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DE LA PRÉCARITÉ PSYCHIQUE AU BOUC ÉMISSAIRE : LE GROUPE THÉRAPEUTIQUE Damien Aupetit , Marjorie Sanchez Érès | « Enfances & Psy » 2015/3 N° 67 | pages 81 à 92 ISSN 1286-5559 ISBN 9782749248776 DOI 10.3917/ep.067.0081 Article disponible en ligne à l'adresse : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- https://www.cairn.info/revue-enfances-et-psy-2015-3-page-81.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour Érès. © Érès. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit. Powered by TCPDF (www.tcpdf.org) © Érès | Téléchargé le 19/06/2022 sur www.cairn.info (IP: 65.21.228.167) © Érès | Téléchargé le 19/06/2022 sur www.cairn.info (IP: 65.21.228.167)

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DE LA PRÉCARITÉ PSYCHIQUE AU BOUC ÉMISSAIRE : LE GROUPETHÉRAPEUTIQUE

Damien Aupetit, Marjorie Sanchez

Érès | « Enfances & Psy »

2015/3 N° 67 | pages 81 à 92 ISSN 1286-5559ISBN 9782749248776DOI 10.3917/ep.067.0081

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Damien Aupetit,

psychologue, groupaliste,

CMpp de saint-Chamond.

Marjorie sanchez, psychologue,

CHu de saint-Étienne.

PRÉCARITÉ, UNE CLINIQUE PARTICULIÈRE

« Vous êtes bouc émissaire […] Ça veut dire que vous attirez sur vous tous lesemmerdements du monde, comme l’aimant, çaveut dire que dans cette ville, des tas de personnesque vous ne connaissez même pas doivent en cemoment vous tenir pour responsable de tas dechoses que vous n’avez pas faites. »

daniel pennac 1

À travers cet article, nous ferons part de nos réflexionsissues de nos pratiques groupales en CMpp et en IMproauprès d’enfants et d’adolescents pris dans des difficultésde socialisation. avant de définir ce que recouvre lanotion de précarité psychique, précisons que nos groupesne sont pas uniquement composés d’enfants dans cettesituation de précarité et que cette problématique trans-versale se retrouve dans diverses pathologies. dans cetécrit, nous souhaitons montrer comment ce type de sujetpeut trouver, à travers un groupe thérapeutique, l’occa-sion de tisser des liens de meilleure qualité avec sespairs, être plus en accordage et se retrouver ainsi moinsen marge des autres groupes et progressivement parextension moins en marge du champ social.

DE LA PRÉCARITÉ PSYCHIQUE À LA PRÉCARITÉ DU LIEN

au préalable, il nous semble nécessaire de définir ce querecouvre pour nous la notion de précarité et la continuitéentre l’enfant et l’adulte précaires. Nous n’aborderonspas cette question au sens sociologique du terme quiinclurait des populations identifiées comme telles (les

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Damien AupetitMarjorie Sanchez

de la précarité psychique au bouc émissaire : le groupe thérapeutique

1. d. pennac, La fée carabine, paris,Gallimard, Folio, 1987, p. 240-241.

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SdF, les étrangers, les pauvres…). en effet, nous prenons le parti de parlerde personnes exclues, dans une « précarité psychique », au sens d’être enmarge des autres, dans une difficulté de lien social. Cette dernière se réac-tualise en résonance avec leur absence de repères dans une instabilité, uneidentité fragile en construction, en défaut de sécurité interne. Cette défini-tion dialogique, intrapsychique et intersubjective, se rapproche de celle dedenis Mellier (2007) : « La précarité psychique caractérise tout sujet quia des liens très ténus, précaires, avec son entourage et avec lui-même. »L’errance de ce type de sujet est plus psychique que physique, bien que,ne trouvant pas de point d’accroche sociale, il reste en marge des autres,en aparté spatiale mais dans une marginalisation diffuse, presque ordi-naire, qui parfois ne surprend plus personne (se retrouver seul dans la courde récréation par exemple). Cette précarité psychique engendre un défautd’étayage social et culturel (tout en en étant paradoxalement la consé-quence), mais aussi du groupe, en écho avec un défaut d’étayage interne,ayant un impact direct sur le narcissisme, un vécu de lâchage, d’exclusion.en effet, comme le souligne Francis ratier (2007) : « Cette faillite du liensocial est d’abord faillite du lien de soi à soi. » Ce défaut de contenancepeut se traduire par une désaffiliation progressive, voire une errance dansles cas extrêmes. La précarité des liens d’appartenance se retrouve dèsl’enfance aussi bien dans le milieu familial (avec souvent à l’origine unproblème d’accordage entre l’environnement et l’enfant) que social,notamment scolaire. Cela est renforcé par l’arrivée du pubertaire qui vamettre à mal un repère, celui du corporel qui fera effraction et ce, jusqu’àla fin de l’adolescence. Si ce processus de précarisation se poursuit, auniveau de la société, il y a un double rejet, un rejet subi et un rejet provo-qué, dans un retournement passif-actif, une sorte d’auto-exclusion. Il y aalors risque de rupture du contrat narcissique entre le sujet et son groupesocial, ses groupes d’appartenance.

