COMMENT PRÉPARER SON ENTREPRISE AU VIEILLISSEMENT …

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POINTS DE REPÈRES RETOURS D’EXPÉRIENCE SUR 5 ENTREPRISES COMMENT PRÉPARER SON ENTREPRISE AU VIEILLISSEMENT DES SALARIÉS ? COMMENT PRÉVENIR L’USURE PROFESSIONNELLE ET FAVORISER LE MAINTIEN EN EMPLOI ? SUR QUOI AGIR ?

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POINTS DE REPÈRES

RETOURS D’EXPÉRIENCE SUR 5 ENTREPRISES

COMMENT PRÉPARER SON ENTREPRISE AU VIEILLISSEMENT DES SALARIÉS ?

COMMENT PRÉVENIR L’USURE PROFESSIONNELLE ET FAVORISER LE MAINTIEN EN EMPLOI ?

SUR QUOI AGIR ?

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ÉDITO par Alain MERCIERMembre du Comité d’Administration du CESTP-ARACT Directeur de la Médecine du Travail de l’Aisne

Dès l'an 2000, le Conseil européen de Lisbonne a fixé l’objectif d’un taux d'emploides 55-64 ans de 50% à l'horizon 2010, incitant les états membres à agir en faveurde l'emploi des seniors. Si, le taux d'emploi des 55-64 ans était de 38,9% en 2009, progressant de 7% de-puis 2000, selon la Direction de l'Animation de la Recherche, des Études et Statis-tiques (DARES), il est loin, cependant, d’atteindre l'objectif initialement fixé.Les actions coordonnées en matière de formation, de prévention des risques profes-sionnels et de maintien en emploi, conduites par les acteurs institutionnels et lesentreprises, ont favorisé cette évolution.

Toutefois, la réforme des retraites nécessitera de demeurer en activité plus longtemps.Les accords et plans séniors pourront y contribuer dès lors que les actions menéespermettront de diminuer les difficultés rencontrées par les salariés dans leur travailet à favoriser leur développement professionnel. De ce point de vue, la préservationde la santé des salariés, pour éviter le développement de pathologies, reste donc unenjeu majeur.

L'initiative du CESTP-ARACT et de la Médecine du Travail de l'Aisne a permis deproposer des points de repères pour les acteurs de l'entreprise qui souhaitent agirpour le maintien en emploi des salariés : améliorer les conditions de réalisation dutravail, prévenir l'usure professionnelle pour prévenir la survenue des pathologies etpermettre simultanément aux salariés de développer leurs compétences pour faciliterles évolutions (parcours professionnel, changement de postes, de métier, …). Prévention et développement des compétences sont donc les deux leviers indisso-ciables des démarches de prévention de l'exclusion.

Ce guide a pour objet d'éclairer les questions que vous vous posez, de vous livrerdes points de repères et des pistes pour agir. Bien identifier les problèmes rencontréset leurs causes, c'est agir au niveau le plus adapté pour prévenir l'exclusion.

Bonne lecture !

Les contributeurs au projet de la Médecine du Travail de l’Aisne (MTA) et du Centre d’Ergonomie et de Sécurité du Travail de Picardie - Association Régionalepour l’Amélioration des Conditions de Travail (CESTP-ARACT) :

- Les médecins du travail de la MTA : Dr Robert BOURGUIGNON, Dr Rosine BROCHART, Dr Thérèse DESCENDRE, Dr Carole PILA et Dr Sylvie VANDENAMEELE.

- L’Intervenante en Prévention des Risques Professionnels de MTA : Laurence SAMAIN.

- Les chargés de mission du CESTP-ARACT : Laurent CARON, Aurélia LE ROUX etVincent LENGOWSKI.

- Un appui à la capitalisation par François GUERIN, ITG Consultants.

- Un appui à la conception du cahier par Laurence THERY, directrice et Sylvie HERBIN, chargée de communication CESTP-ARACT

Le pilotage du projet été assuré par Carole PILA et Aurélia LE ROUX.

Les administrateurs et les directions du CESTP-ARACT et de la MTA ont permis lamise en œuvre de cette expérimentation et nous les en remercions.

Nous remercions égalementles cinq entreprises del’Aisne qui ont acceptées decontribuer à cette action etnous leur souhaitons une ex-cellente continuation dansleurs projets.

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INTRODUCTION

Usure prématurée, augmentation de l’absentéisme, perte desavoir-faire, qualité des prestations de service dégradée sontautant de conséquences possibles de la pénibilité du travailrencontrées dans les entreprises. Les phénomènes de vieillis-sement de la population salariée identifiés pour la Picardie,comme sur l’ensemble du territoire français, laissent présagerun accroissement de ces difficultés dès la prochaine décennie.

Eviter de dégrader précocement l’état de santé des salariésest un enjeu essentiel. Le contexte actuel de recul de l’âge dela retraite renforce encore la nécessité d’agir en matière deprévention. Différentes actions d’amélioration doivent doncêtre menées par les entreprises et des cabinets conseil, autourdu maintien en emploi des salariés âgés.

La loi de financement de la sécurité sociale rappelle que,pour l'année 2009, les mesures ayant pour objectif de pro-mouvoir l'emploi des séniors s'articulent autour de deuxgrands champs : le recrutement des séniors et le maintien enemploi des salariés âgés.

Renvoyant à la négociation d’accords de branches, d’entre-prises et/ou à l’élaboration d’un plan d’actions, des améliora-tions sont attendues sur au moins 3 des 6 domaines proposés :

- le recrutement des salariés âgés,

- l’anticipation de l’évolution des carrières professionnelles,

- l’amélioration des conditions de travail et la prévention dessituations de pénibilité,

- le développement des compétences, des qualifications etl'accès à la formation,

- l’aménagement des fins de carrière et de la transition entreactivité et retraite,

- la transmission des savoirs et des compétences et le déve-loppement du tutorat.

Le CESTP-ARACT et le réseau de l’ANACT, qui agissent pourune gestion de tous les âges au sein des entreprises depuis2002, ont étudié et expérimenté des actions favorisant lemaintien en emploi des salariés âgés.

Au niveau régional, des actions pluridisciplinaires, engagéesdès 2001, ont favorisé l’émergence d’un groupe de travail, re-groupant des médecins du travail et Intervenant en Préventiondes Risques Professionnels (IPRP) de la Médecine du Travailde l’Aisne (MTA) et des chargés de mission du CESTP-ARACT.

Forts de la mise en commun de leurs expériences sur les ques-tions des âges et des conditions de travail, une réflexion com-mune d’appui aux entreprises, sous forme d’undiagnostic-action, a été expérimentée, avec pour objectif deprévenir l’usure professionnelle et, plus largement, de main-tenir l’employabilité des salariés.

A travers cette publication, la MTA et le CESTP-ARACT rela-tent l’action pluridisciplinaire engagée, les outils créés et lesrésultats obtenus. Cet appui s’inscrit pleinement dans les prio-rités du Comité Régional de la Prévention des Risques Profes-sionnels de Picardie, en alimentant le Comité technique« Gestion des Ages », piloté par la DIRECCTE.

SOMMAIRE Propos patronaux et syndicaux sur

les enjeux du maintien en emploides séniors ..........................................4

Le point de vue des experts-interve-nants...................................................6

I - Développer unecoopération pour proposerune démarche complèteaux entreprises.............................7

1 - Pourquoi cette co-intervention entreun Service de Santé au Travail etune ARACT ? ......................................7

2 - Quelle complémentarité de compé-tences CESTP-ARACT et MTA ? .............7

3 - Pour quels enjeux dans les TPE-PME rencontrées ? ...............................8

II - Analyser les besoins etpratiques des entreprises :une nécessité pourcomprendre et agir ....................9

1- Stratégie d’entreprise et principalesproblématiques âges - ressourceshumaines ............................................9

2 - Caractériser la population, un enjeupour une analyse performante .............13

3 - Identifier et comprendre les pra-tiques de gestion des ressources hu-maines et de prévention des risquesprofessionnels pour proposer des ac-tions de prévention de l’exclusion ........17

III-Zoom sur cinqexpériencesd’entreprises :illustrations de ladémarche menée.......................22

1 - L’exemple d’une entreprise de trans-formation...........................................22

2 - L’exemple d’un cabinet d’ingénierie.....263 - L’exemple d’une entreprise de trans-

port-messagerie..................................284 - L’exemple d’une fonderie ....................305 - L’exemple d’un ESAT ( Établisse-

ment et Service d'Aide par le Travail) ...31

Conclusion...................................35

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MEDEF PICARDIEJean-Jacques BLANGY, Président du MEDEF Picardie

L’emploi et le maintien dans l’emploides seniors font partie des objectifs prio-ritaires du MEDEF Picardie, au mêmetitre que l’emploi des jeunes ou la for-mation professionnelle. Rompre avec laculture de la sortie précoce d’activité estune nécessité, ne serait-ce que pourfaire face aux enjeux démographiques àvenir et préserver nos régimes de re-traite. Pour y parvenir, une véritable ré-volution des esprits a été ébauchée etdoit se poursuivre. Les 3 accords natio-naux interprofessionnels visent à faireévoluer les mentalités, à sécuriser lesparcours professionnels des seniors et àfavoriser leur emploi.

L’état des lieux est un préalable néces-saire pour l’employeur qui lui permetd’apprécier sa situation par rapport àl’emploi des salariés âgés, de cerner lesaxes de progrès possibles et d’identifierles actions à mettre en place.Les entreprises picardes peuvent égale-ment prendre contact avec leur Brancheprofessionnelle afin de bénéficier dedonnées chiffrées disponibles sur la pro-portion de salariés âgés dans leur sec-teur d’activité et d’apprécier leursituation au regard de ces données.

CGPME PICARDIESébastien HOREMANS, Président CGPME Picardie,Président CGPME Somme,Commission nationale innovation et économie nu-mérique

Maintenir en emploi des séniors est unenjeu majeur de la performance des en-treprises. Les retards pris dans la livraisondes airbus A 380 étaient notamment liésau départ de séniors, experts des masseset circuits électriques. Boeing connaîtd’ailleurs le même type de difficultés.

Dans un contexte où le développementdurable est un enjeu sociétal, la questionest celle de l’intégration de cette dimen-sion dans les entreprises et dans le travaildes salariés. La CGPME Picardie a déve-loppé une action qui vise à proposer à desséniors de mettre leur expertise au servicede plusieurs entreprises de petites tailles.

C’est un enjeu essentiel du développe-ment des entreprises puisque cette lo-gique de compétences partagées permetde disposer d’un DRH ou d’un concepteurà temps partagé et de redonner du tempsaux dirigeants des TPE / PME. C’est uneaction formidable, car elle crée, en plus,de l’emploi direct chez les séniors.

Il est donc nécessaire de ne pas négligerl’impact des séniors dans l’entreprise etde ne pas tenir un discours qui renvoieà un procès d’intention : Être âgé dansl’entreprise ne veut pas dire être démo-tivé ! Parfois, la baisse de la productivitéest pointée comme étant due à un pro-blème de capacité physique, or, elle estcompensée par l’expérience.

Bien anticiper l’impact du départ des sé-niors sur la vie de l’entreprise est doncun objectif, la gestion prévisionnelle desemplois et des compétences peut ycontribuer.

UPA PICARDIEJean – Louis LEGRAND, Vice – Président de l’UPA Picardie,Président UPA Somme

L’UPA s’intéresse au maintien en emploides séniors et ce n’est pas la seule orga-nisation ! C’est d’ailleurs une des ques-tions centrales traitée par la CommissionParitaire Régionale Interprofessionnellede l’Artisanat, nouvellement créée. Ainsi,dans les actions envisagées, la prioritéest donnée au maintien en emploi dessalariés de 50 ans et plus.

Il est essentiel de garder à l’esprit qu’ausein des entreprises artisanales, les sé-niors sont souvent valorisés en assurantla transmission du savoir auprès desjeunes ou des novices. Ils sont d’ailleursles formateurs des apprentis, ce qui as-sure la continuité des métiers de l’Arti-sanat et la performance des entreprises. Dans certaines professions, les condi-tions physiques de certains métiers(couvreur, par exemple) nous amènent àproposer aux salariés séniors de réaliserd’autres tâches, plus adaptées à leursexpériences. C’est une manière de lesmaintenir en emploi et d’éviter qu’ils de-viennent inaptes à leur poste de travail.Nous ne voulons pas nous séparer denos séniors, ce qui nous amène à réflé-chir à des solutions pour l’éviter !

Même si des efforts ont été réalisés parnos entreprises artisanales pour réduirela pénibilité, améliorer la sécurité et lesconditions de travail, il existe toujoursdes difficultés à recruter des jeunes, quipeuvent garder une image « péjorative »de certains métiers. Il ne faut pas négli-ger, non plus, la difficulté à laquelle lesséniors de 55 ans et plus sont confrontéspour retrouver un emploi. C’est pourquoi l’UPA intervient, dans leslieux où il siège (Pôle emploi, …), auprèsdes partenaires professionnels (MEF, …)et de ses adhérents, pour les sensibiliserà la nécessité d’agir pour le maintien enemploi des séniors.

CFDT PICARDIEDominique BERNICHONSecrétaire Général de la CFDT Picardie

Le maintien dans l’emploi des séniorsconstitue un enjeu majeur pour les en-treprises au regard de l’expérience quedétiennent ces salariés. Au fil du temps,ils ont développé différentes compé-tences qui sont essentielles pour lastructure qui les emploie : un savoirfaire particulier sur des machines, desoutils ou dans des domaines spéci-fiques. C’est autour de cette expertiseque « tourne » l’entreprise.

Pour éviter la perte de l’ensemble decette technicité lors du départ des sala-riés, il est nécessaire d’avoir préparé etorganisé le transfert.

Pour agir, il est donc indispensable deprendre en compte différents facteurs, etplus particulièrement les questions d’or-ganisation et de pénibilité au travail.Concernant la nécessité de conserver lescompétences clés, il est possible d’envi-sager d’autres actions. Le développementdu tutorat s’inscrit dans cette logique viale transfert de compétences et de savoir-faire détenus par le collaborateur.

Accompagner le salarié sénior dans sonparcours professionnel implique égale-ment l’aménagement des fins de carrière.

Le maintien dans l’emploi des séniorspose aujourd’hui des questions crucialespour le développement économique etsocial des entreprises. Les obligationsréglementaires en la matière confirmentla pertinence de ces interrogations.

PROPOS PATRONAUX ET SYNDICAUX SUR LES ENJEUX DU MAINTIEN EN EMPLOI DES SÉNIORS

TÉMOIGNAGES AUTOUR DE 2 QUESTIONS

Pourquoi le maintien en emploi des seniors est-il un enjeu pour les entreprises ?

Sur quoi agir ?

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CFE-CGC PICARDIEJean-Paul SAINTOMER, Secrétaire Général de l’Union Régionale

Maintenir en emploi les salariés est unenjeu pour les entreprises qui doiventnécessairement s’appuyer sur l’expé-rience et les compétences de leurs sé-niors. Cela demande un effort en termesd’organisation du maintien en emploides salariés et de réalisation d’aména-gement des conditions de travail.

La situation actuelle est compliquée : lesséniors continuent leur activité profes-sionnelle au sein des entreprises alors queles jeunes restent sans emplois. Alorscomment faire avec le marché de l’emploique nous connaissons actuellement ? Desdifficultés sont à prévoir dans les entre-prises où les séniors vont partir en mêmetemps. C’est bien eux qui assurent le bonfonctionnement du tutorat !

Il est donc nécessaire de s’occuper dumaintien en emploi des séniors, qui peu-vent avoir une diminution de certaines ca-pacités. L’entreprise doit donc aménagerles postes de travail, permettre le déve-loppement d’horaires de travail mieuxadaptés (mi-temps, tiers-temps, …). C’estune question de survie des entreprises ! Les séniors ne sont pas des salariés qui« coûtent trop chers » ou qui ont« moins de valeur ajoutée », ils repré-sentent la performance des entreprises.

Pour agir, il faut s’intéresser à la pénibilitéet à l’usure des cadres et des non-cadres.Il faut dépasser un raisonnement à courtterme. La clé, c’est d’anticiper les évolu-tions et de mesurer les conséquences. Ilreste encore de nombreuses actions àmener dans les entreprises, notammenten matière de gestion prévisionnelle desemplois et des compétences pour favori-ser le maintien en emploi des cadres !

CFTC PICARDIEBéatrice CORDIERSecrétaire du CSFV 02 – 80

Aborder la question du maintien en em-ploi des séniors constitue un enjeu es-sentiel pour l’avenir des entreprises etdes salariés qui y travaillent. L’expé-rience dont disposent ces collaborateursainsi que les compétences qu’ils ont sudévelopper au fil des années sont indis-pensables pour leurs employeurs.

Et pourtant, il n’est pas rare que les sé-niors soient « poussés » vers la sortieplutôt que véritablement accompagnésdans leurs fins de carrière. Aujourd’hui,il semble primordial de pouvoir assurerle transfert des connaissances et descompétences détenues par les anciensvers les nouveaux entrants.

Face à l’allongement de la vie profes-sionnel, notamment pour les personnes

qui ont commencé à travailler trèsjeunes, le maintien en l’emploi des sé-niors doit être un axe de travail priori-taire pour les entreprises.

Pour cela, il parait nécessaire d’agir surdifférents facteurs en vue d’améliorer lesconditions de travail qui sont actuelle-ment proposées aux salariés. Réduire lapénibilité, l’usure physique et psycholo-gique ou encore traiter la question dustress au travail sont des champs sur les-quels il est indispensable d’intervenir.

