La Russie d'Aujourd'hui

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Ce supplément est édité et publié par Rossiyskaya Gazeta (Moscou, Russie) qui assume seule l'entière responsabilité de son contenu Distribué avec Mardi 29 mars 2011 « Nouveau Drame » sur les planches moscovites Une vague de jeunes dramaturges russes insuffle une nouvelle vie au théâtre. P. 8 Attentat au nom de Pouchkine La parution récente d'un « journal secret » du plus révéré des auteurs russes provoque la polémique. P. 8 IGOR SEDYKH LA RUSSIE D'AUJOURD'HUI La catastrophe de Fukushima au Japon ne remet nullement en cause le programme de développement de l’énergie nucléaire russe, ont fermement indiqué les autorités. Le président Dmitri Medvedev et le premier ministreVladimir Pou- tine ont déclaré que le program- me de développement du nucléai- re ne serait pas interrompu. Poutine a même assuré que cette source d’énergie pouvait être « to- talement sûre » et que « les condi- tions modernes le permettent ». Les leaders russes appellent à une plus grande sérénité face à l’ac- cident au Japon et rejettent les parallèles avec Tchernobyl. « La vague émotionnelle est tout à fait compréhensible, ce qui se passe au Japon est une tragédie immen- se. Mais on ne peut élaborer de stratégie à partir de ce cas », a déclaré Anatoli Tchoubaïs, ancien grand patron de l'électricité russe. Le Kremlin garde foi en l'atome Nucléaire Les autorités russes espèrent continuer à construire et à exporter des centrales nucléaires Le Kremlin a rebaptisé les forces de l'ordre, qui avaient gardé leur nom soviétique. Cette nouvelle loi doit permettre de lutter contre la corruption qui ronge les rangs de la police. La police remplace la milice PAGE 2 PAGE 5 Bolide futuriste Le constructeur de voitures de luxe russe Marussia acquiert un terrain en Belgique pour y assembler des bolides capables de rivaliser en performances avec les Ferraris et Maseratis. Les veuves de rebelles indépen- dantistes du Caucase du Nord se plaignent d'être mises au ban de la société. Leur situation empire alors que les attentats suicides se pour- suivent jusque dans la capitale. Marquées au fer rouge PAGE 3 SUITE EN PAGE 4 VLADIMIR ROUVINSKY LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI Le caviar d'esturgeon est réap- paru dans les magasins russes. Et l’exportation vers l’Europe, interdite depuis 2002, tout comme la pêche à l’esturgeon pour pro- téger l’espèce, est à nouveau auto- risée tout en restant très régle- mentée. Les particuliers n’y sont pas autorisés : « C’est de la contre- bande », avertit un officier des douanes à l’aéroport moscovite Cheremetievo. Un délit passible d’une peine allant jusqu’à six ans de prison. Après la disparition de l’URSS, le commerce du ca- viar était devenu l’apanage des braconniers sur tout le pourtour de la mer Caspienne, région qui alimentait le marché mondial. Conséquence directe : en 2010, la population d’esturgeons était tombée à un quart de sa propor- tion de la fin des années 1980, selon les statistiques du World Wildlife Fund (WWF). L’estur- geon de la mer Caspienne et de la mer d’Azov fut à une époque récente la principale source de caviar noir sur le marché mon- dial. En 2010, la Russie avait déjà autorisé la reprise des exporta- Le discret retour du caviar noir Commerce Les oeufs d'esturgeons russes de nouveau sur les étals tions vers les États-Unis, avant de lever en février dernier l’in- terdiction qui frappait celles vers l’Europe depuis neuf ans. Mais seule la vente du caviar prove- nant de fermes piscicoles, dont le nombre est en constante aug- mentation, est aujourd’hui léga- le en Russie. Ces établissements n’étant pas en mesure de répon- dre intégralement à la demande, la différence est comblée par la contrebande d’esturgeon sauva- ge, même si ce dernier est de plus en plus rare dans les rayons. Il n’y a pas si longtemps, la Russie produisait officiellement près de 15 tonnes de caviar noir par an, mais en réalité, elle en vendait jusqu’à 300 tonnes, a indiqué à La Russie d’Aujourd’hui l’expert Roman Andreïev. Les revenus il- licites de la vente de ce caviar étaient estimés à environ 730 000 euros. La production croissante de caviar d’esturgeon venant de fermes piscicoles réduit le risque d’extinction. Le caviar russe s’exporte à nouveau, mais au compte-goutte. Eruption du volcan Sarytchev, au Kamtchatka. Ce nuage-là n'est pas radioactif, mais il peut perturber la navigation aérienne. PHOTO DU MOIS Belle et menaçante fumée ANNIVERSAIRE Le 12 avril 1961, en poussant un « On y va » exaltant, Youri Ga- garine s’est élancé dans le ciel à bord d’une fusée soviétique pour devenir le premier homme dans l’espace. Par cette journée enso- leillée, le vaisseau Vostok a dé- collé au Kazakhstan à 9:06, em- portant ce fils de charpentier âgé de 27 ans, pour un voyage spatial de 108 minutes autour de la terre, avant de le parachuter sain et sauf dans la région de Saratov. Le vol de Gagarine, motivé par la quête de l’URSS pour prouver sa supé- riorité sur les États-Unis, est de- venu l’un des accomplissements les plus significatifs du XXe siè- cle. 50 ans d'espace Il y a un demi-siècle, Youri Gagarine devenait le premier astronaute, dans ce qui est resté comme la plus grande victoire de la science soviétique. NIKOLAI ALENOV LA RUSSIE D'AUJOURD'HUI SUITE EN PAGE 7 PAGE 6 OPINIONS Remercier au lieu de punir l’opposition L’éditorialiste Maxim Trudo- lioubov critique le raidissement du pouvoir qui, dans son élan modernisateur, serait mieux ins- piré d’utiliser l’énergie réfor- matrice des opposants plutôt que de s'acharner à l'étouffer. SUITE EN PAGE 4 LAISSEZ-NOUS VOUS PRÉSENTER LA RUSSIE ! Mars 29 / Avril 26 www.larussiedaujourdhui.be tous les derniers mardis du mois dans Le Soir MICHAEL GUTERMAN ITAR-TASS GETTY IMAGES/FOTOBANK PHOTOXPRESS PRESS PHOTO LIBRE DE DROIT AFP/EASTNEWS La centrale nucléaire de Kalinine est située à 330 km de Moscou, sur les bords du lac Oudomlia.

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La Russie d'Aujourd'hui est une source d'informations politiques, économiques et culturelles internationalement reconnue. Elle propose une couverture médiatique réalisée sur le terrain par des journalistes possédant une connaissance en profondeur du pays, ainsi que des analystes et un vaste éventail d'opinions sur les événements actuels.

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Page 1: La Russie d'Aujourd'hui

Ce supplément est édité et publié par Rossiyskaya Gazeta (Moscou, Russie) qui assume seule l'entière responsabilité de son contenu

Distribué avec

Mardi 29 mars 2011

« Nouveau Drame » sur les planches moscovitesUne vague de jeunes dramaturges russes insuffle une nouvelle vie au théâtre.

P. 8

Attentat au nom de Pouchkine

La parution récente d'un « journal secret » du plus révéré des auteurs russes provoque la polémique.

P. 8

IGOR SEDYKHLA RUSSIE D'AUJOURD'HUI

La catastrophe de Fukushima au Japon ne remet nullement en cause le programme de développement de l’énergie nucléaire russe, ont fermement indiqué les autorités.

Le président Dmitri Medvedev et le premier ministre Vladimir Pou-tine ont déclaré que le program-me de développement du nucléai-re ne serait pas interrompu. Poutine a même assuré que cette source d’énergie pouvait être « to-talement sûre » et que « les condi-tions modernes le permettent ».Les leaders russes appellent à une plus grande sérénité face à l’ac-cident au Japon et rejettent les parallèles avec Tchernobyl. « La vague émotionnelle est tout à fait compréhensible, ce qui se passe au Japon est une tragédie immen-se. Mais on ne peut élaborer de stratégie à partir de ce cas », a déclaré Anatoli Tchoubaïs, ancien grand patron de l'électricité russe.

Le Kremlin garde foi en l'atomeNucléaire Les autorités russes espèrent continuer à construire et à exporter des centrales nucléaires

Le Kremlin a rebaptisé les forces de l'ordre, qui avaient gardé leur nom soviétique. Cette nouvelle loi doit permettre de lutter contre la corruption qui ronge les rangs de la police.

La police remplace la milice

PAGE 2 PAGE 5

Bolide futuriste

Le constructeur de voitures de luxe russe Marussia acquiert un terrain en Belgique pour y assembler des bolides capables de rivaliser en performances avec les Ferraris et Maseratis.

Les veuves de rebelles indépen-dantistes du Caucase du Nord se plaignent d'être mises au ban de la société. Leur situation empire alors que les attentats suicides se pour-suivent jusque dans la capitale.

Marquées au fer rouge

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SUITE EN PAGE 4

VLADIMIR ROUVINSKYLA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

Le caviar d'esturgeon est réap-paru dans les magasins russes. Et l’exportation vers l’Europe, interdite depuis 2002, tout comme la pêche à l’esturgeon pour pro-téger l’espèce, est à nouveau auto-risée tout en restant très régle-mentée. Les particuliers n’y sont pas autorisés : « C’est de la contre-bande », avertit un officier des douanes à l’aéroport moscovite

Cheremetievo. Un délit passible d’une peine allant jusqu’à six ans de prison. Après la disparition de l’URSS, le commerce du ca-viar était devenu l’apanage des braconniers sur tout le pourtour de la mer Caspienne, région qui alimentait le marché mondial. Conséquence directe : en 2010, la population d’esturgeons était tombée à un quart de sa propor-tion de la fi n des années 1980, selon les statistiques du World Wildlife Fund (WWF). L’estur-geon de la mer Caspienne et de la mer d’Azov fut à une époque récente la principale source de caviar noir sur le marché mon-dial. En 2010, la Russie avait déjà autorisé la reprise des exporta-

Le discret retourdu caviar noir

Commerce Les oeufs d'esturgeons russes de nouveau sur les étals

tions vers les États-Unis, avant de lever en février dernier l’in-terdiction qui frappait celles vers l’Europe depuis neuf ans. Mais seule la vente du caviar prove-nant de fermes piscicoles, dont le nombre est en constante aug-mentation, est aujourd’hui léga-le en Russie. Ces établissements n’étant pas en mesure de répon-dre intégralement à la demande, la différence est comblée par la contrebande d’esturgeon sauva-ge, même si ce dernier est de plus en plus rare dans les rayons. Il n’y a pas si longtemps, la Russie produisait officiellement près de 15 tonnes de caviar noir par an, mais en réalité, elle en vendait jusqu’à 300 tonnes, a indiqué à La Russie d’Aujourd’hui l’expert Roman Andreïev. Les revenus il-licites de la vente de ce caviar étaient estimés à environ 730 000 euros.

La production croissante de caviar d’esturgeon venant de fermes piscicoles réduit le risque d’extinction. Le caviar russe s’exporte à nouveau, mais au compte-goutte.

Eruption du volcan Sarytchev, au Kamtchatka. Ce nuage-là n'est pas

radioactif, mais il peut perturber la navigation aérienne.

PHOTO DU MOIS

Belle et menaçante fumée

ANNIVERSAIRE

Le 12 avril 1961, en poussant un « On y va » exaltant, Youri Ga-garine s’est élancé dans le ciel à bord d’une fusée soviétique pour devenir le premier homme dans l’espace. Par cette journée enso-leillée, le vaisseau Vostok a dé-collé au Kazakhstan à 9:06, em-portant ce fi ls de charpentier âgé de 27 ans, pour un voyage spatial de 108 minutes autour de la terre, avant de le parachuter sain et sauf dans la région de Saratov. Le vol de Gagarine, motivé par la quête de l’URSS pour prouver sa supé-riorité sur les États-Unis, est de-venu l’un des accomplissements les plus signifi catifs du XXe siè-cle.

50 ans d'espaceIl y a un demi-siècle, Youri Gagarine devenait le premier astronaute, dans ce qui est resté comme la plus grande victoire de la science soviétique.