L’enfant souffrant d’une privation de lien, d’une précarité du lien, consti-tue par excellence une indication de groupe thérapeutique, justementparce qu’il va mettre au travail ses liens aux autres, nouer des relations,indépendamment des schémas dans lesquels il est pris dans son environ-nement premier, à la maison, mais aussi à l’école. par ailleurs, il estconvenu que dans chaque groupe thérapeutique, et plus largement danstout groupe et toute société, peu importe sa constitution, la figure du boucémissaire apparaît puisque c’est un processus inhérent au groupe. ainsi,cet enfant pourra endosser ce rôle presque prédestiné pour tenter d’ensortir au fil du temps. Le lieu de soin, et plus spécifiquement le groupethérapeutique, deviendra terre d’accueil de ses difficultés, terre d’asilepour lui. L’exclu fera l’expérience d’être bien, accueilli, dans un lieu où ilne se sentira ni rejeté ni mis de côté, mais pris dans une inclusion. Legroupe pourra être lieu de dépôt pour progressivement symboliser, trans-former ce qui faisait défaut par ailleurs, du fait que la problématique étaitcomme mise sur le bas-côté, en attente. Toutefois, pour que cela opère, les

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thérapeutes devront être attentifs à leur contre-transfert, afin de ne pasreproduire le rejet, dans une reproduction d’une difficulté d’accordage,mais aussi à ce que ce même rejet n’émane pas des autres enfants dugroupe. Il est assez tentant de mettre à la porte définitivement l’exclu caron le considère comme menaçant l’intégrité du groupe, d’autant qu’il estassez fréquent que ces enfants, peu portés par leurs parents, eux-mêmessouvent dans une précarité sociale et/ou psychique, donnent un bonprétexte pour mettre fin au suivi, celui des absentéismes, des retards répé-tés, la réalité venant alors cautionner la dimension transférentielle. Ilfaudra faire preuve de constance pour que l’enfant puisse faire l’épreuvenécessaire de la permanence de l’objet, et surtout de la permanence dulien. Nous y reviendrons par la suite.

Nous articulerons la notion de précarité psychique avec celle du bouc émis-saire, qui la contient dans un jeu d’emboîtements. en effet, la personne prisedans une précarité psychique est plus assignée à cette place du fait de safragilité du lien à l’autre et à lui-même. L’illustration du sujet dans uneprécarité psychique constitue alors le paradigme du bouc émissaire.

DÉFINITION DU BOUC ÉMISSAIRE

Le terme de bouc émissaire est une référence à la cérémonie juive de l’ex-piation au cours de laquelle un bouc est symboliquement chargé de toutesles fautes et de tous les malheurs, puis chassé, exclu de la cité dans ledésert vers azazael (un démon dont le nom signifie dieu-bouc) afin dedétourner la malédiction divine. L’expression « bouc émissaire » apparaîtdans la langue française à la fin du xVIIe siècle.

dans le langage courant, on parle peu du concept de bouc émissaire, maisplutôt de souffre-douleur, de « tête de turc » du groupe, de « maillonfaible », d’exclu. de plus, en parcourant la littérature sur la dynamique degroupe, il est frappant de constater que très peu d’écrits traitent de cephénomène. Il est en général juste perçu de manière réductrice commedéplacement du transfert négatif du thérapeute sur un autre membre dugroupe. pour autant, il est essentiel de saisir son rôle dans le fonctionne-ment des groupes. Le bouc émissaire se situe en effet dans une positionintermédiaire entre l’individuel et le groupal, du fait de sa position spéci-fique, singulière. Nous verrons en quoi le bouc émissaire parle aussi de ladynamique de groupe.

