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DIAGNOSTIC EN PARASITOLOGIE REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - FÉVRIER 2008 - N°399 // 29 Diagnostic des parasitoses à parasites sanguicoles Thanh Hai Duong a , Dominique Richard-Lenoble a, * a Service de parasitologie-médecine tropicale Centre hospitalier universitaire – Hôpital Bretonneau 37044 Tours cedex * Correspondance [email protected] article reçu le 27 août, accepté le 19 novembre 2007. © 2008 – Elsevier Masson SAS – Tous droits réservés. RÉSUMÉ La parasitologie regroupe des parasites très divers dont certains, parmi les plus graves, ont un développement dans le sang, intracellulaires visibles après coloration (plasmodies, Babesia, leishmanies et toxoplasmes), ou mobiles extracellulaires (trypanosomes et microfilaires). Leur mise en évidence ou diagnostic de certitude est le premier objectif vers lequel doit tendre toute technique biologique diagnostique et pro- nostique. Le diagnostic direct au microscope doit permettre d’identifier l’espèce parasitaire en cause, son stade de développement, et le nombre de parasites (parasitémie) chiffre indispensable à l’évaluation pronostique et au suivi thérapeutique. Les techniques à mettre en œuvre comporteront l’examen direct recon- naissant les parasites extracellulaires mobiles entre les globules rouges ou l’examen de frottis ou gouttes épaisses colorés. Il est souvent néces- saire de faire appel à des techniques complémentaires de concentration, filtration, culture ou inoculation à l’animal. Récemment, le développement de techniques de biologie moléculaire permet d’accroître la sensibilité et la spécificité des méthodes classiques. Cette avancée considérable, à la portée des laboratoires bien équipés, devra s’adapter aux situations de diagnostic à pratiquer en urgence à un coût acceptable. Dans certains cas de pauci parasitisme ou de nécessité de diagnostic rétrospectif, des tech- niques indirectes sérologiques permettent de reconnaître les stigmates du passage des parasites en dosant les anticorps ou antigènes circulants. Parasites sanguins – Plasmodium – Leishmania – Trypanosoma – filarioses. SUMMARY Diagnosis of blood parasites The parasitology includes different parasites, of which some are very severe, which have a develo- pment in the blood, inside the cells and visible after coloration (Plasmodium, Babesia, Leishmania, Toxoplasma) or mobiles, outside the cells (Trypa- nosoma, microfilariae). The diagnosis of these parasites is the first aim of the biological technics. Direct diagnosis, under the microscope, allows to identifie the parasite, its stage of development, and the parasitaemia, which is essential to the prognosis and the therapeutic outcome. The technics include the direct examination to identify the extra cellular parasites, which are mobile among the blood red cells, or thin and thick smear, after coloration. It is often useful to use other technics, such as filtration, culture or animal inoculation. Recently, the molecular bio- logy increased the sensitivity and the specificity of classical methods. Such progress, available by some laboratories, must be adapted to the methods of emergency and low cost diagnosis. In some cases of pauciparasitism or retrospec- tive diagnosis, serological methods are useful to detect the trail of parasites by circulating antigens or antibodies. Blood parasites – Plasmodium – Leishmania – Trypanosoma – filariosis. 1. Introduction Les espèces et formes parasitaires sont nombreuses et peuvent parasiter sous formes intra ou extracellulaires les différents secteurs anatomiques. Les parasitoses majeu- res des zones tempérées ou tropicales sont dues à des parasites passant une partie ou la totalité de leur vie dans le sang de l’homme où elles vont devoir être identifiées et quantifiées. Parmi les principaux parasites sanguicoles humains, on doit rechercher : - souvent des protozoaires : les plasmodies, les babésies, les toxoplasmes, les leishmanies (formes viscérales), les trypanosomes africains et sud américains ; - mais aussi des nématodes tropicaux : les embryons (ou microfilaires) de certaines filaires. Classiquement, le diagnostic d’une parasitose sanguicole comporte une recherche directe du parasite sous quelque forme que se soit à partir de techniques qualitatives et quantitatives indispensables au suivi thérapeutique [1, 3]. Dans le cas de pauci parasitisme ou de diagnostic rétros- pectif, on peut s’appuyer sur les recherches sérologiques d’anticorps ou plus récemment d’antigènes circulants mar- queurs d’une relation en cours ou récente entre l’hôte et son parasite. Les techniques directes morphologiques, de base, parfois seules économiquement disponibles en pays en voie de développement (PED) restent utilisées en routine dans nos laboratoires où elles permettent de rechercher, iden- tifier et quantifier dans la majorité des cas les parasites sanguicoles. Certaines d’entre elles, datant du début du siècle dernier, ayant largement contribué à l’essor de la parasitologie ont été sensiblement améliorées (examen

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THÉMATIQUE À TAPERDIAGNOSTIC EN PARASITOLOGIE

REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - FÉVRIER 2008 - N°399 // 29

Diagnostic des parasitoses à parasites sanguicolesThanh Hai Duonga, Dominique Richard-Lenoblea,*

a Service de parasitologie-médecine tropicaleCentre hospitalier universitaire – Hôpital Bretonneau37044 Tours cedex

* [email protected]

article reçu le 27 août, accepté le 19 novembre 2007.

© 2008 – Elsevier Masson SAS – Tous droits réservés.

RÉSUMÉ

La parasitologie regroupe des parasites très divers dont certains, parmi les plus graves, ont un développement dans le sang, intracellulaires visibles après coloration (plasmodies, Babesia, leishmanies et toxoplasmes), ou mobiles extracellulaires (trypanosomes et microfilaires).Leur mise en évidence ou diagnostic de certitude est le premier objectif vers lequel doit tendre toute technique biologique diagnostique et pro-nostique. Le diagnostic direct au microscope doit permettre d’identifier l’espèce parasitaire en cause, son stade de développement, et le nombre de parasites (parasitémie) chiffre indispensable à l’évaluation pronostique et au suivi thérapeutique.Les techniques à mettre en œuvre comporteront l’examen direct recon-naissant les parasites extracellulaires mobiles entre les globules rouges ou l’examen de frottis ou gouttes épaisses colorés. Il est souvent néces-saire de faire appel à des techniques complémentaires de concentration, filtration, culture ou inoculation à l’animal. Récemment, le développement de techniques de biologie moléculaire permet d’accroître la sensibilité et la spécificité des méthodes classiques. Cette avancée considérable, à la portée des laboratoires bien équipés, devra s’adapter aux situations de diagnostic à pratiquer en urgence à un coût acceptable. Dans certains cas de pauci parasitisme ou de nécessité de diagnostic rétrospectif, des tech-niques indirectes sérologiques permettent de reconnaître les stigmates du passage des parasites en dosant les anticorps ou antigènes circulants.

