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Préface La recherche du plein emploi et les aspirations des populations à un

niveau de vie en augmentation régulière et continue ont fait partout de la

croissance économique un objectif primordial de la politique économique des

gouvernements. En dépit de cet intérêt et des analyses de plus en plus

étendues dont le phénomène de la croissance a fait l'objet au cours des

vingt dernières années, celui-ci demeure un problème d'une grande com­

plexité et dont la compréhension est encore imparfaite. Pourtant, la con­

naissance des mécanismes et interactions de la vie économique est une

condition sine qua non d'une action publique·

efficace, qùe ce soit en

matière de programmation économique à moyen terme, d'établissement

d'un plan de développement structurel, de programmation pluriannuelle

des finances publiques ou d'aménagement du territoire.

Après la publication récente du rapport de synthèse des Tables Rondes

«inventaire économique», la présente étude vient à son heure en retraçant

les principales lignes de force du développement économique du Grand­

Duché depuis sa première révolution industrielle et plus particulièrement

depuis les années 1 950. Par son analyse détaillée du rôle des divers facteurs

explicatifs de la croissance, ainsi que par ses nombreuses comparaisons

avec les réalisations dans les principaux pays industriels de l'occident, cette

étude ne comble pas seulement une grave lacune dans notre documentation

économique actuelle, mais elle fournit en outre un complément intéressant

à «l'inventaire économique» précité.

La principale impression qui se dégage de l'étude de M. Kirsch est

celle de l'importance et de la profondeur des mutations que l'économie

luxembourgeoise a vécues durant les deux dernières décennies. Le rôle

croissant de la main-d'oeuvre étrangère, l'intensification massive des in­

vestissements industriels, surtout étrangers, la réorientation géographique

de nos exportations, la rationalisation des structures agricoles et les impor­

tants gains de productivité de l'agriculture, l'essor rapide des activités finan­

cières, l'accroissement constant des charges et des responsabilités des

pouvoirs publics, voilà quelques-unes parmi les mutations les plus specta-

Ill

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cu/aires qui ont touché l'économie en profondeur et dont il était utile, voire

urgent, de présenter un tableau d'ensemble, ce en quoi l'auteur a pleinement

réussi. Si la croissance économique ne signifie donc pas seulement augmen­

tation de différentes quantités globales, telles que le produit national brut

o u le revenu national, mais surtout mutation des structures, il est évident

que cette mutation ne va pas sans poser des problèmes difficiles et qui,

dans aucun pays, n'ont encore trouvé de solution définitive: Préparation des

hommes au changement grâce à une formation générale et professionnelle

adéquate, allocation optimale des ressources rares en hommes et en capi­

taux, adaptation de l'appareil administratif, extension des équipements

collectifs parallèlement à la croissance de l'appareil productif, etc. Cette

briève énumération montre par ailleurs que le lien entre les avantages

économiques et sociaux de la croissance et les coûts qu'elle entraÎne devient

de plus en plus difficile à discerner. La croissance économique n'étant pas

une fin en soi - l'auteur le rappelle à juste titre dans l'épilogue - et ayant

par ailleurs d'importantes répercussions dans presque tous les domaines

de la vie en société, le grand défi que nous devons relever au cours de la

présente décennie consistera précisément dans un «aménagement conscient

de l'avenir» qui tienne compte, à côté des facteurs purement économiques,

de l'ensemble des aspects humains et écologiques qui sont influencés par

la croissance économique.

Si la tâche qui attend l'actuelle génération est donc de taille, je partage

volontiers l'opinion optimiste de l'auteur selon qui, au seuil de cette nouvelle

décennie, les perspectives de notre développement économique futur -

qui constituera le soubassement matériel indispensable de la prospérité

individuelle et collective ultérieure - se présentent de façon nettement plus

favorable qu'il y a dix ou vingt ans.

Marcel MART

Ministre de l'Économie Nationale

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Avant-propos La présente étude constitue une version revisée et mise à jour d'une

thèse de doctorat en sciences économiques, soutenue à l'Université

Libre de Bruxelles le 8 octobre 1970. En raison de l'intérêt de celle-ci pour

la connaissance de l'histoire économique luxembourgeoise d'après­

guerre, le STA TEC en a assumé la publication. L'auteur est docteur en droit,

docteur en sciences économiques, ainsi que diplômé de l'Institut d'Études

Politiques (Paris) et fait actuellement partie, en tant que chargé d'études,

du personnel du ST A TEC. Le Service central de la statistique

et des études économiques

Au seuil de cette étude, l'auteur aimerait exprimer ses sentiments de gratitude

envers Monsieur E.S. KIRSCHEN, Professeur à /'U.L.B. et Directeur du D.U.L.B.E.A .,

ainsi qu'envers Monsieur Georges ALS, Professeur à /'U.L.B. et Directeur du STATEC

pour leurs conseils et leurs encouragements constants, sans lesquels le présent

travail n'aurait sans doute pu être réalisé.

L'auteur assume l'entière responsabilité des opinions émises dans cette étude

ainsi que des imperfections y inhérentes. R.K.

v

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TABLE SYNOPTIQU E

I ntroduction

1 . 0 La croissance séculai re de l' économie l uxembourgeoise . . . . .. . . . . . .

2. 0 La croissance économique du Luxembourg depuis le début des années 1 950 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

3 . 0 Analyse globale des facteurs moteurs de la croissance économique

Pages

1

3

46

luxembourgeoise: facteurs de l'offre et de la demande . . . . . . . . . . . . . 51

3 . 1 Facteurs humai n s . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 53

3 . 2 Facteur «capital» . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 93

3.3 Demande . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1 28

4 . 0 Analyse sectori el le de la croissance économique luxembourgeoise . . . . 1 37

4 . 1 Agriculture . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1 40

4 . 2 Industrie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1 56

4. 3 Secteur tertiaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21 6

5 . 0 Conclusions générales: Enseignements du passé et perspectives d'aveni r 235

Épi logue: Au-delà de la croissance économique . . . . . . . . . . . . . . . . . . 244

Annexe bi bli ographique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 245

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Table des matières

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I NTR O D U CTI ON . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

1 . 0 LA CR OISSAN CE SÉCULAIR E D E L' ÉCONOM I E LUX EMBOUR G EOISE 3

1 . 1 Le «décollage» . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3

1 . 1 1 Transformat ions de la sociét é t radit ionnelle . . . . . . . . . . . . 3

1 . 1 2 Sit uat ion économique du Luxembourg vers le mi li eu du 1 9e siècle et raisons du ret ard dans le développement du pays . . 6

1 . 1 3 Le «décollage» ( 1 870- 1 9 1 3) . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . 1 1 1 . 1 31 Le «décollage» de la sidérurgie (1 870-1 886) . . . . . 1 1 1 . 1 32 Évolut ion de la product ion si dérurgique . . . . . . . . . 1 8 1 . 1 33 La si dérurgi e comme i ndust rie mot rice . . . . . . . . . . 1 9 1 . 1 34 L'essor de la product ion agricole . . . . . . . . . . . . . . 21

1 . 1 4 Part icularit és du décollage luxembourgeois . . . . . . . . . . . . 23

1 . 2 La «mat urité» . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25

1 . 21 Condit ions générales de la si dérurgie après la première guerre mondiale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 26

1 . 22 Évolut ion de l'économie luxembourgeoise . . . . . . . . . . . . . 29 1 . 221 Changements ext ra-économiques . . . . . . . . . . . . . . 30 1 . 222 Évoluti on des sect eu rs indust riel et agricole . . . . . . 32 1 . 223 Évoluti on des t ermes de l'échange . . . . . . . . . . . . . . 42

2 0 LA CR OISSAN CE ÉCONOMIQUE D U LUX EMBOUR G D EPUI S LE D ÉBUT D ES ANNÉES 1 950 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. 46

2 . 1 Croissance du P . I .B . depuis 1 953 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 46

2 . 2 Comparaison avec l'ét ranger . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 49

3 . 0 ANALYSE G LOBALE D ES FACTEUR S MOTEURS D E LA CR OI SSANCE ÉCONOMIQUE LUXE MBOUR G EOISE: FACTEUR S DE L'OFFR E ET D E LA D EMAN D E . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 51

3 . 1 Les facteurs humai ns . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 53

3 . 1 1 Fact eurs démographiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 54 3. 1 1 1 Évolut ion passée de la populat ion . . . . . . . . . . . . . 55 3 . 1 1 2 Problèmes du taux de nata l it é luxembourgeois . . . 59 3. 1 1 3 Conséquences économiques de l'évolut ion démogra-

phi que . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 67

3. 1 2 Facteur «t ravail» . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7 1 3 . 1 21 Populat ion act ive et emploi inté rieur . . . . . . . . . . . . 71 3.1 22 Marché du t ravail . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 79 3 . 1 23 Durée du t ravail et incidence de l'évolut ion de la

quant it é de t ravail sur la croissance économique . . 82

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3 . 1 3 Quelques facteurs humains qual itatifs: éducation, formation des cadres, recherche . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 88

3 . 2 Facteur «capital»: stock de capital, investissements et épargne . . . 93

3 . 21 Stock de capital et formation brute de capital fixe . . . . . . . 94 3 . 21 1 Stock de capital et COR (capital output ratio) . . . . 94 3 . 21 2 Ëvolution du stock de capital productif et de maisons

d' habitation et son incidence sur le taux de croissance 95 3 . 21 3 Ëvolution globale de la F.B .C.F. . . . . . . . . . . . . . . . . 99 3 . 21 4 Ventilation de la F. B .C. F. et analyse des i nvestisse-

ments industriels . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1 02 3 . 21 5 Investissements publics . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1 04

3 . 22 Ëpargne et financement des investissements . . . . . . . . . . . 1 1 0 3 . 221 Ëpargne brute globale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1 1 0 3 . 222 Transformation de l'épargne en i nvestissements . . . 1 1 1

3 . 2221 Autofinancement des entreprises indus-trielles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1 1 1

3 . 2222 Ëpargne de I' Ëtat et financement des dé-penses extraordinaires . . . . . . . . . . . . . . . . 1 1 4

3 . 2223 Ëpargne des particuliers et son achemine-ment vers la formation de capital . . . . . . . 1 20

3 . 3 La demande . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1 28 3 . 31 Structure et évolution de la demande . . . . . . . . . . . . . . . . . 1 28 3 . 32 Analyse des exportations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1 30

3 . 321 Ëvolution régionale des exportations . . . . . . . . . . . 1 31 3 . 322 Exportations i ndustrielles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1 32 3 . 323 Comparaison internationale de l' évolution des expor-

tations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1 33 3 . 324 Ëvolution des termes de l' échange. . . . . . . . . . . . . . 1 35

4 . 0 ANALYSE SECTOR I ELLE D E LA CROISSANCE ËCONOMIQUE LU-

x

X EM BO UR G EOISE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1 37

4 . 1 Agriculture . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1 40

4 . 1 1 Politique agricole luxembourgeoise . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1 41 4 . 1 1 1 Politique autonome et protectionniste . . . . . . . . . . 1 41 4 . 1 1 2 Préparation à la politique agricole communautaire . 1 43

4 . 1 2 Ëvolution de l' agriculture . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1 45 4 . 1 21 Diminution de la population active agricole . . . . . . . 1 45 4 . 1 22 Progrès technique agricole et amél ioration des struc-

tures agricoles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1 47

4 . 2 Industries . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1 56

4 . 21 Structure de croissance du secteur industriel . . . . . . . . . . . 1 57 4 . 21 1 Taux de croissance des différentes branches i ndus-

trielles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1 57 4 . 21 2 Importance des industries de croissance dans la

structure industrielle du pays . . . . . . . . . . . . . . . . . 1 58 4 . 21 3 Impact des d ifférentes branches industrielles sur la

croissance du P. I .B . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1 59

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4 . 22 La métallurgie, secteur-clé de l'industrie luxembourgeoise. 1 60 4 . 221 Mines de fer . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1 60 4 . 222 Sidérurgie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1 62

4 . 23 Diversification de la structure industrielle et impact des in-dustries nouvelles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1 91

4 . 24 Petites et moyennes entreprises industrielles . . . . . . . . . . . 205 4 . 25 Artisanat . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21 2

4 . 3 Secteur tertiaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21 6

4 . 31 Transports . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21 8 4 . 32 Distribution . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 222 4 . 33 Services financiers . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 228 4 . 34 Services touristiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 231 4 . 35 Administration publique. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 232

5 . 0 C,ONC�USIONS GÉNÉRALES: Enseignements du passé et perspectives d avemr . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 235

ÉPILOGUE: Au-delà de la croissance économique . . . . . . . . . . . . . . . 244

Annexe bibliographique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 245

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LISTE DES TABLEAUX STATISTIQUES

N° du tableau Page

1 Production luxembourgeoise de fonte ( 1 81 1 - 1 856) . . . . . . . . . . . . . . . . 8 2 Essor de la production sidérurgique ( 1 868- 1 91 4) . . . . . . . . . . . . . . . . . 1 9 3 Évolution de la structure de la population active ( 1 871 -1 907) . . . . . . . 20 4 Développement des centres urbains (1 851 - 1 91 0) . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21 5 Le «décollage» dans les différents pays . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 24 6 Nombre de naissances et taux de natalité de 1 901 à 1 940 . . . . . . . . . . 31 7 Population active industrielle (1 91 3- 1 960) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 34 8 Production sidérurgique ( 1 91 3- 1 960) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 37 9 Productions sidérurgiques luxembourgeoise et mondiale (1 91 3-1 955) . 39

1 0 Évolution comparée de la production industrielle (1 91 3-1 955) . . . . . . . . 41 1 1 Évolution des termes de l'échange (marchandises) dans différents pays

européens ( 1 91 3- 1 952) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 43 1 2 Évolution en valeur et en volume du P.I.B. (1 953-1 970) . . . . . . . . . . . . 47 1 3 Revenu national par habitant de 1 960 à 1 968 (prix courants) . . . . . . . . 49 1 4 Taux de variation annuelle du revenu national par habitant . . . . . . . . . . 50 1 5 Excédent naturel et migratoire (1 953-1 969) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 56 1 6 Pourcentages d'étrangers par classe d'âge ( 1 966) . . . . . . . . . . . . . . . . . 57 1 7 Taux de fécondité ( 1 947- 1 969) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 60 1 8 Nombre de naissances suivant leur rang (1 953-1 969) . . . . . . . . . . . . . 61 1 9 Mariages et naissances selon la catégorie socio-économique de l'époux 62 20 Structure par classe d'âge de la population ( 1 880-1 966) . . . . . . . . . . . . 67 21 Emploi intérieur par secteur (1 953-1 970) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 72 22 Population par classes d'âge selon la nationalité ( 1 947-1 966) . . . . . . . . 74 23 Propension à travailler ( 1 947-1 966) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 75 24 Travail féminin ( 1 907-1 966) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 75 25 Travail féminin par secteur (1 947-1 966) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 76 26 Comparaison internationale du travail féminin par classes d'âge . . . . . . . 77 27 Évolution de la population active jusqu'en 1 975 . . . . . . . . . . . . . . . . . . 78 28 Principaux besoins en main-d'oeuvre (1 971 - 1 975) . . . . . . . . . . . . . . . . 81 29 Durée hebdomadaire moyenne du travail offerte par ouvrier (avril 1 969) 85 30 Quantité de travail et croissance économique ( 1 953- 1 965) . . . . . . . . . 86 31 Comparaison internationale de l'incidence sur la croissance de l'emploi et

de la durée du travail . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 87 32 Contribution de l'éducation, des inventions et de l'avancement des con­

naissances à la croissance économique dans différents pays occidentaux (1 950-1 962) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 90

33 Capital Output Ratio (COR) par pays ( 1 954) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 94 34 Évolution du stock de capital (1 953-1 965) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 96 35 Incidence du capital productif et des maisons d'habitation sur la croissance

économique (1 953-1 965) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 98 36 Comparaison internationale de l'incidence sur la croissance du capital pro-

ductif et des maisons d'habitation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 98 37 Évolution de la formation brute de capital fixe (1 953-1 970) . . . . . . . . . . 1 01 38 Ventilation de la F.B.C.F. (1 963- 1 968) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1 03 39 Évolution des investissements publics ( 1 960-1 970) . . . . . . . . . . . . . . . . 1 05 40 Évolution de l'épargne ( 1 953-1 968) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . • . 1 1 1 41 Taux d'autofinancement des investissements industriels par branche (en%) 1 1 3 42 Recettes et paiements budgétaires et financement du solde (1 951 - 1 965) 1 1 5 43 Recettes et dépenses de l'État par exercice budgétaire (1 965-1 969) . . . 1 1 7 44 Relations entre la dette publique et le P.N.B. ainsi que la population

(1 960-1 969) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . , . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1 1 8

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N° du tableau Page

45 Évolution de l'épargne des particuliers ( 1 953-1 968) . . . . . . . . . . . . . . . 121 46 Évolution des dépôts bancaires ( 1 950-1969) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 123 47 Ressources et emplois bancaires (1 950-1 969) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 124 48 Structure de la demande finale en 1968 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1 29 49 Évolution des différents agrégats de la demande finale et du P.I.B. ( 1 953-

1 970) 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 1 30 50 Ventilation régionale des exportations (1 958-1 969) . . . . . . . . . . . . . . . . 131 51 Exportations industrielles en 1 968 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1 32 52 Évolution des exportations dans les pays de la C.E.E. ( 1 958-1 968) . . . 1 33 53 Évolution des termes de l'échange du Grand-Duché ( 1 953-1 970) . . . . 1 35 54 Évolution des 3 grands secteurs de l'économie (1 953-1 968) . . . . . . . . . 139 55 Les dépenses publiques en faveur de l'agriculture . . . . . . . . . . . . . . . . . 1 44 56 Diminution de la population active agricole et accroissement correspon-

dant du revenu national dans différents pays occidentaux ( 1 955-1962) . 147 57 Le cheptel laitier dans la C.E.E. ( 1 965) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 151 58 La contribution du secteur para-agricole à la croissance économique

(1 958-1 968) 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 153 59 Variations par cantons de la main-d'oeuvre masculine permanente en

appliquant la même densité que celle constatée actuellement dans les cantons de Capellen et Esch (1 969) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1 55

60 Comparaison internationale de l'évolution des indices de la production industrielle (1953-1 969) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1 56

61 Contribution des différentes branches industrielles à la croissance éco-nomique (1 953-1 968) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 158

62 Évolution des capacités mondiales de production d'acier brut (1 937 -1965) 164 63 Évolution de la sidérurgie «côtière» et des bassins sidérurgiques tradi-

tionnels en Europe (1 955-1968) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1 65 64 Principaux pays exportateurs de produits sidérurgiques ( 1 950-1 967) . . 1 66 65 Commerce mondial de produits sidérurgiques par région de destination

( 1 950-1 967) 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 1 66 66 Part des différents produits sidérurgiques dans le commerce mondial de

l'acier ( 1 950-1 965) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1 67 67 Part de l'acier produit à l'oxygène dans la production totale en 1 968 . . . 1 69 68 Expansion du procédé à coulée continue ( 1 960-1 968) . . . . . . . . . . . . . . 1 69 69 Investissements de la sidérurgie communautaire (1 956-1 969) . . . . . . . . 1 71 70 Part des produits finis écoulés à l'extérieur de la C.E.E. (1968) . . . . . . . 1 77 71 Production d'acier brut par pays et part en % de la production mondiale

(1 952-1 969) 0 0 0 0 0 . 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 1 80 7 2 Evolution de la production sidérurgique luxembourgeoise et des facteurs

de production ( 1 952- 1 970) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 181 73 Évolution du prix moyen des exportations sidérurgiques belge-luxem-

bourgeoises ( 1 950-1 970) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 182 74 Endettement à long terme de la sidérurgie communautaire ( 1 967) . . . . . 184 75 Investissements américains à l'étranger ( 1 960-1 969) . . . . . . . . . . . . . . . 193 76 Importance relative des industries nouvelles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 200 77 Industries nouvelles: emplois par secteur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 201 78 Industries nouvelles: emplois par canton . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 203 79 Évolution de la valeur ajoutée par catégories d'industries (1 963-1 968) . 206 80 Nombre et ordre de grandeur des entreprises industrielles (selon l'effectif) 208 81 Évolution des entreprises et du personnel de l'artisanat . . . . . . . . . . . . . 2 1 3 8 2 Évolution prévisible du personnel de l'artisanat (salariés et indépendants) 2 1 5 83 Chiffre d'affaires du commerce ( 1 961 - 1 968) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 224 84 Ordre de grandeur des établissements commerciaux (1958) . . . . . . . . . 226 85 Emploi dans les établissements de crédit . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 229 86 Incidence des principaux facteurs de croissance . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 236 87 Croissance globale et par secteur de 1 960 à 1 975 . . . . . . . . . . . . . . . . . 241 88 Évolution de la structure de l'économie luxembourgeoise de 1 960 à 1 975 242

XIV

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I NTRODUCTION

Depuis l a fin d e l a deuxième guerre mondiale, l a croissance économique occupe une place de choix dans l a théorie économique a insi que parmi les préoccupations des responsables de la pol itique économique. Théoriciens et hommes pol itiques se sont penchés sur ce phénomène, les uns pour découvrir les mécanismes de la croissance, les autres pour stimuler cel le-ci et pour lu i donner l'orientation souhaitée.

S i, au Grand- D uché, les études à ce sujet sont encore très rares, le cas de l'économie l uxembourgeoise ne manque cependant pas d'intérêt pour l'économiste. D'un côté, le Luxembourg est un pays très petit, aux frontières largement ouvertes sur les économies étrangères et où les moyens d'inter­vention des pouvoirs publ ics dans l 'économie sont assez l imités; de l 'autre côté, les habitants d u G rand- Duché bénéficient d'un niveau de vie qui compte parmi les plus élevés de l 'Europe occidentale. Enfin, - fait qui peut sembler paradoxal par rapport à la caractéristique précédente - l'économie luxembourgeoise a réalisé depuis les années 50 un des taux de croissance les plus faibles d'Europe.

La présente étude de l'économie l uxembourgeoise est centrée sur la croissance réalisée depuis les a nnées 1 950. Elle se propose de décrire et de mesurer les différents aspects de cette croissance, de mettre en lumière quelques-uns des facteurs et des mécanismes qui expl iquent le niveau du taux de croissance a nnuel moyen et de dégager quelques «faits porteurs d'avenir» qu i pourraient conditionner avantageusement ou défavorable­ment l'évolution économique future du pays.

Notre étude débutera par l'examen des facteurs h istoriques qu i ont modelé progressivement les structures économiques du G ra nd- Duché et qui expl iquent sa prospérité actuelle.

En nous concentrant ensuite sur l a période d'après-guerre, nous nous servirons des principaux indicateurs économiques pour mesurer la croissance effectivement réalisée depuis 1 953.

L'ana lyse des conditions et des facteurs de la croissance se fera succes­sivement dans deux optiques différentes:

D'abord on étudiera l'évolution des principaux facteurs de produc­tion, à savoir les hommes et le capital, a insi que le développement

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de la demande. Ceci nous donnera l'occasion de procéder à des cal­culs, sur la base d'une fonctio n de production du type Cobb- Doug­las, en vue d'apprécier l'i ncidence de l'accroissement de la quantité de travai l et du stock de capital sur le taux de croissance du P. I .B . Les résultats obtenus seront comparés à ceux avancés par E. D E N I ­S O N pour neuf autres pays occidentaux dans son étude «Why growth rates differ» 1.

Après cette analyse globale o n procédera à u ne analyse sectoriel le qui permettra d'examiner les facteurs de croissance et de freinage spécifiques à chaque secteur de l'économie. Remarquons dans ce contexte que si cette analyse sectoriel le ne peut pas fai re abstraction des questions de politique économique, toutes les i nterventions éta ­tiques ayant i nfluencé la croissance ne pourront cependant être examinées.

Après ce bref aperçu de l'orientatio n générale et du plan de notre étude, nous aimerions soulever les nombreuses difficu ltés rencontrées dans la délimitation chronologique de la période à a nalyser. Celles-ci s'expliquent d'abord par l a diversité du matériel statistique util isé, certaines séries stati ­stiques remontant plus loin que d'autres, et certai nes données étant dis­ponibles plus rapidement que d'autres. Par a i l leurs, en raison des problèmes de comparabi l ité avec les résultats de Denison, nous avons l imité notre analyse de l ' incidence des facteurs de production à la période de 1 953 à 1 965, alors que d'autres séries incluent les chiffres des années les plus récentes (1 968 pour les comptes nationaux, 1 969 ou 1 970 pour certai nes autres statistiques) . Dans l'ensemble, i l convient toutefois de remarquer que les chiffres les p lus significatifs sont l es taux de croissance a n nuels moyens calcu lés sur u ne période de plus dix ans, pour lesquels la d iversité des années extrêmes a moins d'influence.

Relevons enfin que l'original ité de cette étude consiste peut-être dans son ambition de présenter u ne synthèse des principales données écono­miques par a i l leurs connues, mais venti lées et regroupées d'après l a place qui leur revie nt dans l'explication de la croissance. En tant qu'œuvre de synthèse, notre étude doit évidemment beaucoup aux recherches des autres économistes a insi qu'aux travaux des administrations ou organismes con­cernés par les problèmes économiques2• Notre effort de recherche per­sonnelle s'est concentré avant tout sur l'histoire de la croissance séculaire, sur l 'analyse «denisonnienne» et les facteurs de production, a insi que sur l' industrie.

1 Remarque générale: pour les références bibliographiques complètes, voir l'annexe bibliographique.

2 cf. Travaux du Conseil économique et social, études du STATEC, Tables rondes sur «l' inventaire économique» etc.

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1 1. 0 LA CROISSANCE SËCULAI RE 1

_____ D __ E_L_' Ë_C_O_N_O_M_I E

__ L_U_X-EM--BO-

U--RG_E_O_I_SE _____ __j

L'analyse de la croissance économique récente du G rand- Duché et des possibi l ités d'agir sur celle-ci ne peut pas faire abstraction de l'h istoire, d'autant plus que, d'après certains théoriciens, le «détermin isme historique» sur la situatio n actuel le est d'autant plus pu issant que les structures i n ­dustriel les sont moins diversifiées et q u e l'espace national est plus restreint1 •

N otre brève incursion dans l'histoire économique du pays se propose de répondre essentiel lement à deux questions, à savoir:

quel les ont été les conditions particu l ières de la croissance séculaire de l'économie l uxembourgeoise, et quel les sont les conséquences de ces particularités qu i se font encore sentir sur l'évolution économique actuelle?

Cette a nalyse historique nous semble justifier la distinction de deux phases différentes dans le développement séculaire de l'économie l uxem­bourgeoise, à savoir: le «décollage» et la «maturité».

1 .1 LE «DÉCOLLAGE»

La croissance économique sécu laire du Luxembourg a débuté, au 1 9e siècle, par u n certa in nombre de réformes et d' innovations qu i ont créé les conditions favorables au décol lage. Mais malgré ces transformations de la société traditionnel le, qui ont été à peu près les mêmes dans tous les pays industria l isés, le Luxembourg restait, vers le mi l ieu du 1 9e siècle, un pays sous-développé qu i n'avait pas réussi à imiter l'exemple des pays voisins. Aussi le décollage tardif mais foudroyant que le pays réalisait dura nt le demi-siècle qui a précédé la première guerre mondiale, présente-t- i l des traits particul iers dont certains ne sont pas sans i nfluence sur l 'évolution u ltérieure de la croissance économique du pays.

1 . 11 Transformations de la société traditionnelle

Le 1 8e siècle, a u cours duquel le Luxembourg tombait sous la domina­tion autrichienne (1 71 5-1 795), est communément considéré comme un siècle de paix, voire u n âge d'or pour le pays. Ce siècle vit en effet

1 cf. Henri G U ITTON: Les fluctuations économiques, page 154 et 155.

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J'éclosion d'un certain nombre d'industries nouvelles, telles les faïenceries, l es papeteries, l es draperies et les tanneries, qui augmentaient les ressources de ce pays des plus pauvre et constituaient jusqu'au 20e siècle les pi l iers de son i ndustrie moyenne. D'autre part, les souverains éclairés d'Autriche essayèrent de «déféodal iser le régime de l a propriété et (de) briser l es chaînes qu i l igotaient tout effort créateur dans le domaine industriel et com­mercial 1 », sans grands résultats d'ai l leurs.

La révolution française et l'empire napoléonien i ntroduisirent au Luxem­bourg des réformes juridiques fondamentales, comme par exemple la lo i Le Chapelier qu i abolit le régime trop restrictif des corporations. D'autre part, la vente des biens de l'égl ise, et le fait que les acheteurs étaient mal vus à l'époque, donnaient naissance à une bourgeoisie «voltairienne» qui a l lait fournir l es principaux pionniers de l'ère de l'ind ustrial isation suivante.

Si, durant l'occupation française, le Luxembourg profitait à la fois des hauts prix agricoles - qui accompagnent normalement les périodes de guerre - et de la demande accrue des matières strarégiques q ui sont la fonte et le cuir et dont il était un des principaux fournisseurs de la France, le régime fra nçais était cependant trop bref et trop bouleversé par les guerres pour amorcer les réformes économiques du pays, dont la nécessité était reconnue dans toÙs les rapports préfectoraux.

C'est donc essentiellement durant le demi-siècle, qui suivit les guerres napoléoniennes (1 81 5-1 865) , que se firent les transformations qu i a l la ient créer les conditions préalables au «décollage» économique u ltérieur.

- U n premier facteur de changement, dont tous les auteurs s'accordent à reconnaître l ' importance dans la croissance séculaire, a été l'essor démo­graphique. Ai nsi la population l uxembourgeoise est passée de 1 34 082 personnes en 1 821 à 1 94 71 9 personnes en 1 851 et à 21 1 481 personnes en 1 890, soit u n accroissement annuel moyen de 1 ,25% entre 1 821 et 1 851 et de 0,1 % seulement durant les 40 a nnées suivantes. Par conséquent, j usqu'au mi l ieu du 1 9e siècle «le Luxembourg a encore la natal ité et l a mortal ité d 'un pays sous-développé; le taux de natal ité dépasse l argement 30°100 et l'excédent naturel de la popu lation se situe entre 1 et 1 ,5% par an»2. Cette pression démographique, qui résultait essentiel lement de l 'amé­l ioration des conditions hygiéniques de la population� contribuait beaucoup à faire éclater les structures socia les et économiques traditionnelles du pays et fournissait en même temps la main-d'œuvre nécessaire à l ' i ndustria l i ­sation, a lors que le développement démographique p lus lent de l a 28 moitié du siècle permettait une élévation rapide du revenu par tête d'habitant.

- U n deuxième facteur de changement qui, dans de nombreux pays accompagna l es débuts du «décol lage» économique, a été la prise de cons­cience, par la population, de son unité nationale. Celle-ci se fit au Luxem­bourg essentiel lement à partir de l 'année 1 839. C'est en effet à cette date

1 Paul WEBER: H istoire de l'économie luxembourgeoise, page 70. 2 ALS G., La population luxembourgeoise. Luxemburger Wort. Tribune l ibre. Nov.

1970.

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que furent fixées les frontières définitives du G rand - D uché. En même temps se terminaient, pour ses habitants de l'époque, les tirai l lements entre la sympathie pour les révolutionnaires belges et la fidélité à la dynastie néer­landaise. Enfin, G u i l laume I l savait tirer les conséquences de la révolution belge en accordant une très large autonomie au luxembourg.

- A cette consécration de l'autonomie nationale i l faut ajouter deux réformes qui étaient également indispensables au développement écono­mique ultérieur, à savoir:

la réforme profonde de l'administration publique (1842)

- la réorganisation de l'enseignement primaire, moyen et supérieur (1 843 et 1 848) .

- Un 4e élément de changement, qu i al la it agir directement sur la vie économique du pays par le biais de l'élargissement du marché et de la con­currence, était l'association du Grand-Duché au «Zollverein» allemand (1 842) . Certes cette association avait été décidée souverainement par le roi en raison d'objectifs plutôt pol itiques qu'économiques. Cependant celle-ci al lait former un cadre économique favorable à l'éclosion des industries luxembourgeoises. En effet le «Zollverei n>> représentait déjà en 1 842 un marché de quelque 25 mil l ions d'habitants, dans lequel, selon la théorie de Frédéric list, on devait protéger la jeune industrie naissante contre l 'hégé­monie anglaise. D'autre part, la loi de faveur belge de 1 839 sauvegarda au luxembourg ses débouchés traditionnels en Belgique. En 1862-63 Bis­marck inaugura une politique l ibérale des échanges grâce aux traités de commerce conclus avec la France et la Belgique qu i constituaient u n puissant stimulant p o u r l'économie. Plus tard les conséquences du retour brutal au protectionnisme (1 879) furent mitigées par le fait que l'Alsace­Lorraine, un partenaire traditionnel de l ' industrie luxembourgeoise, avait été rattachée à l'Al lemagne après la g uerre de 1 870.

Si tous les secteu rs de l'économie luxembourgeoise n'alla ient pas profiter également de cette u nion économique, l 'agriculture - d'abord très réticente - gagna dans la région du Bas- Rhin en pleine industrial isation de nouveaux débouchés aux prix élevés, tandis que les fermiers anabaptistes rhénans vinrent s'établ ir au luxembourg pour y introduire des techniques agricoles modernes. L'effet fut encore plus favorable pour la sidérurgie qui al lait trou­ver dans ce grand marché protégé (à partir de 1 854) des débouchés, une source d'approvisionnement en coke et des capitaux nécessaires à son dé­veloppement. Enfin, la participation aux recettes douanières du «Zollverein» couvrait quelque 20% des dépenses croissantes du jeune État luxembour­geois.

- Il faut relever en 5e l ieu l'important développement du réseau des transports qui s'amorça après 1 827 et s'étendit j usqu'en 1 868. En 1 827, en effet, fut inaugurée la route Bruxelles- Marche- luxembourg. Durant la période de 1 830 à 1 839 u n vaste réseau de routes fut m is en chantier, rel iant Esch à liège et Echternach à Bastogne. Ce ne fut cependant que l'instal lation du réseau de chemins de fer, au cours de la deuxième moitié du

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siècle, qui entraîna un changement fondamental dans les conditions de transport pour l' industrie lourde.

- Un 6e facteur tout a ussi u niversel dans l 'h istoire économique des pays industrialisés a été le développement du système de crédit. Ainsi 1 856 a été la date de la création de la Banque I nternationale et de la Caisse d'É­pargne de l 'État qui commencèrent à collecter l 'épargne, jusque-là thé­saurisée ou placée chez les notaires, pour la mettre à la disposition de l'économie. Il faut cependant remarquer d'emblée que les moyens trop modestes des jeunes banques l uxembourgeoises n'ont guère joué qu'un rôle secondaire dans l'éclosion ultérieure de la sidérurgie.

- Enfi n i l faut relever l'apparition, à la même époque, de quelques pionniers industriels- notamment les fami l les M ETZ et PESCATOR E -et l' i ntérêt croissant des entrepreneurs l uxembourgeois pour les i nnovations tech niques comme le montrent l'établissement, en 1 848, de la première machine à vapeur et l'i ntroduction, en 1 852, du procédé du «puddlage» au Luxembourg.

Telles sont quelques-unes des principales transformations de l'économie et d e la société luxembourgeoise qui ont préparé le pays à l'ère i ndustriel le u ltérieure. D'ai l leurs ces transformations ont été à peu près les mêmes que dans les a utres pays en voie d'industria l isation, avec cependant cette parti­cularité q u'elles se sont produites avec un certai n retard au Grand- Duché.

1 . 12 Situation économique du luxembourg

vers le milieu du 19e siècle

et raisons du retard dans le développement du pays

1 . 1 21 Structures économiques a u mi l ieu du siècle

Au milieu du 1 9e siècle, et malgré les profonds changements i ntervenus j usq ue-là, l e Luxembourg présentait toujours les caractéristiques d'un pays sous-développé qu i n'avait pas réussi à imiter le «décollage» des pays voi­sins, notamment de la Belgique et de la France, comme le montre l'analyse suivante:

Ainsi le secteur agricole était toujours largement prédominant dans la structure économique du pays. D'après les estimations de Paul WEB E R 1 , celu i -ci représentait, au moment de l'entrée du Luxembourg a u «Zollverein», u ne valeur en capital de 1 25 mi l l ions de francs, contre 1 0 mi l l ions seulement pou r l ' industrie et 5 mil lions pour l'artisanat. Le rendement de ce secteur était d'ai l leurs très faible, peut-être moins en raison du caractère accidenté et peu fertile du sol qu'à cause des méthodes d'exploitation primitives. «Dans beaucoup de régions, les friches, la vaine pâture, les bruyères, les genêts et les broussail les étaient une menace constante pour les terres cultivables ( . . . ) . L'argent était rare et le rendement des terres i nsignifiant. ( . . . ) Les

1 Paul WEBER, cours à l' Université I nternationale de Sciences comparées. 1 967.

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variétés rustiques des céréales panifiables (seigle et froment) qu'on cu lt i­vait a lors ne donnaient que de piètres résultats qui ne suffisaient pas à fournir le pain de tous les jours ( . . . ) 1 »

D'après l'historien G i lbert Trausch «il est évident que le Luxembourg des a nnées 1 840 a sa révol ution agricole encore devant lu i .

«Comment expl iquer cette évolution assez tardive? En règle générale l 'i ntensification de l 'agriculture a été la réponse à une augmentation sensible de la population. El le se rencontre donc d'abord dans les régions à popula­tion dense et à fort développement urbain.

«Ces conditions n e sont qu' imparfaitement réunies au Luxembourg des a nnées 1 760 à 1 840. Certes, après la stagnation du 1 7e siècle, la popula­tion recommence à augmenter lentement au 1 8e et le rythme d'accroisse­ment ne fera que s'accentuer à la suite de l'amélioration des conditions hygiéniques. Mais par rapport à l'étendue du pays - la province de Luxem­bourg est en effet la plus vaste des Pays- Bas autrichiens comme du Royaume des Pays- Bas - la popu lation reste toujours faible. L'absence de grands centres urbains est pour ainsi dire totale.

«A la fin du 1 8e siècle la production céréalière d'une année moyenne répond tout j uste à l a demande; en cas de mauvaise récolte i l y a d isette; en cas de bonne récolte i l y a excédent. Or, à cause de l'état lamentable des voies de communication, l'agriculteur n'est guère assuré de pouvoir écouler un excédent de céréales.

«La situation ne varie pas fondamentalement dans la première moitié du 1 9e siècle. Après le partage du Luxembourg (1 839) la proportion de bonnes terres arables par rapport à l'ensemble de la population et à l'étendue totale s'est évidemment améliorée. Néanmoins les agricu lteurs l uxem­bourgeois ne peuvent guère exporter leurs excédents de récolte au-delà de cette province du Luxembourg belge qui reste leur meil leur client et, par là même, i l l ustre la l imitation de leurs possibi l ités. De son côté, la Lorraine reste le cl ient traditionnel d'un élevage centré sur le commerce des chevaux et des moutons.

«Trop de facteurs se conj uguent pour décourager un renouvel lement des techniques, sans parler de l'attachement du cultivateur aux méthodes a ncestrales. Ce n'est que dans la seconde moitié du 1 9e siècle que se crée­ront les conditions propices à une «révolution agricole»: amélioration -il faudrait presque dire création - d'un réseau routier dense, chemins de fer, essor de l 'industrie métal lurg ique, apparition des engrais chimiques qu i feront sauter la traditionnelle association des blés et du bétai l .»2

Quant à la sidérurgie, en 1 842 son capital représentait environ 2% d u capital national et assurait un revenu, principal ou accessoire, à quelque 2 000 fami l les. Mais cette branche n'avait pas su imiter les importants pro-

1 J .P . ZAH LEN, cité par Paul WEBER, op. cit. page 209. 2 Gi lbert TRAUSCH: Structures et problèmes agraires du passé. H émecht no

1 /1 969, page 1 00.

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Tableau no 1

Production luxembourgeoise de fonte (181 1 -1 856)

Source: G. Trausch

Année Tonnes

1 81 1 1 4 000 1 841 7 300 1 851 11 000 1 856 15 000 1 863 1 7 000

grès techniques développés dans la sidérurgie belge, qui était à l'époque la p lus moderne du continent. Les hauts fourneaux étaient situés sur le minera i d'al l uvion, près des rivières et des forêts qui fournissaient la force motrice et le charbon de bois. La première machine à vapeur ne fut instal lée qu'en 1 848 et le premier haut fourneau construit exclusivement pour la marche au coke ne date que de 1 858. J usqu'en 1 862 la part de l a «minette» oolithique dans la mise au mil le n e représentait qu'un tiers environ de cel le d u mi nerai d'al l uvion. Certes la production de fonte s'était développée rapidement de­puis 1 840, stim ulée d'abord par l'association d u Luxembourg au «Zol l ­verein», puis par la construction des chemins d e fer nationaux. Mais, au mi l i eu du 1 9e siècle, n i le nombre de personnes employées, n i l 'état de sa technique ne faisaient de la sidérurgie une branche motrice ou dominante par rapport aux autres industries. Cel les-ci comprenaient surtout la ganterie - qui occupait environ 250 ouvriers et quelque 2 000 à 3 000 couturières à domicile - la tannerie, la draperie, la faïencerie, la papeterie et l ' impression, l es brasseries et les manufactures de tabac. La situation de chacune de ces branches était différente, l 'une se développant dans le marché élargi d u «Zollverein>>, l'autre péricl itant sous la concurrence accrue. Mais i l s'agissait presque uniquement d' industries traditionnelles, peu capital istiques, où le mode de travai l était a rtisanal et où le progrès technique et la d ivision d u travail n'étaient assimilés q u e très lentement.

Si, au mi l ieu du 1 9e siècle, la structure industriel le du pays était donc assez équil ibrée, i l s'agissait cependant d'un équilibre de sous-développe­ment dont la conséquence i névitable était une forte émigration de la popu la­t ion vers les pays voisins ou vers le «nouveau monde». Ai nsi de nombreux habitants devaient quitter leur pays pour trouver un emploi à l'étranger parce que le Luxembourg n'arrivait pas à fournir des moyens d'existence à toute sa population rapidement croissante. Par conséquent, l'adresse des métal ­lu rgistes luxembourgeois au Roi, écrite en 1 823, restait valable vers 1 850: « La première industrie d u Luxembourg consiste à savoir s'imposer des priva­tions»1.

1 cité par Paul WEBER, op. cit. page 1 06.

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1 . 122 Causes du retard

Parmi les pays voisins du Luxembourg, c'est probablement la Belgique qu i est entrée la première dans l'ère industriel le. Ce sont essentiel lement les manufactures textiles flamandes, l 'extraction du charbon et la sidérurg ie qu i ont rendu possible cet essor. En France l' industrial isation s'est effectuée à une cadence plus lente, encore que le stade de développement de celle-ci fût nettement plus avancé que celu i du Luxembourg. Dans les régions alle­mandes, enfin, l'établissement d u «Zollverein» constituait u n pu issant sti ­mulant pour l'éclosion des industries.

Il faut donc conclure que l 'effet d'imitation, qu i est cité par quelques auteurs - notamment par le Professeur HABAKKU K1 - comme un des fac­teurs moteurs dans la croissance économique, n'a joué qu'un rôle nég l i ­geable au Luxembourg durant la première moitié d u 1 9e siècle. Les raisons en sont sans doute nombreuses: sol peu ferti le, résignation et esprit de rou ­tine des agriculteurs, absence d e sources d'énergie (charbon), manque d'esprit d' initiative chez beaucoup d'industriels, absence de chemins de fer, éloig nement des grands axes d u commerce international, situation péri­phérique dans le «Zollverein» jusqu'au Traité de commerce avec la France, etc.

Dans ce contexte il faut cependant analyser plus en détai l les causes d u retard de la sidérurg ie luxembourgeoise, q u i pendant longtemps n'a pas s u suivre l'essor de l' industrie concurrente belge.

- La principale raison du retard de cette ind ustrie a été sans doute l'absence de houille dans le pays. Les usi nes luxembourgeoises uti l isaient donc le charbon de bois fourni à bas prix par les abondantes forêts. D 'ai l leurs durant la première moitié d u 1 9e siècle, le prix d u coke était - même en Belgique où i l y avait d'importants g isements houi l lers - nettement plus élevé que le prix du charbon de bois.

Cependant l'util isation du charbon de bois a eu des conséquences directes sur le procédé technique du travai l du minerai de fer: la sidérurg ie luxembourgeoise continuait à travai l ler le minerai d'al l uvion - comme à l'époque gal lo-romaine -, alors que depuis 1 840 on avait redécouvert les r iches g isements de minerai oolithiques du sud du pays, car le traitement de ce dernier minerai aurait exigé l 'uti l isation du coke comme combustible. I l y a donc «entre l e retard dans l'util isation d u coke et celui de la minette, une relation de cause à effet»2• En outre, cette fonction de production tradi­tionnelle a déterminé la localisation des usines sidérurgiques qui se situaient toujours, au mil ieu d u 1 9e siècle, à proximité des cours d'eau et des forêts, et lo in des gisements de «minette» du sud du pays.

1 cf. H.S. HABAKKUK: «The historical experience on the basic conditions of eco­nomie progress», dans «Economie Progress» ed. by L.H. Dupriez et D.C. Hague. Louvain 1 955. Pages 1 50 et ss.

2 Eugène D. HOLZEM: Aspects économiques et financiers du développement de l'industrie sidérurgique luxembourgeoise, page 32.

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Cependant, d epuis 1 830, on a pu constater une évolution importante des prix relatifs du charbon de bois et du coke. Le prix du charbon de bois augmenta par suite du déboisement i ntensif et de la demande accrue de ce combustible par toutes les industries. De l'autre côté, le prix du coke baissa en raison des progrès techniques dans l 'exploitation des gisements houi l l ers. De p lus, la consommation de coke par tonne de fonte d iminua depuis l ' introduction de n ouveaux procédés dans la sidérurgie.

Si l'on ajoute à cette évolution des prix relatifs le fait que les riches g ise­ments du sud du pays étaient inuti l isables a insi que la concurrence crois­sante des produits sidérurgiques fabriqués d'après les techniques nouvel les et de mei l leure qual ité, i l devient évident q u'au mi l ieu du 1 9e siècle, la si ­dérurgie l uxembourgeoise était lentement acculée à une réorientation fondamentale.

- Mais un deuxième facteur al la it retarder cette réorientation: l'absence de moyens de transport appropriés. Tout d'abord i l n'y avait pas de voie d'eau navigable qui aura it permis l'acheminement à bon marché du coke vers le bassin minier. En o utre, l es routes reliant la sidérurgie luxembourgeoise aux houi l lères belges et a l lemandes étaient souvent en mauvais état et les nom­breux postes de péage pesaient lourdement sur le coût de ce moyen de transport. Enfin, la première l igne de chemin d e fer l uxembourgeoise ne fut i naugurée qu'en 1 859 - c'est-à-dire avec une vingtaine d'années de retard sur la Belgique et la France. Ce n'est d'a i l leurs que vers 1 868 que les raccor­dements aux réseaux des trois pays l imitrophes furent terminés. A la même date s'acheva aussi la substitution du coke au charbon de bois, qui avait débuté en 1 858. Ceci confirme admirablement le l ien entre le développement des chemins de fer et celu i de l ' industrie, tel qu'il a été mis en relief notam ­ment par J . Schumpeter1 .

- U n troisième facteur qu i a retardé l'essor d e l a sidérurgie luxembour­geoise, a été le manque de capitaux. «D'une manière générale, l e volume des capitaux nécessai res pour i ntroduire les nouvelles techniques a augmenté à mesure que l'écart entre le début de la révolution industrie l le anglaise et le début de l ' industr ia l isation d u pays imitateur augmentait. Or la sidérurgie l uxembourgeoise ne s'est modernisée qu'avec un siècle de retard sur l' i n i ­tiateur. Le problème du financement était donc beaucoup plus diffici l e à résoudre au Luxem bourg que dans les autres pays dont l ' industrial isation a précédé, d'autant p lus que la formation d u capital et l'organisation d u crédit ont été déficientes au G rand - Duché»2.

En outre, la population l uxembourgeoise était dans sa large majorité une population très pauvre. Ainsi, vers 1 820, le Luxembourg payait le plus faible taux de contribution d u royaume des Pays-Bas. Encore le peu d'é­pargne disponible n'était- i l pas drainé vers les i nvestissements productifs, faute d'appareil bancaire approprié. Enfin, l ' incitation à investir dans cette branche, c'est-à-dire l 'efficacité marginale du capital, était faible, compte tenu, d'un côté, de la concurrence des produits sidérurgiques à bas prix de

1 J. SCHU MPETER: Business Cycles. Tome 1 , pages 325 et ss. 2 Eugène HOLZEM, op. cit., page 35.

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l'Angleterre et de la Belgique, et, de l'autre côté, du taux d'intérêt parti­cul ièrement élevé (sous Gu i l laume 1er, ce taux était de 6%% au Luxembourg contre 3% en Belg ique) .

Dans l'ensemble, malgré quelques innovations d'envergure q u i con­stitueront des conditions préalables à l'essor u ltérieur, l a sidérurgie des années 1 840 à 1 868 restait une industrie de type ancien, basée sur le minerai d'al luvion et le procédé de «puddlage». Par ai l leurs, la «minette» extraite en quantités croissantes (300 000 tonnes en 1 862, 91 2 000 tonnes en 1 870) servait avant tout à l'exportation, étant donné qu'en 1 865 par exemple la part du minerai transformé dans le pays n'a atteint que 26% de la production totale (36% en 1 870). Cette exportation à l'état brut de la principale richesse nature l le est un signe non équivoque de l'état de sous-développement de l'économie l uxembourgeoise à cette époque.

Ainsi le manque de charbon, le manque de moyens de transport et le manque de capitaux ont été les trois principaux facteurs qu i expliquent le retard de l'essor de l a sidérurgie luxembourgeoise, ainsi que d'ai l leurs de la plupart des autres branches i ndustrielles.

1 . 13 le «décollage» (1870-1913)

Au cours du demi -siècle qui précéda le début de la première guerre mon­diale, le Grand- Duché a connu un décol lage tardif mais foudroyant qui a d'a i l leurs été avant tout celu i de son industrie sidérurgique. Non seulement le transfert géographique du centre vers le sud de cette industrie a l la it con­sidérablement modifier la configuration régionale, démographique et socio­logique du pays, mais l'essor de cette importante industrie lourde entraînait dans son si l lage le développement d'autres activités connexes ou complé­menta ires. E nfin, l 'uti l isation des scories Thomas comme engrais dans l'agri­culture a été un des catalyseurs décisifs à l a «révolution agricole» des a nnées 1 890 à 1 91 4.

1 . 1 31 Le «décol lage» de la sidérurgie (1 870-1 886)

N ous avons constaté que, vers le mi l ieu du 1 9e siècle, la sidérurgie luxembourgeoise se caractérisait par deux traits également peu réconfor­tants pour l'avenir économique du pays:

d'un côté, el le ne transformait qu'une partie mineure de la «minette» extraite, a lors que la majeure partie de cette richesse naturel le était exportée à l'état brut;

de l 'autre côté, par sa fonction de production, sa localisation sur le minerai d'al l uvion et son développement technolog ique, el le était très en retard sur les industries concurrentes de la Belgique et de l'Angleterre. Phénomène plus grave, l'évolution technique et écono­mique au Grand- Duché et en Europe risquait de l'acculer, soit à l'extinction, soit à l'él imination. Non seulement les ressources en minerai d'a l luvion et en charbon de bois s'épuisaient progressive­ment, non seulement les prix relatifs «charbons de bois/coke»

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évoluaient défavorablement, mais surtout l'i nvention d u procédé Bessemer en 1 856 menaçait de lu i porter un coup mortel, étant donné que ce nouveau procédé ne pouvait être appl iqué a u minerai l uxem­bourgeois à cause du contenu élevé en phosphore de celu i -ci.

Comment cette industrie retardataire, voire moribonde, a-t-elle pu de­venir, en l'espace de deux générations, le sixième producteur sur le plan mondial et le premier exportateur mondial ?

Notre but ne consistant pas à faire u n trava i l d'historien, nous nous l imi­terons dans notre analyse à la mise en évidence, de façon très schématique, des principa les étapes et des éléments d'explication majeure de cette évolution . 1

a) Redécouverte du minerai oolithique

La «minette» oolithique du sud d u pays était déjà connue et util isée au temps des Romains. L'usage de ce minerai a toutefois été oubl ié avec l 'aban­don, j usqu'au 1 2e siècle, du travai l du fer dans nos régions. Depuis la reprise de l'activité sidérurgique, c'est le minerai d'al l uvion éparpi l lé dans la région centrale du «G utland» - qui était à l a fois disponible en quantités impor­tantes (pour les besoins de l'époque) et assez riche en fer (35-55% Fe) -qu i a été la base de cette activité. Vers 1 840 toutefois, la présence et l' i nté­rêt du minerai ool ithique ont été redécouverts dans des circonstances que les historiens n'ont pas encore pu éclaircir complètement, certains admettant la thèse d u «coup de chance» (Ungeheuer, Wagner) alors que d'autres rappel lent q u'à cette époque le minerai oolithique était déjà enfourné en Lorraine et même à Lasauvage (Weber) . Quoiqu'i l en soit, il est intéressant de relever que c'est la firme Auguste M ETZ qu i, en 1 845, s'est assuré en secret d' importants g isements, ce qui a ura des conséquences à long terme capitales, comme le souligne Heinz Quasten:2

«Das günstige Zusammentreffen - Entdeckung eines groBen Roh­stofflagers und u nternehmerische In itiative eines H üttenmannes - be­wirkte den Zü ndfunken für die zuerst langsame, aber dann rasante l ndustria­lisierung».

b) Adhésion au «Zollverein» (1 842)

L'adhésion du Grand - Duché au «Zollverein» en 1 842 a été d'une im­portance capitale pour l'essor u ltérieur de la sidérurgie qu i a l lait trouver dans ce grand marché ses principaux débouchés, une source d'approvi­sionnement en coke et les capitaux nécessaires à son développement. En 1 844 le G rand- D uché obtint l' i ntroduction de droits douaniers sur l a fonte, ce qui él imina d u marché a l lemand les concurrents a nglais, les producteurs belges bénéficiant encore d'un taux de faveur. En 1 854 ce dernier taux fut aboli , ce qu i fit tomber la part des importations de fonte de provenance belge du marché a l lemand de 47% à 0,5%. Dès lors le Luxembourg occupa u ne

1 Pour la rédaction de ce chapitre nous nous sommes i nspiré avant tout des re­cherches de H einz Quasten: Die Wirtschaftsformation der Schwerindustrie im Luxemburger M inett. Chapitre 5.

2 H einz QUASTEN, op . cit., page 216.

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position très forte sur ce marché qu i conn ut d'ai l leurs une expansion rapide j usqu'à la crise de 1 873. Le rattachement de l'Alsace- Lorraine au «Reich» après l a guerre de 1 870 o uvrit au Luxembourg un a utre marché traditionnel avec lequel les l iens économiques n'avaient jamais été complètement a bandonnés. Enfin, à partir des années 1 890 l'association d u Luxembourg au «Reich» a l lemand favorisa les investissements massifs de capitaux al le­mands dans les usines l uxembourgeoises.

c) Construction des chemins de fer (1859-1868)

Si les deux facteurs précédents ont été des conditions préalables à l'essor de l a sidérurgie, ce dernier n'a toutefois pu se faire tant que le pays ne disposait pas d'un moyen de transport moderne et bon marché, adapté a u déplacement en masse de produ its pondéreux, caractéristique essentiel le de «l'industrie lourde». La construction des chemins de fer l uxembourgeois et le rattachement de ceux-ci aux réseaux voisins ( 1 859- 1 868) a donc fait sauter un verrou décisif qu i bloqua la réorientation technologique de la sidérurgie grand-ducale.

d) Réorientation technologique (années 1 860)

Nous avons vu qu'au mil ieu du 1 9e siècle la sidérurgie l uxembourgeoise se caractérisait encore par une fonction de production ancienne, basée sur le mi nerai d'al luvion, le charbon de bois des forêts voisi nes et l a force motrice des cours d'eau . A la faveur de la construction des chemins de fer, cette fonc­tion de production a fait place progressivement à une a utre fonction se caractérisant par le minerai oolithique, le coke et la machine à vapeur comme force motrice. En 1 858 fut inauguré le premier haut fourneau conçu exclu­sivement pour l a marche au coke. En 1 862, après une période de crise qu i avait él iminé u n certai n nombre de hauts fourneaux a u charbon de bois, i l y avait 3 hauts fourneaux à coke et 3 hauts fourneaux au charbon de bois. Enfin, en 1 868 le dernier haut fourneau à charbon de bois fut éteint. De même, si jusqu'en 1 862 la part de la «minette» oolithique dans la mise au mi l le ne représentait qu 'un tiers environ de celle du minerai d'al l uvion, vers la fin des a nnées 1 860 le processus de substitution était e n grande partie achevé.

Par a i l leurs, en 1 848, la société Metz a i ntroduit la première machine à vapeur a u Grand-Duché. La général isation de cette invention rendit les usines indépendantes de la force motrice des cours d'eaux, e ncore que l'eau ait continué à jouer un rôle important dans le processus de production (re­froidissement).

Dans l'ensemble, le passage de la sidérurgie l uxembourgeoise d'une fonction de production à l'autre a u cours des années 1 860 remit en cause l'ancien «Standort» des usines dans la région centrale du « G utland». Doré­navant la logique du nouveau processus technologique exige un transfert des usines vers les gisements de «minette» d u sud d u pays.

e) Politique minière du Gouvernement (1869c1 882)

La redécouverte des gisements de minerai oolithique avait profité essen­tiellement aux sidérurgistes étrangers et notamment aux Belges, étant donné

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que vers la f in des années 1 860, u n tiers seulement du minerai extrait était transformé a u G rand- D uché. Le G o uvernement luxembourgeois était cons­cient que cette forme d'exploitatio n de notre richesse naturelle empêchait le pays de sortir du sous-développement et cherchait donc à l ier l'attribution de concessions minières à l'obl igation, pour les bénéficia ires, de construire une usine au Luxembourg. En 1 869 il y réussit lors de l 'attribution d'une concessio n à l'usine sarroise de B urbach (fondée en 1 856 par des industriels belges dans l ' intention de «sauter» les barrières douanières du Zollverein renforcées en 1 854), et, ensemble avec la société Metz, celle-ci commença la construction d'une usine à Esch. En 1 870 ,la société «Luxemburger H och­ofengesellschaft», qui briguait a ussi des concessions min ières et qui con­naissait les conditions imposées à la «Burbacher H ütte» pour l'obtention de cel les-ci, entreprit, elle a ussi, l ' implantation d'une usine à Esch. En 1 871 (1 er février), le chancelier a l lemand protesta contre cette pratique du Gou­vernement l uxembourgeois, mais, même si celu i -ci se la issa i ntimider et y renonça pendant une diza ine d'années, le démarrage était pris. A partir de 1 882, enfin, la «clause d'interdiction de trafic» (Verhüttu ngsklausel) devint une partie i ntégrante de la p lupart des nouvelles concessions.

Dans ce contexte nous devons relever aussi la loi minière de 1 870 qui définit les g isements soumis à concessions et celle de 1 874, qu i transforma le droit de d isposition de l 'État sur les gisements en un droit de propriété. Enfin, après l'opposition du chancelier a l lemand en 1 871 , le Gouvernement transforma le paiement en u ne tranche unique des concessions en une rente annuelle, ce qui permit aux entreprises l uxembourgeoises, moins riches en capitaux que leurs concurrents étrangers, d'acquérir des concessions importantes.

Ainsi, tout comme la p lupart des pays sous-développés actuels, le Luxembourg a dû procéder à une «national isation» de sa principale richesse naturelle pour éviter l'exploitation et le sous-développement et pour assurer son essor i ndustriel.

f) Déplacement des usines vers la «minette» (1 870)

En 1 869, quatre des cinq usines en marche se situaient encore en dehors du bassin min ier, et la cinquième, cel le de Lasauvage, enfournait essentielle­ment du minerai d'a l luvion. Nous avons vu toutefois que le «Standort» du bassin min ier s'imposait en raison de la nouvelle fonction de production. Le déplacement des usines, entamé en 1 869/70, sonna donc vraiment l'heure de la sidérurgie «nouvelle» au Grand-Duché.

« l m Jahre 1 870 wurde ein mit vier Kokshochôfen ausgestattetes H üttenwerk i n Esch/Aizette errichtet, d ie «Metzerschmelz», die heutige H ütte «AR B E D - Esch». lm selben Jahre begann der Bau eines weiteren H üttenwerkes in Esch, der sog. «Brasseurschmelz» mit zwei H ochôfen, der heutigen H ütte «AR B E D-Terre- Rouge». 1 872 wurden in Rodingen ein aus zwei H ochôfen bestehendes H üttenwerk, die heutige M . M . R. H ütte, u nd i n R ümelingen eine H ütte mit einem Hochofen errichtet. l n nerhal b von

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zwei Jahren wurden also vier der spater i nsgesamt sieben H ütten im M inett gegründet. Damit begann schlagartig die l ndustrial isierung des Gebietes»1•

En dehors des impératifs d'ordre technologique et de la politique minière du Gouvernement, deux autres facteurs, qui ont joué en faveur du nouveau «Standort» de la sidérurg ie luxembourgeoise, ont été relevés par Heinz Quasten, à savoir:

1 . la continuité des hommes,

2. les connaissances de ceux-ci au sujet des conditions techn iques et économiques de production dans cette région.

Ad 1: «Weder bezügl ich der Erze noch der Energiestoffe, weder bezüglich der industriel len Anlagen noch deren Standplatzen gibt es eine u ngebroche­ne Tradition vom alten Eisengewerbe zu der modernen I ndustrie. Auf den ersten B l ick scheinen beide gar n ichts miteinander zu tun zu haben. Doch es gibt einen wichtigen Faktor, der die Verbindung zwischen den beiden Wirtschaftsformen bi ldet: das sind die Menschen, die Erzgraber, H ütten­leute u nd l ndustriel len. ( . . . ) Man kan n annehmen, daB die Entwicklung der l ndustrial isierung des M inett entschieden anders verlaufen ware, wenn es das alte Eisengewerbe im Luxemburger Land nicht gegeben hatte»2•

Ad 2: «Die bemerkenswerte Tatsache, daB es nicht auslandische kapitalkraftige G esellschaften waren, die im M inett Tochterwerke gründeten, sondern Luxemburger, H ütten- u nd Bergwerksunternehmer in Verbindung mit Finanziers, weist auf ein zweites Motiv bei der Standplatzwah l der neuen H ütten im Minett h in . Die maBgeblichen Gründer betrieben bereits im GroBherzogtum ein Bergwerk oder eine H ütte, wuBten u m die Rentabil itat der Minetteverhüttung mit importiertem Koks und konnten aufgrund der Marktentwicklu ng eine Steigerung ihrer Gewinne durch Schaffung neuer Kapazitaten voraussehen. Es lag also nichts naher, ais neue H ütten dort zu errichten, wo die U nternehmer sich bereits erfolgreich betatigtem>3.

g) Invention et application du procédé Thomas (1 879-1 886)

Malgré l'adoption d'une fonction de production nouvel le par la sidérurgie luxembourgeoise à partir des années 1 860, cel le-ci restait gravement menacée par le procédé Bessemer (1 856) qui permettait de remplacer le procédé d'affinage rudimentaire du «puddlage». En 1 962, Alfred Krupp appliqua le premier sur l e continent l e procédé Bessemer à l'élaboration de l'acier; en raison du contenu élevé en phosphore de la «minette», celui-ci ne se prêtait pas à la fonte l uxembourgeoise, de sorte que pendant u ne vingtaine d'an­nées i l y eut un «gap» technologique entre la production luxembourgeoise et cel le de la p lupart de ses concurrents.

Heureusement, en 1 879, Sidney G ilchrist Thomas inventa u n nouveau procédé permettant de traiter au convertisseur les fontes phosphoreuses. La

1 Heinz QUASTEN, op. cit., page 222. 2 Heinz QUASTEN, op. cit., pages 214-21 5. 3 Heinz QUASTEN, op. cit., p. 224.

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société Metz et Cie fut parmi les premiers à en acquérir la l icence, dès 1 879. La construction d'une nouvelle usine exploitant le nouvel procédé fut commencée en 1 882 à D udelange et achevée en 1 886.

Cette dernière innovation a été d'une importance capitale pour la sidé­rurgie l uxembourgeoise, car si, avec les i nnovations précédentes, cel le-ci ne faisait que rattraper son retard, avec la mise en pratique quasi- immédiate du procédé Thomas elle parvint à la pointe du progrès technique de l'époque, d'autant plus que ce procédé était supérieur, d u point de vue de la qual ité des produits et de leur prix de revient, au procédé Bessemer appliqué en Belgique et en Angleterre.

h) Concentration et intégration technique (1886-1 91 3)

Après la combinaison «hauts fourneaux - mines de fer» en voie de réalisation depuis 1 870 par le déplacement des usines vers le bassin minier, une deuxième phase commença avec la construction d'usines i ntégrées «hauts fourneaux - aciéries - laminoirs». La première usine i ntégrée ayant été mise en marche en 1 886 à Dudelange, i l y eut une deuxième usine i nté­grée à Differdange vers 1 900. En 1 907 la société Metz ajouta à son usine d 'Eich- Dommeldange une aciérie électrique. Enfin, avec la création de I '«Adolf- Emi l - H ütte» en 1 91 2 (actuellement «Belval») et l'établissement de l'aciérie et du laminoir de «Metzeschmelz» en 1 91 3 (actuellement «Esch»), la configuration des 6 grandes usines du Sud, tel le q u'elle existe encore actuellement, était achevée.

Il est évident que les nouvelles usines étaient de d imensions beaucoup plus grandes que l'usine créée par exemple à Dommeldange en 1 866, étant donné que les o util lages modernes n'étaient avantageux q u'à partir d'un certai n volume de production. Aussi, à côté du mouvement d'intégration, peut-on parler d'un mouvement de concentration dans le sens d'élargisse­ment des dimensions unitaires.

i ) Concentration et intégration financière: l'intervention des capitaux al lemands (1 892-1 91 3)

A partir de 1 892, les capitaux al lemands commencèrent à prendre des participations importantes dans la sidérurgie l uxembourgeoise. Ces opéra­tions répondaient aux préoccupations des industriels de l'époque cherchant à pousser l'i ntégration verticale des houi l lères et des mines de fer j usqu'à l ' industrie de la transformation des métaux, ce mouvement donnant lieu à la création des grands empires i ndustriels «Krupp», «Stinnes», etc. Pour le Grand- Duché, ces opérations avaient l'avantage de fournir à la jeune indu­strie en croissance rapide les moyens de financement de plus en plus considérables nécessaires à ce développement et qu i dépassaient largement les possibil ités des seuls industriels i ndigènes.

Parmi les m ultiples modifications ju ridiques et financières dans les sta­tuts des entreprises, qu i ont accompagné ce mouvement de concentration et d'intégration financière, retenons l' i ntervention des grands groupes étrangers suivants:

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Gelsenkirchener Bergwerks A. G . ( «Rothe Erde» et «Adolf- Emi i­H ütte»: 34 % de la production de 1 91 3)

Deutsch- Luxemburg ische Bergwerks- und H ütten A.G . ( Differdange, R u melange: 25% de la production)

O ugrée-Marihaye (Rodange: 8% de la production)

Felten et G ui l laume (Steinfort: 3% de la production) .

Enfin, en 1 91 1 la fusion des usines de la société Metz avec l'usine de Burbach donna l ieu à la création de la société ARB ED qui, en 1 91 3, réalisa environ 31 % de la production luxembourgeoise.

Ainsi, en l'espace de deux décennies, plus des deux tiers de la production jadis contrôlée par les Luxembourgeois sont passés sous contrôle étranger, notamment al lemand. Cette évolution eut pour conséquence l'absence de création d'une i ndustrie de la transformation des métaux au Luxembourg, étant donné que les groupes financiers al lemands qui contrôlaient la sidé­rurgie l uxembourgeoise possédaient de telles entreprises en Allemagne, ce qui explique donc en grande partie la faiblesse relative de cette industrie à l 'heure actuelle et le caractère monolithique de la structure industriel le du G rand- Duché. Ainsi, en 1 91 3, environ 45% de l a fonte luxembourgeoise ont été exportés à l 'état brut, et parmi les laminés, quelque 42% ont été des demi-produits, ce qui a amené l'h istorien Lecœur à constater:1 «Die Werke des G roP..herzogtums waren nur wichtige U nterabtei lungen der M utter­werke in Westfalen. Diese reservierten sich i m a l lgemeinen die Endherstel­l u ng der Produkte. D ie Produktion der l uxemburgischen I ndustrie h ôrte meistens im Stadium der Ha lbfertigwaren auf . . . l ndem die Spanne der l uxemburgischen metal lurg ischen Produktion u nvol lstiindig gehalten wur­de, verhinderte die deutsche I ndustrie die Autonomie der Stahl industrie des G roP..herzogtums und sicherte sich dadurch i hre andauernde beherrschende und privi legierte Stel l ung».

j) Intervention de la main-d'oeuvre étrangère (1 886-1 91 4)

En même temps que la sidérurgie l uxembourgeoise passait progressive­ment sous le contrôle des capitaux étrangers, el le devenait aussi peu à peu «l'affaire» des étrangers en ce qui concerne la mai n-d'œuvre.

Si les premières usines du sud du pays recrutaient essentiellement les o uvriers des anciens hauts fourneaux éteints de la région centrale du «Gut­land» ainsi que la population rurale des régions l imitrophes des gisements de «minette», les besoins additionnels en main-d'œuvre résultant de l'essor de la production à partir de 1 886 dépassaient largement les ressources indigènes d isponibles, du moins compte tenu du fait que les Luxembourgeois ne paraissent pas avoir été attirés outre mesure par cette activité.

Ainsi la part des étrangers, qu i représentait encore un q uart environ en 1 880, al lait-elle rapidement en augmentant, au cours des années 1 890, notamment en raison d u recrutement massif d ' Ita l iens. En 1 896 il y avait

1 Cit é par H einz QUASTEN, op. cit., page 232.

1 7

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autant d'étrangers que de Luxembourgeois dans la sidérurgie et en 1 907

cel le-ci occupait plus de travai l leurs ital iens que de Luxembourgeois. Enfin, au cours des a nnées précédant la première guerre mondiale, la part des étrangers dans la popu lation active de la sidérurgie se situait aux environs de 60%.

Ainsi la «première révol ution industrielle» n'aurait pu être opérée sans l'apport massif de la main -d'œuvre étrangère, en raison des ressources l imi­tées du pays et d'une certaine i nertie de la popu lation par ai l leurs peu attirée par les changements. I l est i ntéressant de constater qu' i l en sera dans une certa ine mesure de même, 80 ans plus tard, au moment de la «deuxième révolution i ndustriel le».

1 . 1 32 Evolution de la production sidérurg ique

Entre 1856 et 1868 la production de la fonte luxembourgeoise a à peu près sextuplé, notamment sous l ' impu lsion de la construction des chemins de fer et de la mise à feu de nouveaux hauts fourneaux au coke.

Mais ce n'est que par la substitution du coke au charbon de bois et par le déplacement des usi nes vers le bassin minier que furent posées les bases d'un essor d urable de cette industrie.

D urant la période de 1868 à 1913 1a production de fonte connut un dé­veloppement extraordinaire, passant de 93 408 tonnes à 2 547 861 tonnes, ce qu i correspond à u n taux de croissance annuel moyen de 7.6%. Seules les a nnées 1 878-1 880 marquèrent une stagnation, mais dès l ' i ntroduction de la fonte Thomas en 1 886 la production progressa de nouveau rapidement. Para l lèlement, le nombre des hauts fourneaux passa de 1 4 en 1 886 à 45 en 1 91 3 et le nombre des ouvriers y occupés de 1 732 en 1 886 à 5 233 en 1 91 3. Ainsi, en 1 91 3 le niveau de la production de fonte dépassait de 25%

environ celu i des années 1 937-1 938 (moyenne) .

Les chiffres sur les aciéries sont plus clairsemés, mais on peut relever que les 7 aciéries en service en 1 91 3 ont produit 1 425 314 tonnes d'acier, soit 72% environ de la production des années 1 937- 1 938. Les productions d'acier et de produ its laminés ne se sont développées que depuis l'appl ication du procédé Thomas en 1 886, mais elles ont connu u n essor d'autant plus foudroyant.

En 1 91 3, la sidérurgie luxembourgeoise était la sixième i ndustrie mon­dia le de cette branche (avec 2.55 mil l ions de tonnes de fonte), derrière les Ëtats- Unis (31 mio t), l 'Allemagne (1 9 mio t), la G rande-Bretagne (1 0 mio t), la France (5.2 mio t) et la Russie (4.6 mio t) .

Dans l'ensemble, la croissance exceptionnel le de cette i ndustrie a stimulé les investissements et a permis l'i ntroduction permanente des der­niers perfectionnements techniques, de sorte qu'à la vei l le de la première g uerre mondiale le Luxembourg disposait d'une sidérurgie des plus mo­dernes qu i offrait un gagne-pain à quelque 1 3 000 ouvriers.

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Tableau no 2 Essor de la production sidérurgique ( 1 868-1 91 4)

Source: Annuaire du STATEC 1 960

Année Nombre'

1 868 1 1 871 1 875 1 880 1 886 1 890 1 895 1 900 1 905 1 91 0 1 91 2 1 9 1 3 1 91 4

Période 1 868-1 886 1 886-1 900 1 900- 1 9 1 3 1 868- 1 9 1 3 1 886- 1 9 1 3

' existants 2 à feu

1 4 1 4 21 1 8 21 21 232 282 32 35 43 45 47

3 en service

Hauts Fourneaux Laminoirs

Produc- indice ouvriers Nombre3 Produc- indice ti on 1 937-38 ti on 1 937-38

(tonnes) = 1 00 (tonnes) = 1 00

93 408 4,6 1 42 897 7,0 270377 1 3,3 260 666 1 2,8 400 644 1 9,7 1 732 2 28 1 54 1,7 558 9 1 3 27,5 1 663 1 97 462 6,0 694 81 5 34,2 2 424 1 1 34 539 8,3 970 886 47,8 3 274 1 1 45 3 1 3 9,0

1 368 252 67,3 3 728 2 355 760 21,9 1 682 51 9 82.8 4 233 3 584 604 36,0 2 252 229 1 1 0,9 5 035 4 923 631 56,9 2 547 861 1 25,4 5 233 5 1 1 1 5 004 68,7 1 827 270 89,9 4 01 0 5 946 660 58,4

Taux de croissance annuels moyens (en %)

+ 8,4 + 4,7 + 6,5 + 4,7 + 1 2,4 + 7,7 + 3,7 +1 7,0 + 7,6 + 7,1 + 4,2 +1 4,6

1 . 1 33 La sidér u rgie comme industrie motrice

ouvriers

401 550 800 966

2 902 4 035 5 672 6 5 1 4 4 1 35

+ 6,5 + 1 1 ,8

+ 1 0,9

I l est évident que la sidérurgie l uxembourgeoise a eu, grâce à son remar­quable essor et au poids croissant qu'el le prenait dans la structure indu­striel le du pays, une i nfluence favorable sur l'ensemble de l'économie. Ses «spreading effects» se transmettaient à la fois - pour parler dans la termino­logie du Pr. ROSTOW1 - aux secteurs «complémentaires», c'est-à-dire ceux des sous-produits ou des productions l iées à l'activité sidérurgique, et aux secteurs «secondaires», c'est-à-dire ceux entraînés par l'augmentation des revenus dans les secteurs «primaires». L'amplitude de la propagation

1 W. W. ROSTOW: Economies of take off into sustained growth.

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des «spreading effects» était par a i l leurs en quelque sorte i nversement proportionnelle aux dimensions de l'économie nationale.

- Parmi les effets favorables dans les secteurs «complémentaires» on peut citer surtout les effets suivants:

La scorie Thomas, un sous-produit des aciéries, a joué un rôle de premier ordre dans l'essor de la production agricole, grâce à ses vertus ferti lisantes qu i compensaient heureusement la pauvreté naturelle du sol l uxembourgeois. Depuis 1 898, d'ai l leurs, le Gouver­nement l ia l'attribution des concessions minières à la livraison à l' État - qui les céda aux agriculteurs - d'un certai n nombre de tonnes de scories à u n prix de faveur. (Ce système n'a été aboli qu'en 1 965) .

Le laitier des hauts fourneaux, transformé en ciment, permettait de couvrir les besoins croissants en matériaux de construction.

Le gaz des hauts fourneaux était utilisé à la production d'électricité. Ainsi était comblé le manque de sources d'énergie naturelles qui aurait été tôt ou tard un goulot d'étranglement pour le développe­ment industriel.

A côté de ces sous-produits il faut encore relever le développement des fonderies et des ateliers de constructions métal l iques comme «secteurs de croissance complémentaires». Ces secteurs produisaient en effet une part importante des machines et de l 'outillage qui étaient absorbés en quantités croissantes par les usines sidérurgiques.

Tableau n° 3

Evolution de la structure de la population active (1 871 -1 907)

Source: G. Trausch en %

Secteurs I l 1 871 1 907

Agriculture . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 60.4 20.2 1 9.4

43.2 38.4 1 8.4

Industrie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Secteur tertiaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Quant aux secteurs de croissance «secondaire», c'est-à-dire ceux qu i se sont essentiel lement développés sous l ' impulsion de l'accroissement des revenus et de la demande, l'essor de la sidérurgie a produit à la fois:

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une augmentation des postes de travai l qu i mit f in à l'émigration et fit, depuis 1 890, d u Luxembourg u n pays d'immigration;

une augmentation des revenus des particul iers, des entreprises et de l 'État;

le développement de la population salariée ( industrie) et des agglo­mérations citadines qui transforma les habitudes de consommation d'une grande partie de la population (cf. tableaux no 3 et no 4).

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Tableau no 4

Développement des centres urbains (1 851 -1 91 0) (nombre d'habitants)

Source: STATEC

Localités I l 1 851 1 871 1 890

Luxembourg-ville . . . . . . . . 21 754 26 303 32 761 Esch-sur-Aizette . . . . . . . . 1 489 3 946 6 855 Differdange . . . . . . . . . . . . . 2 1 75 2 1 62 3 574 Dudelange . . . . . . . . . . . . 1 652 1 593 5 091 Pétange/Rodange . . . . . . . . 1 071 1 290 3 099 Ru melange . . . . . . . . . . ' . 578 834 2 353

1 91 0

45 744 1 6 461 1 3 251 1 0 803

5 964 5 296

Ces facteurs ne favorisèrent pas seulement la consommation de produits agricoles et notamment de viande, mais ils eurent aussi des répercussions favorables sur presque toutes les i ndustries luxembourgeoises produisant essentiel lement des produits à grande élasticité - à cette époque - de la demande par rapport a u revenu.

I l faut relever cependant aussi que ces «effets d'entraîn ement» qui ont accompagné l'essor de la sidérurgie ont accentué la dépendance de l'écono­mie à l'égard de la conjoncture sidérurgique i nternationale et ont contribué à marquer encore davantage le monolithisme croissant des structures écono­miques.

1 . 1 34 l'essor de la production agricole

Si la «première révolution industrielle» luxembourgeoise peut donc être située aux environs des années 1 870 à 1 886, à la même époque l'agricu l­ture - qui était toujours de loin le secteur dominant de l'économie (cf. tableau no 3) - subissait des changements importants qu i i ront en s'accé­lérant durant les années de 1 890 à 1 91 4.

Daprès les recherches de M. G i lbert Trausch1 on peut relever les faits marquants su ivants qu i caractérisent la période préparatoire à ce «décol­lage» de l'agriculture ( 1 840-1 870) :

Grâce à la loi de faveur de 1 839 l'agriculture luxembourgeoise trouve dans le Luxembourg belge un large débouché qu i assure l 'écoule­ment des excédents céréaliers.

A partir de 1 842 les prix des céréales connaissent (à la suite de l'essor démographique) un mouvement à la hausse contin u et très prononcé qui devient donc u n aigui l lon pour l'accroissement de la production agricole.

1 Gilbert TRAUSCH: Structures et problèmes du passé, Hémecht no 2/1 969, no 3/1 969, no 4/1 969.

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Vers la fin des a nnées 1 840, u n nouveau procédé, consistant dans la calcination de la pierre calcaire à l'aide des gaz perdus des hauts fourneaux, réduit considérablement le prix de cet engrais et en favorise la généralisation.

A la même époque, d'importants travaux de défrichement sont entre­pris dans les régions ardennaises où, auparavant, les landes et les bruyères avaient prévalu ; a insi la surface des terres arables passe de 1 1 3 800 ha en 1 84 7 à 1 24 200 ha en 1 865 ( + 9%) .

Parmi les progrès techniques de cette époque il convient de relever avant tout la général isation de la charrue Dombasle (années 1 840) , dont le soc est en fonte et qu i permet un labourage plus profond.

Ces i nnovations dans le secteur agricole, qui, au début, sont assez lentes à se général iser, prennent toutefois une cadence beaucoup plus ra­pide après 1 870, grâce au développement des voies de communication, à l'essor de la sidérurgie a insi qu'au mouvement d'organisation profession­nel le des agriculteurs ( Landwirtschaftliche Syndikate, Landwirtschaftl iche Lokalvereine, Molkereigenossenschaften, etc. ) . La principale caractéri ­stique de cette période «de décollage» ( 1890- 7914) a été le passage d'une agriculture extensive à une agriculture intensive:

- Ainsi la surface des terres arables passe de 1 24 800 ha en 1 889 à 1 1 2 000 ha en 1 907 à la suite de la reconversion en pâturages des terres les moins fertiles.

En o utre la jachère, qui avait encore atteint 31 .6% des terres en 1 845 - c hiffre qu i est très proche du système triennal avec jachère obl i­gatoire (33.3%) - ne représente plus que 4% des terres en 1 91 4.

L'introduction de la scorie Thomas (à partir de 1 886) donne un coup de fouet à l'agriculture en permettant un accroissement rapide des rendements céréaliers (de 1 850/80 à 1 906/1 4 le rendement céréalier par h a a augmenté de 58%) .

La d iminution progressive du nombre des ouvriers agricoles et la montée de leur salaire entraîne une mécanisation rapide des travaux agricoles (faucheuses, moissonneuses, batteuses, etc.) .

Enfin , on voit s'annoncer l'orientation progressive de l'agriculture ­jusque- là axée sur la production céréalière - vers l'élevage. Si l'aug­mentation du nombre des bovins est assez lente, par contre le poids moyen des bêtes passe de 250 à 275 kg en 1 860 à 41 5 kg en 1 91 3; para l lè lement la production la itière moyenne par vache passe de 1 800 litres en 1 889 à 2 400 litres en 1 91 3, ces progrès s'expl iquant par l 'amélioration de la race du bétai l et par l'util isation d'une nourriture mieux adaptée. Par a i l leurs, la production porcine, qu i s'était encore chiffrée à 30 700 bêtes en 1 844, atteint 1 37 1 00 bêtes en 1 91 3, ceci g râce notamment à l'expansion de l a production de pommes de terre a insi qu'à l'util isation du lait écrémé renvoyé par les laiteries.

Dans l'ensemble, «pendant les années 1 840 à 1 91 4 notre agriculture a subi des changements tels qu'en comparaison avec la lenteur de l'évolu­tion aux siècles précédents, on a pu parler de «révolution agricole». Si le

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mot est trop fort, i l n'en faut pas moins retenir le trait essentiel de ces a nnées: l'entrée de notre agriculture dans la voie d'un progrès continu, d'une aug­mentation régul ière de la production et des rendements.»1

Ces progrès de la productio n et des rendements contrastent toutefois avec la persistance des structures traditionnel les, que ce soient celles du régime foncier, d u type d'assolement o u de la dimension des exploitations, ce décalage présageant déjà les grands problèmes agricoles du 20ème siècle.

1 . 14 Particularités du décollage luxembourgeois

L'analyse précédente a montré quelques- uns des facteurs qu i ont trans­formé, en quelques décennies, le Luxembourg d'une des régions les plus pauvres en un pays des plus prospères. Cet essor s'est cependant accompag­né de certaines particularités qu'il est i ntéressant de confronter à la théorie économique sur la croissance séculaire:

1 . U ne importante controverse a d ivisé les théoriciens au sujet de la question de savoir si, dans le développement séculaire des pays i ndustrial isés, on peut déceler une phase de brusque accélération ou si, au contraire, la croissance a été u n processus continu résultant de phases alternatives d'accélération et de ralentissement. Les re­cherches de Jean MARCZEWSKI sur la France2 et de Ch. P. KI N O LE­B E R G E R sur la Grande- Bretagne3 montrent que la dernière thèse est la plus proche du développement réel des grands pays industrial isés. Pour le Luxembourg, par contre, il semble q u'on devrait admettre plutôt le modèle du Pr. ROSTOW (avec cependant quelques restric­tions, notamment sur le rôle de l'agriculture) . L'explication de cette particularité du développement économique luxembourgeois nous paraît résider dans le rôle joué par les «secteurs moteurs». Les travaux du Pr. MARCZEWSKI ont montré qu'un grand nombre d'industries ont joué en France, à des moments d ifférents du 1 9e siècle, le rôle de «leading sector» ce qu i a provoqué des mouvements successifs d'accélératio n et de ralentissement qu i se résument en une tendance ascensionnel le p lus ou moins rectil igne. Au Luxembourg par contre, il n'y a eu qu'un seul «leading sector» dont l'essor a d'a i l leurs été d'autant plus fulgurant que son début s'est situé à une date assez tardive par rapport aux industries concurrentes des pays voisins. D'autre part l'absence d'un autre secteur moteur par la suite a permis à la sidérurgie de prendre u ne place dominante dans la structure industrie l le et d'imprimer de façon croissante son a l l ure «exponen­tiel le» à l'ensemble de l'économie.

1 G ilbert TRAUSCH: Structures et problèmes agraires du passé. Hémecht no 4/1 969, page 469.

2 Jean MARCZEWSKI: Y a-t-il eu un «take off» en France ? (cité par Travaux dirigés de R. BARR E) .

3 Ch. P. K INDLEBERG ER: Economie growth i n France and Britain.

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Pays

Tableau no 5 Le «décollage» dans les différents pays1

I l Date approximative 1 Stimulus particulièrement actif

Grande-Bretagne . . France . • . . . . . . . . . 1 783-1 802

1 830-1 860 Révolution industrielle Révolution industrielle Révolution industrielle Révolution industrielle

Belgique . . . . . . . . 1 833-1 860 1 843-1 860 1 850-1 873 1 868-1 890

(1 870-1 886)

Etats-Unis . . . . . . . Allemagne . . . . . . . . Unification Suède . . . . • . . . . . (Luxembourg)

Commerce international (Révolution dans la sidérurgie; c'est-à-dire dépla­cement vers minette oolithique, procédé Thomas, intégration des différents stades de production) Restauration des Meije Japon . . . . . . . . . . 1 878-1 900

1 935 1 952 1 949

Argentine . . . . . . . Commerce international Inde . . . . . . . . . . . . Indépendance Chine . . . . . . . . . . Victoire communiste

' d'après L. STOLERU: L'équilibre et la croissance économiques, page 287.

