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    ACCESSIBILIT, MOBILIT, INEGALITS :REGARDS SUR LA QUESTION EN FRANCE AUJOURDHUI

    Jean-Pierre ORFEUILProfesseur, Universit Paris XII

    Centre de Recherche sur lEspace, les Transports, lEnvironnement et les Institutions Locales

    INTRODUCTIONLamlioration de lefficacit des systmes de transport (transports individuels commetransport public) et laccs dune proportion croissante de la population lautomobiletraduisent, en France comme dans la plupart des pays, laccord entre les pouvoirspublics constamment soucieux damliorer les infrastructures et un certainconsentement payer pour la vitesse de la part des couches moyennes et suprieuresde la population. Ces volutions se traduisent par une amlioration de laccessibilit aux

    lieux, notamment en termes de temps de parcours, au moins pour la partie de lapopulation qui peut utiliser une automobile de faon rgulire. Dans le mme temps, lesgrands acteurs de lurbain (employeurs, grand commerce, etc.) intgrent cetteaccessibilit croissante et sa composante automobile dominante dans leurs stratgiesde maillage du territoire et de localisation, aussi bien lchelle mtropolitaine (moindreintrt des localisations centrales) qu lchelle infra communale (moindre intrt de laproximit dune desserte en transport public, intrt croissant pour la proximit des voiesrapides). Dans ces conditions, laccessibilit aux fonctions urbaines ne suit pasncessairement, et pas pour tous de la mme faon, celle de laccessibilit aux lieux.

    Cest pourquoi le diagnostic de progrs, peu discutable pour les classes moyennes et

    suprieures si lon excepte les questions denvironnement, peut tre plus rserv pourcertaines parties de la population : personnes ges mobilit progressivement rduite,mnages dont le revenu ne permet pas une possession et un usage rgulier de voiture,actifs faible qualification, personnes dsinsres .

    Cest videmment le cas pour les personnes vivant dans les mnages sans voiture, alest aussi en partie pour les mnages disposant de ressources trop faibles pour utiliserde faon extensive lautomobile, dont les cots de possession et dusage restent levsen France, comme dans la plupart des pays europens, par comparaison avec lesEtats-Unis. Au-del des aspects strictement conomiques, laptitude culturelle lamobilit spatiale peut aussi tre invoque.

    Cette contribution aux dbats vise clairer les diffrences de mobilit entre catgoriessociales lies leurs diffrences de revenu disponible. Fonde pour lessentiel sur desenqutes gnralistes, elle ne prtend pas aborder de front la qualification des pratiquesde mobilit des personnes en situation dexclusion ou de dsaffiliation, qui ne participentpas toujours ce type denqutes. On rendra compte toutefois de diffrences trsimportantes dans les comportements, mme au sein de la partie intgre de lapopulation.

    Une premire partie rappellera lvolution spectaculaire des normes de mobilit dansdiffrents domaines (mobilit quotidienne, rapport lemployeur, etc.) en France au

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    cours des vingt dernires annes. Parce que la croissance de laptitude la mobilittransforme le territoire de chacun et in fine celui de tous, on prsentera ensuite deslments de diagnostic relatifs au redploiement des fonctions sur le territoire : rle

    relativement moindre de la centralit, chelles de maillage, dveloppement despriphries et des changes correspondants. Cest dans ce cadre que pourront treanalyses les diffrences daccs, de pratiques et de cots de mobilit sur les chellessociale et territoriale. On sinterrogera enfin sur les enjeux, politiques et les moyenssusceptibles de rduire ces ingalits dans le contexte de la France daujourdhui.

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    I LA NORME DE MOBILIT : EN FORTE CROISSANCE

    Une mobilit franaise dans la moyenne europenneEn moyenne, chaque Franaisi de 6 ans et plus parcourt 15000 kilomtres par an. Lerythme de croissance annuel est de prs de 4% depuis une vingtaine danne,nettement plus lev que la croissance conomique. Le niveau de mobilit desFranais se distingue assez peu de celui des Europens. La densit automobile du paysest dans la moyenne europenne. 80 % des mnages sont motoriss (70 % en 1980)et, malgr la diminution de la taille des mnages, la multimotorisation progresse : 25 %des mnages sont multimotoriss (15 % en 1980). 80 % des adultes ont le permis.

    Une explosion des dplacements longue distance40 % des distances est parcouru lors de dplacements longue distance (par dfinition:plus de 100 km), motivs principalement par les rencontres familiales et les loisirs, plus

    accessoirement par des activits professionnelles. Ce crneau connat une croissanceforte (5 % par an). Cest la fois du ct de loffre et du ct de la demande quil faut enchercher les raisons. Sur le premier point, lextension du rseau autoroutier, lapparitionde la grande vitesse ferroviaire, la multiplication des vols, le tout dans un contexteconcurrentiel, rendent plus accessibles les destinations loignes, et souvent pour desprix en baisse. Du ct de la demande, le phnomne majeur a t lapparition de laclasse des seniors (jeunes retraits en bonne sant physique et conomique), lamobilit trs fortement croissante par rapport la gnration prcdente. Le relais estaujourdhui pris par ceux des actifs, surtout les cadres qui peuvent organiser leurrduction du temps de travail sous forme de longs week-ends et ont les moyens yconsacrer.

    Au quotidien, des distances plus grandes, des destinations et des motifs plusdiversifis60 % des distances parcourues concernent des dplacements moins de 100 km dudomicile. Dans cet espace, la croissance des distances (3 % par an) est plus faible queprcdemment. La mobilit joue un rle de lubrifiant, conciliant par exemple des lieux detravail moins prennes avec un ancrage rsidentiel qui saffirme avec le dveloppementde la proprit. La gographie des flux est en forte volution : un tiers des distancesseulement (une part en rgression) est aujourdhui parcouru lors dchanges avec lecentre (o les transports publics jouent un rle important), un tiers pour des liaisons tangentielles (changes internes aux couronnes, en progression) et un tiers par des

    changes entre agglomrations proches (en forte progression). Tandis que la mobilitinterne aux communes est en baisse et que la mobilit strictement urbaine (changesau sein de la partie dense des villes) crot peu, les changes au sein des banlieuesnouvelles et des espaces priurbains, et les changes entre agglomrations proches,croissent fortement, au rythme de 3,5 % par an et tirent les circulations automobiles.

    Ces croissances traduisent en termes de dplacements des volutions enregistresdans le domaine de lhabitat et des activits : hausse des prix de lhabitat centralattractif, inadaptation des logements aux besoins des familles, dsaffection rsidentiellede certaines communes de proche couronne, croissance du pavillonnaire priurbain

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    encourage par les mcanismes de solvabilisation de laccession, grandes surfaces,multiplex, parcs de loisirs, fonctions logistiques, fonctions de back office , toutesactivits se localisant souvent au voisinage des rocades de contournement. Elles

    rsultent aussi de lutilisation de lespace rgional comme bassin de vie unifi par unefraction croissante de la population (habiter Nantes pour ses amnits mais travailler Saint-Nazaire, rester Saint-tienne mais retrouver un emploi Lyon, etc.) ;

    Au-del des explications ponctuelles relatives tel ou tel march, laptitude croissante la mobilit se traduit par une intensification des situations de concurrence : lemployeurpeut recruter sur un march de plus en plus tendu et limiter les pratiques anciennes derecrutement par connaissance, les couches les plus aises peuvent vincer lescatgories les plus modestes dun march local du logement attractif par ses amnits,sans quune proximit lemploi en soit la cause. Cest ce quon observe dans le Parisgentrifi, avec des actifs rsidents qui vont travailler en banlieue.

