mariani. L’Office, qui a déjà or-ganisé des camps d’été pour les étudiants au lac Seliger dans la région de Tver en Russie, sou-haite en effet organiser un évé-nement lié à la « jeunesse des régions » pour l’été 2013 : un forum devrait se tenir à ce sujet en août près de Strasbourg, sans que plus de précisions n’aient été apportées à ce stade.
Par ailleurs, le Dialogue fran-co-russe sera l’un des organi-sateurs du Forum international de la jeunesse intitulé « Nou-veaux paradigmes dans le monde de l’éducation : dialogue européen », qui se tiendra les 26 et 27 novembre prochains à Paris. Ce projet a été lancé par le mouvement des jeunes Youth Time pour discuter des valeurs communes et des fondements du système éducatif, deux thèmes aujourd’hui majeurs dans le cadre du Forum écono-mique. Pour 2014, ses organi-sateurs espèrent qu’il acquerra véritablement un statut inter-national.
« Avec ce forum, nous tente-rons de penser l’éducation au-delà de son acception formelle et institutionnelle », déclare Iou-lia Kinash, chef du mouvement de jeunesse Youth Time. « Nous voulons mettre l’accent sur l’éducation en tant que proces-sus continu, quotidien, qui trouve une application dans sa carrière professionnelle mais forme également les valeurs et l’identité de la société ».
Les bases du dialogue posées en 2004
L’association « Dialogue franco-russe » a été créée le 9 décembre 2004 à Paris au cours de la visite du représentant du Gouvernement de la Fédération de Russie Mikhail Fradkov en France. Le président de la Féderation de Russie Vla-dimir Poutine et le président de la République Française Jacques Chirac ont officiellement donné
" Les axes de travail de l’as-sociation sont aussi variés que le sont les relations
entre nos deux pays. Il faut créer les conditions optimales pour développer un partenariat stra-tégique, une coopération indus-trielle, économique et culturelle entre la France et la Russie, mais aussi approfondir nos relations dans le domaine de la science, de la culture, de l’éducation, du tou-risme et du sport".
Thierry MarianiCO-PRÉSIDENT DU DIALOGUE FRANCO-RUSSE
" Le caractère apolitique de notre association favorise la multiplication des pro-
jets. Nous réunissons l’ensemble de la société civile, des hommes d’affaires aux artistes en passant par les universitaires".
ILS L’ONT DIT
VladimirIakounineCO-PRÉSIDENT DE L’ASSOCIATION DIALOGUE FRANCO-RUSSE
Au-delà de l’économie, la jeunesse des deux pays et l’éducation seront à l’ordre du jour d’un forum spécial
leur accord pour que l’activité de l’Association soit placée sous leur propre patronage. L’association a pour but l’encouragement au dé-veloppement des relations de par-tenariat entre les deux pays dans la sphère politique, l’élargissement de la collaboration économique et le soutien aux projets d’envergure d’intérêt public.
preneurs et son homologue français, le MEDEF internatio-nal, ont crée un Conseil du par-tenariat d’affaires qui fait par-tie de l’association Dialogue franco-russe.
Des projets pour la jeunesseAu-delà de l’économie, la jeu-nesse des deux pays ne sera pas oubliée. Côté français, deux ma-nifestations viendront complé-ter le programme d’échanges
SER
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E PR
ESSE
GETTY IMAGES/FOTOBANK
04LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI WWW.LARUSSIEDAUJOURDHUI.FR
EDITION DE ROSSIYSKAYA GAZETA
DISTRIBUÉE AVEC LE FIGARO Économie
La demande prédit un bel avenir aux fermes bio
La situation s’est améliorée : l’agriculture de ferme gagne en popularité et ce sont désormais les fermiers qui appellent Lavka pour proposer des livraisons de produits bio.
M. Akimov affirme que 99% des cultivateurs russes actuels sont d’anciens citadins qui ont quitté la ville pour créer leur propre ferme. C’est le cas de Vla-dimir Lounyachin, de l’oblast de Penza à environ 600 km au sud-est de Moscou : grâce à un prêt de 230 000 euros obtenu de Ros-selkhozbank, la banque agricole, il a construit un restauroute doté de son propre verger de pommes et d’un potager. Les ventes de fruits et légumes permettent de dégager un chiffre d’affaires mensuel d’environ 15 000 euros.
Selon le directeur du Festival gastronomique de Moscou, Igor Goubernskii, de telles réussites pourraient être beaucoup plus nombreuses en Russie où l’on ne compte pour l’instant que 200 initiatives du même type. Le mouvement est freiné par l’ab-sence de normes et d’un vrai sou-tien de l’État.
SUITE DE LA PREMIÈRE PAGE L’un des principaux problèmes
des fermiers concerne le taux élevé des prêts subventionnés : 5 à 6%, contre 2 à 3% en Eu-rope, alors que l’investissement initial dans une ferme peut s’éle-ver à 385 000 euros. Fondateur de l’organisme Ferma at Home, Maxime Livsiun explique qu’un taureau aux enchères pour la re-production représente environ 23 000 euros, soit un coût sem-blable à celui la formation des sols et la préparation à la se-mence de dix hectares.
Il existe pourtant une forte demande de produits agricoles. Le commerce des aliments biologiques se développe sur l’Internet ; les magasins de type Lavka et Priamo s Fermy (« en provenance directe de la ferme »), qui sont devenus des leaders de la filière, ont créé des sites où il est possible de com-mander des produits au produc-teur et de se les faire livrer à do-micile. Les produits fermiers sont aujourd’hui proposés dans les rayons des grandes chaînes d’hy-permarchés et de supermarchés.
Les sondages d’opinion montrent que 60% des résidents
Votre potager bio en ligne !