2. Le développement «mono- industriel», s'il est à l'orig ine de la crois­sance exponentielle de l'économie l uxembourgeoise du 1 9e siècle, ne cadre cependant pas avec la théorie du «take off». En effet, d'après les thèses du Prof. ROSTOW il faut faire une distinction entre le démarrage «avorté» et le démarrage «réussi». Ce dernier se distin­guerait par l'émergence nécessaire de différents secteurs moteurs. <dt is this demonstration of the capa city to shift from one set of /eading sectors to another which distingu ished abortive industria l surges of the transition period from a true take off» 1 • Si, malgré l'absence de nouveaux secteurs moteurs, le décol lage économique du Luxembourg n'a pas avorté, i l faut e'l rechercher l'explication dans le rôle joué par le facteur «dimension» dans la croissance du pays. En effet, c'est essentiellement la tail le réduite du pays qu i a non seulement empêché l'éclosion de nouveaux secteurs moteurs, mais qui a aussi amplifié l' i ncidence bénéfique des effets d'entrainement (qui autrement se seraient perdus si leur propagation avait dû se faire dans une écono­mie sous-développée de grand espace) .

3. A côté de l'avantage d'un enrichissement rapide de tout le pays au cours de la phase de décol lage, l'économie monolithique comporte aussi des risques accrus. Nombreux sont en effet les économistes qu i admettent que la plupart des secteurs industriels individuels suivent, à long terme, une courbe log istique, c'est-à-dire que la phase de croissance rapide est suivie d'une phase où les facteurs de frei­nage se font sentir de plus en plus fortement. Ces facteurs de frei-

1 W. W. ROSTOW: The economies of take off into sustained growth, page 8.

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nage, qu i sont à la fois d'ordre technique - les i nventions dans la branche deviennent moins «révolutionnaires», ce qui freine à la fois les progrès de productivité et l' intensité des investissements -et d'ordre commercial - l'entrée sur le marché de nouveaux pro­ducteurs risqu e de créer une situation de surproduction - seront brutalement mis en rel ief après la première g uerre mondiale.

1 . 2 LA «MATURITÉ»

La première guerre mondiale a brutalement i nterrompu la remarquable expansion dont avaient bénéficié la plupart des économies européennes depuis la deuxième moitié d u 1 9e siècle. Non seu lement les pertes en vies humaines et en moyens de production dépassaient toutes les catastrophes que le monde avait connues auparavant, mais l'ensemble de l'économie mondiale était fondamentalement bouleversé.

Pendant la période de l'entre-deux-guerres ces bouleversements ont encore été aggravés par les désordres monétaires, la crise de 1 929, la général isation du chômage, le cloisonnement des économies nationales et la contraction d u commerce i nternational . Cette situation déboucha sur la deuxième guerre mondiale, u ne guerre «totale» de tous les points de vue et qu i laissa l 'Europe exsangue.

Aussi n'est- i l pas étonna nt que de nombreux économistes - notamment anglo-saxons - se soient préoccupés, à la fin des a nnées 30, du ralentisse­ment général de la croissance et de «l'épouvantai l>> de la stagnation. (cf. A. Hansen, A. Sweezy, B. H iggins) . Si leurs théories conçoivent la maturité et la stagnation avant tout comme une d isparité durable entre le taux de croissance potentiel (c'est-à-dire correspondant a u plein emploi des res­sources) et le taux de croissance réal isé, leur argumentation est essentielle­ment basée sur la «fatal ité» de la décélération du taux de croissance réel, par suite de l ' influence des trois facteurs suivants:

1 . le déclin de l'expansion démographique qu i entraînerait la sclérose des structures économiques et sociales et déprimerait le taux des i nvestissements productifs ou sociaux;

2. le progrès technique qui se ralentirait dans de nombreuses branches industrielles et le fait que le «deepening of capital» exigerait des investissements moins i mportants que le «widening of capital» du siècle précédent;

3. la fin de l'expansion territoriale des grandes nations industrialisées à la suite de l'achèvement de la colonisation intérieure et étrangère (<de temps du monde fini a commencé», P. Valéry) .

Si, actuellement, les théories sur la maturité et la stagnation ne figurent plus au centre des préoccupations des économistes par suite de la croissance soutenue que la plupart des économies développées ont connue depuis le début des années 50, cela n'infirme pas complètement les arguments des

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«stagnationnistes», du moins si on considère ceux-ci non pas comme indi­quant u ne fatalité permanente, mais comme un essai d'explication de l'évo­l ution économique de la période de l'entre-deux-guerres.

Il est évident que cette période de crises économiques, sociales et pol i ­tiques devait avoir des conséquences d'autant p lus graves pour le Luxem­bourg que l a prospérité de ce dernier se basait sur l'exportation quasi totale de sa production sidérurgique. C'est pourquoi, avant d'examiner les traits caractéristiques de la croissance économique l uxembourgeoise dura nt cette trentaine d'années difficiles ( 1 9 1 4- 1 945), i l faudra a nalyser la situa­tion et l'évol ution particu l ières de l' industrie sidérurgique mondiale.

1 . 21 Conditions générales de la sidérurgie

après la première guerre mondiale1

L'évolutio n de la sidérurgie européenne d'après-guerre se distingue sur deux points fondamentaux de la situation ayant préval u vers la fin d u 1 9e et au début d u 20e siècle:

J usqu'en 1 91 3 la production européenne de fonte avait augmenté en moyenne de plus de 3% par an, celle de l'acier de plus de 4%. Dura nt la période d'entre-deux-guerres cette progression se ralentit fortement, et ce n'est q u'en 1 929, 1 937 et 1 938 que le n iveau de production d'avant-g uerre a pu être dépassé de plus de 20%.

- Avant la première guerre mondiale les fl uctuations cycliques de la production étaient peu sensibles. Après cette g uerre, el les devinrent extrêmement fortes, notamment au cours de la grande crise où la production sidérurgique de certains pays fut réduite d'un tiers ou même de plus de la moitié par rapport à son n iveau antérieur.

Ainsi, après 1 91 8, la sidérurgie européenne montra de nombreux traits d'une i ndustrie «en dépression>>. Cette situation était d'ai l leurs le résultat de profonds changements i ntervenus dans les principaux éléments caracté­ristiques de cette industrie.

1 . 21 1 la demande

J usqu'à la première guerre mondiale, un des principaux éléments d'ex­pansion de la sidérurgie avait été le volume croissant des exportations en dehors de l'Europe. Or, c'est cette part de la demande qu i s'affaiblit le plus a près la guerre. Certes, la consommation mondiale de produ its sidérurgiques n'était pas stagnante. Elle augmentait même de 2.4% par an entre 1 91 2-1 3 et 1 936-37 et de 2.5% entre 1 91 2- 1 3 et 1 950. Cependant, cette expansion

1 cf. SVENN I LSON: Growth and stagnation in the European Economy, pages 11 9-140.

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de la consommation se concentrait dans ceux des pays q u i pouvaient dé­velopper l eur propre industrie sidérurgique, cela à l 'abri de fortes barrières douanières qui ne laissaient aucune chance à la concurrence des produc­teurs européens (p. ex. U RSS, Japon, Canada) .

D'autre part, le niveau de la consommation d'acier des pays d'outre-mer les moins industrialisés resta très faible. En effet, avant 1 91 4, l 'Europe avait été le principa l importateur de biens primaires provenant de ces pays. Or, la quasi -stagnation de la production et du revenu en Europe après la première guerre et le maintien du protectionnisme a ux États-Unis - malgré la position n ouvel le que ceux-ci occupaient dans l'économie mondiale - cau­saient de graves problèmes de débouchés à ces pays à u n moment où leur ca­pacité de production de biens primaires avait fortement augmenté à la faveur de la g uerre. Le déséqui l ibre du marché se traduisait par u ne sérieuse dé­préciation des termes de l'échange de ces pays, ce qui leur fit fondre leur pouvoir d'achat en biens d'investissements et les stimulait à ériger, pour autant que possible, leur propre sidérurgie.

La consommation d'acier en Europe même se ralentit, elle aussi, con­sidérablement, En effet, la demande d'acier dépend principa lement du taux d'investissement qui varie en corrélation étroite avec la croissance de l'en­semble de l'économie. Or, la rupture de la croissance européenne après la première g uerre mondiale entraînait un net ralentissement des investisse­ments et par conséquent de la demande de produits sidérurgiques.

1 0 21 2 La capacité de production

Contrairement à l'évolution de la demande, la capacité de production de l'i ndustrie sidérurgique se développa rapidement après la première g uerre mondiale.

Cela tenait d'abord aux prévisions trop optimistes des industriels qui croyaient dans un rétabl issement rapide de la situation de prospérité et de croissance d'avant-guerre.

D'autre part, les capacités de production détruites au cours de la guerre étaient remplacées par des installations nouvelles p lus productives. A cela i l faut ajouter que les changements des frontières a l lemandes (perte de la Lorraine, de la Si lésie, de la Sarre et séparation du Luxembourg de l'économie a l lemande) stim u laient l'établissement de nouvelles u n ités de production en Allemagne pour compenser la d iminution de la capacité de production résultant de ce changement territorial . Ce même mouvement d'extension des capacités de production était enfin stimulé par l' inflation et par la modifica­tion du rapport entre le coût du travail et celu i du capital, résultant du vaste programme de législation sociale qu i suivit l a g uerre.

1 0 21 3 le marché

Le résultat de cette évolution divergente de l'offre et de la demande était u n profond déséquilibre du marché. Le remède traditionnel pour résoudre u n tel problème devait consister, selon l'opin ion des dirigeants de l'époque,

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dans une concurrence accrue qui, d'un côté, stimulerait la demande par la baisse des prix et, de l'autre côté, é l iminerait les un ités marg inales non com­pétitives. Mais dans cette branche i ndustriel le où le capital investi est im­portant et l 'élasticité de la demande par rapport aux prix très faible, ce fut le système de concurrence qu i s'écrou la pour être remplacé par la cartellisation, le protectionnisme et le dumping. Ainsi fut fondé, en 1 926, le premier cartel i nternationa l de l'acier qu i regroupait les pri ncipaux producteurs continentaux et qu i fit p lace, en 1 932, à u n deuxième cartel plus vaste et plus structuré. D'autre part, l'écart entre les prix i ntérieurs et les prix à l'exportation de l'acier al lait en augmentant par la généralisation du dumping, ce qu i désavantageait gravement les petits pays qui n'avaient évidemment pas la possibi l ité de recourir à de tel les pratiques.

A côté de ces tmis éléments qu i concernent essentiel lement les consé­q uences de la première g uerre mondiale sur l'équ i l ibre du marché mondial de l'acier, i l faut encore relever deux aspects particul iers qui expl iquent, l 'un le ralentissement d u progrès technique dans l' i ndustrie sidérurgique, l'autre la régression relative des «vieux» producteurs européens dans la production mondiale.

1 . 21 4 l'évolution technologique

A la f in d u 1 9e siècle, l ' industrie sidérurgique avait été une i ndustrie «jeune» q u i venait de développer q uelques modifications techniques fon­damentales (procédés Bessemer, Thomas, Siemens- Martin) . Ces i nnova­tions ava ient produit une amélioration fulgurante de la productivité et de la qual ité des produ its, ce qui stimu lait l'expansion. D'autre part, le taux de croissance élevé de cette branche entraînait le fait q u'en u ne année q uel­conque, au moins la moitié de la capacité existante datait de moins de dix a ns et incorporait donc les derniers perfectionnements de la technique de l'époque. De cette façon l' industrie sidérurg ique était tenue constamment à u n n iveau de productivité élevé et croissant.

Après la guerre cette situation changea considérablement. Certes, les progrès technologiques étaient lo in d'être nég l igeables (augmentation des dimensions des hauts fourneaux, mécanisatio n des laminoirs, développe­ment de la gamme des aciers spéciaux, etc.) mais, dans l'ensemble, i ls étaient moins fondamentaux et donc moins urgents à être mis en pratique. Comme d'autre part la croissance de la demande était faible et les d ifficultés financières sérieuses au cours de la grande crise, beaucoup d'entreprises étaient portées à remettre à p lus tard ces innovations, d'autant p lus que les i nstal lations ont une durée de vie assez longue et que les prix i ntérieurs élevés - grâce à la cartel l isation - leur permettaient de contin uer la pro­duction à un niveau de productivité moins élevé.

1 . 21 5 la déconcentration g éographique

En 1 91 3, quelque 90% de la fonte et 85% de l'acier européens étaient produits dans les 5 pays su ivants: Angleterre, Allemagne- Luxembourg

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(«Zollverein»), France et Belgique. La local isation de la sidérurgie de cette époque était déterminée essentiel lement par le coOt élevé des transports, ce qui l ia it les usines sidérurgiques à la présence de g isements de houi l le ou de minerai de fer. Depuis la première g uerre mondiale, le coOt des transports a d iminué considérablement, notamment à la suite de d ifférentes i nventions dans le domaine de l'uti l isation de l'énergie. D'autre part, l 'enfournement de minerais r iches importés commença à se répandre en Allemagne (minerai suédois) . E n outre, la demande accrue d'aciers de haute qua l ité nécessitait un contact p lus étroit des producteurs avec les centres de consommation d'acier. Enfin q uelques grands pays comme l 'U.R.S.S., le Japon et le Canada commencèrent à developper systématiquement leur propre industrie sidé­rurgique derrière de fortes barrières douanières.

Ainsi apparaissaient les premiers signes d'un mouvement de décon­centration géographique et de dispersion en dehors des bassins miniers européens traditionnels. Ce n'est d'ai l leurs que grâce aux restrictions de la production fixées par le cartel i nternational de l'acier et à l'état déprimant d u marché q u e c e mouvement a pu être freiné passagèrement. Mais après l a deuxième guerre mondiale, les facteurs de d ispersion e n germe s e sont fait sentir plein ement et ont été accentués par la pénurie d'acier et par la volonté pol itique de beaucoup de pays de procéder à l'établ issement de leur propre industrie sidérurgique, ce qu i ne pouvait qu'accélérer le décl in relatif des «vieux» producteurs d'acier.

Cette brève analyse montre à quel point les conditions de l'évol ution favorable de la sidérurgie d'avant 1 91 3 se modifièrent a près la première guerre mond iale. En effet, après avoir été le principal moteur de la croissance rapide des économies européennes, cette industrie commença à montrer de nombreux «signes de maturité», notamment dans les bassins sidérur­giques traditionnels, dont le Luxembourg.

1 . 22 Evolution de l'économie luxembourgeoise1

Les bouleversements économiques esquissés précédemment que l'Europe a subis depuis le début de la première guerre mondiale, avaient des consé­quences d'autant plus graves pour le Luxembourg que le pays était à la fois forcé d'exporter les q uatre cinquièmes de sa production i ndustriel le et trop petit pour se défendre contre les pratiques croissantes de protectionn isme. A cela s'ajoute qu'en l'espace de 30 ans le pays était par deux fois soumis à l'exploitation de l'économie de guerre al lemande. Ces changements fon ­damentaux des cond itions économiques n e pouvaient pas manq uer de produire une rupture dans la croissance remarquable qu 'avait conn u le Luxembourg depuis la deuxième moitié du 1 9e siècle.

Avant d'analyser l'évolution des secteurs industriel et agricole, i l faut mettre en relief deux facteurs extra-économiques qui o nt eu des consé-

1 cf. articles de Paul WEBER et de Jérôme AN DERS dans «Écho de l'industrie» no 11/1 970.

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q uences i mportantes sur la croissance de l'économie l uxembourgeoise. Enfin i l faut examiner aussi le rôle grandissant que l'évo lution des termes de l'échange a joué dans la prospérité d u pays.

1 . 221 Changements extra-économiques

1 . 221 1 Réorientation internationale

la première g uerre mondiale entraîna pour le Luxembourg une révision doulou reuse - du point de vue économique - de son association a u «Zollverein», car à la suite de l a violation de la neutral ité d u pays par l'Al le­magne, le G ouvernement ne pouvait que dénoncer cette association.

La brève période d'isolement qui s'ensuivit montra à suffisance que l e pays n'était pas économiquement viable sans u ne union avec u n de ses voisins. N otamment l ' industrie sidérurgique était coupée par des barrières douanières et administratives à la fois de ses sources d'approvisionnement (minerai l orrain et coke a l lemand) et d'un de ses principaux débouchés (Allemagn e, Lorraine) . L'opinion publ ique, tout comme les d eux principaux secteurs économiques, à savoir l a sidérurgie et l'agriculture, préféraient une association avec la France; mais le refus de celle-ci ne laissa p lus que l'association avec la Belgique, avec laquel le fut signée la convention U . E. B . L. (25 ju i l let 1 921 ). Dorénavant les conditions de développement de l ' industrie l uxembou rgeoise étaient nettement moins favorables que lors de la participation du Luxembourg au «Zol lverein>>, car

le marché belge, beaucoup plus l imité que le marché a l lemand, n'offrait pas les mêmes possibil ités d'absorption que ce dernier;

l es usines l uxembourgeoises étaient défavorisées par rapport aux usines belges, situées à p lus grande proximité de la mer;

la sidérurgie dépendait presque entièrement de «l'étranger» pour ses approvisionnements et ses débouchés, a lors q u'à l'époque d u «Zol l ­verein» et de l ' incorporation de J'Alsace- Lorraine à l'empire a l lemand le G rand-Duché se trouvait au centre d'une union économique très large.

Enfin la Belgique était un partenaire moins intéressant du point de vue de l'effet d'entraînement q u'el le pouvait exercer sur la croissance économique l uxembourgeoise, étant donné que son propre taux de croissance était nettement p lus faible que celu i de l'Allemagne.

Dans l'ensemble cette réorientation, dont les motifs ont été d'ordre pol itique, a entraîné une contractio n de l'espace économique accessible aux producteurs l uxembourgeois sans paiement de droits de douane.

1 . 221 2 Ralentissement du développement démographique

La première guerre mondiale et l es a nnées d'insécurité suivant la crise de 1 929 brisèrent aussi le dynamisme démographique du pays. Certes, «la

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prospérité d'après-guerre, accompagnée à la fois par la reprise d u taux de natalité, u ne baisse marquée d u taux de mortalité et u n appel à la main­d'œuvre étrangère, donne l ieu à la croissance démographique record de l 'histoire luxembourgeoise: 1 .7% en moyenne annuelle entre les recensements de 1 922 et de 1 930. Mais ce boom est suivi par une longue période de stagnation due à la grande crise d'abord, à la guerre ensuite. Le chômage se répand, le taux de natal ité tombe brusquement, la main-d'œuvre étrangère reflue vers ses pays d'origine et pour la première fois la population luxem­bourgeoise diminue en valeur absolue. En 1 947 le G rand- Duché compte 3% d'habitants de moins qu'en 1 930.» 1

Tableau n° 6 Nombre de naissances et taux de natalité de 1 901 à 1 940

(moyenne annuelle}

Source: Annuaire du STATEC (1 960)

Période \ 1 Naissances Taux de natalité

1 901 -1 905 . . . . . . . . . . . . . . 7 421 29.9 "/oo 1 906- 1 9 1 0 . . . . . . . · · · · · · . 7 445

1 91 1 -1 9 1 5 . . . . . . . . . . . . . . 6 734 22.0"/ao 1 91 6-1 920 . . . . . . . . . . . . . . 4 829

1 921 -1 925 . . . . . . . . . . . . . . 5 409 21 .3 "/oo 1 926-1 930 . . . . . . . . . . . . . . 6 401

1 931 -1 935 . . . . . . . . . . . . . . 5 073 1 5.7 "/oo 1 936-1 940 . . . . . . . . . . . . . . 4 397

Le taux de natal ité, qui atteignit encore 25°100 environ en 1 91 4, tomba à 21 °/00 au cours des années 20, puis descendit rapidement jusqu'au chiffre extrêmement bas de 1 3.5°/00 en 1 940. La lente reprise des naissances au cours de la période 1 926- 1 930 et la chute au cours de la décennie su ivante montrent que les motifs économiques ont joué un rôle prédomi nant dans cette évolution . En effet, en plus de l'évo lution des idées morales i ntervenue depuis le début du 20e siècle, les i ncertitudes de l'époque i nvitaient les gens à assurer la sauvegarde d'u ne situation de toute façon très précaire par la l imitation de la progéniture, ce qu i ne pouvait pas manquer de produire, à moyen terme, des conséquences sur le plan économique.

1 ALS G., La population luxembourgeoise. Luxemburger Wort. Tribune libre. Nov. 1 970.

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1 . 222�Evolution des secteurs industriel et agricole

après la première g uerre mondiale

1 . 2221 Le secteur industriel

Depuis la première guerre mondiale, la prédominance de la sidérurgie dans la structure i nd ustriel le du pays, qui s'était progressivement développée au cours du dernier tiers du 1 9e siècle, s'est encore accentuée. Ai nsi la part des ouvriers industriels occu pés dans l ' industrie sidérurgique et les mines de fer dans l'ensemble de la main-d'œuvre industriel le monta de quelque 60% en 1 91 3 à 69% en 1 91 9. En outre, au cours de la même guerre se fit la substitution de la main-d'œuvre l uxembourgeoise à la main-d'œuvre étran­gère qu i avait encore représenté environ 60% de l 'effectif total de la sidérur­gie en 1 91 3. Depuis lors la part des étrangers dans le personnel ouvrier de l' industrie sidérurgique et minière est tombée progressivement jusqu'à 1 6% en 1 948. Par contre, l e nombre abso lu des Luxembourgeois occupés dans cette branche a eu tendance à s'accroître lentement, si l'on fait abstraction du gonflement passager de l 'effectif entre 1 925 et 1 929. Ce mouvement aspirateur de la sidérurgie sur le marché du travail des Luxembourgeois ne pouvait pas manquer de créer des d ifficultés de recrutement aux autres branches industrielles qu i ont d û prendre recours de façon croissante à la main-d'œuvre étrangère. Plus que jamais le bien- être des Luxembourgeois se l iait donc à l'évol ution de l ' industrie sidérurgique.

A. Evolution de la sidérurgie

1 . M utations dans les structures de la sidérurgie l uxembourgeoise

Si les changements i ntervenus sur le marché i nternational de l'acier après 1 91 8 a l laient conditionner décisivement l'évo lution de la production sidérurgique l uxembourgeoise de l'entre-deux-guerres, cette industrie vécut en outre à la f in de la première guerre mondiale une double mutation dans ses propres structures:

a) Substitution des capitaux français et belges aux capitaux allemands

En raison de la situation pol itique à la fin de la première guerre mondiale, les entreprises industriel les a l lemandes se virent obl igées de l iquider leur propriété à l'étranger. Ainsi les usines de la «Gelsenkirchener» ( «Rothe Erde» et «Adolf- Emi i - Hütte» à Esch) furent reprises en 1 91 9 par la «Société Minière des Terres Rouges», société créée par ARB ED et quelques entre­prises françaises, dont notamment Schneider- Creusot; en 1 937 la société ARBED absorba la société «Terres Rouges». De leur côté les mines de la «Deutsch- Luxemburgische» ( Differdange, St. Ingbert, R umelange) passè­rent en 1 920 à la société HAD I R, constituée de capitaux français et belges. Enfin, l 'usine de Steinfort, ayant appartenu auparavant à la société a l lemande «Felten et G ui l laume», passa successivement sous contrôle français (1 91 9) et belge ( 1 921 ) . avant d'être fermée en 1 931 .

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Cette nouvelle structure juridique et financière de la sidérurgie luxem­bourgeoise ne changera plus guère j usqu'à l'absorption de HAD I R par ARBED en 1 966.

b) Réorientation de la production et des ventes

Jusqu'à la première guerre mondiale, la sidérurgie luxembourgeoise avait trouvé ses principaux débouchés auprès des entreprises de transformation a l lemandes, dans lesquelles elle était i ntégrée du point de vue technique et financier, ce qui expl ique la part élevée de la fonte brute et des demi­produits dans la structure des exportations grand-ducales de l 'époque. En raison de la désagrégation de cette concentration (substitution des capitaux français et belges aux capitaux al lemands, dénonciation de l'adhésion l uxembourgeoise au «Zollverein»), la sidérurgie l uxembourgeoise fut obl igée d'opérer u ne réorientation fondamentale dans son programme de fabrication et de se trouver de nouveaux débouchés, ce qui impliqua les changements structurels suivants:

01: Mutations dans le programme de fabrication

Au cours des années 1 920, les capacités des aciéries et des laminoirs furent rapidement élargies par rapport à cel les des hauts fourneaux, de sorte que pour la période de 1 91 3 à 1 929 on constate un accroissement de la production de 90% pour l'acier brut et de 91 % pour les laminés, contre 1 4% seulement pour la fonte. En même temps la gamme des produits finis fut diversifiée et la part des demi-produits compri mée pour mieux répondre à la structure de la demande du marché mondial . «D iese Umwandlung der Betriebe d urch Ânderung des Produktionsprogrammes, verbunden mit entsprechenden Neuinstal lationen innerhalb der bestehenden Werke, be­deutete nicht weniger ais den Übergang von einer Zul ieferindustrie, d ie von einem weitgehend unternehmungsinternen Markt abhiingig war, zu einer autonomen Stahl industrie mit H i nwendu ng zum Weltmarkt»1

� Constitution d'un réseau de vente mondial

La conquête de nouveaux débouchés exigeait aussi - à côté de la modification d u programme de fabrication - l'établ issement d'un réseau de vente à l'échel le européenne et même mondiale. A cet effet la société ARBED créa en 1 920 la f i l iale «Columeta», a lors que les produ its d e la société HAD I R étaient écoulés par le biais de la société française «DAVU M EXPO RTAT I O NS» à partir de 1 923. G râce à ces réseaux de vente bien organisés, la sidérurgie luxembourgeoise réussit à conquérir de nombreux nouveaux marchés en Europe, en Amérique du Sud, aux États-U nis, au Japon, en Chine, aux I ndes, etc. Jusqu'à la vei l le de la deuxième g uerre mondiale la sidérurgie belgo-luxembourgeoise était le premier exportateur mondial d'acier qui couvrait à l u i seul un tiers environ du marché mondial . Une des principales forces de la sidérurgie à l 'heure actuelle réside encore dans la longue expérience de ses comptoirs de vente dans le monde entier, expérience qu i date donc de la période de l'entre-deux-guerres.

1 Heinz QUASTEN, op. cit., page 242.

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� Prises de participations «en amont» et «en aval»

Depuis la fin de la première guerre mondiale, la société ARBED a pour­suivi une politique active de prises de participations dans d'autres sociétés. Cel les-ci ne concernaient pas seu lement les houi l lères a l lemandes, néer­landa ises et belges, a insi que les mines de fer lorraines, mais surtout le secteur de la transformation des métaux, et notamment les sociétés «Felten ­et G ui l laume» (1 91 9) et «Clouterie et Tréfi lerie des Flandres» (1 921 ), ce qui avait pour objectif d'assurer à la société ARBED un approvisionnement rég u l ier en matières premières et une certaine stabil ité dans ses débouchés. Cette importance des prises de participation dans les secteurs «en amont» et «en aval» a traduit dans l ' immédiat la nouvel le autonomie (relative) de la sidérurgie l uxembourgeoise et a été par a i l leurs d'un i ntérêt capital, quelques décennies plus tard, au moment de la création de la C.E.C.A. qui a instauré un marché européen u n ifié pour le charbon et l'acier.

Dans l'ensemble, la configuration de la métal l urgie actuel le - c. à d . ses structures juridiques et financières, son orientation vers le marché mondial a insi que son autonomie relativement grande en raison de ses nombreuses participations «en amont» et «en aval» - est résultée en large mesure des mutations que cel le-ci a vécues à la fin de la première g uerre mondiale, de sorte que, du point de vue structurel, cel le-ci constitue une césure beaucoup plus nette dans l'évolution sécu laire que le second conflit mondial . Nous verrons dans la suite qu'i l en a été aussi de même de l'évolution à long terme de la production sidérurgique.

2. Evoluti on de la production sidérurgique

N ous avions constaté précédemment que durant la période de 1 868 à 1 91 3 la production de fonte luxembourgeoise connut une expansion re­marquable d'environ 7.6% par an. Pour l'ensemble de la période de 1 91 3 à 1 950 le taux d'accroissement de cette production a été négatif (-0.05% par an) .

L'évolution de la production des aciéries et des laminoirs s'est faite paral lèlement, mais avec des rythmes de croissance u n peu plus élevés, nota mment durant la première de ces périodes. Ainsi la première g uerre mondiale a marqué u ne rupture fondamentale dans le secteur stratégique par excel lence de l'économie luxembourgeoise, comme le montre le graphique suiva nt.

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E n 1 91 3, la production de fonte avait atteint 2 548 000 tonnes, cel le d'acier et de lami nés et demi-produits respectivement 1 425 000 et 1 1 1 5 000 tonnes. Durant les premières années d'après-guerre la production sidérur­gique tombe à un niveau extrêmement bas. Après 1 924 i l y eut cependant u ne nouvel le expansion rapide - notamment de l'acier et des laminés -qui aboutit à la production record de 1 929, laquel le ne devait plus être dé­passée qu'en 1 951 . Au cours de la grande crise du début des années 30, la sidérurgie l uxembourgeoise a mieux résisté - malgré la nécessité pour el le d'exporter la q uasi -totalité de sa production sur un marché i nternationa l en désagrégation - que la p lupart des industries concurrentes des pays voisins, étant donné que la contraction de la production d'acier de 1 929 à 1 932 n'a été que de 28% au Luxembourg contre 32% en Belgique, 42% en France, 64% en Allemagne et 76% aux États- Un is1 • Durant le reste des années 30, le niveau de la production resta inférieur à celu i de 1 932, à l'exception du bref sursaut de l 'année 1 937. Après la deuxième guerre mondiale la production reprit plus rapidement qu'après la première et ainsi en 1 951 , à la faveur du boom coréen, le niveau de productio n record de 1 929 a de nou­veau pu êtr.e atteint et même dépassé.

L'effectif de l ' industrie sidérurgique a été, lu i aussi, en augmentation jusqu'en 1 929, pour diminuer de deux cinquièmes environ au cours de la grande crise (-39.3% dans la sidérurgie contre -34.8% dans l'ensemble des industries, durant la période 1 929-1 933 ceci au moyen de <d'él imina­tion de plus de la moitié des trava i l leurs étrangers) . Enfin les fortes fluctua­tions conjoncturelles ont réduit le degré d'util isation de la capacité de pro­duction à un niveau i nconnu au 1 9e siècle.

Dans l'ensemble, si, au cours de la deuxième moitié du 1 9e siècle, la progression de la production sidérurgique 1 uxem bourgeoise avait été plus rapide que cel le des pays voisins a insi que cel le de la production mondiale, la situation se renversa après la première guerre mondiale, comme le montre le tableau no 9.

Les raisons de cette régression relative de la production 1 uxembourgeoise sont à chercher dans les bouleversements des conditions économiques de cette industrie sur le p lan européen et mondial , que nous avons évoqués précédemment: Ralentissement de la consommation d'acier, extension des capacités de production, déséqui l ibre du marché et cartel l isation, ralentisse­ment du progrès technologique et déconcentration géographique aux dé­pens des bassins sidérurgiques traditionnels de l 'Europe. Si l 'on y ajoute la nécessité d'une réorientation i nternationale fondamentale du pays qui a sé­paré la sidérurgie de ses sources d'approvisionnement et de ses principaux débouchés, au début des a nnées 20, et le recours des grands pays au pro­tectionnisme à outrance et au dumping, au cours des a nnées 30, on voit que les conditions étaient extrêmement défavorables a u développement de la sidérurgie l uxembourgeoise. D'a i l leurs, durant les a nnées 1 924 à 1 929 la part des ouvriers sidérurgiques dans l 'effectif ouvrier de l'ensemble des

1 cf. J . F. POOS: Le Luxembourg dans le Marché Commun, p. 51 .

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industries avait atteint 67%, lequel n iveau n'aurait pas pu être dépassé durablement sans étrangler lentement les autres activités industrielles du pays.

Tableau no 9

Productions sidérurgiques luxembourgeoise et mondiale (1 91 3-1 955)

Source: Bulletin économique mars 1 957 Production de fonte Pourcentages Taux annuels moyens

Région et de ferro-alliages en mio t d'accroissement

1 91 3 l 1 937-38 1 1 955 1 955/1 913 \1 955/37-38 1955/1913 1 1 955/37-38 Luxembourg 2.5 2.1 3.0 + 20 + 43 +0.4 +2.1 Monde 79.0 92.9 1 88.0 +138 +102 +2.1 +4.2

Production d'acier brut Pourcentages Taux annuels moyens d'accroissement

1 91 3 1 1 937-38 1 1 955 1 955/1 91 3 11 955/37-38 1 1 955/1 91 3 1 1 955/37-38 Luxembourg 1 .4 2.0 3.2 +129 + 60 +2.0 +2.8 Monde 76.3 123.4 269.3 +254 + 1 1 8 +3.1 +4.7

Si la sidérurgie l uxembourgeoise - tout en renonçant à sa pol itique d'expansion pour se concentrer sur l 'élargissement de la gamme de ses produits, l'accroissement de la productivité et de la compétitivité - a pu défendre sa position malgré les vicissitudes les p lus graves de l'époque qui la touchaient particul ièrement, ce n'est pas en dernier l ieu en raison du rôle éminent que ses dirigeants, et notamment M. Emile MAYRISCH, ont joué dans les ententes i nternationales de l'acier. Ce rôle de premier plan des maîtres de forge l uxembourgeois dans le concert i nternational des industriels symbolise sans doute l'apogée de la puissance industriel le du Luxembourg qu i était réel le à u n e époque où la sidérurgie était l ' industrie par excel lence et où le Luxembourg rangeait parmi les principaux exportateurs d'acier du monde.

B. Evolution des autres industries luxembourgeoises

A côté de l' industrie sidérurgique, la structure économique a toujours comporté u n certai n nombre d'entreprises petites et moyennes qui jouent un rôl e vital dans l 'équi l ibre économique du pays.

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La branche la plus importante, à l'époque exammee, éta it l ' industrie du cuir qu i atteig nait une capacité de production assez proche de cel le de la Belgique et écou lait ses produ its dans le monde entier. Mais la perte d u marché al lemand et l a guerre des tarifs et des contingentements depuis 1 931 portèrent un coup très d u r à cette activité; a insi s'amorça une régres­sion conti nue qu i al la aboutir à la d isparition complète de cette industrie en 1 960.

La ganterie, qu i avait employé j usqu'à 3 000 personnes au 1 9e siècle ne se releva pas des effets désastreux provoqués par la perte des débouchés étrangers d u ra nt la g uerre de 1 91 4 à 1 91 8 et les tarifs prohibitifs des États­U nis et de l'Angleterre au cours des années 30 la ruinèrent complètement.

D'autres branches industriel les réussirent à s'adapter avec plus ou moins de succès à la réorientation économique de 1 922 ( U . E.B .L.) pour péricl iter ensuite sous les effets de la grande crise, comme par exemple la papeterie, l'industrie textile, l'industrie du bois, etc.

Par contre les industries alimentaires, les brasseries et la construction -y compris les branches a nnexes comme l'extraction de matériaux de con ­structio n et l ' industrie des produits minéraux n o n méta l l iques - s e déve­loppèrent favorablement au cours de l'entre-deux-guerres.

Quant aux industries de la transformation des métaux, el les souffraient de la perte du marché lorra in et de la fermeture progressive des autres marchés étrangers et devaient s'en remettre essentiellement aux besoi ns stagnants de la sidérurgie luxembourgeoise.

Il faut relever, enfin, la création durant cette même période de certaines entreprises nouvelles qui i ntroduisirent les conserves de viande, le vin mousseux, les couleurs et vernis, le goudron, les filements de tungstène, etc. dans la gamme des produits luxembourgeois.

Dans l'ensemble, presque toutes ces i ndustries, bien que de dimensions relativement l imitées, devaient exporter u ne part souvent considérable de leur productio n pour pal l ier à l'étroitesse d u marché i ntérieur. La pol itique protection niste et la course aux contigentements qui accompagnèrent la grande crise, les mirent dans u ne situation diffici le et montrèrent clairement les faiblesses d'un petit pays en temps de crise. Ainsi, durant cette période d'entre-deux-guerres, la moyenne industrie l uxembourgeoise a subi une sérieuse épreuve de sélection où seules les entreprises particu l ièrement pro­ductives et suffisamment spécial isées purent survivre. A leur côté subsistait un certai n nombre de petites entreprises travai l lant uniquement pour le marché local, qu i bénéficiaient d 'abord de l ' importante augmentation des revenus au cours des années 20 pour vivoter ensuite au rythme de la dé­pression des a nnées 30.

La résultante de toutes ces évolutions divergentes des différentes bran­ches industrie l les ne fut évidemment qu'un très faible taux de croissance, fréquemment entrecoupé par des régressions sensibles de la production. Si l'on y ajoute le ralentissement de la progression de la sidérurgie, on ne

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peut s'étonner de constater que le Luxembourg a été, avec la Belgique et la France, un des pays européens où la croissance de la production in­d ustrielle a été la p lus faib le durant la période de 1 91 3 à 1 955, comme le montre le tableau no 1 0 (dont les chiffres ne sont toutefois que des ordres de grandeur, vu les lacunes statistiques de l'époque) .

Tableau no 1 0

Evolution comparée d e l a production industrielle (1 91 3-1 955)

Source: O.E.C.E. Statistiques industrielles 1 900-55 (cité par Bull . écon., Mars 1 957) Pays I l 1 913 1 1 937-38 1 1 955 1 1 955/1 91 3 1 1 955/37-38 1 1 955/1 91 3 1 1 955/37-38

1 937-38=100 Pourcentages Taux annuels moyens d'accroissement

Allemagne . . . . 68 100 1 74 +156 + 74 +2.3 +3.3 Belgique . . . . . . 79 100 145 + 84 + 45 +1 .5 +2.2 France . . . . . . . 86 1 00 1 53 + 78 + 53 +1 .4 +2.5 Italie . . . . . . . . . 57 100 1 94 +240 + 94 +3.0 +4.0 Luxembourg . . . 79 100 147 + 86 + 47 +1 .5 +2.3 Pays-Bas . . . . . . 1 00 202 +102 +4.2 Royaume-Uni . . 66 100 173 +162 + 73 +2.3 +3.3 Suède . . . . . . . . 44 100 1 90 +332 + 90 +3.5 +3.8 États-Unis . . . . 61 100 250 +310 +150 +3.4 +5.5 O.E.C.E . . . . . . . . 68 100 1 72 +153 + 72 +2.2 +3.2

1 . 2222 Le secteur agricole

A la q uasi-stagnation du secteur industriel, au cours de l'entre-deux­g uerres, s'est ajouté celle de l'agricu lture qui ne suivait que diffici lement les progrès réalisés dans la p lupart des autres pays européens, sans parler d u retard qu'elle accum u lait - e n c e q u i concerne p . ex. l a productivité par personne active - par rapport aux autres secteurs de l 'économie.

Ainsi la comparaison des rendements moyens par ha (en 1 928-29) montre que si les rendements l uxembourgeois dépassaient légèrement ceux de la France, i ls restaient nettement i nférieurs à ceux des autres pays voisins, et notamment à ceux de la province du Luxembourg belge, où les conditions naturelles sont cependant assez comparables à celles du Luxembourg. 1 Pourtant l'emploi des engrais chimiques et l'amélioration des méthodes agricoles avaient permis de pal l ier au manque de fertil ité naturelle du sol qu i était traditionnel lement i nvoqué comme le principa l hand icap de l'agricu l ­ture luxembourgeoise. Une des raisons majeures de ce retard était à re­chercher dans l'esprit de routine des agriculteurs, ainsi que dans leur i nd i -

1 cf. Paul WEBER, op. cit., p . 260.

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vidualisme et leur attachement excessif à la terre qu i étaient favorisés par u ne politique protection niste du Gouvernement, mais qui devaient conduire a u désintérêt à l'égard du progrès technique et au sous-emploi de la popu­lation active agricole.

L'association économique du Luxembourg à la Belgique - à laquel le le monde rural s'était d'ai l leurs vivement opposé - aurait pu produire un effet stimulateur sur l'agriculture l uxembourgeoise si la crise de 1 929 et la chute spectaculaire des prix agricoles n'avaient pas compromis complète­ment la positiom concurrentiel le de cel le-ci . Le Gouvernement luxembour­geois recourut donc à des mesures protectionnistes, d'abord par la loi de la mouture obligatoire ( 1 930) qui obl igeait les meuniers à incorporer une cer­tain!'l proportion de blés i ndigènes dans la farine, ensu ite, en 1 932, par le contingentement des i mportations et enfin, en 1 935, par la révision du traité de I'U .E .B .L. qui, e n fait, retira l'agriculture l uxembourgeoise de l'union économique.

1 . 223 Evolution des termes de l'échange

Si l'ana lyse précédente rend compte essentiellement de l'évolution du volume de la production, encore faut- i l relever l'avantage dont a bénéficié le Luxembourg à la suite de l'évolution favorable de ses termes de l'échange.

En effet le revenu national d'un pays à économie ouverte ne dépend pas seulement de la quantité de biens et de services produits, mais également de ses termes de l'échange nets, c'est-à-dire du rapport entre ses prix à l'exportation et ses prix à l ' importation. L'incidence de ces termes de l'é­change est évidemment directement proportionnel le à l' importance du commerce extérieur par rapport au P .N . B., qui dépasse les 80% au Luxem­bourg.

Malheureusement i l n'y a pas de statistiques sur l'évolution des termes de l'échange du Luxembourg, étant donné que celu i -ci forme depuis 1 922 u ne u nion économique avec la Belgique. Nous sommes donc obl igés d'aborder le problème de façon i ndirecte et approximative en analysant d'abord l'évolution des prix relatifs «acier/prix de gros industriels», pu is les termes de l'échange de I 'U.E. B . L.; la combi naison de ces deux éléments permettra d'apprécier grossièrement l'i ncidence de l'échange luxembourgeoise et d'expl iquer en partie le n iveau de vie élevé de la population malgré un taux de croissance relativement faible de l'économie grand-ducale.

1 . 2231 Evolution des prix relatifs «aciers finis/prix de gros industriels»

Citons à ce sujet l'étude sur les mouvements séculaires des prix relatifs belges faite par Reuss, Koutny et Tychon 1 • Les chiffres de ces auteurs sont en même temps assez représentatifs pour le Luxembourg, étant donné,

1 R EU SS, KOUTNY et TYCHON: Le progrès économique en sidérurgie. Belgique, Luxembourg, Pays- Bas. 1 830-1 955. Pages 249 et ss.

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d'un côté, la comparabi lité de la tail le des deux industries sidérurgiques et l 'obl igation pour chacune d'el les d 'exporter p lus de la moitié de leur produc­tion sur le marché mondial et, de l'autre côté, la part é levée des produits industriels belges dans les importations l uxembourgeoises.

En prenant l 'année 1 91 3 comme base de référence, cette étude montre que si l e prix (relatif) de l'acier s'est dégradé au début des années 1 920, par contre depuis les années 30 l'évolution a été constamment en faveur des prix de l'acier et le rapport «aciers fi nis/prix de gros» a atteint 200 en 1 952. Cette évol ution s'explique essentiel lement par les deux facteurs sui­vants:

1 . Le progrès technique, tel qu' i l se traduit dans la baisse des prix, a été moins spectaculaire dans la sidérurgie que dans les industries manu­facturières nouvelles (mécanique, chimie, matériel électrique, etc.)

2. Les cartels internationaux de 1 926 et surtout de 1 932 ont enrayé dans certaines régions la chute des prix de l'acier par u ne organisa­tion du marché assez efficace.

1 . 2232 Evolution des termes de l'échange de I 'UEBL

A défaut d' indices officiels pour l'ensemble de la période, nous nous référons à une étude du professeur Charles P. Kindleberger1 sur ce sujet.

Tableau no 1 1

Evolution des termes de l'échange (marchandises) dans différents pays européens (1 91 3-1 952)

Source: Ch. P. Kindleberger

Royaume-Année

Uni

1 925 1 1 9 1 928 1 1 8 1 931 143 1 934 1 42 1937 131 1 947 1 23 1 949 1 24 1 951 1 01 1 952 1 08

Alle-magne

97 1 06 130 145 1 24 . . . 132 98 1 1 1

France Italie Pays-Bas U.E.B .L.

1 1 0 86 1 04 1 00 96 98 1 02 97 1 1 2 95 1 1 0 1 28 1 1 5 91 1 1 9 1 27 98 66 1 03 1 24 1 1 5 . . . 1 1 1 1 60 96 74 1 03 145 80 69 92 138 89 70 94 1 52

1 Charles P. KI N DLEBERGER. The Terms of Trade, p. 1 3.

Suède

1 22 1 27 1 24 1 20 1 26 139 1 36 1 57 1 49

1 00 en 1 91 3 Europe

Suisse industria-li sée

109 106 1 04 1 06 1 1 5 1 24 1 1 5 1 29 1 20 1 1 5 132 1 23 1 34 1 1 5 1 29 98 132 1 05

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Des recherches de cet auteur (cf. tableau no 1 1 ) il ressort que J'U.E.B.L. a occupé, avec la S uède et l a S uisse, une position privilégiée dans le com­merce i nternational en ce qui concerne J'évolution des termes de J'échange ( marchandises) depuis 1 91 3. Cette dernière était avantageuse pour la structure des exportations de ces pays, de sorte q u'i ls pouvaient importer une quantité croissante de biens sans devoir accroître dans la même mesure la quantité de leurs exportations.

De la combinaison des deux évolutions de prix relatifs («aciers finis/prix de gros industriels» et termes de l'échange de I 'U .E. B . L.) on peut donc con­clure que les gains résultant pour le pays de l'amélioration des termes de l'échange ont contribué probablement autant à l'accroissement de la pros­périté que la croissance de la production industrielle (en effet, l ' indice des termes de l'échange de I 'U .E .B .L. a augmenté, en moyenne, de 1 .6% par an, contre + 1 .5% pour l' i ndice de la production industriel le; par le fait que les trois q uarts seulement de la production industriel le sont exportés, l'effet de l'échange au rait donc été inférieur aux 1 .6% précités; toutefois i l nous semble que cette d iminution a dû être largement compensée par l'évo lution favo­rable des prix relatifs aciers fin is/prix de gros industriels, et par conséquent des termes de l'échange spécifiques d u Luxembourg ) .

I l s'agit là d'un hasard heureux qu i expl ique en grande partie comment le Luxembourg a pu atteindre au cours de la période d'entre-deux-guerres et immédiatement après la deuxième guerre mondiale, une prospérité plus grande que cel le des pays voisins, malgré un taux de croissance des plus faible.

Conclusions

Les conditions économiques fondamentales de la période de 1 91 8 à 1 950 contrastent donc nettement avec celles de la période de décollage de la deuxième moitié du 1 9e siècle et du début d u 20e siècle. En effet, d' im­portants facteurs de freinage se sont fait sentir dans les domaines les plus divers de l'économie l uxembourgeoise depuis les a nnées 1 920:

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les dégâts h umains et matériels de deux guerres mondiales (qu i se sont dérou lées en partie sur le territoire l uxembourgeois) avec tous les phénomènes de désorganisation économique i nternationale dont el les étaient accompagnées et qu i étaient particul ièrement douloureux pour les petits pays condamnés au commerce extérieur;

l'association économique d u Luxembourg à u n partenaire beaucoup plus petit que l'ancien «Zol lverein>> - ce qu i entraînait donc une im­portante contraction de l'espace économique accessible l ibrement aux industriels l uxembourgeois - et par a i l leu rs nettement moins dynamique;

le ralentissement considérable de l'essor démographique qu i devait se traduire lentement par le vieil l issement des structures de la popu la­tion;

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le déséqui l ibre d u marché i nternational de l 'acier q u i força les sidé­rurg istes l uxembourgeois à abandonner leur politique d'expansion pour se concentrer sur l'amél ioration de la productivité;

le dépérissement de nombreuses industries moyennes et l'absence de progrès notable dans l'agriculture qu i était retirée progressivement de l 'un ion économique.

Penda nt cette période diffici le le principal facteu r favorable à l'accroisse­ment du revenu national a donc été l'évol ution des termes de l'échange qu i a permis a u pays d'augmenter considérablement le niveau de vie de ses habi­tants sans un accroissement correspondant d u volume de ses exportations.

Dans l'ensemble, la première g uerre mondiale apparaît donc comme u n point d'inflexion entre la période d u décollage «exponentiel» et cel le de la maturité de l'économie, de sorte que les «stagnationnistes» de l'époque auraient trouvé dans le cas du Luxembourg un excel lent exemple à l'appui de leurs thèses, notamment en ce qui concerne la rupture d u dynamisme démographiqu e, le ralentissement du progrès technique et la contraction de l'espace économique.

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�0 LA CROISSANCE ÉCONOM IQUE DU LUXEMBOURG DEPU IS LE DÉBUT DES ANNÉES 1950 1

Après avoir analysé dans le chapitre précédent les conditions spécifiques de la croissance séculaire de l'économie l uxembourgeoise, nous pouvons nous concentrer sur l'étude de l'évol ution de l'économie depuis le début des années 50. Remarquons d'emblée que par rapport aux années de l'entre­deux-guerres cette période constitue une nouvel le phase d'expansion dans l'h istoire économique sécu laire du G rand- Duché.

Dans les pages suivantes nous essayerons de prendre d'abord la mesure exacte de la croissance économique avant de passer à un examen des pri nci­paux facteurs explicatifs de cel le-ci .

2 . 1 CROISSANCE D U P . I .B . D EPUIS 1 953

Si la croissance comporte à la fois des phénomènes d'accroissement et de transformation, la mesure de la croissance économique d'un pays donné se l im ite cependant à l'accroissement de certaines quantités g lobales, évaluées normalement à prix constants. L'indicateur retenu dans la présente étude est le P . I .B . au coût des facteurs.

Les chiffres à prix constants calcu lés par le STATEC ne remontent qu'à l'année 1 958 et gardent le caractère de chiffres provisoires ou officieux. Les chiffres de la période de 1 953 à 1 958 ont été calculés à partir de certai nes données de base du STATEC, mais n'engagent pas la responsabi l ité de ce service.

Parmi les 3 optiques de calcul possibles du P . I .B . (production, revenu, dépense), l 'optique production paraît la plus sûre au Luxembourg - con­trairement à la situation dans la p lupart des autres pays - étant donné les lacunes dans l 'estimation de l'évo l ution des prix indispensable pour l e calcul selon les deux autres optiques.

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En ce qui concerne les 3 techniqu es de calcul à prix constants, c'est-à-d ire

la méthode de la double conversion (ou correction) de «l'i nput» et de «l'output» par la variation des prix,

la méthode de l 'extrapolation de la valeur ajoutée à l 'aide d'indices du volume de la production,

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et la méthode de la déflation de la valeur ajoutée coura nte par des indices représentatifs de l'évolution des prix des produ its de la branche,

les calculs sous-jacents aux résultats avancés ici sont basés à tour de rôle sur l 'une ou l'autre de ces techniques. Ainsi, pour les années les p lus récentes, l'apport de l'agriculture a pu être évalué d'après la technique de la double conversion. L'évolution de l' industrie a été estimée à l'aide d'un i ndice de la production revisé. Enfin, le secteur tertiaire a été évalué, soit d'après des séries en volume (p. ex. transports), soit par la déflation des chiffres à prix courants.

Tableau no 1 2

Evolution en valeur et en volume du P.I . B. (1 953-1 970)

Source: Comptes nationaux et estimations du STATEC

Année P I .B . en valeur en mio F

Taux de variation annuelle

en valeur en volume

1 953 . . . . 1 954 . . . . 1 955 1956 . . . . 1 957 . . . . 1 958 . . . . 1 959 1 960 . . . . 1 961 . . . . 1 962 . . . . 1 963 . . . . 1 964 . . . . 1 965 . . . . 1 966 . . . . 1 967 . . . . 1 968 . . . . 1 969 . . . . 1 970 . . . .

1 5 542 1 6 1 50 1 7 810 1 9 288 20 886 20 663 21 447 23 1 85 23 760 24 1 27 25 702 29 884 31 098 32 472 33 1 61 36 221 41 6541 46 5691 , Chiffres provisoires

Taux de croissance

1 970/1 953 I l 1 965/1953

3.9 1 .4 10.3 8.0 8.3 5.0 8.3 2.4 -1.1 -0.9 3.8 3.4 8.1 4.9 2.5 3.5 1 .5 1 .7 6.5 1 .9 1 6.3 7.2 4.1 2.0 4.4 1 .3 2.1 0.2 9.2 5.3 1 5.0 7.0 1 1 .8 3.5

annuels moyens

6.7 3.4 5.9 3.3

Moyenne mobile quinquennale

du taux de crois­sance en volume

3.1 3.5 2.9 2.6 2,5 3.1 3.8 3.2 2.8 2.6 3.2 3.1 3.4

1 . Le taux de croissance annuel moyen a atteint 3.3% durant la période de 1 953 à 1 965 (période servant à la comparaison avec Den ison) et 3.4% durant les années de 1 953 à 1 970. L'examen des taux relatifs à des interval les d'un an révèle u n seul chiffre négatif, à savoir la légère

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régression de 1 958. O n constate aussi que le taux de croissance a nnuel a varié entre - 0.9% et + 8.0%, et la moyenne quinquennale entre 2.5% et 3.8%. Notons enfin que c'est u niquement pendant les pé ri odes de 1 955 à 1 956 et de 1 968 à 1 969 que le taux de crois­sance a dépasséPen-dantdeux années consécutives les 4%.

2. On peut aussi exprimer l es chiffres précédents en termes de produit i ntérieur brut par tête d'habitant en tenant compte du taux de crois­sance de la popu lation l uxembourgeoise qui s'est situé, du rant la période 1 953- 1 970 considérée, à environ 0.7% par an . Par consé­quent le taux de croissance du P . l . B. par tête d'habitant s'est chiffré à 2.7% en moyenne par a n, ce qu i correspond à u n doublement de la valeur en 26 a ns environ.

3. A pr ix courants, le P. I .B. a augmenté en moyenne de 6.7% par an. Pour l'ensemble de la période de 1 953 à 1 970, l ' indice des prix <<im­pl icites» du P. I .B . a augmenté de 3.2% par an en moyenne. Cet indice des prix «impl icites» est généralement considéré comme représentant mieux le mouvement général des prix que l' indice des prix à la consom­mation ou celu i des produits industriels. Il faut toutefois rappeler que dans u ne économie ouverte, où les importations et les exportations dépassent les quatre cinquièmes du P. I . B., cette hausse des prix peut correspondre à un enrichissement réel -analogue à u ne augmentation en vol ume - si el le résulte d'une amélioration des termes de l 'échange. I l faudra donc analyser u ltérieurement dans quel le mesure l e Luxem­b ourg a pu profiter d'une tel le amél ioration des termes de l'échange

depuis le début des a nnées 50.

La comparaison entre le mouvement des vol umes et celui des prix montre qu'à l'exception des années 1 961 - 1 962 les deux postes ont varié dans le même sens. Remarquons enfin que, pour l'ensemble de la période de 1 953 à 1 970, le rapport entre la hausse des prix et l'accroissement en volume a été de 0.97, c'est-à-d ire que l'accroisse­ment quantitatif a donc légèrement dépassé la hausse des prix.

4. A travers les variations a n nuel les du taux de croissance du P. I . B. on peut observer les mouvements conjoncturels qu i se résument schématiquement de la façon suivante:

reprise lente en 1 954 (après la récession qu i a suivi le boom coréen), pu is accélération durant les années 1 955 et 1 956;

ralentissement en 1 957 et régression en 1 958;

reprise et expansion en 1 959-1 960, puis ralentissement en 1 96 1 ;

quasi-stagnation e n 1 962 et 1 963;

expansion considérable en 1 964 suivie d'un ralentissement en 1 965;

stagnation en 1 966 et 1 967, pu is reprise en 1 968.

haute conjoncture exceptionnelle en 1 969 et ralentissement progressif en 1 970.

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2 . 2 COM PARAISON AVEC L'ÉTRANGER

La comparaison avec l'étranger montre que, dura nt la période de 1 953 à 1 970, le Luxembourg a réalisé un taux de croissance annuel moyen nette­ment plus faible que ses partenaires d u Marché commun, à l'exception de la Belgique dont le taux moyen ne se situe que légèrement au-dessus de celui du Luxembourg. Si ce même décalage devait continuer durant les prochaines décennies, le Luxembourg prendrait à peu près 22 ans pour doubler son P. I . B . (à prix constants) , tandis que l'ensemble du Marché commun ne mettrait que 1 4 ans pour ce même doublement. La comparaison montre en outre que le bas taux de croissance moyen du G rand- D uché s'explique essentiellement par deux faits:

le taux de croissance diminue beaucoup plus au Luxembourg qu'ai l leurs (à l'exception de la Belgique) durant les périodes de conjoncture défavorable;

ce n'est que tous les 4 ou 5 ans que le pays réalise un taux de crois­sance (en volume) supérieur à 5%, tandis q ue les autres pays d u Marché commu n ( à l'exception d e la Belgique) réussissent généra­l ement à maintenir ce taux pendant pl usieurs années de suite.

Par conséquent le rythme de croissance l uxembourgeois est nettement plus saccadé et on peut dire que son économie progresse en quelque sorte à la manière chinoise des années 50, c'est-à-d ire par «grands bonds en avant».

Comme la final ité de toute augmentation de la production consiste dans une large satisfaction des besoins économiques des membres de la nation, les économistes s'i ntéressent au niveau et à l'évolution du revenu national par tête d'habitant.

Tableau no 1 3

Revenu national par habitant d e 1 960 à 1 968 (prix courants)

Source: O.S. C.E.' Comptes nationaux 1 958-1968 Unité: Millier de francs lux.

Année Il Luxembourg 1 Belgique 1 Pays-Bas 1 Allemagne 1 R. F.

France 1 Italie

1 960 . . . . . . . . . . 61 .4 50.2 40.3 49.3 51 .2 27.9 1 961 . . . . . . . . . . 62.7 52.5 43.6 55.5 55.0 30.8 1 962 . . . . . . . . . . 62.8 55.8 46.3 59.7 60.3 34.5 1 963 . . . . . . . . . . 66.6 59.6 49.8 62.7 66.1 39.1 1 964 . . . . . . . . . . 75.7 66.3 58.2 67.9 72.0 42.3 1 965 . . . . . . . . . . 77.0 71 .6 64.0 73.1 76.4 45.0 1 966 . . . . . . . . . . 80.1 75.6 68.3 76.4 82.0 48.5 1 967 . . . . . . . . . . 80.6 79.7 74.1 75.9 87.6 52.6 1 968 . . . . . . . . . . 86.8 84.9 80.3 84.0 96.4 56.3 -----1 O.S.C.E. = Office statistique des Communautés Européennes

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Tableau no 1 4

Taux d e variation d u revenu national par habitant

Source: Comptes nationaux 1 958-1968 Année Luxembourg Belgique Pays-Bas Allemagne France Italie

R. F.

en %

1 961 /60 . . . . . . + 2.1 + 4.6 + 8.2 +12.6 + 7.4 +1 0.4 1 962/61 . . . . . . + 0.2 + 6.3 + 6.2 + 7.5 + 9.6 +1 2.0 1 963/62 . . . . . . + 6.1 + 6.8 + 7.6 + 5.0 + 9.6 +13,3 1 964/63 . . . . . . +1 3.7 + 1 1 .2 +1 6.9 + 8.3 + 8.9 + 8.2 1 965/64 . . . . . . + 1 .7 + 8.0 +10.2 + 7.7 + 6.1 + 6.4 1 966/65 . . . . . . + 4.0 + 5.6 + 6.7 + 4.5 + 7.3 + 7.8 1 967/66 . . . . . . + 0.6 + 5.4 + 8.5 - 0.7 + 6.8 + 8 5 1 968/67 . . . . . . + 7.7 + 6.5 + 8.4 +1 0.7 +10.4 + 7.0 Taux annuels moyens

1 968/60 . . . . . . + 4.4 + 6.8 + 9.0 + 6.9 + 8.3 + 9.2

Deux considérations se dégagent des tableaux nos 1 3 et 1 4:

Le Luxembourg est le pays d u Marché commun où le revenu natio­nal par tête d'habitant .a progressé le plus lentement. D'ai l leurs sans le niveau très faible de son accroissement démographique, le déca­lage aurait été encore plus grand.

En 1 968 le Luxembourg a toujours eu, après la France, le revenu natio­nal p-ar tête d'habitant le p lus élevé du Marché commun ( les chiffres ont été comparés sur la base des taux de change officiels) . Cepen­dant les décalages se rétrécissent continuel lement, et actuellement 5 des 6 pays atteignent sensiblement le même niveau de leur revenu national par tête d'habitant qui est d'ai l leurs du même ordre de gran­deur que celui de la Grande- Bretagne, mais environ la moitié seule­ment celui des États- U nis.

En conclusion, le taux de croissance annuel moyen réalisé par le Grand­Duché depuis 1 953 a compté parmi les plus faibles de l 'Europe occidentale.

1 Cette progression très lente s'explique essentiel lement par la faible crois­sance de l ' industrie sidérurgique et par l'évolution par «grands bons en avant» que cel le-ci a imprimée à l'ensemble de l'économie.

Aussi un examen approfondi du rôle des différents facteurs expl icatifs de la croissance passée et de leur évo lution prévisible devient- i l particulière­ment urgent à un moment où la croissance n'est plus un processus facile et quasi automatique, mais où cel le-ci requiert de plus en plus une orientation prévoyante et stimulatrice des pouvoirs publ ics et une volonté de réforme et de renouveau non équivoque de tous les citoyens.

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3 . 0 ANALYSE GLOBALE DES FACTEURS MOTEURS DE LA CROISSANCE ÉCONOM IQUE LUXEMBOURGEOISE : FACTEURS DE L'OFFRE ET DE LA DEMANDE

Après avoir décrit l ' importance quantitative de la croissance économique luxembourgeoise d'après-guerre, i l convient de dégager les principaux facteurs expl icatifs et les «faits porteurs d'avenir» de cette croissance.

La théorie économique des deux dernières décennies a analysé l'action d'un certai n nombre de facteurs de croissance, en se concentrant cependant avant tout sur l ' inf luence du facteur «capital». D'autres auteurs ont essayé de mettre a u premier plan l ' influence des facteurs humains, tels que l'éd uca­tion de la population par exemple. Mais pour le moment, l'économiste qui veut analyser u n cas concret ne d ispose n i d 'une théorie cohérente et homo­gène, n i de méthodes d'évaluation indiscutées.

U n travai l de pionnier a été effectué par le professeur Edward F. D E N ISON, notamment dans ses deux o uvrages «The Sources of Economie Growth i n the United States» (1 962) e t «Why growth rates differ» ( 1 967) . Dans cette dernière étude, F. D E N IS O N a essayé de mesurer l ' influence d'une trentaine de facteurs de croissance différents dans neuf pays occidentaux.

L'originalité des travaux de Denison réside moins dans sa méthode de calcu l, étant donné que la fonction de production de Cobb- Douglas uti l isée date déjà de 1 928, mais surtout dans l'extension que l'auteur a donné à son analyse, à la fois par la venti lation très poussée du facteur dit «résiduel» et par l'appl ication simultanée de sa méthode à plusieurs pays.

U ne étude comparée aussi vaste est évidemment d'un intérêt certa in pou r l'analyse de l'économie l uxembourgeoise parce q u'el le permet de dé­terminer dans quel le mesure les conditions de croissance de ce pays ont différé de cel les des autres pays, notamment en ce qui concerne l'évo lution des facteurs «travail» et «capital».

Toutefois, la méthode de Denison n'est pas exempte de certai nes fai blesses, en particul ier en ce qui concerne les deux aspects fondamentaux suivants: D'un côté son analyse n'est pas complète. Le professeur Matthews, dans sa récension du dernier livre de Denison, constate que les sources de croissance i ndiquées par l'auteur américain ne sont que des «canaux» à travers lesquels des causes plus profondes se concrétisent.

Ainsi, parmi les aspects de la croissance qui sont négl igés par Denison, on peut citer:

les éléments de l'histoire économique passée qui conditionnent en­core le présent;

5 1

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l 'évol ution des principaux agrégats de la demande; les problèmes relatifs au financement de l'accroissement du stock de capital; les différenciations et l es mutations sectorielles qui accompagnent l a croissance économique; l'orientation générale de la politique économique; et, enfin, les aspects sociaux et i nstitutionnels qu i i nfluencent la vie économique.

E n deuxième l ieu, la fonction de production d u type Cobb- Douglas uti l isée par Denison entraîne d'autres imperfections dans l'analyse.

En particul ier la fonction de production de Cobb- Doug las impl ique l'hypothèse critiquable que les divers facteurs de croissance puissent «jouer» séparément et i ndépendamment, en d'autres mots elle néglige les relations de complémentarité entre les d ifférents facteurs. D'autre part, cette fonction de production néglige les relations à double sens qui peuvent exister entre u n facteur de production et le taux de croissance.

Les faiblesses précitées de la méthode d'analyse de Denison nous ont amené à suivre u ne démarche partiel lement d ifférente de cel le de l 'auteur américain, ceci notamment dans deux directions:

D 'un côté nous avons élargi le domaine de l 'analyse en ajoutant à l 'optique de l'offre des considérations sur l es aspects précités d u processus de la croissance qui sont négligés par Denison. De l'autre côté nous n 'avons pas suivi Denison dans ses calculs de l ' impact des facteurs dits «qual itatifs», ceci notamment en rai­son du manque de données statistiques adéquates.

Le but des estimations chiffrées a uxquel les nous procéderons dans la suite et qui ne pourront donner que des ordres de grandeur - sera double:

estimer grossièrement la part respective des facteurs quantitatifs et des autres facteurs («qual itatifs» o u «résiduels») dans la croissance économique l uxembourgeoise; permettre des comparaisons avec l 'étranger pour l 'i ncidence des facteurs de croissance «classiques», ceci sur la base des calculs de E. D E N I S O N présentés dans son o uvrage «Why growth rates d iffer». A cet effet o n se l im itera essentiellement à la période de 1 953 à 1 965 pour préserver l a comparabil ité avec les résu ltats de Denison.

Pour effectuer les calculs que nous envisageons, l es économistes se servent donc généralement d'une fonction de production du type Cobb­Douglas:

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œ (1 -œ) Y = L K P

o u dY = œ d L + (1 -œ) d K + d P

Y T

d•n• :quoi: l Y = P. I .B . (ou P .N . B.) L = travai l K = capital P = facteur résiduel assimi lé par­

fois au «Progrès technique»

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Le coefficient a: est grossièrement égal au rapport1 masse salariale

valeur du P . I .B .

En effet, pour éval uer le coefficient a: de la formule précitée, «on admet l'hypothèse d'équ i l ibre concurrentiel sur le marché d u travai l , c'est-à-d ire que l'embauche se fait j usqu'au moment où le coût ( . . . ) d 'un supplément de main-d'œuvre égale la recette ( . . . ) du supplément de production correspondant» 1 .

Remarquons qu'au Luxembourg a: est égal à 0.646 pour l a période 1 953- 1 965 considérée (masse salariale + deux tiers des revenus des acti­vités i ndépendantes, su ivant l'hypothèse de DEN ISON) .

En ce qu i concerne les nombreuses modifications «qual itatives» qu i ont accompag né la croissance économique et qu i sont regroupées dans la fonction de production sous le terme «d P/P», nous entendons simplement mettre en l umière l'existence et l ' incidence favorable ou d éfavorable de ces facteurs sur la croissance passée ou future de l'économie l uxembour­geoise, en espérant pouvoir compenser l 'absence d'appréciation quantita­tive par u n e ventilation plus poussée de certa ins mécan ismes et i nter­actions.

0 0 0 0

Nous examinerons donc successivement l ' influence sur l a croissance des facteurs h umains, du facteur «capital» et de la demande, avant de passer en revue l'évo l ution des principaux secteurs de l'économie.

3 . 1 LES FACTEURS H U MAINS

B ien que, pendant longtemps, l es théoriciens de la croissance a ient con­centré leurs efforts sur l 'analyse des relations entre le stock de capital ou les investissements et la croissance économique, les recherches plus récentes montrent clairement que la croissance dépend en premier l ieu des facteurs humains.

D'après E. D E N ISON, «people are the largest economie ressource of any advanced nation. Evidence that labor earns 70 to 80 percent of the national incarne i n ali countries studied is hardly needed to make the point»2•

Selon Arthur LEWIS2, «economie growth depends on attitudes to work, to welth, to thrift, to having chi ldren, to invention, to strangers, to ad­venture, and so on, and a l i these attitudes flow from deep springs i n the human mind».

Ces phénomènes fondamentaux et leurs causes profon des échappent cependant à l'économiste qu i, faute de pouvoir embrasser l'ensemble des

1 L. STOLERU: L'équilibre et la croissance économique, page 308. 2 E. D EN ISON: Why growth rates differ, page 45. 3 A. LEWIS: The theory of economie growth, page 1 4.

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sciences h umaines, doit se l imiter aux phénomènrs q u i se manifestent d i rectement dans le domaine économique et qu i sont perméables aux instru ­ments d e l 'analyse économique, e n relayant a u domaine extra-économique (ou des facteurs «exogènes») les facteurs psychologiques, sociologiques, i nstitutionnels, etc.

Si les économistes se sont contentés pendant longtemps - suivant le cadre de l a fonction de production Cobb- Douglas - de l'analyse de la quantité de travai l , actuel lement on attribue aussi un rôle grandissant aux facteurs démographiques et à certains facteurs «qual itatifs» - tels que la formation des cadres de l'économie et la recherche scientifique - dans l'explication de la croissance.

Nous a l lons donc examiner successivement:

les facteurs démographiques

le facteur travai l

certains facteurs «qual itatifs».

3 . 1 1 Facteurs démographiques

Si l' interdépendance entre la croissance démographique et la croissance économiqu e n'est plus niée actuel lement, la théorie économique est cepen­dant loin d'avoir éclairci toutes les relations existant entre ces deux variables.

- Sur le plan purement statistique l'état actuel des connaissances est sans doute bien résumé par le professeur KUZN ETS q u i écrit dans son article «Population change and Aggregate O utput» 1 :

«L'observation concrète, d u moins dans son état présent, est i nsuffisante pour fonder u ne analyse détaillée de l' i ncidence de l 'augmentation de la population sur l'accroissement de la production totale.»

- Sur le plan théorique et doctrinal les controverses et les d iscussions continuent entre «malthusiens» et «natalistes» sans qu'aucune des parties ne puisse avancer des arguments i rréfutables (comme l'a montré Joseph STASSART dans: «Les avantages et les i nconvénients d'une population stationnaire») .

Les malthusiens - on les considère ici u niquement dans le contexte des pays développés - mettent en évidence deux principaux avantages d'une popu lation statio nnaire ou faiblement croissante:

1 . U ne fécondité faible tend à augmenter l ' importance relative de la population active, car, d'u n côté, à u ne fécondité moins élevée cor­respond une proportion accrue de personnes en âge de travai l ler et, de l'autre côté, une fécondité faible élarg it les possibi l ités de travai ! professionnel fémin in.

1 S. KUZN ETS: Population change and Aggregate Output, dans «Demographie and economie charge in developed countries».

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2. Une fécondité moins élevée d iminue le poids des investissements «démographiques», c'est-à-dire les i nvestissements nécessaires à maintenir

le niveau de capital par habitant.

Les natalistes opposent à cette argumentation d'autres avantages pour la croissance économique qui découleraient d'un accroissement p lus soutenu de la population :

1 . Celui-ci produirait un accroissement de la demande et inciterait donc à accroître la production car:

l 'augmentation du nombre de «bouches à nourrir>> entraîne évidemment une demande accrue de biens de consommation a l imentaire et vestimentaire; l 'augmentation de la popul ation entraîne des «investissements de consommateurs» (selon l'expression de Harrod) , c'est-à-dire des logements, des écoles, etc.; l'arrivée d'une jeunesse plus nombreuse à l'âge de travai l ler stimu le l' i ndustrie des biens d' investissement, étant donné qu'i l faut créer des biens de production d'une certaine importance pour pouvoir occuper un homme.

2. Cet accroissement de la population permettrait en outre, à long terme, un accroissement plus rapide de la production car, d 'un côté, l a main-d'œuvre d isponible augmente, et, de l'autre côté, i l permettrait de maintenir la mobil ité nécessai re de la population active et d 'éviter

la r igidité et la sclérose des structures économiques. 3. Enfin, ce même accroissement réduirait le fardeau des frais généraux

d'une société en étalant ces frais sur une population totale et une population active plus nombreuses.

Dans l'ensemble, il nous paraît que si le premier argument des malthu­siens a une valeur i ndéniable à moyen terme, les arguments des natalistes sont probablement plus proches de l a réalité de la croissance à long terme.

D'ai l leurs, étant donné que la «propension des Luxembourgeois à avoir des enfants» compte parmi les plus faibles, il s'agit surtout d'examiner les avantages et l es i nconvénients de cette situation.

3 . 1 1 1 Evolution passée de la population

Dans notre analyse historique, nous avons déjà relevé quelques dates marquantes dans l'évolution démographique du Luxembourg. En ce qui concerne l'évol ution de la population d'après-guerre, relevons que cel le-ci est passée de 291 000 personnes en 1 947 à 31 5 000 en 1 960, à 335 000 en 1 966 et à 341 000 en 1 970, soit un accroissement de 0.75% par an depuis 1 947 et de 0.8% par an depuis 1 960. Cet accroissement s'explique à la fois par l'excédent naturel et l'excédent migratoire.

3 . 1 1 1 1 Excédent naturel

Le taux de natalité luxembourgeois a encore atteint 30°100 j usqu'en 1 908 et 25°100 en 1 91 4. Après la première guerre mondiale, ce taux s'est

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stabi l isé a utour de 21 o 100 jusqu'en 1 931 . Puis il a d iminué rapidement j usqu'à 1 3.5°/00 en 1 940. Après une légère reprise en 1 946 ( 1 4.8°/00 pour le «baby boom» d'après-guerre l uxembourgeois) une nouvelle baisse a ramené le taux à 1 3.8°/00 en 1 949. Après 1 950 s'est dessinée une certaine reprise et après 1 956 le taux de natalité s'est fixé de nouveau grosso modo autour de 1 6°/00. Mais depuis 1 966 1e taux de natal ité a de nouveau d iminué sensiblement pour tomber à 1 3.3°100 en 1 969, c'est-à -d ire à u n des niveaux les p lus faibles du monde et où le remplacement des générations n'est pl us assuré (pour comparaison : 1 6.8°/00 dans la CEE en 1 968) .

La mortalité qu i était tombée de 20°/00 environ au début de notre siècle à 1 3°100 en 1 920, a varié entre 1 1 o 100 et 1 2.5°100 environ depu is la fin de la deuxième g uerre mondiale, ce qu i est un taux relativement élevé par comparaison aux autres pays européens, mais qu i s'expl ique par le viei l l isse­ment progressif de la population.

«En 1 968, 5% des hommes résidant au Luxembourg avaient 65 ans ou p lus, alors que le pourcentage correspondant n'était que de 4.7% pour l 'en­semble de l a C E E, de 4.1 % pour les Êtats - U nis, de 2.2% pour l'U RSS, de 1 .5% pour la Turqu ie»1 .

Dans l'ensemble, l'excédent naturel a fluctué autour de 1 200 personnes par an d urant la période 1 953-1 965 pour tomber ensuite à 650 personnes en moyenne annuel le durant la période de 1 966 à 1 970.

Tableau no 1 5 Excédent naturel et migratoire (1 953-1 969)

Source: STATEC Unité: 1 000 et 0/oo

Naissances Décès Excéde nt naturel � lmmi- Êmi- Excédent Année gration gration migratoire

1 000 1 0/oo 1000 1 0/oo 1 000 1 0/oo 1 000 1000 1 000 1 953 . . . 4.5 1 5.2 3.7 1 2.4 0.8 2.7 9.9 8.9 1 .0 1954 . . . 4.7 1 5.6 3.4 1 1 .3 1 ,3 4.3 1 0.0 9.5 0.5 1 955 . . . 4.7 1 5.3 3.5 1 1 .3 1 .2 4.0 1 1 .1 10.5 0.6 1 956 . . . 4.8 1 5.8 3.9 1 2.6 0.9 3.1 1 1 .3 10.4 0.9 1 957 . . . 4.9 1 6.1 3.8 1 2.4 1 .1 3.7 1 2.8 1 2.1 0.7 1 958 . . . 5.0 1 6.0 3.5 1 1 .3 1 .5 4.7 1 1 .7 1 1 .3 0.4 1 959 . . . 5.0 1 6.1 3.6 1 1 .6 1 .4 4.6 9.8 9.4 0.4 1 960 . . . 5.0 1 6.0 3.7 1 1 .8 1 .3 4.2 1 0.1 9.6 0.5 1 961 . . . 5.1 1 6.1 3.6 1 1 .4 1 .5 4.7 1 1 .3 8.9 2.4 1 962 . . . 5.1 1 6.0 4.0 1 2.6 1 .1 3.4 1 2.3 9.5 2.8 1 963 . . . 5.1 1 5.8 3.9 1 2.1 1 .2 3.7 1 1 .1 9.5 1 .6 1 964 . . . 5.2 1 6.0 3.8 1 1 .8 1 .4 4.2 1 2.4 9.3 3.1 1 965 . . . 5.3 1 6.0 4.1 1 2.2 1 .2 3.7 1 2.0 10.2 1 .8 1 966 . . . 5.2 1 5.6 4.1 1 2.1 1 .1 3.4 1 0.2 9.6 0.6 1 967 . . . 4.9 14.8 4.1 1 2.3 0.8 2.5 6.3 6.7 -0.4 1 968 . . . 4.7 1 4.0 4.1 1 2.2 0.6 1 .8 6.9 6.2 0.7 1 969 . . . 4.5 13.3 4.2 1 2.4 0.3 0.9 8.3 6.6 1 .7

1 ALS G ., La population luxembourgeoise, op. cit.

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3 . 1 1 1 2 Excédent migratoire

Alors que la population de nationalité luxembourgeoise n'a augmenté, entre 1 947 et 1 966, que de 6% (soit 0.3% par an) , la population étrangère a presque doublé pendant la même période (56 733 person nes en 1 966 contre 29 1 42 en 1 947) , ce qui correspond à un accroissement global de 94.7% ou à un accroissement annuel moyen de 3.6%. De 1 961 à 1 965 l'excédent migratoire a même dépassé régu l ièrement l'excédent naturel, ce qui est un avantage exceptionnel dont aucun autre pays européen n'a bénéficié dans la même mesure. I l faut cependant relever que l'accroisse­ment de l'excédent migratoire durant les années 1 960 est dû avant tout à la régression de l'émigration, alors que l ' immigratio n n'a pas dépassé son n iveau normal, de sorte que cet excédent s'expl ique probablement par la l ibéral isation des conditions d'établissement au Luxembourg des fami l les des étrangers.

L'avantage pour l'économie luxembourgeoise de l' immigration devient plus apparent, si l'on se réfère au pourcentage d'étrangers dans les d ifférentes c lasses d'âge de la population totale.

Tableau no 1 6

Pourcentages d'étrangers par classes d'âg e (1 966)

Classes d'âge Pourcentages d'étrangers

Ensemble 1 6.9 <1 26.1 1 - 4 24.0 5- 9 1 8.9 1 0-14 1 5.5 1 5-19 1 8.9 20-24 22.3 25-29 26.3 30-34 24.7 35-39 1 9.7 40-44 1 9.0 45-49 1 3.7 50-54 1 0.8 55-59 8.7 60-64 8.2 65-69 8.1 70-74 7.6 75-79 7.3 80-84 8.3 85-89 7.7 90-94 7.1 95-99 7.3 57

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Si, pour l'ensemble de toutes les classes d'âge, le pourcentage des étrangers dans la population résidente au Luxembourg a été de 1 6.9% (en 1 966, cette part a été cependant nettement plus élevée pour les enfants de moins de 5 ans et les jeunes adultes de 20 à 35 ans.

a) les enfants étrangers

La l ibéralisation des conditions d'établ issement à Luxembourg des fa­mi l les des ouvriers étrangers s'est fait sentir rapidement par la part des enfants étrangers dans les classes d'âge de 0 à 4 ans. S i l'on calcule en effet pour l 'année 1 966 le taux de natal ité de la «colonie des étrangers», on voit que celu i -ci se situe, avec 23.4°100 à un niveau nettement plus élevé que celui des seuls Luxembourgeois ( 1 3.5°/00) et que le taux de l'ensemble de la popu lation ( 1 5.2°/00). Même en tena nt compte des différences dans la structure d'âge des diverses populations et en rapportant le nombre d'en­fants de moins d'un an en 1 966 au nombre de femmes en âge d'avoir des enfants ( 1 5-44 ans), il reste que le taux de fécondité des femmes étrangères est presque le double (82.4° 1 00) de celu i des femmes l uxembourgeoises (47.9° 1 00) . Par conséquent, le taux de natalité du Luxembourg, qu i compte déjà parmi les plus faibles du monde, aurait été encore sensiblement plus bas sans l 'apport rajeunissant des étrangers.

Cet avantage pour l 'économie luxembourgeoise n'est cependant durable que si les enfants étrangers peuvent rester avec leur "fami l le dans le pays et s'i ls peuvent trouver un emploi au moment de leur entrée dans la la vie professionnel le.

b) les jeunes adultes étrangers (20-35 ans)

Comme ce sont avant tout les jeunes qui acceptent de rechercher u n emploi à l'étranger, l ' immigration fournit a u pays d' immigration des classes d'âge particul ièrement i ntéressantes du point de vue de la population active. Ainsi, un quart environ de la population résidente au Luxembourg et âgée de 20 à 35 ans a été de national ité étrangère en 1 966. En outre, le taux d'activité a été de 43.9°100 pour les étrangers et de 38.1 o 100 seulement pour les résidents de nationa l ité luxembourgeoise.

Par conséquent le taux de natalité des Luxembourgeois de 1 3.5°100 et leur taux d'activité de 38.1 o 100 montrent suffisamment quel n iveau de viei l l issement prononcé l e pays a attei nt et quels risques planent sur celu i -ci, si la part des étrangers devait se réduire fortement comme cela a été le cas au cours des a nnées 30.

La ventilation par nationalité (recensement de la popu lation 1 966) montre qu'environ 44% des étrangers résidant au Luxembourg ont été de national ité ital ienne. Leur nombre a d'ai l leurs triplé depuis 1 947 pour atteindre 24 902 personnes en 1 966. Le nombre des Allemands est resté assez statio nnaire entre 7 500 et 8 000 depuis la fin des a nnées 40, tandis que leur part dans la popu lation étrangère totale est tombée de 25.8% en 1 947 à 1 4.0% en 1 966. Par contre, le nombre des Français est passé de

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3 660 personnes en 1 947 à 7 1 68 en 1 966 et celu i des Belges de 3 645 à 5 968. Enfin la colonie néerlandaise a accru ses effectifs de plus de 1 7 fois depuis 1 947 (2 446 personnes en 1 966) et les Espagnols et les Portugais qu i, avant 1 960, ne représentaient que quelques centaines de personnes o nt atteint plus de 2 700 person nes en 1 966 et ont constitué le contingent principal des immigrants au cours des dernières années.

La part élevée des étrangers et la grande diversité des national ités im­pl iquées peut évidemment constituer un certain risque pour l'homogénéité nationale, encore que dura nt tout le 20e siècle le pays ait supporté sans trop de dommage (au contraire) une popu lation étrangère qui a constamment dépassé les 1 0% de la population totale. Mais, malgré la dépendance absolue du Luxembourg à l'égard de l' immigration et l'absence de problèmes graves d'intégration des étrangers dans la communauté nationale, les conditions de natural isatio n sont restées très sévères, de sorte que le nombre de celles­ci n'a qu'exceptionnellement dépassé 250 par an. Si cette «soupape de sécurité» que constitue la possibi l ité de renvoyer les étrangers en cas de crise a été d'un avantage i ndéniable au cours des années 30, il n'en pourra plus être a insi actuel lement par suite de nombreux engagements internationaux du pays, notamment dans le cadre du Marché commun. Par contre, i l est probable que les étrangers abandonneront le pays si les sala ires luxembour­geois progressent plus lentement que les salaires étrangers et si en même temps les pays d'émigratio n traditionnel le atteignent le plein emploi. Étant donné le faible taux d'activité de la popu lation l uxembourgeoise, la com­plète dépendance de certains secteurs à l'égard de la mai n-d'œuvre étran­gère a insi que les importants engagements, dans le domaine de la sécurité sociale, du Luxembourg envers les étrangers, ce reflux ne manquerait pas de mettre gravement en d ifficulté l'économie luxembourgeoise.

3 . 1 1 2 Problèmes du taux de natal ité l uxembou rgeois

Avant d'examiner les conséquences économiques de l'évolution de la populatio n luxembourgeoise, i l convient d'analyser plus en détail le pro­blème du taux de natalité du G rand- D uché qu i est un des principaux poi nts de faiblesse de l'avenir économique du pays.

3 . 1 1 21 Quelques aspects du taux de natalité

Comme le taux de natal ité n'est qu'un rapport assez grossier, i l convient de cerner de plus près le problème en analysant surtout l'évolutio n du taux de fécondité des femmes de différents groupes d'âge, l'attitude des ménages devant le 3e enfant et les différences de comportement des diverses caté­gories socio-économiques des parents.

a) Taux de fécondité par g roupe d'âge des femmes

Le taux de natalité ne mesure pas correctement la fécondité d'une popu­lation, car i l ne tient pas compte de la structure d'âge de la population .

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C'est pourquoi on calcule des taux de fécondité suivant le groupe d'âge de la mère.

Le tableau no 1 7 permet de mettre en évidence l ' incidence respective des deux phénomènes.