Favoriser le développement des compé-tences des salariés par un meilleur accèsà la formation, développer le tutorat ou en-core accompagner les salariés dans leursparcours professionnels sont des axes surlesquels il faut également travailler.

Maintenir en emploi les séniors est doncune question de fond sur laquelle les entre-prises devront se positionner pour assurerleur développement économique et social.

CGT PICARDIENorbert BOULANGERComité régional de la CGT PicardieChargé des questions du développement écono-mique et du développement industriel

Le maintien en emploi des séniors estun enjeu pour les entreprises, à condi-tion qu’elles le décident ! Bien évidem-ment, il est essentiel de préserver lessavoir-faire des salariés, leurs connais-sances et de s’appuyer sur leurs expé-riences. Cela doit permettre aux séniorsde transmettre leurs savoir-faire à d’au-tres salariés, de faire du tutorat vers lesjeunes susceptibles d’être embauchéspar les entreprises. En Picardie, plus de 60% des séniors nesont plus en emploi à l’âge « officiel »de la retraite (55-64 ans, suivant l’IN-SEE). Les grandes restructurations me-nées se sont d’abord traduites par lelicenciement des salariés les plus an-ciens, qui par leurs évolutions de car-rière ont des salaires plus élevés, etdonc selon l’idéologie du patronat coû-tent cher aux entreprises, ce qui mérite-rait un débat sur le fond concernant lecoût du travail et la valeur des marchan-dises produites. Dans les petites entreprises, le main-tient des séniors en emploi est égale-ment une difficulté. Pour avoir suivi unsalarié handicapé classé par la COTO-REP dans une entreprise sur Breteuil,dont le handicap était lié à son travail,l’impossibilité ou la non volonté decelle-ci à trouver un poste adapté s’esttraduite par une rupture convention-nelle, autrement dit, un licenciement. L’enjeu est donc de garder les séniorsdans les entreprises pour leurs compé-tences et de devoir reclasser des salariésusés par leur travail en lien à des mau-vaises conditions de travail, qui amè-nent à de l’usure professionnelle

(problèmes de canal carpien, de handi-cap, …). La question des conditions detravail est centrale pour les séniors. Un axe doit être travaillé par les entre-prises : préserver la santé des salariés,tant d’un point de vue physique que psy-chique, et les amener jusqu’à l’âge de laretraite dans de bonnes conditions !

FO SOMMERaoul POUSSINEAU, Membre du bureau SDAS FO

Pour les entreprises, le maintien en em-ploi n’est pas un point positif. Les séniors,de par leur expérience, coûtent aux entre-prises. Dans le contexte actuel, amenerdes séniors à prendre leur retraite revientà s’appuyer sur eux pour éviter des licen-ciements, ils assurent un rôle de tampon ! Les séniors, eux-mêmes, ne sont pas fa-vorables à leur maintien en emploi, nom-breux sont ceux qui veulent partir.L’important, c’est d’avoir le choix de resterou de partir. En parallèle, il ne faut pasnégliger que les jeunes ont des difficultésà trouver un emploi. Permettre aux an-ciens de partir, c’est permettre aux jeunesd’entrer dans les entreprises. Pourquoifaire des accords sur l’emploi des séniorsalors que la plupart des salariés concernésaimeraient partir ?Il y a une quinzaine d’années, les salariésen âge de partir en pré-retraite étaient re-connus. De nos jours, tout a changé, lesconditions de travail se sont largement dé-gradées. Il faut travailler de plus en plusvite, quitte à dégrader la qualité du tra-vail. Une seule et même personne doit, enplus de son activité habituelle, s’occuperdes manutentions et des activités an-nexes. Ceci se traduit par de la fatigue.De plus, nous arrivons dans les années oùbeaucoup de personnes partent en mêmetemps et il faut bien continuer à travailler.Il y a de plus en plus de salariés qui ex-priment cette fatigue, les conditions detravail se dégradent et la reconnaissancen’est plus au rendez-vous.Ces situations génèrent même des conflits,liés à l’obsolescence du matériel, à la né-cessité de réaliser de multiples réglages, àla pression/ concurrence entre collèguessur les cadences, … Ceci amène à une dé-gradation morale qui peut engendrer desbagarres entre salariés ou encore amenerdes salariés à se mettre en danger !De plus en plus, les salariés doivent réali-ser des tâches complètement inconnues.Parfois, la concurrence entre salariés em-pêche l’entraide puisque les salariés neveulent même plus travailler ensemble. Il existe donc un réel besoin d’agir sur lesconditions de travail. L’entreprise tend àvoir se multiplier de nouveaux accidents,qui risquent d’être de plus en plus grave.Agir au niveau opportun devient de plusen plus difficile, y compris pour leCHSCT qui a des difficultés à analyserces situations compliquées.

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LE POINT DE VUE DES EXPERTS-INTERVENANTS

Conserver les salariés en bonnesanté et compétents, un enjeu de pérennité pour les entreprisesAurélia LE ROUX et Carole PILA

Le travail a changé. Les entreprises doivent s’adapter sans cesse à des marchés enévolutions pour faire face à la concurrence, parfois accrue, d’autres pays. A celas’ajoutent des évolutions techniques des process ou de la prestation de services (lo-giciels informatiques, …) qui deviennent des solutions pour optimiser les moyens,produire des biens ou prestations de qualité et assurer une rentabilité plus impor-tante. Dans le travail, ces évolutions se sont traduites par des modifications des conditionsmême de réalisation du travail. Les salariés doivent s’adapter plus rapidement aux évo-lutions (process, qualité, délais, …), en gérant une multiplicité de produits (développe-ment des petites séries dans l’industrie, par exemple), dans un environnement où lesvariations de production ont abouti, notamment, à développer des formes de polyva-lence, souvent non reconnues, en oubliant parfois d’organiser les coopérations. Même si les entreprises ont réalisé des efforts en matière de prévention des risquesphysiques, ce qu’attestent les données sur les accidents du travail de la CARSAT,ces exigences ont généré de nouvelles formes de pénibilité, liées à la fois aux fac-teurs de pénibilité classiques mais aussi à des facteurs plus psychologiques.Comment repérer ces difficultés ? Dans les entreprises, dès que nous échangeonsavec les salariés, ils évoquent aisément les évolutions de leur travail et les effets in-duits. Ils citent, pêle-mêle, des aménagements - améliorations techniques non réa-lisés, des coopérations rendues difficiles par de nouvelles tâches à réaliser, destensions entre les salariés, voire, dans certains cas, de la fatigue ou de la lassitude.

Ces effets s’expliquent par un cumul d’expositions à des risquesprofessionnels (dont TMS, RPS, …), qui se traduit par le déve-loppement de pathologies, de restrictions d’aptitudes, ou d’unecertaine lassitude (fatigue, désinvestissement dans le travail,…). Majoritairement, ces salariés ont peu de possibilité d’évo-lution professionnelle, peu d’occasions de se former et peuventse trouver en difficulté face aux évolutions de l’entreprise. Pour éviter des risques d’exclusion, nous préconisons aux en-treprises de développer des pratiques de préservation de lasanté et de développement des compétences afin d’assurerl’employabilité des salariés. Développer les compétences clés au sein des entreprises per-met de maintenir leur performance, leurs avantages concur-rentiels et leur pérennité, et s’appuie également sur lescoopérations intergénérationnelles.

Améliorer les conditions de travail doit aider l’entreprise à maintenir en emploi lesséniors et à éviter que les salariés plus jeunes soient touchés par des pathologies,invalidantes pour les salariés et génératrices de coûts supplémentaires pour les en-treprises.

Le développement des compétences et la préservation de la santé sont donc lesdeux enjeux majeurs du maintien en emploi des salariés, de leur mieux être au travailet de la performance des entreprises.

“En effet, même s’ilexiste indéniablement

un vieillissement natureldes salariés, les

contraintes du travailtransforment ce

vieillissement en usureprématurée.”

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DiagnosticAction

Médecin du travail (MTA)

- Compétences Médicales - S’appuie sur l’analyse clinique (visites médicales) et le questionnaire EVREST- Conseil de l’entreprise permanent

Intervenant en Prévention des Risques Professionnels (MTA)

- Compétences en prévention des risques professionnels, approche technique,- S’appuie sur l’analyse de postes de travail (observations, mesures)- Conseiller ponctuel de l’entreprise sur demande du Médecin du travail

- Compétences en analyse démogra-phique, analyse du travail et approche organisationnelle de la prévention des risques professionnels- S’appuie sur une approche collective de l’analyse des pratiques RH, organisationnelles et de

prévention (entretiens individuels – collectifs et observations) à partir d’hypothèses formulées lors de l’exploitation d’EVREST,- Acteur tiers, qui intervient ponctuellement sur demande de l’entreprise

Chargés de mission (CESTP-ARACT)

Médecin du travail (MTA) decin du travail (MT TA) A)(MTTA)Risques Professionnels Intervenant en Prévention des

- Conseil de l’entreprise permanentEVREST(visites médicales) et le questionnaire - S’appuie sur l’analyse clinique - Compétences Médicales

Chargés de mission (CESTP-ARACT)

- Conseil de l’entreprise permanent

phique, analyse du travail et approche - Compétences en analyse démogra

EVREST(visites médicales) et le questionnaire - S’appuie sur l’analyse clinique - Compétences Médicales

Chargés de mission (CESTP-ARACT)

Action

collectifs et observations) à partir prévention (entretiens individuels –

phique, analyse du travail et approche -- Compétences en analyse démogra

Diagnostic

sur demande du Méde decin du travail

collectifs et observations) à partir prévention (entretiens individuels –

- Conseiller ponctuel de l’entreprise tuel de l’entreprise travail (observations, mesures)- S’appuie sur l’analyse de postes de technique,risques professionnels, approche - Compétences en prévention des

A)(MTTA)Risques Professionnels

RH, organisationnelles et de collective de l’analyse des pratiques - S’appuie sur une approche risques professionnelsorganisationnelle de la prévention des

l’entrepriseponctuellement sur demande de - Acteur tiers, qui intervient l’exploitation d’EVRESTd’hypothèses formulées lors de

RH, organisationnelles et de collective de l’analyse des pratiques - S’appuie sur une approche

organisationnelle de la prévention des

ponctuellement sur demande de - Acteur tiers, qui intervient

,l’exploitation d’EVRESTd’hypothèses formulées lors de

DÉVELOPPER UNE COOPÉRATION POUR PROPOSER UNE DÉMARCHE COMPLÈTE AUX ENTREPRISES P A G E 7

1- POURQUOI CETTE CO-INTERVENTION ENTRE UN SERVICE DE SANTÉ AU TRAVAILET UNE ARACT ?

I - Développer une coopération pour proposer une démarche complète aux entreprises

De nos différences devait naître une réelle complémentarité : proposer un diagnostic action sur les questions d’âges et de condi-tions de travail, en maillant les approches médicale (médecin du travail), technique (IPRP) et organisationnelle (ARACT).

Les évolutions législatives relatives au départ à la retraite, les dis-cussions concernant la pénibilité du travail réactivées à cette oc-casion, amènent les entreprises à se demander sur quoi elles vontpouvoir agir. En cette année de dépôt des accords et plans séniors,les entreprises ont cherché des actions à mener sur les 3 pro-chaines années. Certaines négociations ont été réalisées dans l’ur-gence et les engagements pris par les entreprises peuvent ne pasaboutir aux résultats escomptés. Cette coopération entre le CESTP-ARACT et la MTA doit permettreaux entreprises de se poser les « bonnes » questions qui vont lesaider à ajuster le diagnostic posé initialement par l’entreprise. C’estsur la pertinence de ce diagnostic initial que vont s’ancrer les so-lutions les plus utiles pour la prévention de l’exclusion. Ces élé-ments nous amènent à insister sur l’importance de diagnostiquerl’ensemble des situations présentant des risques de pénibilité.

Ainsi, il est essentiel de combiner une phase d’analyse objec-tivée de la situation de l’entreprise, de ses difficultés et d’enfaire découler des actions concrètes d’amélioration. Les méthodes d’analyse doivent aussi permettre d’agir globa-lement pour prévenir tout risque d’exclusion professionnelle,celle-ci ne pouvant être réduite à une question de santé. Eneffet, prévenir l’exclusion nécessite d’identifier le publicconcerné, d’analyser les conditions de travail et les pratiquesde gestion des ressources humaines, pour agir sur l’ensembledes leviers d’amélioration et de développement de l’employa-bilité des salariés. L’expérience menée s’appuie sur la volonté de deux institutionsde travailler ensemble, en combinant des approches diffé-rentes, au bénéfice des entreprises, ancrant cette action surla pluridisciplinarité.

2 - QUELLE COMPLÉMENTARITÉ DE COMPÉTENCES ENTRE LE CESTP-ARACT ET MTA ? Nous souhaitons, en nous appuyant sur cette coopération, mon-trer aux entreprises en quoi la complémentarité des compé-tences des institutions a permis, par une réponse conjointe dela première prise de contact avec l’entreprise à la restitution fi-nale du diagnostic-action, de leur rendre un service différent.

Chaque intervenant ayant des compétences et postures diffé-rentes, il a été nécessaire de définir conjointement la démarcheproposée et de définir nos rôles respectifs dans ce projet, dansle respect de nos valeurs et fondements (secret médical etcharte de déontologie), au service des entreprises. Nous avons schématisé nos compétences, nos méthodes d’investi-gation et d’analyse ainsi que nos postures dans le schéma suivant.

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PREMIERES CARACTERISTIQUES DES ENTREPRISES ACCOMPAGNEES

DÉVELOPPER UNE COOPÉRATION POUR PROPOSER UNE DÉMARCHE COMPLÈTE AUX ENTREPRISESP A G E 8

3 - POUR QUELS ENJEUX DANS LES TPE-PME RENCONTRÉES ?

Dans la phase de recherche des entreprises, il a été demandéà chaque médecin d’identifier des entreprises de 20 à 100salariés, ayant des problématiques de vieillissement de leurpopulation associées soit à de la pénibilité du travail, à del'usure professionnelle ou à la nécessité de pérenniser descompétences. Ces entreprises devaient être de secteurs diffé-rents afin de rendre compte de la diversité des probléma-tiques.

Ainsi, dans les 5 entreprises rencontrées, nous dénombronsdes enjeux de prévention de la pénibilité au travail dans une

fonderie, une entreprise de transport, une entreprise d'usi-nages de pièces métalliques et un atelier protégé ainsi quedes enjeux de préservation des compétences dans un cabinetd’ingénierie.

A l’origine, toutes les entreprises rencontrées ont accepté departiciper à cette expérimentation pour s’assurer que les orien-tations envisagées intégraient bien les enjeux du vieillissementdes salariés. Il s'agissait donc davantage d'un diagnosticcontribuant à leur réflexion prospective qu'un diagnostic pré-conisant des actions d'amélioration.

ACTIVITE EFFECTIF DONNEES SUR LES AGES ENJEUX POUR L’ENTREPRISE ATTENTES DE L’ENTREPRISE

TRANSFOR-MATIONUSINAGE

54 salariés

Age moyen : 45,5 ansL’activité est extrêmement concurren-tielle, avec une baisse de part de mar-ché ayant entrainé des licenciements.Des départs en retraite sont annoncéssur des postes clés et/ou uniques face àun parc machine ancien.

Aider l’entreprise à vérifierque les orientations choisiessont bien les plus pertinentes.

Ancienneté moyenne : 23,5 ans

Part des 50 ans et plus :32,7%

CABINET INGENIERIE

24 salariés dont 3 personnelsadministratifs

Age moyen : 46 ansL’activité, à haute valeur ajoutée, néces-site le maintien des savoir-faire malgréles départs à la retraite. Le contexte deforte évolution de l’activité (des plans àl’implantation des équipements chez lesclients) génère de l’incertitude parmi lessalariés.

Aider l’entreprise à anticiperles risques liés aux futurs dé-parts et à faciliter les évolu-tions.Ancienneté moyenne :

12 ans et demi

Part des 50 ans et plus : 14%

TRANSPORT MESSAGERIE

65 salariés (dont

26 chauffeurs)

Age moyen : 43,3 ansL’activité de transport de petits colis né-cessite de l’attention lors de la conduite,de multiples arrêts et des circuits de li-vraison pénibles.

Aider l’entreprise à identifierles phénomènes d’usure et lesleviers d’action potentiels.

Ancienneté moyenne : 15 ans

Part des 50 ans et plus :28%

FONDERIE 67 salariés

Age moyen : 43,6 ansL'activité est confrontée à une forteconcurrence, avec des métiers peu at-tractifs (contraintes physiques fortes -environnement de travail peu attrayant)sur un bassin d'emploi sinistré.

Aider l’entreprise à définir lesconditions à remplir pour vieil-lir au sein de l’entreprise enbonne santé et en réalisant untravail efficace.

Ancienneté moyenne : 13,6 ans

Part des 50 ans et plus :22,4%

ATELIER PROTEGE

18 salariés

Age moyen : 46,6 ansL’activité de prise en charge des travail-leurs handicapés (TH) génère pour l’en-cadrement une charge mentale forte àlaquelle s’ajoute les contraintes liées auvieillissement de la population de TH(dégradation rapide de l’état de santé).

Avoir un regard extérieur sur lefonctionnement de l’ESAT etle ressenti des salariés faceaux évolutions (démarchequalité et pathologies évolu-tives des TH).

