La revue du projet n°6

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Parti communiste français P. 20 COMBAT D’IDÉES NI DROITE NI GAUCHE : LE PREMIER PARTI DE FRANCE Par GÉRARD SREIFF u P. 6 LE DOSSIER ÉCOLOCOMMUNISTE SANS COMPLEXE ! P. 27 NOTES LE 8 MARS Par LAURENCE COHEN P. 36 SCIENCES BIOTECHNOLOGIES : LES CHOIX TECHNOLOGIQUES, ENJEU MAJEUR DE LA DÉMOCRATIE Par DANIEL THOMAS N°6 MARS 2011 REVUE POLITIQUE MENSUELLE DU PCF

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La revue du projet n°5

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P a r t i c o m m u n i s t e f r a n ç a i s

P.20 COMBAT D’IDÉES

NI DROITE NI GAUCHE : LE PREMIER PARTI DE FRANCEPar GÉRARD SREIFF

u P.6 LE DOSSIER

ÉCOLOCOMMUNISTESANS COMPLEXE !

P.27 NOTES

LE 8 MARSPar LAURENCE COHEN

P.36 SCIENCES

BIOTECHNOLOGIES :LES CHOIX TECHNOLOGIQUES,ENJEU MAJEUR DE LA DÉMOCRATIEPar DANIEL THOMAS

N°6MARS2011

REVUEPOLITIQUEMENSUELLE

DU PCF

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LA REVUE DU PROJET - MARS 2011

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SOMMAIRE

FORUM DES LECTEURS

«  Toujours intéressé par la revue même

si je trouve quelquefois que les ques-

tions soulevées, pour pertinentes

qu’elles soient, ne vont pas au bout de la

réflexion. Mon petit mot concerne le peu

de place que le parti fait  à la culture

alors que c’était LE parti où la culture a

été le plus questionnée. N’avons-nous

plus rien à dire même si le champ

sémantique est immense ? N’avons-

nous rien à proposer en constatant que

la culture est soit celle de la classe domi-

nante soit celle de la distraction ? Il me

semble que l’enjeu est fort en terme

d’émancipation humaine collective et

individuelle. Merci de prêter attention à

cette envie. Bon courage !  » nRENÉ M.

“ Envie de culture ” deux réactions nous sont parvenues :

«  Très beau travail, je salue au passage

mon ami Frédo qui est artiste peintre

comme moi et qui, j’en suis sûre, apprécie-

rait davantage de place donnée à la cul-

ture et aux cultures, et pas seulement à

l’occasion d’une rubrique nécrologie.  » n

EUGÉNIE D.

4 FORUM DES LECTEURS/LECTRICES

6 u20 LE DOSSIER

ECOLOCOMMUNISTE, SANS COMPLEXE ! Luc Foulquier Communisme et écologie, unelongue histoire

Paul Sindic Ecologie et communisme, descombats d’aujourd’hui

Paul Ariès Objecteur de croissance

Frédéric Boccara Une croissance sans précédent d’un autre PIB

Hervé Bramy Face à la crise écologique, unirécologie et justice sociale

Sylvie Mayer Economie équitable, illusion ouréalité

Xavier Compain Changer de modèle agricole

André Chassaigne De la Terre-mère à la Terre commune, extraits d’ouvrage

Nicole Mathieu Pour une recherche en écologie sociale

François Labroille La ville et la mutation écologique, des questions inédites

Amar Bellal Economiser l’énergie dans le bâtiment : enjeu du siècle

Corinne Luxembourg Capitalisme vert, illusions et apories. Les propositions du PCF à mettre en débat

20 COMBAT D’ IDÉESGérard Sreiff : Ni droite, ni gauche : le premier parti de France

SONDAGES : Les Français et l’islam :

la crispation

23 u 27 NOTES DE SECTEURSTRANSPORTGérard Mazet Le transport des voyageurs,des marchandises, le transport aérien et les infrastructures

AUTONOMIEJean-Luc Gibelin Prise en charge solidaire de la perte d’autonomie

SECURITEIan Brossat Loppsi II

FEMINISMELaurence Cohen Le 8 mars

28 REVUE DES MÉDIASAlain Vermeersch Le monde arabe et l’impossible démocratie

30 CRITIQUESCoordonnées par Marine RoussillonÉdouard Glissant, Patrick ChamoiseauQuand les murs tombent : L’identiténationale hors-la-loi ?Thomas Deltombe. Manuel Domergue,Jacob Tatsitsa, Kamerun !Paul Boccara, La crise systémique : une crise de civilisation.Paul Syndic, Urgences planétaires

32 COMMUNISME EN QUESTIONJean-Numa Ducange Quelques remarques sur la forme parti.

34 SCIENCESDaniel Thomas Biotechnologies : les choix technologiques, enjeu majeur de la démocratie

36 CONTACTS / RESPONSABLESDES SECTEURS

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MARS 2011- LA REVUE DU PROJET

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PATRICE BESSAC, RESPONSABLE DU PROJET

ÉDITO

ÉCOLOCOMMUNISTES ? SANS COMPLEXE, OUI !D

e mes lectures (lointaines) decommunication politique, j’airetenu cette idée : à chaque

fois que l’on utilise la négation pourse définir, on renforce en réalitél’idée que l’on veut nier. « Nous nesommes plus...», « Nous avons étémais... », « Dans le passé, c’est vrai,nous... mais le PCF a changé. »

Faites vous même le décompte. Ladurée moyenne d’attention pourun interview radio ou télé, pourune lecture de tract est de moinsde deux minutes. Et à chaque foisque nous tombons dans le piègede la référence au passé, ces deuxpetites minutes sont grillées.

En titrant cette Revue du Projet“Ecolocommuniste, sans complexe”,nous ne prétendons pas avoir faitle tour du sujet. Les lacunes nemanqueront pas d’être relevées.Mais le problème est ailleurs. Eneffet, le soutien de personnalitéscomme Daniel Cohn-Bendit auxpolitiques libérales de l’Union euro-péenne a eu comme conséquenceque l’Europe a régressé sur le fretferroviaire... Pas stagné, non,régressé : il y a plus de camions surles routes aujourd’hui que sur lesrails par rapport aux vingt dernièresannées.

De la même manière, l’acceptationdu dogme de la régulation par lemarché de tous les domaines de

l’économie a eu comme effet une explosion du transport desmarchandises, de leur productionsegmentée et au final un impactécologique désastreux. Parexemple, la France est devenue, aucontraire de l’Allemagne, un paysimportateur net de voitures.

Ou encore les règles de l’OMC nousobligent à acheter de la viandebovine en Amérique du Sud créantla situation paradoxale que cegrand pays agricole qu’est la Francen’est plus autosuffisant pour denombreuses denrées alimentaires.Et pour chacun de ces exemplesles consommations énergétiquesliées aux transports explosent.

Alors pourquoi rougir ? Pourquoirougir et se couvrir la tête decendres alors que les idées, lesfondamentaux de notre engage-ment se révèlent d’une modernitéfolle pour penser l’avenir écolo-gique et social de notre planète.

UN EFFORT DE SYNTHÈSELe deuxième sujet que je voulaisévoquer ce mois-ci est que nousavons entendu le besoin deproduire un effort de synthèse. Ce fut à l’origine notre intentionen demandant aux groupes desecteurs nationaux de s’essayer àcet exercice deux mois après lapublication d’un grand dossier.Nous n’avons pas réussi à l’obtenir.

Nous allons donc changer notrefusil d’épaule au prochain numéroet établir une sorte de “sommaire”des synthèses nécessaires. Vousconnaissez ces magazines que l’onachète numéro après numéro pourcollectionner des fiches pratiques ?C’est ce que nous allons faire encréant deux pages “Les proposi-tions du PCF sur” qui seront égale-ment rassemblées au fur et àmesure sur le site internet. Et sil’expérience se révèle utile àl’usage, et c’est vous qui nous ledirez, nous accélérerons pour enpublier 100 d’ici la fin de l’année.

UNE COLLABORATION AVEC MÉDIAPART COMMENCEJe finis enfin en vous annonçantune bonne nouvelle. L’équipe dela Revue du Projet a rencontré unereprésentante de la rédaction deMédiapart, le site d’informationdirigé par Edwy Plenel, et nousavons le plaisir d’entamer unecollaboration. Ainsi d’ici quelquesjours, la Revue du Projet disposerad’un espace de rédaction danslequel nous publierons régulière-ment une sélection de ses articlesprincipaux. Cela sera aussi unemanière de confronter nos écritsà la sagacité des lecteurs et deslectrices de Médiapart qui j’en suis sûr ne manqueront pas d’encommenter le contenu.

Au mois prochain. n

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FORUM DES LECTEURS

«  En marge du débat MélenchonLe Pen (à mon avis, même si l’exercice est difficile,Mélenchon   a été insuffisant) un sondage a été effectué. Les grandes indications sontpréoccupantes concernantl’électorat populaire. Une constante. Le PCF disparaîtde toutes les études. C’étaitdéjà pesant,   mais cela estsystématiquement très aggravé.Pour rappel un sondage de 2010indiquait que la chute du partiest estimé inévitable par 42%des ouvriers, et ils estiment à 44% que le PCF n’est plus un"parti utile pour défendre ledroit des salariés". Une majorité de citoyensconsidérait que le PCF était unparti comme les autres. Cecin’était pas le cas en 2008. Mais actuellement il n’y a plus cegenre de sondage.(...) Nous devons interpeller sur ce sujet. n

JEAN-LOUIS C.

Concernant le projet du PCF, plusieurs nous ont écrit ce mois-ci pour faire connaître leur opinion :

« Extrait du manifeste du parti communiste de karl marx:“ ils combattent pour les intérêts et les buts immédiatsde la classe ouvrière mais dans le mouvement présentils défendent et représentent en même temps l’avenirdu mouvement. En France, les communistes se rallientau parti social-démocrate contre la bourgeoisie conser-vatrice tout en se réservant le droit de critiquer lesphrases et les illusions. En Suisse, ils appuient les radi-caux sans méconnaitre que ce parti se compose d’élé-ments contradictoires. En pologne, les communistessoutiennent le parti qui voit dans une révolution agrairela condition de la libération nationale. En Allemagne lePC lutte en commun avec la bourgeoisie toutes les foisqu’elle a un comportement révolutionnaire contre lamonarchie absolue. Mais à aucun moment le PC nenéglige de développer chez les ouvriers une conscienceaussi claire que possible de l’antagonisme violent quiexiste entre la bourgeoisie et le prolétariat. En un motles communistes appuient en tous pays tout mouve-ment révolutionnaire contre l’ordre social et politiqueexistant. Enfin les communistes travaillent partout àl’union et à l’entente des partis démocratiques de tousles pays. Les communistes se refusent à masquer leursopinions et leurs intentions.” Ma conclusion : Karl Marx n’appelle pas les citoyens àse rassembler ni à se rallier à son panache rouge. Parcontre il appelle les citoyens à se rassembler le plus large-ment possible sur la revendication sur le projet éman-cipateur tout en n’effaçant pas ses intentions et la pers-pective. Le PCF doit être l’outil qui aide le mouvementémancipateur. n

DANIEL B.

« Je ne connais pas ton projet mais j’enconnais un qui est le plus proche des besoinsdu peuple et il est préconisé par le Front degauche ». À bon entendeur Salut ! »

CARMELO R.

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Écrivez-nous à : [email protected]

Pages réalisées par CÉCILE JACQUET.

«  À propos de l’édito... Depuis le premier, j’ai reconnu une écriture d’un genre nouveau, une autre manière de dire les choses, un style propre à son auteur. Un style que j’apprécie beaucoup, qui participe pour moi de cette autre façon de faire et de dire la politique. L’auteur donne son point de vue tout en ouvrant en grand les portes du débat permanent et partagé, à partir du réel. Il nous interpelle, nous interroge, nous agace mais ne nous laisse pas indifférent. Il est tout à fait dans le sujet, la Revue du Projet. Merci Patrice. n

NICOLE T. LYON

« Le monde bouge. Peut-être assis-tons-nous à un nouveau « prin-temps des peuples ». Le capitalismeest en crise et ses idéologues en dif-ficulté. Mais il n’y a pas de temps àperdre : le capitalisme peut se réno-ver quitte à opérer des rupturesspectaculaires. Parmi les textes cri-tiques qui fleurissent ici et là, il y abien sûr matière à nourrir laréflexion sur le dépassement ducapitalisme mais aussi à lui ouvrirde nouvelles voies. Pour l’heure, nous nous consacronsà la construction du Front deGauche en essayant de sortir par lehaut de la redoutable question del’élection présidentielle et de la can-didature unique. Que ce rassemble-ment trouve un ancrage populaireet les choses les plus compliquéesaujourd’hui deviendront secondes.Le succès de l’entreprise renvoiefinalement à notre capacité àmobiliser, au sens le plus large etcela dans un contexte idéologiquequi demeure des plus défavorables.Le doute profond sur la possibilitéde changer le cours des chosesconstitue l’obstacle le plus lourd à lamobilisation populaire. Commentparvenir à la formalisation collec-tive d’un projet de transformationsans la mise en mouvement du peu-ple, notamment sur le plan idéolo-gique ? Comment une société peut-elle « marcher » sans une participa-tion populaire active ? Nos proposi-tions sectorielles sont évidemmentnécessaires, mais elles ont besoinde se rattacher à trois ou quatregrandes idées. A reporter la formu-lation d’une cohérence à plus tardnous courons le risque de ne pas

voir ce qu’il y a de plus fondamen-tal dans les changements que nousanalysons. Dans le dossier consacréà la Sécurité - premier numéro de laRevue du Projet - on peut lire l’expres-sion « une jeunesse sans affectationsociale ». Il est tout à fait possible depoursuivre la lecture et la réflexionà la recherche de solutions immé-diates à la délinquance sans mesu-rer l’horreur de cette situation faiteaux jeunes. N’est-ce pas là pourtantla donnée majeure pour des com-munistes, qui appelle d’abord unedénonciation publique et qui fondela nécessité d’autre chose, au-delàdes mesures qui amélioreraient lasituation dans les quartiers ? Plus lapression que nous subissons estforte, plus nous avons l’obligationd’être clairvoyants sur ce qui peutcrédibiliser l’idée qu’il faut vrai-ment une autre société. L’amélioration du quoti-dien résume-t-elle l’ambition com-muniste ? La question n’est pasnouvelle. Dans son roman, « Le che-val roux », Elsa triolet la pose déjà.Cette question sur le communismenous embarrasse autant que laromancière embarrassait les com-munistes soviétiques à qui elledemandait ce que pourrait être,selon eux, l’Homme nouveau dansune société communiste ! Nedisons-nous pas pourtant que lacrise du capitalisme appelleaujourd’hui de profondes transfor-mations ? L’Histoire récente, avec lachute de l’URSS et l’échec de ceuxqui se réclamaient du communismenous somme de dire ce que nousvoulons. Nous savons aussi que cemonde nouveau ne naîtra pas d’un

cerveau génial mais de la sociétédans laquelle nous vivons. Nousdevons donc nous exprimer surcelle que nous voulons, certes àgrands traits, peut-être provisoires.Ce que nous avons à faire compren-dre, c’est aussi le niveau de l’ambi-tion qu’il faut avoir aujourd’hui.Quand l’idéologie dominante aimprégné tout le corps social dontnous faisons partie, ne faut-il accor-der la plus grande importance autravail susceptible de nous en déga-ger ? Loin de s’opposer aux proposi-tions à portée immédiate, il enconditionne le caractère transfor-mateur. Oui, il est indispensable denous doter de quelques grands axesqui donnent à voir ce que nousvoulons, mais il faut aussi réussir àse faire entendre. Comment parexemple donner envie de nous lire,de venir débattre d’un programmepartagé ? Comment soulever lachape de plomb de l’idéologie bour-geoise qui paralyse et dévoie lesconsciences ? Plus que jamais, nousdevons dans nos expressionspubliques transgresser les manièresconvenues et être à la hauteur desagressions du capitalisme contrenotre civilisation et des souffrancesqu’endurent les couches popu-laires. Il me semble que c’est ce que tente, dans son registre, Jean-Luc Mélenchon lorsqu’il peut s’ex-primer dans les médias, en espérantainsi attirer l’attention sur autrechose et faire bouger les lignes. Et jenous trouve parfois bien sévères card’entre tous, l’exercice n’est pas leplus aisé ! » n

PCF SECTION DU 12e PARIS

LE MONDE BOUGE

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LE DOSSIER Écolocommuniste : sans complexe !

travail de nos élu(e)s est impressionnant.Je pense aux batailles sur l’eau, l’énergie,l’urbanisme, les transports, les servicespublics, la recherche… Toutes noscampagnes électorales sont marquéespar des propositions fortes en matièred’environnement. Ce fut le cas dans Changer de cap (1971), avant LeProgramme Commun de Gouvernement(1972). Claude Quin quantifie « ce quecoûte le capitalisme à la société » (1972)avec « la dégradation rapide de l’envi-ronnement naturel, la pollution, lesnuisances » qu’il estime à 20 milliardsde francs (Économie et Politique,1972).En 1975, dans une brochure Vivre libres,l’article 56 stipule « la république assurela protection de la nature et sa mise envaleur rationnelle en vue de satisfaire lesbesoins de coopération sans discrimi-nation. Elle prend les mesures néces-saires à la protection de la flore et de lafaune… ». En 1987 le programme duPCF Justice, Liberté, Paix propose « l’uti-lisation pleine et entière des progrèsscientifiques et techniques, un cadre devie de qualité, la protection et la mise envaleur de l’environnement. On y trouvele « produire français » dans le cadred’une grande politique industrielle.N’est-ce-pas une revendication actuellesi on veut rapprocher la production dela consommation ? Sylvie Le Roux (SylvieMayer), rédige en 1989 pour le groupeau parlement européen, 10 propositionsqui traitent du développement, durapport Brundtland, des pollutionsindustrielles, de l’agriculture… et del’effet de serre. Le PCF développe en 1992six propositions dont celle de « protec-tion et de valorisation de l’environne-ment ». La revue Avancées scientifiqueset techniques, créée par René Le Guen,édite un numéro spécial « l’environne-ment au quotidien ». Robert Hue fait « dudéveloppement humain, durable et soli-daire » un axe fort de sa campagne élec-torale. En 2005, le PCF organise un forumnational « pour un développementdurable et solidaire de la planète ». En

PAR LUC FOULQUIER*

LES RAPPORTS HOMME-NATURE

En 1866 Ernst Haeckel écrit : « parécologie nous entendons la totalitéde la science des relations de l’or-

ganisme avec l’environnement compre-nant au sens large toutes les conditionsd’existence ». L’écologie est une science. En 1988, le scientifique communistePascal Acot écrit une histoire de l’éco-logie (PUF). L’environnement concernetous les éléments qui entourent un êtrevivant. Le débat sur la nature est perma-nent même si on s’accorde sur l’idéequ’elle désigne des espèces, des habi-tats, des écosystèmes ; d’où l’expressionde « protection de la nature ».Les caractéristiques de l’espèce humainefont que le naturel et le culturel sontimbriqués. Le travail n’est-il pas unrapport social et un rapport à la nature ?Je peux témoigner que depuis mon adhé-sion au PCF un riche débat a toujoursexisté sur ces questions. J’ai conservé lestextes. Notez que « Recherches Interna-tionales » publie un numéro spécial(1974) « L’homme et l’environnement ».Il n’est qu’à relire Dialectique de lanature, l’idéologie allemande ou l’Anti-Dühring … jusqu’aux travaux de LucienSève pour noter que la question desrapports homme-nature est au cœur desrecherches marxistes. Et pas qu’en« théorie » ! Engels s’inquiète de la misèreet de la pollution atmosphérique àManchester ; Marx explore une urbani-sation nouvelle (écoville aujourd’hui ?).

LE PCF ET L’ÉCOLOGIE, UN GRANDMALENTENDU ! L’écart est évident entre ce que ce partia fait et la perception qu’en ont les genset les communistes eux-mêmes. Chaquefois qu’on organise un débat sur l’éco-logie, nombreux sont ceux qui « décou-vrent » notre activité. C’est vrai d’autressujets : le féminisme, l’immigration oula lutte contre la misère… Pourtant le

COMMUNISME ET ÉCOLOGIE, UNE LONGUE HISTOIREOn aurait pu écrire « environnement et communisme », mais il est« à la mode » de mettre « éco » partout : écotourisme, écoindustrie,écodéveloppement, écocondition, etc. On continue de parler « envi-ronnement, cadre de vie, nature ». La terminologie est le reflet dequestions de fond et de bataille d’idées.

Pour le PCF, il n'est pasnouveau de porter le combat de l’écologie etpourtant cetteorientation n’a pas étéreconnue et partagée.

L'idée d'un nouveau modede développement peutrecouvrir plusieursconceptions et plusieurschemins peuvent êtreempruntés ? Que dit le PCFaujourd'hui?

Chercheuses et/oumilitantes et militantsécologistes et/oucommunistes ont bien vouluapporter leur pierre à cedossier, avant de participerà la convention nationaleprévue sur ce même thème.

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2007, Marie-George Buffet place dansses 15 engagements « l’écologie au cœurdu développement ».On pourrait compléter avec lesnombreux articles de « l’Humanité ». Jepense à ceux du professeur d’écologie,Vincent Labeyrie, les 9 mars et 16novembre 1977 : « Importance et limitede l’écologie » ; « Qu’est-ce-que l’éco-logie ? » et de Jean-Pierre Kahane(23/01/1993) « Économiser les ressourcesnaturelles, cela peut emprunter, etemprunte de fait, des voies détournées,imprévisibles a priori ».Dès 1980, Guy Léger intègre un groupeformé par la direction du PCF, qui abou-tira à la naissance (1981) du MouvementNational de Lutte pour l’Environnement(MNLE) avec le professeur Schwartzen-berg, Jean Ferrat, Alphonse Véronèse(secrétaire de la CGT), Suzanne Pommiersous l’impulsion de Camille Vallin, mairede Givors et de René Nozeran et AndréeLe Frère, membres du comité central.En1969, René Le Guen et Roland Leroy,mettent en place une commission pourtravailler sur les questions scientifiqueset techniques dont l’écologie. Robert Joly,1974, est en charge du secteur « Urba-nisme-Cadre de vie-Environnement ».Pierre Juquin prend le relais. Le 15novembre 1975, la Commission produitun texte important « Avant-projet sur lespoints de règles essentielles pour la ques-tion de l’environnement ». Il servira debase au rapport de Pierre Juquin aucomité central de juin 1976 : « Les commu-nistes et le cadre de vie ». Il traite du fondphilosophique, des besoins et des droits,du travail, du logement… « L’environne-ment devient également une machine àsous ». On avait vu venir le capitalisme« vert » ! On abordait la nature de la crisedu cadre de vie et de l’environnement,…Le débat sur la croissance, le rôle de lascience,… et de grands objectifs de lutte.

