Granet.le Langage de La Douleur

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    LE LANGAGE DE LA

    DOULEURdaprs le rituel funraire de la Chine classique

    parMarcel GRANET (1884-1940)

    1922Un document produit en version numrique par Pierre Palpant,

    collaborateur bnvoleCourriel : [email protected]

    Dans le cadre de la collection : "Les classiques des sciences sociales"dirige et fonde par Jean-Marie Tremblay,

    professeur de sociologie au Cgep de ChicoutimiSite web : http ://www.uqac.uquebec.ca/zone30/Classiques_des_sciences_sociales/index.html

    Une collection dveloppe en collaboration avec la BibliothquePaul-mile-Boulet de lUniversit du Qubec ChicoutimiSite web : http ://bibliotheque.uqac.uquebec.ca/index.htm

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    Marcel GRANET - Le langage de la douleur 2

    Un document produit en version numrique par Pierre Palpant, collaborateur bnvole,Courriel : [email protected]

    partir de :

    Le langage de la douleurdaprs le rituel funraire de la Chine classique,

    par Marcel GRANET (1884-1940)

    Article est paru dans le Journal de Psychologie, 15 fvrier 1922.

    Textes rassembls sous le titre Essais sociologiques sur la Chine , LesPresses universitaires de France, 2e dition, Paris, avril 1990.

    Polices de caractres utilise : Times, 10 et 12 points.

    Mise en page sur papier format LETTRE ( US letter ), 8.5 x 11

    dition complte le 30 novembre 2004 Chicoutimi, Qubec.

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    Mon intention nest pas de reprendre sur nouveaux frais la dmonstrationque M. M. MAUSS a donne dans son article surLexpression obligatoire dessentiments (1) Les faits chinois que je veux exposer nauraient point, pour lapreuve, autant dautorit que les faits australiens : ils ne sont pas emprunts des populations suffisamment primitives au sens propre du terme (2), mais

    un peuple dj pourvu dune civilisation savante et complexe. Je les extraisde Rituels dont la rdaction suppose une remarquable activit de la penserflchie (3). Ils nont plus assez de fracheur pour donner sentir qu sesdbuts le langage des sentiments est minemment marqu du signe de la nonspontanit, de lobligation la plus parfaite (4).

    Jai montr ailleurs (5) qu un temps o lorganisation sociale de la C hinetait des plus simples (organisation longtemps conserve dans le peuple descampagnes), les motions de lamour, au moment mme o elles naissaient,ne pouvaient sexprimer quau moyen de formules strotypes et de gestesconventionnels : les jeunes gens ne se faisaient, alors, la cour qu laide dethmes obligatoires, perptuellement repris par une improvisation tra-

    ditionnelle (6

    ). On ne peut gure douter que la douleur ne se soit de mmemanifeste, ds labord, en thmes obligatoires.

    Mais ce que peut montrer ltude des rituels fodaux du deuil que je vaisanalyser ici, cest le dveloppement de ce langage de la douleur ; on va voirquil consiste en une symbolique min utieusement ordonne : langage vritabledont les grammairiens, je veux dire les ritualistes, tablissent les rgles etmaintiennent la correction, langage aussi o lanalyse philosophique saitretrouver une logique qui saccorde avec lordre intelligibl e de lunivers.

    Jtudierai le rituel du deuil dans son ensemble : les rites oraux nyoccupent quune faible place, car dans le deuil on doit cesser de parler ; maisles gestes qui manifestent la douleur sont des signes aussi clairs, aussi

    intelligibles, aussi coordonns que pourraient ltre les mots et les phrases.

    ** *

    Les pratiques par lesquelles sexpriment les sentiments provo qus par unemort forment deux groupes assez distincts. Qui porte le deuil est tenu designifier sa douleur par un certain nombre de manifestations qui se font

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    moments dtermins : loccasion de crmonies ; il doit de plus modifier defaon complte sa manire de vivre : il se prive de toutes les commodits dontil jouissait en temps normal. Les pratiques de cette deuxime espce, qui sontdordre ngatif, qui correspondent des interdictions, prsentent un caractre

    vident dobligation. Elles se rsument en une espce de participation ltatdu mort, participation qui implique une exclusion quasi complte de la viesociale. Expulss de la socit, comme le mort lui-mme, ses proches sesoumettent une quarantaine. Leur retraite ne les met aucunement mmedexpri mer dans lindpendance des sentiments qui soient libres et spon tans ;elle ne leur permet mme pas de se recueillir dans linti mit dune runion defamille. De mme que la mort retranche le dfunt de la vie familiale, le deuilsupprime, dans le courant des jours, les rapports entre parents. Chacun,strictement isol, est contraint la vie la plus ralentie qui soit, et, dans cenant, ne doit point avoir plus de sentiments actifs que le mort lui-mme.

    Cet tat dhbtude cette stupeur produite par un coup douloureux est si peu un rflexe purement physiologique ou psychologique, quil est, nousallons le voir, strictement dos dans chaque cas, et svrement contrl,entirement command par le public.

    La mort a chass le dfunt de son lit et loblige, abandonnant par tapes samaison, faire retour la terre. Les proches accourent la maison mortuaire,non pour loccuper (jusqu la fin du deuil, nul ne succde au mort, qui restele matre du logis), mais pour vivre aux abords de la demeure familiale, et nonpoint en commun : chacun se retire dans une cabane particulire (7). Parcequil y a des rgles qui imposent dans chaque cas une quan tit fixe de douleuret des manifestations appropries, la cabane nest pas toujours faite de mme.Pour le fils principal, le successeur cultuel, elle est adosse au mur de clturede la maison familiale ; pour les autres fils, elle doit seulement tre construitedans un lieu sombre et retir (8). Le mort tant, aux premiers temps, mis aucercueil et non enterr, la hutte de ses fils est faite de branchages et noncrpie. Aprs lenterrement dfinitif, on en bouche les fentes avec de la pailleet des roseaux et on la crpit laide de t erre glaise, mais lintrieurseulement. La deuxime anne du deuil, le fils habite dans une cabane de terrebattue, non crpie. Au dbut de la troisime anne, le sol de la cabane estnoirci et les murs passs au blanc (9). A la mort dune mre, mmes rgles, sile pre est dj dfunt ; sil est encore vivant, les fils se retirent, ds le dbut,dans une cabane vritable, faite de terre, mais non crpie (10).

