IJD 2015 - L'Orient Le Jour - Lebanon - Full Supplement

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VII samedi 20 juin 2015 Luc Schuiten, un architecte aux frontières de la pensée écolo Fils d’architecte, Luc Schui- ten dessinait, enfant, des arbres vengeurs. Plus tard, ce précurseur a bâti sa pre- mière maison dans les bois, à l’orée de Bruxelles : une simple charpente, une ver- rière ouverte sur le ciel et des capteurs solaires sur le toit pour habiter en symbiose avec la Terre. Adepte du lâcher de papillons, le jeune pionnier de la bio-architec- ture va grandir avec l’idée que la planète est en danger et que l’homme doit trouver des solutions à ce malaise. Pour y parvenir, il rêve de pou- voir construire sans détruire l’environnement, d’épouser les contraintes de la nature. « Quelle que soit la beauté d’un édifice, c’est un acte vain s’il n’est pas en accord avec la Terre, arme ce visionnaire. Le réchauement climatique est une grande douleur. On fonce à toute vitesse vers un mur. Je propose d’accélérer moins vite. Je veux redonner de la force à l’imagination. » Dans le souci de préserver l’écosystème, Luc Schuiten imagine de nouvelles formes d’habitat humain. Son idée est simple : pourquoi ne pas utiliser les organismes naturels comme matériau de base ? C’est le concept de « l’archiborescence ». Il voyage aux frontières de la pensée écologique à travers un travail poétique visant à préserver l’environnement. Son crayon trace les perspec- tives nouvelles d’un monde futur épanouissant, libéré des énergies fossiles et de la pollution. Sur sa table à dessin bour- geonnent des plans de rues et de cités végétales ou de véhicules propres. De son atelier est sortie une voiture à énergie renouvelable fuselée à l’image d’une feuille d’arbre emportée par le vent. Son imaginaire anticipe l’avenir de l’humanité à partir d’une esthétique radicalement nouvelle, en rupture avec les règles classiques de l’amé- nagement du territoire. Luc Schuiten explore, invente l’avenir en s’inspirant des processus biologiques : des coquillages produisent du biociment et des insectes du bioverre. Dans sa ville mu- tante, l’architecture épouse les caractéristiques des organismes vivants. Bâtir un futur différent Son archiborescence est aussi une métamorphose de nos modes de pensée. Elle postule d’autres interactions entre l’homme et la nature que celles que nous connais- sons aujourd’hui. Sa ville n’est pas linéaire. Elle ne cé- lèbre ni le béton ni le fer. Ins- crits dans la philosophie du développement durable, ses « habitarbres » poétisent l’es- pace pour répondre au souci du mieux-vivre ensemble. Luc Schuiten ne s’impose qu’une seule règle, celle de l’équilibre entre l’homme et la planète, aux antipodes du brutalisme des villes moder- nistes édifiées sur le pillage des ressources naturelles. « Imiter la nature et les arbres pour créer une nouvelle forme d’habitat. C’est ça, le principe de la cité archibo- rescente et des habitarbres : des maisons qui poussent comme des arbres et dont les murs sont en biotextiles. La structure d’un habitarbre est un figuier étrangleur, dont la croissance est orientée par des tuteurs pour former une maison durable. L’arbre est la plus belle chose que la nature ait produite. Quel dommage de le tuer, de le couper et de le torturer chimiquement pour construire ! De là, l’idée de ces habitarbres vivants pour bâtir un futur réelle- ment diérent de celui qu’on nous propose aujourd’hui. » Dans la lignée de Léonard de Vinci L’architecte belge admet que son travail revêt une dimension profondément utopiste. Les responsables politiques se montrent plutôt frileux face à ses projets. Un ministre bruxellois avait ap- prouvé son plan de végétali- sation des façades du quartier européen de Bruxelles. Son successeur s’est toutefois em- pressé de l’enterrer. Des en- chevêtrements de feuilles et de branches aux fenêtres