Parasites sanguins – Plasmodium – Leishmania

– Trypanosoma – filarioses.

SUMMARYDiagnosis of blood parasites

The parasitology includes different parasites, of which some are very severe, which have a develo-pment in the blood, inside the cells and visible after coloration (Plasmodium, Babesia, Leishmania, Toxoplasma) or mobiles, outside the cells (Trypa-nosoma, microfilariae). The diagnosis of these parasites is the first aim of the biological technics. Direct diagnosis, under the microscope, allows to identifie the parasite, its stage of development, and the parasitaemia, which is essential to the prognosis and the therapeutic outcome.The technics include the direct examination to identify the extra cellular parasites, which are mobile among the blood red cells, or thin and thick smear, after coloration. It is often useful to use other technics, such as filtration, culture or animal inoculation. Recently, the molecular bio-logy increased the sensitivity and the specificity of classical methods. Such progress, available by some laboratories, must be adapted to the methods of emergency and low cost diagnosis. In some cases of pauciparasitism or retrospec-tive diagnosis, serological methods are useful to detect the trail of parasites by circulating antigens or antibodies.

Blood parasites – Plasmodium – Leishmania

– Trypanosoma – filariosis.

1. Introduction

Les espèces et formes parasitaires sont nombreuses et peuvent parasiter sous formes intra ou extracellulaires les différents secteurs anatomiques. Les parasitoses majeu-res des zones tempérées ou tropicales sont dues à des parasites passant une partie ou la totalité de leur vie dans le sang de l’homme où elles vont devoir être identifiées et quantifiées.Parmi les principaux parasites sanguicoles humains, on doit rechercher :- souvent des protozoaires : les plasmodies, les babésies, les toxoplasmes, les leishmanies (formes viscérales), les trypanosomes africains et sud américains ;

- mais aussi des nématodes tropicaux : les embryons (ou microfilaires) de certaines filaires.Classiquement, le diagnostic d’une parasitose sanguicole comporte une recherche directe du parasite sous quelque forme que se soit à partir de techniques qualitatives et quantitatives indispensables au suivi thérapeutique [1, 3]. Dans le cas de pauci parasitisme ou de diagnostic rétros-pectif, on peut s’appuyer sur les recherches sérologiques d’anticorps ou plus récemment d’antigènes circulants mar-queurs d’une relation en cours ou récente entre l’hôte et son parasite.Les techniques directes morphologiques, de base, parfois seules économiquement disponibles en pays en voie de développement (PED) restent utilisées en routine dans nos laboratoires où elles permettent de rechercher, iden-tifier et quantifier dans la majorité des cas les parasites sanguicoles. Certaines d’entre elles, datant du début du siècle dernier, ayant largement contribué à l’essor de la parasitologie ont été sensiblement améliorées (examen

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direct d’une goutte de 10 μL de sang prélevée sur citrate ou EDTA, frottis mince coloré au May Grünwald Giemsa (MGG), goutte épaisse, leucoconcentration ou parfois cyto-concentration de Petithory [9]). La sensibilité diagnostique de ces techniques directes peut être améliorée par la mise en culture, l’inoculation à l’animal ou par des méthodes de concentration des formes parasitaires.La sensibilité et la spécificité des techniques récentes de biologie moléculaire, capables de détecter l’ADN d’un seul parasite, sont d’un apport de plus en plus intéressant.Cependant, dans bien des cas, le recours aux techniques de mise en évidence indirecte du parasite par la recherche des anticorps (ou d’antigènes circulants) est nécessaire comme dans le cas de pauci-parasitisme ou de passage transitoire du parasite et la nécessité d’un diagnostic rétrospectif ou d’une évaluation pronostique post thérapeutique.

2. Paludisme

Chez tout voyageur au retour d’une zone d’endémie palus-tre (qu’il ait suivi ou non sa chimioprophylaxie antipalustre) se présentant fébrile, céphalalgique avec ou sans signes digestifs, la recherche d’hématozoaires du paludisme est une urgence et reste la clé d’une prise en charge théra-peutique rapide et adaptée indispensable à l’arrêt d’une éventuelle évolution mortelle.Sur 4 à 5 millions par an de voyageurs français de retour de zone de transmission du paludisme, 5 000 à 6 000 feront un accès palustre dont 15 à 20 seront mortels par non évocation ou retard de diagnostic et une prise en charge thérapeutique trop tardive.Le diagnostic biologique est fondé sur la mise en évidence de l’hématozoaire [1, 8, 10] plasmodie dont l’espèce, le stade de développement et la quantité doivent être sys-tématiquement précisés. La reconnaissance de Plasmo-dium falciparum, espèce éventuellement mortelle, doit être différenciée de celles des trois autres espèces pouvant atteindre l’homme et qui n’entraînent pas d’accès graves (Plasmodium vivax, P. malariae ou P. ovale). Le stade de trophozoïtes ou schizontes témoins du plein développe-ment pathogène des plasmodies devra être différencié des gamétocytes formes sanguines apparaissant en fin d’accès et ne présentant pas en eux-mêmes de signes de mauvais pronostic. Enfin, la quantification des éléments sanguins

parasitaires permettra d’évaluer la gravité, d’adapter les traitements et d’en suivre l’efficacité à travers l’évolution de la parasitémie.En urgence, une recherche du Plasmodium est classique-ment effectuée à partir de l’examen d’un frottis sanguin (FS) ou d’une goutte épaisse (GE). Depuis quelques années, le diagnostic microscopique est conforté par la mise en évidence d’antigènes plasmodiaux circulants grâce à des techniques rapides en kit ne nécessitant aucune compé-tence de lecture et d’interprétation. Les antigènes plasmo-diaux HRP2 et pLDH sont mis en évidence par des tests d’immunochromatographie.Le dosage des anticorps antiplasmodiaux, plus ancien, est effectué en dehors du cadre de l’urgence et peut éventuel-lement être intéressant pour un diagnostic rétrospectif ou la confirmation d’un paludisme viscéral évolutif, pour les enquêtes épidémiologiques et la sélection des donneurs de sang, par immunofluorescence par exemple (figure 1).

