Contribution opposition - Enquête publique PDU

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Observations et remarques sur le projet de Plan de Déplacements Urbains de l’agglomération du GrandAngoulême Début 2012, la communauté d’agglomération du Grand Angoulême a présenté son projet de Plan de Déplacement Urbain (PDU) et demandé aux seize communes membres d’émettre un avis. Nous en sommes à la phase d'enquête publique. Ce document y participe. Ce projet de PDU ne nous semble pas répondre de manière satisfaisante aux aspirations des communes et emporte de nombreuses interrogations. En voici les raisons. 1. UNE ABSENCE DE STRATEGIE CLAIRE Un Plan de Déplacement Urbain, s'il requiert des annexes précises et documentées de grande ampleur, devrait être précédé d'un document politique stratégique, d'une dizaine de pages, clair et accessible à tout le monde (élus mais aussi citoyens) afin d'en expliciter le but et l'articulation des priorités. Certains experts le préconisent, qui ont participé à l'élaboration de PDU moins épais, mais plus lisibles pour l’ensemble de la population. Car un PDU doit s’adresser en premier lieu aux personnes qui se déplacent sur notre territoire, pour leur expliquer les mutations souhaitées et pour les accompagner dans les changements. Le PDU doit s'appuyer sur une vision politique forte, de grandes orientations, des priorités, des choix clairs, à partager par tous les acteurs (par mobilité - piétons, cyclistes, automobilistes, clients des transports en communs, etc. ; ou par catégorie – élus, citoyens, acteurs économiques, enfants des écoles, personnes âgées, actifs, etc.). Au lieu d'une liste, d'un catalogue d'actions, on était en droit d'attendre un véritable plan, un projet, avec des priorités, des échéances, des objectifs globaux mesurables, et une esquisse du but à atteindre : quelle agglomération dans 20 ans ? 1.1. Un projet abstrait Or le document proposé nous semble trop technique et stéréotypé. Il y est repris, sans les acculturer aux conditions spécifiques du Grand-Angoulême, des considérations qui valent pour d'autres villes. La singularité d'Angoulême, l'histoire de son plan de circulation, sa topographie, la problématique d'une liaison haut-bas (qu'elle partage avec des villes comme Laon ou Longwy par exemple), ne semblent pas questionnées. Certaines erreurs ou incohérences prouvent au passage que des pans entiers du document sont de simples copier-coller d'autres sources, toilettées et remises au goût du jour pour coller avec le projet phare de Bus à Haut Niveau de Service (BHNS) qui lui sert de colonne vertébrale. Quelques exemples : (PI, p.45-46-47) L’étude sur la clientèle des transports en commun compare Angoulême avec 9 villes sans explications. Quels sont les critères de comparaison ? Pourquoi ces villes ont-elles été choisies ? On pressent que cette étude a été sortie de son contexte pour être plaquée sur ce PDU. La valeur explicative en est évidemment très affaiblie.

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Début 2012, la communauté d’agglomération du Grand Angoulême a présenté son projet de Plan de Déplacement Urbain (PDU) et demandé aux seize communes membres d’émettre un avis. Nous en sommes à la phase d'enquête publique. Ce document y participe. Ce projet de PDU ne nous semble pas répondre de manière satisfaisante aux aspirations des communes et emporte de nombreuses interrogations. En voici les raisons.

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Observations et remarques sur le projet de Plan de Déplacements Urbains

de l’agglomération du GrandAngoulême

Début 2012, la communauté d’agglomération du Grand Angoulême a présenté son projet de Plan de Déplacement Urbain (PDU) et demandé aux seize communes membres d’émettre un avis. Nous en sommes à la phase d'enquête publique. Ce document y participe. Ce projet de PDU ne nous semble pas répondre de manière satisfaisante aux aspirations des communes et emporte de nombreuses interrogations. En voici les raisons.

1. UNE ABSENCE DE STRATEGIE CLAIRE Un Plan de Déplacement Urbain, s'il requiert des annexes précises et documentées de grande

ampleur, devrait être précédé d'un document politique stratégique, d'une dizaine de pages, clair et accessible à tout le monde (élus mais aussi citoyens) afin d'en expliciter le but et l'articulation des priorités. Certains experts le préconisent, qui ont participé à l'élaboration de PDU moins épais, mais plus lisibles pour l’ensemble de la population.