UNE ORIENTATION NON RECONNUEComment avons-nous eu tant de diffi-cultés à faire partager ce qui était àl’époque une grande nouveauté, venantd’un Parti ? Pourtant la commission n’apas cessé de travailler avec, comme

responsable, Mireille Bertrand, Le Bihan,Sylvie Mayer, Alain Hayot et aujourd’huiHervé Bramy. Cela a permis et facilitéune profusion de textes (voir Cahiers duCommunisme , Économie et Politique,etc.) et l’édition d’ouvrages1.Tous les travaux de nos congrès (depuisle 22e en 1976) abordent l’environnementet l’écologie en fonction de l’actualité dumoment. Le 34e congrès (2008) y insistefortement à propos de la crise, de lamondialisation, du mode de développe-ment, de la révolution des connaissances.J’ai vécu toutes ces discussions etréunions dans la « commission environ-nement ». Nous avons souffert de lanotion de priorité ! Au moment du « Clubde Rome » (1972), nous disions qu’onvoulait aiguiller les salariés vers la décrois-sance… nous parlions « d’objectifsseconds et non secondaires que lemouvement ouvrier et démocratique nedédaigne pas… ». Des insuffisances nousen avons ; mais les textes et les luttes denotre parti témoignent que la caricaturequi consiste à nous présenter comme« productiviste » et « anti écologique » n’aqu’un but : sortir les batailles environne-mentales du combat de classe. Je persisteet je signe : la science écologique nesaurait être la science des sciences.Protéger la nature, économiser, produireautrement sont indispensables pourl’existence même de l’Humanité. Maisutiliser cette nécessité profonde pour desraisons purement électoralistes ou poli-ticiennes, en s’appuyant sur les « peurs »,le « ni droite, ni gauche » des forces écolo-gistes, nous éloignent de la lutte contrele système capitaliste et l’oligarchie quile perpétue. Ce texte, peut être faudra-t-il en écrire plus ?, montre que nous avonsbesoin de formation pour s’emparer denos propres propositions et ne pas lesperdre, faute de ne pas les utiliser. Il fautêtre tenace. Le philosophe Schencken-burger écrit (Humanité du 19/02/2011),à propos d’un manifeste d’Eva Joly et deNoël Mamère, que le « vocabulaire renoueavec les thèmes portés dans les années70 par la sociobiologie réactionnaire » ;«… mais on ne saurait faire de la poli-tique une écologie… », « …mais il faut

une écologie politique »; Depuis 40 ansnous ne nous sommes pas battus pourrien !

POURQUOI ?Il est difficile de démontrer que les enjeuxde l’environnement sont des enjeux declasse et non des revendications ou du« désir de nature ou de naturel » ! Nousavons eu tendance à agir essentiellementsur « le cadre de vie ». Le « social », « l’éco-nomique » étaient prioritaires. La direc-tion nationale n’a pas pu (ou su) lancerdes campagnes avec nos propositions.Il n’y a pas eu un autre conseil nationalsur l’écologie. L’expression « forces degauche et écologistes » a laissé ce sujetaux « verts », y compris dans notre presse.Le temps est pris par « la stratégie » et« les élections ». Les moyens donnés à la« commission écologie » étaient tropfaibles. Mais surtout le travail morcelé(recherche, économie, énergie, agricul-ture, écologie,…), peut se « perdre » fautede cohérence, de projet. Quelle fédéra-tion, quelle section a diffusé les dernierstracts sur l’écologie, le climat, la taxecarbone, l’eau ? Qui impulse ?Ne nions pas les reculs idéologiques. Les« non débats » du style « non » aux nano-technologies, aux O.G.M., au nucléaire,au TGV… exploitent les peurs et nepermettent pas la constructioncommune de réponses. Il faut relancerla bataille sur les connaissances.Une vision globale sur les rapports« homme-nature- société » est néces-saire pour lier le « vivre mieux et autre-ment » avec une autre conception de lacroissance et du développement.Depuis quelques temps une demandeet une offre de formation sur « l’écologie »se développe, la Revue du Projet existeet en parle. Si on utilise nos propositions,on peut inverser la perception que lesgens ont de notre politique environne-mentale. Qu’en pensez-vous ? n

*Luc Foulquier, est chercheur en écologie –membre de la Commission Écologie duConseil National.

Guy Biolat (Luc Foulquier), Marxisme et environnement,1973 ; Catherine Claude, Voyages et aventures en écologie, 1978 ; Jean-Marie Legay, Quia peur de la science ?, 1981 ; René Le Guen, Les enjeux du progrès, 1983 ; Sylvie Mayer, Parti pris pour l’écologie, 1990 ; Sylvie Mayer, Quelleplanète lèguerons-nous ? ; Paul Sindic, Urgences planétaires, 2011 ; André Chassaigne, Pour une terre commune, 2011

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LE DOSSIER Écolocommuniste : sans complexe !

ÉCOLOGIE ET COUCHES POPULAIRESCitons simplement l’inadéquation fla-grante des préconisations écologistes àla situation réelle des couches popu-laires dans notre pays et, au-delà, à cellede la majorité misérable de la popula-tion planétaire. Les salariés mal payés,les précaires, chômeurs n’achètent pasde la nourriture bio, tout simplementparce qu’elle est plus chère. Pour le mil-liard d’êtres humains qui ont faim, leproblème n’est pas de manger bio, maisde manger tout court. Les trois milliardsd’êtres humains qui vivent dans lamisère (coût humain : au minimum 15millions de morts/an, un énorme scan-dale) ont, eux, un impérieux besoin decroissance économique matérielle (sys-tèmes éducatifs, de santé, infrastruc-tures de transport, énergie, eau potable,assainissement, etc.). Si, dans notrepays, la priorité n’est pas effectivementde créer plus de richesses, mais demieux les répartir, diminuer lesrichesses créées n’est pas un objectifécologiste.

LES CONTRAINTES DE LA DURABILITÉEn effet, les contraintes réelles de ladurabilité sont : - la minimisation des prélèvements surles ressources naturelles épuisables, - la gestion la plus économe possible desressources naturelles renouvelables et, - la réduction drastique des atteintes àl’environnement, toutes choses qui nesont pas incompatibles avec un niveaustable de richesses créées, voire avec leuraccroissement (part grandissante desactivités productives immatérielles,produits à longue durée de vie, entière-ment recyclables, etc.). L’anti-productivisme, lui, se réfère à uneobsession de produire qui dans notrepays n’existe plus. L’activité matériellede produire est de plus en plus sous-traitée ou délocalisée. L’obsession estplutôt de vendre, grâce au pilonnagepublicitaire, à l’obsolescence artificielledes produits, pour accélérer les cyclesde profits toujours plus élevés, voired’abandonner les activités productivespour des activités financières encore plusrentables. Le danger réel actuel est à l’in-verse du productivisme. Les déclins del’investissement et de l’emploi indus-triels s’ils persistaient, aboutiraient à uneincapacité française à faire face auxcontraintes nationales et planétaires dela durabilité. Enfin, l’électricité de notre pays, bonmarché, est déjà décarbonée à 90 %,(pour l’essentiel grâce au nucléaire).

ÉCOLOGIE ET COMMUNISME, DES COMBATS D’AUJOURD’HUI

PAR PAUL SINDIC*

Paradoxalement, à la naissance desmouvements écologistes français,au début des années 70, il n’en était

pas ainsi. Les premiers combats envi-ronnementaux : pollutions de l’air enzones urbaines et pollutions industriellesdes eaux (rivières, fleuves, zones marinescôtières) ont été souvent communs auxpremiers militants écologistes et à uncertain nombre de militants commu-nistes, de sensibilité écologiste. Citonsles luttes contre les pollutions indus-trielles du Rhône, animées au départ parCamille Vallin, maire de Givors, membredu Comité central du PCF. Cette lutte,victorieuse, débouchera ensuite sur lacréation du Mouvement national de luttepour l’environnement (MNLE) par desmilitants écologistes, membres ouproches du PCF, qui mènera au fil desans un certain nombre de luttes1. Soninfluence s’est réduite ensuite pour desraisons sur lesquelles nous allons revenir.A l’époque, existait la possibilité d’undialogue fécond et indispensable entredeux volontés de changer le monde, l’unevisant à changer les rapports de l’hommeavec la nature, l’autre visant à remplacerla logique du profit par celle de la satis-faction des besoins humains essentiels,incluant ces nouveaux rapports avec lanature. La complémentarité entre cesdeux volontés était évidente et ledemeure aujourd’hui. Mais cette oppor-tunité n’a pas été saisie.

UNE OPPORTUNITÉ MANQUÉELes militants communistes ont, à quelquesexceptions près, cédé à leur péché histo-rique habituel. A savoir, considérer que lecombat essentiel était celui d’arracher lepouvoir au capital, les autres combatsétant secondaires et facilement gagnésune fois le capital battu (voir erreur simi-laire sur le féminisme dans la périodeantérieure). En fait, tous les combatsprogressistes sont à mener de front, carils se confortent les uns les autres. Ensuite,

la réserve communiste s’est accrue au fildes positions politiques prises ensuite parle courant écologique dominant.Celui-ci a, en effet, dans notre pays,majoritairement décidé de se constitueren formations politiques briguant dessièges aux différentes élections (certainsmouvements comme les Amis de laTerre n’ont pas suivi ce chemin). Or,pour exister électoralement, il faut sesituer sur l’échiquier politique etconstruire des repères idéologiques, viaun certain nombre de thèmes. Ni droite,ni gauche, le premier avancé, a été baséà l’origine sur le raisonnement simplisteque capitalisme et socialisme à la sovié-tique ayant commis tous deux de gravesatteintes à l’environnement, l’écologiedevait se situer au dessus des choix poli-tiques habituels (ce thème est encoreexploité aujourd’hui). Dans la réalité,les autres thèmes identitaires avancésensuite, à savoir la décroissance écono-mique, l’anti-productivisme, le change-ment d’attitude individuel (manger bio,faire du vélo), une passion quasi-méta-physique contre le nucléaire civil, etc.,sont marqués par un certain européo-centrisme et par une sensibilité social-démocrate majoritaire (avec une mino-rité de centre droit). En effet, les mili-tants écologistes, sociologiquement,relèvent principalement d’un salariatqualifié (enseignants, cadres, intellec-tuels divers). Du même coup, le capita-lisme n’est pas remis en question. Ils’agit de le réformer, non de le dépasser.Si le mouvement écologiste a joué unrôle très positif dans un recensementexhaustif de la multiplicité des atteintesà l’environnement, sa difficulté idéolo-gique à percevoir le rôle décisif, structu-rel, d’une course infernale à des profitstoujours plus élevés dans l’aggravationdes gaspillages de ressources, desatteintes environnementales, l’a conduità de sérieuses erreurs d’analyse etd’orientation, qui ne peuvent être toutesdétaillées ici.

Les termes écologie et communisme ont, depuis près d’une tren-taine d’années, paru relever d’univers idéologiques différents, avecdes points d’affrontement souvent cultivés délibérément, surtout ducôté écologiste.

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OBJECTEUR DE CROISSANCELa grande question pour le 21e siècle est de renouer avec cette capacitéà se donner des limites qui suppose d’en finir avec l’économisme (l’idéeque « plus serait forcément égal à mieux ») de droite ou de gauche.

PAR PAUL ARIÈS*

Nous vivons une véritable crise systé-mique (écologique, sociale, poli-tique, humaine, etc). Ce qui fait lien,

c’est le fait que nous avons perdu la capa-cité à nous donner des limites. Un indi-vidu incapable de se donner des limitesva nécessairement les chercher dans leréel : conduites à risque, toxicomanie,suicides, etc. Une société incapable de sedonner des limites va aussi les chercherdans le réel : épuisement des ressources,réchauffement planétaire, explosionobscène des inégalités. Les objecteurs decroissance ne sont donc pas des écolosplus « hard » que les autres. Je ne suis pasvenu à la décroissance parce qu’il y a lefeu à la planète, mais par refus du carac-tère aliénant de ce monde. Parler desociété capitaliste est devenu ainsi unabus de langage. Ce monde de lamarchandise ne fait plus société. Ladéliaison domine partout. Mon inquié-tude est donc tout autant anthropolo-gique que sociale ou écologique. Il ne fautpas seulement se demander quelle Terrenous léguerons à nos enfants mais quelsenfants nous lèguerons à la planète.

SEUILS D’IRRÉVERSIBILITÉDe la même façon que nous parlons deseuils d’irréversibilité sur le plan environ-

nemental (au-delà de 2° celsius d’aug-mentation de la température, nous nesavons pas ce qui arrivera), il existe aussides seuils d’irréversibilité sur le planculturel et psychique. Je suis effaré parcette « basse culture » qui se développe.J’ai peur aussi que nous ne donnions plusaux enfants la possibilité de se construire.Ces enfants qu’on fait grandir trop vitedeviennent ensuite des ado-adultesparfaitement adaptés à la société de dévo-ration…Le grand enjeu est donc deremettre la « fabrique de l’humain » aucœur des réflexions et actions et pour celad’admettre que la décroissance écono-mique des riches est la condition d’unecroissance en humanité. La gauchecomme la droite sont responsables de ladestruction des écosystèmes, car ces deuxsystèmes ont pillé la planète pour nourrirleur machine productiviste, mais ces deuxsystèmes ne sont pas dans la mêmeposture. Les droites et les milieux d’af-faires ont un vrai projet : le « capitalismevert » c'est-à-dire la volonté d’adapter laplanète et l’humanité elle-même auxbesoins du productivisme (courant trans-humaniste, nouvelle politique gouverne-mentale d’adaptation aux conséquencesdu réchauffement plutôt que decombattre ses causes). Les gauches, à l’échelle internationale,restent largement aphones, car elles ne

C’est un atout, unique au niveau plané-taire, pour affronter la contrainte trèsélevée de diminuer de 80 % les émis-sions de CO2 d’ici 2050. L’hostilitémétaphysique au nucléaire civil n’adonc guère de sens. Plus grave, elleentrave, au niveau national et interna-tional, la vraie bataille de la sûreténucléaire (sécurité des centrales et de lagestion des déchets) qui n’est plus unequestion technique (maîtrisée dansnotre pays, comme le confirme le der-nier Rapport parlementaire sur le sujetdu 19/01/11), mais une lutte contretoute pénétration de la gestion capita-liste dans ce domaine sensible quiaboutirait fatalement à mettre en causela dite sûreté. D’où la nécessité absolued’une maîtrise publique, mais aussi demécanismes internationaux de contrôletrès stricts de la dite sûreté nucléaire,(opérant y compris en France), vunotamment la relance mondiale dunucléaire civil. Or, le courant écologistefrançais est pour l’instant totalementabsent de ce nécessaire combat.Enfin, relever les défis planétaires urgents(crise énergétique-réchauffement clima-tique, misère de la moitié de l’humanité)va nécessiter, dès les toutes prochainesdécennies, d’énormes investissements(de l’ordre de dizaines de milliers demilliards de $), si nous ne voulons pasque l’humanité sombre dans la barbarieou disparaisse. Notre responsabilitécollective vis-à-vis des générationsfutures est énorme à cet égard. Or, unemajorité de ces investissements ne sontpas « rentables » au sens capitaliste duterme et le capitalisme financier mondia-lisé refuse en fait de les assumer, commeil refuse aussi les prélèvements publicssur les richesses créées pour financer lesdits investissements. Les diversions du« capitalisme vert » où des niches artifi-cielles de rentabilité élevée sont crééesà coup de subventions publiques (ex.éolien et photovoltaïque) servent à dissi-muler cette réalité fondamentale.

DÉPASSER LE CAPITALISME, UN IMPÉRATIF DE SURVIE. Il y a eu dans la dernière période prisede conscience partielle de cette situa-tion dans une fraction très minoritairedu courant écologiste, la conduisant àrejoindre le camp progressiste. Idemdans un mouvement comme ATTAC.Mais il faut aller beaucoup plus loin,engager un débat de fond sérieux, sansconcessions, avec l’ensemble du courantécologique de gauche, avec toutes lesforces de gauche, à ce sujet, dans la pers-

pective de gagner une majorité de Fran-çais à ce combat. Le dépassement, national et planétaire,au cours des prochaines décennies, dela logique capitaliste de l’accumulationde profits privés au bénéfice de celle du« développement humain durable » (2),doit conjuguer satisfaction des besoinsessentiels de tous les êtres humains,potentialités d’épanouissement indivi-duel et respect des contraintes de la« durabilité » énumérées plus haut. Il doit

donc marier problématiques écologiqueset processus d’avancées, par étapesdémocratiquement décidées, définiesau fur et à mesure, vers une nouvellesociété humaine, qualitativement supé-rieure, « communiste » au sens premierde ce terme. C’est un immense défi, maiscombien exaltant à relever. n

*Paul Sindic, est auteur du livre, Urgencesplanétaires, préfacé par F. Wurtz, Ed. Le Tempsdes Cerises qui traite de manière plus détailléede divers thèmes abordés dans cet article.

(1) Sur le plan de la lutte idéologique, voir l’ouvrage écrit à cette époque par un militant com-muniste, Luc Foulquier, Marxisme et environnement (sous le pseudonyme de Guy Biolat).(2) Ce concept nouveau est apparu pour la première fois dans les textes du 34e Congrès du PCF,en 2008, mais il est loin encore d’être le bien commun des militants communistes et encoremoins des autres militants progressistes. Le concept de « développement durable », largementrécupéré par l’idéologie capitaliste, domine toujours.

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LE DOSSIER

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Écolocommuniste : sans complexe !

savent pas encore comment concilier lescontraintes environnementales avec lesouci de justice sociale et le besoin dereconnaissance, face à la société du mépris.Les gauches ne retrouveront une parolefécondante que si elles font sécession, quesi elles font contre-société : nous nepouvons peut être pas changer ce monde,mais nous devons au moins essayer d’enconstruire un autre. J’ai montré dans monlivre « La simplicité volontaire contre lemythe de l’abondance » que l’histoiredepuis deux siècles est aussi celle du conflitentre deux gauches. D’un côté, une gaucheproductiviste qui a toujours eu foi dans ledéveloppement des forces productives,dans le mythe béat du progrès, cettegauche-ci a toujours été dominante maiselle a aujourd’hui du plomb dans l’aile carelle ne peut promettre, sincèrement, à plusdes sept milliards d’humains d’accéder aupays de Cocagne, à l’abondance. D’unautre côté, existe aussi une gauche anti-productiviste qui plonge ses racines dansles luttes multiséculaires des milieux popu-laires contre ce qu’on nomme à tort leprogrès, ces paysans refusant le passagede la faucille à la faux, ces ouvriers cassantcertaines machines, etc. Cette gauche-làest celle du « droit à la paresse », (PaulLafargue), des « sublimes », ces ouvriershautement qualifiés qui choisissaient detravailler le moins possible, cette gauchefut au milieu du 20e siècle, celle du « vivreet travailler au pays ». Cette gauche anti-productiviste a toujours été dominée etridiculisée. Elle a longtemps broyé du noircar elle croyait le peuple définitivementintégré à la société de consommation, doncdéfinitivement perdu pour la révolution.Cette gauche antiproductiviste peutaujourd’hui devenir enfin optimiste, carla crise environnementale mais aussi la finprogrammée des classes moyenne (cettegénération des Bac + 5 à 1000 euros)rendant de nouveau possible la redéfini-tion d’un nouveau projet de société et d’unnouveau sujet capable de le porter.

GRATUITÉ DU BON USAGENous ne pouvons plus refouler la grandequestion historique qui est celle dupartage. Puisque le gâteau mondial (PIB)ne peut plus grossir, nous devons changersa recette (qu’est-ce qu’on produit ?comment ? pour qui ?) afin de pouvoir lepartager. L’époque est donc bien au retourdes partageux. Le moment est venu de liernos mots-obus (décroissance, anticapi-talisme) à des mots chantiers : le ralentis-sement contre le culte de la vitesse, la relo-calisation contre le mondialisme, lacoopération contre l’esprit de concur-

rence, le choix d’une vie simple contre lemythe de l’abondance, la gratuité contrela marchandisation. Le grand combataujourd’hui n’est plus de manifester pourle pouvoir d’achat mais de défendre etétendre la sphère de la gratuité. Tout nepeut être gratuit, donc il faut faire deschoix. Veut-on la gratuité du stationne-ment pour les voitures, ou celle de l’eauvitale, de la restauration scolaire, des trans-ports en commun, des services funéraires,etc.? Je propose donc un nouveau para-digme : gratuité du bon usage face aurenchérissement du mésusage. Pourquoipaye-t-on l’eau, le même prix pour faireson ménage et remplir sa piscine privée ?Ce qui vaut pour l’eau vaut pour l’en-semble des biens communs. Il n’y a pasde définition objective ou moraliste dubon usage et du mésusage, mais seule-ment une définition politique, c’est ce queles gens en feront.

REPOÉTISER NOS EXISTENCESL’enjeu est double : donner du grain àmoudre à la démocratie participative enn’oubliant jamais que la vraie démo-cratie, c’est toujours de postuler lacompétence des incompétents, derendre la parole à ceux qui en ont étéprivés, réapprendre à redevenir desusagers maîtres de nos usages, mais aussi

combattre l’insécurité économique. Laforce du système est sa capacité à insé-curiser les gens…ce qui fonde la possi-bilité d’un gouvernement par la peur etdu renforcement répressif. Si je suispartisan d’un revenu garanti couplé àun revenu maximal autorisé, c’est aussiparce que je fais le pari que despersonnes sécurisées économiquementpourront développer les autres facettesde leur personnalité : nous ne sommespas seulement des forçats du travail etde la consommation, mais aussi descitoyens, des artistes, des amants, etc.Nous devons repoétiser nos existences,libérer un désir authentique. Souvenons-nous de la place des poètes dans la Résis-tance ? C’est pourquoi je suis aussi pourun retour de la morale en politique. Nousdevons réapprendre à parler au cœur etaux tripes. Nous devons regarder davan-tage les « gens de peu » que les couchesmoyennes. Le slogan de la décroissance« moins de biens, plus de liens » exprimece désir d’une décroissance économiqueet d’une croissance en humanité. L’unene peut pas aller sans l’autre. n

*Paul Ariès est directeur du Sarkophage,auteur de La simplicité volontaire contre lemythe de l’abondance (la découverte). Co-organisateur du 3e contre-Grenelle de l’envi-ronnement, le 2 avril 2011.

UNE CROISSANCE SANS PRÉCÉDENT D’UN AUTRE PRODUIT INTÉRIEUR BRUTCritère d’accumulation des moyens matériels poussant à leur excèset gâchis avec la crise de suraccumulation, la rentabilité s’oppose àdes objectifs écologiques comme sociaux

PAR FRÉDERIC BOCCARA*

La marchandisation est au cœur de lacrise écologique et sociale ainsi quedes réponses perverses à celle-ci1. Il

est absolument nécessaire de changerles critères de gestion des entreprisespour en mettre d’autres en œuvre visantà économiser le capital et les matières2

et à développer les capacités humaines,et pas seulement de limiter les effets descritères dominants. Ce changementpousserait aussi les activités socialeslibres et le temps pour elles. Cetteexigence de notre époque appelle undéveloppement sans précédent desservices publics, d’un nouveau type.

