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RECHERCHES SUR L'HOSPITALITÉ DE N.-D. D'ARDÉNE ET SES JUSPATRONS I Fondation de I'Hospitalilé d'e/trdènc. Le moyen-age, - qui fut si généreux envers I'Eglisc, a couvert le sol de la France d'abbaye, de prieurés, hôpitaux et commanderies de toutes sortes. De ces maisons religieuses, les unes riches et puissantes ont dans l'histoire de glorieux sou- venirs, les autres sont bien plus humbles , bien plus modestes, et souvent leur nom à peine est arrivé jusqu'à nous. Maissi''çequc fussent . <i\ I: 4' r- Document - - - J 1111111! III 010111 JIlIft L 0000005607549 J

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RECHERCHESSUR

L'HOSPITALITÉ

DE

N.-D. D'ARDÉNEET SES JUSPATRONS

I

Fondation de I'Hospitalilé d'e/trdènc.

Le moyen-age, - qui fut si généreux enversI'Eglisc, a couvert le sol de la France d'abbaye,de prieurés, hôpitaux et commanderies de toutessortes. De ces maisons religieuses, les unes richeset puissantes ont dans l'histoire de glorieux sou-

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venirs, les autres sont bien plus humbles , bienplus modestes, et souvent leur nom à peine estarrivé jusqu'à nous. Maissi''çequc fussent

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beaucoup de ces bénéfices, cependant les moin-dres d'entre eux avaient autrefois une certaineimportance , et leur histoire , avec celle des sei-gneurs et de la commune) complète toute étudelocale sur les villages et les bourgs de nos cam-pagnes. En Provence, ces fondations pieusesfurent surtout multipliées loin des grandes villessur les bords de la Durance, et dans les hautesterres du comté de Forcalquier, peut-être pù'ce-que là était puissamment établie une noblessegénéreuse, tandis que plus bas se constituaientde grandes communes dont l'instinct était d'ac-quérir et non de donner. Dans la partie du dépar-tement des Basses-Alpes qui formait autrefois lediocèse de Sisteron, on retrouve à chaque pas surle sol les ruines nombreuses de vieux monastèresdétruits. Ce sont d'abord les abbayes de Lurede Crois et de Vols,' puis le prieuré de Garage-bic,' dépendance de Cluny, et en dessous de cesgrandes maisons une immense quantité- de petitsbénéfices répandus dans les villes et au milieu descampagnes. Sans quitter le grand chemin qui futautrefois un des embranchements, dei la voieAurelienne, entre Céreste et .N.-D. des Angesdeux anciennes stations romaines (i), nous ren-

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controns Carluc et St-Paul, prieurés de Mont-majour; St-Mître, St-Maurice, Fuzilis, apparte-nant à St-Victor de Marseille; N.-D. de Salagon,à St-André de Villeneuve; N.-D. du Largue,St-Siméon, St-Babylas, St-Sauveur et une infi-nité d'autres. Toutes ces diverses fondationsavaient été faites en faveur du chapitre de Forcal'quier, ou de quelque monastère puissant, etrestèrent à la nomination de l'évêque de Sisteronou des abbayes auxquelles elles appartenaient.Une seule parmi elles était à peu près indépen-dante du pouvoir ecclésiastique, et ne relevait quede ses fondateurs ; c'était l'Hospitalité de Notre—Dame d'Ardène, située dans la paroisse de StMiche!, à peu de distance de Forcalquier. Lesdonateurs en avaient , gardé le patronage, ets'étaient réservé la nomination du titulaire ; parsuite Ardène demeura entre leurs mains commeune nue propriété , et ils restèrent toujours lesmaîtres, dans ce petit bénéfice dont le sort fut inti-mément uni au leur. L'histoire d'Ardène doit àcet élément laïque un intérêt de plus; elle se con-fond avec Phistoire des fondateurs ; et il devientpossible de !la idcQnstituçr,' à l'aide de vieuxpapiers de famille et de tous les actes qui concer-nent le juspatrô Sonindéfendance est cause,il est vrai, de la perte de bien des documents qui

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eussent été transcrits dans les cartulaires métro-politains; hais, par contre, de nombreux frag-ments de sa chronique ont été conservés épars çàet là dans les archives des notaires voisins.

Ces annales ont été recueillies avec soin ; ellesn'auraient pas pour tous un intérêt bien grandmais elles seront reçues avec plaisir pâr ceux quiconnaissent l'antique Hospitalité et quiaimlent lesvieux souvenirs.

L'an i zog et au mois de Mai, Noble GuillaumeChabaud, du lieu de St-Michel, donna à Dieu,à la bienheureuse Marie et à Pierre Chauderie lelieu et le soi où devait être construit l'hôpital d'Ar-dène. Cette fondation nous est connue non parl'acte même de donation, mais par un acte dereconnaissance passé en 1239, et par un actebeaucoup plus récent puisqu'il porte la datede 1686.

Lisons d'abord la vieille charte de 1259; nousla complèterons par les détails que nous fournis-sent les titres postérieurs.

Honnira si nt isti carte pic-(i) Que cette charte soit

sentia Christi. Anno incar-sous les auspices tic la prd-

nationis tnillesinio CCLIX',sence du Christ. L'an du son

mense madie, die IX. Notumincarnation 1259 et le ncu-

sit omnibus Iegcntibus et au- -

dicntil,us istam cartam, quod(i) Tradlsction de M. 'Da-

Ray mundus Chauderia. hos-puise A j-baud.

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-9-pitalarius et preceptor dormishospitalis pauperm de Ar-den na, de connu uni voluntateet consensu fratrurn et sera-tain hospitalis scilicetfratris Raymundi Fulconis,fratris Raymundi Bertrandi,et Berengarii , hospitaleriilaospitalis pauperum de Ma-nuascà , et Flandine. uxoris -Raymundi Fulconis predicti,et Gaie, et Marie Maureile,et Mateldis, et omnes predictifratr6s nommé sac, et Rai-mardi de Auribello, et PetriGuigonis et Alaisie et Matel-dis, fratrum absentium supradicti hospitalis confcssi tue-tant sua spontanea voltintateet ex certa scientia publice re-cognoverunt Bertrando Ray-mardi et Fulconi, fratribuspresentibus, et recipientibusnomme sou et Peireti, fratrisipsorum, dominum Guillel-mum Chabaudum. de SanctoMichaele, quondam donasseDeo, et beate Marie et PettoChauderie patri quundatnipsius Rayrnundi Chauderiesolum et Incum obi dictumhospitale et ecclesia et damasipsius hospitalis constructesont. Et ipsam ecclesiam etipsum hospitale dotasse depossessionihus infrascriptis

• vidme jour de mai, soit no-toire à tous ceux qui lirontou entendront cet écrit queRaymond Chauderie, hospi-talier et commandeur de l'hô-pital des pauvres d'Ardenne,avec l'assentiment et k con-sentement des frères et dessoeurs du dit hôpital, savoirfrère Fulcon de Raymond,frère Bertrand de Raymond,et Béranger, hospitalier del'hôpital des pauvres de Ma-nosque, et Flandine; femmedu susdit Falcon de Ray

-mond, et Gaie, et Marie Mau-relie, et Mathilde, et tous lessusdits frères, tant en leurnom qu'au nom de Raymondd'Auribeau, de Pierre Gui-gon, d'Alaisie et de Mathilde,frères absents du susdit hôpi-tal, de leur volonté spontanéeont fait l'aveu, et de sciencecertaine ont reconnu publi-quement à Bertrand de Ray-mond et à Falcon, frères,présents, et recevant en leurnom et au nom de Peiret,leur frère absent, que le sei-gneur Guillaume Chabaudde Saint-Michel, avait donnéà Dieu, à la bienheureuseMarie et à feu Pierre Chaude-rie, père du dit RaymondChauderie, le sol et l'empla-cement sur lequel le dit hôpi-ta] et l'église et la maison del'hôpital ont été construits, et

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scilicet de terra predicte do-[nui corrigea et camino pu-blico,et defenso predicti Ber-trandi Raymuudi et fratrumsuorum, et etiani confronta-tur coin crave quant tenetipsa dorons pro GuillelinoAudiberti et durat osque adtoronnum et confrontaturcum vinca dicte dornus adedificandum et faciendum ibiunum hospitale et ecclesiamlibere et sine omni servitute.Item quamdam terraindicitur pradals juxta rivum deLanegues et juxta terrant Ber-trandi Raymundi et fratrumsuorum et juxta terrntn Lie-mentis. Retento tamen uns-patronna in predicto hos-pitali et ecclesia. Et retentoquod preceptor nutatur etfiat cuti colisensu et volun-tate ipsius domini GuillelmiChabaudi scilicet quel tousflattes ipsius hospitalis coinpatrono eligant preceptoremet elertum representent do-mino Sistaricensi episcopo.Et ipsum etiam RaymundumChaudeniam post dictera pa-0cm ejus sub hac forma inpreceptorem fuisse etectum,et suorum heredum in per-petuom. Item quod de con-sensu patruni, si bonus ruent

avait doté l'église et l'hôpitaldes possessions suivantes,savoir: la terre contigue à lasusdite raison, au cheminpublic et au défens du sus-dit Bertrand de Raymond etde ses frères, et confrontantaussi avec la cran que la ditemaison tient pourGuillaumed'Audihert, et s'étend jus-qu'au côteau, et confronteavec la vigne de la dite mai-son, pour y construire unhôpital et une église libresde toutes servitudes item uneterre appeléePradals,joignantla rivière do Largue, ta terrede Bertrand de Raymond etde ses frères, et la terre deClement; se réservant toute-fois le juspatronal sur le dithôpital et église ; se réservantaussi que le commandeur serachangé et nommé avec le con-sentement et ],a du ditseigneur Gu illau me C habaud,c'est-à-dire que trois frèresdu dit hôpital, de concert avecle patron, choisiront le con-mandeur, et le feront agréerpar l'évéque de Sisteron; etque le dit Raymond .Chau-denie, après son père, fut élucommandeur sous cette for-me, et qu'il en sera ainsi deses successeurs à l'avenir.item que les frères seront re-çus, dans le dit hôpital; duconsentement du patron, si

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dictt,s patronus, predicto hos-pitali fratres reipiantur. Itemquod de genere dicti patroni,sire masculus fuerit sive mu-lier, scil icet frater, soror, fi-lias vel fflia de donio ipsiuspatroni s triginta nom s su-pra possint habere panent etaquamindictohospitali, habi-tum recipiant vel non. Quantrecognitionern receruntet con-fessioneni dictus preceptor etfratres predicti predicto Ber-trando Raymundi et Fulconifratribus pro se et successori-bus suis ut supra Tonquamnepotibus et heredibus dictiquondam domini GuillelmiChabaudi avi eorum. Et cosidem jus habere patronatusin prcdicto hospitali et eccle-sia quod habebat predictusdominusGjiillelnius Chabau-dus crus quondam ipsorum.Qui etiam predictus Bertran-dus Raymundi et Fulco pro seet dicto fratre suo et suis inperpetuurn promiserunt pre-dicta preceptori et dictis foi-tribus predicti hospitalis etsuis successoribus dictumhospitale cuirs pertinenciissuis et bona et jura ipsiushospitalis et personnas fra-trum et sororum et famillepsius hospitalis defendere et

cela lui convient, item queles personnes de la familledu dit patron, homme oùfemme, c'est-à-dire le frèreou la soeur, le fils ou la fille,de 3o ans et au-dessus, puis-sent avoir le pain et l'eaudans Je dit hôpital, qu'ils re-çoivent ou non l'habit. Le ditcommandeur et les frères ontfait le dit aveu et reconnais-sance aux dits Bertrand deRaymond et Fulcnn, frères,pour eux et leurs successeurs,comme petits-fils et héritiersdu dit feu seigneur GuillaumeChabaud, leur aïeul; et leuront reconnu le Inénie juspa-tronot sur le dit hôpital etéglise, comme le possédait lesusdit seigneur GuillaumeChabaud, leur aieul, de sonvivant. Et les dits Bertrandde Raymond et Fulcon, poureux et pour leur dit frère, etlés leurs à l'avenir, ont pro-mis au susdit commandeur,et aux frères du susdit hôpi-tal, et à leurs successeurs degarder et défendre de toutleur pouvoir le dit hôpital,avec ses dépendances, sesbiens et ses droits, les per-sonnes des frères, des soeurset des domestiques dudit hô-pital ; de rechercher et faire,de tout leur pouvoir, tout cequi lui sera utile, et d'éviterce qui lui serait nuisible. Et

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salvare pro - viribus suis ettitilla ipsius perquirere ettractait pro viribus suis etinutilin evitare Et hec spontead sancta Dei evangelia cor-poraliter juraverunt predictiflcrtrandusRayrnundi etFul-co nomme quo supra. Pro-mitentes predicri preceptor etfratres solemnileret bona fiéepredictis Bertrando Raymun-di et Fulconi fratribus contrapredictam recognitioneni etconfessionem per se vel aliampersonam nulle tempore ve-nire. Renunciantes juris etfacti ignorancie. Etomni juriquo contravenire possent. Etconcesserunt dicte partes innotario infrascripto quodconsillo unies ve] plurium sa-pientium possim dictare etfacere instrumentum de pre-dictis. Actum in camera dictihospitalis in fornello. Testesfuerunt vocati dominos Guil-lelmus de sancto Michaele. EtGuillelmus Audiberti. Et Rai-rnuridusTrimundi milites.EtRaymundus de UngulaetAu-dibertus....Ricardi et Auge-ijus sacerdos et GuillelmusSegnoretus et Jacobus Ste-phani et Goilllcimus Boerius.- Et ego Petrus de Fonte, sdomino Carolo fluo regisFrancic, Andcgavic, Provin-cie et Forcalquerii comite

lesdits Bertrand de Raymondet Falcon, au nom commedessus ,l'ont spontanémentjuré sur les Saints-Évangilesréellement touchés. Les sus-dits commandeurs et frèresont solennellement et loyale-ment promis aux dits Ber-trand de Raymond etFulcon,frères, de ne jamais contre-venir à la dite reconnaissanceet au dit aveu, par eux ou parpersonne; renonçant à exci-per de l'ignorance du droitet du tait, et à toute loi quipourrait venir à l'encontre.Et ont convenu les dites par-ties que le notaire soussignépourra, sur 'avis d'une ouplusieurs personnes instrui-tes, rédiger et écrire l'instru-ment des présentes conven-tions. Fait dans la salle voû-tée du dit hospice. Les té-moins appelés sont: SeigneurGuillaume de Saint-Miche!,et Guillaume d'Audibert, etRaymond deTrimond, che-valiers: et Raymond d'On-gles, et Audibert.... de Ri-card , et Augier, prétre , etGuillaume Segnoret, et Sac-ques d'Etiennc, et Guillaumet3aeri.

Et moi, Pierre de Fonte,notaire public constitué parle seigneur Charles, fils duroi de France, très-illustrecomte d'Anjou, de Provence,

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- ,3 -iltustrissimo et marchioneet de Forcalquier, et marquisProvincie, notarius pubiicusde Provence, j'ai été présentconsaitut us in tcrtui et baiseet, en étant prié, j'ai écritcartam rogatus scripsi et heccette charte que j'ai signéemec, signo signavy. de mon seing.

Dans' cette charte, deux choses surtout sont àétudier la fondation , sa nature et son but; la'personne du fondateùr et sa descendance. Et toutd'abord nous voyons qu'Ardène fut donnée àl'Eglise et consacrée à une oeuvre de charité parGuillaume Chabaud, et que Guillaume Chabaudappartenait au village voisin, Saint-Michel; deplus, le titre de Dominus que lui donne le no-taire, W de Fonte, semble indiquer qu'il étaitde race noble', ce que d'ailleurs disent expres-sément des actes moins anciens. Mais à quelleépoque vivait-il, et en quelle année fit-il cettefondation? Un acte passé en r 686 par messireEsprit de Reillane, prieur d'Ardène, répond àcette question; c'est au mois de mai 1209 qu'ilfaut reculer la donation des terres destinées aufutur hôpital. G. Chabaud vivait donc au coin-mencement du xiii t siècle. Quant à la date de samort, nous l'ignorons; mais certainement il nevivait plus en 1259, puisque, à cette. époque,ses trois petits-fils, ses héritiers, étaient reconnuscomme juspatrons par Ravmond Chauderie,second commandeur dc l'Hospitalité. Cette recon-

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- -naissance semble indiquer une prise de posses-sion de la part des trois frères, et par conséquentla mort de G. Chabaud avait dû arriver peu detemps auparavant.