Le diagnostic biologique du paludisme est une urgence incontournable fondée sur une lecture rapide de frottis sanguins et de goutte épaisse, techniques confortées par la recherche rapide et facile des antigènes plasmodiaux circulants. Il devra rapidement permettre de reconnaître P. falciparum, son stade de développement, et la quantité de parasites. Le diagnostic parasitologique fait rapidement par une personne compétente est une sécurité mais il ne saurait retarder exagérément la conduite thérapeutique d’urgence.

2.1. Les techniquesToutes les techniques impliquent la collecte de sang et exposent les manipulateurs à des agents pathogènes comme le VIH ou des virus d’hépatites. Toutes les mesu-res adaptées doivent être prises pour limiter le risque de transmission.

2.1.1. Le frottis sanguin (FS)La recherche des parasites s’effectue au microscope sur du sang étalé sur lames de verre (25 x 75 mm ; polies et dégraissées) et coloré. Le prélèvement de sang est généra-lement calibré avec une pipette appliquée au bout du doigt (vaccinostyle stérile) ou à partir d’un prélèvement EDTA au pli du coude. Déposé sur une lame porte objet dégraissée, le sang est étalé en couche fine mono-érytrocytaire par un geste rapide et régulier à l’aide du petit bord mousse d’une autre lame (tenue à 45° de la lame portant la goutte de sang). Le frottis doit être séché et fixé 30 secondes au méthanol.La technique originelle de coloration du May Grunwald Giemsa (MGG) consiste à recouvrir le frottis d’une solution de May Grunwald et laisser agir 3 minutes. Laver ensuite rapidement à l’eau tamponnée. Recouvrir d’une solution de Giemsa diluée à 3 % dans du tampon phosphate à pH 7,2 et laisser agir 15 minutes. Laver à l’eau du robinet et sécher.

2.1.2. La goutte épaisse (GE)Le sang déposé sur une lame est étalé et défibriné avec le coin d’une autre lame par un mouvement circulaire pour former un disque d’environ 1 cm de diamètre. Laisser sécher, provoquer une hémolyse avant fixation et coloration

Figure 1 – Plasmodium falciparum.

Diagnostic par immunofluorescence indirecte positive.

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DIAGNOSTIC EN PARASITOLOGIE

• Les critères d’identification de l’espèce en cause (tableau I) sont principalement la taille et la forme de l’hématie parasitée, la présence ou non de grains de Schüffner ou de taches de Maurer et certains aspects morphologiques spécifiques d’espèce. L’hématie hôte peut être de taille normale, plus grande ou plus petite, s’ovaliser avec une bordure frangée, contenir des fines granulations de Schüffner de taille identique, des tâches orangées de Maurer de taille et de forme variables dont le nombre généralement est inférieur à 10 et des grains de pigments bruns. L’hématie peut contenir un ou plusieurs trophozoïtes, c’est le polyparasitisme (figure 2). L’aspect du frottis peut apparaître monomorphe ou monotone dans le cas de P. falciparum où tous les parasites circulants sont au même stade de trophozoïtes pour P. falciparum, panaché quand plusieurs stades coexistent trophozoïtes, schizontes jeunes

par une solution de Giemsa à 3 % dans du tampon phos-phate à pH 7,2 et laisser agir 15 minutes. Laver à l’eau du robinet et sécher.L’hémolyse à l’eau du protocole classique peut être avanta-geusement remplacée par la méthode récente de Thellier [10] plus rapide (10 minutes) et de lecture facilitée. Elle propose d’hémolyser et de fixer par un réactif à base de saponine et de formol.Il existe des kits de coloration rapide équivalente à celle du MGG : RAL 555, Hémacolor, Diffquick, qui sont de qualité suffisante pour un diagnostic de routine.

2.2. Résultats

2.2.1. Le frottis minceLe frottis mince (1-1,5 μL de sang étalé sur 250-600 mm2) est la méthode de référence pour l’étude morphologique des hématozoaires et pour le diagnostic différentiel entre les espèces plasmodiales. La lecture de 100 champs microscopiques (oculaires 5 à 7 x et objectif à immersion 100 x) représente 0,005-0,01 μL de sang, l’examen de 200 à 300 champs prend 20 à 25 minutes et la probabilité qu’un observateur expérimenté ne détecte pas une para-sitémie inférieure à 200/μL est élevée. Il y a en moyenne 300-500 hématies par champs microscopique. La densité parasitaire est généralement estimée en pourcentage d’hématies parasitées/total des hématies examinées, mais peut aussi être exprimé en parasites par microlitres de sang total. L’examen du frottis doit permettre de reconnaî-tre l’hématozoaire [7], d’en préciser l’espèce et le stade de développement et d’en apprécier la quantité.• Le parasite est intraérythrocytaire, formé d’un ou plu-sieurs noyaux colorés en rouge et d’un cytoplasme bleu. Il contient des pigments bruns noirâtres dans son cytoplasme et des « grains » pigmentés (pigment malarique) dans le cytoplasme de l’hématie parasitée (« grains » de Schüffner ou taches de Maurer selon les espèces plasmodiales).

Tableau I – Conduite pratique pour identifier un Plasmodium.

Figure 2 – Plasmodium falciparum.

Frottis sanguin coloré à l’hémacolor. Huit trophozoïtes de P. falciparum dans un même champ, tous au même stade, frottis monotone, monomorphe. Plusieurs parasites dans une même hématie, polyparasitisme (obj x 100).

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et âgés et gamétocytes comme c’est le cas des infections à P. vivax, P. malariae ou P. ovale (figures 3 à 6).