UNE DÉCROISSANCE RADICALE DE LA FINANCE, DES GÂCHIS MATÉRIELSET DE CAPITALCe n’est donc évidemment pas unedécroissance généralisée qui est néces-saire. Une telle révolution de l’écono-mie appelle une décroissance radicalede la finance, des gâchis de capital, dematériels, de matières, etc. Elle appelleune croissance tout aussi radicale, etsans précédent, des activités trèsintenses en personnes (éducation,santé, recherche, …), sans les couperdes activités de production matérielle,et une réduction massive du temps detravail tout au long de la vie, exactopposé de l’actuelle course folle à la

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L’entretien et le développement desbiens communs (et pas seulement lapréservation d’un stock) appellent ledéveloppement de services publics etsocialisés de l’environnement et del’écologie, tout comme celui d’entre-prises publiques fonctionnant selondes critères d’économie de ressourcesnaturelles et de moyens matériels, enalternative à la domination-prédationde l’environnement et des ressourcesnaturelles exercées par les multinatio-nales. Des services publics nationaux,coopérant entre eux jusqu’au niveaumondial, co-déterminant leur actionavec les usagers, s’intéresseraient aux« ressources naturelles », mais aussi à laproduction, aux effets des technolo-gies, voire à leur transfert. Cela se pra-tique actuellement mais de façon trèsembryonnaire voire pervertie sous ladomination des firmes multinationales(pôles de compétitivité, agences, etc.).La question d’une articulation ser-vices/industrie autre que par le mar-ché, avec le service public, et d’uneplanification indicatrice, autogestion-naire, et de ses critères est ainsi posée.Développer les services publics ets’émanciper des marchés est à l’op-posé d’options social-libérales de cer-tains écologistes, et demande de toutautres financements, beaucoup plusmassifs qu’actuellement.

UNE UTOPIE RÉALISTEUne refonte écologique et culturelledes productions exige de viser une cir-cularité radicale des productions (ré-utilisation des « sorties » matérielles dela production pour ses « entrées »). Ellesuppose aussi de viser l’usage au lieude la possession des objets, questionabordée aujourd’hui mais de façonhyper-marchande, en substituant àl’achat d’une marchandise la locationde l’usage. Au marché, on substitue …le marché6 ! Avec tous les problèmesposés par les gâchis accrus de nondétention, et de renouvellement accé-léré impulsé par les multinationalespour sans cesse remplacer les produitspar des nouveaux produits matériels.Se pose en réalité la question d’unetransition révolutionnaire, matérielleet culturelle, vers un système productifqui viserait les valeurs d’usage et nonplus les valeurs marchandes, tout encontinuant d’économiser le travailfourni, mais de façon maîtrisée (à l’op-posé de certaines tendances à vouloirgâcher le travail vivant, symétriques dugâchis actuel de matières et de travail

mort). Parmi les indicateurs d’utilisa-tion, ou d’usage, ceux du temps gagnépourraient devenir centraux, à partirnotamment de la mise en œuvre de cri-tères « d’efficience sociétale »7 dans lesservices publics.

RÉVOLUTIONNER PRODUCTION, CRITÈRESDE GESTION ET SERVICES PUBLICSOn sous-estime l’enjeu écologique sion ne voit pas qu’il faut révolutionnerles productions, les critères de gestiondes entreprises (tout particulièrementles multinationales) ou le besoin deservices publics nationaux très déve-loppés, transformés. Réduire l’enjeuécologique à une simple limitation dela consommation et à un partage desrichesses existantes entre riches etpauvres ou entre Nord et Sud, c’estaussi sous-estimer les effets pervers dece qui est fait, aboutissant au mieux àdes résultats quantitatifs plus queminimes. En insistant dans les paysdéveloppés comme la France sur laconsommation des ménages, on foca-lise sur des éléments en bout de chaînede façon non systémique et on ren-force la culpabilisation paralysante. Ils’agit au contraire de voir le rôle décisifdu capital multinational et des firmes,dans la gestion des biens qui pour-raient être communs, le rôle des cri-tères de gestion du capital, du typetechnologique actuel et du type definancement. Traiter conjointement l’enjeu social etécologique contribue pleinement audépassement du capitalisme, et de lafaçon dont il modèle production,consommation, territoire, système depouvoirs et technologie. Cela contri-bue aussi au dépassement du libéra-lisme, en allant vers une civilisation del’Humanité sur toute la Terre. n

*Frédéric Boccara économiste, membre duconseil national.

(1) Frédéric Boccara, Capitalisme Vert, TaxeCarbone et Cancun, Economie et Politique, àparaître. (2) Paul Boccara, Transformations et crise ducapitalisme mondialisé. Quelle alternative ?2e édition, Le Temps des cerises.(3) Serge Latouche, Le pari de la décrois-sance, Fayard/Pluriel, 2010, p. 22).(4) Jean Gadrey, « Écologie, révolution desservices et emploi », in Développementdurable : pour une nouvelle économie,p. 121-141.[1]- (5) Denis Durand, Un autre crédit est possi-ble, Le temps des cerises, 2001.(6) Patricia Crifo, Michèle Debonneuil, Jean-Pierre Grandjean, Croissance verte, Rapportdu Conseil économique pour le développe-ment durable, novembre 2009.

surexploitation par les gains de pro-ductivité apparente du travail quigénère la course au temps, cetteoppression sur le temps dénoncée parBadiou. Pour ce faire il est besoin d’unecroissance massive de financements etd’avances de fonds, donc d’une crois-sance du Produit intérieur brut (PIB)où, entre autres choses, l’activité desservices publics est incluse. Mais celaveut dire une croissance du PIB avecun tout autre contenu donc une autreproduction. Et surtout la poursuited’autres buts sociaux et sociétaux.On ne peut laisser entendre que la dic-tature des critères de rentabilité recule-rait spontanément si l’on visait ladécroissance globale : avec la récenterécession, on voit nettement quel typede décroissance le système dominantgénère, renforçant le mal être et les pri-vations3. Symétriquement, observerque l’expansion des services se faitavec une montée des inégalités, de laprécarité, de la surexploitation, de laconsommation globale d’énergie et dematières4 devrait conduire à voir leconflit qui se joue dans le cadre du typede croissance du PIB et des servicespour que cette croissance ne soit pasdominée par l’accumulation maté-rielle et les critères de rentabilité. Dansle capitalisme la finalité n’est pas laproduction en soi, ni les besoins, c’est,comme le dit Marx à la fin du Capital,« la production centrée sur l’obtentionde valeur et de plus-value » pour la rentabilité et l’accumulation desmachines, par opposition à la produc-tion de valeur d’usage.Il faut ainsi agir sur les multinationaleset le système productif avec des finan-cements nouveaux, ce qui rejoint laquestion cruciale de la création moné-taire partagée au niveau mondial,développant la monnaie comme biencommun mondial5 ainsi que nous leproposons à partir de l’analyse néo-marxiste de la régulation systémique.

DE NOUVEAUX SERVICES PUBLICS NÉCESSITENT PLUS DE CROISSANCEUne politique de dépenses publiquesactive est nécessaire pour permettre devraies alternatives à la consommationnon écologique, au lieu d’une politiqueinégalitaire de fait. Cela appelle desdépenses massives de recherche etdans les infrastructures publiques,mais aussi des investissements nou-veaux des entreprises et des dépensesconsidérables de reconversion desemplois et de qualifications des gens.

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LE DOSSIER Écolocommuniste : sans complexe !

FACE À LA CRISE ÉCOLOGIQUE, UNIR ÉCOLOGIE ET JUSTICE SOCIALE*L'écologie politique va bien au-delà de la défense de l'environnement.Elle se veut radicale, s'attaque à la racine des causes de la catas-trophe écologique : culte du profit, règne de la concurrence et du libreéchange, montée des inégalités et fuite en avant productiviste...

La crise écologique est la conséquenced'une exploitation sans limites desressources naturelles qui provoque

une détérioration profonde, parfois irré-versible, de l’environnement.Parce que nous faisons le lien entre l'oli-garchie, les très riches, et la destructionde la planète, notre écologie ne peutqu'être profondément anticapitaliste etéprise de justice sociale. Parce que lesystème actuel provoque l'exploitationà la fois des individus et des écosys-tèmes, notre écologie vise à changer desystème et à proposer des ruptures detransformation écologique et sociale,fermement ancrées à gauche, solidaires,internationalistes et citoyennes. Revoirnos modes de production et deconsommation, dépasser le culte de lacroissance économique à tout prix,interroger nos besoins et la notion derichesse. Repenser les rapports Nord-Sud et les solidarités internationalespour une autre mondialisation au ser-vice des peuples. En finir avec l'OMC etrefuser la construction actuelle del'Union Européenne avec son cortègede privatisations de services publicsessentiels.

L’URGENCE ÉCOLOGIQUELes causes en sont la recherche effrénéedu profit et de l'exploitation sans limitedes êtres humains et des ressourcesnaturelles. Avec les transports de mar-chandises extrêmement polluants,aujourd'hui un jean fait le tour dumonde avant d'arriver dans nos pla-cards, après avoir été produit dans desconditions indécentes à l'autre bout dumonde, du fait du dumping social etenvironnemental. Mais le problèmetrouve aussi sa source dans les poli-tiques de l'OMC, du FMI et de laBanque Mondiale, relayées par les gou-vernements libéraux qui détruisent lesservices publics, l'agriculture vivrière, latransformant en monocultures desti-nées à l'export – comme pour laPolitique Agricole Commune de l'UnionEuropéenne qui offre des subventionsaux trusts agricoles. Le résultat, c’est laruine des paysans, les migrations for-

cées des populations et la régressionxénophobe dans la mise en place d’uneEurope forteresse.La logique du capitalisme vert revient àcréer des mécanismes qui font de laprotection de l'environnement unenouvelle source de profits, sans soucides conséquences sur l'environnementni sur les conditions de vie des peuples.Depuis plus de 150 ans, le capitalisme aentraîné un développement anarchiqueet brutal de la production, avec le ren-fort de la publicité, des modes et du cré-dit à la consommation, sans prendre encompte les besoins humains réels et leslimites des ressources naturelles.Réalisation de profits, et satisfaction debesoins artificiellement créés étaient les critères des choix économiques.Aujourd'hui, la crise climatique danslaquelle l'Humanité est entrée depuis lafin du 20ème siècle joue un rôle d'accé-lérateur brutal des inégalités sociales,des crises alimentaires et énergétiques.

UN NOUVEAU MODE DE DÉVELOPPEMENTLe maintien voire le développement desécosystèmes - qui ont besoin de tempslongs - est incompatible avec larecherche maximum et à court terme duprofit. Les crises (alimentaire, écologique,financière, démocratique…) appellent denouvelles avancées de civilisation quiremettent en cause les modes de produc-tion et d’échanges capitalistes, larecherche exacerbée du profit, et au-delàl’ensemble des rapports de domination,d’exploitation et d’aliénation qui gouver-nent le monde, les êtres humains et lanature depuis des millénaires.Un nouveau mode de développement,c’est d’abord une action publique réso-lue en faveur d’une maîtrise citoyennesociale et écologique de l’économie. Laquestion d’une croissance saine enterme d’emploi, de formation, de pro-tection sociale et de services publics estune des questions fortes en débat. Bâtirun autre mode de développement sup-pose d’agir pour des transformationsprofondes de la société et de déterminerquels secteurs de l’économie devrontêtre prioritaires et sur lesquels les inves-

tissements devront s’accroître et quelssecteurs sont jugés inutiles et néfasteset devront être abandonnés. Une trans-formation économique, financière etsociale suppose une maîtrise publiquedes marchés tout en garantissant laliberté de choix des individus au sein dumarché de biens de consommationcourante. Un dépassement du marchédu travail par la sécurisation tout aulong de la vie des parcours de travail, deformation ainsi que des revenus. Enfin,une maîtrise publique des marchésfinanciers par la création de pôlespublics de la finance, afin d’en finir avecla spéculation par la maîtrise politiquedes orientations des banques centrales- de leurs finalités comme de leurs mis-sions - et par l’instauration d’une autrepolitique du crédit orientée vers l’em-ploi, la formation, l’investissement souscritères sociaux et environnementaux.Les enjeux environnementaux sontétroitement liés aux enjeux sociaux etles familles modestes, les personnes etles salariés en situation précaire sont lesplus exposés aux risques environne-mentaux. En 40 ans, malgré une crois-sance considérable de la richesse pro-duite dans le monde, les inégalités n’ontcessé de s’accroître : l’écart entre lesplus pauvres et les plus riches était de 1à 30 en 1960, il est aujourd’hui de 1 à 80Face au changement climatique nousdevons penser l’après pétrole - énergiefossile en voie de disparition, et des pluscontributives à l’effet de serre - et ouvriren grand le débat sur la politique éner-gétique française et européenne : systé-matisation des plans climat, pro-gramme d’économie et d’efficacitéénergétique [habitat aux normes écolo-giques, développement des transportsen commun, ferroutage et fluvial…].Dans tous les domaines, notre objectifest de viser la sobriété énergétique.Nous engagerons un soutien massif audéveloppement des énergies renouvela-bles (solaire, géothermique, hydrau-lique, éolienne). Il est urgent d’accélérerles efforts de recherche en matière d’ef-ficacité énergétique dans toutes lesdirections. Nous reconnaissons qu'undébat existe dans la société, dans lemouvement ouvrier sur la question dunucléaire. Ce débat existe également ausein du Front de Gauche entre la sup-pression progressive du nucléaire ou lemaintien d'un nucléaire sécurisé etpublic. Un débat national sur la poli-

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tique énergétique et le nucléaire devraêtre conduit, de l'information jusqu'à ladécision à l'issue d'un référendumpopulaire. Un contrôle indépendant etcitoyen doit permettre d'assurer latransparence du dossier.Des services publics nationaux coopé-rant entre eux jusqu’au niveau mondialpourraient concerner les « ressourcesnaturelles » (eau, énergie, agriculture …),mais aussi la connaissance de la produc-tion, des effets des technologies, voire letransfert des technologies. Développerles services publics et s’émanciper desmarchés demande de tout autres finan-cements : beaucoup plus massifs qu’ac-tuellement, et qui ne soient pas financéspar une nouvelle taxe marchande pourles usagers. Cela suppose d’être capablesde poser la question de la propriété desentreprises qui couvrent des besoinsessentiels. Nous voulons mettre en œuvreun processus d’appropriation sociale, parla collectivité, les salariés et les usagers

des secteurs de l’eau, de l’énergie, de l’ali-mentation … qui ne peuvent en aucuncas être soumis à la dictature des action-naires. De nouveaux droits d’informa-tion, de regard et d’intervention doiventêtre institués afin de permettre aux sala-riés de réellement participer à la défini-tion des stratégies d’entreprises et fairevaloir de nouveaux critères de gestion.

METTRE EN PLACE UNE PLANIFICATIONÉCOLOGIQUE DÉMOCRATIQUE. Le Plan écologique donnera la possibi-lité d’organiser la transition vers un autremode de développement, en interrogeantnos besoins et en réorientant production,échange et consommation en vertu deleur utilité sociale et écologique. Ladimension démocratique et citoyenne dela planification écologique est centrale.Cela suppose de multiples initiatives :débats citoyens, participation des asso-ciations, syndicats, chercheurs. Sous lecontrôle du Parlement, les débats publics

doivent permettre de dépasser les contra-dictions actuelles entre les intérêts écono-miques, sociaux et environnementauxpour définir ce qui est l’intérêt général. Ce Plan écologique devra obliger tousceux qui dépendent directement del’État : services publics et entreprisesnationales ; pour eux, les objectifs duPlan écologique revêtiront un caractèrecontraignant et leurs moyens budgé-taires seront organisés en fonction deses objectifs. Pour les autres acteurséconomiques, et en premier lieu lescollectivités territoriales et le secteur del’économie sociale et solidaire, leurimplication est essentielle, mais elle nepeut se faire que dans le respect de leurautonomie. n

*Extraits du document préparatoire à l'éla-boration du programme partagé du Front degauche, proposé par Hervé Bramy, respon-sable PCF écologie et les partenaires du Partide Gauche et la Gauche Unitaire (Forum deBordeaux).

duel et d’émancipation humaine,… » ?Quels sont les ingrédients économiques,sociaux et politiques à mettre en œuvredans un tel processus de maturation versune économie équitable ? Tout n’est pasà inventer. Il y a dans le monde, en Europeet en France des « expérimentations anti-cipatrices », comme aime à le dire PatrickViveret, d’autres manières de produire,d’échanger, de consommer, de financerles activités humaines.

L’ÉCONOMIE SOCIALE ET SOLIDAIRE (ESS) Développée dans le monde entier, ellerecouvre en France recouvre 10 à12% duPIB pour 8 à 10% des emplois, nouspropose des voies à explorer, redécouvriret développer.“De cette économie sociale”, disent lesNations unies, plus particulièrement àpropos des coopératives, “dépend la viede plus de la moitié de la population dela planète. ” Elle constitue une basesociale innovante dans une période oùde plus en plus de citoyens et de gouver-nements cherchent des solutions horsde l'étatisme et du libéralisme. L’ESS, une autre forme d’appropriationdes moyens de production et d’échanges.Ni tout Etat, ni tout marché, son systèmede propriété collective choisie, transmis-

sible d'une génération à l'autre, d'ungroupe de personnes à l'autre, sonancrage territorial la préserve des OPAet des délocalisations. Un droit de préem-ption des salariés sur leur entreprise lorsd’une cession (Les patrons de 700 000entreprises partiront à la retraite dansles dix ans qui viennent, soit 3 millionsde salariés concernés) permettraitd’étendre les SCOP, sociétés coopéra-tives participatives.L’économie sociale et solidaire sort laformation des prix de la loi de l’offre etde la demande et des opérations spécu-latives à travers :

• Le commerce équitable Sud Nord (prixplancher assortis de primes de dévelop-pement)

• Le développement actuel de circuitsalimentaires directs entre paysans etconsommateurs.En matière de financement les banques del’économie sociale, associées aux banquesnationalisées dans le pôle de financementpublic et social que propose le Parti commu-niste , permettraient une autre orientationde l’utilisation de l’argent, vers la créationd’emplois utiles et innovants, de logementssociaux, d’activités préservant l’environne-ment et les ressources naturelles, de déve-loppement territorial.

PAR SYLVIE MAYER*

Dans le numéro de mai 2010 de la RevueEcologie et société, Pascal Lederer écrit :« La lutte pour la transformation socialeet pour le développement durable sontdeux impératifs indissociables, quiimpliquent des politiques contradic-toires avec la domination du capital. Ledépassement du capitalisme et la réso-lution de la crise écologique sont desprocessus qui s’appuient sur le mouve-ment populaire pour faire mûrir lacontradiction capital-travail et la contra-diction nature-société jusqu’au change-ment qualitatif, par un processus qui nepeut être linéaire. »Par quel processus accéder à une trans-formation sociale qui annihile l’exploi-tation capitaliste des humains et desressources planétaires, qui relie égalitéentre les hommes et les femmes, préser-vation des richesses naturelles, droitségaux à décider dans l’entreprise et lacité en se réappropriant le travail ?Comment atteindre ce nouveau modede développement défini lors de notre34ème congrès, « tout à la fois durable,renouvelable sur le plan écologique, géné-rateur de nouvelles conquêtes et solida-rités sociales, d’épanouissement indivi-

ECONOMIE ÉQUITABLE, ILLUSION OU RÉALITÉ ?Il n’y aura pas de développement durable, humain et solidaire sans une économie équitable

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LE DOSSIERSUITE DE

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Écolocommuniste : sans complexe !

revenus. Aujourd’hui, le maintien depaysans nombreux, la production d’unealimentation saine et diverse et la souve-raineté alimentaire restent des défis àrelever, au profit des populations,consommateurs comme agriculteurs.Les politiques libérales tentent d’im-poser partout une concentration del’agriculture sous le pouvoir de grospropriétaires et de multinationales del’agro-industrie, employant des ouvriersdéplacés et sous-payés, accaparant lesterres et les ressources, et soumettant deplus en plus le paysan grâce au contrôledes processus de production (génie

génétique, pesticides, nanotechnolo-gies…).Dans les pays du Sud, l’agro-industries’accompagne de l’expropriationviolente des paysans, la destruction del’environnement et la déstructurationdes systèmes alimentaires. En Europe, pour « rester compétitif »,réforme après réforme la PAC a favorisél’élimination des exploitations familiales,tout en favorisant la concentration desoutils de production au service d’unealimentation industrielle et de lamalbouffe. Quant aux exploitations quisubsistent, c’est trop souvent au détri-ment de la qualité de travail et de vie desfamilles… En France, les crises à répétition élimi-nent sans cesse les plus fragiles, lesrevenus agricoles se sont effondrés, desfilières entières sont menacées, le renou-vellement des générations estcompromis, et des écosystèmes sontparfois endommagés à jamais.

PAR XAVIER COMPAIN*

L’AGRICULTURE EN CRISEÀ l’échelon mondial comme au niveaunational, l’agriculture est aujourd’hui encrise. En France et en Europe, le produc-tivisme s’est accompagné d’un effondre-ment de l’emploi agricole, de la baissedes revenus des producteurs, et de gravespréjudices environnementaux et sani-taires. Dans les pays en développement,un milliard de personnes souffrent de lafaim, dont l’essentiel sont des petitspaysans qui n’arrivent pas à vivre de leurs

CHANGER LE MODÈLE AGRICOLEL’agriculture est le fondement historique de la diversité des cultureshumaines. A travers la diversité des produits et des savoir-faire,elle a assuré à l’humanité toute entière ses possibilités d’évolu-tion et d’échange.

Le développement d'une production debiens et de services par les entreprisesd'économie sociale ne s'oppose pas à laresponsabilité publique. L’économiesociale n’a aucune vocation à faire ceque l’Etat voudrait abandonner, pas plusqu’à laisser tous les secteurs rentablesaux sociétés de capitaux. Aujourd’hui, lestatut d'entreprise d’ESS n’est pas auto-matiquement synonyme d'entrepriseidéale. Le poids de la concurrence desentreprises de capitaux, la nécessité dedégager des excédents d'exploitation,d'avoir des fonds propres, dans uncontexte général économique et idéolo-gique ultra-libéral, impactent les entre-

prises de l'économie sociale, notammentles plus importantes d’entre elles,banques coopératives, assurancesmutualistes. Dès que le respect desvaleurs fondamentales de l'économiesociale est édulcoré, sous quelqueprétexte que ce soit, les dérives appa-raissent. Il y a nécessité d’un retour versles valeurs et pratiques initiales de l’ESS

Là, comme dans tout processus detransformation sociale, rien n’est auto-matique, rien n’est d’avance acquis sansapprofondissement démocratique,investissant totalement les sociétairesaux côtés des salariés dans la responsa-

bilité de la gestion de l’entreprise et desdécisions stratégiques.

De grands services publics des bienscommuns (eau, énergie, santé, éduca-tion…), une nationalisation ou renationa-lisation démocratique des secteurs clés dela production (grandes entreprises del’agroalimentaire, de la pharmacie) asso-ciée à un développement des entreprisesde l’économie sociale ouvriraient la voie àce nouveau mode de développement versune économie solidaire et de partage. n

*Sylvie Mayer est responsable PCF, économiesociale et solidaire.