Guillaume Chabaud avait eu un fils nomméRaymond, et ce sont les trois enfants de celui-ci:Bertrand, Foulque et Peiret qui succédèrent àleur grand-père dans le juspatronage d'Ardène.En effet la charte nous dit: «Recognoverunt Ber-Irando J?aymundi, et Fzdconifrairibus presen-tibus et recipientibus nomme suo et Peireti

fratris ipsoruin absenlis » ; et plus bas : ci G.Chabaudus avus quondam ipsorum ». Nousretrouvons en 1 242, dans un acte de reconnais-sance des habitants de St-Michel en faveur deRaymond Béranger, parmi les seigneurs et gen-darmes du dit lieu, Raymond Chabaud et Ayme-rie Chabaud, sans doute son frère, avec Pierre etPetais Chabaud. L'année suivante, dans untitre de concession de priviléges au même villagefigurent Guili. Chabaud lui-même, et au nom-bre des témoins un Antoine Chabaud, clerc. En1270, parmi les habitants de St-Michel qui prê-tent sermentà Charles 1er d'A njou ,paraissent Ber-mond et Audebert Chabaud. En 1302, lorsqueles habitants de Reiliane font enregistrer l'acte dedonation de leur consulat au comte de Provence,..

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nous voyons un Chabaud, de St-Michel, damoi-seau, bailli royal de Reillane. Enfin en 1325Bertrand Chabaud, gentilhomme de St-Michelest coseigneur, pour un quart du village deChâteauneuf.

Ce sont là les seuls membres de cette familledont les noms se retrouvent, soit dans les archivesde la commune de St-Michel, soit dans celles dela cour des Comptes. A partir du x l ve sièclenous perdons sa trace ; peut-être elle s'éteignitPeut-être aussi la rareté des documents qui noussont venus de cette époque est-elle la seule causede l'ignorance dans laquelle nous sommes à sonégard.

Mais revenons à G. Chabaud, le vénérablefondateur d'Ardène.

Il était donc, Cri possesseurd'un domainedans le terroir de St-Michel, sur les bords du Lar-gue et le long du chemin public, qui n'est autreque l'ancienne voie Aurelienne. De cette pro-priété il détacha des terres destinées à la fondationde l'hospice des pauvres ; mais il s'en réservaune partie, comme il résulte clairement dès con-fronts détaillés dans la charte de 125g. En effet,les terres de l'hôpital sont attenantes à des terrespossédées par les trois frères héritiers du fonda-teur et provenant, selon toutes probabilités , de

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cette même succession. Ce voisinage indique évi-demment un démembrement de la propriété enfaveur du nouvel hospice et non une donationde la totalité. Ce domaine, partagé entre les frè-res d'Ardène et leur juspatron , occupe l'angleformé par le ruisseau de Reculon et le torrent duLargue, à leur confluent, partie dans les deuxvallons, partie sur le plateau pierreux qui lesdomine. Ce plateau, qui à l'Est abaisse vers laLaie ses pentes fertiles, est couvert, dans le terri-toire de St-Michel , de vieux bois de chênes quenos pères ont vaillamment défrichés , malgré lanature rocheuse du sol. Coupé en bandes paral-lèles par les trois vallons qui naissent au pied deSt-Michel, la Remaurelle, k Repetier, etle Recu-ion, il va finir brusquement au-dessus du Largue,à cet escarpement que couronne depuis plusieurssiècles le château de Lincel.

C'est au centre de ce plateau que les frères d'Ar-dène posèrent les fondements de leur hospice.Etablis à égale distance de Lincei et de St-Michel,ils vivaient isolés au milieu des bois et des craux,occupés à l'accomplissement des intentions pieu-ses du fondateur.. En acceptant la donation deG. Chabaud, ils avaient pris l'engagement de sevouer, en ce lieu, au service des pauvres, et deconsacrer, leur vie à la pratique de la charité.

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Mais leur Hospitalité fut-elle ouverte à toutes lesmisères indistinctement ? Toutes les infortunestoutes les infirmités trouvèrent-elles à Ardèneun asile et des soins? C'est ce que nous ne sau-rions dire. Au moyen-âge, comme aujourd'huiet plus qu'aujourd'hui encore, il existait des hôpi-taux en grand nombre et pour toutes les souffran-ces. Tandis que les uns étaient en même tempsune retraite pour les vieillards, un asile pour lesorphelins et un lieu de secours pour tout pauvremalade, d'autres étaient particulièrement affectésau soulagement d'une misère déterminée, ou àla cure d'une maladie spéciale. Beaucoup étaientdestinés aux lépreux ; la charité avait multipliéles asiles et les hospices pour cès malheureux querepoussait la société. Quand les croisades, enrapprochant les peuples occidentaux de l'Orient,pays natal de la lèpre, vinrent raviver ce redou-table fléau, il y eut en France seulement jusqu'àdeux mille léproseries. Un ordre religieux avaitété fondé, sous la règle de St-Bazile, pour le ser-vice des lépreux, c'étaient les Hospitaliers deSt-Lazare de Jérusalem. Au xiii 0 siècle, sousle règne de saint Louis, ils desservaient toutesles maladreries de France.

Ces hôpitaux destinés aux lépreux étaient,pour l'ordinaire, construits hors des villes , mais

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à peu de distance des murs. Loin des centreshabités, sur les bords des chemins se dressaientd'autres hospitalités, d'autres maisons de refuge;celles-là avaient été construites pour les voya-geurs ; elles avaient remplacé les hôtelleries, quela civilisation romaine avait autrefois disséminéesde distance en distance le long des gr€.ndesroutes. Les pèlerins, les pauvres voyageurs yrecevaient un accueil charitable et désintéressé,comme aujourd'hui encore dans les grands mo-nastères de la Suisse et de l'Italie. La France aconservé jusqu'au siècle dernier quelques-unes deces maisons de secours, et si, quand les voyagesdevinrent plus faciles, ces institutions cessèrentd'être utiles à tous, elles servirent encore d'asileaux pauvres et aux mendiants. Quelquefois cen'était u'un simple abri, un logis isolé situéà peu de distance d'un monastère ou d'unprieuré, comme les premiers hôpitaux chrétiensavaient été construits près des métropoles et endépendaient. On voit encore un hospice sembla-ble dans le territoire de Puivert, près de Laurisdans la vallée de la Durance. C'est un petit bâti-ment rectangulaire, voûté, contenant deux sallessuperposées ; il est situé non loin de la vieilleéglise de St-Pierre de Méjan, ancienne propriétédes Templiers, et plus tard de la chartreuse de

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Villeneuve_iès_Avignon. Tout mendiant dé pas-sage avait accès dans ce modeste réduit ; et lespauvres de la donnée se croient encore, aujour-d'hui, le droit d'y pénétrer et d'y chercher ungîte.

Quoique les quelques documents qui nousracontent l'origine d'A.rdène, ne nous disent pasque l'Hospitalité de G. Chabaud eût été fondéedans ce même but, sa position sur une route demontagne, fréquentée mais difficile, peut nous lefaire supposer. Cette destination expliqueraitl'isolement de l'hospice , son éloignement descentres de population.

A cette même époque, beaucoup d'hôpitauxétaient réservés pour le traitement d'une maladieredoutable, que l'on appelait du nom defeu sacré,feu de St-Antoine ou mal des Ardents. Ils étaientdesservis par un ordre religieux spécial, les Anto-nins. Nous aurons â nous occuper bientôt de cesmoines, qui avaient avec les fi-ères d'Ardène biendes analogies. Ce nom même de mal des Ardents,qui dérive du latin Ardere, a quelque ressem-blance avec le nom de notre hospitalité, Ardène.Le nom imposé â l'hôpital de G. Chabaud aurait,dit-on, la même étymologie, et exprimerait laforce, le feu des maladies soignées en ce lieu.Mais il est dangereux de s'arrêter â ces sortes

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d'anakgies, et surtout de vouloir en tirer des con-clusions trop rigoureuses. D'une vague ressem-blanae dans les noms, il ne résulte pas qu'Ardènefût un hôpital destiné aux Ardents; aucun titrene nous autorise à le croire. En l'absence de l'actede la fondation de notre Hospitalité, qui nous eûtpeut-être éclairés sur ce sujet, nous devons nousen tenir à ce que nous savons sûrement, et ne pasnous écarter des indications fournies par la chartede i z59. Chauderie prend le titre de preceptordomûs hospitalis pauperum ; c'était donc unhospice pour les pauvres ; mais fut-il affecté auxArdents, ou bien était-il ouvert aux pauvresvoyageurs, c'est ce que nous n'essayerons pasde rechercher.

La même prudence doit nous arrêter dans ledésir de connaitre l'étymologie du nom d'Ar-dène. Disons seulement que le provençal nommeainsi certaines herbes nuisibles qui épuisent laterre et gênent la végétation ; et que peut-êtrenotre hospice dut son nom à l'abondance de cetteplante dans ce quartier des craux.

Cependant quels étaient les religieux appeléspar Guillaume Chabaud dans sa pieuse fonda-tion? Etaient-ce les enfants de quelque grandmonastère bénédictin, des chanoines de St-Augus-tin, ou de ces moines chevaliers voués à la pro-

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fessiôn de la charité? Non , l'indépendanced'Ardène, l'intervention des juspatrons dans lanomination du commandeur et l'admission desfi-ères, excluent l'idée d'un ordre régulier, devraisreligieux, dépendant d'une des grandes maisonsqui florissaient alors. D'ailleurs il y avait à l'Hos-pitalité des femmes en même temps que des hom-mes, et plusieurs de ces frères et de ces soeursétaient mariés ensemble, puisque nous voyonsque Raymond Chauderie est fils de Pierre, lepremier commandeur, etque Flandine est femmede Foulque. Les frères d'Ardène n'étaient doncpas des moines.

Formaient-ils au moins un tiers ordre, commeceux qui, composés d'hommes et de femmes, des-servaient pendant le moyen-âge bien des hôpi-taux? Pas davantage, car les tiers-ordres, insti-tués par saint Dominique et saint Françoisn'existaient pas encore en i 209.

Cependant ce n'était pas non plus une simpleréunion d'infirmiers et de garde-malades fondéepour cet hospice en particulier; car flous voyonsdans la charte de 1259 qu'ils avaient d'autresétablissements dans le pays. En effet, RaymondChauderie a pour témoin de sa reconnaissanceenvers les juspatrons, Béranger, hospitalier despauvres de Manosque. Et ce n'est pas là un

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témoin ordinaire, mais un commandent de lamême congrégation venant assister son confrèredans un acte important; car le nom de l'hospita-lier de Manosque est placé dans la charte non àla fin avec lestémoins appelés, mais en tête, aprèsles juspatrons, et avant les frères et les soeursde l'hospice. Même c'est de son consentement,comme de celui des frères et des soeurs, que se faitla reconnaissance: « consensufrairum... scilicetfratris Rayinundi Fulconis... et Berengarii./iospitalerii hospitalispauperum de Manuascâ.Nous devons tirer de cette circonstaiice unepreuve de similitude et même de dépendance;les, frères d'Arçlène dépendaient des frères deManosque.

Donc si les desservants de notre Hospitalitén'étaient pas des moines, ils n'étaient pas nonplus de simples particuliers réunis accidentelle-ment. Ils formaient une congrégation ou con-frérie composée d'hommes et de femmes , quifaisaient voeu peut-être de pauvreté et d1 obéis-sance

'niais non de chasteté, et se dévouaient au

service des pauvres.Si étonnante que puisse nous paraître une ins-

titution semblable, elle n'était pas alors un faitunique; bien loin de là, ces sortes de congréga-tions étaient communes pendant le moyen-âge;

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elles desservaient presque tous les hôpitaux. Dansles unes, le mariage était permis ; d'autres aucontraire avaient adopté la règle de St-Augus-tin, et faisaient les trois voeux de pauvretéd'obéissance et de chasteté. Dans ce cas, bienqu'habitant sous le même toit, les frères et lessoeurs vivaient séparés, ne prenantmême pas leurrepas en commun. Parmi les hôpitaux occupéspar ces confréries d'hommes et de femmes, il con-vient de citer la grande Hospitalité d'Aubrac, fon-dée vers 1120 par Alard, vicomte de Flandredans les montagnes qui confinent au Languedoc.Cette maison renfermait dès prêtres, des cheva-liers, des frères clercs et laïques, des donats etdes dames de quâlité qui prenaient soin des hôtesdu couvent. Mais sans aller chercher nos exem-ples si loin, nous trouvons une institution sem-blable à celle d'Ardène dans les frères donats deL'hôpital du St-Esprit, à Marseille. Au commen-cement du xiv0 siècle, cet hôpital était desservipar des frères et des soeurs; les donats soignaientles hommes, et les donates les femmes malades.De plus, là comme à Ardène, les frères et lessoeursétaient le plus souvent mariés entre eux , etvivaient maritalement dans l'hospice (i).

(i) Aug. Fabre, Histoire des Hôpitaux de Marseille.

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A Marseille encore, il 3'avait, auxnC siècle, desreligieux de St-Antoine, dont l'organisation rap-pelle celle de nos frères d'Ardène. C'était à l'on-gifle une communauté laïque, instituée dès To95par les moines de Montmajour, dans leur prieuréde La Mothe St-Didier, près de Vienne, poursoigner les pauvres atteints du mal des Ardents.D'abord simples infirmiers, ne faisant aucun voeu,ils s'étaient dans la suite érigés en congrégationreligieuse, et s'étaient rendus indépendants deleurs fondateurs. En 1297 , Boniface VIII lesconstitua en chapitre régulier. Leur maison deMarseille avait des dépendances à Aix, Salon etPermis. Elle portait, comme l'hôpital d'Ardène, letitre de commanderie. Là aussi des frères et dessoeurs formaient une même communauté et seconsacraient au service des pauvres.

Ces confréries mixtes, que nos moeurs ac-tuelles ne comprennent plus , étaient donc très-communes ; et en vérité elles répondaient par-faitement au besoin des hôpitaux où sont reçustous les malades, hommes et femmes. A l'uned'elles appartenaient nos frères d'Ardène ; maisà laquelle? nous l'ignorons. Contents d'avoirreconnu de quelle nature était la petite congré-gation religieuse de notre Hospitalité, il nous fautrenoncer à lui donner un nom; l'absence de tout

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document positif rend cette recherche impossible.La petite communauté se composait de cinq

frères et de six soeurs; en outre quelques domes-tiques. Le monastère était assez vaste, à en jugerpar les paris de murs à moitié enfouis, que l'onvoit encore aujourd'hui. Dans la ferme moderne,on remarqu'e une grande porte à plein cintre, quiouvrait sur un vestibule construit en pierres d'unbel appareil, et qui était sans doute l'entrée prin-cipale du couvent. Enfin la chapelle actuellebâtie sur des restes de murs ayant appartenu àla première église, est assez grande pour contenirprès de cent personnes.

La charte de 1259 détermine les rapports quiexistaient entre les religieux et les juspatrons, lesdroits et les obligations de chacun , conformé-ment au titre primitif de fondation. GuillaumeChabaud avait donné le sol pour construire lecouvent et les terres pour l'entretenir. Les termesemployés par M° de Fonte laissent entendreque les frais de construction n'avaient pas été àla charge du fondateur « quondam q'onass'e...soluin et locun ubiecclesia et donzitscoizst,-u.tesunt , et plus bas e ad ed(,ficandum etfacie;;-dron ibi ZUZUFU Izospitale ». En outre, il avait pro-mis aux frères de les garder et défendte eux ettous les domestiques attachés à leur service. Il

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s'était réervé le juspatronage de l'hospice; lécommandeur devait être nommé conjointe-ment par lui et trois frères de l'hôpital , etagréé par l'évêque de Sisteron ; les frères eux-mêmes n'étaient reçus qu'avec son consentement;enfin les membres de sa famille devaient trouverà Ardène le pain et l'eau, qu'ils eussent ou nonpris l'habit de la confrérie.-

En 1259 deux des héritiers de Chabaud fai-saient partie de la congrégation, et l'un d'eux,Foulque, avec sa femme Flandine.

