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VII samedi 20 juin 2015Luc Schuiten, un architecte aux frontires de la pense coloFilsdarchitecte,LucSchui-tendessinait,enfant,des arbresvengeurs.Plustard, ceprcurseurabtisapre-miremaisondanslesbois, loredeBruxelles :une simplecharpente,unever-rireouvertesurlecielet descapteurssolairessurle toit pour habiter en symbiose aveclaTerre.Adeptedu lcherdepapillons,lejeune pionnierdelabio-architec-ture va grandir avec lide que laplanteestendangeret que lhomme doit trouver des solutionscemalaise.Pour yparvenir,ilrvedepou-voirconstruiresansdtruire lenvironnement,dpouser lescontraintesdelanature. Quellequesoitlabeaut dun dice, cest un acte vain sil nest pas en accord avec la Terre,armecevisionnaire. Lerchauementclimatique estunegrandedouleur.On foncetoutevitesseversun mur.Jeproposedacclrer moinsvite.Jeveuxredonner delaforcelimagination. Danslesoucideprserver lcosystme,LucSchuiten imaginedenouvellesformes dhabitathumain.Sonide estsimple :pourquoine pasutiliserlesorganismes naturelscommematriau debase ?Cestleconcept de larchiborescence .Il voyageauxfrontiresdela pensecologiquetravers untravailpotiquevisant prserverlenvironnement. Son crayon trace les perspec-tivesnouvellesdunmonde futurpanouissant,libr desnergiesfossilesetdela pollution.Sursatabledessinbour-geonnentdesplansderues etdecitsvgtalesoude vhiculespropres.Deson atelier est sortie une voiture nergierenouvelablefusele limage dune feuille darbre emporteparlevent.Son imaginaireanticipelavenir delhumanitpartirdune esthtiqueradicalement nouvelle,enruptureavecles rglesclassiquesdelam-nagementduterritoire.Luc Schuitenexplore,invente lavenirensinspirantdes processusbiologiques :des coquillagesproduisentdu biocimentetdesinsectesdu bioverre.Danssavillemu-tante,larchitecturepouse lescaractristiquesdes organismes vivants.Btir un futur diffrentSonarchiborescenceest aussiunemtamorphosede nosmodesdepense.Elle postuledautresinteractions entrelhommeetlanature quecellesquenousconnais-sonsaujourdhui.Saville nest pas linaire. Elle ne c-lbre ni le bton ni le fer. Ins-critsdanslaphilosophiedu dveloppementdurable,ses habitarbres potisentles-pacepourrpondreausouci dumieux-vivreensemble. LucSchuitennesimpose quuneseulergle,cellede lquilibreentrelhommeet laplante,auxantipodesdu brutalismedesvillesmoder-nistesdiessurlepillage desressourcesnaturelles. Imiterlanatureetles arbres pour crer une nouvelle formedhabitat.Cesta,le principedelacitarchibo-rescenteetdeshabitarbres : desmaisonsquipoussent comme des arbres et dont les murssontenbiotextiles.La structuredunhabitarbreest unguiertrangleur,dont lacroissanceestorientepar destuteurspourformerune maison durable. Larbre est la plus belle chose que la nature aitproduite.Queldommage deletuer,delecouperet deletorturerchimiquement pour construire ! De l, lide deceshabitarbresvivants pourbtirunfuturrelle-ment dirent de celui quon nousproposeaujourdhui.Dans la ligne de Lonard de VinciLarchitectebelgeadmet quesontravailrevtune dimensionprofondment utopiste.Lesresponsables politiques se montrent plutt frileuxfacesesprojets.Un ministrebruxelloisavaitap-prouvsonplandevgtali-sation des faades du quartier europendeBruxelles.Son successeur sest toutefois em-pressdelenterrer.Desen-chevtrementsdefeuilleset debranchesauxfentresdu Conseileuropen,anefai-saitpastrssrieux.Etpuis commentaccorderducrdit unarchitectecirculanten voiturelectriquepdales ? LucSchuitenappartient cetteracedesgniesincom-pris.Undesesprototypes destinrsoudrelespro-blmesdemobilit, lorni-thoplaneailesbattantes , tablituneliationdirecte aveclesdrlesdemachines