L’obtention des frottis colorés et de la goutte épaisse met parfois en évidence des leucocytes mélanifères. Ce sont les polynucléaires neutrophiles au début de l’infestation et les monocytes à un stade plus avancé qui, après avoir phago-cyté des plasmodiums, accumulent dans leur cytoplasme des mottes de pigment malarique. Ces mottes d’hémozoïne proviennent de la digestion des plasmodiums. Elles sont de couleur brun foncé ou noir.• La précision apportée sur le stade de développement du parasite a un intérêt dans l’interprétation clinique et l’efficacité thérapeutique. Les formes asexuées, formes en anneaux des trophozoïtes (1 seul noyau rouge parfois réparti en 2 masses nucléaires et un anneau de cytoplasme bleu), jeunes avec leur importante vacuole nutritive ou formes en division des schizontes (schizonte jeune ou âgé, corps en rosace qui selon l’espèce plasmodiale, peut contenir 8 à 32 noyaux) signent un développement actif souvent en rapport avec les signes cliniques, alors que les formes sexuées

ou gamétocytes (formé d’un gros noyau unique entouré de cytoplasme qui occupe presque toute l’hématie) apparais-sant plus tardivement même sous thérapeutique sont en faveur d’une évolution favorable et ne sauraient préjuger d’une résistance aux thérapeutiques en cours.• La parasitémie, nombre d’hématies parasitées par rapport aux hématies examinées, est un élément pronostique (une parasitémie élevée > 100 000 parasites/μL est un signe de gravité) et de surveillance en cours de traitement (la sur-veillance et les contrôles post-thérapeutiques devraient être effectués surtout aux jours 3-4, mais aussi aux jours 7-9 et 28-30 suivant le début de la thérapeutique ; le diagnostic rapide d’une souche résistante aux thérapeutiques classiques est un luxe malheureusement inabordable en routine, seul un suivi parasitologique quantifié fera craindre une résistance aux thérapeutiques). Le nombre d’hématies examinées doit être au moins égal à 10 000. Sur la goutte épaisse, on établit le pourcentage de parasites par rapport à 100 leucocytes. Le résultat est moins précis que celui obtenu sur frottis, car tributaire du nombre total de leucocytes par mL.

Figure 3 – Plasmodium falciparum.

Frottis sanguin coloré à l’hémacolor. Gamétocyte femelle de P. falciparum (obj x 100).

Figure 4 – Plasmodium malariae.

Frottis coloré à l’hémacolor. Schizonte en bande équatoriale de P. malariae (obj x 100).

Figure 5 – Plasmodium ovale.

Frottis coloré à l’hémacolor. Trophozoïte de P. ovale. Granulation, de Schüffner. Hématie ovalisée et frangée (obj x 100).

Figure 6 –Plasmodium vivax.

Frottis coloré à l’hémacolor. Deux trophozoïtes de P. vivax avec cytoplasme amiboïde. L’hématie de taille plus grande contient de nombreuses granulations de Schüffner (obj x 100).

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DIAGNOSTIC EN PARASITOLOGIE

2.2.2. La goutte épaisseLa GE (2-3 μL de sang sur 50 à 90 mm²) permet, pour un même champ microscopique, d’examiner rapidement un volume de sang plus important et un plus grand nombre de parasites que sur un FS. Les parasites sont cependant plus difficiles à identifier et leurs rapports avec l’hématie parasitée ont disparu avec la lyse des hématies. Seuls les leucocytes (idéalement 15 à 20 leucocytes par champ) et les parasites sont visibles. L’examen de 100 champs couvre 0,1-0,3 μL de sang et prend environ 5 minutes. Les parasites passent rarement inaperçus si la densité parasitaire est ≥ 25/μL. Une GE ne devrait être déclarée « sans parasite » qu’après l’examen d’au moins 200 champs microscopiques. Sa sensibilité est de l’ordre de 5 parasites/μl. L’apparence des parasites peut être altérée à cause de la deshémoglobinisation et du séchage. Les jeunes trophozoïtes peuvent apparaître comme des anneaux incomplets ou des taches de cytoplasme bleu avec un point séparé rouge (chromatine) (figure 7). Le cytoplasme des trophozoïtes âgés de P. vivax peut être fragmenté et les grains de Schüffner moins évidents. La forme en bande de P. malariae est souvent moins caractéristique. La distinction entre P. vivax et P. ovale peut être difficile. Les gamétocytes gardent généralement leur apparence habituelle. L’interprétation des parasites vus sur les GE nécessite une compétence entretenue. En pratique clinique, il est important de détecter rapidement des parasitémies même faibles à Plasmodium falciparum. Le diagnostic fin d’espèce associée peut être reporté au lendemain. Il sera le plus souvent sans conséquence sur la conduite à tenir ou sur l’appréciation du tableau parasito-clinique. L’estimation du nombre de parasites par leucocytes combinée à une leucocytémie permet d’obtenir une estimation précise de la densité parasitaire. C’est la technique de référence pour l’OMS dans le diagnostic du paludisme.

2.3. Tests rapides de détection d’antigènes parasitairesPlusieurs kits commerciaux de bandelettes réactives reposent sur l’immunocapture d’antigènes parasitaires [2, 11].– Histidine Rich Protéine 2 (HRP2) spécifique de P. falcipa-rum. Elle n’est pas secrétée par les gamétocytes mais par tous les autres stades du cycle érythrocytaire. Sa recherche est négative dans un sang qui ne contient que des gaméto-cytes. Sa production est maximale au cours des divisions du noyau parasitaire du cycle érythrocytaire.– Plasmodium lactate déshydrogénase (pLDH) fabriquée par les parasites des quatre espèces.– Plasmodium lactate déshydrogénase spécifique de P. vivax (pvLDH).Les LDH sont produites par les parasites vivants, leur détection pourrait être aussi utilisée pour suivre l’efficacité d’une thérapeutique antimalarique.La présence de ces antigènes est visualisée par la tech-nique d’immunochromatographie qui permet d’obtenir un résultat rapide (10 à 15 minutes).Ces tests rapides apportent une aide diagnostique consi-dérable, mais ne permettent pas d’évaluer une parasitémie ni de faire un diagnostic précis de toutes les espèces. En aucun cas, ils ne peuvent remplacer les techniques micros-copiques en pratique de routine.