L'état de choses ainsi établi pat l'acte de lfondation d'Ardène en 12o9, et reconnu par lacharte de 1259, dura-t-il de longues années sanschangements aucuns, ou bientôt les circonstan-ces vinrent-elles modifier la nature de l'Hospita-lité? Nous ne saurions le dire. Le xiv 0 et le xv0siècle ne nous ont légué aucun document qui jetteun peu de jour sur la-situation de l'hôpital despauvres pendant cette époque. Les seuls actesqui nous restent ne parlent d'Ardène qu'incidem-ment, et à propos de champs contigus à ceux dela commanderie. Les plus intéressants sont: en1455 l'acte de vente d'une terre voisine, qui estsous la directe de l'Hospitalité à la huitième partiedu blé sur l'aire, et en 1483 la vente d'un moulinsur les bords du Largue, qui est soumis à la

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majeure directe doinie et seigneurie du com-mandeur d'Ardène, au cens et service de deuxchargés de blé annone payables à la Toussaint.

Dans une telle pénurie, force nous est d'aban-donner l'histoire d'Ardène ; nous ne la repren-drons que vers i 53o, trois siècles après la fonda-tion de la commanderie.

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II

La Famille de Reillane.

Au xvI e siècle, quand après une longue inter-ruption nous reprenons l'histoire d'Ardène, nousretrouvons les choses dans un état bien différentde celui où nous les avions laissées. De grandschangements ont eu lieu. Ce n'est plus l'Hospita-lité de G. Chabaud, peuplée de nombreux reli-gieux; la maison des pauvres est devenue unesimple chapellenie, entre les mains d'un bénéfi-ciaire. Son titre même a changé; si les nomsd'Hospitalité et de commanderie paraissent quel-quefois encore, le plus souvent ils sont rempla-cés par ceux de rectorie et prieuré rural. Mais quoi attribuer ce bouleversement? Les malheursde ces temps troublés avaient-ils rendu impossi-ble le séjour des religieux au milieu des bois, oubien la seule difficulté de recruter les frères del'hôpital avait-elle obligé les héritiers du fonda-teur à modifier la nature des choses? Ce serait

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en vain que nous chercherions la réponse à cettequestion.

Les juspatrons eux-mêmes sont changés ; lesChabaud ont disparu, et le patronage de l'hôpi-tal, ainsi que la propriété des terres voisines, sontentre les mains de la famille de Reillane. Nousignorons à quelle époque avaient pris possessionles nouveaux maîtres; mais comme l'un d'entreeux se dit propriétaire en qualité de descendantou ayant-droit de G. Chabaud, nous pouvonssupposer que ces biens appartenaient aux Reil-lane par suite d'une alliance avec les héritiersdirects du fondateur.

Les archives des notaires de St-Michel nousfournissent, à datér du x'i° siècle; quantité dedocuments relatifs aux Reillane, et par suite à laVieille Hospitalité, qui leur appartint jusqu'à la findu siècle suivànt. Mais avant d'ouvrir ces vieuxregistres et de secouer leur vénérable poussièreil est intéressant derechercher les origines de cènefamille autrefois si puissante. Cette étude nousramène loin en arrière, jusque vers le milieu dux 6 siècle, c'est-à-dire aussi haut que pourra jamaisremonter la généalogie de nos plus anciennesmaisons provençales. A cette époque les noms defamille n'existaient pas encore, et avec les nomsindividuels que contiennent nos vieilles chartes,

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il est extrêmement rare de pouvoir reconstituerune filiation exacte.

Donc, dans la seconde moitié du x siècle,vivait Lambert, homme riche et puissant, quiconjointement avec sa femme Valburgis, donnaà l'abbaye de Montmajour les marais environnantle monastère, et au prieuré de Ganagobie certainsdomaines dans le territoire de Peyruis. Ce Lam-bert, qualifié souvent du titre déjuge, paraît avoirété, dit Bouche dans son Histoire de Provence,comme lechancelier del'état, ou le premierprési-dentcle la justice la cour ducomte Guillaume I.Son fils Boniface est le premier qui ait porté lenom de Reillane, nom qui était celui de la sei-gneurie de sa famille; peut-être même ne le prit-il pas de son vivant, mais du moins voyons-noussa fille le lui donner en 1045, dans une donationfaite par elle aux religieux de St-Victor: « EgoAdalaxisfihia quondam Bonifacii de Reilana ».Cette famille n'a - donc point d'autre nom; sesarmes sont aussi celles de la ville de Reillaned'azur à un soc d'argent posé en pal. Dans lasuite, le soc fut posé en bande.

Boniface de Reillane fut marié deux fois; ilépousa en premières noces Vandelmesia et ensecondes noces Constance. Ces deux femmes luidonnèrent neuf enfants: Raïanibaud, fils du pré-

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- -mier lit, qui devint en ï o3o archevêque d'ArlesBoson et Boniface, tous deux du second lit , ledeuxième épousa Matilde; Fulque, qui fut dansla suite affilié à St-Victor ; Atenulfe, Leodega-nus, Elesinde, Adairnoïs et Adalaxis. Atenulfeeut unfils nommé Boniface qui épousa Guandal-mus, dont il eut six enfants: Boniface, Rostaing,Pierre, Guy, Atenulfe et Guillaume (r).

Le cartulaire de St-Victor, dans lequel ont étérelevés ces antiquesdegrésdegénéalogie,renferme,dans la première moitié du xi' siècle, un grandnombre de donations faites au monastère par cettepieuse famille. Vers i 025 Constance, veuve deBoniface I" de Reillane, conjointement avec lesfils de son mari, donne à l'abbaye des terres dansle terroirde Villemus et ]a dîme des foins des présde Reiltane. En io3o Raïambaud, qui venaitd'être appelé à l'archevêché d'Arles, fait don àSt-Victor de la chapelle de St-Maurice, près duvillage de Mont-J ustin. De ioS3 à io5S tous lesfrères, tantôt conjointement, tantôt individuelle-ment, donnent tout ce qu'ils possèdent dans le

(i) RulFy, à la suite de son Histoire de Marseille , donnela généalogie des Reillane telle, à peu près, qu'elle est indi-quée ici il semble cependant ne pas avoir connu les deuxmariages successifs de Boniface I, ainsi que le nom de deuxde ses enfants.

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territoire d'Auriol, à St-Savournin près Roque-vaire, à Ourgnon près Peipin, â Lasa, et â Salo-bium, villages aujourd'hui détruits, dans la valléedel'Huveaune. Dans, le même temps, Raïambauddonne à St-Victor son héritage à Mont-Justin, etBoniface, fils d'Atenulfe, son neveu, se dépouille,en faveur des religieux, de terres qu'il possèdedans le même territoire, entre autres de la moitiédu domaine de Lanseriœ. En 1045,. Adalaxismère d'Enaurs, donne la moitié du lieu de Fuzi-lis, situé in valle Reliana, consistant en quatre« bonnes fermes », dont l'aumônerie de St-Victorretira quatre mesures d'annone. Enfin en t o56,Adalmoïs et Elesinde font donation au mêmemonastère de tout ce qu'elles possèdent dans leterritoire de Marseille, au lieu dit Spalians, etdans le comté de la même ville du village de Lasa,sur le Veaune, près Roquevaire. La charte dedonation nous apprend qu'elles s'étaient consa-crées à Dieu nos duœ sorores,ambœ Deo dica-1w. Connaissant la dévotion de cette familleenvers St-Victor, ne pouvons-nous pas supposerque les deux soeurs s'étaient retirées dans lemonastère de St-Sauveur, fondé comme St-Victorpar saint Cassien, et reconnaître la soeur de l'ar-chevêque d'Arles dans cette Adalmoïs, qui étaitabbesse de St-Sauveur en i oS i?

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C'est à Raïambaud que l'illustre abbaye dutces généreuses donations. Ce fils de Boniface deReillane, parent des vicomtes de Marseille, avaitrenoncé aux avantages de sa naissance, et prisl'habit de St—Victor sous la conduite de l'abbéIsarn. Appelé en ï o3o à l'archevêché d'Arles, ilassista peu de temps après au concile dé Nar-bonn; et en I054àceluide Barcelone. EnioSG,il présida le synode deToulouse, comme légat dupape et vicaire du St-Siége, et en i o6o le conciled'Avignon. En 1040, il vint à Marseille assister àla dédicace de l'église de St-Victor. Non contentde répandre ses bienfaits dans son diocèse et surle monastère auquel il appartenait, il fonda le cha-pitre régulier de Barjols, et le soumit au pou-voir direct du pape Alexandre. Sur la fin de sacarrière, vers ï o63, après avoir gouverné sonéglise avec sagesse et vertu, digne successeur detant desaints évêques, il rentra modestement dansle monastère de St-Victor, pour reprendreles exercices de la vie religieuse. Il y mouruten 1067.

Ici s'arrêtent les degrés de généalogie que nousdonne le cartulaire de St-Victor. Mais s'il n'estplus possible, dans les siècles suivants, d'établirla filiation certaine des Reillane, tout au moinsavons-nous une série non interrompue de noms,

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qui relient les enfants de Boniface 1cr avec les er-niers•n-iembres de cette puissante famille. C'estd'abord Jean de Reillane et Berthe sa soeur, dansle xi' siècle; Geoffroy de Reillane, en 1131 ; etHugues de Reillane qui, en 1140, SuiVit le partides comtes de Barcelone contre Raymond desBaux, etqui, en ii So, assista à la confirmationde l'abbaye de Lure par Guillaume de Forcal-quier. Vers 1185, Bérenger de Reillane, évêquede Vaison, ayant excommunié Raymond de Tou-buse, fut chassé parce comte de sa maison et deson siège épiscopal. En 1 202, nous voyons Boni-face de Reillane, Hugues de Reillane et ses frères,Giraud de Rejllane et les enfants de Guillaumede Reillane, en lutte avec le comte de Forcalquier,au sujet de l'hommage et autres droits féodaux.En 1208, Guillaume, comte de Forcalquier, con-firmant aux Hospitaliersde St-Jean ladonationdeManosque, Guibert de Reillane et son frère Lam-bert figurent parmi les témoins. En 12 1 1, Ray-baud-Guibert de Reillane assiste au jugementde messire Thédise abolissant le consulat dans laville de Manosque. En 12 54, des difficultés étantsurvenues entre le peuple et les seigneurs de Reil-lane au sujet du consulat, s'ensuivit un accord, oùsont nommés comme seigneurs de la ville Espa-ron, Raybaud-Rossie, Boniface de Reillane l'an-

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cien, Boniface le jeune, Guillaume le Roux, Raybaud, autre Guillaume, et Alaisie d'Aubenas. En1255, Jean de Reillanese donne lui et ses biens l'abbaye de Sénanque. En :258, les chevaliers etles prud'hommes de Reillane faisant don du con-sulat de leur ville à Charles 1 1, d'Anjou, figurentàl'acte de donation: Raymond de Rdillane, Guil-laume de Reillane du Bourguet, Bertrand deReillane, Piérre de Reillane, et Geoffroy deReillane. En 126 t ,nous trouvons encore Geoffroyde Reillane, chevalier de St-Jean de Jérusalem,en 1270, Atenulfe, fils de Boniface de Reillaneet Cfl 1297, Giraud de Reillane, prieur de N.-D.de Contez, décédé cette même année. En 13 13,

Isnard de Reillane est témoin de la prise de pos-session de Marseille par le roi Robert. En 1324,Rogier et Isnard prêtent hommage à Robert'detout ce qu'ils ont dans le bourg de Reillane. En:338, paraissent Philippe de Reillane, chevalierde St-Jean, et la même année Guillaume deReillane, grand-prieur de St-Gilles. C'est sansdoute le même Guillaume qui fut, en 1347, coin-màndeur lieutenant-général deçà la mer sous legrand-maître Déodat deGozon. En 1353, Boni-face de Reillane figure dans une assemblée degentilshommes, à Aix. Enfin, en 1362 1 nousvoyons Guigues de Reillane, en 1388, Bertrand

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Raibaud, fils de Guigues, et en 1 40 1, Guillaumede Reillane, seigneur du Bourguet, quiteste en1417. Ce dernier eut un fils nommé Pierre. Poils,fils de Pierre, devait être le dernier de sa mai-son; marié à Louise de Bachis, il ne laissa enmourant que deux filles, dont l'aînée, Isabeau,épousa en 1528 François Calvi, intendant duduc de Guise, qui prit le nom et les armes desReilllane.

Mais au moment où s'éteignait ainsi la familledes seigneurs de Reillane, une branche cadetteexistait encore non loin de là, dans le village deSt-Michel. A quelle époque avait-elle été déta-chée et transplantée dans ce lieu voisin, nousl'ignorons; mais c'était déjà depuis longuesannées, car à la date du 25 décembre 1387 il estfait mention, dans les archives de St-Michelde Rebaud de Reillane, gendarme, conseiller dela communauté. En 1418, les hoirs de Rebaudde Reillane confrontaient les Valavoire, dans lequartier du Plan. En 1438, Reybaud de Reillane,de St-Michel, représentait la dite communautédans une transaction passée avec les Cornutseigneurs de St-Martin; et en 1439, Remond deReillane, bayle de St-Michel, présidait à la rati-fication du même accord.

Après avoir pénétré, bien qu'imparfaitement

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les ténèbres de ces premiers ages, nous sommesarrivésà une époque, où les archives des notoiresde St-Michel vont nous donner une série noninterrompue d'actes intéressants. Nous y trouve-rons la généalogie certaine des derniers Reillane,leur établissement à A.rdène , et la preuve deleurs droits sur la vieille Hospitalité de G. Cha-baud. Si, pendant quelques années encore, cesdroits ne sont pas prouvés d'une manière posi-tive, s'ils ne sont pas textuellement écrits dans lesminutes authentiques, du moins certaines coïn-cidences nous les garantissent, jusqu'au momentoù des actes valant titre de propriété viennentclairement nous les attester.

Ouvrons donc les vieux registres de Me Sébas-tiano et de ses collègues , et dressons inventairedes richesses généalogiques que nousy trouveronsenfouies.

Vers la fin du xv' siècle, vivait à St-MichelSuffren de Reillane. Il eut trois enfants Antoi-nette, qui fut mariée à Etienne Caire, de Saint -Savournin, Claude, qui devint prêtre, et Jacques,qui épousa Elziace et continua la descendanceUri acte de 1517 nous montre ce dernier proprié-taire d'un jardin, au lieu dit Porterriou. Jacquesde Reillane et, avant lui, Suffren étaient-ils pro-priétaires d'Ardène ? Aucun titre n'est là pour le

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- -certifier, niais certaines circonstances nous per-mettent de le supposer sans trop de hardiesse. Eneffet, quelques années après, leurs enfants étaienten possession tant du patronage que des terresvoisines. De plus, en 1532, un acte d'arrentementnous montre Isnard Admistat fermier des héri-tiers de Noble Jacques de Reillane et des biens de[hospice d'Ardène. Cette réunion des deuxdomaines entre les mains d'un même fermier faitentendre qu'ils appartenaient à un seul maîtreet si le notaire qui dressa l'acte, au lieu de nom-mer les propriétaires, les désigne sous le titred'héritiers de Jacques de Reillane, c'est sans douteparce que cet état de choses remontait à JacquesILti-même, et que c'était lui qui avait confié àAdmistat l'exploitation des deux terres. Jacquesde Reillane était donc patron de l'Hospitalité etpossesseur de l'héritage de Chabaud, comme sonfils le fut après lui.