NIKOLAI ALENOVLA RUSSIE D'AUJOURD'HUI

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OPINIONS

Remercier au lieu de punir l’oppositionL’éditorialiste Maxim Trudo-lioubov critique le raidissement du pouvoir qui, dans son élan modernisateur, serait mieux ins-piré d’utiliser l’énergie réfor-matrice des opposants plutôt que de s'acharner à l'étouffer.

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LAISSEZ-NOUS VOUS PRÉSENTER LA RUSSIE !Mars 29 / Avril 26

www.larussiedaujourdhui.be tous les derniers mardis du mois dans Le Soir

MICHAEL GUTERMAN

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SLa centrale nucléaire de Kalinine est située à 330 km de Moscou, sur les bords du lac Oudomlia.

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ET DISTRIBUÉ AVEC LE SOIR Politique & Société

Adieu la milice, bonjour la police et vive la réforme !

ARTEM ZAGORODNOVLA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

La nouvelle « Loi sur la police », entrée en vigueur le 1er mars, prévoit une hausse des rémunérations pour enrayer la corruption et regagner la confiance de la population.

Sécurité Une nouvelle loi (et un nouveau nom) pour lutter contre la corruption

Le policier Mikhaïl Menchenin tente de maîtriser une retraitée âgée de 86 ans qui se débat. Avec son partenaire, il a été appelé par Lud-mila, une assistante sociale que la vieille dame aurait agressée. « Elle est devenue complètement dingue », s’écrie Ludmila entre deux sanglots. Dans le véhicule de police, une fois le calme revenu, le brigadier Men-chenin se réjouit de ce que la vieille dame n’ait pas eu de canne. « Des instruments pareils peuvent ren-dre les personnes dangereuses », affirme-t-il. Les agents Alexander Kuzminov, 23 ans, et Mikhaïl Men-

chenin, 25 ans, patrouillent dans un quartier du sud- ouest de Mos-cou. Ils parlent de leur travail comme d’un sacerdoce mais, en tant que membres de la milice (nom donné à la police par les autorités soviétiques pour la distinguer de la police du Tsar), ils appartiennent à une institution que tous consi-dèrent comme profondément cor-rompue. « J’aime mon boulot. Je fais le bien », assure Menchenin. « C’est dur psychologiquement, mais nous sommes récompensés. Le salaire n’est peut-être pas extraordinaire, mais on reçoit des primes. En don-nant le meilleur de soi-même, on peut s’en sortir ». Menchenin gagne 25 000 roubles par mois, soit en-viron 635 euros, une somme misé-rable pour un homme marié et père d’un garçon de deux ans dans l’une des villes les plus chères du monde.

Les salaires médiocres et le man-que d’avantages sociaux poussent la plupart des policiers à accepter les pots-de-vin qu’on leur propose (ou que certains demandent), et la corruption a sérieusement entaché la réputation des forces de l’ordre. Les Russes sont amers envers leur police. « Qu’est-ce que vous atten-dez de nous avec les salaires qu’on gagne ? », demande Alexeï, lieute-nant de police sur un autre terri-toire. « Les bons policiers n’encais-sent des pots-de-vin que pour des trucs mineurs. Vous savez, quelques roubles pris à un sans-papier, c’est juste histoire de joindre les deux bouts à la fi n du mois ».Des réductions de personnel et des augmentations de salaire ont été annoncées tandis que le projet de « Loi sur la police » était mis en ligne sur la Toile pour être soumis à une discussion publique. Pour ga-gner la confi ance de la population, le président Medvedev a proposé et obtenu la réintégration du nom de « police ».Le texte défi nitif de la loi reprend aussi des suggestions émises par des internautes. La compétence d’un policier sera désormais limi-tée à son périmètre d’intervention, les personnes appréhendées auront droit à un appel téléphonique gra-tuit après leur arrestation et pour-ront garder le silence pour ne pas s’incriminer. Les forces de l’ordre voient aussi certaines de leurs pré-rogatives élargies : elles peuvent désormais accéder aux comptes des entreprises dans des affaires d’éva-sion fiscale et pénétrer chez des particuliers sans leur accord si les circonstances l’exigent. La loi s'applique depuis le 1er mars. Certains législateurs restent scep-tiques tant sur son efficacité face à la corruption que pour son effet sur le mécontentement populaire à l’égard de la police. « À la place d’une nouvelle force de police, nous aurons la même milice avec un autre nom », a déclaré à La Russie d’Aujoud’hui Guennadi Goudkov, le vice-président du Comité de Sé-curité à la Douma (la Chambre basse du Parlement) et membre de Juste Russie, un parti d’opposition. Goudkov a aussi accusé le parti Russie unie, pro-kremlin, de blo-quer toute tentative de mettre la police en quelque sorte « sous tu-telle » : « Nous avions proposé un contrôle public plus conséquent via des organisations de terrain. Nos propositions ont été rejetées ».

Kuzminov et Menchenin portent l'insigne avec dignité, malgré une maigre rémunération.

EN CHIFFRES

840euros : c’est le montant du sa-laire mensuel

qu’un lieutenant de la police russe devrait percevoir une fois la réfor-me totalement mise en œuvre.

10% des citadins russes seu-lement ont

confiance en la police, selon un sondage du centre Levada.

60% des citoyens russes se dé-clarent insa-

tisfaits du travail de la police, indi-que le même sondage.

''J’approuve vivement cette loi qui répond aux normes internationales.

Je me réjouis également du fait que le gouvernement russe […] ait pris en compte l’avis de la société civile lors de son élaboration »

ELLE L’A DIT

Navi PillayHAUT COMMISSAIRE DE L’ONU

AUX DROITS DE L’HOMME

L'économiste Rouslan Grin-berg analyse les victoires et les échecs de l’instiga-teur de la pe-restroïka et de la glasnost.

" Une sorte de miracle s'est produit avec Gorbatchev "

N'exagère-t-on pas souvent le rôle de Gorbatchev dans l’histoire ?Avant Mikhaïl Gorbatchev, aucun des dirigeants n’avait même à l’es-prit d’entamer des changements démocratiques aussi radicaux. Quand Gorbatchev est arrivé, une sorte de miracle s’est produit. Il a proposé d’allier le socialisme à la liberté. À l’époque, la liberté de parole n’existait que dans les cuisines. Et tout à coup, le Secré-taire général en personne décla-re que les changements démocra-tiques sont indispensables et dans l’économie, et dans la politique. De toute évidence, à contre-cou-rant de l’instinct de préservation du pouvoir.

ENTRETIEN AVEC ROUSLAN GRINBERG

Ou au contraire, de peur de tout perdre…C’est encore une erreur tenace de notre intelligentsia occidentalis-te. Gorbatchev aurait lancé la pe-restroïka par crainte des vastes programmes militaires occiden-taux. Et c’est à cause de cette peur que les dirigeants soviétiques, conscients de l’incapacité de l’URSS à une riposte adéquate, auraient eu besoin de démocra-tiser le pays. Étrange logique. Dans une telle situation, le Kremlin aurait plutôt eu intérêt

à suivre un chemin sûr : toujours plus de mobilisation des ressour-ces, durcissement de la discipli-ne, renforcement de la centrali-sation. Autre erreur : la perestroïka et son leader, Mikhaïl Gorbatchev, ont détruit l’Union soviétique. En réalité, en réformant un état unitaire, il n’aspirait qu’à le transformer en véritable fédé-ration, un alliage organique d’un centre fort et d’une grande auto-nomie des républiques uni-fi ées.

" Les droits de l’homme en Russie ? Il y a des droits, mais il y a des problèmes.

C’est un indicateur de l’état de notre démocratie. Nous n’avons parcouru que la moitié du chemin. "

IL L'A DIT

Mikhaïl Gorbatchev

Mais l’Union s’est tout de même écroulée…On peut reprocher à Gorbatchev d’avoir sous-estimé les consé-quences de la prise de conscien-ce nationale dans les républiques. L’agitation populaire a fait mon-ter à la surface de la vie publi-que toutes sortes de préjugés na-tionalistes, dont les hauts fonctionnaires des républiques ont su faire usage pour accéder au pouvoir. Gorbatchev s’inquié-tait justement des conséquences de la dislocation. Son grand mé-rite est d’avoir ouvert les vannes pour des changements systémi-ques. En initiant l’abolition de l’article 6 de la Constitution so-viétique ¨ [système de parti uni-que, ndlr], il a inauguré la com-pétition politique dans le pays. C’était un moment de rupture dans l’histoire. En tant que poli-ticien, il a perdu à cause de ses propres erreurs de calcul mais surtout à cause des égarements massifs de l’opinion. Il prenait des coups de tous les cotés, des occi-dentalistes comme des slavophi-les. Le peuple voulait « tout, tout de suite ». Bref, à la fi n de 1991, il s’est retrouvé presque totale-ment isolé politiquement.

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Propos recueillis parElena Koukol

Étienne Mougeotte

DIRECTEUR

DES RÉDACTIONS

LE FIGARO

Nora Fitzgerald

RÉDACTRICE DE

"RUSSIA NOW" À

WASHINGTON

ILS PARLENT DE NOUS

Eugène AbovDIRECTEUR DE LA PUBLICATION

Chers lecteurs, Vous avez entre les mains le premier nu-méro de La Russie

d’Aujourd’hui que vous trou-verez désormais tous les der-niers mardis du mois dans votre journal Le Soir. La Belgique est le 12e pays à rejoindre notre projet de sup-pléments sur la Russie, lus de-puis 2007 par les lecteurs du Washington Post au États-Unis, du Daily Telegraph en Grande-Bretagne, du Times of India en Inde, du Figaro en France, du Süddeutsche Zeitung en Allemagne, de La Repubblica en Italie, de Cla-rin en Argentine, de Folha au Brésil, etc. Nous sommes heu-reux d’ajouter Le Soir à cette liste. Notre objectif est de présen-ter au lecteur belge la Russie contemporaine dans toute sa diversité. Comme toutes les économies émergentes, le pays

continue d’affronter des défi s et des problèmes non résolus, que nous ne voulons ni édul-corer ni dissimuler. Dans les pages de La Russie d’Aujourd’hui, vous lirez des articles de journalistes et des opinions d’auteurs indépen-dants sur les changements que subit la Russie actuelle-ment, sur la place qu’elle oc-cupe dans la nouvelle réalité géopolitique ; sur les problè-mes de la société civile aussi bien que les idées innovantes et les personnalités talentueu-ses ; sur l’art contemporain russe et l’art de vivre. Vous trouverez encore plus d’information sur la Russie sur notre site larussiedau-jourdhui.be.Nous serons heureux de re-cevoir des conseils, des avis et des commentaires de votre part à l’adresse [email protected]. Bonne lecture !

Ce partenariat est très impor-tant pour Le Figaro, parce que c'est un partenariat entre un grand journal russe et le plus grand quotidien français. D'en-trée de jeu, le supplément était de bonne qualité et ce qui est

important c'est que cette qua-lité demeure, il y a vraiment à travers les journalistes qui font les articles de La Rus-sie d'Aujourd'hui un niveau de compétence, d'expertise, de professionnalisme qui font que c'est à chaque fois un nu-méro de très bonne qualité. Je suis heureux de voir que ce niveau est maintenu au fil des numéros.

J'avoue avoir d’abord été scep-tique sur ce projet. J’avais peur que Moscou décide d’écrire sur « la Russie telle qu’on aimerait qu’elle soit », par opposition au pays tumultueux que j’avais ap-pris à aimer. Mais nous avons

depuis publié des sujets forts et courageux sur le système des prisons en Russie, l’adop-tion des enfants russes et les routes de la drogue venue d’Afghanistan. Nous avons parlé de villes en mutation et du boom économique. Nous avons ouvert nos colonnes à des vedettes littéraires comme Dmitry Bykov, mais aussi à de jeunes talents méconnus.