    La domination de lautomobileLa voiture est le mode dominant de la mobilit locale, avec 63 % des dplacements et81 % des distances parcourues. Elle est suivie des transports publics (14 % desdistances) de la marche (un quart des dplacements mais peine 3 % des distances) etles deux-roues sont marginaux. La part de lautomobile progresse constamment. Desobservations rcentes suggrent toutefois que les dcroissances trs marques delusage de la marche et des deux-roues observes dans les annes quatre-vingt et audbut des annes quatre-vingt -dix pourraient bien tre derrire nous, avec un certainrenouveau des centres villes, la mise en route de plans de dplacements urbains et lacroissance de la population retraite.

    Une heure par jour en dplacementsAu quotidien, nous passons en moyenne une heure en dplacements. Depuis que desoutils fiables dobservation existent, cette dure na pas vari, malgr la croissance trsforte des distances parcourues. Lobservation de cette constance peut faire lobjet de 2types dexplication. Le premier met laccent sur les individus. Il postule quau quotidien,nous cherchons profiter au maximum des opportunits que nous offre la ville dans uneenveloppe de dure de dplacement constante. Cest lindividu, acteur de sa propre vie,qui tire parti des progrs de vitesse pour profiter de l hyper choix urbain ; Le secondmet laccent sur les transformations de la ville, de sa densit, des localisations et dudegr de maillage des activits. On postule alors une coproduction de la mobilit et de

    lurbanisation, les progrs de vitesse des systmes de transport tant utiliss par les unset les autres avec une contrainte de budget temps non croissant pour des objectifsstratgiques propres : tre entre soi, lcart des flux, en maison individuelle pour lespersonnes, dvelopper son aire de chalandise partir dun petit nombre dimplantationspour un oprateur commercial, quitter une logique de quartier et rejoindre la galeriecommerciale de loprateur prcdent pour un boulanger, un coiffeur, passer dunrseau de cinmas de quartier au quartier de cinmasLa dynamique du systme peutalors prendre racine sur les capacits de la majorit, mais laisser insatisfaits les besoinsdautres, moins aptes la mobilit, ou encore les contraindre des adaptationsrsultantes, comme pour les couches modestes en dsir de maison individuelle,

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    progressivement cartes du march central de ce type dhabitat en le-de-France parles couches plus aises..

    Et 32000 francs par an pour la mobilitEn 2000, les mnages ont en moyenne consacr 32000F, soit 15 % de leur budget, auxdpenses lies lautomobile et aux transports (dont 85 % pour la voiture). Cette partest relativement stable depuis une quinzaine dannes, malgr la croissance du parcautomobile dtenu par les mnages et de leur circulation. En effet, le cot delquipement tend baisser avec le dveloppement du march de loccasion etlallongement de la dure de vie des voitures, le cot de lassurance a chut avec labaisse des accidents, le cot moyen du carburant a fortement baiss avec ladislisation. Il nen reste pas moins quun budget moyen de 32000 Francs (il est vraimodulable) peut savrer lev pour une part non ngligeable de la population, alorsmme que lusage de lautomobile est plus souvent indispensable. Cela nous invite

    explorer plus avant les disparits et ingalits de mobilit.

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    II LVOLUTION DE LOCCUPATION DU TERRITOIRE

    Un dynamisme rsidentiel important de la priphrie des villes

    Les conditions de la mobilit offertes par les politiques publiques et laptitude lamobilit lies la motorisation des mnages permettent une volution rapide deloccupation du territoire, dautant plus que la France est un pays peu dense (100habitants/ km2) aux zones urbaines historiquement denses. La trame urbaine peut selire comme la superposition de diffrents ges de la ville, celui de la ville pdestre

    jusquau milieu du dix-neuvime sicle, celui de larchipel de noyaux urbainssecondaires (noyaux bourgeois, noyaux populaires et, dans la dernire priode, grandsensembles) lis aux haltes des transports publics jusquaux annes soixante, ville delge automobile depuis la dmocratisation de lautomobile dans les annes soixante.(Cest en 1968 que le seuil dun mnage quip sur deux est franchi).

    La proportion de la population vivant dans lespace urbain au sens strict (villes centreset banlieues), qui a cr jusquen 1975, est en dcroissance depuis. linverse, lapopulation des couronnes priurbaines (espaces qui envoient au moins 40 % des actifsvers les ples) crot fortement depuis 1975, sous leffet essentiel de soldes migratoirespositifs venant des ples. Au-del de cette couronne, lespace rural sous faible influenceurbaine (20 % au moins des actifs envoys vers le ple) connat lui aussi un dynamismeimportant, avec 400000 personnes en plus entre 1990 et 1999.

    Dans ces volutions, si les conditions de la mobilit jouent un rle important, lesmcanismes de solvabilisation de laccs au logement pour les mnages modestes

    jouent galement un rle notable. Jusquau milieu des annes soixante-dix, lessentiel

    de laide dEtat allait la construction locative en immeuble collectif. Le dispositif a tprogressivement assoupli puis fortement concurrenc par des dispositifs daide laccession sociale. Le dispositif de prt taux zro, destin laccession la propritdes mnages modestes, fait partie de ces mcanismes. Laccdant modeste rechercheles terrains les plus conomiques, de 20 40 km des villes selon leurs tailles et lescontextes locaux. Cest ainsi (Adef, 2001) que les bnficiaires de prt taux zro (75% dentre eux ont des revenus infrieurs 125 Kf) sorientent aux deux tiers vers lescommunes rurales ou les communes priurbaines, qui ne reprsentent que 40 % de lapopulation, tandis quelles sorientent au tiers vers les ples urbains, qui comptent pour60 % des populations.

    TABLEAU 1VOLUTION DE LA REPARTITION DE LA POPULATION FRANCAISE

    1962 1975 1990 1999Ples urbains 27,1 32,9 34,4 35,2Couronnes priurbaines 5,7 6,5 8,9 9,7Espace dominante rurale 13,6 13,2 13,4 13,6

    Source : Insee Premire n 726

    Qui nest pas sans incidence sur la dpense de transport des mnagesDes travaux mens sur lle-de-France (Polacchini et Orfeuil, 1998) suggrent qualors ladpense lie aux dplacements quotidiens peut prendre un poids trs important dans le

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    budget des mnages. Ils estiment le poids des dpenses de logement et de transportdans le budget, pour 2 catgories de mnages, les locataires du secteur priv et lespropritaires. Les dpenses de logement sont estimes en moyenne sur 9 zones de

    lle-de-France, diffrencies par les prix au m2. Les zones les plus priphriques sontles moins onreuses. Les dpenses de transport concernent lensemble de la mobiliten le-de-France (week-end compris), mais pas la mobilit longue distance.

    Ltude pralable de la composition des mnages et de la qualit de leur logementfait apparatre limportance du tri social et gnrationnelopr par lespace francilien etles structures de prix du logement : des zones de prix les plus leves aux zones lesplus conomiques la taille moyenne des mnages crot, tandis que le revenu par unitde consommation dcrot. La taille des logements augmente, mais la superficiedisponible par personne est sensiblement quivalente. On notera au passage que cetri, en partie indpendant des conditions daccs au march du travail, nest rendu

    possible que par les conditions de la mobilit : un espace rsidentiel ne peut tre plussgrg quun espace de travail (o se retrouvent cadres, employs et personnels deservice) que si les uns et les autres ont des possibilits correctes de rejoindre ces lieuxdactivit.