Car un PDU doit s’adresser en premier lieu aux personnes qui se déplacent sur notre territoire, pour leur expliquer les mutations souhaitées et pour les accompagner dans les changements. Le PDU doit s'appuyer sur une vision politique forte, de grandes orientations, des priorités, des choix clairs, à partager par tous les acteurs (par mobilité - piétons, cyclistes, automobilistes, clients des transports en communs, etc. ; ou par catégorie – élus, citoyens, acteurs économiques, enfants des écoles, personnes âgées, actifs, etc.). Au lieu d'une liste, d'un catalogue d'actions, on était en droit d'attendre un véritable plan, un projet, avec des priorités, des échéances, des objectifs globaux mesurables, et une esquisse du but à atteindre : quelle agglomération dans 20 ans ?

1.1. Un projet abstrait Or le document proposé nous semble trop technique et stéréotypé. Il y est repris, sans les

acculturer aux conditions spécifiques du Grand-Angoulême, des considérations qui valent pour d'autres villes. La singularité d'Angoulême, l'histoire de son plan de circulation, sa topographie, la problématique d'une liaison haut-bas (qu'elle partage avec des villes comme Laon ou Longwy par exemple), ne semblent pas questionnées. Certaines erreurs ou incohérences prouvent au passage que des pans entiers du document sont de simples copier-coller d'autres sources, toilettées et remises au goût du jour pour coller avec le projet phare de Bus à Haut Niveau de Service (BHNS) qui lui sert de colonne vertébrale.

Quelques exemples :

• (PI, p.45-46-47) L’étude sur la clientèle des transports en commun compare Angoulême avec 9 villes sans explications. Quels sont les critères de comparaison ? Pourquoi ces villes ont-elles été choisies ? On pressent que cette étude a été sortie de son contexte pour être plaquée sur ce PDU. La valeur explicative en est évidemment très affaiblie.

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• (PI, p.56) Dans la synthèse sur la voirie et la circulation, le PDU pose la question suivante : « comment préserver un système de voirie fonctionnel d’ici fin 2010 ? ». Sans commentaire.

• (PI, p.57) Les chiffres sur le stationnement ne sont pas mis à jour, ni pour les tarifs, ni sur le nombre de places. Comment peut-on répondre sérieusement aux enjeux sans données exactes ?

1.2. Une analyse insuffisante des besoins et des impacts On ne trouve, en amont, pour justifier le plan d'action, aucune analyse économique de la

situation actuelle des entreprises, et sur les faiblesses de notre bassin d’emploi, et aucune concertation sérieuse en amont avec les acteurs du développement de notre territoire pour mesurer leurs besoins. Quant on sait que le projet de Transport en Commun en Site Propre est financé en grande partie par la taxe « Versement transport » payée par les entreprises de plus de 9 salariés, et qu'il est censé dynamiser « le territoire », on pressent que les payeurs aimeraient comprendre la nécessité de cette solution !

On ne trouve pas plus, en aval, de considérations sociales (notamment dans l’étude du public bénéficiant des transports en commun aujourd’hui) sur l'impact de l’extension du stationnement payant, sur l’augmentation du ticket de bus. La population du Grand-Angoulême n'est pas riche, tant s'en faut. Une mesure de l'impact social des solutions proposées paraissait tomber sous le sens.

1.3. Un diagnostic et un programme d'actions contradictoires Trop pressé de pouvoir présenter et valider un document basé sur le TCSP, les

commanditaires n’ont pas trouvé d'équilibre entre d'une part un diagnostic clair et à jour et d'autre part un programme d’actions qui semble en fait lui préexister. Les deux parties sont déconnectées. Les points faibles sont au mieux envisagés, au pire ignorés. On comprend que le diagnostic est fabriqué pour justifier ce que l'on voulait faire de toute façon, quand on regarde la chronologie des « enquêtes »...

• Une « enquête déplacements villes moyennes » pour le PDU 2012-2022 a été réalisée plusieurs mois après la rédaction et la présentation du PDU. On est ainsi parvenu ainsi à donner des solutions avant de connaître les enjeux ? Elle apparaît comme une simple justification.

...et le fait que personne n'a semblé s'émouvoir à la relecture de contradictions flagrantes.