    Dans la cabane de deuil, point de literie. Un fils y couche dabord sur dela paille, la tte appuye une motte de terre, saffligeant ainsi de ce que (lecorps de) son pre est dans la terre (11). Plus tard, aprs lenterrementdfinitif, il a droit une couche de joncs, dont les ttes sont coupes, mais quine sont point assembls en natte (il y a droit tout de suite, si, son pre vivantencore, il safflige de la mort de sa mre). Au bout dun an, dans sa caban e deterre battue, il possde une vraie natte. Il ne reprendra lusage du lit que latroisime anne, un mois aprs tre entr en possession de la maison, le deuil

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    fini. Pour un deuil qui, selon le droit chinois, exige moins de privations, oncouche sur une natte ordinaire ; pour les deuils moindres, on a lusage duneliterie complte (12). Les femmes et les enfants ne sont point condamns,quelle que soit la perte quils aient faite, vivre dans la cabane et coucher

    sur la paille (13

    ).Enferm seul dans sa hutte, comme le mort dans le cercueil, le patient du

    deuil, entirement excommuni, non seulement ne peut plus exercer defonctions publiques (14), ni faire ou recevoir des visites (15), ni accepter deprsents personnels (16), mais encore, en aucun cas, il ne peut avoir decompagnie (17). Cependant, exclu de la socit, il demeure, dans sa retraite,sous le contrle public. Tandis que la maison chinoise est toujourssoigneusement enceinte de murs qui dfendent la vie prive, la hutte restegrande ouverte jusquau troisime mois (enterrement dfinitif); on y adaptealors une porte ; elle nest protge par une clture quau bout dun an. Seul,un seigneur, personnage redoutable, peut, ds labord, enfermer sa douleur

    derrire une palissade : encore celle-ci doit-elle tre fragile, permable et faitede roseaux (18). On le voit, la douleur, mme sous sa forme la plus passive ltat de prostration lui -mme, est mesure au juste par les conventionssociales, et elle est tellement obligatoire que lexcommunication du patient nele sauve point dun contrle constant.

    Sous cette surveillance de sa douleur, lhomme en deuil entre tient son tatdhbtude et de prostration. Couch sur la paille, peine vtu dtoffes trame lche, il ne parle pas, il ne fait point de gestes, il ne prend pas de soinsde propret, il ne mange pas, ou, plutt, il ne parle, il ne se lave, il ne senourrit que dans la mesure o les conventions sociales le lui ordonnent, etseulement quand cela lui est command.

    Il suffit de voir les habits du patient pour savoir quelle est la classe de sondeuil (il y a cinq classes dhabits, et le vtement que lon doit porter signale laquantit dobligations qui incombent chacun un moment donn du deuil, raison de sa proximit avec le mort) et pour pouvoir dire aussitt, constatantque la chane de la toile est de 3 cheng de fils (3 x 81 fils), de 4 6, ou de 7 9 cheng, etc. (1

    re, 2

    e, 3

    eclasse, etc.) (19), quil ne peut que dire oui ou non par

    signe (1re

    classe), quil peut rpondre aux questions mais non parler le premier(2

    eclasse), quil peut parler mais en vitant la discussion (3

    eclasse), ou, enfin,

    quil peut dis cuter, sans aller toutefois jusqu y prendre du plaisir (20).

    Cette interdiction nuance de lusage de la parole est dintrt public :selon ses besoins, la socit laggrave ou la suspend. Un seigneur en deuilpeut rompre le silence en faveur du royaume (et non point de sa seigneurieparticulire), un grand-officier ou un noble de mme en faveur de leurseigneur (et jamais dans lintrt de leur s affaires prives) (21). Inversement,un roi illustre la mmoire de son pre et son propre rgne en nouvrant pointla bouche durant les trois annes du deuil : manifestant ainsi et acqurant unevertu qui rend la dynastie nouveau florissante (22). Une manifestation

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    hroque de ce genre serait tout fait blmable chez les gens du commun :elle serait marque de dmesure. La musique, expression caractristique de lajoie, est interdite durant tout le deuil ; on peut seulement toucher du luth aprsloffrande qui en prcde immdiatement la fin. Un homme qui, aprs cette

    offrande, chanta et joua dun instrument vent fut blm comme un peu troppress : un mois plus tard, il et fait une action louable ( 23). Mais plussvrement blm fut Mong Hien-tseu, qui, tout en faisant rinstaller sesinstruments de musique, se refusa en jouer. Le deuil de Hien-tseu estsuprieur dun degr celui des autres dit Confucius (24). Ainsi lesconventions sociales donnent la mesure exacte, et le public intervient pourfaire respecter les rgles.

    Cette intervention est encore plus nette dans le cas des formes les plusdures des pratiques dmaciation. La nourriture des gens en deuil estrglemente minutieusement : nombre et heures des repas, qualit des mets,quantit, tout est fix pour que le patient soit affaibli exactement autant que le

    veut la dfinition de son deuil. Aucun repas les trois premiers jours de la mortdun pre, une poigne de riz ou de millet en bouillie et de leau ; mmergime sil sagit dune mre et si le pre nest plus en vie ; sil vit encore, cergime est rduit deux jours (25). A mesure que le deuil savance et pour lesparents moins proches, des repas rgls sont permis, qui ne comportentdabord que des fruits et des lgumes, puis des conserves, puis du vin doux,puis du vin, puis de la viande, en commenant par de la viande sche (26).Obligatoirement moins svre pour les enfants, les femmes, le rgime estadouci pour les vieillards proportion de leur ge (27), pour les malades durantleur maladie (28).

    # Pas plus quil nest permis de se soustraire au jene, il nest permis de

    lexagrer ; ce serait risquer de ne pas aller jusquau bout du deuil (29) : crimegrave que prvient lintervention du public. Les cadeaux de nourriture sont lesseuls quon puisse alors recevoir ; mieux, on est oblig de les accepter (30). Leseigneur peut inviter manger le vassal en deuil, sitt fait lenterrement deson pre ; trois jours aprs la mort dun grand officier, il ordonne de prparerde la nourriture pour les proches (31). Les trois premiers jours, quand il estinterdit dallumer du feu dans la maison mortuaire, les voisins intervien nent ;ils prparent et apportent la bouillie et leau de riz (32) ; ils ne permettent pasles excs qui pourraient seulement sduire un philosophe outrecuidant: restersept jours sans porter ses lvres une goutte deau (33). Seuls, les princesdoivent saffaiblir au point, de ne pouvoir se lever sans le secours dautrui ;pour le commun, il suffit de ne pouvoir marcher sans laide dun bton (34). Ceserait une grande faute de se rendre malade et, par exemple, de perdre la vue la suite de manifestations anormales de douleur (35). De mme, il y a unemesure garder dans labandon des soins de propret : lon ne doit pas, enrgle gnrale, se laver la tte et le corps, sauf aux jours de crmoniefunraire : on devra cependant se laver si lon a un ulcre ou une plaie (36).