On pourrait citer Chèques déjeuner, Ceralep, ECF (école deconduite française), de belles entreprises coopératives.La SCOP ACOME, spécialisée dans les câbles et fils élec-triques pour les télécommunications, le bâtiment, l’auto-mobile, etc., va investir 20 millions d’euros en trois ans, àMortain dans l’Orne, pour renforcer son outil industriel etrépondre ainsi aux besoins liés au développement du trèshaut débit.Parmi les cinq plus grands fabricants européens de câblespour les télécommunications et forte de 1 100 salariés àMortain, mais aussi de 200 collaborateurs dans une filialeen Chine et de 50 autres au Brésil, la Scop, bientôt octogé-naire, prévoit en 2010 un chiffre d’affaires de 350 millionsd’euros.Forte de son statut coopératif, ACOME, première SCOP de

France, a toujours beaucoup misé sur les valeurs humainesde son entreprise. Depuis sa création en 1932, l'engage-ment, l'excellence, la solidarité et le respect sont sourcesde cohésion interne contribuant à la pérennité. La stratégie de management d’ACOME est basée sur lesnotions de confiance a priori, de responsabilité et d'espritd'entreprenariat. En instaurant au cœur de ses usines, desîlots de production (1997) répartis par produit ou métier,ACOME a consolidé la dimension humaine et participativede l’entreprise. En tant que société coopérative, la structure financièred’ACOME est conçue pour garantir sa pérennité. Les sala-riés-associés, détenteurs de l’entreprise ont l’assuranced’évoluer dans un groupe coopératif innovant, stable etdynamique lui offrant de nombreuses perspectives.

UN EXEMPLE DE SCOP (Société coopérative et participative)

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POUR UNE AGRICULTURE PAYSANNEIl est clair pour le PCF que la diversité etla qualité des produits, les savoir-faireagricoles, tout autant que la préserva-tion des ressources et de l’environne-ment, ne peuvent être garantis que pardes paysans nombreux et rémunérés surtous les territoires. C’est pourquoi nousdéfendons une agriculture paysanne enFrance, en Europe et dans le monde, etle droit à la souveraineté alimentairepour tous.Avec la nouvelle Politique agricolecommune (PAC) 2014-2020 en cours dedéfinition, nous sommes à un tournantde l’Histoire. Soit l’Europe abandonnenotre alimentation à l’agro-industriedestructrice de l’emploi et de la santépublique, soit elle comprend l’enjeud’une politique volontaire d’appui à unmaillage dense d’exploitations familialessur tous les territoires, en favorisant laqualité et la diversité des produits, larelocalisation des productions, la régu-lation des marchés et la maîtrise dufoncier…Notre agriculture n’a pas à se soumettreà la concurrence internationale vis à visd’une agriculture coloniale destructricede la santé publique, de l’environne-ment, des équilibres sociaux et poli-tiques. L’agriculture doit être exclue ducarcan des règles de l’Organisationmondiale du commerce, protégée desmarchés spéculatifs et de l’orientationlibérale de l’Union Européenne. Le PCFs’engage à se battre pour que l’Unioneuropéenne recouvre sa souverainetéalimentaire, c'est-à-dire son droit àsoutenir et protéger son agriculture, pourle bénéfice de tous.

POUR UNE POLITIQUE AGRICOLE RÉPONDANT AUX BESOINS HUMAINSAssurer la sécurité alimentaire : afin derépondre au défi alimentaire, la produc-tion agricole doit être soutenue et l’in-dépendance alimentaire garantie pourne pas dépendre des marchés mondiaux.Si les prix à la consommation doiventêtre abordables pour tous, il faut tournerle dos au productivisme à outrance pourreconquérir la qualité nutritive et gusta-tive des aliments : une alimentation dequalité pour tous ! Réguler les marchés pour conforter lesrevenus : il est nécessaire que les produc-teurs soient justement rémunérés de leurtravail, condition indispensable pourfavoriser l’installation des jeunes etmaintenir des paysans nombreux. Celadoit passer par des prix minimumsgarantis, la maîtrise de la production, le

soutien aux exploitations et aux filièresles plus fragiles. Il est également néces-saire de redistribuer la valeur ajoutée auprofit des producteurs.Assurer et promouvoir des services envi-ronnementaux : les paysans font bienplus que produire de la nourriture !Aménageurs du territoire, de noscampagnes, ils sont parfois les seulsacteurs économiques en milieu rural.

Ces pratiques doivent être reconnues, etsoutenues de manière à garantir desbonnes pratiques environnementales etle respect des systèmes écologiques.Telle est la contribution que nous avonsportée à l'élaboration du ProgrammePopulaire Partagé du Front de gauche. n

*Xavier Compain est Membre du ConseilNational, chargé de l'Agriculture, Pêche, Forêt.

DE LA TERRE MÈRE À LA «TERRE COMMUNE»“Il appartient donc aujourd’hui à tous ceux qui font le constat des consé-quences de la logique capitaliste, de démolir le mur de l’argent quicondamne l’humanité et la biosphère. La reprise en main par les peuples deleur devenir écologique est plus que jamais une nécessité. La voie n’est pasbouchée, illusoire ou «utopique», comme certains feignent de le proclamerpar facilité intellectuelle ou pour mieux prôner un réformisme d’accompa-gnement. Je le dis et le redis en leitmotiv de mon engagement politique : lespeuples doivent prendre enfin leur vie en main... et donc se réappproprier«leur commun». Ils doivent pour cela moboliser tous les outils, toutes lesressources intellectuelles, scientifiques à leur disposition pour paver unautre chemin. L’exemple de l’initiative au Sommet de Cochabamba enBolivie, en avril 2010, a fait date. Conjurant le syndrome du fantôme deCopenhague, ce sommet a fait appel à l’intelligence collective, au croisementdes connaissances, des expériences, des analyses, qui permettent d’éviterles textes de «3 pages» vides de sens du type de celui de Copenhague. Lesparticipants ont élaborés une résolution globale faisant part de l’accord despeuples représenté à s’engager sur des objectifs précis pour lutter contre lechangement climatique, soumise à la communauté internationale et aux ins-titutions spécialisées des Nations Unies. N’est-ce pas aussi ce genre deconcrétisation que les forces associatives, syndicales et politiques progres-sistes, traversées par leurs propres analyses et contradictions, attendentdepuis longtemps ?Ce texte reprend comme concept phare de la pensée écologique anticapita-liste, l’idée de la «Terre Mère», Pachamama, si chère à la culture amérin-dienne. J’ai dit combien cette approche a été déterminante à ma prise deconscience, d’autant plus qu’elle marque bien le rejet de l’appropriation pri-vée de la Terre et des ressources. Mais elle peut prendre, à mon sens, uncaractère trop restrictif en considérant que l’humanité n’est unie que par unlien maternel, une simple filiation entre la Terre nourricière et les hommes.Certes, la parabole de la maternité comme socle de l’humanité marque unsymbole d’attachement commun fort, mais je substituerais volontiers au liende filiation le concept de «Terre commune», qui affirme une société de miseen commun sur la base d’un héritage partagé et d’une appétence à trans-mettre cet héritage aux générations futures.Le terme de «Terre commune» permet d’insister sur le caractère collectif dubien «Terre». Avec ce concept, nous pouvons déconstruire plus facilementson pendant capitaliste, celui d’une terre privatisée et échangeable. C’estaussi un moyen efficace de souligner les menaces qu’engendrent le systèmecapitaliste qui exclut en permanence de son raisonnement l’idée que leshommes puissent mutualiser ce bien commun sous tous ses aspects, s’orga-niser et coopérer pour conduire l’exploitation équilibrée des ressourcesindispensables à la satisfaction de leurs besoins de la reproduction desgrands cycles naturels. Déterminer de façon collective l’avenir de la Terre,n’est-ce pas là l’objet essentiel de la conscience d’une Terre commune ?“

Extrait du livre d’André Chassaigne Pour une terre commune, les éditions Arcane 17,2010, pp. 202-203

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LE DOSSIER Écolocommuniste : sans complexe !

posture théorique dialectique ou dialo-gique l’irruption dans la scène politiqueet scientifique du terme de « développe-ment durable ». Ce « mot moment » du« langage de l’air du temps » (Gaucher,2010), ce concept action qui, à l’instarde celui de « mondialisation » introduitune rupture idéelle interfère incontes-tablement avec nos outils de recherche,les concepts de « travail », « société »,« société locale » « communauté » et biensûr « ville » et « campagne » etc., qui sontdes mots du temps long, du langagepopulaire et savant, toujours réinter-rogés dans le temps et l’espace. Prendre au sérieux le développementdurable c’est oser penser le caractèrecontradictoire de cette utopie politiqueet de ce concept action qui vise le longterme et une conciliation de dimensionsen crise du social, de l’environnementalet de l’économique. Les acteurs de lasphère politique évitent de l’affronter ens’attachant à une seule dimension d’ail-leurs le plus souvent environnementaleau point que peu à peu on voit se subs-tituer la problématique du changementclimatique à celle du développementdurable. Avec pour hypothèse que lesintérêts de l’environnement s’articulentplus aisément avec ceux économiques,ils considèrent que les politiques socialesforment un domaine à part, les préoc-cupations de sociétés passant alors à l’ar-rière plan dans le développementdurable. La prise en compte de la dimen-sion sociale du développement durableest paradoxalement parfois plus présentedans la sphère des entreprises commele suggère le réseau de RSE (Responsa-bilité sociale de l’entreprise). Quant à la sphère de la recherche elle estencore dans les balbutiements pourinstruire le concept de développementdurable, soit parce qu’elle peine à sortirdes voies tracées dans les problématiquesdisciplinaires, soit parce que les cher-cheurs ne cherchent pas à s’écarter, àprendre une distance critique radicalepar rapport à la sphère du politique et àsa nouvelle idéologie.

BESOIN D’INTERDISCIPLINARITÉPourtant la mise en vis-à-vis du déve-loppement durable et des Sociétés, si onla prend au sérieux, est un puissantmoteur heuristique pour la recherche.C’est d’abord parce que le développe-ment durable bouleverse les représen-tations sociales collectives et en parti-culier celle du rural, de l’urbain et de larelation villes/campagnes : la réintro-duction de l’idée de « natures », uneapproche plus sociale de la morphologie,une prise en compte plus matérialistedes rapports aux lieux et milieux, uneattention à l’immatériel dans la rela-tion…C’est aussi parce que le développementdurable et son utopie de conciliation defaits distincts par nature et temporalitéoblige à se poser la question du commentconceptualiser un ensemble de relationsnon seulement complexes mais contra-dictoires. Ce qui implique une révisiondes concepts utilisés pour aller vers plusd’hybridité (de l’espace au milieu, dumode d’habiter entre genre de vie etmode de vie…) ainsi qu’un déplacementméthodologique vers l’interdisciplina-rité pour construire une approche scien-tifique de la « relation » entre lesprocessus et les phénomènes, approfon-dissant l’approche systémique par l’iden-tification de ce qui fait interaction ourelation.

RECHERCHE ET PROJET POLITIQUELa recherche retrouve alors sa place dansle projet politique non seulement parceque la science ses acquis, ses orienta-tions, les moyens qu’elle exige font partiede la politique (Kahane, Revue du Projet,20011, p.17) mais parce qu’un renverse-ment de la pensée de l’ordre des chosesest indispensable : ne pas partir de l’éco-nomique pour aller vers l’environne-mental et le social, ne pas partir de l’en-vironnemental pour découvrir le social,les « inégalités écologiques » mais partirdu social et produire les connaissancesinédites de la « relation » des individuset des sociétés localisées à leurs lieux etmilieux de vie. Le travail du chercheuren sciences sociales se redéfinit alors danstoutes ses dimensions : Etre à l’écoutedes gens qui n’ont pas la parole, enregis-trer et interpréter ; Révéler l’inconnu, lesurprenant, l’inattendu ; Anticiper enrepérant les signaux faibles, les diver-gences qui préfigurent l’avènement dece qu’on appellerait l’écologie sociale. n

*Nicole Mathieu est directeur de rechercheémérite au CNRS.

PAR NICOLE MATHIEU*

B ien que le terme « écologie sociale »n’existe pas (encore ?) dans lesdénominations des disciplines -

comme par exemple celui de « géogra-phie sociale » - et bien qu’il me soit moinsfamilier que celui d’écologie humainepour désigner un courant hybride entrescience et militantisme, le termed’« écologie sociale », quand il m’a étéproposé, m’est apparu un tremplin toutà fait stimulant pour réfléchir au rôled’un chercheur quand il se veut engagéet pour « relever le défi écologique »(Obadia, Revue du Projet février 2011,p.9), et pour entendre « les exigencespopulaires » (idem, p.8) aux côtés dumouvement social, des luttes pour plusde justice et de dignité.Car c’est bien la difficulté principale quia hanté ma carrière de chercheur :comprendre la (et ma) relation entre lesocial et l’écologique, entre le besoind’analyser – sur la base du concept socio-logique de travail – l’évolution de l’em-ploi rural et l’émergence de nouvellesformes de pauvreté d’une part, et, d’autrepart, celui d’approfondir le passage Durural à l’environnement [et] la questionde la nature aujourd’hui (Mathieu,Jollivet, 1989). C’est aussi le désir de fairele lien entre les paradigmes, fondés tousdeux sur le concept de relation, et pour-tant distingués voire opposés : la rela-tion ville/campagne et la relationsociétés/natures.Historienne de formation, le choix de lagéographie comme discipline identitaireau CNRS s’explique a posteriori par uneaspiration à trouver dans cette disciplineles clés théoriques et méthodologiques del’articulation entre le physique et l’humain,une façon « naturelle » de pratiquer l’inter-disciplinarité entre Sciences de la nature[et] sciences de la société (Jollivet, 1993).

IRRUPTION DU TERME « DÉVELOPPEMENT DURABLE »Il me faut reconnaître aujourd’hui le rôleéminent qu’a joué dans ma quête d’une

POUR UNE RECHERCHE EN ÉCOLOGIE SOCIALENe pas partir de l’économique pour aller vers l’environnemental et lesocial, ne pas partir de l’environnemental pour découvrir le social maispartir du social et produire les connaissances inédites de la « relation »des individus et des sociétés localisées à leurs lieux et milieux de vie.

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du « réseau de transports d’intérêt nationaldu Grand Paris ». Il s’agissait alors demettre en relation une dizaine de « pôleséconomiques, moteurs de croissance »en s’inscrivant dans la mondialisationlibérale. Certes les références aux enjeuxsociaux ou environnementaux n’en sontpas absentes mais ces dimensions nesont pensées que comme des résultantesd’un type de développement écono-mique jamais interrogé. En revanche bien des projets qui ontémergé des collectivités territorialesdepuis quelques années indiquent d’au-tres ambitions et une réelle inventivité.Le dispositif des « nouveaux quartiersurbains » crée par la Région en 2008 a déjàeu une vingtaine de lauréats prometteurset l’appel à initiatives de Paris Métropoleen 2010 a suscité 74 projets d’une grandediversité. Une bonne dizaine s’inscriventd’ailleurs dan le partage des pratiquesd’écologie urbaine (5).

POUR UN NOUVEL URBANISMECe bref survol ne signifie pas une conver-sion écologique généralisée et consen-suelle. Il indique certes la place prise parles enjeux écologiques dans les débatsconcernant l’urbanisme mais aussi l’exis-tence d’approches théoriques et poli-tiques très conflictuelles pour les penser.A cet égard, même s’il a déjà été en partiedéstabilisé par les débats publics, le projetsous-jacent à la démarche du Grand Parisde Nicolas Sarkozy subordonne toute laconception de l’aménagement urbain àune certaine vision de la compétitionmondiale pour les groupes les plus puis-sants à partir de quelques pôles supposésd’excellence. Or l’enjeu est bien celui deréorienter le mode de développementéconomique, dans ses finalités et dansses modalités et donc de croiser enpermanence exigence écologique et

exigence sociale. Sinon, pour faire image,la mutation écologique se ramènera àquelques écoquartiers et à des toits végé-talisés tout en s’accommandant et mêmeen renforçant la ségrégation territorialeet sociale.Ce survol indique aussi l’importance dela question démocratique, si difficile soit-elle à résoudre, pour maîtriser les muta-tions en cours, intervenir dans les choixet peser sur des transformations qui sontde longue haleine. Certes l’appétencepour les préoccupations urbaines estperceptible quand on voit ce qu’a pu êtrele succès de l’exposition des 10 équipesd’architectes au printemps 2009 ou l’im-plication de 20 000 participants auxdébats publics sur les transports d’oc-tobre 2010 à janvier 2011. Mais il faudrabeaucoup plus pour aller vers un véri-table urbanisme participatif et populaire.Les composantes du mouvement socialles plus rompues aux mobilisations surles questions des droits des salariés ousur des enjeux locaux sont encore tropsouvent prises au dépourvu sur de telsenjeux larges, qui se nouent à l’échellemétropolitaine. Pourtant, pour une largepartie, se joue sur cette capacité d’inter-vention la mutation écologique de la villeréellement transformatrice. n

*François Labroille est conseiller régionalAlternative Citoyenne – président de lacommission aménagement du territoire.

(1) Schéma directeur de la région Île de France(SDRIF). Projet adopté par délibération duconseil régional le 25 septembre 2008.(2). IAU. Contraintes énergétiques et muta-tions urbaines. Cahiers n° 147. Février 2008(3) Le Moniteur. Le grand Pari(s). Consulta-tion internationale sur l’avenir de la métro-pole parisienne. (4) IAU. Stratégies métropolitaines. Cahiersn° 151. Juin 2009(5) Paris Métropole. Journal des initiatives. 10décembre 2010.

PAR FRANÇOIS LABROILLE*

La conjonction des crises sociales,économiques, écologiques… toutannonce des métamorphoses

urbaines d’aussi grande ampleur quecelles qui ont accompagné les révolu-tions industrielles. L’examen des évolu-tions récentes en région Ile de Franceest une illustration de quelques unes desquestions qui en résultent.

LA MONTÉE EN PUISSANCE DES PRÉOCCUPATIONS ÉCOLOGIQUESEn matière d’urbanisme en Ile de France,la montée en puissance des préoccupa-tions écologiques ces dernières annéesest spectaculaire. Il suffit pour s’enconvaincre de comparer le schéma direc-teur de 1994 dont elles sont quasimentabsentes et celui que la Région a adoptéen septembre 2008. Entre temps, la prisede conscience de la fin de l’énergie à bonmarché et des effets dévastateurs de l’uti-lisation des énergies fossiles est passéepar là (1). Parmi les trois défis identifiéspar le SDRIF, à côté de l’égalité socialeet territoriale et de l’attractivité écono-mique, sera ainsi retenue la nécessitéd’anticiper les mutations climatiques eténergétiques avec l’objectif d’une « villerobuste, compacte et économe enressources » (2). En 2008-2009, la consultation interna-tionale de 10 équipes d’architectes urba-nistes sous l’égide du ministère de laCulture va dans le même sens (3). Elleportait sur la métropole de l'après-Kyotoet l’agglomération parisienne. Elle alargement dépassé l’opération de faire-valoir qu’avait sans doute imaginéNicolas Sarkozy et a été saluée pour lefourmillement d’idées auquel elle adonné lieu. Elle a souligné l’importancedu lien urbanisme/transport et pris « lamesure de la mutation écologique » (4).Comme avec le SDRIF, on y retrouve lesprincipes de la ville durable et de plusfaible empreinte écologique avec ladensification des lieux les mieuxdesservis par les transports en commun.Beaucoup plus régressive est l’approchequi a présidé à l’instauration de la sociétédu Grand Paris engagée depuis l’été 2009.Elle a été consacrée par la loi du 3 juin2010 avec pour fonction la construction

LA VILLE ET LA MUTATION ÉCOLOGIQUE, DES QUESTIONS INÉDITESSi chaque grande mutation historique se cristallise dans la transformation des villes, nous sommes probablement entrés dans une phase inédite, celle de la mutation écologique.

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LE DOSSIER Écolocommuniste : sans complexe !

aux foyers, ce n'est pas une charge pour lacollectivité, mais un investissement social,un projet industriel et une occasion de faireréaliser des économies à la France.Investissement social, car à l'heure où 3millions de personnes sont dans une« précarité énergétique» il devient urgentde baisser les factures de chauffage. Projet industriel, car c'est 150 000 emploispérennes pendant 40 ans qui sont en jeu,avec bien sûr la nécessité d'engager, sansattendre, un plan de formation pour, d'iciquelques années, disposer suffisammentde professionnels de la rénovation ther-mique. C'est aussi des investissements dansl'industrie des systèmes de chauffage etmatériaux isolants performants, tout encontinuant les efforts de recherche dansces domaines. Une vraie politique énergé-tique écologique c'est investir dans desénergies propres et décarbonnées (commele nucléaire mais aussi les énergies renou-velables) mais c'est aussi faire des écono-mies quand cela est possible : pour 1 euroinvesti dans l'isolation, c'est au moins 2euros, dans l'hypothèse la plus défavo-rable, qui sont évités en investissementdans la production d'énergie ! Face à laflambée du pétrole, à partir de 2030, labaisse de la facture des importations d’hy-drocarbures, suite aux travaux d'isolation,sera telle qu'elle autofinancera le plan.Parlons aussi de l'« énergie grise », cellequi est nécessaire à la construction des

bâtiments, qui peut représenter jusqu'à20 % de la consommation sur toute ladurée de vie de l'ouvrage : l'impact de l'in-dustrie du ciment très énergivore etpolluante, pourrait être diminué considé-rablement si la filière bois et la construc-tion en terre étaient revalorisées, ce quiappelle un changement culturel vis-à-visde ces " archéo matériaux" injustementdévalorisés. Reste à intégrer ces proposi-tions à une politique de l'urbanisme quilimite les déplacements polluants : en effet,il ne servira à rien de construire desmaisons économes si, du fait de l'étale-ment urbain et du défaut de moyens detransport en commun, le déplacement envoiture domine. On le voit le défi de l'habitat écologiquepeut être une occasion de propositionsfortes et novatrices du parti communiste :par exemple, un service public de l'habitatdurable, intégré dans un ministère du loge-ment s'impose face à l'ampleur de la tâche.Des embryons existent déjà : les « espacesinfo énergie » et des associations commeles « pact-arim », présents sur tout le terri-toire français. Concernant le financement,nous sommes armés avec nos proposi-tions sur la réorientation du crédit et lacréation d'un pole public financier. n

*Amar Bellalest professeur agrégé de génie civil.

Pour une contribution plus détaillée, voirlettre n°12 de « communisme et écologie »,février 2010.