du Conseil européen, ça ne fai- sait pas très sérieux. Et puis comment accorder du crédit à un architecte circulant en voiture électrique à pédales ? Luc Schuiten appartient à cette race des génies incom- pris. Un de ses prototypes destiné à résoudre les pro- blèmes de mobilité, « l’orni- thoplane à ailes battantes », établit une filiation directe avec les drôles de machines de Léonard de Vinci. Au XXIe siècle, les pou- voirs politiques semblent avoir perdu la capacité de voir au-delà d’une échéance électorale. Le regard de Luc Schuiten va, au contraire, là où le regard ne porte pas. Il remet le temps biologique au centre de la société et propose un avenir libéré de l’immé- diateté. Sa pensée lit dans l’avenir du monde, à mille ou dix mille ans. Il s’intéresse aux vrais enjeux du futur et s’attache à redéfinir notre hiérarchie des valeurs pour réinventer nos lieux de vie. À l’entendre, on se sent l’envie de commencer demain. Selon l’inventeur de l’archibores- cence, le paradis sur terre ne serait pas bien dicile à imaginer : prenez un arbre, regardez-le avec les yeux d’un architecte et vous sentirez immédiatement l’élévation vers la sérénité. Pour plus de détails, visitez leur site : http://www.vegetalcity. net/?lang=en Voir aussi la vidéo : https://www.youtube.com/ watch?v=fuF6WU1iLA4 Daniel COUVREUR (Le Soir/BELGIQUE) L’homme qui plantait des arbres Quand il était enfant, Kartik Paramanik écoutait son père lui raconter des histoires. « À quoi bon faire un pèlerinage ? Ce n’est pas en te rendant dans un lieu sacré que tu de- viendras propre et pur. Si tu plantes simplement un arbre, cela t’apportera bien plus de bénédictions que n’importe quel pèlerinage », lui disait-il aussi. Les paroles de son père trouvèrent une profonde réso- nance chez le jeune garçon. À dix ans, il commença à planter des arbres. Il planta le premier à l’embranchement de trois routes. Aujourd’hui, à 75 ans, il continue inlassablement ses plantations. Katrik vit dans le village de Tarapur utapara, sur la fron- tière indienne, à une quaran- taine de kilomètres de la ville de Nawabganj, dans le district de Chapai Nawabaganj (le plus oriental du Bangladesh). Avant la partition de l’Inde, sa famille habitait un autre village. La plupart de ses proches parents ont fini par passer la frontière pour s’installer en Inde. Mais son père, lui, est resté et a sim- plement déménagé dans un autre village. À une certaine époque, les gens avaient des ampoules aux pieds à force de marcher dans la chaleur torride de cette région dénuée d’arbres. Ils ôtaient le gamucha qui leur protégeait la tête pour s’en envelopper les pieds, meurtris par la terre brûlante. C’est là que le petit Kartik a planté ses premiers arbres. Peu à peu, cette étendue de terre pelée et aride a commencé à se peupler d’arbres. Kartik était coieur. Dès qu’il gagnait quelques sous, il mettait systématiquement une petite somme de côté. Avec ces économies, il achetait des plants et les mettait en terre en diérents endroits, puis entourait les jeunes arbres de clôtures de bambou. À ses moments perdus, il allait s’oc- cuper de ses protégés, les arro- sant et sarclant tout autour. Certains le prenaient pour un fou mais, sourd à tous les sar- casmes, il garnit peu à peu les villages avoisinants d’arbres. Le désert devint une oasis de verdure. À ce jour, ce sont près de 20 000 arbres qu’il a mis en terre. Ses premiers semis sont aujourd’hui d’immenses arbres qui étirent au sol leur ombrage généreux. Chacun est le résul- tat de son travail opiniâtre, de ses soins, de sa sueur et de sa persévérance. Il y en a partout et de toutes variétés : des banyans, des bombax, des margousiers et divers fruitiers. Ils ont surgi sur les bords de route, aux coins de rues, sur les places de marché, dans les cours d’école, autour des lieux de prière, le long des camps frontaliers, partout. La main verte de Kartik