LE MOT DU DIRECTEUR

CE SUPPLÉMENT DE HUIT PAGES EST ÉDITÉ ET PUBLIÉ PAR ROSSIYSKAYA GAZETA (RUSSIE), QUI ASSUME L’ENTIÈRE RESPONSABILITÉ DU CONTENU. SITE INTERNET WWW.LARUSSIEDAUJOURDHUI.BE EMAIL [email protected] TÉL. +7 (495) 775 3114 FAX +7 (495) 9889213 ADRESSE 24 / 4 RUE PRAVDY, ÉTAGE

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L'ANCIEN SECRÉTAIRE GÉNÉRAL A 80 ANS ET RESTE ENGAGÉ

" Au parlement, le parti Russie unie s’est emparé du pouvoir. Mais son mo-

nopole empêche les processus démocratiques de se développer. Russie unie me rappelle une mau-vaise copie du PCUS."

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ANNA NEMTSOVALA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

Associées aux « veuves noires » après les attentats suicides à Moscou l’an dernier, les musulmanes russes subissent une énorme pression sociale.

Attentats Les veuves de rebelles indépendantistes souffrent d’être stigmatisées

défenseurs des droits de l’homme. « Votre maison est mise à feu, et vous disparaissez avec votre fa-mille », accuse Tatiana Lokchina, de l’ONG Human Rights Watch à Moscou. « Ces méthodes bruta-les et l’absence de liberté d’opi-nion et de liberté de culte poussent les jeunes vers la clandesti-nité ».Lokchina explique que lorsque la police a communiqué au journal la liste des dites « veuves noires », personne ne s’est soucié des droits de ces femmes, ni des conséquen-ces qu’un tel étiquetage aurait sur leur vie. Ce n’était qu’une tacti-que destructrice de plus dans un « sale confl it ». En 2010, le Daghestan avait le triste privilège de compter le plus grand nombre de victimes d’ac-tes terroristes : 68 personnes tuées et 195 blessées dans 112 attentats, dont cinq commis par des kami-kazes. L’organisation Human Ri-ghts Watch y a enregistré 20 en-lèvements et huit assassinats de fondamentalistes musulmans par la police, au deuxième semestre 2010.Guennady Goudkov, le président du Comité de la sécurité de la Douma, estime que les législateurs ont besoin de prérogatives sup-plémentaires pour superviser la lutte anti-terroriste, le pré carré des services de sécurité. « Nous, les députés, n’avons actuellement pas le droit d’enquêter sur le tra-vail du Comité, leurs méthodes sont classées ‘top secret’ », regret-te-t-il.

Zaira a récemment accouché d’un garçon. Mais hormis ses proches, les gens ne voient en elle qu’une tueuse potentielle et non une mère. La dernière fois qu’elle est allée faire des courses, raconte-t-elle, des gens l’ont montrée du doigt en lançant : « Voici venir la mar-tyre ». La jeune femme avoue qu’elle pré-fère rester chez elle, plutôt que d’affronter les regards accusateurs des inconnus dans cette région largement musulmane de la Rus-sie méridionale. Le cauchemar dans lequel est plongée Zaira a commencé au printemps 2010, quand deux fem-mes, également originaires du Da-ghestan, se sont fait exploser dans le métro de Moscou, tuant 40 per-sonnes et en blessant plus de 100 autres.Leur principal point commun avec Zaira ? Elles sont toutes trois des « veuves noires ». Leurs époux ont été tués en combattant les forces russes dans le Caucase du Nord. Parmi les kamikazes qui ont at-taqué Moscou ces dernières an-nées, fi gurent nombre de ces « veu-ves noires », ainsi les médias russes les ont baptisées. Après l’at-taque du métro, le quotidien po-pulaire Komsomolskaya Pravda n’a pas fait dans la dentelle en publiant les photos de 22 « veu-ves noires », réelles ou potentiel-les, et des informations person-nelles les concernant, comme leur lieu de résidence. La photo de Zaira y fi gurait.« C’est scandaleux de m’avoir in-cluse dans cette liste ! », s’insurge la jeune femme. « Si j’avais voulu commettre un attentat terroriste, je ne vivrais pas au vu et au su de tous dans la capitale du Da-ghestan. Je n’aurais pas envoyé mon fi ls à l’école ».Durant les dix dernières années, les services de sécurité russes ont eu tendance à faire un amalgame entre terroristes et musulmans fondamentalistes. Pour réprimer le mouvement indépendantiste et leurs bandes armées, les forces de l’ordre utilisent plus souvent qu'à leur tour des tactiques brutales régulièrement dénoncées par les

Le Daghestan détient le triste record des attentats terroristes : 68 personnes assassinées en 2010.

Zaira, ici en train de prier, craint quotidiennement pour sa sécurité.

Suffit-il de résoudre les problèmes

économiques pour mettre fin au

terrorisme dans le Caucase ?

Personne ne peut gagner cette guer-re tant qu’elle sévit au Moyen-Orient. Le terrorisme auquel nous avons af-faire n’est pas un phénomène russe, mais une menace internationale. Les terroristes caucasiens sont soutenus par les pays du Moyen-Orient.

Quelles sont vos priorités ?

La lutte antiterroriste. Nous conti-nuerons à détruire les nids de la guérilla, les personnes et les orga-nisations qui les financent. Notre troisième but est de combattre la corruption et surtout de créer des emplois. Nous allons créer des pos-tes dans le tourisme, la construction, l’agriculture et l’énergie. Quelle est votre date butoir ?

Nous projetons de créer 400 000 emplois d’ici à 2025. Je sais que ça paraît ambitieux, mais nous sommes déterminés à faire de notre mieux et à y parvenir. Nous prévoyons que 30% des investissements vien-dront du secteur privé, contre 70% de l’État.

ENTRETIEN AVEC ALEXANDRE KHLOPONINE

Comment sauver le Caucase ?Alexandre

Khloponine,

le représen-

tant du gou-

vernement

fédéral dans

le Caucase

du Nord.

Marquées au fer rougedu soupçon terroriste

OLGA RAZUMOVSKAYATHE MOSCOW TIMES

Personne ne sait au juste combien d’indépendants travaillent en Russie. Une chose est sûre : le nombre de consultants et d’intérimaires grimpe à toute allure.

Les professions libérales ont le vent en poupeEmploi La libéralisation du marché du travail stimule l'apparition d'entrepreneurs individuels

petite fraction de mon salaire à l’université, dit Polina. Le tra-vail indépendant est aussi une façon de m’exprimer ». Selon Denis Strebkov, sociolo-gue à la Haute École d’Écono-mie (HEE), parmi les 70 millions d’actifs en Russie, 500 à 600 000 sont indépendants à temps plein, soit trois fois plus qu’avant la récession de 2008. Cette propor-tion de 1% des travailleurs qui considèrent le travail indépen-dant comme principale source de revenus est faible comparée aux 30% enregistrés aux États-Unis et en Europe. Selon la HEE, 50% d'entre eux gagnent jusqu’à 660 euros par mois, 30% entre 650 et 1300 euros et 20% gagnent davantage. Beaucoup se défi nis-sent comme des « artistes li-bres ».

également 18% des étudiants, 8% des entrepreneurs et 5% des fem-mes au foyer. Cette liberté a un prix : l’insta-bilité des revenus. Les délais de paiement peuvent être longs et les impayés fréquents. Et si en Belgique, le statut des « auto-entrepreneurs » fi xe les impôts et charges sociales qui leur in-combent, les indépendants rus-ses peinent à légaliser leur ac-tivité. Ils sont peu à payer leurs impôts ou à savoir que le sys-tème fi scal prévoit une taxe ré-duite à 6%. « Même si de nom-breux indépendants craignent les autorités fi scales, la plupart ne se déclarent pas, précise Streb kov. Cette peur se nourrit du refus des Russes de perdre du temps avec la bureaucra-tie ».

Polina Greus, jeune chercheuse en économie à l’Université d’État de Moscou, est devenue artisane indépendante par hasard en en-trant dans un magasin de jouets. Elle est tombée sur une annonce proposant des cours de fabrica-tion de poupées. Aujourd’hui, il lui faut deux semaines environ pour fabriquer une poupée, en travaillant de 9 à 17 h. Cette ac-tivité de travailleur indépendant complète agréablement ses reve-nus. « Ce n’est qu’une toute

Les sociologues eux, les désignent comme des « êtres nocturnes » car ils travaillent souvent l'après-mi-di et la nuit. En outre, ils sont 22% à être totalement indépendants en Russie, alors que 44% continuent à occuper par ailleurs un poste à plein temps, selon l’étude de Streb-kov publiée l’an dernier par la HEE en coopération avec freelan-ce.ru. Ce deuxième cas concerne

Polina Greus, avec une poupée de sa création.

CHIFFRE - CLÉ

500 à 600 000 Rus-ses travaillent à leur compte à

plein temps, une proportion qui a triplé depuis 2008 et qui représen-te désormais 1% des actifs.

SPORTLES JEUX OLYMPIQUES DE SOTCHI ONT TROUVÉ LEURS MASCOTTES

ques auront deux logos, un rayon de soleil et un flocon de neige, choisis par des champions para-lympiques. Les auteurs des idées retenues ont reçu une invitation à la cérémonie d’ouverture des Jeux. Le léopard a été proposé par un habitant de Nakhodka (extrême-orient russe), l’ours blanc par un résident de Sotchi et le lièvre par un habitant de Tchouvachie (cen-tre). Les logos des Jeux Paralympi-ques ont été proposés par un Mos-covite et un Pétersbourgeois.

EN BREF

RIA NOVOSTI

Les JO d’hiver 2014 auront trois mascottes : un ours blanc, un liè-vre et un léopard. C’est la déci-sion prise fin février par le jury du scrutin organisé en direct sur la première chaîne de télévision. Plus d’un million de Russes ont voté par sms et chaque mascotte a été soutenue par une personna-lité russe au cours de l’émission. Seul Ded Moroz, le Père Noël rus-se, s’est retiré de la compétition, préférant rester le symbole d’une autre fête. Les Jeux Paralympi-

ÉDUCATIONUNE UNIVERSITÉ RUSSE PARMI LES MEILLEURES DU MONDE

SANTÉTESTS OBLIGATOIRES POUR DÉPISTER LA DROGUE À L’ÉCOLE

Dès la rentrée prochaine, les ly-céens et collégiens russes seront soumis à un dépistage toxicologi-que intégré à leur visite médicale annuelle. La mesure a déclenché une polémique qui porte notam-ment sur le caractère obligatoire ou facultatif de ces dépistages. Les modalités du test restent floues, mais il devrait être couplé aux analyses de sang lors de l’examen médical. Un écolier pourra toujours refuser le prélè-vement sanguin mais sera alors

rang d’une liste illustrant l’hégémo-nie des établissements américains, qui occupent 45 places du classe-ment, dont 7 des 10 premières. Cette domination est due à la fuite des cerveaux vers l’Amérique de-puis la Russie comme de l’Europe, estime Alexeï Fedorov, vice-prési-dent d’un fonds de soutien à la for-mation. Le recteur de MGU, Victor Sadovnichii, a salué la reconnais-sance que les « professionnels de la sphère académique mondiale » ont accordée à son université.

soumis à un contrôle spécial, selon la logique voulant qu’un refus est souvent un aveu de consommation. L’objectif de la mesure est de dé-pister au plus tôt d’éventuelles dé-pendances pour mieux les traiter. Les autorités sanitaires comptent aussi sur son effet dissuasif chez les jeunes. L’enjeu est capital : la consommation de drogue concerne 5 millions de personnes en Russie, dont une sur cinq a entre 11 et 24 ans, et elle cause chaque année 100 000 décès.