Ancienneté moyenne : 11,6 ans

Part des 50 ans et plus :42%

Page 9: COMMENT PRÉPARER SON ENTREPRISE AU VIEILLISSEMENT …

E T A P E 1ANALYSER LES BESOINS ET LES PRATIQUES DES ENTREPRISES P A G E 9

D’abord, nous avons cherché à comprendre quelle était la stra-tégie de l’entreprise en interrogeant les dirigeants sur ce quimotivait les évolutions attendues pour les entreprises.Toutefois, nous nous sommes focalisés sur la question desâges et de la prévention de la pénibilité du travail. Ainsi, nousleur avons demandé quels étaient les principaux problèmesde gestion des ressources humaines rencontrés et en quoi leurstratégie avait un lien avec la prévention : nécessitait-elled’améliorer les conditions de travail des salariés pour les main-tenir en emploi, de les former pour faire évoluer leurs métiers,de développer des parcours professionnels pour maintenir l’in-térêt au travail…

Ces éléments ont permis d’identifier 5 problématiques. Cettetypologie doit permettre, à partir d’exemples multiples, d’aiderà identifier votre principale problématique.

Problématique 1 : Le risque de perdre descompétences clés ou expertes, lié à desdéparts en retraiteGérer simultanément, ou de manière concomitante, le départsdes salariés, dans une PME ou une TPE peut déstabiliser l’entre-prise, du point de vue de ses compétences et de son organisation.

Anticiper ce risque de perte de compétences est donc essen-tiel. Cela passe par l'identification des postes où se trouventles salariés sortants, de leurs missions, des compétences re-quises, mais surtout de leurs expertises.

Nos interventions nous ont amené à rencontrer des dirigeantsd’entreprises qui, confrontés à ce problème, avaient négligé,par méconnaissance de ces questions, la caractérisation desdéparts.

Ainsi, face au départ d’une dizaine de salariés de la produc-tion, un dirigeant, repreneur de l’entreprise, avait été alertésur le fait que 5 extrudeurs sur 6 allaient quitter l’entreprisedans les 3 ans. Le métier d’extrudeur consiste dans le pilotaged’une ligne de transformation de granulés en film plastique,ce qui nécessite une excellente connaissance de la matièrepremière et des réglages nécessaires à une production de qua-lité.

Malgré des données précises du service ressources humaines,face à cette situation complexe et « massive » à gérer, il n’avaitpas remarqué qu’un des deux techniciens maintenance, seulexpert technique du parc machine ancien, allait lui aussi partiren retraite.

Dans ce cas, deux situations urgentes sont à gérer simultané-ment, toutes deux essentielles à la performance de l’entre-prise. La qualité des produits finis dépend de la qualité del’extrusion, première phase du process, et du soin apporté auréglage des machines (réduction des rebus). Les compétencesd’extrudeur et de technicien maintenance sont des compé-tences clés pour cette entreprise. Hors le système de formationreste à développer en la matière (aucune commande numé-rique dans l’entreprise).

Ce diagnostic-action s’appuie sur 3 étapes :

1_ la stratégie d’entreprise, en relation avec la prise en compte de la diversitédes âges dans la politique de gestion des ressources humaines,

2_ les caractéristiques de la population salariée (âges, état de santé, …),

3_ les pratiques de Gestion des Ressources Humaines (GRH) et de Préventiondes Risques Professionnels (PRP).

Etape 1 – Stratégie d’entreprise et principalesproblématiques âges - ressources humaines

II - Analyser les besoins et les pratiquesdes entreprises : une nécessité pourcomprendre et agir

Page 10: COMMENT PRÉPARER SON ENTREPRISE AU VIEILLISSEMENT …

Même si l’alerte est d’abord donnée sur les salariés sortants(ici les séniors), il est tout aussi important d’identifier les âgesmédians et les plus jeunes pour envisager des modalités depréservation des compétences clés, avant qu’elles quittentl’entreprise.

De même dans cette entreprise prestataire de services, 3 sa-lariés sont partis en retraite, ce qui a déstabilisé l’organisation.Ces référents techniques aidaient les téléopératrices à répon-dre à des questions pointues posées par les clients. Les télé-opératrices, sachant qu’elles pouvaient bénéficier de cet appuià tout moment, mettaient les clients en attente et pouvaientainsi répondre aux clients.

Or, le départ de ces experts s’est traduit par une qualité de ser-vice jugée insatisfaisante de la part des clients. En effet, habi-tués à obtenir une réponse précise et juste lors de leurs appelstéléphoniques, les clients sont maintenant confrontés à des té-léopératrices qui, ne pouvant pas répondre directement, leurproposent d’être rappelés par le service qui gère leur dossier ;ce qui se traduit par des délais de réponse de 3 à 5 jours. Cesévolutions s’expliquent par une absence d’anticipation, qui au-rait permis d’éviter cette réorganisation gérée à postériori.

Problématique 2 : Les jeunes embauchés nerestent pas au sein de l’entrepriseQuand les jeunes quittent l’entreprise prématurément, celapeut traduire une forme d’exclusion, liée notamment à desécarts de représentation entre l’image du métier et la réalitéde la mission ou encore lié à l’attractivité même des métiers.

Par exemple, lorsque nous avons rencontré des restaurateurs,ils ont eu l’occasion de nous dire que les jeunes qui entraientsur le marché du travail voulaient devenir Chef cuisinier rapi-dement alors que l’expérience professionnelle s’acquiert dansla durée. On débute « dans le métier » en apprenant à bienéplucher les légumes et à faire la plonge ; cela ne correspondqu’en partie aux attentes des jeunes qui trouvent la tâche bienplus pénible que prévue.

Dans une fonderie, attirer des salariés est également difficile.L’image de l’activité renvoie à des conditions de travail phy-siques difficiles, à un environnement salissant et à de forteschaleurs. Bien que des progrès aient été réalisés en matièrede conditions de travail, les nouveaux embauchés ne se re-trouvent pas forcément dans le travail à exercer et préfèrentquitter leur emploi. Cette instabilité dans l’emploi se mani-feste par un turn-over qui déstabilise la production de l’entre-prise.

Face aux départs des jeunes ou des nou-veaux, il est essentiel d’analyser les raisonsde ces départs et en quoi sont-ils facteursde risques pour l’entreprise. L’aménagementdes horaires, des rythmes de travail, la faci-litation des coopérations dans le travail sontautant de facteurs simplifiant l’intégrationou pouvant générer de la fragilité s’ils nesont pas l’objet d’attentions particulières.

L’entreprise doit rester vigilante, envisagerun dispositif d’intégration simple et effi-cace, qui aide le nouvel arrivant à trouver saplace, en lui donnant des repères.

Problématique 3 : Les anciens « auraient »des difficultés pour s’adapter aux différentschangements dans l’entreprise

Des changements profonds s’opèrent dans les entreprises,transforment le travail des salariés, voire la mission même del’entreprise. Pour maîtriser ces changements et rester perfor-mants, les salariés doivent développer leurs compétences,comprendre les motifs des changements et y trouver un inté-rêt. Lorsque les salariés ont été peu formés, ils évoquent deréelles difficultés pour faire face à ces évolutions, qui remet-tent en question leurs compétences et leurs capacités à tra-vailler dans un environnement mouvant, générateurd’incertitudes. Ces difficultés sont d’autant plus importantespour les salariés qui ont une ancienneté significative et ontpeu recours à des formations.

Pour anticiper les évolutions de l’entreprise,il est important de combiner les formationstechniques tout au long de la vie profession-nelle et la participation des salariés auxnouveaux projets de l’entreprise.

Par exemple, lors de nouveaux aménagements techniques, lessalariés sont sollicités en amont sur le projet, donnent leuravis à partir d’un plan et réalisent des tests grandeur nature.En participant aux essais et en s’appuyant sur leurs savoir-faire, les salariés contribuent au développement de l’entrepriseet de sa technologie. En testant l’outil, ils réduisent leur in-certitude quant aux évolutions et augmentent leur intérêt autravail.

Problématique 4 : Les nouveaux arrivants« auraient » des difficultés à être efficacesParfois, la complexité des métiers (multiplicité de tâches, ra-pidité dans la réalisation de celles-ci, …), le poids du savoir-faire prédominant (sans repères explicites, …) ou encore desproblèmes de santé peuvent amener les nouveaux arrivants àse retrouver en difficultés face à leurs postes de travail. Lesdonnées de production, qui sont les références en termes deperformance, sont l’un des indicateurs de ces difficultés.

Toutefois, les systèmes de performance (technique, humaine,organisationnelle) des entreprises amènent les managers às’interroger sur l’efficacité de leurs collaborateurs. Mais enquoi consiste l’efficacité ? Il s’agit à la fois d’exploiter ses com-pétences et ses savoir-faire pour produire les résultats escomp-tés (au regard des niveaux de production, qualité, coût, délais,… attendus), en réalisant tous les ajustements nécessaires(techniques, organisationnels, …), tout en préservant sa santé.Etre efficace revient à bien connaître les tâches à réaliser, àidentifier et reproduire les « trucs » du métier pour produireplus et mieux, tout en se préservant personnellement.

E T A P E 1ANALYSER LES BESOINS ET LES PRATIQUES DES ENTREPRISES P A G E 1 0

Page 11: COMMENT PRÉPARER SON ENTREPRISE AU VIEILLISSEMENT …

E T A P E 1ANALYSER LES BESOINS ET LES PRATIQUES DES ENTREPRISES P A G E 1 1

1 Définition extraite du « Guide pour l’action - Prévenir les situations de pénibilité », ANACT paru en 2010

Ainsi, une entreprise de 39 salariés, confrontée au dé-veloppement rapide de maladies professionnelles etde restrictions d’aptitudes, s’est interrogée sur la lo-calisation de celles-ci dans l’entreprise. La directionpensait que le fait de ne pas avoir de séniors dans l’en-treprise lui permettrait de ne pas gérer les questionsd’inaptitudes massives. Après une étude précise, lesquadragénaires, d’une ancienneté d’au moins 20 anset touchés par des maladies professionnelles sont lo-calisés sur deux secteurs de l’entreprise. L’activité del’entreprise est toujours restée identique et les salariéssont restés affectés aux mêmes postes de travail. Pourles maintenir en emploi, une analyse des situations detravail jugées pénibles par les salariés a été menée etdes actions d’amélioration des conditions de travailengagées. Cette entreprise souhaite se développer ets’ouvrir à une nouvelle activité ; c’est une opportunitépour proposer un parcours professionnel aux salariés.L’enjeu est de leur permettre de développer leurs com-pétences tout en préservant leur santé. Dès la créationeffective de cette activité, l’entreprise devra penser àanalyser les situations à risques dans l’activité de tra-vail (document unique : TMS, situation de pénibilité,…) pour prévenir les risques professionnels.

Dans cette seconde entreprise, les conducteurs de lignede production ont été mis à contribution pour préserverleur métier, en étant les acteurs clés de l’intégration denouvelles recrues. Ils ont été accompagnés à la foispour décrire le processus de production et les tâches àréaliser et pour identifier les savoir-faire de l'expérience,ces connaissances pragmatiques qui permettent d’an-ticiper ou de gérer les aléas. Dans cette industrie, lescaractéristiques de la matière première et de ses addi-tifs fluctuent au regard des conditions climatiques. In-tégrer les nouveaux nécessite de leur expliquer lestâches à réaliser ainsi que leur transmettre les connais-sances nécessaires au métier. En montrant et en expli-quant leurs repères, ces experts métiers ont facilitél’intégration des nouveaux et leur efficacité sur leurnouveau poste de travail. La réussite de cette expé-rience s’est également appuyée sur un travail autourdes conditions pour favoriser le transfert (prime de tu-torat) et l’organisation d’un suivi, regroupant le respon-sable production, l’expert métier et l’apprenant.

Dans une entreprise artisanale, le dirigeant souhaitetransmettre l’entreprise à son fils. Il est très difficilepour le père de bien identifier les compétences àtransférer à son fils sachant que, jusqu’à présent, il atoujours géré seul les questions administratives et fi-nancières, son fils pouvant l’aider exclusivement surl’élaboration des devis. Permettre à son fils de deveniropérationnel le plus rapidement possible est considérépar le dirigeant comme un moyen de mieux transmet-tre son entreprise et ainsi favoriser une plus grande ef-ficacité. Cette situation ne va pas de soi. Le dirigeanta dû apprendre à déléguer une partie de ses respon-sabilités pour faciliter ce passage de relais.

Problématique 5 : Les salariés pourront-ilsvieillir dans l’entreprise au regard de lapénibilité des métiers ? Malgré les améliorations techniques mises en oeuvre, certainspostes de travail restent pénibles, et peuvent avoir des effetsen termes de détérioration de la santé des salariés. « Cetteusure professionnelle est à considérer comme le résultat dela pénibilité du travail, subie et vécue par une personne aucours de sa vie professionnelle. Il s’agit d’un processus d’al-tération de la santé lié au travail qui s’installe au fil des par-cours professionnels et des expositions aux risques auxquellessont confrontées les personnes »1.

Il est donc important d’analyser précisément l’état de santécollectif des salariés. Les salariés qui ont des problèmes desanté travaillent-ils plus spécifiquement dans un secteur del’entreprise ? Le médecin du travail peut aider l’entreprise àagir, en alertant le dirigeant et le CHSCT (ou le DP) sur lestypes de pathologies ou sur les effets du travail exprimés parles salariés dans le cadre de la visite médicale ou du tierstemps (maux de dos, de poignet, de coude, d’épaule, fatiguerécurrente, …). Ces éléments peuvent permettre à l’entreprisede mieux cerner les difficultés actuelles pour envisager desactions.

Aider les nouveaux arrivants à être plus efficaces nécessitedonc d’organiser un dispositif d’intégration et de formation in-terne, intégrant les règles et usages essentiels à la réalisationdu métier, la transmission des difficultés et des « trucs » in-ventés par les salariés expérimentés pour anticiper les pro-blèmes, mais aussi les moments où la coopération estdéterminante à la bonne réalisation de la production, …

Dans l’industrie, la conduite de ligne de production est parfoisconsidérée comme une tâche assez peu complexe. Or, l’unedes difficultés de cette activité est liée à la capacité à gérersimultanément un ensemble d’informations permettant d’an-ticiper ou de faire face aux aléas dans les meilleurs délais.Ceci est considéré comme difficile, par les nouveaux arrivantsqui découvrent à la fois le fonctionnement de l’entreprise, lefonctionnement de la ligne, les approvisionnements, la gestionde la sortie de ligne, … Face à cette exigence de prise en mainrapide de la ligne de production, l’entreprise a développé letutorat, qui permet à la fois d’apprendre à gérer diverses si-tuations et à s’appuyer sur l’expérience du tuteur pour gagneren performance et en sérénité.

Page 12: COMMENT PRÉPARER SON ENTREPRISE AU VIEILLISSEMENT …

D’un point de vue stratégique, quelle est la principale problématique ressources humainesde votre entreprise ?

Le risque de perdre des compétences clés ou expertesLes jeunes embauchés ne restent pas ou plus au sein de l’entrepriseLes salariés anciens ne suivent plus les différents changements Les nouveaux arrivants ont des difficultés à être efficaces Les salariés pourront-ils vieillir dans l’entreprise au regard de la pénibilité du ou des métiers exercés ?

P A G E 1 2 E T A P E 1ANALYSER LES BESOINS ET LES PRATIQUES DES ENTREPRISES

STRATEGIE D’ENTREPRISE ET PROBLEMATIQUES RHOù en êtes-vous dans votre entreprise ?

LE MODULE DE E-LEARNING“Anticiper la gestion des âges des salariés : un indicateur de performance pour votre entreprise”permet de partager des éléments de connaissance plus attractifs et ludiques.

Vous êtes une entreprise, vous souhaitez disposer de cet outil de sensibilisation et de formation, contactez le CESTPARACT au 03 22 80 51 82 ou connectez vous sur www.cestp.aract.fr/e-learning

Acteurs internes

Les Instances Représentatives duPersonnel (CE, CHSCT, DP, DUP)L’encadrement de proximité et lesresponsables de certains services(maintenance, conception, sécu-rité, production, …)Les salariés directement concernéspar les questions d’usure profes-sionnelle

Acteurs externes institutionnels

Le médecin du travailLe contrôleur ou l’ingénieur de laCARSATLe contrôleur ou l’inspecteur dutravailLe chargé de mission du SAMETHLe chargé de mission de l’ARACT

Autres acteurs externes

Le consultant

Quelles compétences souhaitez-vous mobiliser pour vous aider ?

A Noter

La stratégie, dans les petites et moyennes entreprises, est d’autant plus essentielle à appréhender qu’il est parfois dif-ficile pour les dirigeants de prendre du recul, face à une activité quotidienne bien remplie. Identifier leur problématiquemajeure peut aider à orienter les types d’actions à mener. Pour mener à bien un projet de prévention de l’exclusion, ilest essentiel de mobiliser les acteurs internes et externes les plus adaptés. Au titre de ces acteurs externes, signalonsles experts tels que le médecin du travail, le contrôleur de la CARSAT, l’assistante sociale, … Pour ce qui est des acteursinternes, il s’agit des acteurs du dialogue social, à savoir les représentants du personnel au CHSCT et au CE, selonqu’ils traitent de la prévention des risques professionnels ou des évolutions organisationnelles de l’entreprise et de laformation à l’exercice du métier.

ETAPE 2

Page 13: COMMENT PRÉPARER SON ENTREPRISE AU VIEILLISSEMENT …

E T A P E 2ANALYSER LES BESOINS ET LES PRATIQUES DES ENTREPRISES P A G E 1 3

Bien évidemment, la question qui nous intéresse ici est celledes âges. Dans le cadre de notre expérimentation, nous avonstenté de mieux cerner l’ampleur du phénomène de vieillisse-ment et/ou de rajeunissement de la population salariée dechaque entreprise. L’enjeu était donc de qualifier et de situerle problème de l’entreprise, le plus précisément possible. Lespetites entreprises ont, en général, peu de données agrégées.Un travail de reconstitution des données a donc du être réa-lisé.