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    A chaque situation sociale, chaque degr de parent, chaque momentdu deuil correspond un ralentissement obligatoire, nettement dfini, de la viesociale, intellectuelle et physique. Ce ralentissement est marqu par unsystme de manifestations ngatives : telle espce de retraite, telle quantit de

    silence, tel genre de jene, tel petit nombre de fils dans la chane de ltoffequi le revt, voil les signes cohrents par lesquels le patient doit exposer ladouleur qui labat, au public qui juge de la correction et du bon accord dessignes employs. La retraite commande aux proches dun mort est const ituepar un ensemble de pratiques asctiques, obligatoires, de natureconventionnelle, dintensit fixe, troitement coordonnes entre elles, quidoivent tre susceptibles dun contrle minutieux et exactement signi ficativesdu degr de prostration exigible en chaque cas : termes convenables delexpression dune nuance de la douleur, laquelle se mesure en se conformantaux prescriptions traditionnelles et se dfinit elle-mme en sexprimant autrui. Quand le patient se tient coi sous le coup qui lat teint, quand la socitle met en quarantaine, quand la vie de famille est brise, mme alors, il ne luiest pas permis de se livrer des sentiments intimes, il lui est interdit davoirune douleur qui ne puisse pas sexprimer avec la seule aide dune sym boliqueconsacre. Il lui faut employer les mots de tout le monde et les formes fixesdun langage institu. Sil en est ainsi, cest que la retraite ne corres pond point un besoin personnel de recueillement, cest que la famille, bien que chacunvive dans la solitude, est venue tout entire former bloc autour du mort (37),cest que la socit, si elle isole la maison mortuaire, en surveille jalousementla tenue, cest que lindividu nest jamais moins autoris quelquespontanit, jamais plus svrement contrl. Sa prostration et toutes lespratiques qui le font participer ltat mortuaire ne lintressent point seul ;elles intressent le corps des parents et le groupe social tout entier ; de leur

    correction dpendent lachvement du deuil et la rsolution de cet tatdangoisse et dinstabilit que dtermine une mort.

    ** *

    La stupeur et langoisse ne sont pas les seules motions que provoque lamort ; dans la douleur des proches, se mlent des motions plus actives, lapeur agressive, la colre. A de certains moments, lhomme en deuil nest plusun patient qui se tient coi, il se met en garde, il agit. Il se met en dfense ensunissant avec son entourage, il agit en groupe ; do les crmonies de

    deuil : ensemble de gestes, de manifestations positives faites en corps par toutle groupe de deuil. Chaque individu, chappant la retraite, cesse departiciper par sa prostration et son hbtude ltat mortuaire, et vientcollaborer nergiquement une action commune grce laquelle ltat dudfunt sera modifi profondment. Par des gestes appropris et faits auxpoques utiles, le mort, source dimpuret, principe de malaise, daffai -blissement, dexclusion, va tre, grce leffort collectif de ses proches,transform en un anctre, puissance tutlaire, titre de noblesse, principe deconfiance et de rayonnement. Cet effort fructueux, qui redonnera la famille

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    prouve tout le prestige auquel elle a droit dans la socit, elle ne pourralaccomplir hors de cette dern ire, mais seulement sous son contrle et avecson secours.

    Cette intervention est tel point ncessaire que, sitt la mort acquise, lepremier devoir des proches est den faire part. Ds rception, les familles dumme groupe fodal sont obligatoirement tenues dapporter leurscondolances (38).

    Celles-ci rentrent dans le type des prestations alternatives dont lchangemaintient la solidarit du groupe : elles sont rgles par un protocoleminutieux, eu gard au rang de chaque famille ; ce sont des manifestations dela puissance propre chaque groupe familial, quelles servent classer ; cescadeaux alternatifs, donns et reus titre usuraire, honorent la fois qui lesdonne et qui les reoit. En les recevant, la famille prouve par le deuil obtient

    las surance que la rupture dquilibre produite par la mort son dtri ment naatteint que momentanment sa puissance, et elle reprend confiance dans sadestine. Aussi, larrive des condolances est -elle le prlude des crmoniespar lesquelles les parents runis expriment activement leur douleur, avec desfins positives et pour sen gurir.

    Les prestations titre de condolances sont dordre matriel ousentimental. Les cadeaux sont utiliss pour le mort dont ils signalent leprestige en donnant plus dclat aux rites funraires ; les honneursimpressionnants quil reoit perptuent sa mmoire ; il en est dress une listequon lit solennellement en public (39) : vritable conscration qui achemine ledfunt vers sa destine glorieuse danctre (40).

    Les survivants reoivent un tribut sentimental, tribut obligatoire et qui sefait selon des formes protocolaires (41). Le porteur de condolances montre parson costume et sa tenue quil prend sa part du deuil, plus ou moins grandeselon son ge et les relations quil a entretenues avec le dfunt, toujoursexactement dose ; il sest prpar la visite par de menues interdictions, telleque la privation de musique (42). Ses paroles sont fixes par la convention, sadmarche aussi : il ne se permet pas de marcher en tenant les coudes tenduscomme les ailes dun oiseau (43).

    Lafflux des visiteurs mesure l a respectabilit dun mort et de sa famille :il se dshonore, celui qui fait son pre des crmonies funraires dont leshabitants du voisinage entendent peine parler (44). Si les condolances font

    dfaut, le dshonneur est absolu : les manifestations actives de la douleurfamiliale nont plus loccasion de se faire, tmoin cette mre (45) (renommepour son sens des biensances) qui, ne recevant la visite daucun collgue deson fils, cessa de se lamenter. Les arrivants sont reus, selon leur sexe, par lechef du deuil ou sa femme, avec des gestes qui marquent le prix exact de leurscondolances, cest --dire le prestige social dont est entour celui qui lesapporte, prestige qui, pour la famille afflige, se traduit en une sommedtermine de rconfort (46).

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    Les premiers jours, le chef du deuil les reoit pieds nus, jambesdcouvertes, le bord infrieur du vtement relev et attach la ceinture (47) :montrant ainsi quil participe troite ment ltat mortuaire, le dfunt ntantpoint encore recouvert de vtements. Le corps, par, est expos dans la salle

    de rception aux yeux du public qui prend place en se groupant par sexe etselon les dignits. La famille se dispose en deux churs orients dhommes etde femmes qui ont chacun leur coryphe, le chef du deuil et son pouse ;ceux-ci saluent dabord les assistants (48), puis chacun, le mort tant vtu,revt les insignes symboliques de la quantit de douleur quil doit manifester,de la quantit de condolances quil doit apporter ( 49).

    Lordonnance du spectacle tant ds lors, parfaite, les acteurs en place, lepublic son poste, la crmonie, le drame commencent. Encore faut-il noterque laction ne se dclenche que sur linitiative et au commandement desspectateurs : dans le cas o le protocole permet au seigneur dassister cepremier acte du deuil quest lhabillement (50) du mort, cest lui quil

    incombe de faire le premier le geste le plus caractristique de la scne ; lepremier, il se met genoux pour toucher le cadavre. Ce geste solennel du chefqui reprsente le groupe social rend possibles les embrassements par lesquelsles parents se convainquent et affirment que le mort nest plus un objet derpulsion dont la proximit provoque une stupeur craintive, et quil est mis surla voie de devenir un anctre dont lapproche est bienfaisante. Encore faut -il,pour que les parents de chacun des deux churs procdent lattouchement,que le seigneur ait donn leurs coryphes, le chef du deuil et sa femme,lordre daller appuyer leur poitrine sur le corps du dfunt (51).