L’Université d’État de Moscou, connue sous le nom de MGU, vient pour la première fois d'ap-paraître dans le classement mon-dial des universités dressé par l’hebdomadaire British Weekly’s. Ce palmarès de référence des 200 premières institutions de la planète, établi à partir d’un son-dage réalisé auprès de 13 000 universitaires du monde entier, n’avait inclus aucun établissement supérieur russe l’an dernier. MGU se classe cette année au 33ème

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Le discret retour du caviar noir sur les tables

Dorénavant, Rosrybolovstvo (l’Agence fédérale pour la pêche de la Fédération de Russie) est autorisée à exporter vers l’Europe 2,5 tonnes de caviar noir par an. Un niveau dérisoire quand on sait que l’Union soviétique en fournis-sait jusqu’à 1 500 tonnes aux pays européens. Moscou mise sur l’éle-vage d’esturgeons pour reconqué-rir ses positions perdues. Le prix est une arme : le caviar issu de l’aquaculture russe vaut 730 euros le kilo, environ un tiers de celui de la variété européenne. Malgré tout, le caviar russe "légal" doit encore arriver en Europe. Même la Chine, qui s'est lancée dans l'ex-portation de caviar noir d'élevage l'année dernière, ne peut s’aligner sur des prix aussi modérés.Le problème, explique le restau-rateur et traiteur Arkady Novikov (Russia Caviar House), c’est que la Russie n’a pas encore signé le document européen réglementant les produits de l’aquacultu-re : « Faute de cela, pas une seule compagnie russe ne peut fournir de caviar en Europe » . La signa-ture et la conformité aux normes européennes seraient la suite lo-gique à la levée de l’interdiction des exportations.

En 2002, la Russie avait mis fi n aux exportations de caviar noir, avant d’étendre cette interdic-tion un an plus tard à la pêche à l’esturgeon. Mais le prin-cipal débouché commer-cial du braconnage res-tait ouvert : l’ensemble de la marchandise confisquée pouvait être écoulé légalement au prix de revente au détail. Cette lacune a été corrigée en 2007 : le gouverne-ment a ordonné la destruction de l’intégralité du caviar confi s-qué aux braconniers. En 2009, la pêche à l’esturgeon en mer Caspienne a été décrétée hors-la-loi. Résultat : la vente de caviar de contrebande a chuté. L’élevage a progressivement pris la relève du braconnage et la forte croissance de la demande a conduit à la multiplication des fermes piscicoles. Le caviar issu du braconnage bé-néfi cie d’une « protection » de la part des autorités locales, affir-me Alexeï Vaïsman de WWF Rus-sie. Même en comptant les pots-de-vin versés aux fonctionnaires, le coût de production d’un kilo de caviar noir de la Caspienne, selon Roman Andreïev, reste en dessous de 35 euros, alors que sur les marchés, il en coûte au moins 1 100. L’expert estime que la production des fermes pisci-coles russes, qui avoisinait 2,6 tonnes de caviar noir, aurait aujourd’hui triplé pour se situer entre 6 et 7 tonnes.

Le braconnage profite parfois d'une protection des autorités locales.

2,5tonnes de caviar pourront être expor-tées vers l'Europe

chaque année par l'agence Rosry-bolovstvo, alors que l'URSS en fournissait jusqu'à 1500 tonnes.

CHIFFRE-CLÉ

Mettre fin à la contrebande est dif-ficile car la pratique s’appuie sur une situation économique très pro-blématique. Au Daghestan et en Kalmoukie (les deux principales ré-gions touchées par la contreban-de), le taux de chômage est très élevé et la pêche est l’une des res-sources principales de la popula-tion. Les braconniers peuvent au moins faire vivre leur famille et ils n’ont souvent pas d’autre choix pour échapper au chômage. Favo-riser l’élevage d’esturgeons est une

Une passerelle belge vers l'Europe

Quels autres secteurs de l’économie russe vous intéressent ? Le transport et la logistique. La construction du terminal gazier et pétrolier devient peu à peu une réalité. Je citerai également l’in-dustrie pharmaceutique et l’in-dustrie du diamant.

Cherchez-vous des investissements russes en Belgique ? Durant notre visite, nous avons l’intention de promouvoir la Bel-gique en tant que centre d’inves-tissement. Une entreprise qui a du succès en Belgique cherchera à pénétrer les marchés étrangers. Pour les entreprises russes, il ne s’agit pas seulement de pénétrer le marché belge, mais d’avoir accès à toute l’Europe.

Sur ce point, quels problèmes ma-jeurs rencontrez-vous ?Nous recevons des plaintes concer-nant les barrières non tarifaires en Russie. J’ai dit à mon homo-logue Sergueï Lavrov que dans certains secteurs, les entreprises belges étaient aptes à fournir des prestations de meilleure qualité à un coût moindre, et que nous étions surpris qu’on ne leur donne pas cette chance. Actuellement, il existe encore des barrières admi-nistratives, des problèmes liés à la corruption, des difficultés au niveau des autorités locales…

Une délégation de 300 socié-tés belges et plusieurs ministres doivent arriver début avril à Mos-cou et Saint-Pétersbourg. Qu’at-tendez-vous de cette mission ?Nous voulons savoir quels sec-teurs seront les plus propices au développement de nos relations commerciales. Sur la liste des pays partenaires leaders en ter-mes d’échanges commerciaux, la Russie se situe à la 17ème place. Et elle occupe la 12ème place des principaux pays ex-portateurs vers la Belgique. Ces deux chiffres peuvent être en-core améliorés.

Quels domaines de coopération constituent une priorité pour la Belgique ?Bon nombre de ces 300 entre-prises exercent dans le BTP. Nous voulons participer à la Coupe du Monde de football de 2018. Le secteur de l’innovation occupe également une place im-portante dans nos relations.

Le Vice-Premier ministre et ministre des Affaires étrangères belge Steven Vanackere.

ENTRETIEN AVEC STEVEN VANACKERE

SUITE DE LA PREMIÈRE PAGE

PAROLE À L'EXPERT

La solution de l'élevagesolution envisageable, permettant de faire un pas vers la restauration de la population d’esturgeons en conditions naturelles. Dans le com-merce, on remplace le caviar issu du braconnage par du caviar d’éle-vage, et plus les exploitations sont grandes, moins les prix sont éle-vés, rendant le braconnage moins lucratif. Mais existe aussi le risque, en cas d’inondations par exemple, que les alevins, accidentellement libérés, menacent les populations naturelles. Les élevages utilisent en effet des formes hybrides qui, si el-les se mélangent aux esturgeons sauvages, peuvent détruire les gé-notypes des variétés indigènes.

Alexeï Vaïsman

EXPERT DE WWF RUSSIE

Pavel Tarasenko, Kommersant

Le Kremlin s'accroche à l’énergie nucléaire

Russie a été gelée. La « Renais-sance atomique » a commencé au milieu des années 2000, avec l’adoption du programme pour le développement du nucléaire, qui prévoit que le nombre de réac-teurs passera des 32 actuels à 58, en 2025, tandis que la part du nu-cléaire dans la production éner-gétique augmentera de 16 à 25%. Les experts justifi ent la nécessi-té de construire de nouvelles cen-trales par le manque énergétique

« Notre position est très simple : aujourd’hui, chaque centrale est un risque a priori, une menace, à l’instar de ce qui se passe au Japon ». Un ingénieur-atomiste de l’un des instituts qui avait développé le réacteur RBMK-1000 de Tcherno-byl, confi rme qu’il n’existe pas de réacteurs « totalement sûrs », mais il s’agit de réduire progressivement les chances de catastrophes indus-trielles. Le président de Rosatom, Serguei Kirienko, a qualifi é ce qui s’est produit à Fukushima de « concours de circonstances extra-ordinaire ». C’est exactement ce qui s’est passé à Tchernobyl, re-marque l’ingénieur-atomiste. Selon lui, l’accident japonais a mis à nu le principal problème de sûreté de l’énergie atomique, « le refroidis-sement des réacteurs en régime d’avarie, quand le système de re-froidissement, qui demande énor-mément de puissance, est privé de courant ». L’ancien ministre de l’énergie nu-cléaire, Evgueni Adamov, recon-naît que la répétition du scéna-rio de Fukushima en Russie est possible même sans tsunami. Ac-tuellement, en Russie, onze réac-teurs du type de Tchernobyl sont en activité, même si depuis 1986, on n’en produit plus. En 2010, 45 violations dans le fonctionnement ont été enregistrées, sur l’échelle internationale des incidents nu-cléaires, dont trois de niveau 1.Les centrales russes construites aujourd’hui sont adaptées pour supporter des séismes violents et la perte d’alimentation énergéti-que pendant 72h, explique Lokchine. En guise d’exemple, il cite la centrale en construction de Kundakulam, en Inde, sur la côte maritime. Cette zone a été frappée par le tsunami après le tremblement de terre de Suma-tra, en 2004, et la population lo-cale s’est réfugiée dans la centra-le pour échapper à la vague. « Certes, les réacteurs doivent pouvoir supporter la chute d’un avion, mais ce n’est pas le pro-blème. Personne ne parle du fait

La Russie est en train de construi-re six centrales, qui viendront s’ajouter aux dix déjà en activi-té, pour une puissance totale de 24,2 GW. Ce qui est peu, à l’aune des 443 réacteurs répertoriés dans le monde par l’Association mon-diale du nucléaire, dont 150 en Europe. Après la catastrophe de Tchernobyl, en 1986, la construc-tion de nouvelles centrales en

dont souffre l’industrie et par la volonté d’augmenter les expor-tations d’énergie. L’accident au Japon a provoqué un nouveau débat entre écologis-tes et partisans du nucléaire. « Nous sommes pour l’abandon des nouveaux projets de construc-tion et pour la fermeture progres-sive des centrales en activité », a déclaré le directeur du départe-ment antinucléaire de Greenpea-ce Russie, Vladimir Tchouprov.

La centrale de Busher que la Russie achève de construire.

SUITE DE LA PREMIÈRE PAGE

que les générateurs des centrales sont prévus pour fonctionner 40, 50 ans au plus, tandis qu’il faut engager des dépenses énormes pour la construction de nouveaux réacteurs et la mise hors service des anciens », conclut l’ingénieur-atomiste. Danilov-Danilian, lui, est convaincu qu’il faut « liqui-der ce qui existe, ne plus construi-re et se tourner vers les sources d’énergie renouvelable ». Néan-moins, un sondage effectué par la radio Écho de Moscou révèle que même après la catastrophe au Japon, 53% des Russes sont favorables au développement de l’énergie atomique. Vladimir Tchouprov regrette qu’il n’y ait pas, en Russie, de véritable débat : « Les médias sont saturés des po-sitions de Rosatom, tandis qu’on ne donne la parole aux écologis-tes que pour lui donner de la lé-gitimité ».

Les atomistes russes doutent d’un retour du « syndrome Tcherno-byl » dans le monde, qui aurait pour conséquence la réduction des programmes de construction de nouvelles centrales, et donc de commandes russes à l’étran-ger.Les principaux clients pour les centrales russes, l’Inde et la Corée du Nord, ne sont pas prêts à chan-ger radicalement leurs projets. La Turquie, où l'appel d'offres pour la construction de la première centrale a été remporté par Ro-satom, reste optimiste, elle aussi, quant à l’atome pacifi que. « L’ac-cident au Japon aura indéniable-ment des conséquences sur le dé-veloppement du nucléaire. Tout projet sera scruté de très près en-core sur les questions de sécuri-té », estime le porte-parole de Ro-satom Serguei Novikov.Ce surcroît de mesures de sécu-rité des centrales pourrait bien avoir pour conséquence une aug-mentation non négligeable des coûts, estimée à 20 ou 30% du coût initial des projets, note le président du groupe Atom-promressources, Andreï Tcherka-senko.

Les projets de Rosatom dans le monde

Le portefeuille de commandes potentielles d'ici 2030 s'élève à 25 réacteurs dans le monde entier

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ARTEM ZAGORODNOVLA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

Les Cohon père et fils ont lancé McDonald’s et Coca-Cola en Russie. Aujourd’hui, le duo monte une entreprise de spectacles à grande échelle.

Portrait Entretien avec celui qui a apporté McDonald’s à la Russie

En 1976, George Cohon, un Amé-ricain président de McDonald’s au Canada, croise une délégation soviétique lors des JO de Mon-tréal. La rencontre inédite va avoir pour conséquence l’introduction des frites et des « fast food » en URSS. Même si Cohon n’avait pas prévu qu’il lui faudrait cajoler pendant 14 ans la bureaucratie communiste pour ouvrir son pre-mier restaurant. Lors de l’inau-guration du premier « McDo » à Moscou, sur la place Pouchkine en 1990, plus de 30 000 person-

Selon Craig, la clé du succès en Russie repose sur trois éléments : un engagement sur le long terme, des relations personnelles et une gestion locale.Les Cohon affirment qu’on ne leur a jamais extorqué de pot-de-vin, pratique dont se plaignent pour-tant beaucoup d'hommes d’affai-res. « C'est parce que nous som-mes ici sur le long terme, nous construisons des relations, nous embauchons des locaux, et nous aidons au développement d’autres secteurs, comme l’agriculture », explique Craig. Dmitri Boutrine, qui dirige la rubrique économi-que du quotidien Kommersant, confi rme : « McDonald’s vend une marque, installée en Russie de-puis longtemps. C’est pourquoi ses responsables ne se heurtent pas à la corruption ».