• L’actuel réseau en étoile est présenté comme un point faible majeur selon la partie diagnostic. Or la partie programme d’actions propose de développer et d'amplifier l'impact de cette structure en étoile du réseau de transport collectif (PI, p.49 et PII, p.14). Cette seule absurdité à elle-seule discrédite le document dans son ensemble !

• Le coût par habitant qui est « l’un des plus élevés de sa catégorie » (P1, p.49), est présenté comme un point faible dans le diagnostic. Et la solution centrale proposée va renchérir ce coût dans des proportions considérables. Cherchez l'erreur.

2. LE PARI DE LA LGV SANS LUCIDITE Dans la phase « diagnostic », l’arrivée à Angoulême de la Ligne a Grande Vitesse (LGV) est

présentée comme une opportunité de développement sans précédent, avec des temps de trajets attractifs vers les grandes villes que sont Paris et Bordeaux, et un transit de voyageurs en

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augmentation (3 M/jour).

2.1. Les trains roulent dans les deux sens ! Le PDU met directement en corrélation ces faits avec un accroissement supposé des échanges

intra-communautaires et un développement économique créant de la richesse pour notre territoire. Cette analyse relève de la naïveté. La LGV est seulement un facteur de développement parmi d’autres. Comme l’indiquait une étude de chercheurs et de professionnels1.

« le TGV n’a pas d’effet structurant en tant que tel (...) et ne fait que révéler ou amplifier les dynamiques économiques à l’œuvre sur le territoire ».

L'optimisme affiché par la majorité est une erreur : le déclin de la Charente et la fragilité du bassin d'emploi d'Angoulême risquent d'être amplifiés. C'est ce risque qu'il faut affronter au lieu d'attendre la LGV comme une solution.

L'époque est au développement des grandes métropoles, de grands centres de vie. Si ces grandes villes et conurbations jouissent ailleurs d’une image et d’un développement économique satisfaisant pour espérer se développer avec la LGV, c’est beaucoup moins évident pour une agglomération de taille très moyenne comme Angoulême. On ne peut pas se contenter d’attendre la LGV en croisant les doigts pour que cela attire de nouveaux habitants et de nouveaux acteurs économiques. Si la LGV permet d’arriver plus vite à Angoulême, elle permet de la même manière de vider plus vite notre ville.

2.2. Une commande politique dangereuse Dans ce contexte, la commande politique (mettre toutes les communes à 15mn de la gare

d'Angoulême), sans que la mobilité domicile-travail intra-communautaire soit traitée avec ambition, et sans même parler du coût induit pour des gains de temps dérisoire, apparaît en l'état comme un encouragement à aller travailler... ailleurs. Ce qui ne ferait qu'amplifier... l'amplification de notre absence de dynamique territoriale.

Cela ne veut pas dire qu'il ne faut pas rendre la gare LGV accessible rapidement de partout (et par exemple de Cognac). Mais qu'il faut auparavant s'être assuré qu'il sera beaucoup plus facile qu'avant de vivre et travailler dans le Grand-Angoulême !

3. Ce PDU ne renforcera pas la mobilité urbaine, au contraire ! Dans son étude sur la mobilité urbaine2, le Professeur Prud'homme dit des données sur la

mobilité de huit grandes agglomérations qu'

« elles font apparaître que la mobilité en transports en commun a fortement augmenté, que la mobilité automobile a beaucoup diminué, mais aussi que la mobilité totale s’est sensiblement réduite. On examine le lien entre ces évolutions. On évalue les gains environnementaux et de bien-être de ces évolutions – qui sont faibles - ainsi que leurs coûts en termes de bien-être, de finances publiques, et d’efficacité économiques – qui sont grands ».

Ces conclusions devraient inciter les élus à la prudence. En effet :

« Nombreux sont ceux qui se félicitent du net recul de l’automobile et du progrès des transports en commun enregistrés dans nos villes. Cette évolution, qu’ils ont voulue et qu’ils revendiquent, a un revers : elle diminue la mobilité urbaine, et partant

1 - Sud-Ouest (19/09/12), 2 Transports, n° 463, sept-oct 2010

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l’efficacité de nos agglomérations »3 .

Une politique de déplacements vite et mal pensée se traduit donc par une moins grande facilité pour atteindre les cœurs d’agglomération. Ceux qui en bénéficient sont souvent dans les zones centrales ; ceux qui sont aujourd’hui à distance se trouvent dans une situation aggravée.