    Dans chaque catgorie (locataires et propritaires) le taux deffort pour le logement esttrs peu sensible aux localisations et il est de plus assez comparable entre accdants(rappelons quil sagit des remboursements demprunt, sans considration de lapportinitial) et locataires. Dans chaque catgorie galement, les budgets-temps de transportpar personne sont assez comparables, alors que les caractristiques daccessibilit (aumarch de lemploi notamment, voir infra)) sont trs diffrentes. Les diffrences entre

    zones portent essentiellement sur la part du budget affecte aux transports, qui passede 7 % du budget dans les zones de prix lev 19 % (locataires) et 24 % (accdants)dans les zones les plus priphriques. Le taux deffort global (logement+ transport)passe alors du tiers la moiti des ressources disponibles.

    TABLEAU 2TAUX DEFFORT POUR LE LOGEMENT ET LES TRANSPORTS SELON LA LOCALISATION EN ILE-

    DE-FRANCE

    Prix au m2 du logementlev Moyen Faible

    Locataires (secteur priv)

    Revenu mensuel par UC 7790 6020 5040Taux deffort logement (%) 27 25 26Taux deffort transport (%) 7 11 19Taux deffort global 34 36 45AccdantsRevenu mensuel par UC 11880 9660 7560Taux deffort logement (%) 26 29 26Taux deffort transport (%) 7 11 24Taux deffort global 33 40 50

    Source : Polacchini et Orfeuil (1999)

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    . Hivert et Chella (2002) ont repris le travail partir dune troisime source, lenquteparc automobile des mnages de la Sofres, pour laquelle des dpenses de logementont t renseignes. Les dpenses de transport sont les dpenses de transport public

    locaux et les dpenses automobiles (toutes distances confondues). Le rsultat essentiel(des parts de budget de plus en plus absorbes par le logement et les transports mesure quon sloigne des centres) est confirm pour lle-de-France. En province, latendance est globalement la mme pour les accdants, avec toutefois des carts enmoyenne plus faibles. Pour les locataires, le centre est toujours le lieu de leffort globaltransport+logement le plus faible, mais banlieue et priphrie sont souvent dans unmouchoir de poche. Ltude permet en outre distinguer les mnages selon une chellede revenu en quintile. Dans chaque localisation rsidentielle. Le rsultat principal est lesuivant : chez les mnages pauvres, la dpense globale logement+ transport est detoutes faons trs leve et varie de 45 % (locataires des centres) 55 % (locataires enpriurbain et accdants des centres). La dpense de transport contribue un cart

    significatif entre priphrie et centre (elle passe de 8 % 17 % du revenu chez leslocataires, de 19 22 % chez les accdants). Le plus frappant chez ces mnages esttoutefois un usage extrmement modr de lautomobile (mais croissant du centre lapriphrie) : chez les mnages priurbains franciliens du premier quintile, on ne compteque 0,85 voiture par mnage et les mnages ne font que 9000 km par an, ce qui est tout fait exceptionnel dans ce contexte. Par comparaison, chez les mnages priurbainsdu quintile suprieur en revanche, la part du logement et des transports reste infrieureau tiers des ressources quelque soit le contexte, malgr 32000 km parcourus en voiture.Ces lments montrent les restrictions importantes que simposent les mnagesmodestes priurbains en matire dusage de la voiture.

    la suite des premiers travaux sur lle-de-France, la Dreif a interrog des organismesde financement du logement. Ltude montre que ces organismes nutilisent que descritres traditionnels (Position professionnelle, taux deffort et reste vivre ) et quelestimation de la dpense de transport des emprunteurs ne fait pas partie des critresutiliss pour slectionner les emprunteurs : le cot de la mobilit reste dans cetteapproche du domaine de loption, alors mme que ce cot est en grande partieprformat par la localisation.

    Des activits qui se redploient aussi, mais un rythme plus lent.Le mouvement qui porte les populations vers des zones de moindre densit concerneaussi les emplois, mais les rythmes dvolution sont plus lents. Les villes centres ne

    perdent globalement que peu demplois, il est vrai parce que les pertes importantesenregistres dans les plus grandes (en particulier Paris, avec 300000 emplois perdus)sont en partie compenses par des gains dans les plus petites villes centres. Labanlieue intrieure, zone urbaine largement constitue avant la gnralisation delautomobile et correctement desservie par les transports publics, gagne prs de 400000emplois, mais la banlieue extrieure, dont la morphologie date de la dmocratisation delautomobile et o les zones demploi se sont frquemment cres aux abords des voiesrapides, en gagne le double. Le voisinage des voies rapides de contournement a induitun dveloppement rapide des grandes fonctions de distribution (grandes alimentaires etspcialises, multiplex, campus universitaires, etc.) Les zones priurbaines quant elles voient leur population active rsidente crotre de 1,6 millions, tandis que lemploi y

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    diminue. Hier zones riches en emplois agricoles, artisanaux et de commerce deproximit, elles se spcialisent aujourdhui sur laccueil des populations et les activitsde service ces populations. Dans la rgion urbaine de Lyon par exemple, le nombre

    dtablissements assurant une forme ou une autre de services la population ne croitque de 20 % dans la zone centrale, contre plus de 50 % dans un rayon de 10 50 kmdu centre (Mignot, 1999). Ces activits peuvent exiger une automobile pour lesrejoindre, mais les distances parcourir restent pour lessentiel contenues. En matiredemplois en revanche, les dsquilibres ne peuvent que susciter une croissance desmouvements migratoires, mme sils sont trs loin den tre la seule origine. Cest ainsique la population conduite sortir de sa commune de rsidence est passe de 43 % 64 % entre 1975 et 1999, et que la distance moyenne au travail est passe de 7 13km. Apprcies la rsidence, les distances restent trs structures par lalocalisation : elles doublent de la ville-centre au priurbain. Apprcies au lieu de travail,elles sont au contraire en voie d'homognisation, autour de 13 km : il y a de moins en

    moins demploi protg par des barrires physiques, lespace de la comptition etson intensit ont fortement cru. Globalement donc :

    - Les banlieues voient leur taux demploi samliorer, mais surtout dans leurcomposante datant de lge de lautomobile.

    - Les espaces priurbains voient leur taux demploi se dgrader fortement. En outre,lemploi priurbain est plus soumis la concurrence quauparavant.

    - Les centres dont laccessibilit en transport public est bonne voient leur situation enmatire demploi se dgrader.

    Ce paysage gnral doit videmment tre nuanc par type demploi et par type dactifs.

    On ne dispose pas encore sur ce point des observations du dernier recensement.Cependant, les tendances sur la priode 1975-90 sont claires : la chute de lemploiindustriel est beaucoup plus marque dans la ville centre et la banlieue intrieure, etdautant plus marque que les villes sont grandes. Il en va de mme pour les activitslogistiques. Dans les services, les tlcommunications permettent de sparer lesfonctions les plus nobles des autres. La ville centre est un lieu de cration nettedemplois de cadres, de stagnation de lemploi demploys, et de destruction nettedemplois douvriers et de techniciens. linverse, les banlieues extrieures et la frangela plus proche du priurbain sont des lieux de stagnation de lemploi ouvrier, dedveloppement des emplois de techniciens et demploys.