En 1990 le fast-food a trouvé

une brèche dans le mur soviéti-

que.

nes sont venues se jeter sur le sandwich « capitaliste ».Aujourd’hui, l’importateur gère 280 restaurants et 25 000 em-ployés dans toute la Russie. Il note fi èrement que 80% de la marchan-dise est produite localement. Son fi ls Craig était cadre supé-rieur chez Coca-Cola lorsque la marque a pénétré les nouveaux marchés d’Europe de l’Est, dans les années 1990. Père et fi ls ont récemment choisi de se diversi-fi er. Leur dernier projet, le spec-tacle Zarkana du Cirque du So-leil, représente 41 millions d’euros d'investissement. « Il nous a fallu 14 ans pour importer McDonald’s en Russie, quatre pour organiser la distribution et la production de Coca-Cola et seulement huit mois pour lancer le Cirque du So-leil », explique George Cohon.

Big Mac a ouvert la voie au Cirque du Soleil

INNA EROKHINA, ALEXANDRE MALAKHOVKOMMERSANT

Un accord inattendu a été signé début mars par les trois grands opérateurs de téléphonie mobile russes pour le développement conjoint d’une infrastructure 4G (4ème génération).

Tous sur la même longueur d’onde

Télécoms Les rivaux s’unissent pour la 4G

Adoniev, avec 74,9% du capital. Yota compte 700 000 abonnés à Moscou, Saint-Pétersbourg, Oufa, Sotchi et Krasnodar. Le chiffre d'affaires de l'opérateur au cours des neuf premiers mois de 2010 à atteint 92 millions de dollars pour un bénéfi ce nul. La dette de la compagnie atteint 145 millions de dollars. En trois ans, Skartel n'est pas parvenu à dégager le moindre bénéfi ce, ce qui n'est pas surprenant vu les investissements nécessaires. Skartel était depuis le début 2011 en négociation avec Rostelecom et la banque russe Sberbank sur la vente de 25% de l'opérateur.Les opérateurs pourront utiliser l’infrastructure de Skartel, tandis que ce dernier construira le ré-seau. La concurrence entre les opé-rateurs passe de la lutte pour la fréquence et l’infrastructure à une entente sur la politique tarifaire, le service et l’innovation, selon le PDG de Skartel, Denis Sverdlov. Ce dernier estime aussi que la construction d’une infrastructure commune permettra d’améliorer le rendement des investissements pour la mise en place des réseaux 4G et de réduire substantiellement les frais de fonctionnement. La construction du réseau fédéral 4G se chiffrera autour de 1,43 mil-liard d’euros. Un montant com-parable aux dépenses de MTS et de Vimpelcom pour la mise en place du réseau 3G. Megafon, en revanche, y avait englouti 4 mil-liards d’euros. Qui fera le plus d’économies cette fois-ci ?

Les groupes MTS, Megafon, Vim-pelcom (la « troika » des opéra-teurs mobiles russes), étaient jusqu’ici à couteaux tirés et cha-cun concevait dans son coin ses stratégies pour créer son réseau 4G. Et voilà que, sans crier gare, ils annoncent le 3 mars, à l’issue d’une signature supervisée par le Premier ministre Vladimir Pou-tine, un accord sans précédent de coopération.L'opérateur fi xe Rostelecom, qui est contrôlé par l'État russe, s'est invité dans l'opération et c'est un cinquième larron, Skartel (mar-que Yota, spécialisée dans la four-niture d’accès Internet sans fi l), qui réalisera l’infrastructure du réseau 4G et louera ses capacités aux quatre opérateurs déjà cités. Ces derniers ont en outre lancé une option pour devenir copro-priétaires de Skartel (à hauteur de 20% chacun) d’ici à 2014. Les 20% d’actions restantes seront conservés par Rostekhnologuii, la holding russe des hautes techno-logies (qui détient actuellement 25,1% de Skartel). Yota continue-ra d’offrir ses services Internet jusqu’en 2014. Skartel a été créé en 2007 et son principal action-naire est l’entrepreneur Sergueï

EN BREF

Le président Medvedev a déci-dé d’asseoir 19 grands noms in-ternationaux de la fi nance parmi les 27 membres du comité des conseillers chargés de faire de Moscou un Centre fi nancier in-ternational. L’agence Bloomberg rapporte que plusieurs célébri-tés de Wall Street comme Jamie Dimon (J.P. Morgan Chase), Vikram Pandit (Citigroup) et Lloyd Blankfein (Goldman Sachs) dispenseront leurs bons conseils au président russe. Ce dernier a fait de la création du Centre fi nancier international l’un de ses principaux objectifs. Parmi les Russes désignés fi gu-rent le très infl uent Alexandre Volochine, directeur du « Comi-té pour le développement des marchés fi nanciers », ainsi que les patrons de grands établisse-ments russes comme Sberbank, VnechTorgBank et Troika Dia-log.

Bourse : appel à 19 conseillers étrangers

La Russie a exporté pour 8,6 mil-liards de dollars d’armements en 2010, a indiqué le monopole d’État RosOboron Export. La Chine reste le principal client de Moscou : elle accueille 10% des exportations russes. La Rus-sie bat un nouveau record, dé-passant de peu son chiffre de 2009 (8,5 milliards de dollars) et conserve sa deuxième place dans le classement mondial des ex-portateurs d'armes, derrière les États-Unis. Le résultat est ce-pendant loin de la barre des 10 milliards de dollars que RosOboron Export voulait fran-chir en 2010. Au total, le carnet de commande du monopole d’État s’élève à 40 milliards de dollars, mais un certain nombre de contrats restent en suspens, notamment ceux avec la Libye.

Les ventes d'armes en augmentation

ITAR-TASS

TIM GOSLINGBUSINESS NEW EUROPE

La Marussia est une sorte de Ferrari « low cost » à environ 120 000 dollars, soit environ deux fois moins chère que la concurrence . Qui veut frimer à la russe ?

Le dernier bolide futuriste vient de l’Est

Automobile Marussia acquiert un terrain en Belgique pour la construction d'une usine

Fin 2008 en Chine, Nikolaï Fo-menko, chanteur, acteur et ani-mateur TV, mais aussi pilote de course automobile, abîmait son bolide, une Aston Martin, lors de la course de qualifi cation du championnat FIA GT. Dans la nuit, les partenaires de l’équi-pe chinoise parvenaient à remplacer phares, ailes et pare-chocs du véhicule pour seulement 250 dollars. Assis dans un petit bureau du nord de Moscou, les yeux de Fomenko brillent lorsqu’il raconte qu’en Angleterre, « cela aurait coûté 7 000 dollars ». La vitesse et le coût de pro-duction furent une révélation, à l’origine de sa troisième carriè-re. Presque immédiatement, Fo-menko lance Marussia Motors, premier constructeur automo-bile russe de voitures ultra spor-tives, et 18 mois plus tard, ses premières supercars, Marussia B1 et B2, sont fi èrement expo-sées à moins de 100 mètres du Kremlin.Marussia est une production haut de gamme à petit tirage. Tournant seulement à 300 voi-tures par an, Fomenko ne pré-voit d’en vendre que 150 en Rus-sie cette année. À terme, en

" C’est très ambitieux [de mettre au point 4 modèles en ces temps difficiles], mais

je veux que Marussia soit une sour-ce de montagne, pas un marécage. J’espère que nous réussirons sur les 30 prochaines années".

IL L’A DIT

Nikolaï

Fomenko

Acteur de théâtre et de cinéma, il a notamment joué dans les films L’Or-pheline de Kazan (1997), Luna Papa (1999), Vieilles carnes (2000), Dou-ze Chaises (2005), Le Jour de la ra-dio (2008) et dans les spectacles Cœur de chien, L’Opéra de quat’sous et Une Fortune exorbitante. En tant que pilote de course, il a participé au championnat international FIA GT. Le premier showroom Marus-sia Motors a ouvert le 10 septembre dernier à Moscou.

Une « supercar » presque à portée de tous...

SUR LES 300 VOITURES PRODUITES PAR AN, FOMENKO NE PRÉVOIT D’EN VENDRE QUE 150 EN RUSSIE. L’EUROPE EST L’AUTRE

MARCHÉ DES B1 ET B2 QUI SERONT EXPOSÉES DÈS L’ANNÉE PROCHAINE À LONDRES, MONACO, BERLIN ET FRANCFORT.

Nicolaï Fomenko est né le 30 avril 1962 à Léningrad. Il est diplômé de théâtre, de musique et de ci-néma. Il a créé le groupe de musi-que Sekret, qu’il a quitté en 1996.

RIA NOVOSTIRUSLAN SUKHUSHIN

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revanche, Marussia espère pro-duire jusqu'à 1000 véhicules par an. Et ce n'est pas tout. En Bel-gique, le constructeur a acquis début mars un terrain de 4.600 m2 dans la commune belge de Blanchimont, près du célèbre circuit de Spa-Francorchamps, un site destiné à localiser la pro-duction de 200 à 300 véhicules Marussia par an pour la distri-bution sur le marché européen. Les ventes en Grande Bretagne devraient démarrer dès cet été. Il y a quelque chose de fausse-ment modeste dans la réponse du constructeur lorsqu'on le questionne sur les autres bro-chures que les clients de Marus-sia auront l’occasion de parcou-rir : « Nous nous fi chons de la compétition, nous serons nous-mêmes ». Avant d’admettre que ce sont les supercars Lambor-ghini, Ferrari et McLaren que Marussia espère devancer. Es-quissant un large sourire, Fo-menko ose même une hypothèse audacieuse, suggérant que « dans l’avenir, les conducteurs de Lam-borghini seront invités à courir à bord d’une Marussia ». Toute-fois, la société ne compte pas sé-duire le marché de Lamborghi-ni tant que le partenariat F1 et Virgin Racing ne sera pas bien installé. Mis à part le prix (autour de 120 000 dollars au détail, soit la moitié du prix de ses concur-rents), Fomenko assure que la vi-tesse avec laquelle Marussia conçoit ses voitures de luxe constitue un autre atout de poids. Les deux modèles lancés en sep-tembre ont été construits, depuis la conception sur le papier jusqu’aux fi nitions, en à peine un an. Mais si en termes de projets tout semble rouler pour la société pour les douze mois à venir, quel-ques questions de trésorerie de-meurent en suspens. Fomenko assure pourtant que Marussia présentera six modèles lors du Salon automobile de Francfort en septembre, dont deux 4x4.