En i 53j, d'après un acte d'arrentement di--9 mars, la commanderie d'Ardène, devenuesomme nous l'avons dit, un simple bénéfice, étaitentre les mains de Pierre Brunelli, pi-être de St-Michel, fils de Suffren Brunelli, de Simiane.Dans cet acte, que le prieur fit dresser par Mc

Sébastiano, notaire à St-Michel, il est assisté parsesdeux fi-ères Gonin et Mathieu. Cette assistance

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-40-insolite s'explique par une des clauses de la con-vention, qui réserve à Mathieu Brunel]i quelquesterres de l'hospice, ou peut-être aussi parlegrandâge du prieur. Les trois frères avaient des pro-priétés dans les environs, entre autres, sur lesbords du Largue, un moulin qui devait à l'églised'Ardène le service annuel de deux charges deblé annone. Ils possédaient aussi une pièce deterre, confrontant les biens de la commanderie etla draille qui va à la fontaine d'Ardène , terrequ'ils avaient achetée en 1517 de FrançoisBrunel, de St-Michel, mari de leur soeurJeanne.

Le 27 juillet de la même année t531, LéonMagnan, prêtre de St-Etienne, succédait à Pierrel3runelli et prenait possession du prieuré. L'actede son immission présente plusieurs circonstances,de nature à augmenter l'obscurité qui enveloppeencore l'histoire d'Ardène au commencement 'duxvi" siècle. En effet, d'après la charte de' i 25gle commandeur était à la nomination du juspa-tron, sauf l'approbation de l'évêque de Sisteron;ici Léon Magnan est mis en possession en vertude lettres expectatives obtenues par lui de la courde Rome, et c'est André de Bouilliers, vicomtede Reillane et seigneur de St-Michel, qui faitprocéder à son installation. Sans chercher à

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expliquer cette particularité , nous devons yvoir seulement une prétention du seigneur deSt-Michel, usurpant les droits de la famille deReillane.

En j 532, Jacques de Reillane était mort. Ilavait laissé de son mariage avec Elziace troisenfants Antoine, Scanne et Francois. Ces descendants d'une illustre maison étaient sans doutebien déchusde leurrang, puisque le 8Avrili 537,Jeanne, du consentement de sa mère, de son frèreAntoine et de son tuteur Peiret Leaudini, épousaMathieu Admistat, fils d'Isnard Admistat, le fer-mier du petit domaine desa famille. De ce mariagenaquirent Jean et Antoine Admistat, qui vivaientencore en 158 r.

En 1539, Antoin& de Reillane était prêtre etpourvu du bénéfice d'Ardène. II obtint aussile prieuré de Montlaux. Il mourut à uneépoque que nous ignorons, mais certainementavant 1568.

François, le dernier des enfants de Sacques deReillane, se maria avec Yolande de Pontisfille de Claude de Pontis, seigneur d'Urtiset de Louise de Barras de Mélanc. Il eneut deux enfants Michel qui lui succéda, etLucrèce qu'il maria à Noble Isnard Pascalis,de I{ians.

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En i 56g, le 24 Janvier, Francois de Reillane«bailleà PonsTourniaire, niaitre maçon,dedéfaire et faire une maison qu'il a à St-Michel, au lieudit en Gelade; confrontant la rue publique decieux côtés et relargue de la commune. Avec troiscroisières de taille en la muraille ressortissantdernier la rue du portail d'Ardène ; une à l'es-tance plus basse, sera tenu le dit Tourniairela faire de la pareille de celles que g le dit deReillane en sa maison , lesquelles a faitesmaître Antoine Brugne, maçon de Reillane; et , -les deux en dessus la dite estance, les faire dela pareille de celles que sont en la chambreressortissant dessus la place. Le tout pour32 florins ».

En T-572 François de Reillane avait un procèsavec Jean Caire, son cousin, qui réclamait sapart des biens ayant appartenu à son grand-pèreSuffren de Reillane. Ils terminèrent le débat parune transaction à la date du 2 octobre.

La mêmeannécil baille à rente à Claude Auber-gier, de Pierrerue, deux chargesdc terre aubal dArdène, et lui promet une chambre dansla bastide qu'il y possède. On appelait alors Co,,-bal d'Ardijne, le vallon qui descend vers le Lar-gue, à l'Est du Prieuré, et en tête duquel a étébâti depuis le chateau d'Ardène. Cette convention

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flous monte donc enfin François de Reillanemaître des biens confrontant l'ancienne comman-deric, et à partir de ce momentde nombreux actesnotariés .nous autorisent à le reconnaître commesuccesseur de la famille Chabaud , tant pour lepatronage du prieuré que pour la possession desterres voisines. En aucun temps ces deux titresne furent séparés, et jamais le patronage n'appar-tint à d'autres qu'aux propriétaires du domainedont, à l'origine, les terres de l'hospice avaientété détachées.

Cependant que devenait le bénéfice? Nousl'avons laissé en 1539 aux mains d'Antoine deReillane ; trente-deux ans plus tard , en 1571nous y trouvons installé le prieur Joseph Blain.,De ce prieur nous ne connaissons que le nomignorant même s'il avait succédé immédiatemenau fils de Jacques de Reillane.

Le 3' mars 1573, Miche] de Reillane, fils deFrancois, fut mis en possession du prieuré ethôpital d'Ardène, par M" David Gautier, vicaireet curé de St-Michel; et cette installation fut faiteen vertu d'une bulle du collégat , en date du13 février de la même année. Nous voyonsencore, en cette occasion, la cour de Romeoccupée du petit prieuré d'Ardène, peut-être àcause de contestations survenues entre les jus-

I.4 dt

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patrons et l'évêque , au sujet des droits denomination.

En 1574, Français de Reillane afferme simul-tanément les terres du Combat et les prés duPrieuré; ce qui fait supposerqueson fils était jeuneencore et que François de Reillane administraitlui-même les terres de la rectorie. De cette façon,nommant au prieuré son fils et plus tard sespetit fils, il maintint dans sa famille ce bénéfice,qui formait sans doute une grande portion de safortune.

En 1577, Miche! de Reillane , comme prieurd'Ardène, entre en possession d'un tiers du mou-lin des Brune], ss voisins, ensuite d'un arrêt dek cour obtenu par lui contre Jacques Brune!.

Ce moulin est long la rivière du Largue, dans leterroir de St-Martin de Renacas, confrontant leLargue, terre du prieuré, et prés du dit prieuré,terre de Martin Borel, le rocher et te Malvallat.Les constructions, l'écluse, les béaux sont ruinés;sept charges de terre, prés, etc. ; le tout estiméBoa florins seulement, attendu que iceux bâti-ments et tenements sont grevés du service annuelde deux charges de blé annone, envers le ditmessire Michel de Reillâne ».

En t 58o, François Garcin, fermier de la bas-tide du prieuré, effrayé des dangers qu'il court

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dans ces lieux écartés , demande à résilierson bail. En effet à cette époque la Provenceétait ravagée par les guerres de religion , et desbandes de malfaiteurs couraient les campar».cs,sous prétexte de servir Fun ou l'autre parti, maisen réalité dans le seul but de piller et ranonnerles malheureux paysans. En i 590 Laugier, fer-mier du prieuré et du Combal, agit comme Garcinavait fait en t 580. « Lequel Antoine Laugier »,est-il dit, « entend remettre leprésentarrentemeItau dit de Reillane, par raison de temps de guerreque court de présent, pour les dangers et mouve-ments que s'en pourraient dessuivre ».

A la date du 13 mai 158E, nous trouvons ddnsles minutes du notaire Orcel le testament de Fran-çoisde Reilllane. Parce testament, il demande g àêtre enseveli dans la haute église de St-Michel, aumonument de ses prédécesseurs, et qu'à l'occasionde ses funérailles, on habille trois filles de blancet l'on donne un pain à tout pauvre mendiant.Il laisse à sa femme une pension en blé, vin etargent, plus l'usufruit d'une partie de maison, dehaut en bas et de bas en haut, nommée la sallevieille, assise au dit St-Michel, au lieu appeléArdène (t), confrontant avec la rue, maison de

(t) li i-Suite de ce testament, comme du prix-fait de la

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Jehan Bermond, maison du dit testateur, etautres confronts; avec un lit garni, cassère, mate-las etc. ; encore l'usage d'un tonneau dans lacave. Enfin il institue son fils Michel son héri-tier, et nomme pour exécuteurs testamentai-res Noble Melchior Amalric, de St-Michel, etcapitaine Jehan Triboletti, de Forcalquier, sesfiables amis ».

Yolande de Ponds ne jouit point des avantagesque lui avait faits son mari ; elle mourut avantlui, et en 1592 François de Reillane était veuf.Nous le voyons, à cette date, transiger avecCharles de Pontis, seigneur d'Unis, frère deYolande , pour le partage de la succession deClaude de Pontis, son beau-père.

A cette époque Michel de Reillane avait rési-gné le prieuré, sans que nous sachions quel avaitété son successeur, et il s'était marié avec Lucrècede Nicolaï. Il eut de ce mariage un grand nom-bre d'enfants Jean, Michel, François, Antoine,Georges, Jacques, Esprit, Claire, Anne et Mar-guerite.

Le 4 septembre 15 93 Michel, muni d'une pro-

reconstruction de la maison de François de Reillane, en '5Go,qu'un quartier et une porte du village de 5t-Michel portaientle nom d'Ardène, sans doute parce que là habitaient les pro-priétaires dii Prieuré et du Cotnbal d'Ardne.

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uration de son père, assistait à l'installation deson fils Jean de Reillane, comme prieur de l'hô-pital d'Ardène. Voici l'acte qui fut dressé à cetteoccasion ; il est intéressant, parce qu'il contientle détail des 'cérémonies usitées dans les prises denossession.

« Sachent tous et... que l'an 1593... au-devant la vénérable église fondée sous le titre deN.-D. d'Ardène, et pardevant honorable hommemessire Michel Gautier, prêtre et vicaire , de St-Michel,.. a comparu messire Jean de Reillaneclerc du dit lieu de St-Michel, et prieur du pri-euré rural sive rectorie ou hôpital de N.-D. d'Ai'-deyne , avec l'assistahce de Noble Michel deReiliane, son père.........................

a pris (messire Gautier) le dit messire Jean deReillane, prieur susdit, par la main dextre, etentrant dans la dite église, ihit au préalable invo-cation et oraison au devant le rétable de la diteéglise, et se humiliant, et baisant par le dit mes-sire de Reillane le dit autel, icelui couvrant etdécouvrant, en après l'a conduit et mené partoute ladite église, et -fait entrer et sortir par troisfois hors d'icelle , en signe de vrai maîtreseigneur et possesseur ; et fait faire tous autresactes de vraie et acquise possession. Au quel

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prieuré s'est, ledit messire Gautier, offert demain -tenir , de répondre des fruicts d'icelui, suivantl'autorité , pouvoir et commission que lui a étémandé ; nul y treuvé contredisant; et des chosessusdites le dit messire de Reillane a requis lui êtrefait acte et instrument, que fait, passé et publié aété, etc... et soussigné qui a su écrire. Jeande Rellana. Michel Gautier, vicaire. De Jac-ques. Et moi Christol Bodo, notaire royalrecevant».

La signature de Jean de Reillane, apposéeàl'original, est celle d'un enfant, et il devait êtrefort jeune en effet quand on lui donna le prieuré,pour en conserver les revenus dans lafamille. Ille garda jusqu'en i6o3. Cette année-là il estnommé, avec le titre de prieur , dans un testa-ment de son père qui porte la date du S Aoûtmais en ce même temps il résigna sans doute lebénéfice, car trois jours après, le xi du mêmemois, François de Reillane y appela César Guil-hem, clerc de Forcalquier, neveu de sa belle . filleLucrèce de. Nïcolaï.

Mais à cette époque, les étrangers nommésprieurs d'Ardène peuvent être considérés commefaisant l'intérim, pendant la trop grande jeunessedes enfants de la maison. César Guilhem donnadonc sa démission deux ans après ; et- le 5 avril

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1605, sur la nomination faite par Françoisde Reillane, Jacques Audibert, grand-vicairede l'évêque de Sisteron, donna le bénéfice àNoble Antoine de Reillane, fils de Michel etpetit-fils de François. Cette nomination est ledernier acte de François de Reillane qui noussoit connu. Il est pçobable qu'il mourut peu detemps après.

Que devinrent les nombreux enfants de Michelde Reillane et de Lucrèce de Nicolaï?

Nousvoyons, à ladate du 2mars 16 1 5, Michel,François et Messire Antoine demander à leurpère les biens fidéicomi+iissaires que François deReillane lui avait confiés, lors de son contrat demariage.' Georges , Jacques et Esprit étaient -encore mineurs ; un curateur leur fut donnédans la personne de César Guilhem, leur cousin,praticien.deSt-Etienne, et.Michel de Reillane lesémancipa en présence de M Christol Bodo, sonnotaire. Tous trois se mettent à genoux devantleur père; celui-ci prend leurs mains, les ramènevers lui, et puis les repousse, pour exprimerqu'ils sont libres. Dans cet acte, il n'estplus parléde Jean ce qui fait supposer qu'il était mort àcette époque.

Tous ces enfants de Michel de Reillane eurentun sort peu digne de leur naissance; leur grand

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- Jo -nombre, et sans doute les malheurs de ces tempsagités avaient singulièrement appauvri leurfamille.

Georges se fit menuisier et s'établit à St-Michèl.Il épousa Anne Charpin, dont il eut unefille appelée Diane , qui se maria en 1696 àHonoré Tourniaire. Elle avait eu vers 1676un fils, Melchior de Reillane, qui mouruten 1716.

Jacques prit le même métier que son frère. Le27 décembre 1624 sa mère le plaça chez JehanChantras, maître menuisier du lieu de Beaumontqui s'engagea pardevant notaire à le garder iSmois dans sa maison pour lui apprendre son état,et promit de le nourrir pendant ce temps à sonégal et celui de sa famille: En paiement de lanourriture et de l'apprentissage , Lucrèce deNicolaï dut fournir quatre charges mitadiersc'est-à-dire mi-seigle et mi-blé. Si Jacques semaria, il ne laissa sans doute pas d'enfant, car le5 avril 1635 il testa en faveur de sa soeur Margue-rite.

Michel épousa le Juin 1622 Anne Donneaud,fille d'Etienne et de Marie Coupier, veuve deDenis Esclas. Anne se constitue en dot, et Michelconfesse avoir reçu: « une mastre, une oule en fer,un peyrol, une créinaille, une aiche, une eissade,

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tin alaume , six linceuls , deux besèchesdeux robes, huit plats, une salière, etc...; actefait à la bastide de Gaich , terroir 'de St-Martin, où demeure Laugier, beau-frère de lafuture ».

François se maria à Honorade Lardeiret. Ilen eut une fille appelée Lucrèce, qui .épousa le 25Juillet 1655 Pierre L6ubières ménager, fils defeu Michel et de Marguerite Sautel. Le contratfut passé au Combaud où habitait Esprit de Reil-lane, prieur d'Ardène, qui constitua une petitedot à sa nièce. De ce mariage naquirent Jean-Baptiste et Catherine Loubières.

Antoine de Reillane, que nous avons vu instal-ler au prieuré en i 6o5, se démit de sa charge le25Septembre 1628 ; et le même jour Esprit, sonfrère, fut promu en son lieu et place.

Esprit est le dernier de cette famillequi ait tenuun rang dans son pays. Les revenus du prieurélui étaient une fortune, et d'ailleurs à cette épo-que on vivait de peu. Le 16 Février 1634 il futconvenu entre lui et Jacques Rouchon, bourgeoisde St-Michel, que ce dernier logerait et nourri-rait chez lui le Prieur pendant un an, pour lasomhe de i 00 livres. Esprit de Reillane ne mourutque vers la fin du siècle, et nous aurons encoreà nous occuper de lui.

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• Quant aux filles de Michel de Reillane, ellesne réussirent pas, hormis l'une d'elles, à retrouverdans le mariage un sort digne de leur nom.

Claire épousa à Beaumont, le 26 Octobre 1608,Honoré Peiron, fils d'Alexandre et d'HonoradedeMassebœuf. Elle fut mère de Jean et de Melchior,que nous voyons en 1635, conjointement avecleur oncle Georges de Reillane, prendre à rentede Lucrèce de Nicolaï la terre du Gombaud d'Ar-dène, et d'Esprit de Reillane quelques champsdu prieuré.