en général, la mise en groupe génère un mouvement d’indifférenciation, deperte de repères, avec un certain nombre d’angoisses archaïques dans uneperte identitaire, où apparaîtra souvent un mouvement persécutoire.Chaque sujet se sent alors noyé dans la masse. L’ensemble des membres,et pas seulement l’exclu, fait alors l’expérience de la précarité du groupe,alors sans repères, réactivant même un flou des limites entre dedans/dehors. afin de sortir de ce chaos anxiogène, le groupe a recours à desmécanismes de défense : projection, clivage et identification projective.

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progressivement, va apparaître la figure du bouc émissaire en diminuantaussi les tensions internes difficilement supportables. Le sujet pris danscette précarité va venir porter tout le négatif du groupe et ainsi devenirbouc émissaire. de cette façon, il permet de de lutter, tout comme le leader,contre les angoisses archaïques de la perte identitaire. du moment que legroupe met au travail ce processus, que le thérapeute verbalise et trans-forme ce qui se joue, celui qui porte cette fonction de bouc émissaire vatourner. alors, ce ne sont pas les plus précaires qui resteront exclus puis-qu’ils vont justement venir figurer un mouvement groupal. L’exclu devientinclus et réciproquement. Chacun est exclu à tour de rôle, ce qui estd’ailleurs aussi figuré à travers des jeux (être mis en prison, renvoyé del’école ou encore mis à la porte par les parents). Chacun expérimente lesdifférentes positions par un jeu d’identification. Le bouc émissaire pourradonc lui aussi jouer à exclure l’autre, dans un retournement et une figura-tion symboligène de la situation. au fil du groupe, le thérapeute se retrouvesouvent naturellement bouc émissaire, notamment pour les groupes d’en-fants du fait de sa différence générationnelle par rapport aux autres. Il peutêtre actif dans cette place, canalisant tous les mécontentements, commedans la saga Malaussène de d. pennac. Le sujet précaire, d’habitude exclu,fait l’expérience que ce n’est pas forcément lui qui est en marge. pour allerplus loin, la marge se déplace et devient une limite structurante. Le théra-peute est alors pris, de manière contre-transférentielle, dans une positiondépressive : « Je suis nul ! » ensuite, apparaît la position dépressive portéepar l’ensemble du groupe où le clivage bon/mauvais disparaît. On s’aper-çoit qu’on aurait pu détruire les bons objets en attaquant le bouc émissaire.en effet, la question de l’appropriation de l’objet passe par son attaque. Àtravers un mouvement de liaison, on peut percevoir un mouvement de répa-ration, où le bouc émissaire est réintroduit dans le groupe comme bon. Cecipermet au groupe d’aller mieux. Les mécanismes de symbolisation peuventalors se déployer. La projection du mauvais objet se fait sur l’extérieur,externalisant ainsi le conflit.

Ces différentes phases constituent un processus que nous déclinerons.pour ce faire, nous illustrerons nos propos, à partir de différentes vignettescliniques au fil du texte.

L’ÉMERGENCE DU BOUC ÉMISSAIRE

Marjorie Sanchez anime un groupe thérapeutique fermé à durée détermi-née utilisant l’argile comme médiation. Ce groupe, qui se déroule dans unCMpp, est composé de cinq enfants à l’âge de la latence. depuis le début,dans la dynamique de ce groupe, il est question de trouver des limites, unecontenance, des repères, ce qui sera à maintes reprises évoqué verbale-ment et joué à travers la tentative de production de volcans (dont ils testentla contenance et la perméabilité en les remplissant d’eau), mais aussi dansdes jeux avec les parois. Toutefois, en général, ils peinent à réussir à figu-rer ce qu’ils veulent réaliser. Le mouvement d’indifférenciation et les