a laissé sa trace sur toute la région. Les arbres ont été une bé- nédiction pour son village. Aux abords de l’école et de la « médersa », certains ont été vendus et l’argent a servi à construire un mur autour du terrain de prière. Des parents nécessiteux ont également pu vendre les arbres devant chez eux pour payer le mariage de leur fille. Chaque semaine, les marchands installent leurs étals sous l’ombre fraîche des arbres de Kartik. Mais Kartik, lui, n’a jamais demandé un sou pour son travail. Son œuvre est un acte d’amour. Vers la fin 1984, Tariqul Islam était auxiliaire médical lorsque son métier le condui- sit dans cette région. Il devait parcourir de longues distances à pied, interrompant souvent son voyage pour se reposer et s’abriter de la chaleur au pied d’un arbre. Un jour, il a appris que les innombrables arbres qui traçaient sur sa route un chemin de verdure de dix ou douze kilomètres étaient le fruit du travail et du dévoue- ment de Kartik. Stupéfait et admiratif, il demanda à ren- contrer le coieur. Tariqul est aujourd’hui professeur associé d’économie dans un lycée de la région. Le 2 décembre 2003, un article publié dans le journal bengali Prothom Alo sous le titre « Chacun de ces arbres majestueux est un hommage à Kartik » attira l’attention du maire de la municipalité de Rajshahi. Celui-ci reçut Kar- tik Paramanik pour le féliciter. En 2007, la chaîne de télévi- sion Channel I orit à Kartik une distinction agricole. Lors de la cérémonie de remise du prix, le général de division (à la retraite) Anwarul Iqbal, qui était à l’époque conseiller par intérim du gouvernement, interrogea le vieil homme sur ses ambitions. « Je ne désire rien pour moi-même, mais il faudrait une bonne route as- phaltée pour relier mon village aux zones voisines », répondit le vieil homme. Le service local des Ponts et chaussées a construit une route de sept kilomètres, qui arrive jusqu’au seuil de la maison de Kartik. En 2013, le récit de l’ini- tiative de Kartik a été intégré au manuel d’anglais de 5e du programme scolaire national sous le titre « Un homme qui aime les arbres ». Une ville végétale, par Luc Schuiten. Sauver l’Amazonie avec une « marguerite » Bruissement des feuilles, bourdonnement des insectes, hurlements des singes, cris des perroquets... font la bande sonore de la jungle amazo- nienne. Une bande sonore parfois entrecoupée de bruits inquiétants. Ronflement d’un moteur de camion ou hurle- ment d’une tronçonneuse qui risquent de faire taire pour de bon la symphonie de la forêt. En première ligne face à cette agression destructrice, les membres d’une tribu au- tochtone installée dans un coin reculé de la forêt amazo- nienne fondent leurs espoirs sur un appareil high-tech pour les aider à sauver leur environ- nement et leur peuple. L’ap- pareil est conçu pour capter les bruits (moteurs de camion ou tronçonneuses) pouvant révé- ler la présence d’exploitants illégaux sur leur territoire. L’appareil, fabriqué avec un smartphone recyclé et dis- simulé dans la canopée, est une idée originale de Topher White, un physicien devenu un fervent défenseur des fo- rêts. Rainforest Connection, l’organisation à but non lucra- tif qu’il a créée à San Francis- co, s’est associé aux Tembé de l’État brésilien de Pará, à l’ex- trémité nord de l’Amazonie, l’épicentre de la lutte pour la protection de la plus vaste fo- rêt tropicale au monde. « Les Tembé croient qu’ils luttent contre l’anéantisse- ment de leur peuple. L’enjeu est donc considérable », ex- pliquait M. White au début d’un essai de terrain de plu- sieurs mois dans la réserve de ce peuple autochtone. Au cours des derniers mois, la tribu, qui compte environ un millier de membres, a aronté les groupes d’éleveurs armés qui tentent d’empiéter sur leur territoire. « L’échec n’est pas vraiment une option, même à la première tentative. » En dépit de la mauvaise qualité du réseau – les Tembé utilisent des antennes de for- tune qui génèrent un signal très faible –, les résultats des pre- miers tests sont encourageants. Quelques heures à peine après son installation, l’un des appa- reils a détecté le bruit d’une voi- ture et envoyé une alerte sur le téléphone de M. White. L’idée est d’installer des ap- pareils sur l’ensemble du péri- mètre de la réserve, qui couvre 6 000 kilomètres carrés. Une fois que le système sera fonc- tionnel, des alertes pourront être envoyées en temps réel aux quelque 30 membres de la tribu désignés comme « gardiens » par les Tembé et chargés de repousser les enva- hisseurs. Le véhicule qui a déclenché l’alerte « n’appartenait pas à des exploitants illégaux ; c’était seu- lement une voiture qui passait par là », reconnaît M. White, ajoutant : « C’est quand même excitant, car cela montre que le système fonctionne. » M. White, 33 ans, a eu l’idée de fabriquer cet appa- reil en 2011 alors qu’il était en vacances en Indonésie et qu’il faisait du bénévolat dans une réserve de gibbons. Ces singes de taille moyenne font partie des espèces de primates les plus menacées au monde. Il savait qu’il fallait protéger leur habitat du déboisement pour leur donner une véritable chance. Mais comment loca- liser les exploitants illégaux lorsque les bruits de la forêt couvrent le vrombissement de leurs tronçonneuses ? « Je me suis dit que le meil- leur moyen était sans doute de capter automatiquement les bruits des tronçonneuses dans la forêt pour ensuite déter- miner leur provenance, a dit M. White. Puisque la couver- ture mobile était plutôt bonne, je me suis dit que je pouvais développer une solution à par- tir de cela. » Le dispositif qu’il a conçu ressemble à une marguerite. Il est composé d’un téléphone portable à l’épreuve des in- tempéries autour duquel sont installés des panneaux solaires qui assurent son alimentation. Il sut d’accrocher le smart- phone au tronc d’un arbre, à environ 35 mètres du sol, pour qu’il capte et transmette au nuage informatique (cloud) les sons émis dans un rayon d’environ 3 kilomètres. Un lo- giciel conçu pour reconnaître le vrombissement d’une tron- çonneuse envoie une alerte sur les téléphones des gardes du parc lorsque de tels bruits sont détectés. En 2013, M. White est re- tourné en Indonésie, dans une autre réserve de gibbons, pour tester son invention. Le dispo- sitif a si bien fonctionné qu’il a permis à l’ingénieur et à ses collègues de stopper une opé- ration de déboisement illégal dans les 48 heures suivant son installation. « Puisqu’il s’agit d’une petite réserve, il semble que cette expérience ait suà dissuader les bûcherons il- légaux. Nous n’avons détecté aucune activité illégale par la suite, dit-il. Pour nous, c’est une formidable réussite, mais on ne peut pas considérer l’ex- périence comme une source importante de données. » L’organisation nourrit de grandes ambitions malgré sa taille. Rainforest Connection ne compte en eet que deux employés permanents, même si ces derniers peuvent comp- ter sur le soutien de plusieurs volontaires dévoués. « Nous voulons montrer que le système peut être utilisé ailleurs », explique M. White par téléphone depuis une ville située à l’extérieur de la réserve des Tembé. « La meilleure fa- çon de le faire est de travailler en collaboration avec les tri- bus. On suppose que le mieux, si vous voulez protéger l’Ama- zonie, c’est de travailler avec les gens dont l’existence même est définie par la présence de la forêt. » Voir aussi la vidéo : http://www.sparknews.com/fr/ video/reduce-pollution-saving- rainforest-your-old-smartphone Une organisation à but non lucratif installe des téléphones portables sur les arbres pour lutter contre l’exploitation forestière illégale dans une réserve autochtone. Astrid CHRISTOPHERSEN (Sparknews/BRÉSIL) Le fondateur de Rainforest Connection, Topher White, installant son détecteur