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    TABLEAU 3

    VOLUTION DES LIEUX DE RESIDENCE ET DEMPLOI

    1975 1999 volutionVille centreActifs 7243 6012 -1231Emplois 9434 9302 -132Taux demploi 1,30 1,55Banlieue intrieureActifs 3536 3493 -43Emplois 3048 3429 +381Taux demploi 0,86 0,98Banlieue extrieureActifs 3084 3727 +643Emplois 2369 3171 +802

    Taux demploi 0,77 0,85Communes priurbainesActifs 6096 7586 +1490Emplois 5229 5148 -81Taux demploi 0,86 0,68Source : MASSOT MH et ROY Emeline, travail en cours lINRETS

    Il y aurait ainsi bien, en tendance, une forme de spatial mismatch la franaise.Ceci nous invite rendre compte de la gographie des lieux de rsidence et demploides actifs les plus pauvres (ceux dont le mnage dispose de moins de 75 KF de revenuannuel en 1994, soit 7 % des actifs) et de leurs pratiques migratoires.

    - Ces actifs habitent plus souvent au centre que lensemble de la population. Cetteobservation ne vaut pas pour lle-de-France, mais est vraie pour la majorit desvilles de province. Elle est lie lhistoire ancienne de lhabitat social et des casde parc social de fait (habitat priv dgrad). Ils sont en revanche moinsprsents que la moyenne des actifs en priphrie, notamment parce que laccessionsociale la proprit concerne surtout des mnages plusieurs actifs, dont lerevenu dpasse alors la borne que nous nous sommes fixe, mme si les 2 actifsperoivent des salaires modestes.

    - Les lieux de travail de ces actifs pauvres sont situs un peu moins que la moyenneen banlieue, un peu plus que la moyenne en priphrie.

    TABLEAU 4LIEUX DE RSIDENCE ET DEMPLOI SELON LE REVENU DU MNAGE

    Jusqu 75 KF De 76 125KF De 126 204KF 205 KF et plus EnsembleDomicile des actifs 100 100 100 100Centre 38 36 28 30 31,2Banlieue 37 35 37 45 36Priphrie 25 29 35 25 32,8Travail des actifs 100 100 100 100 100Centre 48 46 44 49 46

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    Banlieue 25 32 32 36 33Priphrie 27 22 24 15 21Source : Orfeuil daprs ENT

    - Malgr ces inadquations, les actifs pauvres travaillent plus souvent dans leurcommune de rsidence (46 % contre une moyenne de 33 %) et migrent sur desdistances plus courtes (11 km contre 13 en moyenne). Ceux qui habitent au centretravaillent au centre dans 79 % des cas (contre 75 % en moyenne pour lensembledes actifs et ils ne sont pas plus que la moyenne reprsents dans lemploipriphrique), ceux qui habitent en banlieue travaillent 63 % en banlieue (contre 60%. On note parmi eux une proportion plus forte que la moyenne dactifs travaillant enpriphrie), ceux qui habitent en priphrie travaillent en priphrie 74 % (contre56 % en moyenne. On note parmi eux une proportion trs infrieure la moyennedactifs travaillant au centre). Lhypothse dun spatial mismatch est donc

    relativiser, du moins pour les actifs ayant un emploi. On ne disposemalheureusement pas dlments forts concernant les chmeurs.

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    TABLEAU 5.1

    APPARIEMENT DES RESIDENCES ET DES EMPLOIS

    Jusqu 75KF

    De 76 125KF

    De 126 204KF

    205 KF etplus

    Ensemble

    Rsidence des actifs qui travaillentau centre

    100 100 100 100 100

    Centre 74 62 47 46 51Banlieue 16 22 29 36 29

    Priphrie 10 16 24 18 20Rsidence des actifs qui travaillent

    en banlieue100 100 100 100 100

    Centre 26 20 16 17 18Banlieue 63 71 69 70 69

    Priphrie 11 9 15 13 13Rsidence des actifs qui travaillent

    en priphrie100 100 100 100 100

    Centre 11 11 10 9 10Banlieue 7 7 8 14 9

    Priphrie 82 82 82 77 81Source : Orfeuil daprs ENT

    TABLEAU 5.2APPARIEMENT DES ACTIFS ET DES EMPLOIS

    Travail des actifs qui habitent au centre 100 100 100 100 100Centre 79 77 73 75 75

    Banlieue 14 17 19 21 18Priphrie 7 7 9 4 7Travail des actifs qui habitent en banlieue 100 100 100 100 100

    Centre 29 29 34 40 35Banlieue 63 66 60 56 60

    Priphrie 8 5 6 4 5Travail des actifs qui habitent en priphrie 100 100 100 100 100

    Centre 16 26 31 37 30Banlieue 10 9 14 17 14

    Priphrie 74 65 55 46 56Source : Orfeuil daprs ENT

    Si la dure de leur migration vers le travail est dans la moyenne, lutilisation desmoyens de transport vers le travail la fois reflte et explique cette plus grandeproximit : 18 % dentre eux vont travailler pied (contre 11 % en moyenne), 10 % yvont en deux-roues (contre 5 % en moyenne), 16 % utilisent les transports publicsurbains (contre 11 % en moyenne). Ils sont en revanche un peu moins nombreux utiliser le train et surtout beaucoup moins nombreux utiliser la voiture (52 % contre 69%). On retrouve ces structures modales particulires et cette centration sur lespaceproche chez les actifs sans voiture ou sans permis (la part du transport public est alorsde 54 %, celle des modes de proximit de 37 %, le reste venant de la voiture en tantque passager), mais aussi chez les actifs temps partiel, en cdd, apprentissage, contratde formation, etc.

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    TABLEAU 6

    LES DPLACEMENTS VERS LE TRAVAIL

    Jusqu 75KF

    De 76 125KF

    De 126 204KF

    205 KF etplus

    205+/-75 Ensemble (1)

    % des actifs 7,2 21,7 38,8 32,3 100Distance (km) 11,9 11,8 14,0 16,7 1,4 14,2% mmecommune

    47 40 31 27 0,6 32,6

    Dure(mn) 20,7 19,6 21,7 25,2 1,2 22,3% Marche 17,9 14,4 10,1 7,4 0,4 10,8% 2 Roues 10,4 6,2 5,4 2,8 0,3 5,0% TCU 16,1 12,4 10,7 11,1 0,7 11,5% Train 3,1 2,5 3,3 5,2 1,7 3,8% Voiture 52,5 64,5 70,5 73,5 1,4 68,9Source : Orfeuil daprs ENT

    Les phnomnes de centration des emplois occups sur un espace plus restreint autourde la rsidence, observs sur cette classe extrme dactifs pauvres, sobservent aussidans la classe de revenu immdiatement suprieure, qui reprsente, elle, 22 % desactifs : mme dsquilibre entre gographie des rsidences et des emplois potentiels,nanmoins distances de migration plus faibles. La seule diffrence porte sur un usageplus grand de lautomobile au dtriment des transports publics urbains.

    En dautres termes, les actifs pauvres, voire moyens, se positionnent sur des airesdemploi plus restreintes que les salaris plus aiss. Pour les actifs les plus pauvres,cest la fois une question de temps (les modes quils utilisent sont trssignificativement plus lents que lautomobile) et dargent (le cot de la migration doit treproportionn au salaire quil permet). Pour les actifs de la catgorie immdiatementsuprieure, largument de la dure de migration est probablement moins pertinent, dansla mesure o lautomobile est assez largement utilise. En revanche largument du cotreste probablement valable.