    La mise en scne de la douleur familiale, sous sa forme agissante, estrendue possible par un apport de dons et de sympathie ; il faut, pour quelle

    puisse se manifester, quelle se donne en spectacle un public qui lexcite ;cest par lassistance quen est rgle la re prsentation ; ce sont lescondolances qui commandent la douleur ; cest pour la communaut et parson ordre quelle sexprime : elle doit sexprimer dans un langage conven -tionnel que tous comprennent.

    Ce langage est constitu par des gestes aussi dfinis, aussi prcis que desmots, gestes, mots, qui doivent tre faits, qui doivent tre dits par lacteurqualifi, dans le caractre de son emploi, et au moment de la scne, lendroit de la phrase quexige la syntaxe rituelle.

    Pour ce qui est des attouchements, par exemple: Un seigneur ou ungrand officier sappuie poitrine poitrine sur le corps de son pre, de samre, de son fils principal, et non de ses fils secondaires. Un noble sappuiesur la poitrine de son frre, de sa mre, de son fils principal et de ses autresfils (pour ces derniers au cas seulement o ils nont pas de fils qui leursuccde) (de mme la mre). Quand se fait le geste dattouchement, lepre (puis) la mre commencent... Le pre et la mre saisissent le corps deleur fils ; le fils sappuie sur la poitrine du pre et de la mre ; la bru pose les

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    deux mains sur le corps de ses beaux-parents ; les beaux-parents touchent dela main le corps de la bru ; la femme tire elle les vtements du mari ; lemari saisit le corps de sa femme ; le frre le corps de son frre (52). Labelle-sur ane ne touche pas de la main le frre cadet de son mari ; et lui

    ne la touche pas non plus (53

    ).Mme prcision pour les lamentations et les sauts. Les hommes

    bondissaient le bras nu ; les femmes sans se dcouvrir, mais en se frappant lapoitrine (54) ; les hommes bondissaient dabord lexemple du chef de deuil ;puis les femmes la suite de leur coryphe, puis les assistants (55). Les enfantsde moins de quinze ans ne bondissaient pas (56). Les hommes bondissaientfranchement, les femmes sans quitter la terre du pied la manire desmoineaux et sur un rythme rendu par les onomatopes Yin-YinTien-Tien (57). On bondissait 7 fois pour le deuil dun seigneur, 5 fois pourcelui dun grand officier, 3 fois pour celui dun noble ordinaire (58).

    Un fils se lamentait en vagissant la manire des nouveau-ns (59). Celui

    qui portait les vtements de la premire classe de deuil se lamentait sans quele son sarrtt (m. m. : la voix allant et ne revenant pas) ; celui qui portaitles vtements de la deuxime classe se lamentait, la voix allant et revenant ;pour la troisime classe, aprs trois modulations le son se prolongeait etmourait; pour les quatrime et cinquime classes, il devait seulement tre dunton plaintif (60). Un roi dfunt a droit 9 lamentations, un seigneur 7, ungrand officier 5, un noble 3 (61). Un enfant ninflchit point la voix en selamentant (62). Une femme peut se lamenter de nuit pour son fils, non pourson mari (63). Lheure convenable des lamentations est aux deux cr puscules.On ne peut pleurer dans la salle de rception quun parent du groupeagnatique : un ami du pre se pleure devant la porte du temple ancestral ; un

    matre dans les appartements particuliers ; un ami devant la porte desappartements particuliers ; une simple connaissance dans la campagne (64) ; lefrre dune femme devant le corps principal du logis (65).

    Dans le deuil du pre, on a pour se soutenir un bton noir fait de bambou,dans le deuil de la mre un bton dlococca dont le bas est carr (66) ; il a lamme grosseur que la ceinture, laquelle est le cinquime du bandeau dette (67) ; on le dpose pour recevoir les condolances dun seigneur, on leporte la main pour celles dun grand officier, un homme du moins, car unefemme, dans un cas symtrique, le fait tenir par une autre femme (68). A lamort dun seigneur, le fils et sa femme reoivent le bton le troisime jour ;dans le groupe de deuil, ceux qui ont rang de grands officiers le reoivent le

    cinquime jour et les nobles ordinaires le septime (69).

    Nature, intensit, quantit, qualit, temps, lieu, rythme, tout est dfini etrgl pour chaque chose : toutes parlent un langage concordant. Les moindresincorrections seront sensibles lassis tance : elle y rpondra dans le mmelangage par une incorrection volontaire. Et, tant est puissant ce moment lejugement du public, tant est ncessaire lintervention du rconfort quil

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    apporte, cette incorrection aura des effets contraignants. Quun geste soit faitpar un acteur non qualifi : un assistant qui y rpond par un geste pour lequelil nest point non plus qualifi oblige la famille mme au cas olincorrection quil blme tait motive par des intrts puissants revenir

    la distribution conventionnelle des rles de la douleur (70

    ). Ce nest pasassez dtre des signes de valeur objective, de sens clair, les expressions de ladouleur sordonnent en formules obligatoires qui peuvent servir enchanertoute vellit individuelle. La famille prouve ne reoit dassistance quedans la mesure o sa douleur sexprime en langage correct et laide desformules exactes, les seules qui, tout de suite comprises, veillent aussitt lasympathie. Cest condition de les employer que lafflig mrit era lescondolances qui le tirent de sa torpeur hbte et donnent ses sentimentsune forme agissante et une valeur efficace. Il est oblig de faire parler sadouleur un langage institu, sil veut, en lexprimant activement, rparer laperte que son groupe a subie. Et la socit, qui a un intrt suprieur rtablirlquilibre interfamilial rompu par la mort, le surveille et le force de resterfidle la symbolique traditionnelle. Les gestes de la douleur ne peuvent trede simples rflexes physiologiques ou psychologiques, dsordonns,individuels, spontans ; ils sont tout la fois les rites de crmonies rgles,les mots et les formules dune langue systmatise.

    ** *

    Procd rituel et langage : les Chinois ont assez bien compris ce doublecaractre de lexpression de la douleur ; ce qui leur a permis den gnraliserlemploi, den surveiller la correction et den faire un systme qui a sa logique

    et sa mtaphysique, den analyser le sens moral et la valeur thrapeutique, et,enfin, dy ret rouver le rle de lindividu et les droits de linvention per -sonnelle en matire sentimentale.

    Les rites du deuil sont utiliss titre symbolique, employs en manire delangage dans les circonstances les plus diverses. A la grande fte des rcoltes,pour signifier quon conduit lanne sa fin, on revt des vtements blancs etune ceinture de chanvre, et lon porte un bton de coudrier (petit deuil) (71).Pour indiquer quune fille marie est perdue pour sa famille, on laisse le sflambeaux allums trois jours entiers comme dans la maison dun mort (72).Sil y a clipse de soleil, le roi, qui en est responsable, et sil y a clipse delune, la reine, prennent un vtement de soie blanche (73). Un territoire est-il

    perdu ? tous les vassaux prennent la coiffure de deuil et se lamentent pendanttrois jours dans le temple ancestral ; le seigneur sinterdit la musique (74).Quand larme prouve un dsastre, le seigneur, habill de soie blanche,pleure devant les magasins. Si un temple brle, il se lamente pendant troisjours (75). Un grand officier dont, aprs trois reprsentations, les avis nont past suivis, doit sexiler et, arriv la frontire, se lamenter, vtu de blanc, neplus se laver de trois mois ni coucher avec sa femme ( 76).