PAR AMAR BELLAL*

Six cent milliards d'euros c'est le coûtdu chantier de rénovation thermiquedes logements existants en France,

afin de diviser par 4 d'ici à 2050 la consom-mation d'énergie dans le bâtiment (43%de la dépense énergétique actuelle enFrance). Cela concerne près de 24 millionsde logements et, vu la somme, se posebien sûr la question du financement. Pourla droite au pouvoir, logique de classeoblige, c'est clair, ce sont les ménages quidevront payer ! Et les décrets vont dans cesens, par exemple, celui qui permet defaire supporter la moitié du coût destravaux de rénovation aux locataires, lespropriétaires payant le reste. Le problèmec'est que malgré toutes les mesures socia-lement injustes mises en place (créditd'impôt, éco prêt à taux zéro, subventions),c'est inefficace : là où il faudrait près de500 000 chantiers de rénovation, le gouver-nement en annonce triomphalementquelques dizaines de milliers seulementpar an. A ce rythme, les objectifs affichésdu plan bâtiment du Grenelle de l'envi-ronnement seront remplis non pas en2050 mais dans 4 siècles...Pour un plan ambitieux il faudrait 15milliards d'euros par an à l'échelle de laFrance. 15 milliards d'euros par an, distri-bués sous forme de crédits ou aides directes

ÉCONOMISER L'ÉNERGIE DANS LE BÂTIMENT : ENJEU DU SIÈCLE Investir dans les économies d’énergie n’est pas une charge pour la collectivité, mais un investissementsocial, un projet industriel et une occasion de faire réaliser des économies à la France

CAPITALISME VERT : ILLUSIONS ET APORIESENTRETIEN AVEC

CORINNE LUXEMBOURG* RÉALISÉ

PAR GUILLAUME QUASHIE-VAUCLIN*

l La thématique du « capitalisme vert » tend à prendre une place croissante dans le discours politique, managérialet publicitaire. Qu'en pensez-vous ?Corinne Luxembourg. Le capitalisme vertest présenté comme un modèle de tran-sition du capitalisme qui réussirait àprendre en charge les problèmes environ-nementaux en même temps que s’ouvri-raient de nouveaux marchés et donc denouvelles possibilités d’accumulation. Onn’a d’ailleurs, depuis quelques temps,jamais autant entendu parler de « produc-tion verte », dût-elle être délocalisée, de

« croissance propre », peu importe qu’elleinduise comme la « croissance sale » desrestructurations salariales.En affichant les résolutions du protocolede Kyoto visant à réduire les gaz à effet deserre et les rejets de carbone en particulier,tout se passe comme si les risques indus-triels n’existaient plus : exit les victimes deBhopal comme celles de l’amiante. Pariersur le capitalisme vert comme une nouvellecroissance, un nouveau stade d’un capita-lisme propre, c’est confier à la seule capa-cité d’innovation technologique à la fois larésolution des enjeux climatiques et la défi-nition de ce nouveau régime d’accumula-tion capitaliste. Mais cette fusion de l’éco-logie et de l’économie capitaliste n’est nicrédible, ni réaliste.

l Le capitalisme vert ne serait donc pasl’issue crédible à la crise environne-mentale qu’on nous présente ?C. L. : Ce capitalisme vert n’est une solu-tion à rien, sinon au besoin d’ouverturede nouveaux marchés et au développe-ment du marketing. En réalité le capita-lisme vert est une publicité mensongère.Si l’on décide de prendre le développe-ment durable, tel qu’il a été développé àl’origine dans le rapport Brundtland en1987 puis lors de la conférence de Rio en1992, comme objectif pour la société dedemain, alors il est nécessaire de remettreen cause la totalité de l’économie actuelleet son fonctionnement. Pour rejoindreHervé Kempf : « Pour sauver la planète,sortez du capitalisme ». On ne peutraisonnablement pas construire desusines aux normes environnementalesparticulièrement strictes si dans le même

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temps les transports, la consommationglobale d’énergie continuent d’aug-menter. De la même façon, parler d’exi-gence de durabilité est absolumentincompatible avec les délocalisationsindustrielles ou le productivisme agri-cole qui n’obéissent qu’aux exigences derentabilité financière.

l Concrètement ?C. L. : Prenons quelques exemples.Depuis une vingtaine d’années, la surviede l’espèce humaine redevient un para-mètre économique essentiel. Nourrir leshommes pose fondamentalement lechoix d’un projet de société : ou bien le

productivisme à l’œuvre qui, en carica-turant à peine, fait que manger devientdangereux et pour soi et pour la planète ;ou bien le respect des hommes, desclimats et des sols. C’est la même alter-native pour la production des biens deconsommation : ou bien l’économiemondialisée qui fait délocaliser des usinesdes anciens Bébés Tigres vers des régionsencore moins soumises à des législationssociales et environnementales pourbaisser les coûts ; ou bien une mondia-lisation d’innovation sociale et citoyennepréférant la proximité des marchés.Autre exemple à une échelle plus grande :la ville. L’heure est aux écoquartiers,

slogan, marketing ou réelle inquiétudede développement durable ? Selon leschoix qui seront faits l’écoquartier confor-tera une ville privatisée ou une villeouverte. Le risque est grand aujourd’huique ces quartiers en portant les meil-leures innovations technologiques entermes d’isolation, de faible consomma-tion d’énergie, ne soient réservés qu’àune élite urbaine, en renforçant méca-niquement la spéculation foncière déjàviolente dans les grandes agglomérationset, de fait, l’injustice spatiale. n

*Corinne Luxembourg est maître de confé-rence à l’université d’Artois

l Transport et fret :passer du tout routierau rail et au fluvial, développer les trans-ports collectifs, garantir un financementrenforcé des transports en commun (réou-verture de lignes SNCF, en particulier destransversales, financement de matérielTER), développer la filière industrielle desvéhicules électriques.l Lutte contre le consumérisme, contrel'invasion de la publicité et le système domi-nant des médias, mise en place du revenumaximum autorisé (à vingt fois le revenumédian). Passer de l'économie du rempla-cement à celle de la réparation, lutte contrel'obsolescence programmée (multiplicationdes temps de garanties sur tout le produitpour obliger les entreprises à la réparation).Lutte contre les modes, le surendettementet la création de besoins artificiels.l Science et citoyenneté : Garantirl’indépendance des chercheurs et déve-lopper la recherche fondamentale. Miseen place de débats citoyens et d'ins-tances de contrôle et de décisions surles applications scientifiques par l’in-dustrie. Création d'un statut de protec-tion des lanceurs d'alerte.l Agriculture : prise en compte desenjeux à la fois sociaux, d'emploi, desouveraineté alimentaire, d'environne-ment et de santé de l'alimentation.Garantir la souveraineté alimentaire -incluant le développement de l'agricul-ture paysanne et vivrière, et la protec-tion du foncier agricole en zone urbaineet péri urbaine. Pour un nouvel ordrealimentaire mondial : Instauration d’uneclause de sauvegarde internationalelorsque les terres d’un pays sont mena-cées de spéculation et de détournementde la production. Prolonger le mora-toire sur l’utilisation des OGM agro-

alimentaire ou PGM plein champ. Inter-diction de la spéculation sur les matièrespremières agricoles et alimentaires.Taxation des importations abusivespillant les agricultures locales, en parti-culier dans les pays du Sud, afin definancer la relocalisation des produc-tions (Voir à ce sujet les développe-ments présentés dans le documentproduit à l’occasion du forum Front deGauche de Bagnolet).l Santé et environnement : lutte contreles produits chimiques néfastes, les pesti-cides consommés et l'exposition desagriculteurs, les problèmes des nano-matériaux pour la population autantque pour les travailleurs.l Favoriser la relocalisation des produc-tions, en particulier agricoles, pour déve-lopper les circuits courts et rapprocherles producteurs des consommateurs.l Impulser un processus de coopéra-tion internationale pour favoriser etsoutenir toutes les expériences d’éco-logie anticapitaliste.l Création d’un service public nationalde l’Eau, un service public de l’Energieavec la réappropriation publique du secteurde l’énergie (EDF-GDF et Total) que le marchépousse dans les bras du privé en le détour-nant de sa mission de service public, miseen cause de l’ouverture à la concurrencedans les transports et l’énergie qui conduità une véritable gabegie marchande au détri-ment de toute vision de long terme, soutienaux collectivités dans la mise en place dePlans climat, Agenda 21, Plans bruit etc …Création d’un service public du logementet d’un service public national de l’ingé-nierie durable au service des collectivités.l Développer une grande politiqued’enseignement et de recherche en

écologie : Revisiter les programmesd’enseignement à tous les échelons,mettre à plat les enjeux de la recherchepublique et privée, définir un nouveaurôle au CNRS, INRA, CEA… Garantir lestatut indépendant des chercheurs pourqu’en lien avec la société ils définissenten dehors des pressions des monopoles,leurs programmes. Suppression de laloi LRU. Développement de la recherchedans tous les domaines énergétiquesen encourageant la sobriété à tous lesniveaux.l Sur l’impact des installations indus-trielles et agricoles : il faut développerl’INRA, l’INERIS (risques industriels), l’IRSN(risques nucléaires) et les mettre en coopé-ration de travail. La France, l’Europe, lespays riches industrialisés doivent payerleur dette écologique à l’égard des paysdu sud spoliés de leurs ressources natu-relles, les accompagner dans la maîtrisede leur développement en leur transférantbrevets et technologies utiles à la luttecontre le réchauffement climatique.l Réduction des déchets à la source :Dès la conception des biens de consom-mation l’avenir des déchets doit être envi-sagé. Il faut poursuivre la politique decollecte et de tri sélectif avec valorisationdes déchets. Les technologies propres,comme la méthanisation (gestion desdéchets verts), doivent être amplifiées etaccompagnées d’un plan de valorisationdu méthane produit dans les réseauxurbains par exemple. Le recours à la valo-risation énergétique des grandes massesde déchets par incinération doit être utiliséen dernier recours. Développer l’éco-production territorialisée afin d’utiliser desdéchets d’un type de production commematière première d’une autre.

D’AUTRES PROPOSITIONS DU PCF À METTRE EN DÉBAT :

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D’ IDÉES

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COM

BAT

«Tu peux tout accomplir dans la vie si tu as le courage de le rêver, l’intelligence d’en faire un projet

epuis le milieu des annéesquatre-vingt dix, une forte proportionde Français ne se situent plus ni à droiteni à gauche. Cette opinion a progresséà mesure que reculait une forme d’affi-liation politique. On remarquera au passage un paradoxe :c’est à partir du milieu de la décennie90 en effet, qu’on assiste au retour desmouvements sociaux (1995), à unenouvelle combativité populaire et à unrecul régulier de l’idée libérale. Dans lemême temps, cette évolution ne setraduit pas vraiment par une réelle repo-litisation. Au contraire. Tout se passecomme si les citoyens étaient plusexigeants, comme l’attestent leurs reven-dications sociales notamment, et plusfrustrés de réponses politiques.Une des questions classiques de la socio-logie électorale est celle de « l’auto-posi-tionnement des Français sur l’axegauche-droite ». On demande auxsondés : « Vous mêmes, diriez-vous quevous vous situez à gauche ? À droite ?Ni à gauche ni à droite ?   » On dispose desuffisamment d’études, notamment laremarquable série d’enquêtes des socio-logues Guy Michelat et Michel Simon, avecla Sofres (voir encadré) pour pointer avec

précision cette installation du « ni droite,ni gauche » dans les têtes.

UNE OPINION QUI PERDUREL’idée (ni-ni) est partagée par 19 % dessondés en 1995, par 24 % en 1997. Elleculmine vers 2000 : en novembre 2001(Sofres), alors que la gauche est au gouver-nement depuis plusieurs années, 45% dessondés disent partager cette appréciation.Chiffre énorme. Qui va s’exprimer en partiedans les résultats calamiteux de la prési-dentielle de 2002. L’idée du « ni ni » , depuis,se maintient à un haut niveau, avec de petitsreculs (Sofres) ou des petites progressions(Ifop) : 37 % des sondés continuent de sesituer « ni à droite ni à gauche » en 2006(Ifop/Cevipof); 29 % en 2007 (Ifop/Cevipof) ;31% en juin 2010 (Sofres/Gabriel  Péri) ;33% en septembre 2010 (Ifop/France Soir).Ainsi dans ces deux dernières enquêtes,le bloc des partisans du «  ni-ni  » est lepremier parti de France, devant la gauche(entre 25 et 28%), la droite (entre 19 et25%), le centre (14 ou 15%), l’extrêmedroite et l’extrême gauche ( autour de 3%chacun).Les chiffres sont encore plus impression-nants, dans l’enquête Gabriel Péri/Sofres,lorsqu’on demande aux sondés s’ils fontconfiance à la gauche ou à la droite ou àpersonne « pour gouverner le pays » : 16%accordent leur confiance à la gauche, 13%à la droite et 69 % (!) « ni à la gauche nià la droite ».Autre chiffre redoutable, et convergeant :

les Français ont le sentiment de ne pascompter pour les politiques ; 83 % esti-ment que « les responsables politiques nese préoccupent pas de ce que pensent desgens comme eux ». 83 % : ce chiffre està peu près inchangé depuis quinze ans.D’après l’enquête Ifop/France Soir(septembre 2010), les catégories socialesqui endossent le plus volontiers le « ni-ni  » sont les plus jeunes (52% des 18 à24 ans), les inactifs (55%) ou lesemployés (41%), très exactement lescatégories qui ont été les plus absten-tionnistes lors des derniers scrutins.Si on regarde la proximité politique despartisans du «  ni-ni  », car on peut sesentir proche de telle ou telle formationet être aussi tenté par le «  ni-ni  », onnote que cette idée taraude 20% du PSou 22% de l’UMP. A gauche, ce sont lesélecteurs du Front de gauche qui sontles moins tentés par le « ni-ni » et doncde fait les plus sensibles au clivage gauche/ droite ; seuls 15% des sympathisantsFront de gauche se disent «  ni-ni  ». Parcontre l’idée du « ni-ni » fait un malheurà l’extrême-gauche (NPA-LO) avec 44%et surtout chez les Verts : 51%.

UNE LONGUE HISTOIRE AU FNLe «  ni-ni  » est assez fort au FN (28%des électeurs s’y disent sensibles) oùcette thèse est très en vogue. A l’ex-trême droite, le «  ni droite ni gauche »a une longue histoire. Des historiens lafont remonter aux racines du fascisme

Par GÉRARD STREIFF

Ni droite, ni gauche :le premier parti de France

D

Le premier parti de France est celui des adeptes du « ni à droite, ni àgauche ». Un bon tiers de l’opinion partage depuis plus d’une dizaine d’an-nées cette idée. C’est tout à la fois un signe de déclin du politique et de fra-gilisation du débat public ; un symptôme de malaise démocratique ; etaussi un piège car l’extrême droite est en embuscade, faisant de ce thèmeson fond de commerce.

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réaliste, et la volonté de voir ce projet mené à bien.» Sidney A. Friedman, économiste américain

à la française. Dans «  Ni droite, nigauche  » de Zeev Sternhell, ce derniermontre que le courant fasciste d’avantguerre était plus solide qu’on ne le croitgénéralement ( parmi les historiens) etqu’il fit le lit de Vichy. Très tôt, la rhéto-rique fasciste se place en oppositionaussi bien à la droite qu’à la gauche, seprononce tout à la fois contre le « maté-rialisme libéral  » et le « matérialismemarxiste ». C’est cette piste que le GRECEde de Benoist reprend à partir de 1968.Cette problématique est officiellementrevendiquée par le Front NationalJeunesse en 1994. Elle est depuisdevenue un des grands thèmes lepé-nistes. Certes on ne peut pas identifierle «  ni à gauche, ni à droite  » de l’ex-trême droite, qui est un programme poli-tique, et le sentiment de déception – oude frustration – à l’égard des partis qu’ex-priment ainsi nombre de sondés. Les unset les autres ne disent pas la mêmechose. L’extrême droite cultive le « touspourris  » sauf moi, les sondés disentplutôt que la politique est devenueimpuissante face aux marchés, à lamondialisation, etc. Cela traduit doncplutôt une désaffiliation politique, uneincrédulité générale. Reste que la proxi-mité (ne serait-ce que de vocabulaire)entre ce sentiment si populaire du « ni-ni » et sa forme théorisée par le FN n’estpas sans danger pour la démocratie.Pour Frédéric Dabi, directeur du dépar-tement d’Opinion de l’IFOP : «  Un tiers

des personnes interrogées se positionnesur la réponse ni à gauche, ni à droite,soit (pour l’IFOP) une progression de 4points depuis la dernière campagneprésidentielle. Ce chiffre préoccupantpour la santé de notre vie démocratiqueest à relier à la défiance croissante desFrançais à l’égard du personnel politiqueque la très forte abstention à tous lesscrutins depuis 2007 a exacerbée  ». De petits signes tendraient à montrerqu’un processus de recomposition ou deréaffiliation est peut-être à l’œuvre. Parexemple, l’enquête Gabriel Péri/Sofresnote un regain d’intérêt pour la politique.50% des sondés disent s’y intéresser,soit +10% en dix ans. Il y a une envie depolitique (à nuancer peut-être si onregarde les catégories sociales moti-vées). Ou encore, en liaison probable-ment avec le renforcement des mouve-ments sociaux et avec une perceptionnouvelle des inégalités, on observe unretour de la conscience de classe, laconscience d’appartenir à une classesociale: c’est le cas de 65% des sondés,soit +11% en dix ans.

Seule, une repolitisation de pans entiersde la société, un réengagement citoyendes milieux populaires, une mise en causeréelle du marché et du libéralisme pour-ront bousculer ce paysage globalementdéprimant. n

LES OUVRIERS ET LA POLITIQUEGuy Michelat et Michel Simon ontnotamment écrit, en 2004, auxéditions Presses de Sciences Po,« Les ouvriers et la politique.Permanence, ruptures, réaligne-ments ». Extraits d’un entretienparu dans « La lettre du CEVI-POF » (n°8, mai 2004).

« Les ouvriers représentent aujourd’huiautour de 27% de la population active.Mais entre ce groupe et «  l’archipel  »des employés, des salariés d’exécution,les salariés précaires, les rapproche-ments sont de plus en plus sensibles.Un salariat instruit s’est constitué. Lesmoins de quarante ans sont de plus enplus qualifiés et ont souvent bac + 2ou 3. Ouvriers ou non, ils exigent d’avan-tage des argumentaires des politiques,mais ils ont du mal à s’organiser. Leursituation est souvent précaire (CDD),ils changent fréquemment d’em-ployeurs, de lieux de travail et leurshoraires sont segmentés, comme dansles grandes surfaces. Ils sontconscients de la fragilité de leurs situa-tions et de la menace du chômage quipèse sur eux. L’idée monte que « seul,on ne s’en sortira pas ». Peut-êtrevoit-on émerger de nouvelles formesde relations aux organisations, ycompris aux syndicats, suivant desfilières différentes. Ces jeunes ontbesoin d’avoir des représentants quisortent de leurs rangs et des formesde politisation adaptées à leur sensi-bilité, ce à quoi la gauche, PCF compris,a du mal à faire droit, mais ils sontfavorables aux démonstrations collec-tives. Et, du moins dans les catégo-ries non ouvrières, ils s’impliquentdans des mouvements associatifs,altermondialistes. Cette nouvelle géné-ration évoluera en fonction desréponses qui lui seront données. »

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D’ IDÉESCO

MBA

T SONDAGES

Une enquête de l’IFOP, menée en décembre 2010 sur les Françaiset l’Islam, traduit une crispation de l’opinion et une montée de l’intolérance à l’égard de la communauté musulmane. LesFrançais estiment que l’intégration est ratée.

L a présence d’une communauté musulmaneest considérée « plutôt comme une

menace » par 42 % des Français, « plutôtcomme un facteur d’enrichissement mutuel »par 22 % et ni l’un ni l’autre par 36 %.Ces chiffres varient assez sensiblement selonles affiliations politiques. L’idée de « menace »est partagée par 24 % des électeurs degauche, 34 % de ceux du centre, 62 % à droiteet près de 100 % à l’extrême droite.Inversement, l’impression qu’une telle commu-nauté est un «  enrichissement culturel » estsoutenue par 40% des sondés de gauche,17 % au centre, 9 % à droite et personne àl’extrême droite. La position « ni l’un, ni l’autre » fédère 36 %des sondés de gauche, 49% au centre, 29 % àdroite, 2% à l’extrême droite. « On est passéd’un lien entre immigration et sécurité (ouchômage) au lien entre islam et menace iden-titaire  » note Jérôme Fourquet de l’IFOP. Il y aencore dix ou quinze ans, les gens se disaientvolontiers « indifférents » face aux questionsdu voile ou de la construction de mosquées ;ces chiffres sont en forte baisse. Tout se passecomme si on identifiait l’islam à la définitiondonnée par les intégristes religieux ou l’ultra-droite.L’autre grand enseignement de l’enquête est lefait que 68 % des Français jugent que l’inté-gration des musulmans est ratée. On noteracependant que 52 % des Français ne sont« pas hostiles » à l’idée d’élire un maire d’ori-gine musulmane, chiffre en progressionconstante depuis vingt ans.

Les Français et l’Islam : la crispationPAR GÉRARD STREIFF

Pages réalisées par GÉRARD STREIFF

LA PERCEPTION DE L'INTÉGRATION DES MUSULMANS

LE JUGEMENT DES FRANÇAIS À L'ÉGARDDE LA COMMUNAUTÉ MUSULMANE

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NOTES Chaque mois, des secteurs de travail du PCF produisent des analyses,des propositions, des notes. Cette rubrique publie leurs travaux :ù

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Tous les progressistes etféministes connaissent cettedate de l'histoire mondiale, le 8 mars. Laurence COHEN,responsable de lacommission Droits des femmes/Féminisme, en donne la signification non par nostalgie mais pour la force du féminisme et du communisme actuels.

Gérard MAZET (responsablenational de la commissiontransport) présente les propositions du PCFen matière de réponse aux usagers, de fret, detransport aérien et de gestiondes infrastructures.

Nouveau chantier de NicolasSarkozy, la dépendanceoccupe l'espace médiatiquedepuis quelques semaines.Jean-Luc GIBELIN(responsable de lacommission Santé) revientsur ce thème et en présenteune conception humaniste.

Après Lopsi I, legouvernement est déjà passé à Lopsi II. Ian BROSSAT(responsable de la commission Sécurité) revient sur ce dossier.

TRANSPORT

• Le transport des voyageursLa promotion des transports collec-tifs, objectif prioritaire suppose lareconquête du service public, desmoyens nouveaux pour les transportsde la vie quotidienne et le développe-ment solidaire des territoires, notam-ment les zones rurales.

Il s’agit de faire reculer les logiques libé-rales • en imposant des critères sociaux, envi-ronnementaux et de qualité de servicestricts dans tous les contrats entre auto-rité organisatrice et opérateur, entredonneur d’ordre et exécutant. • en reconnaissant aux élus, aux associa-tions d’usagers et aux organisations syn-dicales de salariés de nouveaux droitsd’intervention. • en mettant en place un véritable statutdes salariés du transport.

UN PÔLE PUBLIC NATIONAL DE TRANSPORTS PUBLICS Il sera un outil industriel national à ladisposition des autorités organisatricespour assurer le droit au transport pourtous et l’égalité de traitement des usa-gers. Il se dotera de délégations régio-nales. Son conseil d’administrationserait essentiellement composé d’élus,de représentants d’usagers et de salariésdes entreprises concernées.Le Pôle Public sera un lieu de coopéra-tion regroupant dans un premier tempsles opérateurs publics actuels : la SNCF(avec RFF) et la RATP qui en seront lacolonne vertébrale, les régies, les socié-tés d’économie mixtes et les sociétéspubliques locales de transport. Par ailleurs, l’expérience est faite depuisplus de 10 ans : la séparation de la SNCFet de RFF est nocive pour les transports.Il faut réintégrer la gestion directe desinfrastructures au sein de la SNCF et ladette doit être reprise par l’État. Lamême démarche vaut pour la RATP.