Le complexe de serres situé dans le village d’Ostrovtsy, près de Moscou, accueille le projet iOgo-rod : n’importe qui peut louer un terrain, puis regarder par web-cam des agronomes profession-nels cultiver les produits qu’ils ont choisis, des tomates aux fraises en passant par la roquette et le basi-lic. La récolte est livrée à domi-
cile par un service de messagerie. iOgorod a opté pour l’agricul-ture biologique : pas d’herbicides chimiques ni de pesticides, de l’eau artésienne pour l’irrigation, et uniquement des engrais natu-rels. Le plaisir est loin d’être bon marché - le loyer mensuel pour six ares est de 150 euros. Cinquante parcelles ont déjà été louées.
des deux capitales que sont Mos-cou et Saint-Pétersbourg sont prêts à payer plus cher pour de la nourriture « naturelle ». Or, un kilo de pommes de terre culti-vé à l’aide d’engrais et de trai-tements chimiques contre la do-ryphore coûte un peu plus d’un
euro, tandis que le prix des pommes de terre « bio », culti-vées sans produits chimiques s’élève à plus de 2 euros le kilo. « Avoir un style de vie sain, c’est un peu la nouvelle marotte des Russes, en particulier dans la ca-pitale, où le niveau des revenus
est plus élevé que dans les ré-gions. Il n’est pas exagéré de dire que c’est cette mode qui a donné naissance à cette agriculture fer-mière. Aujourd’hui, les produits fermiers se trouvent dans toutes les chaînes de magasins à Mos-cou et Saint-Pétersbourg », in-dique un spécialiste qui a sou-haité garder l’anonymat.
Selon l’organisme Ekocluster, le volume des produits biolo-giques vendus en Russie, impor-tés ou produits localement, at-teindra 120 millions de dollars en 2013, soit une hausse de 20% par rapport à l’année dernière. On s’attend à l’avenir à une crois-sance des ventes de produits bio-logiques de 20-30% par an. Un projet de loi du ministère de l’Agriculture prévoit l’homolo-gation des producteurs bio.
60% des habitants de Moscou et Saint-Pétersbourg sont prêts à payer plus cher pour des aliments bio
IOULIA KOUDINOVALA RUSSIE D’AUJOURD’HUI
De passage à Moscou, le
directeur de l’Agence française
pour les investissements
internationaux (AFII), Serge
Boscher, s’est montré optimiste
quant aux perspectives futures.
L’Hexagone ouvre la chasse aux investissements russes
Relations bilatérales Le marché français attire quelques affaires mais reste sous-exploité
« Les entreprises russes créent des emplois en France », martèle Serge Boscher, qui veut tordre de coup à l’idée reçue selon laquelle l’argent russe dans l’Hexagone se limite à l’achat d’immobilier sur la Côte d’Azur. « Une trentaine d’entreprises russes, implantées en France sur une quarantaine de sites, emploient plus de 1 000 salariés ».
La cuvée étrangère 2012 fut ex-ceptionnelle, si l’on en croit les chiffres de l’AFII. « Jamais les Américains ni les Italiens n’ont autant investi en France », se fé-licite le directeur général. Et les Russes ? « 100% d’augmentation, et ils dépassent pour la première fois les investissements indiens ». Mais c’est surtout grâce à un seul très gros investissement : celui réalisé par les Chemins de fer russes (RZD) avec l’achat de 75% de Gefco à PSA pour 800 mil-lions d’euros [notre dernier nu-méro, ndlr]. « Cette acquisition massive aura un effet d’amorçage et devrait conduire les grands groupes russes et même les PME à regarder la France d’un œil plus bienveillant », remarque un di-plomate russe. Reste que RZD est une entreprise d’État.
Pour l’instant, les grands groupes privés russes n’ont pas encore engagé de sommes impor-tantes en France. « Certes, mais
Serge Boscher, directeur général de l’AFII, en visite à Moscou.
EN CHIFFRES
1 000
emplois ont été créés
ou maintenus par la trentaine de sociétés russes implantées dans l’Hexagone.
1,2
milliards d’euros in-vestis par des socié-tés russes en France
au total. Soit un dixième des fonds français investis en Russie.
les grandes sociétés russes n’ont pas encore vraiment de présence globale, répond Serge Boscher. Ces groupes auront justement à cœur d’être présents dans le monde en-tier. Le mouvement d’internatio-nalisation va nous apporter de l’activité ».
L’ambassadeur de France à Moscou Jean de Gliniasty sou-ligne quant à lui la diversifi cation des investissements russes, qui visent désormais les secteurs de l’agroalimentaire (Net Cacao re-pris par ICC Group), du transport (Transaero et RZD) et de l’indus-trie mécanique (reprise de Sambre et Meuse par Ouralwagonzavod).
Le secteur des technologies de l’information, qui attire beau-coup d’investissements étrangers, reste largement ignoré par les sociétés russes. Une exception : celle de Dr. Web, un éditeur d’an-tivirus mondialement connu, ori-ginaire de Saint-Pétersbourg, qui s’est implanté à Strasbourg en 2008. « C’est logique : Strasbourg se situe au cœur des deux prin-cipaux marchés européens, la France et l’Allemagne », re-marque M. Boscher, qui en pro-fi te pour décliner les avantages comparatifs de l’Hexagone par rapport à ses rivaux européens.
« Ce qui différencie la France, c’est sa créativité, sa capacité à innover, son style de vie et le dé-veloppement de l’industrie des services ». Il cite également les autres points forts que sont le crédit d’impôt recherche, la taille du marché et l’accroissement de la population, un coût plus faible de l’électricité et la productivité de la main d’œuvre.