    Dans un contexte o le lien entre lemployeur et lemploy dure beaucoup moinslongtemps quune vie professionnelle, on ne peut en rester lanalyse des pratiqueseffectives et lon doit apprcier laptitude des diffrentes catgories sociales serepositionner sur le march de lemploi en cas de rupture de contrat, quelle quen soit la

    cause. Le concept de base est alors celui de march de lemploi accessible. Pour unecatgorie professionnelle donne, cest le nombre demplois accessibles en moins de xminutes, ou encore la proportion de lensemble des emplois de cette catgorieaccessibles en moins de x minutes. Sandrine Wenglenski a conduit cet exercice pourlle-de-France, un terrain assez particulier o les diffrentes catgories dactifsprsentent des caractristiques de migration trs proches en distance et en dure, nonseulement pour les moyennes, mais galement pour les distributions (voir tableau 7)

    TABLEAU 7DUREES ET DISTANCES DES PARCOURS AU TRAVAIL DES

    ACTIFS FRANCILIENS PAR CATEGORIE SOCIO-

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    PROFESSIONNELLE

    Catgories socio-professionnelles Moyenne Mdiane

    Huitime

    dcile

    DUREES (mn)

    Cadres 38,7 35 60Prof. intermdiaires 37,7 30 60Employs 39,1 35 60Ouvriers 37,0 30 60

    Ensemble 38,2 30 60

    DISTANCES (km)

    Cadres 14,3 10,3 22,7Prof. intermdiaires 14,1 10,6 22,4

    Employs 14,1 10,2 22,6Ouvriers 13,8 10,2 22,0

    Ensemble 14,1 10,3 22,5

    source : Egt, 1991 S Wenglenski

    Peut-on conclure de cette observation une stricte quivalence des conditions daccs aumarch du travail des uns et des autres ? Le passage par le concept de marchaccessible conduit rpondre par la ngative, et ce pour deux raisons essentielles. Lapremire tient la distribution des rsidences et des emplois de chaque catgorie,considre fictivement comme ayant rigoureusement les mmes aptitudes la mobilit.Du fait de leurs revenus, les cadres ont plus de facilit que les employs se loger dans

    les zones o lemploi de cadre est important (par exemple Ouest ou sud parisien). Cestce phnomne qui se lit dans la troisime colonne du tableau, qui indique que du fait decet appariement (un peu) moins bon entre espace rsidentiel et espace dactivit, lescadres ont accs en une heure 82 % de leur march, contre 75 % pour les employs.La diffrence nest pas norme et peut tre rfre aux chelles relles de lasgrgation rsidentielle : sil est vrai par exemple que lOuest parisien est en moyenneplus cher que lEst ou les priphries, il nen reste pas moins vrai que lhistoire amaintenu des quartiers peu valoriss louest, permettant de ce fait un accs possibleaux emplois tertiaires peu qualifis. La deuxime raison tient aux diffrences daptitude lusage des modes. Dans chaque catgorie professionnelle, on peut modliser lapossibilit dutiliser la voiture en fonction de caractristiques personnelles (permis de

    conduire) ou familiales (nombre de voitures par actifs par exemple), caractristiques quidpendent implicitement de capitaux culturels et des revenus. Lorsquon tient compte deces lments (cest la dernire colonne du tableau 8), alors les diffrencesdaccessibilit sont nettement plus importantes. En bref, en cas de rupture de contrat,les employs ne pourront se repositionner que sur un march de lemploi plus restreintou seront, si les circonstances familiales le permettent, conduits dmnager avec uneprobabilit plus forte. Ce tableau nous rappelle en outre la plus grande fragilit desespaces priurbains dans une logique de potentiel : le march de lemploipotentiellement accessible est beaucoup plus faible quailleurs, alors mme que lespossibilits de dmnagement sont plus limites du fait de situations plus frquentesdaccession. Lautomobile, qui, dans une situation spatiale donne, accrot de faon

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    considrable le march de lemploi accessible, comme le montrent les premirescolonnes du tableau, contribue au contraire restreindre cette accessibilit, lorsquelleest mise au service dun projet rsidentiel par trop loign du bassin demploi central.

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    TABLEAU 8

    TAILLE DU MARCH DE L'EMPLOI DES CADRES ET EMPLOYS* POUR UNE HEURE

    DE PARCOURS DOMICILE-TRAVAIL SELON LE MODE DE TRANSPORT(en part de l'emploi rgional de la catgorie socio-professionnelle)

    ME par mode ME synthtique pondr par lesZone de rsidence**

    Voiture TC Tous modes situations d'accs la voiture

    Cadres Paris 88,5 80,1 90,6 85,8Petite Couronne 86,0 57,3 87 76,3Grande Couronne 69,2 18,0 70 43,7

    Ensemble 81 51 82,2 67,2

    Employs

    Paris 83,0 73,9 85,8 77,1Petite Couronne 82,2 50,4 82,9 62,7Grande Couronne 62,6 15,7 63,2 29,2

    Ensemble 74,1 40,2 75,2 51,0

    sources : Rgp 1990,Dreif 1990 * Personnes de rfrence ou conjointslaboration : S

    Wenglenski** Les moyennes de ME (marchs de lemploi) par zones sont pondres par le volumed'actifs

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    III LES DISPARITES DE MOBILITE GNRALE LIEES AU REVENU

    Dans ce paragraphe, on sintresse ici aux pratiques de mobilit pour lensemble des

    motifs, et non pour le seul motif domicile-travail.

    Familles modestes, familles aises : dfinitionsNous nous proposons de brosser ici brivement les diffrences essentielles en matirede mobilit des personnes selon le revenu du mnage auxquelles elles appartiennent.Nous le faisons partir dune exploitation secondaire de la dernire enqute nationaletransport. Elle date de 1994, mais cest la dernire enqute nationale reprsentativedisponible. Le revenu est dclar par les enquts eux-mmes. Sagissantdexploitations secondaires, cest le revenu par mnage qui est utilis. Le revenumoyen est de 20900 Euros, le revenu mdian de 18100 Euros. Le revenu par unit deconsommation (UC) aurait sans doute t un meilleur indice. Toutefois, le nombre

    dunits de consommations, calcul sur la nouvelle base (1 pour le premier adulte, 0,5pour les suivants et 0,3 pour les mineurs) est moins variable que ce quon pourraitcroire. Les mnages dont le revenu annuel est infrieur 75 KF (11434 euros) serontqualifis de modestes . Ils reprsentent 25 % des mnages et 18 % des personnes.Les mnages dont le revenu est suprieur 205 KF (31252 Euros) seront qualifisdaiss. Ils reprsentent 19 % des mnages et 24 % des personnes. Entre ces 2catgories de mnages, les revenus par personne varient dans un rapport de 1 3.3,les revenus par unit de consommation dans un rapport de 1 4,4. Les autres mnagesseront qualifis de mnages moyens. Le revenu moyen par UC des mnages modestesest lgrement infrieur la moiti du revenu moyen par uc. Les diffrences de mobilitpar personne entre mnages modestes et aiss peuvent tres confrontes cet cart

    de 1 3,3 sur les revenus par UC : lorsqu elles sont infrieures cet cart, alors lespratiques de mobilit sont moins ingales que les situations conomiques. Cestlinverse si elles sont suprieures 3,3.