Tableau no 1 7

Taux de fécondité (1 947-1 969) Nombre de naissances vivantes pour 1 000 femmes

dans les différents groupes d'âges

Source: STATEC

A= Part de la classe d'âge dans la population féminine totale (en %)

B = Taux de fécondité pour 1000 femmes

Age 1 947 1 960 1 966 1 969 de la mère

A 1 B A \ B A \ B A 1 B

1 5-1 9 7.8 1 2.6 6.2 23.2 6.5 48.1 6.8 47.0 20-24 7.9 86.0 6.5 142.9 6.2 1 54.2 6.5 131 ,8 25-29 7.1 1 24.2 6.9 149.5 6.5 1 52.2 6.3 130.2 30-34 6.9 99.8 7.6 90.4 6.6 85.9 6.5 72.0 35-39 8.2 49.6 7.3 37.9 7.3 38.7 6.9 33.6 40-44 8.2 13.3 5.9 1 1 .9 7.0 9.5 7.1 9.3 20-34 Il 21 .9 31 0.0 1 21 .0 382.8 1 9.3 390.3 1 1 9.3 334.0

Taux de natalité 1 4.4 1 6.0 1 5.6 13.3

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Quelques constatations se dégagent de ce tableau:

La fécondité a considérablement augmenté depuis 1 947 e n ce qu i concerne les femmes âgées de moins de 30 a ns, voire celles de moins de 20 a ns; par contre el le a diminué pour les femmes de plus de 30 ans. Ce g l issement s'explique essentiel lement par le fait que les jeunes fi l les se marient plus tôt de nos jours.

Si l 'on compare les 3 groupes d'âge les plus féconds (20-34 a ns), on constate que le relèvement du taux de fécondité a été considé­rable entre 1 947 et 1 960 ( + 23.4%) . Sans l'évolution défavorable de la structure d'âge de la population fémin ine, l e redressement du taux de natal ité aurait été encore plus prononcé. Entre 1 960 et 1 966, l'évol ution s'est poursuivie dans la même d i rection, mais la d iminution de la part relative de la population fémin ine âgée de 20 à 34 ans a été nettement plus prononcée. Par conséquent le taux de natal ité est tombé de 1 6°/oo à 1 5.6°/00 malgré la progression du

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taux de fécondité, ce qui montre les conséquences cumulatives d'une population viei l l issante. Enfin, entre 1 966 et 1 969 l e taux de fécon ­dité a sensiblement diminué a lors que l a structure d'âge d e l a popu­latio n féminine est restée pratiquement constante.

b) N aissances suivant leur rang et attitude devant le 3e enfant

Les deux principaux caractères du taux de fécondité l uxembourgeois, à savoir son amél ioration depuis 1 947 et son n iveau très faib le, peuvent aussi être déduits du tableau no 1 8, indiquant l'évolution des naissances selon leur rang.

Tableau no 1 8

Nombre d e naissances suivant leur rang (1 953-1 969)

Source: STATEC

I l 1 953 1 1 956 1 959 1 1 962 1 1 965 1 1 967 1 1 969 Nuptialité . . . . . . . 2 529 2 510 2 327 2 1 52 2 1 84 2 1 56 2 221 Naissances vivantes

au total . . . . . . . . 4 685 4 689 4 879 4 980 5 101 4 784 4 369 1re naissance . . . . . 2 1 10 2 034 2 053 1 957 1 999 1 952 1 775 2• naissance 1 406 1 431 1 460 1 602 1 642 1 471 1 383 3e naissance 597 645 747 751 786 752 678 4e naissance 284 290 295 329 357 342 284

D'après ce tableau, le nombre des famil les à un enfant unique est en régression et l e nombre des ménages qui comptent u n 3e e nfant a augmenté sensiblement (de 42% en 1 953 à 48% en 1 965) . Cependant, à peine 48% des famil les qui ont deux enfants acceptent la naissance d 'un troisième. Or, il est évident que c'est à partir d u troisième enfant qu'une génération com­mence à s'accroître par rapport à la génération précédente. C'est pourtant assez tardivement (1 967) que le g ouvernement en a fait le principal point d'applicatio n de la pol itique famil ia le.

c) N aissances légitimes selon les catégories socio-économiques des parents

Le calcu l du taux de fécondité et l'analyse des naissances suivant leur rang sont des méthodes d'analyse g lobale qu i ne font qu'expliciter la sign i ­fication du taux de natal ité. Cependant, pour tenter u n e expl ication du faible taux de natalité luxembourgeois, i l faut aussi chercher à analyser l e comportement de certains groupes différenciés (p. ex. catégories socio­économiques, population rurale ou citadine, catholiques pratiquants ou non, parents de différents niveaux d'instruction, etc.) devant le problème

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de la fécondité pour essayer de dégager des comportements spécifiques et homogènes de ces groupes d ifférenciés. La d ifférenciation la plus impor­tante des sociétés modernes est sans doute cel le d'après les catégories socio­économiques qui se j ustifie non seulement par des différences de revenus, mais surtout par des d ifférences de mode de vie de ces catégories. C'est pourquoi tous l es démographes cherchent à établ ir une relation entre les classes socio-économiques et le taux de natalité. Pour cette analyse nous avons comparé l a moyenne des naissances ( 1 960-1 969) à la moyenne des mariages ( 1 960-1 969) pour chacune des principales catégories socio­économiques. Cette méthode est certes grossière, mais nous pensons qu'el le peut fournir des indications de «tendances de comportement», surtout que les variations accidentelles d'une année à l'autre ont été aplanies par le calcul d'une moyenne décennale.

Tableau no 1 9

Mariages et naissances selon la catégorie socio-économique de l'époux

M = Mariages; N = Naissances

1 1 960-1969 1 960-1964 1965-1 969 1 (moyenne annuelle) (moyenne annuelle) (moyenne annuelle)

Catégories 1 socio-économiques Rapport Rapport Rapport

M N M/N M N M/N M N M/N

Toutes catégories . . . . 2 1 87 4 937 2.26 2 1 80 5 042 2.31 2 1 93 4 831 2.20 dont: Agriculteurs . . . . • . . 1 1 0 361 3.29 132 41 3 3.14 87 308 3.53 Patrons de l'industrie et du commerce . . . . 105 310 2.94 1 1 9 339 2.85 92 280 3.05 Professions l ibérales . 30 51 1 .73 32 57 1 .73 26 44 1 .72 Cadres, employés . . . 718 1 359 1 .89 643 1 315 2.05 793 1 403 1 .77 Ouvriers . . . . . . . . . 1 1 69 2 801 2.40 1 1 93 2 843 2.38 1 145 2 758 2.41

Il semble qu'on puisse, à partir d u tableau no 1 9, dégager 3 sortes de catégories socio-économiques suivant leur attitude devant la fécondité. Les agriculteurs et les patrons de l'i ndustrie et du commerce constituent les groupes les plus favorables à la fécondité; les ouvriers occupent u ne position moyenne, tandis q ue les professions l ibérales et les cadres et employés semblent être les groupes l es moins féconds. Ces calculs montrent donc que ce sont les catégories socio-économiques en régression qui sont les plus féconds, ce qu i constitue évidemment une menace sur le taux de natalité futur.

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Par ai l leurs, l a distribution entre les deux périodes 1 960-1 964 et 1 965-1 969 montre une stabi l ité assez prononcée des comportements de la plu­part des catégories socio-économiques. Toutefois, le nombre des naissances semble avoir augmenté dans la catégorie des agriculteurs, ce qu i peut ex­pl iquer, soit par des i nsuffisances méthodologiques - la loi des grands nombres n'y jouant pas entièrement - soit par la pénurie de main-d'œuvre très aiguë dans ce secteur.

Par contre, la réduction du nombre des naissances dans les fami l les de cadres et employés durant la période de 1 965 à 1 969 nous semble particul ièrement significative. Ai nsi cette catégorie de la population semble adopter de plus en plus le comportement de la catégorie des professions l ibérales. D'ai l leurs, dans les deux catégories le remplacement des généra­tions n'est plus assurée. Si cette évolution s'était généralisée à l'ensemble de la population, i l n'y aurait eu, en moyenne annuelle, que quelque 3 840 naissances dura nt la période de 1 965 à 1 969, soit un taux de natalité de l'ordre de 1 1 .5°/00, c'est-à-dire nettement i nférieur au taux de mortalité.

Il est par a i l leurs difficile de juger dans quelle mesure le comportement des ouvriers est i nfluencé par la présence, dans cette catégorie, d'un nombre très élevé d'étrangers, encore que le taux de natalité p lus élevé de cette partie de la population soit un fait connu. En tout cas, les développements précédents montrent à suffisance que si, pour une raison ou u ne autre -régression de l ' importance de la population étrangère, changement dans le mode de vie et les conceptions morales - la catégorie des ouvriers adoptait le comportement des couches aisées face au problème de la procréation, la population l uxembourgeoise serait définitivement condamnée à une l ente extinction.

3 . 1 1 22 Causes du faible taux de natalité luxembourgeois

Si les calculs précédents ont permis de préciser quelques aspects du taux de natalité l uxembourgeois, encore faut-i l rechercher une explication de son niveau moyen extrêmement faible par rapport à la plupart des autres pays européens, a insi que de la régression marquée de celu i-ci depuis 1 965.

A. N iveau moyen du taux de natalité

En ce qui concerne le premier problème certes, on peut a l léguer le changement de civil isation, la recherche du confort, le passage d'une société rurale à u ne société urbaine. Mais ces facteurs - qui ont joué parei l lement dans les autres pays i nd ustrial isés - tout en expliquant la baisse général isée du taux de natalité en Europe depuis le début du siècle, ne suffisent pas à justifier le niveau particulièrement faible du taux l uxembourgeois.

D'ai l leurs certains facteurs tels que le haut niveau des salaires, le faible pourcentage de travai l féminin, la sévère réglementation de l'avortement, l'absence d'éducation sexuelle à l'école auraient «logiquement» dû pro­duire un décalage en sens i nverse, c'est-à-dire un taux de natalité légèrement

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plus élevé que celu i des pays vo1sms. Enfin, quand on considère qu'au Luxembourg la quasi -total ité de la population se réclame de la rel igion cathol ique (traditionnel lement favorable à la natalité et hostile aux pratiques a nti-conceptionnel les) et que le parti chrétien social a eu, durant tout l'après-guerre, la responsabil ité de la pol itique famil ia le, cette situation peut évidemment paraître paradoxale.

Sans vouloir faire une analyse exhaustive de ce problème, on peut toute­fois a l léguer deux phénomènes qu i sont particul ièrement prononcés dans la société l uxembourgeoise, et qu i nous semblent en large mesure respon­sables de son faible taux de natal ité ou de fécondité:

a) Recherche de la sécurité

Les développements précédents ont déjà montré que c'est durant la période de crise des années 30 que le taux de natal ité s'est le plus gravement rédu it, ce qu i s'explique faci lement par le fait que l es préoccupations de sécurité de l'emploi et du revenu étaient devenues les soucis dominants de la popu lation. Si, après les traumatismes de la deuxième guerre mondiale, le Luxembourg n 'a pas connu de «baby-boom» comparable à celui de la plupart des autres pays européens, cela provient peut-être en partie du flegme des Luxembourgeois, qu i est un des traits majeurs du caractère national, ainsi que d u désir de ceux-ci de se refaire leur situation matérielle compromise par la g uerre, avant d'assumer la surcharge d'une progéniture plus nombreuse. Mais le confort et la prospérité assez vite reconquis, grâce au boom de la reconstruction et de la g uerre de Corée, ont fait de la défense de ces réalisations une nouvel le préoccupation majeure qu i s'est répercutée comme un frein sur la natalité. Depuis lors les Luxembourgeois ont pensé pouvoir faire perdurer leur «miracle économique» en suivant à la lettre le conseil de J. B. SAY: «Faites de l'épargne plutôt que des enfants».

b) Effet d'imitation et de démonstration

Ce facteur psychologique est particul ièrement puissant dans u ne société où «chacu n connaît tout le m onde». Ainsi u ne progéniture nombreuse rendrait impossible les dépenses de standing (p. ex. d imensions de la voi­ture, l ieu des vacances, etc.) qu i sont très importantes dans les couches moyennes et a isées de la population, ce qu i expl ique le taux de natal ité très faible dans ces mi l ieux. Ce facteur s'est fait sentir d'autant plus fortement sur la natalité que, d'après le système d'a l locations fami l iales en vigueur avant la réforme de 1 967, la pression des enfants sur le niveau de vie de la fami l le a été nettement plus marquée q u'en Belgique ou en France. Ainsi, au Luxembourg (avant la réforme de 1 967), le premier enfant a diminué le niveau de vie de la fami l le e n moyenne environ de 1 7%, le troisième de 33% et le sixième de 45%, a lors q ue la Belgique et la France ont réussi à stabi l iser ce niveau, grâce à u n système d'al locations famil ia les j udicieux, à respectivement 70% et 90% environ.

Dans l'ensemble, i l apparaît donc que le faible taux de natalité luxem­bourgeois n'est qu'une des expressions d'une micro- société renfermée sur

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el le-même, qui vit au jour le jour et qu i cherche à stabi l iser la prospérité d u m oment par la l imitation de l a progéniture.

Ces raisons, qu i sont avant tout d'ordre psychologique et sociologique, m ontrent les l imites des mesures étatiques en faveur des fami l les nombreuses (1 967) qu i se justifient bien plus par des considérations de j ustice sociale que comme stimulant de la natalité. D'ai l leurs, l 'évo lution a u cours des années 1 968 et 1 969 a montré que ces mesures n'ont pas em­pêché la rapide régression d u taux de natalité;

B. Chute du taux de natalité après 1 965

N ous avons déjà relevé précédemment que le taux de natalité l uxem­bourgeois est tombé brusquement de 1 6°100 en 1 965 à 1 3.3°100 en 1 969 a lors qu' i l s'était maintenu à environ 1 6°100 depuis le mi l ieu des a nnées 1 950. L'expl ication de ce phénomène est d'autant plus importante et u rgente que sans une connaissance des causes de cette évolution il est très d iffici le d'établ ir des projections à moyen terme de la population.

I l faut d'ai l leurs remarquer que cette baisse du taux de natal ité et de fécondité a touché, à partir de 1 965, l'ensemble des pays d'Europe occi­dentale. Malheureusement les experts étrangers n'ont pas encore trouvé u ne explication complètement satisfaisante de ce phénomène, comme le montre u ne étude de I' I NSEE. 1

Quant à l'explication du phénomène au Luxembourg, les développements précédents ont déjà permis d'en éclaircir quelques aspects.

Tout d'abord on a constaté que la régression d u taux de natal ité s'ex­pl ique par u ne importante diminution du taux de fécondité, a lors que la structure d'âge de la population fémin ine est restée pratiquement constante.

En outre, on a pu observer que la chute du taux de fécondité s'est o pérée presque uniquement dans la catégorie socio-économique des cadres et employés, où par ai l leurs le nombre des étrangers est très faible. Le tableau suivant montre d'ai l leurs que le critère de la national ité ne permet que d'ex­p l iquer une part mineure du phénomène.

Naissances selon la nationalité du père (1 967-1 969)

Nationalité

Luxembourgeois . . . . . . . . . . . . Étrangers . . . . . . . . . . . . . . . . .

Total . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

\\ 1 967 3 654 1 303 4 957

1 I NSEE: Ëconomie et statistique, mai 1 969.

1 968 3 439 1 265 4 704

1 969 3 285 1 21 8 4 503

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Ainsi le nombre de naissances de père étranger a d iminué de 85 u nités entre 1 967 et 1 969, a lors que le nombre total a d iminué de 454 et cel u i des naissances de père l uxembourgeois de 369 un ités. Cette régression du nombre de naissances de père étranger s'expl ique essentiellement par l ' importante d iminution de l ' immigration au cours des années 1 967 et 1 968 à la suite de la mauvaise conjoncture.

Ayant a i nsi localisé exactement le phénomène, essayons maintenant d'en dégager les causes psychologiques à la l umière des hypothèses de l'étude précitée par l ' I N S EE.

En ce qui concerne d'abord l'incidence de l'évolution économique sur le comportement de la population, la thèse selon laquel le la mauvaise con­joncture des années 1 967 et 1 968 aurait répandu un pessimisme général isé, est certes p lausible, mais ne nous paraît pas entièrement satisfaisante dans le cas du Luxembourg. En effet nous avons constaté que la régression de l a fé­condité a touché avant tout u ne catégorie moyenne, voire a isée de la popula­tion pour laquel le la stabi l ité de l 'emploi et des revenus est nettement mieux assurée que pour les ouvriers par exemple. Par a i l leurs, la période en cours a été u ne période de stabi l ité assez remarquable des prix, de sorte qu'on ne peut pas évoquer une éventuelle érosion de la monnaie ou u ne baisse, en termes réels, des revenus.

En ce q u i concerne l ' incidence des discussions publ iques et des progrès techniques en matière de contraception, ce facteur nous paraît avoir été a u moins a ussi décisif que le facteur précité. Toutefois, les conséquences de ce phénomène peuvent être multiples, de sorte qu' i l est d iffici le d'en fournir u ne preuve inébranlable, d'autant plus qu'on ne dispose pas encore d'un recul chronologique suffisant. Ceci s'applique notamment au cas où la contraception sert à l'espacement des naissances. S i cette thèse devait se vérifier, les statistiques des naissances selon la durée du mariage devraient donc montrer un léger «gl issement» au cours des prochaines années. D'autre part l'effet de la général isation de la contraception peut aussi se faire sentir sur le nombre des enfants par ménage. Ic i les statistiques sur les naissances selon le rang de l'enfant montrent d'ores et déjà une sensible régression pour les ménages à enfants nombreux.

Dans l'ensemble, i l faut avouer que les économistes et les démographes sont lo in d'avoir éclairci les causes profondes de la régression général isée du taux de natal ité et de fécondité depuis le mil ieu des a nnées 1 960. Les déve­loppements précédents montrent aussi à quel point l'i nterprétation d'un phénomène apparemment simple et statistiquement b ien connu peut s'avé­rer d iffici le.

3 . 1 1 23 Conséquence démographique du faible taux de natalité: Le viei l l issement de la population

C'est une fatalité de la démographie qu'une population qu i est stagnante viei l l it. Ce p hénomène se traduit d'une façon marquante dans la pyramide des c lasses d'âge de la population comme le montrent les chiffres suivants:

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Tableau no 20

Structure par classes d'âge de la population (1 880-1 966)

Source: Annuaires du STATEC En pour-cent

Groupes d'lige I l 1 880 1 922 1935 1 947 1 960 1 966 ;;. 65 (vieux) 0 0 0 0 505 603 7o9 905 1 0o8 1 1 o7 1 5-64 (adultes) 0 0 5904 6700 67o8 7006 67o9 6507 < 1 5 (jeunes) 0 0 35o1 26o1 24o3 1 9o9 21 03 2206

Ainsi, en 1 880, la pyramide a le profil triangulaire, typique d'une popula­tion jeune et progressive.

En 1 922, el le se caractérise par u ne base rétrécie qu i traduit la régression sensible de la natal ité.

La pyramide de 1 947 est gravement marquée par les classes creuses de la première guerre et les pertes d'hommes adultes pendant la deuxième guerre.

Pour 1 960 et 1 966 nous constatons que la population adu lte a considé­rablement viei l l i , a lors q ue la base s'est élargie de nouveau quelque peu par la reprise de la natalité.

La comparaison de ces d ifférentes «coupes» montre que le poids des vieux devient de plus en plus lourd. La part des adultes semble avoir passé par u n maximum immédiatement après la deuxième g uerre mondiale pour décroître lentement ensuite, de sorte que le principal avantage - passager ­de la réduction du taux de natal ité, à savoir l'accroissement de la part des adultes dans la population totale est déjà «consommé».

3 . 1 1 3 Conséquences économiques de l 'évolution démographique

«Dans sa première phase, le phénomène de viei l l issement n'exerce aucun effet défavorable sur l'économie. Bien au contraire. Dans l' immédiat les termes du rapport entre la population active et la population inactive se trouvent modifiés dans le sens d'un a l lègement de la charge supportée par les producteurs. ( . • . ) Assez paradoxalement, dans cette perspective l imitée, c'est la diminution du rythme de la croissance démographique qui favorise la croissance économique. ( . . . ) Mais a u fur et à mesure que se déroule le processus de vie i l l issement, la situation se détériore manifestement. L'im­portance relative de la charge des i nactifs - sous la forme de personnes âgées - s'accroît et pèse de plus en plus lourdement sur l'économie et sur les possibi l ités du développement»1 • Cette règl e générale se vérifie d'autant mieux pour le Luxembourg que pendant les a nnées où la part de sa popula-

1 A. DELPÉRÉE et J. NOLS: «Croissance démographique et croissance économique» dans la Revue du Travai l no 2/1 958.

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tian active indigène était la plus élevée, le pays avait le p lus de facil ités à attirer de l a main-d'œuvre étrangère et à rajeunir ainsi la structure de sa popu lation. Ces avantages cumulés fournissent sans doute u n élément d'explication non nég l igeable de la croissance économique des années 50. Par contre, au fur et à mesure que la structure d'âge de la popu latio n se détériore, l'évolution économique en Europe fait que simultanément les «réservoirs» traditionnels de main-d'œuvre étrangère se tarissent de plus en p lus. Ainsi ces avantages cumu lés, dont on n'a pas assez considéré le caractère purement temporaire, risquent fort de se transformer en désavan­tages cumulés qui pèseront lourdement sur l'avenir économique du pays.

a. Quant aux avantages de l'évolution démographique et migratoire, le Luxembourg a bénéficié pendant longtemps de la part la p lus é levée de la population en âge de travai l ler de tous les pays d u Marché commun. Cette situation était d'ai l leurs en grande partie due à l ' immigratio n de main-d'œuvre étrangère dont SELLI ER et TIANO résument les avantages de la manière suivante:1 «Alors que l'accroissement naturel de la popula­tion totale d'u n pays accroît la charge représentée par l'entretien et la formation des jeunes avant d'augmenter le nombre des producteurs, l'immigration entraîne immédiatement cette augmentation. E l le a, de ce 'fait, u n double avantage: croissance d u potentiel productif, d iminution du pourcentage des i nactifs dans la population totale et, par conséquent, de l a charge moyenne qu i pèse sur les actifs». Ainsi le pays a pu béné­ficier d'une main-d'œuvre nombreuse sans avoir eu à dépenser des montants équivalents à ceux des pays étrangers pour les i nvestissements sociaux relatifs à l'éducation des enfants et à la formation des jeunes.

b. Quant aux désavantages de l'évolution démographique l uxembourgeoise, ceux-ci nous semblent peser beaucoup plus lourdement dans la balance que les avantages précités:

1 . Par suite de la chute de la natalité et du viei l l issement consécutif de la population, la part des personnes en âge de travai l ler, après une augmentation passagère, va rapidement en d iminuant, ce qui l imitera les ressources futures d u pays en main-d'œuvre ( mais facil itera aussi le maintien du plein emplo i) .

2. La régression d u taux de natal ité n'entraîne pas seulement le vie i l l isse­ment de la popu lation tota le, el le viei l l it aussi la structure par classes d'âge de la population en âge de travai l ler. Or il est connu que la con­tribution des adultes à la production va en d iminuant à partir d'un certain âge par suite des déficiences humaines (maladies, temps de récupération après u n accident, rendement physique, etc.) .

3 . C e même viei l l issement s e répercute aussi sur l'âge des cadres de direction, et par conséquent sur le dynamisme et la «propension à innover» des organes de décision d u pays.

1 SELLIER et TIANO: Économie du Travail, page 48.

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4. La stagnation démographique favorise la crista l lisation des structures professionnel les et freine ainsi les adaptations sectorielles inévitables. En effet, dans une population en croissance rapide la proportion des nouveaux travai l leurs qu i se présentent annuel lement sur le marché du travail est relativement plus importante que dans u ne population statio nnaire. Or il est sûr qu'une main-d'œuvre fraîche s'oriente plus aisément vers les secteurs en expansion que la main -d'œuvre déjà occupée.

5. Le vie i l l issement de la population et la réduction de la part de la popu­lation active entraînent des charges sociales plus élevées par travai l � leur. O r, de ce point de vue, u ne population doit payer indirectement pour les enfants qu'el le n'a pas voulu avoir, car les charges des viei l lards sont plus lourdes et plus désagréables pour la société que les charges des enfants. En effet, « l'entretien d'un enfant est moins socia l isé que celu i d'un viei l lard»1 (A. SAUVY); or « i l n'est pas in­différent à l'adulte de céder u ne part de son revenu à l'entretien de son enfant ou de céder au fisc ou à la sécurité socia le la même part de son reven u en vue d'assurer la subsistance d'un viei l l a rd anonyme»z. En o utre, les charges sociales à verser à l'étranger iraient en augmen­tant quand les travai l leurs étrangers, qui pendant u n certa in moment ont renforcé la main-d'œuvre nationale, partiraient par suite du changement des conditions économiques dans les pays d'émigration et d' immigration. Enfin, en raison d u système d'al locations famil ia les en vigueur, le Luxembourg paie déjà actuellement pour les enfants des étrangers et qui ne viendront probablement jamais renforcer la main -d'œuvre nationale. De cet accroissement progressif des charges sociales i l résulte que le simple maintien d u niveau d e vie général de la population exigera une augmentation des rendements, de sorte que toute élévation de ce niveau de vie nécessitera un accroissement des rendements plus que proportionnel.

6. A cet accroissement des charges sociales s'ajoutent des a ugmenta­tions d'impôts, étant donné que le rendement de l ' impôt sur le revenu, qui constitue une part i mportante des ressources de l 'État, d iminue avec l a part de la population active.

7. La régressio n du taux de natal ité est un phénomène cumulatif étant donné que par le viei l l issement progressif de la structure de la popula­tion l e taux de natalité risque de continuer à d iminuer pendant une durée assez longue malgré une éventuelle reprise du tau x de fécondité.

Conclusions et perspectives d'avenir

D urant la période d'après-guerre que nous analysons, le Luxembourg a donc bénéficié, du point de vue démographique, de conditions privilégiées

1 A. SAUVY: La vieillesse économiquement inactive, dans Revue du Travail 1 960, avril, page 467.

2 J. STASSART, op. cit., page 64.

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résultant à la fois des effets de la d iminution du taux de natalité et de l'excé­dent migratoire.

Si cel les-ci ont favorisé dans u ne certaine mesure la croissance écono­mique, el les ont en même temps hypothéqué de plus d'un point de vue l'avenir du pays. En effet, la préférence pour la sécurité et le confort i mmé­diats de la population i ndigène a ramené le taux de natalité des Luxem­bourgeois à moins de 1 2°/00, c'est-à-dire à un niveau où le remplacement des générations n'est plus assuré. En outre, l ' immigration, qui a pendant long­temps camouflé et compensé l 'effet de l'absence de dynamisme démo­graphique des Luxembourgeois, pourrait devenir plus diffici le à l'avenir par suite du changement des conditions économiques au Luxembourg et en Europe.

Cette évolution l imitera donc le potentiel démographique futur et aggravera le poids des charges sociales à supporter par les générations à venir, a lors que la situation économique favorable de l'après-guerre et les disponibi l ités en main-d'œuvre étrangère auraient permis u ne natalité plus élevée sans coûts sociaux exagérés. Mais par suite des conséquences à l o ng terme, et dans u ne certaine mesure cumulatives, de l'évolution démo­graphique (le viei l l issement de la population, qui est une conséquence de la baisse de la natalité l imite le taux de natalité futur), la génération qui décide du freinage des naissances en profite, tandis que les générations suivantes en supportent les charges auxquel les s'ajouteraient les frais accrus résultant éventuel lement d'une reprise sensible de la natalité.

Du fait de la chute récente et encore i nexpl iquée du taux de natalité et de fécondité, a insi qu'en raison de l ' importance du phénomène de l ' immigration et de son évolution imprévisi ble, l 'établissement de projections quantitatives à moyen terme de la population l uxembourgeoise s'avère particulièrement diffici le.

Dans le cadre des tables rondes «I nventaire économique», le STATEC a toutefois fait certains calculs dont nous reprenons ici l'essentiel.

«En raison de l'évolution contraire et désavantageuse des naissances et des décès, l'excédent naturel ne devrait être que de 400 u nités en moyenne pour 1 971 - 1 975, contre 1 300 pour 1 961 - 1 965 et 600 pour 1 966-1 970.

«I l est à noter que l'excédent naturel de la population de nationalité luxembourgeoise est actuellement négatif (1 969: -550) et que cet état de choses ne changera probablement pas sensiblement dans un proche avenir.

«Dans ces conditions, la croissance naturel le de notre popu lation est attribuable aux seuls résidents de nationalité étrangère ( 1 969: +850) .» ( . . . )

«Compte tenu de l'excédent naturel et du solde migratoire, la population totale pourrait s'accroître de 1 971 à 1 975 au rythme annuel moyen de 3 000 personnes contre 3 600 de 1 961 à 1 965 et de 2 1 00 de 1 966 à 1 970. El le atteindrait les 358 000 habitants e n 1 975.»

Quant à la pol itique démographique future à suivre, si u ne reprise de la natal ité est indispensable pour éviter la régression continue de la population a utochtone, les causes essentiel lement psychologiques et sociologiques du

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Evolution de la population totale (31 . 1 2.)

Année

1 960 . . . . . . 1 965 . . . . . . 1 970 . . . . . . 1 975 . . . . . .

Habitants

3 1 4 889 333 000 343 400 358 740

Taux quinquennaux moyens de variation

+ 1 . 1 % +0.6% +0.9%

faible taux de natal ité actuel ne laissent qu'une marge d'action très étroite aux pouvoirs publ ics. D'autre part, l'évolution démographique prévisible ne justifie plus actuellement une politique natal iste «à outrance», (p. ex. un taux supérieur à 1 7°100 ou 1 8°100 pour la population de national ité luxem­bourgeoise), car une reprise appréciable de la natalité coïnciderait avec la réduction inéluctable de la part de la population active par suite de son viei l l issement actuel et aggraverait donc la charge des inactifs.

3 . 1 2 Facteur «travail»

Si les relations entre la croissance démographique et la croissance économique sont multiples, complexes et diffici les à traduire dans un modèle, par contre l'effet de l'accroissement ou de la compression de la quantité de travai l sur l a croissance semble di rect et apparent, du moins si on se l imite à une analyse globale dans le cadre d 'une fonction de production.

Les principaux éléments du facteur «travai l» qui i ntéressent l'économiste sont:

la popu lation active et l'emploi i ntérieur

le marché du travail

la durée d u travail et l' incidence de l'évolution de la quantité de travai l sur la croissance économique.

3 . 1 21 Population active et emploi i ntérieur

3 . 1 21 1 Indications quantitatives sur l'évolution de la population active et l'emploi i ntérieur

La mesure de la population active et de l'emploi i ntérieur est une chose très délicate dans un pays où les frontal iers et les saisonniers représentent une part élevée de la population totale.

D'après les chiffres des grands recensements, la population active résidant au Luxembourg est passée de 1 35 1 39 personnes en 1 947 à 1 28 475 person nes en 1 960 et à 1 30 687 personnes en 1 966. I l y aurait donc

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eu une réduction de la population active de 3.3% (soit -0.1 % par an), a lors que la population totale s'est accrue pendant la même période de 1 5% environ (soit + 0.7% par an) .

I l semble cependant que cette régression constatée s'explique en partie par des d ifficultés méthodologiques, notamment en ce qui concerne l' imputation de la population active ou inactive des femmes des agriculteurs, de sorte que le chiffre de 1 947 peut paraître trop élevé.

Il faut en outre remarquer qu'au Grand-Duché une d istinction s'impose entre la population active résidente et l'emploi i ntérieur; cette d istinction résulte de l ' importance des frontaliers dans l'emploi, qu i s'est d'ai l leurs accrue rapidement a u cours des années 60 par suite de l ' implantation d'in­dustries nouvelles (p. ex. M onsanto à Echternach, près de la frontière a llemande) .

D'après l es estimations d u STATEC (cf. tableau no 21 ) . l'emploi i nté­rieur serait passé de 1 31 400 personnes en 1 953 à 1 38 900 personnes en 1 965 et à 1 43 600 en 1 970, ce qu i correspond à une augmentation tota le de respectivement 5 .7% et 9 .3% depuis 1 953 ou à u n taux de croissance annuel moyen de respectivement 0.5% pour les deux périodes 1 953-1 965 et 1 953- 1 970.

C'est cette dernière notion qui i ntéresse avant tout l'analyse du rôle des facteurs de production dans la croissance et qu i sera utilisée dans le calcul d'une fonctio n de production pour le Luxembourg.

Tableau no 21

Emploi intérieur par secteur (1 953-1 970)

Source: STATEC

Année Il Agriculture Industrie Services

1 953 . . . . 27.4 54.4 49.6 1 954 . . . . 26.5 54.9 50.2 1 955 . . . . 25.8 56.2 50.2 1 956 . . . . 25.0 56.8 50.6 1 957 . . . . 24.2 57.8 50.9 1 958 . . . . 23.4 58.4 51 .4 1 959 . . . . 22.6 58.2 52.4 1 960 . . . . 2 1 .9 58.9 52.9 1 961 . . . . 2 1 .2 59.4 53.8 1 962 . . . . 20.5 60.6 54.4 1 963 . . . . 20.0 61 .2 54.6 1 964 . . . . 1 9.3 62.7 55.8 1 965 . . . . 1 8.7 63.5 56.7 1 966 . . . . 1 8. 1 64.3 57.7 1 967 . . . . 1 7.5 62.7 58.2 1 968 . . . . 1 6.8 62.9 59.1 1 969 . . . . 1 6.3 64.1 60.0 1 970 . . . . 1 5.71 66.51 6 1 .41

1 Chiffres susceptibles de révision.

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Unité: millier

Total

1 31 .4 1 3 1 .6 1 32.2 1 32.4 1 32.9 1 33.2 1 33.2 1 33.7 1 34.4 1 35.5 1 35.8 1 37.8 1 38.9 1 40.1 1 38.4 1 38.8 1 40.4 1 43.61

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3 . 1 21 2 Quelques traits caractéristiques de la population active résidente

Les grands recensements de la population permettent u ne venti l ation de l a population active résidente selon la national ité. Ainsi le nombre des travailleurs étrangers est passé dè 1 5 497 personnes en 1 94 7 à 1 9 983 en 1 960 et à 24 878 en 1 966, soit une augmentation globale de 60.5% pour l'ensemble de la période ou un taux de croissance annuel moyen de 2.5%.

Encore ces chiffres risquent- i ls de comporter une sous-estimation, étant donné que les recensements ont eu l ieu à un moment (31 décembre) où la p lupart des saison niers, qui pourraient représenter par exemple quelque 50% de la population active du secteur de la construction, sont rentrés dans leur pays d'orig ine. I l faut remarquer en outre que ces ch iffres ne compre nnent évidemment pas les frontal iers, dont le nombre net pourrait être passé de quelque 1 500 person nes en 1 953 à 5 1 00 personnes en 1 965 et à 6 500 en 1 969 (soit un accroissement annuel moyen de l'ordre de 9.6%) .

Par contre, la population active de nationalité luxembourgeoise a d iminué de 0.9% par a n entre 1 947 et 1 960 et de 0.4% entre 1 960 et 1 966. Même en tenant compte de la probable surestimation de la population active de 1 947, la régression de ressources en hommes d'origine luxembourgeoise reste importante.

Remarquons enfin que la part de la population active nationale dans la population totale est tombée de 46.4% en 1 94 7 à 41 .4% en 1 960 à 40. 1 % en 1 966 et à 39.6% e n 1 969.

Par conséquent, sans l'entrée massive des étrangers dans le processus de production, la population active du Luxembourg se serait sensiblement réduite depuis la guerre (de même que l'apport des étrangers a camouflé le taux de natal ité a larmant de la population de nationalité luxembourgeoise) . Ceci montre suffisamment la carence d'une des principales forces de croissance dans la société l uxembourgeoise qui, à elle seule, n'aurait pas eu les moyens de réaliser la croissance économique d'après-guerre, malgré le faible taux de cel le-ci .

3 . 1 21 3 Facteurs influençant l'évolution de la population active résidente

L'évolution de la population active est essentiellement fonction des deux facteurs suivants:

l'évolution démographique et l ' immigration qui détermi nent la popu lation en âge de travail ler,

la propension à travai l ler de la population en âge de travai l ler.

A. Evolution de la population en âge de travailler (1 5-64 ans)

La population en âge de travai l ler est passée de 205 707 personnes en 1 947 à 21 3 676 personnes en 1 960 et à 220 078 personnes en 1 966, ce qu i correspond à u n accroissement de 1 4 371 personnes ou de 7% environ depuis 1 947 (soit 0.4% environ par an). Comme la population g lobale s'est

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développée plus rapidement, la part des personnes en âge de travai l ler est tombée de 70.65% en 1 947 à 67.85% en 1 960 et à 65.73% en 1 966.

U ne ventilation selon la national ité l uxembourgeoise ou étrangère de la population e n âge de travai l ler donne les résultats suivants:

Tableau no 22

Population par classes d'âge selon la nationalité (1 947-1 966)

Source: Annuaires du STATEC

Classes d'âge

< 1 5 . . . . . . . . . . 1 5-64 . . . . . . . . . ;;. 65 . . . . . . . . . .

luxem- 1 b . �trangers ourgeo1s

1 947

53 1 06 4 604 1 83 457 22 250

25 278 2 288

1 1 luxem- 1

bourgeois �trangers

1 966

60 533 1 4 91 7 1 81 357 38 357

36 1 67 3 095

1 1

luxem- 1 b . �trangers

ourge01s

(1 947-1 966)

+ 7 427 +1 0 31 3 - 2 1 00 + 1 6 471 + 1 0 880 +807

Total . . . . . . . . . · 11 261 850 1 29 1 42 1 278 057 1 56 733 1 + 1 6 207 1 +27 591

Ainsi la population l uxembourgeoise en âge de travai l ler a d iminué de 2 1 00 personnes entre 1 947 et 1 966 (soit - 1 .1 % a u total ou - 0.1 % par an) a lors que la population étrangère correspondante a augmenté de 1 6 471 personnes pendant la même période (soit + 74.0% au total ou + 3.0% par a n ) .

Ces chiffres montrent encore u n e fois les tendances i ntrinsèques à la contraction, l'absence de dynamisme démographique de la société luxem­bourgeoise et l' importance décisive de l' immigration dans la croissance économique d'après-guerre du pays.

B. la propension à travai l ler

La propension à travai l ler est traduite par l e rapport qui existe entre la population active et la population en âge de travai l ler (c'est-à-d ire la popu­l at ion de 1 5 à 64 ans).

Au Luxembourg la propension à travai l ler est tombée de 0.620 en 1 947 à 0.576 en 1 960 et à 0.575 en 1 966.

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Année I l 1 947 . . . . . . . . . . 1 960 . . . . . . . . . . 1 966 . . . . . . . . . .

Tableau n° 23

Propension à travail ler (1 947-1 966)

Hommes Femmes

0.887 0.352 0.852 0.304 0.846 0.307

Total

0.620 0.576 0.575

Ainsi, sur 1 0 personnes en âge de travail ler, environ 4 ne cherchent pas à trouver u ne occupation. Les raisons de ce phénomène sont multiples: la préférence des femmes - ou leur obl igation - de rester a u foyer, l 'al longe­ment de la scolarité, les faci l ités de la mise à la retraite a nticipée, etc.

U n des principaux facteurs de la propension à travai l ler est cependant sans aucun doute le taux d'activité de la population fémin ine.

a) Importance g lobale du travail féminin

Le tableau no 24 montre, pour 5 des grands recensements de la population luxembourgeoise du 20me siècle, l'évolution de la population active féminine par rapport à la population active totale.

Tableau n ° 24

Travai l féminin (1 907-1 966)

Source: Annuaires du STATEC

Année Il Hommes Femmes Total 1 rapport F/T en %

1 907 . . . . 86 447 36 669 1 23 1 1 6 29.8 1 935 . . . . 96 321 38 526 1 34 847 28.6 1 947 . . . . 96 41 4 38 725 1 35 1 39 29.4 1 960 . . . . 93 903 34 572 1 28 475 26.9 1 966 . . . . 95 1 89 35 498 1 30 687 27.1

On constate que la part de la population active fémin ine a légèrement d iminué depuis le début du siècle. En outre, le taux l uxembourgeois paraît extrêmement faible par rapport aux 30 à 35% que l'on enregistre dans la plu­part des autres pays industrial isés, en particul ier si l 'on tient compte du taux de natalité et de la structure d'âge de la popu lation de ces pays.

D ifférents facteurs peuvent être i nvoqués à l'expl ication de cette parti­cularité:

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- les mœurs, a insi que l 'attitude d u parti d'i nspiration cathol ique et des syndicats ouvriers qui , pendant longtemps, n'ont pas été favorables au travai l fémin in;

les salaires l uxembourgeois assez élevés qu i garantissent u n standard de vie général confortable sans que l'épouse soit obl igée de travai l ler pour arrondir les revenus du ménage) ; ,

- le système fiscal, q u i pénal ise le travai l des femmes mariées ( imposi-tion du cumul de revenus);

· · le manque d'institutions sociales nécessaires pour permettre aux femmes mariées de continuer leur activité professionnelle sans trop d'inconvénients pour les enfants (crêches, garderies, etc . ) .

b) Evolution du travail féminin par g rands secteurs

Tableau no 25

Travail féminin par secteur (1 947-1 966)

Source: Annuaires du ST ATEC

1 . Agriculture . . . . . . . . . . . . 2. Industries . . . . . . . . . . . . . 3. Services . . . . . . . . . . . . . . .

Total (1 -3)

Total (2-3)

. . . . · · · · · . . . . . .

. . . . · · · · · . . . . .

I l

I l

1 947 1 960

1 4 436 6 349 4 825 4 01 8

1 9 464 24 205

38 725 34 572

24 289 28 223

1 966

5 1 96 4 867

25 435

35 498

30 302

Si la population active fémin ine est tombée de 38 725 personnes en 1 947 à 35 498 person nes en 1 966, cette d iminution est essentiellement due à la forte réduction de l'effectif agricole qu i s'est faite para l lèlement à la d iminution du nombre des exploitations agricoles. Par contre, dans l'i n ­d ustrie le nombre de femmes occupées a atteint en 1 966 le même niveau qu'en 1 947 et dans le secteur tertiaire le nombre de femmes actives a aug­menté de quelque 6 000 personnes depuis 1 947.

Dans l'ensemble, on peut donc constater que le nombre de femmes qu i acceptent un emploi dans l ' ind ustrie ou le secteur tertiaire - c'est-à-dire dans les secteurs qu i exigent en général u ne séparation assez nette entre l es travaux de ménage et les travaux professionnels de la femme, alors que ceux-ci se font en quelque sorte en symbiose à la ferme - a fortement a ugmenté ( + 24.8%, soit + 1 .2% par an depuis 1 947), ce qui dénote donc

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des changements psychologiques et sociologiques non négl igeables. Mais ce mouvement a été, du point de vue numérique, plus que compensé par la forte réductio n de l 'effectif fémin in agricole.

Le tableau no 26 montre néanmoins que la société luxembourgeoise a laissé en friche u ne main-d'œuvre potentiel le importante et, de bien de points de vues, plus i ntéressante que la maincd'œuvre étrangère.

Tableau n° 26

Comparaison i nternationale d u travail féminin par classes d'âge (nombre de femmes actives pour 1 00 femmes de chaque catégorie)

Source: O.C.D.E.

Pays Année 1 5/1 9 20/24 25/29 30/34 35/39 40/44 45/49 50/54 55/59 60/64

ans ans ans ans ans ans ans ans ans ans

Allem. Féd. 1 961 79 72 50 44 46 45 42 37 32 21 Autriche 1 961 75 75 59 - 55 - 53 51 47 40 20 Belgique 1 961 4 1 52 36 31 30 30 28 25 20 9 Pays-Bas 1 960 61 53 22 1 6 1 5 1 6 1 7 1 6 1 4 9 France 1 962 46 59 43 39 40 41 45 45 41 31 Irlande Nord 1 961 54 67 39 24 1 9 1 9 - 21 - - 22 -Italie 1 961 38 40 30 28 - 27 - - 24 - 1 7 1 3 Danemark 1 960 67 59 39 34 36 38 38 37 34 23 Norvège 1 960 43 48 26 1 9 1 9 20 22 25 27 23 Suède 1 960 45 57 42 36 35 36 37 36 32 21 Royaume-Uni 1 961 73 67 42 33 - 32 - - 34 - 31 1 7 Luxembourg 1 966 56 51 32 26 25 27 28 26 22 1 6

Conclusions et perspectives d'avenir

1 5 et +

41 47 25 23 37 30 26 36 24 33 35 27

L'analyse de l'évolution de la population active l uxembourgeoise et de l'emploi i ntérieur met donc à jour un des facteurs expl icatifs de la croissance très lente de l'économie luxembourgeoise. En effet, si l'emploi i ntérieur a augmenté de 0.5% par an entre 1 953 et 1 970, ceci n'a été dû qu'à l'apport massif de main-d'œuvre étrangère, a lors que la population active de natio­nal ité luxembourgeoise a sensiblement diminué et que par a i l leurs u ne marge non négl igeable de main-d'œuvre féminine potentiel l e a été l aissée en friche, faute de mesures adéquates.

I l faut cependant relever qu'au Luxembourg les relations entre la popula­t ion active et la croissance sont plus complexes que dans la p lupart des autres pays, étant donné que la première n'est pas seulement une cause mais aussi une conséquence de la deuxième . En effet, par suite du rôle-clé joué par l ' immigration, la population active augmente lors de l'accélération de la croissance, parce que c'est durant les a nnées de haute conjoncture que les entrées de travai l leurs étrangers sont les plus nombreuses.

· En ce qui concerne l'évolution future du facteur «travai l>>, d'après les

estimations du STATEC «la progression de la population active i ntérieure de

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Tableau no 27 Evolution de la population active jusqu'en 1 975

a) Variations absolues

Source: Estimations du STATEC

1 . Migrations nettes . . . . . . 2. Apport net de frontaliers . 3. Évolution naturelle . . . . . 4. Population active intérieure (=1 +2+3) . · · · · · · · · · 5. Population active nationale (=1 +3) . . . . . . . . . . . . .

Variations absolues totales

1 960-1970 1 1 970-1975 9 400 7 900 3 400 1 000 -2 900 -2 250 9 900 6 650 6 4001 5 650

1 Y compris la diminution de 1 00 frontaliers nationaux

Agriculture . . . . . . . . . . . . . Industrie . . . . . . . . . . . . . . Services . . . . . · · · · · · · · · 1 . Populationactiveintérieure 2. Apport net de frontaliers 3. Population active nationale (=1 -2) . . · · · · · · · · · · ·

b) Nombres absolus

1 960 1 965 21 900 1 8 700 58 900 63 500 52 900 56 700 133 700 1 38 900 3 300 5 100 1 30 400 133 800

Variations absolues moyennes

1 960 -1 970 1 1 970-1975 940 1 580 340 200 290 - 450 990 1 330 6401 1 130

1 970 1 5 700 66 500 61 400 143 600 6 800 136 800

1 975 13 200 73 100 63 950 1 50 250 7 800 142 450

c) Taux annuels moyens de variation en pour-cent

Il 1 965/60 Agriculture . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . -3.1 Industrie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1 .5 Services . . . • . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1 .4 1 . Population active intérieure . . . . . . . . . . . . 0.8 2. Apport net de frontaliers . . . . . . . . . . . . . 9.1 3. Population active nationale ( =1 -2) . . . . . 0.5

1 970/65 -3.4 0.9 1 .6 0.7 5.9 0.4

1 975/70 -3.4 1 .9 0.8 0.9 2.8 0.8

6 659 u nités d urant la période 1 971 - 1 975 résulterait, d'une part, de l'évolu­t ion naturel le régressive de 2 250 un ités, d'autre part, de migrations nettes de 7 000 salariés et de l'apport net de 1 000 frontal iers (tableau no 27) . Notons que l'évol ution naturelle des salariés marquerait u ne progression de 1 250 u nités par suite de l'entrée dans la vie professionnelle de femmes

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i nactives et du passage à l'état de salariés d'un certain nombre d'indé­pendants.

«On constate donc que les immigrations annuel les nettes devraient être de 1 580 salariés de 1 971 à 1 975, contre 940 durant la décennie révolue. L'apport net de frontal iers souhaitable peut être estimé à 200 personnes, contre 340 durant la période 1 961 -70.

En vertu des expériences du passé, on peut estimer que pour fixer dé­finitivement 1 580 travail leurs étrangers annuel lement dans le pays, le nombre des recrutements devrait être trois à quatre fois supérieur, c'est-à­dire de l'ordre de 5 500 unités. Toutefois, i l est possible que, sous l 'effet des efforts déployés par l es autorités en vue d'intégrer définitivement les tra­vai l leurs étrangers dans le processus économique, ce chiffre p uisse être diminué.

«Enfin i l importe de synchroniser l'évol ution de l'offre et de la demande sur le marché du travai l en effectuant les recrutements à l'avance, pour éviter des distorsions dans l'économie et pour permettre une croissance harmonieuse.»

Dans l'ensemble, il faut toutefois être conscient du fait que cette i ntensi­fication de l ' immigration n'ira pas sans certa ins problèmes, n i sans coûts sociaux accrus (p. ex. logements, écoles, etc.) .

3 . 1 22 Marché d u travai l

La reprise de l 'activité économique au cours des années d e reconstruc­tion et d u boom coréen a permis d'absorber rapidement la main-d'œuvre disponible après la deuxième g uerre mondiale. En effet, grâce à la bonne al l ure du marché de l'acier, la sidérurgie - largement épargnée par la guerre - a régul ièrement augmenté son effectif qui est passé de 1 8 976 personnes en 1 948 à 24 987 personnes en 1 965 (soit + 1 .6% par an) . En outre les effets d'entraînement de cette industrie motrice ne manquaient pas de produire un accroissement considérable de l 'activité et de la population active dans d'autres branches des secteurs industriel et tertiaire. D'autre part, l'appareil administratif du secteur publ ic et semi- publ ic s'est considérablement é largi au fur et à mesure que la responsabil ité de l 'État dans la vie éco nomique et sociale s'est accrue. Enfin, la politique de diversification i ndustriel le pour­suivie depuis les années 1 960, s'est traduite par la création de nombreux emplois nouveaux.

Face à ces appels croissants de main-d'œuvre, la population active in­digène se rétrécissait lentement, de sorte que le pays a d û recourir d 'une façon croissante à la main -d'œuvre étrangère.

Dans l'ensemble le pays a connu une période de suremploi continu, si l'on fait exception de la récession de 1 967, et le rapport annuel de l'Office National du Travai l de 1 965 s'applique - à part certains détai ls - à la situation générale sur le marché du travail depuis le début des a nnées 50.

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«Si l 'on tient compte de l' i nterruption passagère de l'activité dans le bâtiment au cours des mois d'hiver, le nombre des offres d'emploi a toujours dépassé celu i des demandes d'emploi, et les besoins excédentaires de main -d'œuvre n'ont pu être couverts que par la voie du recrutement de trava i l leurs à l'étranger. ( . . . )

«Aussi le chômage a-t- i l été i nsignifiant et les disponib i l ités de main­d'œuvre n'ont pas dépassé le taux moyen de 0.1 %. Encore s'agissait- i l sur­tout d'un chômage frictionnel, si on exclut le chômage dû aux i ntempéries h ivernales. ( . . . )

«Somme toute, le marché d u travai l continue à être dominé par les carac-téristiq ues su ivantes:

prédominance des besoins sur les disponibi l ités;

plein emploi de la main-d'œuvre;

raréfaction de la main-d'œuvre qual ifiée;

déficits persistants de main-d'œuvre dans certains secteurs (d'après le rapport de l 'O. N .T. les pénuries de main-d'œuvre affectent surtout les services domestiques, l ' industrie hôtelière saisonn ière, l'artisanat a insi que certaines professions du bâtiment);

chômage i nsignifiant»1 •

Ce suremploi de la main-d'œuvre - malgré ses avantages sociaux évidents - a cependant eu a ussi quelques conséquences préjudiciables pour la croissance économique du pays.

En effet, la part très élevée de la population active de national ité étran­gère a augmenté la rotation de la main-d'œuvre, étant donné qu ' i l s'agit en grande partie de saisonniers qu i ont abandonné définitivement le pays après quelques années seulement de travai l au Luxembourg. Cette rotation a certes eu l'avantage d'augmenter la mobil ité globale de la main-d'œuvre qui, sans cela, aurait été trop faible pour permettre les adaptations structu­relles nécessaires. Ainsi le nombre des nouvelles demandes et offres d'em­ploi et des placements annuels a varié entre 25 000 et 30 000 environ, de sorte que les nouveaux placements ont représenté chaque année environ 1 /5 de la popu lation active g lobale du pays. Mais comme la rotation a été trop rapide dans certaines branches (p. ex. construction, fabrications mé­tal l iques, etc.) elle a lourdement pesé sur la productivité de la main-d'œuvre, d'autant plus qu'une grande partie des étrangers n'avaient bénéficié que d'une formation professionnel le rudimentaire avant de venir au Luxembourg. Par conséquent, ces premières années de séjour au Luxembourg de beau­cou p d'étrangers n'ont été que des années d'apprentissage - où de toute façon la productivité est assez faible - après quoi les étrangers ont de nou­veau quitté le G rand- D uché pour continuer leur activité professionnelle dans leur pays d'origine. De ce point de vue, des mesures plus l ibérales en ce qui concerne l'i nstallation a u Luxembourg des famil les de ces étrangers et la natural isation auraient permis de fixer davantage la main-d'œuvre étrangère ormée au Luxembourg.

1 Rapport de l'Office National du Travai l ( 1 965, page 6).

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A l'avenir, le manque de main-d'œuvre risque de constituer, plus q ue dans le passé, le principal facteur de freinage dans l'économie l uxembou r­geoise. D'après les projections d u STATEC pour 1 975, l a population active i ntérieure pourrait passer de 1 43 600 u nités en 1 970 à 1 50 250 unités en 1 975. Il s'agit là d'une prévision volontariste dans ce sens qu'elle so us­entend que le Gouvernement intensifiera ses efforts - notamment en matière des conditions d'accueil et de logement - afin de stimuler l ' immigration de la main-d 'œuvre étrangère. D 'autre part on peut prévoir la création de q uelque 1 0 500 emplois nouveaux durant la période 1 97 1 - 1 975 (cf. tableau no 28) . Par conséquent le solde migratoire devrait dépasser nette­ment le niveau moyen de la période 1 960-1 970, ce qu i sera d'autant plus diffici le que les anciens «réservoirs» de main-d'œuvre étrangère sont en tra i n de se tarir par suite d u développement dans les régions méditerranéen­nes; par ai l leurs, étant donné la pénurie général isée de main-d'œuvre dans l 'Europe des Six et notamment en Allemagne Fédérale, la concurrence entre les pays industria l isés pour l 'obtention de la main-d'œuvre deviendra encore plus serrée, d'autant plus que depuis la réévaluation de sa monnaie en 1 969 l'Allemagne Fédérale s'est créée un avantage sensib le dans ce domai ne. Par conséquent le maintien d'une progression satisfaisante des salaires -et, bien entendu, de la productivité - sera u ne condition i nd ispensable a u développement futur de l'économie l uxembourgeoise.

Tableau no 28

Principaux besoins en main-d'oeuvre (estimation) (total de la période 1 971 -1 975)

Source: Table ronde "Inventaire économique"

Industrie et artisanat Industrie proprement dite . • . . . . . . . . . . . . . . . . . . . •

- Création d'entreprises nouvelles . . • . . . . . • . . . . - extension d'entreprises de création récente

(postérieure à 1 959) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . - extension des entreprises «traditionnelles» . . . . .

Artisanat sans construction . . . . . • . . . . . . . . . . • . . . . Construction • . • . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . • . . . . Ensemble du secteur industriel

Secteur tertiaire Banques et assurances . . . . . • . . . . . . . . . . . . . . . . . . Administration publique . . . . . . . . . • . . . . . . . . . . . . . Hôtels et restaurants . . . . . . . . . . . . . • . . . . . . • • . . . . Commerce . • . . . . . . . . . . . . . . . . . . • . . . . . . . . . . . . Autres services . . . . . . . . . . • . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Ensemble du secteur tertiaire . . . • . . . • . • . . . . . . . . .

Ensemble de l'économie . . . • . . • . . . . . . . . . . . . .

I l personnes

2 965

985 1 350

1 200 750 500 500 350

5 300

800 1 000 7 1 00

3 300

1 0 400

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Conclusions et perspectives d'avenir

Si, depuis Keynes, la réalisation d u plein emploi est devenue le principal objectif de la politique économique, le Luxembourg peut se vanter d'un long succès dans ce domaine. Toutefois, l'absence quasi complète de chômage sur le plan g lobal ne doit pas cacher certai nes imperfections du marché du travai l concernant l'allocation optimale des ressources humaines face à u n sous-emploi longtemps latent dans certaines régions ou activités, de même que les i nsuffisances dans l'orientation professionnelle des jeunes. Par ai l leurs la situation de plein emploi, voire de suremploi continu, a été accompagnée de certains aspects défavorables, en particulier en ce qui concerne la rotation rapide de la main-d'œuvre étrangère. Néanmoi ns i l faut constater que les avantages de cette situatio n ont largement prévalu, surtout si l 'on y i nclut les considérations sociales et en particul ier l e fait que ledit plein emploi est un des principaux facteurs de la paix socia le.

Pour les a nnées prochaines, il n'y a pas de raison d'admettre que la situa­tion sur le marché de l 'emploi se dégrade; au contraire tout porte à croire que le facteur «travai l» restera le facteur de production le plus rare, sinon le principal goulot d'étranglement dans le processus de la croissance.

Toutefois l'équi l ibre entre l 'offre et la demande selon les d ifférentes qual ifications de la main-d'œuvre pourrait devenir pius dél icat, de sorte qu'une réforme et un perfectionnement de l'orientation professionnelle à tous les niveaux deviendront urgentes. Les recommandations du Comité de la main-d'œuvre et des affaires sociales de I'O. C.D. E., formu lées en 1 969 lors de l'examen de la politique de main -d'œuvre au Luxembourg sont très nettes à ce sujet:,

«Le Gouvernement se propose de recourir à la programmation économique indicative pour d iversifier davantage la base de sa politique ( . . . ) . De tels efforts ont u ne grande importance pour la pol itique du marché du travai l en raison de leurs effets structuraux et à long terme. Il n'en serait pas moins du plus haut i ntérêt que le Gouvernement essaie de prévoir également les besoins futurs dans les d iverses professions. Actuel lement i l n'existe pas d'étude complète sur la structure de la population par profession et l'on n'a même qu'une connaissance partielle des flux de l'éducation profes­sionnel le ( . . . ) .

«Encore faut- i l que l' importance de la pol itique d u marché du travai l soit reconnue par l 'ensemble des services ministériels et les associations patro­nales et ouvrières et q u'elle gagne les chefs d'établ issements scolaires, les enseignants a insi que chaque travail leur, employeur et membre de la popula­tion en général.

«Nous en sommes encore loin, et pas seulement au Luxembourg ( . . . )».

3 . 1 23 Durée du travai l et i ncidence de l'évolution de la quantité de travai l sur la croissance économique

A côté d u nombre de personnes actives, l a durée moyenne de travail de celles-ci détermine la quantité de travai l qu'une nation consacre à la production.

1 O.C.D.E . Politique de main-d'oeuvre au Luxembourg, page 1 2.

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Il est évident que dans une situation de technique et de moyens de production (capital, main-d'œuvre, procédés de production) constants, une réductio n de la durée d u travai l ne peut que réduire le P. l . B . et par consé­quent le niveau de vie moyen. Par contre, dans une situation dynamique à progrès technique conti nu, une tel le réduction peut se concil ier avec un accroissement du P. I . B. En effet le progrès technique, entraînant générale­ment la possibi l ité de substituer du capital au travai l, tend à dimi nuer l a rareté d u travai l . D'autre part, la réduction de l a durée du travai l est dans une certaine mesure compensée par l'accroissement du rendement que la popu lation active peut réaliser pendant un horaire p lus bref. ( Dans son étude sur l'économie américaine D E N ISON admet que cette compensation se chiffre à 40% de la réduction de la durée du travai l) .

Les statistiques des différents pays industrialisés montrent que si la tendance à l a réduction de l a durée du travail est générale, cel le-ci ne se poursuit cependant pas sans renversements temporaires au cours des pé­riodes de haute conjoncture. Ici comme a i l leurs, deux phénomènes se superposent: d'une part une réductio n à long terme, d'autre part des f luc­tuations conjoncturel les. Enfin une partie d u mouvement d'ensemble s'ex­plique par des modifications dans la structure de l'emploi, étant donné que la durée d u travail n'est pas la même dans les différents secteurs ou branches de l'économie.

3 . 1 231 Evolution de la durée du travail au luxembourg

Faute de données assez complètes couvrant la période qui nous i nté­resse pour les besoi ns de la comparaison avec l'étude de Denison, nous sommes obl igés de nous l imiter à des estimations très approximatives sur l'importance de la réduction de la durée d u travail durant l'après-guerre.

D'après l'enquête annuelle sur la production industriel le, le nombre moyen des heures rémunérées par o uvrier est tombé de 2 41 6 par an en 1 953 à 2 361 en 1 965, ce qui correspond à une réduction g lobale de 2.3% ou à une d iminution annuel le moyenne de -0.2%. Il convient de noter que cette réduction s'explique en grande partie par le fait q u'en 1 953 de nombreuses industries travai l la ient encore plus de 48 heures par semaine.

Ces chiffres ne révèlent cependant pas l ' importance de la réduction de la durée du travail due à l'extension du nombre des jours de congé qui est à la charge des employeurs. Cette extensio n s'est faite dans certains con ­trats col lectifs avant de s e généraliser par la l o i de 1 965.

D'après cette loi, le nombre des jours de congé est passé grosso modo de 8 à 24 par an (si l 'on retient l e groupe d'âge le plus nombreux et compte tenu des différents congés «spéciaux», tels le congé de déménagement, etc.) , ce qui correspond à une réduction de la durée du travail de 5% en­viron ( 1 6 jours sur 302 jours de travai l ) .

Enfi n il faut relever que par la convention collective de 1 956 la durée d u travai l dans l a sidérurgie fut réduite à 44 heures p a r semaine, grâce à l ' in­stitutio n de 1 6 jours de repos complémentaires (journées «S R», S R sign i -

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fiant «semai ne réduite») . Depuis lors le nombre de journées «SR» a été pro­gressivement augmenté pour se chiffrer à 27 en 1 965.

Pour passer de ces quelques i ndications chiffrables à l'éva luation de l ' importance de la réduction de la durée du travail de l'ensemble de la popu lation active, nous al lons admettre les hypothèses suivantes (toujours pour la période de 1 953 à 1 965) :

u ne réduction de 2.3% de la durée du travai l dans le secteur i ndustriel, tel le qu'elle ressort de la d iminution du nombre des heures rému ­nérées e t qu i s'expl ique avant tout par le temps de travai l extrême­ment élevé durant le boom coréen;

u ne réduction de 5% s'expl iquant par l 'extension des congés et s'appl iquant aux secteurs i ndustriel et tertiaire; pour le secteur agricole on admettra u ne réduction forfaitaire de 2.5%;

u ne réduction de 9% due à l' introduction progressive de l a semaine de 44 heures, qui sera appliquée à la moitié de l' i ndustrie et du secteur tertia ire.

Sur la base de la structure de l'emploi en 1 958, la durée du travai l de l'ensemble de la popu lation active a diminué de la façon suivante:

Heures rémunérées - 1 .0% Congé - 4.5% Semaine réduite - 3.7%

total - 9.2% ce qu i correspond à un taux a nnuel moyen de -0.8% pour la période de 1 2 ans 1 953-1 965.

En admettant u ne compensation de l'accroissement de la productivité de 40% - suivant les hypothèses de E. D E N ISON pour son examen des économies américaine et européenne - il resterait u ne réduction de 5.5%, soit -0.5% par an.

En ce qu i concerne l 'évolution de la durée du travai l depuis 1 965, rele­vons surtout q ue la convention collective dans l ' industrie sidérurgique du 27 ju i l let 1 967 a abouti à la reconnaissance du principe de la réalisation, en trois étapes, de la semaine de 40 heures. Ainsi, les 1 er janvier 1 968, 1 970 et 1 972, chaque fois cinq journées «SR» sont ou seront ajoutées aux 27 journées «SR» acquises à la date de la convention, de sorte que la semaine de 40 heures sera réalisée dans cette branche le 1 er janvier 1 972.

A la même époque, d ifférentes branches du secteur tertiaire - en parti­cul ier les administrations publ iques a insi que les banques et assurances -ont procédé à u ne i nstauration progressive de la semaine de 40 heures. Enfin, le 26 novembre 1 970, la Chambre des Députés a voté une lo i sur la général isation de la semaine de 44 heures et l ' introduction progressive de la semaine de 40 heures, cette réglementation concernant tous l es ouvriers occupés dans les secteurs publ ic et privé de l'économie.

La statistique communautaire sur la durée hebdomadaire du travai l offerte par ouvrier montre qu'en avril 1 969 - c'est-à-dire avant la «pointe» de la haute conjoncture qui a provoqué une situation anormale temporaire -

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le Luxembourg a figuré parmi les pays où la durée hebdomadaire d u travai l a été relativement réduite dans le secteur des industries manufacturières; par contre cel le-ci a été la plus élevée de tous les pays du Marché commun dans le secteur de la construction (cf. tableau 29) .

Tableau n ° 29

Durée hebdomadaire moyenne du travail offerte par ouvrier (avril 1 969)

Source: C.S.C.E. Unité: heures

Pays

Allemagne Fédérale . . . . . . . . • . . . . France . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Italie . . . . . . . . • . . . . . . . . . • • . . . . Pays-Bas . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Belgique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Luxembourg . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Moyenne Moyenne des industries manufacturières du bâtiment et du génie civil

44.0 44.6 45.6 49.3 44.2 41 .7 44.9 45.2 43.7 45.0 43.8 51 .0

Conclusions et perspectives d'avenir

Malgré le caractère grossier des estimations auxquel les nous avons précédemment procédé, on peut constater que depuis le début des années 50 la réduction de la durée du travail a plus que compensé l'accroissement de la population active. Par ai l leurs l'évolution de la durée d u travail a été assez différenciée d'un secteur à l'autre, de sorte qu'en 1 970 certaines branches ont déjà connu la semaine de 40 heures, alors que dans d'autres branches on a encore travai l lé pendant plus de 48 heures par semai ne.

C'est en partie pour remédier à ces distorsions et pour faire profiter pro­gressivement l'ensemble de la population active salariée du régime le plus favorable que le Gouvernement a fait voter, le 9. 1 2. 1 970, une loi stipulant l ' i ntroduction «à titre général et effectif» de la semaine de 44 heures pour le 1 er janvier 1 975 et l ' instauration de la semaine de 40 heures au 1 er

janvier 1 980, ceci évidemment à salaire éga l . I l s'agit là d'une loi d'une im­portance primordiale, dont les répercussions économiques pour les années 70 seront m ultiples. En particul ier, tout comme d urant les décennies passées, la réduction de la durée du travai l restera plus rapide que la pro­gression de la population active. Par conséquent, les efforts de rational isation et d'accroissement de la productivité devront être intensifiés dans tous les secteurs, sans quoi la croissance future du revenu par tête serait hypothé­q uée et la position compétitive de l'économie luxembourgeoise ainsi que le cl imat des prix i ntérieurs risquerait de se dégrader.

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En outre, il est évident que la réduction de la durée d u travai l est u ne op­tion hautement politique des gouvernements et des popu lations qui im­plique par ai l leurs la renonciation à un accroissement potentiel de la con­sommation privée ou des équipements collectifs. En effet, comme l 'a for­mulé Jean Fourastié dans son livre «Les 40 000 heures» 1, «s'il est réa l iste et nécessaire de penser aujourd'hu i que tout devient possible, l 'homme doit a ussi se rappeler non moins nécessairement que tout n'est pas possible tout de suite, et que tout n'est pas possible à la fois».

Enfin, en ce qui concerne l ' introduction future de la semaine de 30 heures - qui ne la isserait plus que 40 000 heures de travail sur 700 000 heures de vie1 - cette innovation séduisante ne sera probablement pas pour ce siècle, du moins en Europe.

3 . 1 232 Incidence de l'évolution de la quantité de travai l sur la croissance économique du pays

Au cours des pages précédentes nous avons évalué l'évolution de l'emploi i ntérieur et la durée du travai l . A l 'aide de la fonction de production précitée nous pouvons donc chiffrer grossièrement l ' influence de l'accroisse­ment de la quantité de travai l sur le taux de croissance de l 'économie 1 uxembourgeoise.

Tableau no 30 Quantité de travai l et croissance économique

(1 953-1 965)

Évolution 1 953-1 965 / Influence sur le taux de croissance

P.I.B . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Emploi intérieur . . . . . . . . .

Durée d u travail 1 ) Sans accroissement de

productivité . . . . . . . . . . 2) compte tenu de l'accrois-

sement de productivité . .

Quantité de travail 1 ) Sans accroissement de

productivité . . . . . . . . . . 2) compte tenu de l'accrois-

se ment de productivité . .

variation taux annuel globale moyen

+48.4% + 3.3%

+ 5.7% + 0.5%

- 9.2% - 0.8%

- 5.5% - 0.5%

- 4.0% - 0.3%

- 0. 1 % 0

1 Jean FOU RASTIÉ: Les 40 000 heures. Pages 20 et 1 3.

86

en % de la en points du

taux croissance

de croissance

+ 7.6% + 0.3%

-1 2.3% - 0.5%

- 7.3% - 0.3%

- 5.3% - 0.2%

- 0.1 % 0

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Du tableau no 30 .il résulte que si l'accroissement de l'emploi i ntérieur expl ique quelque 7.6% de la croissance du P. I . B., la réduction de la durée d u travail a cependant plus que compensé cet effet positif (-1 2.3% de la croissance du P. I . B . ) .

Toutefois, compte tenu de l'hypothèse de productivité d e D EN I S O N ( l 'accroissement de l a productivité d û à la réduction d e l a durée d u travai l compense cette réduction à 40%) , les deux phénomènes en sens i nverse se sont pratiquement annulés, de sorte qu'en f in de compte la stagnatio n de la quantité de travai l n 'a pas pu produire d'effet stimulant sur la croissance économique l uxembourgeoise.

Tableau no 3 1

Comparaison internationale de l' incidence sur la croissance de l'emploi et de la durée du travai l

Source: E. DENISON: Why growth rates differ

1 Évolution 1 950-1962

variation globale

États-Unis E' 1 4.6 DT'

Europe Occident. E 1 1 .6 DT

Belgique E 6.7 DT

Danemark E 1 1 .7 DT

France E 1 .3 DT

Allemagne R F. E 26.9 DT

Pays-Bas E 1 3.3 DT

Norvège E 2.1 DT

Grande Bretagne E 8.4 DT

Italie E 7.0 DT

Luxembourg E 5.72 DT

1 E = Emploi; DT = Durée du travail

2 période 1 953-1965

3 P.I.B.

Taux de croissance

annuel moyen

1 .1

0.9

0.5

0.9

0.1

2.0

1 .0

0.2

0.7

0.6

0.52

En pour-cent

Incidence sur la croissance Taux de

du revenu national croissance

en % de la en points de annuel croissance pour-cent moyen du

totale du taux de revenu croissance national

annuel moyen

27 0.90 3.32 - 5 -0.17

1 5 0.71 4.78 - 3 -0.1 4

1 3 0.40 3.20 - 5 -0.1 5

21 0.70 3.51 - 6 -0.1 8

2 0.08 4.92 -0.02

21 1 .49 7.26 - 4 -0.27

1 7 0.78 4.73 - 4 -0.1 6

4 0.1 3 3.45 - 4 -0.1 6

21 0.50 2.29 - 6 -0.1 5

7 0.42 5.96 1 0.05

7.62 0.32 3.303 - 7.3 -0.3

87

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Une i nterprétation nuancée des chiffres ainsi dégagés n'est cependant possible qu'après une comparaison avec les chiffres correspondants des autres pays européens.

En ce q u i concerne les traits dominants qui ont différencié l 'Europe Occidentale des États -Unis, on peut citer les conclusions suivantes de E. D EN I SO N 1 q ui peuvent aussi i ntéresser le Luxembourg:

«Aithough the Un ited States increase i n total l abor input was exceeded by two European countries, the analysis of preceding chapters suggests that, with i n the l imits set by the demographie position of each country and its i n itial situation, the U nited States has done more than a ny of the Euro­pean countries to stimulate growth by increasing labor i nput. First, more additional women have been drawn i nto the labor force, relative to popula­tion, in the U nited States than i n any of the European countries - far more than i n any but Belgium. Second, the European countries, except France, have reduced working hours of ful l -time wage and salary workers since 1 955, whi le the U n ited States has not. Third, the educational qual ifications of the labor force have been upgraded more in America than i n Europe -much more than i n any of the large Northwest European countries».

En ana lysant plus particulièrement l 'évolution en Europe Occidentale, on peut constater que l'Al lemagne Fédérale a bénéficié de la situation la plus favorable en ce qu i concerne l'accroissement de l'emploi, et l'Italie et la France en ce qui concerne l'évolution de la durée du travai l .

M algré certaines légères différences méthodologiques, les chiffres cités montrent d'autre part que le Luxembourg a été avec la Norvège, le pays le plus désavantagé en ce qu i concerne l'évolution combinée de l'emploi et de la d urée d u travail, et donc la quantité de travai l .

Par conséquent, ce phénomène constitue u n des facteurs explicatifs du faible taux de croissance d u pays.

3 . 1 3 Quelques facteurs humains «qualitatifs»:

Education, formation des cadres, recherche

Pendant longtemps les analyses de la croissance économique d'un pays donné se sont l imitées à l'étude de l'i nfluence de l'accroissement des quanti­tés de travai l ou de capital, en négligeant ou en ne considérant que comme facteur «résid uel» l'ensemble des autres forces de croissance, et notamment les facteurs humains tels que l'éducation, la formation professionnelle, la recherche scientifique et les innovations techniques et administratives. Les recherches plus récentes ont cependant montré que l'ensemble de ces facteurs h umains explique, s inon la majeure partie, du moins u ne part con­sidérable du taux a nnuel de croissance dans les différents pays.

Toutefois l'analyste qu i veut examiner le processus de croissance dans une économie concrète, arrive ici dans une «terra i ncognita» quasi com­plète, parce q ue, d'un côté, les théories à ce sujet sont encore trop rudimen-

1 E. DENISON: Why growth rates differ, page 1 1 6.

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taires et trop controversées pour pouvoir valablement éclairer sa démarche et que, de l'autre côté, l es études et les données de base au sujet de l' i nci­d ence desdits facteurs dans les différents pays font encore gravement d éfaut.

En ce qui concerne d'abord les controverses théoriques, le rapport d'un groupe d'études de I'O .C .D .E. sur «Le facteur résiduel et le progrès écono­mique», a montré à quel point la recherche récente est encore lo in de cette «décantation» des idées q u i autoriserait d'en faire un outil non contesté de l'économie appliquée.

Ainsi par exemple le secrétai re scientifique du groupe d'études en q uestion, le professeur John Vaizey, est arrivé à cette constatation peu réconfortante que «la p lace que les économistes assignent à l'éducatio n dans l'économie d iffère radicalement selon les écoles»2•

I l faut toutefois préciser que ces controverses ont moins porté sur l'aspect général de la question que sur les méthodes quantitatives servant à évaluer l' i ncidence de l'enseignement sur la croissance économique et notamment sur la méthode de Denison.

En effet, la p lupart des économistes reconnaissent actuellement qu'un des principaux facteurs de croissance (du moins dans les pays développés) est une éducation adéquate - c'est-à -dire orientée non seulement vers la transmission d'un patrimoine culturel traditionnel, mais aussi vers la rénovation continue de ce patrimoine - qui produit des effets favorables à l a croissance dans les domaines les plus divers: préparation de la populatio n a u x changements et au progrès technique, amél ioration d e l a qual ification professionnelle, accroissement de la mobil ité de la main-d'œuvre et d es couches sociales, stimulation des recherches et des i nventions.

Quant à l'i ncidence quantitative de ces d ifférents facteurs, d'après l es recherches de E. D EN ISO N3, l'éducation, les i nventions et l'avancement des connaissances expliqueraient au total 41 % de la croissance économique a méricaine et 25% de la croissance européenne des années de 1 950 à 1 962.

Les chiffres du tableau no 32 laissent cependant entrevoir d'emblée les l imites de ces estimations quantitatives.

Quant aux nombreuses critiques qu'ont provoquées ces estimations, nous nous l imiterons à deux citations qui soulèvent les points les plus fonda­mentaux:

Ainsi M. Jan Sandee du Bureau central de Planification des Pays- Bas constate:

«( . . . ) la principale critique que j'adresserais à Denison, c'est que son progrès technologique est désincarné, tandis que je crois qu'i l est le plus souvent «incarné» sous forme d'usi nes et d'équipements nouveaux. Cette d ivergence entre nous e ntraîne une forte divergence quant aux rendements prévus d'une augmentation des i nvestissements. Celui qui croit au progrès «incarné» aboutit généralement à un rendement double de celui auquel

1 O.C. D.E. Le facteur résiduel et le progrès économique, Paris. 1 964. 2 O.C.D .E. op. cit., page 9 . 3 E. DEN ISON «Why growth rates diffen>, pages 298-31 8.

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aboutit l 'analyse classique uti l isant Cobb- Douglas ainsi que la tendance «désincarnée», parce q u' i l considère tout «l'élément résiduel» (et bon nombre des autres effets constatés par Denison) comme le résultat de nouveaux i nvestissements.»1

Tableau no 32

Contribution de l'éducation, des inventions et de l'avancement des con­naissances à la croissance économique dans différents pays occidentaux

(1 950-1 962)

Source: E. DENISON: Why growth rates differ

Pays I l e n % d e l a croissance globale

Étata-Unis . . . . . . . Europe Occidentale .

Belgique . . . . . . . . Danemark . . . . . . . France • . . . . . • • . . Allemagne Fédérale . Pays-Bas . . . . • • . . Norvège • . . . . • . . . Grande-Bretagne . Italie . • . . . . . . . . .

E = éducation

1 = inventions

E

1 5 5

1 4 4 6 2 5 7

1 2 7

C = avancement des connaissances

c

3 23 4 1 6

2 25 4 23 4 1 6 5 1 0 5 1 7 4 22 4 32 2 1 3

en points d u taux de croissance

E c

0.49 0.1 0 0.76 0.23 0.1 8 0.76

0.43 0.06 0.76 0.1 4 0.1 5 0.76 0.29 0.1 9 0.76 0.1 1 0.33 0.76 0.24 0.22 0.76 0.24 0.1 3 0.76 0.29 0.09 0.76 0.40 0.1 2 0.76

De son côté, le professeur Thomas Balogh de l 'Université d'Oxford n e manque pas d'humour à l'égard des efforts de Denison et de Tinbergen (et des calculs de ce dernier en ce qui concerne les pays en voie de dé­veloppement):

«Les calculs qui attribuent à l'enseignement une efficacité extraordi ­naire ( . . . ) font i ntervenir à p e u près tous les sophismes q u e l 'on peut commettre dans des recherches de cette nature:

«1 . I ls aboutissent à un élément résid uel du taux d'expansion, c'est-à­d ire à cette partie de l'expansion qu i, d'après leurs propres hypothèses et constructions particulières, ne peut s'expliquer par l 'augmentation d'autres facteurs de production, conclusion qu i n'est pas prouvée et qu i ne peut pas l 'être.

1 O.C.D.E . op. cit., page 79.

90

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«2. l.ls supposent ensuite, sans plus de raison, que les i nvestissements consacrés à l'enseignement ne sont pas seulement u ne cause {plutôt qu'un effet ou que l 'une de p lusieurs conditions), mais la cause unique et suffisante qu i expl ique l'ensemble ou une certaine fraction artificiellement choisie de cet élément résiduel de l'expansion relevé dans certains exemples historiques.» 1

Sans voulo i r entrer davantage dans le détai l de ces controverses qui ne manquent pas d'intérêt ni de virulence, nous pensons qu'on peut néanmoins retenir cette idée de bon sens du rapport Rueff-Armand: «Dès lors que les hommes sont à la fois le moyen et la fin de l'activité économique, leur forma­tion et leur i nformation sont parties i ntégrantes d'une politique d'expansion.»2

En ce qui concerne maintenant l'analyse de la réalité luxembourgeoise, si, dans l'état actuel de la documentation et de la recherche de base, il est impossible de dégager des relations quantitatives entre des facteurs tels que par exemple le prolongement de la scolarité des jeun es ou les dépenses en recherche et la croissance économique, il convient toutefois, dans le cadre de la présente étude, de relever quelques- uns de ces facteurs dits «qualitatifs» dont l' i nfluence sur le développement économique à long terme n e peut être négl igée.

Ainsi les grands changements dans les structures économiques et so­ciales, qu i accompagnent ou favorisent la croissance, dépendent dans une large mesure des cadres politiques et administratifs des pays. I l est donc essentiel que ceux-ci soient formés dans u n esprit ouvert, orienté vers la recherche, les investissements et les solutions d'avenir. A ce sujet, Robert R . Nie ld écrit dans l'étude précitée de I'O.C. D. E.3: «I l i mporte de veil ler à ce que les él ites que l'on forme soient bien celles que réclame l'expansion économique, et i l faut éviter de créer, en axant trop l'enseignement sur les études littéraires ou j uridiques, par exemple, une société dominée par des attitudes défavorables à la croissance ( . . . )».

Or, de ce point de vue, on peut avoir des doutes sur l a valeur adéquate de la formation de la p lupart des cadres administratifs q u i est souvent trop exclusivement orientée sur l'étude du droit et plus précisément sur cel le d u code civi l napoléonien. En particul ier, la tournure d'esprit rétrospective qu i est i n hérente à ce type de formation n'est guère la mei l leure préparation à la solution de problèmes de gestion des sociétés modernes, où l a prospective est une des conditions essentiel les de l'efficacité. Par conséquent, si la maxime «le d roit mène à tout» pouvait se défendre à une époque où le rôle de l'État se réduisait à celu i d e «gardien de nu it» ( N achtwachterstaat), devant la m ultiplicité des fonctions que doit assumer actuel lement l 'État, la diversité des formations selon l es fonctions à pourvoir devrait être le princi­pal principe dans le recrutement des hauts fonctionnaires. En outre, peut­être p lus que pour les cadres i nférieurs et moyens, c'est pour les cadres

, O.C.D.E . op. cit., page 203. 2 Rapport R ueff-Armand, cité par J .F. Poos, op. cit., page 306. a O.C.D.E . op. cit., page 307.

91

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supérieurs que la formation permanente devient u ne exigence primordiale; par conséquent l' i nstitut administratif en voie d 'élaboration devrait s'adresser aussi à cette catégorie de fonctionnaires. Par a i l leurs, la fameuse réforme administrative qui depuis des a nnées est à l'ordre du jour, n'est pas réal isable sans un abandon de l'étroit cloisonnement des d ifférentes administrations et sans u ne mobil ité p lus grande des cadres qu i est une condition d'une for­mation plus large de ceux-ci et d'une mei l leure col laboratio n entre les d i ­verses administrations. Enfin, on peut se demander pourquoi le recrutement des cadres supérieurs ne se fait pas sur concours, alors qu'un tel concours est exigé des simples expéditionnaires.

En ce qu i concerne l'enseignement l uxembourgeois en général, si cel ui -ci s'est caractérisé longtemps par son immuabi l ité, depuis quelques années on en a heureusement entamé des réformes de fond. I l s'agit- là sans doute d'une œuvre de longue haleine, dont le centre de gravité devra se situer dans l'enseignement technique et professionnel a insi q ue dans l a formation des adultes. S i la réforme d u premier de ces types d'enseigne­ment présente le p lus d'urgence en raison de l ' importance des modifica­tions qui se font actuel lement dans les structures économiques du pays, la formation des adultes sous d ifférentes formes (cours de recyclage, congé culturel, «zweiter B i ldungsweg» etc.) sera à long terme non moins impor­tante pour la qual ification adéquate et la mobil ité de la populatio n active. Enfin, il y a l ieu de rappeler dans ce contexte l'urgence d'une orientation professionnel le bien organisée et qui devrait par a i l leurs essayer de redresser la balance entre les candidats à une profession «bureaucratique» et ceux à u ne profession manuel le par u ne vaste campagne d'information montrant les chances réelles dans ces deux types de carrières.

En ce qu i concerne la recherche scientifique et appliquée, celle-ci est généra lement considérée comme u n facteur de croissance de premier ordre à une époque où ce n'est plus l'acier mais la matière grise qui constitue la colonne vertébrale de la pu issance industriel le. Si, pendant longtemps, le Luxembourg s'est caractérisé par u ne absence quasi totale de recherche pure et appl iquée, depuis le début de la d iversification industriel le les grandes entreprises nouvelles de l ' industrie chimique et parachimique -et en particu l ier la société G OO DYEAR - ont établ i à Luxembourg d' im­portants laboratoires de recherche. En outre, la société A R B ED, qu i s'est j usqu'ici l imitée essentiel lement à participer aux travaux de d ifférents centres de recherches étrangers, a décidé en 1 970 de créer son propre centre de recherches a u G rand- D uché.

Quant au domaine de la recherche scientifique qui est essentiel lement d u ressort des pouvoi rs publ ics, on peut constater que face à l'absence, à Luxembourg, de bibl iothèques spécial isées, de centres de documentation et d'équipements scientifiques adéquats, les jeunes chercheurs les plus bri l lants ont l e plus souvent préféré poursuivre leur carrière aux u niversités et aux centres de recherches étrangers. Or, si la recherche fondamentale devient de plus en plus diffici le à petite échel le, du moins l 'État pourrait- i l favoriser la centralisation de la documentation sur les progrès de la science et de la connaissance, leur confrontation aux réal ités luxembourgeoises et

92

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leur divulgation. Ceci pourrait se faire grâce à l'établissement d'instituts de recherches post-universitaires qu i auraient en même temps comme fonction la formation permanente des i ntel lectuels l uxembourgeois, cette dernière faisant actuellement gravement défaut. Ce système, moins ambitieux que les projets d 'une «université» luxembourgeoise, aurait d u moins l'avantage de réduire l'écart entre le moment de l a conception d'une connaissance nou­velle et celu i de son application au Luxembourg, étant entendu que c'est précisément cet écart qu i prend de plus en plus u ne signification économique.

Les quelques problèmes sou levés ont permis avant tout de montrer à quel point nos connaissances et notre documentation sur quelques ressorts fon­damentaux de l a croissance économique sont encore sous-développés. C'est pourquoi les argumentations précédentes sont à considérer non pas comme des j ugements définitifs, mais comme des thèmes de réflexion dont l'analyse détai l lée et fondée reste à faire.