Mais la France fait aussi face à une concurrence accrue. La Russie connaît une croissance bien supérieure à celle des éco-nomies de l’Eurozone, qui se battent pour attirer de l’investis-sement étranger. Et l’Hexagone n’a pas que des avantages. Sur-tout au niveau de l’image. Les médias russes présentent souvent la France comme un pays connais-sant un sérieux problème d’insé-curité, en proie à des grèves in-cessantes et avec un climat politique très agité. Ce sont peut-être des clichés ou des exagéra-tions, mais à l’AFII, on est conscient qu’un important travail de communication s’impose. Et certains problèmes sont tout à fait réels. De l’aveu de Serge Blos-cher, la France « souffre d’une ins-tabilité réglementaire et législa-tive ». Ce qui, soit dit en passant, est un aspect que connaissent mal les hommes d’affaires russes. La législation sociale reste trop com-pliquée et plus rigide que dans les pays concurrents. Sur ce point, le ciel devrait s’éclaircir, selon M. Bloscher : « Nous attendons avec impatience l’accord sur la sécu-risation de l’emploi, en cours de transposition législative, et qui devrait apporter davantage de fl exibilité aux employeurs ».
NATALIA MIKHAYLENKO
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ESSE
05LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI WWW.LARUSSIEDAUJOURDHUI.FR
EDITION DE ROSSIYSKAYA GAZETA
DISTRIBUÉE AVEC LE FIGARO Dossier
PHOEBE TAPLINLA RUSSIE D’AUJOURD’HUI
Rien n’est plus typique de la
Russie traditionnelle, aux yeux
du visiteur étranger, que les
églises et autres édifices en
bois. Mais Dieu sait combien de
temps ils seront préservés.
Les églises en bois, icônes fragiles de la vieille Russie
Tourisme Des banlieues de Moscou aux rivages de l’Arctique, ces joyaux du patrimoine architectural résistent au temps, pour l’instant...
Pour voir de vieilles églises en bois dans les régions éloignées et naturelles avant qu’il ne soit trop tard, Richard Davies, au-teur du livre Églises en bois : voyager dans le Grand Nord russe (mer Blanche), suggère de séjourner dans l’une des villes septentrionales du pays : Arkhan-guelsk, Kargopol ou Onega.
Davies signale qu’il existe un nombre croissant d’hôtels à Kar-gopol, ainsi que d’agences de voyage permettant de louer une voiture et d’accéder plus facile-ment aux églises et villages iso-lés fi gurant dans son livre.
Il recommande également Pe-trozavodsk comme point de dé-part pour visiter les superbes églises de Kiji. L’artiste russe Ivan Bilibine a écrit : « Je n’ai jamais vu une fantaisie architecturale plus frappante que celle de Kiji... Vous ne pouvez pas vous empê-cher de penser que vous êtes vrai-ment sur le seuil d’un royaume de conte de fées ».
Nombre d’églises photogra-phiées par Davies sont situées sur la côte de la mer Blanche ou
en bois restaurés de toute la ré-gion s’étendent sur la rive ma-récageuse de la rivière Volkhov.
On trouve des musées simi-laires à Souzdal et à proximité de Vologda, dans le village de Se-menkovo , ce qui nécessite un court trajet en taxi depuis la ville. Cet ensemble ethno-archi-tectural offre des spécimens de bâtiments en bois des deux der-niers siècles, assortis d’explica-tions en anglais, ainsi qu’un musée vivant du beurre, le tout dans un cadre de prairies en fl eurs où paissent les chevaux.
L’église toujours en service de Saint-Tikhon, dans le cadre at-trayant du parc Sokolniki au nord de Moscou, est d’une archi-tecture complexe. L’édifi ce ac-tuel est une reconstitution d’un bâtiment du XIXème siècle, mais ses poêles en céramique et ses bancs peints lui donnent une ap-parence plus ancienne.
De l’autre côté de la forêt de Timiryazevsky, vous découvrirez l’église en bois de Saint-Nico-las. Calquée sur les dessins du grande architecte « art nouveau » Fedor Chekhtel, elle a été consacrée en 1916, une période délicate pour les édifi ces reli-gieux (à la veille de la Révo-lution).
Nombre des admirables mo-nastères de Moscou comprennent des chapelles en bois, souvent de simples structures recouvrant
le long des fleuves Dvina et Onega. Plusieurs musées d’archi-tecture en bois sont plus acces-sibles. Mikhaïl Milchik, directeur adjoint de l’Institut de recherche de la restauration de Saint-Pé-tersbourg, les juge importants, car ils contribuent à populari-ser la culture populaire, tout en servant principalement de « rap-pel de ce que nous avons perdu ». Il qualifi e l’architecture en bois de « partie la plus originale et la plus unique de l’héritage cultu-rel de la Russie ».
Dans son livre, Richard Da-vies reconnaît l’importance de faire connaître ces beaux édi-fi ces qui ont besoin de restaura-tion et recommande la collection Malye Karely, près d’Arkhan-guelsk. L’église à cinq coupoles de l’Ascension et d’autres joyaux de l’architecture du XVIIème siècle ont trouvé ici un nouveau foyer pittoresque, au prix cepen-dant d’une perte d’authenticité.
Le Musée Vitoslavitsy, près de Veliki Novgorod, présente une autre grande collection dans un cadre évocateur. Les bâtiments
" Les rigueurs du climat du Nord ont produit un envi-ronnement qui exclut ou
réduit la lumière naturelle. D’où l’envie de créer des formes vives qui captent et reflètent la lumière, que ce soit la tour ou les coupoles de l’église, ou la décoration en bois sur la façade d’une maison. Ces formes réaffirment les aspira-tions innées de l’âme”.
IL L’A DIT
William BroumfieldPHOTOGRAPHE D’ARCHITECTURE ET PROFESSEUR
un puits. On en trouve un exemple dans le village de Ko-sino, à l’est de Moscou. La cha-pelle en bois Saint-Tikhon n’a rien de particulier, mais l’atmos-phère de ce jardin reclus au bord du Beloïe Ozero (« lac blanc ») mérite le détour. (Conseil : prendre un bus depuis la station de métro Vykhino puis mar-cher autour du lac).