Mine devint la femme de Barnabé Roux, dontelle eut Françoise, mariée le 25 Juillet 1653 àMartin Loubières, fils de Michel et de Margue-rite Sautel,

Enfin Marguerite, plus heureuse, épousa JeanRome, du lieu de Mane, qui lui apporta unefortuhe honnête et un nom que leurs fils devaientillustrer.

Le dernier acte que nous connaissions deMichel de Reillane, le père des nombreux enfantsdont nous venons de rechercher la destinée, estune reconnaissance envers le seigneur de St-Mi-chel en 1633 ; -dix ans plus tard nous rencon-trons une dernière fois sa veuve, Lucrèce deNicolï,' affermant les terres di Combaud. Il estprobable qu'ils moururent à peu près à ces épo-

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ques, après avoir assisté à la ruine de leur maison.Après eux, le patronage du prieuré d'Ardènetomba en&e les mains de leur fils Esprit de Reil-lane, le même qui était pourvu du bénéficedepuis 1628. A partir de ce moment, Espritréunit donc la nue propriété à la jouissance,et il conserva l'une et l'autre jusqu'à la findu siècle.

Mais tandis qu'il était là encore, dernier repré-sentant d'une antique maison, autour de lui s'éle-vait une famille nouvelle destinée à remplacer lesReillane, et à hériter de tous les droits qu'eux-•mêmes tenaieni de G. Chabaud. C'était la familleRome d'Ardène, issue du mariage de Jean Romeavec Marguerite de Reillane. Cette famillemodeste dans son origine, devait bientôt brillerd'un éclat qui a rejailli sur la vieille Hospitalité.

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III.

La Famille de Rouie.

Jean Rome, qui épousa Marguerite deReillane, était un homme de condition moyenne;sa famille, famille de marchands, comptait dansla bourgeoisie de Mane, gras village situé nonloin d'Ardène, entre Forcalquier et St-Michel.Allié à une famille d'ancienne noblesse, JeanRame dut éprouver le désir de rehausser saposition, en donnant à sa fortune une assietteterritoriale; aussi en 1642 nous le voyonsacheter de sa belle-mère une partie du Com-baud d'Ardène, et simultanément tenir à fermede la même quelques terres environnantes.Déjà en 1635 il avait, comme héritier par safemme de Jacques de Reillane, son beau-frère,posé un pied sur cet antique domaine des Cha-baud et des Reillane. Si Jean Rome fut ambi-tieux, il eut la satisfaction de voir ses voeux lesplus téméraires accomplis , sinon dans sa per-

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sonne, du moins dans celle de ses enfants quiarrivèrent, lui vivant, à une haute position.

Il en avait eu huit de son mariage avec Mar-guerite de Reillane Pierre, André, Gaspard,Jacques, Honoré, Antoine, Anne et Jeanne.

De ses deux filles, la première se maria le 24juillet 1639 avec Antoine Besson, dont elle eutun fils qui fut nommé Jean; la seconde épousa,le 2')septembre j655, François de Tende, lieu-tenant de juge à Marie, à qui elle donna denombreux enfants qui nous occupêront plustard.

Honoré suivit le parti des armes; mais sacarrière ne fut pas longue; il fut tué dans unsiége, à la tête d'une compagnie d'infanterie.Antoine, qui servait en qualité de cadet dansla compagnie de son frère, fut pourvu de sacommission, mais six mois après il mourut demaladie. Jacques se fit religieux, dans l'ordredes Minimes. Son mérite et ses vertus le dési-gnèrent pour prêcher devant Louis XIV, quandce roi vint en Provence. En 167 I, il appar-tenait à la résidence de Marseille, et il mourutdans celle de Bologne en 1678, âgé de 56 ans;il remplissait alors les fonctions de collègue duPère Général. Pierre épousa Magdeleine deTende, fille dl-tend de Tende et d'Honorade

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Besson, soeur de son L'eau-frère; c'est lui quicontinua la descendance.

Mais la gloire der cette maison vient touteentière de Gapard et d'André Rome, que nousvoyons dès 1652 étàbliè à Paris, dans unebrillante position, et revêtus de chargés honora-bics à la cour de Louis XIV, Ils avaient étéanoblis, ils prenaient le titre d'écuyer , et sefaisaient appeler de Rome sieurs d'Ardène.Leur blason était d'argent, à la barre d'api;-chargée de S fieursde lis d'or, accostée de deuxroses de gueules. Comment s'était faite cetteélévation subite des deux frères ? c'est ce quenous ignorons ; mais ils la durent probablementaux Forbin Janson, seigneurs de Mane, dontla protection put leur être fort utile. Il y eutsans doute une intime liaison entre ces deuxfamilles, puisque nous voyons en 1672 Ahdréde Rome nommer la marquise de Janson sonexécutrice testamentaire, s'en rapportant à elledes soins de ses funérailles et des messes àfaire dire. Gaspard et André se firent encorede puissants amis le marquis d'Humières,maréchal de France, et sa femme qui étaitdame d'atours de Ia'reine; les ducs de Luyneset de Chevreuse, ce dernier beau-7flts de.Coibert;et Bontemps premirch,,.,,nibre du roi,

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Le 22 septembre 652, André fut nomméconseiller et aumônier ordinaire du roi. En juin1654, pai une provision datée de Rheims,Gaspard obtint la charge debarbier et valet dechambre de Sa Majesté, emploi qu'il avait achetéle 5 mai précédent de noble homme Jean Martin,sieur,de La Martinière, pour la somme de gSoolivres. Il était déjà un des deux cents chevaux lé-gers de la garde du roi. Le 13 décembre 1670, ilacheta une seconde charge de valet de chambre,que François de Turgis, sieur du Pont St-Hilaire, lui vendit pour la somme de i8000livres. Il en obtint la provision le 27 du mêmemois. Il était à cette époque un des cent gen-tilshommes de la maison du roi.

André de Rome, malgré les charges quil'attachaient à la cour, semble avoir souventhabité la Provence. En 1655 il assistait auxcontrats de mariage de Pierre Loubières avecLucrèce de Reillane, et de Martin Lou bières avecFrançoise Roux, petite-fille de Michel de Reil-lane. Ces actes furent passés au Conbaud, oùdemeurait Esprit de Reillane, prieur dArdène.André signe aux contrats et prend la qualité deGouverneur des pages. L'année suivante nousle voyons retenir, par droit de Image, un coinde pré, qui avait appartenu à Michel de Reil-

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- Do -fane ; ce pré était situé sur les bords du Largue,et sans doute confrontait les terres de la famille.En 1658 il achète de Georges de Reillane, sononcle, sa part de terres au Combaud, et aussice qu'il y possède comme héritier de ses frèresJacques et Michel. En 1659 il achète encoredu prieur Esprit de Reillane des terres dans lemême quartier.

Le 9 décembre 16 D- 8 André de Rome obtintde Louis XIV sauvegarde pour le lieu de St-Michel, c'est-à-dire exemption de tous logementset courses de gens de guerre. En signe de pro-tection, il fut permis aux consuls de placer entel endroit qu'ils voudraient les armoiries deSa Majesté. Ce service, rendu par André auvillage de St-Michel , est l'origine de la tra-dition locale qui prétend que l'avenue du Com-baud était un lieu de sauvegarde et refuge pourles malfaiteurs, comme l'étaient les églises et lescloîtres pendant le moyen-âge. On raconte que,sur le portail d'Ardène, était une plaque portantce mot Sauvegarde; n'est-il pas naturel decroire que les consuls, autorisés à placer en tellieu qu'ils voudraient les armes du roi, firentà André de Rome la gracieuseté de les mettresur le portail du domaine de sa famille, en yajoutant ce mot qui exprimait le service rendu?

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Ainsi se trouve justifié le dire d'un vieillard deSt-Michel, qui racontait pour l'avoir appris dusuccesseur des Rome, au commencement de cesiècle , que la sauvegarde d'Ardène consistaitseulement dans une exemption d'impôt.

Le 9 novembre 1659, le conseil de la commu-nauté, officiellement informé par Louis de Ven-dôme de la faveur qui lui était accordée, votaitdes retuerciments à André de Rome, et luidonnait la somme de i 5o livres pour ses fraisde voyage et débours en cette occasion ; il pro--mettait encore de mieux reconnaître à l'avenirles peines et soins de leur protecteur, si des gensde guette étant dans la province à quartierd'hiver, le village • en était exempt par le moyende la sauvegarde qui lui était concédée. Leconseil semblait donc ne pas avoir entière con-fiance dans la faveur que lui accordait

Sa Ma-jesté.- Nous avons vu qu'André de Rome étaitpropriétaire au Combaud , et qu'il y faisaitparfois sa résidence; on peut supposer queGaspard, lui aussi, possédait une partie de cedomaine, et que tous deux venaient, leur quartierfini, chercher le calme de la famille dans cettesolitude. Ce fut l'un des deux frères qui dotaArdène d'une magnifique tenture, qu'on y voit

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- 6, -encore aujourd'hui, toute en lambeaux, et quel'on dit avoir été la tapisserie de la chambrede Louis XIV. Mais sans doute Gaspard etAndré n'étaient pas seuls à Ardène ; ils devaienten partager la propriété avec Pierre, leur frèreaîné, qui n'avait pas abandonné le pays natal.De plus, le prieur Esprit de Reillane y avaitconservé un logement.

Gaspard de Rome testa à Paris le g juin 16 7 1 -Dans son testament il prend les titres et qua-lités de: « escuyer , l'un des cent gentiLshom-mes de la maison du roy, valet de chambrede Sa Majesté, contrôleur de la maison dela Reine-Mère, capitaine et concierge de la mai-son de sa dite Majesté à Marseille, fils de JeanRome et de Marguerite de Reillane dont les osse-ments », dit-il , e reposeront sous le choeur del'église des Minimes à Mane ». Il mentionnesa femme, qui se nommait Louise de Bonna-donc, reconnaissant ne pas en avoir eu d'enfants;ses frères: Pierre, André et Jacques; ses soeursAnne et Jeanne; et sa belle-soeur Anne de Bon-nadone, femme d'Antoine de L'Orme. Enfin ildonne son héritage à André Rome, son frère,à défaut à Pierre, son autre frère, et à défautdes deux, à Honoré Rome, fils de Pierre. SiHonoré Rome, lui-même, trieur; sans enfant

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avant le testateur, l'héritage passera à André,son frère puîné, et à défaut d'André aux autresenfants mâles légitimes de Pierre Rome, si Dieului en donne d'autres, et à défaut enfin aux fillespar égales portions. Suivent divers legs en faveurde sa famille de ses gens, de l'hôpital despauvres, de la Charité et de la Miséricorde deMarseille, et enfin de l'hôpital de Mane.

Gaspard mourut cette même année 16 7 1 -André de Rome fit son testament à Paris le

23 avril 1672. 11 demande d'abord a être inhumédans l'église de St-Sulpice , sa paroisse; puisil stipule quelques legs d'amitié en faveur deplusieurs de ses parents: Louis Billard, soncousin, demeurant à Forcalquier; Claire, Lu-crèce et Louise de Reillane, ses cousines; sonfrère Jacques; Anne et Jeanne, ses soeursJean Besson, son neveu, fils d'Anne ; et le sieurde Tende de la Grange. Il laisse la somme deI Soo livres • à l'hospice de Mane , lieu de sanaissance. Enfin il donne le surplus de sesbiens à son frère Pierre de Rame.

Après la mort de Gaspard et d'André deRame, leur fortune passa donc entre les mainsde Pierre; mais celui-ci n'en jouit pas longtemps,car il semble avoir peu survécu à ses frères,dont il était Vraisemblablement l'aîné.

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De son mariage avec Magdeleine de Tendeil avait eu deux filles, Anne et Marguerite, etdeux fils, Honoré et André. Anne épousa J.-B.Baudin, notaire à St-Michel. Marguerite futmariée à Gaspard Gleize, dont elle eut trois en-fants : Victor, Jean-Baptiste qui devint prieurd'Ardène, et Marie qui épousa Jacques Ginoir.André fut admis parmi les moines de St-Victorde Marseille, pourvu d'un bénéfice que lui con-féra l'abbé de Vendôme, à la prière du sieur deRome, son oncle. Honoré succéda à son père.

Une note, sans date, nous fait connaître, l'étatde la fortune dont ce dernier hérita. A la discrétiondes termes, et au soin avec lequel les noms pro-pres ne sont indiqués que par une simple initiale,on comprend que c'était une note confidentiellefournie, par un ami commun, à une famille aveclaquelle Honoré de Rome voulait s'allier. Cettefortune se compose: d'une bastide dans le terroirde St-Michel, qui pour moins de 3oo livrespourrait être érigée en arrière-fief; il y a 45 char-ges de semence, 25 souteirées de prés, des fon-taines, etc. ; elle rend i Soo livres ; autres terresrendant 900 livres ; deux maisons à Mane;le privilége des glaces de Paris, étant quatre enportion , son quart est affermé 65o livresle privilége des glacières du Languedoc, étant

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trois intéressés, son tiers étant de 1700 livresla maison du roy à Marseille, à la loge, rendanti 68o livres ; les gages de capitaine et conciergede la dite maison du roy, 100 livres. Quant à lapersonne du jeune homme, il est dit qu'il a fortbien étudié en philosophie, et disputé aux thèsespubliques, qu'il a 24 ans, qu'il est bien fait,d'humeur fort douce, sage et posé. Il est alléà Constantinople, officier sur le vaisseau deM. d'Aplemon, son ami. Enfin il a pour amis, àParis, tous ceux qui l'étaient à défunt son oncle]).

Un projet d'acte, non daté, nous apprendqu'Honoré de Rome essaya d'obtenir d'Annibalde Marin, baron de St-Michel et de Porchères,l'érection du Combaud d'Ardène en arrière-fief,comme il avait été prévu dans la note que nousvenons de relater. Les confronts devaient être:au midi, le Largue; au levant, le chemin quiconduit aux moulins neufs de St-Michel, et delà la fuite de l'&u desdits moulins jusqu'au Lar-gue; au nord, le grand chemin ; et au couchant,le ruisseau de Reculon, depuis le pont, jusqu'àson confluent. Étaient comprises dans cettecontenance les terres du prieuré d'Ardène, etd'autres terres appartenant aux gens de St-Mi-chel, sur lesquelles le dit seigneur et baronremettait à Honoré de Reine la basse et la

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moyenne justice, ainsi que la ditecte. Il lui per-mettait de construire un château avec créneaux,meurtrières et mâchecoulis, d'établir des officiersde justice, de chasser ou de faire chasser, et depêcher dans la rivière du Largue. Le nouvelarrière-fief devait, prendre le nom d'Ardène, etson propriétaire était autorisé à s'appeler sieurd'Ardène. La redevance émit une épée à poignéeet garde d'argent, due à chaque nouvelle prisede possession des seigneurs de St-Michel, avecfoi et hommage à la manière des vassaux nobles,c'est-à-dire, debout et l'épée au côté. Enfin cetteérection devait être faite moyennant une sommede.....qu'Honoré de Rome aurait payée à Anni-bal de Marin. Mais il est probable que l'on neput s'entendre sur le chiffre de cette somme, cartout ce beau projet échoua et Ardène resta unesimple bastide.

Cependant Honoré ne se tint qu'à demi pourbattu, et obligé de renoncer aux créneaux et auxmâchecoulis, il n'en éleva pas moins un châ-teau à l'aspect tant soit peu seigneurial, celui quel'on voit aujourd'hui. C'est à lui en effet quecette construction doit être attribuée , parcequ'il est le premier de sa famille qui ait possédéArdène en totalité, son père n'ayant pas vécuassez longtemps pour jouir de l'héritage qui lui

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fut laissé par Gaspard et André de Rome.D'ailleurs le style de ce château, avec ses fené-Ires à cintre surbaissé et ses grosses tours ron-des, se rapporte parfaitement à cette époque.