3 . 2 FACTEU R «CAPITAL»: STOCK D E CAPITAL, INVESTISSEM ENTS ET ÉPARG N E

«Le travai l , à lu i seul, n'aurait pu provoquer ce g igantesque bond e n avant qu'a été le déclenchement d'un processus durable d e croissance éco­nomique. I l a fal lu pour y parvenir qu'une partie de ce travai l soit con­sacrée à créer, puis à étendre un ensemble de moyens matériels de production appelé capital productif» 1 .

S i l' influence d u facteur «capital» dans l e processus d e l a croissance économique n'est plus à démontrer, une a ppréciation quantitative de cette i nfluence reste cependant très délicate par suite des difficultés statistiques i mpliquées.

Dans u ne première section nous présenterons u ne évaluation approxima­tive de l'incidence de l'accroissement du stock de capital sur l'économie luxembourgeoise des a nnées de 1 953 à 1 965 à l'aide de la fonction de production de type Cobb- Douglas.

Le stock de capital est renouvelé et agrandi grâce aux investissements (ou formation brute de capital fixe), qu i servent en outre à l' i ncorporation du progrès technique dans l e processus de production. Dans u ne deuxième section nous analyserons l 'évol ution de la FBCF au Luxembourg, le niveau de cel le-ci par rapport aux taux de FBCF des a utres pays et les traits caracté­ristiques des i nvestissements i ndustriels et des i nvestissements publ ics.

L'investissement est cependant impossible sans un montant suffisant d'épargne. Cel le-ci n'est d'a i l leurs pas considérée uniquement comme u ne «consommation différée», mais aussi comme une «consommation déviée», c'est-à-dire transformable en moyens de production. Nous analyserons donc dans une troisième section les traits caractéristiques de l'épargne l uxem­bourgeoise et de l'acheminement de cel le-ci vers les investissements productifs.

1 Bernard CAZES: La vie économique, page 38.

93

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3 . 21 Stock de capital et formation brute de capital fixe

3 . 21 1 Stock de capital et COR (capital output ratio)

Dans la fonction de production du type Cobb- Douglas la contribution du facteur «capital» à la croissance économique est mesurée d'après les variations du stock de capital .

L'évaluation du stock de capital est cependant u ne opération extrême­ment complexe, et le manque de données statistiques l uxembourgeoises suffisamment étoffées à ce sujet rend la tâche de l'économiste particu l ière­ment délicate.

Le Cahier économique no 1 du Service d'études contient une estimation de la fortune nationale l uxembourgeoise en 1 950. Cette étude considère comme faisant partie de la fortune nationale « l 'ensemble des éléments du patrimoine national susceptibles d'être chiffrés». L'évaluation, effectuée selon la méthode de l ' i nventaire, repose sur la valeur vénale ou les pol ices d'assurances, en ce qu i concerne la fortune privée, et sur des estimations d'experts en ce qui concerne le domaine publ ic. D 'après ces estimations officielles, la fortune nationale l uxembourgeoise aurait atteint 79.4 mi l l iards de francs en 1 950, dont 79.8% o nt relevé du secteur privé et 20.2% d u secteur publ ic.

Pour pouvoir utiliser ces chiffres pour notre étude, il nous faut cependant faire abstraction des biens non reproductibles ou qui ne rentrent pas dans la FBCF, tel le que cette dernière est définie dans le système normal isé de comptabi l ité nationale de I 'O .E. C. E. ( Édition 1 958, Paris, p. 71 et ss. ) . Ainsi, le stock de capital l uxembourgeois pourrait s'être chiffré à 60.2 mi l l iards de francs en 1 950. D'après les auteurs de l 'étude (cf. p. 22) le capital de la si­dérurgie est évalué à u n montant p lutôt modeste. Si l 'on tient compte en outre de l 'accroissement d u stock de capital entre 1 950 et 1 953, on peut raisonnablement chiffrer ce stock à 70 mi l l iards de francs en 1 953.

94

Tableau no 33 COR par pays (1 954)

Source: O N U

Pays

Belgique . . . . . . France · · · · · · . . Allemagne Féd . . . Italie . . • . . . . . . . Pays-Bas . . . . . . Norvège • . . . . . . . Suède . . . . . . . . Grande-Bretagne.

(Luxembourg . . . .

1 \ COR

1 3.1 3.8 3.1 3.8 3.7 5.7 6.0 2.7

4.3)

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Étant donné que le P. I . B . a atteint 1 6.2 mi l l iards de francs en moyenne des années 1 952, 1 953 et 1 954, le COR (capital output ratio) du Luxem­bourg se serait élevé à 4.3. Pour comparaison, citons les CO R retenus par la Commission Économique pour l 'Europe de l'O N U pour l 'année 1 9541 •

Les différences méthodologiques sont sans doute pour beaucou p dans les écarts entre pays. Néanmoins, un COR de 4.0 à 4.5 pour le Luxembourg paraît raisonnable dès lors qu'on se rappelle l' importance absolue et relative de ses usines sidérurgiques et la densité de son réseau de routes et de chemin de fer.

On doit évidemment garder à l'esprit ce COR relativement élevé au moment de porter un jugement sur la part de la FBCF par rapport a u P. I . B .

3 . 21 2 Evolution d u stock de capital productif et de m aisons

d'habitation et son incidence sur le taux de croissance

a) Dans son étude «Why G rowth rates differ», E. D E N ISON fait une distinction, au sujet de l'i ncidence d u facteur «capital» sur la croissance économique, entre «Dwell i ngs and I nternational Assets» et «Non residen­tial structures and equipment» en négligeant par ai l leurs le capital du do­maine public.

Pour pouvoir rapprocher les résultats qu'on va trouver pour l'économie luxembourgeoise de ceux calcu lés par D E N ISON, on procédera à une d i ­stinction analogue (en négl igeant toutefois les investissements à l'étranger, sur lesquels il n'existe pas suffisamment de données statistiq ues) . En outre, pour des raisons de comparabilité, on se l imitera à la période de 1 953 à 1 965.

L'établ issement d'une série chronologique sur l'évolution du stock de capital et de maisons d'habitations n'a cependant été possible qu'à l'aide des hypothèses méthodologiques suivantes:

Étant donné l'absence de ventilatio n assez poussée des chiffres disponibles sur le stock de capital, les investissements et les amor­tissements, on considérera l'i ncidence de l'ensemble du capital productif et des maisons d'habitation . Comme l'impact des services immobi liers (c'est-à-dire des services i mputés aux maisons d'habi­tation) sur l'accroissement du P. l . B . peut être calculé directement à partir des comptes nationaux (voir ci-dessous), on obtient par diffé­rence l' incidence d u capital productif.

Le stock du capital productif et des maisons d'habitation a été évalué à 55 mi l l iards de francs pour l 'année 1 953.

Faute d'autres données statistiques - et pour ne pas devoir admettre des taux d'amortissement complètement arbitraires, l'évolution de ce stock de capital a été estimée d'après l'évolution de l'i nvestissement net du poste «Entreprises privées y compris certai nes entreprises

1 Commission Économique pour l'Europe de l 'O N U: Economie Survey of Europe. 1 961 Sorne factors in economie growth in Europe during the 1 950s .• page 1 8.

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publ iques» (telles les PTT) des comptes nationaux luxembourgeois. Par conséquent on a admis que les amortissements i ndiqués dans les comptes nationaux correspondent plus ou moins à la dépréciation réel le du stock de capital par suite de l 'usure et de l'obsolescence, ce qu i n'est évidemment qu'une approximation grossière.

Le montant des a mortissements des entreprises sidérurgiques a cependant dû être corrigé. E n effet, d'après les chiffres de l'enquête industriel le a nnuel le, les amortissements de la période de 1 953 à 1 965 auraient atteint le même niveau que les i nvestissements, de sorte qu'i l n 'y aurait pas eu d'investissements nets dans cette branche. Ceci paraît peu vraisemblable, étant donné que non seulement l a capacité de production de la sidérurgie est passée de 3 mil l ions de tonnes d'acier brut environ en 1 953 à q uelque 4.5 mi l l ions de tonnes en 1 965, mais qu'en outre les instal lations, épargnées par la guerre et uti l isées à fond durant le boom coréen, ont été largement modernisées au cours des a nnées 1 957- 1 964. Par conséquent, on peut admettre raisonnablement que le stock de capital de la sidérurgie a augmenté d'au moins 50% dura nt la période de 1 953 à 1 965. Compte tenu de cette hypothèse de croissance, et en évaluant le stock de capital de la sidérurgie à 1 5 mi l l iards de francs pour l'année 1 953, nous avons été amené à ne retenir que les deux tiers des amortissements sidérurgiques indiqués dans l 'enquête i ndustriel le annuel le. Étant donné le changement de méthodologie i ntervenu en 1 960 dans la comptabilité nationale luxembourgeoise, les i nvestissements

Tableau no 34

Evolution du stock de capital (1 953-1 965)

Source: Données du STATEC et estimations de l'auteur en millions de F

F B C F Amortisse- 1 nvestisse-l nvest. net Stock de

des ments ments Indice à prix capital

Indice du Année entreprises corrigés nets des prix stock de

de la FBCF constants (prix

capital de 1 953 constants)

à prix courants

1 953 3 049 1 640 1 409 1 00.0 1 409 55 000 1 00.0 1 954 2 973 1 739 1 234 99.5 1 240 56 409 1 02.6 1 955 3 085 1 822 1 263 1 00.9 1 252 57 661 1 04.8 1 956 3 1 1 5 2 201 9 1 2 1 05.0 869 58 530 1 06.4 1 957 4 1 04 2 391 1 7 1 3 1 09.7 1 562 60 092 1 09.3 1 958 3 790 2 406 1 384 1 1 3.1 1 224 61 31 6 1 1 1 .5 1 959 3 648 2 695 953 1 1 5.4 826 62 1 42 1 1 3.0 1 960 4 229 2 701 1 528 1 1 9.3 1 281 63 423 1 1 5.3 1 96 1 5 1 68 2 631 2 537 1 25.3 2 025 65 448 1 1 9.0 1 962 5 671 2 690 2 981 1 3 1 .8 2 262 67 7 1 0 1 23.1 1 963 7 555 2 837 4 71 8 1 42.0 3 323 71 033 1 29.2 1 964 9 81 8 2 641 7 1 77 1 52.2 3 71 6 75 749 1 37.7 1 965 8 51 7 3 990 4 527 1 52.7 2 965 78 7 1 4 1 43.1

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des Postes, Télégraphes et Téléphones ont été ajoutés aux chiffres de la F .B .C .F. des entreprises pour la période 1 953-1 960.

Compte tenu de ces hypothèses et remarques méthodologiques, le stock du capital productif et des maisons d'habitation pourrait avoir évolué depuis 1 953 comme indiqué dans le tableau no 34.

Tout d'abord l'accroissement du stock du capital productif et des mai­sons d'habitation pourrait avoir atteint 43.1 % durant la période de 1 953 à 1 965, ce qu i correspond à u n taux de croissance a nnuel moyen de +3.0%.

En mu ltipliant ces chiffres par le coefficient (1 -I)(.) de la fonction de pro­duction, on constate que 3 1 .52% de la croissance du P. I .B . ou 1 .1 % des 3.3% du taux annuel moyen de croissance peuvent être imputés à l'accroisse­ment du stock de capital.

b) Pour procéder à l'évaluation de l'impact du seu l stock de maisons d'habitation, nous utiliserons la méthode employée par E. D E N ISON dans le chapitre Xl de son l ivre «Why growth rates d iffer» et qui est résumée de la manière suivante (p. 1 23 et 1 24) : «An increase in the housing stock con­trib utes to growth by enlarging the services provided to occupants of dwel­l ings i n future years. The change in the net value in constant priees that is placed on the services i n national i ncome measures can be isolated, so that its d i rect contribution to the i ncrease in national i ncome can be readily calculated» ( . . . )

«Suppose that between two d ates the absol ute i ncrease i n the net value at factor cost of the services of dwel l i ngs was equal to 5 percent of the ab­solute increase i n total constant priee national i ncome; suppose, also, that the growth rate of national income between those dates was 4 percent. Then 5 percent of the growth rate of national i ncome of 4.0 percent, or 0.20 percentage points, can be attributed to the services of dwel l i ngs».

D'après les données du Tableau 1 des comptes nationaux luxembourgeois (orig ine par branche d'activité du P. I .B . au coût des facteurs), évaluées à prix constants, 4.39% de l'accroissement du P. I . B. ont été dus à l'accroisse­ment de la valeur ajoutée des «services immobil iers».

Par conséquent 0.1 5 points d u taux de croissance annuel moyen de 3.3 pour-cent d u P . I .B . relèvent de l'accroissement d u stock des maisons d'habitation.

c) Par différence on peut estimer l'i ncidence de l'augmentation d u capital productif à 31 .52-4.39 = 27.1 3% de la croissance ou à 1 .1 -0.1 5 = 0.95 points du taux de croissance. (cf. tableau no 35) .

d ) La comparaison avec les 9 pays analysés dans l'étude de E. D E N IS O N (cf. tableau n o 3 6 ) montre q ue l'accroissement d u stock de capital productif du Luxembourg s'est situé à peu près au même niveau que celu i de la Belgique et de la G rande- Bretagne, c'est-à-dire que le Luxembourg figure dans le groupe de pays dont le stock de capital et le reven u national ont augmenté

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Tableau no 35

Incidence du capital productif et des maisons d'habitation sur la croissance économique (1 953-1 965)

Évolution 1 953-1965 1 Influence sur letaux de croissance du P. I .B.

P.I.B. . . . . . . . . " . . . . . . . Capital productif . . . . . . . . Maisons d'habitation . . . . Facteur «capital)) . . . . . . .

variation globale taux annuel en % de la en % moyen en % croissance

+48.4 + 3.3 27.13 4.39 +43.1 +3.0 31 .52 Tableau no 36

Comparaison internationale de l' incidence

en points du taux de croiss.

0.95 0.1 5 1 .10

sur la croissance d u capital productif et des maisons d'habitation

Source: E. DENJSON, op. cit.

Évolution 1 950-1962 Incidence sur la croissance Taux de

du R. N . croissance

variation 1 taux de en % de la en points annuel moyen globale 1 croissance croissance du taux de du R. N.

annuel moyen totale croissance

États-Unis CP 55.0 3.7 13 0.43 3.32 M 7 0.25

Europe OccidentaleCP 60.6 4.0 1 4 0.64 4.78 M 1 0.07

Belgique CP 41 .4 2.9 13 0.39 3.20 M 0.02

Danemark CP 75.3 4.8 20 0.66 3.51 M 4 0.13

France CP 53.5 3.6 1 2 0.56 4.92 M 0 0.02

Allemagne Féd. CP 89.5 5.5 1 4 1 .02 7.26 M 2 0.1 4

Pays-Bas CP 63.9 4.2 1 5 0.66 4.73 M 1 0.06

Norvège CP 64.6 4.2 23 0.79 3.45 M 0.04

Grande- Bretagne CP 42.6 3.0 18 0.43 2.29 M 2 0.04

Italie CP 52.8 3.6 9 0.54 5.96 M 0.07

Luxembourg CP 43.1 1 3.01 27.1 0.95 3.302 M 4.4 0.1 5

C P = capital productif; M = maisons; 1 période 1 953-1 965; 2 P.I.B.

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le plus lentement. Si néanmoins l'i ncidence de l'accroissement du stock de capital productif sur l'accroissement du P . I .B . a été particul ièrement élevée au Luxembourg (27%), cela s'explique essentiellement par le niveau élevé du C 0 R et du coefficient ( 1 -œ) .

L'impact de l'accroissement de la va leur des services imputés aux maisons d'habitation sur la croissance du P . I .B . (ou du R.N.) a été plus faible au Luxembourg qu 'aux États-Unis, mais nettement plus élevé que dans les autres pays de l 'Europe Occidentale, à l'exception du Danemark. Comme i l s'agit cependant d'un poste d iffici le à évaluer, i l est possible que les diffé­rences méthodologiques dans l'établissement des comptes nationaux ex­pliquent en partie ces écarts.

Dans l'ensemble les chiffres précités suffisent pour mettre en évidence le rôle exceptionnellement important que joue le facteur «capital» dans l'économie l uxembourgeoise. Ceci est d'autant plus évident que la relation entre le niveau de la population active et la croissance du P. I . B. y est plus complexe (et incomplètement traduit par la formule de Cobb-Douglas et le raisonnement de Denison qu i se basent impl icitement sur l'hypothèse que les facteurs travai l et capital ag issent indépendamment sur le P .N . B.) que dans l es a utres pays par suite de la forte proportion d e main-d'œuvre étrangère et de la «rotation» rapide de cel le-ci . Aussi non seulement l'ac­croissement P . I .B . mais aussi le n iveau de la population active dépendent de la création de postes d'emploi nouveaux et par conséquent de l'accroisse­ment du stock de capital productif, de sorte que ce dernier produit en quel­que sorte u n effet cumulatif sur la croissance d u P. I .B . l uxembourgeois.

3 . 21 3 Evol ution g lobale de la formation brute de capital fixe

( F . B . C. F.)

Depuis le début des années 50, la F .B.C.F. (à prix courants) a su1v1 une évolution assez irrégul ière dans laquelle on peut disti nguer grossière­ment les périodes suivantes (cf. tableau no 37) :

a) Durant la période de 7953 à 1956, la F .B. C. F. s'est située à environ 4 mi l l iards de francs. La progression de 1 952 à 1 953 s'expl ique essentiel lement par l'i ntensification des investissements sidérurgiques durant les années «creuses» qui ont suivi le boom coréen. Au fur et à mesure que ces investissements décl inaient durant les années 1 955 à 1 956, les investissements dans les industries des produits laitiers et de la chimie atteignaient des niveaux particul ièrement élevés. En 1 956 la régression des investissements des administrations publ iques fut en grande partie compensée par l' important développement de la construction de locaux d'habitation.

b) Au cours des années de 1957 à 7960 la F .B .C .F. s'est chiffrée à u n palier d'environ 5.2 mi l l iards d e francs. La forte progression d e la F .B .C .F . entre 1 956 et 1 957 s'explique encore en majeure partie par

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l'évol ution des investissements sidérurgiques. En outre, les i nvestisse­ments publ ics et ceux des branches «électricité» et «produ its a l i ­mentaires divers et tabac>> o nt connu u ne importante progression, a lors que l e montant des i nvestissements en locaux d'habitation ne dépassa que légèrement le niveau de 1 956.

c) De 1961 à 1964 la F.B.C.F. s'est développée à un taux exception­nel lement élevé (doublement entre 1 960 et 1 964) pour atteindre le sommet de 1 1 .3 mi l l iards de francs en 1 964 (soit 35.8% du P.N .B . pour cette dernière année) . Cette progression en flèche a résulté de l 'effet combiné de l 'augmentation des i nvestissements des entre­prises nouvelles (expansion et diversification industrie l le), de l a construction de la grande centrale hydro-électrique de l 'Our, des i nvestissements sidérurg iques et de la construction de locaux d'ha­bitation, ces différents postes ayant con n u des niveaux exceptionnels en 1 964.

d) De 1965 à 1968 la F.B.C.F. a de nouveau connu une nette régression qu i s'expl ique par le ralentissement du mouvement de d iversification industriel le, l e niveau très faib le des investissements sidérurgiques, notamment durant les années 1 967 et 1 968, a insi que par l 'affaib l isse­ment de la demande dans le secteur de la construction.

e) Depuis 1969 la F .B.C.F. a e nregistré un nouvel essor d'u ne vigueur exceptionnel le et qui est dû en particul ier à la rela nce de l a politique de diversification i ndustriel le ainsi qu'à la reprise des i nvestissements sidérurgiques et de l'activité du secteur de la construction.

Quant à la part de la F. B.C.F. par rapport a u P. I . B. aux prix d u marché, cel le-ci a varié entre 1 9.3% ( 1 956) et 35.5% ( 1 964), avec une moyenne de 25.9% ( 1 953-1 970).

Le phénomène des paliers au cours des a nnées 50 semble s'expliquer par le fait que les i nvestissements sidérurgiques qui sont à l 'orig ine des deux premières progressions du niveau de la F.B.C.F. ( 1 953 et 1 957) ont été i ntensifiés au début des périodes de ralentissement économique ( investissement des bénéfices antérieurs), a lors que les investissements des autres industries, de l'État et des particul iers s'accentuaient au moment de la reprise de l a conjoncture. Depuis 1 961 , par contre, l 'al lure de la courbe de la F .B .C.F. a été marquée avant tout par la politiqu e de diversification i ndu­striel le.

Pour apprécier l ' importance du taux de F .B.C.F. par rapport a u P. I . B., on peut comparer ce taux aux chiffres correspondants des autres pays du Marché commun.

D'après les comptes nationaux 1 958-1 968 de l 'C.S.C.E., le Luxembourg a consacré en moyenne, durant la période de 1 958 à 1 968, quelque 26.6% du P. I . B. à la F. B .C. F. contre 24.6% aux Pays- Bas, 24.3% en Allemagne Fédé­rale, 23.0% en France, 21 .0% en Ita l ie et 20.3% en Belgique. Ce taux parti­cul ièrement élevé semble de prime a bord d'autant plus étonnant que le Luxembourg a enregistré, durant la même période, la croissance la plus faible de la Communauté, a lors que de nombreuses études économiques -

1 00

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Tableau no 37 Evolution de la formation brute de capital�fixe (1 953-1 970)

Source: Comptes nationaux et estimations du STATEC

Prix courants 1 Prix constants

Année 6 6 6 F.B.C.F. P.I .B. F.B.C.F./ F.B.C.F. P.I.B.

prix du P.I .B. F.B.C.F. P.I.B. 1 953= 1 953= F.B.C.F. marché en % en % en % base base

1 953 4 009 1 6 908 23.7 +27.6 - 8.0 1 00.0 1 00.0 1 954 3 952 1 7 341 22.8 - 1 .4 + 2.6 99.1 1 01 .4 - 0.9 1 955 4 1 24 1 9 023 21 .7 + 4.4 + 9.7 1 02.1 1 09.5 + 3.0 1 956 4 030 20 841 1 9.3 - 2.3 + 9.6 95.8 1 1 5.0 - 6.1 1 957 5 230 22 535 23.2 +29.8 + 8.1 1 1 9.0 1 1 7.7 +24.1 1 958 5 227 22 270 23.5 - 0.1 - 1 .2 1 1 5.3 1 1 6.7 - 3.1 1 959 5 247 22 889 22.9 + 0.4 + 2.8 1 1 3.3 1 20.7 - 1 .7 1 960 5 458 24 9 1 8 2 1 .9 + 4.0 + 8.9 1 1 4.0 1 26.6 + 0.6 1 961 6 328 25 599 24.7 + 1 5.9 + 2.7 1 25.8 1 3 1 .0 + 1 0.4 1 962 7 1 31 26 046 27.4 + 1 2.7 + 1 .7 1 34.8 1 33.2 + 7.1 1 963 8 826 27 720 31 .8 +23.8 + 6.4 1 54.9 1 35.8 + 1 4.9 1 964 1 1 300 31 846 35.5 +28.0 + 1 4.9 1 84.9 1 45.5 + 1 9.4 1 965 9 825 33 367 29.4 -1 3.1 + 4.8 1 59.0 1 48.4 -14.0 1 966 9 805 34 935 28.1 - 0.2 + 4.7 1 55.7 1 50.3 - 2.1 1 967 8 883 35 692 24.9 - 9.4 + 2.2 1 41 .2 1 50.6 - 9.3 1 968 8 960 39 049 22.9 + 0.9 + 9.4 1 32.0 1 58.6 - 6.5 1 9691 1 1 435 44 906 25.5 +27.6 + 1 5.0 1 53.1 1 69.7 + 1 6.0 1 9701 1 4 848 49 785 29.8 +29.8 + 1 1 .8 1 79.9 1 75.7 + 1 7.5

1 chiffres provisoires

6 P.I.B.

+ 1 .4 +8.0 +5.0 +2.4

-0.9 +3.4 +4.9 +3.5 + 1 .7 + 1 .9 +7.2 +2.0 +1 .3 +0.2 +5.3 +7.0 +3.5

comme par exemple «Economie Survey of Europe», 1 961 , de la Commission Économique de I'O. N . U . - admettent une corrélation positive entre ces deux variables.

Cet apparent paradoxe s'éclaircit cependant si l'on tient compte du C 0 R qui est particul ièrement élevé au G rand - Duché, comme n ous l'avons relevé précédemment. En outre, il convient de considérer aussi, à côté de l'importance de la F .B .C.F., l 'affectation de cel le-ci . A cette f in on étudiera spécialement les investissements industriels et les i nvestissements publ ics.

Conclusions et perspectives d'avenir

L'analyse précédente a montré que le Luxembourg se caractérise par un «capital output ratio» relativement élevé qui s'expl ique notamment par l ' importance absolue et relative de son industrie sidérurgique, industrie à haute intensité capital istique. Par ai l leurs, la comparaison avec les résultats de l'étude de Denison révèle que l'accroissement du stock de capital pro­ductif du Luxembourg s'est situé à peu près au même niveau que celui de la Belgique et de la Gra nde- Bretagne, c'est-à-dire que le Luxembourg figure dans le groupe de pays dont le stock de capital et le revenu national ont

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augmenté le p lus lentement. N éanmoins, le rôle du facteur «capital» dans la croissance économique l uxembourgeoise ne doit pas être sous-estimé parce qu'au Grand - Duché l'évolution de la popu lation active dépend a ussi dans u ne large mesure de la création de postes d'emploi nouveaux et par consé­quent de l'accroissement du stock de capital productif, ceci en raison de l ' importance de la main -d'œuvre étrangère.

En ce qui concerne la formation brute de capital fixe au Luxembourg, on peut reteni r d'un côté le niveau relatif très élevé de cel le-ci (par rapport au P. I . B .) et de l'autre côté ses fluctuations conjoncturelles très prononcées qu i s'expl iquent avant tout par l 'a l lure des i nvestissements industriels qui présentent environ 40% de l'ensemble.

Au cours des a nnées à venir l'économie luxembourgeoise restera sans doute caractérisée par son i ntensité capitalistique très élevée, ceci à la fois en raison des efforts de modernisation des secteurs de production tradition­nels qui se traduisent par une substitution du capital au travai l et du fait d u haut niveau d'automation des industries nouvelles qui est d 'ai l leurs une des orientations de la pol itique de d iversification industriel le d u Gouverne­ment.

En ce q u i concerne l 'évol ution future du volume des i nvestissements, étant donné que ceux-ci ont atteint un niveau exceptionnel lement élevé en 1 970, le STATEC a admis dans ses prévisions pour 1 975 que le volume de 1 970 ne sera pas dépassé avant 1 975. Par conséquent la croissance en valeur des i nvestissements, de l'ordre de 5 mi l l iards de francs (soit + 5% par an) à situation conjoncturel le égale, sera due u niquement à la hausse des prix.

3 . 21 4 Ventilation de la formation brute de capital fixe et analyse

des i nvestissements industriels

Le tableau no 38 donne une venti lation de la formation brute de capital fixe selon les d ifférents secteurs ou branches d urant la période de 1 963 à 1 968. O n constate d'emblée que certaines branches, et notamment l ' indu­strie chimique, l ' industrie sidérurgique ainsi que le secteur de l'énergie et de l 'eau ont enregistré des f luctuations très importantes dans l 'évolution de leurs i nvestissements.

Le calcul d'une moyenne des 6 a nnées montre que le secteur des indu­stries extractives et manufacturières a opéré, à lu i seul , environ 30% des i nvestissements totaux. Si l'on y ajoute le secteur de l'énergie et de l'eau ainsi que l ' industrie de la construction (gros-œuvre), ce rapport attei nt même les 40%. Viennent ensuite les locaux d'habitation qui ont approché les 30% du tota l des investissements a insi que les administrations avec un peu plus de 1 5%. Enfin, l'artisanat, l'agricu lture, le commerce, le transport et les autres activités tertiaires ont i nvesti, dans leur ensemble, environ 1 4% du chiffre total, soit u n montant légèrement i nférieur à celui de la seule sidérurgie.

Il y a toutefois lieu de remarquer que si pour l ' industrie les chiffres pré­cités se fondent sur des enquêtes auprès des entreprises, par contre pour les

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a utres secteurs les comptables nationaux doivent recourir à des estimations. E n outre, il est parfois difficile d'opérer, pour l es petites entreprises agricoles, artisanales et commerciales, une distinction entre les i nvestissements en locaux d'habitation et les investissements productifs.

Tableau no 38

Venti lation de la F.B.C.F. (1 963-1 968) (prix courants)

Source: Comptes nationaux 1 968

Secteurs ou branches

Industrie extractive . . . · · · · · · . Industrie sidérurgique . . . . . . . . . Industrie chimique . . . . . . . . . . . . Industrie du bois et du meuble . . . Industrie textile . . . . . . . . . . . . . . 1 mpression et édition . . . . . . . . . I ndustrie des minéraux non mé-

talliques . . . . . . . . . . . . . . . . . I ndustrie de la construction mé-

tallique, fonderies et métaux non ferreux . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

I ndustrie des boissons et du tabac Industrie laitière, minoteries, pro-

duits alimentaires, etc. . . . . . . Électricité, gaz et eau . . . . . . . . . I ndustrie de la construction . . . . Administration publique . . . . . . . Locaux d'habitation . . . . . . . . . . . Artisanat, agriculture, commerce,

transport, etc . . . . . . . . . . . . . .

Total . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

1 963

28 2 406

375 1 3 30 21

1 20

1 73 74

49 1 429

1 26 1 271 1 536

1 1 75

8 826

1 964 1 965 1 966 1 967

44 49 36 39 2 31 6 1 343 1 421 857 1 464 1 1 83 773 552

1 1 1 2 1 1 3 1 6 6 9 1 3 22 1 8 1 3 1 5

97 1 22 1 50 63

65 94 1 26 1 22 1 35 1 06 66 74

47 1 07 235 254 1 499 536 379 564

206 1 52 1 75 1 61 1 482 1 308 1 445 1 489 2 400 3 1 21 3 533 3 400

1 396 1 668 1 433 1 277

1 1 300 9 825 9 805 8 883

Conclusions et perspectives d'avenir

U nité: Million F

Moy- Struc-1 968 en ne ture

annuelle en %

46 40 0.4 703 1 508 1 5.7 788 856 8.9

3 9 0.1 9 1 4 0.1

21 1 8 0.2

80 1 05 1 .1

90 1 1 2 1 .2 79 89 0.9

306 1 66 1 .7 507 81 9 8.5 1 23 1 74 1 .8

1 81 0 1 467 1 5.4 3 059 2 842 29.6

1 336 1 381 1 4.4

8 960 9 600 1 00.0

L'analyse des i nvestissements i ndustriels, qui représentent environ 40% de l'ensemble de la formation brute de capital fixe, montre que ceux-ci o nt été particul ièrement élevés dans certaines branches qui ont subi d 'im­portantes modifications structurel les (p. ex., secteur de l'énergie électrique, i ndustrie chimique), a lors que dans d'autres branches i ls semblent avoir été parfois i nsuffisants pour sauvegarder à long terme la compétitivité des entreprises. En outre, l'orientation dominante de la majeure partie des in­vestissements i nd ustriels a été concentrée sur l'amélioration de la producti -

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vité plutôt que sur l 'extension des capacités de production - en particu l ier dans l'i ndustrie sidérurgique - ce qui est normal pour u ne économie qui doit écouler p lus des trois quarts de sa production industriel le sur les mar­chés étrangers, mais ce qui ne l imite pas moins l'e'ffet direct des investisse­ments sur la croissance du P . l . B. Enfin, on peut remarquer que par suite de la structure industriel le particul ière du pays (peu de production de biens d'é­qui pement), l ' importante progression des investissements industriels au cours des a nnées 1 960 a profité, d u côté de l 'offre, avant tout à l 'étran ger, de sorte que l 'effet multiplicateur des investissements, qu i dans les autres pays constitue un important stimu lant de la croissance économique, a joué à l'envers a u Luxembourg en provoquant, au moment des investissements i ntensifs (p. ex. 1 962-1 964) un important déficit de la balance des paie­ments.

En ce qu i concerne l'évolution future des i nvestissements, les projets actuel lement connus tant d u côté de la sidérurgie que d u côté des industries nouvel les laissent prévoir que le niveau de ceux-ci restera particul ièrement élevé au cou rs des prochaines années. L'analyse sectoriel le fournira d'ai l leurs l'occasion d'examiner plus en détail certains de ces projets d'investissements.

3 . 21 5 Investissements publ ics

Depuis l a fin de la deuxième guerre mondiale, l e rôle des admin istrations publ iques, c'est-à-dire de l'administration centrale, des col lectivités locales et des i nstitutions de sécurité sociale dans la vie économique a augmenté considérablement. Aussi leur part et leur responsabil ité dans la F .B.C.F. du pays se sont-el les accrues paral lèlement. Dura nt les années de reconstruc­tion, l 'Office national des dommages de guerre a occupé une place pré­pondérante. Ensuite, u n grand programme de modernisation fut entamé d umnt les années 50, notamment dans le domaine des communications et de l 'énergie. D'autre part, les besoins des ad ministrations tant nationales qu'européennes ont nécessité la construction d'un grand nombre de bâti­ments publ ics. Enfin, depuis le début des années 60, les transferts de capi­taux et les prêts et avances des administrations aux secteurs industriel et agricole ont considérablement augmenté.

Ces quelques exemples montrent d'emblée que les i nvestissements publ ics ont joué un rôl e non négligeable dans la formation brute de capital fixe du pays. Dans la suite on examinera d'abord le niveau de la F. B .C .F. de l 'ensemble des administrations publ iques avant d'analyser plus en détail quelques traits caractéristiques des i nvestissements étatiques.

Il faut remarquer d'emblée que l'analyse de l'évol ution à moyen et long terme des i nvestissements des administrations publ iques n'est pas faci le, parce qu'i l y a eu un changement de méthodologie dans la comptabi l ité nationale en 1 960 et u ne modification de la classification économique des dépenses de l 'État à partir de 1 966. Par conséquent, les chiffres du tableau no 39 sont destinés à dégager essentiellement quelques ordres de grandeur caractéristiques.

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Tableau no 39

Evolution des investissements publics (1 960-1 970)

Source: STATEC Unité: Million de F

F.B.C.F. F.B.C.F. des F.B.C F. Rapports en %

Année totale Administrat. de l'État (1 ) (2) (3)

(2) : ( 1 ) 1 (3) : ( 1 ) 1 (3) : (2)

1 960 . . . . . . . . . . 5 458 1 229 569 22.5 1 0.4 46.3 1 961 . . . . . . . . . . 6 328 1 1 60 617 1 8.3 9.8 53.2 1 962 . . . . . . . . . . 7 1 31 1 460 768 20.5 1 0.8 52.7 1 963 . . . . . . . . . . 8 826 1 271 934 1 4.4 1 0.6 73.5 1 964 . . . . . . . . . . 1 1 300 1 482 1 068 1 3.1 9.5 72.1 1 965 . . . . . . . . . . 9 825 1 308 878 1 3.3 8.9 67.1 1 966 . . . . . . . . . . 9 805 1 445 1 021 1 4.7 1 0.4 70.7 1 967 . . . . . . . . . . 8 883 1 489 963 1 6.8 1 0.8 64.7 1 968 . . . . . . . . . . 8 960 1 81 0 1 1 98 20.2 1 3.4 66.2 1 9691 . . . . . . . . . . 1 1 435 1 833 1 027 1 6.0 9.0 56.0 1 9701 . . . . . . . . . . 1 4 687 2 053 1 231 1 4.0 8.4 60.0

Moyenne 1 960-1970 9 331 1 504 934 1 6.7 1 0.2 62.0

1 chiffres provisoires

Ainsi i l paraît que, sur les 9.3 mil l iards de francs i nvestis en moyenne annuelle dans l'économie l uxembourgeoise, 1 .5 mi l l iards sont à mettre au compte des administrations publiques (1 7%) . Environ deux tiers de ces investissements, soit en moyenne plus de 900 mil l ions par an, ont été in­vestis par l 'État (administration centrale) ce qu i représente environ 1 0% de l'ensemble des investissements.

En considérant l'évolution d'une année à l'autre des i nvestissements publ ics, on constate que ceux-ci ont connu des fluctuations un peu moins prononcées que le total des investissements et qu'ils ont même en certains moments joué un rôle anticycl ique (p. ex. en 1 968) .

En ce qu i concerne la ventilation des investissements étatiques, le re­cueil statistique a nnexé au projet de budget de 1 967 permet de dégager 3 domaines privilégiés dans l'action publ ique.

A. Transports et communications

Entre 1 952 et 1 954, les i nstal lations de l'aéroport de Luxembourg- Fi nd el furent considérablement agrandies et adaptées aux exigences du trafic aérien moderne. La société LUXAI R, fondée le 9 janvier 1 948, se développa rapidement au cours des a nnées 60, établissant des l ia isons aériennes ré­gul ières entre le Luxembourg et les principaux aéroports d'Europe.

En 1 957 la S.N.C.F.L. entreprit d'importants efforts de rational isation et de modernisation, en procédant notamment à l'électrification des voies rel iant le bassin min ier à la Belgique, à la France et à l'Al lemagne Fédérale.

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Par ai l leurs, les travaux d'automatisation de l'ensemble d u réseau télé­phonique furent achevés en 1 963.

Enfin, l 'ouverture de la Moselle canalisée à la navigation en ju i n 1 964 donna au Luxembourg un accès direct à la mer. En ju in 1 965, le qua i pro­visoire de chargement du port de Mertert fut mis en service. Para l lè lement au développement d u trafic par eau, les sociétés PORTLUX, MAN U PO RT et TAN KLUX agrandirent leurs i nstal lations de transbordement et de manu­tention. Le coût de construction total d u port de Mertert s'est chiffré à 575 mi l l ions de francs. Les compensations fournies par la France en vertu du Protocole franco-luxembourgeois du 27 octobre 1 956 s'étant élevées à 450 mi l l ions de francs, montant du devis in itial, l 'État a donc contr ibué pour 1 25 mi l l ions. Cet investissement a notamment permis à la S.N .C. F .L. de con­server un important trafic qui, a utrement, se serait dirigé sur le port d ' I l lange. Ainsi les travaux précités ont ouvert au G rand- D uché deux voies de transport nouvelles et également indispensables aux économies modernes.

B. Energie électrique

Pendant longtemps l'énergie électrique nécessaire au pays était fournie pour ainsi d ire exclusivement par l ' industrie sidérurgique dont el le consti­tue un sous-produit. Du fait de sa modernisation, cette industrie consomme depuis la guerre une part croissante de l'énergie produ ite, de sorte que le problème de l'é larg issement de la base énergétique de l'économie s'est trouvé posé. Entre les deux g uerres, la construction de barrages avait déjà fait l 'objet d'études. Mais ce n'est que depu is 1 951 - date de la constitution de la Société Électrique de l 'Our (S.E .O.) - qu'on est entré dans le domaine des réalisations.

On signalera tout d'abord la m ise en chantier (1 956) et l 'entrée en fonc­tion ( 1 5 février 1 960) de la centrale d'énerg ie de pointe accolée au barrage d'accumulation d'Esch-sur-Sûre et de cel le au fi l de l'eau de Rosport (entrée en service le 22 novembre 1 960) . En 1 968, ces 2 centrales, qu i sont la pro­priété de l 'État, ont produit ensemble quelque 49 mi l l ions de kWh, soit u n peu moins de 2 % de l a production totale d'énergie électrique.

U ne deuxième série de réalisations dans le domaine hydro-é lectrique remonte aux a nnées 1 963 et 1 964; i l s'agit de l'entrée en fonctionnement de la station de pompage de Vianden-sur-Our et des centrales accolées aux barrages de la M oselle canalisée à Grevenmacher et à Palzem. Ces ouvrages ont été financés par la Société Électrique de l 'Our (S.E .O.) qu i en assure également l'exploitation et dans laquelle l'État détient environ 40% du capita l .

E n ce qu i concerne plus particu lièrement la centrale de pompage de Vianden, en 1 966 - année de pointe - sa production a atteint 892 mi l­l ions de kWh, soit près de 40% de la production totale d'énergie électrique du Luxembourg et plus de 70% de la production des centrales thermiques. La puissance de la centrale de pompage s'accroîtra encore au cou rs des prochaines a nnées, grâce à l 'i nstal lation d'un nouveau groupe de ma­chines (turbine, moteur, pompe) , d'une capacité de quelque 220 000 kW.

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Ajoutons que l'aménagement hydro-électrique des cours d'eau, loin d'enlaidir les sites touristiques touchés par les travaux, en a considérable­ment rehaussé la beauté. La d iversité des paysages, caractérisée par l'alter­nance des forêts, des pla ines, des col l ines et des cours d'eau, se voit encore accentuée par l 'aménagement de deux lacs artificiels.

C. Approvisionnement en eau

L'eau est une ressource si fondamentale pour l 'économie q ue la mise en valeur des a utres ressources dépend en fin de compte des d isponibi l ités en eau.

Les difficultés rencontrées depuis 1 960 en matière d'approvisionnement en eau potable, et dues à la fois à la détérioration progressive de certains cours d'eau et à l'expansion de la consommation, ont amené le Gouverne­ment à une réorientatio n radicale de sa politique.

En particul ier, la consommation industriel le d'eau potable a augmenté rapidement, notamment à l a suite de l ' implantation de quelques entreprises chimiques i mportantes, dont l 'une a eu des garanties de l'État pour u n appro­visionnement de 33 000 m3 d'eau potable par jour en 1 972 au plus tard.

Face à ces besoins accrus, le recours aux eaux de surface était en effet devenu la seule solution possible pour résoudre les prob lèmes d'appro­visionnement. En 1 966, les autorités publiques ont donc entrepris la con­struction, à côté du barrage-réservoir d'Esch-sur-Sûre, d'un e grande station de traitement des eaux de surface. La lac-réservoir constitue, en effet, une réserve idéale, le débit a nnuel de l a Sûre étant de l'ordre de 200 mi l l ions de m3, et le lac artificiel contenant j usqu'à 62 mi l l ions de m3•

La station de traitement accolée au barrage aura u ne capacité maximum de 90 000 m3 par jour. Une condu ite de 900 mm de d iamètre permet le transport des eaux vers les grands centres de consommation, soit directement, soit par l'i ntermédiai re des réseaux existants des syndicats d'eau. La réalisation de ce grand projet (1 970) a l ibéré l e pays de tout souci en matière d'approvisionnement en eau potable pour la prochaine décennie. Le montant total des i nvestissements opérés par l'entreprise publ ique S E B ES (Syndicat des Eaux du Barrage d'Esch-sur-Sûre) s'élève à environ 1 070 mil l ions de francs.

Par contre, la l utte contre la pol l ution de l'eau devra prendre u ne amp­leur plus grande, étant donné qu'à l'heure actuelle, de l'ensemble des eaux usées d'orig ine domestique et industriel le, environ 30% seulement su­bissent un traitement satisfaisant1 •

D. Le problème du réseau routier

A côté des importantes réalisations étatiques dans les domaines précités, il reste cependant la question de savoir si les efforts des autorités publiques

1 Rapport du Gouvernement au Conseil économique et social Mars 1 970

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en vue de l'amélioration et de l'adaptation d u réseau routier aux exigences de l'économie moderne ont été suffisants durant l'après-guerre. Ainsi la voirie l uxembourgeoise n'a changé qu'assez peu depuis 1 927, a lors que le nombre des véhicules à moteur immatriculés a plus que décuplé depuis cette époque et s'accroît actuellement à un taux de l'ordre de 8% à 1 0% par a n; en même temps d'importantes modifications se sont produites dans la structure écono­mique et démographique d u pays, notamment depuis les débuts de la politique de diversification i nd ustriel le. Malgré ces multiples changements fondamentaux, l'Administration des Ponts et Chaussées s'est concentrée avant tout sur l 'aménagement et l'entretien de l'ancien réseau, comme le montrent les chiffres suivants cités par le Conseil économique et socia l . 1 «De 1 955 à 1 968 la dépense totale pour la construction atteint 1 681 mi l l ions de F, dont 483 mi l l ions de francs pour l'aménagement des itinéraires à trafic i nternational et 482 mi l l ions de francs pour l'aménagement des grandes routes. Cette venti lation des dépenses d u poste «construction» fait apparaître que les crédits budgétaires portaient sur des travaux d'aménagement plutôt que sur des créations de nouvel l es voies, de sorte que la désignation «construction» est susceptible de prêter à confusion».

Par a i l leurs, la prédominance des intérêts locaux ou privés sur les i nté­rêts nationaux a transformé peu à peu la grande voirie de communication en voirie d'habitation qu i rend i mpossible u ne circulatio n fluide et sGre.

Aussi le Consei l économique et social2 vient- i l à la constatation sui­vante: «I l est i ndéniable que notre voir ie nationale, viei l le d'un demi -siècle environ, ne répond plus aux exigences des temps modernes et risque no­tamment de priver notre pays, q u i est obligé, d'une part, d' importer la majeure partie des matières premières et des produits de consommation et, de l 'autre part, d'écou ler plus de la moitié de sa production à l'étranger, de l'accès i ndispensable au réseau européen d'autoroutes».

Finalement, en 1 967, la Chambre des députés a voté u ne lo i ayant pour objet la création d'une grande voi rie de communication et d'un Fonds des routes ( lo i du 1 6 aoGt 1 967) qui prévoit la construction d'environ 1 50 km de grandes routes dans u n délai de 1 0 ans. En outre, cette lo i i ntroduit une procédure simplifiée pour l'expropriation des terrai ns dont l'acquisition deviendra nécessaire pour réal iser la nouvelle voirie.

Toutefois, la mise en pratique de ladite loi a été accompagnée de nom­breuses d ifficultés, tant en ce qu i concerne la priorité des d ivers travaux et le tracé des routes que quant au déla i d'exécution (qui a été entre-temps pro­longé à 1 5 a ns) a insi qu 'au mode de financement. C'est pourquoi le Gou­vernement constate dans le projet d e budget de 1 97 1 3: «En ce qu i concerne le fonds des routes, le G ouvernement examine actuellement des proposi­tions concrètes ayant pour objet de redéfin ir le programme des travaux à exécuter dans l e cadre de ce fonds ainsi que de modifier son statut jurid ique dans le sens d'une plus grande autonomie financière.»

1 Avis du Conseil économique et social. Création d'une grande voirie de commu­nication et d'un fonds des routes (loi du 1 6 août 1 967), 8 ju il let 1 968, page 67.

2 Avis du Conseil économique et social, op. cit., page 1 . 3 Projet de budget de 1 971 , volume 1, page LXVI I .

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Conclusions et perspectives d'avenir

Bien que les i nvestissements publ ics n'aient représenté qu'environ un sixième de l'ensemble de la formation brute de capital fixe, ceux-ci occupent néan moins une p lace stratégique dans le processus de la croissance écono­mique. Ainsi les efforts des pouvoirs p u bl ics au cours des deux dernières décennies ont été particul ièrement fructueux en ce qui concerne la moderni­sation et la diversification de la structure des secteurs de l'énergie et de l'eau . En outre l 'ouverture de deux voies d e transports nouvelles à l'économie luxembourgeoise n'a pas manqué de produire des effets avantageux sur la croissance économique. Le bi lan est toutefois moins favorable e n ce qu i concerne quelques autres secteurs et notamment le réseau routier. Enfin, la question de savoir, si au cours des années 1 950, les i nvestissements publ ics ont été suffisants face aux possibi l ités financières d u pays et face aux besoins d'adaptation des équipements collectifs d'une société moderne reste posée.

Dans son avis du 26 ju i l let 1 968 sur la situation économique, financière et sociale d u pays, le Conseil économique et social a effectué u n i nventaire des besoi ns en équipements collectifs q u'i l a chiffrés à 1 9.4 m i ll iards de francs pour une période de 1 0 a ns. Lors de la mise à jour de ces estimations, en 1 970, le plan d'investissements suivant fut proposé pour la période de 1 970 à 1 975:1

M oyens de communication . . . . . . . . . . . . . 4 1 25 mi l l ions

Ëqu ipement sanitaire et gériatrique 1 050 mi l l ions

Bâtiments publ ics . . . . . . . . . . . . . . . . • . . . 2 1 00 mi l l ions

I nvestissements sportifs et touristiques 250 mi l lions

Logements sociaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . 500 mi l l ions

Nouveaux besoins collectifs . . . . . . . . . . . . 500 mi l lions

Participation de I'Ëtat dans l'équipement communal . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1 25 mi l l ions

Total . . . . . 9 650 mi l l ions

ou 1 930 mi l l ions par an

L'avis d u Conseil économique et socia l a eu le grand mérite de mettre en relief l ' importance considérable des besoins en matière d'équipements collectifs, a insi que les incidences financières et fiscales qu i découleront de la réalisation d'un programme d'une a ussi grande envergure. Bien que le problème d u financement de ces i nvestissements est lo in d'être résol u, on peut d'ores et déjà prévoir que les années 1 970 devront être «la décennie des équipements collectifs».

1 Avis du Conseil économique et social: L'endettement de l'État. 1 3 oct. 1 970., p. 47.

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3 . 22 Epargne et financement des investissements

Dans la comptabi l ité nationale, la formation brute de capital de la nation trouve sa contrepartie dans le compte de l'épargne brute g lobale. Cette épargne est la part du revenu national qui n'est pas consacrée à la consom mation.

Selon les diverses catégories d'agents économiques on peut d istinguer:

l'épargne nette des particul iers

- l 'épargne nette des sociétés

- l 'épargne nette de l 'État.

En y ajoutant les amortissements de l' État et des sociétés on obtient le montant de l'épargne brute g lobale de la nation. C'est cette épargne qui permet le f inancement des i nvestissements d 'une économie. Selon que l'épargne brute g lobale de la nation est supérieure ou i nférieure à la forma­tion i ntérieure brute de capital (c. à d. investissements + variations de stocks), des capitaux peuvent être prêtés à l'étranger, ou a u contraire doivent être importés pour permettre l'équi l ibre entre l'épargne et l es i nvestissements.

Cependant l'épargne et le f inancement des i nvestissements doivent être considérés comme deux actes distincts, car l'épargne est, dans la termi no logie des comptables nationaux, une abstention de consommer, tandis que l e financement des investissements comporte une affectation précise de ces ressources «résiduelles». Il faudra donc analyser, à côté des différents postes de l'épargne, les divers canaux suivant lesquels l'épargne est acheminée vers le financement des investissements.

3 . 221 Epargne brute g lobale

De même que la formation brute de capital, l'épargne brute globale représente u ne part très élevée du revenu national l uxembourgeois. En outre, cette épargne a augmenté légèrement plus vite que le P. N .B . depuis 1 953 (cf. tableau n° 40) .

Les trois quarts environ de l'épargne brute globale ont été fournis par les sociétés et les particul iers, le reste provenant de l 'État. Par a i l leurs, à peu près la moitié de l'épargne brute a été constituée d'amortissements, dont u n peu plus d'un dixième relevait du secteur étatique.

Le fait le plus marquant qui ressort du tableau de fi nancement de la formation brute de capital de l a nation est sans doute l ' important excédent de l'épargne brute g lobale par rapport aux investissements au cours des a nnées 1 950 et du début des années 1 960. Ainsi, en particul ier au cours des années 1 955-1 956 et 1 960-61 , jusqu'à 35.8% de l'épargne (ou plus d'un dixième du revenu national) ont servi à des prêts au reste du monde, faute d'emploi productif dans le pays. Face à l ' i nsuffisance d'investissements dans certai nes branches industriel les et dans certains domaines ressortissant à la responsabil ité de l 'État, cette hémorragie de capitaux a été sans doute des plus regrettables. La situation s'est renversée à partir de 1 962 à la suite

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de l' implantation au Grand- Duché d'un certai n nombre de fi l iales d'entre­prises étrangères. Ce mouvement s'est cependant ralenti temporairement a près 1 965 et en 1 967-68 l'épargne a dépassé de nouveau le montant de la formation intérieure de capital.

Tableau no 40 Evolution de l'épargne (1 953-1 968)

Source: Comptes nationaux 1 968 Unité: million de F

Année

1 953 1 954 1 955 1 956 1 957 1 958 1 959 1 960 1 961 1 962 1 963 1 964 1 965 1 966 1 967 1 968

P.N.B. Provisions Épargne au prix pour de l'État

du marché amortis-sements

et ajuste-ments

1 1 6 563 2 376 1 1 62 16 981 2 428 301 1 1 8 448 2 570 595

20 296 3 1 1 0 1 1 89 21 935 3 41 9 1 367 i " '" 3 5 1 0 689

22 482 3 732 439

24 689 3 613 1 741 25 340 3 513 2 1 48 25 796 3 605 1 61 5 27 496 3 800 1 404 31 596 4 646 1 749

33 1 1 7 5 200 1 864 34 665 5 369 1 635 35 41 2 5 844 765 38 729 6 693 606

Épargne des

sociétés

-706 50

357 271 1 05

-426 83

350 1 00

-400 -500

20 -100 -539 -700

1 00

Épargne des

parti-cu liers

1 635 1 764 1 737 1 778 1 858 2 096 1 91 7 2 575 2 356 2 595 2 627 2 884

2 282 2 941 3 486 3 467

Trans- Res- lnves- Prêt net ferts sources tisse- au reste

nets en dispo- ments du capital nibles monde à l'État pour (2)

F.B.C. (1 )

1 04 4 571 4 289 282 53 4 596 4 1 98 398 90 5 349 4 594 755 27 6 375 4 380 1 995

6 6 755 5 530 1 225 32 5 898 5 627 271

- 5 6 1 66 5 697 469 - 1 1 8 268 5 308 2 960 - 1 4 8 1 03 6 628 1 475

1 69 7 584 7 431 1 53 289 7 620 8 926 -1306 1 23 9 422 1 1 1 00 -1 678

97 9 343 10 025 -682 95 9 501 9 925 -424

1 00 9 495 8 883 6 1 2 69 1 0 935 9 1 70 1 765

3 . 222 Transformation de l 'épargne en i nvestissements

Rapport (2) : (1 )

en %

6.2 8.7

1 4.1 31 .3 1 8.1

4.6 7.6

35.8 1 8.2

2.0 -1 7.1 -1 7.8

-7.3

- 4.5 6.4

1 9.2

L'analyse des canaux qu i acheminent l'épargne vers les secteurs i n ­vestisseurs s'avère très difficile au Luxembourg, étant donné que le pays ne dispose pas encore de comptes financiers.

On peut cependant distinguer trois voies de financement particul ière-ment importantes:

A. L'autofinancement des entreprises industrielles B. Le financement des i nvestissements publ ics C. L'épargne des particul iers et le système du crédit.

3 . 2221 Autofinancement des entreprises industrielles

D'après G. Lutfal la (cité par le dictionnaire des sciences économiques, Romeuf) l'autofi nancement décrit «une politique qui exprime, derrière les écritures comptables, l' i ntention de diminuer le chiffre des bénéfices d i -

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stribuables, pour permettre la réalisation d'investissements sans recourir à u n financement extérieur à l'entreprise».

Cette pratique de l'autofinancement s'est généra l isée depuis l ongtemps comme principal moyen de financement des entreprises, non d'ai l leurs sans i nfluer profondément sur les données économiques. Ainsi non seulement la structure de l'épargne s'est modifiée - la part des entreprises est gonflée aux dépens de celle des particu l iers - mais encore le taux d'intérêt a perdu de son rôle de régulateur des investissements par le fait que les entreprises n'ont plus à recourir que dans u ne faible mesure au marché des capitaux.

Sur le p lan de l'entreprise, l'autofinancement présente de multiples avantages: économies d'impôts, i ndépendance à l'égard des «bai l leurs de fonds» (actionnaires, banques, bourse, etc.) . Mais l'emploi de cette pratique se heurte à certaines l imites financières et j uridiques:

- financières, par le fait que l'autofinancement dépend du montant plus ou moins substantiel des bénéfices et de la régu larité de ceux-ci;

- j uridiques, en la forme des lois fiscales sur les amortissements et provisions ainsi q ue des statuts de la société sur la répartition des bénéfices.

L'autofinancement a toujours joué un rôle-c lé dans la croissance économique, comme l'a montré B. CAZES dans «La vie économique»1 :

«Si les pays i ndustriels ont l'expérience d'une croissance éco nomique à base d'autofinancement é levé, i l n'existe pas de cas où un niveau élevé d'investissement aurait été durablement associé à une participation im­portante du marché financier au financement des i nvestissements. O n peut cra indre, dès lors, qu'un moindre rôle de l'autofinancement ne se traduise par un effort d'investissement moins soutenu et par u ne plus grande difficulté des entreprises à résister à la concurrence étrangère».

Dans le tableau no 41 nous considérons l'autofinancement dans un sens large en y incl uant les augmentations de capital et en l'opposant aux fonds extérieurs aux entreprises (c. à d. essentiel l ement les prêts bancaires).

La distinction en les deux périodes 1 955- 1 960 et 1 960- 1 965 montre que le taux d'autofinancement des entreprises i ndustriel les luxembourgeoises est tombé de 87.2% à 69.7%. Cette évolution est due essentiel lement aux i nvestissements exceptionnels dans les branches «électricité, gaz et eau» (où le taux d'autofinancement est tombé de 97.8% à 28.8%) et «chimie» (98.4% - 65.2%) qu i n'ont pu être effectués que grâce à u n recours accru aux capitaux extérieurs aux entreprises.

Néanmoins le taux d'autofinancement général est resté très élevé, par comparaison aux autres pays européens, parce que l ' industrie sidérur­gique a financé, pour l'ensemble de la période de 1 955 à 1 965, les neuf dixièmes de ses i nvestissements par des fonds propres et des augmentations de capital. En outre, le taux d'autofinancement a pu être accru, au cours de la période 1 960-65, dans l es branches des mines de fer, des produits laitiers, des minoteries, des produits a l imentaires divers et tabacs, des métaux non ferreux, du bois et du meuble.

1 B . CAZES: La vie économique, page 243.

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Tableau no 41

Taux d'autofinancement des investissements industriels par branche (en %)

Source: Économie industrielle

Branches Il Industries extractives . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1

Mines de fer . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Matériaux de construction . . . . . . . . . . . .

Industries manufacturières . . . . . . . . . . . . . . Produits l aitiers . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Brasseries . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Vin . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Minoterie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Produits alimentaires divers et tabacs . . . Produits minéraux non métalliques . . . . . . Industrie sidérurgique . . . . . . . . . . . . . . . . Métaux non ferreux . . . . . . . . . . . . . . . . . Fabrications métalliques . . . . . . . . . . . . . . Bois . . . . . . . . . . • . . . . . . . . . . . . . . . . . . Meuble . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . I mpression et édition . . . . . . . . . . . . . . . . Chimie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Textile et habil lement . . . . . . . . . . . . . . . . .

Électricité, gaz, eau . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Construction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Total . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

1 955-1960

65 64 67

88 44 53 43 27 40 74 92 38 70 60 40 74 98 69

98

72

87

1 1 960-1 965 1 955-1 965

70 67 90 76 57 60

81 83 63 53 48 49 36 45 42 34 51 47 69 69 89 90 52 48 63 64 61 60 52 48 67 73 65 68 53 56

29 33

59 63

70 75

Il faut enfin relever que l'autofinancement n'a pas atteint, a u cours de la période de 1 955 à 1 965, les 50% dans les branches des brasseries, de l ' industrie du vin, des minoteries, des produits a l imentaires divers et tabacs, des métaux non ferreux, du meuble et de l'électricité, du gaz et de l'eau.

Conclusions

Dans l'ensemble, l'autofinancement a joué un rôle de premier plan dans le f inancement des i nvestissements i ndustriels, en couvrant, en moyen­ne des années 1 955 à 1 965, quelque trois quarts des dépenses d'investisse­ment. Ce rapport très élevé montre d'emblée que le niveau du taux d'intérêt n'a pas joué de rôle notable dans la décision d'investir des i ndustriels. Toutefois ce niveau élevé, qui est dû avant tout au taux d'autofinancement exceptionnel de l' industrie sidérurgique, ne doit cependant pas cacher les importants besoins de fonds de la p lupart des petites et moyennes entre­prises pour qu i un système de crédit adéquat est u ne condition de modernisa-

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tion, et par conséquent de survie primordia le (nous analyserons dans l e chapitre suivant les caractéristiques et l es insuffisances du système d e crédit l uxembourgeois) .

3 . 2222 Epargne de l'Etat et financement des dépenses extraordinaires

« Les doctrines traditionnel les des fi nances publ iques n'ont g uère connu, j usqu'à une date relativement récente, qu'une seule règle en matière de politique budgétaire: la réalisation, en toutes circonstances, de l'équi l ibre du budget» 1 •

Depuis l a théorie générale de KEYN ES, l'attentio n des économistes s'est cependant détournée de l'équi l i bre du budget vers l 'équ i li bre de l 'économie, auquel le budget devrait être subordonné. De cette nouvel le orientation est résultée la théorie des finances fonctionnel les de A. P. LER N E R d'après laquel le «les i nstruments financiers sont employés avec, comme but premier, non pas la couverture des dépenses publ iques, mais l'obtention d'un certain effet sur les f lux g lobaux de dépenses afi n de réa l iser un équil i bre écono­mique g lobal».z

Au Luxembourg, les principes classiques de gestion budgétaire ont prévalu pendant la majeure partie de la période d'après-guerre, comme l'a montré M. Ernest M U H LEN:2 «L'État grand-ducal a toujours entendu suivre à la l ettre les pri ncipes orthodoxes exigeant q u'en matière budgétaire le financement par l ' impôt constitue la règle . Ces conceptions, le Gouverne­ment les justifie dans son i ntroduction au projet de loi budgétaire pour l 'exercice 1 960: «Toutes les dépenses publ iques, 'sans exception, y compris donc cel les qu i sont financées par l 'empru nt et les réserves, seront suppor­tées en dernière analyse par le contribuable. En effet, l'emprunt constitue u n e imposition a nticipative des générations futures, en ce que celles-ci doivent contribuer par l ' impôt à en assurer l 'amortissement».

Ainsi, malgré certaines dépenses extraordinaires appréciables (p. ex. i nfrastructure énergétique, aéroport, etc.) la dette publ ique n'a augmenté que de 1 9% entre 1 955 et 1 964, de sorte que la p lupart de celles-ci ont été couvertes par les rentrées fiscales.

Certes l 'État a même émis des emprunts à long terme pendant les années d'excédent de caisse (sauf en 1 952 et 1 961 ). Mais ceux-ci n'ont ni offert u n placement à l'épargne des particul iers, ni cana l isé toutes les ressources financières excédentaires du pays vers la modernisation de l'i nfrastructure économique.

En effet, d'un côté, l ' État a trouvé un preneur peu exigeant a uprès des Assurances sociales que la lo i de 1 891 obl ige à p lacer leurs réserves en titres publ ics, a lors que l'épargne des particul iers a dû s'expatrier faute de possibi l ités d'emplois suffisants et assez rémunérateurs dans le pays et que

1 BROCH IER et TABATONI : Economie financière, page 548. 2 E. MU H LEN: Le Marché financier luxembourgeois face à la conversion industrielle,

page 50.

1 1 4

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le portefeui l le d'effets étrangers des banques a augmenté rapidement; de l'autre côté, par suite de la gestion «en bon père de famil le» des f inances publiques, l ' État a été pendant longtemps amené à sous-estimer considé­rablement ses rentrées fiscales et à freiner l'expansion de ses dépenses.

Tableau no 42 Recettes et paiements budgétai res et financement du solde (1 951 -1 965)

Source: BENELUX Unité' million de F

1 951 1 955 1 960 1 961 1 962 1 963 1 964 1 965 Total 1 951 -1 965

Recettes d'impôts . . 2 861 3 706 4 990 5 1 89 4 922 4 988 6 073 6 790 67 443 Autres recettes bud-

gétaires . . . . . . . . 537 805 735 976 1 1 48 1 574 1 350 1 453 1 2 589

Total des recettes budgétaires . . . . . 3 398 4 51 1 6 725 6 1 65 6 070" 6 562 7 423 8 243 80 032

Amortissement de la dette intérieure à long terme . . • . . . 37 41 94 80 1 04 84 97 1 03 966

Amortissement de l a dette extérieure à long terme . . . . . . 5 21 26 57 6 6 32 23 387

Autres paiements . . . 3 395 4 660 5 591 5 541 6 376 6 983 8 041 8 938 81 725

Total des paiements budgétaires . . . . . 3 437 4 722 5 7 1 1 5 678 6 486 7 073 8 1 70 9 064 83 078

Solde . • . . . . . . . . . . - 39 -21 1 1 4 487 -41 6 -51 1 -747 -821 -3 046

Produit des emprunts intérieurs à long terme . . . . . . . . . . . 294 394 490 - 490 - 294 599 4 047

Produit des emprunts extérieurs à long terme . . . . . . . . • . . 5 - - - - - - - 5

Mutations de la dette intérieure à moyen terme . . . • . . . . . . . - 1 3 -103 - 38 -294 - 9 - 1 2 - 4 - 7 -1 487

Mutations des certifi-cats du Trésor . . . - 92 - 61 1 71 - 89 -1 77 - 1 8 - 33 402 79

Mutations d'autres dettes intérieures à court terme . • . • . . 26 339 3 1 7 327 258 503 1 62 1 02 3 21 9

Mutations de la dette extérieure à court terme . . . . . . . . . . . - -194 23 37 37 - 26 37 - - 1 86

Diminution (+) des liquidités . . . . . . . -129 -164 977 -468 -1 83 64 291 -275 -2 631

Solde . . . . . . . . . . . . 39 21 1 -1 4 -487 41 6 5 1 1 747 821 3 046

1 1 5

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Ainsi, d'après les chiffres publ iés par le B E N E LUX, pour l'ensemble de la période de 1 951 à 1 965 (cf . . tableau n° 42), les paiements budgétaires autres que l 'amortissement de la dette publ ique ont dépassé les recettes budgétaires de 1 693 mil l ions de francs seulement.

Par a i l leurs les emprunts i ntérieurs à long terme ont rapporté 4 047 mi l ­l ions de francs et les emprunts extérieurs 5 mi l l ions. En outre, la dette inté­rieure à court terme a augmenté de 3 21 9 mi l l ions et les certificats du Trésor de 79 mi l l i o ns, ce qu i fait un total des ressources de financement extra­budgétaires de 7 350 mi l l ions de francs.

Cet ensemble de ressources a servi pour 1 693 mi l l ions de francs à couvrir l'excédent des paiements sur les recettes budgétaires, pour 1 353 mi l­l ions à l 'amortissement de la dette publ ique (dont une partie considérable a été représentée par les amortissements extraordinaires), pour 1 487 mi l l ions à d iminuer la dette i ntérieure à moyen terme, pour 1 86 mi l l ions à réduire la dette extérieure à court terme, et surtout pour 2 631 mi l l ions à augmenter les l iquidités.

Dans u ne étude du Bu l letin Économique1 , cette politique budgétaire extrêmement prudente a été j ustifiée de la manière suivante:

«En premier l ieu, le Min istre des finances paraît avoir voulu maintenir u n marché des capitaux suffisam ment abondant, parce qu' i l n'a pas vou l u raréfier e t p a r contrecoup renchérir l e coût de l'argent dont les a utres sec­teurs ont besoi n pour financer leurs i nvestissements, notamment en matière de construction immobi l ière.

«On peut supposer, en secon d l ieu, que par sa pol itique résolue de dimi­nution de la dette publ ique, l e M i nistre des finances ait voulu réaliser des économies sur les charges d'intérêts.

«En troisième l ieu, enfin, le M i nistre des finances a peut-être cra int que les réserves considérables ne soient redépensées, avant l'avènement même de la récession, sous la pression des d ifférents pouvoirs pol itiques et sociaux».

Quant à ce dernier argument, il dénote à la fois la position diffici le du Gouvernement devant la convoitise des d ifférents groupes de pression et l'absence, à cette époque, d'une programmation des investissements qu i n'aurait pas manqué de mettre à jour de nombreuses lacunes dans l' i nfra­structure et l 'équipement col lectif et qu i aurait pu empêcher de voir ces ressources détournées vers la s imple «redistribution>>.

Le deuxième argument révèle des appréhensions exagérées, étant donné qu'à l'époque de la rédaction de l 'étude précitée, le rapport entre la dette publ ique et le total des dépenses budgétaires a été le plus faible au Luxem­bourg par comparaison aux autres pays de la CECA et cette dette avait en outre été contractée à des taux d'intérêt extrêmement avantageux.

Enfin, le premier argument a été i nfirmé par les faits, étant donné que la réserve du Gouvernement à recourir au marché financier, lo in d'avoir évité

1 Bul letin Ëconomique no 1 1 , novembre 1 957.

1 1 6

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la raréfaction des capitaux, n'a fait qu'augmenter la fuite des capitaux luxembourgeois en rédu isant les possibil ités d'emplois productifs et rémuné­rateurs sur le marché luxembourgeois.

Depuis l'excédent record de 1 248.7 mi l l ions de francs (recettes cou­rantes moins dépenses courantes) en 1 965, la situation budgétaire a con­sidérablement changé et ainsi le problème du financement des soldes budgétaires se trouve posé avec acuité.

En effet, par suite de la mauvaise conjoncture qui a duré pendant deux années consécutives, les bénéfices imposables ont été comprimés fortement, de sorte que le rendement de l' impôt sur le revenu des collectivités qu i était encore de l'ordre d e 1 300 mil l ions d e francs en 1 960 et 1 961 est tombé à 761 mil l ions en 1 967 et à 805 mil l ions en 1 968.

Tableau n° 43

Recettes et dépenses de l'Etat par exercice budgétaire (1 965-1 969)

Source: Budgets

Recettes totales . . . . . . . . . . . . . . . ordinaires . . . . . . . . . . . . extraordinaires . . . . . . . . .

Dépenses totales . . . " ' . . . . . . . . . . ordinaires . . . . . . . . . . . . extraordinaires . . " . . " . . .

Excédents annuels de recet-tes (+) ou de dépenses (-)

totaux . . . . " · · · · · . . . . . ordinaires . . . . . . . . . . . . extraordinaires . . . . . . . . .

Excédents cumulés . . . . . . . . .

I l 1 965 1 966

8 972.9 9 931 .3 8 21 6.9 8 833.7

756.0 1 097.6

8 853.3 9 950.2 7 677.9 8 505.4 1 1 75.4 1 444.8

+ 1 1 9.6 - 1 8.9 +539.0 +328.3

-41 9.4 -347.2

+1 22.9 +1 04.0

1 967 1 968 1 969

9 975.8 1 0 904.2 1 1 948.5 9 024.2 9 626.4 1 1 201 . 8

951 .6 1 277.8 746.7

1 0 1 25.1 10 040.5 1 1 661 .5 8 824.7 9 558.6 1 0 065.8 1 300.4 1 481 .9 1 595.7

-1 49.3 -1 36.3 + 287.0 +1 99.5 + 67.8 +1 1 36.0

-348.8 -204.1 849.0

- 45.3 -1 81 .6 + 1 05.4

Par contre les dépenses ont eu tendance à croître rapidement de sorte que la situation financière de l ' État est devenue nettement plus serrée. Heureuse­ment le boom conjoncturel de 1 969-1 970 a produit un net renversem ent de tendance à tel point que les prévisions budgétaires des recettes pour 1 970 par exemple ont été dépassées de p lus de 2 mil l iards de francs par l'évolution effective.

Néanmoins, l 'endettement de l'État a atteint ces dernières années un niveau que d'aucuns jugent critique, surtout face aux importants m ontants futurs de capitaux que requerront les équipements collectifs.

1 1 7

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Dans u n avis du 1 3 octobre 1 970, le Conseil économique et social a ana lysé l'endettement de l 'État sous ses multiples aspects et dont nous ne retiendrons ici que les plus importants1 (cf. aussi tableau no 44) .

Ainsi la dette publ ique a augmenté de 65.5% entre 1 960 et 1 969 et de 61 .9% entre 1 964 et 1 969, ce q ui correspond à des taux de croissance an­nue ls moyens de respectivement 5.8% et de 1 0.1 %, ce dernier taux notam­ment montrant l'ampleur du mouvement d'endettement depuis 1 964.

Exprimée par tête d'habitant, la dette publ ique luxembourgeoise s'est chiffrée à 26 91 2 francs en 1 964 et à 38 988 francs en 1 968. U ne comparai­son avec les pays du M arché commun montre que, pour cette dernière année, le Luxembourg a figuré au deuxième rang derrière la Belgique (57 909 fr/hab.) mais devant les Pays- Bas (30 929 fr/hab.), l ' Ital ie (26 51 4 fr/hab.), la République Fédérale Allemande (25 496 fr/hab.) et la France (1 9 1 27 fr/hab.)

Toutefois, pour apprécier le poids de la dette publ ique, i l faut aussi comparer cel le-ci à quelques grandeurs macroéconomiques significatives. Ainsi on constate que malgré le rapide accroissement de la dette publique, le rapport entre cel le-ci et le P .N .B . a été en diminuant au cours des der­n ières années; par ai l leurs la progression de la dette publ ique a été moins rapide que cel le des dépôts bancaires et d'épargne.

Le Conseil économique et social en conclut «que la l imite d'absorption n'est pas attei nte à l'heure actuel le».2

Tableau no 44

Relations entre la dette publique et le P .N.B. ainsi que la population (1 960-1 969)

Source: C.E. S. et Ministère des Finances

P.N.B. Dette Rapport Dette par Dette par Dépôts Année million de F publique (2) : ( 1 ) habitant personne bancaires

(1 ) million de F en % F active et d'épargne (2) F million de F

1 960 1

24 689 8 625.9 58.98 27 480 64 373 1 6 005 1 961 25 340 8 1 48.5 45.1 2 25 720 60 805 1 8 21 7 1 962 25 796 8 822.5 41 .08 27 509 64 868 21 01 0 1 963 27 496 8 823.4 41 .36 27 223 64 875 22 927 1 964 31 596 8 81 9.4 43.1 1 26 9 1 2 63 906 26 373 1 965 33 1 1 7 9 840.1 40.06 29 728 70 791 30 1 80 1 966 34 665 10 700.4 35.68 32 055 76 429 34 634 1 967 35 41 2 1 2 395.9 32.99 37 003 89 826 37 385 1 968 38 729 13 096.2 33.81 38 988 94 21 6 42 551 1 969 44 538 1 4 276.3 32.05

1 cf. Avis du Conseil économique et social. L'endettement de l'État, 1 3 octobre 1 970. 2 Avis du Conseil économique et social, op. cit., page 47.

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L'évol ution précitée des finances publiques a amené le Gouvernement à redéfin i r, en 1 967, les principes de la politique budgétaire à suivre à l'avenir.

« Le rythme de l'augmentatio n des dépenses ordi naires, y compris le service de la dette publ ique, ne devra pas dépasser le rythme de la croissance du produit national brut à prix courants ( . . . )»

«Les dépenses extraordi naires qu i ne peuvent être financées par des excédents de recettes ord inaires devront être réduites dans la mesure des possibi l ités de leur financement par le recours au marché des capitaux. U n recours à des marchés étrangers d e capitaux n'est pas exclu, mais i l sera de toute façon l imité; i l se fera dans des conditions telles qu'i l n'en découle pas de risques inflationnistes pour l'économie luxembourgeoise».

« I l sera établ i u ne l iste de priorité des grands travaux dont l'exécution devra être en rapport avec les disponibil ités budgétaires.»1

Pour faciliter la mise en pratique de cette nouvelle politique, la Chambre des Députés a voté, en 1 969, un projet de loi portant création d'une I nspec­tion G énérale des Finances, dont le but est double:

- contrôler les dépenses et surveil ler les recettes de l' État; - collaborer aux travaux de programmation en établissant des pro-

grammes pluriannuels d'investissements publ ics ( lo i du 1 O. 3. 1 969) .

Conclusions et perspectives d'avenir

Les développements précédents ont permis de montrer l ' importante évol ution qui s'est produite dans le domaine des finances publ iques durant les deux dernières décennies, à la fois en ce qu i concerne le solde budgé­taire et la politique financière du Gouvernement.

On peut retenir tout d'abord l' i ncidence i ncisive des fluctuations con­joncture l les sur l'état des finances publ iques. I l en résulte que les théories des f inances fonctionnelles de Lerner n'ont qu'une signification très relative pour le Luxembourg; en particulier, si u ne politique a nticycl ique des finances publ iques peut avoir une i nfluence décisive dans des pays comme les États­U nis, il n'en est nu l lement de même pour le Luxembourg où les exportations représentent plus des 4/5 du P. N .B . et qu i est par conséquent à la merci des fluctuations conjoncturelles i nternationales.

O n constate en deuxième l ieu que, face à un élargissement rapide des responsabil ités de l 'État dans la vie économique et sociale, la situation financière de l'État est devenue nettement plus serrée, ceci à un moment où se fait une prise de conscience des nombreuses i nsuffisances dans les équ ipements collectifs. Aussi le problème du financement des i nvestisse­ments étatiques sera-t-i l le principal problème de la gestion future des finances publiques.

La solution de ce problème exige d'abord le passage d'une pol itique à court terme - conditionnée par la dépendance du pays des fluctuations conjoncturelles i nternationales - à u ne politique de programmation pluri-

1 cf. BEN ELUX, Étude comparée des finances publiques, 1 967.

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annuelle des finances publiques. C'est dans cette optique que le Gouverne­ment a déposé, lors des discussions à la Chambre des députés au sujet du budget de 1 970, u n premier programme pluriannuel des finances publ iques 1 970- 1 975 q ui a fait l' i nventaire de l'évo lution à moyen terme des recettes et des dépenses de l 'État.

En deuxième l ieu, il s'agit d'établ ir u ne l iste des priorités en matière de grands travaux d'investissement que l 'État entend réaliser durant la pro­chaine décen nie. Le document précité du M i nistère des finances contient déjà un certai n nombre d'options à ce sujet, notamment en ce qui concerne les dotations aux différents fonds spéciaux. De son côté, le Conseil écono­mique et social a analysé le problème, notamment dans son avis sur l'en­dettement de l' État, et a proposé une l iste des priorités qui ne se recouvre pas exactement avec cel le du Gouvernement, de sorte que la discussion reste ouverte.

Enfin, i l faudra trouver une solution a u problème du financement des i nvestissements publ ics et de l'endettement de l 'État. A ce sujet le Conseil économique et social constate1 que «les produ its des emprunts possibles vont en d iminuant par rapport à l'ordre de grandeur du service de la dette publique, si bien qu'en comparant u niquement ces deux termes, les emprunts ne se révèlent que comme u n moyen de refinancement d'emprunts anciens et ne dégagent pas de sources nouvelles pour les i nvestissements nouveaux et que ces derniers devraient dès lors être financés dans une mesure crois­sante par le moyen de l ' impôt.»

Solution certes peu populaire, mais malheureusement i névitable.

3 . 2223 Epargne des particuliers et son acheminement vers la formation de capital

Durant la période de 1 953 à 1 968, l'épargne des particul iers a représenté environ un tiers de l'épargne brute globale l uxembourgeoise.

U ne comparaison entre l'évolution du reven u disponible des particul iers (c. à d. salaires + revenus de la propriété et de l'entreprise échéant aux ménages + transferts de l 'État et de la Sécurité sociale - impôts d irects et cotisations) et l'évolution de l'épargne des particul iers montre d'a i l leurs que les deux postes n'ont pas augmenté exactement a u même rythme entre 1 953 et 1 968, le premier poste aya nt progressé en moyenne de 5.8% par an et le deuxième de 5 . 1 %. Relevons en outre que les particul iers ont épargné en moyenne q uelque 1 3% de leurs revenus (cf. tableau no 45) .

Abstraction faite des p lacements en immeubles - dont l'i ntérêt est moins important dans l'analyse du financement du processus de la croissance ­l'emploi de ces ressources épargnées a généralement pris la forme, soit d'achats de valeurs mobi l ières, soit de dépôts bancaires.

1 Conseil économique et social: L'endettement de I'Ëtat, page 53.

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Tableau no 45

Evolution de l'épargne des particuliers (1 953-1 968)

Source: Comptes nationaux 1 968

Revenu disponible des particuliers Épargne des particuliers Rapport Année (1 ) (2) (1 ) : (2)

en % mio F 1 1 953= 1 00 mio F 1 1 953= 1 00

1 953 1 1 355 1 00.0 1 635 1 00.0 1 4.4 1 954 1 1 842 1 04.3 1 764 1 07.9 1 4.9 1 955 1 2 496 1 1 0.0 1 737 1 06.2 1 3.9 1 956 13 422 1 1 8.2 1 778 1 08.7 1 3.2 1 957 1 4 558 1 28.2 1 858 1 1 3.6 1 2.8 1 958 1 5 232 1 34.1 2 096 1 28.2 1 3.8 1 959 1 5 604 1 37.4 1 91 7 1 1 7.2 1 2.3 1 960 1 6 449 1 44.9 2 575 1 37.5 1 5.6 1 961 16 996 1 49.7 2 356 1 44.1 1 3.9 1 962 18 01 5 1 58.6 2 595 1 58.7 1 4.4 1 963 19 268 1 69.7 2 627 1 60.7 1 3.6 1 964 21 620 1 90.4 2 884 1 76.3 1 3.3 1 965 22 437 1 97.5 2 282 1 39.5 1 0.1 1 966 24 1 1 5 21 2.4 2 941 1 79.9 1 2.2 1 967 25 1 34 221 .3 3 486 21 3.2 1 3.9 1 968 26 608 234.3 3 462 21 1 .7 1 3.0

A. Acquisition de valeurs mobil ières et marché boursier

L'épargne mobil ière luxembourgeoise est un des domaines où les stati­stiques et les recherches manquent le plus complètement et où le voi le de la discrétion est le plus épaix. C'est pourquoi les éléments avancés dans la suite ne sont que des estimations empruntées essentiel lement à M. E. M U H LE N (articles de journaux, l ivre, cours à l 'Université internationale) .

O n peut d'abord constater que l'achat de valeurs mobil ières constitue une opération de placement encore peu répandue dans le grand public. En effet les mil ieux bancaires estiment le nombre de détenteurs de valeurs mobil ières au G rand- Duché à environ 6% de la population totale ou 1 4% de la population active (contre 30% de la population active aux USA) .

Quant à la structure des portefeui l les, d'après les ordres de bourse i l apparaît q ue les achats de titres des Luxembourgeois répondent bien plus à un but de placement sûr qu'au mobile de spéculation, de sorte que les opérations sur les valeurs à reven u fixe et sur les titres des sociétés de parti­cipation prédominent. Enfin, i l faut remarquer que les valeurs de porte­feui l le sont en très large mesure des valeurs étrangères, car sur 1 00 ordres de bourse déposés à Luxembourg, environ 99 sont exécutés sur une place étrangère.

Une des raisons du manque d'intérêt du publ ic luxembourgeois pour les placements mobil iers réside dans le fait que le marché boursier n'est ni

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transparent ni fluide. Cela est dû à la fois à l'organisation défectueuse du marché (p . ex. compensation des ordres de bourse chez les banques), à l'étroitesse de ce marché et à la psychologie des Luxembourgeois qu i achètent des titres, non pour l es vendre quelques mois p lus tard ( i l n'y a pas de marché à terme à Luxembourg) , mais pour faire un placement durable. Ainsi, sur l es quelque 1 20 titres i nscrits (1 969), u n tiers seulement font normalement l'objet de transactions. En outre, avant 1 961 le marché s'est caractérisé par la rareté chronique des titres, étant donné que d urant la période de 1 945 à 1 961 aucune société luxembourgeoise n'a fait appel aux souscripteurs publics pour constituer ou augmenter son capital. Enfin, la pol itique budgétaire orthodoxe de l 'État (et les facilités que celui-ci a trouvées auprès des Assurances socia les) a empêché celu i -ci d'a l imenter le marché en titres publ ics indigènes. Par conséquent, en période normale, les ordres de vente ont représenté seulement un quart environ du total des ordres déposés.

Si, depuis 1 965, un certai n nombre de sociétés luxembourgeoises ont changé leur politique de financement (émission des sociétés S.E .O., Kredietbank, Banque I nternationale, A R B ED) i l n'en reste pas moins que j usqu'ici l a bourse luxembourgeoise n'a contribué qu'assez faiblement à la m ise à la disposition de l'économie nationale des ressources finan­cières du pays. Bien plus, on peut penser que l'i ntensification des émissions sur le marché de Luxembourg d'obl igations en dol lars par de grandes socié­tés européennes et américaines a insi q ue le développement des sociétés de gestion de portefeui l les étrangères o nt pu drainer une partie croissante de l'épargne luxembourgeoise i ntéressée aux valeurs mobil ières vers des emplois à l 'étranger. Face à la rapide m ultip l ication de ces collecteurs de fonds étrangers, la lenteur administrative et politique dans les réformes in­stitutionnel les qui s'imposent ne sert donc guère l' intérêt national .

B. Les dépôts bancaires et le système de crédit

a) Dépôts bancaires Depuis 1 953, les dépôts bancaires sont passés de 9 784 mi l l ions de francs

à 72 780 mi l l ions en 1 969 (cf. tableau n° 46). Si l 'on fait abstraction des dépôts à vue et à un mois au plus q u i sont constitués avant tout par les fonds de rou lement des entreprises, a insi que des dépôts à terme, on con ­state que l e total des dépôts d'épargne a progressé à u n taux de presque 1 0% par an . Ceci est d'autant plus remarquable que, pour cette catégorie de dépôts, le principe <doans make deposits» ne joue guère . Certes cette évolution est due en partie, depuis le début des a nnées 60, aux fonds belges p lacés au G rand- Duché pour des raisons fiscales (encore qu'on ne dispose d'aucun chiffre à ce sujet) . N éanmoins la progression des dépôts d'épargne semble s'expliquer avant tout par l 'accroissement substantiel des revenus des Luxembourgeois et par u ne stabi l ité relative du pouvoir d'achat.

En outre, la comparaison avec les a utres pays du Marché commun a montré1 que la part des dépôts à vue dans le total des dépôts a été, en 1 958,

1 cf. J .F. POOS: Le Luxembourg dans le Marché Commun, page 1 82.

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la p lus faible a u Luxembourg (36.6% au Luxembourg, contre 36.9% aux Pays- Bas, 39.1 % en Italie, 46.7% en Belgique, 59.6% en Allemagne Fédé­rale et 60.9% en France) .

Par conséquent, i l semble que depuis le début des années 50 l e système bancaire luxembourgeois ait été dans une situation privi légiée, à la fois en ce qui concerne la progression des dépôts et les possibil ités d' immobil isation d'une partie de ceux-ci en crédits à moyen terme.