Des banlieues telles que Kosino se dégage une im-pression de vie villageoise si vous arrivez à ignorer le bruit du périphérique de Moscou, mais pour goûter à la vraie paix en milieu rural, vous devrez vous éloigner un peu plus.
Pour une excursion d’une jour-née depuis M o s c o u , vous pouvez
essayer Mélikhovo, là où Anton Tchekhov avait sa datcha, à quelques pas de laquelle se situe l’église en bois restaurée. Quel que soit le plaisir éprouvé par les visiteurs à la vue de ces constructions, anciennes ou ré-centes, leur intérêt devrait contribuer à attirer l’attention sur le sort de quelques-uns des trésors architecturaux de la Rus-sie, aujourd’hui menacés de dis-parition. Milchik dresse une liste des églises déjà perdues ou sur le point de l’être, symboles de la culture russe en voie de dis-parition et se pose la question, vitale : « Résisteront-elles au temps ? »
La célèbre église de la Transfiguration sur l’île de Kiji.
Des quartiers périphé-riques de la capitale of-frent certains des plus beaux édifices dans un cadre villageois
Voyager dans le
Grand Nord russe
Le livre de Richard Davies, Woo-den Churches - Travelling in the Russian North (Églises en bois - Voyager dans le Grand Nord russe), paru en 2011, est dispo-nible en anglais dans les librairies parisiennes Shakespeare & Com-pany et Galignani.
LORI/LEGION MEDIA
LORI/LEGION MEDIA
06LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI WWW.LARUSSIEDAUJOURDHUI.FR
EDITION DE ROSSIYSKAYA GAZETA
DISTRIBUÉE AVEC LE FIGARO Opinions
Préparé parVeronika Dorman
LU DANS LA PRESSELES ADIEUX À LA DAME DE FER
La mort de Margaret Thatcher, c’est la fin d’une époque. Pour les Russes, celle qu’on a surnom-mée la Dame de fer représentait la première tentative sérieuse de l’Occident de s’entendre avec l’URSS. Sa poigne, son conser-vatisme, son respect des tradi-tions et sa défense acharnée des intérêts de son pays en avaient fait une héroïne naturelle pour un grand nombre de Russes. On considère aussi que son héritage reste palpable à ce jour.
LA PREMIÈRE DES MOHICANS
ÉditorialGAZETA.RU / 08.04
UNE GRANDE DAME
Mikhail Gorbatchev NOVAÏA GAZETA / 09.04
UN CORDE AU COU
Boris MejouevIZVESTIA / 09.04
Les relations amicales entre That-cher et Gorbatchev ont réellement favorisé la « détente des tensions internationales ». Ce qui contraste avec l’influence qu’a pu avoir sur les relations entre les États-Unis et la Russie l’amitié entre George Bush Junior et Vladimir Poutine. La rhétorique diplomatique russe est encore tributaire aujourd’hui du monde créé par Thatcher, entre autres dirigeants des grandes puissances du XXème siècle. Nos fonctionnaires du ministère des Affaires étrangères et le pré-sident lui-même continuent régu-lièrement d’accuser l’Occident de considérer la Russie dans l’esprit de la Guerre froide, en prenant pour acquis qu’elle est terminée.
Pourquoi avons-nous réussi à trouver un terrain d’entente ? Entre autres parce qu’une rela-tion personnelle s’est établie peu à peu, la confiance s’est instaurée. Le plus important est que That-cher n’a jamais remis en cause nos intentions, s’opposant à ceux qui considéraient que la perestroïka n’était qu’une tentative d’« endor-mir la vigilence de l’Occident ». Et pendant l’étape critique de la perestroïka, quand il a fallu entre-prendre des actions réelles pour soutenir les réformes dans notre pays, c’est elle qui a soutenu ac-tivement notre participation au sommet du G7 à Londres et a beaucoup œuvré aux préparatifs de cette rencontre.
Quel rôle a joué Thatcher dans l’histoire des réformes en Russie post-soviétique ? Franchement, un rôle très négatif. L’appel à une privatisation de masse débri-dée, à la dissolution des institu-tions représentatives et au chan-gement constitutionnel, tout cela témoignait d’un terrible manque de tact. En somme, Eltsine a ac-compli ses transformations révo-lutionnaires et libérales conformé-ment aux exigences de la défunte lady. Et les conséquences de ces réformes, profondément néfastes pour la Patrie, nous continuons à les digérer aujourd’hui. Inutile de pleurer Thatcher, elle va continuer à diriger le monde et la Russie de-puis sa tombe.
LES RUSSES NE SONT PAS PRÊTS À LÂCHER DEPARDIEU
Victor
ErofeevÉCRIVAIN
Gérard Depardieu est le premier Français célèbre à avoir pris la nationa-lité russe : une première
historique. Ce geste tout à fait surréaliste est plus profondé-ment sensé... et insensé qu’il n’en a l’air. Pour le comprendre, une immersion dans les tréfonds de l’âme française s’impose. L’âme française, tout comme la nôtre, est contradictoire, mais à sa ma-nière. D’un côté, elle est rebelle, révolutionnaire et caractérielle. C’est une vraie républicaine, à l’image de Marianne. D’un autre côté, l’âme française est ambi-tieuse, jusqu’à l’orgueil, et peut vite tourner à l’égocentrisme, à l’élitisme et au contentement de soi.
Le Français est prêt à défendre les principes démocratiques les plus radicaux, il n’en sera pas moins ravi de se retrouver en compagnie des rois, princes, oli-garques, stars hollywoodiennes et autres personnalités in-fl uentes. Il n’apprécie pas le pou-voir chez les autres, mais son
propre pouvoir lui réchauffe l’âme.