AGES ET ANCIENNETÉS : DEUXINDICATEURS CLÉSPour disposer d’une image de l’entreprise qui aide à la ré-flexion sur la localisation des analyses complémentaires àmener, plusieurs représentations graphiques2 ont été utilisées :

- La pyramide des âges de l’entreprise, par secteuret par poste (qui complète utilement la moyenne des âges)qui rend compte de la diversité des âges de l’entreprise. Ilest utile de suivre les classes d’âges, par exemple : la partdes moins de 25 ans, les 26-45, les 46 et plus, … (classesd’âges en lien avec l’accord ou le plan Seniors,).

- La pyramide des anciennetés dans l’entre-prise, par secteur et par poste (qui complète la moyennedes anciennetés). Ici aussi il est utile de suivre des classesd’ancienneté, cohérentes avec les spécificités de l’entrepriseou de ses métiers.

Ces représentations graphiques doivent être interprétées. Pource faire, nous nous sommes référés à l’ouvrage « La démogra-phie du travail pour anticiper le vieillissement »2.

L’ensemble des graphiques ci-après correspond à unemoyenne d’âge identique, avec des variations importantes destructures d’âges, donc une réalité des âges dans l’entreprisetrès différente.

Dans le cas A, qui correspond à l’image la plus souvent ren-contrée, il y a beaucoup d’âges proches de la moyenne et uneproportion minoritaire d’âges plus élevés. Cette population estplutôt vieillissante avec beaucoup de salariés dans les âgesmoyens, peu de départs en retraite dans les années à venir etdonc peu de recrutement pour les remplacer. Sans renouvel-lement d’effectif, les salariés d’âge moyen vont vieillir.

En ce qui concerne le cas B, les âges sont beaucoup plusconcentrés, les départs en retraite auront lieu dans de longuesannées et seront massifs. Un problème de transmission dessavoir-faire risque de se poser et nécessite d’être anticipé.

Le cas C présente des âges très étalés : les départs et les ar-rivées s’effectueront de manière régulière. L’enjeu ici est defaire coopérer des salariés d’âges différents. La représentationgraphique indique également qu’il s’agit d’une situation sta-ble, depuis plusieurs années.

Etape 2 - Caractériser la population, un enjeu pour une analyse performante

2 « La démographie du travail pour anticiper le vieillissement » de AF MOLINIE et S VOLKOFF (éditions ANACT) - 2002

Le cas D pose la question de la relation entre les jeunes et lesâgés. L’arrivée des jeunes en grand nombre est récente, dansune entreprise où les salariés étaient plutôt anciens et qui vontprochainement partir en retraite.

Les cas E et F illustrent les déséquilibres de la répartition deâge dans certaines entreprises : beaucoup de personnes assezâgées et peu de très âgées ou inversement beaucoup de per-sonnes assez jeunes et peu de très jeunes.

Ainsi, la moyenne est un indicateur insuffisant, qui nécessited’être complété par une pyramide des âges qui décrit la ven-tilation des effectifs par tranches d’âges dans l’entreprise pourinterroger les pratiques de gestion des ressources humaines(recrutement, mobilité, transmission des savoirs, coopérationsdans le travail, …).

Cas A

Cas B

Cas C

Cas D

Cas E et F

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- L’histogramme, un moyen d’analyser plusprécisément la population de l’entreprise L’enjeu ici est de se référer à une année antérieure à l’annéeactuelle. A partir des éléments anciens, réaliser une premièrepyramide des âges (2001) et créer ensuite une seconde pyra-mide à partir des données actuelles.

Ce graphique permet de visualiser les écarts (pics ou creux).Ainsi, des jeunes ont été recrutés (cercle bleu) et des salariésâgés ont quitté l’entreprise (cercle rose). Si des écarts impor-tants existent, ils correspondent à une partie de l’histoire del’entreprise : turn-over, plans sociaux, recrutements massifspour créer un nouveau service, départs massifs en retraite, dé-parts anticipés suite à l'exposition à l'amiante, qui a eu uneffet sur la structure des âges.

Pour disposer de données intéressantes et favorisant la réso-lution de problèmes, nous vous conseillons de réaliser cesdeux derniers graphiques par secteur et/ou service de l’entre-prise.

A ces deux premiers graphiques usuels pour les entreprises,nous avons ajouté:

- La répartition des âges dans l’entreprise sui-vant deux critères « les plus jeunes que » et« les plus âgés que », qui permet de visualiser la partrelative des « jeunes » par rapport aux « âgés ».

Cette représentation graphique donne une vision globale del’entreprise. Il est intéressant d’en disposer car il donne unevision souvent différente de l’entreprise en permettant de com-parer des populations entre elles. Par exemple, si au cours des dernières années, les recrute-ments se sont réalisés sur du personnel « jeune », il peut êtreétonnant d’identifier que leur part relative reste malgré toutmarginale dans l’entreprise. Dans ce cas, en analysant l’évo-lution de la moyenne des âges, l’âge moyen au sein de l’en-treprise a même pu continué à augmenter, ce qui est souventune source d’étonnement pour les dirigeants.

Page 15: COMMENT PRÉPARER SON ENTREPRISE AU VIEILLISSEMENT …

E T A P E 2ANALYSER LES BESOINS ET LES PRATIQUES DES ENTREPRISES P A G E 1 5

Disposer d’un état de santé collectif : unindicateur intéressant pour la prévention del’usure professionnelleDisposer d’un état des lieux collectif de la santé des salariésd’une entreprise est extrêmement important. Il permet d’iden-tifier par service et par âge les pathologies des salariés et d’ini-tier une politique de prévention s’appuyant sur cet indicateur. S’appuyant sur un questionnaire, largement inspiré d’EVREST(Évolutions et Relations En Santé au Travail)3, l’expérimenta-tion menée a permis de rendre visible, à un niveau collectif,des informations qui restent le plus souvent limitées à unéchange entre le médecin du travail et le salarié. En effet, lemédecin du travail a assuré la passation des questionnaires etl’équipe médicale a été chargée du traitement informatique.L’intérêt de cette étape est de s’appuyer sur ces données, sanstrahir le secret médical, tout en faisant émerger une vision col-lective de la santé et du travail dans l’entreprise. La restitutionmême des résultats à l’entreprise, direction et instances re-présentatives du personnel, permet de partager dans le cadredu CHSCT/DP ces éléments pour réfléchir aux orientations dela politique de prévention des risques professionnels. L’explication des représentations des salariés sur leurs condi-tions de travail, l’expression des difficultés auxquelles ils sontconfrontés et l’état de santé décrit par le médecin du travail,nous obtenons ici des informations essentielles pour orienterla prévention. Toutefois, pour obtenir une analyse intéressante, il est néces-saire de rapprocher ces éléments des caractéristiques démo-graphiques de la population et des principales problématiquesstratégiques de l’entreprise pour :

- cerner, plus précisément, un périmètre d’analyse afinde réaliser des approfondissements (un groupe de ma-chines sur un secteur de l’entreprise, un métier, …),

- orienter les approfondissements « terrains » à réali-ser, au regard des principales questions qui se posenttant en termes de pratiques de prévention des risquesque de gestion des ressources humaines.

- suivre, dans la durée les évolutions, si le médecin dutravail envisage un suivi longitudinal (essence même duquestionnaire EVREST).

Pour réfléchir à la prévention de l’exclusion,la nécessité de croiser indicateursdémographiques, ressources humaines etsanté-sécurité. Le croisement de différents indicateurs donne une image dif-férente de la représentation généralement admise au sein del’entreprise. Il permet de mieux comprendre sur quels élé-ments porter son attention pour prévenir l’usure. Surtout, celamet en lumière que les réels enjeux autour de la gestion desâges vont au-delà de l’âge en tant que tel. Les problématiquesde santé au travail et de maintien en emploi doivent aussi in-clure les jeunes, l’enjeu étant de rester en emploi plus long-temps, avec le risque d’apparition des pathologies à tout âge.Ceci est d’autant plus important pour des actions de préven-tion de l’usure, qui s’appuient sur l’amélioration des condi-tions de travail (aménagement de postes, réorganisation dutravail, …).

Si la plupart des indicateurs existent en tant que tel, qu’ilsconcernent les politiques RH ou santé-sécurité, l’intérêt estde les croiser pour obtenir un niveau d’informations supérieurqui permet de mieux les lier à la problématique de l’entreprise(ressources humaines et/ou santé - prévention des risques pro-fessionnels) d’approfondir certains sujets et de localiser lesproblèmes pour préparer l’action. Il est souvent utile de sebaser sur des représentations graphiques, qui aident à mieuxvisualiser les questions qui se posent dans l’entreprise. Ainsi,nous vous conseillons de représenter :

- les AT/MP par âge, par ancienneté, par secteur et la localisationdes atteintes à la santé.

- les restrictions d’aptitude et les inaptitudes, par âge, anciennetéet secteur.

- les plaintes : nombre de salariés ayant évoqué des difficultésdans l’exercice de leur travail, liées à leurs problèmes de santéet comptabilisées par le médecin du travail.

- le nombre de passage à l’infirmerie classé par type de pro-blèmes évoqués et soins réalisés (pour les entreprises disposantd’une infirmerie ou d’un cahier de soins)

- les postes occupés, secteur par secteur, par âge et par ancien-neté (idem pour les postes vacants).

- les reclassements réalisés par âge, ancienneté et en précisantle parcours (passage du poste X du secteur S au poste Y du sec-teur A) sur les 3 à 5 ans.

- les formations suivies sur les 3 dernières années par âge et parancienneté.

3 « Questionnaire créé par des chercheurs (CREAPT, …) et des médecins du travail pour réaliser une étude dynamique des aspects du travail et de la santé autravail dont la finalité est de prévenir les risques professionnels » (www.evrest.istnf.fr)

Pour des exemples de représentations graphiques decertains croisements d’indicateurs, reportez-vous à larubrique ZOOM sur les expériences d’entreprises. A noter : Suivant les questions posées au sein des en-treprises, nous avons plus ou moins creusé ces élé-ments à analyser. En guise de repère, il est essentield’avoir un niveau de donnée qui puisse rendre comptedu travail et de sa diversité. Dans certaines entre-prises, les salariés sont ouvriers professionnels (OP)échelon 1, 2, 3. Or, derrière 3 OP 1, il peut y avoirtrois métiers différents et donc un travail différent pourchacun, en termes de compétences et/ou savoir-faireet/ou expertise. Plus les analyses seront proches de laréalité du travail, plus elles seront utiles en complé-ment de l’analyse stratégique précédente pour mieuxorienter l’action terrain.

Page 16: COMMENT PRÉPARER SON ENTREPRISE AU VIEILLISSEMENT …

CARACTERISER LES RELATIONS ENTRE LE TRAVAIL ET LA SANTE

DES SALARIES, UN ENJEU POUR UNE ANALYSE PERFORMANTE

Où en êtes-vous dans votre entreprise ?

P A G E 1 6 E T A P E 2ANALYSER LES BESOINS ET LES PRATIQUES DES ENTREPRISES

A quelle représentation correspond votre pyramide des âges ?

Cas A Cas B

Cas C Cas D

Cas E Cas F

Quelles conclusions en tirez-vous ?

Comment disposer d’un état de santé collectif ?

Comme le questionnaire utilisé ici permet de rapprocher des données sur le travail et la santé des salariés, il est prévu qu’il soitutilisé exclusivement par le médecin du travail et/ou éventuellement l’équipe médicale. Les remontées à l’entreprise sont ex-clusivement collectives et ne doivent pas permettre d’identifier des personnes.

Les Services de Santé au Travail picards développent l’usage du questionnaire EVREST. Vous pouvez donc vous rapprocher de votremédecin du travail pour savoir si son service l’utilise et pouvoir ainsi bénéficier des éléments essentiels en termes d’analyse .

Quels indicateurs rapprocher pour obtenir des informations utiles ? Nous vous proposons de renseigner le tableau suivant, par service ou métier. L’idée est de procéder à un découpage de l’entre-prise à un niveau cohérent (service, équipes de travail, …) pour disposer de données d’analyse facilitant la priorisation des ac-tions (unité de travail) :

Ces indicateurs, plutôt quantitatifs, devront être complétés par des éléments d’analyse liés au travail, plutôt qualitatifs : typede postes occupés, reclassements réalisés, parcours professionnels ou mobilités réalisés, formations suivies, …

RH SANTÉ

PAR SERVICE / PAR MÉTIER NOMBRE PAR ÂGE PAR

ANCIENNETÉ

ABSENTÉISME(NB DE JOURS PAR EXEMPLE)

TURN-OVER (ENTRÉES/ SORTIES)

Accident du travail / maladies professionnelles

Inaptitudes (nb, situations ayant menées à inaptitude)

Restrictions d’aptitude(nb, situations ayant menées à la restriction)

Plaintes

Passages à l’infirmerie

ETAPE 2

Page 17: COMMENT PRÉPARER SON ENTREPRISE AU VIEILLISSEMENT …

E T A P E 3ANALYSER LES BESOINS ET LES PRATIQUES DES ENTREPRISES P A G E 1 7

De nombreuses entreprises expliquent qu’elles ont réalisédes investissement coûteux à la demande des salariés et necomprennent pas pourquoi ils ne sont pas toujours utiliséscomme ils le devraient. En rencontrant les salariés et en ap-profondissant ces questions, ces derniers évoquent que cer-taines aides à la manutention sont très utiles mais commeleur usage prend du temps, ils préfèrent, pour ne pas perdrede temps de production, ne pas s’en servir, quand bien mêmecela a un impact négatif sur leur santé et, avec le risque dene pouvoir continuer à exercer leur travail au même poste.

Le déni que nous pouvons constater face à des situationsprésentant des risques professionnels existe de la même ma-nière pour les risques d’exclusion : un salarié du BTP ne sedit pas qu’il risque de tomber à chaque fois qu’il se trouvesur toit et d’y perdre la vie, un charpentier ne se dit pas qu’ilrisque de développer un cancer avec les poussières de bois,un salarié de centre d’appel ne prend pas son poste en se di-sant qu’il va devoir faire face à des agressions verbales toutela journée …

Prévenir, c’est identifier la potentialité de ces risques bienréels, définir à quels moments les situations professionnellessont concernées et sur quoi agir, au regard de la réalité despratiques des salariés et non pas des pratiques qui devraientexister si toutes les règles énoncées par l’entreprise étaientsuivies. Dès lors que nous acceptons le fait que pour pro-duire, les salariés doivent adapter les règles (notamment pourfaire face aux aléas), la question qui nous occupe n’est plus« c’est de la faute à qui ? » mais plutôt « pourquoi avoir faitcomme cela ? ». Cette approche compréhensive descontraintes du travail permet d’ouvrir à des solutions diffé-rentes et opérantes.

Dans les appuis menés auprès des entreprises, pour approfon-dir l’analyse en nous ancrant sur les pratiques du terrain, nousavons réalisé des observations du travail, des entretiens et desmesures physiques. Cette étape complémentaire est donc es-sentielle car les questionnaires utilisés sont orientés et rare-ment accompagnés d’explicitations. Le risque est alors d’agirpour transformer - améliorer des situations, en étant parfois àcôté des faits explicatifs (facteurs de risques).

Deux niveaux complémentaires d’analyse sont à mener :

- Ce qui est prescrit, attendu par l’entreprise (règles de fonction-nement écrite et orales, les outils utilisés, …)

- La déclinaison de ces règles en situation réelle de travail.

Au niveau de la gestion des ressources hu-maines, nous cherchons à comprendre la politique de l’en-treprise au regard des âges (accès à la formation et plan deformation, politique d’embauche et analyse des recrutementset des départs – nombre, métier, motifs, politique de reclas-sement, le recrutement, le tutorat, les parcours professionnels,…) et à identifier les écarts entre les règles et les pratiques, àles comprendre et à les analyser pour envisager des pistesd’actions. La répartition du travail suivant l’âge existe dans lesentreprises, c’est notamment le cas des conducteurs de lignede production où novices et expérimentés n’ont pas les mêmestâches à réaliser.

Nous développerons ici trois outils intéressant sur les aspectsressources humaines - maintien en emploi : le tutorat, le par-cours professionnel et l’entretien de parcours (ou seconde par-tie de carrière).

Etape 3 - Identifier et comprendre les pratiques degestion des ressources humaines et de Prévention desRisques Professionnels pour proposer des actions deprévention de l’exclusion

Pour maintenir les compétences des sa-lariés quittant l’entreprise et développercelles des nouveaux arrivants, le tutoratest une modalité majoritairement envi-sagée dans les entreprises. C’est d’ail-leurs une modalité largement rencontréedans le cadre des plans ou des accordsséniors. Pour être efficace, le tutoratdoit être organisé et chacune des partiesprenantes doit assurer les missions quilui sont dévolues. C’est donc un moyend’intégrer et de fidéliser un nouvel arri-vant et c’est également un moyen de re-connaître les compétences d’un salariéexpert. Pour vous aider, nous avons re-précisé le rôle de chacun des acteursdans le tableau suivant.