DES FINANCEMENTS NOUVEAUXLes critères de calcul de la dotation del’Etat aux régions pour l’exploitation duservice public voyageurs aujourd’huidépassés sont à redéfinir. Sinon le risqueexiste que les Régions soient, de fait,conduites à limiter les développementssur les seules dessertes à fort potentiel. Parce que les transports structurent la

société et que l’organisation du systèmede transport doit s’inscrire dans unepolitique de développement humaindurable, l’État doit contribuer à cetenjeu et investir massivement dans lestransports régionaux, à hauteur de 50 %des investissements.Sans se substituer aux autorités organisa-trices (régionales, départementales etgroupements de communes), des syndi-cats mixtes régionaux des transportscollectifs mailleront un réseau intégré et cohérent sur l’ensemble du territoire régional. Ils permettront de leverle Versement Transport Additionnel (VTA),source de financements supplémentairespour le TER, reposant sur les entreprises.Ce VTA s’ajoute au Versement Transport(VT) déjà existant à généraliser sur tousles territoires où il n’est pas activé et àtoutes les entreprises (seuil actuel 9 sala-riés) et dont le mode de calcul est à modi-fier. Il ne doit plus reposer seulement surla masse salariale, mais essentiellementsur les profits pour pénaliser les revenusfinanciers et responsabiliser les groupessur les territoires. Une modulation doitêtre appliquée au bénéfice des PME/PMI,TPE et entreprises artisanales qui créentde l’emploi sans forcement dégager degrandes marges. Les syndicats mixtes devront aussi pou-voir lever une nouvelle taxe, pour fairepayer davantage les bénéficiaires réelsdes transports (grandes surfaces com-merciales, promoteurs immobiliers,parcs de loisirs, industrie du tourisme,compagnies d’assurance automobile …).

LA TARIFICATION À L’USAGERPour répondre au droit au transportpour tous et favoriser le report modalvers des transports propres, la proposi-tion de gratuité des transports ne corres-pond pas aux enjeux. Elle priverait lestransports collectifs de ressourcesnécessaires (exemple : celles tirées desvoyages d’affaire, du tourisme, de la partpatronale pour les trajets domicile-tra-vail …). Pour autant la tarification tellequ’elle existe n’est plus adaptée. Nousdevons aller vers des cartes d’abonne-ment à tarification unique. L’employeurdoit financer intégralement ces cartespour ses salariés en ce qui concerne letrajet domicile-travail. De même, cellespermettant le trajet domicile-école doi-vent être prises en charge intégrale-ment. Enfin nous proposons la mise enplace de la gratuité pour les personnes àfaibles revenus (chômeurs sous condi-tion de ressources, titulaires des mininassociaux..).

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NOTES Chaque mois, des secteurs de travail du PCF produisent des analyses,des propositions, des notes. Cette rubrique publie leurs travaux :

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Ainsi, nous irons vers la gratuité destransports pour le plus grand nombred’usagers, sans nous priver des res-sources nécessaires pour développer,entretenir et renouveler les transportspublics. Ces mesures seront un facteur de déve-loppement du transport collectif.L’ambition est de réduire l’usage desvoitures particulières et de développerles modes « doux » complémentaires.

• Le transport de marchandisesL’Europe et la France doivent organi-ser un report modal du fret en faveurdu ferroviaire, du fluvial et du cabo-tage maritime.

Aujourd’hui, les modes alternatifs à laroute sont marginalisés. Quel qu’en soitle mode, le transport de marchandisesest largement sous-rémunéré, ce qui estun facteur de mise en concurrence deshommes à l’échelle européenne etmondiale. Ce faible coût du transportest une incitation à la délocalisation deproductions industrielles vers les pays àfaible coût de main d’œuvre.

INSTAURER UNE TARIFICATION SOCIALE ETÉCOLOGIQUE CONTRAIGNANTELe transport routier reçoit un niveauconsidérable d’aides publiques, plusd’un milliard d’euros par an, en aidesdirectes, en exonérations de charges, ouen défiscalisations. Le fret routier doit sepositionner en complémentarité et nonplus en concurrence avec les autresmodes de transport. Il doit donc suppor-ter l’intégralité de ses coûts d’usage d’in-frastructures, ainsi que les coûtsexternes environnementaux. Il doitassumer une revalorisation socialeconséquente et revoir les conditions detravail des salariés. L’instauration d’une tarification socialeet écologique contraignante permettraitde tirer les garanties sociales vers lehaut, de sortir d’une concurrencedéloyale entre la route d’une part, le railet le fleuve d’autre part. Pour sortir dudumping social, l’Europe doit aussiencourager l’harmonisation rapide desconditions sociales, réglementaires et deleur organisation du travail des salariéseuropéens du secteur. Il faut refuser la généralisation des camionsde très grande capacité comme les 44tonnes, ne pas autoriser ceux de 25,25mètres de long et de 60 tonnes ce qui

amplifierait encore les déséquilibres. Enfin,il est urgent de mettre en place la taxecamion et cela sans dérogation possible.

UNE NOUVELLE CONCEPTION DE TRANSPORT MULTIMODAL DU FRETL’entreprise publique SNCF, entrepriseintégrée implantée sur tout le territoire,possède de solides atouts pour offrir debout en bout aux chargeurs des solu-tions logistiques basées sur le rééquili-brage entre les divers modes au profitdu ferroviaire SNCF. Avec sa brancheFret « SNCF Geodis », elle regroupe tousles métiers de la chaîne logistique ettransport de marchandises. Une conception de service public pourle fret ferroviaire a toute sa justificationdans ce contexte, compte tenu ducaractère d’intérêt général des ques-tions climatiques, écologiques, de sécu-rité et d’aménagement du territoire. Elles’oppose à la stratégie actuelle dugroupe SNCF, qui sert de banque pourfinancer le développement des filialesroutières de fret.

LE WAGON ISOLÉ, UN SERVICE D’INTÉRÊTGÉNÉRALL’abandon par la SNCF de 60 % de l’ac-tivité de « wagon isolé » met par anl’équivalent de 1 200 000 camions sup-plémentaires sur les routes. Pourtant, lefret ferroviaire de proximité, avec cettetechnique du wagon isolé, est straté-gique pour relever le défi de la luttecontre le réchauffement climatique etcelui de l’aménagement du territoire. Ace titre, le wagon isolé doit devenir unservice d’intérêt général, éligible à dessubventions publiques. Il est impératifque la SNCF participe concrètement àl’alliance européenne baptisée « X Rail »qui porte sur le développement duwagon isolé.Cette politique de développement exiged’importants travaux d’infrastructurespour embrancher le réseau ferré natio-nal aux multiples zones industrielles etcommerciales, aux plateformes logis-tiques, pour désaturer les nœuds ferro-viaires et remettre en place des triages.

• Le transport aérienL’état doit conserver et retrouver lamaîtrise de l’ensemble des préroga-tives en matière de contrôle, desûreté et de réglementation.• Maintien de l’unité de la DirectionGénérale de l’Aviation Civile en matièrede contrôle aérien, de réglementation,

d’élaboration et de contrôle de l’applica-tion des règlements.• Réintégration de l’ensemble des per-sonnels chargés de la sûreté aéropor-tuaire au sein des services d’état• Arrêt du processus de privatisation desgestionnaires des plateformes aéropor-tuaires (Aéroports De Paris et plate-formes de province). Retour à une ges-tion assurée par l’État ou les collectivitésterritoriales.• Renationalisation du groupe AirFrance et fixation d’objectifs précis enmatière de réponse aux besoins d’amé-nagement du territoire et de complé-mentarité des divers modes de trans-ports.

SORTIR DU LOW-COSTSortir du low-cost interne à l’aérien sup-pose de stopper les aides aéropor-tuaires, les défiscalisations, les exonéra-tions de taxes locales accordées à cescompagnies sans scrupule. La clartédoit être faite sur le mode de finance-ment actuel des compagnies low-cost.

L’INTERMODALITÉ, UNE VISION MODERNEDES TRANSPORTSIl faut également sortir de la concur-rence aérien/TGV qui exacerbe les tech-niques low-cost dans les deux modes etpermet un chantage sur les salariés etles territoires, ignorant les enjeux clima-tiques et énergétiques. Cette concep-tion multimodale a pour objectif derépondre au besoin de transport demasse, démocratisé, accessible et des’attaquer à la réduction des GES.

• Les infrastructuresPour répondre à l’intérêt général, il fautfaire des choix dont les critères princi-paux sont la dimension sociale d’amé-nagement du territoire et l’égalité d’ac-cès et de traitement pour tous.Il est absolument essentiel de sortird’une concurrence entre les infrastruc-tures. Pour atteindre les objectifs deréduction de GES, il faut donner la prio-rité à la régénération et à la modernisa-tion des réseaux existants, démocratiserla gestion des infrastructures pour avoirune maîtrise publique et stratégique del’ensemble des modes et de la finalité deleur utilisation.

RETOUR DES AUTOROUTES DANS LE GIRON DE L’ETAT On ne peut laisser se développer et segénéraliser des concessions d’infrastruc-tures et des contrats de PartenariatsPublics Privés (PPP) notamment autorou-

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MARS 2011- LA REVUE DU PROJET

tiers. Le but est d’accélérer la logique libé-rale, de faire payer les usagers, par destaxes et péages, en lieu et place des finan-cements publics d’Etat. De surcroît, denombreuses expériences le montrent, lesPPP sont in fine plus onéreux pour lesfinances publiques. La mise en conces-sion de la ligne nouvelle TGV Tours-Bordeaux est une brèche ouverte dans laprivatisation du réseau ferré national. n

GÉRARD MAZETpour la commission Transport

qui a élaboré les textes

AUTONOMIE

Prise en charge solidairede la perte d’autonomie Nous voulons promouvoir la protec-tion sociale solidaire renforcée etélargie dans ses prérogatives, fidèleen cela aux concepts qui l’ont mis enplace et qui restent des idées neuves. Nous considérons qu’il s’agit d’unequestion importante. Pour autant,nous contestons le « scénario catas-trophe » orchestré aux seules fins dejustifier le recours à l’assurantiel.

Nous faisons le choix de prendre leconcept de perte d’autonomie enlieu et place de la dépendance.

C’est la résultante multifactorielle desituations qui jalonnent la vie de toutindividu. Elle n’est en rien un risque ensoi, mais un état qui justifie la solida-rité et la dignité. Surfant sur lesattentes des associations, le projetactuel avance le concept de « 5e

risque » pour la sécurité sociale : « lerisque dépendance ». Cette faussebonne idée ne correspond pas à l’ar-chitecture de la sécurité sociale. Enréalité, ce concept organise une confu-sion sémantique voulant laisser croireque la perte d’autonomie est assurablepar le secteur assuranciel privé. Une branche de plus dans la sécuritésociale ou dans l’assurance maladieaffaiblirait la protection sociale soli-daire en fragilisant la base de sonfinancement socialisé. Nous sommesaussi opposés à la barrière d’âge qui estactuellement maintenue.

ARTICULER PRÉVENTION, DÉPISTAGE ETPRISE EN CHARGE SOLIDAIREL'enjeu d'une vraie politique publiquede la prise en charge de la perte d'auto-

nomie est au cœur du débat. Cettepolitique publique doit articuler pré-vention, dépistage et prise en chargesolidaire. La prévention doit être déve-loppée dans toutes ses dimensions.Cela renvoie aussi au rôle social despersonnes profondément nié dansnotre société. La prévention passe parle remboursement à 100% par l’assu-rance maladie de toutes les dépensesde santé. La politique publique passepar un développement important desservices publics nationaux répondantà la perte d’autonomie et leur réelle etefficace coordination.

PÔLE PUBLIC DE L’AUTONOMIENous proposons au niveau départe-mental un pôle public de « l’autono-mie », s’appuyant sur le développe-ment des services publics existants. Lepôle public doit ainsi permettre unesynergie entre les services publics lescoordonnant avec les nouveaux ser-vices publics du handicap et celui despersonnes âgées. Cette coordinationdépartementale doit permettre unesimplification des démarches pour lespersonnes et les aidants

UN NOUVEAU PROJET DE CIVILISATION. Au-delà, la création d'une véritablecoordination des politiques publiquesde l'autonomisation des personnesdevra être mise en place avec uncontrôle démocratique. Nous propo-sons une structuration nationale despôles publics départementaux dansune forme à définir (agence, établisse-ment public, service ministériel) afinde garantir une cohérence nationale etune égalité sur le territoire national.Cela permettra d'assurer une indépen-dance totale, des critères indiscutablesaux procédures de détermination duniveau de perte d’autonomie et d'en-gager une vaste politique de formationet de création en nombre d’emploisqualifiés des services d'aide à la per-sonne, en partenariat avec le mondeassociatif dans un cadre juridique nou-veau à inventer sans exonérer l’état deses responsabilités. Pourquoi pas unministère de l’autonomie pour cesnouveaux défis ?

Notre volonté de privilégier le maintienà domicile accompagné et assisté,comme alternative volontaire, estcomplémentaire avec la nécessité d'as-surer une bonne couverture territorialepassant par un développement en éta-blissements publics. Il s’agit de mettre

en œuvre un plan de formation despersonnels médicaux et paramédicaux.Le maillage du territoire par le servicepublic hospitalier est un gage d’égalité.

FINANCEMENT SOLIDAIRE ET FINANCEMENT PUBLICNous posons le principe d’un finance-ment solidaire dans la sécurité socialeet d’un financement public. Pour lefinancement de la sécurité sociale, nospropositions partent tout d’abord dudéveloppement de l’emploi, de l’aug-mentation des salaires et d’une nou-velle politique économique et indus-trielle. Concernant l’Assurance mala-die, nous portons le principe d’unemodulation de la cotisation sur uneassiette « salaires ».Concernant les personnes en situationde handicap, nous proposons une taxeprélevée à la source pour les emplo -yeurs qui ne respectent pas la loi. Ilfaut aussi affecter à la perte d’autono-mie une partie de la contribution sup-plémentaire que nous voulons créersur les revenus financiers des entre-prises, des banques et assurances.Nous proposons, par ailleurs, d’assurerun financement public de la prise encharge de la perte d’autonomie parl’Etat, au moyen d’une dotation decompensation de l’Etat pour les dépar-tements. Néanmoins, un véritablefinancement public pérenne de la priseen charge de la perte d’autonomie exi-gera une réforme de progrès et d’effi-cacité de la taxe professionnelle, ainsiqu’une véritable réforme de la fiscaliténationale et locale, réforme qui portela suppression de la CSG. Cela renvoieaussi à une autre conception del’Europe, de sa monnaie, de la BanqueCentrale Européenne pour développerles services publics.Nous sommes clairement opposés auxmesures qui sont avancées actuelle-ment comme l’assurance obligatoire,le second comme le premier jour detravail gratuit, l’augmentation de laCSG des retraités, l’étranglement desfinances des conseils généraux. Nousrejetons le recours sur succession pourfinancer la réponse à la perte d'auto-nomie car, comme l'assurance indivi-duelle, c'est un moyen supplémentairede contourner la solidarité nationale.C'est en fait la double peine : la perted'autonomie et le prélèvement sur lasuccession. n

JEAN-LUC GIBELINResponsable du secteur Santé,

Protection sociale

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LA REVUE DU PROJET - MARS 2011

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NOTES Chaque mois, des secteurs de travail du PCF produisent des analyses,des propositions, des notes. Cette rubrique publie leurs travaux :NOTES

SÉCURITÉ

LOPPSI IILa récente interview télévisée deNicolas Sarkozy a confirmé l'intentiondu gouvernement d'exploiter jusqu'aubout le filon de la sécurité en vue desprochaines échéances électorales.

Il le fait d'ailleurs en développant unecommunication éminemment para-doxale. D'un côté, la droite se gausse enfaisant valoir une prétendue baisse desfaits de délinquance. De l'autre, le gouver-nement met en exergue chaque nouveaufait divers et en profite pour consoliderl'arsenal sécuritaire qu'il a patiemmentélaboré depuis 2002.

BAISSE DE LA DÉLINQUANCE OU MANIPULATIONS STATISTIQUES ? A ceux qui doutent, le gouvernement ressorten effet son argument préféré : les statis-tiques – auxquelles plus personne ne croitmais tout le monde fait semblant. Certes,cette année, quelques voix dénoncent quandmême la mascarade, comme LaurentMucchielli, qui remarque sur son blog, avecun peu d’ironie, que ces chiffres ne sont pasceux de la délinquance. De fait, il s’agit desstatistiques de la police et de la gendarmerie. Chaque année, les forces de l’ordrecomptabilisent le nombre de plaintesdéposées, les procédures, les enquêtes– puis les classent, mais en vérité, il nes’agit pas de la délinquance vécue ousubie par les Français au quotidien. Il nes’agit que d’une petite partie de l’acti-vité délictueuse ou criminelle. Celle quel’on a calculé au regard des objectifsdonnés par le ministère, qui se retrouveainsi juge et partie selon une logique demélange des genres qui ne surprendramalheureusement plus personne. Ainsi, si les victimes ne portent pas plainte,si les procès-verbaux ne sont pas correc-tement enregistrés, les faits disparaissent.Plus grave, les contraventions, la plupartdes délits routiers, les infractions au droitdu travail ou de l’environnement, ne sonttout simplement pas pris en compte. Ladélinquance qui intéresse le ministère del’Intérieur est une certaine délinquance.Celle sur laquelle on peut communiquer.De bons faits divers, romanesques,comme ceux qui réveillent par exempleune campagne électorale. Sans surprise, les chiffres de l’année 2010témoignent d'une baisse de la délinquancegénérale de 2 %. Une remarque à ce sujet :les chiffres de la délinquance générale

mêlent tout. Ils mettent sur le même planusage de stupéfiants, violences, vols, viols,ou défauts de permis de chasse. A y regarderde plus près, on s'aperçoit que les cambrio-lages, les agressions sur les personnes et lesvols (violents ou non) sur la voie publiquesont, eux, en augmentation. Or ce sont cesactes-là qui pourrissent la vie quotidiennedes habitants de nos quartiers.

L'ARSENAL LÉGISLATIF CONSOLIDÉ...Tout va tellement bien, d'ailleurs, que legouvernement se sent obligé de légiférerune fois de plus. Depuis la premièreLoppsi (en 2002), les spécialistes hésitent.Ils comptent entre 37 et 41 lois sur la sécu-rité présentées au Parlement. Autrementdit, et pour reprendre un chiffre avancépar Laurent Mucchielli : 10 % de laproduction législative française. Certai-nement un record. Nonobstant, dans cettedernière Loppsi, qualifiée sobrement de« fourre-tout » par le journal Le Monde, legouvernement persiste dans une idéo-logie du tout répressif. Encore une fois, ilne se concentre que sur un certain typede délinquance, celle qui l’arrange. Maismême pour cette dernière, les disposi-tions de la nouvelle loi sont inquiétantes. Insistant plus que jamais sur la techno-logie (vidéosurveillance, fichiers divers,bracelets électroniques), le gouverne-ment prépare en effet une vraie révolu-tion du maintien de l’ordre et l’avène-ment d’une sécurité privatisée.

UNE SÉCURITÉ PRIVATISÉERéduisant les effectifs de police, suppri-mant des postes, il externalise ainsicertaines missions (aussi diverses que cellesde la police scientifique ou du contrôled’identité dans les transports), élargit lescompétences de la police municipale etrenforce le statut des entreprises privéesde sécurité. On sait qu'en France, les effec-tifs de sécurité publique (police et gendar-merie) s'élèvent à 220 000, alors que lesentreprises privées qui travaillent dans cesecteur concentrent 170 00 employés.Quand on considère les résultats de la priva-tisation d’une partie de la sécurité dans lesaéroports (illustrée par ces deux journa-listes de France 2 qui, récemment, ontvoyagé sans encombre avec des armes dansleurs bagages), on peut redouter le pire.Moins bien formés, soumis à d’autresimpératifs, notamment comptables, lesagents des entreprises privés ne peuventpas remplacer la police et la gendarmerienationales. Mais surtout, ce glissementremet en cause un compromis histo-rique français qui voyait les citoyens délé-guer à l’Etat leur sécurité – et contredit

le principe républicain d’égalité. Cardemain, la sécurité appartiendra unique-ment à ceux qui en auront les moyens.Et non plus à ceux qui en ont besoin.Gageons que cela n’affectera pas les chif-fres du ministère : de toute façon, avecmoins de policiers, il y aura moins deprocès verbaux, donc (soi-disant) moinsde délinquance. Et ce faisant, le gouver-nement remet en cause une conceptionde l’Etat et du service public pour tous,hérité de la Libération, qu’il n’aime pas.Plus grave, il ne se contente pas de sedésengager, il se déresponsabilise. Cequi n’est pas acceptable. Aujourd’hui,victimes permanentes de formes insi-dieuses d’injustices et d’inégalités, nosconcitoyens ont besoin d’un vrai servicepublic de sécurité. Un service public quiregroupe la police nationale, la gendar-merie et les polices municipales nationa-lisées. Un service public qui leur garantitun égal accès au droit à la sécurité, sansdistinction géographique, sociale ou patri-moniale. Une nouvelle carte doit êtreélaborée, de manière plus juste, sans exclureni quartiers ni populations à quelque titreque ce soit. Tout le contraire de Loppsi 2 etde ses petites sœurs depuis 2002.

LA DÉLINQUANCE EN COL BLANC IGNORÉEIl faut, dans le même temps, rompre avecune certaine idéologie. Celle qui ignore ladélinquance en col blanc, financière, patro-nale et fiscale. Celle qui a conduit en 2007Nicolas Sarkozy, à peine élu, à promettreau MEDEF de dépénaliser le droit desaffaires. En toute impunité, on peut volerdes centaines de salariés à condition d’uti-liser des moyens financiers et de ne pas sefaire Le petit délinquant, lui, risque laprison, à coup sûr. On voit que l’argent ne détermine passeulement la sécurité éventuelle à venir,mais l’idée même de délinquance. Péchévéniel que celui du profit, considérécomme une ambition naturelle. Mais la délinquance est malheureusementpartout, y compris au ministère de l’Inté-rieur. Le ministre a été condamné pourpropos racistes et atteinte au principe dela présomption d’innocence en 2010. Despéchés véniels, là aussi, probablement.Aujourd’hui, le gouvernement a choisi. Sapolitique est à cloche-pied, toujours lemême. Pourtant, pour avancer, la luttecontre la délinquance a besoin de marchersur ses deux jambes – sinon elle boîte,comme les chiffres de Brice Hortefeux. n

IAN BROSSATchargé des questions de sécurité à la direction

nationale du PCF

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MARS 2011- LA REVUE DU PROJET

FÉMINISME

Le 8 marsEn mars 2011, il est important derevenir sur les raisons et l’enjeu del’existence d’une journée internatio-nale des droits des femmes.