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angoisses de perte identitaire apparaissent régulièrement et sont portés parla thérapeute qui confond souvent le prénom des enfants, ce que cesderniers ne manquent pas de souligner. Les dernières séances ont été trèsagitées, l’excitation débordant le groupe, l’argile devient missile à proje-ter contre les murs. de plus, un jeune, antoine, mobilise en général beau-coup le groupe du fait de ses troubles. Il est pris dans une problématiquede précarité psychique et son manque d’accordage des liens le met à maldans son rapport aux autres. À l’école, il est très régulièrement puni et sesparents sont découragés par ses agissements et par son importante jalou-sie vis-à-vis de sa sœur. Il apparaît qu’il a du mal à trouver sa place au seinde sa famille et qu’il sollicite très souvent ses parents, y compris la nuit.antoine a souvent recours à des défenses maniaques, en écho à l’angoisseprésente dans le groupe. Certains se plaignent de lui et il commence à êtrenommé comme le responsable du vécu d’échec du travail de groupe. À ladixième séance, antoine est absent, le groupe est pour la première foiscalme, plus apaisé. Il est alors possible de modeler l’argile, de la transfor-mer. Se fait sentir un vrai plaisir de l’échange, mais aussi d’arriver àproduire les contenants. en fin de séance, un jeune conclut le groupe :« Quand antoine n’est pas là, on est moins fou, c’est plus calme », ce quisera confirmé par les autres membres du groupe.

La figure du bouc émissaire apparaît comme nous l’avons vu suite au vécud’indifférenciation, de perte identitaire dû à la mise en groupe. Ici, legroupe est à ses débuts, les limites entre intérieur et extérieur sont encorefloues, en écho aux angoisses archaïques et à la régression de la mise engroupe. Cela se retrouve à travers la recherche de contenants, aussi bienavec le cadre que leurs tentatives de figuration. pour lutter contre cetteprécarité groupale anxiogène, il y a nécessité de faire apparaître un objetà attaquer afin d’évacuer cette tension insécurisante. Cela se joue toutd’abord sur le cadre, avec la projection de l’argile sur les murs. par lasuite, l’attaque vient se cristalliser sur antoine. Nous renvoyons à l’hypo-thèse de Wilfried Bion (1965) avec les trois types de fonctionnement dugroupe contre l’angoisse, notamment celui de l’attaque-fuite. Selon cettethéorie, le groupe se fonde sur le principe de l’existence d’un ennemicontre lequel il faudrait se défendre ou fuir, ici antoine, qui représente ladésorganisation, du fait de la précarité des liens qu’il instaure. La questiondu mauvais objet persécuteur est projetée à l’intérieur et ce dernier est plusfacilement nommé lors de son absence. Il permet de projeter tous lesmauvais objets sur lui, en gardant pour soi les bons objets aconflictuels.dans ce cas de figure, le mauvais objet est à l’intérieur, mais il est nomméalors qu’il est temporairement à l’extérieur. après un premier mouvementd’indifférenciation, on a alors affaire à un clivage entre le bon objet et lemauvais objet. Ce clivage a un rôle important, puisqu’il permet de sortirde l’indifférenciation. de plus, cela génère un apaisement du groupe, quipréserve ainsi son unité, vécu comme bon, le conflit étant cristallisé autourdu bouc émissaire. dans cette illustration, l’apaisement du groupe est

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d’emblée visible au prix d’un des membres du groupe qui est en positionde dépositaire des mauvais objets, tenu comme responsable aussi des figu-rations qui échouent. ainsi se déploie l’hypothèse de didier anzieu(1999) selon laquelle : « pour que le groupe puisse trouver le bon seinintrojecté, il faut trouver le mauvais sein sur lequel projeter ». Nous enretrouvons une autre illustration dans le roman sa Majesté des mouches deW. Golding (1954) : « piggy servait de bouc émissaire et son ridiculepermettait à la communauté de retrouver son équilibre et sa gaieté. »didier anzieu (1999) précise que le clivage du transfert, autrement ditl’émergence du bouc émissaire, est la première condition de l’illusiongroupale. d’une manière générale, celui qui endosse cette fonction sedémarque des autres, comme pour antoine. Il s’agit le plus souvent, maispas systématiquement, de celui qui dysfonctionne le plus, le plus fragileou malade. Les plus exclus, les plus différents, les plus en marge serontplus facilement l’objet de cette projection. Quoi qu’il en soit, le boucémissaire est considéré par le groupe comme étant un sujet différent,défaillant. Les attaques vont passer par une critique sur le style vestimen-taire, une manière de parler ou encore une attitude, une réponse jugée nonadaptée. L’exclu devient le lieu de dépôt des failles et blessures des autresmembres du groupe, lequel se déchargeant de ces questions sur un modeprojectif, afin de préserver son unité en écho au « fantasme de casse ».