Tableau no 46 Evolution des dépôts bancaires (1 950-1 969)

Source: Annuaires du STATEC

A la fin de l'année

1 950 1 951 1 952 1 953 1 954 1 955 1 956 1 957 1 958 1 959 1 960 1 961 1 962 1 963 1 964 1 965 1 966 1 967 1 968 1 969

. . . .

. . . . 0 • • •

. . . .

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. . . .

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. . . .

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. . . .

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. . . .

. . . .

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. . . .

. . . .

. . . .

. . . .

Dépôts à vue et à 1 mois

au plus

2 327 3 496 4 375 4 1 52 4 060 4 423 4 556 4 961 4 995 5 467 6 1 45 7 641 8 418 8 217

1 0 1 61 1 1 904 1 2 21 6 1 5 01 2 1 7 1 92 27 280

Dépôts à terme

955 1 323 1 970 1 770 1 91 6 2 1 20 2 946 2 741 2 844 3 1 97 4 040 5 007 6 049 7 1 79 7 91 0 9 272

11 999 1 4 304 17 546 30 1 65

b) Ressources et emplois bancaires

Dépôts Total d'épargne des dépôts

2 854 6 1 36 2 920 7 739 3 320 9 665 3 855 9 784 4 390 1 0 366 4 853 1 1 396 5 1 59 1 2 661 5 423 1 3 1 25 5 794 1 3 633 6 338 1 5 002 6 736 1 6 921 7 395 20 043 8 242 22 709 9 271 24 667

1 0 476 28 547 1J 398 32 574 1 2 1 53 36 369 13 286 42 602 1 4 263 49 001 1 5 335 72 780

Unité: Million de F

Accroissements annuels

-1 603 1 926

1 1 9 582

1 030 1 265

464 508

1 369 1 91 9 3 1 22 2 666 1 958 3 880 4 027 3 794 6 234 6 399

23 779

L'orientation des ressources et des emplois bancaires a été i nfluencée par q uelques traits caractéristiques du système bancaire l uxembourgeois, à savoir sa dépendance du système bancaire belge, la législatio n bancaire l ibérale du Luxembourg et la prudence traditionnel le des banquiers (depuis 1 881 il n'y a plus eu de «krach» bancaire spectaculaire) .

Dans son a nalyse de l'évolution du secteur bancaire 1 , Marie- Paule Schaeffer a dégagé les tendances suivantes en ce qui concerne les res­sources et les emplois (cf. tableau no 47) :

1 Marie-Paule SCHAEFFER, en collaboration avec René VINCENT: L'évolution du secteur bancaire. Mars 1 970. Texte polycopié.

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«- les dépôts-clients, tout en ayant presque décuplé en vingt ans, voient leur part dans les ressources des banques tomber de 88% en 1 950 à 50% en 1 969.

les banques l uxembourgeoises, devant cette diminution relative des dépôts se financent à raison de 40% auprès d'autres banques contre 5% en 1 950 et 21 % en 1 966.

- les avoirs en banques ont augmenté para l lèlement aux engagements envers les banques et représentent actuel lement 50% des emplois de fonds contre 1 5% en 1 950 et 32% en 1 956.

le f inancement par l'émission d'obligations et de bons de caisse au­quel les banques ont eu recours depuis 1 967 reste peu important.

- le volume des crédits accordés suit la courbe du vol ume des dépôts recuei l l is et décroît donc en valeur relative, il n 'atteint plus que 38% des emplois de fonds en 1 969 contre 58% en 1 950. Le volume des avoirs en banques dépasse le volume des crédits depuis 1 968.

Depuis 1 950 les banques placent une part décroissante de leurs res­sources en valeurs mobil ières à savoir 5.4% en 1 969 contre 23% en 1 950 et 1 1 ,6% en 1 964.

La l iquidité des banques luxembourgeoises a augmenté assez sensible­ment depuis 1 955 ( . . . ) ; les dernières années cependant on a enregistré u ne certa ine tendance à la baisse.»

Pour compléter l 'analyse du système luxembourgeois de crédit, relevons encore trois types de crédit particul iers:

Le crédit à moyen terme est resté sous-développé au Luxembourg. C'est essentiel lement la Caisse d'Épargn e qui au cours des 2 dernières décennies a pratiqué le crédit d'investissement à moyen terme, encore qu'on puisse admettre qu'une certaine partie du crédit à court terme des banques privées cache (par le mécanisme des reconductions) des immobi lisations à moyen terme. Devant l'absence de possibi l ités de réescompte à Luxembourg, ces crédits à moyen terme ont été essentie l lement couverts par des dépôts à moyen terme de l'État en vertu d'un règlement d'administration de 1 948 (crédits d'équipe­ment) .

Le marché du crédit hypothécaire est dominé par la Caisse d'Épargne qui fournit plus des deux tiers des moyens de financement mis à la disposition du marché i mmobil ier. M al heureusement les chiffres disponibles ne permettent pas d'apprécier dans quel le mesure ces crédits ont servi au financement d'investissements productifs, encore que la ventilation d'après la catégorie socio-économique de l'em­prunteur fait présumer que ceux-ci ont constitué une part nettement minoritaire du total des crédits hypothécaires.

- Le crédit professionnel est confi né essentiel lement au secteur agri­cole. L'important essor des caisses rurales «Raiffeisem> après la g uerre a joué sans doute un rôle capital dans la modernisation de l'agricul­ture l uxembourgeoise. Malheureusement les efforts de la Chambre

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des Métiers pour développer u ne banque coopérative des artisans n'ont pas été couronnés de succès, encore qu'une telle i nstitution n'aura it pu qu'avoir des effets positifs sur l'adaptation de l'équipe­ment des artisans aux conditions techniques et concurrentielles actuelles.

Conclusions et perspectives d'avenir

Cette analyse des ressources et des emplois bancaires montre donc que si les fonds e n quête d'un emploi productif et rémunérateur n'ont pas manqué, les mécanismes de transformation de l'épargne en investissements, et notamment en investissements industriels, souffrent de graves déficiences, de sorte que le système luxembourgeois du crédit ne semble pas suffisam­ment adapté aux exigences de la croissance.

Le principal symptôme de ces déficiences est peut-être le fait que les banques l uxembourgeoises ont placé à l 'étranger des avoi rs très importants, a lors que de nombreuses petites et moyennes entreprises auraient eu besoin de sommes d' investissements considérables pour mieux faire face à la con­currence i nternationale. Si l 'on y ajoute les valeurs mobil ières étrangères détenues par les instituts de crédit et les particuliers (qui dépassent proba­blement de loin le montant des valeurs indigènes détenues par les Luxem­bourgeois), on voit que le système bancaire n'a pas su suffisamment drainer l'épargne vers des emplois profitant avant tout à l'économie luxembourgeoise.

Une des causes de cette situation est sans doute la politique du taux d'in ­térêt. Pendant de longues années l a Caisse d'Épargne, qu i joue un rôle pilote en matière de taux d'intérêt, a suivi résolument u ne pol itique du crédit à bon marché qu i a été certes avantageuse pour les secteurs demandeurs de crédit et qu i a pu se j ustifier par l'abondance des fonds déposés en banque, mais qu i a aussi poussé les banques et les épargnants à faire des placements importants à l 'étranger. I l s'y ajoute que pendant longtemps les taux d'inté­rêt à court terme ont été plus élevés q ue les taux à long terme, ce qu i n'a évidemment favorisé n i la cohérence des marchés monétaire et financier, ni les placements dans le pays.

La principale déficience structurel le de l'organisation actuelle du crédit est l 'absence d'établ issement de crédit à moyen et à long terme pour le financement des i nvestissements industriels et commerciaux. Certes une partie des crédits à court terme recondu its des banques sont. en fait, des crédits à moyen terme ; en outre, depuis 1 948, l 'État a mis à la disposition des banques des sommes relativement modestes pour leur permettre de financer des opérations à moyen terme. Mais, faute de possibi l ités de rées­compte ou de garantie de mobil isation, les banquiers luxembourgeois ne se sont pas départis de leur prudence traditionnel le qu i leur défend d'affecter des dépôts à court terme à des emplois à moyen terme.

Comme l es entreprises de grande envergure et notamment les entre­prises sidérurgiques (qui jusqu'en 1 965 o nt couvert environ l es neuf d ixièmes de l eurs i nvestissements par voie d'autofinancement) n'ont guère

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trouvé de difficultés à recourir au marché financier, cette déficience de l'apparei l de crédit a surtout été préjudiciable à la petite et moyenne indu­strie, sur qui repose cependant en partie la charge de la croissance à un moment où la sidérurgie n'arrive p lus à maintenir un rythme de développe­ment soutenu .

Une autre déficience du système de crédit luxembourgeois concerne l'absence d'établ issements spécialisés dans le crédit à l'exportation. Ces opérations sont communément considérées comme plus risquées que les opérations de crédit courantes, et sont par conséquent pratiquées dans les autres pays par des instituts spécial isés qui bénéficient de possibi l ités de recours auprès des autorités monétaires centrales et auprès de l'État. Devant l'absence de telles garanties au Luxembourg, on ne peut pas s'étonner que les banquiers n'aient guère été tentés par ce type d'opérations, d'autant plus que ces crédits ont actuel lement tendance à s'al longer considérable­ment. Or, les crédits à l'exportation sont d'une importance vitale pour les industries des biens d'équipement. Bien que celles-ci ne soient pas très importantes au Luxembourg, il s'agit là d'une voie dans l aquelle pourrait s'engager la politique de diversification i ndustriel le. Il est par conséquent évident que l'absence de crédit à l 'exportation, lo in d'attirer de telles indu­stries dans le pays, ne peut qu'étouffer à la longue les quelques i ndustries existant dans ce secteur.

Si, pendant longtemps, les déficiences du système de crédit l uxembour­geois ne se sont pas fait sentir trop fortement comme handicaps de la crois­sance, ceci a été dû à la fois à l'abondance des fonds dont disposaient les banques et a uxquels il faut ajouter l'épargne forcée des Assurances sociales, au taux d'autofinancement élevé qu i résultait d'une marge bénéficiaire suffisante, à certains pall iatifs comme les crédits «revolving» et les crédits d'équipement de l'État, et, enfin, à l'attitude des entrepreneurs qui ont sou ­vent préféré voir leur entreprise famil iale moins florissante plutôt q u e d e recourir à des capitaux extérieurs.

Il est cependant probable qu'à l'avenir le financement des investisse­ments indispensables à la croissance économique ne sera p lus garanti sans certa ines réformes institutionnelles fondamentales et sans des efforts coordonnés pour rassembler et drainer les sources de f inancement qui commencent à se tarir.

C'est pourquoi le Gouvernement a déposé un projet de loi portant créatio n de certains organismes financiers dans l'i ntérêt de l ' i nvestissement productif et de la croissance économique.

Les organismes envisagés sont:

a) u ne Société Nationale de Participation

b) u n I nstitut N ational du Crédit d'équipement

c) un Comptoir National de réescompte et de garantie.

Il va sans dire que la mise en place de ces organismes permettrait de combler une lacune depuis longtemps patente et parfois préj udiciable dans le système de crédit l uxembourgeois.

1 27

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3 . 3 LA D EMAN D E

D a n s la p lupart des théories de l a croissance, la demande joue un rôle relativement effacé comme l'a constaté le groupe d'études des perspectives économiques à moyen terme de la C.E .E . : 1 «Si dans les techniques d'analyse prospective, le rythme de développement des ressources nationales et de la capacité productive paraît conditionner la croissance, ce sont l es divers éléments de la demande i nterne ou externe qui sont, dans la dynamique réel le de l'économie, les moteurs principaux de cette croissance».

Il convient donc d 'examiner de plus près ce facteur de croissance, en­core que son incidence sur le développement de l'économie l uxembourgeoise ne nous semble pas être de la même i mportance que dans les autres pays européens. Ce fait résulte à la fois des d imensions marg inales de l'économie luxembourgeoise et de son haut degré d'ouverture sur l 'extérieur.

En disting ua nt entre demande i ntérieure et demande étrangère, o n peut constater d'abord que la première n'influence que très partiellement l'économie grand-ducale.

En effet le pays ne produit guère q ue des biens de conso mmation peu élaborés qui bénéficient moins de l'accroissement des revenus q ue les biens de consommation durables. En ce qui concerne la formation brute de capital fixe, nous avons déjà eu l'occasion de relever que cel le-ci touche presque uniquement la construction indigène (et les activités connexes, comme les carrières p. ex.) , a lors que la quasi -totalité des biens d'équipe­ment provient de fournisseurs étrangers. Seule la consommation publ ique s'adresse donc en majeure partie à l'activité nationale.

Si, par comparaison à la demande i ntérieure, la demande étrangère joue u n rôle autrement plus important, cel l e-ci présente cependant un aspect particul ier. En effet le commerce extérieur luxembourgeois constitue u ne partie i nfinitésimale dans le commerce extérieur européen ou mondial . En outre, ce dernier s'est développé, depuis la deuxième guerre mondiale, nettement plus vite que l 'économie l uxembourgeoise. Ainsi le problème des exportateurs l uxembourgeois n'est pas celui de l'existence d'une de­mande étrangère potentiel le suffisante - comme cela peut être le cas pour les grandes puissances industrielles en période de dépression générale -mais celu i de la capacité d'affronter avec succès la concurrence i nternatio­nale pour profiter de la demande potentielle existante (c'est-à -d ire un problème se ramenant finalement aux conditions d'offre de la production) .

3 . 31 Structure e t évolution d e l a demande

Une analyse approfondie des composants de la demande est d iffici le a u Luxembourg parce q ue, d'un côté, le pays ne d ispose pas encore de tableau I n put-Output opérationnel e·L .:;ue, de l'autre côté, i l est d iffici le de chiffrer exactement son commerce extérieur, étant donné q u'i l fait partie de

1 G roupe d'études des perspectives économiques à moyen terme: Perspectives de développement économique dans la C.E.E. jusqu'en 1 970, page 1 08.

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I 'U .E. B . L. où i l ne représente que quelque 5% du commerce extérieur total de l 'Union.

D'après les comptes nationaux de 1 968 1a demande s'est composée de la manière suivante:

Tableau n° 48

Structure de la demande finale en 1 968

Source: Comptes nationaux 1 968

1 mportance en 1 968 Éléments en % du P.N.B. 1 en % du total

des ressources

Consommation privée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Consommation publique . . . . . . • . . . . . . . . . . . . . . . . 1 nvestissements . . . . . . . . • . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Exportations de biens et services . . . . . . . . . . . . . . . .

59.8 1 1 .9 23.7

8 1 .8

33.7 6.7

1 3.4 46.2

Le trait caractéristique le plus important est sans doute la part dominante des exportations de biens et de services (81 .8% du P. N . B. ou 46.2% du total des ressources) . Ainsi toutes les variations des exportations se réper­cutent avec une i ntensité particul ière sur l'évolution du P. N .B .

L'analyse de l'évolution des composantes de la demande (cf. tableau no 49) montre que durant la période de 1 953 à 1 970 trois postes se sont développés p lus vite q ue le P. I .B . , à savoir:

les exportations ( +5.9% par an en moyenne) - la consommation privée ( +4.3%) - la F .B.C.F. ( +4.0%).

Par contre la consommation publ ique n'a augmenté que de 1 .8%.

Le tableau no 49 met donc nettement en évidence le rôle moteur des exportations dans la croissance du P. I . B . l uxembourgeois.

Pour apprécier cependant exactement l ' incidence de ces divers postes de la demande sur l 'évolution de l'économie, il faut tenir compte - à côté de leur poids d ifférent et du degré d'intensité avec lequel ceux-ci agissent sur l'activité i ntérieure - des variations d'une année à l'autre de ces postes.

Ainsi les exportations ont donné une impulsion particul ièrement sensible à la croissance durant les 4 périodes 1 954- 1 956, 1 959- 1 961 , 1 964- 1 965 et 1 968-1 969. Par a i l leurs les crêtes et les creux de la courbe des exporta­tions ont été nettement plus prononcées que ceux du P. I . B.

La courbe de la consommation privée a suivi de près l'évolution du P. I . B. avec cependant trois mouvements «en flèche» en 1 956, en 1 964 et en 1 970 qui n'ont pas manqué de stimuler la croissance. Dans l'ensemble, la con­sommation privée a cependant joué avant tout un rôle d'amortisseur par rapport au mouvement saccadé des exportations.

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Tableau no 49

Evolution des différents agrégats de la demande finale et du P. I .B. (1 953-1 970)

(à prix constants)

Source: Estimations du STATEC Variations annuelles en %

Année

1 953 1 954 1 955 1 956 1 957 1 958 1 959 1 960 1 961 1 962 1 963 1 964 1 965 1 966 1 967 1 968 1 969 1 970

. . . .

. . . .

. . . .

. . . .

. . . . . . . . • • • 0 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

P.I.B.

+ 1 .4 + 8.0 + 5.0 + 2.4

- 0.9 + 3.4 + 4.9 + 3.5 + 1 .7 + 1 .9 + 7.2 + 2.0 + 1 .3 + 0.2 + 5.3 + 7.0 + 3.5

+75.7

+ 3.4

Consommation Consommation F.B.C.F. Exportations privée publique

+ 2.6 + 1 .9 - 0.9 + 9.3 + 6.9 + 1 .1 + 3.0 + 9.6 + 7.6 + 1 .8 - 6.1 + 9.1 + 4.3 + 0.8 +24.1 - 0.8 + 2.8 + 1 .5 - 3.1 - 1 .0 + 3.8 + 1 .3 - 1 .7 + 1 2.3 + 0.9 + 1 .7 + 0.6 +1 0.2 + 5.0 + 1 .5 + 1 0.4 + 6.3 + 4.4 + 0.9 + 7.1 - 1 .2 + 4.9 + 1 .0 + 1 4.9 + 1 .4 + 9.2 + 2.1 +1 9.4 + 1 3.5 + 4.2 0 -14.0 + 6.0 + 3.3 + 3.7 + 1 .9 + 0.6

0 + 3.6 - 9.3 - 1 .2 + 2.0 + 4.0 - 6.5 +1 3.4 + 5.0 + 2.1 + 1 6.0 + 1 3.0 + 8.0 + 1 .5 + 1 7.5 + 1 .5

Accroissement global 1 953-1 970 + 1 07.2 +35.2 +87.3 + 1 65.7

Accroissement annuel moyen 1 953-1 970 + 4.4 + 1 .8 + 3.8 + 5.9

La F.B.C.F. est le poste qu i a enregistré les fluctuations d'une année à l'autre les plus prononcées, al lant de +24.1 % en 1 957 à -1 4.9% en 1 965. Si, sur l'ensemble de la période de 1 953 à 1 970 cette composante de la demande a progressé un peu plus vite que le P. I .B., el le a joué un rôle mo­teur i ndéniable durant les années 1 961 - 1 964 et 1 969-1 970. Nous avons d'ai l leurs déjà eu l'occasion de remarquer que cet essor des i nvestissements a été dû en large partie à l ' initiative publ ique { loi-cadre de 1 962) .

Enfin, l ' incidence de la consommation publique sur le rythme de l'activité économique paraît avoir été négl igeable.

3 . 32 Analyse des exportations

Le rôle particu l ier que les exportations luxembourgeoises ont joué dans la croissance économique du pays nous amène à approfondir l'examen de quelques aspects de celles-ci.

1 30

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3 . 321 Evo l ution régionale des exportations

Le tableau no 50 révèle que l'expansion des exportations l uxembourgeo i ­ses s'est faite avant tout en Europe, a lors que l a part des exportations vers l'Amérique, l 'Afrique et l'Asie a sensiblement d iminué.

Par a i l leurs la part des exportations vers les pays de I'E.F.T.A. a été en légère régression, de sorte que l'essor des exportations européennes s'est concentrée avant tout sur les pays de la CEE. Ceci démontre une nouvel l e fois combien l' intégration européenne a eu une i ncidence favorable sur l'économie l uxembourgeoise.

Parmi les pays partenaires du Luxembourg, l'Allemagne Fédérale est l e principal client pour les ventes luxembourgeoises à l'étranger, précédant nettement la Belgique. Au total, ces deux pays a bsorbent environ la moitié des exportations, ce qui montre que la conjoncture économique dans ces pays se répercute d irectement sur le rythme de croissance de l'économie luxembourgeoisè.

Tableau no 50

Ventilation régionale des exportations (1 958-1969)

Source: estimations du STATEC en %

Pays I l 1 958 1 964 1 968 1 969

1 . Europe . . . . . . . . . . . 81 .1 87.6 85.4 89.9 a) C.E.E • . . . . . . . . . . 66.9 72.6 73.6 77.2

Belgique . . . . . . . 22.5 23.4 20.6 22.0 Allemagne occident. 25.5 27.6 30.3 3 1 .5 France . . . . . . . . . 8.2 9.5 1 1 .4 1 2.6 Italie . . . . . . . . . . 2.7 3.1 3.1 3.4 Pays-Bas . . . . . . . 8.0 9.0 8.2 7.7 dont: Total Benelux 30.5 32.4 28.8 29.7

b) E.F.T.A. . . . . . . . . 1 2.5 1 2.9 9.4 1 0.5 Autriche . . . . . . . . 0.4 0.5 0.4 0.2 Danemark . . . . . . 2.1 3.2 1 .6 2.2 Norvège . . . . . . . . 1 .3 1 .3 0.7 0.8 Portugal . . . . . . . . 2.3 0.6 0.4 0.4 Royaume-Uni . . . 0.3 0.6 2.2 1 .9 Suède . . . . . . . . . 3.1 3.0 1 .4 1 .7 Suisse . . . . . . . . . 3.0 3.7 2.7 3.3

c) Autres pays d'Europe 1 .7 2.1 2.4 2.2 Il. Afrique . . . . . . . . . . . . 2.1 0.7 2.0 1 .6

I l l . Amérique . . . . . . . . . 1 1 .8 9.6 1 0.5 6.6 USA . . . . . . . . . . . 7.1 6.0 8.3 4.3 Autres pays d'Amérique . . . . . 4.7 3.6 2.2 1 .8

IV. Asie . . . . . . . . . . . . . . 4.8 1 .8 2.0 1 .7 V. Océanie . . . . . . . . . . . 0.2 0.3 0.1 0.1

Destination non déterminée 0.1

Total général . . . . . . . . . . . 1 00.0 1 00.0 1 00.0 1 00.0

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3 . 322 Exportations industriel les

Comme le secteur i ndustriel fournit quelque neuf d ixièmes d u total des exportations de biens et de services, l'analyse détai l lée de cel les-ci s'a­vère particul ièrement uti le. (cf. tableau no 51 ) .

Tableau n° 51

Exportations industrielles en 1 968 (à prix courants)

Source: STATEC

Branches

Industries extractives . . . . . Minerai de fer . . . . . . . . . Extraction de matériaux de construction · · · · · · ·

Industries manufacturières . Produits laitiers . . . . . . . . Brasseries · · · · · · · · . . . Industrie du vin . . . . . . . ( Distillation . . . . . . . . . . . Minoterie . . . . . . . . . . . . . Produits alimentaires di-vers et tabacs . . . . . . . . . Produits minéraux non métalliques · · · · · · · · · · Industrie sidérurgique . . . Métaux non ferreux . . . . Fabrications métalliques . Industrie du bois . . . . . . Industrie du meuble . . . . I mpression et édition . . . Industrie chimique . . . . . . Textile et habil lement . . .

Électricité, gaz, eau . . . . . . Construction . . . . . . . . . . .

T etal . . . . . . . . · · · · · · · · .

Valeur de la Valeur des Part des production exportations exportations

dans la valeur de la production

en 1 968 1 00 en 1 958 1 00 en 1 958 en %

1 20.4 49.7 1 1 8.9 7.8 1 .3

1 26.0 400.7 26.8 1 60.9 1 65.7 1 72.5 1 64.1 249.1 24.9

1 88.2

1 35.2 1 1 .8

227.8 1 68.8 39.8

1 94.9 276.7 42.0 1 30.9 1 3 1 .9 97.0 1 3 1 .4 287.1 49.7 1 60.3 225.0 59.5

53.3 331 .5 62.4 1 59.6 0.0 220.8 8.7 61 8.2 71 8.6 93.0

76.8 75.8 59.4 91 .9

1 72.0

1 64.0 1 64.6 68.6

Part de chaque branche dans

les exportations totales en 1 968

en %

0.0

0.2

0.6

0.2

1 .5

1 .7 68.9

0.2 5.9 0.3 0.0 0.1

1 9.9 0.5

1 00.0

Plus des deux tiers de la production industriel le l uxembourgeoise (y compris le secteur énergétique et la construction) doivent être écoulés sur l es marchés étrangers. Ce rapport atteint même 80.7% si l'on considère u niquement les industries manufacturières. C'est dire l' importance que les exportations ont pour l' industrie du pays et notamment pour la sidérurgie qu i ne peut écouler que quelque 3% de sa production su r le marché i ntérieur.

1 32

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O n peut y ajouter l ' industrie chimique qui exporte plus des neuf dixièmes de sa production et les fabrications métal l iques et l ' i ndustrie du texti le et de l 'habi l lement, pour lesquel les les exportations absorbent q uelque 60% de la valeur totale de la production.

Les trois principales branches exportatrices sont la sidérurgie (68.9%), la chimie (1 9.9%) et les fabrications métal l iques (5.9%) qui, à el les seules, fournissent 94.7% du total des exportations i ndustrielles (1 968) .

Si la valeur des exportations s'est développée, a u cours de la période de 1 958 à 1 968, à peu près au même rythme que la valeur de la production ( +64% en 1 0 ans en valeur, soit un taux de croissance a nnuel moyen de +5.1 %), cel les-ci ont néanmoins joué un rôle moteur dans l'expansion de la p lupart des branches industrielles. Ceci est notamment le cas pour les industries d u textile et d e l'habi l lement, du bois, des métaux non ferreux, des fabrications métal l iques, des matériaux de construction et des produits minéraux non métal l iques, sans parler de l' industrie chimique et de l' industrie sidérurgique qu i, de toute façon, dépendent presque exclusiveme nt des marchés étrangers.

Aussi la compétitivité des entreprises industrie l les est-el le une condition primordiale de la croissance économique du pays.

3 . 323 Comparaison i nternationale de l'évolution des exportations

Si les exportations ont joué i ncontestablement un rôle moteur dans l 'augmentation de la demande totale et dans la croissance du P. I . B ., i l faut cependant relever que les exportations luxembourgeoises se sont dévelop­pées beaucoup plus lentement que celles des autres pays du Marché Commun.

Tableau n° 52 Evolution des exportations dans les pays de l a C.E.E. (1 958-1 968)

(à prix constants)

Sources: O.S.C.E. et STATEC

Pays

Allemagne Fédérale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . France • . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . • . . . Italie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Pays-Bas . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . • . . . . . Belgique • . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . • . . Luxembourg . . . . . . . . . . . . . . • . . . . . . . . . . C.E.E . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Accroissement global Accroissement annuel en % moyen en %

1 39.0 9.1 1 3 1 .2 8.7 262.9 1 3.8 1 20.9 8.3 1 1 8.4 8.1

78.8 6.0

1 46.1 9.4

Il s'agit d'expliquer les raisons de cette croissance moins rapide des exportations luxembourgeoises par rapport à l'expansio n de la demande i nternationale. A ce sujet on peut avancer deux facteurs qui fournissent une explication au moins partiel le de cette évolution.

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a) U n facteur de structure

En effet, la croissance du commerce international est très d ifférente selon les diverses catégories de produits. Ainsi les marchandises peuvent être classées en 3 groupes dont les taux de croissance des échanges sont supérieurs, sensiblement égaux, ou inférieurs à l'expansion moyenne du commerce i nternational . D'après les statistiques sur le commerce inter­national on peut classer les produits a l imentaires, les matières premières, l es combustibles et l'acier dans le groupe des produits <dents». La plupart des produits manufacturés entrent dans la catégorie à croissance moyenne, à l'exception des produits chimiques, des biens d'équipement et des automo­bi les dont le commerce extérieur a un taux de croissance supérieur à la moyenne.

Ainsi on constate que les exportations l uxembourgeoises comprennent seulement quelque 20% de biens dont la croissance des échanges est supérieure à la moyenne (chimie + fabrications méta l l iques) , a lors que ces produits représentent plus des deux cinquièmes dans le commerce exté­rieur des pays de I 'O.C. D . E. D'autre part, presque tous les autres produits exportés, et notamment les produ its sidérurgiques, peuvent être classés dans le groupe «lent», soit quelque 75%, alors que cette part ne constitue qu'un tiers environ en moyenne dans les pays de I'O.C. D . E. Ces chiffres montrent nettement l ' i nfériorité structurel le des exportations luxembourgeoi ­ses, qu i est d'ai l leurs une conséquence fatale de la prédominance abso lue de la sidérurgie dans la structure économique du pays.

b) Un facteur de compétitivité

Étant donné l ' importance marginale, en chiffres absol us, du commerce extérieur luxembou rgeois, l'évolution de la demande étrangère dépend avant tout de la mesure dans laquelle les i ndustries savent profiter de la demande étrangère potentielle, ou, en d'autres mots, de la compétitivité des entreprises.

Parmi les facteurs qu i ont une i nfluence défavorable sur la compétitivité des entreprises industrielles d u pays, on peut citer:

la tai l le relativement modeste de la p lupart des entreprises (en dehors de la sidérurgie et de q uelques entreprises chimiques) qu i entraîne des prix de revient assez élevés et l'absence de réseaux de vente structurés à l'étranger; le manque «d'aggressivité commerciale» de beaucoup d'entrepre­neurs; le coût relativement élevé de certains facteurs de production (trans­ports, é lectricité), l'absence d'organisation du crédit à l'exportation.

Ces deux facteurs, qui se ramènent donc à des problèmes d'offre et de structure, nous paraissent expl iquer largement pourquoi le Grand- Duché n'a pas pleinement profité de la rapide expansion de la demande étrangère potentielle.

1 34

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3 . 324 Evolution des termes de l'échange ( 1953- 1970)

Dans notre i ntroduction historique nous avons eu l'occasion de relever le rôle essentiel que les termes de l'échange ont joué dans la réal isation du niveau de vie des Luxembourgeois. Par ai l leurs nous avons déjà mis en évidence l es difficultés inhérentes à l'évaluation des termes de l'échange, de sorte que l es chiffres avancés ne sont à considérer que comme des ordres de grandeur.

Au cours de la période d'après-guerre, ces termes de l'échange ont cependant évolué temporairement en défaveur de l'économie grand-ducale. Un examen détai l lé des prix à l'exportation et à l ' importation (cf. tableau no 53) montre d'ai l leurs que cette évolution ne s'est dessinée que depuis 1 961 (malgré l a haute conjoncture de cette année) . La raison en est encore à rechercher du côté de la structure monolithique de l'économie et de la tendance à la surproduction d'acier à l'échel le mondiale à cette époque, ce qu i n'a pas manqué de provoquer une baisse des prix depuis le début des années 60.

Depuis le boom de 1 969 il y a toutefois eu un net redressement des termes de l'échange. N éanmoins on peut constater que depuis le début des années 1 950 l'évolution des termes de l'échange a été nettement moins favorable que durant les 4 décennies précédentes.

Tableau no 53

Evolution des termes de l'échange du Grand-Duché (1 953-1 970)

Source: estimations du STATEC

Prix à l'exportation Prix à l'importation Termes de l'échange

Année 1 953= 1 00 variations 1 953=1 00 variations annuelles annuelles

1 953 . . . . 1 00.0 1 00.0 1 00.0 1 954 . . . . 9 1 .3 - 8.7 99.2 - 0.8 92.0 1 955 . . . . 1 01 .1 +1 0.7 99.1 - 0.1 1 01 .9 1 956 1 1 0.9 + 9.7 1 02.7 + 3.6 1 08.0 1 957 1 1 7.1 + 5.6 1 09.0 + 6.1 1 07.4 1 958 1 06.1 - 9.4 1 05.4 - 3.3 1 01 .4 1 959 99.5 - 6.2 1 03.2 - 2.1 96.4 1 960 . . . . 1 1 0.4 + 1 1 .0 1 03.5 + 0.3 1 06.7 1 961 . . . . 1 04.5 - 5.3 1 05.1 + 1 .5 99.4 1 962 . . . . 1 02.1 - 2.3 1 05.9 + 0.8 96.4 1 963 . . . . 1 01 .8 - 0.3 1 07.1 + 1 .1 95.1 1 964 . . . . 1 03.9 + 2.1 1 09.2 + 2.0 95.1 1 965 1 04.6 + 0.7 1 1 0.9 + 1 .6 94.3 1 966 . . . . 1 05.2 + 0.6 1 1 0.5 - 0.4 95.2 1 967 . . . . 1 06.4 + 1 .1 1 09.8 - 0.6 96.9 1 968 . . . . 1 06.3 - 0.1 1 08.8 - 0.1 97.7 1 969 . . . . 1 1 4.8 + 8.0 1 1 3.7 + 4.5 1 01 .0 1 970 . . . . 1 29.2 +1 2.0 1 26.6 + 1 1 .4 1 02.1

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Conclusions et perspectives d'avenir

Si, par suite des dimensions marginales de l'économie luxembourgeoise et de son degré d'ouverture sur l 'extérieur très élevé, la demande nous paraît jouer u n rôle moins important dans la croissance économique du pays que ceci n'est le cas à l'étranger, l'expansion des exportations - due notamment à !�intégration européenne - a cependant donné à cel le-ci une impulsion stim ulatrice certai ne. Les autres éléments de la demande, par contre, n'ont eu qu'une i nfluence temporaire et partiel le sur le rythme du développement économique du pays.

Par comparaison aux pays étrangers et à l'expansion des échanges i nternationaux, l'expansion des exportations l uxembourgeoises n'a cepen­dant été qu'assez modeste, ce qu i semble s'expl iquer à la fois par la structure industriel le défavorable et la compétitivité i nsuffisante de certaines indu­stries.

Enfin le pays n'a plus tiré le même avantage de l'évolution de ses termes de l'échange que dura nt la période de l'entre-deux-guerres.

En ce q u i concerne l 'évolution future des agrégats a nalysés dans ce chapitre, il y a l ieu de relever d'abord l 'amél ioration de la structure des ex­portations l uxembourgeoises au fur et à mesure des progrès de diversifica­tion industriel le. Quant à l'évolution des termes de l'échange, celle-ci dépendra avant tout de la situation future sur le marché i nternational de l'acier (cf. analyse sectorielle) .

1 36

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1 l IL _D_

E_L_A_C_R_O_I_s_s:_·_�_c

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E j L'analyse précédente a montré le rôle des principaux facteu rs de pro­

duction, - à savoir les hommes et les capitaux - ainsi que l ' impu lsion de la demande dans la croissance de l'économie luxembourgeoise d'après­g uerre. Cette analyse essentiellement globale doit cependant être complétée par un examen plus détai l lé des principaux secteurs de l'économie, pour permettre de relever les conditions et les problèmes spécifiques qui se sont posés à chacun d'entre eux et qui en ont favorisé la croissance ou, au con­traire, en ont entraîné la stagnation, voire le décl in .

«Les théories relatives à la classification des activités économiques en secteurs sont souvent considérées comme récentes, encore que Colin Clark fasse remonter à Wil l iam Petty la découverte de la «loi» selo n laquel le, à mesure que les sociétés humaines atteignent un stade p lus avancé de dé­veloppement économique, le commerce et les «arts curieux» se développent au détriment de l'agriculture».1

Col in Clark a formulé cette <doi» de la façon suivante dans son l ivre: «Les conditions du progrès économique»2: «A mesure que ( . . . ) les com­munautés atteignent un stade plus avancé de développement économique, la main-d'œuvre agricole tend à décroître par rapport à la main-d'œuvre industrielle qui , el le-même, tend à décroître par rapport aux effectifs em­ployés dans les services».

De même, la part de l'agriculture dans le P . I .B . d iminuerait au profit de celle de l ' industrie qu i, el le-même, perdrait peu à peu en importance au bénéfice de celle du secteur tertiaire.

Remarquons enfin que chez Colin Clark, et à sa suite chez Jean Foura­stié, les activités sont classées dans les trois secteurs non plus en fonction de leur objet, mais su ivant leurs taux d'accroissement de la productivité. Le secteur primaire est caractérisé par u n progrès technique «moyen», le secteur secondaire, par un progrès technique i ntense, et enfin le secteur tertiaire par un progrès technique «faible». Nous verrons dans la suite, dans q uelle me­sure ces thèses se trouvent vérifiées par la réal ité.

La consultation des comptes nationaux l uxembourgeois montre qu'au cours de la période de 1 953 à 1 968 le P. I .B . a augmenté d'environ 1 33% en valeur et de 59% en volume. L'accroissement de la valeur ajoutée de l'agri-

1 Maurice LENG E LLE: La révolution tertiaire, page 25. 2 Colin CLARK: Les conditions du progrès économique, page 31 1 .

1 37

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culture a été de 21 % à prix courants et de 1 8% à prix constants, celu i de la valeur ajoutée de l' industrie de respectivement 1 53% et 69% et celui de la valeur ajoutée du secteur tertiaire de respectivement 1 38% et 56%.

Par conséquent les taux de croissance annuels moyens (en volume) des secteurs agricole, industriel et tertiaire ont atteint respectivement 1 .1 %, 3.6% et 3.0%, ce qu i montre d'emblée le rôle moteur joué par le secteur industriel dans la croissance économique.

Para l lèlement, l'emploi a augmenté de 1 6% dans le secteur industriel et de 1 9% dans le secteur tertiaire, a lors qu' i l a d iminué de 39% dans le secteur agricole.

Cette évo lution différente des 3 grands secteurs a entraîné des modifi­cations i mportantes dans la structure économique du pays.

Ainsi la part de l'agriculture dans le P.I.B. (évalué à prix courants) est tombée de 1 0.2% en 1 953 à 5.3% en 1 968, cel le du secteur tertiaire a légèrement augmenté en passant de 41 .8% en 1 953 à 42.7% en 1 968, alors q ue la part du secteur i ndustriel, déjà dominante en 1 953 avec 48.0%, a dépassé en 1 968 cel le des deux autres secteurs réunis (avec 52.0%) .

E n même temps la part de la population active agricole, qui constituait encore 20.8% du total de la population active en 1 953, est tombée à 1 2. 1 % du total e n 1 968. D urant la même période l a part d e la population active du secteur i ndustriel est passée de 41 .4% à 45.3% et cel le du secteur tertiaire de 37.8% à 42.6%.

Si l'on considère la valeur ajoutée par personne active comme un indice approximatif de la productivité du facteur «travai l>>, on peut constater d'im­portants écarts entre les différents secteurs. Ainsi la valeur ajoutée par per­sonne active a atteint, en 1 968, 299 600 francs dans l' industrie, 261 600 francs dans le secteur tertiaire et 1 1 3 900 francs seulement dans l'agricu l ­ture. D'a i l leurs, depuis 1 953, le décalage s'est légèrement accru, étant donné que la progression de ce poste (en valeur) a été de 1 1 8% dans le secteur industriel, contre 1 00% dans l e secteur tertiaire et 97% dans le secteur agri­cole. S i l 'on tient compte cependant de l'évolution des prix, dont la hausse a été nettement plus lente dans l'agriculture que dans les a utres secteurs, la valeur ajoutée par personne active (évaluée à prix constants) pourrait avoir augmenté respectivement de 4.5%, de 2.6% et de 1 .8% par an dans les sec­teurs agricole, i ndustriel et tertiaire au cours de la période de 1 953 à 1 968. Ceci démontre avant tout les importants progrès de productivité réalisés dans l e secteur agricole.

Un simple calcul arithmétique montre par ai l leurs q ue la progression en valeur du P. I .B . au cours de la période 1 953 à 1 968 - progression qui s'est chiffrée à 20 679 mil l ions de francs - «s'expl ique» pour 55% par l'évo­lution du secteur i ndustriel, a lors que respectivement 43.4% et 1 .6% sont à mettre en compte du secteur tertiaire et de l'agricu lture.

Ces quelques chiffres mettent en évidence le rôle particulier que l 'in­dustrie et l'agriculture ont joué dans la croissance économique d u Luxem­bourg, soit par leur contribution au P . I .B., soit par l'amél ioration de la produc­tivité. Par contre, le secteur tertiaire n'a enregistré, dans son ensemble, qu'un taux de croissance modéré de sa valeur ajoutée et de sa productivité.

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Tableau no 54

Evolution des 3 g rands secteurs de l'économie (1 953-1 968)

P.I.B. au collt des facteurs (en millions de francs courants)

Année I l Agriculture I ndustries 1 Secteur tertiaire 1 1 953 . . . . . . . . . . . . . . . . 1 586 7 461 6 495 1 958 . . . . . . . . . . . . . . . . 1 809 1 0 641 8 21 3 1 965 . . . . . . . . . . . . . . . . 1 691 1 6 1 38 1 2 999 1 968 . . . . . . . . . . . . . . . . 1 9 1 4 1 8 845 1 5 462

Indices de l'évolution du P.I.B. (1 953=1 00)

Valeur \ Année Il Agriculture Industries 1 Secteur tertiaire 1 en prix courants 1 953 1 00.0 1 00.0 1 00.0

1 958 1 1 4.1 1 42.6 1 26.4 1 965 1 06.6 21 6.3 200.1 1 968 1 20.7 252.6 238.1

à prix constants 1 968 1 1 8.1 1 69.3 1 55.5 (+ 1 .1 %) (+3.6%) (+3.0%)

Part relative des 3 grands secteurs dans le P.I.B. (en %)

1 953 1 958 1 965 1 968

Année

. . . . . . . . . . . . . . . .

. . . . . . . . . . . . . . . . · · · · · · · · · · · . . . . . · · · · · · · · · . . . . . . .

I l Agriculture

1 0.2 8.8 5.4 5.3

Industries 1 Secteur tertiaire 1 48.0 41 .8 51 .5 39.7 51 .8 42.8 52.0 42.7

P.I.B.

15 542 20 663 31 098 36 221

P.I.B.

1 00.0 1 33.0 200.0 233.1

1 58.8 (+3.1%)

P.I.B.

1 00.0 1 00.0 1 00.0 1 00.0

Contribution des 3 secteurs à l'accroissement du P.I. B. (1953-1968) en %

Secteurs Il Prix courants 1 Prix constants

Agriculture . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Industrie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Secteur tertiaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Total . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . · · · · ·

1 .6 55.0 43.4

1 00.0

3.2 57.0 39.8

1 00.0

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Tableau n• 54 (suite et fin)

Emploi par grands secteurs (en milliers de personnes)

Année Agriculture Industries Secteur tertiaire Population active intérieure

1 953 . . . . . . . . . . . . . . . . 27.4 54.4 49.6 1 3 1 .4 1 958 . . . . . . . . . . . . . . . . 23.4 58.4 51 .4 1 33.2 1 965 . . . . . . . . . . . . . . . . 1 8.7 63.5 56.7 1 38.9 1 968 . . . . . . . . . . . . . . . . 1 6.8 62.9 59.1 1 38.8

1

Indices de l'évolution de la population active 1 953=1 00)

Année 1 Agriculture Industries Secteur tertiaire Population active intérieure

' 1 953 . . . . . . . . . . . . . . . . 1 00.0 1 00.0 1 00.0 1 00.0 1 958 . . . . . . . . . . . . . . . . 85.4 1 07.3 1 03.6 1 01 .4 1 965 . . . . . . . . . . . . . . . . 68.2 1 1 6.7 1 1 4.3 1 05.7 1 968 . . . . . . . . . . . . . . . . 61 .3 1 1 5.6 1 1 9.2 1 05.6

(-3.2%) (+1 .0%) (+1 .2%) (+0.4%)

Part relative des 3 grands secteurs dans l'emploi total (en %)

Année Agriculture Industries Secteur tertiaire Population active intérieure

1 953 . . . . . . . . . . . . . . . . 20.8 41 .4 37.8 1 00.0 1 958 . . . . . . . . . . . . . . . . 1 7.6 43.8 38.6 1 00.0 1 965 . . . . . . . . . . . . . . . . 1 3.5 45.7 40.8 1 00.0 1 968 . . . . . . . . . . . . . . . . 1 2.1 45.3 42.6 1 00.0

4 . 1 AG RICULTU R E

«Le processus d e l a croissance économique est des plus complexes et soulève des problèmes d'adaptation dans tous les secteurs, mais particul iè­rement dans l'agriculture. Normalement l'agriculture est le secteur l e plus a ncien de l'économie; e l le se caractérise par u n mode distinct de vie et par une organisation propre de son activité: l 'attachement à la terre, l'existence de petites unités de production groupant à la fois la propriété, la gestion et

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le travail et faisant appel à presque tous les membres de la fami l le pour l'ex­ploitatio n agricole, l'éloignement des foyers urbains de croissance écono­mique ( . . . ) . En même temps et contrairement à beaucou p d'autres secteurs anciens et désuets de l'économie, l 'agriculture a bénéficié d'un progrès technique très important, particul ièrement dans les pays développés depuis la fin de la guerre1 ».

A côté de ces particularités techniques il faut relever a ussi que l'agricul­ture est le secteur où les impératifs économiques ont d û s'effacer le plus souvent devant des considérations sociales et pol itiques. En effet, l ' i nterven­tion étatique - ou communautaire - au moyen d'une floraison de régle­mentations parfois désordonnées y a remplacé en grande partie les mécanis­mes du marché et a donc décisivement influé sur la configuration des struc­tures agricoles d'après-guerre.

Par conséquent, avant d'examiner en détai l quelques aspects de la con­tribution de l'agriculture à la croissance économique du Luxembourg, i l importe d'analyser les grandes l ignes de la pol itique agricole poursuivie par les autorités publ iques.

4 . 1 1 Politique agricole luxembourgeoise

On peut distinguer deux périodes successives dans la pol itique agricole l uxembourgeoise d'après-guerre.

4 . 111 Politique autonome et protectionniste

Au cours des a nnées 1930, le Luxembourg s'est dirigé progressivement vers u ne pol itique agricole autonome et protectionn iste en retirant d'abord en fait, pu is en droit (Convention de I 'U.E. B . L. du 23 mai 1935) son agri­cu lture du circuit économique l ibre-échangiste de I 'U .E .B. L. Depuis lors, aussi bien dans les traités du B E N ELUX que dans ceux du GATT, le Luxem­bourg a pu faire accepter la «situation spéciale» de son agriculture par ses partenaires pour obtenir u n régime d'exception, et ce n'est que lors de la signature du Traité de Rome - et non sans une nouvel le clause spéciale provisoire - que le Gouvernement a dû accepter d'abandonner progressive­ment son protectionnisme agricole pour u ne politique agricole commune.

Le principal objectif de cette pol itique autonome (qui a donc perduré pendant la majeure partie de la période d'après-guerre que nous analysons) a été la garantie d'un revenu «équitable» aux agriculteurs.

D'autres objectifs extra-économiques, tels que le maintien d'une couche d'hommes «indépendants», porteuse des valeurs morales traditionnel les du Luxembourg, devaient s'y ajouter en vue d'empêcher le déracinement d'une

1 O.C.D.E. Agriculture et croissance économique 1 965, page 29.

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partie des gens de la campagne et de garantir l'équi l ibre géographique, démographiqu e, social et pol itique du pays.

Quant à la réalisation de l'objectif des revenus agricoles, les instruments uti l isés ont été, d'un côté, l'isolement complet de l'agriculture l uxembour­geoise de la concurrence étrangère et, de l'autre côté, la dislocation des prix, grâce au système des subventions dites «structurel les» qui a permis aux agriculteurs de toucher des revenus p lus ou moins satisfaisants tout en ne grevant pas exagérément les consommateurs.

Sans vouloir entrer dans le détail de la vaste réglementation qu i ne man­qua pas de faire «boule de neige» et où les contradictions devenaient inévi­tables, relevons uniquement que plus des quatre cinquièmes de la production agricole (blé, la it et beurre, viande bovine et porcine) furent soumis à u n système de prix et de subventions orienté d'après les coûts de production>>, établ is d'ai l leurs d'après des méthodes parfois controversées1 • D'autres mesures ont été prises, notamment sur le plan fiscal et budgétaire, pour faire baisser les coûts de production et assurer a insi à l'agriculture le maintien des revenus q ue celle-ci touchait grâce aux prix à la production assez élevés.

Dans l'ensemble, la politique agricol e protectionniste a cependant abouti dans une impasse, parce qu'à long terme le problème des revenus «équi­tables» ne .pouvait être résolu sans réformes structurelles fondamentales, et sans i ntégration du Luxembourg dans u n marché plus large.

En effet, bien que les subventions soient al lées rapidement en augmentant, les prix à la consommation luxembourgeois figuraient à la fin des années 50, parmi les plus élevés de l 'Europe des S ix. A la même époque, des excédents apparaissaient pour presque toutes les productions subventionnées qui ne pouvaient plus être écoulés sur le marché intérieur, de sorte que le Luxem­bourg devait procéder à une pol itique de «dumping». Celle-ci a non seule­ment exaspéré les partenaires économiques du pays (cf. «guerre du beurre» avec la Belgique en 1 958), mais elle a mis en cause les prix payés à l'agri­culture, parce que l 'État ne subventionnait que la production nécessaire à la consommatio n nationale, de sorte que les agriculteurs devaient payer, par l'i ntermédiaire d'une caisse de compensation, les pertes sur les exportations ou sur la dénaturation.

A cela s'ajoute le fait que, malgré l es interventions étatiques accrues, les coûts de production augmentaient plus vite que les prix des produits agricoles, de sorte que finalement l'objectif de la «parité des revenus» n'a pas pu être atteint, d'autant moins que, lo in de favoriser le transfert d'une part de la population active agricole vers d'autres secteurs économiques le Gouverne­ment l'a longtemps freiné en se proposant comme objectif la stabi l isation de cel le-ci .

Par ai l leurs les mesures d'intervention de l 'État n'étaient pas suffisam­ment sélectives et profitaient essentiel lement aux grandes exploitations,

1 Voir la thèse de doctorat de Gerhard THOLL: Die Luxemburger Agrarpolitik in der N achkriegszeit (1 945-1 959) und ihre ordnungspolitische Problematik.

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alors que les petites exploitations ressentaient le plus durement la stagna­tion de leurs revenus et abandonnaient finalement le secteur agricole. En même temps l'objectif de l'équi l i bre économique et démographique régional n'a pas été atteint, étant donné que d 'un côté les départs n'ont pu être évités et que de l'autre côté l'État ne commença qu'après 1 960 à mener une poli­tique d'industrial isation régional isée, de sorte que beaucoup de partants se sont i nstallés dans l es grands centres industriels du sud du pays, faute d'em­plois industriels suffisants dans les rég ions agricoles.

La politique agricole autonome n'a cependant pas été complètement négative, étant donné qu'elle a permis aux exploitations les plus rentables de se préparer aux conditions de concurrence du Marché Commun agricole; toutefois la mécanisation poussée de bon nombre d'entre elles n'a pas tou­jours donné les résultats souhaitables, parce que l 'État a tardé à procéder aux réformes structurelles indispensables, telles la réforme du droit succes­soral napoléonien, le remembrement des terres, l' i ntensificatio n de l'orienta­tion technique et la stimulation de l'exploitation collective de certaines machines.

4 . 1 1 2 P réparation à la politique agricole communautaire1

Si , en al léguant l'i nfériorité nature l le de ses conditions géologiques et cl imatiques, le Luxembourg a encore pu obtenir u n rég ime spécial au moment de la signature d u Traité de Rome, cette fois l'échéance de <d'heure de vérité» est devenue inéluctable. Celle-ci n'a d'ail leurs pas manqué de produire une certaine angoisse dans l es mil ieux agricoles2•

Si l'énumération des innombrables faiblesses structurelles et institu­tionnelles de l'agriculture luxembourgeoise à la f in des années 50 est impressionnante - d'après l'avis de la Centrale Paysanne - la hantise de l'échéance et le souci d'utiliser au mieux le bref moment de répit qui restait, ont constitué un excellent stimu lant à la réorientation de la politique agri­cole luxembourgeoise.

B ien que l'article 39 du Traité de Rome prévoie l'assurance d'un niveau de vie équitable à la population agricole, cet objectif ne devra plus être réalisé par le biais de subventions désordonnées, mais par l'accroissement de la productivité agricole, par le développement du progrès technique, et par l'emploi optimum des facteurs de production, notamment de la main­d'œuvre. En outre, à l'isolement complet a ntérieur de l'agriculture luxem­bourgeoise devait succéder l ' i ntégration dans un marché européen, où les conditions de concurrence et les prix sont harmonisées et où les excé­dents sont à la charge de l'ensemble de la communauté.

Ainsi la nouvel le politique agricole commune, fixée notamment dans les règlements de 1 962 et 1 964, offre la garantie de débouchés nouveaux aux excédents luxembourgeois qui avaient pris de plus en plus d'ampleur à la fin des années 1 950.

1 Voir l'étude d'Adrien R I ES: L'agriculture l uxembourgeoise dans le Marché Commun. STATEC. Octobre 1 970.

2 cf. Avis de la Centrale Paysanne au sujet de la ratification du Traité de Rome.

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En outre, d'importantes réformes structurelles furent entamées, parmi lesquelles on peut citer notamment la réforme du droit successoral et le remembrement des terres. De p lus, le 8 avril 1 965 la Chambre des Députés a voté la loi d'orientation agricole, dont le but est à la fois la transformation des structures de l'agriculture et la promotion de la popu lation agricole par le biais du rétablissement de la parité de revenus entre l'agriculture et les autres activités économiques du pays. Ainsi l'agriculture devrait, dans la vue de cette loi qu i traduit avant tout la nouvelle politique agricole, pouvoir bénéficier d'un même rendement financier pour le travail et les capitaux mis en œuvre que les autres secteurs. Les moyens d'atteindre ces objectifs sont, d'un côté, la rational isation et la modernisation des exploitations et, de l'autre côté, le soutien de l 'État (aussi longtemps que la réglementation communau­taire le permet), soit par des faveurs fiscales, soit par la prise en charge, par le fonds d'orientation économique et social, des droits d'enregistrement et de transcription l iés à l'acquisition de biens nécessaires à l'exploitation agricole. Du point de vue financier, l 'effort des pouvoirs publ ics à l'égard de l'agriculture s'est traduit par des dépenses de plus de 600 mi l l ions de francs par an (cf. tableau no 55) .

Enfin, d'importants efforts o nt été entrepris par les particuliers et les organisations professionnelles en vue d'améliorer et de diversifier la qual ité des produits agricoles luxembourgeois.

Tableau no 55

les dépenses publiques en faveur de l'agriculture

Source: A. Ries, op. cit., page 1 89.

I l 1 967 1 968 1 969 1 970

Mesures relatives aux hommes' . . . . . . . . . . . . . . . 1 23.9 1 22.3 1 29.8 1 37.7 l nfrastructure2 . . . . . . . . . . . . 31 .4 38.9 52.6 66.0 Structure de production3 . . . 36.0 83.0 95.0 85.0 Structure des marchés4 . . . . . 1 23.0 1 88.0 1 31 .0 1 33.0 Moyens de production5 . . . 9.8 1 3.1 1 0.0 6.7 Consommation des produits• 0.7 0.6 0.5 0.7 Marchés agricoles . . . . . . . . . 262.3 241 .3 228.8 225.8

dont FEOGA . . . . . . . . . 67.0 79.0 1 64.0 1 80.0

Total . . . . . . . . . . . . . . . . . . 587.1 687.2 647.7 654.9

1 Caisse de maladie agricole, Caisse de pension agricole, articles 1 3, 1 4 et 1 5 de la loi d'orientation agricole.

2 Remembrement, voirie, cours d'eau, clos d'équarrissage, carte pédologique.

3 FOES, bonifications d'intérêts, subventions, bâtiments et machines, Droit d'enregistrement.

4 Bureaux d'études FOES, bonifications d'intérêts, subventions.

s Scories Thomas, semences et plantes, vaccins.

a Propagande, foires.

7 Compensation céréales, subventions lait, police sanitaire, pertes de bétail.

1 44

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Dans l'ensemble l'i ntégration européenne a donc été, par la réorientation de la politique agricole qu'e l le a imposée au Luxembourg, un facteu r de croissance de premier ordre dans l'évolution économique des dix dernières années de ce secteur.

4 . 1 2 Evolution de l'agriculture

Si, dans le processus de croissance économique à long terme, l'agricul­ture luxembourgeoise a rarement joué un rôle moteur, depuis la deuxième guerre mondiale le secteur agricole a cependant enregistré des progrès de productivité par personne active plus importants que les a utres grands secteurs de l'économie. Ces progrès ont été réal isés à la fois grâce à la forte diminution de la population active agricole et grâce aux améliorations des techniques et des structures qui ont pu être i ntrodu ites dans ce secteur.

4 . 1 21 Dimin ution de la population active agricole

«Les exigences du progrès économique étant particu l ièrement d ures pour les agricu lteurs, o n comprend que ces derniers restent souvent «en retard», c'est-à-dire que leur revenu demeure inférieur à celu i des autres groupes sociaux. Contraints de se partager u n revenu global qu i se rétrécit sans cesse, comme la célèbre «peau de chagrin>>, les agriculteurs sont amenés, sauf dans de brèves périodes d'euphorie ( . . . ) à restreindre leur nombre: un certain nombre d'entre eux cessent d'être agriculteurs et viennent grossir les rangs d'autres groupes sociaux»1 •

Si, malgré la d iminution de la popu lation active agricole, la valeur ajoutée par personne active reste sensiblement en dessous du niveau correspon­dant des autres secteurs de l'économie, cela résu lte de l'existence d'un sous-emploi qu i ne sert n i les intérêts des agriculteurs, n i la croissance écono­mique. Dès lors «i l ne s'agit p lus d'expliquer pourquoi les agriculteurs quittent la terre, mais pourquoi i ls y restent; ce n'est p lus l'exode rural, mais les len­teurs de celu i -ci qu i désormais font question. Et dans cette perspective nouvelle, la pol itique agricole rationnelle consistera essentiel lement à organiser l'exode rural, a u l ieu de chercher de l e freiner comme on a coutume de le faire pour des raisons extra-économiques»2•

Au Luxembourg, la part de la population active agricole a été, avec 20.8% en 1 953 et 1 2. 1 % en 1 968, particul ièrement élevée par comparaison à la p lu­part des autres pays européens. Ceci s'explique en grande partie par la pol itique agricole protectionniste passée du Gouvernement, dont un des objectifs proclamés a été la stabi l isation de la population agricole. Néan­moins, par suite des mesures de soutien trop peu sélectives et du décalage du revenu grandissant entre l'agriculture et les a utres secteurs économiques, la popu lation active agricole est tombée de 27 400 personnes en 1 953 à

1 J. MARCHAL, dans la préface à «La répartition du revenu agricole» de M arc LA TIL.

2 Marc LATI L: La répartition du revenu agricole, page 1 57.

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1 6 800 en 1 968, soit une diminution de 3.2% par an . Cette diminution s'est d'a i l leurs faite en grande partie par le départ des jeunes, de sorte que l a population active agricole dans son ensemble a subi u n important viei l lisse­ment (ainsi, en 1 968, 64.4% des agriculteurs avaient plus de 40 a ns, contre 62.5% en 1 958).

D urant les a nnées 50, ces départs se sont généralement traduits par u ne accentuation du déséquil ibre démographique et économique régional, étant donné qu' i l n'y avait que peu de possibil ités d'emplois dans les régions agricoles. Depuis la loi de conversion et de diversification industriel les de 1 962 un certai n nombre d'entreprises industriel les ont pu être créées en dehors des centres économiques du pays, ce qui a favorisé le départ de nombreux agriculteurs dont l'exploitation n'était plus rentable.

Pour chiffrer l' i ncidence du transfert de main-d'œuvre agricole vers les autres secteurs de l'économie sur le taux de croissance du P. I . B., nous a l lons suivre la méthode indiquée par E. D E N ISON, résumée de la façon suivante par l 'auteur: 1 «The gain from the shift out of agricu lture is calculated as (1 ) the ga in i n nonfarm national i ncome from reducing the percentage of re­sources devoted to agricu lture minus (2) the offsetting loss in farm national income resu lting from the same cause.»

D 'après ces calculs (basés toutefois pour le Luxembourg sur le P. I . B . et portant sur la période de 1 953 à 1 965, a lors que les calculs cités de D E N I S O N s e fondent s u r l a composition du revenu national e t portant sur la période de 1 955 à 1 962). l'amélioration de l'al locatio n des ressources en hommes par suite de la diminution de la population active agricole expliquerait 5.7% de la croissance annuelle globale du P . I .B . ou 0.2 points du taux de crois­sance annuel moyen de 3.3% (cf. tableau no 56) .

La comparaison avec les autres pays occidentaux analysés dans l'étude de D EN I S O N montre - si l'on fait abstraction des légères d ifférences méthodologiques - que cet effet sur le taux de croissance a été plus faible q u'en Italie, mais plus i mportant qu'en France et en Allemagne et dans les autres pays européens. On constate par ai l leurs que cet effet a été le plus faible dans les pays où la productivité agricole est la p lus élevée et où la part de la population active agricole dans la population active globale est la plus réduite.

Dans l 'ensemble, la diminution de la population active agricole a joué u n rôle n o n négligeable dans l a croissance économique l uxembourgeoise, car

d'un côté, elle a fourni aux autres secteurs un certain nombre de personnes en âge de travailler d'autant plus précieuses que depuis une vingtaine d'années l e pays s'est trouvé en sur-emploi et que le manque de main-d'oeuvre a constitué u n goulot d'étranglement pour d ifférentes branches i ndustriel les; de l'autre côté, el le a permis d'accroître considérablement la produc­tivité du secteu r agricole et a favorisé ainsi l'égal isation au moins tendancielle des revenus par tête entre les d ifférents secteurs écono­miques.

1 E. D EN ISO N: Why growth rates differ, page 201 et ss.

1 46

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Tableau n° 56

Diminution de la population active agricole et accroissement correspon­dant du revenu national dans différents pays occidentaux (1 955-1 962)

Source: DENISON, op. cit. en %

Pays Taux annuel moyen de diminution de la population active agricole

Accroissement correspondant du revenu national en % de

l'accroissement annuel global

États-Unis Belgique Danemark

. . . . . . . · · · · · . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . · · · · · France . . . . . . . . . . . . . . . . . Allemagne Fédérale . . . . • . . Pays-Bas . . . . . . . . . . . . . . . Norvège . . . . . . . . . . . . . . . Grande-Bretagne . . . . . . . . Italie . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Luxembourg ( 1 953-1 965)

4.3 1 .68 4.0 1 .24 3.7 3.39 3.7 4.85 4.8 4.1 5 3.8 1 .5g 2.6 2.91 2.5 0.38 3.9 8.44

3.6 5.70

4.1 22 Progrès technique agricole et amélioration des structures

agricoles

A côté de la d iminution de la population active agricole, le progrès tech­nique et les améliorations structurelles ont contribué dans u ne large mesure à l ' important accroissement de la productivité par personne active durant les 20 dernières années. I l est d'a i l leurs évident q ue la d iminution de la population active a été un stimulant direct pour l'amélioration des méthodes de production et des structures agricoles.

Les différents aspects de ces changements dans l'agricu lture ont été lar­gement les mêmes que dans les a utres pays européens, de sorte que nous pouvons nous l imiter à relever quelques chiffres parmi les p lus caractéris­tiques, en i nsistant toutefois sur certai nes particularités de l'agriculture luxembourgeoise.

N ous examinerons successivement:

l 'amél ioration des structures des exploitations agricoles,

l'amélioration des techniques d'exploitation,

l'amél ioration de la structure des produits.

4 . 1 221 Amélioration des structures des exploitations agricoles

J ules M I LHAU écrit dans son Traité d'économie rurale1 : «La terre fait souvent l'objet d'une exploitation peu productive à cause de son extrême

1 Ju les MI LHAU: Traité d'économie rurale, tome I l, page 363.

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d ivision. Le parcel l isme, poussé parfois j usqu'à l'absurdité, est le gros handi­cap des viei l les civilisations agricoles de l'Europe occidentale».

Cette division des terres est le résultat de deux facteurs différents: - le nombre des exploitations agricoles et - le nombre des parcelles par exploitation .

Depuis la f in de la deuxième g uerre mondiale, les autorités publ iques des pays industrialisés s'efforcent d'obtenir une réduction de ces deux para­mètres, à la fois pour assurer aux exploitations subsistantes un revenu mini­mum acceptable, compte tenu de l'évolution dans les autres secteurs, et pour amél iorer le rendement du matériel mécanique, grâce à l'utilisation de celui-ci sur des surfaces plus grandes.

Au Luxembourg, l 'évolution des structures des exploitations a été dans le même sens.

a) Nombre des exploitations agricoles et superficie moyenne par exploi­tation

Le nombre des exploitations agricoles luxembourgeoises de > 2 ha est tombé de 1 1 445 en 1 950 à 9 537 en 1 958 et à 6 700 en 1 969. Ce sont surtout les exploitations de moins de 1 0 hectares dont le nombre a diminué. Par contre, le pourcentage des exploitations de 1 0 à 20 hectares est resté assez stable tandis que celu i des «grandes» exploitations ( > 20 ha) a p lus que doublé durant la période considérée.

Paral lèlement à cette diminution du nombre des exploitations, la super­ficie moyenne par exploitation (toutes classes de > 2 ha) s'est élevée de 1 2.08 hectares en 1 950 à 1 4.43 hectares en 1 958 et à 20.09 ha en 1 969.

La ventilation de la diminution du nombre d'exploitations agricoles selon les cantons montre que cette régression n'a pas été u niforme, mais qu'el le a été particul ièrement prononcée dans les régions industriel les ( Esch, Capellen, Luxembourg) et plus faible dans l es cantons de Clervaux, de Remich et de Redange, où l' industria l isation est faible. Ceci révèle u ne corrélation étroite entre la rapidité de la d iminution de l'activité agricole et les possibi l ités d'emploi dans d'autres secteurs économiques de la même région.

La comparaison avec les a utres pays du Marché commun montre que le Luxembourg occupe u ne place relativement favorable dans le domaine des structures des exploitations. Ainsi, u n tiers des exploitations luxembour­geoises avaient, en 1 966, u ne superficie supérieure à 20 ha, contre 1 4% en moyenne pour la C .E. E. En ce qui concerne la comparaison avec les régions l imitrophes du G rand-Duché, on constate que seu l le département de Meurthe et Mosel le bénéficie d'une situation plus favorable que cel le du Luxembourg. ,

b) Nombre moyen de parcelles par exploitation et superficie moyenne par parcelle

Para l lèlement à la reduction du nombre des exploitations agricoles, le mouvement de morcel lement progressif des terres, dû notamment aux

1 cf A. R I ES, op. cit., pages 1 7, 22, 27.

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stipulations du code civil, a pu être renversé, et depuis la deuxième guerre mondiale la superficie moyenne par parcelle tend de nouveau à augmenter (1 .02 ha en 1 964 contre 0.75 ha en 1 950) .

Cette évol ution est due avant tout à la réduction du nombre des exploi­tations, qu i a permis aux agriculteurs subsistants d'acquérir les terres conti ­guës et d'agrandir ainsi les parcelles.

En outre, par la loi du 25 mai 1 964, l ' Etat a institué un Office national du remembrement. Cependant. malgré l' intérêt que mérite cette réforme (de même q ue la modification récente du droit successoral) on doit constater - en dehors du fait que la réforme a été i ntroduite «in extremis» alors que les déficiences structurelles en question étaient connues depuis longtemps -qu'i l s'agit d'un mécanisme à la fois lent et coûteux.

4 . 1 222 Amélioration des techniques de production

Depuis la deuxième g uerre mondiale les efforts des agriculteurs l uxem ­bourgeois se sont orientés avant tout s u r l'amélioration des techniques d e production.

Pour i l lustrer le progrès technique agricole, on peut citer en particul ier deux aspects mesurables qui traduisent le mieux les efforts de modernisation.

a) La mécanisation progressive du travail agricole L'amélioration continue de l'équipement agricole n'a pas seulement pour

effet de compenser la régression de la main-d'oeuvre. Presque toutes les mach ines agricoles modernes procurent des avantages intrinsèques en de­hors de leurs «labor saving effects» (p. ex. l'emploi du tracteur permet u n labourage plus profond, les instal lations d e traite mécaniqu e donnent u n lait p lus hygiénique, etc.) .

En 1 966, le nombre des tracte.urs a dépassé celu i des exploitations; e n outre deux exploitations sur trois possédaient une trayeuse mécanique et deux sur cinq une presse ramasseuse; enfin, une exploitation sur cinq avait acqu is une moissonneuse-batteuse.

La mécanisation des exploitations agrico les s'est d'ai l leurs faite en plusieurs étapes:

Dès la fin des années 40 a débuté la mécanisation de la traction et de la traite des vaches. Depuis 1 960, l'achat de tracteurs et de trayeuses s'est considérablement ralenti et semble approcher de son point de saturation.

Depuis 1 955 environ, les efforts des agricu lteurs sont concentrés sur la mécan isation de la moisson et de la fenaison avec un accroisse­ment rapide du parc des moissonneuses-batteuses et des presses­ramasseuses. En outre, depuis 1 957, les épandeurs de fumiers se sont général isés rapidement.

Actuel lement le Gouvernement cherche à favoriser la mécanisation des travaux à l' intérieur de la ferme, notamment l'évacuation du fumier et l'enfourragement du bétai l . «Très souvent de nouvelles

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constructions s'imposent. Au coût très élevé de l 'équipement méca­nique s'ajoute dès lors celu i de l'aménagement des bâtiments. ( . . . ) Dans cet ordre d'idées, il y a l ieu de signaler q u'à l'heure actuel le (début 1 966) le capital i nvesti dans les machines agricoles dépasse déjà les deux mi l l iards de francs» 1 •

En 1 965 l'agriculture l uxembourgeoise était p l u s mécanisée q u e cel le de ses partenaires du Marché commun, à l'exception de l'Al lemagne. Ainsi il y avait 1 51 7 CV de tracteurs pour 1 000 hectares contre 979 en moyenne pour la C. E.E. et 89,8 trayeuses mécaniques pour 1 000 vaches l aitières contre 42,9 en Belgique et 46,6 aux Pays- Bas.2

I l est d'ai l leurs permis de penser que beaucoup d'exploitations luxem­bourgeoises sont actuel lement suréquipées - parfois pour des raisons de prestige - ce qui grève considérablement leur prix de revient. Les efforts d u Gouvernement en vue de stimuler l'acquisition en commun de certaines machines coûteuses n'ont malheureusement pas été couronnés de succès jusqu'ici, encore qu'i l s'agisse d'une voie prometteuse pour réduire les coûts et augmenter la rentabi l ité des exploitations.

b) La consommation accrue d'engrais chimiques par hectare cultivé

Les statistiques i nternationales montrent q ue les pays qu i réalisent les rendements agricoles les plus élevés sont aussi ceux qui consomment le plus d'engrais chimiques par hectare cultivé. Cette i nterdépendance est d'autant plus étroite pour le Luxembourg que le sol du pays est en majeure partie d'une ferti l ité médiocre.

Ainsi la consommation totale d'engrais par hectare cu ltivé est passée de 85.8 kg en 1 950/51 à 1 47.5 kg en 1 965/66, notamment sous l 'effet de l 'accroissement de l'utilisation d'engrais potassés. S'il reste encore un certai n écart entre la consommation d'engrais par hectare du Luxembourg et cel le des pays dont l'agricu lture est la plus productive, l'uti l isation rationnelle des engrais présuppose cependant a ussi u ne formation professionnel le sol ide des agriculteurs et un service de consei l lers techniques adéquat.

4 . 1 223 Amélioration de la structure et de la qualité des produits agricoles

La structure des produits agricoles d'un pays dépend à la fois des condi­tions géologiques et cl imatiques et de la politique agricole, notamment en ce qui concerne la fixation des prix.

L'agricu lture l uxembourgeoise relève du type de la polyculture et de l'élevage, type d'exploitation qu i est dû avant tout à l'hétérogénéité des terres, à l'i nstabi l ité des conditions cl imatiques et à la longue politique d'autarcie. A l 'exception du froment et des pommes de terre i l n'existe cependant guère, a u Luxembourg, de cultures végétales, produites direc­tement pour la vente (contrairement à la situation dans les autres pays où

1 Débats budgétaires 1 966. Rapport sur l'évolution de l'agriculture et la viticulture de 1 957 à 1 965.

2 cf. A. R I ES, op. c it., pages 31 et 34.

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les cultures i ndustriel les occupent u ne place assez importante; cf. betterave sucrière) . Par conséquent, l'agricu lture a dû se tourner avant tout vers la production a nima le, à laquelle sont actuel lement consacrés quelque 80% de la surface cultivée totale, ce qu i est le pourcentage le plus élevé de l 'en­semble de la C.E .E.

Cette spécialisation, qu i s'est accentuée a u cours des dix dernières années, se trouve d'ai l leurs j ustifiée par les décisions du Consei l des Ministres de la C.E.E. qu i ont fixé des prix plus avantageux pour cette productio n encore insuffisante (de viande), alors que cel le de la p lupart des produits végétaux dépasse la capacité d'absorption du marché européen.

Si la production de viande, de lait et de plantes fourragères a donc connu un net essor (paral lèlement à l'extension de la part des pâturages dans les surfaces cultivées) , cel le des céréales panifiables a augmenté à peu près dans la même mesure que les besoins i ntérieurs, alors que les céréales se­condaires ont d iminué rapidement. Néa nmoins les rendements du bétail peuvent encore être sensiblement accrus au Luxembourg, comme le montre le tableau no 57.

Tableau no 57

le cheptel laitier dans la C.E.E. (1 965)

Source: O.S.C.E.

Spécification I IA!Iemagne l France 1 Italie 1 Pays-Bas 1 Belgique 1 Luxem- 1 C.E.E. bourg

Effectif total en vaches lai-tières ( 1 000 têtes) . . . . . . 5 854 9 090 4 800 1 695 1 025 55 22 51 9 Nombre de vaches laitières par 1 00 ha . . . . . . . . . . . . 42 27 24 75 62 4 1 31 Nombre de vaches laitières par 1 00 ha de surface fourragère' . . . . . . . . . . . . 88 47 57 1 26 1 21 71 62 Rendement moyen parvache et par an (en kg de lait) . . . 3 642 2 756 2 800 4 207 3 863 3 390 3 1 68 Teneur moyenne en matière grasse (en %) . . . . . . . . . . . 3.75 3.80 3.60 3.86 3.47 3.61 3.74

1 Surface fourragère: prairies, pâturages et cultures fourragères.

Aussi un règlement d'exécution (2. 2 . 1 966) de la lo i d'orientation agricole prévoit- i l des subventions importantes pour l'amélioration d u bétai l d e reproduction. En outre, l 'Etat a décidé de dresser u n e carte pédo­logique et une carte phyto-sociologique. Enfin, la Centrale Paysanne a construit à Mersch u ne fabrique d'aliments de bétai l pour fournir aux agri­culteurs u ne marchandise de haute qualité et adaptée aux besoins l uxembou r­geois, ainsi qu'un abattoir ultra-moderne servant à la valorisatio n de la production a nimale.

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«Ouant à la spécial isation de la production dans les différentes explo i­tations, les autorités publ iques sont d'avis que les petites et moyennes exploitations devront s'orienter soit vers la production laitière, soit vers l'élevage de porcelets qui assurent, dans ces exploitations, l'util isation l a plus économique de la surface fourragère et de la main-d'oeuvre d isponible, laissant aux exploitations plus grandes la possibi l ité de se spécialiser soit dans la production céréalière, soit dans l'élevage et l'engraissement du gros bétai l et des porcs». 1

A côté de la spécial isation progressive de l'agriculture l uxembourgeoise dans la production an imale, il faut relever les efforts entrepris dans le sens d'une élaboration plus poussée des produits. A titre d'exemple on peut mentionner la création de LUXLAIT en 1 962 qui a élargi la gamme tradition­nel le des produits la itiers par la fabrication de crème glacée, de yogourt et de lait en poudre.

D'autres efforts ont été concentrés sur le stockage et le séchage des gra ins (si lo à Mersch) et sur le conditionnement des semences. En outre les viticulteurs se sont, eux aussi, attachés à l 'amél ioration de la qual ité de leurs produits.

Enfin il faut mentionner que les agriculteurs ont pris en mains la commer­cial isation de leurs produits par l' i ntermédiaire de la Centrale Paysanne, qui a certai nement joué un rôle des plus méritoires dans ce domaine:

«Celle-ci a construit à Mersch, sur u ne surface de 25 ha, un complexe agraire de grandes dimensions. L'Agrocenter de Mersch représente u n i nvestissement total de l'ordre de 1 .1 mi l l iards de francs et procure u n emploi à environ 1 80 personnes. L' Agrocenter est d'a i l leurs toujours e n voie de développement (station de testage, frigos à basse température) . Lors de son achèvement, en 1 975, l ' i nvestissement total sera de 1 .5 mil l iards de francs et on estime à 370-400 le nombre de personnes qu i y auront trouvé un emploi .»

«S'i l est vrai que la réalisation de cet ensemble n'a été possible que grâce à des subsides publ ics nationaux et communautaires - on peut estimer à 90 mi l l ions le concours du FEOGA et à 400 mil l ions celu i d u Fonds d'orien­tation économique et socia le l uxembourgeois - i l faut reconnaître aussi que l 'effort des agricu lteurs eux-mêmes a été considérable pu isqu'ils ont réussi à mobil iser près d'u n mi l l iard de francs.»2

1 Ch. KI EFFER: «Les répercussions de la politique agricole commune au Grand­D uché de Luxembourg», pages 95-96.

2 Source; A. R I ES, op. cit., page 1 75.

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Tableau no 58

la contribution du secteur para-agricole à la croissance économique (1 958-1 968)

Source: A. Ries, op. cit. p. 1 75

Investissements totaux (millions) . . . . . . • . . I nvestissements sans la sidérurgie (millions) Personnel occupé (unités) . . . . . . . . . . . . . Emplois nouveaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

1 Source: CEC, no 42, p. 32, 35, 1 86. 2 Estimation de l'auteur.

Total Secteur de l'industrie' para-agricole2

32 804 1 9 324 53 21 9

3 360

2 300 2 300 1 220

340

Conclusions et perspectives d'avenir

En pour-cent

7 1 2

2.3 1 0.1

L'examen précédent a ura permis de montrer combien les mutations o nt été profondes dans u n secteur que d'aucuns considèrent comme «retarda­taire» ou «traditionnel» et qui, apparemment, n'a que peu contribué à la croissance économique. Toutefois, en additionnant la progression de la valeur ajoutée agricole, l'effet indirect sur le P . I .B . de la réduction de la population active agricole a insi que la création d'emplois nouveaux dans le secteur para-agricole, on constate que la contribution de l'agriculture à la croissance économique a été nettement supérieure à l' importance relative de ce secteur dans l'économie.

Au cours de la période d'après-guerre, ce ne sont certainement pas l es moyens en hommes et e n capitaux qui ont manqué à ce secteur, étant donné q u e la part de la population active agricole ainsi que le taux de mécanisation d e l'agriculture l uxembourgeoise comptent parmi les p lus élevés de la C.E. E. D 'autre part, si les conditions géologiques et cl imatiques ne sont certes pas idéales pour la production agricole, el les ne diffèrent cependant pas sen ­siblement de cel les des régions l imitrophes belges, al lemandes et françaises. Cette même remarque vaut d'a i l leurs aussi pour les caractéristiques struc­ture l les des exploitations - dimension moyenne et morcellement des par­cel les - où le Luxembourg enregistre le plus souvent un léger avantage par rapport aux régions voisines. Enfin «les agricu lteurs savent qu'ils doivent amél iorer leur exploitation agricole. Ils ne ménagent pas leurs efforts. Ma l ­heureusement ces efforts sont encore trop souvent orientés dans u n sens économiquement non souhaitable.»1

Ces dernières années les autorités publiques o nt cependant été amenés à placer le problème agricole dans son contexte structurel et à rechercher des solutions à long terme. A ce sujet on peut relever plus particul ièrement

1 Ministère de l 'Agricu lture. Rapport sur la situation économique et sociale de l'agriculture et de la viticulture en 1 966. Page 61 .

1 53

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deux décisions gouvernementales (1 970) à savoir, d'un côté, l 'abandon des clauses spéciales au Traité de Rome protégeant l'agriculture l uxembourgeoise et, de l'autre côté, la décision de favoriser et d'organiser l'exode rura l . Dans cette réorientation de la politique agricole l uxembourgeoise l' i nstauration d u Marché commun a sans doute joué un rôle décisif d'accélérateur et de catalysateur. Aussi M . R I ES1 dresse-t- i l un b i lan assez optimiste de l'agri­culture luxembourgeoise au seui l des a nnées 1 970:

« L'agriculture luxembourgeoise vit dans le marché commun agricole; e l le est une partie, peut-être l 'une des plus florissantes, de ce marché commun. Le fait que le Gouvernement l u i -même ait pris l' i n itiative de renoncer à la protection d u Protocole en constitue la preuve la plus éclatante.

«Sur le plan extérieur, l'agriculture luxembourgeoise se débat dans «l'imbrogl io agricole d u Marché commun»; e l le subit la loi d e la politique agricole commune, qu i vit, se développe et croît dans l e cadre très vaste d 'un marché d e 1 90 mil l ions d'habitants et qu i concerne six mi l l ions d'exploita­tions agricoles et p lus de 1 0 mi l l ions d'agriculteurs. «Sur le plan i ntérieur l'agriculture l uxembourgeoise s'est fondamentalement transformée depuis la dernière g uerre; e l le est en voie de mutation accélérée vers des structures nouvelles. Depuis 1 950, plus de 6 000 exploitations ont disparu, la popula­tion agricole a diminué de moitié, l e progrès technique s'est i ntroduit dans les recoins les plus éloignés de I 'Osl i ng. Les collectivités agricoles o nt mis sur pied des i nstruments efficaces pour la commercialisation et la trans­formation des produits agricoles.»( . • . )

« L'agriculture luxembourgeoise est devenue très compétitive. En affron­tant la concurrence au sein d u Marché commun, e l le accroît sa propre compé­titivité. E l le est aujourd'hui l 'un des concurrents les plus redoutables et l es plus redoutés sur le marché d u lait et des produits laitiers. E l le le sera dema in sur le marché de la viande. Or, el le vit et ne peut vivre que d e ces deux pro­ductions».

En ce qui concerne l'évo lution future de l'agriculture, une enquête d u Min istère de l'Agriculture a montré que dans quelque 1 200 exploitations l e chef est âgé et sans successeur d irect. Ici l ' i nstauration d'une retraite a nticipée et satisfaisante permettrait d'accélérer la régression de la popu­lation active et de faciliter par conséquent l'assa inissement structurel des exploitations subsistantes. Par a i l leurs, d'après cette même étude, un mi l l ier d'exploitations auraient des structures insuffisantes pour garantir à moyen ou à long terme un revenu satisfaisant à leur exploitant. Dans ce cas i l s'agit avant tout d'un problème de reconversion et de formation profes­sionnel les dont la solution serait d'autant plus bénéfique pour l'économie en général et la diversification i nd ustrie l le en particul ier que le pays se caractérise par un manque aigu de main-d'œuvre. Dans l 'ensemble, une action adéquate et sélective du G ouvernement pourrait entraîner u ne réduc­tion appréciable de l a population active agrico le qu i profiterait à l a fois à ceux qui changent de secteur et à ceux qui restent dans l'agricu lture.

1 M. RI ES, op. cit., page 1 91 .

1 54

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Tableau no 59

Variation par canton de la main-d'oeuvre mascul ine permanente en appliquant la même densité que celle constatée actuellement dans les

cantons de Capellen et Esch (1 969)

Source: Ministère de l'Agriculture

Cantons

Clervaux . . . . . . . . . . . . . Wiltz . . . . . . . . . . . . . . . . Vianden . . . . . . . . . . . . . . Diekirch . . . . . . . . . . . . . Echternach . . • . . . . . . . . . Redange . . . . . . . . . . . . . Mersch . . . . . . . . . . . . . . Luxembourg . . . . . . . . . . G revenmacher . . . . . . . . . Remich . . . . . . . . . . . . . . Capellen . . . . . . . . . . . . . Esch . . . . . . . . . . . . . . • . . Total . . . . . . . . · · · · · · · ·

Main-d'oeuvre masculine per-

manente actuelle (nombre)

805 564 1 07 501 41 4 695 388 352 431 274 431 386

5 348

Main-d'oeuvre Variation masculine per-manente prévi- 1 sible (nombre) en nombre en %

520 -285 -35.4 366 -1 98 -35.1

82 - 25 -23.4 351 -1 50 -30.0 31 8 - 96 -23.2 501 -1 94 -27.9 359 - 29 - 7.5 297 - 55 -15.6 355 - 76 -17.6 1 92 - 82 -30.0 431 - -386 - -

4 1 58 -1 1 90 -22.3

Remarque: La structure prévisible dégagée ci-dessus reste théorique dans le sens qu'elle ne tient pas compte de la mobilité effective de la population agricole actuellement disponible.

Le tableau no 59 montre que si l'ensemble de l'agriculture luxembour­geoise atteignait le stade de recul des exploitations agricoles constaté dans les cantons d'Esch et de Capellen, i l y aurait une réduction de la main­d'œuvre mascul ine permanente de 1 1 90 personnes o u de 22.3% par rapport à la situation de 1 969. En même temps le nombre des exploitations agricoles proprement dites d iminuerait de 920 un ités ou d e 21 .9%, a lors que l'étendue moyenne des exploitations dépasserait l es 34 hectares, ce qu i permettrait d'importants ga ins de productivité et u n e égalisation au moins tendancielle des revenus par comparaison aux autres secteurs de l'économie.

A moyen terme l'emploi agricole, évalué à 1 5 700 personnes en 1 970, pourrait tomber à 1 3 200 person nes en 1 975, ce qui correspond à une ré­duction au rythme annuel moyen de 3.4%. Environ 750 chefs d'exploitation, a idants fami liaux et salariés passeraient dans d'autres secteurs. Le taux a nnuel de croissance du produit brut en volume pourra être d e 1 .0%, compte tenu d'une progression par personne active de 4.6%.

A plus long terme, la situation économique des quelque 3 000 exploi­tations, dont les chances de survie et de prospérité sont réelles, dépendra avant tout des qual ités de chef d'entreprise des exploitants, c'est-à-dire en

1 55

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dernière analyse d e leur formation non seulement dans le domaine technique, mais surtout en matière de gestion d e l'entreprise et de calcul du prix de revient. Là e ncore, l'actio n des pouvoirs publ ics et des organisations pro­fessionnel les sera décisive.