Organiser le tutoratDIRECTION ENCADREMENT TUTEUR TUTORÉ

Identifier les acteurs internes etles éventuels freins

Définir un parcours d'apprentis-sage basé sur les situations detravail critiques

Identifier les rôles de chaqueacteurs

Identifier les compétences àtransmettre

Repérer les acquisitions, les dif-ficultés et réorienter le transfertdes compétences si besoin

Connaître les attendus dechaque étape de l'apprentissagedans une logique essai-erreur

Définir les règles du tutoratPrendre du recul sur les compé-tences et savoir-faire acquis(préparer le suivi)

Formaliser les apprentissages etles suivre

Réguler les difficultés rencon-trées et arbitrer le cas échéant

Page 18: COMMENT PRÉPARER SON ENTREPRISE AU VIEILLISSEMENT …

E T A P E 3ANALYSER LES BESOINS ET LES PRATIQUES DES ENTREPRISES P A G E 1 8

Le plus difficile aujourd’hui est de garder une trace du par-cours professionnel. Souvent évoqué dans le cadre de l’entre-tien annuel (ou de seconde partie de carrière), développer desparcours professionnalisant et de préservation de la santé estun enjeu pour les entreprises. Même lorsque des données exis-tent, elles sont souvent parcellaires (plutôt centrées sur lesmétiers exercés que sur l’exposition aux risques professionnelsqui y sont associés). Ces données sont très rarement réutili-sées pour envisager des perspectives professionnelles, ce quicorrespond pourtant à un enjeu du maintien en emploi.

Retracer le parcours professionnel

Certains items du tableau précédentméritent d’être accompagnés deconseils utiles à la future mise en appli-cation du dispositif de tutorat.

Définir les objectifs et le déroulement de

l’entretien

1

Réaliser un bilan du parcours

professionnel dans l’entreprise

2

Dresser le bilandes formations

suivies par le salarié

3

Identifier les souhaitset les besoins

d’évolution du salarié

4

Discuter de l’évolution des métiers de

l’entreprise et des emplois

5

Définir les actionsà mener

6

L’entretien de parcours est un outil dumaintien en emploi et de la gestion desressources humaines. Pour vous aider àanimer cet entretien, nous vous propo-sons de suivre les étapes ci-après :

Réaliser des entretiens de parcourspour proposer des perspectives professionnelles

De fait, il n’existe aucun modèle stabilisé laissant des tracesdes parcours RH et santé, ce qui est un des enjeux pour unemeilleure prise en compte des caractéristiques du salarié, tantau regard de ses compétences que de son état de santé, quil’orientent vers certains métiers et, en même temps, l’excluentde certains autres.

1984Obtient son BAC

1984-1990Création de

l’entreprise familiale

1995Commerciale

chez Chaudr’Alu

Echange entre Pierre et Mathilde

1190-1995Hôtesse d’accueil àl’Office du Tourisme

Formationà l’anglais

Mise en placedu tutorat au sein duservice Commercial

Formationà l’informatique

Définir un parcours d'apprentissagebasé sur les situations de travail cri-tiques

Ces situations de travail critiques doivent être propices à l'ap-prentissage. Il faut penser à intégrer les séquences d'apprentis-sage dans le planning de production et ce, sur la durée.

Repérer les acquisitions, les diffi-cultés et réorienter le transfert descompétences si besoin

Cet accompagnement doit se faire avec un regard bienveillantsur le tutoré (formaliser chaque semaine les acquis et les at-tendus de la semaine suivante, …)

Connaître les attendus de chaqueétape de l'apprentissage

C'est-à-dire être en capacité de réaliser seul la tâche en s'ap-puyant sur différentes modalités pédagogiques (logique essaierreur par exemple).

Prendre du recul sur les compé-tences et savoir-faire acquis (prépa-rer le suivi)

En tirer des enseignements pour maîtriser la tâche à réaliser etévaluer celles à acquérir et à perfectionner ainsi que les diffi-cultés rencontrées.

Définir les règles du tutoratCela concerne l'organisation du tutorat (temps, modalités desuivi, etc.) mais aussi la formation du tuteur, la reconnaissancede la fonction (symbolique, salariale, …).

Formaliser les apprentissages et lessuivre

En organisant par exemple des échanges individuels tuteur/tu-toré puis un rendez-vous collectif tous les 15 jours, puis tousles mois, etc.

Page 19: COMMENT PRÉPARER SON ENTREPRISE AU VIEILLISSEMENT …

E T A P E 3ANALYSER LES BESOINS ET LES PRATIQUES DES ENTREPRISES P A G E 1 9

Pour découvrir trois mises en situation, s’appuyant sur l'histoired’un dirigeant d'une entreprise de Chaudronnerie de 110 sala-riés, n’hésitez pas à nous demander le module de FOAD « Anti-ciper la gestion des âges : un indicateur de performance pourvotre entreprise ». Confronté au vieillissement de ses salariés,il imagine et construit avec les ressources de l’entreprise, desréponses adaptées. À travers des animations, exercices et syn-thèses vous bénéficierez d’exemples concrets, correspondant àde réelles situations d’entreprises.

Au niveau de la prévention des risques profes-sionnels, la même logique d’analyse est déployée. Nous iden-tifions les actions et les traces de la politique de prévention etde ses effets à partir des documents existants (rapport du CHSCT,du médecin du travail, document unique, …), notamment pourla gestion des inaptitudes, l’organisation des reclassements et lagestion des cas d’inaptitude sans solution interne. Ensuite, nous vérifions si les âges apparaissent comme discrimi-nants en termes de prévention des risques. Dans différentes en-treprises où le travail est considéré comme pénible, il existe unesélection « naturelle » du travail des salariés suivant l’âge. Ainsi,les tâches les plus pénibles physiquement et les plus urgentessont assez naturellement assurées par les salariés les plus jeunes,alors que les salariés les plus âgés et expérimentés assurent destâches plus expertes, demandant plus d’attention, avec moinsde contraintes physiques. Cette répartition n’est pas forcémentla conséquence d’une organisation souhaitée par l’entreprise,mais c’est la résultante de la répartition du travail au sein mêmede l’équipe.

En termes d’actions, il est nécessaire de combiner :

- des aménagements de postes de travail techniques, or-ganisationnelles et humaines, nécessaire pour éviter lessur-sollicitations. Ceci doit se traduire par de nouvelles« normes » internes dans la conception des futures si-tuations de travail pour prévenir l’exclusion. Il s’agitbien évidemment de s ‘appuyer et de mettre à jour ledocument unique (cartographie des risques).

- une organisation du travail qui permette aux salariésd’assurer leur production (approvisionnements sans rup-ture, enlèvement des produits finis, maintenance pré-ventive, …), de développer leurs compétences et leurintérêt au travail.

- un accompagnement des évolutions qui peuvent géné-rer déstabilisation des équipes de travail et perte de re-pères, notamment liées aux changements de métiers,au reclassement de salariés inaptes à leur poste de tra-vail, …

Seule une analyse compréhensive du travail permet de détermi-ner de manière précise les actions ayant un réel effet sur la pré-vention (organisation du travail, organisation du tutorat,organisation des horaires, aménagements de postes de travail,organisation de la polyvalence, …).

Définir les objectifs et le déroulement de

l’entretien

1 Réaliser un bilan du parcours

professionnel dans l’entreprise

C’est-à-dire faire le point sur les

compétences clés détenues par le salarié Collecter les points de vue du salarié

dans une logique compréhensive et d’écoute bienveillante

Chercher à concilier attentes du salarié et besoins de l’entreprise en croisant

compétences, aspirations et état de santé

Informer les 45 ans et plus des actions dédiées (conditions du passage à la retraite, concrétisation d’un nouveau

projet, aménagement de postes, etc...) et liées à la seconde partie de carrière

(bilan d’étape professionnel, bilan de compétences ou action de

professionnalisation)

Préparer l’entretien- Eléments du parcours,- Formations suivies- Postes diponibles ou perspectives possibles

- Demander au salarié de préparer ces mêmes éléments et de formaliser ses attentes et ses souhaits d’évolution professionnelles

2

Dresser le bilandes formations

suivies par le salarié

3

Identifier les souhaitset les besoins

d’évolution du salarié

4 Discuter de l’évolution des métiers de

l’entreprise et des emplois

Réaliser une synthèse de l’entretien à

communiquer au salarié et au Service des

Ressources Humaines

Manquer de perspec-tives professionnelles est facteur d’usure, il est donc important de construire des parcours

5

Définir les actionsà mener

6

souhaits d’évolution professionnelleséléments et de formaliser ses attentes et ses - Demander au salarié de préparer ces mêmes

- Postes diponibles ou perspectives possibles- Formations suivies- Eléments du parcours,

Préparer l’entretien

1

détenues par le salariécompétences clés

le point sur les C’est-à-dire faire

souhaits d’évolution professionnelleséléments et de formaliser ses attentes et ses - Demander au salarié de préparer ces mêmes

- Postes diponibles ou perspectives possibles- Formations suivies- Eléments du parcours,

Préparer l’entretien

détenues par le salariécompétences clés

le point sur les

d’écoute bienveillantedans une logique compréhensive et

Collecter les points de vue du salarié

2

C’est-à-dire faire

d’écoute bienveillantedans une logique compréhensive et

Collecter les points de vue du salarié

3

l’entretienet le déroulement de Définir les objectifs

1

d’évolution du salariéet les besoins

Identifier les souhaits

4

l’entreprise

emplois

professionnel dans du parcours

Réaliser un bilan

suivies par le salariédes formationsDresser le bilan

l’entreprise et des des métiers de

Discuter de l’évolution

5

Définir les actions

suivies par le salariédes formationsDresser le bilan

construire des parcoursest donc important de est facteur d’usure, il tives professionnelles

à menerDéfinir les actions

6

Manquer d

Ré li

construire des parcoursest donc important de est facteur d’usure, il tives professionnelles

- de perspec

thèse

compétences, aspirations et état de santébesoins de l’entreprise en croisant

Chercher à concilier attentes du salarié et

compétences, aspirations et état de santébesoins de l’entreprise en croisant

Chercher à concilier attentes du salarié et

professionnalisation)bilan de compétences ou action de

(bilan d’étape professionnel, et liées à la seconde partie de carrière projet, aménagement de postes, etc...) retraite, concrétisation d’un nouveau dédiées (conditions du passage à la

Informer les 45 ans et plus des actions

professionnalisation)bilan de compétences ou action de

(bilan d’étape professionnel, et liées à la seconde partie de carrière projet, aménagement de postes, etc...) retraite, concrétisation d’un nouveau dédiées (conditions du passage à la

Ressources Humaineset au Service des

communiquer au salarié de l’entretien à

Réaliser une synthèse

plus des actions

Ressources Humaineset au Service des

communiquer au salarié de l’entretien à

ne synthèse

Pour vous alerter sur les points clés de la préparation, vous trouverez ci-après des points de vigilance pour chaque étape.

Page 20: COMMENT PRÉPARER SON ENTREPRISE AU VIEILLISSEMENT …

P A G E 2 0 E T A P E 3ANALYSER LES BESOINS ET LES PRATIQUES DES ENTREPRISES

Organisation- Organigrammes- Répartition des tâches- Autonomie- Possibilités d’entraides

Comment ?

Individu – population- Age, sexe- Caractéristique physique- Qualification- Formation expérience- Itinéraire professionnel

Qui ?

Aménagement du temps- Délais- Cadence- Rythme de travail- Horaires- Pause

Quand ?

- Difficultés rencontrées- Problèmes de santé / accidents- Satisfaction

Conséquences pour l’opérateur

- Quantité- Qualité- Défauts, rebuts- Respect des délais

Résultats production

Tâche - Tâche prescrite- Mode opératoire- Exigences : qualité, quantité, délais

Quoi ?

Machines :- Degré technologiqueMatières premières :- CaractéristiquesOutils :- Nature, usure, réglages- Documentation- Moyens de communication- LogicielsRisques : - machines, produits

Avec quoi ?

Environnement espaces- Ambiances physiques- Espace de travail- Espaces de circulation- Stockage- Bâtiment- Risques

Où ?

Activités de travaildu salarié

IDENTIFIER ET COMPRENDRE LES PRATIQUES RH ET SANTÉ-SÉCURITÉ

ETAPE 3

Points de repère pour analyser les conditions de travail des salariés :Elément préalable : identifier et comprendre les pratiques RH et de gestion de la santé-sécurité qui peuvent être à l’origine deprocessus d’exclusion nécessite de ne pas juger a priori les salariés. Il s’agit de comprendre leur travail, les motifs qui expliquentles difficultés auxquelles ils sont confrontés (organisation du travail, déficit de prévention des risques professionnel, …) ou à engénérer (par exemple, éviter d’utiliser un moyen de levage pour gagner du temps, ce qui n’est pas demandé par la hiérarchie).De même, il est impératif d’expliquer au salarié à quoi vont servir les données de leur travail qui vont être recueillies, l’enjeuétant de réaliser des observations de leur travail et de les amener à expliciter ce qu’ils font, à partir du schéma ci-dessous.

Une analyse des situations à risque en matière d’exclusion doit être réalisée. Elle doit autants’appuyer sur les actions RH qui permettent aux salariés de rester dans l’entreprise que surles actions d’amélioration des conditions de travail et de la sécurité.

Où en êtes-vous dans votre entreprise ?

Page 21: COMMENT PRÉPARER SON ENTREPRISE AU VIEILLISSEMENT …

En interrogeant les salariéssur ces items, leurs réponsesvont permettre de mieuxcomprendre pour éviterl’exclusion :la charge mentale sur le poste est-elleélevée ? Si oui, à quoi est-elle liée ?

En cas de réponse positive à la premièrequestion, il est nécessaire de compren-dre sur quoi cette charge mentale s’ap-puie : trop d’informations à traiter et àmémoriser, vigilance importante sur leposte (contrôle visuel continu ou fré-quent, nombreuses interruptions dans letravail, …). Pour agir, il faudra se de-mander comment est-il possible d’allé-ger la charge mentale ?

Le savoir-faire autour du gesteprofessionnel n’est pas encore acquisou la situation ne permet pas le bongeste ?

En cas de réponse positive, il est néces-saire de comprendre ce qui amène à cetécart : le salarié a un problème de santéet ne peut réaliser le geste professionneldans les règles de l’Art, les règles de l’Artne lui ont pas été transmises ou le bongeste ne peut être utilisé au regard decertaines contraintes (espace de travailtrop restreint, par exemple). Résoudre ceproblème autour du geste professionnelnécessitera des solutions différentes danschacun des cas énoncés précédemment :améliorer les conditions physiques et or-ganisationnelles de travail dans le pre-mier cas, organiser le transfert dessavoir-faire dans le second et enfin ré-duire les contraintes spatiales ou organi-sationnelles. Il faudra d’ailleurs restervigilant car il n’existe pas qu’une bonnemanière de réaliser un geste profession-nel. Dans l’entreprise, il existe une diver-sité de « gestes professionnels » qui doitêtre respectée. Un référentiel de bonnespratiques pourra être réalisé et permettreà chaque nouvel arrivant de choisir cellesqui lui correspondent le mieux.

La hiérarchie est-elle suffisammentprésente pour répondre aux besoins dessalariés ?

En cas de réponse négative, il est utilede comprendre ce que génère l’absencede soutien / appui hiérarchique. Ainsi, sila hiérarchie n’explique pas les orienta-tions ou évolutions, ne prend pas les dé-cisions attendues ou ne résout pas lesproblèmes rencontrés par les salariés,des sentiments d’insatisfaction, d’incer-titude peuvent générer des pratiques deretrait (repli sur soi) ou de désinvestisse-ment.

Le soutien des collègues est-il favorisé ?

En cas de réponse négative, l’absence desoutien des collègues est une formed’exclusion dans le travail. Lorsqu’iln’est pas possible de « compter » surl’appui de ses collègues, il est nécessairede réaliser toutes les tâches seul, ce quiest parfois impossible au regard descontraintes du travail (port de chargeslourdes, d’objets longs, …). Cette forme de soutien social est d’au-tant plus déterminante qu’un salariéavec des restrictions d’aptitudes est sou-vent considéré comme celui qui ne peutpas faire telle et telle tâche plutôt quecelui qui peut toujours réaliser une partimportante de son travail. Les moyens d‘action relèvent à la fois dumanagement de proximité, de la réparti-tion du travail au sein de l’équipe, de lapolyvalence, …

Existe-t-il des contraintes de tempscompliquées à gérer pour les salariés ?

En cas de réponse positive, il est néces-saire d’identifier les contraintes de tempsévoquées (délais pour produire des quan-tités données, temps de cycle trop rapidepour réaliser une production de qualité,…) et quels effets pour la production etpour les salariés ? Ces données permet-tent de mieux comprendre à la fois « lepoids des contraintes perçues » par lessalariés et les niveaux d’action.

Les outils utilisés sont-ils adaptés auxtâches à réaliser ?

En cas de réponse négative, il est impor-tant d’identifier les outils qui posent pro-blème et de le qualifier, dans l’objectifde mener des actions adaptées.

Les contraintes gestuelles liées autravail à réaliser posent-elles desdifficultés ?

Si oui, il est utile de définir cescontraintes. Il pourra s’agir de posturesrigides imposées par la ligne de produc-tion, de cadences non maîtrisables, del’impossibilité de réaliser des micro-pauses, de certains enchaînements ges-tuels difficiles à réaliser, …

Avez-vous suivi des formations auposte de travail et/ou de préparationaux évolutions (changement demachine avec saut technologique, …)?

Si non, l’identification des besoins enformation est à réaliser et apporte denouveaux leviers d’appui aux salariés.

Avez-vous changé de poste ? Etait-cepar choix ?Lié à une réorganisation ?Lié à un problème de santé ?