L’EXCLU : UN ENTRE-DEUX

Cinq séances plus tard, dans ce même groupe argile, un autre enfant,Mathieu, est absent. Il présente également une problématique de précaritépsychique. Il se retrouve souvent pris dans des histoires à l’école. Ses liensavec ses pairs s’inscrivent dans une importante discontinuité, sur unregistre parfois explosif. en effet, il est souvent débordé par son excitationet sa violence, pouvant même frapper ses amis. Supportant mal les limiteset la frustration, l’accordage avec les adultes est aussi très compliqué.Cette précarité des liens est renforcée depuis la séparation des parents. Cedernier point avait amené la mère à consulter le CMpp. au sein du groupe,il n’a jusqu’à maintenant jamais été désigné comme bouc émissaire.Chacun avait été informé de son absence puisqu’elle avait été prévue etnommée lors de la séance précédente, du fait d’un voyage scolaire. Cetteséance est la dernière avant une interruption de trois semaines, à cause desvacances scolaires, ce que la thérapeute a rappelé au début. en écho à cetteinterruption à venir, les enfants associent avec l’absence de Mathieu. Ils semettent debout face à la fenêtre donnant sur la rue et imaginent ce qui apu lui advenir. Un enfant suggère qu’il doit être malade, un second qu’il adû avoir un accident, probablement sur le trajet. Ils imaginent alors dessoldats armés sur la colline d’en face qui viseraient la salle de groupe etse demandent si Mathieu n’a pas déjà l’objet d’une de leurs attaques. Cen’est qu’à la séance d’après, au retour des vacances, qu’il sera plusmalmené par les autres, faisant l’objet de projections.

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L’absent (ou encore l’absence pourrait-on dire) vient marquer la limitededans/dehors. On note également que le mauvais est projeté non sur undes membres du groupe comme à l’accoutumée, mais ici à l’extérieur.Leur préoccupation pour Mathieu est un retournement puis un déplace-ment de l’agressivité à son égard, en écho à sa propre agressivité. du faitde son exclusion, le bouc émissaire se situe donc dans l’entre-deux, entrele dedans et le dehors, dans une position intermédiaire. Il constitue unepremière enveloppe du groupe. Il apparaît quand le groupe se sent menacéde désorganisation (mise en place du groupe, arrivée d’un nouveau ouencore interruption des vacances comme ici…). Cette menace de désor-ganisation, de déliaison groupale est dans ce cas accentuée par l’absencede Mathieu. À noter que le sujet dans une précarité psychique n’a pas l’ex-clusivité de l’exclusion et que tout absent peut également endosser le rôledu bouc émissaire, le manque étant vécu comme mauvais par le groupe.Le bouc émissaire figure l’entre-deux intérieur/extérieur, venant ainsiparadoxalement à la fois le marquer et le gommer. Le sujet exclu vientmarquer l’enveloppe, l’unité du groupe, du fait du contre-investissementdes autres membres sur lui, constituant ainsi les prémisses, les premierscontours du groupe. Ce phénomène se voit de manière plus ou moinsbruyante en fonction de la dynamique du groupe. plus le rejet est partagépar l’ensemble des membres du groupe, plus on passe à l’exclusion.

QUAND L’INTRUS DEVIENT EXCLU : UN OBJET À METTRE À LA PORTE

damien aupetit anime un groupe fermé en monothérapie (c’est-à-direqu’il n’y a qu’un seul thérapeute) auprès de six préadolescents au sein dumême CMpp. au niveau du cadre-dispositif, bien que la parole soit privi-légiée sur le mode de l’association libre, il y a le recours possible au jeuainsi qu’au dessin, dans une continuité. Il règne entre eux une bonneambiance, parfois de l’excitation teintée de déliaison, avec des jeux quidébordent dans des moments régressifs. C’est un groupe dynamique oùcela fuse, même si un ou deux restent plus en retrait. dans les premièresséances, les enfants vont évoquer l’idée de passer par la fenêtre leschaises, puis ils vont s’amuser à sortir très brièvement de la pièce, laissantle thérapeute dans des moments de solitude. progressivement, une jeuneprésentant une déficience et ayant moins de répartie que le reste du groupeest l’objet de quelques moqueries sur son physique (elle est un peu enro-bée), mais aussi sur son langage « bébé ». Cette préadolescente, que l’onprénommera Causette, est en CLIS. N’ayant aucun ami, délaissée, elle seréfugie dans son monde imaginaire avec sa peluche. des enfants lui disentde partir de ce groupe, qu’elle n’a rien à faire ici. Un jeune joue même àla mettre à la porte, la poussant, aidé par un autre. Les rares fois où elleprend la parole, les garçons lui demandent de se taire. Quelques séancesplus tard dans des jeux son enfermement est figuré par une prison où elleest détenue car elle aurait été contaminée, suite à une morsure par unzombi.