4 . 2 I N DUSTRIES

La vue d'ensemble sur l'évolution des trois grands secteurs de l'économie luxembourgeoise a montré que l'industrie a été le principal moteur de la croissance d e cel le-ci .

Néanmoins, les compara isons avec l 'étranger révèlent que ce moteur a tourné sensib lement plus lentement a u G ran d - D uché que dans les autres pays européens. A ce sujet on peut comparer l'évol ution de l' indice de la production i n dustrie l le d u Luxembourg aux indices correspondants de quelques grands pays occidentaux (dans le tableau no 60 on a uti l isé les chiffres publ iés par I'O. N . U . pour la période de 1 953 à 1 958 et ceux de I 'O.S.C.E. pour la période de 1 958 à 1 969; pour les a nnées postérieures à

1 958 les chiffres d u Luxembourg sont ceux d'un i ndice revisé. Les chiffres cités ne compre nnent pas la construction) .

I l ressort n ettement de ce tableau que le taux de croissance d e l a pro­duction industrie l le l uxembourgeoise a été le plus faible de l'ensemble des pays de la C. E. E. et que malgré la légère accélération d urant la période de 1 958 à 1 969 par rapport à la période de 1 953 à 1 958 ( +4.3% en moyenne par an contre + 3.7%), i l n'y a que la G rande- Bretagne qui ait enregistré u n taux de croissance plus bas.

Tableau no 60

Comparaison internationale de l'évolution des indices de la production industrielle (1 953-1 969)

Sources: Bulletin du STATEC no 5/1 968 et Annuaire 1 970

Pays ou région

luxembourg . . . . . . . . . . Belgique . . . . . . . . . . . . . Pays-Bas . . . . . . . . . . . . . Italie . . . . . . . . . . . . . . . . France . . . . . . . . . . . . . . . Allemagne République féd.

C.E.E . . . . . . . . . . . . . . . . .

États-Unis . . . . . . . . . . . . . Grande-Bretagne . . . . . .

1 56

Période 1 953-1 969

Accroissement 1 Accroissement global annuel moyen

92 4.2 1 06 4.6

200 7.1 247 8.1 1 73 6.5 205 7.2

en %

Période 1 958-1 969

Accroissement 1 Accroissement global annuel moyen

59 4.3

79 5.4 1 36 8.1 1 44 8.5

82 5.6

1 02 6.6

1 05 6.7

89 6.0

44 3.4

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Notre analyse d u secteur industriel, à qu i revient donc u n i ntérêt parti­cul ier, devra porter à la fois sur l'évol ution des principales branches de ce secteur et sur les problèmes structurels qu i, ensemble, expl iquent la fai ­blesse de la croissance industrie l le d u pays. O n analysera donc successive­ment:

la structure de croissance du secteur industriel,

la méta l l urgie,

les industries nouvel les,

l es petites et moyennes entreprises industriel les traditionnel les.

l'artisanat.

4 . 21 Structure de croissance du secteur industriel

La croissance d u secteur industriel dépend de l' importance q u'occupent respectivement les industries à croissance rapide, l es industries à croissance lente et les i n dustries en régression dans l 'ensemble des industries.

La structure de croissance du secteur industriel est donc la résu ltante de l'effet combiné des taux de croissance p l us ou moins élevés des diffé­rentes branches et de l ' importance relative d e celles-ci par rapport au total du secteur industriel .

4 . 21 1 Taux de croissance des d ifférentes branches industrielles ( prix courants)

En prenant la croissance de la valeur ajoutée brute (à prix courants) comme critère de sélection des industries à croissance rapide et en retenant la période de 1 953 à 1 968, on peut faire une première distinction entre les branches dont le taux de croissance a nnuel moyen a été égal ou supérieur à 6.9% {= moyenne de l'ensemble des industries), cel l es dont la croissance a été p lus lente et cel les qu i ont subi u ne régression absolue de leur valeur ajoutée brute (cf. tableau no 61 ) .

Cette classification, certes relative mais néanmoins i ntéressante, montre que l ' industrie chimique, le secteur de l'électricité, d u gaz et de l'eau, ainsi que l ' industrie des produ its al imentaires divers et du tabac ont été les bran­ches les plus dynamiques au cours d e la période sous revue. Le bon classe­ment de l ' industrie du meuble ne doit pas faire i l l usion quant à la situation réel le de ce secteur, car il s'explique d'un côté par le niveau exceptionnelle­ment faible d e la production au début des a nnées 1 950 et d'autre part par certaines déficiences méthodologiques.

La p lupart des branches industr ie l les, et en particul ier la sidérurgie et l ' industrie des fabrications métal l iques, figurent dans la catégorie des in ­d ustries à croissance lente. Enfin les mines de fer, l ' industrie du textile, d e l'habil lement e t d u cuir ainsi que l' industrie du bois o n t enregistré une ré­gression sensible de leur valeur ajoutée depuis les années 1 950.

1 57

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Tableau no 6 1

Contribution des différentes branches industrielles à la croissance économique (1 953-1968)

Source: STATEC

Branches industrielles

Industries à croissance

rapide . . . . . . . . . . . . .

Chimie . . . . . . . . . . . . Électricité, gaz, eau . . . Produits alimentaires et tabacs . . . . . . . . . . . . . Meuble . . . . . . . . . . . Impression . . . . . . . . . Construction . . . . . . . .

Industries à croissance lente . . . . . . . . . . . . . . .

Produits minéraux non métalliques . . . . . . . . . Sidérurgie . . . . . . . . . Fabrications métalliques Produits laitiers . . . . . . Brasseries . . . . . . . . . . Vins et distillation . . . . Minoteries . . ' . . . . . . Métaux non ferreux . . Extraction de matériaux de construction . . . . . .

lndustriesenrégression Mines de fer . . . . . . . . Textile, habillement, cuir Bois . . . . . . . . . . . . . .

Ensemble des indus-

tries . . . . . . . . . . . . . . .

P.I.B . . . . . . . . . . . . . . . . .

1

1 1

(à prix courants)

Valeur ajoutée brute en mio F Taux de Importance croissance relative des

annuel branches (en %) en 1 953 en 1 968 1 968- moyen en en

1 953 en % 1 953 1 968

1 7.7 33.8 1 66.9 2 474.2 2 307.3 1 9.7 2.7 1 4.7 1 52.2 955.3 803.1 1 3.0 2.5 5.7

61 .4 304.4 243.0 1 1 .1 1 .0 1 .8 9.9 34.5 24.6 8.7 0.2 0.2

69.4 1 98.2 1 28.9 7.2 1 .1 1 .2 629.9 1 71 3.4 1 083.5 6.9 1 0.2 1 0.2

71 .3 62.8

214.0 548.6 334.6 6.5 3.5 3.3 3 369.2 8 252.6 4 883.4 6.2 54.8 49.1

429.6 1 052.0 622.4 6.2 7.0 6.3 60.1 1 35.0 74.9 6.0 1 .0 0.8

1 38.0 31 3.2 1 75.2 5.6 0.4 0.4 28.0 63.8 35.8 5.6 2.2 1 .9 20.0 35.5 1 5.5 3.9 0.3 0.2 1 9.7 24.4 4.7 1 .4 0.3 0.1

1 1 1 .4 1 22.3 1 0.9 0.6 1 1 .8 0.7

1 1 .0 3.4 527.3 448.6 -78.7 - 1 .1 8.6 2.7

96.6 78.1 -1 8.5 - 1 .4 1 .6 0.5 47.0 35.5 -1 1 .5 - 1 .8 0.8 0.2

6 1 50.6 1 6 789.8 1 0 639.2 6.9 1 00.0 1 00.0

1 5 542 36 221 20 679 5.8

Impact sur la croissance

de J'in- du dustrie P. I .B. en % en %

21 .7 1 1 .2 7.5 3.9

2.3 1 .2 0.2 0.1 1 .2 0.6

1 0.2 5.2

3.1 1 .6 45.9 23.6

5.9 3.0 0.7 0.4 1 .6 0.8 0.3 0.2 0.1 0.1 0.0 0.0

0.1 0.1

-0.7 -0.4 -0.2 -0.1 -0.1 -0.1

51 .4

1

4.21 2 Importance des i ndustries de croissance dans la structure i ndustrie l le du pays

Comme il y a des écarts assez sensib les dans les taux de croissance annuels moyens des différentes branches et dans l'importance relative d e celles-ci, i l peut être i ntéressant de regrouper les industries à croissance rapide, les industries à croissance lente et les i ndustries en régression abso-

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l ue pour voir q uel le part e l les ont représentée à d ifférentes dates dans l'en­semble d e la structure industrie l le du Luxembourg (cf. tableau no 61 ) .

En se référant au critère de la valeur ajoutée brute on constate que les industries à croissance rapide ont formé 1 7.7% du total en 1 953 et 33,8% en 1 968. Les efforts de d iversification de la structure industrie l le, entrepris dès le début des années 60, o nt donc nettement amél ioré cel le-ci .

Malgré l'extension considérable des industries à croissance rapide, le groupe des industries à croissance lente, qu i comprend, en dehors de quelques branches mineures en d ifficu ltés structurel les, les industries ex­ploitant la principale richesse naturel le du pays, c'est-à -d ire la sidérurgie et l' i ndustrie des fabrications métal l iques, représente toujours la part de l oi n dominante dans la structure industriel le ( 7 1 ,3% en 1 953, 62.8% en 1 968) .

En ce qui concerne l es branches en régression absolue, c'est-à-dire essentiel lement les mi nes de fer (si l'on fait abstraction de l ' industrie d u bois et de l ' industrie d u cuir) , c e groupe est relativement faible dans l 'en­semble des industries. A ce sujet on peut d'a i l leurs remarquer que la situation des mines de fer est analogue dans les autres pays du Marché Commun et que la régression y a été souvent plus forte q u'au Luxembourg.

La comparaison de la structure industrie l le luxembourgeoise avec cel le des autres pays du Marché Commun montrerait sans doute que le Luxem­bourg se caractérise par la prédominance trop prononcée des industries à croissance lente, c'est-à-dire notamment de la sidérurg ie qu i a longtemps été le ressort de la prospérité particul ière du pays. Aussi, les efforts de d iversi­fication industriel le sont- i ls de première importance dans la politique de croissance de l'économie l uxembourgeoise.

4.21 3 1mpact des différentes branches industrielles sur la croissance du P.I . B . (à prix courants)

La combinaison des taux de croissance par branche et du poids respectif de celles-ci dans la structure industriel le permet d'obtenir l ' impact des différentes bra_nches industrielles sur la croissance d u P . I .B . (à prix coura nts) .

Le tableau no 61 montre que la sidérurg ie «explique», à e l le seule, 45.9% de la croissance industriel le ou 23.6% du P . I .B . En deuxième lieu figure l ' industrie chimique dont la contribution à la croissance a atteint presque la moitié de celle de la sidérurgie. Viennent ensuite les secteurs de la con­struction, de l'énergie et de l 'eau ainsi que l ' industrie des fabrications métal liques. Au total, ces 5 industries «expl iquent» 91 .2% de la croissance industrie l le ou 46.9% de la croissance du P. I .B.

Ces quelques chiffres suffisent à mettre en évidence les l ignes d e force du développement industrie l luxembourgeois. Dans la su ite de notre analyse, nous concentrerons donc nos efforts sur les branches «stratégiques» de l'économie en regrou pant par a i l leurs les petites et moyen nes entreprises i nd ustriel les dont l ' importance dans le processus de la croissance a été moins prononcée.

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4 . 22 La métallurgie, secteur-clé de l'industrie luxembourgeoise

L'a nalyse de l'histoire économique luxembourgeoise a montré comment u ne des régions les plus pauvres de l'Europe a pu trouver une richesse i nespérée grâce à ses gisements de m inerai de fer.

Ainsi l'activité méta l lurgique a pu prendre un essor remarquable au Grand - D uché et répandre ses effets d'entraînement à l'ensemble de l'écono­mie.

Pour la période d'après-guerre on examinera successivement: 1 . les m ines de fer 2. la sidérurgie.

4 . 221 M ines de fer

4 . 221 1 Eléments structurels

Les gisements de m inerai de fer luxembourgeois sont situés à la pointe sud-ouest du pays et couvrent une surface de q uelque 3 600 - 3 700 hectares.

Le contenu en fer de la m inette l uxembourgeoise est, avec 20 à 33%, relativement faible en comparaison avec les minerais lorrains (35% en moyenne) et suédois (60-65%) .

L'exploitation se fait essentiellement à ciel ouvert (plus des deux tiers du tota l ) . Le Luxembourg est d'ai l leurs le seul pays de la C.E .E. où l'ex­traction à ciel ouvert dépasse l 'extraction en galeries. L'avantage de ce trait caractéristique saute aux yeux q uand on se rappelle qu'au Luxembourg le rendement à ciel ouvert est de 4 à 5 fois supérieur à celu i réalisé en g alerie.

Relevons enfin que la société A R B ED possède d' importantes mines en Lorraine, parfois à quelques ki lomètres seulement de la frontière et des usines, de sorte que l 'avenir de la sidérurgie l uxembourgeoise dépend des conditions économiques des m ines de l'ensemble du bassin l uxemburgo- lorra in .

4. 221 2 Evolution de la production des mines de fer

L 'extraction de minerai luxembourgeois est passée de 3 399 000 tonnes en 1 948 à 5 625 000 en 1 951 et à 7 843 000 tonnes en 1 957. Depuis lors le niveau de production a été en régression (5 722 000 tonnes en 1 970), a lors que les importations ont régu l ièrement augmenté. Para l lèlement, les exportations de minerai luxembourgeois sont tombées de 3 003 000 tonnes en 1 952 à 936 000 tonnes en 1 965 et à 81 000 tonnes en 1 970. La valeur ajoutée brute, enfin, a atteint son sommet en 1 952 avec 564.9 mi l l ions de francs.

Relevons aussi que le nombre de minières en exploitatio n est passée de 47 en 1 952 à 1 8 en 1 965 et à 1 0 en 1 970 par su ite de la contraction de l'activité et des i mportantes mesures de rational isation. Enfin, en raison de

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l'augmentation de la productivité dans cette branche, l 'effectif ouvrier des mines de fer est tombé depuis l'année de production record de 1 957 de 2 384 personnes à 1 1 57 personnes au mi l ieu de 1 970, soit u ne diminution de plus de 50% en 1 2 ans. D'ai l leurs le nombre des ouvriers luxembourgeois s'est rédu it plus rapidement que celu i des ouvriers étrangers, qui ont re­présenté entre un quart et un tiers de l'effectif ouvrier au cours des dernières années.

On peut mieux juger de l'évolution de l'activité des mi nes de fer luxem­bourgeoises en la comparant à celle des autres pays de la CE CA. La produc­tion totale de la CECA a augmenté assez régul ièrement entre 1 952 et 1 961 , mais a d iminué ensuite de quelque 25% j usqu'en 1 969 ( Luxembourg: - 1 5%) . Cette évolution tient essentiellement au bouleversement des con­ditions de concurrence en faveur d u minerai d'outre-mer. Ce minerai de haute qua l ité et dont les prix sont fort avantageux, a bénéficié de la diminution du fret, consécutive à l'extension des capacités de transport maritime, et s'est donc trouvé à la portée des grands centres de consommation conti­nentaux. Ainsi, en même temps que la sidérurgie sur mer a pris son essor, certaines usines continentales, qu i j usque-là étaient tributaires du minerai communautaire, ont modifié leur politique d'approvisionnement. Une telle réorientation a été par exemple opérée en Belgique, où elle s'est traduite par le décl in rapide des importations de minerai luxembourgeois.

Conclusions et perspectives d'avenir

En résumé on peut donc retenir q ue depuis la deuxième moitié des années 50, et à la su ite du bouleversement des conditions de concurrence, les mines de fer luxembourgeoises sont en régression a bsolue en ce qu i concerne la production, les exportations, la valeur ajoutée brute et la popu­lation active. Étant donné l' importance non négl igeable de cette branche dans la structure industrielle du pays, cette évolution a eu des répercus­sions négatives sur le taux de croissance de celu i -ci . Le plan d' investis­sement de la société A R B E D pour la période de 1969 à 1 973 prévoit la concentration de l'exploitation min ière à trois points géographiques au Luxembourg, ce qu i signifie la fermeture des mines les moins rentables et la reconversion des personnes touchées. Ce même plan fait donc entre­voir que l'activité des mines de fer conti nuera, dans les années à venir, à régresser et à produire un effet déprimant sur la croissance du P . I .B . luxem­bourgeois.

A :côté de cet aspect purement «comptable» i l convient toutefois de rappeler que les mines de fer luxembourgeoises restent, ensemble avec les gisements lorra ins, la base de la sidérurg ie grand-ducale. C'est pourquoi l'évolution à plus long terme de l'activité minière dans ces régions revêtira une importance capitale.

Les principaux problèmes d'avenir des mines de fer l uxembourgeoises et lorra i nes sont, d'un côté, l'épu isement des gisements et, d'autre part, le prix de revient trop élevé du m inerai local, compte tenu notamment de la forte consommation de coke qui y est l iée,

1 61

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Si le premier risque est i névitable à long terme, avancer une date a pproxi­mative de cette échéance est toutefois une estimation des plus délicates.

Il y a une dizaine d'années environ, les réserves luxembourgeoises exploitables dans les conditions techn iques et économiques de l'époque ont été évaluées à 200 mi l l ions de tonnes. Faute de données plus récentes qu i tiendraient en même temps compte de la tendance actuelle à n'exploiter que les g isements les plus riches, le facteur d'incertitude dans les prévisions est très grand. On peut néanmoins penser que les réserves luxembourgeoises seront épuisées avant la f in de ce siècle.

I l en sera probablement de même pour les gisements lorrains, car «du fait de la concentration de la production de m inerai de fer sur les m ines les plus rentables, les réserves exploitables sont très réduites. Elles sont estimées à 1 .5 mi l l iards de t, soit 30 ans seulement de production au rythme actuel».,

En ce qui concerne le deuxième risque, c'est-à-dire l' inut i l isabi lité éven­tuel le des m inerais locaux en raison d u pr ix de revient trop élevé, les facteurs déterm inants dans ce domaine seront

d'un côté, l'évolution des prix relatifs «minerai riche d'outre-mer/ minerai luxembourgeois- lorra in» et, d'un autre côté, l'évolution des prix relatifs «coke/minerai».

Ici les facteurs économiques entrant en l igne de compte sont tellement nombreux (découverte de gisements nouveaux, évolution des frets mari ­times, progrès technique en matière de réduction, substitution des facteurs énergétiques, etc.) qu'un pronostic fondé est impossible à effectuer.

4 . 222 S idérurg ie

Étant donné la vocation i nternationale, voire mondiale de la sidérurgie l uxembourgeoise, on commencera le présent chapitre par une a nalyse des principales mutations qui ont transformé la sidérurgie mondiale depuis la fin de la dernière guerre. Pour ce q u i est de l'évolution de la sidérurgie l uxembourgeoise au cours des deux décennies passées, après avoir rappelé quelques données structurelles fondamentales, on mettra en relief quelques mutations qui ont modifié les conditions économiques et techn iques de cel le-ci . L'analyse de l'évolution de la production et les facteurs de produc­tion permettra de préciser les traits caractéristiques du développement de cette industrie-clé et de confronter ceux-ci à l'expérience des industries concurrentes du Marché commun. U ne expl ication complète de l'évolution passée devra aussi inclure une analyse de la stratégie de la société ARB E D, ce qu i est évidemment une opération des plus délicates.

En ce qu i concerne les perspectives d'avenir de la sidérurgie l uxembour­geoise, notre a nalyse se fondera essentiellement sur les objectifs généraux de la sidérurgie de la Communauté pour les a nnées 1 975-1 980. Étant donné le caractère fortement cycl ique de la progression de la production, les

1 Bulletin Quotidien ARBED-COLU M ETA du 4 novembre 1 970.

1 62

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hypothèses de croissance futures retenues pour la productio n luxembour­geoise en 1 975 restent très grossières et ne sont à considérer que comme des l ignes de tendance.

4 . 2221 Evolution et mutations de la sidérurgie mondiale1

A. Production et localisation

La production mondiale d'acier est passée de 1 89 mi l l ions de tonnes en 1 950 à 575 mil l ions de tonnes en 1 970.

Au cours de ces vingt dernières années, les étapes les plus marquantes de l'évolution de la production sidérurgique ont été les suivantes: la pro­duction d'acier brut a dépassé pour la première fois les 200 mil l ions de tonnes en 1 951 , les 300 mi l l ions de tonnes en 1 960, les 400 mil l ions de tonnes en 1 964, et enfin, depuis 1 968, elle s'est é levée à plus d'un demi­mil liard de tonnes.

Le taux de croissance annuel moyen durant cette période a atteint 5.9% ce qui montre d'emblée que la sidérurgie mondiale a connu un développe­ment très dynamique.

En admettant pour l'avenir un doublement de la productio n tous les 1 5 ans environ, - c'est-à-di re un taux de progression moyen sensiblement inférieur (4.8%) à ce qu' i l a été au cours des vingt dernières années - l a production mondiale atteindrait un mi l l iard d e tonnes vers 1 985 e t 2 mil liards de tonnes environ vers J 'an 2000 (prévisions du professeur M anuell i, président de F insider).

Même en considérant ces prévisions comme assez optim istes, on doit reconnaître que la sidérurgie, dans son ensemble, ne présente aucun des symptômes d'une industrie en perte de vitesse. Au contraire, son développe­ment apparaît de plus en plus solidaire du développement i nd ustriel mon­dial . En particul ier J'acier ne doit pas redouter la concurrence des produits de substitution (comme c'est le cas du charbon).

En effet, même si les matières plastiques et l 'a luminium o nt enregistré une i mportante progression de leur production au cours des dix dernières a nnées, l'acier, de son côté, concurrence et remplace d'autres matériaux. L'amélioration générale de la qualité, la faculté d'adaptation de l'acier aux besoins les plus variés des secteurs uti l isateurs, J'emploi de l'acier en com­binaison avec d'autres matériaux garantissent l'expansion actuel le et future de la sidérurgie.

En ce qui concerne plus particul ièrement les déplacements géographiques de la productio n sidérurgique, il faut relever en premier l ieu u n vaste mouve­ment de déconcentration qu i s'est accéléré depuis la deuxième g uerre mondiale et la décolonisation consécutive.

1 Une partie importante du présent texte sur la sidérurgie mondiale et luxembour­geoise a été élaborée par l'auteur dans le cadre des Tables rondes «Inventaire économique».

1 63

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Tableau no 62

Evolution .des capacités mondiales de production d 'acier brut (1 937-1 965)

Source: O N U

Pays ou régions

Europe occidentale . . . . . - C.E.E. · . . . . . . . . . . . . - U.K . . . . . . . . . . . • . .

Europe orientale . . . . . . . . - U RSS . . . . . . . . . . . .

Amérique du Nord . . . . . - U.S.A. • . . . . . . • . . . - Canada . • . . . . . . . .

Amérique latine . . • . . . . . Extrême-Orient . . . . . . . .

- Japon . . . . . . . . . . . Australie . . . • . . . . . . . . . Afrique et Moyen Orient .

Monde . . . . . . . . . . . . . . .

1 937

mio t

67.1 40.3 1 3.9 26.5 1 9.5 72.5

70.9 1 .6 0.3 8.6 6.0 1 .3 0.4

1 76.7

1 965

% mio t %

38.0 1 49.0 28.3 22.8 100.5 1 9.1

7.9 3 1 .5 6.0 1 5.0 1 33.5 25.4 1 1 .0 1 00.0 1 9.0 41 :0 1 51 .9 28.9 40.1 1 42.0 27.0

0.9 9.9 1.9 0.2 1 1 .2 2.1 4.9 70.6 1 3.4 3.4 47.4 9.0 0.7 5.6 1 .1 0.2 4.4 0.8

1 00.0 526.2 1 00.0

Ainsi la part de l' Europe occidentale et de l'Amérique du Nord dans les capacités de production mondiales a sensiblement baissé au fur et à mesure que les pays social istes et le Japon a insi que les pays du Tiers Monde ont accéléré leur développement. Actuellement, plus de 40 pays en voie de développement possèdent des aciéries ou des usines de laminage. ·

Il est d'ai l leurs probable que la part de ces derniers pays dans la produc­tion mondiale va s'accroître sensib lement durant les décennies à venir, étant donné qu'i ls disposent de la moitié environ des gisements de m inerai de fer, de 85% des réserves de pétrole, de 48% du gaz naturel et d'environ 6% des réserves de charbon, outre d'énormes possibil ités de développement de l'énergie hydro-électrique. Par a i l leurs, les progrès réalisés dans la tech­nologie sidérurgique des dernières années (notamment la réduction directe) s'orientent vers une util isation accrue des sources de matières premières et d'énergi e telles qu'on les trouve justement à profusion dans les pays en voie de développement. Même, si, dans la p lupart de ces pays, le manquè de capitaux et d'une main-d'œuvre qual ifiée empêcheront u ne exploitation rapide de ces ressources naturel les par une industrie indigène, on peut raisonnablement s'attendre à un développement accéléré de la sidérurgie en I nde, au Brésil, au Venezuela, en Afrique Centrale et Occidentale et en Austral ie au cours des a nnées 1 970.

A côté de cette nouvelle répartition de la production mondiale entré pays et continents, il faut aussi mettre en rel ief les déplacements géogra� phiques qu i se sont produits à l ' i ntérieur des pays, et notam ment en Europe à la suite de l 'essor de la sidérurgi e «côtière».

1 64

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Dans les 6 pays du Marché Commun, la production de la sidérurgie «côtière» est passée de 2.6 mil l ions de tonnes d'acier brut en 1 955 à 1 6.8 mil l ions de tonnes en 1 968, ce qui correspond à un taux de croissance annuel moyen de 1 5.4%, a lors que la progression de la production communautaire n'a atteint que 4.9% par an durant la même période.

Tableau no 63

Evolution de la sidérurgie «côtière» et des bassins sidérurgiques traditionnels en Europe (1 955-1968)

Source: O.S.C.E.

Sidérurgie Allemagne France Luxem-C.E.E. «côtière» Sarre de l'Ouest Est France bourg

C.E.E.

Progression globale en % . . . . 86.8 540.0 45.0 68.0 53.4 61 .5 49.8

Progression annuelle moyenne en % . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4.9 1 5.4 2.9 4.1 3.4 3.8 3.2

Paral lèlement, les bassins sidérurgiques traditionnels tels q ue la Lorraine, la Sarre et le Luxembourg n'ont progressé que lentement et continueront sans doute à d iminuer en i mportance relative, au fur et à mesure que les grandes entreprises continentales suivent «l'appel à la mer».

Par conséquent, la sidérurgie «côtière», qu i a représenté 1 8% de la pro­duction communautaire en 1 968, pourrait approcher les 26% vers 1 975.

B. Commerce international

Bien que la majeure partie de l'acier produit soit consommé dans les pays qu i le fabriquent, ce n'est pas moins le marché i nternational qu i donne une idée particul ièrement nette de l'évolution i ntervenue dans l'économie sidé­rurgique mondiale.

De 1 950 à 1 967 le commerce mondial de produits sidérurgiques finis et demi -finis (sans Chine populaire) est passé de 1 5.2 mil l ions à 63.8 mi l l ions de tonnes, ce qui correspond à un taux de croissance annuel m oyen de 9% environ, a lors que la production mondiale d'acier brut n'a progressé que de 5.7% par an durant la même période, ce q u i reflète à la fois l'extension et <<l'internationalisation» du marché de l'acier.

Depu is la première g uerre mondiale, la Belgique et le Luxembourg ont été les p lus grands exportateurs de produits sidérurgiques. Leur position a été renforcée après la deuxième guerre mondiale et jusqu'en 1 957 par le fait que les capacités de production disponibles dans le monde étaient i nférieures à la demande. Après 1 957, la situation s'est complètement ren­versée par le fait que la demande s'est accrue à un rythme plus lent, a lors que

1 65

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l es i nvestissements sidérurgiques se sont rapidement développés, notam­ment au Japon.

Depuis le début des années 60, I'U .E .B .L. a perdu le rang de premier exportateur au bénéfice de l'Al lemagne de l'Ouest qu i a été elle-même sup­plantée par le Japon depuis 1 968.

Tableau no 64

Principaux pays exportateurs de produits sidérurgiques (1 950-1 967) (en % du commerce mondial d'acier)

Source: O N U

Pays I l 1 950 1 967

U.E.B.L. . . . . . . . . . . 2 1 .2 1 5.1 France . . . . . . . . . . . . 20.7 9.8 U.S.A. . . . . . . . . . . . 1 6.3 2.4 U .K . . . . . . . . . . . . . . 1 5.1 6.1 R.F.AIIemagne . . . . . . 1 1 .0 1 8.8 U .R.S.S. . . . . . . . . . 4.1 8.8 Japon . . . . . . . . . . . 3.4 1 6.3 Autres . . . . . . . . . . . 8.2 20.7

Total . . . . . . . . . . . . 1 00.0 1 00.0

Paral lèlement à cette évolution relative des pays exportateurs qu i laisse entrevoir les profondes transformations structurelles qu'a subies la sidé­rurgie mondiale, i l y a eu un gl issement notable dans la structure des impor­tations par région.

En particul ier, l ' importance des pays en voie de développement en tant que débouché a été en régression relative, par su ite notamment de l'éta­b l issement d'industries sidérurgiques propres, dont la production depuis 1 950 a augmenté en moyenne de 1 2.7% par an, a lors que les importations annuelles moyennes progressaient plus lentement ( + 5.5%) .

Tableau no 65

Commerce mondial de produits sidérurgiques par région de destination (1 950-1 967)

Source: O N U

Régions

Afrique (sans Afrique du Sud) . . • . . . . . . . • . . . . . . . . . . . . . . Extrême-Orient (sans Japon et Chine populaire) . . . . . . . . . . . Amérique latine . . . . . . . . . . . . . . . . . . . , . . . . . . . . . . . . . . . . . Moyen Orient . . , . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Total des pays en voie de développement . . . . . . . . . . . . . . . . Total des pays industrialisés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

1 66

I l 1 950

5.8 8.1

1 4.1 6.3

34.3 65.7

1 967

2.8 7.4 4.2 4.0

1 8.4 81 .6

en %

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A l'heure actuelle, les États-Unis sont de lo in le plus important cl ient pour les produits sidérurgiques exportés ( 1 6.4% du total en 1 967), de sorte que le marché a méricai n de l'acier est devenu un facteur important du marché mondial pour les exportateurs européens et japonais.

Dans ce contexte on peut encore relever que la part des exportations, servant à couvrir un déficit effectif d'acier dans différentes régions, est tombée de 79.4% en 1 950 à 58.8% en 1 965, de sorte que le commerce de con­currence, a insi que les facteurs de qual ité, de compétitivité, de rendement et de local isation qui conditionnent cette dernière, ont joué un rôle gran­dissant.1

Enfin, les changements i ntervenus depuis une vingtaine d'années dans la destination des exportations d'acier et les tendances paral lèles de rem­placement du commerce «de compensation des déficits» par un véritable «commerce d'échange» se sont également traduits par des modifications profondes dans la composition par produit du commerce international de l'acier. Ce sont en particul ier les tôles de toutes épaisseurs qui ont connu u n développement notable, a lors que les profilés lourds et légers (pour les­quels la B elgique et le Luxembourg fournissent 25% des exportations to­tales) ont subi un recul sensible.

Tableau no 66

Part des différents produits sidérurgiques dans le commerce mondial de l'acier (1 950-1 965)

Source: O N U

Produits I l 1 950

Lingots et demi-produits . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8.4 Matériel de voie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8.2 Profilés lourds et légers . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 31 .7 Fil machine . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4.1 Feuillards . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4.7 Tôles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21 .7 Tubes et raccords . . . . . . . . . . . . . . . • . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1 1 . 1 Tréfilés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3.4

Fer blanc . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5.3 Roues, bandes, essieux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1 .4

Total . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1 00.0

1 965

1 4.9 2.9

25.1 6.1 3.7

3 1 .7 9.9 2.4 3.1 0.2

1 00.0

en %

D'après une étude de I' I FO - I nstitut de M unich, la détérioration observée depuis les années 60 en ce qu i concerne la position de la C. E .E. sur le marché

1 Source: Le commerce mondial de l'acier et la demande d'acier dans les pays en voie de développement. N ations Unies. Pages 2-1 O.

1 67

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mondial de l'acier est l'expression d'un changement structurel durable qu i a toutes les chances de se maintenir à l'avenir.

La position de l ' industrie sidérurgique communautaire risque de se dé­tériorer surtout dans les rég ions du monde où le Japon, les pays de l 'Est a insi q u e certai ns «nouveaux venus» comme l ' Inde et l'Austral ie pénètrent de plus en plus, c'est-à-dire notamment dans les pays du Proche- et Ex­trême-Orient et, dans u ne moindre mesure, en Amérique du N ord et en Amérique latine.

Une des causes de la d iminution de la part de la Communauté dans l 'approvisionnement d u marché mondial de l 'acier pourrait d'a i l leurs résider dans la structure relativement défavorable des exportations européennes. En effet, a lors que les exportations japonaises par exemple sont constituées principalement de produits plats, celles de la Communauté ont porté surtout, par le passé, sur les profilés. Or, comme les aciers profilés perdent de plus en plus d' importance dans le commerce mondial de l'acier, la Communauté, et en particu l ier les producteurs traditionnels de profi lés, risquent de devenir la victime de ce changement de structure sur le marché.

C. Progrès technique et investissements

Depuis une dizaine d'années l' industrie sidérurgique mondiale a subi une rapide et incessante évolution technique qu i s'est traduite par des i nstal lations de production u ltra- modernes, un processus de produ ction intégré, des transferts géographiques et des d imensions entièrement nou­velles. Les surcapacités de production longtemps persistante, a insi que la concurrence accrue et les mesures de rational isation et de modernisation qu i se sont ensuivies, ont joué sans doute u n rôle primordial dans ces mutations technologiques qu i se sont développées dans les directions su i ­vantes:

1 . intensification des processus métallurgiques, grâce notam ment à u ne meil leure préparation des charges, à l'emploi de nouvelles sortes de combustibles dans les hauts fourneaux; accélération du processus de la fusion grâce à l'emploi de l'oxygène dans l'élaboratio n de l'acier, etc.

2. emploi de plus en plus répandu de processus continus (p. ex. coulée continue) et a utomatisés (contrôle par ordinateur) , notam ­ment a u stade des laminoirs,

3. augmentation des dimensions unitaires des grandes i nstallations sidérurgiques.

U ne des innovations les plus marquantes a été sans doute la diffusion extrêmement rapide d u procédé d'affinage à l'oxygène, appliqué pour la première fois en Autriche en 1 952. L'avantage de ce procédé réside à la fois dans u ne amélioration très nette de la qua l ité de l'acier et dans u n accroissement notable d u rendement.

1 68

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Source: O N U

Tableau no 67

Part de l'acier produit à l'oxygène dans la production totale en 1 968 (en %)

Pays %

Japon . . . . . . . . . . . . . . . . . . 73.7 Autriche . . . . . • . . . . . . . • . 69.2 Pays- Bas . . . • . . . . . . . . . . . 62.6 Belgiqu e . . . . . . . . . . . . . . . . 38.7 Allemagne . . , . . . . • . . . . . 37.1 États-Unis • . . . . . . . . . . . . . 37.1 Luxembourg . . . . . . . . . . . • 33.2 Suède . . . . . . . . . . . . . . . . . . 33.0 Italie . . . . . . . . . . . . . . . . . . 28.7 Grande-Bretagne . . . . . . . . . 28.3

France . . . . . . . . . . . . . . . . 1 8.2

On peut prévoir que le progrès technologique et les i nnovations vont encore s'intensifier à l'avenir dans les d i rections esquissées précédemment.

Une des innovations les plus marquantes des années 70 pourrait être la mise en place généralisée d'instal lations de coulée continue, qu i a connu une diffusion rapide depuis 1 965.

'

Tableau no 68

Expansion du procédé à coulée continue (1 960-1 968) (évolution de la capacité en mio de t)

Source: O N U

Année I l Europe U RSS États-Unis Japon

1 960 0.83 0.36 0.10 0.1 0 1 965 4.1 0 1 .65 2.36 0.23 1 968 1 1 .1 6 9.1 0 1 2.05 3.42

Monde

1 .65 9.00

38.00

En outre le procédé de la réduction directe de minerai de fer spécialement préparé dans des fours électriques - qu i rendra superflu le stade des hauts fourneaux - semble devenir opérationnel à l 'heure actuel le. Comme ce fut déjà le cas lors de l ' introduction du procédé à l'oxygène, le Japon joue un rôle de premier p lan dans le développement et l'application pratique du procédé de réduction directe qu i pourront peut-être révol utionner - du moins dans certaines régions - la technique sidérurgique des années 1 980.

Relevons enfin que la recherche technique et scientifique prendra une part croissante dans le budget des grandes sociétés sidérurgiques. Dans

1 69

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cette perspective, les producteurs d'acier de la C.E.E. ont fondé en 1 968 un I nstitut Européen de Recherches Sidérurgiques, dont les travaux se con­centrent essentiellement sur le développement de nouveaux procédés de production.

Le progrès technologique et le mouvement de modernisation intensif se sont évidemment accompagnés d'investissements considérables. Le professeur M anuel l i estime à ce propos que, dans les a nnées 60, un total d'environ 40 mi l l ions de dollars a été i nvesti par la sidérurgie du monde l ibre (coût moyen: 240 dollars par tonne) .

Pour porter la capacité de production mondiale de 600 mil l ions de tonnes en 1 970 à 1 mi l l iard de tonnes vers 1 980, M. Manuel l i estime qu'il faudra investir environ 60 mi l l iards de dol lars (1 50 dollars par tonne) auxquels s'ajouteront 25 mi l l iards de dol lars nécessaires au renouvellement et à la modernisation de l'équ ipement existant. Par conséquent, le problème des disponibi l ités de capitaux prendra sans doute une acuité grandissante à l'avenir.

Dans la sidérurgie des pays de la C. E. E., les dépenses d'investissement ont été caractérisées par un accroissement presque in interrompu de 1 954 à 1 963; entre ces deux dates, le total annuel des dépenses est passé de 453 mi l l ions à 1 480 mi l l ions de dollars. De 1 963 à 1 967, les dépenses d'in­vestissement se sont a u contraire progressivement repli ées jusqu'à 730 mi l l ions de dollars. Toutefois, l'évol ution favorable de la conjoncture sidé­rurgique a donné, en 1 969, une i m pulsion particulièrement vigoureuse à la propension à i nvestir des entreprises sidérurgiques, dont les déclarations (ou projets) d'investissements (qu' i l ne faut pas confondre avec les in­vestissements effectifs) sont passées de 669 mi l l ions de dollars en 1 968 à 1 848 mil l ions en 1 969. Même si l 'o n tient compte du fait que le coût des équipements a augmenté depuis le dernier chiffre record enregistré en 1 960, la propension à i nvestir des sidérurgies de la Communauté n'a probable­ment jamais encore atteint un niveau aussi élevé qu'actuellement.

La brusque montée en flèche des déclarations d'investissements ob­servée en 1 969 montre d'ai l leurs de grandes analogies avec les événements de 1 960 et les experts de la Com mission Européenne se sont demandé, si les autres aspects de cette évolution, à savoir notam ment l'apparition soudaine de très i mportantes capacités de production nouvelles, se pro­duiront de nouveau d'ici quelques a nnées. En effet, cette évolution par bonds exceptionnels des investissements a certainement été urie des prin­cipa les causes du déséqui l ibre entre l 'offre et la demande qu i s'est manifesté sur le marché mondial de l'acier durant les années de 1 965 à 1 967, avec les conséquences que cela a entraînées sur le taux d'uti lisation des capacités et le niveau des prix. On peut donc se demander si le boom de 1 969 et l'impulsion q u'i l a donnée à la propension à investir ne va pas se traduire à son tour, dans les a nnées 1 974-75, par l 'apparition brusque de nouvel les capaci ­tés de production excédentaires et par u n nouveau déséqui l ibre du marché de l'acier.

1 70

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Tableau no 69

Investissements de la sidérurgie communautaire (1 956-1 969) (en mio de dollars)

Source: C.E.E.

Année

1 956 1 9))7 1 958 1 959 1 960 1 961 1 962 1 963 1 964 1 965 1 966 1 967 1 968 1 969

Déclarations

647 277 426 503

1 808 1 371

553 1 31 501 589 338 697 669

1 848

Dépenses effectives

569.9 708.2 643.6 586.6 775.2

1 1 23.0 1 230.4 1 479.5 1 31 5.3

932.2 848.1 730.2 802.1

1 01 7.1

D. Emploi, productivité et qualification

Actuellement, l ' industrie sidérurgique des pays non social istes occupe au total quelqu e 2.4 mi l lions de salariés.

Dans les pays du Marché commun, la main-d'œuvre totale de la sidé­rurgie est passée de 521 1 86 personnes en 1 956 à 589 587 personnes en 1 964, ce qui correspond à un accroissement g lobal de 1 3. 1 % ou à une pro­gression annuel le moyenne de 1 .6%, D urant la même période, la production d'acier brut des Six s'est accrue de 45.5% au total ou de 4.8% par an. Par conséquent, on peut estimer la progression annuelle de la productivité par personne occupée à 3.2% durant cette période.

'

Après 1 964, la population active totale de la sidérurgie communautaire a enreg istré u n e tendance à la régression qu i s'est toutefois renversée de nouveau lors d u boom de 1 969, de sorte qu'en septembre 1 969, la main­d'œuvre totale, qu i était tombée à 534 708 personnes en décembre 1 968, se chiffrait de nouveau à 546 204 unités. Par rapport à 1 964 on constate donc une diminution du personnel de 7 .4%, a lors que la production d'acier brut s'est accr�e de 29.5%, de sorte que la productivité moyenne par personne occupée a progressé de 5.8% par an durant cette période.

Sans doute cette accélération des ga ins de productivité s'explique en grande partie par une mei l leure uti lisation des capacités de production grâce au boom de 1 969; mais i l est néanmoins vraisemblable que les importants efforts de rational isation des entreprises traditionnelles ainsi que la mise en service concomitante des différents complexes ultra -mo­dernes a ient e u un effet non négligeable sur l'évolution de la productivité au cours des d ernières années.

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La modernisatio n et la rational isation des entreprises, en corrélation avec le progrès technique, se traduisent a ussi par une profonde évolution des qualifications exigées de la main-d'œuvre.

Ainsi, dans la sidérurgie communautaire la proportion des employés technic iens et cadres, par rapport à l'ensemble du personnel, est passée de 1 3% en 1 955 à 1 9% en 1 967. Paral lèlement la part des ouvriers qual ifiés est passée d'un q uart à un tiers de l'ensemble de la main-d'œuvre, a lors que la proportion des travai l leurs non qualifiés est tombé d'un tiers à u n sixième et que la part des travai l leurs semi -qualifiés a légèrement augmenté.

L'évolution technique impl ique donc une transformation profonde du contenu du travail et exige en général une formation de base a pprofondie et un perfectionnement professionnel permanent d'une partie croissante de l 'effectif. En particul ier, la mise en oeuvre rationnelle d'unités de production toujours plus complexes et la nécessité d'un contrôle plus sévère de la pro­duction, de la qua l ité et des coûts entraîne un fort développement des dépar­tements de recherche, de planning et de contrôle, c'est-à-dire un nombre ac­cru d'employés scientifiques, techniques et administratifs. Les innovations techniques l iées à l'automation exigent en outre, surtout en ce qu i concerne l'entretien, un nombre toujours plus i mportant de contremaîtres et de per­sonnel qual ifié.

Dans l'ensemble, s i durant les a nnées à venir les compressions d'effec­tif dans la sidérurgie communautaire seront probablement assez l imitées, les efforts en vue d'augmenter la formation et la mobil ité de la main-d'oeuvre devront être largement i ntensifiés.

E. Structures des entreprises et du marché

L'évolution rapide de la tech nologie et l'accentuation de la concurrence au cours des années 60 n'ont pas manqué de produ ire des effets profonds sur la structure des entreprises en favorisant notamment depuis des années un vaste mouvement de concentration.

Ainsi, les 80 sociétés sidérurg iques qu i ont créé en 1 966 l' I nstitut i nter­national du fer et de l'acier ( I I S I ) représentent environ 85% de la production mondiale d'acier. En 1 968, la production communautaire d'acier brut se répartissait sur 1 1 3 entreprises de d imensions extrêmement variées, mais dont les 1 2 groupes les plus grands réalisaient 78.6% de la production totale. Les 22 entreprises ayant une capacité de plus d'un mi l l ion de tonnes ont eu une part s'élevant à 91 .7% du total, le restant de 8.3% se répartissant entre 91 entreprises plus petites.

La concentration croissante des entreprises est le corol laire de l' agran­dissement constant de la capacité unitaire des i nstal lations qu i produit à la fois u n accroissement d u rendement et un abaissement relatif des dépenses d'investissement. Ainsi, selon les données statistiques de l' industrie sidé­rugique de la R. F.A., l'agrandissement des capacités se répercute de la ma­nière suivante sur le rendement par heure de travai l : un haut fourneau d'u ne capacité horaire de 1 0 tonnes exige 1 0 heures de travai l par tonne, les

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chiffres correspondants s�établissant à 8 h/t pour une capacité horaire de 20 tonnes, à 5 h/t pour 30 tonnes et à 3 h/t pour 40 tonnes, Par a i l leurs la construction d'une aciérie d'une capacité de production de 1 mi l l ion de tonnes d'acier brut par a n coûte en moyenne 250 mil l ions de dollars; or, la construction d'une aciérie d'une capacité de 5 mil lions de tonnes ne coûte pas 5 fois, mais 2.5 fois davantage.

Le «Financial Times» estime que la décennie de 1 970 à 1 980 sera mar­quée par le regroupement des entreprises sidérurgiques en unités de plus en plus pu issantes. Selon ce journal, nous allons vers une concentration rela­tivement rapide des entreprises de chaque pays au sein de quelques com­plexes prédominants et même vers une international isation qui est déjà esqu issée dans la création de S I D MAR, en Belgique, et dans les accords passés entre les Hoogovens hollandais et la Hoesch allemande pour l ' in­stal lation d'un complexe géant dans la rég ion de Rotterdam.

De même, la Commission des Communautés Européennes estime que l'évolution des structures de la sidérurgie communautaire vers la constitu ­tion d'un oligopole comprenant une dizaine de groupes importants, qu i réaliseraient à eux seuls 90% de la production totale, serait souhaitable. Les groupes les plus importants pourraient atteindre une production annuelle de 1 7 à 1 8 mi l l ions de tonnes par an en 1 975. Cette politique d'amélioration des structures de la sidérurg ie européenne vise essentiellement à un renfor­cement de la position compétitive de cel le-ci face à la concurrence japonaise et a méricaine.

I l faut cependant relever que ce regroupement de la sidérurgie en com­plexes géants la issera une marge d'action très large aux «mini-usines» qui ont connu un développement encourageant au cours des années passées. La raison d'être de ces «mini- usines» est également de tirer profit des écono­mies d'échelle, mais à l'autre bout du marché, en concentrant les efforts sur un nombre très réduit de produits, de manière à pouvoir les fabriquer de la façon la plus économique possible.

Comme les grands producteurs, dans leur recherche d'une productivité accrue, tendent à se mettre hors de la portée du petit consommateur, par le laminage .plus économique de gros lots et par l'augmentation des extras pour petits tonnages, la «mini -usine» est effectivement en mesure de col­mater la brèche par son éventail plus réduit de produ its, ses programmes de laminage plus flexibles et ses tonnages plus faibles qu i desservent avant tout u n marché régional l imité.

Les quelques traits caractéristiques de l'évol ution récente de la sidérurgie mondiale suffisent à montrer que ce secteur, considéré communément comme «traditionnel» et en voie de supplantation par d'autres secteurs dits «de pointe» ou à «croissancè rapide», est en train de vivre de profondes mutations qui touchent évidemment de très près le Luxembourg.

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4 . 2222 Evolution et mutations de la sidérurgie luxembourgeoise

A. Quelques données structurelles caractéristiques de la sidérurgie l uxembourgeoise

L'industrie sidérurgique, tout comme les mines de fer, se situe à la pointe sud-ouest du pays. Contrairement à de nombreuses usines de la sidérurgie lorraine, elle n'a pas u n accès direct sur le canal de la Moselle, ce qu i est un désavantage a ppréciable face au développement actuel des transports fluviaux et maritimes. Du point de vue j uridique, cette i ndustrie se compose des deux sociétés «AR B E D» et «Minière et Métal lurgique de R odange», entre lesquelles le rapport de grandeur est environ de 1 0 à 1 .

Les instal lations sidérurgiques luxembourgeoises avaient été largement ménagées au cours de la deuxième guerre mondiale, encore que le rempla­cement des équipements usés n'ait pu se faire à un rythme normal. Mais, à long terme, la destruction et la politique de démontage qui ont affecté les usines al lemandes, ont eu l'avantage d'obliger celles-ci à remplacer -souvent avec l'aide des a l l iés - le vieux matériel par un équipement plus moderne et p lus efficient. Comme en même temps les sidérurgies jeunes des Pays- Bas et de l' Italie se sont procurées les équipements les plus modernes, certaines installations l uxembourgeoises ont f in i par ne plus être à la hauteur des concurrents plus dynamiques, d'où les efforts intensifs de modernisation au cours des années récentes.

Dans la situation actuelle, les principales caractéristiques de la «struc­ture» et du «Standort» de la sidérurgie grand-ducale nous paraissent être de deux ordres différents:

a) un approvisionnement bon marché en m inerai de fer qu i est toutefois lié à une consommation élevée de coke;

b) une position géographique centrale à proximité relative des grands centres de consom mation européens.

a) Approvisionnement en minerai et en coke Le principal avantage résultant de la localisation de la sidérurgie l uxem­

bourgeoise est décrit de la manière suivante dans le rapport d'activité de la société A R B E D ( 1 966) :

« L' implantation de nos usines à proximité des g isements de minerai local continue d'être un avantage certai n dans les coûts de production. La teneur de fer de ce m inerai ne peut être comparée à celle des m inerais riches d'outre-mer, mais la différence de prix j ustifie la consom mation de la minette i ndigène et lorraine dans les hauts fourneaux luxembourgeois. Grâce à une rational isat ion et à une modernisation extrêmement poussée des sièges d'exploitation, notre société et ses fi l i ales ont, en effet, réussi à comprimer de façon a ppréciable le prix de revient du minerai tant au Luxembourg qu'en France.»

D'après une étude de la Haute Autorité de la CECA1 sur la structure des prix de revient des entreprises sidérurg iques des six pays en 1 966, le coût des

1 Étant donné les importants changements intervenus depuis 1 966 (récession de 1 967, puis boom de 1 969-70) les chiffres de cette étude n'ont plus qu'un intérêt d'ordre historique et ne traduisent donc plus la situation actuelle.

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minerais par tonne d'acier brut au Luxembourg a été d'environ 51 % inférieur à la moyenne de l'ensemble du Marché commun. Cet avantage appréciable a résulté du fait que le prix moyen ex-mines du minerai lorrain s'éleva à 0.091 dol lar par u nité Fe, alors que par exemple le prix cif moyen du m inerai i mporté de pays tiers s'est chiffré à 0.1 73 dollar par u nité Fe ( l ivrée à un port de la Communauté) . Par ai l leurs, plus des trois quarts d u m inerai luxembour­geois ou lorrai n utilisé sont acheminés par des moyens de transport propres aux sociétés sidérurgiques, ce qu i permet de comprimer les frais de transport. Enfin, la minette si l icieuse et la minette calcaire se complètent avantageuse­ment et permettent de réaliser des économies de chaux.

L'avantage résultant de l'approvisionnement à bon marché en m inerai est cependant compensé en gra nde partie par le fait que le m inerai pauvre en fer exige une consommation élevée de coke. Aussi, selon l'étude précitée, les coûts en combustibles et en énergie par tonne d'acier de la sidérurgie luxembourgeoise ont- i ls dépassé de 30% environ les montants correspon­dants de l'ensemble du Marché commun.

Ces coûts plus élevés s'expliquent notamment par le fait qu'en 1 966 la consommation de coke par tonne d'acier brut se chiffrait à 860 kg au Luxem­bourg, contre 7 1 9 kg pour l'ensemble de la C.E.E. Il faut y ajouter les frais de transport par chemin de fer relativement élevés, encore qu'il soit plus rentable de transporter le coke plutôt que le m inerai, étant donné que les tonnages de minerai consommé dépassent nettement les tonnages corres­pondants de coke.

Comme l'évolution des prix du minerai, du coke, des transports ainsi que de la consommation de coke par tonne d'acier a été assez différenciée depuis 1 966, i l est diffici le d'apprécier exactement l'avantage de localisation actuel de la sidérurgie luxembourgeoise.

Toutefois, la haute conjoncture intervenue depuis le m i l ieu de 1 968 sem ble avoir été accompagnée d'un léger renforcement de la position con­currentiel le luxembourgoise.1

En effet. d'un côté le prix du m inerai riche a augmenté plus vite que le prix correspondant du m inerai local par suite de l'expansion en flèche de la demande en minerai riche.

D'autre part, la situation d'offre excédentaire en coke, qu i en 1 966 et 1 967 menaçait gravement la position de la sidérurgie l uxembourgeoise en raison des subventions que les pays producteurs al louaient aux cl ients na­tionaux de leurs houi l lères, a fait place depuis 1 969 à une situation de pénu ­rie d e coke accompagnée d'une hausse très nette des prix mondiaux du coke.

Enfin , les frets de transport maritime ont connu ces derniers temps un mouvement ascendant prononcé en raison du fait que les capacités de transport ne se sont pas développées paral lèlement au volume du com­merce i nternational.

1 cf. aussi à ce sujet le Mémorandum de la Commission de la C.E.E. sur les objectifs généraux de la sidérurgie de la Communauté pour les années 1 975-1 980.

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Dans l'ensemble, on peut donc penser que la haute conjoncture a plutôt renforcé la position concurrentielle de la sidérurgie continentale par rapport à la sidérurgie côtière parce que cette dernière dépend davantage des prix mondiaux des matières premières que la sidérurgie continentale qui , assez souvent; assure ses approvisionnements par l' i ntermédiaire de ses fi l iales. Pour les mêmes raisons - opérant en sens inverse - les usines côtières avaient renforcé leur position concurrentielle au cours des années 1 960 au moment du décalage grandissant entre les capacités de production sidé­rurgique et la demande d'acier.

U ne nouvel le tendance à la surproduction n'est certes pas à exclure a priori pour les a nnées prochaines, mais elle semble être moins probable qu'une normalisation progressive du marché de l'acier, a insi que des prix des principales matières premières. Par conséquent cette normal isation affai bl i ra de nouveau la posit ion compétitive de la sidérurgie luxembour­geoise.

Dans l'ensemble, i l est très diffici le sinon i mpossible d'apprécier exac­tement la posit ion concurrentielle de la sidérurgie luxembourgeoise par rapport à ses principaux concurrents, d'autant plus que la dernière décennie a été caractérisée par la réalisation d' importants progrès techniques qu i ont entraîné u n peu partout u n mouvement i ntensif de concentrations et de rational isations.

En outre, une comparaison vraiment significative devrait porter non pas sur des moyennes nationales, mais sur le prix de revient des principales entreprises sidérurg iques européennes, étant donné que ce sont essentielle­ment celles- là qui s'affrontent sur le marché i nternational de l'acier, alors que les entreprises de tai l le plus modeste desservent avant tout des marchés locaux.

b) Position géographique par rapport aux principaux centres de consom­mation européens

La position géographique du Grand- D uché à une distance relativement fai ble des grands centres de consommation - et notam ment de l'Al lemagne et de la Belgique - constitue une donnée naturelle dont la sidérurgie luxem­bourgeoise a su tirer profit en augmentant régul i èrement, depuis la deuxième guerre mondia le, la part de ses expéditions de laminés écoulée dans les pays du Marché commun.

Néanmoins, la part des produits sidérurgiques finis qu i doit être écoulée sur des marchés extérieurs à la C.E.E. - le plus souvent moyennant des frais d'expédition plus importants - est toujours assez élevée et se situe nettement au-dessus de la moyenne communautaire.

D'autre part, la sidérurgie l uxembourgeoise reste désavantagée par rap­port à la p lupart de ses concurrents européens en ce qu i concerne les frais de transport nationaux élevés et l'éloignement d'une grande voie navigable. Enfin il faut teni r compte du fait que, sur chacun des marchés étrangers, la sidérurgie luxembourgeoise est en concurrence .avec des. producteurs lo­caux pour lesquels les frais de transport sont évidemmenttrès faibles.

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Tableau no 70

Part des produits finis écoulés à l 'extérieur de la C.E.E. (1 968)

Source: 0 S. C.E.

Allemagne Fédérale . . . . . . . . 22.7% France . . . . . . . . . . . . . . . . . 21 .5% Italie . • . . . . . . . . . . . . . . . . . 7.4% Pays-Bas . . . . . . . . . . . . . . • . 34.9% Belgique . . • . . . . . . . . . . . . . . 28.5% Luxembourg . . . . . . . . • . . . . 32.8% C.E.E. • • • . . . . . . • . • . . . . . . 21 .5%

L'avantag e de la position géographique centrale de la sidérurgie luxem­bourgeoise est donc compensé par le niveau élevé des frais de transport et l' importance des ventes à l'extérieur de la C.E.E.

Etant donné, d'un côté, le dynamisme i nterne de la Communauté, et, de l'autre côté, la politique d' importation restrictive des Etats- U nis a insi que la concurrence croissante du Japon et des pays en voie de développement, i l est probable qu'à l'avenir le Marché commun continuera à jouer un rôle grandissant comme principal débouché des produits sidérurgiques l uxem­bourgeois.

B. Quelques m utations dans la sidérurgie luxembourgeoise d'après-guerre

Le doublement de la production l uxembourgeoise au cours des 20 der­nières années a été accompagné de mutations profondes, à la fois dans les conditions économiques, techniques et structurelles de l'activité sidérur­gique, et dont il convient de mettre en relief les aspects les plus marquants.

a) Les mutations dans les conditions économiques: l'instauration de la C .E. C.A. Si la période des deux guerres mondiales, des crises économiques et

de la désorganisation du commerce i nternational a touché d'une façon très dure la sidérurgie luxembourgeoise dépendante de l 'étranger pour une grande partie de ses matières premières et la quasi -totalité de ses ventes, par contre la création de la Communauté Européenne du Charbon et de l'Acier par le Traité de Paris du 1 8 avril 1 951 a été à la base de l'essor continu de cette industrie depuis les années 50.

Ainsi, par la l ibération immédiate et totale des échanges des produits tombant sous le Traité de Paris, un marché «interne» de quelque 1 80 mi l l ions d'habitants s'est ouvert aux usines luxembourgeoises.

Depuis l' i nstauration de la CECA, la sidérurgie luxembourgeoise a dé­placé rapidement ses ventes vers les pays partenaires où le marché était plus sûr et plus faci le à suivre et où, en l'absence de droits douaniers et de pra­tiques de dumping, sa position concurrentielle était renforcée. Ai nsi les exportations vers la C E CA, qu i représentaient encore 41 .7% de la production totale en 1 951 , passaient à 63.2% en 1 957, à 67.2% en 1 963 et à 73.9% en 1 969. A côté de la conquête de nouveaux cl ients, la CECA permit d'aplanir en partie les f luctuations des prix, ce qu i eut des conséquences les plus

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heureuses, non seulement sur la trésorerie des sociétés sidérurgiques, mais aussi sur les recettes de l 'Etat et sur l'ensemble de l'écono mie qui vit a u rythme de l a conjoncture sidérurgique.

Un autre avantage de la CECA correspond à un souci permanent des sociétés sidérurgiques luxembourgeoises, c'est-à-dire l'approvisionnement en minerai et en coke. Les stipulations du Traité de Paris él imina ient toutes mesures discriminatoires qui auraient pu compromettre un a pprovisionne­ment satisfaisant. I l s'agissait là d'un avantage appréciable au début des a nnées 1 950, quand i l restait une certaine pénurie sur le marché des matières premières. Au cours des années 60, la situation inverse de surproduction de houi l le avait a mené les différents Etats partenaires à prendre des mesures u ni latérales en faveur de leurs houi l lères et de leur sidérurgie, ce qu i ris­q uait de compromettre gravement la situation concurrentielle de la sidérurgie l uxembourgeoise. Le Conseil des Ministres du 1 6 février '1 967 a finalement normal isé la situation par l' instauration provisoire d'une caisse de compen­sation européenne dont l'avantage pour la sidérurgie luxembourgeoise a été chiffré à quelque 300 mi l l ions de francs par an.

Dans le domaine des transports, la position de la sidérurgie luxembour­geoise fut a ussi nettement améliorée par l'institution, à partir du 1 er mai 1 955, de tarifs internationaux et dégressifs en matière de transport ferroviaire des produits tombant sous le Traité de Paris. Ces nouveaux tarifs dégageaient en effet des économies de frais de transport de l'ordre de 1 7 à 26% sur l'achem i nement du coke et de 1 3% environ sur l 'expédition des produ its finis vers les ports de la mer du Nord.

Par a i l leurs la canal isation de la M osel le n'a pas manqué non plus de présenter certains avantages pour la sidérurgie, étant donné que celle-ci a pu obtenir des tarifs ferroviaires spéciaux pour le trajet «usine-port de Mertert», de sorte q u'un tonnage croissant de produ its sidérurgiques est transporté sur la nouvelle voie fluviale.

En conséq uence, l' i nstauration de la CECA a amélioré la position con­currentiel le de la sidérurgie luxembourgeoise, ceci grâce à l'extension des débouchés, à l'organisation des marchés, à l'aplanissement des fluctuations des prix de l'acier, à la sécurité des approvisionnements en matières pre­m ières, à l 'harmonisation des conditions de transports, et, enfin, à la solution du moins temporaire du problème du coke d'outre-mer. Étant donné l'im­portance de la sidérurgie dans l'économie nationale, ces effets n'ont pas manqué de se répercuter favorablement sur le développement économique général.

b) Les mutations techniques et structurelles: modernisation, concentra­tion, rationalisation

Si les années 50 avaient été marquées par l ' intégration européenne, la décennie su ivante s'est caractérisée par des m utations techniques et struc­turelles particul ièrement profondes dans la sidérurgie luxembourgeoise.

Du point de vue technologique, i l faut relever spécia lement l'essor de l'acier à oxygène qui est en train de supplanter l'acier Thomas, procédé traditionnel de nos usines. Vers la fin des années 1 950, la division de

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Dudelange de la Société ARBED, en collaboration avec le Centre National de Recherches Métal l u rg iques de Liège, a réussi à adapter le procédé autrichien LD aux fontes phosphoreuses du bassin l uxembourgeois- lorrain . En vertu de sa supériorité, tant en ce qui concerne la qual ité des produits que d u point de vue d u rendement, le nouveau procédé a conn u partout dans le monde u ne d iffusion très rapide. Au Luxembourg, la part de l'acier LD -AC dans la production totale est passée de 3% en 1 963 à 1 3% en 1 966 et à 35% en 1 969; on peut d'ai l leurs s'attendre à ce que cette progression se maintienne au cours des années à venir.

D'autre part, les surcapacités de production qui sont apparues sur le marché i nternational après 1 957 et qui se sont accentuées vers le mi l ieu des années 60 ont entraîné un mouvement général isé de mesures d e ratio­nal isation, auquel n'a pas échappé la sidérurg ie luxembou rgeoise.

Une des conséquences de cette rationalisation a été la réduction -au moyen du non-remplacement d'une partie des départs naturels -de l'effectif ouvrier qui était passé de 1 6 750 personnes en 1 950 à 21 720 personnes en 1 965 pou r d iminuer ensuite d'environ 1 000 u nités en raison du renversement de la pol itique du recrutement des entreprises sidérur­g iques. En même temps, les conditions et les problèmes du marché de l'emploi se sont posés de façon nouvelle et ont renforcé la nécessité de la polit ique de diversification industriel le.

Vers la fin de 1 965 a été aussi amorcée l'absorption de la société HADIR par ARBED. Cette opération a permis de réaliser d'appréciables gains de productivité au cours des années récentes. C'est ai nsi que les prix de revient ont été favorablement i nfluencés par une mei l leure répartition des entrées de commandes, u ne uti l isation p lus rationnel le des trains de laminoirs et une coordination plus poussée dans le domaine du transport et de l'achat en commun des matières premières.

Après avoir opéré la coordination et la synchronisation de son appareil d e production élargi, la société ARBED a entamé en 1 969 u n vaste programme d'investissements plur iannuel qui vise essentiel lement la spécial isation de ses usines et le renforcement de la rentabil ité, et qui contient notamment les objectifs suivants:

concentration de la production de fonte du bassin d'Esch à l 'usine d e Belval, ce qui amènera la mise en réserve des hauts fourneaux de la d ivision de Schifflange et, à la longue, de ceux de Terres Rouges;

extension généra le de la production d'acier LD, et notamment im­plantation à D ifferdange d'une cornue supplémentaire;

a ugmentation des produ its plus élaborés par la réunion des Tréfileries de I'AR B E D avec la Tréfi lerie de Felten et Gu i l laume dans un seul ensemble, et augmentation de la capacité en tôles ga lvanisées.

Au terme de ce programme la division de Differdange sera reliée d'une manière rationnel le aux usines du bassin d'Esch pour ne p lus former qu'un seul complexe sidérurg ique d'une capacité annuel le de quelque 5 m i l l ions de ton nes d'acier brut.

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Dans l'ensemble, si l' i nstauration de la CECA a créé des conditions économiques particul ièrement favorables à l'expansion de la sidérurgie l uxembourgeoise sur le marché i nternational, l e mouvement de modernisa­tion et de rational isation d urant les années 60 aura sans doute permis de renforcer la position concurrentielle de cette industrie-clé et d'assurer ainsi l'avenir de l'économie luxembourgeoise.

Tableau no 71

Production d'acier brut par pays et part en % de la production mondiale (1 952-1 969)

Source: O.S.C.E.

Année Unité Alle m. France Italie Pays-Bas Belgique Luxem- C.E.C.A. Fédérale bourg

1 952 . . . 1 000 t 1 8 629 1 0 867 3 635 693 5 1 70 3 002 41 996

% 8.7 5.1 1 .7 0.3 2.4 1 .4 1 9.6

1 969 . . . 1 000 t 45 31 6 22 5 1 0 1 6 428 4 7 1 2 1 2 832 5 521 1 07 3 1 9

% 8.1 4.0 2.9 0.9 2.3 1 .0 1 9.2

Année Unité Royaume Autriche U RSS USA Japon Monde Uni

1 952 . . . 1 000 t 1 8 681 1 057 34 492 87 766 6 988 21 3 750

% 7.8 0.5 1 8.1 41 .1 3.3 1 00.0

1 969 . . . 1 000 t 26 845 3 926 1 1 0 400 1 3 1 1 75 82 1 67 558 200

% 4.8 0.7 1 9.7 23.4 1 4.7 1 00.0

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Tableau no 72

Evolution de la production sidérurgique l uxembourgeoise et des facteurs de production (1 952-1 970)

Source: C.S.C.E.

Production d'acier brut Effectif ouvrier Dépenses d'investisse-(1 000 t) ment (en mio $)

Année Luxem- C.E.C.A./ Luxem- C.E.C.A./ Luxem- � C.E.C.A./ bourg C.E.E. bourg C.E.E. bourg C.E.E.

1 952 . . . . . . . . . . 3 002 41 996 1 953 . . . . . . . . . . 2 659 39 762 1 954 . . . . . . . . . . 2 828 43 961 25.08 453.48 1 955 . . . . . . . . . . 3 226 52 777 22.13 524.33 1 956 . . . . . . . . . . 3 456 56 961 1 8 265 442 954 1 9.1 1 569.89 1 957 . . . . . . . . . . 3 493 59 995 1 8 787 463 701 30.93 708.1 7 1 958 . . . . . . . . . . 3 379 58 1 75 1 8 855 448 663 21 .55 643.57 1 959 . . . . . . . . . . 3 663 63 362 1 9 292 464 467 23.48 586.59 1 960 . . . . . . . . . . 4 084 73 076 1 9 353 482 453 28.43 775.1 9 1 961 . . . . . . . . . . 4 1 1 3 73 51 1 1 9 444 483 351 31 .37 1 1 23.04 1 962 . . . . . . . . . . 4 01 0 73 01 1 1 9 1 76 479 466 39.37 1 230.36 1 963 . . . . . . . . . . 4 032 73 21 8 1 9 065 469 326 43.51 1 479.53 1 964 . . . . . . . . . . 4 559 82 856 1 9 820 477 513 35.87 1 31 5.29 1 965 . . . . . . . . . . 4 585 85 991 1 9 841 464 707 24.83 932.24 1 966 . . . . . . . . . . 4 390 85 1 05 1 9 566 439 949 28.37 848.07 1 967 . . . . . . . . . . 4 481 89 885 1 9 286 423 984 1 5.80 730.20 1 968 . . . . . . . . . . 4 834 98 634 1 9 1 20 421 658 1 3.55 802.07 1 969 . . . . . . . . . . 5 521 1 07 31 9 1 9 332 432 1 22 34. 1 3 1 01 7.06 1 970 . . . . . . . . . . 5 462 1 09 200

C. Evolution de la production et des facteurs de production

La production d'acier brut l uxembourgeoise des 20 dernières années a été largement inf luencée par le mouvement de la conjoncture internationale. Ainsi les principaux «sommets)) de production se sont situés à 3 077 000 tonnes en 1 951 , à 3 41 9 000 tonnes en 1 957, à 4 1 1 2 000 tonnes en 1 961 , à 4 585 000 tonnes en 1 965 et à 5 521 000 tonnes en 1 969. En ce qu i con ­cerne les laminés, on peut relever que, conformément à la tendance généra le e n E urope et dans le monde, les entreprises luxembourgeoises ont surtout accru leur production de produits plats. Cette expansion s'est d'ai l leurs faite avant tout dans le secteur des feui l lards à chaud, tandis que les feui l lards à froid et les tôles et coils ont augmenté moins vite. Parmi les autres produ its, l es profilés et l es palplanches ont également progressé, alors que le matériel de voie, les laminés marchands et le fi l machine ont subi u ne régression sensible de leur part dans le total des produits finis lami nés. En considérant les chiffres absolus on constate que c'est un iquement le matériel de voie qu i a subi une régression en volume, tandis que le tonnage des feui l lards a décuplé depuis 1 950.

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Depuis 1 952, l'accroissement de la production luxembourgeoise d'acier a cependant été nettement plus faible que celu i de la production mondiale ( + 3.6% par an contre +5.8%) , de sorte que le pays n'a p lus fourni que 1 .0% de la production mondiale en 1 969, alors que cette part avait encore atteint 1 .4% en 1 952. Par comparaison aux autres pays de la CECA, qui, dans leur ensemble, ont pu mainteni r leur position dans la production mondiale, l'accroissement annuel moyen de la production l uxembourgeoise ( +3.6%) a encore été le plus faible, étant donné q ue celu i -c i a atteint 1 2.3% aux Pays- Bas, 9.3% en Ital ie, 5.5% en Belgique, 5.4% en Allemagne Fédérale et 4.4% en France.

En ce qu i concerne l'évolution des prix de l'acier, l ' i ndice suivant, sans être complètement représentatif pour le Luxembourg, étant donné qu' i l est basé sur l'ensemble des produits sidérurgiques belgo- luxembourgeois exportés - dont la structure diffère de celle des seuls produ its luxembour­geois - donne cependant une idée approximative de celle-ci.

Tableau no 73

Evolution du prix moyen des exportations sidérurgiques belgo-luxembourgeoises (1 950-1 970)

Sources: Bulletin mensuel du Commerce extérieur de I'U.E.B.L. - STATEC 1 00 en 1 958 Année 1 1 1 950 1 951 1 952 1 953 1 954 1 955 1 956 1 957 1 958 1 959 Indice 63.6 1 09.4 1 21 .9 94.2 84.3 95.8 107.8 1 1 4.6 1 00.0 95.5 Année 1 960 1 961 1 962 1 963 1 964 1965 1 966 1 967 1 968 1 969 1 970 1er sem

Indice 1 \ 1 04.7 98.2 95.4 94.4 95.4 95.6 95.4 97.0 95.7 107.2 134.2

Ainsi les prix un itaires, qui au cours des années 50 avaient toujours réag i par la hausse à l'accroissement de la production, se sont stabi lisés depuis 1 962 à u n niveau sensiblement inférieur à celui de 1 958 ou de 1 960, ma lgré l a haute conjoncture de 1 961 et de 1 964- 1 965 - ce qui reflète la situatio n de surproduction s u r l e marché d e l'époque. Au cours du deuxième semestre de 1 969 et du premier semestre de 1 970 les prix unitaires ont toutefois atteint le niveau le plus élevé de l'après-g uerre, à la suite du boom excep­tionnel sur le marché i nternational de l'acier.

En ce q u i concerne l'évolution du facteur «travail», et plus particul ière­ment celle du nombre d'ouvriers occupés, le tableau no 72 montre d'abord l 'étroite corrélation entre ce paramètre et l'évolution conjoncturelle de la production. Toutefois, à partir des années 1 960, on peut aussi dégager une tendance fondamentale à la réduction du personnel qu i s'explique par les

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mesures de rational isation prises par tous les sidérurg istes européens; ce mouvement a d'ai l leurs débuté plus tardivement au Luxembourg (1 966) que dans le reste de la Communauté ( 1 962), et s'est traduit par une réduc­tion annuel le moyenne de l'effectif ouvrier de respectivement 0.6% a u Luxembourg (1 965-1 969) e t d e 1 .4% dans l'ensemble du Marché commun (1 962-1 969) .

Enfin, durant la période de 1 954 à 1 969, la sidérurgie l uxembourgeoise a investi au total 21 875 mi l l ions de francs, ce qui correspond à une moyenne a nnuelle de 1 367 mi l l ions de francs. La comparaison avec les autres pays de la C ECA montre que les i nvestissements moyens par tonne d'acier produite ont été nettement plus faib les au Grand- Duché (340 fr.) que dans l'en­semble du Marché commun (585 fr. ) Ce décalage dans les taux d'investisse­ment s'expl ique cependant en grande partie par le fait que les i nvestisse­ments l uxembourgeois ont été - au contraire de ceux des partenaires européens - essentiel lement des investissements de modernisation qu i nécessitent moins de capital que les i nvestissements d'agrandissement, étant donné q u' i ls profitent de l ' i nfrastructure des usines existantes.

D. Stratégie du g roupe ARBED

Malgré le caractère nécessairement subjectif de l'analyse de la stratégie d 'un groupe, on peut cependant avancer quelques pri ncipes directeurs qu i - ex post - semblent avoir gu idé les grandes décisions de la société et qu i ont évidemment eu des conséquences capitales pour la croissance écono­mique du Luxembourg.

I l convient d'ai l leurs de relever d'emblée que la société A R B ED, bien que domici l iée à Luxembourg et gérée par des Luxembourgeois, est dominée par des capitaux étrangers (groupes «Schneider» et «Société Générale»), de sorte que la stratégie poursuivie n'a pas seu lement été déterminée par les conditions économiques et techniques extérieures, mais aussi par des considérations d'équ i l ibre financier interne.

a) la sécurité avant tout

Les nombreux sondages effectués a uprès des chefs d'entreprise améri ­cains et ang lais ont montré que la recherche d u profit maximum est loin de constituer toujours leur principal motif d'action. Au contraire, ceux-ci préfèrent très souvent la sécurité sous forme d'un profit plus régul ier et d'une batai l le concurrentiel le moins acharnée. Aussi ne peut-on pas s'é­tonner de voir cette préoccupation domi nante dans la société ARBED, qu i ne d ispose pas de marché national protégé, mais qu i a dû se défendre contre tous les aléas du dumping, du conti ngentement des i mportations et de la désorganisation du commerce i nternational par suite de la grande crise économique et de deux guerres mondiales. C'est pourquoi les a utres prin ­cipes d'action sont les conséquences p l u s ou moins d i rectes de cette pré­occupation de sécurité.

b) l'amélioration de la productivité avant l'expansion de la production Comme les fluctuations de la demande et les prix peuvent être très

fortes sur le marché i nternational, la société A R B E D doit être capable à tout

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moment de faire d'importantes concessions sur les prix et de subir des con­tractions sensibles de sa production. C'est pourquoi, depuis les changements intervenus sur le marché i nternational de l'acier après la première guerre mondiale, la recherche de la productivité a été dominante et l'expansion des capacités de production n'a suivi que très prudemment l'évolution de la demande i nternationale. En effet, des accroissements inconsidérés de ces capacités auraient risqué de s'avérer inutil isables au cours des périodes de récession et aura ient considérablement grevé le prix de revient (sans parler des risques de chômage pour le personnel) . Au contrai re, la politique su ivie l u i a permis de réal iser le taux d'util isation des capacités le plus élevé de l 'Europe des Six.

Cette expansion modérée des capacités par le biais de la modernisation des i nstal lations présente aussi l'avantage de comprimer notablement les charges f inancières des entreprises en leur permettant de réaliser un taux d'autofinancement élevé. C'est ainsi qu'en 1 967, par exemple, l'endettement à long terme de l' industrie sidérurgique, calculé en francs par tonne de pro­duction annuel le d'acier, a été particul ièrement fai ble au Grand- D uché.

Tableau no 74

Endettement à long terme de la sidérurgie communautaire (1 967) (en francs par tonne d'acier brut)

Allemagne Fédérale . . . . . . . France . . . . . . . . . . . . . . . • . Italie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Pays-Bas . . . . . . . . . . . . . . . . Belgique . . . . . . . . . . . . . . . . . Luxembourg . . . . . . . . . . . . . Moyenne C.E.E . . . . . . . . . . . .

3 300 fr 3 850 fr 5 750 fr 2 600 fr 2 350 fr

650 fr 3 350 fr

Que par a i l leurs une modernisation constante d'usines «traditionnelleS)>, l iée à un personnel stable et qual ifié, permette d'obtenir u n rendement élevé, cela résulte du fait qu'en 1 968, la sidérurgie luxembourgeoise a produ it 252 tonnes d'acier brut par ouvrier occupé, a lors que la moyenne communau­taire ne s'est élevée qu'à 234 tonnes.

c) Rester dans l'acier

L'acier est devenu une production traditionnelle dont les i ngénieurs l uxembourgeois ont réussi à maîtriser la technique - parfois même avec un succès particul ier comme le montre l'élaboration du procédé LD-AC -et qu i ne pose pas trop de problèmes commerciaux grâce au réseau mondial de vente établ i depuis des décennies (COLUM ETA) . S i les d irigeants de I'AR B E D ont, à force de prudence, de ténacité et d'expériences accumulées, réussi dans ce secteur, i ls n'ont guère été tentés de créer des entreprises nouvel les dans d'autres secteurs parfois plus rentables, mais où tout serait à

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réapprendre et à reconstruire. Ai nsi, d'après les mots du directeur d u Groupe­ment des I ndustries Sidérurgiques Luxembourgeoises1 , les sidérurgistes luxembourgeois veu lent «rester dans l'acier».

Toutefois, à l'i ntérieur de ce secteur, de nombreuses possibilités de diversification et d'expansion subsistent comme le montre d'ai l leurs le projet d'implantation d'une usine spécial isée dans la fabrication de fils pour car­casses de pneus dans le sud du pays (ensemble avec National Standard) .

d) Suivre le mouvement historique

Pour une société de tai l le européenne il convient de saisir à temps les trends fondamentaux qui détermineront probablement l'avenir du secteur, et d'y participer. C'est pourquoi, d'après l'exemple des sidérurgies hol landai ­se, ita l ienne, française, américaine et japonaise, la société A R B E D a tenu de profiter des conditions économiques nouvelles de la sidérurg ie «côtière» en participant à la construction de S I D MAR près de Gand (où elle détient environ 50% du capital ) . Cette décision, qu i est plei nement j ustifiée du point de vue de l'entreprise privée de tai l le européenne - mais qui a probablement eintraîné un ralentissement passager des investissements à Luxembourg -montre que l a société A R B E D n'est pas prisonnière d u bassin sidérurgique traditionnel, mais q u'elle est prête à élarg ir sa base géographiq ue, pour pouvoir éventuellement renforcer ou a bandonner l'une o u l'autre de ses positions si les conditions économiques l'exigent. Aussi, depuis 1 962, la pol it ique d'amél ioration de la productivité des usines l uxembourgeoises a-t-elle été complétée par une polit ique d'expansion des capacités de pro­duction en dehors du pays.

Ces quelques considérations ont suffisamment montré que les préoccu­pations de sécurité et de profit de la société A R B E D et le souci de croissance de l 'État l uxembourgeois ne se sont pas toujours recoupés complètement. Pendant longtemps, les risques économiques qui ont découlé de la structure ind ustrielle monolithique du pays ont été masqués par le flux d'argent que cette société a «pompé» dans l'économie. C'est pourquoi, tant que la société payait de hauts salaires et beaucoup d'impôts et aidait a insi les hommes polit iques à résoudre le problème du progrès social et camoufler certai ns autres comme celu i de l'agricu lture, certaines gens ont pensé que «ce qui est bon pour A R B E D est bon pour l'État l uxembourgeois». Actuelle­ment, où la société A R B E D s'est créé une «nouvel le frontière», i l devient apparent que cette opinion, qu i revenait finalement à remettre entre les mains d'une société i nternationale l'avenir économique du pays, était simpliste.

S'i l est vrai que l 'État a de mu ltiples intérêts à voir la société A R B E D florissante, c'est pourtant le rôle d e l 'État et non celu i d'une société privée d'aménager à temps les structures économiques en vue d'assurer l'avenir du pays.

1 M. CON ROT - Conférence faite à l'Université Internationale de Sciences Com­parées de Luxembourg.

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4 . 2223 Perspectives d'avenir de la sidérurgie luxembourgeoise

A. Objectifs généraux de la sidérurgie de la Communauté pour les années 1 975-801

Dans son mémorandum sur les objectifs généraux «acier» pour les années 1 975-1 980, la Commission de la C.E .E. a fait l' i nventaire des conditions techniques et économiques qui caractériseront l'évolution de la sidérurgie européenne et mondiale au cours de la prochaine décennie. Pour les besoins plus l imités de notre étude nous en reprenons quelques éléments q u i nous paraissent les plus importants pour l'établissement de projections au sujet de la sidérurgie luxembourgeoise.

a) Production communautaire et mondiale

D'après les estimations de la Commission, la production d'acier brut de la Communauté serait comprise entre 1 29 et 1 47 mi l l ions de tonnes en 1 975. Pour 1 980, une hypothèse moyenne donnerait, en tant que première estimation de l'ordre de grandeur des débouchés totaux, quelque 1 63.2 à 166.7 mi l l ions de tonnes. Cette dernière hypothèse table donc sur u n taux de croissance annuel moyen de 4.0% au cours de la période de 1 969 à 1 980.

De son côté la production mondiale d'acier brut pourrait atteindre 770 à 780 mil l ions de tonnes en 1 975, ce qui correspondrait à un taux de croissance a nnuel moyen de l'ordre de 5.5%. Dans cette production, le Japon i nterviendrait à concurrence de 1 20 à 1 50 mi l l ions de tonnes, les États- U nis et l 'URSS à concurrence de 1 45 mi l l ions, et la Communauté à concurrence de 1 29 à 1 47 mil l ions de tonnes, de sorte que les positions des 4 grands producteurs mondiaux pourraient être considérablement m odifiés par rapport à la situation actuelle, notamment en ce qu i concerne la place du Japon.

Comme par le passé, la part des sidérurgies ital ienne et néerlandaise dans la production communautaire continuera à progresser, a lors que notamment la position relative d u Luxembourg d im inuera encore. Par a i l leurs, la part des usines «côtières» dans les possib i l ités de production communautaire d'acier passerait de 1 8% en 1 969 à 26% environ en 1 975, tandis que la part du bassin lorra in tomberait de 1 3% à 1 0% au cours de la même période. Enfin, la part de l'acier LD (et dérivés) atteindrait 64.4% en 1 975 contre 38.2% en 1 969 (en moyenne communautaire ) .

b) Exportations communautaires

Les exportations de la Communauté à destination des pays tiers seront comprises, selon l 'hypothèse de base retenue, entre 1 8 et 25 mi l l ions de tonnes d'acier brut en 1 975, contre 1 8.6 mi l l ions en 1 967. Par contre, les exportations des pays tiers se développeront probablement plus rapidement et pourraient atteindre entre 57.5 et 64.5 mil l ions de tonnes en 1 97 5 contre 35.8 mi l l ions de tonnes en 1 867. Par conséquent, le commerce mondial

1 cf. Projet de Memorandum sur les objectifs généraux de la sidérurgie de la Com­munauté pour les années 1 975-1 980. C.E.E. doc. N° 61 80/ 1 1 1 /70- F.

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d'acier (à l'exclusion du commerce intra- CEE) passerait dè 54.4 mil l ions de tonnes en 1 967 à 82.5 mi l l ions de tonnes en 1 975, ce qui correspondrait à un taux de croissance annuel moyen de l'ordre de 5.3%, soit un taux lé­gèrement inférieur à celu i de la production mondiale.

En tout cas la concurrence sur le marché mondial de l 'acier deviendra plus acharné encore au cours des prochaines années, compte tenu notam­ment des ambitions des producteurs japonais, de sorte que les sidérurg istes européens ne pourront pas compter à moyen terme sur un développement rapide du commerce extérieur de l'acier. Par a i l leurs, en faisant une venti la­tion selon les différentes catégories de laminés, l a Commission estime que les exportations nettes de produits longs et demi-produ its autres que les coils d iminueront.

En résumé, selon la Commission le maintien d'une situation équ i l ibrée sur le marché mondial de l'acier suppose que deux conditions soient rem­plies. Tout d'abord, les producteurs de la Communauté doivent à l a fois poursuivre leurs efforts de rational isation pour demeurer compétitifs, face notamment à la concurrence japonaise, et investir de telle sorte que l'équi l ibre entre l'offre et la demande mondiales ne soit pas compromis. En deuxième l ieu, il faudra que de la part de tous l es producteurs soient ob­servées les règles d'une concurrence norma le, ce qui impl iquerait en der­n ière analyse u ne concertation, sur le plan mondial, des politiques d' in­vestissement (p. ex. dans le cadre de I 'O.C. D .E . ) .

c) Approvisionnements

A l'avenir, le minerai communautaire continuera de couvrir une partie i mportante, mais décroissante des besoins. L'approvisionnement indigène se l im itera toutefois de plus en plus aux gisements de l 'Est de la France et du Luxembourg, a lon� que le maintien de l'extraction dans l 'Ouest de la France et la région a l lemande de Salzgitter- l lsede paraît moins certai ne.