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    TABLEAU 9

    DISTRIBUTION DE LA POPULATION SELON LES CLASSES DE REVENU

    Jusqu 75KF

    De 76 125KF

    De 126 204KF

    205 KF etplus

    RatioMnagesaiss/mnagesmodestes

    Ensemble(1)

    % desmnages

    25,7 27,8 27,2 19,3 100

    % despersonnes

    17,5 26,2 32,0 24,1 100

    Personnes parmnage

    1,58 2,2 2,74 2,90 1,8 2,32

    UC par

    mnage (2)

    1,29 1,56 1,72 1,77 1,37 1,6

    Revenu moyen(3)

    51,4 101,0 165 307,4 6,0 137,0

    Rev/UC 39,8 64,7 95,9 173,7 4,4 85,6Adultes(millions)

    7,53 10,11 11,27 8,77 37,7

    Actifs lieu fixe(millions)

    1,21 3,64 6,50 5,41 17,53

    (1)Ensemble, y compris revenus non dclars(2) UC : 1 pour le premier adulte, 0,5 pour les autres, 0,3 pour les mineursSource : Orfeuil partir de ENT 94

    Les diffrences dquipement automobileLes mnages modestes comptent moins de mnages dans la partie active du cycle devie. Le taux de possession du permis de conduire y est plus faible quen moyenne, laproportion de conducteurs parmi les titulaires du permis lgrement plus faible. Les tauxde motorisation par mnage, nombres de voitures par personne et mme par adultesont nettement plus faibles. Pour ce dernier indice, le plus significatif, le taux est de 0.4vhicules par adulte, contre 0,6 en moyenne et 0,85 chez les mnages aiss. Lcartdes taux est important (2,2 entre catgories extrmes), mais moins prononc que lescarts de revenu (3,9) : les ingalits de motorisation sont moins fortes que lesingalits de revenu. Cette proposition reste vraie lorsquon compare des mnages decomposition familiale identique, qui ne diffrent que par les revenus dont ils disposent :

    laccs lautomobile est moins ingalitaire que la distribution des revenus, pour un typede mnage donn.

    En outre, la dtention du permis (li principalement des effets de gnration, plusmodestement des barrires culturelles) contribue une part notable de lcart : lenombre de voitures par adulte ayant le permis ne varie que de 74 % 91 %. Cedterminant des diffrences daccs est aujourdhui en rgression ; Dans lesgnrations les plus rcentes, le passage du permis est plus frquent dans toutes lescouches sociales, et G Dupuy (Dupuy, 2001) montre bien que les familles modestespeuvent se mobiliser pour permettre leurs enfants laccs ce quils nont pu soffrireux-mmes. Cest sans doute la raison principale du resserrement des carts de

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    motorisation entre quintiles extrmes observ par Hivert (Hivert, 2001 ) au cours desannes quatre-vingt et quatre-vingt-dix, o les rapports de motorisation entre classesextrmes sont passs de 5 3.

    On ne peut pas en outre exclure une dernire dimension, celle de difficults spcifiquesde stationnement domicile, mme si on ne dispose pas dtudes quantitativespermettant den cerner limportance. Lefranois (1998) dcrit des stratgies de surveillance de lautomobile psychologiquement coteuses dans certains quartiers difficiles . Mathon (2002) nous rappelle que certains parcs en sous-sol dans lhabitatsocial ont du tre ferms. Dans dautres cas (parc social trs urbain davant-guerre), lamorphologie des quartiers rend le stationnement difficile proximit. En bref, il ny a pasquau cur de Paris que le stationnement est un problme.

    Le systme automobile permet en revanche une certaine souplesse (ge des voitures,

    rythme de renouvellement, prsence sur le march de loccasion, autorparation, etc.),et ces opportunits sont exploites plein par ceux qui le peuvent. La partie la plusdmunie des mnages modestes motoriss fait tout pour conserver la voiture, maiscelles-ci ne sont pas toujours utilisables (problmes techniques en suspens pendant dessemaines). Elles sont utilises avec parcimonie (fixation dun budget de carburanthebdomadaire, vitement des endroits o les contrles sont plus frquents, utilisationparcimonieuse par connaissance des limites du vhicule etc.). En fait, descomportements dconomie sont observables dans les mnages modestesmotoriss et les mnages moyens, et ce sont les mnages aiss qui se distinguent.Nanmoins, la part du budget automobile est nettement plus leve chez les pauvres, ily a bien un effort spcifique pour ces mnages, ce qui montre que lautomobile est

    aujourdhui un bien considr comme de base pour la trs grande majorit desfoyers. Il lest au niveau de la vie quotidienne, mais aussi au niveau symbolique : pourceux qui ont un parcours social descendant et qui retardent au maximum le moment desen sparer (comme dailleurs les personnes ges, o la dmotorisation signe souventlentre dans le quatrime ge), moment qui signifiera non seulement des dplacementsplus difficiles, mais aussi labandon de certains rles familiaux, dun rapport au pass(pour des rmistes qui changent frquemment de logement, la voiture est souvent le seul mobilier qui les rattache leur pass), dun rapport lavenir (les petits boulots deservices aux particuliers qui peuvent se transformer en activit plus ou moins rgulire,(voir Briole, 2001)) ; Lorsquil faut sen passer, alors, du moins sur certains territoiresmal desservis, il faut combiner le repli sur des territoires durablement restreints, un

    usage intense et hors norme de la marche et lappel exceptionnel aux rseaux dinter-connaissance pour un dplacement indispensable en voiture. Dans ces situations, leproche peut devenir lointain, et des familles implantes aux quatre coins de lIle-de-France peuvent ne se retrouver quune fois par an (voir Lebreton, 2002)Les travauxde G Dupuy comparant la situation des mnages pauvres en France et en Grande-Bretagne suggrent cependant que ce poids budgtaire reste plus faible en France (23% du budget pour la voiture dans le premier quintile de revenu) par rapport auRoyaume-Uni (31 %).

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    TABLEAU 10LACCES A LAUTOMOBILE

    Jusqu 75KF De 76 125KF De 126 204KF 205 KF etplus 205+/-75 Ensemble

    % Permis / +18 ans 53 70 83 90 76% Permis avant 20ans

    37 43 49 54 47

    % non motoriss 55,7 22,8 7,2 3,7 23,5% multimotoriss 7,3 19,4 43,3 65 31,6Taux de motorisationpar mnage

    0,53 1,00 1,43 1,78 3,4 1,14

    Vhicules/ Adulte 0,39 0,59 0,74 0,85 2,2 0,69Source : Orfeuil partir de ENT

    TABLEAU 11LE PARC AUTOMOBILE

    Jusqu 75KF

    De 76 125KF

    De 126 204KF

    205 KF etplus

    205+/-75 Ensemble(1)

    Age moyen(annes)

    8,5 7,5 7,0 5,9 7,0

    % achat neuf 34 35 34 45 38Source : Orfeuil partir de ENT

    Les diffrences dans lusage annuel de la voitureSi les mnages se distinguent sur lchelle des revenus par leur niveau dquipement,lusage annuel de chaque voiture dans les mnages quips est moins sensible aurevenu : on passe de 12000 km par an et par voiture dans les mnages modestes

    15000 dans les mnages aiss, pour une moyenne de 14000 km. Les mnagesmodestes sont de plus petite taille que les mnages aiss, en revanche le tauxdoccupation des voitures (passagers-km/ voiture-km) est presque aussi lev : lusage en solo de la voiture est nettement plus rare, la voiture est plus rserve desusages collectifs, impliquant plus souvent tout le mnage, des amis ou la famille largie.Dans la France den haut, lun va au golf, lautre au tennis, chacun dans sa voiture.Dans la France den bas, on va prendre la cousine et on va tous Bricorama GDupuy montre ce que ce modle de motorisation au service de la famille largie doitaux traditions culturelles, mais aussi aux politiques publiques, qui ont eu pour rsultat,en France, de regrouper les mnages modestes sur certains territoires (par exemple lesgrands ensembles).