En résumé, le Français est pa-triote lorsqu’il s’agit de défendre son pays si beau, si débordant de richesses artistiques et de so-phistication, mais il devient fou de rage quand la France com-met des impairs, fait des cour-
bettes, par exemple devant les États-Unis, autrement dit, quand elle n’est pas digne de son sta-tut à la fois divin et voltairien.
Depardieu incarne cette tour-mente idéologique. Fils d’un ou-vrier communiste qui écoutait Radio Moscou, il conserve l’image d’une Russie incarnant le mo-dèle du communisme internatio-nal, mue par l’attente d’un bon-heur futur. Le communisme a séduit de nombreuses célébrités françaises, de Picasso à Aragon.
C’était une sorte d’épice rare des-tinée à relever le plat quotidien français.
Aujourd’hui, il n’y a plus que Depardieu pour estimer que la Russie avance en boîtillant vers un avenir meilleur, mais son geste révèle que la France aussi s’est mise à boîter. Elle a élu un
président socialiste et fait le choix de tuer sa poule aux œufs d’or en menaçant d’infl iger aux riches un impôt si élevé qu’il frôle l’absurde.
Les riches se sont affolés, cherchant la fuite dans tous les sens. Depardieu s’est fait prendre dans une affaire fi scale révélant une France qui n’est plus ce qu’elle était. Et l’acteur, fils non seulement d’ouvrier communiste mais aussi de Mai 68, mettant en scène des comé-
dies de mœurs antibourgeoises à souhait, incarnation par ex-cellence de la « francitude », es-prit bohème, joyeux luron, clown de service... bref, le comédien a lui aussi senti que rien n’allait plus dans son pays.
Depardieu s’est affolé et est tombé dans nos fi lets, les fi lets russes. Le Kremlin, justement lassé des discours sur cette classe intellectuelle qui fuit le régime autoritariste et répressif pour se réfugier à l’étranger, a touché le gros lot dans cette histoire.
Depardieu a porté un sacré coup aux médias français, os-tensiblement antirusses. Pensons à ces journalistes qui tournaient en dérision les tentatives (certes souvent drôles) d’une Russie s’ef-forçant de devenir un pays civi-lisé, fervent ennemi du despo-tisme.
Voyons un peu comment les Français perçoivent la Russie. Pour moi, les relations entre les deux pays ressemblent au mille-feuille. La couche du dessus est la moins bonne. C’est la couche politique. La France, malgré des périodes de rapprochement avec la Russie, est toujours encline à la considérer comme un empire despotique et menaçant.
La seconde couche est en contradiction avec la première. Les Français connaissent et ap-précient la culture russe. Voilà pourquoi Depardieu s’est fondé sur la culture, faisant référence, entre autres, à Valeri Guerguiev.
La troisième couche, c’est le mythe éternel de la Russie, avec son folklore, le faste du Krem-lin, le bœuf Stroganoff, le Trans-sibérien, la balalaïka ou les beautés russes en kokochnik tra-ditionnel.
Quatrième couche : la légen-daire hospitalité, l’amitié russe, les toasts et les longs discours, les fi lles faciles. C’est la couche positive, accessible même aux journalistes français.
Mais la Russie, c’est aussi l’an-ti-France, dans le bon et le mau-vais sens. Elle tient non pas sur ses pieds mais sur la tête, comme dans les tableaux de Chagall. Et c’est la raison pour laquelle elle est si attirante.
Si on n’est pas trop regardant sur les apparences, on se trouve face à un succulent gâteau.
Il ne faut pas lâcher Depar-dieu. Peut-être va-t-il nous ame-ner le début d’un nouvel ordre et la découverte du bonheur. Il faut tout faire pour ne pas dé-cevoir notre acteur fétiche, il faut astiquer le pays jusqu’à ce qu’il brille, le tailler, le coiffer, plan-ter des buissons de roses, créer une société civile, lancer dans l’espace un paquet de fusées et de satellites... Sinon, il risque de nous échapper, le bougre !
Victor Erofeev est un écrivain et une figure de la vie intellec-tuelle russe.
Publié dansOgoniok
CORÉE DU NORD : LE JEU ET L’ENJEU
Andreï
LankovPOLITOLOGUE
Un remaniement surpre-nant a eu lieu début avril au sein des plus hautes sphères du pouvoir en
Corée du Nord. Ces derniers jours, l’attention des médias était tout entière focalisée sur l’esca-lade de la tension, ignorant d’im-portants faits nouveaux à l’inté-rieur du pays.
L’an dernier, les hauts respon-sables militaires nord-coréens ont commencé à perdre de l’in-fl uence, sous la pression du Parti du travail. Les autorités ont continué d’apporter un soutien de façade à la politique de Son-gun (doctrine donnant la prio-rité à l’armée), mais les forces militaires ont subi une purge sans précédent.
Des quatre généraux qui es-cortaient la dépouille de Kim Jong-il lors de ses funérailles, trois ont disparu soudainement sans laisser de traces. Le qua-trième a été relégué à un poste civil insignifi ant. De nombreux officiers supérieurs de l’armée nord-coréenne ont été limogés.
L’armée est tombée sous le contrôle de bureaucrates civils. C’est ainsi que Choe Ryong Hae, apparatchik du Parti du travail, s’est vu décerner le titre du vice-maréchal. Choe, un ex-secrétaire de province, est devenu l’officier le plus gradé du parti, devant les militaires de carrière.
Mais la plus grande surprise fut le retour de Pak Pong-ju au poste de Premier ministre. Pak est l’un des auteurs des réformes économiques de 2002 – à ce jour, la tentative la plus radicale de restructurer une économie ana-chronique.
La réaction hostile des auto-rités au « réformisme » de Pak lui a valu d’être écarté en 2005. Il doit son retour à Kim Jong-un.
Que signifient ces change-ments ? Le limogeage des géné-raux mentionnés, considérés
L’apport contradictoire d’un fils d’ouvrier communiste, enfant de Mai 68 et incarnation de la « francitude »
Les relations franco-russes sont comme un mille-feuille dont il faut savoir apprécier les quatre couches
comme des jusqu’au-boutistes, ouvre la voie à des changements et à une tentative d’imiter la Chine.