d’exploitants illégaux. Photo Rainforest Connection Intérieur au fauteuil balançoire, par Luc Schuiten. Anwar HOSSAIN (Prothom Alo/BANGLADESH) Luc Schuiten a vu le jour à Bruxelles en 1944. Son père, l’architecte Robert Schuiten, fut un adepte du modernisme radieux. Luc ne le suivra pas sur cette voie. Après avoir décroché son diplôme d’archi- tecture à l’Académie royale des beaux-arts de Bruxelles, il s’engage dans une voie radicale et révolutionnaire. Au début des années 1970, il défend la philosophie de l’autoconstruction et de la mai- son écologique, et rêve déjà d’archiborescence. En 1977, il signe son premier projet d’habitarbre puis concrétise sa vision d’une cité archibo- rescente en bandes dessinées dans l’album Carapaces, réalisé avec son frère, François Schuiten. En 2012, il plante les arbres d’une expérience de cité végétale à Arte Sella, en Italie. Son urbanisme futuriste a fait l’objet de nombreuses expositions à Mons, à Lyon, à Paris, à Yverdon en Suisse ou, tout récemment, à la Fonda- tion Folon de La Hulpe, dans la périphérie de Bruxelles. Bio express Kartik Paramanik et ses plants. Photo Monirul Alam

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VII samedi 20 juin 2015Luc Schuiten, un architecte aux frontires de la pense coloFilsdarchitecte,LucSchui-tendessinait,enfant,des arbresvengeurs.Plustard, ceprcurseurabtisapre-miremaisondanslesbois, loredeBruxelles :une simplecharpente,unever-rireouvertesurlecielet descapteurssolairessurle toit pour habiter en symbiose aveclaTerre.Adeptedu lcherdepapillons,lejeune pionnierdelabio-architec-ture va grandir avec lide que laplanteestendangeret que lhomme doit trouver des solutionscemalaise.Pour yparvenir,ilrvedepou-voirconstruiresansdtruire lenvironnement,dpouser lescontraintesdelanature. Quellequesoitlabeaut dun dice, cest un acte vain sil nest pas en accord avec la Terre,armecevisionnaire. Lerchauementclimatique estunegrandedouleur.On foncetoutevitesseversun mur.Jeproposedacclrer moinsvite.Jeveuxredonner delaforcelimagination. Danslesoucideprserver lcosystme,LucSchuiten imaginedenouvellesformes dhabitathumain.Sonide estsimple :pourquoine pasutiliserlesorganismes naturelscommematriau debase ?Cestleconcept de larchiborescence .Il voyageauxfrontiresdela pensecologiquetravers untravailpotiquevisant prserverlenvironnement. Son crayon trace les perspec-tivesnouvellesdunmonde futurpanouissant,libr desnergiesfossilesetdela pollution.Sursatabledessinbour-geonnentdesplansderues etdecitsvgtalesoude vhiculespropres.Deson atelier est sortie une voiture nergierenouvelablefusele limage dune feuille darbre emporteparlevent.Son imaginaireanticipelavenir delhumanitpartirdune esthtiqueradicalement nouvelle,enruptureavecles rglesclassiquesdelam-nagementduterritoire.Luc Schuitenexplore,invente lavenirensinspirantdes processusbiologiques :des coquillagesproduisentdu biocimentetdesinsectesdu bioverre.Danssavillemu-tante,larchitecturepouse lescaractristiquesdes organismes vivants.Btir un futur diffrentSonarchiborescenceest aussiunemtamorphosede nosmodesdepense.Elle postuledautresinteractions entrelhommeetlanature quecellesquenousconnais-sonsaujourdhui.Saville nest pas linaire. Elle ne c-lbre ni le bton ni le fer. Ins-critsdanslaphilosophiedu dveloppementdurable,ses habitarbres potisentles-pacepourrpondreausouci dumieux-vivreensemble. LucSchuitennesimpose quuneseulergle,cellede lquilibreentrelhommeet laplante,auxantipodesdu brutalismedesvillesmoder-nistesdiessurlepillage desressourcesnaturelles. Imiterlanatureetles arbres pour crer une nouvelle formedhabitat.Cesta,le principedelacitarchibo-rescenteetdeshabitarbres : desmaisonsquipoussent comme des arbres et dont les murssontenbiotextiles.La structuredunhabitarbreest unguiertrangleur,dont lacroissanceestorientepar destuteurspourformerune maison durable. Larbre est la plus belle chose que la nature aitproduite.Queldommage