Comme le note le CERTU4 sur le bilan de la première génération de TCSP :

« le rabattement parfois excessif des lignes de bus sur l'axe TCSP pose question. D'une part parce que certaines lignes de TCSP ont rapidement été saturées. D'autre part parce que certains réseaux fonctionnent à « deux vitesses »: un axe de TCSP fort et un réseau de bus parallèle peu performant ».

Pour ce qui concerne le Grand Angoulême, la faiblesse du nombre de places envisagées en parkings-relais ne risque pas de provoquer une saturation du TCSP... mais la démesure de son coût rapportée aux besoins provoquera une diminution du réseau existant. On perdra en efficacité globale et l'on augmentera les disparités en termes de dessertes.

A l’inverse, il serait possible (et facile) de remettre sur les lignes principales 1, 4 et 6 (qui étaient structurantes au sens du PDU) les moyens qui y ont été supprimés il y a quelques années, contraignant depuis lors les voyageurs à accepter des conditions de transport dégradées en période de pointe et durant les petites vacances. À l'époque cela représentait un coût d'un million d'euros annuel.

Pour le reste, et contrairement aux objectifs affichés, il est manifeste que ce PDU et les politiques menées actuellement par le maire d’Angoulême s’opposent en fait à la diminution des déplacements en voiture ! En effet, pour développer les mouvements de proximité en ville, il est nécessaire de rechercher une plus grande attractivité commerciale. Or deux choix des politiques et des projets actuels s’y opposent : celui de réduire a priori le nombre de places de stationnement dans la ville d’Angoulême, et celui de développer les zones commerciales extérieures.

Dans un premier temps, le PDU évoque cette ambition :

« réviser la politique de stationnement pour libérer de l’espace public sur le plateau central ».

On découvre ainsi que les limitations déjà en œuvre aujourd’hui ne sont qu’une petite étape dans une politique plus globale :

« La totalité des places gratuites seront rendues payantes et le volume global de l’offre de stationnement sur voirie sera réduite d’environ 33% (courte et moyenne durée) en tenant compte de la politique d’apaisement de la voirie. On aurait ainsi une réduction de 50% sur les 1160 abonnements « pendulaires » (sur un total de 1488 places) dans les parkings en ouvrage centraux (hors Champ de Mars où le nombre d’abonnements pendulaires représente déjà 20% du total), soit un report de 580 places dans les 3 P+R principaux, permettant ainsi de libérer ce volume d’offre à destination des visiteurs et résidents. Au final une réduction de 10% du volume total de places (voirie + parking en ouvrage) est envisageable sur le plateau et ses abords immédiats 5».

3 http://www.rprudhomme.com/resources/Art+2010+Recul+mob+urbaine+$28Transports$29.pdf 4 « Mobilités et transports : Fiche n°10 le point sur une décennie de transports collectifs urbains », Certu, janvier

2009. 5 Pages 46 et 99 du Dossier Technique, c'est-à-dire page 133.

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Le défi majeur de notre temps n'est pourtant pas de développer les transports en communs comme une panacée. Il ne faut pas se tromper de siècle : en 1920 il y avait 1000 km de tramway à Paris... mais au début du 21ème siècle, 65% des déplacements sont effectués par une personne seule au volant de sa voiture. Avec cette politique de simple réduction : moins de voitures = moins de gens ! Sans politique forte d'encouragement au co-voiturage, la volonté de réduire la place de la voiture au centre ville reviendra mécaniquement à décourager son unique conducteur... qui ira conduire simplement conduire ailleurs. Où ? Avec l'encouragement de fait du développement illimité des zones commerciales, il y aura bien une mobilité commerciale ! Les zones commerciales périphériques répondent elles, déjà, aux besoins de mobilité des acheteurs en multipliant des parkings gigantesques, Les consommateurs n’iront donc plus se risquer dans les différents commerces de quartiers et n’auront d’autre choix que de rejoindre les milliers de voitures qui stationnent déjà sur ces parkings.

Cette « politique d’apaisement de la voirie » sans analyse globale des mobilités réelles actuelles va évidemment produire une désertification, une mise en jachère des villes et centre-bourgs.