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    Une aussi vaste extension de la symbolique du deuil (on pourraitmultiplier les exemples) suppose que le langage de la douleur tait entretenudans un haut tat de correction par le travail de ces grammairiens que sont lesritualistes : il nest pas besoin dinsister sur ce point, et il suffira de renvoyer

    aux chapitres Tan Kong et Tseng tseu wen du Li ki, o lon pou rravoir les ritualistes luvre, dcidant des cas despces, minu tieusement, paranalogie. Mais il faut insister sur lesprit de systme grce auquel ilsaccordrent la symbolique de la douleur avec lordre intelligible de lunivers.Le bton de deuil, la mort du pre, tait rond, car, pour le fils, le pre estcomme le Ciel majestueux, et le ciel est rond ; pour une mre, le bton avait lebout quarri, car la mre est semblable la Terre nourricire et la terre estcarre (77). Dans les deux cas, le bton tait noir, et lon employait, pour leshabits du deuil le plus dur, du chanvre femelle parce quil a un aspect noirtre: le noir est la couleur du Nord et de lHiver, orient et saison de la mort (78).Qui portait ce bton et cet habit tait, de plus, tenu davoir un teint noirtre.Les cheveux taient diviss en deux parties : on dliait la partie gauche lamort du pre, la droite la mort de la mre (79). La droite est le ct fminin,la gauche le ct masculin. La gauche est significative de lordre cleste (lamarche du soleil se faisant vers la gauche, tant donn lorientation chinoise),la droite significative de lordre terrestre. Le plus grand deuil durait trois ans :trois est indicatif du tout, et, de plus, par laddition dun mois intercalaire, tousles trois ans lanne civile concorde avec lanne solaire. Le deuil dedeuxime classe est dun an : cest imiter la Nature , car au bout dun an les oprations du Ciel et de la Terre et les quatre saisons ont opr unervolution complte . Neuf mois (deuil III) sont aussi un tout qui suffit auxfruits de la terre pour se former et mrir. Cinq mois (deuil IV) : image descinq lments primordiaux qui constituent luni vers. Trois mois (deuil V) font

    une saison, un tout (80). Dans leur varit, les dures des cinq types de deuilexpriment, par un symbolisme conforme lordre naturel, le caractretoujours total dune douleur qui pourta nt est nuance. Les principalescrmonies se font respectivement aux troisimes, cinquimes, septimesjours et mois aprs le dcs pour un noble, un grand officier, ou un seigneur ;dans leur bouche on place 7, 5 ou 3 coquillages prcieux (81) ; ces nombresrythment aussi les lamentations et les sauts quon fait en leur faveur, ilscaractrisent leur rang. La couleur de la dynastie Tcheou est le rouge : aussi,en son temps, pare-t-on le corps des morts au soleil levant ; au temps des Yinctait midi, au temps des Hia, le soir, car ces dynasties prfraient, lune leblanc, lautre le noir (82). La symbolique de la douleur est en accord logique

    avec lordre cos mique, lordre social, lordre historique. Dans son systmeelle recle toute une mtaphysique (83).

    Il a t possible, aussi, den dgager une psychologie. Laspect nettementconventionnel qua chez eux lexpression des sentiments a tout de suite amenles Chinois faire le dpart entre cette expression et les faits purementphysiologiques ou psychologiques. De purs rflexes leur paraissentcaractriser les sauvages : cest la civilisation (ils disent : le crmonial) quinous dicte nos sentiments et nous empche de nous carter comme nous y

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    serions ports dun homme mort qui ne fait plus de mouvement et inspirede lhorreur ; elle nous apprend modrer ou exciter nos sentiments , etfixe des degrs et des limites ces sentiments et leur expression (84). Lesides de convention et dobligation une fois dgages, la conscience que les

    manifestations sentimentales sont des rites efficaces a conduit les Chinois exposer la thorie que ces manifestations ont pour principe une thrapeutiquedinvention sociale. Les manifesta tions passives de ltat de torpeurcommand par la participation ltat mortuaire leur sont apparues commedes pratiques homopathiques. Le fils dun dfunt avait les reins lss, lefoie dessch, les poumons brls : il ne portait ses lvres ni eau ni bouillon (85). Ils ont discern, en revanche, dans les manifestations actives etthtrales, une purgation des motions mauvaises, un procd dvacuation dela douleur laide dune gesticulation rythme : le fils se dnudait le brasgauche et bondissait afin de calmer son cur et de diminuer son excitation, endonnant du mouvement son corps (86). On ne peut dire plus nettement quelexpression de s sentiments, tant quelle se laisse commander par lesconventions sociales, a la valeur dune hygine.

    Dans lexpression des sentiments, quelle est la part de lindi vidu ? Quelleest la part de linvention personnelle dans une technique touteconventionnelle (87) ? Elle semble consister dabord et principalement en unecertaine puissance de ralisation, en une nergie dans le jeu, qui donnevigueur et jeunesse la formule strotype : cest ce quon peut appeler uneimprovisation traditionnelle, dans laquelle les conventions techniquesnexcluent pas la sincrit. Ce mot, qui, pour les Chinois, veut dire que lon sedonne entirement ce quon fait, revient perptuelle ment chez les auteurs, siattentifs dautre part montrer le ct conventionnel de lexpression dessentiments (88). Linvention individuelle se manifeste encore par la trouvaillede nuances justes : elle est alors le fait dun raffin qui utilise avec puret latechnique de la langue obligatoire des sentiments, qui a mdit sur le gnie decette langue et qui arrive la parler avec tant dlgance quelle en devientpersonnelle. Tel Confucius qui, cinq jours aprs loffrande terminale du deuilde sa mre, joua du luth sans se permettre den tirer des sons pleins, et qui, dixjours aprs seulement, prit une ocarina et en tira des sons parfaits (89). Telsencore Tseu-hia, disciple du matre, qui, se prsentant lui la fin dun deuil,reut un luth et sexcusa de ne point encore arriver le bien accorder, etTseu-tchang, autre disciple, qui tout de suite accorda linstrument (90). Oubien la mme science du langage aide improviser avec correction dans uncas despce non prvu par la coutume (91). Ce qui rend possible ce type

    dinvention, c est le respect mme et lutilisation du conformisme : rompreavec lui nest pas inventer, mais faire une faute de langage, qui est tenue pourune marque dinsinc rit (92), quand elle nest point, avoue cyniquement, larvlation dun cur rebelle (93). Enfin linvention procde en tendant,avec plus ou moins de hardiesse, lusage des signes de la douleur des cas ocet usage est abusif daprs le droit strict en retard sur les murs (94). Dans cecas, linnovation ne portait plus sur lexpression, mais sur le sentimentlui-mme. La rflexion sur de telles espces entranait la conscience que la

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    symbolique obligatoire convenait essentiellement aux douleurs authentiquespar le droit, et lon fut conduit imaginer, pour les douleurs non encoreofficielles, une forme dexpression quon appela le deuil de cur et quieut un aspect plus libre et plus spontan.