deLonarddeVinci.AuXXIesicle,lespou-voirspolitiquessemblent avoirperdulacapacitde voirau-deldunechance lectorale.LeregarddeLuc Schuitenva,aucontraire,l oleregardneportepas.Il remet le temps biologique au centre de la socit et propose unavenirlibrdelimm-diatet.Sapenselitdans lavenirdumonde,mille ou dix mille ans. Il sintresse auxvraisenjeuxdufuturet sattacherednirnotre hirarchiedesvaleurspour rinventer nos lieux de vie. lentendre,onsesentlenvie de commencer demain. Selon linventeurdelarchibores-cence,leparadissurterre neseraitpasbiendicile imaginer:prenezunarbre, regardez-le avec les yeux dun architecteetvoussentirez immdiatementllvation vers la srnit.Pour plus de dtails, visitez leur site :http://www.vegetalcity.net/?lang=enVoir aussi la vido : https://www.youtube.com/watch?v=fuF6WU1iLA4Daniel COUVREUR (Le Soir/BELGIQUE)Lhomme qui plantait des arbresQuandiltaitenfant,Kartik Paramanikcoutaitsonpre luiraconterdeshistoires. quoi bon faire un plerinage ? Cenestpasenterendant dansunlieusacrquetude-viendraspropreetpur.Situ plantessimplementunarbre, celatapporterabienplusde bndictionsquenimporte quelplerinage ,luidisait-il aussi. Les paroles de son pre trouvrent une profonde rso-nancechezlejeunegaron. dixans,ilcommena planter des arbres. Il planta le premier lembranchement de trois routes. Aujourdhui, 75 ans, il continue inlassablement sesplantations. Katrikvitdanslevillagede Tarapur Tutapara, sur la fron-tireindienne,unequaran-tainedekilomtresdelaville de Nawabganj, dans le district de Chapai Nawabaganj (le plus oriental du Bangladesh). Avant la partition de lInde, sa famille habitaitunautrevillage.La plupartdesesprochesparents ontniparpasserlafrontire poursinstallerenInde.Mais son pre, lui, est rest et a sim-plementdmnagdansun autrevillage.unecertainepoque,les gensavaientdesampoules auxpiedsforcedemarcher danslachaleurtorridede cettergiondnuedarbres. Ils taient le gamucha qui leur protgeaitlattepoursen envelopper les pieds, meurtris parlaterrebrlante.Cestl que le petit Kartik a plant ses premiersarbres.Peupeu, cette tendue de terre pele et aride a commenc se peupler darbres. Kartiktaitcoieur.Ds quilgagnaitquelquessous,il mettait systmatiquement une petitesommedect.Avec cesconomies,ilachetaitdes plantsetlesmettaitenterre endirentsendroits,puis entouraitlesjeunesarbresde clturesdebambou.ses moments perdus, il allait soc-cuper de ses protgs, les arro-santetsarclanttoutautour. Certains le prenaient pour un fou mais, sourd tous les sar-casmes, il garnit peu peu les villagesavoisinantsdarbres. Ledsertdevintuneoasisde verdure. ce jour, ce sont prs de 20 000 arbres quil a mis en terre. Sespremierssemissont aujourdhui dimmenses arbres qui tirent au sol leur ombrage gnreux. Chacun est le rsul-tatdesontravailopinitre, desessoins,desasueuret desapersvrance.Ilyena partoutetdetoutesvarits : des banyans, des bombax, des margousiers et divers fruitiers. Ilsontsurgisurlesbordsde route,auxcoinsderues,sur les places de march, dans les cours dcole, autour des lieux deprire,lelongdescamps frontaliers,partout.Lamain verte de Kartik a laiss sa trace surtoutelargion. Lesarbresonttuneb-ndictionpoursonvillage. Auxabordsdelcoleetde la mdersa ,certainsont tvendusetlargentaservi construire un mur autour du terraindeprire.Desparents ncessiteuxontgalementpu vendrelesarbresdevantchez euxpourpayerlemariagede leurlle.Chaquesemaine, lesmarchandsinstallentleurs talssouslombrefrachedes arbres de Kartik. Mais Kartik, lui, na jamais demand un sou poursontravail.Sonuvre estunactedamour. Verslan1984,Tariqul Islamtaitauxiliairemdical lorsquesonmtierlecondui-sit dans cette rgion. Il devait parcourir