Les multiples facettes de Fomenko

AFFAIRESÀ SUIVRE

SOMMET UE-CEI : NOUVELLES OPPORTUNITÉS DE PARTENARIAT STRATÉGIQUE4 AVRIL, 1 WHITEHALL PLACE,

WESTMINSTER, LONDRES

Le séminaire "EU-CIS : New op-portunities for strategic part-nership" s'intéresse aux prin-cipales problématiques de la coopération entre les ex-pays soviétiques et ceux de l'Union Européenne. Ce sommet débute-ra avec un panel de discussions centrées autour de la régulation des marchés financiers. Plusieurs autres secteurs seront également explorés : celui de l'énergie, des transports ou encore des télé-communications et nanotech-nologies. Parmi les intervenants figurent le ministre des Finan-ces Alexeï Koudrine et le direc-teur général de RosNano Anatoli Tchoubaïs.

www.eurosummit.co.uk ›

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LE RÉGIME DEVRAIT DIRE MERCI À SES OPPOSANTS

Ces derniers temps, les di-rigeants chinois sont pas-sés en mode de gestion de crise : renforcement de la

censure sur Internet, interception des informations provenant du monde arabe, retrait de la vidéo de Hu Jintao chantant la chanson traditionnelle chinoise « Le jas-min », et vagues d’arrestations pré-ventives, dont celles de quelques blogueurs chinois populaires. Le roi Abdallah d’Arabie saoudite, depuis plusieurs mois en conva-lescence à l’étranger, a regagné son royaume et annoncé 36 milliards d’aides sociales pour apaiser les tensions. Le peuple devrait béné-fi cier de plus de prestations so-ciales, d’une augmentation des al-locations de chômage, ainsi que de subventions à l’éducation et au logement.En Russie, évoquant les révoltes dans le monde arabe, le Président Dmitri Medvedev a déclaré qu’ « on nous avait déjà concocté un tel scénario », et que « désormais, plus que jamais, ils essaieront de le met-tre en œuvre ». Qui sont « ils » ? Qu’avaient-ils préparé et que vont-ils de nouveau essayer ?La peur est mauvaise conseillère. Qu’il s’agisse de la Chine, de l’Ara-bie saoudite ou de la Russie, les forces au pouvoir n’ont aucune raison apparente de s’inquiéter. « Il est frappant de voir que le gouvernement chinois, si riche et autoritaire, et qui connaît un suc-cès économique fulgurant, s’aban-donne si facilement à la peur », écrit Fei-Ling Wang, professeur en affaires internationales au Georgia Institute of Technology (USA). Un tel comportement peut paraî-tre suspect : les dirigeants en sa-vent-ils plus que nous ? La situa-tion est-elle pire qu’il ne semble ? Les politiques traitent les révo-lutions de manière hystérique. C’est le principe du « tout ou rien », c’est « eux ou nous ». Pour-tant, il serait bien plus productif de se pencher sur les actions à engager pour changer la donne. Ainsi, on verrait qu’il n’est nul besoin d’une nouvelle répartition des rôles et des pouvoirs, mais en revanche d’institutions et de va-leurs nouvelles. Contrairement à la Chine et à l’Arabie saoudite, l’époque sovié-tique en Russie a représenté une expérience unique en son genre, accompagnée d’une modernisa-

et les syndicats en Suède, la tran-sition démocratique espagnole, la chute de l’apartheid en Afrique du Sud. Révolutions de par leurs conséquences, ces mutations sont le fruit de négociations, non d’une explosion violente. Chacune a conduit à de profonds change-ments. Un processus loin de ce que nous avons vécu en 1917, ou de ce que connaît l’Égypte en ce moment. L’interdiction du jasmin en Chine et la dispersion des manifestants en Russie sont une mauvaise ré-ponse politique qui tend à radica-liser l’opposition. Il faut promou-voir les réseaux sociaux, autoriser le jasmin et le porter à la bouton-nière. Il faut permettre à l’opposi-tion de se développer, afi n qu’elle devienne une force capable d’œuvrer pour l’avenir de son pays. Dmitri Medvedev et Vladimir Pou-tine devraient considérer leurs op-posants avec gratitude et espoir. Les manifestants devraient avoir accès à tous les grands lieux de rassemblement, car ils incarnent l’aspiration à un avenir meilleur, à une révolution par la négocia-tion, sans mauvaise surprise.

tion partielle, notamment du monde agricole. Nous sommes de-venus une société urbanisée, avec un secteur industriel fort, une éducation et des valeurs carac-téristiques des pays développés. Mais la modernisation était dé-libérément partielle. Restent les objectifs clés non réalisés : la construction d’un État moderne, l’allégement de la bureaucratie, le passage d’une « gouvernance par la loi » à la prééminence du droit, l’établissement d’une véri-table représentativité. Autant de tâches faisant appel à la créati-vité et dont l’exécution repose sur des hommes politiques irrépro-chables pouvant se prévaloir d’ex-périences positives, notamment à l’étranger. Il faut du sang neuf pour renouveler cette institution archaïque qui a pour raison d’être le bien de ses fonctionnaires et que l’on appelle « État ».La société russe est prête à se bat-tre pour les valeurs nouvelles qu’elle revendique. Il est proba-ble que cette lutte se fera en dou-ceur. D’ailleurs, les révolutions les plus réussies de l’histoire mon-diale sont les « révolutions par la négociation », comme la restau-ration de Meiji au Japon, les ac-cords passés entre les travailleurs

Maxim Trudoliubov est éditoria-liste à « Vedomosti ».

LE LIBÉRATEURINCOMPRIS

Le monde entier apprécie Gorbatchev mais en Rus-sie, il reste profondément sous-estimé. Loin d’en vou-

loir aux gens, l’intéressé explique qu’on peut les comprendre : la transition vers la démocratie s’est avérée une épreuve pénible pour des millions de citoyens russes. Le dernier président de l’URSS ne nie pas non plus sa part de responsabilité. Quand il est arrivé au pouvoir, tout le monde voulait des chan-gements, sans réellement savoir de quelle sorte. Les Russes espé-raient un « tsar bienveillant ». Toute action énergique du nou-veau dirigeant, quelle qu’elle fût, était perçue comme un début de transformation. On ne peut pas dire que Gorbat-chev n’ait pas eu le choix. À l’épo-que, au Parti, l’idéologie en vogue consistait en un alliage de natio-nalisme russe et de géopolitique impérialiste. Le choix logique aurait été un durcissement conduisant à un régime « à la Ceausescu ». Mais Gorbatchev, avec l’accord d’un politburo conservateur, a fait un choix aux antipodes. Il voulait que la peres-troïka, introduite par le haut, éveille un soutien à la base, non pas sous la forme d’une accepta-tion passive mais par suite d’une émancipation de l’esprit d’initia-tive de millions de citoyens. Au début, il a cherché à réaliser ce projet dans le cadre du système existant, mais rapidement, il a opté pour la démocratie. Cette idée aussi, il est parvenu à la faire accepter par le politburo, qui avait déjà un peu évolué sans être tou-tefois prêt aux changements ra-dicaux qu’impliquait une telle ré-forme. Personne d’ailleurs n’y était prêt. En obtenant de plus en plus de liberté, les citoyens continuaient à compter non sur eux-mêmes mais sur un miracle et un dirigeant énergique. C’est ce qui explique la popularité de Boris Eltsine. Profi tant de la zi-zanie provoquée par les réformes, les dirigeants des républiques ont signé en hâte la dissolution de l’Union Soviétique alors qu’aucu-ne des républiques n’avait eu le temps de former des institutions

démocratiques, une société civile ou une économie de marché. Vingt ans plus tard, la désagrégation de l’URSS n’a pas accéléré mais freiné le développement de ces institutions. Pour les ex-républi-ques satellites de Moscou, l’effon-drement soviétique a été rempla-cé par un réveil national. Rien de tel en Russie, où la chute de l’URSS est ressentie comme une défaite. Le coupable est tout désigné : Gorbatchev. Dans le même temps, les gens jouissent aujourd’hui des

droits et libertés obtenus pendant la perestroïka. Les libertés d’en-treprendre et de quitter le terri-toire, de culte, de parole et de ras-semblement sont perçues comme allant de soi. On peut s’indigner, comme l’a fait Soljenitsyne, de ce que « tout a été détruit par la glasnost de Gorbatchev ». Soljenitsyne n’est pas le seul à ignorer la contradiction entre les exigences immédiates du début des années 1990 et les reproches qui se sont abattus sur Gorbat-chev après qu’il a quitté le pou-voir. Et ce départ qui a épargné au pays des bouleversements tra-giques est sous-estimé par le peu-ple et par l’élite, pour qui les gran-des fi gures sont Ivan le Terrible, Pierre le Grand et Staline ; non Alexandre II, qui a libéré les serfs. Il ne convient pas d’accuser le peu-ple. L’histoire nous a faits tels que nous sommes. La mentalité et les particularités nationales ne chan-gent pas du jour au lendemain. Le décalage entre l’appréciation de Gorbatchev en Russie et en Oc-cident est un problème, indénia-blement. Ce n’est pas un problè-me de Gorbatchev, mais un problème russe. Un rapproche-ment des points de vue avec le reste du monde serait un grand pas vers l’intégration de la Russie dans la communauté mondiale.

Pavel Palajchenko est l’inter-prète personnel de Gorbatchev.

MaximTrudoliubov

VEDOMOSTI

Pavel PalajchenkoSPÉCIALEMENT POUR

LA RUSSIE

D’AUJOURD’HUI

LE COURRIER DES LECTEURS, LES OPINIONS OU DESSINS DE LA RUBRIQUE “OPINIONS” PUBLIÉS DANS CE

SUPPLÉMENT REPRÉSENTENT DIVERS POINTS DE VUE ET NE REFLÈTENT PAS NÉCESSAIREMENT LA POSITION DE LA RÉDACTION DE LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI OU

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Quand il est arrivé au pouvoir, tout le monde voulait des changements, sans savoir de quelle sorte

Selon un récent sondage mené par le Centre russe d’étude de l’opinion publique (VTSIOM), la plupart des Russes sont informés des événe-ments dans le monde arabe (86%). Parmi eux, 35% ont étroitement suivi le déroulement des conflits, et 51% sont au courant dans les gran-des lignes. Selon 38% des Russes ces événements vont déboucher plutôt sur un changement positif : le pouvoir va tenir compte de l’avis du peuple, 24% croient que le pou-voir va resserrer les vis et 19% par-tagent l'avis qu'il ne faut attendre aucun changement.

Chiffres fournis parwww.wciom.ru

Les révolutions arabes vues de Russie LES RUSSES PENSENT QUE LA CAUSE PRINCIPALE DES ÉMEUTES DANS LE MONDE

ARABE EST AVANT TOUT D’ORDRE ÉCONOMIQUE ET SOCIAL, ET ILS ESPÈRENT VOIR

TRIOMPHER LES MANIFESTANTS.

Les révolutions les plus réussies de l’histoire mondiale sont les « révolutions par la négociation »

Interdiction du jasmin en Chine et dispersion des opposants en Russie : la mauvaise réponse politique

Préparé parVeronika Dorman

LU DANS LA PRESSEPOSITION

RUSSE SUR

L'INTERVENTION

EN LIBYE

La Russie s'est abstenue de sou-tenir la résolution de l'ONU sur l'intervention militaire de l'Occi-dent en Libye, mais n'a pas op-posé son veto. Le premier minis-tre Vladimir Poutine a comparé la décision de l'ONU à "un appel aux croisades du Moyen-Age", provo-quant le mécontentement du pré-sident Dimitri Medvedev. Pour la première fois, l'entente parfaite du tandem semble se fissurer.

DISSENSION AU SOMMETVladimir SolovievKOMMERSANT

DIPLOMATIE INSTINCTIVEAlexandre LoukineVEDOMOSTI

HALTE AUX CROISÉSStanislav MinineNEZAVISIMAÏA GAZETA

Vladimir Poutine a qualifié la déci-sion de l'ONU de "déficiente". Dmi-tri Medvedev a appelé à rester pru-dent dans le choix des mots. Cette résolution, aussi imparfaite soit-el-le, reflète la position de l'État rus-se. Ce n'est pas la première fois que le président et le Premier mi-nistre ne sont pas d'accord sur les problèmes de politique extérieure ou intérieure. Mais jamais aupa-ravant les dissensions n'ont surgi dans un laps de temps aussi court. Reste à savoir si cet échange d'opi-nions relève des "divergences sty-listiques" propres au tandem, ou s'il s'agit de contradictions réel-les, accentuées par l'approche des élections présidentielles et la né-cessité d'en désigner le candidat.

L'entre-deux chaises est totale-ment incompréhensible. La Russie n'a pas bloqué l'opération militai-re, tout en la critiquant. C'est une position perdante, que les oppo-sants gagnent ou non. La décision a été prise non pas dans l'intérêt réel du pays mais en vertu des ins-tincts de l'élite : un antiaméricanis-me soviétique résiduel et les inté-rêts de la Russie en Occident, sans lequel toute la stratégie innovatri-ce s'écroule. Les intérêts financiers de l'élite russe ne sont pas dans le monde arabe non plus. Les rela-tions avec l'Occident ne s'améliore-ront pas, et la position de la Russie dans les pays arabes risque de fai-blir car la Ligue arabe soutient l'ac-tion militaire et déteste Kadhafi.