Les kits Core Malaria Pan/Pv/Pf® (Core-Diagnostics) et Palutop+4® détectent HRP2 spécifique de P. falciparum, pLDH commune aux quatre espèces et pv LDH spécifique de P. vivax. Ils permettent le diagnostic de P. falciparum, P. vivax et l’association des autres espèces. Après le trai-tement, le taux de HRP2 peut persister jusqu’à 28 jours tandis que la pLDH commune aux quatre espèces disparaît en cinq jours environ en cas d’efficacité thérapeutique.Le kit Now® Malaria (Binax) dépiste HRP-2 et un antigène commun aux quatre espèces, permet l’identification d’une infection à P. falciparum ou mixte à P. malariae, P. vivax et P. ovale. À part P. falciparum, la distinction des trois autres espèces est impossible. D’après les résultats de plusieurs études effectuées sur le terrain [11], il s’avère que ce kit est le meilleur pour diagnostiquer un paludisme à P. falciparum.• Les nouvelles techniques de biologie moléculaire :

PCR Palu

Elles sont de peu d’intérêt dans le cadre du diagnostic d’urgence d’un accès mais peuvent compléter des études épidémiologiques générales portant sur la diffusion et les éventuelles modifications d’espèces avec ou sans théra-peutiques. Elles sont également utiles pour le diagnostic des pauciparasitémies, des infections mixtes par plusieurs espèces, et son application pourrait rendre service dans les banques de sang [2, 5].

2.4. Stratégie diagnostique en PEDAux insuffisances économiques et géographiques en hommes et moyens pour assurer partout et pour tous un

Diagnostic parasitologique du paludisme.

Les incontournables

– Frottis sanguin coloré au Giemsa : conservant les rapports entre le parasite et l’hématie parasitée.– La goutte épaisse : souvent difficile et longue à lire, mais facilitée par la technique de Thellier.

La révolution

– Kit de détection des antigènes circulant : rapide, spécifique pour P. falciparum, et ne nécessitant aucune compétence technique particulière.

Le luxe

– La PCR en temps réel pour les cas difficiles.

Figure 7 – Plasmodium falciparum.

Goutte épaisse colorée à l’hémacolor contenant de nombreux trophozoïtes de P. falciparum (obj x 100).

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diagnostic parasitologique rapide, on peut conseiller le traitement présomptif de l’accès fébrile en le considérant comme d’origine palustre.Cette tendance à minimiser l’intérêt du diagnostic parasi-tologique est peut être économiquement et cliniquement défendable dans les pays où la transmission du paludisme est intense et continue. Mais dans les zones à transmission discontinue, faible, les diagnostics différentiels d’accès fébriles deviennent les plus fréquents et l’attribution sys-tématique au paludisme de tout accès fébrile de l’enfant ou de l’adulte peut conduire à un retard thérapeutique pour une affection non palustre et à un gaspillage et une diminution à long terme (résistance) des molécules anti-paludiques. La priorité reste la « détection précoce avec le traitement ».L’examen biologique parasitologique ne pourra pas diffé-rencier un portage sain de parasites dans le sang d’une relation éventuellement morbide entre les signes cliniques et la présence de parasites sanguicoles. Pourtant, en zone d’hyperendémie, de jeunes écoliers peuvent être porteurs sains de parasitémies souvent faibles mais sans signes cli-niques d’accompagnement. Cependant, dans un complexe pathogène parasito-bactério-virologique, le moindre déve-loppement d’un des agents pathogènes peut déséquilibrer le rapport fragile entre la présence des plasmodies et leur brutale pathogénicité.La détection systématique de la parasitémie pendant la grossesse par le biais de dépistages fréquents est une des solutions préconisées pour limiter la mortalité maternelle liée au paludisme (± 1 % accouchements).

3. Babésioses

Ces anthropozoonoses transmises par des tiques : Ixodes ricinus des bovins ou Ixodes dammini des rongeurs, sont communes à l’homme et à de multiples mammifères. Elle réa-lise un tableau clinique qui présente beaucoup de similitudes avec le paludisme à Plasmodium falciparum. Les personnes âgées et les sujets splénectomisés sont plus exposés.Les agents pathogènes les plus fréquents chez l’homme sont Babesia divergens européenne (réservoir bovin) et B. microti américaine (à partir des rongeurs). Ces parasites, rarement rencontrés chez l’homme, sont intraérythrocytaires de 1 à 5 mm, piriformes, disposés en paires divergentes ou en tétrades en contact par leurs extrémités fines (figure 8). Ils peuvent être confondus avec les formes asexuées des plasmodies en particulier les trophozoïtes de Plasmodium falciparum.Comme pour le paludisme, le diagnostic parasitologique est effectué sur frottis de sang fixé et coloré au MGG. Le polyparasitisme est fréquent et Babesia n’a pas de pigment parasitaire.On peut rechercher des anticorps spécifiques par immuno-fluorescence indirecte et amplifier par PCR des séquences spécifiques d’ADN de B. microti.

4. Les trypanosomoses

4.1. Trypanosomoses africainesLes trypanosomoseses humaines africaines sont provo-quées par deux sous-espèces Trypanosoma brucei gam-biense et Trypanosoma brucei rhodesiense. Elles sont déterminées par la présence de trypanosomes dans le système lymphatico-sanguin et nerveux, transmis par la piqûre d’une mouche du genre Glossina.

4.1.1. Le diagnosticIl est évoqué :- par le contexte épidémiologique chez un malade en pro-venance de pays entre les latitudes 20° nord et 20° sud de l’Afrique subsaharienne (les zones de fortes endémies sont localisées en Afrique équatoriale : Cameroun, Centre Afrique, Congo, Côte-d’Ivoire, Gabon, Guinée équatoriale, Ouganda, Tanzanie, Tchad) ;- par les signes cliniques en particulier, une fièvre rebelle aux antibiotiques et antimalariques, des adénopathies cervicales et sous claviculaires, une splénomégalie et en cas de diagnostic tardif, tout signe neurologique (sensitifs, psychiques, du sommeil ou moteurs), qui signe alors le passage du parasite du système lymphatico-sanguin vers le liquide céphalo rachidien.Le diagnostic biologique est sanguin en première période lymphatico-sanguine et fondé sur l’analyse du LCR en phase neurologique. Il porte en priorité sur la recherche des trypanosomes. Il doit par ailleurs permettre de préciser le stade de développement de la maladie et l’éventuel pas-sage des parasites du sang circulant vers le LCR (phase méningo-encéphalitique).

4.1.2. Les trypanosomes [1, 8, 9]

Il s’agit de protozoaires flagellés extracellulaires, très mobi-les entre les globules rouges, ayant un corps fusiforme,

Diagnostic parasitologique du paludisme.