On dit souvent que des ré-formes économiques en Corée du Nord ne sont pas compatibles avec l’histrionisme du pays sur la scène internationale. Les au-teurs des réformes seront plutôt obligés de trouver un moyen d’empêcher l’émergence d’une opposition active.
Or, il pourrait être logique pour le pays d’attiser de temps à autre les tensions : après tout, rappe-ler « la menace extérieure » tou-jours présente à la population est un bon moyen de la rendre plus docile. En d’autres termes, cette rhétorique du « danger im-minent » est un instrument pour stabiliser l’État.
Selon un autre argument po-pulaire, le sauvetage de l’écono-mie nord-coréenne nécessitera des investissements étrangers importants. Les tensions nuisent donc aux affaires.
Mais de telles affirmations ne se vérifi ent pas nécessairement. L’argent en provenance de la Corée du Sud et des États-Unis pourrait être bénéfi que pour la croissance économique, mais de tels investissements représentent en même temps une menace, car nul doute qu’ils s’accompagne-raient de la diffusion d’informa-tions confi rmant la prospérité de la Corée du Sud. Au cours des premières étapes des reformes, ces données pourraient avoir des effets destabilisants pour Pyon-gyang.
Allons-nous assister à une ré-forme de l’économie nord-co-réenne, combinant une évolution progressive vers une économie de marché avec des tentatives épisodiques d’intimidation ? Il serait prématuré de se ranger aujourd’hui à une telle conclu-sion. Mais celle-ci s’apuie sur une hypothèse qui n’est sans doute pas si improbable qu’on le croit.
Andreï Lankov est un spécia-liste de la Corée.
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Il a quatre ans. De son père, ar-rêté comme ennemi du peuple, il n’a déjà aucun souvenir lorsqu’à son tour sa mère est ar-rêtée comme espionne. C’est à elle qu’Édouard Kotcherguine, devenu un célèbre scénographe, dédie ce récit autobiographique publié soixante ans plus tard.
En 1942, le petit garçon arra-ché à sa famille est évacué du blocus de Léningrad vers la Si-bérie dans un orphelinat-prison pour les enfants des ennemis du peuple. Il ne parle que le polo-nais, la langue de sa mère – il décide de se taire et de se faire si discret qu’on l’appelle le Passe-muraille. Il est chétif et ne peut rivaliser avec les plus forts – il distrait ses camarades en fabriquant des cartes à jouer ou en dessinant avec du fi l de fer le profi l de Staline et de Lé-nine. Il décide en 1945 de s’éva-der pour retrouver sa mère à
CHRONIQUE LITTÉRAIRE
Récit d’un enfant traqué
TITRE : LE BAPTÊME DES BARREAUXAUTEUR : É. KOTCHERGUINEÉDITION : NOIR SUR BLANCTRADUIT PAR JULIE BOUVARD
Saint-Pétersbourg. Commence alors un incroyable périple, avec pour tout bagage, au fond de ses poches, pour gagner sa vie, deux bobines de fi l de cuivre, l’une pour « le Moustachu », l’autre pour « le Chauve ».
Entre cavales et orphelinats, avec la faim et le froid, les auto-rités qui le traquent, les dangers qui le menacent, le voyage dure six ans. Jamais très loin des voies ferrées et des gares où grouille une foule chatoyante et bruyante : soldats estropiés ou valides ren-dus à leur famille ou en partance pour le futur front oriental, femmes qui attendent le retour improbable d’un fi ls ou d’un mari, ouvriers, cheminots, voleurs, per-sonnages cruels et veules, parfois lumineux et bons comme Mitiaï, compagnon d’infortune, comme le Khanty qui lui apprend l’art du feu ou comme Oncle Siao, le Chinois qui l’initie à la technique du pochoir et à l’art du tatouage.
À travers ses yeux d’enfant en cavale, Édouard Kotcherguine donne un témoignage nouveau, étonnant et rare sur la Russie pen-dant la période stalinienne. Tout contribue à donner à ce récit d’ap-prentissage un parfum de liberté qui triomphe du malheur : l’ex-ploit du jeune garçon qui parvient à échapper à l’administration to-talitaire et le portrait des person-nages rencontrés, brossée avec l’acuité espiègle de l’artisan des profi ls en cuivre. Jusqu’à la langue, savoureux idiolecte émaillé de mots d’enfants, d’emprunts à l’ar-got des voleurs et des camps, qui contraste fortement avec la langue de bois emblématique de l’époque.
Christine Mestre
MARIA AFONINALA RUSSIE D’AUJOURD’HUI
Elle a eu droit à sa première
exposition personnelle à
Moscou. C’est une consécration
pour cette designer-graphiste
née en Ukraine et installée
depuis quatre ans en France.
Evgenia Miro, telle une ambassadrice culturelle
Haute couture & design Le style russe de la créatrice plébiscité par les marques de luxe
sins à la plume et au stylo à bille, créés à des moments différents de ma vie. C’est la variété des émo-tions, des voyages, des humeurs. Quand j’ai commencé à travail-ler sur le panneau, le premier bout
« Au début c’était difficile. Je me-nais 15 projets simultanément, en dormant trois heures par nuit ; je devais livrer 15 modèles en un mois et demi, se souvient la créa-trice, vêtue d’une élégante veste bleue. Mais je me suis adaptée ».
Evgenia Miro est venue à Paris sur l’invitation de la maison Her-mès. Alors qu’elle poursuivait ses études artistiques à Londres, elle eut l’occasion de montrer ses es-quisses aux représentants d’Her-mès dans la capitale britannique, et obtint une recommandation pour le siège à Paris. La lettre s’est égarée, mais Evgenia ne s’est pas découragée. Dans les bureaux moscovites de la célèbre maison, ses travaux furent tant appréciés qu’on lui proposa de créer une ligne.