En soutien aux nombreuses mani-festations des ouvrières du débutdu siècle, Clara Zetkin, journaliste

allemande dirigeant la revue DieGleichheit (l’égalité), propose en août1910, lors de la seconde conférenceinternationale des femmes socialistes,qu’une journée des femmes soit orga-nisée chaque année.Dès le départ, les femmes veulent quecette journée soit marquée de leurvolonté politique de lutter pour laconquête de leurs droits.En France, les femmes se battent depuislongtemps pour obtenir l’égalitéfemme/homme notamment celle desdroits politiques. En 1910, une vingtainede féministes dont Madeleine Pelletierse présenteront aux élections législa-tives, leurs candidatures seront rejetées.En 1921, tandis que la Suède accorde ledroit de vote aux femmes, le Gouverne-ment français crée la médaille de lafamille française pour honorer les mèresméritantes qui, durant la guerre de 1914,ont travaillé et élevé « dignement » leursenfants !Dans l’esprit d’une journée internatio-nale des femmes pour le droit de vote,la chambre des députés adopte, le 7avril 1925, le droit de vote des femmesaux élections municipales et canto-nales. Le parti communiste français,profitant d’une lacune de la réglemen-tation, propose des femmes en posi-tion éligible sur les listes aux électionsmunicipales. Trois d’entre elles serontélues mais leur élection sera annulée etla loi autorisant ce droit de vote aussi.

Il faut attendre 1944, après bien desbatailles, pour obtenir enfin ce droit !La montée du mouvement féministe desannées 1970 poussant, les Nations Uniesreconnaissent officiellement la journéeinternationale des femmes en 1977.

L’ACTUALITÉ DES COMBATS POUR L’ÉGALITÉCette journée est donc hautement poli-tique et marque combien les combatspour l’égalité restent d’actualité.Comment ne pas être révoltés par lesinégalités qui perdurent dans l’accès à laformation et à l’emploi, dans les formesd’emploi, dans les salaires à qualifica-tion similaire, dans le partage des tâcheset des fonctions dans le couple et au seinde la famille, dans le regard que lasociété porte sur l’image du corps del’un et de l’autre, dans l’égal accès auxpostes de responsabilité politique ?Chaque jour de nouveaux coups sontportés. Ainsi, aujourd’hui, une énièmedirective européenne menace le droit àl’IVG, sans que cela ne suscite unegrande émotion. Et pourtant si on nefait rien, ce sont toutes les euro-péennes qui vont voir leur libre choixd’être mère bafoué. Cette remise encause constante et universelle desdroits des femmes par les politiquesnéolibérales n’est pas massivementcontestée ! Nous sommes en 2011, etquel syndicat, quel parti politique pro-pose une grande manifestation sur lethème de l’égalité ?

DÉNONCER LE PATRIARCAT « Il n’y a pas toujours eu des prolétaires,il y a toujours eu des femmes » a écritSimone de Beauvoir. Les contradictionsentre les sexes sont de fait beaucoupplus anciennes que les contradictionsentre les classes et elles ne leur donnentpas naissance. Elles se développentensemble sans pour cela se confondremais en se favorisant mutuellement. Ceschéma, qui a imprégné les siècles, a

structuré profondément nos sociétés.La démocratie moderne ne dénoncepas l’exclusion, elle continue de lamaintenir, voir de la fabriquer. Le capi-talisme et le patriarcat se nourrissentmutuellement pour aliéner les femmesavec le renfort des religions. Dénoncer le patriarcat, montrer qu’ilfonde encore de nos jours la situationdes femmes dans la société, est denature à faire évoluer les mentalitéspour opérer des rassemblements au-delà des seuls mouvements féministes.Nous nous réjouissons de voir lesTunisiennes, les Egyptiennes et d’au-tres femmes des pays du Maghreb et duMoyen Orient se révolter. Leurs com-bats pour leurs droits, pour le respectde leur dignité, pour leur liberté et leurexigence de démocratie sont les nôtres.L’histoire nous a appris que les révolu-tions ne portent pas l’égalité entre lesfemmes et les hommes comme déter-minant et que le combat reste entier.Pour le 8 mars 2011, nous serons doncsolidaires des femmes du Maghreb et duMoyen Orient. Nous le proclamerons enparticipant activement, aux côtés desféministes, en tant que parti politique, àla manifestation unitaire à Paris le 5mars, dans le quartier des ambassadesd’Algérie, d’Iran, d’Egypte. Nous exige-rons avec elles des Etats de droit, le réta-blissement des libertés individuelles,l’abrogation du code de la famille, l’éga-lité des droits dans les constitutionsnationales et des Etats Laïcs.

Femmes des deux rives, notre mobili-sation doit être à la hauteur du touteset tous ensemble pour un monde depaix où égalité rime avec mixité, soli-darité avec mise en commun et laïcitéavec liberté. Ce combat est nôtre, nousle gagnerons ensemble Femmes etHommes. n

LAURENCE COHENresponsable nationale commission

droits des femmes - Féminisme

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REVUE DES MÉDIASPar ALAIN VERMEERSCH

Les pays du Maghreb sont aux prises à des révoltes populaires quiont permis d’ores et déjà des transformations importantes du pay-sage politique dans la région et dans le monde.

forces modernistes, pas très nombreuses,et une minorité assez forte de fonda-mentalistes, religieux ou politiques, dontune infime partie dégénère en terro-ristes. Ces deux camps se battent pourle contrôle de la masse centrale desmusulmans. C’est une bataille énorme,qui est loin d’être finie. Il serait bien naïfde l’ignorer. A titre personnel, je penseplutôt que les modernistes finiront parl’emporter, mais quand ? » Alain Finkiel-kraut attise l’islamophobie. « En Egypte,les manifestants s’interrompent pourfaire la prière  » Libération (3/02).Alexandre Adler dans Le Matin deLausanne (6/02) s’effraie « Il est vraisem-blable que l’Egypte exerce une mainmisesur la bande de Gaza en faisant passerle Hamas sous sa coupe. Le gel des rela-tions diplomatiques pourrait sans douteatteindre un degré supplémentaire  ».Bernard-Henri Lévy dans Le Point (20/01)

se veut joyeux sur le départ de Ben Ali.Le 3 février, parlant de l’Egypte, il finitpar crier à «  l’islamisme radical  ». «  Laperspective d’une Egypte virant au fonda-mentalisme d’Etat et devenant ausunnisme ce que l’Iran est au chiisme.. »

LE RÉVEIL DES PEUPLESIl se trouve heureusement d’autres voixqui ne partagent ces visions. AlainTouraine s’écrie « Sortons de la guerrefroide !  » Il écrit «  Il existe une arabo-phobie et une islamophobie européennesqui sont dangereuses... parce qu’ellesnourrissent les politiques xénophobes..On ne doit pas demander aux intellec-tuels de parler en l’air au nom des valeursuniverselles... Mais on doit leur demanderde définir et de défendre la cause de laliberté qui est aussi celle de la justicesociale  ». Dans son blog, Pascal Boni-face reproche de relayer «  les craintesisraéliennes face au changement poli-tique en Egypte. » Il rappelle que ce sont

«  les mêmes qui ont dénoncé pendantdes lustres l’absence de régimes démo-cratiques dans le monde arabe (qui) s’in-quiètent désormais de la possibilité qu’ilen existe ». Dans la revue Esprit (02/2011),Olivier Mongin souligne «  cette révolu-tion était « malvenue » pour beaucoupd’esprits, surtout en France. Le soutienà Ben Ali de la part des politiques (dedroite comme de gauche) a reposé surla conviction qu’un Etat fort est indis-pensable dans un pays où le péril isla-miste exige un rempart. » Il soutient « Lemonde arabo-musulman ne doit pas êtreconfondu avec celui de la fin du commu-nisme. L’exception tunisienne se mani-feste dans le fait qu’elle pose la questionde la démocratie et de ses fondations ».Voici ce qu’écrit Bernard Guetta dansLibération (09/02) «  Il y a moins d’unmois, le monde arabe était figé. Rien nesemblait pouvoir y bouger tant la peury était omniprésente et tant le statu quodes dictatures y paraissait préférablesà l’avènement de régimes islamistes.Puis il y eut la rupture tunisienne, cetteémergence politique d’une jeunesseassoiffée de liberté, d’une troisième forcese réclamant de la démocratie, et lacontagion fut immédiate. Le monde arabes’est aussitôt reconnu dans le soulève-ment de la Tunisie... le plus peuplé despays arabes, l’Egypte, leur épicentre, sesoulevait à son tour... Troisième change-ment de fond, les Frères musulmans -minoritaires et non pas majoritaires - yjouent la démocratie parce qu’ils voientbien qu’elle présente autrement plusd’attraits que la charia pour la jeunesseégyptienne et que les islamistes turcs,surtout, s’en sont beaucoup mieux portésque les ayatollahs iraniens de la théo-cratie ou Al-Qaeda du djihadisme. Cestrois changements ne sont pas qu’égyp-tiens. Ils sont à l’œuvre dans tout lemonde arabe et c’est pour cela que cette

À Paris, l’intelligentsia dusilence, titre Le Monde (06/02). Et pour-suit «  Obnubilés par l’islamisme, inca-pables de penser une démocratie arabe,ou juste ignorants, les intellectuels sefont discrets sur les révoltes actuelles.

DES INTELLECTUELS FRAPPÉS DE MYOPIEAlain-Gérard Slama dans Le Figaro(09/02) peut écrire « Malheur à qui, frappépar cette contradiction, ose demandersi les motivations des révoltés de Tuniset du Caire sont bien celles qu’on leurprête. À peine a-t-il exprimé ce doute, ilest accusé de céder au préjugé quasi-raciste selon lequel les peuples arabessouffrent d’une incompatibilité structu-relle avec la démocratie. Or s’il est peudiscutable que des démocrates et deslibéraux, issus des classes moyennes,figurent parmi ces masses hétérogènes,il est permis de penser que, dans la colèrequi gronde, les déceptions liées auchômage et à la crise, le rejet des dicta-tures frappées d’échec et la méfiance àl’égard des puissances occidentales quiles ont protégées jouent un rôle au moinsaussi grand.  » Hubert Védrine avertit« Le monde arabo-musulman n’est pashomogène. En outre, l’hypothèque isla-miste n’est pas encore levée : lorsque leShah d’Iran a été renversé en 1979, laplupart des démocrates, pensaient quecela allait faire naître la démocratie enIran. On sait ce qui s’est passé. Ce précé-dent pèse, incontestablement, même s’ilfaut tout faire pour dépasser cette fata-lité...Il y a, à l’intérieur du mondemusulman, un gigantesque bras de fer,un affrontement historique, entre des

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LA REVUE DU PROJET - MARS 2011

Le monde arabe et « l’impossible démocratie »

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MARS 2011- LA REVUE DU PROJET

la grande inconnue. Il faut bien voir unechose importante : les islamistes se sontembourgeoisés. Ils sont devenus parle-mentaristes, ils n’ont plus de projetsocial..  » Il poursuit sur l’impact de cesrévolutions chez les musulmans d’Occi-dent « ça casse la « fatalité musulmane »,ressassée par les islamophobes de droiteou de gauche, qui disent que l’islam seraitincompatible avec la démocratie. Ce quise passe casse ce logiciel. Ca casse tousles logiciels populistes ». Rue89 (22/02). Et pourtant, la droite et le FN se saisis-sent de ce thème. Le Parisien signale« en confiant à Jean-François Copé, rapi-dement relayé par Christian Estrosi puisBenoist Apparu, le soin de « relancer ungrand débat sur la place des religions enFrance », la volonté du président de laRépublique tient davantage de lamanœuvre politique que de la réflexionphilosophique. Talonné dans les sondagespar une Marine Le Pen qui, la première,a dégainé sur les « prières de rue » il y adeux mois, l’Elysée ne veut pas lui aban-donner la thématique de la laïcité. Ilcompte bien en faire l’un des sujets clésde la prochaine présidentielle. Avec cedébat, c’est en réalité la question de laplace de l’islam en France qui est ànouveau posée ». « On ne choisit pas nossujets en fonction du PS ou du FN, maisen fonction de ce qui intéresse les Fran-çais ! Nous, on arrive avec des solutions,là où le FN est exclusivement dans l’im-précation », précise le patron de l’UMP.Il n’a pas non plus échappé à Sarkozy queles révolutions dans le monde arabeinquiètent une partie de son électorat.S’il se garde bien de tenir ces propos enpublic, le chef de l’Etat fait le constatsuivant en petit comité : « Barack Obamaest décontracté sur ce sujet car il n’aurapas trois millions de réfugiés si ça sepasse mal ! » Marine Le Pen affirme dansLe Monde« Comme tout le monde, je mefélicite si ces pays arrivent à accéder àla démocratie, mais ma responsabilité defemme politique est de détecter quellespeuvent être les difficultés. J’en vois deuxmajeures. La première, une montée desislamistes, la seconde, un afflux d’immi-gration clandestine. » (22/02) n

Ressources : La grande hypocrisie desélites médiatisées. Lofti Maherzi.L’Humanité (19/02/2011).1848, 1989, 2011 Il était une fois la révolu-tion. Sylvie Aprile, Henry Laurens, PierreHassner. Le Monde (20/02/2001).Le 89 du monde arabe. Edwy Plenel.Médiapart (03/02/2011).

révolution, le printemps arabe, n’en estqu’à ses débuts. » Un intellectuel améri-cain, Ian Buruma relève de son côté dansLe Figaro (09/02) « En fait, l’une des carac-téristiques les plus frappantes des soulè-vements populaires en Tunisie et enÉgypte – et peut-être l’une des plus impor-tantes – est le rôle tout à fait mineur jouépar les islamistes. »« Quel modèle politique pour les peuplesarabes » titre Le Monde (17/02) avec uneréponse : «  D’après une étude récentemenée dans sept pays arabes, deux tiersdes personnes interrogées estimaientque la Turquie était l’exemple réussi d’unmariage de l’islam avec la démocratie ».«  Les paris sont ouverts. Quel sera leprochain domino à tomber : la Libye, leYémen, Bahreïn, la Jordanie, l’Algérie... ?Et, surtout, quand viendra le tour de l’Iran,un enjeu aussi considérable que l’Egypteet un pays particulièrement fragile dansson principe même, son identité islamiste?  » se demande Dominique Moïsi LesEchos (21/02). En effet, poursuit-il «  lenouveau monde dans lequel nousentrons... est aussi sur le plan régional« postislamiste » pour reprendre laformule d’Olivier Roy... Il est certes bientrop tôt pour prédire de manière exactele calendrier de la chute du régime desmollahs, mais les révolutions interve-nues en Tunisie et en Egypte hier rendentle changement en Iran inéluctable. » Cemême O. Roy écrit dans La Croix (22/02)

«  C’est une révolte plus qu’une révolu-tion. En 1989, on était aussi en présenced’une révolte qui a abouti à un change-ment parce que les régimes se sonteffacés. Aujourd’hui, deux éléments fontobstacle à ce mouvement. Le premier,c’est la résistance des régimes. Elle estplus dure, parce qu’il n’y a pas de centrecomme l’Union soviétique qui, une foiseffondrée, a permis que tout s’ouvre. Ici,chaque pays a sa spécificité. L’autreproblème, c’est que la communauté inter-nationale est très ambivalente. D’un côté,elle salue la démocratie, de l’autre, elleveut le statu quo. » Elisabeth Roudinescoen écho à la Révolution française estimepour sa part Le Monde (20/02) « Ce quise passe dans le monde arabe, c’est leretour de cet idéal.. L’esprit de la révo-lution est en marche. Un jour viendra oùil se propagera de l’Iran à la Chine enpassant par l’ensemble du monde arabe.Et il reviendra en France au momentmême où l’on pensera l’avoir extirpé desconsciences ». Pascal Boniface soulignecette réalité « L’onde de choc est en fait

mondiale. Elle concerne l’ensemble despays émergents où la population est suffi-samment éduquée pour ne pas prendrepour argent comptant la propagande offi-cielle, où les inégalités sociales, la corrup-tion, l’immobilisme politique sont devenusinacceptables. Les régimes seront forcésde faire preuve d’ouverture politique etsociale, de tenir compte des aspirationsde leurs populations, de crainte d’êtreemportés. » La Croix (09/02).

LES CAMPAGNES CONTRE L’ISLAM DU FN ET DE L’UMP Jean-Yves Camus révélait la visite enIsraël d’« une délégation de l’Alliancedes partis européens pour la liberté etles droits civils, organisation parapluierassemblant des partis d’extrême droitede la quatrième génération. Focaliséscontre l’islam (et non contre l’islamisme),ancrés dans la théorie du « Choc descivilisations », partisans de la démocratiedirecte contre les élites, ces mouvementsveulent, question d’image et de crédibi-lité, se débarrasser des oripeaux encom-brants de l’antisémitisme. Pour faire jonc-tion avec cet intérêt tactique, ils partagentune croyance : à tout prendre, Israëlmérite d’être soutenu parce qu’il est unrempart de l’Occident contre la progres-sion de l’islam. La « déclaration de Jéru-salem », signée par les visiteurs le 7décembre situe parfaitement le plan surlequel est scellée la nouvelle allianceentre la droite ultranationaliste israé-lienne et ses homologues européennes :« Nous avons vaincu les systèmes tota-litaires comme le fascisme, le national-socialisme et le communisme. Mainte-nant, nous nous trouvons devant unenouvelle menace, celle du fondamenta-lisme islamique, et nous prendrons partau combat mondial des défenseurs dela démocratie et des droits de l’homme. »Rue89 (23/12/2010). Laurent Joffrin Libé-ration (07/02) peut écrire «  Chacun aconstaté l’expansion du totalitarismereligieux, chacun sait qu’il faut lecombattre. Certaines révolutions démo-cratiques ont couru semblables risques.La prise de la Bastille a conduit à laTerreur.. La fin du communisme enYougoslavie à la guerre civile.. Les isla-mistes n’ont joué aucun rôle dans ledéclenchement des révoltes. Pourquoile pire serait-il sûr ? » Les médias jouentsur la peur de l’islamisme. O. Roy se veutmesuré «  L’islamisme est fini, commesolution politique et comme idéologie.Mais les islamistes sont là, et c’est donc

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Chaque mois, des chercheurs, des étudiants vous présentent des ouvrages, des films, des DVD...

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CRITIQUES

EDOUARD GLISSANT, PATRICK CHAMOISEAUQuand les murs tombent : L’identiténationale hors-la-loi ? Editions Galaade /Institut du tout-monde, 2007.

Par DANTE BASSINO

Après le décès d’Edouard Glissant, il est utile de revenirsur l’un de ses derniers essais, écrit avec PatrickChamoiseau en 2007. Les auteurs partent de la questionde l’Identité pour mettre à nu le concept d’identiténationale, indissociable des constructions idéologiquescolonialistes mais que certains peuples soumis ontréussi à retourner pour mieux se libérer et s’élever. Ilsutilisent la notion de mondialité, pour effacer toute idéed’intérêts communautaires et souligner la constructiond’intérêts de classe, même si ce mot n’est pas cité. Les murs, poreux aux immigrations de capitaux maissévères aux hommes, les dressant les uns contre lesautres sont finement analysés, et le ministère de l’immi-gration y trouve une appellation plus juste sous le termede « mur ministère ». Ce livre est salutaire dans le climatactuel. Parfois difficile, il permet cependant d’aborder lapensée de ses deux auteurs. Il reste d’actualité, car cedébat sur l’identité nationale a laissé des traces et leministère de l’immigration, même s’il a perdu une par-tie de son appellation, existe toujours. Le ministre del’intérieur a été clair : la politique des murs continue,avec les mêmes objectifs et les mêmes ambitions. La seule limite importante de cet essai réside dans l’ab-sence d’analyse sur les raisons profondes des poli-tiques actuelles. L’immigration vers la France est trèslargement une immigration de travail. Les murs dres-sés le sont pour accréditer une théorie de l’invasion.Les lois successives maintiennent toujours plus de tra-vailleurs migrants en situation irrégulière, ce qui lessoumet à une exploitation forcenée, et permet de fairepression sur les droits de tous les travailleurs. n

THOMAS DELTOMBE. MANUEL DOMERGUE,JACOB TATSITSAKAMERUN ! Une guerre cachée aux origines dela Françafrique. La Découverte, 2011. 742 p.

Par AUGUSTIN PALLIÈRE

Kamerun ! est un enquêtefouillée sur la guerre qu'amenée la France contre l’in-dépendance du Cameroundont l'origine remonte en1955, quand la Franceréprime dans le sang lesnationalistes de l'UPC. La guerre qui oppose direc-tement des militaires fran-çais aux nationalistes dure 7ans. Les auteurs montrentque sont présents alors tousles ingrédients de la guerrepsychologique : embrigadement des populations, tor-ture, mutilation, une justice militaire expéditive, desdisparitions… On retrouve les pratiques (et les noms ! )de l’armée en Indochine ou en Algérie française. Lesauteurs, d'ailleurs, estiment qu'il y a là un devoir demémoire : les acteurs et les témoins directs du conflit(militaires et administrateurs français, rebelles del'UPC, population civile) sont en train de disparaître, etils emportent avec eux le secret de cette guerre que laFrance continue à nier. Le Cameroun des années 50-60, c'est aussi le momentoù se met en place la “Françafrique”. On retrouve au fildes pages des événements et des noms bien connus :Mesmer, Mitterand, l'incontournable Foccart. Danscette histoire, un racisme éhonté et les intérêts écono-miques marchent main dans la main. Pour sauvegarderces derniers, la France met en selle le prototype de lacréature françafriquaine : le dictateur AhmadouAhidjo. La France l'aide à éliminer un à un les diri-geants nationalistes historiques, Ruben Um Nyobé en1958, Moumié empoisoné à Genève en 1960 puisOuandié condamné à mort en 1971… Mongo Beti écri-vait alors Main Basse sur le Cameroun (édité chezMaspero et censuré immédiatement sur ordre deFoccart). Quarante ans plus tard le travail des histo-riens vient corroborer l'ensemble des thèses du roman-cier militant par une démonstration serrée du rôle de laFrance dans ces crimes. Le livre montre l'imbrication des intérêts politiques,économiques, militaires dans la mise en place de lafrançafrique. Les militants communistes des coloniesétaient au premier rang dans les mouvementsd'émancipation. À l'heure où nous sommes sanscesse mis en face de supposés “démons de l'histoire”,il est important de se réapproprier cette histoireaussi. n

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PAUL BOCCARALa crise systémique : une crise de civilisation.Fondation Gabriel Péri, 2011, 45 p.

Par C. M.

La problématique est originale : ne pas analyser la criseseulement au plan économique mais aussi au plan dit« anthroponomique », concernant la réalité sociale nonéconomique. La crise systémique du capitalisme estexpliquée par l’auteur à partir de la suraccumulationdu capital, avec les nouveautés de la mondialisation.Au niveau anthroponomique, Paul Boccara caractérisela crise des délégations et des représentations. Elleconcerne le moment politique, les rapports parentaux,la culture… La radicalité de la crise systémique renvoie à la révolu-tion informationnelle, la révolution monétaire, la révo-lution écologique, aux révolutions démographiques,parentales, etc. Tout cela tend à une mise en caused’ensemble de la civilisation, à l’échelle de toute l’hu-manité.La deuxième partie de l’ouvrage s’attache à la progres-sion et à l’exacerbation du capitalisme et du libéra-lisme. Au plan économique, c’est le déchaînementmondial des marchés, mais aussi le développement despays émergents. Au plan anthroponomique, c’est l’exa-cerbation de l’individualisme mais aussi sa progressiondans le monde entier, les crises de l’autorité, desaffrontements sur les mœurs. Le tournant de la crise systémique, c’est au plan éco-nomique, la crise financière d’éclatement des suren-dettements des ménages et des entreprises, le relais parles endettements publics et la relance de la spécula-tion, avec les interventions des Etats au profit desbanques. C’est aussi l’éclatement des affrontementsmoraux et violents, au plan anthroponomique.La dernière partie concerne des propositions de transfor-mations radicales. Maîtriser et commencer à dépasser lemarché du travail, le marché monétaire et financier, lemarché des productions, le marché mondial, notamment

pour l’expansion des ser-vices publics et de bienscommuns publics de l’hu-manité, y compris pourl’écologie. Maîtriser et com-mencer à dépasser aussi lesdélégations représentatives,avec des pouvoirs de parti-cipation et d’interventiondirecte du local au mondial,et un nouvel humanisme departages.Cet ouvrage élargit ledébat d’alternative à lacrise de la civilisation, ense prononçant pour unenouvelle civilisation. n

PAUL SYNDICUrgences planétaires, Le Temps des cerises, 2010.