    ** *

    La spontanit napparat dans lexpression des sentiments quau termedune volution : par raction contre le formalisme premier et le ritualismedvelopp du langage sentimental, et seulement quand la socit est assezinstable pour que lindividu peroive une dissonance entre son idal etlorganisation socia le. Mais, dans une socit stable et qui tient sa stabilit,ce nest point loriginalit de lindividu ou mme les traditions de famille quicommandent le sentiment et son expression.

    Tous les vnements qui, alors, donnent matire une motion comptantvritablement dans la vie personnelle touchent en mme temps lindividu et lasocit tout entire. Au moment o lamour, la douleur pntrent dans uneme humaine, le corps social est tmoin de lunion sexuelle ou de la mort quien sont loccasion et i l participe activement au mariage et au deuil quiaffectent sa propre composition et son ordonnance. A chaque crise grave de lavie affective correspond une rupture dquilibre de la vie sociale.

    Toute rupture de lquilibre social (et celle qui dtermine la mort pluspeut-tre que toute autre) provoque une srie dchanges et de prestationsobligatoires, matrielles ou morales. La vengeance du sang apparatessentiellement comme une mise en scne particulirement dramatique et

    violente de ce besoin dchan ges, de la ncessit sentie dun commerce socialparticulirement actif et qui donne de la confiance, qui comporte lassurancedune restitution de lquilibre social. Si la vendetta (et, un plan suprieur, laguerre) sont des manifestations exaspres (bien que normales et rgles) dece besoin primordial, le deuil ordinaire correspond une ordonnance pluspaisible des prestations alternatives de la srie des potlatchs renduesncessaires par les ruptures dquilibre en quoi se rsout la continuit de la viesociale.

    Successivement, loccasion dune mort qui les frappe, cha cune desfamilles qui composent un groupe social est tenue de convoquer les autres auxrites du deuil. Elle leur en offre le spectacle, non pas comme un public

    immobile, mais plutt comme un chur antithtique ; et ce chur, devantqui les motions douloureuses doivent se manifester, participe leur mise enscne, en provoque le jaillissement, en contrle lexpres sion, juge du jeu etacteur, intress, lui aussi, au succs du drame par lequel la famille prouvese purge de limpuret mortuaire, non point uniquement son propre bnficemais au profit encore de la collectivit. La douleur jaillit devant lescondolances quon apporte qui les apporte rend sensible lobli gation decette douleur et elle sexprime sur le patron de thmes traditionnels, par des

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    manifestations conventionnelles et obligatoires, chacun imposes et touscommunes, car elle na defficace que si son expression, rituelle, claireautant quu n signe, immdiatement accessible, met automatiquement en jeu lasympathie. Une douleur, sil tait possible, qui voudrait rester tout intime ou

    qui russirait se traduire en termes libres et spontans, lheure de son choixet selon une formule personnelle, qui, en un mot, ne saccorderait point tout desuite aux vux du public, nentranerait de ce chef aucune participation et nerapporterait point du tout de rconfort. Bien plus, elle arrterait son propredveloppement et, limite aux formes les plus passives de langoisse, elleperdrait, ne point se manifester convenablement, les bnfices dun exerciceactif par lequel elle peut tre rgle, discipline, expulse.

    Et cest pourquoi les gestes de la douleur se sont ordonns en une suite derites qui sont aussi un systme de signes. Ils constituent une technique et unesymbolique ; ils forment un langage pratique qui a ses besoins dordre, decorrection, de clart, qui a sa grammaire, sa syntaxe, sa philosophie, et, je

    dirais aussi, sa morale.

    ** *

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    N O T E S

    (1)M. MAUSS, Lexpression obligatoire des sentiments, in Journal de psychologie, 1921,

    pp.425-434.(2)Ibid., p. 426.

    (3)Je prends principalement ces faits dans le Li ki (Mmoires sur les rites) dont la rdactionappartient lcole confucenne. Ces mmoires, dans len semble, commentent les faitscontenus dans le Yi li (Livre du crmonial). Ce dernier ouvrage, expos densemble, exposde faits, doit aussi, pour sa rdaction dfinitive, tre attribu aux disciples de Confucius ; lesusages quil rapporte remontent, de faon certaine, une poque sensiblement antrieure auVe sicle avant Jsus-Christ.

    (4) MAUSS, 1. c., p.426.

    (5) GRANET, Ftes et chansons anciennes de la Chine, Paris, Leroux, p. 89 94.

    (6)Ibid., p.90et principalement app. I.

    (7) Voir Li ki, trad. Couvreur, San nien wen , II, p.581 . Kien tchouan , ibid., p. II, p.

    573 . Wen sang , ibid., II, p.556 . Sang ta ki , ibid., II, p.239 . Cette rgle implique une

    rupture, non seulement de la vie de famille, mais de la vie de mnage ; maris et femmes sontspars ; le cot est interdit pendant tout le deuil, cf. Sang ta ki , ibid., II, p.241 .

    (8) Sang ta ki , Li ki, Couvreur, II, p. 238 .

    (9)Ibid.

    (10) Kien tchouan , ibid, p. 573.

    (11) Wen sang , ibid., p. 556 .

    (12

    ) Kien tchouan ibid. II, p.573 .

    (13) Sang ta ki , ibid.. II, p.241 . Tsa ki , ibid., II, p. 183. Lattnuation de la douleur

    exige des enfants et des femmes tient des causes multiples que je ne puis exposer ici. Il y apourtant une raison qui doit tre signale. Si les femmes, en particulier, chappent auxbrimades du deuil qui, en gnral, accablent ces sujets minoris resistentiae (cf. MAUSS art.cit., p. 430, n. 1), cest que, dans la civilisation chinoise au moment o je la prends, lespratiques du deuil sont loin dtre des pratiques fin princi palement ngative : elles nont passeulement pour but de purger limpuret mortuaire, mais elles qualifient lhritage des

    sacra ; pour une part, ce sont des rites de succession, dont doivent tre en partie exclusfemmes et mineurs, qui ne sont point en tat de succder au culte et qui se trouvent exemptsdes bnfices et des charges de la douleur. Les textes chinois ( Sang fou sseu tche , Li ki,Couvreur, II, p. 703 )disent, de faon expressive, quils ne so nt point en tat de se rendre

    malades ; traduisez : qutant minoris resistentiae, ils ne sont point qualifis pour les actes

    asctiques, pour les rites dmaciation qui, en lassimilant au mort, habilitent quelquun luisuccder.

    (14) Tsa ki ibid, II, p. 178 .

    (15)Ibid., p. 177 , 175 .

    (16) Ibid. p. 170 . Toutes ces prescriptions sont susceptibles de variations en fonction de la

    quantit de douleur manifester, tant donn : la distance de droit qui existe dans

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    lorganisation chinoise entre le sujet et lobjet du deuil, et la distance de temps, qui ; depuis lamort, a distendu les obligations du patient.