« Pour ce premier contact, on m’a commandé quinze composi-tions sur le thème de la Russie. J’avais très envie de montrer la richesse et la variété de la culture russe et j’ai donc créé quinze lec-tures totalement différentes du thème russe », raconte Miro. Her-mès a ensuite produit des fou-lards dessinés par Miro en huit coloris (« Alphabet russe », « Za-bavouchka »), ainsi que des bra-celets en émail, des broches et de la vaisselle.
Autre thème important : le temps. À propos de son exposi-tion à l’espace artistique Oblaka (« Nuages ») à Moscou où était présenté un grand panneau blanc décoré de motifs sophistiqués, l’ar-tiste explique avoir « dessiné cela pour une amie. Ce sont des des-
Evgenia Miro devant sa réalisation « Un bouquet de Noël ».
L’exposition des œuvres d’Evgenia Miro à l’espace artistique
Oblaka (« Nuages ») à Moscou.
de carton découpé a tout de suite fait naître l’idée de la représen-tation graphique, comme un es-pace concave et convexe. Pour moi, le temps, c’est l’infi ni ».
Evgenia Miro se défi nit comme
une artiste symboliste. « L’homme vit en action dans un mouvement perpétuel, explique-t-elle. Tout est lié au rythme ».
Ses créations pour Hermès sont devenues sa carte de visite en France, mais ses ambitions vont bien au-delà. Miro collabore avec les directions artistiques d’autres grandes marques de luxe fran-çaises (les porcelainiers de Li-moges ou les émailleurs de la maison « Émaux de Longwy »), mais aussi avec Wedgwood en Grande-Bretagne, ainsi qu’avec des maisons italiennes et russes.
Pour l’instant, c’est la France qui lui donne les moyens de ses ambitions. La Mairie de Paris a mis un studio à sa disposition, que la créatrice veut transformer en atelier, « un grand espace blanc offrant plusieurs plans de travail pour mener de front plusieurs pro-jets à la fois ».
ANASTASIA MALTSEVALA RUSSIE D’AUJOURD’HUI
Le jeune artiste (28 ans), qui a
collaboré à la réalisation des
fresques de la cathédrale du
Christ-Sauveur à Moscou, trans-
pose sur ses toiles ses impres-
sions parisiennes – entre autres.
Les associations russes des villes européennes
Peinture Nikita Makarov inspiré par les cités auxquelles sont attachés de grands noms
Esprit éclairé, doté d’un talent inné, Nikita Makarov, issu d’une famille de l’intelligentsia mos-covite, se distingue par son ou-verture au monde, probablement due à une enfance essentielle-ment passée en Europe, plus pré-cisément en Allemagne. Mais l’« âme russe » qui l’habite l’a poussé à revenir faire ses études sur sa terre natale.
Sa personnalité et son œuvre sont imprégnées de littérature russe, en particulier de la période de l’âge d’argent. Il faut dire que certaines de ses aïeules ont été les muses de grands écrivains et représentants de l’élite intellec-tuelle de cette époque, comme Konstantin Balmont et Maximi-lien Volochine.
« Paris me fait songer à Ga-zdanov et Gueorgui Ivanov. L’Ita-lie à Bounine, Hippius, Merej-kovski et bien sûr Gogol.
Le midi chaud à Bari, 2012.
L’Allemagne à Khodasevitch. Ve-nise, c’est Diaguilev, Stravinski, Brodski », raconte l’artiste.
Cette facilité avec laquelle Ni-kita Makarov voyage d’une grande ville européenne à une autre, les appréhendant à tra-vers le prisme de la littérature russe, sans cette naïveté du tou-
riste mais avec cette part d’âme slave, ont donné lieu à l’exposi-tion « L’Histoire de plusieurs villes », présentée au Centre d’éducation esthétique du Muzeïon (Musée des Beaux-Arts Pouchkine) à Moscou.
Les œuvres du peintre sont ac-compagnées de citations d’écri-vains russes : « Il avait l’habi-tude de ces promenades, ces voyages par dessus de la Seine ; il allait plus loin, là où s’éri-geaient ces immeubles austères des quartiers pauvres de Paris, où s’illuminaient les vitres sales des bars misérables, où des gens mal vêtus buvaient leur vin rouge au comptoir de zinc ». Cet ex-trait du roman L’Histoire d’un voyage de Gaïto Gazdanov est accolé au tableau parisien « Rue Saint-Séverin ».
L’exposition révèle l’image que l’Europe a gardée de la Russie de l’époque. Venise se souvient de Diaguilev, Stravinski et Brodski. L’Allemagne, de Kho-dasevitch, l’Italie, de Bounine et du couple Merejkovski-Hippius. À travers les rues et les places de Paris ou les canaux de Venise, les toiles nous invitent au voyage. C’est par des touches hardies que le peintre nous livre les impres-sions recueillies au cours de ses pérégrinations. Mais aussi par des détails pittoresques et tou-chants : les personnages, les bou-quets éclatants, la lumière à tra-vers les cimes des arbres donnent à ses toiles une atmosphère cha-leureuse et chatoyante.
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JOURNÉES DU FILM RUSSE À
AJACCIO
DU 3 AU 5 MAIÉSPACE DIAMANT, BOULEVARD PASCAL ROSSINI, AJACCIO
Dans le cadre des échanges cultu-rels entre la Corse et la Russie, et pour la deuxième année consé-cutive, l’association « Kalinka-Machja » organise à Ajaccio les Journées du film russe. Forte du succès de l’édition 2012 auprès des spectateurs corses, « Kalinka-Machja » reconduit cette manifes-tation qui a pour ambition de faire découvrir à un large public les multiples facettes de la Russie et de l’âme slave.www.cinema-russe-ajaccio.com
NADEJDA GAVRILOVALA RUSSIE D’AUJOURD’HUI
Un vétéran russe de la Seconde
Guerre mondiale, âgé de 94 ans,
a retrouvé, 70 ans plus tard, la
trace de la jeune fille dont il
était tombé amoureux dans la
France occupée par les nazis.