C'est à lui aussi que sont dties les belles planta-tions de marronniers qui firent de cette campagneune magnifique résidence. Elles ne peuventpastre plus anciennes,, car cet arbre, n'ayantété apporté en France que vers 1656, ne devintcertainement pas commun avant 1670 ou 1675,c'est-à-dire avant l'époque où Honoré entra enpossession du Combaud. D'autre part on nepeut les attribuer à ses successeurs, puisqu'il estdit dans la vie de son fils aîné, que dès 16goArdène était déjà embellie de jardins et de bos-quets. Enfin son fils cadet, le Père de l'Oratoire,dont nous aurons à parler bientôt, nous raconte,dans son Traité des Renoncules, qu'il a sous lesyeux plus de 200 marronniers formant d'agréa-bles bosquets et de belles allées.

Honoré de Rome était capitaine de la maisondu roi à Marseille, commissaire des galèreset inspecteur des bois et fdrêts de Provence. lihabitait tantôt à Marseille, où le retenaient sesfonctions, tantôt à Ardène qu'il aimait singu-lièrement. Il avait épousé Antoinette Leroi,fille de Jean Leroi, contrôleur général des

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galères, et de dame Louise de Piquet, cousinepar sa mère de Monsieur de Piquet, évêque deCésarqple, vicaire apostolique de Babylone, etambassadeur de Louis. XIV auprès du GrandSophi. Il eut de ce mariage, le 3 mars 1684,Esprit-Jean de Rome, le fabuliste, et vers la finde 1689 Jean-Paul qui se fit Oratorien et devintun botaniste distingué.

Mais pendant que nous suivons ainsi lagénéalogie de la famille de Rome, et l'histoirede son introduction sur le sol d'Ardène, qu'étaitdevenu le vieux prieuré? Il était toujours entreles mains d'Esprit de Reillane, qui, pourvu le25 septembre 1628, avait traversé tout le xvii0siècle, retiré dans son bénéfice, et resté seulde sa nombreuse famille avait vu une famillenouvelle lui succéder à Ardène. Non-seulementil était prieur, mais encore le patronage laïcalet clérical lui appartenait, parce qu'il réunissaiten ses mains les droits de tous les Reillane.Aussi le 8 novembre 1686, se voyant avancéen âge, et ne voulant pas laisser tomber endésuétude le privilége qui lui appartient envertu de la fondation faite par Noble GuillaumeChabaud, au mois de mai 1209, ((duquel Cia-baud il est», dit-i], « des descendants ou de ceuxqui ont droit et cause de lui, il transmet ses

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-68---droits de patronage sur le prieuré de N.-D.d'Ardène à Honoré de Rom; escuyer, sieurd'Ardène, son neveu, petit-fils de Marguerite deReillane, sa soeur. Il se réserve cependant denomnier à ce bénéfice, une fois sa vie durant,telle personne qu'il advisera ». Peu de tempsaprès l'évêque de Sisteron approuva cette dona-tion, non sans faire ses réserves sur les droitsde nomination qui pouvaient lui appartenir. Cesdifficultés se renouvelaient en toutes circons-tances.

Le 29 octobre 1687, Esprit de Reillane, usantdu droit qu'il s'était réservé dans l'acte dedonation , nomma au prieuré d'Ardène J.-B.Gleie, clerc tonsuré de Marie, fils de GaspardGleize et de Marguerite Rome. Cet acte ftitdressé dans la bastide d'Ardène, où le prieurfaisait sa demeure depuis plusieurs années,bien qu'elle appartînt à Honoré de Rome.

Peu de jours auparavant, le 17 octobre,Esprit de Reillane avait fait son testament « Etpremièrement a très-humblement supplié N .-S.-J.-C. quand il lui plaira séparer l'âme de soncorps, vouloir icelle loger dans le ciel avec lesBienheureux, laissant iceluy pour être ensevelidans la chapelle de Notre-Dame d'ArdèneDisposant de ses biens, il mentionne André de

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RoLne; Aune de Rome, veuve de J.-B. Baudinnotaire à St-Michel ; Anre de Rome, veuved'Antoine Besson ; demoiselle Jeanne deRome,veuve de François de Tende; Marie Gleize, fillede Gaspard et de demoiselle Marguerite deRome; Lucrèce Avonne, fille de Jacques etd'Anne de Reillane ; Delphine et Aune Roux,filles de Michel Roux ; Françoise Roux, femmede Martin Loubières , ménager ; Margueritede Rome. veuve Gleize; Pierre Loubières, mé-nager de St-Michel, veuf de Lucrèce de Reillane,avec ses enfants Jean-Baptiste et CatherineDiane de Reillane, fille de Georges ; et BarnabéRoux, fils de Miche!. Après ces divers legs,il institue pour son héritier universel Honoréde Rome, sieur d'Ardène, avec obligation deprendre son nom et ses armes. Il veut que lejour de son enterrement il soit fait aumône auxpauvres de St-Michel de deux charges de seigle.Enfin il demande qu'il soit célébré pour lui àperpétuité u une haute messe de mort dansl'église de St-Michel , la veille des fêtes del'Annonciation, de la Nativité de la Ste-Viergeet de l'Assomption, et que pour cette messe ilsoit donné aux prêtres de St-Michel la sommede 12 sous.

Le choix de ces trois fêtes de la Ste Vierge

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ne peut-il pas faire supposer qu'elles étaientles fêtes patronales du prieuré? Le vénérablevieillard dont la vie s'était écoulée à l'ombre del'antique chapelle, et qui désirait reposer aprèssa mort au pied de l'autel qu'il avait pieusementdesservi, ne voulut-il pas, par un dernir actede dévotion, recommander le salut de son âme àNotre-Dame d'Ardène ? Rien ne serait plusnaturel, mais il faut bien reconnaître que rienn'est moins prouvé.

Esprit de Reillane fut donc prieur de 1628 à1687, pendant 59 ans. Il laissait à sa mortle prieuré entre les mains de J.-B. Gleize, et leCombaud d'Ardène ainsi que le patronage dubénéfice dans celles d'Honoré de Rome.

Cependant il paraît que la chapelle du prieurémenaçait ruine, et bientôt il fallut songer à larestaurer. En 1720 3.-B. Gleize, auquel in-combait cette obligation, s'apprêtait à réparertant bien que malles murs chancelants, quandHonoré de Rome, pour faire honneur à sontitre de juspatron, se chargea de reconstruirel'église , et n'exigea du prieur qu'une faiblecontribution. Utilisant les murs anciens sutune hauteur de i" 5o environ , il réédifia lepetit monument, auquel il donna de justesproportions et une élégante façade. Il dépensa

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7 ! -en cette occasion la somme de i 38o livres.C'est alors sans doute que furent plantés lesbeaux marronniers qui aujourd'hui encore cru-brygcnt la chapelle.

îrois ans après, le 17 août 7723, Honoréde Rome, devenu veuf, épousa en secondesnoces demoiselle Françoise Louxi de Passebon,fille de feu Henry Louxi de Passebon, capitainede galère, et de feue darne Marguerite de i3ros-son. Nous n'avons pas trace d'enfants nés dece mariage. Nous pouvons même croire qu'Ho-noré, qui avait déjà atteint un certain âge, nevécut pas longtemps encore, car â partir de cemoment il n'est plus fait nulle part mention delui. En mourant il laissa à son fils ainé, Esprit-Jean de Rome d'Ardène, tous ses droits sur ledomaine du Combaud et sur la vieille Hos-pitalité.

Espit-Jean de Rome, né à Marseille en i 684,avait passé les premières années de son enfancepartie dans cette ville et partie à Ardène, rési-dence que son père affectionnait beaucoup. Ilavait à peine atteint l'âge de huit ans , lorsqueses parents ayant dû quitter la Provence et s'éta-blir pour quelque temps dans une terre situéeprès de Lyon , l'envoyèrent commencer sesétudes à Nancy. Il n'y resta que deux ans, et

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.vint' continuer son' éducation dans sa famille,sous la conduite d'un avocat de Besançonnommé Viard. Il travaillait conjointement avecson jeune frère, auquel l'unissait la plus tendreamitié , et le souvenir de ces premières anneesdevait rester cher à ious les deux.

Il avait à peu près 12 ans, quand se manifestason goût .pour la poésie. Les premiers versqu'il ose avouer sont le quatrain suivant, que luiinspira la lecture des malheurs de Didon, dansle 4e livre de l'Enéide

Lors même que la mort, plus humaine qûc toi,De mes jours malheureux interrompra la suite,Mon ombre ira partout t'offrir encor ma foy,Ou me venger, ingrat, de ta cruelle fuite.

Encouragé par son instituteur, il gravait quel-ques jours après un nouveau quatrain surl'écorce d'un beau sycomore, dans le petit boisd'Ardène. Dès lors il ne cessa plus de faire desvers. Sous les premiers souffles de l'inspiration,il rima les moindres événements de sa vie cham-pêtre, et dès cet âge si tendre il se lança dansune voie où il ne devait plus s'arrêter. Plusâgé il fit des connaissances littéraires: M. deSt-Quentin, Mtbc de Villeneuve de St-Laurent,l'abbé de Lure M. de Valavoire, le chevalier

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de .Romieu, la marquise de Janson, et la -mar-quise de Simiane Julie de Grignan , petite-fillede M'ne de Sévigné.

Sa jeunesse s'écoula dans ces agréables rela-tions. Uniquement occupé aux travaux de l'es-prit , il se refusa à la recherche des fonctionspubliques, et il vécut longtemps à Ardène quilui plaisait fort, dit l'histoire de sa vie, pour lesagréments qu'on y a ménagés et qui la rendentgracieuse.

En i 71! d'Ardène se maria; il épousa AnneElisabeth de Leisler, fille de feu messire JeanHenri de Leisler, col pnel . d'un régiment aile.mand au service de la France (t).

Peu de temps après il alla à Paris avec safemme ) et il s'y établit sinon d'une manièredéfinitive, du moins avec l'intention d'y, prolon-ger son séjour. Il rechercha la société des gens

(z) J. H. de Leisler, d'origine alsacienne, mais naturalisasuisse dans le canton de Berne, avait levé en 1668 unecompagnie avec laquelle il entra dans le régiment de JeuneStuppa. il se distingua à Senef, servit en Flandre dans lacampagne de 1678, et assista aux batailles de St-Denis et deFleures. A la suite de cette dernirc, le 25 juillet 1690,Louis xlv lui fit expédier une commission pour lever un régi-ment d'infanterie nileinande de son nom. Avec ce régiment,compos en grande partie de prisonniers allemands faits pen-dant la bataille, de Leisler fit trois campagnes en Catalogne. Il

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de lettres et se lia avec Racine le fils et Fohte-nelle.

Ce fut à cette époque que parurent les fablesde M. de la Motte. Excité par la lecture de cesfables que tout le monde critiquait, d'Ardène sesentit la tentation de mieux faire, et en troismois il composa une centaine d'apologues, dontcepehdant il fut obligé de retarder la publicationpar suite de divers événements.

En 1724 il quitta Paris et vint passer l'hiverà Marseille. Il fit alors la connaissance deM. de la Visclède, Secrétaire perpétuel de l'Aca-démie decette ville , qui l'engagea âne pas selivrer exclusivement à la poésie et à s'exercer àécrire en prose. D'Ardène se laissa persuader,et peu de temps après, étant retourné à Paris;il concourut pour le prix de discours devantl'Académie de Pau. Le sujet proposé était: « Le

s'était fait catholique en 638, et à partir de ce moment js'était établi dans les États du prihce-év&quc de Bûle. ilmourut le 22 juillet 1694 d'une blessure reçue au siégcd'Ostalrie; son régiment, donné au comte de Sparre, pritIo nom de Royal-Suédois. cette ft,mil!e portait: d'azur èune syrène d'argent, couronnée de même, tenant de chaquemain un poisson aussi d'argent.

Achille de Leisler mourut à Efle GO 1737. Son fils, aussinommé Achille, devint grand-tribun de la république, etmourut en 1784, le dernier de sa maison.

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mauvais usage que nous faisons de notre bbn-heur est souvent la cause de nos disgrâcesSon discours ayant été couronné , d'Ardène futencouragé dans cette voie , et â partir de cemoment il concourût plusieurs fois devantdiverses Académies du royaume. Quelques-unsde ses ouvrages obtinrent le prix, d'autres eu-rent au mains les honneurs de l'impression.

En 1727, M. de la Visclède écrivit à notreauteur que l'Académie de Marseille serait flattéede le recevoir dans son sein. Mais tout honoréqu'il fût de cette marque d'estime, il lui réponditque son dessein étant de séjourner longtemps àParis, il ne pouvait accepter que le titre d'as-socié; honneur qui lui fut accordé à l'unanimité.

Il resta en effet assez longtemps dans la capi-tale; mais sa santé chancelante ayant exigé l'airnatal, il revint enfin en Provence

'et se retira

dans une bastide qu'il acheta près de Marseilleau quartier du Camas. Il vécut dans cetteretraite , tourmenté par les infirmités, mais nelaissant rien paraitre de ses souffrances , et fai-sant jouir ses amis de l'aménité et des agrémentsde son caractère. C'est à Marseille, et dabs cettecampagne sans doute, qu'à la demande de sonfi-ère, qui vivait à Ardène, il recueillit et copiade sa main ses divers ouvrages, non dans un

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but de vanité, mais par amitié pour celui qui luien avait fait la prière.

« Ces ,vers o, lui dit-il dans sa préface datéede Marseille 26 novembre 1732, o ne serontque dans votre charmante bibliothèque; c'estla seule place que j'aie désirée pour eux, etla seule au fond qui leur convienne. Ce recueil,ajoute-t-il, est un tribut d'amitié que je vousrends pour celle que vous m'avez toujours té-moignée. Personne n'avait plus de droit quevous, mon très-cher frère, sur toutes ces produc-tions; d'ailleurs vous les avez vues naître pourla plupart; vos observations ne leur ont pasnui ...... Quand par droit de primogéniture, jeserai entré le premier dans la carrière que nousont frayée nos pères, quand je ne serai plusalors une partie de moi-même, pour ainsi dire,vous restera. Vous lirez quelquefois avec uncertain plaisir mêlé pourtant , je m'en flatte , dequelque amertume, les ouvrages d'un frère quine vous en transmet la propriété que parcequ'il vous aime avec tendresse o. Ce recueil,écrit de la main de l'auteur lui-même, servit aprèssa mort à l'édition qui fut faite de ses oeuvres.

Cependant les souffrances qu'endurait Esprit-Jean d'Ardène lui rendaient difficile le séjourde la campagne. Il revint'donc à la ville cher-

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cher les soins qui lui étaient nécessaires; mais cefut en vain; un dernier mal l'atteignit et l'enlevaà ses amis le 27 mars 1748- une laissa aucunenfant de son mariage, ceux qu'il avait eus d'Eli-sabeth de Leisler n'ayant pas dépassé la pre-mière jeunesse. Sa femme semble avoir quittéMarseille et s'être retirée à Paris ; car son testa-ment, fait dans cette capitale en 1 7 67 , y futdéposé et ouvert le 25 mai 1772. Il se trouvatout en faveur de Jean Michel de Greling , deMarseille , son cousin (i).

Jean-Paul de Rome, le second fils d'Honoréet d'Antoinette Leroi , succéda aux biens deson frère, et par conséquent hérita du châteaud'A.rdène et de toutes les terres en dépendant;Déjà depuis longtemps il en semblait le proprié-taire, y faisant presque constamment sa rési-dence. Né Ardène même vers la fin de 1689, ilétait le cadet de son frère de près de six ans;cependant il avait commencé ses études sous ladirection du même Monsieur Viard, qui étaitchargé de l'éducation de son aîné. Après seshumanités il alla faire sa rhétorique et sa philo-

(i) Jean Michel de Greling Était fils de Jean de Greling,major dans le régiment de Leisler et cousin germain ducolonel Jean Henri de Leisler.

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sophie au collége de Marseille. Dans cette mai-son, Jean-Paul, qui était arrivé ài'lge où uncadet de famille doit prendre une déterminatiop,sentit naître en lui le désir d'entrer dans l'Ora-toire. Il avait iq ans à peine quand il donnasuite à son pieux dessein, et le ï S décembre 1708il fut admis à Aix dans cette illustre congré-gation.