4. Le TCSP comme colonne vertébrale du PDU : la charrue avant les boeufs !

Le PDU du Grand Angoulême, tel qu’il est proposé, est entièrement articulé autour du TCSP. Or aucune étude à ce jour n’est venue présenter en détail le projet de Bus à Haut Niveau de Service qui doit y rouler, projet pourtant envisagé pour 2016. Aucune étude de faisabilité, d’adaptabilité à la topographie de la Ville, de budgétisation, n'est présente dans ce PDU, qui semble supposer comme acquis un projet qui sera soumis... ultérieurement. Nous n’avons rien de détaillé dans ce PDU sur le projet structurant qui y est présenté pourtant comme l'axe principal !

• Dans la partie 1 de diagnostic, il est présenté comme l’un des 3 projets structurants de

notre territoire avec l’arrivée de la LGV et la restructuration du réseau routier extérieur (RN 10 et rocade). Autant dire, pour ce qui dépend du Grand-Angoulême, comme le projet structurant.

• Dans la partie 2, sur les programmes d’action, tous les objectifs sont véritablement pensés en fonction de ce TCSP :

la priorité des transports collectifs, la continuité avec la LGV, la base de l’intermodalité, la politique d’apaisement des centre-bourg et centre-ville (en fonction du parcours

du BHNS), la politique de développement urbain (densité plancher sur le trajet du BHNS), les aménagements prioritaires aux abords du BHNS, la connexion avec les «

modes doux » de déplacement, l’optimisation de la voirie et du stationnement.

Less objectifs ainsi que les actions concrètes sont tous construits en fonction du passage

du BHNS. N’est-il pas prématuré et dangereux d’avoir entièrement articulé un plan de déplacements sur un projet dont personne ne sait s'il sera viable ? Comment peut-on demander aux Angoumoisins d’approuver ce projet-ci sans connaître en détail celui-là ?

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5. Un projet de PDU qui semble fait pour ailleurs

5.1. Les transports en commun existants sont méconnus Les ratios de performance des réseaux de transport français sont calculés chaque année en

fonction de la taille des agglomérations (études de l’UTP6). La Société de Transport du Grand-Angoulême (STGA) y figure parmi les réseaux d'agglomération de 100 000 à 140 000 habitants.

Au sein de cette catégorie qui compte 38 réseaux, voici les performances de la STGA :

• Offre de service (kilomètres par habitants et par an) : la STGA est 1ère

• Productivité : la STGA se classe 2ème, pour la productivité par agent ou par bus ; • Fréquentation (voyages par an et par habitant) : la STGA se classe 3ème sur 38…

Il n’est pourtant pas facile d'être à la fois le réseau le plus utilisé et le plus productif ! Certes,

cela ne remet pas en cause la nécessité possible d'une restructuration de l'offre en matière de transport en commun, mais cela démontre au moins que la priorité affichée par ce document est contestable. En particulier parce que la performance du coût par habitant est nettement moins glorieuse, et qu'il serait imprudent de la renchérir encore.

L’objectif stratégique premier de ce plan7 est en effet : « Donner une place centrale aux transports en commun dans l’organisation des déplacements de l’agglomération ». Non seulement il s'agit d'une erreur de siècle (voir plus haut page 5 du présent document), mais d'une ignorance de la situation locale : à la lecture des études du CERTU il apparaît que non seulement les transports en commun occupent déjà cette place centrale dans l'organisation des déplacements de l'agglomération angoumoisine mais surtout que leur mode de gestion est à un optimum.

Cette orientation principale se traduira financièrement par l'incapacité à porter des politiques connexes particulièrement nécessaires : adaptation des lieux de stationnement à proximité des commerces, mise en place de petites navettes pour relier les points importants du centre-ville d’Angoulême tenant compte de sa typologie si particulière, mise en place d’une irrigation plus dense des lignes de bus dans le reste de l’agglomération.

Construit autour d'un TCSP n'apportant pas une amélioration nette et significative de

l'offre de déplacement vers les grandes zones d'emploi et de consommation de masse, le projet de PDU va simplement bouleverser la vie quotidienne des habitants du Grand-Angoulême en engloutissant la majeure partie du budget dévolu aux transports dans le BHNS.