L’analyse des changements de poste estpeu réalisé au sein des entreprises. Or,dans la gestion des restrictions d’apti-tude il est nécessaire de prendre un peude recul sur les parcours professionnelsdéjà proposés dans l’entreprise et surl’analyse de ceux-ci (points positifs, dif-ficultés, conditions de réussite).

ANALYSER LES BESOINS ET LES PRATIQUES DES ENTREPRISES P A G E 2 1E T A P E 3

Prévenir l’exclusion, c’est envisa-ger le parcours d’un salarié dansl’entreprise, avec :

- une dimension de développe-ment de ses compétences (afinde rester employable et de pou-voir évoluer professionnelle-ment en fonction de ses envieset des opportunités qui se pré-sentent.

- une dimension de constructionde sa santé au et par le travail.

Prévenir l’exclusion revient doncà anticiper, le plus en amont pos-sible, les situations : absence deformation des séniors, absencede perspective d’évolution pro-fessionnelle, pénibilité du travail,prise de nouveau poste non pré-parée, … Ce n’est qu’à cettecondition qu’il sera opportun deparler de prévention de l’exclu-sion.

Page 22: COMMENT PRÉPARER SON ENTREPRISE AU VIEILLISSEMENT …

ZOOM

ZOOM SUR LES EXPÉRIENCES DES ENTREPRISESP A G E 2 2

Cette entreprise de transformation assure l’usinage de piècesmétalliques. Touchée par des difficultés économiques sé-rieuses, l’entreprise a été contrainte de réduire son effectif deprès de 50%, dans un bassin d’emploi déjà considéré commesinistré. Toutefois, l’activité redémarre et le dirigeant de l’en-treprise souhaite s’assurer qu’il a bien les ressources qui vontlui permettre de mener à bien les nouveaux projets de l’entre-prise.

Les 48 salariés de l’entreprise se répartissent au sein de 9 ser-vices : l’atelier, le contrôle, le magasin, l’entretien, les expé-ditions, les méthodes, les achats, le commercial, lacomptabilité. Plus de 66% des effectifs se trouvent directe-ment rattachés à la production, dans l’atelier.

Exposés précédemment à de l’amiante, les salariés de l’entre-prise les plus âgés vont pouvoir bénéficier d’un départ anticipéà 53 ans. Les salariés sont plutôt âgés (moyenne de 45,5 ans)et disposent d’une ancienneté significative (moyenne de 23,5ans)

Pour obtenir des données plus réalistes sur la structure d’âges,nous avons réalisé une pyramide des âges. Ainsi, il ressort quel’essentiel des salariés ont entre 44 et 54 ans, 53 ans étantl’âge de départ à la retraite usuel dans l’entreprise.

Pyramide des âges

GÉRER LES DÉPARTS MASSIFS … MAISPAR QUOI COMMENCER ?La problématique de l’entreprise est de gérer dans les pro-chaines années des départs massifs de salariés, risquant dedéstabiliser la production. Son dirigeant souhaite anticiper cesdéparts et s’assurer, grâce à l’intervention conjointe del’ARACT et de la MTA, que les orientations qu’il envisage cor-respondent bien aux besoins de l’entreprise.

Nous avons donc analysé et interprété des données démogra-phiques. Cette entreprise compte 87% d’hommes. Les salariésde plus de 45 ans représentent 78% des salariés de l’entre-prise. Comme il n’existe pas de turn-over dans l’entreprise, lessalariés vieillissent sur leurs postes de travail.

0

5

10

15

20

25

30

20 - 24ans

25 - 29ans

30 - 34ans

35 - 39ans

40 - 44ans

45 - 49ans

50 - 54ans

55 anset +

< 20ans

L’exemple d’une entreprise de transformation : la caractérisation de la population, un moyen deréorienter la stratégie RH

III - Zoom sur cinq expériences d’entreprises : illustrations de ladémarche menée

Page 23: COMMENT PRÉPARER SON ENTREPRISE AU VIEILLISSEMENT …

ZOOM SUR LES EXPÉRIENCES DES ENTREPRISES P A G E 2 3

Pour mieux identifier les départs potentiels, nous avons réparti lessalariés au regard de leur travail (le service concerné), en y ajoutantdes données âge et ancienneté (dans l’entreprise et dans le poste).

Vous trouverez ci-dessous le découpage de l’atelier par activité(presses / usinage/poinçonneuse/soudage/régleur/mécanicienfraiseur/responsable d’atelier). Pour chaque activité de l’en-treprise et chaque poste de travail, nous avons recensé le nom-bre de personne l’exerçant, l’âge moyen des salariés exerçantl’activité et le nombre de salariés de 50 ans et plus.

A noter : Dans cette entreprise, les salariés précédemmentexposés à l’amiante peuvent partir en retraite tôt, ce qui ex-plique l’indicateur 50 ans et plus. Quand, dans une entre-prise, il est usuel de travailler jusqu’à 60 ans, par exemple, ilpeut être intéressant de distinguer les salariés de 55 ans etplus, voir de 57 ans et plus, pour mieux anticiper ces départs.

Cette représentation a été réalisée pour chacun des servicesde l’entreprise afin de mieux identifier les risques potentielsliés à la perte de compétences et/ou de savoir-faire.

En s’appuyant sur cette répartition des effectifs au regard despostes de travail occupés, la direction qui avait bien noté ledépart de près de la moitié des opérateurs sur presse plieuse,avait toutefois omis le départ d’un régleur. En effet, c’est à partir de la restitution que le dirigeant et lesinstances représentatives du personnel ont identifié que le sa-larié de plus de 50 ans, avait 58 ans et était le seul à savoircomment assurer les réglages des machines les plus an-ciennes. L’âge moyen n’indiquait pas ici le départ rapide dusalarié concerné. L’apprentissage étant un moyen usuel de recrutement, danscette entreprise où une large partie d’activité se centre sur dela chaudronnerie, le dirigeant a d’ores et déjà anticipé le re-crutement dans l’atelier (aux presses), aux méthodes et au ser-vice commercial. Une solution reste donc à trouver pour lerégleur « expert ».

A partir des mêmes éléments sur l’ancienneté, nous avons pupointer une ancienneté des salariés de l’atelier, qui varie entre19 ans et demi et 40 ans. Toutefois, ces salariés n’ont pas étéamenés à des changements de postes dans l’atelier, malgréles difficultés économiques.

En nous appuyant sur les données collectives, issues du ques-tionnaire inspiré d’EVREST, nous constatons que 13% de lapopulation salariée a changé de travail au cours de l’annéeécoulée, ce qui est important.

Depuis 1 an, avez-vous changé de travail ?

Dans un contexte de licenciements économiques, il est essen-tiel d’identifier les causes de ces modifications, notammentcelles liées à des problèmes de santé. Ici, il s’agissait à la foisd’une promotion, de la création d’un nouveau poste, de sup-pression d’un certain nombre de postes et de reclassementpour des restrictions d’aptitudes. Sur les 6 personnes concer-nées, deux personnes ont évoqué des raisons médicales.

Ces éléments sont donc intéressants puisqu’ils montrent queles évolutions, souvent évoquées par les salariés de l’atelier,ne les concernent pas directement en termes de modificationd’emploi. Toutefois, au regard de ces éléments, il est impératif d’appro-fondir ce qu’entendent les salariés par le terme « évolutions ».La réduction d’effectif, les ajustements qui ont été nécessairespour continuer à produire dans le respect des attentes duclient, ont obligatoirement eu des effets sur le travail des sa-lariés et sur leur manière de l’exercer. Aucune modificationde poste au niveau de la gestion des ressources humaines nesignifie pas que le travail n’a pas changé. Les contraintes ontpu évoluer, les tensions également. Il est donc impératif d’êtrevigilant.

COMMENT RENDRE COMPTE DE LAPOLITIQUE RESSOURCES HUMAINES ?Un des enjeux principal de cette entreprise est de mainteniren emploi ses salariés, sachant que la politique de formationprofessionnelle est destinée à les faire évoluer. Ainsi, 14 sala-riés ont été formés au cours de l’année écoulée. 7 ont eu unrôle de tuteur et ont plus de 40 ans.

L’entreprise forme les salariés à tout âge. Sur les 7 salariésqui ont suivi une formation en rapport avec leur travail, 3 ontplus de 45 ans. En ce qui concerne les formations d’intérêtgénéral (secourisme), tous les bénéficiaires ont plus de 45ans.

NSPNON

83%

13%

4%

OUI

Service et/ou métier Nbre depersonnes Age moyen

Anciennetémoyenneentreprise

Ancienetémoyenne

poste

ATELIER

Presses (plieuses, décol-tage et polyvalents - 2) 9 48,9 24,4 17,1

dont 50 ans et plus 4

Usinage, (trumpf, débi-teur, tourneur, agent fab) 7 44,4 24,0 13,1

dont 50 ans et plus 3

Pinconneuse-percage 4 42,3 19,5 13,5

dont 50 ans et plus 0

Soudage 4 46,3 27,0 5,0

dont 50 ans et plus 1

Régleurs 5 49,2 28,8 16,4

dont 50 ans et plus 2

Mécanicien Fraiseur 1 48,0 32,0 32,0

dont 50 ans et plus

Responsable d'atelier 1 54,0 40,0 15,0

Page 24: COMMENT PRÉPARER SON ENTREPRISE AU VIEILLISSEMENT …

ZOOM SUR LES EXPÉRIENCES DES ENTREPRISESP A G E 2 4

Si oui, était-ce une formation ?

ENTRE GRH ET PRÉVENTION DESRISQUES PROFESSIONNELS : LESCONDITIONS DE RÉALISATION DUTRAVAIL, LE POINT DE VUE DESSALARIÉSLa perception qu’ont les salariés de leur travail est égalementun indicateur important. La pénibilité du travail s’appuie surcette perception. Dans le graphique suivant, vous trouverez la perception dessalariés classée selon 6 items :

- travail varié : la variété du travail permet d’éviter la monotonie,

- choix de la façon de procéder : permettre au salarié d’organiserson travail comme il le souhaite est une forme de reconnais-sance de son professionnalisme et de responsabilisation. Le sa-larié peut décider lui-même des actions utiles à mener (aléasde production, problème qualité, …),

- possibilités d’entraide et de coopération : pouvoir compter surses collègues permet de se sortir de certaines situations com-plexes ou impossibles quand on est seul (tâches nécessitantd’être deux, confronté à un problème jamais rencontréjusqu’alors, …),

- travail reconnu par l’entourage professionnel : la reconnais-sance par les pairs et la hiérarchie est un élément importantdans la perception qu’ont les salariés de leur travail,

- formation et information suffisante : pour bien travailler, lessalariés ont besoin de disposer d’abord, de la formation adé-quate pour assurer le poste dans les meilleures conditions etensuite, de disposer des informations suffisantes pour exercerson travail en toute sérénité,

- objectifs et consignes clairement définies, renvoient à unebonne compréhension réciproque des attendus (consignes àrespecter, la conduite à tenir lorsque cela ne fonctionne pas,que faire des consignes qui ne permettent pas de tenir les ob-jectifs ?, …).

La combinaison de ces éléments donne une image de la percep-tion du travail par les salariés à un instant T.

Appréciations sur le travail

Dans cette entreprise, 80% des salariés ont un travail varié,ce qui s’explique notamment par le développement de la po-lyvalence. 78% ont des possibilités d’entraide et de coopéra-tion et des objectifs et consignes clairement définies. Uneforme d’autonomie est laissée aux salariés puisqu’ils peuventchoisir la façon de procéder à 76%. La combinaison positivede ces facteurs constitue un élément essentiel pour réduire laperception d’une pénibilité du travail.

La perception des salariés est une forme d’indication de leurbien-être au travail. Toutefois, même si les salariés sont satisfaitspar les caractéristiques de leur travail, il est important de vérifierla pénibilité du travail (ou l’usure) en s’appuyant sur les facteursde risques auxquels les salariés sont exposés. En complément, nous avons analysé un item du questionnaireEVREST sur les caractéristiques des postes de travail dans l’en-treprise.

Votre poste présente-t-il les caractéristiques suivantes ?

Nous avons proposé à l’entreprise de caractériser certains fac-teurs de pénibilité en nous appuyant sur ces données.Ainsi, la plupart des salariés de l'atelier travaillent souvent de-bout, ce qui n'est pas considéré comme gênant. Toutefois, lesdéplacements sont vécus comme un soulagement au cours dela journée, un temps de pause dans l’activité de travail, quipermet de pondérer la station debout prolongée. Par contre, à chaque fois qu'il a été noté des gestes répétitifsau poste de travail (Oui parfois et Oui souvent), ces dernierssont considérés comme étant pénibles ou difficiles. Le portde charges et les postures contraignantes sont un autre aspectde la pénibilité au poste de travail.

0%

20%

40%

60%

80%

100%

En rapport avec votretravail actuel

NSP NON OUI

7

1

Pour un futur poste

6

1

1

Formation d’intérêtgénéral

3

5

0%

20%

40%

60%

80%

100%

Plutôt non Plutôt ouiNon pas du tout Oui tout à fait

Trav

ail v

arié

20

17

2

7

Cho

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20

5

7

Poss

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12

3

8

Trav

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21

9

5

11

Form

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tes

26

5

4

11

Obj

etif

s et

cons

igne

s dé

fini

s

26

0

12

80%

76%

78%67%

70%76%

0

5

10

15

20

25

30

35

Posturescontraignantes

Effort, portcharges lourdes

Gestesrépétitifs

Imortantsdéplacements

à pieds

Station deboutprolongée

Non jamais Si oui, difficile ou pénible ?Oui parfois Oui souvent

Postures contraignantes

difficiles ou pénibles

Idem pour efforts et charges

lourdes

Les déplacements à pieds ne sont pas considérés

comme importants

Rester debout n’est pas

considéré comme le plus difficile

ou pénible

Les postes avec gestes répétitifs sont considérés comme difficiles

ou pénibles

Page 25: COMMENT PRÉPARER SON ENTREPRISE AU VIEILLISSEMENT …

ZOOM SUR LES EXPÉRIENCES DES ENTREPRISES P A G E 2 5

LA POLITIQUE DE PRÉVENTIONRÉINTERROGÉE PAR LES SALARIÉSPOUR COMPRENDRE ET AGIR SUR LAPÉNIBILITÉ DU TRAVAILC’est donc sur ces variables qu’il est utile d’agir. Afin de s’as-surer que l’essentiel des risques sont bien pris en considéra-tion, la personne en charge de la prévention des risquesprofessionnels devra réintégrer ces données au documentunique et surtout au plan d’actions.

De manière complémentaire, la représentation des risques dessalariés a été testée et donne les résultats suivants :

Etes-vous exposés aux risque suivants ?

La gêne sonore et le bruit supérieur à 80 décibels ressortent for-tement ainsi que la contrainte visuelle. Les risques de surditéliés au bruit sont bien identifiés dans l’entreprise qui met enœuvre des actions de prévention. Toutefois, elle n’avait pas iden-tifié que les contraintes visuelles pouvaient être problématiques.

En demandant au responsable de l’atelier s’il avait des pro-blèmes qualité, il a évoqué que depuis quelques temps, il yavait plus de rebus alors que l’un des objectifs est de les ré-duire au maximum. Après un échange avec les salariés, ilsévoquent ne pas forcément bien voir tous les points decontrôles qui ont été multipliés. Une action d’ajustement deséclairages a ainsi été programmée.

Les indicateurs classiques, relatifs à la santé et à la sécuritéau travail, restent le taux d’accident du travail et le taux demaladies professionnelles.

Avez-vous eu un arrêt de travail dans l’année précédente ?

Dans cette entreprise, au cours de l’année précédente, il y aeu un congé maternité, 3 arrêts pour accidents du travail et12 arrêts liés à des maladies professionnelles. Ces précisionsont été apportées par le médecin du travail et permettent àl’entreprise d’analyser les causes des arrêts de travail et depouvoir agir sur les faits générateurs.

D’autres indicateurs complémentaires peuvent exister maisc’est rarement le cas. La précision de ces indicateurs est pour-tant extrêmement importante car elle permet de mieux cerner,une fois encore, les problématiques santé de l’entreprise. Plusles difficultés sont identifiées tôt, plus il est possible d’agir.

Au-delà des arrêts de travail, il est nécessaire de s’attacheraux principaux « maux » exprimés par les salariés, la« plainte » étant considérée comme un indicateur fiable à en-viron 80%. Ici, il ressort que plus de la moitié des salariés res-sentent de la fatigue et une certaine lassitude. De même, ilssont plus de 45% à se plaindre de douleurs dorsolombaires.S’ajoutent également des troubles du sommeil et des douleursdes membres inférieurs, quel que soit l’âge des salariés.

Principales plaintes évoquées

0

5

10

15

20

25

30

35

NC Maladie Accident du travail

Maternité

Fatigue lassitude Troubles du sommeil Douleursdorso-lombaires

Douleurs desmembres inférieurs

54,35

39,13

45,6541,30

0%

20%

40%

60%

80%

100%

Pro

duit

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NSP NON OUI

6

40

Puo

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17

29

Rx

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28

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35

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29

16

Con

trai

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elle

23

23

1

Con

duit

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2

44

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30

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8

38

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48

Pre

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que

8

36

Age

nt b

iolo

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e

48

Con

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avec

le p

ublic

9

37

EN SYNTHÈSECette analyse des données démographiques et d’élé-ments sur l’état de santé des salariés donne au chefd’entreprise et aux représentant des salariés uneimage différente de l’entreprise, en s’appuyant sur desliens non réalisés jusqu’alors. Les précisions apportéesne peuvent être étayées que par les salariés exerçantdirectement l’activité concernée. Les orientations de l’entreprise ont ainsi été confir-mées sur notamment, les besoins en recrutement pourles salariés sur presse, les méthodes et le service com-mercial. Un besoin urgent est apparu, le départ pro-chain d’un régleur expert. Deux possibilités sontétudiées par l’entreprise, la première est le recrute-ment d’un salarié disposant d’une solide expérienceet la seconde est de permettre au second régleur d’ap-prendre les savoir-faire de son collègue.