    (17) Sang ta ki ibid. II, p. 239 .

    (18) Ibid. p.238

    Le cas du seigneur est assez instructif. Charg de dissiper les effets

    redoutables de la mort du puissant personnage qutait son pre, la qua rantaine, pour lui, doittre plus svre et lisolement mieux assur ; sa douleur mrite plus dgards ; mais lecontrle peut encore sexercer sur elle, car la fra gile clture quon lui octroie est claire -voie.Nous retrouverons plus dune fois lide que la douleur, mesure par le prix de la perte,importe, par lclat qui lui est donn, au prestige du patient.

    (19) Kien tchouan , ibid., II, p. 574 . Le nombre des fils augmente avec la classe jusqu la

    5e

    o lhabit, fait dune espce de soie, a moins de fils la chane que celui de la 4e. A partir

    de la 2eclasse, trois nombres sont indiqus : il ny a point l matire libert ; chaque nombre

    correspond une nuance de deuil, une sous-classe. Par exemple, la chane de 4 chengcorrespond au deuil dun fils pour sa mre, le pre tant vivant.

    (20) Ibid., II p. 570 . Cf. Sang fou sseu tche , ibid., p. II, p. 706 .

    (21) Sang ta ki , ibid., II p. 239 .

    (22) Sang fou sseu tche , ibid., II, p. 705 . Tan kong , ibid., I, p. 220 .

    (23) Tan kong , ibid., I, p. 123.

    (24)Ibid., p. 129.

    (25) Kien tchouan , ibid., II, p. 571 .

    (26) Ibid., p. 572 . Tsa ki , ibid., II, p. 176 . Sang ta ki , ibid., p. 222 sqq.

    (27) Kiu li , ibid., I, p. 49 . Tsa ki , ibid., II, p. 175 .

    (28) Ibid., p. 48 . Mais un malade en deuil qui mange de la viande et boit de la liqueur doit

    mettre dans sa boisson et sa nourriture de la cannelle et du gingembre (vertus purificatrices). Tan kong , ibid., I, p. 137.

    (29) Ibid.

    (30) Tsa ki , ibid., II, p. 170 .

    (31) Sang ta ki , ibid, II, p. 226 . Tan kong , ibid., I, p. 203.

    (32) Wen sang , ibid, II, p. 552 .

    (33) Tan kong , ibid., I, p. 135 : il sagit de Tseu -sseu, disciple de Confucius, svrement

    blm, au reste, pour cette incartade.

    (34) Sang fou sseu tche , ibid., II, p. 703

    . Un prince, qui dispose dun grand pers onnel,

    na point besoin de conserver des forces pour les crmonies ; elles pourront se faire sansquil ait fournir defforts, mme pour parler.

    (35) Tan kong ibid., I, p. 138 . Le coupable sen excuse genoux.

    (36) Tsa ki , ibid., II, p. 177 et 176 . Une anecdote rapporte au Tan kong , ibid., I, p.

    225 , montre bien le caractre obligatoire de la salet en temps de deuil. Un fils hrite parce

    que, seul parmi ses frres, il na pas voul u, mme sous la sduction de la successionapparemment offerte ce prix, se laver au mpris des rgles du deuil.

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    (37) La ncessit du groupement de la famille entire autour du mort est une caractristiqueessentielle du deuil : voir, en particulier, le chapitre Pen sang du Li ki, Couvreur II, p. 535et suiv. Pendant le deuil, les anctres eux-mmes, je veux dire leurs tablettes, doivent trerunis. Les offrandes sont interrompues ; les anctres participent au deuil quouvre la mortdun de leurs parents ; eux aussi entretiennent, par la privation de nourriture, un tat

    convenable de prostration, cf. Tseng tseu wen , ibid., I, p. 443.

    (38) Yi li, Le deuil noble , STEELE, II, p. 46. Voir Tsa ki , Li ki, Couvreur, II, p. 117 etsuiv.

    (39) Tsa ki ibid., II, p. 123 .

    (40) Sur les cadeaux, voir Tsa ki , Li ki, Couvreur, II, p.144 149 ; Wen wang che tseu ,

    ibid., I, p. 484 (indication de la quantit protocolaire) ; ibid., p. 489 (indication que cesprestations alternatives ont pour fin dentretenir la concorde) ; Chao yi ibid., II, p. 324(formules de la donation et formes de la rception) ; Sang ta ki , ibid., II, p. 229(utilisation). Les cadeaux sont : des vtements, chars, chevaux, jades. Un prince peut donnerune terre ; en ce cas lacte de donation est dpos dans le cercueil. Tan kong , ibid., II, p229. Les frais du deuil sont considrables : il est fait mention dun cas o lon dlibra sur la

    question de vendre les femmes de second rang du dfunt pour pourvoir ses funrailles. Lescadeaux sont plus considrables encore : dans le cas cit il resta la famille un bnficeimportant. Tan kong , ibid., I, p. 157.

    (41) Caractre obligatoire marqu dans Wen wang che tseu , ibid., I, p. 483. Formes

    protocolaires dtermines par le rang des familles : Sang ta ki , ibid., II, p. 209 et. 246-248. Tsa ki , ibid., II, p. 172-174 , 139 , 144 et 153 . Sang fou siao ki , ibid. I, p. 765 .

    Kiu li , ibid., I, 50 .

    (42) Tan kong , ibid., I, p. 191 , sur le costume, ibid., p. 152 et 195 . Tsa ki , ibid., II,

    133 .

    (43) Marque de dignit. Kiu li , ibid., I, p. 51 .

    (44) Tan kong , ibid, I,p. 139 .

    (45) King Kiang, mre de Wen-po. Voir lanecdote dans Tan kong , ibid., I, p. 215. Comp.une autre anecdote, ibid., p. 237 .

    (46) Sang ta ki , ibid., II , p. 208 2 16 et 244 2 48. Tsa ki , ibid., p. 132 , 150 , 166 .

    Sang fou siao ki ibid., I, p. 744 et 772 .

    (47) Sang ta ki , ibid., II, p. 208 . La nudit est marque de respect et de sujtion. Quand on

    a un contact avec le cadavre, on doit se dcouvrir le bras gauche. Tsa ki , ibid., II, p. 166 ,

    cf. Tan kong , ibid., I, p. 246 et la note.

    (48) Saluts rgls par un protocole. Sang ta ki , ibid., II, p. 211 .

    (49)Ibid. p. 212 .

    (50) Exactement le petit ou premier habillement.

    (51) Sang ta ki , ibid., II, p. 235 . Ce geste de rconfort, dont la famille et le mort ont

    besoin pour sortir de leur tat de torpeur et dimpuret, apparatra si lon songe au dangerauquel sexpose le seigneur [il est accompagn d un sorcier qui pratique des aspersions ( ibid.,p. 234) et gard par des lanciers ( Tan kong ibid., I, p. 207 et 236 : anecdote, Sang taki , ibid., II, p. 255)] comme tant particulirement significatif de la ncessit duneintervention du groupe social : cest lui quincombe un geste initial de dsacralisation.