Par DANTE BASSINO

Enfin un livre décomplexé surles questions environnemen-tales ! L’auteur met en perspec-tive l’urgence et l’importance deces questions avec la logiquecapitaliste : il est impossible derésoudre les défis environne-mentaux sans dépasser le capi-talisme. Il démontre commentles classes dirigeantes et lepatronat détournent la résolu-tion de questions urgentes et des concepts tels que« développement durable » pour asseoir le capitalismevert, et continuer l’accumulation financière. Paul Syndic développe le concept de « développementhumain durable » qui prend en compte à la fois laréduction importante de l’impact environnemental denos activités (transports, production, …) et l’indispen-sable satisfaction de l’accès aux besoins essentiels(nourriture, eau, soins, énergie, éducation, …).Comment croire en effet que l’on pourra répondre auxdéfis environnementaux par de simples modificationsde comportement individuels ? L’auteur montre lanécessité de remettre en cause les choix collectifs, enparticulier concernant les transports, et de tenir comptede la situation de plusieurs milliards d’habitants qui lut-tent pour survivre, en particulier dans les pays en voiede développement (PVD). Il est rappelé utilement queces pays et leurs habitants, alors qu’ils n’ont pas de res-ponsabilité historique dans cette situation, sont les pre-miers à souffrir des conséquences du réchauffementclimatique et que la prise en compte de leur parole et deleurs intérêts est très réduite, le débat étant confisquépar les pays développés ou certains pays émergents,uniquement pour satisfaire leurs intérêts. L’auteur ne traite pas en détail des questions tech-niques, même s’il démontre que des technologies exis-tent ou pourraient être améliorées dans bien desdomaines pour limiter ou éviter la consommationd’énergies carbonées. Sur le nucléaire, par exemple,indispensable aujourd’hui pour répondre aux besoinsde production électrique sans émettre de gaz à effet deserre, il plaide pour un débat dépassionné. Cette nécessité de débats larges sur nos choix collectifs,sur les décisions des grands groupes, est mise au cœurdes éléments indispensables pour répondre auréchauffement climatique et aux besoins humains.Sans imposer de modèle de société préconçu, PaulSyndic propose la mise en place de politiques alterna-tives et l’indispensable création ou modification d’ins-titutions internationales pour garantir et coordonnerles politiques menées. n

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COMMUNISME EN QUESTION

Par JEAN-NUMA DUCANGE*

miniature des travers bureaucratiquesdes appareils d’État, tendance à favori-ser la défense de l’organisation au pro-fit des mouvements sociaux, vertica-lisme empêchant toute initiative réellede la base, etc. Récemment les cri-tiques contre la verticalité des organi-sations ont repris une certaine forceavec des analyses rappelant parfois la“micropolitique” chère à Gilles Deleuzeet Félix Guattari théorisée et répétéeavec un certain succès dans les années1960-1970... Qui pourra nier la force deces remarques ? Pour n’en rester qu’àl’exemple français – principal exempledéveloppé ici – qui veut expliquer l’ef-fondrement spectaculaire des effectifsdu PCF en deux décennies au coursd’une séquence qui va de la fin desannées 1970 à nos jours doit assuré-ment prendre le problème au sérieux.

Il n’est pourtant pas certain que detels constats critiques sur la formeparti suffisent à épuiser la questionpour un projet transformateur dansles années à venir. En premier lieuparce que l’essentiel du tissu militantstructurant la gauche demeure peu ouprou organisé dans des structures dites“traditionnelles” telles que les associa-tions, partis et syndicats, ces derniersayant encore montré récemment, par-delà les débats que l’on peut avoir surles orientations des confédérations,leur capacité mobilisatrice. Des formesalternatives à ces organisations,notamment celles issues de l’altermon-dialisme, sont rapidement entrées encrise tandis que d’autres mouvements

surgis soit en-dehors des cadres habi-tuels, soit en rupture avec ces derniers,n’ont pu voir se réaliser pleinementleur volonté de se substituer aux“vieux” appareils. Une telle réalité n’au-torise certainement pas un méprispour ces nouvelles structures mais elledevrait infléchir les prédictions desplus optimistes qui avaient affirmé audébut des années 2000 que la “gauchede la gauche” se recomposerait(presque) uniquement en-dehors decourants politiques ayant structurépendant des décennies les mouve-ments ouvriers et sociaux... À moins dene juger que la seule force à l’œuvrepour expliquer le maintien de ces cou-rants soit une inertie rampante, le rôlede ceux-ci dans les recompositions encours doivent interroger tous ceux quientendent établir un bilan de la formeparti.A cet égard, le regard historique peutpermettre d’éclairer quelques dimen-sions du problème. Un parti n’est pasqu’une organisation portant une lignepolitique à un moment donné maisconstitue également, lorsqu’il estimplanté, un milieu structuré. À partirdes années 1930 et aux lendemains de1945, le PCF est devenu un parti demasse, le premier du genre en France,encadrant le monde ouvrier de façoncertes non hégémonique, mais déci-sive. Ne voir dans la question de l’élar-gissement militant et le parti de massequ’une renonciation aux idées révolu-tionnaires au détriment d’un réfor-misme plus ou au moins inavoué per-met d’évacuer bien vite une des ques-

e n’est pas un hasard si dans le cadre de la “PremièreInternationale” (1864-1876) ce débatfut, parmi d’autres, au cœur de l’affron-tement entre Marx et Bakounine,controverse dont les échos sont multi-ples (c’est le moins que l’on puissedire !) au vingtième siècle. Avec l’effon-drement du mur de Berlin et la décom-position du “socialisme réel” à l’Est,dans un contexte de remise en causedes compromis sociaux dans les paysde l’Ouest, le débat a repris. À unelarge échelle, la forme parti – en parti-culier les partis sociaux-démocrates etcommunistes – est apparue discrédi-tée. Les reproches et griefs sontconnus : autoritarisme, réplique en

Quelques remarques

* Jean-Numa Ducange est enseignant-chercheur à l’université de Rouen, animateur (avec Jean Salem,Stathis Kouvélakis et IsabelleGaro) du “Séminaire Marx au XXIe siècle”)

Depuis que le mouvement ouvrier s’est constitué dans la secondemoitié du XIXe siècle, la forme que doit prendre l’organisation collec-tive pour changer l’état social existant a fait couler beaucoup d’encre.

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sur la “forme parti”...municipal”) doit être intégré dans uneapproche d’ensemble. L’effort d’éduca-tion populaire à une large échelle, vianotamment les écoles de formation,thème d’ailleurs repris par d’autres struc-tures aujourd’hui comme les universitéspopulaires, s’inscrit dans la même dyna-mique, sans même évoquer des luttes“culturelles” plus larges menées pendantlongtemps par les organisations dumouvement ouvrier pour s’implanterdurablement dans la société. Eric Hobsbawm a montré magistralementdans son Âge des extrêmes comment, àun autre niveau, l’existence du bloc sovié-tique avait contraint le capitalisme à seréformer et à concéder des réformes enfaveur du monde du travail et ce quoiquel’on pense de la nature des régimes du“socialisme réel”. Mutatis mutandis, ilfaut rappeler la place des organisationspolitiques et syndicales en France qui,par leur existence même, ont contribuéà installer à une large échelle des repèressociaux, voire une conscience historiquearticulée avec une perspective d’un chan-gement radical de l’avenir, le tout s’ins-crivant dans un contexte plus global decompromis de classe avec des conquêtessociales gagnées de haute lutte. Certesce compromis était étroitement dépen-dant d’une conjoncture économiquedéterminée, mais la forme politique spéci-fique qu’a pu incarner le parti commu-niste s’inscrit dans des traditions plusanciennes, “plébéiennes”, qui plongentses racines dans des mouvementsd’émancipation nés au cours de la Révo-lution française. Problème franco-fran-çais dira-t-on (ou à la rigueur franco-italien...) puisque les organisationssocial-démocrates dans les pays du Nordn’ont-elles pas, dans leur contexterespectif, assuré la même fonction ? Ceserait négliger des spécificités qu’illustrela continuité des mouvements sociaux,notamment les mouvements de grèvesde 1936, 1968, 1995 (voire jusqu’àaujourd’hui, malgré les échecs). Mouve-ments que l’on ne peut dissocier de lalongue existence d’un parti communiste

fort avec ses singularités doctrinales,ainsi que d’une extrême gauche long-temps et encore vivace, sans même parlerde minorités syndicales radicales, loind’être marginales... Autant de phéno-mènes inconnus à cette échelle dans lespays nordiques. Mais au fond tout cela n’est-il pas sim-plement matière à débat pour les histo-riens (les héritages, la mémoire...) etpour les sociologues (sur l’implantationet les modes de socialisation du com-munisme militant) ? En réalité, com-prendre la profondeur d’une telleimplantation sur le long terme ditencore quelque chose sur la situationpolitique contemporaine. Profondeurdont témoigne un immense parti (leplus important entend-t-on parfois...)celui des “ex”, en particulier du PCF etde l’extrême gauche. Mais à l’inverse dequelques “ex” médiatiques souventdavantage investis dans leur promotionpersonnelle que dans une quelconqueforme de militantisme, beaucoup sontrestés syndicalistes, militants d’unecause liée à leur profession, quartier ouencore impliqués dans la défense detelle ou telle cause. Des pratiquesanciennes, portées nécessairement parune certaine génération pourra-t-onobjecter... Mais elles représentent éga-lement la permanence d’un milieu danslequel les catégories populaires etjeunes, bien que faiblement représen-tés, ne sont pas totalement absents.Ces quelques remarques développéesici ne visent qu’à inciter au débat sur lebilan des expériences autour de la“forme parti”. Les profondes mutationssociales et l’émergence des outilsnumériques empêchent bien évidem-ment de prôner à l’identique la recons-titution des organisations de jadis : lesidentités politiques prendront néces-sairement des formes nouvelles. Cesbouleversements ne nous empêchentpas pour autant de revenir sur unehistoire dont la connaissance critiquecomptera probablement dans lescombats à venir. n

tions centrales qui a traversé l’histoiredes organisations depuis le début duvingtième, question qui s’était d’ail-leurs déjà posée à des partis d’ampleurcomparable (comme par exemple dansla social-démocratie allemande). Laconstruction d’un parti de masse enEurope occidentale, les travers qu’il apu engendrer mais également le levierpour toute une série de conquêtes,s’est posée tôt dans le mouvementouvrier. Pour prendre une situationcomparable à la France après 1945, enItalie le Parti communiste a longtempsoccupé une position extrêmementforte où la réflexion sur la question duparti avait d’ailleurs été poussée plusen avant. Paradoxe ? Oui si l’on consi-dère l’organisation par rapport à l’ori-gine du “parti de type nouveau”d’avant-garde qui devait être construit.Contradiction aussi si l’on relève égale-ment que l’assise de masse qu’ilconquiert contraste avec le verrouil-lage et les fermetures du stalinisme.Paradoxe toujours si l’on relève que lePCF, lorsqu’il devient un parti large,prolonge dans une certaine mesurel’implantation voire des pratiques decourants socialistes français d’avant1914, alors qu’à sa naissance il se vou-lait en rupture totale avec le “vieux”socialisme jugé corrompu ayant som-bré dans l’effort militaire...

Mais au-delà des débats stratégiqueset historiques qu’impliquent cesconstats, les leçons à tirer de ces expé-riences doivent tenir compte de l’étudedes pratiques militantes auxquelles cesorganisations ont donné lieu. Le partiet les structures proches de lui ont pulocalement incarner un cadre alternatifquasi quotidien certes non au systèmecapitaliste en tant que tel, mais au moinsun levier pour infléchir les réalités lesplus pénibles à l’aide de mesures maté-rielles concrètes. A ce titre l’existence demunicipalités avec des gestions spéci-fiques et des choix politiques singuliers(parfois désigné comme le “communisme

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SCIENCESLa culture scientifique est un enjeu de société. L’appropriation citoyenne de celle-ci participe de la constructiondu projet communiste. Chaque mois un article éclaire une actualité scientifique et technique. Et nous pensonsavec Rabelais que « science sans conscience n’est que ruine de l’âme ».

PAR DANIEL THOMAS*

Les biotechnologies utilisent des fonc-tions biologiques comme outils pourcréer des propriétés, des caractères,des activités qui n’existent pas dans lanature. La notion souvent floue degénie génétique prend tout son sensdans cette démarche qui est celle desingénieurs  : le vivant n’est plus simple-ment matière première ou aliment, ildevient facteur de production, detransformation industrielle, de caracté-risation analytique.

L’importance stratégique des solu-tions proposées par les biotechnolo-gies est liée à leur rencontre histo-rique avec trois grandes préoccupa-tions de l’humanité  :

• Les réserves de matières premièreset d’énergies fossiles sont une enve-loppe fermée et limitée. L’utilisationdes biomasses végétales produites parla photosynthèse, grâce à l’apportconstant d’énergie externe par lerayonnement solaire, crée un élémentd’alternative pour procurer matièrespremières et énergie à l’industrie. Lesagro-ressources deviennent riches depotentialités modifiant les relationsentre champs et usines.

• Les procédés de transformationindustrielle doivent réduire leurconsommation énergétique ; les bio-technologies fournissent des fonctions

Biotechnologies : les choix technologiques, enjeu majeur de la démocratie

*DANIEL THOMAS est professeur àl’Université de Technologie deCompiègne, président de la section« Biochimie et BiologieMoléculaire » du Conseil Nationaldes Universités (CNU).

En génétique formelle, le gène restait un concept issu de la penséehumaine, il est devenu une réalité physique et chimique. Cette mutation estl’un des évènements les plus importants de l’histoire des sciences.

Avec l’achèvement du séquen -çage du génome humain, nous vivonsune nouvelle étape des biotechnologies.La génétique est passée, depuisJohann Gregor Mendel, de la descrip-tion formelle des lois qui régissent latransmission des caractères hérédi-taires à l’analyse moléculaire de la pro-grammation génétique. En génétiqueformelle, le gène restait un conceptissu de la pensée humaine, il estdevenu une réalité physique et chi-mique. Cette mutation est l’un des évè-nements les plus importants de l’his-toire des sciences. L’essor d’une géné-tique moléculaire dans les années1970 a ouvert la voie à une repro-grammation des êtres vivants, per-mettant pour la première fois à uneespèce vivante, la nôtre, d’agir sur sapropre évolution.

catalytiques réalisant nombre de réac-tions à température et pression ordi-naires  : la synthèse de l’ammoniaque,essentielle pour la production desengrais azotés, pratiquée à 600°C etsous 500 atmosphères dans l’industrieclassique, s’effectue aux conditionsambiantes par la voie biologique grâce àla fixation symbiotique de l’azote de l’air.

• Le respect de l’environnement devraitêtre plus aisé avec les procédés biolo-giques, les éventuelles pollutions étantbiodégradables.

Dans les pays du Sud, certaines inno-vations technologiques venues duNord se soldent par des catastropheshumaines, sociales ou écologiques.Les biotechnologies pourraient avoirun impact positif, pour deux raisonsqui tiennent à la culture et à la nature.L’emploi des fonctions du vivantcomme outil fait partie du patrimoineculturel de nombreux pays du Sud. EnAfrique, en Asie, en Amérique latine, desolides traditions d’utilisation de la fer-mentation, par exemple pour conserverou transformer les aliments, rendentplus facile l’appropriation culturelle - etdonc l’exploitation économique - d’uneunité de fermentation que d’une usinede chimie lourde classique.De plus, les biotechnologies peuvents’appuyer sur des spécificités régio-

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nales car le vivant ne s’achète pas surétagère comme une machine-outildotée, en principe, du même rende-ment sur n’importe quel continent.Ainsi, depuis les Aztèques, lesMexicains profitent-ils de l’altitude etde l’adaptation des souches locales despiruline pour en tirer des alimentspour l’homme et les animaux.Bien entendu, ces pays ne doivent passe retrouver en état de dépendance parrapport à quelques multinationales. Lacoopération Nord-Sud doit être équili-brée par rapport aux objectifs et inté-rêts de tous les partenaires. C’estessentiel, non seulement pour le Sudmais pour toute l’humanité. Les technologies ne sont jamais neu-tres puisqu’elles ouvrent des possibili-tés nouvelles d’actions, mais ce qui estdéterminant, ce sont les décisions desacteurs humains, les valeurs qui les gui-dent dans l’emploi de la puissanceapportée par la connaissance. Les choix scientifiques et technolo-giques, particulièrement dans le déve-loppement et l’utilisation des résultatsde la biotechnologie, concernentaujourd’hui des enjeux majeurs de ladémocratie. Nous sommes directementimpliqués à la fois comme êtres biolo-giques et comme acteurs de la viesociale. La majeure partie des activitéshumaines va être irriguée par l’essordes biotechnologies car ce sont,comme les matériaux, la micro-infor-matique, des technologies diffusantes :non seulement elles créent de nou-veaux secteurs d’activité, mais ellesvont être exploitées par l’ensemble dessecteurs d’activités, y compris tradi-tionnels, et modifier la vie quotidienne.

Aussi, l’intervention des citoyens, tra-vailleurs, consommateurs, de toute lasociété civile, associés très tôt et dansla transparence aux projets en dévelop-pement, est-elle essentielle car seposent des problèmes de réglementa-tion et d’éthique qui ne peuvent pasêtre traités par les seuls experts. Lescomités d’éthique sont nécessaires,mais leur existence ne doit pas laissercroire que le débat ne concerne que lesspécialistes.La biologie végétale, qui avait un cer-tain retard par rapport à celle dudomaine animal, a progressé considé-rablement ces dernières années. Sesdéveloppements ont une importancecapitale pour la recherche de base,pour comprendre la physiologie, lareproduction des plantes et leur com-portement dans l’environnement. Aprésent, au-delà de la sélection demutants intéressants parmi tous ceuxproduits par mutagenèse spontanée ouartificiellement provoquée, un nouveausaut est accompli avec la transgenèse,modification du génome d’une espècepar insertion de séquence d’ADN prove-nant d’un autre organisme.Des risques sanitaires peuvent être liésà des effets non désirés induits par l’in-troduction dans la plante d’un gène ditd’intérêt ou par la transgenèse elle-même. La complexité du génome végé-tal rend concevable le réveil de certainsmétabolismes « fossiles » produisantdes molécules toxiques. La pomme deterre transgénique pourrait ainsi fabri-quer par accident des moléculestoxiques comme des stupéfiants. Lesrisques doivent être relativisés parceque ces effets toxiques n’ont jamais été

observés et parce que les applicationsautres qu’alimentaires, carburants,lubrifiants moteurs ou matériaux, nesont évidemment pas concernées.Les risques pour l’environnement sontreliés à la dissémination des transge-nèses dans la flore sauvage et lesautres cultures agricoles. La diffusiondes gènes de résistance aux herbicidespose de véritables problèmes et pour-rait mettre en péril l’ensemble de l’agri-culture. De plus, le fait que la mêmemultinationale vende l’herbicide et lasemence «  résistante  » place le mondeagricole dans une tenaille redoutableen l’incitant à employer plus d’herbi-cide encore.Le corollaire de la nécessaire féconda-tion des activités industrielles pour lacréation d’emploi en biotechnologiespar le secteur public est de ne pas suc-comber, par méconnaissance et visionréductionniste de court terme, à l’utili-tarisme d’une recherche entièrementvouée à des objectifs pratiques identi-fiés. D’autant que l’on observe une ten-dance à la privatisation des connais-sances fondamentales. Nombre d’insti-tutions universitaires établissent desrelations exclusives avec des sociétésprivées  ; nous craignons que, dans unecertaine mesure, l’absence de diffu-sion de la connaissance fondamentaleou des restrictions à cette diffusionfassent obstacle au développementdu patrimoine scientifique de base auniveau international. Le renforcementnécessaire des transferts de larecherche publique vers les entreprisesne doit pas aboutir à ce résultat stérili-sant à terme. n

Page 36: La revue du projet n°6

Patrice BessacRepsonsable national du [email protected]

Stéphane Bonnery Formation/Savoirs, é[email protected]

Nicolas Bonnet [email protected]

Hervé Bramy [email protected]

Ian Brossat Sécurité[email protected]

Laurence Cohen Droits des femmes/Féminisme [email protected]

Xavier Compain Agriculture/Pêche [email protected]@pcf.fr

Olivier Dartigolles [email protected]

Yves Dimicoli Economie [email protected]

Jacques Fath Relations internationales, paix et désarmement [email protected]

Olivier Gebhurer Enseignement supérieur et [email protected]

Jean-Luc Gibelin Santé Protection [email protected]

Isabelle De Almeida [email protected]

Fabienne Haloui Lutte contre racisme, antisémitisme et [email protected]

Alain Hayot [email protected] ou [email protected]

Valérie [email protected]

Jean-Louis Le Moing [email protected]

Danièle Lebail Services Publics et solidarités [email protected]

Isabelle Lorand Libertés et droits de la [email protected]

Sylvie Mayer Economie sociale et solidaire [email protected]

Catherine Peyge Droit à la ville, [email protected]

Gérard Mazet [email protected]

Eliane Assassi Quartiers populaires et liberté[email protected]

Richard Sanchez [email protected]

Véronique Sandoval [email protected]

Jean-François Téaldi Droit à l’information [email protected]

Nicole Borvo Institutions, démocratie, [email protected]

Jean-Marc Coppola Réforme des collectivités [email protected]

Jérôme Relinger Révolution numérique et société de la [email protected]

Jean-Marie DoussinSciences

Noëlle MansouxSecrétaire

de rédaction

Gérard StreiffCombat d’idées

Nicolas Dutent Communisme en question

Partice BessacResponsable de la Revue

Cécile Jacquet Secrétaire générale

COMITÉ DU PROJET ÉLU AU CONSEIL NATIONAL DU 9 SEPTEMBRE 2010 : Patrice Bessac - responsable ; Patrick Le Hyaric ; Francis WurtzMichel Laurent ; Patrice Cohen-Seat ; Isabelle Lorand ; Laurence Cohen ; Catherine Peyge ; Marine Roussillon ; Nicole Borvo ; Alain Hayot ; Yves DimicoliAlain Obadia ; Daniel Cirera ; André Chassaigne.

L’ÉQUIPE DE LA REVUE

LES RESPONSABLES THÉMATIQUES

Liste publiée dans CommunisteSdu 22 septembre 2010

GuillaumeQuashie-Vauclin

Histoire

Marine RoussillonCritiques

Alain VermeerschRevue des médias

Frédo CoyèreMaquette etgraphisme