Page 26: COMMENT PRÉPARER SON ENTREPRISE AU VIEILLISSEMENT …

ZOOM SUR LES EXPÉRIENCES DES ENTREPRISESP A G E 2 6

Cette entreprise d'ingénierie est née de la fusion de 2 entre-prises concurrentes. Spécialisée dans la conception d'outillagedestiné à la fabrication d’équipements et dans le bâti indus-triel, elle dispose d'une solide reconnaissance de ses clientssur un marché où sévit une forte concurrence internationale. Ses évolutions, liées à sa conquête de nouveaux marchés, ontamené l'entreprise à développer une nouvelle activité, ce quia généré la transformation du travail de ses 24 salariés.

En effet, les salariés traditionnellement affectés à un travaild'élaboration de plans, au sein même du bureau d'études, sontdevenus chefs de projets, voire chargés d'affaires. Leurs mis-sions se sont élargies, de l'élaboration de plans à la mise enroute des installations chez le client. Cette nouvelle activitéde « livraison clé en main » d'outils au client s'est traduite pardeux grandes évolutions pour la structure :

- transformation des métiers évoluant d'une activité centréesur le dessin industriel à une activité basée sur la gestion deprojet, intégrant des activités considérées jusqu'alors commeextérieures au cœur de métier (achats, suivi des réalisationsdu prestataire, supervision de l’implantation de l'installationsur le site des clients, ...). Les ingénieurs et techniciens dubureau d'études sont également devenus des chargés d'af-faires, intégrant une logique économique et financière, cequi fut une découverte pour la majorité d’entre eux (devoirnégocier-renégocier la prestation avec le client, les conditionsde paiement, ...).

- évolution des lieux de réalisation du travail : c'est le passaged'une activité sédentaire au suivi de l'avancée des travauxpar le sous-traitant dans ses locaux et chez les clients.

Ces évolutions se sont traduites par le développement d’unecomposante relationnelle essentielle pour ces nouveaux mé-tiers.

DES ENJEUX LIÉS À L’ÂGE DES SALARIÉS

Dans ce contexte d'évolution et au regard des caractéristiquesdes salariés, trois enjeux majeurs préoccupent l'entreprise.Près de 60% des salariés ont plus de 45 ans et 33% d'entreeux ont 54 ans et plus. De fait, le premier enjeu concerne lemaintien des compétences sur le site. Pour faire face à laconcurrence l'entreprise embauche des ingénieurs nouvelle-ment diplômés, mais elle doit s'interroger sur les conditionsde leur fidélisation. Enfin, l'évolution des activités peut expo-ser des salariés à de nouvelles exigences professionnelles,liées aux changements de lieux de travail et aux évolutions ducontenu du travail (développement des contraintes de temps,peu de moyens d'actions sur les délais des sous-traitants, gérerle lien avec les clients, …).L’analyse des données démographiques montre que les mé-tiers prioritaires en termes de remplacement et de préservationdes compétences et des savoir-faire, sont ceux nécessitant unedouble compétence : pouvoir gérer des projets sur les systèmesde manutention et sur le bâti industriel. Or, le développementde l'activité bâti s'est appuyé sur des salariés reconnus en in-terne comme des experts de l’activité de base de l'entreprise. Nous avons constaté que l’évolution des métiers n’a pas étéaccompagnée par de la formation. De même, il n’existe pasde parcours d’intégration des nouveaux embauchés pour fa-voriser les apprentissages techniques liés aux deux activités.L’équipe présente lors de l’arrivée des nouveaux leur a expliquéle b.a.-ba du métier, la hiérarchie étant disponible en cas debesoin. Comme certains apprentissages s’acquièrent exclusi-vement par l’expérience, le système actuel n’était pas favora-ble au transfert des savoir-faire. Même si l’entreprise a privilégié le recrutement d’ingénieursnouvellement diplômés, notamment pour leurs capacités à as-similer rapidement de nouvelles connaissances, le transfertdes savoir-faire est un enjeu qui nécessite la mise en placed’une organisation spécifique.

ZOOM

L’exemple d’un cabinet d’ingénierie,un enjeu de préservation des savoir-faire

Page 27: COMMENT PRÉPARER SON ENTREPRISE AU VIEILLISSEMENT …

ZOOM SUR LES EXPÉRIENCES DES ENTREPRISES P A G E 2 7

Depuis votre arrivée dans l’entreprise vous pouvez dire que le contenu de votre travail est plus intéressant

Au regard de la taille de l’entreprise, les perspectives profes-sionnelles sont limitées. Or les jeunes ingénieurs recherchentlégitimement une forme de reconnaissance passant par le dé-veloppement de parcours professionnels. L’entreprise a doncmis en place un système d’identification des compétences quipermet aux salariés, dont les compétences sont avérées,d’avoir accès à de nouveaux projets intéressants pour leur ni-veau de technicité, ou à une autonomie plus importante dansla gestion des affaires.

LA GESTION DES AFFAIRES : DESPRATIQUES DIFFÉRENTES ET DESCONSÉQUENCES EN TERMES DE STRESSAU TRAVAIL

Chacune des deux activités de l’entreprise est gérée par un di-rigeant. Outre des pratiques managériales diverses, les réfé-rentiels et attentes de leurs collaborateurs divergent enmatière de gestion des projets. Il existe d’ailleurs un point decrispation partagé entre les salariés : la gestion d’une affairedite « urgente ».

Généralement, une affaire devient urgente dès qu’un clientappelle en interrogeant l’entreprise sur des délais qu’il consi-dére comme trop long. Or, répondre à cette « urgence », setraduit pour les salariés par des interruptions ou l’abandon detâches.

Abandon fréquent d’une tâche pour une autre

Pour gérer ces tâches, ils ont interrompu ce qu’ils étaient entrain de faire, ce qui risque de générer des erreurs et d’ampli-fier les retards sur les autres projets mis en sommeil, alorsqu’ils doivent les gérer en parallèle. Dès lors que la charge detravail est importante, ces phénomènes s’accroissent et né-cessitent plus de temps pour identifier et rattraper les erreursque génèrent ces bouleversements de planning. De nouvellessolutions doivent être imaginées alors que les autres projetss’amoncellent.

Ces contraintes de temps sont considérées comme étant pluspénibles pour les salariés les plus jeunes. Toutefois, il est in-téressant de noter que les salariés de plus de 45 ans trouventque les contraintes de temps perturbent la réalisation de leurtravail (58% des interviewés) et n’a majoritairement pas d’ef-fet positif sur le travail (67%).

Cotation de la pression temporelle

Ces modifications de l’organisation du travail, pour faire face aurisque de mécontentement des clients qui cherchent à réduireles délais de livraison, génèrent du stress pour les salariés quise disent fatigués et évoquent un sentiment de démotivation.Il est donc important pour l’entreprise d’agir pour une meil-leure maîtrise des urgences grâce à une organisation de la pro-duction fluidifiant la gestion des affaires et leur réalisation enparallèle, et à une organisation du travail élargissant les mis-sions des salariés et favorisant entraide et coopération pourfaire face aux aléas.

UNE ENTREPRISE IDÉALE : DESATTENTES DE SALARIÉS EXPLICITÉESLe questionnaire utilisé a permis aux salariés de s’exprimersur les actions à mener pour que leur entreprise devienneidéale. Trois sujets émergent, corroborés par les observationsdes situations de travail :

- La nécessité d’une gestion des ressources humaines, respon-sabilisant davantage les salariés, les reconnaissant sur leplan salarial, préservant les savoir-faire issus de l’expérience,

- Le développement d’une organisation centrée sur la gestiondes affaires, permettant de constituer des équipes sur desprojets et de mieux anticiper pour limiter les perturbationsliées à la gestion des urgences,

- La structuration d’une communication interne comme levierpermettant de réduire les retards, en transmettant les infor-mations pertinentes au moment opportun, …).

Autant de pistes d’amélioration qui ont pu être discutées dansl’entreprise.

NON

OUI

0% 20% 40% 60% 80% 100%

< 45 ans > 45 ans

NON

OUI

45,5%

54,5%

8%

92%

< 45 ans > 45 ans

4,5

0

1

2

3

4

5

6

< 45 ans > 45 ans

Page 28: COMMENT PRÉPARER SON ENTREPRISE AU VIEILLISSEMENT …

ZOOM SUR LES EXPÉRIENCES DES ENTREPRISESP A G E 2 8

L’entreprise emploie 67 salariés dont 26 chauffeurs livreurset 7 manutentionnaires. La population est constituée de 83%d'hommes. La moyenne d’âge est de 43,3 ans et l'anciennetémoyenne de 15 ans pour l'ensemble. La part des 50 ans etplus est de 28%.

La messagerie consiste à recueillir et/ou distribuer des pro-duits dont la masse totale n'excède pas 500 kg. Les destina-taires (distribution) ou émetteurs (ramassage) peuvent être desentreprises ou des particuliers.

La direction de l'entreprise s'interroge sur l'usure profession-nelle des chauffeurs-livreurs et sur les conditions nécessairespour les maintenir en bonne santé. Cette question fait échoau constat du médecin du travail sur l'importance du risquecardiovasculaire pour les chauffeurs les plus âgés.

Les chauffeurs sont sensiblement moins anciens en moyenne(11 ans) pour une moyenne d'âge quasi identique (42 ans).

Le métier de chauffeur-livreur est pénible. Tout le monde re-connaît et considère cette pénibilité comme inhérente au mé-tier. La question est alors de savoir quels sont les élémentsconstitutifs de cette pénibilité pour pouvoir agir.Réduire la pénibilité du travail constitue un axe de réflexionpour l’entreprise dans la mesure où les chauffeurs-livreursn’ont pas de perspective d’évolution au sein de l’entreprise.

De prime abord l’encadrement et la direction ont une repré-sentation des facteurs de pénibilité qui se structure autour desactivités de conduite d’une part et des activités de manuten-tions (chargement et déchargement) d’autre part.

L’activité des chauffeurs-livreurs consiste à charger leur ca-mion le matin puis à livrer les clients (entreprises et particu-liers) dans le cadre de tournées géographiquement définies.Après les livraisons, ils effectuent des « ramasses » en récu-pérant des marchandises qui devront être expédiées dans lanuit.

Trois types d’analyses ont été combinés pour tenter de cernerles facteurs de pénibilité de cette catégorie de personnel.D’une part, le questionnaire EVREST, d’autre part des entre-tiens avec le personnel concerné et l’encadrement, enfin, desmesures de fréquence cardiaque associées à des chroniquesd’activités.

Le port de charges lourdes et les gestes répétitifs sont deuxaspects qui ressortent du questionnaire.

ZOOM

L’exemple d’une entreprise de messagerie : Comment exercer le métier de chauffeur-livreur après 55 ans ?

Votre poste de travail présente-t-il les caractéristiques suivantes ?

Station debout prolongée

NSP

Importants déplacements à pied(si oui, est-ce difficile ou pénible ?)

Gestes répétitifs(si oui, est-ce difficile ou pénible ?)

Effort, port de charges lourdes(si oui, est-ce difficile ou pénible ?)

Postures contraignantes(si oui, est-ce difficile ou pénible ?)

Oui souvent Oui parfois Non jamais Non oui

0% 10% 20% 30% 40% 50% 60% 70% 80% 90%

Page 29: COMMENT PRÉPARER SON ENTREPRISE AU VIEILLISSEMENT …

ZOOM SUR LES EXPÉRIENCES DES ENTREPRISES P A G E 2 9

Ces deux dimensions ne présentent pas la même résonnanceselon les caractéristiques démographiques. Si l’âge ne semblepas déterminant, il n’en est pas de même pour l’ancienneté.Les salariés les plus anciens sont ceux qui disent que ces deuxdimensions sont « souvent présentes ». La durée de l’exposi-tion à ces deux contraintes semble donc jouer un rôle sur lepoids qu’elles ont au quotidien.

En termes de plaintes et de pathologies, il existe un écart. Leschauffeurs-livreurs se plaignent de douleurs ostéo-articulaires,mais pas de problèmes cardiovasculaires alors mêmes que cesont les pathologies les plus présentes. Cela tient au fait queces dernières ne sont pas vécues comme pénalisantes dansl’activité de travail alors que les douleurs articulaires et mauxde dos se manifestent régulièrement. Là encore, en croisantavec les caractéristiques démographiques, nous constatonsque les chauffeurs-livreurs les plus âgés et anciens émettentune ou plusieurs plaintes pour 85% d’entre eux contre 50%pour le groupe des plus jeunes et moins anciens.

Les entretiens réalisés montrent qu’on ne peut s’en tenir à cesaspects génériques issus du questionnaire. En effet, les chauf-feurs livreurs rencontrés en entretien ont apporté un éclairageà la fois plus précis mais également nouveau sur ce qui consti-tue leur perception de la pénibilité du travail.En ce qui concerne les ports de charges, il s’agit plutôt de cer-tains produits, peu aisés à manutentionner, et de certaines si-tuations de travail particulières, par exemple lorsque le lieude la livraison ne permet pas de décharger avec les aides à lamanutention ou que l’encombrement oblige à des contorsionsdifficiles, …

Par contre, un aspect spécifique de l’activité a été soulevé,aspect partagé par tous les chauffeurs-livreurs quels quesoient leur âge et leur ancienneté. Il s’agit de l’importance dela relation avec les clients. Ce qui est vécu comme pénible,c’est lorsqu’on est en mauvais termes avec un client parce quecela se traduit par un ensemble de problèmes : mise en at-tente « plus ou moins volontaire », refus d’accès aux quais,pas d’aide pour décharger ou simplement pour savoir ou dé-poser les produits, réceptionniste très tatillon, … Tout cela setraduit par un relationnel « conflictuel », mais aussi des pertesde temps avec le risque de voir sa tournée s’éterniser. Labonne relation aux clients est donc un enjeu fort pour la qua-lité et la quantité de travail des chauffeurs-livreurs.

Les mesures de fréquence cardiaque associées aux chroniquesd’activités confirment les propos des salariés. Des pics d’ac-tivité cardiaque ont été repérés lors de situations mettant enjeu des situations de travail dégradées. Par exemple, une er-reur d’adresse ou le fait de tourner en rond à la recherche del’entrée du site de livraison. Le chauffeur tente de joindre sonhiérarchique pour obtenir de l’aide, mais c’est la période dedéjeuner et personne ne peut l’aider.Les mesures montrent également que les activités de manu-tention sont sollicitantes alors que la conduite elle-même l’estbeaucoup moins.Un autre aspect de la pénibilité vécue par les chauffeurs-li-vreurs concerne le management et plus particulièrement la re-connaissance et le soutien.La reconnaissance, qu’elle soit symbolique ou pécuniaire, estperçue plutôt négativement. Lorsque le travail est (bien) fait,aucune reconnaissance n’est perçue alors que les problèmesfont l’objet de remarques « systématiques ».Concernant l’aspect management, il est vécu comme positifdans l’aspect relatif au soutien apporté en cas de problèmeavec les clients (mauvaise adresse, produit abîmé, litige, …).En creux, si ce soutien devient défaillant alors certaines situa-tions peuvent devenir pénibles à vivre pour les chauffeurs-li-vreurs.

La combinaison de différentes approches dans la compréhen-sion de ce que peut revêtir la pénibilité pour les chauffeurs-li-vreurs a permis de dépasser et d’enrichir les représentationsque la direction de l’entreprise en avait à priori. Des pistes deréflexions ont été proposées et discutées pour agir sur la pé-nibilité.Un premier axe concerne le maintien ou la préservation deséléments d’organisation et de management qui sont favorables(maintenir une bonne relation avec les clients, avoir de l’aideen cas de difficulté, ne pas changer fréquemment de tournée,…) et permettent de limiter la pénibilité ressentie.Un second axe concerne des aspects améliorables sans bou-leversement important, même si des considérations finan-cières interviennent (choix des caractéristiques des camionslors des renouvellement, aides à la manutention et organisa-tion plus coopérative des activités de chargement, organisationdu stockage des produits, aide à la conduite par GPS, …).Un dernier axe concerne des pistes possibles qui nécessitentune réflexion plus approfondie. Parmi elles, la constitution de« gammes de tournées » différenciées selon des critères deplus ou moins grandes difficultés (localisation, durée, nombrede clients). Cela permettrait d’attribuer des tournées plus oumoins faciles / difficiles en fonction de l’état de santé deschauffeurs-livreurs. Cela nécessite un consensus social et unegestion équitable. Une autre piste intéressante serait de pou-voir palier à l’absence d’évolution professionnelle interne encherchant à développer des parcours à l’externe, au sein dubassin d’emploi. Cette piste implique de mobiliser d’autresentreprises du secteur qui, probablement, sont concernées parles questions de vieillissement et de maintien en emploi.

Page 30: COMMENT PRÉPARER SON ENTREPRISE AU VIEILLISSEMENT …

ZOOM SUR LES EXPÉRIENCES DES ENTREPRISESP A G E 3 0

La fonderie a une activité de sous-traitance de pièces en pe-tites séries, voire singulières. Une clientèle importante ennombre, mais très distribuée quant au chiffre d’affaires gé-néré. Il s’agit souvent de pièces de maintenance qui exigentdes délais de réalisation très courts. La valeur ajoutée de l’en-treprise repose plus sur le délai que sur le prix.