• Toute fièvre au retour d’une zone d’endémie est, a priori, un paludisme.• Le diagnostic parasitologique doit précéder sans le retarder le traitement spécifique et permettre de reconnaître l’espèce, le stade et la quantité du parasite en cause.• Frottis sanguin et goutte épaisse sont toujours d’actualité.• La recherche des antigènes circulants est une excellente arme diagnostique d’appoint.• Les contrôles parasitologiques J 3-4, J 7-9, J15, J 28-30 permettent de dépister d’éventuelles résistances aux thérapeutiques.

Figure 8 – Babesia.

Frottis de sang d’un chien. Coloration à l’hémacolor (obj x 100).

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DIAGNOSTIC EN PARASITOLOGIE

allongé et une membrane ondulante active. La coloration au MGG permet de distinguer un gros noyau central et un kinétoplaste d’où part le flagelle qui s’applique contre le corps formant la membrane ondulante. En raison du polymorphisme, coexistent dans le sang des trypanoso-mes longs et minces (30 à 40 μm), des formes trapues et courtes (15 à 25 μm) (figure 9).

Plusieurs techniques d’examen ou d’enrichissement sont utilisées :- examen direct entre lame et lamelle : les trypanosomes ondulent entre les hématies ;- frottis et goutte épaisse colorés au MGG ;- hémolyse concentration par eau distillée ou saponine : les trypanosomes sont encore vivants. En revanche, si l’hémolyse a été provoquée par le formol à 2 %, technique de Knott, les trypanosomes très fragiles sont tués, mais sont mieux conservés [6] ;- centrifugation du sang en tubes capillaires. Les trypano-somes sont localisés à la limite de séparation des globules rouges et du plasma, visibles au microscope à l’objectif 10 ;- filtration du sang sur DEAE-cellulose : technique onéreuse mais très sélective ;- les cultures et inoculation aux animaux sont peu prati-quées et dangereuses.En cas de négativité, le recours aux ponctions ganglion-naires et aux techniques sérologiques sont nécessaires (immunofluorescence indirecte : IFI).Plus tardivement, apparaissent à l’hémogramme : anémie, hyperleucocytose, monocytose, et surtout plasmocytose (cellule de Mott) et au protéinogramme une forte augmen-tation quasi pathognomonique de la trypanosomose (les IgM sériques sont plus de 4 fois supérieures à la normale). En phase neurologique, les trypanosomes sont à recher-cher dans le LCR ou l’apparition d’IgM, signe d’atteinte neurologique.

4.2. Trypanosomose américaineLa trypanosomose américaine, ou maladie de Chagas, est provoquée par Trypanosoma cruzi, parasite du sang et des tissus, transmis par les déjections d’insectes hématophages de la famille des réduvidés [1, 8]. Le diagnostic est évoqué sur des arguments épidémiologiques, le parasite n’existant que sur le continent sud américain, du Mexique au sud de l’Argentine et des arguments cliniques aigus (œdème bipalpébral, unilatéral ou signe de Romaña, associé à une fièvre irrégulière) et chroniques (lésions musculaires, atteinte myocardique et digestive, mégaorganes).La recherche du parasite se fait au niveau du sang.Trypanosoma cruzi ressemble beaucoup à Trypanosoma brucei. Il existe également sous deux formes : longue et effilée, 30 à 40 μm, courte et trapue, 15 à 25 μm (figure 10). À la coloration au MGG, le kinétoplaste de Trypanosoma cruzi apparaît beaucoup plus volumineux que celui de Trypanosoma brucei. On peut utiliser les mêmes techniques d’enrichissement que pour les trypanosomes africains. La recherche de parasites dans le sang à la phase aiguë est positive dans 90 % des cas, et seulement 5 % à la phase chronique.En cas de négativité après répétition des examens 3 jours de suite, la sérologie s’avère indispensable (IFI, ELISA,

hémagglutination passive). Le xénodiagnostic de Brumpt à partir de nymphes de triatomes (réduvidés) est excep-tionnellement pratiqué.

5. Leishmanioses

Parmi les leishmanioses, affections parasitaires dues à des flagellés du genre Leishmania, transmises à l’homme par les phlébotomes, seule la forme viscérale est généra-lisée aux organes hématopoïétiques et voit les parasites se multiplier dans le sang et la moelle [1, 8]. Elle recon-naît comme agents pathogènes Leishmania donovani, leishmania archibaldi, leishmania infantum (synonyme de Leishmania chagasi).Le diagnostic est évoqué à partir d’arguments :- épidémiologiques, les foyers sont localisés dans le pour-tour de la Méditerranée, au Moyen-Orient, en Afrique de l’Est, en Inde et sur le continent sud américain ;- et cliniques associés à une triade classique : fièvre folle, hépatosplénomégalie et pâleur avec une pancytopénie progressive.Le diagnostic biologique direct à la recherche des leishma-nies dans le sang ou la moelle, difficile, confirme l’étiologie. Il est souvent aidé par la recherche d’anticorps (et parfois d’antigènes circulants) et les détections d’ADN parasitaire par biologie moléculaire.

Figure 9 – Trypanosoma brucei.

Forme mince, petit kinétoplaste.

Figure 10 – Trypanosoma cruzi.

Forme mince, gros kinétoplaste.

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• Recherche et identification des leishmanies

C’est la recherche des leishmanies dans les cellules du système réticulo histio macrophagique qui constitue l’exa-men principal.Pour diagnostiquer une leishmaniose viscérale, la préfé-rence est portée sur les frottis de moelle colorés au MGG. Cependant, la lecture de moelle est longue et fastidieuse. La recherche de leishmanies dans le sang sur une goutte épaisse et après leucocentration donne des résultats positifs dans moins de 20 % des cas. En revanche, la technique de cytoconcentration [7] donne des résultats meilleurs que ceux de la culture et du médullogramme. Elle est fondée sur une concentration par centrifugation des parasites après hémolyse à la saponine-formol, merthiolate et tween 20.Après coloration au MGG, les formes amastigotes sont visibles dans les monocytes, polynucléaires et également extracellulaires. Ce sont des corpuscules ovoïdes de 2 à 6 μm de diamètre dans le grand axe, renfermant un noyau sphérique et un kinétoplaste d’où part un début de flagelle (figure 11).