5.2. Ce TCSP n’est pas adapté aux villes moyennes à voies étroites

6 Union des Transports Publics 7 Page 2/99 du Dossier Technique, c'est-à-dire page 89

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Pour qui connaît les TCSP mis en place dans des villes comme Bordeaux ou Nantes, il est

évident que la géographie et la topographie du Grand Angoulême est très différente. Dans des communes comme Soyaux, l’Isle d’Espagnac ou sur le cœur de ville d’Angoulême,

il est patent que la physionomie des rues ne permettra que rarement d’y accueillir à la fois une ou deux lignes de TCSP, une ou deux lignes de voitures et des places de stationnement.

Le schéma présenté lors de l’étude de faisabilité8 montre clairement que la distance minimale de bord à bord doit être très grande.

Le maintien d’un site propre dans ces quartiers ou communes aura les conséquences suivantes :

! Multiplication des rues entièrement fermées aux voitures ; ! Diminution drastique du nombre de places de stationnement ; ! Nécessité d’élargir certaines voies en coupant les arbres à proximité.

Les autres projets de BHNS ont tous été prévus dans des agglomérations de grande taille, où

des aménagements importants peuvent être envisagés. A Nantes l’arrivée du TCSP se fait par exemple sur des voies prévues initialement pour une 2x2 voies !

Les conséquences directes du présent projet ne préservent pas les équilibres construits depuis si longtemps dans nos communes. Les emprises sur la voirie, entre 7 et 15 mètres de large vont être impossibles à réaliser à Angoulême sans porter atteinte à notre patrimoine, sans défigurer le plateau de manière importante. La réservation au TCSP de la rue de la République de l’Isle d’Espagnac ou de l’avenue du Général De Gaulle de Soyaux, atteindrait profondément les capacités de ces communes à maintenir des commerces de proximité et les transformerait en cités-dortoir. Pour Angoulême, les difficultés rencontrées par les commerçants sont déjà suffisamment nombreuses pour ne pas prendre de risques supplémentaires...

Il existe pourtant des solutions intelligentes permettant de combiner la circulation en

« presque site propre » et le maintien d'une circulation automobile sur des axes principaux (en plaçant des feux sur des voies de rabattements, en utilisant les priorités en sorties de croisement, et avec des « aménagements malins », comme ceux qui sont mis en place pour les Chronobus). Le fait que la singularité de la topographie d'Angoulême et l'étroitesse de ses voies n'ait pas orienté les techniciens vers ces solutions laisse pantois !

5.3. Un projet sans proportion avec les capacités du territoire Les projets de BHNS coûte en moyenne 11Md’! au Km. Le Grand-Angoulême prévoit 14 km

de voie réservée, soit environ 154 M d’!. (Le coût total du projet est estimé par le Grand-Angoulême à seulement 103 M d’!). Il est trop dangereux de lancer un projet d’une telle ampleur sans être absolument certain des bénéfices attendus en matière de développement économique. La balance coûts/avantages paraît trop maigre pour envisager sereinement un projet d’une telle ampleur.

Car pour financer ce projet, la taxe Versement Transport fait peser une charge supplémentaire sur des entreprises qui connaissent déjà beaucoup de difficultés en Charente, sans bénéfice direct puisque les déplacements domicile-travail semblent moins importants aux commanditaires que les déplacements d'évacuation vers la gare. Ce projet de BHNS associé aux restrictions de stationnement risque de pénaliser gravement les commerçants qui verront s’accélérer le phénomène de désertification des centres vers les zones commerciales périphériques en pleine expansion (ne

8 « Stratégie de mise en œuvre des transports urbains du Grand Angoulême – Faisabilité de site

propre »,Egismobilité, septembre 2009

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serait-ce que pendant de travaux, qui seront longs). Le Grand-Angoulême dépendant pour ses ressources fiscales principes de la vitalité

économique du territoire, il n'est pas très prudent de le fragiliser de manière inconsidérée.

6. Un PDU déséquilibré : les communes périphériques sacrifiées

Il peut se comprendre aisément que la ville-centre d’un Établissement de Coopération Inter-ComMunale (EPCI) comme le Grand-Angoulême doive être le moteur du développement du territoire. Cependant, le PDU du Grand Angoulême répond à des attentes trop exclusives de la ville-centre et délaisse en fait les communes périphériques au détriment du développement global. Le maintien d'une architecture en étoile en est la cause principale.

Dans les villes par lesquels le BHNS quitte Angoulême (L’Isle d’Espagnac et Soyaux). La réalité du terrain et les réticences des élus et des habitants traduisent déjà que ce transport posera de réels problèmes dans ces communes où la voie principale, souvent très commerçante, lieu de passage et de vie, ne peut être entièrement sacrifiée au profit du TCSP.