D'après la Commission, la compétitivité d u minerai lorrain s'est améliorée ces dernières années, mais cette amélioration a été obtenue surtout par la fermeture des mines les p lus pauvres, ce q u i évidemment a entraîné par a i l leurs aussi une réduction de la durée de vie du bassin lorrain (estimée encore à 30 ans) .

Sur le plan mondial , les disponibi l ités en minerai provenant des gisements actuellement connus suffisent à assurer à long terme l'approvisionnement de la sidérurgie. L'exploitation de ces gisements dépendra avant tout du niveau des investissements a insi que des contrats de fourniture à long terme, domaines dans lesqu els les producteurs européens ont pris un retard in­déniable par rapport aux J aponais, de sorte que les difficultés d'approvision­nement pour la sidérurgie communautaire ne sont pas à exclure a u cours des années à venir.

En ce q u i concerne l'approvisionnement en coke, la mise en service de h auts fourneaux de conception moderne et l 'uti l isation de la technique de l' injection de combustibles l iquides ou gazeux entraîneront encore une baisse sensible de la consommation de coke par tonne de fonte produite (520kg/t

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en 1 975 contre 593 kg/t en 1 969), de sorte que les capacités de production existantes des cokeries seront suffisantes pour 1 975.

Par contre les importations de charbon à coke seront appelées à s'ac­croître si le régime actuel d'aide aux charbonnages communautaires se trouvait modifié, ce qui ne manquerait pas d'accentuer la concurrence entre les producteurs européens et japonais dans le domaine de l'approvisionne­ment en matières premières.

d) Main-d'oeuvre La Commission constate que le coût de la main-d'œuvre représente

environ 25% du total des coûts de production, de sorte que l 'amél ioration ou même le simple maintien de la compétitivité internationale exige aussi une rational isation de l'emploi de la main-d'œuvre, à condition que cel le-ci s'accompagne des garanties nécessaires de réemploi et de revenu. Lors des a nnées de 1 965 à 1 969 les gains de productivité de la main-d'œuvre ont été particul ièrement importants, dépassant les 8% en moyenne annue l le (5.9% au Luxembourg ) . Pour la période de 1 969 à 1 975 la Commission a retenu comme objectif communautaire un taux d'accroissement de la production par heure de trava i l de l'ordre de 6%. Dans ces conditions et compte tenu de d ifférentes hypothèses sur la progression de la production a insi que sur la réduction de la durée du travai l , l'effectif de la sidérurgie pourrait connaître jusqu'en 1 97 5 une réduction se situant entre 2% et 1 0%. De même que pour l'évolution de la production, les différences sont assez sensibles d'un pays à l'autre et d'une rég ion à l'autre.

A côté de ces estimations quantitatives la Commission ne manque pas de mettre en relief la nécessité, pour l' industrie sidérurgique et les i nstances pu bl iques, d' intensifier leurs efforts en matière de formation de la main­d'œuvre, et l e cas échéant, en matière de reconversion de cel le-ci .

Relevons enfin que le Mémorandum de la Commission comporte, en dehors de quelques poi nts précédemment soulevés, d' importants dévelop­pements au sujet de la recherche, de la modernisation des i nstal lations, de la tai l le des usines et des entreprises, a insi que de la coopération inter-entre­prise.

B. Quelques hypothèses sur l'évolution de la sidérurgie luxembourgeoise jusqu'en 1 975

Vu le caractère fortement cycl ique du marché i nternational de l'acier, l 'établ issement de prévisions précises au sujet de la production sidérurgique l uxembourgeoise en 1 975 est une opération très dél icate. Les facteurs d' in­certitude i nhérents à de telles prévisions sont encore accrus par le fait q u'a priori on ne peut pas exclure le retour à une situation d'excédents de capaci­tés de production pouvant résulter des importants programmes d'investisse­ments qu i sont actuellement en cours de réal isation.

En faisant abstractio n des situations conjoncture l les anormales (boom ou dépression) pour l'année terminale, on peut toutefois avancer certa i nes «hypothèses de travai l» pour cerner l'évolution l a p lus probable.

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Partant des chiffres de production de l'année 1 969 - qui a été une année exceptionnellement favorable pou r les sidérurgistes - on peut admettre raisonnablement que le taux de croissance à moyen terme (et compte tenu du niveau élevé de l'année de base) pourrait se situer entre 2.5% et 3% par an.

A ce sujet, i l est peut-être intéressant de noter qu'au cours de la période de 1 960 à 1 965 - qui présente u ne certaine analogie avec la période de 1 969- 1 975, notamment en ce qu i concerne le haut niveau de production de 1 960 et l' importance exceptionnelle des investissements durant les années suivantes - le taux de croissance annuel moyen de la production d'acier brut a atteint 2.4%.

Sur la base de ces hypothèses de travail, on obtiendrait la production d'acier suivante pour 1 975:

+2.50% par an: 6 403 000 tonnes + 2.75% par an : 6 496 000 tonnes +3.00% par an: 6 592 000 tonnes.

Ces chiffres montrent que l'hypothèse centrale ( +2.75%) par exemple implique1·ait une extension des capacités de l'ordre de 1 mil l ion de tonnes, ce qu i constituerait évidemment une progression notable.

De 1 960 à 1 969, les entreprises sidérurgiques luxembourgeoises ont investi au total environ 296.5 mil l ions de dollars pour porter la production de 4.1 mil l ions à 5.5 mi l l ions de tonnes d'acier brut ( + 34.1 %) . En rapportant l'ensemble de ces investissements à l'extension de la capacité de production (ce qui est un calcul théorique, étant donné qu'une partie difficilement chiffrable de ces investissements a servi aux grosses réparations et à la modernisation des capacités existantes) on obtient une dépense moyenne de 21 1 dollars par tonne d'acier additionnelle.

Compte tenu de ce «paramètre», on pourrait évaluer les dépenses d'investissement pour cette période grossièrement à 1 0 mil l iards de francs à prix constants et à 1 1 - 1 2 mi l l iards à prix courants.

Comme le plan d'i nvestissement de la société A R B E D pour la période de 1 969 à 1 973 a prévu 6 mi l l iards d'investissements et que par a i l leurs ces prévisions seront sans doute dépassées par les réalisations à la suite des bons résultats financiers de 1 969 et 1 970, le montant d'investissements décou lant de notre hypothèse centrale paraît «plausible». On peut enfin relever que l'objectif d'investir 1 1 à 1 2 mi l l iards de francs en 6 ans donnerait u n in ­vestissement annuel moyen de 1 .8 à 2.0 mil l iards de francs, ce qui est un montant légèrement supérieur à la moyenne de la période 1 955-1 967 (en­viron 1 675 mil l ions par an) .

Quant à l'évolution de la main-d'œuvre, u n taux de progression annuel moyen de la production de 2.75% ne permettra sans doute qu'une com­pression très fai ble de la main-d'œuvre ouvrière, compte tenu notamment du phénomène de la réduction de la durée du travail . Les sidérurgistes évaluent l 'effectif ouvrier à 22 300 personnes environ pour 1 97 5, ce qui correspon­drait à une réduction du nombre des emplois de l'ordre de 300 à 400 unités

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par rapport au niveau 1 970. Compte tenu des départs naturels, l a sidérurgie devra toutefois engager quelque 5 200 ouvriers nouveaux - dont environ 1 660 «artisans» ou ouvriers qua l ifiés - durant la période de 1 97 1 à 1 975, ce qu i présente environ un q uart (23%) de l 'effectif ouvrier actuel. Relevons enfin que le nombre des employés de la sidérurgie poursuivra sans doute sa tendance à l 'augmentation de sorte que, dans l'ensemble, le personnel de la sidérurgie peut être considéré comme restant pratiquement constant au cours des prochaines années.

Enfin i l faut relever qu'actuel lement la société A R B E D participe au mou­vement de diversification i ndustrie l le du pays, par la constitution de deux entreprises nouvelles de «jo int venture» dont l 'une a pour objet la production de ferro-a l l iages a lors que la deuxième sera spécial isée dans l a production de câbles métal l iques pour carcasses de pneus.

En outre, dans le cadre de son programme de modernisation des i nsta l la­t ions de fabrication et d'expansion de produits plus élaborés, I 'AR B E D a décidé la construction, à Esch-sur-Aizette, d'un Centre de Recherches.

L'objectif prioritaire poursuivi par cette in itiative de I'ARB E D n'est pas de promouvoir la recherche fondamentale qu i restera réservée aux i nstituts spécial isés avec lesquels la société col labore à l'étranger, mais de concentrer et de rational iser la recherche appl iquée.

Pour résumer notre analyse des perspectives à moyen terme de la sidé-rurg ie luxembourgeoise, on peut donc retenir les tendances suivantes:

un rythme de croissance très lent de la production, qu i se situera pro­bablement aux environs de 2.5 à 3% par an et sera par conséquent inférieur à celui du reste de la production i ndustriel le l uxembour­geoise a i nsi qu'à celu i de la production sidérurgique communautai re; une légère réduction de l 'effectif ouvrier, qu i ne devrait toutefois pas poser de problème sur le marché de l'emploi, étant donné la pénurie actuel le et prévisible de la main-d'œuvre; une i ntensification des i nvestissements de modernisation et de ratio­nal isation a insi que de la recherche; la fermeture ou la mise en réserve de certai nes i nstal lations qu i ne sont plus rentables; une certaine dégradation des prix de l'acier et des marges bénéfi ­ciaires par rapport au niveau record des années 1 969 et 1 970, ce qu i se répercutera défavorab lement sur les finances publ iques.

Par conséquent, dans l'avenir immédiat la sidérurgie continuera à former un élément stabi l isateur dans la vie économique du pays, mais e l le ne pourra p l us jouer le rôle de la bonne fée qu i résout d'un tour de main les problèmes d u plein emploi, des salaires élevés et des recettes financières de l 'État.

Par contre, l 'horizon de l 'an 2000 nous semble être moins réconfortant, car face à l 'épuisement progressif des ressources m inières du bassin l uxembourgeois- lorra in, i l faut d'ores et déjà se poser la question de savoir quel le sera la base économique de la sidérurgie privée de ses ressourcés

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naturel les locales et la position concurrentielle de cel le-ci par rapport à la sidérurgie «Côtière».

4 . 23 Diversification de la structure industrielle et impact des industries nouvelles

4 . 231 H istorique: l es a n n ées 1 950

J usqu'à la f in des années 50 le monolithisme de la structure industriel le luxembourgeoise avait comporté avant tout des avantages pour l 'économie du pays.

En effet, la progression de la production, certes modérée mais néanmoi ns satisfaisante par comparaison à d'autres industries et aux pays étrangers, s'était accompagnée d'une évolution favorable des prix de l 'acier, de sorte que les entreprises, les particuliers et l 'État ont bénéficié d'u � accroissement rapide de leurs revenus.

Aussi l'établ issement. en 1 950, d'une usine de pneus de la société Goodyear à Colmar- Berg s'est- i l effectué en l'absence d'une politique systématique de diversification industrie l le de la part de l ' État. En outre, les a ides étatiques très modestes a l louées à l' industrie servaient uniquement à la modernisation des entreprises tradit ionnel les. I l n'est donc pas étonnant de constater que «l'in itiative Goodyear» n'ait pas été suivie d'autres im­plantations d' ind ustries nouvelles, encore que depuis 1 955 les entreprises américaines commencèrent à s'intéresser sérieusement à l'établ issement du Marché commun en Europe et à l ' implantation de f i l ia les a u sein des six pays pour pouvoir «combattre de l ' i ntérieur» cette nouvel le u nion douanière et économique en tra in de se créer.

En 1 956, le Gouvernement a certes entamé la construction du barrage d'accumu lation d'Esch -sur-Sûre pour pouvoir y i nstal ler une centrale électrique et accroître éventuellement les réserves en eau potable et i n ­d ustriel le (ce qu i l'a a idé beaucoup ultérieurement dans les négociations avec Du Pont de Nemours), mais les idées précises sur la d iversification de la structure i ndustrielle du pays firent encore défaut. La crise subite, i mprévue et particu l ièrement grave du charbon depuis 1 957 ne manqua cependant pas d'ébra n ler le cl imat général d'optimisme des mi l ieux officiels en mettant en évidence les risques d'une structure industriel le monolith ique de diffé­rentes régions voisines.

En 1 959, le G ouvernement commença aussi à s'inqu iéter du fait que, malgré les investissements considérables de capitaux américains dans les pays du Marché commun, le Luxembourg n'avait pas encore pu profiter j usque- là de cette création d'entreprises industriel les nouvel les. Il institua donc le «Board of l ndustrial Development», dont le but était d'établ i r des contacts avec les mil ieux industriels et bancaires américai ns et de faire connaître aux hommes d'affaires américains les avantages d'une éventuelle implantation d'une fi l iale à Luxembourg.

1 9 1

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En 1 960, le problème de la conversion et de la diversification prit une actualité part icul ière par la disparition de l' industrie du cu i r q u i menaça de chômage quelque 300 personnes dans une région par ai l leurs très peu i ndustrial isée. S i en l'absence d'une législation spécifique, mais grâce à des d ispositions budgétaires d iverses, le Gouvernement a pu résoudre rapide­ment ce problème, la conférence i ntergouvernementale sur la reconversion i ndustriel le organisée en 1 960 par la C.E .C.A. et la conférence sur les écono­m ies régionales convoquée par la C. E. E. en 1 961 mirent en évidence l'ab­sence d'u ne politique i ndustrielle et de moyens d'intervention adéquats au Luxembourg. I l fal lait donc combler au plus vite u ne lacune qui risquait de mettre le Luxembourg dans un état d'i nfériorité vis-à-vis de ses parte­naires, à u n m oment où s'accélérait l'élargissement des marchés sur le con­t inent européen et où la croissance économique tendait à devenir l'objectif primordial des politiques économiques nationales.

4 . 232 Le phénomène des i nvestissements américa ins en Europe

La pol itique de diversification i ndustrielle poursuivie par le Gouverne­ment luxembourgeois depuis le début des années 1 960 s'appuie en dernière analyse sur le flux de capitaux a mérica ins qui, depuis le mi l ieu des années 1 950, ont déferlé sur l' Europe et dont les gouvernements européens ont essayé de tirer un profit maximum en vue de la solution de leurs problèmes de plein emploi, d'expansion i ndustrielle et d'équi l i bre régional . Par consé­quent, avant d'analyser plus en détai l la politique des autorités luxembour­geoises, il convient de mettre en relief quelques traits caractéristiques de ce vaste mouvement de capitaux qui a été la condition sine qua non du succès de cette politique (cf. tableau no 75) .

1 . Au vu des chiffres du tableau suivant on constate que les i nvestisse­ments américa ins en Europe ne représentent qu'une partie, certes croissante, mais néanmoins m ineure des i nvestissements d irects a méricains dans le monde (on fait abstraction des i nvestissements de portefeui l le) . En outre, environ 70% des i nvestissements américains en Europe concernent les pays du Marché commun.

2. La motivation des i nvestissements a mérica ins en Europe est con­stituée essentiellement par la recherche de nouveaux débouchés par les firmes a mérica ines. C'est pourquoi le Marché commun, qu i a ouvert, à cet égard, de vastes perspectives, a joué le rôle de pôle d'attraction pour les i nvestisseurs américains. Il faut en outre relever la structure i nternationale des taux d'intérêt a insi que la d ifférence des rende­ments du capital qu i ont favorisé les déplacements de capitaux à long terme des États-U nis vers l'Europe.

3. La m ajeure partie des investissements d irects américains en Europe n'ont pas été financés par l'exportation de capitaux américains, mais par des emprunts sur le marché européen ainsi que par le réinvestisse­ment des bénéfices des f i l ia les européennes de sociétés américaines.

4. Pour ce qu i est de l'évolution d'une a nnée à l'autre des i nvestisse­ments américai ns en Europe, on constate d'amples fluctuations qu i

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s'expliquent en grande partie par la situation conjoncturelle aux États- U nis et en Europe qu i a conditionné à la fois le montant des ressources propres des sociétés et les a nticipations des entrepreneurs.

Tableau no 75

Investissements américains à l'étranger (1 960-1 969)

Source: Survey of Current Business no 1 0/1970 Unité: mio de dollars

Année

1 960 . . . . . . 1 961 . . . . . . 1 962 . . . . . . 1 963 . . . . . . 1 964 . . . . . . 1 965 . . . . . . 1 966 . . . . . . 1 967 . . . . . . 1 968 . . . . . . 1 96� . . . . . .

Investissements directs américains à l'étranger Exportations de capitaux américains pour

1 investissements directs Monde 1 Europe

Situation Variation Situation Variation Monde Europe cumulée annuelle cumulée annuelle

31 865 6 691 1 674 962 34 717 +2 852 7 742 +1 051 1 599 724 37 276 2 559 8 930 1 1 88 1 654 868 40 736 3 460 1 0 340 1 41 0 1 976 924 44 480 3 744 1 2 1 29 1 789 2 328 1 388 49 474 4 994 1 3 985 1 856 3 468 1 479 54 799 5 325 1 6 234 2 249 3 661 1 834 59 491 4 692 17 926 1 692 3 1 37 1 458 64 983 5 492 1 9 407 1 481 3 209 1 001 70 763 5 780 21 554 2 1 47 3 070 1 1 58

Par a i l leurs, il faut tenir compte de la politique monétaire, f inan­cière et fiscale des autorités américaines qu i, depuis 1 963, ont essayé d'enrayer ce mouvement de capitaux pour des raisons d'équi l ibre de leur balance des paiements. A ce sujet, il convient de mentionner spécialement l'«l nterest Equalization Tax» du 2 septembre 1 964 dont le domaine d'appl ication a été progressivement étendu au cours des a n nées suivantes, a insi que les mesures du «Vol untary Foreign Credit Restreint» de février 1 965.1

L'évolution cyclique des exportations de capitaux américai ns s'est évidemment traduite dans les réalisations de la politique luxem­bourgeoise de d iversification industrielle.

5. S i la répartition sectoriel le des i nvestissements américai ns varie selon les régions du m onde où i ls s'effectuent, en Europe ceux-ci se sont concentrés essentiellement sur les i ndustries mécaniques et élec­triques, le secteu r du pétrole a insi q ue l' i ndustrie ch imique.2

1 cf. Carla BARELLA: Prêts à long terme et investissements des Etats- Unis à l'étranger dé 1 958 à 1 968. Cahiers de I'I .S. E.A. Tome I l l - N° 3 - mars 1 969, pages 517�546.

2 cf. Fernand B RAUN: «L'inventaire statistique des investissements étrangers en · Europi:m: dans «Les investissements étrangers en Europe»: Dunod 1 969. Collec­tion de l' I nstitut d'administration des entreprises de l'université de Paris,

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6. Les i nvestisseurs a mencains ont surtout procédé par création de f i l iales d irectes, alors que les rachats ou les prises de participation majoritaire ont représenté moins d'un quart des fonds i nvestis.

4 . 233 Instruments de la politique de reconversion et de diversification industrielles; Loi-cadre du 2 juin 1 9621

Depuis 1 948, un règlement du M in istre des Finances prévoit la possibi l ité d'octroyer des crédits d'équ ipement aux petites et moyennes entreprises i ndustriel les (dont les fonds propres se chiffrent à moins de 50 mi l l ions de francs) en vue de la modernisatio n de celles-ci . Le total des crédits d'équ ipe­ment a lloués en vertu de ce règlement s'est élevé à 6 1 0 mi l l ions de francs pour la période 1 948-1 962, dont 45. 1 % sont revenus à l ' industrie chimique, 1 7.8% aux i ndustries métal l iques et 6.7% aux i ndustries extractives.

En outre, depuis 1 958, certains crédits budgétaires spéciaux ont servi avant tout à surmonter l a crise régionale de Wiltz, consécutive à l'arrêt de l ' i ndustrie du cuir. Dans l'ensemble, ces mesures, d'ai l leurs très l imitées, ont servi avant tout à renflouer certai nes entreprises en difficultés passagères.

C'est la loi-cadre du 2 juin 1962 (qui a trouvé son i nspiration dans deux lois belges de 1 959) .qui a comblé une i mportante lacune dans la politique économique luxembourgeoise en instaurant et en coordonnant d iverses mesures «en vue d'améliorer la structure générale et l'équi l ibre régional de l'économie nationale et d'en stimuler l 'expansion>>.

Sont considérés comme conformes à cet objectif, d'après le texte de la lo i :

«l'occupation d'une mai n-d'œuvre en état de chômage ou de sous­emploi; «la création d'industries nouvelles et la fabrication de produits nouveaux; «le développement d' industries existantes s'adaptant aux conditions nouvelles du marché; «l'util isation plus rationnel le des ressources économiques du pays;

- «l'amélioration des conditions du travai l o u d'exploitation suscepti­bles d'accroître la productivité ou la rentabi l ité des entreprises ou la qua lité des produits;

- «la création ou le développement de l'éq u ipement de recherche des entreprises ou la coopération des entreprises en matière de recherche».

Cette énumération montre que le législateur a entendu englober tous les aspects de la réforme des structures i ndustrielles et économiques devenue i néluctable, en prévoyant à côté de l'aide au développement d'entreprises et de produits nouveaux, l 'amélioratio n de la productivité, les investisse­ments de recherche et le redressement de l'équ i l ibre régional . Le champ d 'appl ication de cette lo i s'est étendu à toutes les entreprises industrielles, artisanales et commerciales. Les aides étatiq ues prévues sont résumées

1 STATEC: La politique gouvernementale de reconversion et de diversification in­dustrielles. 1 967.

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d e l a manière suivante dans la plaquette spéciale d u STATEC: «La politiqu e d e reconversion e t d e d iversification industrielles» (1 967, page 7 ) :

- «des bonifications d' intérêts sous forme de subventions accordées par l' État a ux établ issements de crédit agréés pour leur permettre de consentir des prêts à des taux réduits; la garantie de l 'État, qu i peut être attachée a u remboursement en capital, i ntérêts et accessoires des prêts consentis par les établisse­ments de crédit; la subvention en capital, destinée à financer soit u ne partie des i nvestissements nouveaux, soit tout ou partie des frais de réadapta­tion professionnelle de la main-d'œuvre, en cas de conversion d'entreprises, ou des frais de formation technique de la main-d'œuvre, en cas de création d'entreprises; la mise à d ispositio n (p. ex. vente ou location) de terrai ns préalable­ment acquis et a ménagés par l'État ou les communes; les dégrèvements fiscaux, c'est-à-dire l'autorisation pour les inté­ressés de déduire du bénéfice commercia l une q uote-part du prix d'acquisition ou de revient des i nvestissements nouveaux a insi q u e l'exemption fiscale d u q uart du bénéfice attribuable à des activités nouvelles».

Ces d ifférentes a ides peuvent être al louées, soit séparément soit cumula-tivement, d'après les critères suivants:

- mérites propres du projet au point de vue économique et social - effort f inancier du demandeur - difficu ltés locales ou régionales de l a réalisation d u projet.

Le règlement grand-ducal du 1 9 décembre 1 964 a prorogé les avantages passagers prévus dans la lo i-cadre de 1 962 pour la période a l lant j usqu'à l a fin de l'année 1 966. Enfin la lo i -cadre a été reconduite avec certai nes légères modifications, par la loi du 5 août 1 967 pour une nouvel le période a l lant j usqu'en 1 971 .

Le coût pour le Trésor de ces mesures d'aide s'est élevé aux montants suivants:

a. bonifications d'intérêt 1 962: 3.5 mi l l ions de F 1 963: 1 7.6 mi l l ions de F 1 964: 1 5.0 m i l l ions de F 1 965: 1 3.5 mi l l ions de F

b. subventions en capital 1 963: 2.2 mi l l ions de F 1 964: 6.3 mi l l ions de F 1 965: 7.1 mi l l ions de F

c. déchets d'impôts 1 962: 79.3 mi l lions de F 1 963: 1 34.9 mi l lions de F 1 964: 1 55.6 mi l l ions de F 1 965: 1 81 .0 mi l l ions. de F

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d. Relevons enfin que la garantie de l'État a porté, en 1 963, sur 750 000 F et, en 1 965, sur 3 700 000 F alors que le plafond autorisé par la lo i s'est situé à 200 mi l l ions de F (voire 400 mi l l ions après avis du Conseil d'État) .

B ien qu' i l n'existe pas de données statistiques pour les années plus récentes, on peut constater que les exemptions fiscales ont joué de lo in le principal rôle dans l'arsenal des moyens d'intervention de l'État.

4.234 Vue d'ensemble sur les principales réal isations1

Depuis l'entrée en vigueur de la lo i-cadre, l'événement le plus marquant en matière d'expansion et de diversification i ndustrielles a été la décision des sociétés américaines D U P O NT D E N EM O U RS et M O N SANTO de choisir également le Grand- D uché pour étendre leur activité i ndustrielle en Europe.

La production a démarré en j u i n 1 965 chez Du Pont de N emours et au cours du deuxième semestre de la même a nnée chez M onsanto.

Evolution de Du Pont de Nemours et de Monsanto

Constitution Début Effectif' de la production

1 965 1 1 970

Du Pont de Nemours . . . . . Décembre 1 962 Juin 1 965 298 578 Monsanto . . . . . . . .. . . . . . AoOt 1 963 Fin 1 965 1 30 1 1 1 3

1 Perspectives 1 975: environ 2500 unités au total.

En 1 969 le Gouvernement a entendu profiter de la haute conjoncture de l'économie mondiale pour procéder à une relance de sa pol itique de diver­sification industriel le. Celle-ci a comporté notam ment une m ission d'infor­mation aux Etats- U nis par le M inistre de l'Economie N ationale et la proro­g ation pour deux ans des délais prévus pour l 'application des avantages fixés dans la lo i-cadre du 5 août 1 967 et concernant le dégrèvement fiscal à accorder à des exploitations de fabrications nouvelles (art.6 ) . Ces efforts ont abouti à la fois à d' importantes extensions d'entreprises de création récente et à la construction de d iverses entreprises nouvelles.

Parmi les travaux en cours de réalisation, i l faut citer en premier l ieu l ' instal lation à Colmar- Berg de l 'usine «LUXMOLD». Cette nouvelle usine du groupe G O O DYEAR a pour objet la fabricat ion de moules pour pneus. L'investissement i n it ial projeté est de l'ordre de 250 mi l l ions de francs et entraîne la m ise en place d'un équipement de haute valeur technique a insi que la création de quelque 200 emplois nouveaux.

1 cf. Bul letin du STATEC no 8/1 970.

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En outre, les instal lations industrielles de GOO DYEAR Colmar- Berg sont actuellement complétées par l'aménagement d'un C I R C U IT D'ESSAI d'un coût global d'environ 50 mi l l ions de francs.

En février 1 970 la société G OO DYEAR a annoncé la construction à B issen d'une usine nouvel le destinée à la fabrication de câbles d'acier pour entoi lages de pneumatiques. La société «LUXW I R E S.A.» créée à cet effet procédera à u n i nvestissement d e l'ordre de 375 mi l l ions de francs. La nouvelle entreprise - la première de G OO DYEAR dans le secteur du câble d'acier - fabriquera des fils d'acier pour les usines à pneumatiques de l'en­semble du groupe.

En ma i 1 970, la société G O O DYEAR a annoncé en outre sa décision de doubler la capacité de production de l 'usine d'entoilages «LUXE M B O U RG I N D USTR I ES S .A.». Les dépenses d'investissements requises sont estimées à 327 mi l l ions de francs et entraîneront la création de quelque 1 20 emplois nouveaux.

Evolution de Goodyear

Constitution Début Effectif de la production

1 951 1 965 1 970

Goodyear . . . . . . . . . . 1 950 1 951 396 1 634 1 979 Luxembourg Industries . 1 968 1 969 220 Luxmold . . . . . . . . . . . 1 969 1 970 1 02 Luxwire . . . . . . . . . . . 1 970 1 971 2001

2 300 à 25002

1 Projets 1 971 . 2 Perspectives pour 1 975: 3 500 unités au total.

Ainsi le programme de fabrication G oodyear Luxembourg s'est considé­rablement d iversifié, de sorte que les usines grand-ducales de la société forment dorénavant un complexe i ntégré très complet. L'infrastructure i n ­dustrielle g lobale créée depuis 1 951 paraît avoir atteint le stade d e non­retour.

Au cours de l'année 1 969, M O N SANTO a annoncé un programme d'ex­pansion i ndustrielle comportant notam ment un certai n élargissement de la gamme des produits et la création d'u n CENTRE D'ASSISTANCE TECH­N IQU E à la d isposition de la clientèle. A moyen terme, la réalisation de ce programme devrait comporter la création progressive de quelque 400 à 500 emplois nouveaux.

De son côté, DU PONT DE N EM O U RS a a nnoncé le 20 mai 1 970, la création d'une nouvelle usine, « D U PO NT P H OTOLUX S.A.». Celle-ci est

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destinée à la production de «CRONAR» qu i est u n feu i l polyester servant de matière de base à l ' industrie photographique. L'investissement sera de l'ordre d'un m i l l iard de francs et entraînera la création d'une centai ne d'em­plois nouveaux, ce qu i correspond à 1 0 mi l l ions par emploi, soit le plus fort i nvestissement par personne occupée constaté depuis le début de la pol i ­t ique de diversification i ndustrielle.

Cet aperçu montre très nettement un certai n effet cumulatif de la poli ­t ique de diversification industrielle en ce sens que la création récente d'em­plois nouveaux est en majeure partie le fait d'entreprises établ ies depuis quelques années dans le pays, et qui, après leur période de démarrage, étendent leurs affaires. Toutefois, à côté de la croissance des entreprises de date récente, l ' implantation d'unités nouvelles reste un objectif prioritaire pour le Gouvernement qu i a mené d'importantes négociations avec plu­sieurs groupes i ndustriels étrangers.

A la suite de ces négociations, la société «GEN ERAL MOTO RS SCOT­LAN D LI M ITED» a décidé le 1 e r décembre 1 969 d'implanter une filiale à Bascharage; celle-ci sera spécialisée dans la fabrication de camions et de chargeurs de gros tonnage, dont la demande a connu en Europe u ne expan­sion particul ièrement rapide au cours des dernières années. L'investisse­ment total est de l'ordre de 330 mi l l ions de francs et fournira un emploi à q uelque 400 ouvriers et employés. Cette nouvelle i mplantation est d'autant plus i ntéressante pour l'économie l uxembourgeoise qu'une partie de la pro­duction résultera de contrats de sous-traitance et que par ai l leurs des entre­prises existantes produisent deux des matières premières uti l isées les plus i mportantes, à savoir l'acier et les pneus. Si , à moyen terme, l a société «G EN ERAL M OTO RS LUXEM B O U R G S.A.» devait connaître un développe­ment ana logue à celu i de q uelques a utres entreprises nouvelles d'envergure, el le pourrait contribuer largement au maintien de l'équ i l ibre économique et social dans le sud du pays.

Enfin, en mai 1 970, les sociétés A R B E D et NATIO NAL STANDARD C O M PANY ( N i les, Michigan) ont rendu publ ique leur décision de créer en commun u ne usine destinée à la production de câbles métal l iques pour carcasses de pneus. I l s'agit, en l'occurrence, d'un produit de tréfilerie de haute qual ité, comportant une technologie très poussée et dont les deux partenaires possèdent, à la suite de leur longue collaboration, u ne grande expérience.

L'investissement de démarrage est estimé à 500 mi l l ions de francs et l'usine occupera 250 à 300 personnes. Le l ieu de l ' implantation se situera entre Bettem bourg et D udelange.

'

4.235 L'impact des industries nouvelles sur l'économie l uxembo u rgeoise

Le mouvement de diversification i ndustrielle a pris au cours des dernières années une ampleur considérable, à tel point que des mutatio ns dans la structure géographique et économique de notre pays deviennent apparentes. Dans un premier bi lan, forcément provisoire, étant donné que certai nes

1 98

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entreprises sont encore dans leur phase de démarrage, nous essayerons de relever quelques-uns des aspects les plus i mportants de l'i ncidence des industries nouvelles sur l'économie.

4 . 2351 Analyse g lobale

Abstraction faite de c inq échecs, le nombre des entreprises nouvelles (à l'exclusion des centrales hydro-électriques) créées depuis 1 959 s'élève à 50 au mi l ieu de 1 970.

Le capital socia l des nouvelles entreprises se chiffre à quelque 2.7 mi l l iards de francs sans la Société Electrique de l'Our (S.E. O.) et à 4 mi l l iards de francs avec la S. E.O. L'investissement total est d'environ 6 mi l l iards de francs sans la S .E. O. et de 8 mi l l iards avec la S.E. O. Même en tenant compte des avances de fonds consenties par les maisons-mères, on peut admettre qu' i l y a eu u n recours i mportant au marché des capitaux. Sur 1 0 a ns les i nvestissements représentent en moyenne annuelle plus de la moitié de ceux de la sidérurgie; ce chiffre élevé s'expl ique par le fait qu'i l s'agit en majeure partie d'investissements de démarrage.

Le personnel des i ndustries nouvelles sans la société Goodyear S.A. est passé de 4 686 unités en 1 969 à 5 434 un ités en 1 970, ce qu i correspond à u n accroissement de 748 emplois ou de 1 6% d'une année à l'autre. En com­parant les chiffres de 1 970 à ceux de 1 963 - où le personnel des industries nouvelles a atteint 1 033 un ités seulement - on constate une augmentation globale de 4 401 emplois.

Compte tenu de la société Goodyear, le nombre des emplois nouveaux créés grâce à l a d iversification de notre structure industrielle s'est chiffré à 7 41 3 unités en 1 970 (1 er ju i l let) et pourrait dépasser 1 1 000 unités vers 1 975.

La valeur ajoutée des industries nouvelles (sans Goodyear) a représenté en 1 968 - dernière année pour laquelle les chiffres sont disponibles -1 3.8% de la valeur ajoutée de l'ensemble des i ndustries (y compris la con­struction) ou 28.0% de celle de l' industrie sidérurgique.

Comme l a valeur ajoutée des industries nouvelles s'est accrue de 2 051 mil l ions de francs entre 1 963 et 1 968, a lors que la valeur ajoutée de l'ensemble des industries a augmenté de 5 1 62 mi l l ions durant la même pério­de, on peut d i re que la croissance des industries nouvelles (sans Goodyear) explique 40% de la croissance de l'ensemble des industries.

Enfin, la contribution des industries nouvelles explique 20% de la crois­sance du P.N.B. luxembourgeois, enregistrée durant la période de 1 963 à 1 968.

4 . 2352 Analyse sectorielle

La venti lation sectoriel le des nouveaux emplois créés grâce à la diversi­fication industriel le montre que plus des deux tiers de ceux-ci ont renforcé la position de l' industrie chimique. ( I l y a toutefois l ieu de signaler que pour

1 99

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Tableau n° 76 Importance relative des industries nouvelles

ù nités: Chiffres globaux: Mill iard de francs

Source: Bulletin du STATEC n° 8/1970 Chiffres par personne: Millier de francs Parts en %

Valeur brute de la production • • . . . . . . . • Valeur des exportations' . • . . . . . . . . . . . . Valeur ajoutée brute . . . . . . · · · · · · · · · · · Valeur ajoutée nette · · · · · · · · · · · . . . . . . lnvestissements2 • . . . . . . . . • . . . • . . . . . • I nvestissements par personne active2

(moyenne 1 966-1 968) (moyenne 1 963-1 968)

. . . . . . . . . . . · · · · · · · . . . . Population actives (en unités) • . . • . . . . . Valeur ajoutée brute par personne active

Salaires et traitements bruts . . . . . . . . . . . Salaires et traitements par personne active

Il Industries nouvelles

1 966 1 1 967 1 1 968

3.6 3.4 5.0 2.9 2.8 4.2

1 .4 1 .2 2.3 1 .0 0.8 1 .9

0.5 0.9 1 .0

..,.._ 239.0 _,.. -<1(- 504.0 _,..

3 1 75 3 299 3 869 442 379 598

0.5 0.6 0.7 1 68.6 1 77.0 1 77.0

1

Part des industries nouvelles en %

dans l'ensemble des industries

1 966 1 967 1 1 968

1 0.5 1 0.2 1 3.4 1 3.3 1 2.2 1 6.4

9.6 8,6 1 3.8 9.1 7.8 1 4.7

1 5.4 38.0 35.3

6.0 6.6 7.8

6.5 6.8 7.8 1 07.2 1 03.8 1 00.1

1 par

rapport à la si­dérurgie

1 968

27.4 23.8

28.0 34.3

1 38.0

1 6.2

1 4.5 89.9

SANS LES CENTRALES HYDRO-ÉLECTRIQUES· (S.E.O. + CENTRALES ÉTATIQU ES)

Valeur brute de la production . . . . . . . . . • 3.1 2.9 4.4 9.0 8.6 1 1 .9 24.4

Valeur ajoutée brute · · · · · · · · · · . . . . . . . 0.9 0.7 1 .8 6.2 5.1 1 0.8 22.0 Valeur ajoutée nette . . . . . . · · · · · · · · · · · 0.7 0.5 1 .6 6.0 4.8 1 2.2 28.4

lnvestissements2 • • . . . . . . . . . . . . . . . • . . 0.5 0.9 0.7 1 4.6 36.1 25.3 99.0

Investissements par personne active2 (moyenne 1 966-1 968) . . . . . . . . . . . ..,.._ 205.2 _,.. (moyenne 1 963-1 968) . . . . . . . . . . . ..,.. _ 327.1 _ ,..

Population active3 (en unités) · · · · · · · · · 3 051 3 1 70 3 741 5.8 6.3 7.5 1 5.6 Valeur ajoutée brute par personne active 293 235 485

1 Sans les exportations des laiteries, de l'industrie du vin, de la construction et de la branche «élec­tricité, gaz, eau».

2 Sans les investissements à caractère social.

a Moyenne de l'année.

200

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des raisons de secret statistique la branche l uxembourgeoise «chimie» porte aussi sur les activités relatives à la fabrication de pneus) .

Cet aspect est d'autant plus i ntéressant pour l'économie l uxembourgeoise que l' industrie chimique figure parmi les i ndustries à croissance rapide et est caractérisée d'ai l leurs_ par le niveau élevé de la valeur ajoutée par personne active.

La deuxième bra nche à avoir profité du mouvement de diversification i ndustrielle concerne les fabrications métal l iques. En ajoutant les entreprises des métaux non ferreux on constate que les emplois nouveaux créés dans ce secteur représentent environ 1 7% de l'ensemble des emplois industriels nouvellement créés. Ce pourcentage va d'ai l leurs encore augmenter rapide­ment au cours des années à venir avec la mise en service des usines en cours de réalisation de Luxmold, Luxwire, A R B E D - National Standard et General M otors.

Enfin le mouvement de diversification industriel le a été moins i ncisif pour les i ndustries du texti le et de l'habil lement, des produits a l imentaires, d u tabac et du bois.

Si, en matière d'énergie et d'eau, le nombre d'emplois nouvellement créés est peu élevé, par contre la structure de la production énergétique et les conditions d'approvisionnement en eau ont changé profondément par suite de la mise en service des centrales hydro-électriques.

Tableau no 77

Industries nouvelles: emplois par secteur

Source: Bulletin du STATEC no 8/1 970 en %

Branches industrielles I l 1 963 1 1 964 1 1 965 1 1 966 1 1 967 1 1 968 1 1 969 1 1 970

Industrie des produits ali-mentaires . . . . . . . . . . . . . 3.1 2.8 2.8 2.4 2.2 2.0 2.3 2.7 Industrie du tabac . . . . . . 1 .4 1 .9 1 .5 1 .3 1 .2 1 .3 1 .0 Industrie des produits mi-néraux non métalliques . . 0.1 0.1 0.7 1 .4 1 .5 1 .9 Industrie des métaux non ferreux . . . . . . . . . . . . . . 0.4 0.9 0.7 0.7 0.8 1 .1 1 .2 2.5 Fabrications métalliques 7.8 8.1 8.0 7.5 8.3 1 0.9 1 1 .5 1 4.4 Industrie du bois . . . . . . . 4.3 3.8 3.7 2.8 2.2 1 .3 1 .3 1 .4 Industrie chimique . . . . . . 72.7 71 .0 73.0 77.3 77.6 74.8 72.9 68.8 Industrie textile et d'habil-lement . . . . . . . . . . . . . . 7.5 8.5 6.7 4.8 4.1 3.5 4.3 4.2 Énergie électrique, gaz, eau 4.2 3.5 3.1 2.6 2.5 2.2 2.2 2.0 Construction . . . . . . . . . . 0.3 0.3 1 .6 1 .5 1 .1

Total . . . . . . . . . . . . . . . . . 1 00.0 1 00.0 1 00.0 1 00.0 1 00.0 1 00.0 1 00.0 1 00.0

Chiffres absolus Total sans Goodyear 1 033 1 603 2 1 1 1 3 1 1 2 3 462 4 056 4 686 5 434 Total y compris Goodyear 2 1 91 3 030 3 745 4 890 5 254 5 9 1 3 6 61 4 7 413

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A ce sujet i l convient de citer aussi quelques extraits des conclusions de l'étude: « I ndustrie d'avenir, Marché Commun et Province de Liège» (1 962) de Louis E. DA V I N et de Jean LE PAS; ces auteurs ont fait une analyse sys­tématique des industries nouvel les qu i pourraient être implantées dans la province de Liège en vue d'en stimuler la croissance économique.

Les secteurs finalement retenus sont - et ceci confirme la bonne orien­tation de l ' industria l isation l uxembourgeoise - les fabrications métal l iques, mécaniques et électriques et l ' industrie chimique, cela pour les raisons suivantes:

«1 . Les secteurs sont ceux où semble s'être manifestée l'expansion la p lus remarquable en ces dernières a nnées;

«2. Ces productions o nt une valeur ajoutée qui dépasse 50% du chiffre d'affaires d u secteur ( . . . . ) . et peuvent a insi produire des flux de revenus satisfaisants;

«3. Ces productions sont obtenues par u ne mécanisation accrue des processus de fabrication, ce qui est de nature à porter partiel lement remède aux insuffisances de la force de travail;

«4. Le degré d'élaboration de ces produits permet de suppléer à notre pauvreté en matières premières par l 'exploitation de notre savoir faire.»1

Les auteurs précités o nt donc procédé à un examen déta i l lé (avec son­dage auprès des i ndustriels) des ressources et des besoins de ces deux sec­teurs dans la province de Liège (dont la structure économique rappelle par plus d'un point cel le du Grand-Duché), dans I'U E B L et dans le Marché commun (qui concernent au même degré les Luxembourgeois que les Belges) . D'après ces a uteurs «le secteur des fabrications métal l iques paraît u n relais de croissance tout indiqué pour la province de Liège, foyer tradi­tionnel de l ' industrie métal lurgique. Encore l 'orientation devrait-el le néces­sairement se faire dans la direction de fabrications jeunes et nouvelles.»2

Parmi les nombreuses suggestions en possibi l ités de productions nou­velles citées dans cette étude, on peut relever:

- les pompes, compresseurs, machines et outils pneumatiques et similaires; le matériel de manutention et de terrassement; les machines à empaqueter et à emballages; les rou lements à b i l le et a utres; le matériel de transmission mécanique et enfin de nombreux apparei ls électriques simples.

D'ai l leurs le succès de longue date et la créatio n récente d'entreprises l uxembourgeoises dans l 'une ou l'autre de ces productions (p. ex. S ECALT, C LEVELAN D TRAM RAI L, C O M M ERCIAL HYD RAU LICS etc.) confirme cette thèse et montre suffisamment que le champ l ibre aux i nitiatives coura­geuses reste large.

1 Louis E. DA VIN et Jean LE PAS, op. cit., p . 25. 2 Louis E. DA VIN et Jean LE PAS, op. cit., p. 27.

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E n ce q u i concerne l'i ndustrie chimique, d'après L. E. Davin et J. Le Pas1 «on peut, sans trop schématiser, affirmer que ce secteur a été à la base de tous les progrès spectaculaires de la technologie moderne ( . . . ) .» «La gamme d e création et d'uti l isation de produits nouveaux, notamment carbo­chimiques et pétro-chimiques, étant presque sans l imite, le secteur offre d' immenses perspectives d'avenir ( • . . )»

4 . 2353 Analyse régionale

La ventilation par commune et par canton des nouveaux emplois i ndus­triels révèl e qu'un tiers environ de ceux-ci sont local isés dans le canton de Mersch. A part quelques entreprises de moindre envergure, cet essor est évidemment à mettre au compte du groupe G oodyear établ i à Colmar- Berg.

De son côté l ' implantation de Monsanto à Echternach a fait ranger le canton du même nom à la deuxième p lace ( 1 5.4%) quant au nombre des em­plois nouveaux.

Viennent ensuite les cantons de Wiltz, de Luxembourg, de Diekirch et de Capellen, dont la part respective dans le total des emplois nouveaux créés se situe e ntre 1 1 .1 % et 8.5%

Tous les autres cantons représentent chacun moins de 5% dans la ven­tilation rég ionale des emplois industriels nouveaux, et le canton de Remich est le seul à ne pas avoir bénéficié j usqu'ici de l ' implantation d'une entreprise ndustriel l e nouvelle.

Tableau no 78

Industries nouvelles: emplois par canton

Source: Bulletin du STATEC n° 8/1 970 en %

I l 1 963 1 1 964 1 1 965 1 1 1 967 1 1 968 1 1 969 1 Subdivision territoriale 1 966 1 1 970

Capellen . . . . . . . . . . . . . 3.6 6.3 5.3 3.7 4.1 6.4 8.1 8.5 Esch/ Alzette . . . . . . . . . . 0.7 0.8 0.7 0.7 0.9 1 .4 1 .4 1 .6 Luxembourg-Ville . . . . . . . 0.8 0.6 0.5 0.6 0.5 0.4 0.4 0.7 Luxembourg-Campagne . . 1 .0 5.0 1 0.5 1 1 .0 1 1 .9 1 0.3 1 0.5 9.8 Mersch . . . . . . . . . . . . . . 54.9 48.8 45.3 38.2 35.8 33.1 33.5 33.0 Clervaux . . . . . . . . . . . . . 3.1 4.2 4.1 4.3 4.6 5.3 3.8 4.8 Diekirch . . . . . . . . . . . . . . 7.1 7.4 8.7 6.7 6.3 7.5 8.4 9.2 Redange . . . . . . . . . . . . . . 0.3 0.6 0.6 0.6 0.6 0.6 1 .1 1 . 1 Vianden . . . . . . . . . . . . . . 3.2 2.8 2.5 2.1 2.1 2.5 2.7 2.6 Wiltz . . . . . . . . . . . . . . . . . 20.8 1 6.2 1 5.6 1 3.6 1 3.6 1 2.9 1 1 .6 1 1 .1 Echternach . . . . . . . . . . . 1 .2 4.7 4.3 1 7.0 1 8.1 1 8.4 1 6.3 1 5.4 Grevenmacher . . . . . . . . 3.3 2.6 1 .9 1 .5 1 .5 1 .2 2.2 2.2 Remich . . . . . . . . . . . . . . .

Total . . . . . . . . . . . . . . . . . 1 00.0 1 00.0 1 00.0 1 00.0 1 00.0 1 00.0 1 00.0 1 00.0

1 Louis E. DA VIN et Jean LE PAS, op. cit. p. 50 et 51

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Dans l'ensemble, on peut donc constater que la politique de diversifi­cation i ndustriel le a eu un effet décentral isateur i ndéniable et qu' i l a donné une impulsion vigoureuse à l'activité économique de certaines régions en perte de vitesse.

4.236 Les perspectives d 'avenir

Dans l'ensemble, les résultats de la pol itique de reconversion et de diver­sificatio n industriel les ont été particul ièrement avantageux pour l'économie l uxembourgeoise, à la fois par le renforcement du secteur des fabrications métal l iques et par le développement du secteu r de la chimie, secteur d'avenir par excel lence. A cela il faut ajouter l 'amél ioration de la structure régionale de l'économie et l' instal lation au G rand- D uché d'importants laboratoires de recherche.

Comme la p lupart des entreprises nouvel les dépendent de puissants groupes i nternationaux, on peut s'attendre à les voi r conserver leur dyna­misme au cours des a nnées à venir. L'exemple de G O O DYEAR et les projets à moyen terme de M O N SANTO et de D U PONT D E N EM O U R S montrent que l' i ndustrie chimique pourrait devenir à l'avenir le principal secteur de croissance de l' industrie luxembourgeoise.

En ce qui concerne l' implantation future d'autres entreprises nouvel les, l e Gouvernement devra s e reporter avant tout, comme par le passé, à l'esprit d'entrepreneur et au «know how» des industriels étrangers. En outre la p lu­part des pays voisins du Luxembourg ont amélioré les conditions fiscales et a utres q u'i ls entendent offrir aux i nvestisseurs étrangers i ntéressés à l' i n ­stal lation d 'une usine nouvelle en Europe, de sorte que la compétition pour attirer l es capitaux étrangers devient plus acharnée, notamment entre le G ra nd - D uché, la province belge du Luxembourg, la Lorraine, la région de Trèves et de la Sarre. U ne politique d'industrial isation commune s'i mpose donc dans le cadre du Marché commun.

A moyen terme, le Luxembourg garde toutefois quelques atouts de poids comme lieu d'implantation d'usi nes nouvelles, parmi lesquels on peut citer notamment:

sa position géographique centrale dans le Marché commun;

l a stabi l ité des i nstitutions politiques et la paix sociale;

la productivité élevée de la mai n-d'oeuvre;

les disponibi l ités en énergie électrique et en eau i ndustrielle;

Sur la base des projets actuellement connus on peut d'ores et déjà prévoir que d'ici 1 975 le secteur des industries nouvelles donnera l ieu à la création de quelque 3 950 emplois supplémentaires, dont 2 965 emplois provien­dront de la création d'unités de production nouvelles et 985 emplois de l 'ex­tension des entreprises de création récente.

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Ainsi, en 1 975, les effectifs occupés par les industries nouvel les pourront se chiffrer à 1 1 365 unités environ, ce qui correspond à un taux de croissance a nnuel moyen de 9% environ et impl ique le recrutement de 790 personnes actives supplémentaires par an. Il est évident que si d'autres entreprises devaient encore se décider à implanter u ne usine nouvel le a u G rand - Duché, les chiffres précités devraient être revisés vers le haut en conséquence. Enfin, en 1 975, le groupe Goodyear sera le deuxième employeur privé du pays avec un personnel se chiffrant à environ 3 500 à 4 000 u nités.

Le montant des investissements relatifs à la deuxième phase de la diver­sification industriel le (1 969-1 975) peut être estimé à quelqu e 8.9 mil liards de francs au total ou à 1 .3 mil l iards par a n, soit environ les deux tiers des i nvestissements sidérurgiques (contre % pour la période 1 960-1 968) .

Les chiffres précités sur l'emploi et les i nvestissements montrent qu'on peut s'attendre à une intensification du processus de la diversification in­dustrielle qui s'explique d'ai l leurs essentiellement par le dynamisme intrin­sèque des entreprises de création récente.

Une analyse sectorielle des industries nouvel les révèle que, durant la prochaine période quinquennale, plus de la moitié des emplois nouveaux à créer concerneront le secteur des fabrications métal l iques, où d es entreprises tel les que General Motors, Fan I nternational, Luxmold et Luxwire - pour ne citer que les plus grandes - i ntroduiront des productions à haut niveau technologique dans la structure industriel le l uxembourgeoise. Par consé­q uent, si dans le passé la diversification industriel le a reposé essentiel lement sur l ' industrie chimique, à l'avenir et avec l'essor des nouvel les fabrications méta l l iques, celle-ci deviendra «bipolaire». Enfin, si l'on regroupe les entre­prises spécial isées dans la fabrication de pneus ou d'éléments constitutifs de ceux-ci - G oodyear, Luxembourg I ndustries, Luxmold, Luxwire, U niroyal. Fa n I nternational - on constate que l'industrie du pneu est appelée à devenir la seconde industrie du pays.

En ce qu i concerne la répartition régionale des emplois i ndustriels nou­veaux, si le canton de M ersch a représenté un tiers environ du total eri 1 970, cette part augmentera encore .sensiblement au cours des années à veni r grâce à l'expansion de Goodyear, de sorte que la vocation industriel le de cette région jadis agricole ira en s'affermissant. Par ai l leurs, l ' implantation de Fan I nternational, de General Motors et d'Air Liquide dans le sud du pays créera de nouveaux pôles de croissance dans cette région menacée de stagnation.

Dans l'ensemble, les i ndustries nouvelles constitueront à moyen terme le principal facteur de croissance de l'économie l uxembourgeoise. Vers 1 975, ces i ndustries représenteront, de par l'importance de leurs effectifs, environ la moitié de l ' industrie sidérurgique et pourront donc former u n contre-poids dynamique vis-à-vis de l 'évolution cyclique de cette dernière.

4 . 24 Petites et moyennes entreprises industrielles

4.241 Aspects structurels et évolution

L' industrie sidérurgiqu.e (y compris les mines de fer qu i en font partie i ntégrante) et la politique de diversification industriel le constituent les.deux

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éléments d'explication majeurs de l'évolution passée du secteur industriel luxembourgeois, leur contribution à la croissance de la valeur ajoutée s'élevant à environ 77% du total depuis 1 963. C'est dire que les a utres entre­prises industriel les, qu'on regroupe parfois sous le sigle de la «petite et moyenne» i ndustrie, ont joué u n rôle plutôt effacé dans le processus de la croissance.

Tableau no 79

Evolution de la valeu r ajoutée par catégories d'industries (1 963-1 968)

Valeur ajoutée brute Accroisse- Impact Secteurs (mio F) ment sur la

global en % croissance en 1 963 1 en 1 968 industrielle

en %

Sidérurgie (plus mines de fer) . . . . . . . . . . . 6 760.0 8 701.2 28.8 37.6 Industries nouvelles (sans Goodyear) . . . . . 263.4 2 31 4.3 778.6 39.7 «Petite et moyenne industrie» (y compris construction) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4 603.9 5 774.3 25.4 22.7 Total de l'industrie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1 1 627.3 1 6 789.8 44.4 1 00.0

Dans l'i ntroduction au présent chapitre sur le secteur industriel, nous avons déjà relevé les taux de croissance des d ifférentes branches industrielles et la contribution respective de cell es-ci à la croissance du P. I .B . Dans cette optique, le rôle de la ch imie, du secteur de la construction et de l'énergie, a insi que des fabrications méta l l iques a été prépondérant, a lors que l ' im­pact des a utres branches n'a atteint que 1 ou 2% de l'accroissement total de la valeur ajoutée industriel le.

En ce qu i concerne les principales modifications structurel les qu i se sont produites dans ces branches depuis la dernière guerre, il convient de relever, d'un côté, la disparition de l' industrie de la chaussure et d u cuir, de l ' industrie de la disti l lation a insi que de l' industrie textile et, de l'autre côté, la central i­sation de l' industrie laitière ainsi que la réorganisation complète du secteur de l 'électricité, du gaz et de l'eau . 1

Les a utres modifications structurelles i ntervenues sont à mettre essen­tie llement a u compte de la pol itiqu e de d iversification i ndustriel le dont l ' im­pact s'est concentré, dans le passé, avant tout sur l ' industrie chimique (définie dans un sens très large) mais qui touchera à l'avenir a ussi dans u ne mesure croissante l ' industrie des fabrications métal l iques.

La principale caractéristique structurelle de la «petite et moyenne in ­dustrie» est sans doute l'hétérogénéité de la production qu i s'étend de la fabrication des pâtes a l imentaires à l ' instal latio n complète de hauts four­neaux.

1 cf. STATEC. L'économie industrielle du Luxembourg 1 948-1 966. Cahiers écono­miques no 42.

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Cette hétérogénéité de la production rend diffici le toute général isation quant à la situatio n éco nomique des différentes entreprises, les u nes se confinant exclusivement a u marché local a lors que d'autres vivent de l'expor­tation. On constate d'ai l leurs la même diversité en ce qui concerne la dimen­sion des entreprises qu i s'étend des petites un ités de production d e moins de 10 person nes actives aux grandes entreprises telles que Paul Wurth et Goodyear dont l'effectif approche ou dépasse 1 000 unités.

Ainsi, dans les m inoteries se pose avant tout u n problème de capacités de production excédentaires, tandis que les entreprises de l'extraction de maté­riaux de construction sont confrontés avec la concurrence de produits de substitution. Dans l ' i ndustrie du meuble, les pri ncipaux problèmes sont ceux du «seui l d imensionnel» et de la spécialisation, a lors que dans le secteur de la construction les problèmes de la rationalisation du processus de production du recrutement de la main-d'oeuvre et de l'évolution des coûts et des prix sont à l'avant-plan.

Dans ce contexte on peut d'ai l leurs relever aussi qu'en raison d e l 'hété­rogénéité de la production et de la diversité des problèmes structurels, le mouvement de concentration par fusion des entreprises luxembourgeoises, qui a été parfois avancé comme panacée, ne peut avoir que des applications l imitées - sauf pour quelques branches particu l ières, telles que l' i ndustrie des boissons p. ex. - étant donné que cette opération n'a de sens qu 'entre des entreprises fabricant le même produit ou des produits l iés du po int de vue technologique ou commercial .

S'il est donc diffici le de faire une analyse du secteu r des petites et moyen nes entreprises i ndustriel les sans vou loir opérer «cas par cas», on peut néanmoins dire que le principal problème commun de la p lupart de ces entreprises est l'adaptation à la situation concurrentiel le nouvel l e créée par l' i nstauration du Marché commun, ce qu i se ramène d'ai l leurs en dernière analyse à des problèmes de d imension et de gestion.

4.242 Problèmes de d imension et de gestion

En dehors des deux entreprises sidérurgiques, de deux entreprises des fabrications méta l l iques et de quatre entreprises de l' industrie chimique, la structure industrie l le l uxembourgeoise comporte un iquement de petites et moyennes entreprises comme le montre le tableau no 80.

Toutefois, l'évol ution technique et économique, tel le qu'elle se dessine actuel lement, semble faire peser de plus e n plus lourdement les i n convé­n ients de petites et moyennes entreprises (à l'exclusion des quelques entre­prises moyennes très spécia l isées) . En effet:

l'organisation scientifique du travail y est quasi impossible, ce qu i entraîne des salaires trop bas et pa r conséquent des diffic ultés d e recrutement;

la large gamme de produits du programme de fabrication exige u n équipement très d iversifié, mais dont aucun élément ne peut être utilisé rationnellement dans les entreprises en question;

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aucune programmation à moyen terme des ventes, des achats et des mouvements financiers n'est possible, de sorte que les entreprises continuent à être gérées au jour le jour;

la standardisation et la fabrication en série gagnent progressivement du terrai n dans de nombreux domaines où j usque- là le travai l à façon a prévalu .

Si dans l'ensemble, les entreprises l uxembourgeoises ont enregistré des taux de croissance certes modérés mais néanmoins satisfaisants, il n'en reste pas moins que certai nes d'entre elles se trouvent actuel lement menacées et que d'autres ont périclité depuis la deuxième guerre mondiale par suite de leur inadaptation à l'évolution de la demande, aux techniques de production et de gestion modernes et à cause de leur tai l le insuffisante.

Dans son avis à la loi-cadre de 1 962( le Consei l d' Etat faisait remarquer que «d'après les calculs de p lusieurs économistes, l'optimum de productivité et de rentabi l ité d'une entreprise moderne de transformation serait assuré par un effectif d'ouvriers osci l la nt entre 1 000 et 1 500 u nités». Il est évident que si cette thèse devait se vérifier par les faits, la quasi -totalité des entre­prises industrielles luxembourgeoises seraient condamnées à disparaître à moyen ou à long terme.

Or, sans parler des différences techniques et économiques qu i existent entre les diverses branches de production, on peut relever l'exemple améri -

Tableau no 80

Nombre et ordre de g randeur des entreprises industrielles (selon l'effectif)

Source: STATEC

Nombre de personnes actives

1 - 9 1 0- 1 9 20- 49 50- 99

1 00-149 1 50-199 200-499 500�999

1 000 et plus . • . 0 . Total . . . . . . . . . . .

Nombre d'entreprises

en 1 958 en 1 968

96 62 58 55 62 57 31 40

� l 1 � ) 28 � 1 ;32

� J 275 246

( I l faut remarquer que les entreprises sidérurgiques ont été subdivisées en plu­sieurs . «unités d'activité économique» selon la nature des produits: minerai de fer, métaux non ferreux, de sorte que la même entreprise jùridique peut figurer plusieurs fois dans ce tableau; par contre les entreprises de la construction et de l'énergie ne sont pas comprises. dans ce tableau) .

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cain qui montre que les petites et moyennes entreprises ont des chances réel les de survie et même de croissance, à condition cependant de s'adapter aux données techniques et économiques nouvelles. Ainsi, d'après la revue ENTREPRISE 1 , l'avenir des petites entreprises paraît assuré dans la mesure où el les fournissent un produit strictement spécia l isé ou l ocal isé et, surtout, lorsqu'el les acquièrent u ne fonction complémentaire de celle des grandes entreprises dont la tai l le ne cesse de croître». D'après M. G i ngembre2, «produire des articles de mei l leure qual ité et mieux adaptés aux besoins mu l ­tiples des consommateurs, produire en quantité pour produire au moindre prix, tels sont les impératifs qu'entraîne l'évolution actuel le du marché. Le problème qu' i l convient donc d'examiner est celu i de savoir dans quelle me­sure les petites et moyennes entreprises sont susceptibles de répondre à ces impératifs».

Au Luxembourg, comme dans les autres pays européens, les problèmes actuels des petites et moyennes entreprises sont donc moins ceux de leur d imension que ceux résultant de leur adaptation inévitable aux conditions économiques, ce qui implique des mutations fondamentales dans l'organisa­tion et la gestion, le processus technique et la pol itique commerciale de ces entreprises.

Très souvent les petites et les moyennes entreprises sont des entreprises fam i l iales - même si elles ont pris la forme de société anonyme - qui ont choisi leurs dimensions en fonction des seules capacités financières de la fami l le et des possibi l ités d'absorption de leur production par le marché local ou national bien conn u grâce aux multiples relations personnel les de la famil le. Ces entreprises essayent donc avant tout de maintenir leur position dans une économie lentement croissante, afin de s'assurer ainsi la stabi lité de l eurs revenus et un certai n prestige social .

Or i l est évident que la réal isation de ces objectifs - d'ai l leurs peu orientés vers la croissance - est de plus en plus menacée par l' i ntégration progres­sive des économies européennes, qui exposent les petites et moyennes entreprises luxembourgeoises à la concurrence d'entreprises plus puissantes et plus productives. C'est pourquoi l'Etat a créé en 1 958 l'Office luxembour­geois pour l'accroissement de la productivité qui est organisé sur une base paritaire entre le patronat et le salariat. U ne des principa les missions de cet office est d'oeuvrer dans le sens de la reconversion de la mental ité des dir i­geants industriels. S i, grâce à ses nombreux séminaires et conférences sur les principes modernes du «management», l 'office a sans aucun doute joué u n rôle positif, on peut cependant penser que les changements de mentalité parmi de nombreux chefs d'entreprises sont très lents à se faire.

Il faut relever enfin que la plupart des chefs d'entreprise ont des connais­sances beaucoup plus approfondies sur les aspects techniques de leur

1 Revue ENTREPR ISE N° 535/1 965, citée par Jean-Paul SCHNE IDER dans: Vers une réforme de la structure industrielle au Grand-Duché de Luxembourg d'après son programme de reconversion économique, p. 74.

2 O.C.D.E. L'exploration des nouveaux marchés par les petites et moyennes en­treprises, page 1 1 .

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e ntreprise que sur les problèmes d'organisation et de gestion, de sorte que les progrès sont particu l ièrement lents sur ce plan. Or, les exigences de la com­pétitivité concernent autant ce dernier plan que le premier.

En tout cas la création du Marché commun a considérablement élarg i la cl ientèle potentiel le en él iminant de nombreux obstacles institutionnels qui réduisaient les chances des exportateurs.

Aussi la p lupart des branches industriel les les plus dynamiques ont-el les pu réaliser leur expansion grâce au développement des exportations (sans parler des branches comme la chimie et la sidérurgie qui, de toute façon, dépendent presque complètement des exportations).

Toutefois, si l 'unification des marchés européens a favorisé l'expansion des entreprises les p lus dynamiques, el le a aussi, par l'i ntensification de la concurrence, entamé la position concurrentiel le des entreprises les moins adaptées à cette évolution.

En 1 962, le Ministre des Affaires économiques a procédé à une enquête par sondage auprès des industriels pour analyser l'évolution de la position concurrentiel le des entreprises luxembourgeoises face à l ' intégration euro­péenne. Bien qu'en ce moment la Communauté Economique Européenne n'eût encore produit que des effets partiels (réduction de 40% des droits de douane i nternes et premier rapprochement de 30% du tarif extérieur commun), les. résultats de ce sondage n'ont pas manqué d'intérêt. Ainsi le commentaire officiel des résultats1 relève, entre autres, le trait caractéristique suivant: «La petite entreprise, qui domine dans le secteur industriel en revue, n'était souvent i ntéressée qu'à un marché local, hermétique et strictement l imité. Nombreuses sont les i ndustries qui ont signalé qu'el les n'étaient pas in ­téressées par l'exportation. Protégées par leur degré de spécial isation, la fidélité de leur cl ientèle et plus rarement par leurs prix compétitifs, ces entreprises mettront un certai n temps à se ressentir p lus directement d u poids de l a concurrence étrangère. Mais c e temps d e répit n e les dispense pas d'efforts d'adaptation». En outre, questionnées sur leurs prévisions sur la croissance future, «plusieurs entreprises ont répondu que leur problème de croissance ne se pose pas en termes de production, mais en termes de dé­bouchés. «La production O U I, mais la vente NON» déclare une firme.»

« U ne tel le réponse, qui n 'est i l logique qu'en apparence, cache néan­moins u n problème fondamental qu i n'a pas trouvé de solution pour bon nombre de petites industries luxembourgeoises: celu i de doter l 'entreprise de production, parfaitement outi l lée et parfois même concurrentielle, d'un système de vente adéquat».

Il faut cependant relever a ussi que plusieurs des entreprises enquêtées n'ont pas manqué de rappeler à l ' Etat son manque d'initiative dans le do­maine de la promotion des exportations. En effet, l'Office l uxembourgeois du ducroire n'a été créé qu'en 1 965 et les crédits spécial isés sur les exportations à moyen et à long terme font toujours défaut. En outre le fisc n'a g uère su «apprécier» les efforts et les dépenses de promotion des ventes à l'étranger des industriels.

1 cf. Bul letin du STATEC, novembre 1 962.

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Par ai l leurs, les .systèmes fiscaux différents de pays à pays ont représenté u n obstacle non négl igeable pour les exportateurs luxembourgeois. Comme les. taxes o nt été fixées sur la base du régime du pays de l ' importation, el les ont désavantagé les pays dans lesquels la fiscalité d irecte est prédominante et dans lesquels la taxe sur le chiffre d'affaires est, en outre, non restituable à l'exportation (comme cela a été longtemps le cas au Luxembourg) . La géné­ralisation prochaine (1 972) - au niveau de l 'Europe des Six - de la T.V.A. él iminera cependant cette distorsion et devrait ai nsi améliorer la position concurrentiel le des exportateurs l uxembourgeois, comme le montre M . von Kunitzki dans son étude «Les entreprises luxembourgeoises devant l a T.V.A.»1 .

«Somme toute, l'effet de l' introduction de la TVA sur la position concur­rentielle des entreprises luxembourgeoises engagées dans le commerce i nternational est particul ièrement bénéfique. Tant à l' importation qu'à l'ex­portation, le régime de l ' impôt indirect l uxembourgeois était sans contredit le plus l ibéral, c'est-à-dire le moins protectionniste de l ' Europe. Aussi la généralisation de la TVAforce-t-el le le Luxembourg à s'al igner sur une atti­tude plus protectionniste, améliorant la position i nternationale relative des entreprises luxembourgeoises».

Conclusions et perspectives d'avenir

Les développements précédents ont donc montré à la fois l ' importance des petites et moyennes entreprises i ndustrie l les dans la croissance économique du Luxembourg et le grand nombre de problèmes qui se posent à celles-ci au moment de l' i ntégration européenne. 1

Beaucoup de ces entreprises ont cependant su s'adapter avec profit à l'élàrgissement des marchés en se spécialisant et en développant leurs exportations. D'autres entreprises, trop préoccupées de la défense de leur position sur le marché national qu i leur a été longtemps fidèl.e, sont de plus en plus menacées par la concurrence accrue.

Comment facil iter l'adaptation de ces entreprises à l'évolurion technique et économique ?

«En premier l ieu, i l faut que le chef d'entreprise prenne conscience du problème et rompe avec les habitudes souvent séculaires d'isolement ou des méthodes de gestion et de conception commerciales enracinées quelquefois depuis plusieurs générations ( . . . )

«A côté des i nitiatives incombant à l'entreprise, i l est i nd ispensable que les pouvoirs publ ics et les organisations professionnelles élaborent une pol itique de la petite et moyenne entreprise et mettent en oeuvre les moyens matériels d'une telle pôlitique»2• D'après M. G ingembre, cette dernière devrait se réaliser sur le triple p lan de l ' i nformation, de la formation et de l'assistance. En conclusion les pri ncipaux efforts qu'exige l'adaptation des petites et moyennes entreprises industriel les sont le changement de mentalité

1 Fédéràtion des Industriels Luxembourgeois: «Les entreprises l uxembourgeoises devant la TVA», page 25�

2 M. G I N G E M BR E, op. cit. de I'O.C.D.E., page 21 .

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par les i ndustriels et la poursuite d'une politique systématique d'orientation par les pouvoirs p ublics.

La pri ncipale force de progrès dans ce secteur des petites er moyennes entreprises a donc été i ndubitablement l 'i nstauration progressive du Marché Commun qui a rappelé aux i ndustriels la primauté des considérations dl:l service éco nomique et de compétitivité et qui a ouvert en même temps d'encourageantes possibi l ités d'expansion aux entreprises les plus dyna­miques.

Quant aux perspectives d'avenir de ce secteur, dans l'ensemble les chefs d'entreprise se montrent assez optimistes, étant donné que, selon u ne en­quête récente de I 'O.N .T., les besoins additionnels en main-d'oeuvre indi­qués par ceux-ci pour l a période a l lant jusqu'en 1 975 se sont chiffrés à en­viron 1 350 u nités, ce qu i correspond à u n taux de croissance annuel moyen de l'ordre de 2%, ou à un recrutement de 270 personnes actives supplémen­taires par an .

Par conséquent, les petites et moyennes entreprises «traditionnel les» pourront sans doute maintenir, dans l'ensemble, leur position dans la struc­ture industriel le - ce qu i ne doit pas cependant cacher l es i nsuffisances structurel les de quelques- unes d'entre el les et la nécessité de rational isation quasi générale - alors que la part relative de la sidérurgie diminuera et que cel le des i nd ustries nouvelles i ra rapidement en augmentant.

4 . 25 Artisanat

Les nomenclatures i nternationales sur les diverses activités économiques ne prévoient plus l'artisanat en tant que secteur distinct, mais ordonnent le regroupement des entreprises artisanales dans les branches correspon­dantes de l ' industrie ou du commerce. Cette façon de voir - qui conduit par exemple à classer ensemble l a grande entreprise de confection et le tai l leur i ndividuel - peut paraître exagérément simplificatrice, face aux données économiques, sociologiques, juridiques et i nstitutionnel les propres qu i caractérisent les entreprises artisanales.

Bien que l'artisanat vive le processus de la croissance économique p lutôt de façon passive, c'est-à-dire en s'adaptant continuel lement a ux données techniques et économiques nouvelles, son importance relative dans l'économie nationale commande toutefois qu'on y consacre quelques réflexions. Pour les développements ci-dessous, nous nous sommes basé essentiellement sur le rapport du groupe de travai l «artisanàt 1 980» qu i fait à la fois u n b i lan de l'évolutio n passée et u n i nventaire des principaux problèmes futurs de ce secteur.

En 1 969, le nombre des personnes occupées dans l'artisanat s'est élevé à environ 24 600 u n ités, ce qui représente environ 1 8% de la population active luxembourgeoise. Si l 'on retranchait de ce chiffre les quelque 8 000 personnes travai l lant dans le secteur de la construction (génie civi l et gros­œuvre) - qui ont déjà été i ncluses dans les statistiques précédemment

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citées sur l' industrie - l'artisanat représenterait toujours 1 2% environ de la population active.

L'évolution du secteur artisanal est fonction de nombreux facteurs tech­niques, économiques et sociologiques qu i conditionnent à la fois l'offre et la demande et qui , par a i l leurs, se présentent souvent assez différemment d'un corps de métier à l'autre.

Pour ce qu i est de l'évolution de la demande, où les mutations ont été sans doute les p l us profondes, i l convient de distinguer les métiers desser­vant la consommation de ceux orientés vers les activités l iées à l ' i nvestisse­ment. Si, pour la première catégorie, l'accroissement du pouvoir d'achat et l'évol ution des goûts ont été les facteurs déterminants - qui se sont tra­duits à la fois par une extension considérable de la gamme de produ its de consommation d urable standardisés et par la recherche de l' i ndividualisation et de la qual ité accrue en ce qu i concerne surtout les dépenses de consom­mation courante -, pour la deuxième catégorie le progrès technologique et les efforts de rational isation de la production ont été sans doute les signes d'évolution les plus marquants.

Tableau no 81

Evolution des entreprises et du personnel de l'artisanat

Source: «Artisanat 80»

Groupes de métiers

Métiers de !"alimentation Métiers de la mode et de l'hygiène . . . . . • . . . . . . . Métiers de services' et de biens mécaniques . . . . . Métiers de la construc-tion1 · · · · · . . . . . . . . . . Métiers orientés vers l'art Autres métiers . . . . . . . . Artisanat en général2 • • •

Nombre d'entreprises

Variations en 1 961 en 1 969 depuis 1 961

en %

1 003 927 - 7.6

1 729 1 398 - 1 9.1

718 932 + 29.7

2 277 2 033 - 1 0.7 1 21 1 30 + 7.4

6 26 +333.0 5 523 5 1 97 - 6.2

Nombre de personnes occupées (salariés et indépendants)

Variations en 1 961 en 1 969 depuis 1 961

en %

3 9 1 5 3 837 - 2.0

3 751 3 592 - 4.2

3 098 3 954 + 27.6

1 3 794 1 3 1 00 - 5.0 884 1 020 + 1 5.4

20 90 +350.0 24393 24 608 + 0.9

1 Vu l'impossibilité de situer exactement le métier de forgeron-serrurier ainsi que celui de serrurier­constructeur dans leur champ d'activité respectif, les métiers en question figurent à la fois dans les métiers de services et de biens mécaniques et dans les métiers de la construction (249 entreprises qui occupent 7 1 7 ouvriers).

2 Sont compris dans 1" Artisanat en général les métiers secondaires qui ont été enregistrés en 1 964 au rôle artisanal et qui de ce fait ont gonflé et le nombre d'entreprises, et le nombre d'ouvriers.

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D u côté de l'offre, on peut relever avant tout une tendance à la spécia l i ­satio n et à l' intensification capital istique du processus de production. Comme par ai l leurs l 'artisanat est un secteur où «l'i nput» du facteur travai l est essentiel, d e nombreux problèmes d'ordre huma in ou sociologique, tels que le viei l l issement de la popu lation active artisanale, les difficultés de recrutement et l,es imperfections de la formation professionnel le ont l arge­ment conditionné l'évolution de l 'offre.

Ma lheureusement le manque de données statistiques nous empêche de retracer l'évolution de l'artisanat depuis les années 1 950, ou encore de présenter u ne image complète de ce secteur au cours des années les plus récentes, de sorte que nous devrons nous l imiter essentiellement au critère du person nel.

D 'après le rapport «artisanat 1 980» (cf. tableau no 81 ) , le nombre de personnes occupées a augmenté au total de 0.9% entre 1 961 et 1 969 (soit environ + 0. 1 % par an) . Si l 'on fait toutefois abstraction du secteur de la construction, où les fluctuations conjoncturel les ont été i mportantes et où l a situation conjoncturelle a été i négale pour les deux a nnées extrêmes, on constate même une progression de l 'effectif de 8.6% (soit + 1 % par an) , ce q ui représente u n accroissement supérieur à celui du total de l a popula­tion active.

L'évolution a évidemment été assez d ifférenciée selon les divers corps de métier, a l lant de -4% pour les métiers de la mode et de l'hygiène à + 28% pour les métiers de services et de biens mécaniques (notamment ,garages) .

D urant la même période 1 961 -1 969 le nombre des entreprises artisa­nales est tombé de 5 523 à 5 1 97, ce qu i correspond à u ne régression g lobal e de 5.9% ou à un taux annuel moyen de -0.7%. Parallèlement la d imension moyenne des entreprises a augmenté, le nombre de personnes occupées par entreprise passant de 4.42 un ités en 1 961 à 4. 74 u nités en 1 969. M algré ce mouvement de concentration, le nombre des entreprises n 'employant pas de personnel (en dehors du patron) représente toujours 48% du nombre total des entreprises.

En 1 969, le nombre des apprentis a atteint 1 539 u nités, soit 6% du total des personnes occupées dans le secteur. Depuis 1 961 le nombre de con­trats d'apprentissage a enregistré u ne augmentation de 1 0%. Les métiers les p lus «en vogue» parmi les jeunes sont ceux de coiffeur/coiffeuse, d'électro- instal lateur, de mécanicien d'auto et d'imprimeur.

E nfin, en ce qui concerne la structure d'âge des chefs d'entreprise, l a moitié de ceux-ci ont dépassé la cinquantaine, ce qu i montre un viei l l isse­ment assez prononcé et la isse prévoir par a i l leurs que le nombre des entre­prises continuera à diminuer à l'avenir.

Relevons encore da ns ce contexte que le chiffre d'affaires de J'artisanat est passé de 7 .5 mi l l iards de francs en 1 962 à 1 0.5 mi l l iards en 1 967, ce qu i correspond à u n taux de croissance a nnuel moyen de 6.7% (contre 6.6% pour l'ensemble du P.I . B. dura nt la même période).

En ce qui concerne l'évolution future du secteu r de l'artisanat, même si la réductio n du nombre total d'entreprises va se poursuivre en raison de

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l 'él im ination graduel le des entreprises marginales, cette évolution sera encore très d ifférenciée selon les divers corps de métier. En outre il faut tabler sur une augmentation du personnel occupé dans l'artisanat qu i a été estimée à environ 5% jusqu'en 1 975. Ici se pose toutefois u n problème aigu de disponibi l ités en main-d'œuvre, étant donné que le remplacement des départs «naturels» ( l imite d'âge, changement de secteur) se fait de plus en plus d ifficilement. Comme, par a i l leurs, les étrangers représentent plus de la moitié de la main-d'œuvre salariée de ce secteur, et que la qualification professionnelle - pourtant vitale dans l'artisanat - a diminué sensiblement ces dernières a nnées, u n goulot d'étranglement qualitatif risque de s'ajouter à la pénurie quantitative. Si, dans ce domaine, des réformes en matière d'enseignement professionnel et d'orientation des jeunes sont i ndispen­sables, celles-ci ne sauront toutefois pas produire de miracles.

Tableau no 82

Evolution prévisible du personnel de l'artisanat (salariés et indépendants) (chiffres approximatifs)

Source: Artisanat «80»

Groupes de métiers

Métiers de l'alimentation · · · · · . . . . . . . . . . Métiers de la mode et de l'hygiène . . . . . . . M étiers de services et de mécanique générale Métiers de la construction . . . . . . . . . . . . . . , Métiers orientés vers l'art . . . . . . . . . . . . . . . Autres métiers n. d. a . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Artisanat en général (salariés et indépendants)

I l 1 969

3 837 3 592 3 1 54

1 2 91 5 1 020

90

24 608

1 975 Variation en %

3 730 - 3 3 21 5 -1 1 3 955 +25

1 3 660 + 6 1 085 + 6

95 + 5

25 740 + 5

Parmi l es nombreux autres problèmes que devront affronter les entre­prises artisanales, relevons plus particul ièrement celui des besoins en moyens de financement qui vont en augmentant avec la technicité croissante de la plupart des activités artisanales, et pour la couverture desquels les entreprises n'ont, à el les seu les, pas une surface économique et financière suffisante.

Dans l'ensemble, l'artisanat gardera à l'avenir sa place de choix dans la vie économique, et si certa ins corps de métier connaîtront une évolution régressive, d'autres par contre seront appelés à vivre une expansion dyna­mique. Enfin, i l convient de rappeler que les problèmes de recrutement qui se posent à l'artisanat pourraient s'avérer particul ièrement épineux à l'avenir, d'autant plus que ce secteur joue traditionnellement - et malgré l u i -le rôle de réservoir de main-d'œuvre du secteur industriel.

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4 . 3 SECTEU R TERTIAI R E

Si le 1 9e siècle est avant tout considéré par les économistes comme ayant été le siècle de la «révolution i ndustriel le», le zoe siècle pourrait être appelé le siècle de la «révolution tertiaire». En effet, ce secteur, qu i tout au long de l'histoire de l 'humanité n'a joué qu'un rôle économique p lutôt l imité, tend à prendre la première place dans les économies modernes, confirmant en cela les thèses de Fisher, Clark et Fourastié. Il faut toutefois remarquer d 'emblée que, contrairement à l 'agriculture et, dans une moindre mesure à l ' industrie, le secteur tertiaire est un secteur assez hétérogène et, en quelqu e sorte «résiduel»; en effet, si l'on met à part le caractère immaté­riel de leur production, les activités de services ne présentent que fort peu de caractéristiques communes.

Au Luxembourg, la part du secteur tertiaire dans le P./.8. est passée de 41 .8% en 1 953 à 42.7% en 1 968 et celle de l 'effectif occupé par ce secteur dans la population active totale de 37.8% à 42.6% durant la même période. Le secteur tertiaire a donc eu un taux d'absorption élevé de main-d'œuvre, étant donné que les emplois additionnels créés dans ce secteur ont été plus nombreux que ceux créés dans l ' industr ie.

L'analyse de l'évolution des trois grands secteurs de l'économie a montré q ue la valeur ajoutée d u secteur tertiaire a augmenté à peu près au même rythme (+3.0% à prix constants) que le P. I .B . ( +3.1 % par an) au cours des a nnées de 1 953 à 1 968. Durant cette même période, la population active s'est accrue de 1 .2% de sorte qu'on peut chiffrer la progression annuelle moyenne de la productivité à environ 1 .8%.

Les chiffres précités semblent donc confirmer les thèses de Col in Clark et de Jea n Fourastié, selon lesquel les le faible taux de croissance de la productivité est le principal trait caractéristique des activités tertiaires. Toutefois, i l s'agit là d'un des aspects les plus controversés des thèses de ces a uteurs.

En effet, les recherches menées durant les années 1 960 par les autorités officiel les tant des États- U nis que de la France ai nsi que notamment les analyses de Victor R. Fuchs1 ont sérieusement ébran lé ces thèses à la fois trop schématiques et trop peu critiques à l'égard des i mperfections de la comptabil ité nationale.

D'après Victor R. Fuchs, les techniques de déflation dans la comptabi lité nationale sont trop grossières et aboutissent en fait à des sous-estimations importantes de la croissance en négl igeant de tenir compte des variations de la qual ité, élément cependant essentiel des productions immatériel les. Par conséquent, en matière de productions i mmatériel les, l ' inexistence de d imensions saisissables par les méthodes conventionnelles de mesure

1 - Victor R. FUCHS: Productivity trends in the goods and service sectors, 1 929-1 961 . A preliminary survey. National Bureau of Economie Research. New York 1 964.

- Victor R. FUCHS editor: Production and productivity in the service industries. Studies in Incarne and Wealth N° 34 N BER. New York 1 969.

- Maurice LENGELLË: La révolution tertiaire. Éditions Génin. Paris 1 966.

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physique rend très aléatoire les estimations sur la progression «en volume» de ces productions.

La ténacité de la thèse de la moindre productivité du secteur tertia i re s'expl ique avant tout par l e fait qu'apparemment les activités tertia ires sont moins perméables au progrès technique. Toutefois, si tel est dans u ne cer­taine mesure le cas pour l'activité des coiffeurs - exemple préféré de Jean Fourastié - on peut citer d'un a utre côté l' introduction des ordinateurs et des techniques modernes du traitement de l ' information dont l' i ncidence a été particul ièrement fondamentale dans le secteur tertiaire.

En général, parmi les facteurs qu i ont favorisé les progrès de productivité dans le secteur tertiaire, on doit citer en premier l ieu l'accroissement rapide de la demande qui a permis, voire exigé la mise en application de techniques d'amél ioratio n de la productivité.

En ce qui concerne le progrès technique proprement dit, on peut relever d'un côté les progrès réal isés dans les techniques administratives et comp­tables qui sont certes communes à toutes les activités économiques, mais dont l ' importance est néanmoins la plus grande dans le secteur tertiaire; d'un a utre côté, il y a eu des progrès techniques spécifiques dans chaque activité tertiaire en raison notamment d u perfectionnement de l'appareil l age utilisé ( p. ex. transport, médecine, etc.) .

Enfin, l'essor de la demande et le progrès technique ont eu des consé­quences importantes sur la tai l le des entreprises, ainsi que sur l'organisatio n i nterne plus rationnel le du travai l .

Cette d iscussion théorique, quelque i ntéressante qu'el le soit, serait pourtant superflue dans la présente étude d'économie appl iquée, si l es conséquences qu'on peut tirer de l 'un ou de l'autre point de vue, n'étaient pas éminemment importantes pour la politique économique.

En premier l ieu, si l 'on admet la thèse selon laquelle le moindre progrès de productivité du secteur tertiaire est une donnée «naturel le», une pol itique d'accroissement de la productivité dans ce secteur n'a évidemment pas beau­coup de sens. Par contre, s i l 'on admet que les progrès de productivité peuvent être aussi importants dans le secteur tertiaire que dans les autres secteurs, celu i -ci devient susceptible, comme l' industrie et l'artisanat, d'une politique de modernisation et de rational isation.

En deuxième l ieu, les soi -d isants moindres progrès de productivité du secteu r tertiaire sont sensés entraîner une hausse «naturelle» des prix des services supérieure à cel le des biens d'origine agricole ou industriel le. Par contre, les protagonistes de l'autre thèse, lo in d'admettre ces hausses comme naturelles et i néluctables, essaient de faire la part des accroissements de quantité et de qualité pour pouvoir examiner ensu ite dans quel le mesure l es agents économiques de ce secteur ont profité d'une «rente» aux dépens des autres.