Les prélèvements sanguins ou de moelle peuvent être mis en culture sur milieu spécifique NNN (Novy-Mac Neal-Nicolle) et la recherche d’ADN parasitaire par PCR est de plus en plus utilisée. La recherche d’anticorps par l’IFI, l’hémagglutination et la confirmation par le western blot

sont suffisantes pour diagnostiquer, dans la grande majorité des cas, la leishmaniose.Chez les sujets en immunodépression sévère, la sérolo-gie perd de sa valeur. Les techniques de recherche de leishmanies dans le sang et dans la moelle sont alors indiquées [9], mais elles sont dépassées par celles de biologie moléculaire.

6. La toxoplasmose

Parasitose cosmopolite en relation avec le comportement alimentaire et la relation au réservoir tellurique, due à un protozoaire, Toxoplasma gondii, dont l’expression clinique est différente chez un sujet immunocompétent ou immu-nodéprimé.Le toxoplasme est un parasite intracellulaire des cellules réticulo-histiocytaires, il se présente sous forme tachyzoïte arqué en goutte d’eau ou en croissant avec un pôle arrondi et l’autre plus effilé, plusieurs parasites se trouvant dans la même cellule (figure 12). La forme kystique regroupant des bradyzoïtes est tissulaire et non reconnue dans le sang circulant. Au MGG, le cytoplasme est coloré en bleu et le noyau en rouge, situé au pôle arrondi ou le centre du trophozoïte.

6.1. Chez le sujet immunocompétentDu fait d’un passage de courte durée dans le sang, 3 ou 4 semaines, la recherche de toxoplasme est souvent infructueuse et n’est pas réalisée, sauf dans le cas de toxoplasmose congénitale. La sérologie offre de meilleurs arguments diagnostiques.

6.2. Chez le sujet immunodépriméDans la grande majorité des cas, il s’agit plus d’une réac-tivation kystique d’une toxoplasmose ancienne que d’une primo infection. La recherche directe du parasite dans le sang n’est pas fructueuse, sauf en cas d’immunodépres-sion sévère et prolongée telle que la greffe de moelle. Des tachyzoïtes peuvent être retrouvés dans le sang à la phase évolutive.Chez l’immunodéprimé, une parasitémie même très faible peut être mise en évidence par des techniques de biologie moléculaire et d’inoculation aux souris. La recherche de l’ADN toxoplasmique sur la couche leucocytaire du sang total est largement contributive au diagnostic.Le suivi d’une toxoplasmose, en particulier chez la femme enceinte, est avant tout sérologique qualitatif et quantitatif, étudiant l’évolution des IgG, IgM, IgA antitoxoplasmiques et du coefficient d’avidité des IgG.Le diagnostic in utero de l’atteinte fœtale, dans le cadre d’une séroconversion maternelle, nécessite une amniocentèse, sur le liquide amniotique, une recherche d’ADN toxoplasmique et une inoculation aux souris seront effectuées.La transmission materno-fœtale du toxoplasme passe obli-gatoirement par le placenta et il existe une concentration de parasites in situ. Après la délivrance, l’identification du toxoplasme dans le placenta par PCR et inoculation aux souris permet de diagnostiquer une infection placentaire – qui signifie une très forte probabilité de toxoplasmose congénitale.

Figure 11 – Leishmania.

Formes amastigotes de leishmanie sur un frottis de moelle chez un enfant atteint de leishmaniose viscérale.

Figure 12 – Toxoplasma gondii.

Tachyzoïtes intracellulaires.

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Figure 13 – Microfilaire de Loa loa.

Examen direct entre lame et lamelle d’une goutte de sang. Taille 300 μm de long/8 μm de large (obj x 100).

Figure 15 – Microfilaire de Loa loa.

Frottis de sang coloré à l’hémacolor. Extrémité caudale (C) effilée, mousse, avec noyaux terminaux allongés. Gaine (G) mal colorée éloigne les hématies du corps de la microfilaire. Noyaux somatiques gros ovoïdes, violets, se chevauchant (obj x 100).

Figure 16 – Microfilaire de Wüchereria bancrofti.

Frottis coloré à l’hémacolor. Noyaux petits, sphéroïdes, séparés, pourpres (variété cosmopolite), largeur 8 μm, gaine rose (G). Corps de Manson (CM) vermillon, masse unique (obj x 100).

Figure 14 – Schéma d’une microfilaire.

[In 3].

Figure 17 – Microfilaire de Mansonella perstans.

Frottis de sang coloré à l’hémacolor. Taille 200 μm/5 μm. Absence de gaine. Noyaux petits, de forme irrégulière, vermillon, se chevauchant avec noyau terminal (NT) sphérique se situant à l’extrémité terminale. Espace céphalique (EC) court (obj x 100).

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Tableau II – Conduite pratique pour identifier une microflaire.

7. Filarioses sanguicoles

Les filaires, nématodes tissulaires, sont largement représen-tées dans le monde intertropical. Certaines sont majeures par leur pathogénicité, d’autres de moindre importance dans leur expression clinique. Les femelles adultes sont ovovivipares et émettent des embryons ou microfilaires qu’on peut retrouver selon les espèces dans le sang cir-culant (microfilaires sanguicoles) ou la peau (microfilaires cutanéo-dermiques).

Les microfilaires sanguicoles sont celles des espèces majeures : Loa loa, Wuchereria bancrofti, Brugia malayi, Brugia timori et celles très fréquentes mais peu pathogè-nes comme : Mansonella perstans et Mansonella ozzardi. Dans certaines conditions particulières, les microfilaires d’Onchocerca volvulus (filariose cutanéo-dermique) sont retrouvées dans le sang, alors qu’elles sont habituellement localisées dans les tissus sous-cutanés.Les filarioses, transmises par des insectes vecteurs qui prolifèrent en climat chaud, sévissent surtout dans les pays tropicaux [1, 8].Loa loa est une filaire strictement africaine et équatoriale, Wuchereria bancrofti sévit dans les zones intertropicales d’Afrique, d’Amérique et d’Asie, Brugia malayi est plutôt localisée en Asie et dans le Pacifique, Brugia timori, jus-qu’ici est cantonnée à l’Île de Timor dans le Pacifique, Mansonella perstans, réputée peu ou non pathogène, a une répartition géographique africaine et équatoriale, et aussi dans les zones côtières de l’Amérique du centre et du sud, Mansonella ozzardi peu ou non pathogène, est une espèce uniquement américaine : Amérique du Centre, du Sud et les Antilles.