À chaque fois que les leaders rus-ses ou l'opinion s'indignent de "l'image négative de la Russie en Occident", on a envie de deman-der : "mais qui vous tire par la lan-gue ?" Rien ni personne n'oblige les dirigeants russes à s'assoir en-tre deux chaises. Aucun contexte, aucune "mentalité particulière" du peuple russe ne le force à avoir de la compassion pour Kadhafi et à haïr les Américains. Le peuple rus-se n'a que faire de la Jamahiriya, de Kadhafi ou de Benghazi, d'Oba-ma ou de l'opération "Aube de l'Odyssée", tant qu'un leader ne se pointe pas avec des discours sur la forteresse assiégée et le droit sou-verain des dictateurs fous de tirer sur leurs propres citoyens.

NIY

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KA

RIM

Page 7: La Russie d'Aujourd'hui

07LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI WWW.LARUSSIEDAUJOURDHUI.BE

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ET DISTRIBUÉ AVEC LE SOIR Espace

Cette incursion, brève mais épique, dans l’espace a inspiré des millions de gens sur le globe, et a déclen-ché, entre les superpuissances en guerre froide, une course qui n’était pas explicitement orientée vers la destruction réciproque. « Aucun psychologue ni homme politique n’aurait pu prévoir l’effet que le vol de Gagarine a eu sur le monde », explique Alexei Leonov, un autre membre de l’équipe originelle des 20 cosmonautes soviétiques. « C’était la plus belle compétition que les hommes aient jamais or-ganisée. Qui construirait le meilleur

vaisseau spatial, la meilleure fusée… Personne n’en a souffert, au contraire, les gens étaient oc-cupés à parfaire ces équipements plutôt qu’à fabriquer des armes ». Gagarine est mort dans un acci-dent d’avion en 1968 et ses restes sont enterrés près de la tombe de Lénine, sur la place Rouge. Il n’a rien perdu de son statut d'icône. Un sondage récent révèle que 35% des Russes considèrent Gagarine comme leur modèle, « un homme ordinaire, mais aussi le meilleur de notre nation, une star », comme le décrit Leonov.Deux décennies durant, les deux camps ont lutté par meilleurs cer-

veaux interposés. L’alunissage américain en juillet 1969 a éclip-sé tous les autres accomplisse-ments. En fi nancement brut, les 2,15 milliards d’euros du budget annuel russe ne peuvent pas ri-valiser avec les 13,6 milliards américains. Mais des fonds sup-plémentaires ont été alloués ces dernières années, tandis que les revenus du gaz et du pétrole aug-mentaient. La Russie est à la tête du marché de lancement de satellites commerciaux, qui permet de nourrir son in-dustrie spatiale. Et tan-dis qu’aux États-Unis les espoirs d’une lune humanisée et des missions sur Mars ont été entamés par l’administration d’Oba-ma, la Russie garde au fond d’un tiroir ces projets à long-terme, en espérant établir une base sur la Lune d’ici 2030 et envoyer une mission sur Mars peu après, assure le directeur de l’agence Roskosmos, Ana-toly Perminov.

Après la chute de l’URSS en 1991, Moscou et Washington ont mis leurs ressources en commun pour les missions de la station spatia-le russe Mir, qui a servi pendant 15 ans avant d’être sabordée et de tomber dans l’océan Pacifi que en 2001. Pendant ce temps, l’as-semblage de l’ISS avait commen-cé en 1998, et le complexe habi-té en permanence comprend aujourd’hui 14 modules pressu-risés. Plus de 500 hommes et fem-mes de 38 pays sont partis dans l’espace. Mais l’ISS seule devrait coûter plus de 72 milliards d’euros en 15 ans, et l’exploration spa-tiale demeure une activité extrê-mement onéreuse et dangereuse, avec des pertes estimées à 300 ou 400 personnes en 50 ans.Après avoir servi pendant trente ans et effectué 135 lancements, la fl otte spatiale de la NASA a fait son dernier voyage vers l’ISS, le mois dernier. Quand les navet-tes américaines se retireront dé-fi nitivement plus tard cette année, la station dépendra de vaisseaux russes plus petits pour l’achemi-nement d’hommes et du ravitaille-ment. Tandis que la Russie avan-ce avec ses partenaires internationaux, les contours de la vision de l’exploration de l’espa-ce deviennent plus nets. « L’ave-nir est dans la coopération », a affirmé Perminov à la radio Golos Rossii. « L’exploration spatiale à venir implique des équipements industriels robotisés pour extrai-re et traiter les minéraux des satellites de notre système solaire ; ce qui veut dire que la construction de centrales électri-ques alimentera l’industrie dans l’espace, comme sur la Terre. Par conséquent, notre planète pourra être débarrassée de la produc-

tion industrielle et notre bios-phère purifiée et restau-rée ».Un demi-siècle après avoir admiré d’en haut notre monde

précieux et fragile, Ga-garine aurait certaine-ment applaudi un objec-tif aussi noble. « En tournant en orbite autour

de la Terre, j’ai vu comme notre planète était belle », avait-il déclaré en atter-rissant. « Camarades, pré-servons et développons

cette beauté, au lieu de la détruire ! ».

La Russie avance avec ses partenaires internationaux, car « L’avenir est dans la coopération ».

Juste avant le vol historique. Gagarine avec ses deux filles.

Le 12 avril le Manneken Pis

revêtira un scaphandre.

VLADIMIR ROUVINSKIYLA RUSSIE D'AUJOURD'HUI

La Cité des étoiles ou « ville de Gagarine », située à proximité de la capitale russe, ne figure sur aucune carte, et pourtant, c’est là que sont formés les astronautes des différents pays.

Un centre d'entraînement spatial qui rêve d'un avenir touristique

ne. Ayant traversé un immeuble de trois étages, nous pénétrons dans un immense hangar qui abri-te des maquettes grandeur natu-re du vaisseau spatial Soyouz. « Ce sont des simulateurs, préci-se Oleg de la Cité, une équipe in-ternationale est en train de pas-ser des examens dessus, deux Russes et un Américain ». À l’heu-re actuelle, la Station spatiale in-

ternationale (ISS) n’est accessi-ble qu’en Soyouz. « C’est pour cela que le gros de la préparation et des entrainements se fait ici », dit le directeur du bureau local de la NASA, Marc Polanski.Ils sont une trentaine d’astronau-tes à s'entraîner au centre Gaga-rine, explique le maire de la ville Nikolaï Rybkine. Parmi eux, 3-5 spécialistes sont des étrangers, des Américains, Canadiens, Ja-ponais, Allemands, mais aussi la quatrième femme-astronaute russe, Elena Sazonova. La pré-paration des cosmonautes russes

La Cité des étoiles, c’est 6 700 habitants, une légende de l’astro-nautique et la plus grande concen-tration de Héros de l’Union So-viétique et de la Russie (plus haut titre honorifique) au kilomètre carré. Cet ancien « coin commu-niste », comme on l’appelait à l’époque soviétique pour la qua-lité de la vie qu'il offrait, est situé à 25 km au nord-est de Moscou. À l’approche, la carte de la ré-gion disparaît de l’écran du GPS, la ville est encore aujourd’hui « fermée », secrète. En y pénétrant, on se rend comp-te que le temps a contourné la Cité des étoiles. Jadis fi erté na-tionale, c’est devenu un musée de l’architecture soviétique. Au cœur de la ville, protégé par un check-point, se trouve le cen-tre d’études Gagarine. C’est ici que sont formés les astronautes et que se trouvent les représen-tations permanentes de la NASA et de l’Agence spatiale européen-

dure entre trois et cinq ans contre six mois et un an pour les étran-gers. Selon Polanski, les différen-ces sont surtout culturelles. « Ici, on organise de grandes interro-gations orales, pendant une heure ou deux une importante commis-sion ‘’torture’’ l’astronaute, lui pose des questions », sourit Po-lanski. « Aux États-Unis ce sys-tème n’existe pas, tout est moins formel, on privilégie les exercices pratiques ». Rybkine rêve de transformer la ville en Mecque du tourisme, at-tirer des investisseurs, construire

des hôtels, des centres d’affaires et de divertissement, fonder un lycée Gagarine pour les futurs as-tronautes, relier la capitale en train... Au premier abord, tout cela semble irréalisable, d’autant plus que la municipalité conserve le statut de « ville fermée », inac-cessible aux non-résidents sans autorisation spéciale. Mais le maire reste confi ant. C’est surtout grâce aux touristes que la ville a survécu après la chute de l’URSS. « Les cheikhs ou les Européens payaient des salaires à la ville en-tière », affirme-t-il.

La gigantesque piscine où les sorties dans l'espace sont simulées.

Que symbolise pour vous ce 50ème anniversaire du premier vol spatial habité ?Je serai en Russie pour célébrer cet anniversaire avec les collè-gues russes avec lesquels j’ai volé. Ce fut le début de la grande cour-se vers l’espace, vers la lune d’abord et cela s’est poursuivi avec la station spatiale MIR chez les Russes. C’est une grande fête pour nous tous.

Visitez-vous souvent la Russie ? Qu’est ce qui vous plait dans notre pays ? Et ce qui vous plait moins?Ce sont les gens qui me plaisent. Les Russes sont très accueillants, ils sont hospitaliers. La menta-lité russe est de temps en temps proche de la mentalité belge, c'est-à-dire qu’on essaie toujours de trouver des solutions. Il est vrai qu’on se heurte encore par-fois au système bureaucratique présent depuis des années et il reste encore un peu de cette men-

Le spationaute belge Frank De

Winne s'est rendu à deux repri-

ses à la Station spatiale inter-

nationale, en 2002 et en 2009.

Propos recueillis parNikolaï Ramenskiï

talité qui n’est pas toujours fa-cile à concilier avec notre men-talité peut-être un peu plus cartésienne d’Européens.

Pouvez-vous nous raconter une anecdote intéressante liée à votre expérience des Russes ?J’aimais beaucoup rejoindre de temps en temps le côté russe de la station pour y boire du thé. C’est assez comique parce que je ne fais pas ça d’habitude au sol. Ainsi, chaque soir, après le dîner, j’appelle mon épouse, mes enfants et puis avant d’aller dormir je passe toujours voir mes amis rus-ses pour boire un thé. On discute autour d’une table de tous les pro-blèmes du monde. J’ai toujours été accueilli avec beaucoup de chaleur du côté russe de la sta-tion.

De quoi vous occupez-vous maintenant et quels sont vos projets pour l’avenir ?Ce dont je m’occupe pour le mo-ment c’est surtout du soutien des vols habités dans notre cadre européen, des opérations dans le module Colombus, les expérien-ces scientifiques que l’on fait. L’ATV [vaisseau européen d’ap-provisionnement de la Station in-ternationale, ndlr] constitue un grand programme dans l’exploi-tation de la Station spatiale in-ternationale et je soutiens ce pro-gramme. Je pense aussi au futur. Il faut dès maintenant construi-re les plans de ce qu’on va faire après la Station spatiale interna-tionale. La station va fonctionner jusqu’en 2020-2028, mais il faut penser au-delà.

En répondant à une annonce pour les astronautes en herbe, en 1989, la britannique Helen Sharman à balisé la route pour les voyageurs de l'espace amateurs.

La chocolatièrequi s'est promenéesur la Voie lactée

volée à bord de Soyouz vers la station spatiale Mir. En Occident, beaucoup pensaient que le concept d’envoyer des gens ordinaires dans l’espace était une blague, et de nombreux professionnels s’in-quiétaient du fait que les « ama-teurs » ne seraient pas capables de supporter la dureté de l'en-traînement et la pression psycho-logique des missions. Mais Sher-man a gagné le respect de ses collègues et prouvé au monde en-tier que le rêve de s’envoler dans les étoiles pouvait devenir réali-té. Sharman a confi é récemment qu’elle vivait une autre vie main-tenant, mais « quand je vais à la piscine, parfois je laisse mon corps fl otter sur l’eau, je ferme les yeux et j’imagine que je suis de retour là-bas, dans l’espace ».