6.1. La faiblesse : le réseau en étoile ? La solution : un réseau en étoile ! Autre incohérence qui pèsera sur les communes périphériques : l'amplification de la

structuration en étoile. On apprend dans le diagnostic que le point faible de notre réseau de transport collectif est

justement sa structuration « en étoile obligeant à transiter par le cœur de ville et qui demeure peu attractif pour les liaisons transversales » (PI, p.49) c’est-à-dire notamment pour la desserte et les liaisons des communes limitrophes à Angoulême.

Or, la solution préconisée dans le programme d’action est – vous allez rire, « un développement spatial du réseau angoumoisin en étoile » (PII, p.15). Une contradiction au cœur même du PDU qui ne fait que renforcer les points faibles, au détriment de la périphérie, et qui ne participe pas au désenclavement de certaines parties de notre territoire communautaire.

Le développement urbain est soumis au diktat de la panacée BHNS. En effet,

« les secteurs situés dans le fuseau de desserte du TCSP et des lignes structurantes – ou zones impactées/à haut niveau de desserte – devront faire l’objet d’une densification urbaine, via l’intégration dans les documents d’urbanisme d’une notion de densité (densité plancher) » (PII, p.29)

Dans un périmètre de 300m autour des pôles urbains, toujours définis en fonction du passage du BHNS, certaines petites communes devront donc respecter une densité de construction sans rapport avec leur situation particulière. En sortant d'Angoulême on est vite à la campagne. Il est absurde d'appliquer à des communes rurales des critères qui valent pour les banlieues des grandes villes !

6.2. La fragilisation de l'économie locale des quartiers L'étalement vers la commune de Champniers et les zones commerciales périphériques semble

une priorité du PDU, alors même qu'il faudrait trouver des solutions pour contenir l’effet dévastateur des migrations vers les zones commerciales périphériques afin de renforcer la vie locale des centre-villes, centre-bourgs et quartiers, notamment à Angoulême. Rappelons-le, la politique de contraintes qui pèse sur les usagers de la voiture individuelle (stationnement + priorité aux transports en commun), sans modification préalable des comportements par une offre de solutions alternatives, les pousse à déserter les centres-ville.

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Les politiques de fortes contraintes devraient être envisagées après les politiques d’encouragement.

A Angoulême, on étendre purement et simplement le stationnement payant avant de proposer aux habitants d’autres modes de déplacements alternatifs efficaces ?

7. La sanction avant la prévention : l'exemple du stationnement

Cette question du stationnement est, elle aussi, « en lien avec le projet de site propre bus ». Si nous ne sommes évidemment pas opposés à terme à une diminution du volume de stationnement global et une augmentation des emplacements payants, nous estimons qu’il est très dangereux d’appliquer ces mesures radicales sans avoir proposé et accompagné en amont une transformation significative des modes de déplacements, notamment à Angoulême (priorité récompensée au co-voiturage, adaptation des transports en commun aux liaisons domicile travail par exemple).

Les contraintes qui arrivent ou qui pèsent déjà sont donc trop précoces (non pas en terme d’efficacité puisqu’elles permettront à la Ville d’Angoulême de disposer d’environ 2 M d’! de recettes supplémentaires), mais parce qu'elles ne sont pas au service d'une réelle amélioration de la mobilité des habitants. Sans amélioration préalable du quotidien de la population, ces mesures sont déjà ressenties comme simplement punitives. En période de crise, c'est une erreur politique et stratégique.

Outre ce mouvement déjà engagé de restriction du stationnement, le PDU engage un mouvement « d’uniformisation de la tarification (du stationnement) avec celle des autres villes de la Région ». 20 à 30% supplémentaires en surface et jusqu’à 50% en ouvrage (PI, p.62). Une hausse qui rejoint notre analyse sur la précocité des mesures contraignantes sur la population, et ce dans l'agglomération au bilan social le plus faible des quatre villes-préfecture de la région Poitou-Charentes.

C'est le signe que les grands équilibres budgétaires n'ont pas été pensés. Ici l'on est prêt à dépenser à tout va, là on s'emploie seulement à augmenter les recettes. Dans tous les cas, on pose des problèmes nouveaux aux habitants avant de leur apporter des solutions pour améliorer leur quotidien, sans se préoccuper des menaces sur les équilibres d'un territoire fragile.