deletuer,delecouperet deletorturerchimiquement pour construire ! De l, lide deceshabitarbresvivants pourbtirunfuturrelle-ment dirent de celui quon nousproposeaujourdhui.Dans la ligne de Lonard de VinciLarchitectebelgeadmet quesontravailrevtune dimensionprofondment utopiste.Lesresponsables politiques se montrent plutt frileuxfacesesprojets.Un ministrebruxelloisavaitap-prouvsonplandevgtali-sation des faades du quartier europendeBruxelles.Son successeur sest toutefois em-pressdelenterrer.Desen-chevtrementsdefeuilleset debranchesauxfentresdu Conseileuropen,anefai-saitpastrssrieux.Etpuis commentaccorderducrdit unarchitectecirculanten voiturelectriquepdales ? LucSchuitenappartient cetteracedesgniesincom-pris.Undesesprototypes destinrsoudrelespro-blmesdemobilit, lorni-thoplaneailesbattantes , tablituneliationdirecte aveclesdrlesdemachines deLonarddeVinci.AuXXIesicle,lespou-voirspolitiquessemblent avoirperdulacapacitde voirau-deldunechance lectorale.LeregarddeLuc Schuitenva,aucontraire,l oleregardneportepas.Il remet le temps biologique au centre de la socit et propose unavenirlibrdelimm-diatet.Sapenselitdans lavenirdumonde,mille ou dix mille ans. Il sintresse auxvraisenjeuxdufuturet sattacherednirnotre hirarchiedesvaleurspour rinventer nos lieux de vie. lentendre,onsesentlenvie de commencer demain. Selon linventeurdelarchibores-cence,leparadissurterre neseraitpasbiendicile imaginer:prenezunarbre, regardez-le avec les yeux dun architecteetvoussentirez immdiatementllvation vers la srnit.Pour plus de dtails, visitez leur site :http://www.vegetalcity.net/?lang=enVoir aussi la vido : https://www.youtube.com/watch?v=fuF6WU1iLA4Daniel COUVREUR (Le Soir/BELGIQUE)Lhomme qui plantait des arbresQuandiltaitenfant,Kartik Paramanikcoutaitsonpre luiraconterdeshistoires. quoi bon faire un plerinage ? Cenestpasenterendant dansunlieusacrquetude-viendraspropreetpur.Situ plantessimplementunarbre, celatapporterabienplusde bndictionsquenimporte quelplerinage ,luidisait-il aussi. Les paroles de son pre trouvrent une profonde rso-nancechezlejeunegaron. dixans,ilcommena planter des arbres. Il planta le premier lembranchement de trois routes. Aujourdhui, 75 ans, il continue inlassablement sesplantations. Katrikvitdanslevillagede Tarapur Tutapara, sur la fron-tireindienne,unequaran-tainedekilomtresdelaville de Nawabganj, dans le district de Chapai Nawabaganj (le plus oriental du Bangladesh). Avant la partition de lInde, sa famille habitaitunautrevillage.La plupartdesesprochesparents ontniparpasserlafrontire poursinstallerenInde.Mais son pre, lui, est rest et a sim-plementdmnagdansun autrevillage.unecertainepoque,les gensavaientdesampoules auxpiedsforcedemarcher danslachaleurtorridede cettergiondnuedarbres. Ils taient le gamucha qui leur protgeaitlattepoursen envelopper les pieds, meurtris parlaterrebrlante.Cestl que le petit Kartik a plant ses premiersarbres.Peupeu, cette tendue de terre pele et aride a commenc se peupler darbres. Kartiktaitcoieur.Ds quilgagnaitquelquessous,il mettait systmatiquement une petitesommedect.Avec cesconomies,ilachetaitdes plantsetlesmettaitenterre endirentsendroits,puis entouraitlesjeunesarbresde clturesdebambou.ses moments perdus, il allait soc-cuper de ses protgs, les arro-santetsarclanttoutautour. Certains le prenaient pour un fou mais, sourd tous les sar-casmes, il garnit peu peu les villagesavoisinantsdarbres. Ledsertdevintuneoasisde verdure. ce jour, ce sont prs de 20 000 arbres quil a mis en terre. Sespremierssemissont aujourdhui dimmenses arbres qui tirent au sol leur ombrage gnreux. Chacun est le rsul-tatdesontravailopinitre, desessoins,desasueuret desapersvrance.Ilyena partoutetdetoutesvarits : des banyans, des bombax, des margousiers et divers fruitiers. Ilsontsurgisurlesbordsde route,auxcoinsderues,sur les places de march, dans les cours dcole, autour des lieux deprire,lelongdescamps frontaliers,partout.Lamain