de longues distances pied,interrompantsouvent sonvoyagepoursereposeret sabriterdelachaleuraupied dun arbre. Un jour, il a appris quelesinnombrablesarbres quitraaientsursarouteun chemindeverdurededixou douzekilomtrestaientle fruitdutravailetdudvoue-mentdeKartik.Stupfaitet admiratif,ildemandaren-contrer le coieur. Tariqul est aujourdhuiprofesseurassoci dconomiedansunlycede largion. Le2dcembre2003,un articlepublidanslejournal bengaliProthomAlosousle titre Chacundecesarbres majestueuxestunhommage Kartik attira lattention du mairedelamunicipalitde Rajshahi.Celui-cireutKar-tik Paramanik pour le fliciter. En2007,lachanedetlvi-sion Channel I orit Kartik unedistinctionagricole.Lors delacrmoniederemisedu prix,legnraldedivision( la retraite) Anwarul Iqbal, qui taitlpoqueconseillerpar intrimdugouvernement, interrogealevieilhommesur sesambitions. Jenedsire rienpourmoi-mme,maisil faudraitunebonnerouteas-phalte pour relier mon village auxzonesvoisines ,rpondit levieilhomme.Leservice localdesPontsetchausses aconstruituneroutedesept kilomtres, qui arrive jusquau seuildelamaisondeKartik. En2013,lercitdelini-tiativedeKartikatintgr aumanueldanglaisde5edu programmescolairenational sousletitre Unhommequi aimelesarbres . Une ville vgtale, par Luc Schuiten.Sauver lAmazonie avec une marguerite Bruissementdesfeuilles, bourdonnementdesinsectes, hurlementsdessinges,cris des perroquets... font la bande sonoredelajungleamazo-nienne.Unebandesonore parfoisentrecoupedebruits inquitants.Ronementdun moteurdecamionouhurle-mentdunetrononneusequi risquent de faire taire pour de bonlasymphoniedelafort.Enpremireligneface cetteagressiondestructrice, lesmembresdunetribuau-tochtoneinstalledansun coin recul de la fort amazo-niennefondentleursespoirs sur un appareil high-tech pour les aider sauver leur environ-nementetleurpeuple.Lap-pareil est conu pour capter les bruits(moteursdecamionou trononneuses)pouvantrv-lerlaprsencedexploitants illgauxsurleurterritoire.Lappareil,fabriquavec un smartphone recycl et dis-simuldanslacanope,est uneideoriginaledeTopher White,unphysiciendevenu unferventdfenseurdesfo-rts.RainforestConnection, lorganisation but non lucra-tif quil a cre San Francis-co, sest associ aux Temb de ltat brsilien de Par, lex-trmitnorddelAmazonie, lpicentredelaluttepourla protection de la plus vaste fo-rttropicaleaumonde. LesTembcroientquils luttentcontrelanantisse-mentdeleurpeuple.Lenjeu estdoncconsidrable ,ex-pliquaitM. Whiteaudbut dunessaideterraindeplu-sieursmoisdanslarserve decepeupleautochtone.Au coursdesderniersmois,la tribu,quicompteenvironun millier de membres, a aront lesgroupesdleveursarms qui tentent dempiter sur leur territoire. Lchecnestpas vraimentuneoption,mme lapremiretentative. Endpitdelamauvaise qualitdurseaulesTemb utilisentdesantennesdefor-tune qui gnrent un signal trs faible,lesrsultatsdespre-miers tests sont encourageants. Quelquesheurespeineaprs soninstallation,lundesappa-reils a dtect le bruit dune voi-ture et envoy une alerte sur le tlphonedeM. White.Lide est dinstaller des ap-pareils sur lensemble du pri-mtre de la rserve, qui couvre 6 000 kilomtrescarrs.Une foisquelesystmeserafonc-tionnel,desalertespourront treenvoyesentempsrel auxquelque30 membres delatribudsignscomme gardiens parlesTembet chargs de repousser les enva-hisseurs.Levhiculequiadclench lalerte nappartenait pas des exploitants illgaux ; ctait seu-lementunevoiturequipassait parl ,reconnatM. White, ajoutant : Cestquandmme excitant, car cela montre que le systmefonctionne. M. White,33 ans,aeu lidedefabriquercetappa-reil en 2011 alors quil tait en vacancesenIndonsieetquil faisaitdubnvolatdansune