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Le sujet pris dans une précarité psychique est souvent vécu comme unintrus, qu’on voudrait exclure car n’appartenant pas au groupe. Cette partd’insupportable peut expliquer et déclencher ce rejet. Ici, c’est le handicapde Causette, son retard et sa difficulté d’accordage qui mobilisent ce rejet.ainsi dans l’adaptation cinématographique par Christophe Barratier de Laguerre des boutons (2011). Il est dit à un enfant rejeté du groupe : « Jepropose qu’on le mette en quarantaine. » Cette quarantaine est une figu-ration de l’enfermement : être exclu à l’extérieur du groupe, afin de ne passe faire contaminer par le mauvais déposé en lui. Cet exemple cinémato-graphique reprend bien ce moment de la séance où le groupe figure l’ex-clusion, mais au sein même du groupe à travers l’espace de jeu, avec laprison, thème qui reviendra sur plusieurs séances. d’ailleurs, avec leszombis, on retrouve la problématique de la contamination qui pourraitaltérer la bonne santé mentale du groupe et la stratégie d’isoler pourpréserver. ainsi, le déplacement avec le jeu autorise plus facilement lesattaques, puisque ce n’est « que » du jeu. Le jeu de mettre Causette à laporte va bien dans ce sens. Cela peut se jouer aussi avec le thérapeute, quel’on veut mettre dehors, qu’on rejette, en faisant comme s’il n’était pas là.

pour mieux comprendre le sens de ce mouvement de rejet, d’externalisa-tion, revenons sur les débuts de groupe. Cela a commencé par cette miseà la porte du mobilier qui est apparue, mais pas agie, l’idée et la verbali-sation étant alors suffisantes. La question du mauvais objet passe effecti-vement par le concret, probablement parce que le thérapeute est identifiéau cadre. puis en sortant, les enfants excluent le thérapeute dans un retour-nement, le laissant alors seul. Il est fréquent que les enfants associentfantasmatiquement que le groupe serait tellement mieux sans thérapeute(et nous sans eux, dans une reprise contre-transférentielle, encore plusvolontiers lorsqu’on est deux thérapeutes). Il y a un risque de fuite,comme si l’enveloppe était mal mise en place, ce qui est le cas dans cedébut de groupe, ce n’est pas encore suffisamment consolidé. dans cegroupe thérapeutique, après avoir mis de côté le thérapeute puis rejetéCausette, les membres se soudent enfin et le mauvais est projeté à l’exté-rieur. Les jeunes imaginent que des zombis entourent la pièce, cetteimpression est renforcée par le changement d’heure d’hiver, l’obscuritéenvironnante se prête aux projections les plus sombres. Le temps de l’illu-sion groupale permet alors d’assurer une contenance, dans un clivage oùle mauvais objet est projeté à l’extérieur.

Nous pouvons ici mettre en lumière le processus en jeu dans le groupe. Toutd’abord, les membres du groupe gardent en eux ce qui est vécu comme bonet projettent sur le sujet en situation de précarité psychique, alors bouc émis-saire, ce qui est mauvais. Il occupe ainsi la place de celui dont personne neveut. Il est alors mis de côté, comme s’il n’était pas un semblable, un desleurs, dans un refus d’une possible identification (à sa souffrance, à sa diffé-rence…). après cela, ils peuvent ensuite reconnaître chez lui une part quileur appartient aussi. dans ce cas-là, on a affaire à une identification projec-

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tive aboutie, permettant de se réapproprier ce qui avait été initialementprojeté. La particularité de ce processus groupal est d’inclure le bouc émis-saire comme membre, en même temps que les projections qui lui étaientassociées. Le sujet dans la précarité psychique fera alors l’expérience de neplus être en marge, ce qui arrivera progressivement pour Causette dans legroupe, comme nous allons le voir, puis à son école.