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    Inversement, le seigneur peut, pour raison dtat, interdire les lamentations du deuil. Tsaki , ibid., II, p. 142.

    (52) Sang ta ki , ibid., II, p. 236 .

    (53) Tsa ki , ibid. II, p. 188

    , interdiction qui est une trace du lvirat aboli.

    (54) Tsa ki ibid., II, p. 142 .

    (55)Ibid., p. 183 .

    (56) Wen sang , ibid., II, p. 553 , et Tsa ki , ibid., II, p. 188, trace des brimadesimposes aux femmes avant lavnement de lide que les observances du deuil qualifient lasuccession.

    (57) Wen sang , ibid., II p. 554 : ces onomatopes sont dites imiter le bruit dun mur quiscroule, ou, plus vraisemblablement, du tonn erre.

    (58) Tsa ki ibid., II, 141 . Je reviendrai sur la symbolique implique par ces nombres. (Liki, ibid., I, p. 543).

    (59) Sang ta ki , ibid., II, p. 206 . Symbolisme dinspiration analogue celui qui veutquun fils porte le deuil trois ans, parce que, tout enfant, ses parents lont port dans leurs brastrois ans. Cf. San nien wen , ibid. II, p. 586. Voir une anecdote dans Tan kong , ibid., I,p. 159.

    (60) Kien tchouan , ibid., II, p. 570 .

    (61) Pen sang , ibid., II, p. 548 (cf. Tsa ki , ibid., p. 184).

    (62) Tsa ki , ibid., p. 183 .

    (63) Tan kong , ibid., I, p. 215 .

    (64) Tan kong , ibid., I, p. 137 . Comp. Pn sang , ibid., II, p. 548 .

    (65) Tan kong , ibid., I, p. 193 .

    (66) Wen sang , ibid., II, p. 559 .

    (67) Sang fou siao ki ibid., II, p. 754 .

    (68) Sang ta ki , ibid., II, p. 217 et 218 .

    (69)Ibid., p.215, et Sang fou sseu tche , ibid., p. 703 .

    (70) A une crmonie o ce ntait point l e personnage qualifi qui tenait le rle principal(ceci visible ds labord la place et aux vtements), un assistant, Tseu-yeou, revt un habitincorrect ; le frre an du mort sinquite aussitt ; Tseu-yeou insiste en allant prendre une

    place incorrecte : le frre du mort change alors la distribution des rles du deuil ; Tseu-yeoureprend aussitt la place qui lui convient. Cette conversation, faite laide des symboles de ladouleur, avait eu pour effet de faire changer, contrairement aux vux du fr re an, chef defamille, mais de faon conforme au droit, lhritier dun grand -officier, ministre de la guerre.Voir Tan kong , ibid., I, p. 154-156 .

    (71) Kiao to cheng , Li ki, I, p. 596 .

    (72) Tseng tseu wen , ibid., I, p. 429 .

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    (73) Houen yi , ibid., II, p. 650 , vtements blancs, comme dans le deuil, mais en soie.

    (74) Tan kong , ibid., I, p. 187 .

    (75)Ibid., p. 242 .

    (76) Kiu li , ibid., I, p. 78 .

    (77) Gloses Sang fou siao ki ,Li ki, I, 771 .

    (78) Kien tchouan ibid., II, p 568 .

    (79) Sang ta ki , ibid. II, p. 210 .

    (80) San nien wen , ibid., II, p 584 et 585 . Voir en note la glose de Kong Ying -ta. Cf.

    Sang fou sseu tche , ibid., II, 698 .

    (81) Tsa ki , ibid., II, p. 184 .

    (82) Tan kong , ibid., I, p. 119 .

    (83) Ltude de expression de la joie, de la musique, amn erait aux mmes conclusions. Voirle chapitre Yo ki du Li ki.

    (84) Tan kong , ibid., I, p. 216 .

    (85) Wen sang , ibid., II, p. 552 .

    (86)Ibid., p. 553 .

    (87) Un excellent moyen de rpondre la question serait dtudier le jeu des acteurs et lasymbolique du thtre chinois. Les plus clbres, les plus grands acteurs chinois sont souventdes enfants incapables de rien savoir des passions quils reprsentent. La valeur de leur jeusemble tenir lentranement qui leur fait assimiler fond la symbolique traditionnelle et

    une certaine puissance de jeu, une nergie dans le rendu qui sont caractristiques du jeunege, bref, des qualits impersonnelles. Qui tudierait le thtre chinois pourrait rcrire defaon intressante le Paradoxe sur le comdien.

    (88) Sur ce point, voir Tan kong , ibid. I p. 142, une anecdote remarquable et un jugementde Confucius. Voir aussi, ibid., p. 141, une autre anecdote o la sincrit dans lexpression dudeuil arrache Confucius un prsent de condolances dune importance exceptionnelle. Voirencore Wen sang , ibid., II, p. 554 .

    (89) Tan kong , ibid., I, p. 129 .

    (90) Ibid., p. 153 , manifestations contradictoires, personnelles, dune obis sance plus ou

    moins docile aux conventions. La musique est lexpression de la joie, on nen reprend lusage, la fin du deuil, quen mnageant les transitions et comme regret ; mais il faut le reprendre.

    (91)Ibid., p. 156 , 137.

    (92)Ibid., p. 214, innovation dans les places attribues aux figurants du deuil blme comme

    outrecuidante.

    (93)Ibid., p. 211, refus cynique de jener la mort dun parent et dun sei gneur, contre qui

    on prpare une rbellion. La manifestation ngative (refus de jener), utilisant la symboliquedu deuil, signifie la rupture des liens fodaux-familiaux.

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    (94) Prolongation du deuil de la mre, le pre vivant, ibid, p. 131, le droit justifiera plus tard

    cette invention ; ibid., pp. 113et 249, attitudes divergentes dans la question du deuil dune

    mre divorce et remarie.

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    NOTES : 1 25 50 75

    Table -

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    Nom du document : langage_douleur.docDossier : C:\CSS\Envoi021204\granet_marcelModle : C:\WINDOWS\Application

    Data\Microsoft\Modles\Normal.dotTitre : Le langage de la douleur, d' aprs le rituel funraire de

    la Chine classiqueSujet : srie ChineAuteur : Marcel GranetMots cls : Culte des anctres, fodalit chinoise, Chine ancienne,

    Chine antique, Chine classique, ethnologie de la Chine, mythologiechinoise, sociologie de la Chine, confucius, civilisation chinoise, religionchinoise, ancient China, sinologie, anthropologie de la

    Commentaires :http://www.uqac.uquebec.ca/zone30/Classiques_des_sc

    iences_sociales/index.htmlDate de cration : 06/09/04 20:49N de rvision : 15Dernier enregistr. le : 01/12/04 21:45Dernier enregistrement par : Pierre PalpantTemps total d' dition:62 MinutesDernire impression sur : 05/12/04 12:36Tel qu' la dernire impression

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