Il fit sa théologie à Arles, puis il revint àMarseille, où il devait enseigner les humanités,mais non toutefois avant de s'être exercé auprofessorat dans les classes inférieures, commec'était l'usage de l'Oratoire. Malheureusementces études continues altérèrent sa santé depuislongtemps fort délicate. Bientôt on dut ledé-charger de tout emploi, et en 1714 on l'au-torisa à se retirer dans sa famille, à Ardène.En 1718 Jean-Paul fut ordonné prêtre. Ilcontinua à demeurer à Ardène, dont l'air luiétait très-favorable; mais il ne cessa jamaisd'appartenir à l'Oratoire, et chaque année ilvenait à Marseille passer quelque temps aumilieu de ses confrères.

Ainsi retiré à la campagne, l'abbé d'Ardènesut se créer d'utilds occupations; il se livra àl'étude, et s'appliqua surtout à la botanique.Il fit venir des plantes rares, il les cultiva avec

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soin ; ses vergers étaient des plus beaux, sesparterres des plus riches en fleurs de toutessortes. « Ce savant aimable n, dit d'Arluc dansson Histoire naturelle de Provence, « cultivaitles fleurs avec cet art que le génie inspire etque le succès couronne. Ses jardins, ses terrassesétaient ornés en tous temps des plus beauxprésents de Flore «.

Mais les travaux du bon Oratorien ne sebornaient pas à l'art de soigner des fleurs et detracer des bosquets ; il s'attacha au côté utilede la botanique, il étudia les herbes dans leursvertus médicinales, et bientôt il devint le médecincharitable de tous les pauvres de la contrée.Les aimables qualités de son caractère lui gagnè-rent l'affection de tous ses voisins, en mêmetemps que son érudition attirait de loin les hom-mes les plus versés dans les sciences naturellesil se forma autour de lui une société savante etdistinguée, et Ardène devint le rendez-vous desseigneurs du canton, comme de tous les savantsque renfermait la Provence.

En '749 Jean-Paul de Rome fut obligé d'in-terrompre les utiles travaux qui occupaient sesloisirs, et d'abandonner pour un temps sa douceretraite. A la prière de ses confrères, il vint àMarseille prendre la supériorité du collége de

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l'Oratoire. Dans ce poste difficile il se conduisitavec la plus grande sagesse, et réussit mêmeà calmer les différends survenus entre l'Oratoireet Monsieur de Belzunce, qui reprochait à cettecongrégation des penchants jansénistes. Sa su-périorité finie, il se hâta de regagner sa chèresolitude. -

En recueillant la succession de sou frère, Jean-Paul de Rome était devenu en 1748 propriétaired'Ardène et juspatron du prieuré. L'ancien hôpi-tal des pauvres était, depuis la mort d'Es-prit de Reillane, entre les mains de J.-B.Gleize. Les rapports semblent ne pas avoir étéexcellents entre lui et l'abbé d'Ardène ; au moisde juillet 1753 nous voyons celui-ci adresser unesupplique à l'évêque dé Sisteron, le priant d'exi-ger de J.-B. Gleize qu'il représente les titres dela fondation de la chapelle que lui, patron, neconnaît pas, afin de savoir quelle charge estattachée au bénéfice; demandant, en outre qu'àdéfaut de cette communication, la charge et leservice soient déterminés par l'évêque lui-même.Le prieur s'étant refusé à communiquer le titrede fondation, M. Lafltau lui imposa de célébrerou faire célébrer, chaque semain p , une messe auprieuré, pour le repos de l'âme et ' à l'intention -des fondateurs.-

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Cette lutte, dans laquelle Gicize fit preuved'un caractère difficile, est le dernier actedu vieux prieur; il mourut vers le commen-cement de 1755, ayant occupé le bénéfice pen-dant 6 ails. Aussitôt Jean-Paul de Rome choisitpour le remplacer Marc-Antoine Magnan, prêtrede Forcalquier, qui fut agréé par l'évêque deSisteron le 20 février de la même année.

Marc-Antoine Magnan était fils de Jean Ma-gnan, procureur, qui fut premier consul deForcalquier en 1673 et 1685, et de Libérate deTende, fille de Français de Tende et de JeanneRome. Il était donc, par sa grand'mère, cousindu Père d'Ardène. En 1733 il avait été secondrégent du collége de Forcalquier; en 1734-3gil desservait la chapelle rurale de N.-D. deFôugères, et enfin il était devenu bénéficiaire del'église concathédrale quand il fut appelé auprieuré de Notre-Dame d'Ardène.

Si l'abbé de Rome avait eu à souffrir du ca-ractère chagrin de J.-B. Gleize, il vécut au con-traite dans la plus intime amitié avec le nouveauprieur. Aussi, à partir de ce moment, s'occupa-t-il avec attention de tout ce qui concernait lebénéfice. C'était lui qui, en l'absence de M. A.Magnan, soignait ses intérêts, surveillait sesfermiers, et aussi présidait les solennités reli-

t;

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gieuses. On se rappelle . encore dans la contrée lapart qu'il prenait à une procession qui , le jourde la Nativité de la Très-Sainte Vierge, venait deSt-Michel à l'église d'Ardène. Sans doute Pu-sage de cette procession, que la tradition nousapprend, devait remonter à une époque plusancienne, et en nous rappelant que cette fête estune de celles fixées par Esprit de Reillane, danssoittestanlent, pour qu'une messe fût célébréeà son intention, nous devons nous confirmerdans la pensée que la Nativité était une desfêtes patronales du prieuré.

Cependant le Père de Rome continuait à Ar-dène ses paisibles travaux; privé par la mortde ses plus proches parents, il vivait solitaire,n'ayant auprès de lui que quelques domestiques,son jardinier, et un secrétaire qui l'aidait dansla composition de ses ouvrages. Il nous a laisséune série de livres dont la plupart ont rapportà la botanique et à l'horticulture (i), entre autres

(i) Les ouvrages du P. d'Ardne sont: i' Réflexions sur lediscours qui a remporte le prix de l'Académie de MarseilleCfl 1732. - z' Discours sur co quil est plus diflicile et plusglorieux de remplir exactement son devoir , que de faire desactions brillalites qui1 n'exige pas, couronné par l'Académiede Marseille, crI 1744.— 3' Traité des Renoncules. 1746,in-R'. —4' Traité des Tulipes. 7Gn, in-12.- 5, 'rtd des

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des traités sur les Renoncules, les Tulipes, lesOEillets, la Jacinthe et l'Oreille d'ours. La plusimportante de ses oeuvres est l'Année champêtre,oeuvre de longue haleine qu'il avait diviséeen trois parties: le Potager , le Parterre et laFerme. La première partie seule partit en troisvolumes; les deux autres ne furent jamais im-primées par suite de la mort de l'auteur, et lesmanuscrits passèrent entre les mains du baronbaronde la Tour d'Aigues , l'ami et le Mécène del'abbé d'Ardène.

Tous ces ouvrages ont un caractère éminem-ment pratique, et un cachet tout local, mêmepersonnel. L'auteur cite à chaque instant sespropres expériences , ses méthodes, les résultatsobtenus par lui. Ses observations s'appliquentau climat et au sol des Alpes. S'il herborise,s'il recueille les fruits et les plantes sauvagesc'est toujours sur le Luberon et la montagnede Lure; il ne parle que de ce qu'il a vu,

Œillets. 1762, in-i2. - 6' Traité sur les Jacintes. Avignon,1759 , in-la. - ' Traité sur l'Oreille d'ours. - 8' Lettresintéressantes pour les médecins , etc. Avignon , chez Cham-beau, 1759 , 2 vol. in - 12 - - 9' Observations sur ce qui estdit des Lettres intéressantes etc., dans l'Année litMraire Avi-gnon, 1760.— 10' Année champctre, " partie. j76o, 3 vol.in-i2. - Abrégé des instructions sur le jardinage. 1767.

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- -84-de ce qu'il a fait , de ce qu'il connaît par lui-même.

Tels étaient les travaux qui occupaient lesdernières années de J. P. de Rome. Entouré del'affection et du respect de tous , il vécut ainsijusqu'à l'âge de So ans , et mourut à Ardèrte le5 décembre 1769. Il fut enterré dans la cha-pelle du prieuré, d'où son corps a été exhuméil y a peu d'années pour être enseveli dans lecimetière de St-Michel.

Le Père d'Ardène ne laissait aucun parent deson nom, et en lui s'éteignait la descendancemasculine de Jean Rome. Par son testamentil nomma pour lui succéder Jean-Paul-Abdonde Tende, son cousin et filleul. Une nouvellefamille vint donc s'établir dans l'antique domainedes Chabaud; elle devait voir la Révolutionavec son génie destructeur , bouleverser l'ordredes choses et détruire le vieux prieuré.

Fi

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'V.

La Famille de Tende.

Pour la troisième fois depuis la fondation del'Hospitalité en 1209, Ardène changea de mai-tres à la fin du xviii 0 siècle ; elle avait appar-tenu successivement aux Chabaud , aux Reil-lane et aux Rome , et maintenant elle entraitdans le patrimoine des de Tende. Et cependant,malgré ces changements de propriétaires, onpeut dire qu'Ardène, depuis le commencement,est restée dans les mêmes mains, puisque un liende parenté unissait entre elles ces quatre maisons,et qu'à l'extinction de chacune d'elles , à défautd'héritiers du nom, le vieux domaine passa auxenfants issus d'une des alliances de la famille.

La famille de Tende devrait être considéréecomme une des plus illustres de la Provence,si son origine n'était souillée deux fois par latache de l'illégitimité (i).

(i) Tende porte les armes de Savoie: d&gueuies à la croitd'argent; la croix est charMe en coeur d'une traverse de sable.

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Le premier qui ait porté ce nom est René deSavoie, dit le Grand, fils naturel de Philippe II,duc de Savoie. René avait été avoué par sonpère, et déclaré apte à succéder au trône ducalau défaut des enfants légitimes. Il épousa le iofévrier 1494 .Anne de Lascaris , fille de JeanAntoine de Lascaris, des Empereurs de Cons-tantinople; étant devenu par sa femme souve-rain du comté de Tende, il en prit le nom et letitre.

A la mort de Philippe II en 1497, Phi-libert, le nouveau duc de Savoie , donna au filsde son père , en apanage , le comté de Villarsen Bresse, et les seigneuries d'Aspremont et deGordans; cette même année, il le nomma lieu-tenant-général de tous ses États. Mais cettefaveur ne fut pas de longue durée. Philibertayant épousé Marguerite d'Autriche, fille del'Empereur Maximilien , René tomba dans lesmauvaises grâces de cette princesse , qui ne putlui pardonner les penchants qui l'entraînaient versla France. Elle étendait sur tout ce qui étaitFrancais, son irritation contre le roi Charles \TJ Ifqui , après l'avoir demandée en mariagelui avait fait l'affront de la négliger. Acharnéeà la perte du conne de Tende, elle le compromitdans des intrigues de cour , et l'obligea à se

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réfugier auprès du roi de France. Elle le fitalors déclare( criminel de lèse-majesté et tousses biens furent confisqués. C'était en i 5o3.Bien reçu par Louis XII, le prince exilé futcomblé d'honneurs et de distinctions , et bientôtaprès nommé Gouverneur et Sénéchal de Pro-vence

C'est ainsi que René de Savoie devint Fran-çais. Sous le règne de François P", il se distinguaà la bataille de Marignan, en 15 15, fut blessé àcelle de Pavie, en î 525, et tomba alors entre lesmains des Impériaux.

Son fils Claude de Savoie, comte de Tende etde Sommerive, avait été nommé Grand-Sénéchalet Gouverneur de Provence en î 520 , sur ladémission de son père. Fait prisonnier , luiaussi, à la journée de Pavie , il était rentré enFrance pour chercher la rançon de René ; maiscelui-ci étant mort de ses blessures avant leretour de son fils , Claude ne repvhpas le che-min de l'exil et resta dans son gouvernement deProvence. C'est lui qui, en 15 36, lorsque Char-les-Quint envahit le Midi de la France, ravageales campagnes pour affamer l'armée ennemieet l'arrêter dans sa marche. Il avait épouséMarie de Chabannes de la Palice, dont il eut aumois d'octobre 1538 Honoré de Tende, qui

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plus tard lui succéda dans le gouvernement dela Provence.

En ï SSo, Claude de Savoie eut un fils naturelqui fut appelé Annibal de Tende , et qui est lasouche le la famille de ce nom établie depuisdans le village de Mane. Cet enfant fut élevédans la petite ville de Pignans, de la viguerie deDraguignan. Il avait 6 ans à peine quand sonpère mourut. Quelques années après, arrivé àl'âge de choisir une carrière, il suivit le partides armes, et obtint, grâce sans doute au nomqu'il portait , le commandement dune compa-gnie de cavalerie. On l'appelait vulgairement lecapitaine Pignans, du nom de la ville où il avaitpassé ses premières années. Quand le Grand-Prieur eut été nommé au gouvernement de laProvence, Annibal s'attacha à la personne de ceprince , devint un de ses gentilshommes , etdemeura auprès de lui jusqu'au jour de sonassassinat par Altovitis, CII 1586.

A cette époque, le trouble et la désolationétaient partout en Provence; les ligueurs et lesréformés se disputaient le pays, les armes 'à lamain; et le pouvoir royal méconnu luttait péni-blement contre les deux partis. Toujours fidèleau roi, Annibal de Tende prit part à toutes lesexpéditions de la guerre civile. Son plus beau

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fait d'armes est la prise de la Ste-Baume, dontil s'empara par un coup de main audacieux.Inspiré par l'aspect de la position qu'il lui fallaitenlever, il conçut le stratagème le plus hardiet le plus singulier. Prenant avec lui une partiede sa troupe, il gravit, pendant la nuit, la mon-tagne escarpée qui domine le monastère, et quel'on nomme le St-Pilon. De là, au moyen d'tinelongue corde que tenaient les soldats, il sus-pendit dans le précipice, au-dessus du couvent,une caisse qu'il avait apportée ; puis entrantavec sept hommes dans cette frêle embarcation,il se fit descendre doucement le long de la paroià pic de la montagne. Son audace faillit luicoûter cher. La caisse ayant rencontré un figuier,qui poussait dans une fente du rocher, s'embar-rassa au milieu des branches, et les hardisvoyageurs arrêtés subitement coururent le périlde tomber d'une effrayante hauteur, ou de resterlà, au pouvoir de leurs . ennemis. Cependant aprèsune demi-heure d'eflbrts, Annibal parvint à sedégager, et achevant heureusement sa course,il arriva à l'improviste au milieu des moinesendormis, et ouvrit à ses soldats impatients lesportes du monastère.

Le 20 janvier 1579, Annibal de Tende avaitépousé Jaurnette du Verdet, fille d'Antoine du

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- 0 0 -Verde t , écuyer de la Ciotat, et de Thérèse deJourdan. Il eut de ce mariage Henri de Tende,né en iSSi à Esparron de Palières. Annibalavait sans doute établi son domicile dans cevillage, car en i6o3 il possédait des terres consi-dérables dans le territoire environnant, et lui-même se désigne sous le titre de « Annibal deTende, du lieu d'Esparron », dans un acte dereconnaissance passé, à cette époque, en faveurdu seigneur de l'endroit.

Devenu veuf, il se maria une seconde, puis unetroisième fois, et il eut de ces trois unions jus-qu'à vingt-deux enfants. Il mourut vers 1625,âgé d'environ 75 ans.

Henri de Tende embrassa comme son pèrela profession des armes, et tout jeune encore pritdu serviee, pendant la dernière campagne deHenri IV contre le duc de Savoie. Il se trouvaà la prise de Chambéry, à Montmeillan, LaCharbonière et Conflans.