rserve de gibbons. Ces singes detaillemoyennefontpartie desespcesdeprimatesles plusmenacesaumonde.Il savait quil fallait protger leurhabitatdudboisement pour leur donner une vritable chance.Maiscommentloca-liserlesexploitantsillgaux lorsquelesbruitsdelafort couvrent le vrombissement de leurstrononneuses ? Je me suis dit que le meil-leur moyen tait sans doute de capterautomatiquementles bruits des trononneuses dans lafortpourensuitedter-minerleurprovenance,adit M. White. Puisque la couver-ture mobile tait plutt bonne, jemesuisditquejepouvais dvelopper une solution par-tirdecela. Ledispositifquilaconu ressembleunemarguerite. Il est compos dun tlphone portablelpreuvedesin-tempriesautourduquelsont installs des panneaux solaires qui assurent son alimentation. Ilsutdaccrocherlesmart-phoneautroncdunarbre, environ35 mtresdusol, pourquilcapteettransmette aunuageinformatique(cloud) lessonsmisdansunrayon denviron 3 kilomtres. Un lo-gicielconupourreconnatre levrombissementdunetron-onneuse envoie une alerte sur lestlphonesdesgardesdu parc lorsque de tels bruits sont dtects.En 2013,M. Whiteestre-tourn en Indonsie, dans une autre rserve de gibbons, pour tester son invention. Le dispo-sitifasibienfonctionnquil apermislingnieuretses collgues de stopper une op-rationdedboisementillgal dans les 48 heures suivant son installation. Puisquilsagit dunepetiterserve,ilsemble quecetteexprienceaitsu dissuaderlesbcheronsil-lgaux.Nousnavonsdtect aucuneactivitillgaleparla suite,dit-il.Pournous,cest uneformidablerussite,mais on ne peut pas considrer lex-priencecommeunesource importantededonnes. Lorganisationnourritde grandesambitionsmalgrsa taille.RainforestConnection necompteeneetquedeux employspermanents,mme si ces derniers peuvent comp-tersurlesoutiendeplusieurs volontairesdvous. Nousvoulonsmontrer que le systme peut tre utilis ailleurs ,expliqueM. White par tlphone depuis une ville situe lextrieur de la rserve des Temb. La meilleure fa-on de le faire est de travailler encollaborationaveclestri-bus. On suppose que le mieux, si vous voulez protger lAma-zonie,cestdetravailleravec les gens dont lexistence mme estdnieparlaprsencede lafort. Voir aussi la vido :http://www.sparknews.com/fr/video/reduce-pollution-saving-rainforest-your-old-smartphoneUne organisation but non lucratif installe des tlphones portables sur les arbres pour lutter contre lexploitation forestire illgale dans une rserve autochtone.Astrid CHRISTOPHERSEN (Sparknews/BRSIL)Le fondateur de Rainforest Connection, Topher White, installant son dtecteur dexploitants illgaux.Photo Rainforest ConnectionIntrieur au fauteuil balanoire, par Luc Schuiten.Anwar HOSSAIN(Prothom Alo/BANGLADESH)Luc Schuiten a vu le jour Bruxelles en 1944. Son pre, larchitecte Robert Schuiten, fut un adepte du modernisme radieux. Luc ne le suivra pas sur cette voie. Aprs avoir dcroch son diplme darchi-tecture lAcadmie royale des beaux-arts de Bruxelles, il sengage dans une voie radicale et rvolutionnaire. Au dbut des annes 1970, il dfend la philosophie de lautoconstruction et de la mai-son cologique, et rve dj darchiborescence. En 1977, il signe son premier projet dhabitarbre puis concrtise sa vision dune cit archibo-rescente en bandes dessines dans lalbumCarapaces, ralis avec son frre, Franois Schuiten. En 2012, il plante les arbres dune exprience de cit vgtale Arte Sella, en Italie. Son urbanisme futuriste a fait lobjet de nombreusesexpositions Mons, Lyon, Paris, Yverdon en Suisse ou, tout rcemment, la Fonda-tion Folon de La Hulpe, dans la priphrie de Bruxelles. Bio expressKartik Paramanik et ses plants. Photo Monirul Alam