8. Un cadrage financier absent ! Le caractère incomplet du dossier soumis à l’enquête publique en matière de cadrage

financier doit être constaté et devrait donner en toute logique lieu à une réserve par la commission d’enquête. Les services de l'État ont d'ailleurs déjà souligné cette carence :

« le projet de PDU donne parfois l'impression de rester au niveau des principes insuffisamment traduits en chiffres (page 63 du dossier administratif) ; « il manque un tableau de programmation pluriannuel de ces actions, comportant une répartition des actions et des financements » (page 67).

Il est vrai qu'un PDU est un document de planification, présenté ici avec des objectifs pluriannuels, et non de programmation fine des investissements. L’exercice de recensement des projets doit néanmoins permettre d’estimer des montants globaux par type d’action, d’en proposer des clés de financement en tenant compte de la multiplicité des maîtres d’ouvrage et des cadres existants de financement.

Le PDU présenté ici est d’une indigence telle sous l’angle financier qu’il manifeste un

amateurisme coupable pour un document si important. Qu’on en juge :

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La présentation des différentes mesures évoque majoritairement, au titre du financement, la

précision suivante : « à définir »… comme si l’équilibre financier de telles opérations ne devaient pas donner lieu à une projection préalable !

Il y a certes quelques exceptions.

• Page 123, la charte d’aménagement est chiffrée ainsi : « de 20 à 40 K! » ; • Page 157, les stationnements de vélos sont accompagnés de coûts unitaires par box ou

par arceau (!) mais sans donner lieu à aucun chiffrage global ; • Page 164, l’achat de véhicules électriques ne précise que ceux de la première étape ; • Page 171, la mesure des effets du PDU est évaluée à une somme « de l’ordre de 100

000 ! environ » ; • Page 177, le schéma directeur est estimé à un coût de « 30 à 40 K! » ; • Enfin, la présence de parkings-relais et de leur gestion et tarification ne précise que

des coûts unitaires sans aucune vision globale.

Au regard de ces grandes faiblesses les quelques chiffres rendus publics par ailleurs, ne peuvent qu’inquiéter. Les 103 millions d’euros nécessaires à la mise en place du TCSP sont assis sur l’augmentation du Versement Transport porté à son taux maximal (surcoût de 7 millions d'Euros par an pendant 40 ans soit une augmentation de +71% !).

Il en résulte clairement que cet équilibre bien imparfait ne permettra pas de couvrir les charges induites inhérentes à un TCSP réellement utilisé : présence en nombre de parkings-relais gardiennés, augmentation de la fréquence des lignes de rabattements, explosion des coûts de fonctionnement. Par conséquent, l’absence de sérieux dans les projections financières de ce PDU se traduira à terme par une nécessaire hausse des taxes locales et par une diminution des services mis en œuvre par ailleurs.

Dans la crise des finances publiques actuelles, et dans une période d'incertitude il est

plus qu’inquiétant de constater que l’agglomération s'engage pour 40 ans avec comme leitmotiv « à définir » !

CONCLUSION Les élus commanditaires devraient s’approprier vraiment ce projet et le reprendre

autour d’axes stratégiques clairs, priorisés, chiffrés, et planifiés dans le temps. Cela ne semble pas être le cas. Ce PDU est une réponse abstraite de techniciens, à une commande politique abstraite. Le Grand-Angoulême est une ville concrète, peuplée de vrais gens, pas vraiment riches. La ville d'Angoulême a par exemple une topographie vraiment particulière, avec des rues vraiment étroites.

Un objectif de restructuration des transports en commun suffirait amplement, en lieu et

place du BHNS. Cela ne ferme la porte à aucune hypothèse, même celle d’un TCSP. Mais cela nous permettra d’attendre les études de faisabilité du projet pour nous prononcer.

Améliorons avant de punir : vélos, centre-ville apaisé, amélioration STGA, etc. Le Grand

Angoulême doit proposer des solutions efficaces avant d’étendre les punitions (expérience à retenir du stationnement payant). Les objectifs doivent être simples et clairs et correspondre aux diagnostics. Par exemple une politique ambitieuse et forte en matière d'encouragement au co-voiturage devrait être une priorité, parce qu'elle touche et continuera de toucher longtemps la

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