Si l 'enjeu des controverses théoriques précitées est donc de tail le, nous nous l imiterons toutefois dans la suite à l 'analyse de l'évolution des pri n ­cipales activités du secteur tertia i re a insi qu'à quelques problèmes structurels auxquels cel les-ci se sont vu confrontées dans le processus de la crois-

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sance économique. O n examinera donc successivement les transports, la distribution, l ' industrie touristique, les services financiers et l'administratio n publ ique, les services de la propriété immobi l ière ayant déjà fait l 'objet d'une évaluation à part dans le chapitre sur l'évolution du facteur «capital».

Il n'est peut-être pas i nuti le de rappeler que l es éléments d'information disponibles sont beaucoup moins nombreux et par ai l leurs plus sujets à caution que pour les autres secteurs, de sorte qu'une grande prudence dans l ' interprétation s'impose. Par ai l leurs, face à la grande d iversité et complexité des problèmes structurels qui se posent dans le secteur tertiaire, notre étude sera forcément i ncomplète.

4 . 31 Transports

Dans l'histoire du développement économique séculaire, l e secteu r des transports a joué u n rôle-clé. S i la révolution industrielle a été basée essentiel lement sur la division du travail, celle-ci imp l iquait le transport e n masse de marchandises d'une usine à l'autre ou a u x centres de commercialisa­tion. De leur côté, les progrès réal isés en matière de technique des transports ont entretenu et parfois accéléré le phénomène de la d ivision du travai l et ont par conséquent stimulé la croissance économique.

Dans l'ensemble, l'étroite relation existant entre la croissance économique et les activités de transport s'est traduite par un pourcentage constant que ce dernier secteur représente dans le P . I . B.; a insi, au Grand- Duché la part du secteur des transports dans le P . I .B . au coût des facteurs s'est élevée depuis le début des années 1 950 à 7.5% environ en moyenne, compte non ten u des fluctuations conjoncturelles.

Toutefois, à l'i ntérieur du secteur des transports, certaines activités o nt connu u n développement nettement p lus dynamique que d'autres; cette évolution sera l'objet de la première partie de la présente analyse. Par ai l leurs, le développement i négal des différents moyens de transport n'a pas manqué de poser de nombreux problèmes, concernant notamment l'équi l ibre d'ex­ploitation des chemins de fer, l'extension de l' infrastructure routière et l a coordination rai l - route.

Evo l ution des d ifférents moyens de transport

a) Chemin de fer

A l'exception des années 1 954 et 1 955, la part de la valeur ajoutée brute des chemins de fer dans le P. I . B. s'est située entre 5% et 6% (soit environ 70 à 75% de l'ensemble du secteur des transports) .

Si la valeur ajoutée des chemins de fer, évaluée à prix courants et a u coût des facteurs, a enregistré un accroissement de respectivement 1 01 % et 95% au cours des périodes 1 953-1 965 et 1 953- 1 968 - ce qui correspond à des taux annuels de 6.0% et de 4.6% - cette progression s'explique essen­tiel lement par un développement considérable des subventions d'exploita-

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tion a l louées par l 'État à la S .N .C. F. L., a lors que le volume des prestations de services de transport n'a que faiblement augmenté durant la période sous revue.

En effet l es statistiq ues montrent que le trafic marchandises, exprimé en tonnes-km nettes par an, a fortement fluctué suivant la situation con­joncturelle. En nous l imitant aux deux a nnées 1 956 et 1 969, a nnées de haute conjoncture, nous constatons une progression du trafic marchandises de 1 1 .7%, ce qu i correspond à un taux a nnuel moyen de 0.9% . Durant l a même période, le trafic voyageurs, exprimé en voyageurs-km, est resté pratique­ment constant. Par conséquent, la S . N .C .F .L. n'a connu qu'une expansion assez lente de son volume de production, de sorte que la contribution des chemins de fer à la croissance du P. I . B. à prix constants a été très fai ble (même si le rôle de ce secteur dans l'économie est capita l ) .

Durant l a période sus-mentionnée (1 956- 1 969), l'effectif total de la S .N.C .F .L. est tombé de 5 255 à 4 493 personnes, ce qu i correspond à une diminution globale de 1 4.5% ou à un taux annuel moyen de régression de 1 .3%.

Par conséquent on peut estimer les progrès de productivité réal isés annuellement à e nviron 2% à 2.5%, soit u n taux légèrement supérieur à celui de la moyenne du secteur tertia i re.

Comme notamment depuis 1 964 les dépenses en traitements et pensions de la S .N .C .F. L. o nt augmenté sensiblement plus vite que les progrès de productivité a insi q ue les prix des prestations de transport, les subventions étatiques destinées à assurer l'équ i l ibre des comptes de la S .N .C.F .L. ont pris rapidement u n développement a larmant en approchant les 1 0% du budget de l 'État e n 1 966.

b) Transports routiers

Bien que ce moyen de transport ait particul ièrement gagné en impor­tance depuis la fi n de la dernière guerre, c'est malheureusement aussi celui qui est le moins bien connu par les statisticiens.

Le principal i ndicateur de caractère général disponible pour le trafic de marchandises est celu i du nombre de camions et camionnettes immatri­culés qui est passé de 4 060 en 1 950 à 1 1 376 en 1 970, ce qu i correspond à un taux d'accroissement annuel moyen de 5.2%. Étant donné que la charge par véhicu le a eu tendance à s'accroître au fil des a nnées, on peut estimer que l'évolution du volume des transports de marchandises par route a été encore plus rapide.

Les seuls chiffres couvrant une période assez longue sont ceux relatifs aux expéditions par camions de produits de la sidérurgie qui sont passées de 359 000 ton nes e n 1 961 à 795 000 en 1 970. Cette évol utio n tendanciel le a été particu l ièrement marquante au début des années 1 960, a lors que de­puis 1 965 les progrès des transports routiers ont été avant tout conditionné par l'état de la conjoncture sidérurgique.

En ce q u i concerne les transports routiers de personnes, en dehors de quelques données sur l es autobus et tramways urbains, les lacunes stati -

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stiques sont à peu près complètes. En outre il faut relever que, d'après le système de comptabil ité nationale en vigueur, le secteur des transports ne comprend pas les services dus aux voitures particul ières (ce qu i constitue u ne sous-évaluation importante) . Néanmoins, bien plus que les transports collectifs, ce sont les transports individuels en voiture particul ière qui ont connu un essor particul ièrement rapide. C'est ai nsi que le nombre de voi­tures particu l ières et commerciales est passé de 8 050 un ités en 1 950 à 33 446 u nités en 1 960 et à 84 81 6 un ités en 1 970, soit u n taux d'accroisse­ment annuel moyen de 9.8% au cours de la dernière décennie.

c) Transport par voie aérienne et par voie navigable

Nous avons déjà exposé précédemment qu'au cours de la période d'après-guerre le Luxembourg s'est créé deux voies de transport nouvelles, à savoir la voie aérienne et la voie navigable, l a première desservant avant tout le transport de personnes a lors que la seconde se consacre presque exclusivement au transport de marchandises.

L'évolution passée des deux moyens de transport n'a d'ai l leurs pas été le même. Ainsi le nombre des arrivées et des départs enregistré à l'aéroport de Luxembourg a plus que décuplé durant la période de 1 960 à 1 970 et la progression d u fret aérien a été encore plus rapide. Par contre, en ce qui concerne les transports par voie navigable et plus particul ièrement l'activité du port de M ertert - seul aspect qu i concerne d irectement les transports l uxembourgeois - après les années de démarrage de 1 965 et 1 966 on a constaté u n certai n plafonnement des tonnages chargés, alors que le tonnage des déchargements a continué à augmenter, bien que dans un rythme moins rapide qu'au cours des premières a nnées.

Dans l 'ensemble, cette dernière évolution, de même q ue les chiffres précédemment cités sur les transports par route montrent que la substitution «rai l - route» et «rai l -voie- navigable» du transport de produits sidérurgiques a connu des l imites relativement étroites, ce qu i s'expl ique d'ai l leurs essen­tiellement par les importantes concessions des chemins de fer l uxembour­geois en matière de tarifs.

4 . 31 2 Problèmes struct u rels d u secteu r des transports

L'évolution divergente des d ifférents moyens de transport dans le processus de la croissance a été accompagnée de l'apparition d'importants problèmes structurels qu i ont touché d'une façon ou d'une autre l'ensemble du secteur et que nous ne ferons que sou lever sommairement dans la présente étude.

En ce qu i concerne les chemi ns de fer, la q uasi -stagnation du trafic a entraîné u n peu partout en Europe des difficultés financières qu i ont rendu i névitables des mesures de rational isation. Celles-ci sont traduites à la fois par la modernisation d'une partie des i nstal lations (p. ex. électrification) et par la réduction de l 'effectif ainsi que du réseau exploité. Au Luxembourg, le personnel employé par la S .N .C .F. L. a d iminué de 1 4.5% en l'espace de 1 3 a ns (1 956-1 969); paral lèlement la d imension du réseau exploité est

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tombée de 840 km en 1 955 à 674 km en 1 969, soit u ne d iminution g lobale de 1 9.9%. S i ces mesures n'ont pas abouti à un redressement spectaculaire de la situation, l'analyse des S. N .C. F. L. effectuée par des experts étrangers en 1 970 n'a pas non plus révélé de nouveau remède-miracle. Comme tout sec­teur confronté à une concurrence de substitution, les chemins de fer devront donc poursuivre à l 'avenir la voie des rational isations internes. Par a i l leurs, i l est impossible d'évaluer dans quelle mesure le déséqu i l i bre des comptes de la S .N .C. F. L., même après la «normal isation» - est dû aux dimensions exiguës du réseau national; en effet, de même que pour la p lupart d es pro­ductions industrie l les il nous semble y avoir dans le domaine des transports u n seuil dimensionnel min imum au-dessous duquel les coûts unitaires de­viennent rapidement croissants (comme le montre d'a i lleurs aussi l'exemple de Luxair) .

En dehors de l'aspect de l'équi l ibre d'exploitation de la S .N .C .F. L. i l faut toutefois considérer l e problème des transports dans son ensemble, c. à d. pour le Luxembourg - où la voie navigable et le trafic aérien jouent plutôt un rôle d'appoint - dans son contexte «rai l -route». Si du côté du trafic par route i l ne se pose pas d irectement de problème d 'équi l ibre d'ex­ploitation, étant donné que ce secteur relève du domaine privé et établ it ses tarifs en relation avec le prix de revient, par contre le problème des i nvestisse­ments collectifs en i nfrastructure routière prend u ne envergure considérable (alors que les mêmes investissements et l'entretien de l' i nfrastructure des chemins de fer sont compris dans les comptes de la S .N.C. F. L. ) . Il est évi ­dent qu 'un système de vérité des prix orienté d'après l'ensemble des coûts de chaque moyen de transport - y compris les coûts sociaux en investisse­ments et les désagréments en pol l ution de l'air, emboutei l l ages et risques d'accident - montrent une nette supériorité des chemins de fer en ce qu i concerne les produits pondéreux. Par conséquent une politique rationnel le des transports devrait viser u ne certaine coordination dans les transports «rail -route» en orientant les d ifférentes catégories de trafic selon les su­périorités spécifiques des différents moyens de transport. Cela impl ique à l a fois certaines options en matière d'infrastructure q u i relèvent du secteur publ ic, et certaines réglementations concernant les conditions d'exploitation des divers modes de transport. Or une tel le politique - du moins pour cé qui est de cette dernière condition - est impraticable dans une économie de petites d imensions tant que les partenaires européens du Luxembourg n'arrivent pas à des réalisations concrètes dans le domaine des transports.

Ainsi le Traité de Rome n'est pas très explicite sur la politique communau­taire des transports, étant donné qu'i l se borne à poser quelques princi pes dérivés essentiel lement de l 'exigence de non-discrimination entre pays. Ce n'est que le 22 j u i n 1 965 que le Conseil est arrivé à un programme concret comprenant notamment les aspects suivants:

«Organisation du marché comportant:

la mise en place, en deux étapes, d'un régime tarifaire u niforme dans les, six pays (tarifs obligatoi res à fourchette et tarifs de référence);

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- la réglementation commune de l'accès à la profession de trans-porteur et de son exercice;

«harmonisation des conditions de concurrence, suppression des ententes et des positions dominantes a insi que de l' intervention des États dans les transports;

«l ibération du marché, plus particulièrement dans le domaine des transports routiers de voyageurs et de marchandises» 1 •

Finalement, les premiers règlements timides e n cette matière datent de ju i l let 1 968, ce qui démontre amplement les nombreuses difficu ltés que rencontre l'harmonisation de ce secteur sur le plan européen et qui ne sont en grande partie q ue la traduction des difficultés de la politique de ce même secteur à l 'intérieur des divers pays membres.

Pourtant, l'objectif d'assurer u n développement harmonisé des transports en corrélation avec la croissance économique et d'arriver à u ne minimation des coûts particul iers et collectifs, plus que mainte a utre action d'harmoni ­sation, serait susceptible de servir les intérêts d e l'ensemble d e la collectivité. Enfin, la réalisation de progrès concrets en ce domaine sur le plan européen devrait contribuer d'une façon non négligeable à la solution des problèmes des transports l uxembourgeois.

4 . 32 Distribution

Les pri ncipales fonctions du secteur de la distribution sont: l'acheminement des biens produits en masse vers des uti l isateurs d ispersés;

la compensation, par voie de stockage, des décalages existant entre le rythme de la production et celu i de la consommation;

l' i nformation des producteurs et l 'action sur les désirs des consom­mateurs;

la participation à la formation des prix.

A côté de l' importance qu i revient à ce secteur du fait de sa position stratégique dans. le circuit économique, on peut relever a ussi que le secteu r de la distribution a représenté, en 1 968, environ 1 3% du P. I .B . ou 30% d u secteur tertiaire.

4 . 321 Evolution du secteur de la d istribution

Les i ndicateurs économiques retraçant l'évolutio n du secteur de l a d i­stribution sont très rares et par ai l leurs relativement hétérogènes quant à leur champ d'observation, de sorte q u' i l est très diffic i le d'obtenir u ne vision tant soit peu complète du développement de ce secteu r au cours des deux dernières décennies.

1 G. KRAUSS: «Les travaux de la Commission des Communautés Européennes dans le domaine des transports» dans: Les Chemins de fer et l'Europe. Collège d'Europe, Bruges. De Tempe) 1 969, tome I l, p. 356.

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Pour ce qui est de la valeur ajoutée brute, malheureusement le poste correspondant des comptes nationaux comprend aussi les hôtels, restau ­rants et cafés, de sorte qu'on n e dispose pas d e chiffres du seul secteur d e la d istribution. A en j uger d'après l' importance respective du chiffre d'af­faires de ces deux secteurs, on peut toutefois admettre que les hôtels, restaurants et cafés ne représentent que quelque 5 à 1 0% de la valeur ajoutée d u secteur de la distribution, de sorte que le poste «commerce de gros et de détai l , hôtels et restaurants» du tableau 1 des comptes nationaux peut être considéré comme assez représentatif de l'évolution du secteur de la distribution. Ce poste est passé de 1 751 mi l l ions de francs en 1 953 à 4 900 mi l l ions en 1 968 (à prix courants), ce qui constitue une augmentation a n n uelle moyenne de 7. 1 % contre 5.8% pour l'ensemble du P. I .B . Pour l a période de 1 960 à 1 968 ces taux s'élèvent à respectivement 8.2% et 5.7%. Cette expansion assez prononcée s'explique à la fois par l'essor économique général et plus particul ièrement par l ' importante augmentation des revenus disponib les des ménages. I l convient toutefois de rappeler qu'à défaut d'enquêtes régu l ières et exhaustives, les évaluations de ce poste sont assez dél icates.

En ce qui concerne le critère du chiffre d'affaires (cf. tableau no 83) , celu i -ci est passé de 1 5 001 mi l l ions en 1 961 à 24 1 1 0 mi l l ions en 1 968, ce qu i représente u n accroissement annuel moyen de 7%. I l est intéressant d e noter q u e le taux de croissance du commerce d e gros a été légèrement plus élevé ( + 7.5%) que celu i du commerce de détai l . , Malheureusement i l est i mpossible, faute de données structurelles détai l lées, d'examiner si cette évo lution différenciée s'est traduite par des modifications dans l'organisa­tion du secteur de la distribution (p. ex. tendance des grossistes à vendre a ussi davantage en déta i l ) .

Parmi les branches du commerce de gros, c'est celle relative aux biens d'équipement qui a connu la plus forte expansion, alors que, pour le com­merce de détail, les stat ions d'essence ont enregistré la progression la plus importante.

Enfin en ce qui concerne l'évolution du personnel occupé dans le secteur de la distribution, à partir des données des recensements de la population de 1 960 et de 1 966 (dont on a retranché le personnel des banques et assurances) on constate que la population active employée dans la distri ­b ution est passée de 1 4 056 personnes à 1 5 769 entre ces deux dates, ce qui correspond à u n taux d'accroissement annuel moyen de 1 .9%. En 1 966, l'effectif du secteur de la distribution a représenté 1 1 .3% de la population active totale, a lors que ce taux n 'a attei nt que 1 0,5% en 1 960.

Les chiffres précités démontrent donc qu'au cours des deux décennies passées le secteu r de la distribution a connu u ne évolution assez dynamique et q u'en raison de son taux de croissance relativement élevé, à la fois en ce qu i concerne la valeur ajoutée, le chiffre d'affaires et le personnel occupé, i l a pris u ne position grandissante dans . l'économie.

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Tableau no 83

Chiffre d 'affaires du commerce (1 961 -1 968)

Source: Annuaires du STATEC

Branches

Commerce de gros 1 . Matières premières agricoles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

1 1 . Minéraux et produits chimiques, essences, combustibles I l l. Bois d'oeuvre et matériaux de construction . . . . . . . . IV. Machines et matériel pour l'industrie, le commerce et

l'agriculture . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . V. Articles de quincaillerie et appareillage électrique . . . .

VI. Meubles et articles d'ameublement . . . . . . . . . . . . . . . VIl. Textiles et habillement, chaussures , . . . . . . . . . . . . . .

VI I I . Denrées alimentaires, boissons et tabacs . . . . . . . . . . IX. Commerce de gros n.c.a. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Totaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Commerce de détail 1. Magasins d'alimentation, de vins et de spiritueux . . .

1 1 . Pharmacies, drogueries, produits de beauté et articles de toilette . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

I l l . Textiles, habil lement et chaussures . . . . . . . . . . . . . . . IV. Meubles et articles d'ameublement . . . . . . . . . . . . . . . V. Quincailleries, peintures, papiers-peints . . . . . . . . . . . .

VI. Automobiles, motocycles, tracteurs, machines agricoles VIl. Stations d'essences, huiles, graisses lubrifiantes . . . . .

VI I I . Commerce de détail n.c.a. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Totaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Ensemble du commerce . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

1 961

879 1 744

631

509 1 071

1 35 1 81

2 230 813

8 1 93

2 523

3 1 6 1 509

361 469

96 301

1 233

6 808

1 5 001

1 968

867 3 21 5 1 092

1 361 1 81 5

297 250

3 422 1 258

1 3 577

3 680

526 2 244

660 774 203 687

1 759

10 533

24 1 1 0

4 . 322 Aspects et problèmes structurels

Unité: mio F

Accroisse­ment

1 968/61 en %

-1.4 84.3 73.1

1 67.4 69.5

1 20.0 38.1 53.5 54.7

65.7

45.9

66.5 48.7 82.8 65.0

1 1 1 .5 1 28.2

42.7

54.7

60.7

U n des principaux problèmes économiques du commerce est le coût auquel celu i -ci exerce son activité. En effet <des frais excessifs entraînés par un apparei l commercial pléthorique ou mal organisé freinent l'expansion économique en détournant des forces du secteur productif et en exagérant les disparités entre le prix payé par le consommateur et la recette du pro­ducteur» 1 .

1 Dictionnaire des sciences économiques. R O M E U F cf. «distribution».

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Jusqu'au lendemain de la deuxième guerre mondia le, l'évolution d u secteur de la distribution a été avant tout marquée par les deux tendances suivantes:

- multipl ication et - spécia l isation des points de vente.

Depuis le début des années 50, des changements structurels i mportants se sont cependant dessinés dans les pays développés à la su ite de l'évolution aes techniques (p. ex. développement des produits de rriàrque) et des modes de vie (concentration urbaine, accroissement des moyens de transport individuels) . Ceux-ci se sont tradu its par l'apparition de types de magasins nouveaux: l ibre-services, supermarchés, grands magasins à rayons multiples, chaînes volontaires, etc . . En même temps la fonction du grossiste subissa it de profonds changements sous l 'effet de la loi de la concentration commer­ciale.

Ces transformations structurel les, qui ont été accélérées par l' i ntensifica­tion de la concurrence dans le cadre du Marché commun, n 'ont cependant pas manqué de provoquer de vives oppositions parmi les petites et moyennes entreprises commerciales. Les débats ont encore été compliqués un peu par­tout (de même que pour l 'agriculture p. ex. ) par des considérations politiques et sociales (poids politique et problèmes de la survie des «classes moyennes») , de sorte que les nécessités économiques ont été parfois relayées au second plan.

En ce qui concerne le Grand - D uché, pour avoir une idée du nombre et de l'ordre de grandeur des entreprises commerciales, il faut se rapporter au recensement des établ issements i nd ustriels et commerciaux d u 31 . 1 2. 1 958. A cette date il existait 4 284 entreprises commerciales au Luxembourg, dont 3 1 41 entreprises du commerce de détai l et 1 1 43 entreprises d u commerce de gros.

Environ un tiers de ces entreprises occupaient une seu le personne, u n autre tiers deux personnes et 94.2% de la population active totale de la branche trava i l la ient dans des entreprises de moins de 10 personnes actives. Ces chiffres montrent i m médiatement la prédominance des petites entre­prises, qu i sont souvent a ussi cel les qu i sont les plus menacées par les modifications structurelles dans ce secteur.

En ce qu i concerne la comparaison i nternationale des points de vente par 1 000 habitants, les ch iffres que nous avons pu trouver datent tous des années 1 950 et sont en partie contradictoires. Dans l'ensemble on peut toutefois admettre que le Luxembourg a figuré à cette époque (1 958 notamment) derrière l'Al lemagne Fédérale et les Pays- Bas, en troisième position quant au rapport «popu lation/points de vente».

En l'absence de chiffres pour les années 1 960, i l est i m possible d'évaluer dans quel le mesure la situation des entreprises commercia les s'est modifiée à l a suite de l ' i ntégration européenne. En tout cas, en dehors de l'expansion des l ibre-services et des supermarchés, les expériences i nnovatrices (p. ex. combinaison de magasins à plusieurs départements, supermarchés aux faubourgs des agglomérations urbaines) sont restées exceptionnelles.

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Tableau no 84

Ordre de grandeur des étab lissements commerciaux (1 958) Répartition d'après le nombre de personnes actives

Source: STATEC

Effectif Établissements en % du total

1 . . . . . . . . . . . . 33.2 2 . . . . . . . . . . . . 34.4 3 . . . . . . . . . . . . 1 1 .7 4- 5 . . . . . . . . . 9.4 6- 9 . . . . . . . . . 5.5 1 0-1 9 . . . . . . . . 3.4 20 et plus . . . . . 2.4

Par contre, la tendance à la concentration s'est caractérisée a u Luxem­bourg surtout par le développement des chaînes volontaires et des centrales d'achat.

Par ai l leurs, dans le secteur de l 'a l imentation, où l ' importance des petites entreprises est sans doute encore restée la plus grande, le nombre des entre­prises est tombé de 1 945 u nités en 1 960 à 1 625 unités en 1 968, de sorte que le nombre d'habitants par entreprise est passé de 1 61 à 207.

Pour j uger de l'évolution des structures des entreprises commerciales, on doit toutefois tenir compte aussi de la l égislation qu i y a joué un rôle déter­minant.

a) Réglementation du droit d'étab lissement Le fait q u'au cours des années 30 le Luxembourg ait choisi la voie du

protectionnisme à la fois dans le secteur agricole et le secteur de la distri­bution n'est pas une simple coïncidence, mais le début d'une pol itique de repli sur soi - même en vertu de considérations politiques et socia les (plein emploi, p. ex.) . Ainsi, en 1 933, l' État a défendu la création de sociétés coopéra­tives de consommation nouvelles et, en 1 934, la création de succursales et de fil iales dans le secteur commercial, de même que la création de grands magasins à départements mu ltiples. Cette réglementation a été maintenue dans toute sa rigueur après la deuxième guerre mondiale et la loi du 2 ju in 1 962 l 'a confirmée expressis verbis. Au mi l ieu de 1 968 u n nouveau projet de loi, prévoyant u ne certaine l ibéral isation en ce domai ne a été voté en première lecture, mais n'a pas été adopté définitivement en raison de la crise gouvernementale i ntervenue à la f in de 1 968. En vertu de ce projet, la création de sociétés coopératives nouvel les devait de nouveau être autorisée, de même q ue cel le de grands magasins à deux départements d'articles d ifférents.

Par contre, le législateur a vou lu maintenir son interdiction d'ouvrir des fi l ia les et des succursales dans le secteur du commerce, bien que dans u n projet d e loi a ntérieur ( 1 966) l e G ouvernement ait reconnu q u e cette inter-

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diction était somme toute superflue étant donné qu'elle pouvait en effet être tournée assez facilement.

Ma lgré le caractère l imité de ce projet de réforme de 1 968, la Chambre de Commerce a exprimé son hostil ité à l'admission d'un deuxième départe­ment de marchandises dans les magasins. D'après cette organisation pro­fessionnelle - <d'admission d'une deuxième branche, avec ses connexités usuelles, reviendrait à créer en fait le grand magasin. Or, actuel lement cette dernière forme de vente n'apporterait rien de plus au consommateur luxem­bourgeois et mettrait le commerce établ i dans une situation difficile, voire dangereuse. Toute une couche sociale se verrait menacée, au profit de puissantes sociétés étrangères» 1 •

Mais «n'est- i l pas curieux de constater que dans ce secteur d e notre économie on affiche une si grande prudence devant le capital étranger, a lors que notre industrie sidérurgique P-n dépend largement et que pour d'autres secteurs nous faisons de louables efforts pour inciter les sociétés étrangères à venir s'implanter sur notre territoire ? D'autre part, nous estimons que ce n'est certa inement pas en érigeant des «barrières protectionnistes» que l'on se mettra au pas avec la concurrence étrangère»2•

Et le Conseil d'État d'ajouter dans son avis à la loi -cadre de 1 968: «La submersion par l'étranger ne pourra guère être contenue par un artisanat enferré dans des traditions surannées ou par un commerce dépoui l lé d'esprit de compétitiom>3.

D'ai lleurs le Luxembourg est le seul pays de la C.E .E . où de tel les restric­tions subsistent malgré les directives très nettes de l'art. 58 du Traité de Rome.

b) La loi-cadre du 27 jui l let 1 968

«ayant pour objet l'amélioration structurel le des entreprises du commerce et de l'artisanat a insi que la promotion des classes moyennes en général».

Cette loi concerne à la fois les entreprises artisanales et les entreprises commerciales; seul ce dernier aspect sera analysé ici.

Les entreprises commerciales avaient déjà été incluses dans la loi-cadre de 1 962 sur la d iversification et l'expansion de l'économie. M ais, dans l'ensemble, e l les n'avaient que peu profité d'une loi stimu lant avant tout l'expansion par la rationalisation et l ' introduction de productions nouvelles.

L'objectif de la lo i-cadre de 1 968 consiste à promouvoir l'adaptation des entreprises commerciales (et artisanales) aux condit ions du marché élargi et à leur permettre de su ivre l'évol ution économique.

« Dans cet ordre d'idées, i l appartient aux pouvoirs publ ics de sauvegarder à la petite entreprise l ibre, sainement condu ite, des chances d'autonomie et

1 Documents parlementaires No 1 307/1 967-68, Avis de la Chambre de Commerce. 2 Documents parlementaires N° 1 307, Avis de la Chambre des Employés privés. 3 Documents parlementaires No 1 246! 1 967-68, Avis du Conseil d'Ëtat.

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de prospérité, et de contribuer à la réalisation de chances égales de concur­rence pour les d ifférents types d'entreprises dans le secteur de la distribu­tion»1 .

Toutefois, vou loir rétabl ir par des aides étatiques les chances égales de concurrence entre les d ifférents types d'entreprises commerciales dont les u nes sont plus rentables et plus productives que les a utres, n'est-ce pas a l ler à l'encontre du progrès technique et des impératifs de rational isation et de concentration qu i s'imposent dans ce secteur tout autant que dans l'agri­culture ou l ' industrie ?

Conclusions

Le rapport U R l sur la situation économique dans les pays de la Com­munauté à la vei l le de l' i nstauration du Marché commun a constaté que la rational isation très poussée du secteur de la distribution en Allemagne s'expl ique essentie l lement par le fait qu'aucune mesure particul ière n'y a été prise pour protéger les formes traditionnel les d u commerce.

De son côté, «M. Pierre Wywekens, Administrateur généra l de l ' I nstitut Économique et Social des C lasses moyennes de Belgique, défenseur con­vaincu des petites et moyennes entreprises, a affirmé, à juste titre, qu'au G rand- Duché de Luxembourg les petites et moyennes entreprises ne res­sentent pas suffisamment la nécessité de s'organiser pour améliorer la structure du commerce luxembourgeois, du fait que l a législation luxem­bourgeoise a i nterdit une fois pour toutes les grands magasins et dispensé ainsi les détai l lants d'une concurrence qui, sans aucun doute, a stimulé leurs collègues des autres pays»2•

Or, depuis la dernière guerre mondiale, le secteur européen de la distr i ­butio n a connu d'importants progrès en matière d'organisation et de d i ­mension de l'entreprise et qu i se sont traduits notam ment par l'é l imination des entreprises marg inales, l'agrandissement de la tai l le moyenne des entreprises, la modernisation des techniques de vente et l'organisation de petites entreprises sous forme de chaînes volontaires et de centrales d'achat.

Vouloir faire barrage à cette évolution à l'aide d'une législation protec­tionniste est a nti-économique et à la longue inefficace et a ntisocial (comme l'a d'ai l leurs montré à suffisance le cas de l'agriculture) .

4. 33 Services financiers

Lors de l 'analyse du rôle du facteur «capital» dans le processus de l a croissance économique, nous avons déjà eu l'occasion de mettre en relief quelques aspects caractéristiques ainsi que divers problèmes structurels du système financier l uxembourgeois. Dans le présent chapitre il s'agira de montrer la dynamique propre de ce secteur qui , notam ment depuis le mil ieu des années 1 960, a connu un développement spectaculaire.

1 Documents parlementaires N° 1 246. Rapport de la Commission des affaires éco­nomiques.

2 J ules STOFFELS. La distribution. Tables rondes «Inventaire Économique».

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Remarquons d'emblée qu'en vertu des difficu ltés de la méthodologie du système normal isé de comptabilité nationale, l ' importance d u secteur finan­cier dans le P. l . B . est sous-estimée, de sorte que nous préférons nous repor­ter à d'autres critères dans notre appréciation sur l'expansion dudit secteur.

Le nombre des établissements bancaires et d'épargne autorisés à exercer leur activité dans le Grand- D uché est passé de 1 3 en 1 955 à 1 9 en 1 960, à 23 en 1 965 et à 38 en 1 970. Par conséquent, l'essor a été particul ièrement rapide depuis 1 965. Ce développement s'expl ique par le rôle grandissant que le Luxembourg a joué depuis le début des années 1 960 comme place financière i nternationale. Si le fondement j urid ique de cet essor remonte à la lo i du 31 ju i l let 1 929 sur les sociétés holdings ainsi qu'à l 'extension du bénéfice de cette loi aux fonds communs de placement à partir de 1 959, c'est essentiel lement à partir de l' instauration de la «interest equal ization tax» américaine de 1 964 et de la réorientation vers l 'Europe du marché i nterna­t ional des émissions que de nombreuses banques étrangères ont créé des fi l ia les à Luxembourg, où s'est faite une certaine centralisation des euro­émissions en raison du régime l ibéral a insi que des frais de transaction très modérés de la Bourse de Luxembourg.

Parallèlement à la m ultiplication des entreprises banca i res, l'effectif occupé dans ce secteur a enregistré u n essor particu l ièrement rapide, passant de 996 person nes en 1 955 à 1 321 personnes en 1 960 et à 3 31 0 personnes e n 1 969, ce q u i correspond à u n taux de croissance annuel moyen de respectivement 9.0% et 1 0.7% pour les périodes 1 955-1 969 et 1 960-1 969.

Pour montrer toute l 'ampleur de cette expansion, on peut relever que, dans l'espace de 9 ans, 1 989 emplois nouveaux ont été créés dans le

Tableau no 85

Emploi dans les établissements de crédit

Source: Association des banques et banquiers

En général Année

Total 1 Hommes 1 Femmes

1 955 1 996 769 227

1 960 1 321 933 388 1 961 1 446 991 455

1 964 1 9 1 0 1 225 685 1 965 2 076 1 302 774 1 966 2 241 1 355 886 1 967 2 41 1 1 491 920 1 968 2 701 1 662 1 039 1 969 3 31 0 1 994 1 3 1 6 1 970 3 756 2 240 1 51 6

Total

. . .

. . . 1 386

1 7 1 9 1 796 1 889 2 049 2 248 2 658 2 950

Luxembourgeois

1 Hommes \ Femmes

. . .

. . . 951

1 1 1 3 1 1 55 1 200 1 3 1 4 1 464 1 696 1 859

. . .

. . . 435

606 641 689 735 784 962

1 091

-Total

. . .

. . . 60

1 9 1 280 352 362 453 652 806

Étrangers 1 Hommes j Femmes

. . .

. . . 40

1 1 2 1 47 1 55 1 77 1 98 298 381

. . .

. . . 20

79 1 33 1 97 1 85 255 354 425

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cadre banca ire, soit 44% des emplois nouveaux créés dans le cadre de la politique de diversification industrielle durant la même période. De même que pour les industries nouvelles, ce développement du personnel n 'a pu se faire que grâce à u n recours croissant à la main-d'œuvre étrangère, notam­ment frontalière.

Ainsi, environ 32% des embauchages opérés depuis 1 961 ont concerné des étrangers; para l lèlement la part du personnel étranger dans la popu lation active totale du secteur est passée de 4% en 1 961 à 20% en 1 969.

D 'autre part, l'accroissement de l 'effectif du secteur bancaire s'est aussi traduit par un recrutement accru de personnel féminin, dont la part dans l 'effectif total est passée de 23% en 1 955 à 40% en 1 969.

Dans l'ensemble, le secteur bancaire a représenté, en 1 969, 2.4% de l a population active totale du pays, contre 0.7% e n 1 955.

Enfin, si l'on se réfère au critère des dépôts bancaires, on constate une progression encore plus foudroyante, étant donné que ceux-ci sont passés de 6.5 mil l iards de francs en 1 955 à 57.4 mil l iards en 1 969.

Les chiffres précités reflètent aussi, dans une certaine mesure, l'essor de la Bourse de Luxembourg, dont le nombre des valeurs cotées a qu intuplé depuis 1 962.

A côté de l'activité des banques et de la bourse, i l convient aussi de relever celle des compagnies d'assurances, dont l ' importance relative est certes plus rédu ite, mais qu i ont connu, el les aussi, un essor a ppréciable durant l'après-guerre. Ainsi le personnel des assurances est passé de 224 personnes en 1 955 à 476 personnes en 1 969, ce qui correspond à u n taux de croissance annuel moyen d e 5.5%; durant la même période le mon­tant des primes émises est passé de 270 mil l ions à 873 mil l ions, soit un accroissement annuel moyen de 8.7%.

Dans l'ensemble, le secteur des banques et assurances ayant enregistré un accroissement annuel moyen de son personnel de 8.4% depuis 1 955, le taux de progression de la valeur ajoutée devrait avoir été sans doute du même ordre de grandeur, sinon supérieur. L'apport de ce secteur à l'écono­mie est d'autant plus intéressant que, d'un côté, i l offre un débouché inté­ressant aux jeunes de plus en plus nombreux à se destiner à une carrière «administrative» et que, de l'autre côté, i l permet de valoriser un «know how» spécifique q LI'ont développé les banqu iers luxembourgeois grâce à leur expérience dans les affaires de caractère international.

En ce qui concerne les perspectives d'avenir du secteur des services financiers, s'il est hasardeux de faire des prévisions dans un domaine aussi mouvant que celu i des finances internationales, d'autant plus que l'har­monisation des législations financières des Six est, sinon proche de sa réa l i ­sation, du moi ns projetée, on peut néanmoins estimer que l'expérience et le «know how» gagnés dans le passé sont les meil leurs garants du développe­ment futur de ce secteur.

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4 . 34 Services touristîques

Si les services touristiques ne constituent pas une activité économique récente, ce secteur a toutefois connu depuis la f in de la dernière guerre une expansion considérable qui s'expl ique avant tout par l'élévation générale des revenus a insi que par les i mportants progrès réa l isés dans les transports tant collectifs qu' ind ividuels.

Néanmoins, ce secteur est toujours un de ceux que les économistes et les statisticiens connaissent assez mal, de sorte que, pour l'examen de l'évo lu­t ion a insi que des problèmes structurels de celui -ci, nous sommes obl igé de nous orienter d'après des critères assez grossiers, d'autant plus que dans les comptes nationaux ce secteur se trouve aggrégé avec celu i du commerce, de sorte que nous ne d isposons pas de chiffres distincts pour la valeur ajoutée.

Le chiffre d'affaires de l'ensemble des hôtels, restaurants et cafés est passé de 91 1 mil l ions de francs en 1 955 à 2 063 mil l ions en 1 968, ce qui correspond à un taux de croissance moyen de 6.5% par an . S i l'on considère les seuls h ôtels (y compris les restaurants et cafés y a nnexes), le taux de progression annuel moyen reste le même.

D urant la période de 1 955 à 1 969, le nombre des nuitées enregistrées dans les h ôtels et pensions est passé de 61 5 000 un ités à 827 000 un ités, soit un accroissement annuel moyen de 2.1 %. Il convient toutefois de remar­quer que depuis 1 963, année où pour la première fois plus de 800 000 nu itées ont été enregistrées, on ne peut plus parler de tendance ascendante, mais de tendance stagnante infléchie dans un sens ou dans l'autre selon les conditions atmosphériques durant les mois d'été. Par contre, le nombre des nuitées passées par les touristes dans les ca mpings luxembourgeois a connu une progression assez régul ière, passant de 256 000 u nités en 1 961 à 823 000 un ités en 1 969, et atteignant donc la même importance en cette matière que les hôtels et pensions. Ces chiffres montrent en même temps une évolution considérable dans la structure et les «expectations» de la cl ientèle.

En ce qui concerne l'importance du personnel occupé dans le secteur de l'hôtellerie, en 1 969, les 346 entreprises occupant des salariés ont employé 497 patrons, 207 a idants, 1 355 salariés et 1 1 0 apprentis, soit au total 2 435 personnes.1

De même que dans l'artisanat, la main-d'oeuvre étrangère représente une part majoritaire (54%) de la main-d'oeuvre salariée du secteur. Cette analogie avec l'artisanat se vérifie aussi pour un certa i n nombre d'autres traits carac­téristiques et notamment pour le caractère famil ial de la plupart des entre­prises h ôtelières.

Le secteur de l'hébergement, pris au sens large, a occupé en 1 969 4 1 66 personnes, réparties sur 1 225 entreprises, ce qui représente 3% de la population active tota le.

Parmi les nombreux problèmes que les entreprises ont d û affronter au cours d e la décennie passée, citons en premier l ieu celu i d u recrutement de

1 Chiffres provisoires susceptibles de révision.

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la main-d'oeuvre qualifiée qu i s'est présenté dans des cond itions de plus en plus diffici les au fil des années. Par a i l leurs, la modernisation des i mmeu ­bles et des instal lations, qu i pour un certain nombre d'établ issements est devenue une condition de survie, a posé de graves problèmes de financement q u i assez souvent ont dépassé les ressources des entreprises famil iales.

En ce qui concerne l'avenir du secteur de l 'hôtel lerie, si les capacités d'hébergement actuelles sont suffisantes pour les besoins à moyen terme, sauf pour ce qu i est de la capitale où la construction de quelques établisse­sements de grand luxe est encore en voie de réalisat ion, le principal poids des efforts des entreprises et de l'Etat devra se concentrer sur l'aspect qual itatif de ces capacités d'hébergement.

Par a i l leurs il reviendra aux autorités publ iques et aux syndicats d' in i ­tiative d 'assurer l ' infrastructure nécessaire en matière d'aménagement des loisirs, afin d'aboutir à un al longement de la durée moyenne des séjours et à u n étalement de la haute saison, ce qui ne manquerait pas de se répercuter avantageusement sur la rentabil ité des entreprises hôtelières.

Si les richesses naturelles du Grand- D uché ne peuvent certes pas con­couri r avec celles des centres touristiques méditerranéens ou a lp ins, le pays présente toutefois, de par la d iversité de ses paysages et la faible densité de sa population, un l ieu de détente idéal, ce qui devrait lui faire gag ner de nouveaux adeptes parmi ceux qui sont a l lergiques au tourisme de masse.

Enfin, l ' industrie hôtelière des régions des Ardennes, du «Mollerdall» et de la Moselle devra prendre davantage en considération les besoins crois­sants de détente et de loisir de la population indigène, phénomène qui pour­rait constituer à la longue une «nouvel le frontière» prometteuse pour l'uti l i ­sation optimale des i nstal lations touristiques du pays.

4 . 35 Administration publique

D 'après le tableau 1 des comptes nationaux retraçant l'orig ine par branche d'activité du P . I .B ., i l nous reste à examiner un dernier poste qui représente à l u i seul à peu près 1 0% du total, à savoi r l 'administration publ ique (y com­pris certaines entreprises publ iques non comprises a i l leurs) . S i la nature économiq ue des opérations du secteur public est encore controversée parmi les théoriciens, l ' importance de ce dernier, par exemple quant au nombre de personnes y occupées, a amené les comptables nationaux occidentaux à l ' i nclure dans la production nationale, sa valeur ajoutée étant constituée essentiel lement de salaires et traitements (et, pour une part mi ­neure, d e loyers et amortissements) .

Depuis la première révolution industriel le, le secteur publ ic a connu, tout autant que les autres secteurs économiques, une évolution considérable dans ses attributions et son fonctionnement, évolution qui s'est encore accentuée après la deuxième guerre mondiale. Le signe extérieur le plus voyant de ce changement a été sans doute la prolifération des fonction­naires, qu i de tout temps ont été considérés par l 'homme de la rue comme trop

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nombreux et trop peu efficaces, comme «budgétivores» et sangsues des contribuables».

Au Luxembourg, le nombre des fonctionnaires et employés de l' Etat est passé de 4 774 u nités en 1 937/38 à 6 680 un ités en 1 955 et à 8 872 unités en 1 970, ce qui correspond à des taux annuels moyens de croissance de respectivement 2.0% (1 937 /38-1 955) et 1 .9% (1 955-1 970). La progression du nombre d es fonctionnaires et employés occupés par les commu nes et les assurances sociales a été tout aussi, sinon plus rapide. Dans l'ensemble, la progressio n de l'effectif d u secteur public a donc nettement dépassé l'accroissement de la population active tota le.

Il faut toutefois relever que ce phénomène de «bureaucratisation» ne concerne pas seulement l 'Etat ou le secteur publ ic, mais aussi le secteur privé; a insi l ' importance relative des employés dans le personnel total occupé par l ' industrie manufacturière - même compte tenu du changement de statut de certains ouvriers - s'est sensiblement accrue au cours des deux dernières décennies.

Abstractio n faite des fluctuations conjoncturel les, la part du secteur de l'administration publique dans le P.I.B. est restée pratiquement constante ( 1 0 - 1 1 %), même si par ai l leurs l'Etat, l es collectivités locales et les assu­rances socia les se sont approprié une part croissante du revenu national, notamment en raison de l'importance grandissante du phénomène de la «redistribution» des revenus. Dans l'opin ion publique ces deux optiques, pourtant très différentes, ne sont pas clairement séparées, d'où une tendance à exagérer la progression des «budgétivores». Les deux optiques peuvent toutefois être conjuguées pour i l l ustrer la corrélation étroite entre la crois­sance économique ainsi que les aspirations matérielles y relatives et la progression du secteur public.

En effet, la croissance économique ne s'est pas seulement accompagnée d'un accroissement du nombre des fonctionnaires, mais surtout d'une révo­lution dans l es attributions de l'admi nistration. Au 1 9e siècle, l' idéologie dominante imposait à l' Etat d'i ntervenir l e moins possible dans la vie du pays. Vers 1 900, Anatole France pouvait encore écrire:1 «La République gouverne mal, mais je lu i pardonne,' car e l le gouverne peu». Si, au siècle dernier, l'administration était simplement responsable de l'ordre publ ic, actuel lement el le est responsable de tout et de tous, du manque de loge­ments, d'hôpitaux, d'écoles, de l'insuffisance des i nvestissements ou de la compétitivité des entreprises, de la baisse du taux de natalité, etc. Par con­séquent, certai nes fonctions traditionnel les de l'administration se sont con­sidérablement étendues, et surtout des fonctions nouvelles lui sont im­parties.

Mais comment l'administration s'est-e l le adaptée à cette place nouvel le dans la société ? Certes l'organigramme de cel le-ci s'est modifié, mais on ne peut mécon naître une certaine inertie dans l'organisation et dans les mé­thodes de travail, i nertie qu i selon l'éclairage recherché s'appelle «stabil ité»

1 Cité par Gabriel M IGNOT et Phil ippe d'ORSAY: «La machine administrative», page 1 20.

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(considérée souvent comme synonyme de cohérence, de continuité, voire de puissance) o u «routine». Certains auteurs, tels Michel Crozier1 , vont j usqu'à considérer l 'admi nistration comme une organisation «bloquée», i ncapable de se corriger en fonction de ses erreurs.

Sïl n'est pas de notre propos de faire ici le procès de l'admin istration et de ses méthodes de travai l ou de dresser l' i nventaire de «l'éternelle» réforme administrative, nous aimerions toutefois soul igner l 'urgence d'une nouvelle conception de l'activité étatique q u i découle des nouvel les conditions «d'environnement» et de responsabi l ité de l 'administration.2

Dans nos sociétés de plus en plus complexes, l'administration - qui par ai l leurs a son oei l, s inon son bras u n peu partout - doit d'abord être la «mémoire centrale», c'est-à-dire e l le a u n devoir d'observation et d'analyse systématique de l'évo lution des données de tous ordres qui caractérisent la vie de la collectivité. Ensuite, en synthétisant ces i nformations et en les rendant uti l isables pour la prévision, l 'admin istration devient l'organisatrice et la régu latrice de la société. C'est son rôle et sa responsabilité de connaître, de prévoir et d'orienter, cette mission devant se concrétiser par exemple dans la programmation économique et financière où dans l'aménagement du territoire. Par conséquent, l'activité de l'administration devra être de moins en moins une «production>> de textes réglementaires, mais de plus en plus u n travai l de conception, de prévision et d'organisation. I nuti le d'ajouter que cette mission exigera une formation nouvel le des hommes et u ne mobil ité dans les structures et les esprits qu i pour le moment ne sont malheureuse­ment pas encore l'apanage de ce secteur.

1 cf. M ichel C R OZI ER: Le phénomène bureaucratique. 2 cf. aussi Gabriel M IG N OT et Philippe d'ORSAY, op. cit.

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[ 5 . 0 CONCLUSIONS GÉNÉRALES

Enseig nements du passé et perspectives d'avenir

Durant la période d'après-guerre examinée, - qui marque une troisième phase dans le développement séculaire de l'économie après celles du «dé­collage» et de la «maturité» - le rythme de croissance de l'économie l u ­xembourgeoise a été avant tout i nfluencé par l'évolution d e son secteur industriel, étant donné q u e la progression du secteur tertiaire a été prati­quement égale à cel le du P. I .B. et que cel le de l 'agricu lture a été nettement plus faible.

Parmi les industries, la sidérurgie a évidemment joué un rôle capital, moins d'ai l leurs par le n iveau de son taux de croissance qui a été i nférieur à celu i de la p lupart des autres branches industrie l les que par son poids dans la structure économique d u pays. On peut donc constater que le pays s'est développé avant tout au rythme de ses hauts fourneaux. Le développement de cette industrie s'expl ique d'ai l leurs moins par l ' importance de l'expansion de la demande européenne ou mondiale - laquel le a été nettement plus élevée que celle de la production luxembourgeoise - que par la stratégie de la société A R B E D qui travai l le dans des conditions de concurrence serrées, ce qui l'a amenée à n'opérer qu'une extension prudente de ses capacités de production au Grand- Duché et à un développement plus dyna­mique dans la sidérurgie côtière.

Par ai l leurs, les calculs à l'aide d'une fonction de production du type Cobb- Douglas permettent d'évaluer l'i ncidence de l'accroissement des quan­tités de ressources en facteurs de production.

D'après nos estimations, l'accroissement de ces quantités - y compris l'amélioration de la structure de la population active par suite de la régression de la population agricole - expl ique un peu plus du tiers du taux de crois­sance annue l moyen, le reste devant être imputé aux facteurs «résiduels» ou «qual itatifs». Compte tenu de la faible progression de l'emploi intérieur qu i a été par ai l leurs presque entièrement compensée par la réduction de la durée d u travail, c'est essentiel lement l'accroissement du stock de capital qui a stimulé la croissance économique, ceci d'autant plus que, par le biais de l' immigration de la main-d'oeuvre étrangère, l'évolution de la population active dépend surtout de la création d'emplois nouveaux.

La comparaison avec les 9 pays occidentaux étudiés par Denison montre que le Luxembourg a été le pays où à la fois la quantité de travai l a aug-

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Tableau no 86

Incidence des principaux facteurs de croissance

-==================�========�==========

Variables

P.I .B . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1 . Emploi intérieur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2. Durée du travail

a) sans accroissement de productivité . . . . b) compte tenu de l'accroissement de

productivité de 40% . . . . . . . . . . . . . . 3. Diminution de la part de la population

active agricole . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4. Capital productif . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5. Maisons d'habitation . . . . . . . . . . . . . . . .

E nsemble du facteur travail (y compris ac­croissement de productivité) (1 +2b+3)

Ensemble du facteur capital (4+5) . . . . . . . . Facteurs «résiduels» . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Évolution 1 953-1965 Influence sur le taux de croissance du P.I .B.

variation globale

+48.4 + 5.7

- 9.2

- 5.5

43.1

taux annuel en % de la en points du moyen croissance taux de

+ 3.3 + 0.5

- 0.8

- 0.5

3.0

+ 7.6

-12.3

- 7.3

+ 5.7 +27.1 + 4.4

+ 6.0 + 3 1 .5

+62.5

croissance

+0.3

-0.5

-0.3

+ 0.2 +0.95 +0. 1 5

+0.2 + 1 .1

+2.0

La fonction de production se résout donc de la manière suivante

dY = a dl + (1 - a) dK + dP Cl( = 64.6

y L

't' 't' 3.3 0.2 +

K P

't' 't' 1 .1 + 2.0

menté l e mo ins - ceci ensemble avec la Norvège - et où le stock de capital s'est accru le plus lentement - ceci ensemble avec la Belgique et la G rande­Bretagne. I l n'est donc pas éton nant de constater que le pays ait réalisé u n taux d e croissance assez faible a u cours d e la période d e 1 953 à 1 965.

En ce qui concerne les facteurs humains, i l nous semble d'abord que le fai ble taux de natalité des Luxembourgeois a eu un effet déprimant sur le dynamisme de la société, et par conséq uent sur la croissance économique d u pays. I l est cependant diffici le de dire s i ce faible taux de natalité est un i ­q u ement une des causes de la lente croissance économique, ou s i , au con­traire i l s'agit d'u n symptôme, voire d'une conséquence d'une société in­tri nsèq uement stationnaire, dont la seule ambition ne consisterait p lus q u 'à stabi l iser le haut niveau de vie atteint après la guerre.

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L'analyse de l'évolution de la main-d'oeuvre révèle que l ' impact de ce l le-c i a été pratiquement nul , compte tenu notamment d e la réduction de la durée du travai l . Par ai l leurs, au Grand- Duché l'accroissement de la population active n'est pas seulement une cause, mais aussi une· consé­quence de la croissance économique, étant donné que par suite de l ' im­portante immigration durant les périodes de haute conjoncture la première s'est adaptée aux exigences de la seconde. Bien que le pays ait connu u n p le in emploi constant, l e manque d e main-d'oeuvre n'a donc été u n goulot d 'étranglement pour la croissance que dans certains secteurs l imités comme par exemple la construction. Dans d'autres secteurs par contre, et notam­ment dans l'agriculture et dans certaines branches du secteur tertiaire, on a p u constater u n sous-emploi latent qui a été favorisé par une politique trop protectionniste et qui dénote en même temps le manqu e de mobil ité pro­fessionnel le et les déficiences dans la mobil isation et l'orientation des res­sources disponibles en main-d'oeuvre. Enfin, plus que le coût du facteur travail c'est le manque de qual ification professionnel le - dû à la fois à la rotation rapide des travai l leurs étrangers et aux déficiences de l 'enseignement - qui a constitué un hand icap pour l'économie.

L'analyse de l 'évolution du facteur «capital>> montre à la fois la progres­s ion relativement lente du stock de capital et la rénovation parfois fonda­mentale d'une partie de celu i -ci, notamment dans certains secteurs i n ­d ustriels. D'autre part i l y a eu un contraste très net entre l'abondance de l'épargne nationale et les déficiences dans l'acheminement de ces fonds dis­ponibles vers des emplois productifs dans le pays. Ces déficiences s'ex­pl iquent à la fois par le manque de capitaux à risques i ndigènes et par l e sous-développement d u crédit à moyen terme e n faveur d e l a modernisation des petites et moyennes entreprises.

Les i nvestissements industriels ont été affectés tantôt à la modernisation d e la production, accompagnée d'une extension quasi fatale des capacités, comme par exemple dans la sidérurgie, tantôt à la création d'entreprises i ndustrie l les nouvelles dans des secteurs de pointe.

En ce qui concerne les i nvestissements publ ics, il y a lieu de relever sur­tout les grands travaux réalisés en matière d'insta l lations hydro-électriques ainsi que la modernisation et l 'extension des moyens d e transport et de communication. O n peut toutefois se demander si, au cours des deux dé­cennies écoulées, l e niveau des investissements étatiques a été suffisant, compte tenu d'un côté de l'abondance des ressources f inancières du sec­teur publ ic et compte tenu d'autre part des graves déficiences qu i sub ­sistent dans les équipements collectifs tels que les installations sanitaires ou le réseau routier.

Dans l'ensemble, l'analyse des facteurs de l'offre met donc en l umière une stagnation relative des ressources en hommes, une progression plus rapide de la formation brute de capital fixe et une abondance de l'épargn e nationale. Aussi l'économie luxembourgeoise a-t�ene d û recourir dans :une forte proportion à l' immigration, alors qu 'un montant a ppréciable d e res­sources financières a été placé ·à l'étranger.

2.37

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En ce q u i concerne l'optique demande, c'est avant tout la demande étrangère qui a joué un rôle de stimu lant dans la croissance de l'économie l uxembourgeoise. En effet, les exportations ne sont pas seulement u ne con­d ition de survie de beaucoup d'industries et notamment de l' industrie sidé­rurgique, de la chimie et des fabrications métal l iques, mais el les ont encore permis à d'autres branches i ndustrielles de tirer profit de l'élargissement des marchés à la suite de l' i nstauration de la Communauté Economique Euro ­péenne p o u r trouver de nouveaux clients en dehors des étroites frontières nationales.

Si, néanmoins, les exportations luxembourgeoises ne se sont pas dé­veloppées au même rythme que cel les des autres pays du Marché commun, cela tient avant tout à l a structure «Viei l l ie» de la production luxembourgeoise et au manque de compétitivité de beaucoup d'entreprises, notamment parmi celles de moindre envergure. Par conséquent, ce sont donc les struc­tures de production qu i ont empêché le pays de profiter au maximum d'une demande étrangère potentielle en rapide expansion.

L'analyse sectorielle a permis de réaffirmer la grande diversité des con­ditions - malgré l e monol ithisme apparent des structures économiques l uxembourgeoises - qu i o nt i nfluencé de façon divergente le développe­ment des différentes activités économiques, que ce soient les disponibi l ités en facteurs de production, la dimension des entreprises, les conditions de concurrence ou l'orientation de la politique économique. Cet examen constitue donc un complément indispensable à l 'analyse globale et rend sceptique devant la prol ifération actuel le de modèles macro-économiques relatifs à l'explication du p hénomène de la croissance.

En outre, l'analyse sectoriel le a mis en évidence les branches qui , telles que l' i ndustrie chimique ou les services financiers, ont connu une progres­sion particul ièrement dynamique et ont par a i l leurs contribué le plus à la consolidation de l a croissance. Ces «performances» ne doivent cependant pas faire oubl ier les profondes m utations structurel les qui se sont opérées dans d'autres branches tel les que par exemple l'agriculture ou les mines de fer.

Enfin, l 'analyse sectoriel le a montré que les théories trop schématiques de Colin Clark et de Jean Fourastié sur la productivité spécifique des diffé­rents secteurs ne traduisent guère la réalité beaucoup plus complexe, tant en ce qui concerne les progrès de productivité remarquables de l'agricu lture que quant à la diversité des situations dans l ' industrie et le secteur tertiaire.

L'analyse de l ' incidence de la politique économique révèle qu'au Grand­Duché l'objectif de croissance n'a pris q u'assez tardivement (1 961 - 1 963) u ne place primordiale parmi les préoccupations des autorités politiques. Par a i l leurs, u ne appréciation d'ensemble de l ' influence de cette politique n'est pas possible sans u ne d istinction entre deux «Volets» opposés q ui ont carac­térisé celle-ci: politiqu e l ibérale à l'égard du secteur i ndustriel et des acti­vités financières, politique protectionniste à l'égard du secteur agricole et de la p lupart des activités du secteur tertiaire.

La pol itique de diversificatio n et d'expansion industriel les concrétisée par la loi -cadre de 1 962, a produit u n effet stimulateur i ndéniable sur la

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croissance i ndustriel l e. Non seulement les entreprises nouvelles ont donné l ieu, en l'espace d'une dizaine d'années, à la création de p lus de 5 000 em­plois supplémentaires - soit plus de 1 0% de la population active de l' i n ­dustrie - ceci l e plus souvent d'ai l leurs dans des régions jusque-là peu industrialisées, mais surtout le renforcement de la structure des entreprises de dimensions moyennes et le dynamisme i ntrinsèque des entreprises nou­vel les constituent un important garant de la croissance i ndustrie l le future.

Dans ce contexte il y a l ieu de relever aussi que la politique énergétique et la politique de l'eau poursuivies par l e Gouvernement depuis les années 50, ainsi que, dans une moindre mesure, le raccordement du Luxembourg au trafic aérie n i nternational, ont puissamment a idé celui-ci dans ses efforts de d iversifier la structure industrie l le. Par contre, les efforts d'adaptation du réseau routier à la nouvel le configuration régionale résultant de la diversi­fication industrie l le peuvent être considérés comme insuffisants.

A l'encontre de la pol itique industrie l le, la pol itique poursuivie dans le secteur agricole et dans certa i nes branches du secteur tertiaire a été moins favorable à la croissance économique, étant donné que parfois les mesures prises ont plutôt retardé que favorisé les changements structurels i névitables dans ces secteurs. Enfin , en matière de pratique administrative, il y a l ieu de relever un manque de coordination et d'analyse prospective qui ont entraîné certains retards et gaspil lages regrettables.

Remarquons aussi dans ce contexte que le Luxembourg vit en symbiose économiqu e et financière avec la Belgique, de sorte que l'évolution et la politique économique de ce pays o nt nécessai rement eu des conséquences sur la croissance de l'économie l uxembourgeoise. Ces conséquences ont été à la fois favorables en ce qui concerne la politique de stabil ité monétaire qui est une condition vitale pour tout pays exportateur, et moins favorables en ce que le Gouvernement belge n'est i ntervenu qu'assez tardivement (1 959) pour stimuler la croissance de l'économie qui, par a i l leurs, s'est développée moins vite que celle des autres pays du Marché commun en dehors du Luxembourg.

Le principa l stimulant de la croissance économique l uxembourgeoise nous semble cependant avoir été l'intégration européenne, dont les effets favorables se sont fait sentir dans presque tous les domaines de l'économie.

Cette i ntégration européenne a agi d'abord sur l 'offre e n favorisant l ' im­migration de travai l leurs étrangers et en provoquant l ' investissement de capitaux américa ins en Europe, qu i ont notamment permis la création d'entreprises i ndustriel les nouve l les et la diversification de la structure i ndustrie l le monol ithique du Grand- Duché.

Du côté de la demande, l' i ntégration européenne a évidemment élargi les marchés potentiels accessibles aux producteurs l uxembourgeois en é l iminant un certai n nombre d'obstacles institutionnels qui entravaient les échanges i ntra-communautaires; e n même temps les producteurs ont profité de l 'expa nsion spectaculaire de ces échanges provoquée par le processus d'intégration.

Au Luxembourg, l e principal secteur bénéficiaire de l ' intégration a été la sidérurgie, ceci grâce à l 'extension des débouchés, à l'organisation des

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marchés, à l'aplanissement des f luctuations des prix de l'acier, à l a sécurité des approvisionnements en matières premières, à l'harmonisation des conditions de transport, et enfin, à la solution du moins temporaire du problème du coke d'outre-mer. Étant donné l ' importance de la sidérurgie dans l'économie nationale, ces effets n'ont pas manqué de se répercuter favorablement sur le développement économique général.

Dans le secteur agricole, l'avantage pour la croissance de l'i nstauration d u Marché commun a moins consisté dans l 'ouverture de nouveaux dé­bouchés pour les excédents l uxembourgeois que dans la réorientation de la pol itique agricole vers un objectif de rational isation et d e compétitivité.

Si, dans le secteur tertiaire, - à l'exception toutefois des activités ban�

caires - les effets ont été moins pro noncés par suite du retard que ce secteur a pris dans le processus d'intégration, celui-ci a cependant été le principal bénéficiaire de l 'i nstal lation à Luxembourg d'une partie des i nstitutions européennes.

A la fi n de notre analyse des facteurs de croissance dans l'économie l uxembourgeoise, i l nous reste à nous demander dans que l le mesure cette croissance a été due à l' i nfluence d e facteurs ou d'initiatives spécifiquement luxembourgeois.

Les développements précédents montrent q ue, malgré le niveau assez faib le d u taux de croissance annuel moyen, ce dernier ne peut être imputé que pour une part m ineure aux Luxembourgeois. E n effet, d'un côté, l'ac­croissement d es facteurs de production s'est fait essentiel lement par un re­cours aux ressources étrangères. Ai nsi la population active de national ité l uxembourgeoise s'est rétrécie durant la période examinée, de sorte que l'accroissement de l 'emploi a résulté exclusivement de l ' immigration. En outre, malgré le niveau élevé de l'épargne nationale, l es capitaux à risques et les industriels i nnovateurs indigènes ont largement fait défaut, de sorte que le mouvement de diversificatio n i ndustrie l le a reposé essentiel l ement sur les capitaux et le «know how» étrangers. De l'autre côté, la politiqu e économiqu e l uxembourgeoise a été caractérisée durant les années 5 0 avant tout par la prudence et la recherche de la stabi l isation du haut niveau d.e vie atteint, d e sorte que les grandes réorientations de la pol itiqu e et les q uelques i nnovations dans la pratique admi n istrative sont avant to\.lt à mettre au compte de. l ' i ntégration e uropéenne à laquel le . le Luxembourg ne pouvait pas nf;) pas participer. Si l ' i nstauration d u Marché commun a donc indubitablement accéléré la prise d e conscience des problèmes structurels et a constitué par a i l leurs u n contre-poids salutaire à l' influ ence des groupes de pression nationaux, il faut tout de même re.connaitre que le gouvernement l uxembourg eois a réussi par la suite à tirer profit des conditions économiqu es nouvelles pour promouvoir une diversification rap ide des structures i n ­dustrielles q u i a en même temps contribué à résoudre u n certa in nombre de problèmes régionaux et à assainir l es structures agricoles.

En ce q u i concerne les perspectives d'avenir, s'i l n'y aura pas c;le change­ments fondamentaux par rapport à l 'orientatio n q\.le l'économie a prise au cours des a nnées récentes � rational isation de la sidérurgie, essor des in-

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dustries nouvelles, réduction du nombre des entreprises agrico les et artisa­nales, développement du secteur tertiaire et en particulier des services financiers, croissance relativement lente du P .LB., - la polit ique écono­mique devra toutefois se faire à la fois plus intensive --,.. comme par exemple pour la modernisation du secteur de l 'hôtellerie et de la distribution - et plus sélective - comme par exemple pour la politique industrie l le et la politique agricole.

De cette façon la croissance de l'économie dans son ensemble devrait subir une accélération à moyen terme. Le rythme d'accroissement a nnuel du produit national brut en vol ume pourrait ainsi atteindre 4.0%, alors qu' i l a été de 3.2% pour la période 1 961 - 1 965 et de 3.5% pour la période 1 966-1 970.

Cette évolution résulterait à la fois d'une accélération des progrès de la productivité (taux annuel d e 3. 1 % contre 2.4% de 1 961 à 1 965 et 2.8% de 1 966-1 970) et d e l'augmentation de l'emploi ( 1 961 - 1 965: 0.8%; 1 966-1 970: 0.7%; 1 970-75: 0.9%).

Tableau n° 87

Croissance globale et par secteur de 1 960 à 1 975 (Taux de variation annuels moyens en %)

Source: Estimations du STATEC

Valeur ajoutée en volume Productivité

1 961 - 1 966- 1 971 - 1 960- 1 965- 1 970- 1 960-1 965 1 970 1 975 1 965 1 970 1 975 1 965

Emploi

1 965-1 970

Agriculture . . . . . . . . . 0.8 1 .1 1 .0 4.3 4.8 4.6 -3.1 -3.4 Industrie' . . . . . . . . . . 3.4 4.0 5.5 1 .9 3.0 3.5 1 .5 0.9 Services . . . . . . . . . . . 3.5 3.2. 2..7 2..1 1 .6 1 .9 1 .4 1 .6

Produit national brut 3.2. 3.5 4.0 2..4 2..8 3.1

1 dont Sidérurgie . . . . . . . . 2..3 3.3 2..8 Autres industries • • . 5.6 5.6 9.0 Construction . . . . . . 2..8 1 .2. 3.0

1 970-1 975

-3.4 1 .9 0.8

Par ai l leurs l'économie luxembourgeoise est appelée à subir des change­ments structurels sensibles à moyen terme, notamment en ce qui concerne la régression relative de l'agriculture et de la sidérurgie, ainsi que l'essor des industries nouvel les et du secteur tertia ire.

Rappelons toutefois que l'objectif de croissance accélérée avec un taux d'accroissement annuel du produit national en volume de 4.0% de 1 971 à 1 975 ( 1 961 - 1 970: 3.4%) , ne pourra être attei nt que si l 'augmentation an­nuel le prévue d e la popu lation active ( +0.9%) se réalise i ntégralement.

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Tableau no 88

Evolution de la structure de l'économie l uxembourgeoise de 1 960 à 1 975 (valeurs ajoutées en % du P.N.B.

Source: Estimations du STATEC

1 960 1 965 1 970 1 975 {estimation) (aux prix de

1 970)

Agriculture . . . . . . . . . . . . . 8 6 5 4 Industrie · · · · · · · · · · · · · · 55 53 53 57

dont: Sidérurgie . . . . . . 32 24 24 22 Autres industries 1 6 21 22 28 Construction . . . . 7 8 7 7

Services . . . . . . . . . . . . . . 37 41 42 39

Produit national brut . . . . . . 1 00 1 00 1 00 1 00

Or cet accroissement ne peut être couvert que par des i mmigrations nettes de main-d'œuvre étrangère de l'ordre de 1 500 personnes par an, contre 900 u nités par a n environ durant la décennie qu i vient de se terminer. Par a i l leu rs l 'apport net de frontal iers devrait être de 200 un ités par an. Le solde migratoire annuel total (y compris les famil les) serait de l'ordre de 2 500 personnes.

Au seui l de la nouvel le décennie les fondements de la prospérité luxem­bourgeoise se trouvent certainement consolidés par rapport à la situation d'il y a dix a ns; en même temps cependant l'économie se rapproche aussi d'un plafond de plus en plus diffici le à faire reculer en ce qui concerne les res­sources en main-d'œuvre, vu d 'un côté l'évolution régressive de la popula­tion active i ndigène et, d'autre part, le tarissement des «réservoirs» tradi ­tionnels d'émigration. Dans ces conditions les facteurs humains, c'est-à-dire notamment la formatio n et l 'orientation des hommes, prendront une place primordia le, ce dont on ne peut d'ai l leurs que se fél iciter.

En gu ise de conclusion il faut d'abord constater qu' i l est diffici le de dé­gager un enseignement d'ordre général de l'expérience l uxembourgeoise, d'autant plus que j usqu'à présent la théorie économique n'a pas encore suffisamment éclairé le rôle de la dimension de l 'économie nationale dans le processus de l a croissance et q ue, par ai l leurs, le Grand- Duché est un pays aux dimensions vraiment «marginales».

Si les économies de petites d imensions - et ceci concerne aussi en grande partie les économies régionales des grands pays - se caractérisent très souvent par une structure i ndustriel le peu diversifiée, ceci comporte évidemment des risques de décl in à long terme pour a utant que le passage d'un secteu r moteur à un autre, postulé par Rostow dans son l ivre sur les étapes de la croissance et i l l ustré par les études de Marczewski et de Kindle­berger sur la France et la Grande- Bretagne, ne se fait pas à temps.

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A ce sujet, le cas d u Gra nd - Duché et la comparaison avec les réalisations de la Sarre, de la province belge du Luxembourg et de la Lorraine - où les conditions économiques ne sont certes pas identiques, notamment en ce qu i concerne la gravité des problèmes structurels, mais où, d'autre part, des moyens étatiques beaucoup plus importants peuvent ou pourraient être mis en œuvre - cette comparaison montre que le Luxembourg est en train de résoudre ses problèmes structurels avec un succès i ncontestable. Dans ce sens on peut conclure que c'est «l'indépendance dans l'intégration européenne» qui a été u n des principaux atouts d u pays.

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J �-----------------------------------------------

ËPI LOGUE

Au-delà de la croissance économique . . .

Au terme de la présente étude délibérément l imitée à un aspect restreint et parfois complexe et ardu de la vie en société, il n'est peut-être pas i nutile de faire une mise en garde devant tout «économisme» ou tout «fétichisme du P N B», et de rappeler que la croissance économique n'est pas u ne fin en soi, mais un moyen susceptible de nous approcher d'autres objectifs p lus humains.

Par a i l leurs, il faut être conscient du fait que la croissance économique s'accompagne de coûts sociaux et humains i mportants, mais trop souvent négl igés: i nadaptation et a l iénation des hommes, pol lution et encombrement du mil ieu naturel dans lequel nous vivons. Certai ns a uteurs contemporains, tels que l'économiste britannique E. J. M I S HA N 1 vont jusqu'à affirmer que «the contin ued pursuit of economie growth by Western Societies is more l i kely on balance to reduce rather than i ncrease social welfare».

En ce qu i concerne la «répartition des fruits de l'expansion», est- i l besoin de rappeler qu' i l n'existe aucun mécanisme économique garantissant auto­matiquement une distribution j uste et équitable de la richesse additionnel le créée ? En outre, à côté de ce problème de répartition des revenus se pose celu i de la participation du «facteur travail» à l'organisation et à la responsa­bi l ité de la vie économique.

Enfin, quant à l'uti lisation «des dividendes du progrès»2 la société devra se décider si el le entend continuer l'actuelle «avalanche de gadgets, de publ icité et de monoxyde de carbone»2 ou si el le est prête à freiner la progression de la consommation privée en faveur d u développement des équipements collectifs.

Au-delà de la croissance économique se pose donc la question capitale pour l'avenir de l 'humanité: «L'abondance, à q uoi bon ?»2

1 E.J. M ISHAN: The costs of economie growth, page 1 73 . 2 David R I ES MAN: «L'abondance, à quoi bon ?»

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1. O UVRAG ES ET ARTICLES GEN ERAUX ETTH EORIES D E LA CROISSANCE

ALLEN R . G . D., Macro-economie Theory, Macmillan, london, 1 967 ARON Raymond, Dix-huit leçons sur la société industrielle, Gall imard, Paris, 1 963 AR ROW K. J ., CHENERY H. B., M IN HAS B., SO LOW R. M., Capital-laber Sub­stitution and Economie Efficiency; Review of Economies and Statistics, 1 961 BROCH I E R H . et TABATON I P., Économie financière, P.U .F., Collection «Thémis», Paris, 1 963 CAZES Bernard, la vie économique, Armand Colin, Collection U, Paris, 1 965 COBB C. W. and DOUGLAS P. H., A Theory of Production, American Economie Review, 1 928. (Différents auteurs), Fluctuations économiques, Analyses de théories, Collection «la théorie économique du temps présent», Éditions Domat Montchrestien, Paris, 1 954 FOU RASTIÉ Jean, le G rand Espoir du XXe Siècle, Gall imard, Paris, 1 962 FOU RASTIÉ Jean, les 40 000 heures, laffont-Gonthier, Paris 1 965 GALBRAITH J. K., l'tre de l 'Opulence (trad. franç.) Calmann- lévy, Paris, 1 960 G IE RSCH Herbert, Allgemeine Wirtschaftspolitik - Grundlagen -, Betriebswirt­schaftl icher Verlag Dr Th. Gabier, Wiesbaden, 1 960 G U ITTON Henri, Les fluctuations économiques, dans Traité d'économie politique de Gaëtan P I ROU, Recueil Sirey, Paris, 1 951 HARROD R. F., Towards a Dynamic Economies, Macmillan, london, 1 949 HOFMANN Werner, Theorie der Wirtschaftsentwicklung vom Merkanti lismus bis zur Gegenwart, Sozialôkonomische Studientexte, Duncker u. H umblot, Berlin, 1 966 KI RSCH EN E. S., Conjoncture et mouvements économiques généraux, cours polycop., Bruxelles, 1 966 KUZNETS Simon, Six lectures on Economie Growth, The Free Press of G lencoe, I ll inois, 1 959 KUZN ETS Simon, Sur la croissance économique des nations modernes, Économie Appliquée, tome X, 1 957, no 2-3 LECAI LLON Jacques, Analyse macroéconomique, Éditions Cujas, Paris, 1 969 LEWIS Arthur W., The Theory of Economie Growth, Allen and U nwin, London, 1 955 MARCHAL André, Systèmes et structures économiques, P .U .F., collection «Thémis», Paris, 1 963 MARCHAL Jean, Expansion et récession, Éditions Cujas, Paris, 1 963 N EU MARK Fritz (u. a . A.), Strukturwandlungen in einer wachsenden Wirtschaft, 2 B., Schriften des Vereins für Socialpolitik, Duncker u . Humblot, Berlin, 1 964 PERROUX François, L'économie du XXe siècle, P.U .F., Paris, 1 965

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PIATIER André, Statistique et observation économique tomes 1 +2, P.U.F., collec­tion «Thémis», Paris 1 961 R I ESMAN David, L'abondance, à quoi bon ? Edit. Robert Laffont, Paris, 1 969 ROSTOW W. W., The Stages of Economie Growth, Cambridge University Press, Cambridge, 1 960 SAM U ELSON P. A., Foundations of Economie Analysis, Harvard U niversity Press, Cambridge 1 947 SCH U M P ETER Joseph, Business Cycles, McGraw-H ill, New York, 1 939 S C H U M PETER Joseph, Capitalisme, socialisme et démocratie (trad. franç.), Petite Collection Payot, Paris, 1 964 STO LERU, L., L'équil ibre et la croissance économiques, Dunod, collection «Finance et économie appliquée», Paris 1 967 TIN B ERG EN, J., Techniques modernes de la politique économique (trad. franç.) , D unod, Paris, 1 961 V INCENT L. A., Progrès technique et progrès économique, Revue économique, nov. 1 961 Von KUN ITZKI Norbert, Croissance et stabi l ité économiques, Université interna­tionale de sciences comparées, Luxembourg, 1 969

Il. O UVRAGES ET ARTICLES RELATI FS AUX DIFFERENTS THi:MES

1 ) H istoire économique

AN D ERS Jérôme, Cinquante années d'activité i ndustrielle, dans Écho de l' Industrie no 1 1 /1 970 B U H LMANN Rolf, Wirtschaftliche Entwicklung und Bedeutung der Gru ben- u nd Eisenindustrie im GroBherzogtum Luxemburg, Imprimerie Bourg-Bourger, 1 949. CARBON ELLE C., Recherches sur l'évolution de la production en Belgique, Cahiers économiques de Bruxelles, avril 1 959. HABAKKU K H. S., The historical experience on the basic conditions of economie progress, dans «Economie Progress», édit. par L. H . D upriez et D. C. Hague, Louvain 1 955. HABAKKU K N. J., American and British Technology in the N ineteenth Century: The Search for Labor-Saving Deviees, Cambridge University Press, Cambridge 1 962. H O LZEM Eugène D., Aspects économiques et financiers du développement de l' industrie sidérurgique luxembourgeoise, Mémoire, Esch-Aizette, 1 963. KI N D LEBERGER Charles P., Economie Growth i n France and Britain 1 851 -1 950, Harvard U niversity Press, Cambridge (Mass.) 1 964. KIN D LE B ERG ER Charles P., The Terms ofTrade. A European Case Study. Wiley, 1 956 MARCZEWSKI Jean, Y a-t-il eu un «take-off» en France? Cahiers ISEA série A-D,1 PAIG E. B LACKABY et FREU N D, La croissance économique au cours des cent dernières années, Bulletin SE DElS no 804, 1 er déc. 1 961 QUASTEN Heinz, D ie Wirtschaftsformation der Schwerindustrie i m Luxemburger M inett, Geographisches Institut, Universitat des Saarlandes, 1 970 REUSS C., KOUTNY E. et TYCHON L., Le progrès économique en sidérurgie, Belgique, Luxembourg, Pays- Bas, 1 830-1 955, Éd. Nauwelaerts, Louvain 1 960. ROSTOW W. W., The economies of take-off into sustained growth. Proceedings of a conference held by the International Economie Association, Macmillan, London 1 963. SVE N N I LSON, Growth and Stagnation in the European Economy, E.C.E., Un ited N ations Geneva, 1 954 TRAUSCH Gi lbert, Structures et problèmes agraires du passé. Hémecht n° 4/1 968 -no 3/1 970

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2) Economie et politique économique d'après-guerre

ALS Georges, La politique économique du Grand-Duché de Luxembourg (polycop.), Contribution à l'ouvrage collectif «Economie Policy in our Time» de E. S. Kirschen B ERTH ET, CARRÉ, D U BOIS et MALINVAU D, Sources et origines de la croissance française au milieu du xxe siècle. INSEE Paris, juin 1 965 DEN ISON E. F., The Sources of Economie G rowth in the U.S. and the Alternatives before US. Committee for Economie Development, Suppl. Paper no 1 3. 1 962 DEN ISON E. F., assisted by Jean- Pierre POULLIER, Why Growth R ates Differ. Postwar Experience in N ine Western Countries, The Brookings Institution, Washing­ton 1 967 DOCUM ENTATION FRAN ÇAISE, Croissance et politique économique. Rapport du groupe de travail de I'O.C.D.E. chargé de l'étude des mesures destinées à favoriser la croissance économique. Notes et Études Documentaires no 31 55, 1 4 janvier 1 965 I?OCUMENTATION FRANÇAISE, Le Grand-Duché de Luxembourg, Notes et Etudes Documentaires no 31 34, 6 novembre 1 964 DROUIN Pierre, L'Europe du Marché Commun, Jull iard, Paris 1 963 H EM MER Carlo, L'économie du Grand-Duché de Luxembourg t. 1 +2, Imprimerie J. Beffort, Luxembourg 1 948 et 1 952. IFO-STUDI EN, Bestimmungsfaktoren der deutschen Produktion. Eine ôkono­metrische Zeitreihen-Analyse. lfo-lnstitut für Wirtschaftsforschung, München, 7. Jahrgang 1 961 Heft 1 /2 KI RSCHEN E. S. (et autres auteurs), La politique économique contemporaine, U .L.B., Éditions de l'I nstitut de Sociologie, Bruxelles 1 966. LAU LAN Yves, Marché Commun et conjoncture concertée. Coll. «Observation économ.» SEDES, Paris 1 963 M U H LEN Ernest, L'économie de petit espace. Cahiers Économiques de I'ADUSEC, Luxembourg 1 966 O.C.D.E., Croissance économique 1 960-1 970. Perspectives en milieu d'exercice. Paris 1 966 POOS Jacques F., Le Luxembourg dans le Marché Commun, Luxembourg + Lausanne 1 961 RAU Fernand, L'incidence de la C.E.E. sur l'économie luxembourgeoise, Mémoire de licence. Louvain 1 963 RASQUIN M ichel, Le Luxembourg économique. Études économiques, cahier no 7, 1 951 ROB INSON E.A.G., Economie Consequences of the Size of Nations. Proceedings of a Conference held by the International Economie Association. M acmillan, London, 1 960 SAI NT-GEOURS Jean, La politique économique des principaux pays industrialisés de l'occident, Sirey, Paris, 1 969 SCITOVSKY Tibor, Economie Theory and Western European I ntegration. Allen + Unwin, London, 1 958 U N ITED NATIONS-E.C.E., Sorne factors in economie growth in Europe during the 1 950, G eneva, 1 964 WEHENKE L Antoine, Théories et politiques budgétaires. Univ. l ntern. Sc. Comp., Luxembourg, 1 970

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3) Facteurs de l a croissance économique

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4) Economie sectorielle

BAU ER Lucie, Quelques aspects de la sidérurgie au Grand-Duché de Luxembourg. Mémoire de licence. Liège, 1 963 BARELLA Carla, Prêts à long terme et investissements des États-U nis à l'étranger de 1 958 à 1 968. Cahiers de I ' I .S.E.A., Tome I l l, no 3, mars 1 969 B ERNS Matthias, Neue Strukturen agrarischer Wirtschaftsun ion. Letzeburger Bauere Kalenner. 1 964 B RAUN Fernand, L'inventaire statistique des i nvestissements étrangers en Europe, dans «Les i nvestissements étrangers en Europe» Dunod, Paris, 1 968 CAMY Pierre, Les coopératives de consommation. Bulletin spécial de la Société Coopérative des Employés, 1 955 CAMY Pierre, L'organisation administrative des services économiques du Grand­Duché de Luxembourg. Revue Internationale des Sciences Administratives, Bruxel­les, Vol. XXI I I - N' 3/1 957 CARBON ELLE C., Recherches sur l'expansion des entreprises dans l' industrie des fabrications métalliques. Cahiers économiques de Bruxelles no 24/1 964 CECA - HAUTE AUTO R ITÉ, Les i nvestissements dans les industries du charbon et de l'acier de la Communauté. Rapport récapitulatif sur les enquêtes 1 956-1 965, Luxembourg, Août 1 966

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· O.N.U.-Commission économique pour l 'Europe, Aspects de la concurrence entre l'acier et d'autres matériaux, New York, 1 966 O.N .U ., Étude sur la croissance du secteur industriel, New York, 1 963 RAUS Jean - Paul, L'aide à l'investissement dans les six pays de la Communauté, (dactylogr.), Luxembourg, 1 968 RI ES Adrien, L'agriculture luxembourgeoise dans le Marché Commun, ST ATEC, 1 970

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SCHNE IDER Jean-Paul, Vers une réforme de la structure industriell e au Grand­Duché de Luxembourg, d'après son programme de relance économique. Mémoire de licence, Anvers 1 967 THOLL Gérard, Die Luxemburger Agrarpolitik in der Nachkriegszeit (1 945-1 959) u nd ihre ordnungspolitische Problematik. Thèse de doctorat, Bonn 1 963. VON KUNITZKI Norbert, Les entreprises luxembourgeoises devant la TVA, Fédéra­tion des Industriels, Luxembourg, 1 969

5) Prévisions et programmation économique

CAI R E G uy, La planification, Éditions Cujas, Paris 1 967. CAZES Bernard, La planification en France et le IVe Plan, Éditions de l 'Épargne, Paris 1 962 C.E.E., Méthodes de prévision du développement économique à long terme, I nfor­mations statistiques no 6 nov./déc. 1 960 C.E.E.-Commission, Projet de second programme de politique économique à moyen terme (polycop.), Bruxelles, 1 968 G U I LLAU MAT (groupe de travail présidé par . . . } , Réflexions pour 1 985, La documentation française, Paris, 1 964 HAN C K J oseph, Problèmes de notre avenir économique, I mprimerie Coopérative, Esch-Aizette, 1 961 . INSTITUT «Finanzen und Steuern» no 95. D ie mittelfristige Finanzplanung des Bundes. - Voraussetzungen und Folgen. Bonn, August 1 967 MASSE Pierre, Le plan ou l'anti-hasard. Gal limard collection «idées», Paris, 1 965 MASSE Pierre, BERNARD Pierre, Les dividendes du progrès, Éditions du Seuil, Paris 1 969 MASSE Pierre, L'Europe et l'idée de programmation économique, Revue du Marché Commu n no 55/février 1 962 MISHAN E. J., The cost of economie growth. Staples Press, London, 1 967 SCH M ITZ Nelly, Prévision de croissance des pays développés. Cahiers économiques de Bruxelles no 32/1 966 VON KUNITZKI Norbert et POOS Jacques F., Pour ou contre une planification au Grand-D uché de Luxembourg. Cahiers économiques de I'ADUSEC no 1 /1 964

I l l . P U B LI CATIONS OFFICIELLES ET PRESSE LUXEMBOU RGEOISE (indications sommaires)

AR BED, rapports annuels Banque I nternationale de Luxembourg, rapports annuels Chambre des députés, documents parlementaires Conseil économique et social, rapports Fédération des I ndustriels, rapports annuels Gouvernement, projets de budget Ministère de l'agriculture, rapports sur la situation de l'agriculture Ministère d'État, Service I nformation et Presse, Bu lletins de documentation STATEC, Comptes nationaux

L'économie luxembourgeoise en 1 9 . . L'économie industrielle du G.-D. de Luxembourg 1 948-1 966 Bu lletins

Arbecht - Écho de l'industrie - Letzeburger Bauer - Letzeburger Land - Luxembur­ger Wort - Républicain Lorrain - Tageblatt

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