LA FONCTION DU BOUC ÉMISSAIRE

dans ce groupe, le thérapeute viendra détourner les attaques du groupe surlui à quelques reprises. S’ensuivra une exclusion du thérapeute par lesjeunes qui feront comme s’il n’était pas là, ses paroles seront annulées :« Il est dingue, ce psy, il dit n’importe quoi, il se croit sur la Lune », auprofit de la réintégration de la jeune. Cette mise à l’écart, il faut l’avouer,déprimera quelque peu le thérapeute qui se sentira alors bien inutile,même mauvais, ses tentatives de verbalisation et d’interprétation neprenant pas sur le moment. puis, progressivement, à l’aide de la supervi-sion qui l’aidera à supporter ce passage et à élaborer tout cela, il se servirade son statut pour faire avancer le groupe. par la suite, le groupe le réin-tégrera et le fera participer aux jeux, en étant contre eux puis avec eux.

Comment penser, théoriser ce passage par Causette puis par le thérapeutecomme bouc émissaire ? Quelle fonction en dégager ? au-delà d’un objetde projection, de rejet pour les autres jeunes, nous pouvons nous interro-ger sur la fonction que revêt le bouc émissaire pour le groupe. en grecancien, pharmakos signifie bouc émissaire, poison et remède. L’enfantdans une précarité psychique, alors bouc émissaire, revêt une double fonc-tion : il active les blessures narcissiques du groupe et en est égalementl’antidote. Les paroles de la jeune puis du thérapeute ne pouvaient êtreaccueillies positivement sur le moment, mais étaient bien nécessaires pourle groupe. en effet, accueillir tous ces éléments négatifs permet aussi d’enêtre le traducteur et de pouvoir progressivement les traiter, passant ainside l’exclusion à l’inclusion. Ce processus opère au niveau groupal, au sensinterrelationnel, mais aussi au sens intrapsychique, dans une introjectionprogressive. avec cette part négative déposée, le conflit peut alors émer-ger sous une forme métaphorisée : le jeu de mettre la jeune en prison puisde me faire jouer un zombi quelques séances après, zombi qu’ils guérirontet qui retrouvera sa forme humaine grâce à un vaccin miracle.

pour favoriser cette fonction, le psychothérapeute, de par sa fonction inter-prétante, déplace sur lui ce phénomène groupal, comme pour accueillir cequi était initialement destiné à Causette. Jean-Bernard Chapelier (1999)nous rappelle que la distance que le thérapeute endosse avec le groupe (etavec l’enfant en situation d’exclusion, pourrions-nous rajouter) joue ungrand rôle à ce sujet. en effet, s’il refuse de devenir mauvais objet, il parti-cipe alors à la cristallisation des projections sur le bouc émissaire. Il esttoujours tentant, de notre place de thérapeute, de contribuer à la désignation

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d’un enfant, « le sale gosse » qui nous énerve comme bouc émissaire. ainsi,contre-transférentiellement, le thérapeute est pris dans le même mouvementde vouloir exclure la jeune. L’élaboration de ces mouvements transférentielsnous amène au contraire à reprendre pour soi l’agressivité adressée par legroupe. Cependant, si le thérapeute tente de protéger le bouc émissaire, celane fait que renforcer son statut, de même que donner une interprétation tropindividuelle. en tolérant être objet d’attaque, de projection, nous ouvrons lapossibilité pour le groupe d’élaborer la question de la différenciation (desrôles, des générations…).

Les jeunes peuvent attaquer le thérapeute dans le jeu sans qu’il s’agissed’une réelle attaque, comme avec le psy-zombi. Il est nécessaire que legroupe dépasse cette phase du bouc émissaire lui permettant de travaillerun autre niveau de différenciation, typique des groupes : celle entre lededans et le dehors. Haydée popper-Gurassa (2002) va dans ce sens : « Lesystème du bouc émissaire a donc servi à mettre en place deux niveaux dedifférenciation : d’abord le clivage interne au groupe entre l’agressivitépassive et l’agressivité active, ensuite au niveau externe, la séparationentre le dedans et le dehors du groupe. » Si le groupe traverse cela, lalimite entre dedans et dehors peut alors être instaurée, avec un déplace-ment du clivage interne au groupe puis par rapport à l’extérieur.