verte de Kartik a laiss sa trace surtoutelargion. Lesarbresonttuneb-ndictionpoursonvillage. Auxabordsdelcoleetde la mdersa ,certainsont tvendusetlargentaservi construire un mur autour du terraindeprire.Desparents ncessiteuxontgalementpu vendrelesarbresdevantchez euxpourpayerlemariagede leurlle.Chaquesemaine, lesmarchandsinstallentleurs talssouslombrefrachedes arbres de Kartik. Mais Kartik, lui, na jamais demand un sou poursontravail.Sonuvre estunactedamour. Verslan1984,Tariqul Islamtaitauxiliairemdical lorsquesonmtierlecondui-sit dans cette rgion. Il devait parcourir de longues distances pied,interrompantsouvent sonvoyagepoursereposeret sabriterdelachaleuraupied dun arbre. Un jour, il a appris quelesinnombrablesarbres quitraaientsursarouteun chemindeverdurededixou douzekilomtrestaientle fruitdutravailetdudvoue-mentdeKartik.Stupfaitet admiratif,ildemandaren-contrer le coieur. Tariqul est aujourdhuiprofesseurassoci dconomiedansunlycede largion. Le2dcembre2003,un articlepublidanslejournal bengaliProthomAlosousle titre Chacundecesarbres majestueuxestunhommage Kartik attira lattention du mairedelamunicipalitde Rajshahi.Celui-cireutKar-tik Paramanik pour le fliciter. En2007,lachanedetlvi-sion Channel I orit Kartik unedistinctionagricole.Lors delacrmoniederemisedu prix,legnraldedivision( la retraite) Anwarul Iqbal, qui taitlpoqueconseillerpar intrimdugouvernement, interrogealevieilhommesur sesambitions. Jenedsire rienpourmoi-mme,maisil faudraitunebonnerouteas-phalte pour relier mon village auxzonesvoisines ,rpondit levieilhomme.Leservice localdesPontsetchausses aconstruituneroutedesept kilomtres, qui arrive jusquau seuildelamaisondeKartik. En2013,lercitdelini-tiativedeKartikatintgr aumanueldanglaisde5edu programmescolairenational sousletitre Unhommequi aimelesarbres . Une ville vgtale, par Luc Schuiten.Sauver lAmazonie avec une marguerite Bruissementdesfeuilles, bourdonnementdesinsectes, hurlementsdessinges,cris des perroquets... font la bande sonoredelajungleamazo-nienne.Unebandesonore parfoisentrecoupedebruits inquitants.Ronementdun moteurdecamionouhurle-mentdunetrononneusequi risquent de faire taire pour de bonlasymphoniedelafort.Enpremireligneface cetteagressiondestructrice, lesmembresdunetribuau-tochtoneinstalledansun coin recul de la fort amazo-niennefondentleursespoirs sur un appareil high-tech pour les aider sauver leur environ-nementetleurpeuple.Lap-pareil est conu pour capter les bruits(moteursdecamionou trononneuses)pouvantrv-lerlaprsencedexploitants illgauxsurleurterritoire.Lappareil,fabriquavec un smartphone recycl et dis-simuldanslacanope,est uneideoriginaledeTopher White,unphysiciendevenu unferventdfenseurdesfo-rts.RainforestConnection, lorganisation but non lucra-tif quil a cre San Francis-co, sest associ aux Temb de ltat brsilien de Par, lex-trmitnorddelAmazonie, lpicentredelaluttepourla protection de la plus vaste fo-rttropicaleaumonde. LesTembcroientquils luttentcontrelanantisse-mentdeleurpeuple.Lenjeu estdoncconsidrable ,ex-pliquaitM. Whiteaudbut dunessaideterraindeplu-sieursmoisdanslarserve decepeupleautochtone.Au coursdesderniersmois,la tribu,quicompteenvironun millier de membres, a aront lesgroupesdleveursarms qui tentent dempiter sur leur territoire. Lchecnestpas vraimentuneoption,mme lapremiretentative. Endpitdelamauvaise qualitdurseaulesTemb utilisentdesantennesdefor-tune qui gnrent un signal trs faible,lesrsultatsdespre-miers tests sont encourageants. Quelquesheurespeineaprs soninstallation,lundesappa-reils a dtect le bruit dune voi-ture et envoy une alerte sur le tlphonedeM. White.Lide est dinstaller des ap-pareils sur lensemble du pri-mtre de la rserve, qui couvre 6 000 kilomtrescarrs.Une foisquelesystmeserafonc-tionnel,desalertespourront treenvoyesentempsrel auxquelque30 membres delatribudsignscomme gardiens parlesTembet chargs de repousser les enva-hisseurs.Levhiculequiadclench lalerte nappartenait