Nikolaï n’a jamais oublié sa « fiancée » française
Histoire Fait prisonnier et envoyé en France par les Allemands, il avait fui, rejoint la Résistance et trouvé l’amour au milieu de la guerre
Dans la petite ville de Berezovsk, non loin d’Ekaterinbourg dans l’Oural, Nikolaï Vassenine habite une maison douillette, entouré de sa famille, ses trois enfants, cinq petits-enfants et sept ar-rière-petits-enfants. Mais cet an-cien combattant de la Seconde Guerre mondiale, âgé de 94 ans, membre de la Résistance fran-çaise et Chevalier de la Légion d’honneur, vit encore avec le sou-venir de la jeune Française dont il était tombé amoureux en 1944.
Le soldat Nikolaï Vassenine qui, à 20 ans, avait déjà partici-pé à la guerre russo-fi nlandaise de 1939, fut fait prisonnier par les Allemands le 6 juillet 1941, près de Minsk. Grièvement bles-sé, il fut envoyé dans un camp de prisonniers de guerre en France. « Là-bas, je creusais des trous destinés à des poteaux té-légraphiques, raconte Nikolaï. Les Allemands construisaient une ligne Paris-Berlin et nous creusions entre les villes : Verdun-Lille-Lyon-St-Rambert-d’Albon. Je me suis enfui avec un cama-rade, nous avons contacté les ma-quisards et fait la guerre avec eux. Mon camarade est mort ».
Le vieil homme se souvient du premier maquisard qu’il rencon-tra, l’arme au poing : Adri Weld, proviseur du lycée local, devenu par la suite son ami. Les résis-tants n’ont pas accepté immé-
diatement le soldat soviétique évadé, qui fut longuement mis à l’épreuve avant de convaincre ses compagnons qu’il ne les trahi-rait pas. Vassenine fi t ses preuves lors d’un long combat au côté des résistants, qui l’affectèrent ensuite à un détachement. « St-Rambert était le point d’ancrage des Allemands, se rappelle le vé-téran. Nous avons fini par le prendre avec notre détachement, et j’ai brûlé un drapeau alle-mand ».
Ses compagnons - Émile Sau-vage, Jean Ray, Jean Banneau et Abel Sivache - lui donnèrent un nom français : Nicolas Boutier. Son détachement, dont il fi nit par prendre le commandement, fut nommé d’après lui « le groupe Nicolas ». À l’arrivée des Alliés, Nikolaï se vit aussi confier le poste de commandant de la ville de St-Rambert-d’Albon.
C’est à la suite d’une blessure que Nikolaï rencontra Jeanne, la fi lle du capitaine Georges Monot. Jeanne était chargée de s’occu-per du blessé, hébergé dans la maison de sa famille. Les soins rapprochèrent les deux jeunes gens. Elle jouait du piano, lui, ne parlant pas français, l’accom-pagnait en fredonnant. La bar-rière de la langue limitait les conversations. « Je ne l’ai jamais appelée par des noms doux. Je n’étais pas si sentimental. Mais elle n’avait pas besoin de mots pour comprendre que je l’ai-mais », s’émeut le vieil homme. Après son rétablissement, Ni-kolaï demanda au capitaine la main de sa fi lle, qui lui fut refu-sée : le prétendant était non seu-lement russe, il était pauvre.
Nikolaï dut rentrer seul au
foyer. Sur ordre de Staline, il fut envoyé en exil pour quinze ans dans la région sibérienne de Tchi-ta. Tel était le sort réservé à tous les citoyens soviétiques qui avaient été faits prisonniers de guerre mais étaient rentrés au pays. Nonobstant leurs exploits militaires, ils étaient accusés d’avoir trahi la Patrie et envoyés dans la taïga, au goulag, pour creuser des carrières, construire des usines, tracer des routes.
Pendant de longues décennies,
Vassenine garda le silence sur ce qu’il avait vécu en captivité et dans les rangs de la Résistance française. Mais sa femme et ses enfants ont toujours su qu’en France, il avait trouvé l’amour. Avant de mourir, son épouse, Zi-naida Vassenina, l’avait aidé dans ses recherches.
Les démarches entreprises pour retrouver Jeanne Monot ont abouti, mais Zinaida est morte avant que les nouvelles n’ar-rivent, il y a quelques semaines.
Le résultat des recherches doit beaucoup au journaliste et his-torien militaire français Laurent Brayard.
Jeanne Monot est toujours en vie. Après le départ de Nikolaï, en 1945, la jeune fi lle avait donné naissance à un garçon, Pierre, qu’elle aurait eu avec un résis-tant français, mort en 1944. Mais Laurent Brayard n’exclut pas que Nikolaï Vassenine soit le père. Jeanne a fi ni par épouser Robert Brunet, résistant lui aussi.
« Aujourd’hui, Jeanne est très malade, et ne se souvient plus de rien, rapporte Brayard. Elle vit dans un établissement spé-cialisé et son fi ls, Pierre Brunet, est son tuteur ». Hélas, Nikolaï ne pourra réaliser son rêve de revoir celle qui aurait pu parta-ger sa vie : l’état de santé des anciens amoureux ne leur per-met pas de voyager et de se re-trouver. Mais rien n’interdit à leurs enfants de nouer entre eux des liens hérités de l’histoire.
1) Nikolaï Vassenine dans sa maison près d’Ekaterinbourg. 2) Une photo du soldat Vassenine en 1939. 3) Le diplôme de la Légion d’honneur
décernée à M. Vassenine.
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