7.1. Signes cliniquesLes signes cliniques qui motivent la recherche des filarioses sont très différents selon les espèces :- pour la loase, on sera orienté par un malade de retour d’Afrique équatoriale, présentant un œdème allergique, migrateur, fugace, appelé œdème de Calabar, localisé pré-férentiellement aux membres supérieurs, la migration des adultes sous la peau formant un sillon prurigineux, érythé-mateux de 4 à 6 cm de long, ou la spectaculaire reptation de la filaire adulte sous la conjonctive de l’œil ;

Figure 18 – Sérologie de filariose.

Réaction d’IFI positive avec comme antigène les coupes de filaire adulte Dipetalonema viteae.

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Références

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[7] Parasites sanguins, Cahier de formation biologie médicale, Bioforma, N° 23, Décembre 2001.

[8] Parasitoses et mycoses des zones tempérées et tropicales, Edition Masson, Col. Connaissances et pratique (2007) 340 p.

[9] Petithory J.C., Ardoin F., Ash L.R., Vandemeulebroucke E., GaleazzI J., Dufour M., Paugam A., Microscopic diagnosis of blood parasites fol-lowing a cytoconcentration technique, Am. J. Trop. Med. Hyg. 57 (1997) 78-83.

[10] Thellier M., Datry A., Alfa Cisse O., San C., Biligui S., Silvie O., Danis M., Diagnosis of malaria using thick blood smears: definition and evaluation of a faster protocol with improved readability, Ann. Trop. Med. Parasitol. 96 (2002) 115-124.

[11] Van Den Broek I., Hill O., Gordillo F. et coll., Evaluation of three rapid tests for diagnosis of P. falciparum and P. vivax malaria in Colombia, Am. J. Trop. Med. Hyg. 75 (2006) 1209-1215.

Sites à consulterhttp://www.afssa.fr http://www.invs.sante.fr/BEH http://www.medvetnet.org http://www.med.univ-angers.fr/anofel

- pour les filarioses lymphatiques, il s’agit d’accidents aigus (lymphangites…) et chroniques correspondant à une inflam-mation lymphatique et à une gêne, voire un arrêt de la circu-lation lymphatique avec une stagnation et progressivement l’installation de sclérose et d’éléphantiasis des membres.Des signes cliniques spectaculaires et une hyperéosinophi-lie sanguine amènent souvent à rechercher une filariose. L’éosinophilie massive au début, pendant les premières semaines après l’infestation, régresse selon la courbe de Lavier pour devenir inconstante en cas d’infection chroni-que. Élevée, permanente, accompagnée d’un syndrome pulmonaire, elle peut orienter vers une forme pulmonaire de filariose lymphatique surtout en Inde.

7.2. Recherche et identification des microfilairesLa recherche de microfilaires n’est possible qu’au bout de 6 mois à 1 an après la piqûre infestante (taon pour la filariose à Loa loa et moustiques pour les filarioses lymphatiques). Elle est parfois négative alors que les signes cliniques sont évidents. Inversement, elle est parfois de découverte fortuite alors que les signes cliniques sont absents.À la phase chronique d’une filariose lymphatique, au stade d’éléphantiasis et de chylolymphurie, la recherche des microfilaires est souvent négative, l’évolution du parasite ayant cédé la place au développement de scléro-fibrose sans plus d’implication parasitaire.

7.2.1. Prélèvement de sangLes microfilaires apparaissent dans le sang selon une périodicité qu’il faut respecter pour optimiser le rendement diagnostique : Loa loa : le jour, entre 10 h et 16 h, W. bancrofti, variété cosmopolite, la nuit, entre 22 h et 4 h, W. bancrofti, variété pacifica, à n’importe quel moment, B. malayi et timori : la nuit, entre 22 h et 4 h ; M. perstans et M. ozzardi sont apériodiques.

7.2.2. Techniques de mise en évidence• Soit examen direct, à l’objectif x 10 d’une goutte de 10 μL de sang frais, entre lame et lamelle permettant de voir

facilement le déplacement serpigineux de la microfilaire de 300 μm entre les globules rouges (figure 13). Les caractères différentiels morphologiques des microfilaires sanguicoles sont rassemblés sur le tableau II. En cas de positivité, il faut estimer la parasitémie pour adapter et suivre le traitement. Les microfilaires sont souvent retrouvées à la marge de l’étalement de sang.• Le frottis sanguin avec 5 μl de sang ou la GE à partir de 10 à 20 μL de sang, colorés au MGG ou à une coloration rapide type RAL, Hémacolor ou Diffquick, facilite le diagnos-tic d’espèce en utilisant l’objectif à immersion. Les critères morphologiques d’identification [3, 7] sont en particulier, la taille des microfilaires (de 250 à 300 μm pour celles des filarioses majeures), la présence ou non d’une gaine plus ou moins colorée au Giemsa, la forme de l’extrémité postérieure plus ou moins effilée, celle de l’extrémité céphalique grande ou petite, et la taille la forme et la présence plus ou moins terminale des noyaux somatiques, un noyau plus important ou corps interne (corps de Manson) (figure 14). On peut ainsi identifier les microfilaires de Loa loa (figure 15), de Wüchereria bancrofti (figure 16) ou encore de Mansonella perstans (figure 17).

• La technique de leucoconcentration est très utile en cas de pauci parasitisme. Elle permet d’analyser une plus grande quantité de sang tout en conservant la mobilité des microfilaires (technique de Ho Thi Sang et Petithory [4]). La technique de Knott [6] tue la microfilaire en extension. Elle permet une mensuration plus précise. Elle utilise le formol en milieu liquide fixant la microfilaire sans la rétracter et permettant ainsi une mensuration plus précise.La mise au point d’un kit de détection des antigènes cir-culants spécifiques de Wuchereria bancrofti par immuno-chromatographie donne de bons résultats.La sérologie constitue un argument d’appoint diagnostique. Ne disposant pas d’antigène homologue, l’utilisation de filaire animale permet de faire un diagnostic de groupe, comme en immunofluorescence (figure 18). Les résultats obtenus doivent être interprétés avec beaucoup de pru-dence du fait des réactions croisées nombreuses existant entre les nématodes.