    TABLEAU 12LUTILISATION DES VEHICULES

    Jusqu75 KF

    De 76 125KF

    De 126 204KF

    205 KF etplus

    205+/-75 Ensemble

    % Vhicules immobiles(semaine)

    13 10 8 9 10

    Kilomtrage des vhiculesKm annuel par voiture(milliers)

    11,8 12,9 14,2 15,3 13,9

    Km annuel par mnage 6,3 12,9 20,3 27,2 4,3 15,9

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    (milliers)Km annuel par personne(milliers)

    3,9 5,9 7,4 9,3 2,4 6,9

    Km mnage annuel par KF derevenu 123 128 123 88 0,7 116

    OccupationTaux doccupation 1,64 1,75 1,79 1,70 1,1 1,74Taux doccupation rapport la taille du mnage

    1,04 0,80 0,65 0,59 0,6 0,75

    Source : Orfeuil partir de ENT

    Les diffrences de mobilit localeRappelons quon dsigne sous le terme de mobilit locale lensemble des dplacementseffectus dans un rayon de 100 km autour du domicile.

    En semaine, le nombre moyen de dplacements par personne et par jour estsignificativement plus faible, mais, compte tenu dune plus faible proportion dactifs, lenombre de dplacements non lis lactivit professionnelle est assez comparable. Lapropension au chanage et aux dplacements secondaires est nettement plus faible, cequi peut tre d la plus faible proportion de dplacements vers le travail, desdplacements plus courts en distance ou une moindre capacit dorganisation.

    Les diffrences les plus nettes portent sur les distances parcourues et les modesutiliss : des mnages modestes aux mnages aiss, les distances parcourues un jourde semaine sont multiplies par 2, les distances parcourues pour dautres motifs que lesmigrations vers le travail sont multiplies par 1,5. Si ces mnages taient dans le mme

    environnement rsidentiel (ce qui nest pas tout fait le cas), on pourrait dire que lespersonnes des mnages modestes ont accs 2,25 fois plus dopportunits que lesmnages modestes, les opportunits variant comme le carr du rayon. L encore, lesdisparits existent bel et bien, mais sont plutt infrieures aux ingalits de revenu.

    Lusage des modes est plus structur en fonction du revenu : les mnages modestesfont moins dun dplacement sur deux en voiture, contre prs des trois quarts pour lesmnages aiss. Cest la marche qui fait lessentiel de la diffrence sur les alternatives la voiture, les deux-roues et les transports publics tant un peu plus utiliss par lesmnages modestes. Il en rsulte videmment de grandes diffrences de vitesse entremnages modestes et aiss. Ces carts sont toutefois plus faibles que les carts de

    distance, si bien que les mnages modestes consacrent nettement moins de temps leurs dplacements que les mnages aiss, alors mme que la proportion dadultes estplus leve.

    Pendant le week-end, alors mme que les dplacements vers le travail sont trs faiblesdans toutes les catgories, les carts de distance parcourue restent dans un rapport de1 2 (contre 1,5 en semaine pour les dplacements hors travail). Les loisirs sont plustourns vers les visites parents et amis pour les plus modestes, vers les loisirscommerciaux pour les plus aiss.

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    TABLEAU 13

    LA MOBILIT LOCALE DE SEMAINE (LUNDI A VENDREDI)

    Jusqu75 KF

    De 76 125KF

    De 126 204KF

    205 KFet plus

    205+/-75 Ensemble

    NB Dep/Pers/jour 2,5 3,1 3,3 3,6 1,4 3,2% pied 34,3 28,0 20,2 16,7 0,5 23,2% 2 roues 5,9 4,0 4,5 3,5 0,6 4,2% TC 11,3 7,8 8,3 9,8 0,9 9,1% Voiture 48,5 60,2 67,0 70,0 1,4 63,3Distance (km) /Pers/J 14,7 20,2 25,4 29,2 2 23,3Distance hors domicile-travail/Pers/jour

    13,2 16,3 19,4 21,5 1,6 18,2

    Dure (mn) /Pers/ Jour 44,4 49,6 57 66 1,5 55Vitesse (Km/h) 19,9 24,4 26,7 26,7 1,3 25,4

    Source : Orfeuil partir de ENT

    TABLEAU 14LA MOBILITE LOCALE DE FIN DE SEMAINE

    (Hors dplacements pied)

    Jusqu 75KF

    De 76 125KF

    De 126 204KF

    205 KF etplus

    205+/-75 Ensemble

    SAMEDINB Dep 1,5 2,1 2,5 2,8 1,8 2,3Distance (km) 15 23 27 29 2 24,2Dure (mn) 28 41 44 51 1,8 42,6

    Commerces (%) 16 16 15 14 15,1Visites (%) 17 16 14 11 13,6Autres loisirs(%) 7 7 8 11 8,4Autres privs (%) 16 15 16 16 16Travail, tude(%) 5 6 6 6 5,8DIMANCHENB Dep 1,1 1,5 1,7 1,7 1,5 1,5Distance (km) 12 20 23 23 1,9 20,0Dure (mn) 21,5 31,7 35,2 36,1 1,7 31,2Commerces (%) 5 5 6 6 5,Visites (%) 23,5 22,7 20,3 15,5 20,0Autres loisirs(%) 8 11 12 15 12,1Autres privs (%) 15 14 14 17 10,6Travail, tude(%) 2,5 2,4 2,9 2,6 2,7Source : Orfeuil partir de ENT

    Cest bien sr pour les dplacements longue distance que les carts sont les plusimportants. De faon assez inattendue, lcart nest pas trs important en termes denombres de dplacements par actif pour les dplacements professionnels : les cadressont trs loin dtre les seuls tre concerns par cette activit. Pour le nombre dedplacements pour motif personnel, lcart est plus important mais reste toutefois plusfaible que les carts de niveau de vie. Ces dplacements sont nettement moinsfrquents, plus proches (en longueur), plus courts (en dure de sjour) et plus tournsvers les visites la famille.