Le 24 mai 1611, il épousa, à Marie, HonoradeBesson, fille d'André Besson et d'Anne Laugier.Il était sans doute venu dans ce village, à la suitede Melchior de Forbin Janson , seigneur deMalle , dont son père et lui fréquentaient lamaison. Dès lors il se fixa définitivement à Marie,mais sans quitter le service militaire, et en i 63o

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-9' -il se trouvait â la bataille de Veillane, ga.-née parle duc de Montmorency sur les Impériaux, dansla guerre soutenue par Louis XIII en faveurdu duc de Mantoue;-

Vers cette époque , Melchior de Forbin ledonna pour gouverneur à son petit-fils, le mar-quis de Mane. En cette qualité, Henri de Tendeaccompagna à Paris ce jeune seigneur, qui allaitfinir son éducation dans la capitale et fréquenterl'Académie. Il resta tout ce temps auprès de sapersonne. Lorsque en 1635 Richelieu déclarala guerre à la maison d'Autriche, le marquisde Mane alla servir dans l'armée d'Italie; il menaavec lui son ancien gouverneur, et lui donnaune compagnie dans le régiment qu'il com-mandait. Ils prirent part ensemble au siége deValence, dans le Milanais. Mais le marquis deMane étant mort peu de temps api-ès ce siége,Henri de Tende retourna en France, d'où il ac-compagna en Catalogne le père de son ancienélève. M. de Forbin mourut en Espagne; Henride Tende s'attacha alors à son fils, et resta toutesa vie dévoué à une famille, qui lui avait té-moigné tant de bienveillance.

De son mariage avec 1-Ionorade Besson, ilavait eu trois enfants Magdeleine. Gaspard etFrancois. Magdeleine épousa Pierre Rome d'Ar-

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dèn ; nous savons déjà quels furent ses enfants,et comment dans la personne de ses deux petits-fils s'éteignit sa descendance. Gaspard, né le 3juin i6j8,était âgé à peine de rj ans, quand,en i635 , il accompagna, son père à l'arméed'Italie. Il fit ses premières armes en qualitéd'enseigne, dans le régiment de Mane. Plus tardil obtint une lieutenance dans le régiment d'Au-mont, et prit part à la guerre d'Allemagne ; en1644, il était au siége de Landau, et il s'y dis-tingua.

En 1661, la fortune l'entraîna loin de son pays,au service de Louise de Gonzague, reine dePologne. Cette princesse le choisit pour contrô-leur-général de sa maison, et nomma sa femmesous-gouvernante de ses filles d'honneur. .Ilsquittèrent la cour de Pologne à la mort de lareine, en 1667. Mais peu de temps après, le roiCasimïr,ayant abdiqué et s'étant retiré en France,attira Gaspard auprès de lui, et le retint à sonservice en qualité de Maître-d'hôtel. En 1674Toussaint de Forbin, évêque de Marseille, queLouis XIV envoyait en Pologne, sachant la con-,naissance profonde des moeurs de ce pays, queGaspard de Tende avait acquise pendant sonséjour, l'emmena avec lui dans son ambassade,et lui accorda toute sa confiance.

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g, -Gaspard de Tende cultivait les: lettres ; il a

écrit, sous le nom de Lestang, un Traité de laTraduction, et plus tard, sous celui d' Hauterive,une Relation historique du royaume dePo-logne. Il mourut à Paris en 1697, laissant desenfants qui s'établirent dans la Picardie.

François, le second fils d'Henri de Tende, étaitné le 8 juin 1626. Il commença comme tousles siens par la carrière des armes, mais s'enétant dégoûté de bonne heure, il se retira à Mane,où il obtint la charge modeste de suppléant dejuge. Comme sa soeur Magdeleine, il s'allia à lafamille de Rome, et le 23 septembre 1655 ilépousa Jeanne Rome d'Ardène, fille de JeanRome et de Marguerite de. Reillane. De ce ma-riage il eut de nombreux enfants. ° Louis,mort à Paris sans alliance ; z° André, né le 20mars i 66o, docteur de Sorbonne, qui fut cha-noine, grand-vicaire et official de la cathédralede Beauvais, grâce à la bienveillance de M. deForbin-Janson, évêque de cette ville ; il mouruten 173 1 ; 30 Jacques, né le 26 novembre 1664,aussi chanoine de Beauvais, mort en 173540 Henri, né le 3o août 1666 ; c'est lui qui con-tinua la descendance; 5 0 Renée, morte sansalliance ; 60 Libérate, mariée à Jean Magnan,de Forcalquier.

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Henri de Tende, à l'exemple de ses ancêtres,embrassa la profession des armes. Il se trouvaà la bataille de la Marsaille, gagnée par Catinatsur les troupes du prince Eugène, le 4 octobre1693; et le 15 du mois suivant il fut nom-mé capitaine dans le régiment de Quercy-infan-terie. Il remplit aussi les fonctions d'ingénieur,dans les vallées de Pragelas et d'Embrun. Ilépousa, le 3 mars i 710, Marie-Jacinthe deGucydon de Planque de Pierrefeu, fille de Louisde Gueydon, seigneur de Pierrefeu, et de Eléo-nor de Villages de la Salle. Il mourut à Manele S décembre 1739.

Son fils Jean, né le 23 mai 1 7 1 1, servit pen-dant la guerre soulevée par les affaires de Polo-gne, dans le régiment de Lasbordes, milice duLyonnais; il fut nommé lieutenant le i jan-vier 1734, aide-major le i octobre de la mêmeannée, et capitaine le 26 avril suivant. Il se ma-ria à Mane, le 13 décembre 1746, avec Cathe-rine Peyre, fille de Louis et de MargueriteBesson. De ce mariage, il eut trois enfantsJ Cali -Pau l-Abdon, né le 3o juillet 1749; Marc-AntoineAnnihal,'né en 1752; et Aune-Marie-Jacinthe, née le 4 septembre.] 754. Il mourut le20 juillet 1762.

La famille de fende était définitivement établie

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à Mane, depuis le mariage d'Henri, le fils ducapitaine Pignans, c'est-à-dire depuis le mois demai de l'année i 61 i. Ses fils et ses petits-filssui-virent le parti des armes, et furent entraînés auloin par le service militaire; niais ils ne perdirentjamais l'esprit de retour; ils revenaient à Mane,dès que la paix leur donnait un instant de repos,et c'est là qu'ils seretiraient à la fin de leur car-rière. Un seul, Gaspard, fit souche hors de laProvence, et fonda en Picardie la branche desTende-Bécour. Presque tous prirent leurs allian-ces dans les familles de Mane ; et c'est ainsi quenous avons vu deux d'entre eux s'unir aux Romed'Ardène, Magdeleine à Pierre Rome, et Fran-c,ois à Jeanne, la soeur de son beau-frère. Lesde Tende étaient donc cousins des Rome, et c'està cause de cette parenté queJean-Paul-Abdon, leCils aîné de Jean de Tende, fut choisi par l'abbéde Rome pour lui succéder dans la possessiond'Ardène et le patronage du prieuré.

Il avait vingt ans à peine, quand, à la mort del'abbé de Rome, en i 769, il recueillit cette suc-cession, et devint niaitre de l'antique domaine desChabaud et des Reillane. II trouva le vieux béné-fice entre les mains de l'abbé Magnan, qui étaitson cousin par sa mère Libérate de Tende.

Pendant que Jean-Paul-Abdon prenait pos-

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session d'Ardène, son frère, Marc-Antoine-Anni-bal, entrait dans la Congrégation de l'Oratoire.Désireux de suivre jusqu'au bout cette saintecarrière, il retarda cependant,. autant qu'il luifut possible, le moment de s'engager dans lesordres; car il était effrayé par la gravité de ladécision qu'il lui fallait prendre, et par l'impor-tance des devoirs qu'impose le.sacerdoce. « Si j'aidifféré jusqu'à présent », écrivait-il en 1774,((c'est pour me mieux examiner, ne rien faire tropprécipitamment et acquérir les qualités néces-saires à cet état. Lorsqu'il s'agit de toute la vieet de l'éternité, on ne peut user de trop de pru-dence et de retardement. Ce ne sera que pourl'ordination de Nol, au plus tôt, que je prendraile sous-diaconat ».

A cette époque, l'abbé Magnan avait écrit aujeune séminariste pour lui exposer les scrupulesde sa conscience, qui lui reprochait de cumulerle bénéfice d'Ardène avec celui dela concathédralede Forcalquier. Annibal, tout en le rassurant,lui conseilla, par cette même lettre de 1774, derésigner le bénéfice de la ville et de conservercelui d'Ardène. Conseil généreux, car l'abbé deTende était naturellement désigné pour succé-der à M. Magnan. Le vieux prieur adopta cettesolution, et garda le bénéfice d'Ardène jusqu'à

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97sa mort, arrivée le 23 avril 1 7 81 - Après liJ.-P.-A. de Tende, usant de ses droits, appelaau prieuré son frère, alors dans la maison del'Oratoire, à Pézenas.

Le Père de Tende, nommé prieur d'Ardène,ne cessa point pour cela de résider loin de Mane,dans les divers couvents où l'envoyaient ses supé-rieurs. Ses lettres indiquent qu'il était fréquem-ment en courses évangéliques, hors de la Pr'o-enae, et jusque dans la Normandie et l'Artois.

Il avait laissé à son frère l'administration duprieuré, ne lui donnant guère pour instructionsque d'employer ses revenus à prêter du blé ou del'argent aux pauvres de St-Michel.

J.-P.-Abdon se maria en 1783, à Manosque;il épousa Marie-Louise de Garidel, fille de PauldeGariael, seigneur du Caire. Il eut de ce ma-.riage une fille, qui reçut au baptême les noms deCatherine-Suzane-Henriette, et qui ne vécut quequelques années. Après son mariage, il continuad'abord à demeurer dans le village de Mane,comme il avait fait jusque-là ; mais plus tard,en 1786, il loua un logement à Forcalquier, dansune vaste maison située sur la place St-Michel,et il alla y habiter. Le 6juin de l'année suivante,sa femme fit l'acquisition de cette maison; ils s'yétablirent définitivement et ne la quittèrent plus.

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Ce paisible état de choses dura ainsi quelquesannées, jusqu'en 178g. Les deux frères parais-sent avoir vu d'abord, sans beaucoup de répu-gnance, commencer une ère de réforme socialeMarc-Antoine, alors à Autun, se tenait avecsoin en dehors des événements ,mais s'il n'ap-prouvait pas tout ce que faisait l'Assemblée, ilne blâmait pas tout; il reconnaissait les abusexistants, et il plaisantait volontiers avec sonfrère des droits seigneuriaux des d'Agoultbarons de St-Michel.

Cependant les événements marchaient vite, etla Révolution allait plus loin que ne l'avaientsupposé les honnêtes gens. Après avoir réformédes abus- véritables, elle détruisait,, en haine dupassé, tout ce que la Noblesse et l'Égliseavaient créé en France , depuis l'origine denotre histoire. Bientôt les propriétés ne furentpas respectées plus que les principes les droits'seigneuriaux avaient été abolis ; les biens del'Église furent saisis et vendus. Le prieuré d'Ar-dène ne pouvait pas échapper au sort communil fut confisqué , contre les droits du prieur etdu juspatron, et mis en vente aux enchèrespubliques, à Forcalquier.

JeanPaul-Abd0n de Tende crut pouvoirtacheter cette terre, donnée à l'Eglise par ses au-

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-99 -teurs, et il soumissionna en spéciflànt sa qualitéde juspatron laïque du prieuré. Le bénéfice,terres et bâtiments, lui fut adjugé, à lui et à safemme conjointement, le q mars 1791, poùr lasomme de 9,000 livres.

Par cette vente finissait l'existence du prieuré;il devint une simple bastide; et de sois anciennedestination religieuse, il ne conserva que sonnom, dans le souvenir des paysans du voisinage.Cette terre, démembrée en 20g du domained'Ardène , y rentra en 1791, après avoir étébien d'Église durant 582 années.

La Révolution s'acheva, non •sans nouvellestribulations. J.-P.-A. de Tende avait été empri-sonné pendant les plus mauvais jours; il futrendu à la liberté le 15 brumaire an iii, commeagriculteur, sur une demande du conseil géné-ral de la commune de Saint-Michel, ou plutôtde Mont-Michel, comme on disait alors. Ilvécutencore quelques années; et quand il mourut, en1813, n'ayant aucun enfant qui lui succédât, illaissa sa femme héritière de tous ses biens.

Annibal de Tende, le Père de l'Oratoire, se re-tira, après la dispersion du clergé, dans le châ-teau dArdène, où il fut assez heureux pour nepas éveiller l'attention des meneurs de Forcal-quier. Depuis le 27 septembre .1793, et par suite

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- zoo -d'Lm accord entre lui et son frère, il avait, Pour savie durant, la jouissance du domaine du Prieuré,et un droit dhabitation dans le château d'Ar-dène. Là s'écoula la vie encore longue du Pèrede Tende. Il vécut jusqu'en 1837, entouré de lavénération de tous, aimé pour sa charité inépui-sable et la générosité avec laquelle il secouraitles malheureux.

Mais quelque respect que nous devions à samémoire, dl est permis de lui reprocher l'aban-don dans lequel il laissa l'église de son prieuré.Lui, le dernier prieur, il oublia le pieux sanc-tuaire, et ne tint pas à honneur de le rendre auculte, quand la religion longtemps proscrite putenfin relever ses autels renversés. Il souffritmême que des fermiers convertissent en écuriel'antique chapelle, et il fallut que l'évêque deDigne interdit cette profanation.

Marc_Antoine-Â.nnibal de Tende mourut àArdène le 2 avril 1837; il fut enterré dansle cimetière de St-Michel.

Peu de temps auparavant, le 16 février de lamême année 18'37, était morte Marie-Louise deGaridel., la veuv .d ,..Jcan-Paul-Abdon deTende. Depuis la mort de son mari, , elle vivaitdans sa maison de P6i'ciûquier, , ne venant àArdène que bien rreirfènt, quoique cette terre

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- loi -lui appartînt. N'ayant aucun enfant qui recueillitson héritage, elle testa le 8 février 1837 cn faveurde son neveu germain Jean-Paul de Garideljuge au Tribunal civil de Marseille. Jean-Paul deGaridel posséda, à partir de ce moment, FancienCombaud d'Ardène; il y réunit les terres duPrieuré deux mois plus tard, au décès de l'abbéde Tende, qui en avait conservé la jouissancejusqu'à la fin de sa vie. En 1842 il légua lesdeux domaines à son fils; et ils sont encoreentre les mains de ses héritiers.

Depuis, Notre-Dame d'Ardène a été vengéedes injures de la Révolution; un autel se dressede nouveau dans son sanctuaire, et le culte estvenu réconcilier l'église profanée.

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LISTEDES COMMANDEURS ET DES PRIEURS

D'A R DÈN E.

PIERRE CHAUDERIE, commandeur, reçut Cfl 1209 ]a fon-dation de Guillaume Chabaud.

RAYMOND CIIAUDERIE , commandeur , reconnut en 1259Bertrand, Foulque et ['cirer Chabaud.

Picane BRUNEL .........ait prieur d'Ardène en mars i53iL!%0N MAGNAN .......mis en possession d'Ardène le

27 juillet r53r.ANTOINE DE REILLANE était prieur en i539.JOSEPHBLATN .........était prieur en 1571.MICHEL on REILLANE mis en possession le 3 mars i 573;

nommé par François,de Reillane.JEAN DE REILLANE.. . prieur du 4 septembre 1593 au

'o août '6o3; nommé par F. deReillane.

CsAn GUILHEM ......prieur du ii août t6o3 au 4 avriliGoS; nommé par F. de Reillane.

ANT0INE DE REILLANE prieur du 5 avril ,6o5 au 14 sep-tembre t 6z8 ; nommé par F. deReillane.

Esearr 0F. REILLANE prieur du 25 septembre 1628 au28 octobre 1687; nommé parMichel de Reillane.

J.-B. GLEIZE .........prieur du -1 9 octobre 1687 à 1755;nommé par Esprit de Reillane.

M.-A. MAGNAN ......prieur du 20 février 1755 au25 avril 1781 ; nommé par leP. d'Ardène.

DIt.TENDE.. prieur de 17$iiq,; nommé parJ-R-A. de Tende,