pas des exploitants illgaux ; ctait seu-lementunevoiturequipassait parl ,reconnatM. White, ajoutant : Cestquandmme excitant, car cela montre que le systmefonctionne. M. White,33 ans,aeu lidedefabriquercetappa-reil en 2011 alors quil tait en vacancesenIndonsieetquil faisaitdubnvolatdansune rserve de gibbons. Ces singes detaillemoyennefontpartie desespcesdeprimatesles plusmenacesaumonde.Il savait quil fallait protger leurhabitatdudboisement pour leur donner une vritable chance.Maiscommentloca-liserlesexploitantsillgaux lorsquelesbruitsdelafort couvrent le vrombissement de leurstrononneuses ? Je me suis dit que le meil-leur moyen tait sans doute de capterautomatiquementles bruits des trononneuses dans lafortpourensuitedter-minerleurprovenance,adit M. White. Puisque la couver-ture mobile tait plutt bonne, jemesuisditquejepouvais dvelopper une solution par-tirdecela. Ledispositifquilaconu ressembleunemarguerite. Il est compos dun tlphone portablelpreuvedesin-tempriesautourduquelsont installs des panneaux solaires qui assurent son alimentation. Ilsutdaccrocherlesmart-phoneautroncdunarbre, environ35 mtresdusol, pourquilcapteettransmette aunuageinformatique(cloud) lessonsmisdansunrayon denviron 3 kilomtres. Un lo-gicielconupourreconnatre levrombissementdunetron-onneuse envoie une alerte sur lestlphonesdesgardesdu parc lorsque de tels bruits sont dtects.En 2013,M. Whiteestre-tourn en Indonsie, dans une autre rserve de gibbons, pour tester son invention. Le dispo-sitifasibienfonctionnquil apermislingnieuretses collgues de stopper une op-rationdedboisementillgal dans les 48 heures suivant son installation. Puisquilsagit dunepetiterserve,ilsemble quecetteexprienceaitsu dissuaderlesbcheronsil-lgaux.Nousnavonsdtect aucuneactivitillgaleparla suite,dit-il.Pournous,cest uneformidablerussite,mais on ne peut pas considrer lex-priencecommeunesource importantededonnes. Lorganisationnourritde grandesambitionsmalgrsa taille.RainforestConnection necompteeneetquedeux employspermanents,mme si ces derniers peuvent comp-tersurlesoutiendeplusieurs volontairesdvous. Nousvoulonsmontrer que le systme peut tre utilis ailleurs ,expliqueM. White par tlphone depuis une ville situe lextrieur de la rserve des Temb. La meilleure fa-on de le faire est de travailler encollaborationaveclestri-bus. On suppose que le mieux, si vous voulez protger lAma-zonie,cestdetravailleravec les gens dont lexistence mme estdnieparlaprsencede lafort. Voir aussi la vido :http://www.sparknews.com/fr/video/reduce-pollution-saving-rainforest-your-old-smartphoneUne organisation but non lucratif installe des tlphones portables sur les arbres pour lutter contre lexploitation forestire illgale dans une rserve autochtone.Astrid CHRISTOPHERSEN (Sparknews/BRSIL)Le fondateur de Rainforest Connection, Topher White, installant son dtecteur dexploitants illgaux.Photo Rainforest ConnectionIntrieur au fauteuil balanoire, par Luc Schuiten.Anwar HOSSAIN(Prothom Alo/BANGLADESH)Luc Schuiten a vu le jour Bruxelles en 1944. Son pre, larchitecte Robert Schuiten, fut un adepte du modernisme radieux. Luc ne le suivra pas sur cette voie. Aprs avoir dcroch son diplme darchi-tecture lAcadmie royale des beaux-arts de Bruxelles, il sengage dans une voie radicale et rvolutionnaire. Au dbut des annes 1970, il dfend la philosophie de lautoconstruction et de la mai-son cologique, et rve dj darchiborescence. En 1977, il signe son premier projet dhabitarbre puis concrtise sa vision dune cit archibo-rescente en bandes dessines dans lalbumCarapaces, ralis avec son frre, Franois Schuiten. En 2012, il plante les arbres dune exprience de cit vgtale Arte Sella, en Italie. Son urbanisme futuriste a fait lobjet de nombreusesexpositions Mons, Lyon, Paris, Yverdon en Suisse ou, tout rcemment, la Fonda-tion Folon de La Hulpe, dans la priphrie de Bruxelles. Bio expressKartik Paramanik et ses plants. Photo Monirul Alam