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    TABLEAU 15

    LES VOYAGES A LONGUE DISTANCE

    Jusqu75 KF

    De 76 125KF

    De 126 204KF

    205 KF etplus

    205+/-75 Ensemble(1)

    Voyages professionnelspar actif

    3,3 2,1 3,4 5,2 1,6 1,5

    Voyages personnelsVoyages personnels parpersonne

    3,0 3,9 4,9 7,2 2,4 4,8

    Jours dabsence parpersonne

    22,9 25,6 31,2 72,3 3,2 31,2

    Distance/ personne (km) 2650 3320 4100 7530 2,8 4420Visites parents amis 1,53 1,73 2,0 2,65 1,7 1,99Vacances 0,73 0,95 1,48 2,44 3,4 1,42Autres loisirs 0,25 0,45 0,49 0,79 3,2 0,50Autres personnels 0,44 0,66 0,81 1,1 2,5 0,90En voiture 2,04 3,01 3,98 5,68 2,8 3,74En train 0,58 0,39 0,40 0,64 1,1 0,49En autocar 0,21 0,27 0,21 0,31 1,5 0,24En avion 0,12 0,10 0,134 0,367 3 0,18Source : Orfeuil partir de ENT

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    IV INTERROGATIONS PROSPECTIVES

    La France nest pas ncessairement un pays moins ingalitaire que dautres, mais elle

    veut se penser et se reprsenter comme un espace social solidaire, comme entmoignent les rfrences constantes aux droits-crances (droit la ville, droit autransport, etc.) comme droits fondamentaux, et, plus prosaquement, limportance deses budgets sociaux.

    Elle est relativement bien outille pour organiser des transferts lis aux risques (chmage, maladie, vieillesse, encore que ce dernier soit assez prvisible) ou lapauvret, plus ou moins pense comme rsultant du fonctionnement global delconomie

    Elle est relativement laise galement dans la mise en place de services publics : la

    question des ingalits renvoie souvent la mise disposition dun service public vocation universelle, traduisant un droit, et le droit au transport figure en bonne placedans la loi dorientation des transports intrieurs de 1982. Les transports publics, quitaient entrs en crise dans les annes soixante, ont connu un renouveau ds le milieudes annes soixante-dix, soutenus par les pouvoirs publics et linstauration dune taxesur la masse salariale des entreprises affecte leur fonctionnement et leurdveloppement, appele versement transport . Lensemble des ressources publiques(versement transport, contributions des collectivits locales dpartementales, rgionaleset dtat) affectes aux transports urbains, dpartementaux (notamment scolaires) etrgionaux (essentiellement TER) reprsente environ 50 milliards de francs annuels. Cesressources ont permis aux rseaux urbains de suivre lextension spatiale des villes,

    dviter les hausses tarifaires, mais videmment pas dassurer la mme qualit deservice sur tout le territoire. Les autorits organisatrices de transport ont pu conduiredes sauts qualitatifs dans loffre centrale (mtros et trams de province), mais ellesveillent en gnral aussi une bonne desserte des quartiers en difficult. Elles ont enoutre mis en place des politiques tarifaires adaptes des publics varis. Dans lesannes quatre-vingt-dix en particulier, on a vu se multiplier des offres tarifaires adaptesaux publics les plus modestes ou prcaires, et ces offres ont en gnral t couronnesde succs, mme si une partie du public cible reste mal informe de ces opportunits.Les jeunes, en particulier lorsquils sont encore dans le systme scolaire, utilisentmassivement les transports publics. Le diagnostic est plus nuanc pour les catgoriesles plus modestes de la population : dans les mnages modestes, la part des

    dplacements assure par les transports publics est lgrement suprieure lamoyenne, plus nettement pour les dplacements vers le travail (20 % contre 15 %). Ils jouent en revanche un rle essentiel ds que la motorisation nest plus possible.Plusieurs facteurs contribuent cette utilisation malgr tout assez faible : des facteurscognitifs (mconnaissance des opportunits ds quon sort du quartier et des espaces bien reprs , difficults de lecture de plans de plus en plus abstraits) contribuent fixer ces personnes autour de leur logement. Des horaires irrguliers, hors des pointes,les ncessits de tournes (services aux particuliers, activits foraines), des horairesnocturnes (services aux entreprises), des dplacements sur des types de liaisons trsmal desservies (au sein des priphries) ne permettent pas lusage des transportspublics, soit quil serait impossible, soit que les apprentissages et reprages ncessaires

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    son usage seraient trop longs. En bref, le service public de transport rend la fois desservices indispensables et trouve ses limites quand les espaces desservir sont troppeu denses, ou que les populations susceptibles de lutiliser sont en nombre trop faible.

    Elle est plus mal laise quand il sagit de penser les effets des comportements de lapartie la plus intgre, la plus dote de capacits stratgiques, sur le reste de lapopulation, comme en tmoignent par exemple nombre de dbats sur lcole, comme entmoigne aussi la prise de conscience encore trs rcente et peu partage du lien entrela panne du renouvellement naturel urbain et les conditions de la mobilit. Lestransformations de lespace induites par la mobilit facilite relvent de cette catgorie :les couches moyennes et suprieures de la population, les plus solvables, les plusmotorises, donnent le la en matire de maillage du territoire par les activits. Lesautres doivent sadapter un espace o la densit dactivits a t remplace par uneplus grande concentration, et o donc laptitude la mobilit sur des distances excdant

    la porte de la marche est indispensable. Les employeurs sont souvent plus attentifsdans leurs stratgies de localisation se positionner par rapport lespace rsidentielde leurs cadres que des autres personnels. Les couches moyennes et suprieuresdominent le march immobilier priv et ont, sur ce march, la capacit de gentrifier certains territoires proches, hier encore populaires, et den abandonner dautres, quipeuvent alors tomber en dshrence. Les autres ont le choix entre lhabitat social et deslocalisations beaucoup plus loignes, o laccessibilit aux bassins demploi est plusfaible. Les couches modestes les mieux intgres tendent quitter lhabitat social,laissant sur place les situations les plus difficiles. En bref, chaque catgorie estproductrice dexternalits ngatives de fait pour les catgories situes en dessous delle.Des politiques seraient pourtant possibles dans ces domaines. La reconqute

    despaces en dshrence en dpit de leur bonne accessibilit pourrait tre acclre etaide par des taxes trs modiques sur la mobilit. La solvabilisation de laccession pardes aides publiques pourrait tre rserve des zones bnficiant dune bonneaccessibilit aux bassins demploi et correctement desservies par les transports publics.Lesprit du service public de transport pourrait tre amend, avec par exemple unrecouvrement des cots par les recettes plus lev pour les usagers normaux et undveloppement de services adapts toute une srie de situations particulires. Onpourrait en effet dvelopper, ct des rseaux traditionnels , des services plussouples, adapts de nouveaux besoins, quil sagisse de desserte de zonesindustrielles ( lexemple d Allobus Roissy, qui permet aux travailleurs de laroport desy rendre toute heure partir des communes voisines) ou de services souples cibls

    sur des publics en difficult. Cest ce que font ici ou l des associations dinsertion enoffrant des services daide la mobilit, soit sous forme de transports la demande parminibus ou voitures, soit sous forme de prt de vhicules (cyclomoteurs, voitures), soitencore sous forme daide lachat dun vhicule doccasion. Ces initiatives locales,toujours fragiles, tentent de pallier les effets de labsence dune capacit de mobilitautonome dune partie de la population. Ces initiatives sont probablement moinsonreuses et plus efficaces que de nouvelles extensions de lignes rgulires sur lesterritoires priphriques. Elles visent moins aider les pauvres tre un peu moinspauvres que de les aider se sortir de la pauvret. Elles sont probablement en cela enphase avec la modernit et lavenir, qui sera sans doute moins gnreux avec les

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    situations de pauvret permanente, comme le montre lesprit de nouveaux dispositifscomme la prime pour lemploi.

    Bibliographie

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    i Il sagit des rsidants de la mtropole, observs en 1994.