Une fois que cette limite a été établie, du fait de l’émergence du statut dumauvais objet, le groupe peut, dans ces conditions, passer à la phasesuivante. pour cela, il est beaucoup plus opérant que ce soit le thérapeutequi soit le bouc émissaire, comme dans la clinique évoquée. ainsi, aprèsavoir été le réceptacle des mauvais objets du reste du groupe, adressés àlui par identification projective, le thérapeute peut tenter de les mettre autravail, en activant sa fonction transformatrice. pour ce faire, il doit accep-ter de se déprimer, de recevoir ces attaques et ne pas s’en défendre. Il luifaut alors identifier ce mouvement contre-transférentiel inhérent à chaquegroupe pour qu’il sorte progressivement de cet état, cela a été favorisé icipar la supervision, le thérapeute n’étant plus seul. Ce travail est importantpour que le processus continue à se déployer et de pouvoir élaborer cela.À ce sujet, pour didier drieu et Christel persehaye (2005), « l’illusiongroupale peut se transformer à condition que nous assumions la fonctionde bouc émissaire, ce qui nous confronte à notre position dépressive etsurtout à tous les mécanismes que nous avions pu mettre en œuvre pourtenter de la surmonter ». Le thérapeute a un rôle essentiel quant à lareprise des affects négatifs car il en permet progressivement la mise ensens, à travers des mots et jeux. dans le cas contraire, cela peut devenir unmécanisme de répétition destructeur.

pour nous, la question de la fonction du bouc émissaire se situe donc àdeux niveaux qui se succèdent :

– dans la capacité intrinsèque de la position de l’exclu à favoriser leprocessus groupal, passant d’un état à un autre, instaurant une limitefondatrice du groupe ;

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– dans la capacité du bouc émissaire et du thérapeute, confondus dans

l’idéal, de mettre au travail les éléments projetés, afin de restituer au

groupe des éléments plus élaborés.

CONCLUSION

Le sujet pris dans une précarité psychique peut trouver un étayage dans un

groupe thérapeutique pour trouver des assises internes plus solides et réap-

prendre à nouer des liens de meilleure qualité, passant de l’exclusion à

l’inclusion.

Avec lui et à travers la position de bouc émissaire que le sujet précaire

occupe souvent dans le groupe, celui-ci élabore une limite fondatrice et

transformatrice du groupe. Ce processus bénéficie au sujet précaire qui

fait l’expérience d’une réversibilité du mouvement d’exclusion. Cela

constitue une assise pour ne plus s’exclure/être exclu de sa propre subjec-

tivité et, dans un jeu d’emboîtements, de ne plus être l’objet du groupe,

pour enfin advenir sujet, dans une introjection, où il serait alors inclus.

Si, dans nos propos, nous avons souhaité mettre l’accent sur le fait que la

fonction transformatrice est particulièrement portée par le bouc émissaire,

cette fonction est également portée par l’ensemble du groupe.

BIBLIOGRAPHIE

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Mots-clés :Bouc émissaire,groupe thérapeutique,exclu, précaritépsychique, intrus.

RÉSUMÉ

Le sujet en souffrance dans une précarité psychique où le lien est fragilisé,attaqué, voire carencé, peut se retrouver exclu, en marge. dans la cliniquedes enfants et des adolescents que nous recevons, cette question de l’ex-clusion se donne à voir notamment au sein de l’école. Nous exploreronsalors la dynamique du groupe thérapeutique qui peut permettre à l’exclu deretisser des modalités de liens différents, en quittant progressivement lafigure du bouc émissaire pour être inclus au sein du groupe et, par exten-sion, moins en marge des autres groupes.

Key words :scapegoat,therapeutic group,excluded subject,psychicprecariousness,intruder.

SUMMARY

From psychic precarity to the scapegoat: the therapeutic groupsubjects suffering in psychic precarity where links are fragile, under attackor even missing, can find themselves excluded, on the fringes of society. Inour child and adolescent clinics this question of exclusion shows up espe-cially at school. We shall study the dynamics of the therapeutic groupwhich can enable the excluded subject to recreate the modalities of diffe-rent links, progressively abandoning the scapegoat figure to be includedwithin the group and, by extension, less on the fringe of other groups.

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