Dans les siècles à venir, partout dans le système solaire, les en-fants apprendront, au côté des noms de Youri Gagarine et Neil Armstrong, celui d'Helen Shar-man. Elle a été la première tou-riste de l'espace, sélectionnée pour y aller simplement parce qu'elle le pouvait. Née à Sheffield, la cho-colatière a consacré sa carrière au perfectionnement de la saveur alpine de son chocolat adoré. Elle n’avait rien d’une astronaute, ce qui tombait bien. En 1989, un groupe de fonctionnaires de l’es-pace soviétiques se sont ralliés à la glasnost de Mikhaïl Gorbat-chev en lançant le « Projet Juno ». Les agences de publicité britan-niques et les médias avaient été sollicités pour attirer une person-ne ordinaire qui voulait partir dans l’espace, et pour lever les fonds nécessaires. Quinze mille personnes ont ré-pondu à l’appel. Sharman a en-tendu l’annonce pendant qu’elle était au volant, à la radio : « Re-cherchons astronaute. Expérien-ce non nécessaire ». Dix-huit mois d'entraînement plus tard, la jeune femme de 27 ans était prête à par-tir. Le 18 mai 1991, elle s’est en-

Sharman fut la première cosmo-

naute amateur.

JEFFREY MANBERLA RUSSIE D'AUJOURD'HUI

Où trouver du bon thé dans l'espace ?

ENTRETIEN AVEC FRANK DE WINNE

Un demi-siècle de vols habités

Le maire rêve de transformer la ville en Mecque du tourisme, attirer des investisseurs et construire des hôtels

SUITE DE LA PREMIÈRE PAGE

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MUSÉE DE LA VILLE DE BRUXELLES

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08LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI WWW.LARUSSIEDAUJOURDHUI.BE

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EMMANUEL GRYNSZPANLA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

Une lame de fond baptisée « Le Nouveau Drame » a pris position dans plusieurs salles moscovites. Combien de temps les directeurs de grands théâtres vont-ils l’ignorer ?

Les planches brûlent sous la glace conservatrice

Théâtre Un nouveau courant dramatique russe insuffle une vague de réalisme radical

capables d’ébranler le monde. Dans cette cave de Teatr.doc, on se sent un peu comploteur, on at-tend une explosion. Et la chimie fonctionne, malgré le dénuement du lieu. Le décor est souvent ré-duit au strict minimum, comme dans Jizn oudalas (La vie m’a souri), où le public est assis en face de quatre rangées de chai-Vous pensiez peut-être que la na-

tion qui a enfanté Tchekhov, Gogol et Griboïedov s’était endormie sur ses lauriers ? Qu’on pouvait ré-sumer le théâtre russe actuel à des relectures « ava nt-gardistes » de textes classiques par des met-teurs en scènes acclamés comme Dodine ou Fomenko ? Que nenni. Il y a bien eu un trou au début des années 90, mais une fl opée de jeunes dramaturges armés d’une langue acérée et épris de réalis-me social a brisé la glace. Chaque soir, une trentaine de mor-dus descendent dans la cave du Teatr.doc, un lieu désormais culte à Moscou, pour voir les principa-les créations du mouvement. De-puis Dostoïevski, on sait que dans le sous-sol russe naissent des idées

ses entre lesquelles les quatre ac-teurs se meuvent et s’engagent dans des rapports affectifs d’une expressivité peu commune. La langue est crue, les émotions sont à vif, le drame se noue au bout d’à peine quelques minutes et at-teint une intensité féroce jusqu’à la dernière seconde. Ici s’illustre un principe du mouvement : peu

Alexandra Rebenok et Daniil Vorobiev dans « La vie m’a souri », sur un texte de Pavel Priajko.

de moyens, efficacité maximum.Chaque première de Teatr.doc dé-clenche des secousses telluriques qui zèbrent peu à peu le stuc vieillissant des théâtres. « Le théâtre doit être contempo-rain », tempête Marat Gatsalov, un acteur et metteur en scène phare du mouvement. « Les théâ-tres étouffent sous les textes an-ciens mais ils nous claquent la porte au nez », s’insurge celui qui a monté Jizn oudalas et Khlam (Bric-à-brac). « Contemporain » est un mot qui revient comme un leitmotiv. Une demi-heure après la création de sa pièce Sentiments mêlés le 5 mars dernier, la dra-maturge ukrainienne Natalia Vo-rojbit nous donnait sa défi nition du Nouveau Drame : « Ce sont des gens qui écrivent sur le monde contemporain avec un regard et une langue contemporains. Nous n’avons pas peur d’être provoca-teurs. Notre écriture doit être émo-tionnelle ». La reconnaissance n’est peut-être pas loin. Cet hiver a vu le Nouveau Drame redou-bler d’activité en montant des spectacles au rythme effarant d’une à deux créations par se-maine. Le virus du Nouveau Drame est virulent. On ignore simplement la durée de l’incuba-tion avant l’épidémie.

Disons-le d’emblée : ce « jour-nal » va casser les pieds – et je suis poli – aux dévots du poète. Et ajoutons qu’il ulcérera ceux qui ne peuvent lire un texte sans fantasmer sur son auteur. Car dans le cas du journal secret d’Alexandre Sergueïevitch Pou-chkine, la question de l’authen-ticité est centrale. Il est bien dif-fi cile de croire qu’il ne s’agit pas d’un faux. Comment croire en effet qu’un texte écrit par un auteur déjà profondément ré-véré de son vivant, ait pu rester caché si longtemps ?Le journal secret de Pouchkine aurait été écrit dans les jours précédents le duel du poète avec le militaire français d’Anthès. Lequel se solda par la mort de Pouchkine. Le « plus grand poète russe de tous les temps », rongé par la jalousie – il prêtait à d’Anthès l’intention de sédui-re son épouse Natalia – envoya une lettre d’insulte au père adoptif de d’Anthès afi n de pro-voquer ce duel.La préface du journal, sous la plume du très fameux éditeur Jean-Jacques Pauvert, ne fait pas l’impasse sur cette contro-verse de l'authenticité. Elle sou-ligne surtout l’intérêt littéraire de ce texte qui nous est parve-nu de manière si rocamboles-que dans les bagages d’un dis-

CHRONIQUE LITTÉRAIRE

Attentat à l'auteur

Emmanuel Grynszpan

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TITRE : JOURNAL SECRETAUTEUR : ALEXANDRE

POUCHKINEÉDITIONS : BELFOND

« C’est un processus vivant et largement incompris »

Est-ce que vous vous sentez ap-

partenir au « Nouveau Drame » ?

Je suis entrée en contact en 2005 avec le mouvement. J’y ai trouvé des gens extrêmement talentueux. Je suis très sensible à ce qui s'y

passe. En tant qu’actrice, c’est un travail passionnant.Est-il plus intéressant et stimu-

lant de jouer une pièce du « Nou-

veau Drame » que de jouer dans

un grand théâtre moscovite ?

Pour moi, le plus important, ce n’est pas la scène, c’est le texte. J’ai une faim dévorante pour les rôles inté-ressants et complexes. Malheureu-sement, ils sont rares.Quels sont vos dramaturges fa-

voris dans le mouvement du

« Nouveau Drame » ?

Mes auteurs favoris sont Kourotch-kine, Ougarov, Dournenkov, Gremi-na, Rodionov, Bondarenko. Quel-que chose de profond jaillit d’eux. Quelle est votre définition du

« Nouveau Drame » ?

C’est un mouvement entièrement neuf qui ne possède pas pour l’instant de cadre très défini. La seule délimitation claire, c’est qu’il n’y a pas un kopek dans ce mou-vement. Pour le reste, c’est un pro-cessus vivant, libre et largement incompris.

Daria Ekama-

sova partage

sa carrière

entre le ciné-

ma et les

planches de

Teatr.doc.

sident soviétique. Ce sont des confessions érotiques farcies d’épisodes libertins, d’aphorismes sur la sexualité des femmes, l’ago-nie du mariage et les affres de la jalousie. Dans son journal, Pouchkine se dé-peint comme un érotomane incor-rigible, plus soucieux de ses ex-ploits au plumard que de ses talents de plume. On connaît certes les vers licencieux du poète, il en exis-te des milliers dont la véracité est indiscutable. Mais les gens de bonne vertu seront horrifi és de lire page 47 « Moi qui me glorifi ais tout autant de mon prestige d’amant que de ma célébrité de poète ». Ce n'est pas tout. Il souffre aussi d'un vif sentiment d’insécurité. Le Tsar Nicolas 1er l’humilie en convoi-tant ouvertement son épouse Na-talia. Cette fi gure menaçante est elle-même éclipsée par celle de d’Anthès. Pouchkine perçoit une fatalité dans l’apparition du mili-taire « beau comme un ange ». Il y voit une forme de justice, puisqu’il écrit page 37 en référence à son épouse : « J’avais tout le temps l’im-pression de tricher avec la nature : moi, un nain avec un visage de singe, possédant une déesse ». Plus on pénètre dans le texte, plus on sent qu’il a été rédigé par un auteur doté d’un amusant coup de plume, comme le reconnaît Pauvert, mais écrit dans un style bien différent du Pouchkine qu’on connaît. Un polisson ravi de dé-culotter l’idole et de faire éclater aux yeux du grand public ses fan-tasmes, certain d’y arriver grâce à la signature d’une fi gure ado-rée de tous. Pouchkine n’est peut-être ici que le véhicule transpor-tant une bombe obscène au milieu de la foule. Signifi catif : le jour-nal secret de Pouchkine est in-trouvable en Russie, où il déclen-cherait fatalement, même 150 ans après la mort du poète, un tsu-nami de haine contre l’éditeur. Car il n’est pas de fi gure plus sa-crée aux yeux des Russes. Il n’en est guère d’autre qui fasse l’una-nimité.

VERONIKA DORMANSPÉCIALEMENT POUR LA RUSSIE D'AUJOURD'HUI

En Russie, la religion orthodoxe est très présente dans le domaine public. En cette période de Grand Carême, cette présence s'amplifie et se ressent jusque dans les menus des restaurants.

Grand Carême : un fumet de sainteté dans les assiettes

Religion En Russie, le jeûne orthodoxe fait recette

rigoureux et de la multiplica-tion des offices, pour se prépa-rer, corps et esprit, à la grande fête de Pâques. Le carême or-thodoxe, c’est une affaire sérieu-se : tous les aliments d’origine animale sont proscrits (viande, poisson, laitages, œufs). « Il ne s’agit pas que d’une diète », prévient le père Vladi-mir, recteur d’une paroisse dans le centre de Moscou. « Le Carê-me est avant tout un chemine-ment spirituel, il s’agit de se dé-barrasser de ce qui est superfl u

dans notre vie, de se purifi er pour se préparer à la Résurrection du Christ ». Si la vie spirituelle reste à la dis-crétion des prêtres et des fi dèles, entre les murs de l’église, le ré-gime alimentaire, lui, fait l’objet d’un vaste effort public. Depuis deux semaines, des étalages « ca-rémiques » ont fait leur appari-tion dans les supermarchés, pro-posant un « panier du jeûneur », avec assortiment de ratatouilles, conserves, fruits secs. Tous les res-taurants offrent un « menu ca-

Les orthodoxes sont entrés le 6 mars dans le Grand Carême.

rémique », en première page, dans lequel sont regroupés les plats végétariens de la carte. L’initiative est bien accueillie par ceux à qui elle s’adresse, même si son caractère éminemment

commercial est parfois mal dis-simulé. Comme dans cette sand-wicherie « Prime star » où le menu carémique est coiffé de la devise « Préparez-vous à l’été ! Faites Carême ! »

Les relations entre l’Église et l’État sont réputées bonnes en Russie. Selon les sondages, 60% des Russes se disent culturelle-ment orthodoxes. Les grandes

églises des centres-villes ne dé-semplissent pas. Et même si, comme partout en Europe, la pra-tique réelle, régulière et appro-fondie de la religion orthodoxe ne dépasse guère les 4-5%, la sphère publique russe est de plus en plus envahie par le religieux. En ce moment, surtout. Depuis le 6 mars, les chrétiens orthodoxes du monde sont en-trés dans la période du Grand Carême : en mémoire des erran-ces du Christ dans le désert, ce sont quarante jours d’un jeune

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