L’entreprise réalise entre 75 et 80% de son CA avec son acti-vité de fonderie (fonte et acier) et le reste en tôlerie pour lestravaux publics, l’agriculture et les collectivités.Son effectif est de 66 salariés, en grande majorité deshommes. La moyenne d’âge est de 43,6 ans et l’anciennetémoyenne de 13,6 ans. 22,4% des salariés ont plus de 50 ans.

Pyramide des âges : Entreprise (2007)

L’entreprise fait face à des difficultés de recrutement et de fi-délisation des salariés dans un contexte qui ne facilite pas,tant du point de vue du bassin d’emploi que du point de vuede l’image du secteur d’activité.La structure démographique de l’entreprise montre bien cettedifficulté lorsque l’on croise les âges et les anciennetés (dansle tableau ci-dessous, chaque point correspond au croisementâge / ancienneté de chaque salarié).

Croisement âge / ancienneté : tous

Ainsi, au côté de jeunes avec peu d’ancienneté, on trouve au-tant de salariés quadra ou quinquagénaires entrés dans l’en-treprise depuis moins de 5 ans. Ces salariés peu anciens, sontmajoritairement dans le secteur fonderie.

Historiquement, l’entreprise a vécu une longue période sansque les conditions de travail aient fait l’objet de quelque amé-lioration que ce soit. La nouvelle PDG a engagé un très grostravail d’amélioration, mais le retard est important et les fi-nances de l’entreprise ne permettent pas de tout combler.Cet élément est important car si les anciens voient des amé-liorations importantes, il n’en est pas de même pour les nou-veaux arrivants qui n’ont pas connu la situation passée et neconstatent que ce qui devrait encore être fait.Les conditions d’emploi et surtout la faiblesse de la rémuné-ration accentuent cette difficulté à attirer et fidéliser les nou-veaux.

Mais, au-delà de ces aspects, et en cherchant à rendre compteplus finement des difficultés, on constate que d’autres élé-ments pèsent sur ce problème. La principale caractéristiquede ces éléments est qu’ils sont très largement interdépendantsles uns des autres, agissant parfois comme des cercles vicieux.

UN PROCESSUS D’INTÉGRATION ET DEFIDÉLISATION PEU STRUCTURÉ.Les jeunes entrants sont souvent peu diplômés car le marchéde l’emploi n’offre plus les compétences recherchées (fondeur,modeleur, …). Dans un premier temps ces jeunes, en CDD,sont employés à l’ébarbage qui est une activité extrêmementdifficile physiquement. Cet emploi joue alors un rôle d’écré-mage, de sélection par les conditions de travail. Les salariésqui « résistent » à ces conditions difficiles sont considéréscomme ayant un potentiel. Ils sont alors sortis de l’ébarbagepour des postes plus qualifiés avec un tuteur et des formationslorsque c’est possible.La difficulté rencontrée à partir de là est que le tutorat n’estpas réellement formalisé et organisé. Cette absence d’organi-sation du tutorat est très défavorable aux apprentissages.D’une part, les contraintes temporelles de la production - lavaleur ajoutée de l’entreprise tient à sa capacité de réponse

< 25 ans 26 à 30 31 à 35

0%

5%

10%

15%

20%

25%

36 à 40 41 à 45 46 à 50 51 à 55 56 à 60

Age

Anc

ienn

eté

20

45

40

35

30

25

20

15

10

5

0

25 30 35 40 45 50 55 60 65

ZOOM

L’exemple d’une fonderie, un enjeu d’attractivité du métier et de maintien en emploi

Page 31: COMMENT PRÉPARER SON ENTREPRISE AU VIEILLISSEMENT …

ZOOM

Créé en 1976, cet ESAT a pour mission d’accueillir jusqu’à89 travailleurs handicapés mentaux, âgés de 23 à 57 ans. Au regard des pathologies des résidents, l’établissement pro-pose des activités sous formes d’ateliers : espaces verts, me-nuiserie, ferronnerie, d’ateliers de sous-traitance et d’atelierssur la réparation de palettes et le contrôle d’aérosols en entre-prises.

L’essentiel est de construire un projet personnel pour chaquerésident alliant ses souhaits et les impératifs de fonctionne-ment, notamment en termes de service à rendre aux entre-prises, de respect de la qualité attendue, des délais deréalisation, ... Cette démarche est d’autant plus centralequ’elle s’appuie sur les attendus de la loi 2002-2 qui se tra-duit par le déploiement d’actions de qualité à destination desbénéficiaires. L’ESAT souhaite donc obtenir un regard extérieur sur le fonc-tionnement de l’établissement.

ZOOM SUR LES EXPÉRIENCES DES ENTREPRISES P A G E 3 1

L’exemple d’un Etablissement et Service d'Aide par leTravail (ESAT) : une démarche globale qui permet demieux comprendre le fonctionnement de l’établissement

rapide aux clients - viennent fréquemment bousculer les acti-vités. Elles induisent un travail dans l’urgence qui est marquépar de fréquents changements d’activités pour y répondre(74% des salariés disent « devoir fréquemment abandonnerune tâche qu’ils sont en train de faire pour une autre non pré-vue »).D’autre part, les jeunes entrants sont tellement peu qualifiésque le tutorat est vécu comme de l’assistanat par les anciens.Cela implique pour ces derniers une grande vigilance vis-à-visde ce que font les novices, vigilance consommatrice de tempset vécue comme pénible.Parallèlement à cette difficulté vient se greffer un problèmede management très individualisé. Cette individualisation esthistorique et tient, en partie, à une crainte de l’encadrementde voir des salariés quitter l’entreprise ou se mettre en arrêtmaladie lorsqu’ils se trouvent dans des situations qu’ils jugentdifficiles. De fait, le management intègre cette crainte et gé-nère alors des relations de travail différenciées selon les inter-locuteurs, relations qui ont conduit petit à petit à fairedisparaître les règles collectives. Cette individualisation génèreun climat de travail parfois tendu, voire délétère qui ne favo-rise pas la gestion des urgences et ruptures des tâches.Le dernier aspect concerne la reconnaissance et la perceptiondu travail. Le travail est majoritairement vécu comme « varié» et « permettant d’apprendre ». Les coopérations et entraidessont largement possibles. Par contre, la reconnaissance, bienque majoritairement vécue positivement, recèle une distinc-tion bien nette. Elle est positive de la part des collègues, maisbeaucoup moins de la part de la Direction et des managers.

Cet aspect constitue un socle très positif pour la fidélisationdes salariés. Mais il ne faudrait pas que la variété du travail,les entraides, …, soient les seuls leviers de la fidélisation. Lerisque de ne pas structurer l’intégration / fidélisation peutconduire à ce que les aspects favorables perdent de leurspoids. C’est également une nécessité pour l’entreprise que d’organi-ser le processus d’intégration pour que la montée en compé-tence des nouveaux soit articulée au mieux avec les impératifsde production afin d’éviter que ces deux aspects se pénalisentl’un l’autre.Enfin, en s’attachant à clarifier ces deux aspects, c’est l’oc-casion de réintroduire des règles collectives, nécessaires, pourpeu qu’on regarde aussi du côté des besoins en compétencesmanagériales.

Inférieur ou égal à 5 ansd’ancienneté (N=15) Tous les salariés (N=60)

Non etplutôt non

Oui et plu-tôt oui

Non etplutôt non

Oui et plu-tôt oui

Possibilités d’entraide

et coopérations6% 94% 15% 85%

Travail qui permet d’apprendre

20% 80% 38% 62%

Travail reconnu par entourage prof. 33% 67% 40% 58%

Page 32: COMMENT PRÉPARER SON ENTREPRISE AU VIEILLISSEMENT …

DES SALARIÉS VIEILLISSANTSCes travailleurs handicapés sont encadrés par 23 salariés, quiconstituent l’effectif de l’établissement, ce qui correspond à16 équivalents temps plein. Les salariés encadrants de l’éta-blissement ont globalement un âge moyen de 46,6 ans pourune ancienneté de plus de 10 ans.

Bien qu’intéressante, cette première représentation graphiquene rend pas compte de la répartition des âges des salariés ausein de l’établissement. Il est donc nécessaire d’approfondirles données d’abord sous forme de pyramide et ensuite avecun niveau de précision montrant les écarts en âge et ancien-neté par métier.

Pyramide des âges en 2008

Cette pyramide des âges nous montre qu’il existe un pic desalariés ayant entre 50 et 59 ans, contrairement à l’image évo-quée par la direction et les représentants des salariés, qui par-lent d’une équipe plutôt jeune.

Face à cette situation, nous avons quantifié :

- la part des salariés de moins de 35 ans, les recrute-ments sont réalisés le plus souvent juste avant 30 ans,

- la part des 50 ans et plus.

Proportion des moins de 35 ans et des plus de 50 ans dans l’effectif total

Ainsi, 42% des salariés ont 50 ans et plus, ce qui nécessited’identifier les fonctions assurées par les personnes qui quit-teront l’ESAT dans les prochaines années.

Les effectifs

Le graphique sur les âges et anciennetés par métier montrequ’il existe de réelles disparités. Ainsi, l’un des enjeux de l’éta-blissement est de préserver des compétences. C’est notam-ment le cas des moniteurs qui ont un âge moyen de 48,1 ans,sachant que les âges s’étendent de 32 à 58 ans.

De même, dans les salariés administratifs, le chauffeur de busva prochainement quitter l’établissement. Il a une mission es-sentielle en termes de lien entre le bénéficiaire (travailleurhandicapé), sa famille et l’ESAT.

Il est aussi utile de croiser ces données démographiques avecdes éléments relatifs à l’histoire de l’entreprise. Dans cet éta-blissement, les moniteurs et le chef d’atelier sont massive-ment arrivés avec la fermeture d’une entreprise industriellelocale. En croisant ces éléments avec les différentes activitésproposées aux résidents, nous avons mis en relief le départprochain de personnes ayant des rôles centraux dans la re-cherche de nouveaux marchés.

UNE ACTIVITÉ AVEC UN PUBLIC FRAGILE ET VIEILLISSANT QUI GÉNÈREDE MULTIPLES CONTRAINTES DANS LE TRAVAILL’établissement est confronté au vieillissement de ses rési-dents, la majeure partie d’entre eux n’ont connu que cet ESAT.De part leur pathologie, leur vieillissement prématuré est en-core plus prégnant. La dépendance de certains résidents ac-

Anciennetémoyenne

11,17

10,33

Agesmoyens

48,9

43

En nombre12

0 10 20 30 40 50

6

Hommes Femmes

0

1

2

3

4

5

6

7

8

9

20 - 29ans

30 - 39ans

40 - 49ans

50 - 59ans

69 anset plus

Ages en 2008

16

42

Soignants

Ages et anciennetés des salariés de l’ESAT par métier

En années

2,5

34,5

Administratif 11,2

51,2

Educ Spe 5,8

0 10 20 30 40 50 60

41

Chef atelier 3

53

Moniteurs 15

47,6

Age moyen 46,6 ansAncienneté moyenne 11,6 ans

ZOOM SUR LES EXPÉRIENCES DES ENTREPRISESP A G E 3 2

Page 33: COMMENT PRÉPARER SON ENTREPRISE AU VIEILLISSEMENT …

compagnée des effets cumulés vieillissement-pathologies, no-tamment dégénératives, tendent à les exclure des activités detravail à réaliser.

37 travailleurs handicapés ont 45 ans et plus, ce qui nousamène à nous demander quels sont les effets liés à cescontraintes supplémentaires dans le travail des salariés enca-drants.

Les pathologies des travailleurs handicapés amènent les sala-riés encadrants à devoir abandonner les tâches qu’ils sont entrain de réaliser pour assurer leur mission. Pour la totalité dessalariés, cette situation perturbe leur travail. Ils sont près de44% à être contraints à abandonner fréquemment leurstâches.

Abandon de tâche et conséquences

Ces abandons de tâches génèrent des difficultés à gérer l’en-semble des tâches à réaliser sur la journée. Ainsi, pour plusde 35% des salariés, les contraintes de temps sont jugéescomme étant fortes. Les contraintes sont plus fortement per-çues par les âges médians (45,6 ans) et par les salariés ayantune ancienneté médiane (10,4 ans). Ces données contredisentla vision qui existe dans l’entreprise qui se base sur ce qui estconsidéré comme un fait : les personnes qui ont le plus dedifficultés avec les contraintes temporelles sont les personnesles plus âgées et les plus anciennes. Par ailleurs, la proportion des salariés qui trouvent que lescontraintes de temps ne génèrent pas de difficultés est lamême que celle qui estiment qu’elles sont très difficiles.

Cotation des difficultés temporelles en % et lien à l’àge et l’ancienneté

- grille de lecture : du moins ancien, moins âgé au plus ancien, plus âgé -

Ce qui nous paraît intéressant, c’est de bien comprendre cequi peut aider les salariés à réaliser leur travail. Ainsi, il estimportant de comprendre si les consignes de travail et les ob-jectifs à atteindre sont clairement définis et si les salariés dis-posent bien des compétences nécessaires à la réalisation deleur mission.

En croisant les données issues du questionnaire EVREST, nosobservations du travail et entretiens avec les salariés, nousavons réalisé des corrélations entre la représentation des sa-lariés et les moyens mis à disposition à gérer un certain nom-bre de situations complexes et imprévisibles, liées à la missionmême de l’ESAT.

Pour un travail de bonne qualité, les salariés disposent de… (en %)

Pour plus de la moitié des salariés, les consignes et objectifssont clairement définis. La marge de manœuvre laissée auxsalariés est intéressante car elle permet de faire face à des si-tuations imprévues ou impromptues.

Les modèles de compréhension de l’homme au travail, nousamènent à souligner l’importance de laisser la latitude déci-sionnelle aux salariés et, en même temps, de donner suffisam-ment d’informations et d’indications précises, qui évitent degénérer de l’instabilité pour les salariés. Ces deux situationsse retrouvent au sein de cette entreprise.

Souhaitant permettre aux salariés de disposer des compé-tences utiles à l’exercice de leurs métiers, la direction de l’éta-blissement favorise les formations. Cette orientation qui viseà développer et reconnaître les compétences des salariés (VAE,formations qualifiantes, …) génère des difficultés dans le quo-tidien de l’équipe, dès lors que deux salariés suivent des for-mations.

A titre d’exemple, l’absence d’une personne se traduit par uneréaffectation des travailleurs handicapés (TH) vers un autreencadrant. Cela peut générer des tensions entre TH (alterca-tions, anxiété, …), qui elles même peuvent augmenter lerisque d’accidents du travail pour le TH et pour le salarié en-cadrant. Le niveau de production attendu (vendu au client)peut alors devenir difficile à atteindre.

Ancienneté

Age

Population

Pas difficile

Trèsdifficile

0 à 3

2,2

41,2

19,5

54

35,7 28,6

4 à 6 7 à 9

0 1 2 3 4 5 6 7 8 9

nAncienne

Age

aPopulatio

Ancienneté

Age

Population

difficilePas 6

0 à 3 4 à 6 7 à 9

554433210 9 difficilerèsT87

Abandon fréquentde tâches

Perturbe le travail

Sans conséquencesur votre travail

Aspect positifdu travail

43,8

100

16,7

16,7

81,25

Formations et informations suffisantes

56,25

Objectifs et consignes clairement définies

Marge de maneuvre importante : 1 - Essentiel de la laisser aux salariés ET 2 - parfois elle peut générer de l’instabilité

(fonctionnement de l’homme au travail) => attente d’appui de la Direction (sans savoir précisement quel type d’appui attendu de la

part des salariés ?)

Formations et informations sont positives mais peuvent poser des difficultés dans le quotidien : 1 - formation et VAE permettent de

développer et reconnaître des compétences ET 2 - deux formations en simultanée posent des difficultés d’organisation :

répartir les TH pour que tous soient occupés (tensions multiples entre les TH => altercations, stress pour TH (risques d’accident du

travail ++) et pour salariés & lien à l’annualisation qui ne laisse aucun temps mort (pb pour fixer des réunions)

ZOOM SUR LES EXPÉRIENCES DES ENTREPRISES P A G E 3 3

Page 34: COMMENT PRÉPARER SON ENTREPRISE AU VIEILLISSEMENT …

Contact avec public

Pression psychologique

Intempéries

Froid intense

Chaleur intense

Conduite routière prolongée

Contrainte visuelle

Bruit > 80 db

Gêne sonore

Vibrations

Rayons ionisants

Poussières fumées

Produits chimiques

Cette tension dans les plannings est notamment liée à unfonctionnement sous forme d’annualisation pour assurer uneprise en charge des TH tout au long de l’année. De fait, l’activité de production ou de prestation de servicesprime sur les réunions internes de coordination. Ainsi, seulsles temps d’échange sur les projets des TH sont réalisés. Destemps de régulation interne, entre les membres de l’équiped’encadrement, ne sont pas effectués.

Représentation des salariés sur leurs expositions aux risquesprofessionnels en %

Ceci, au-delà d’être relaté par les salariés qui donnent diffé-rents exemples précis, ressort dans la représentation desrisques des salariés qui évoquent à 81% le risque de contactavec le public et à plus de 43% la pression psychologique.

Plus globalement, les activités réalisées par les TH peuventgénérer des risques différents au regard des activités réalisées: espaces vert (coupures), ferronnerie (brûlures), menuiserie(coupure / machines) et conditionnement (problèmes articu-laires, TMS). Nous avons constaté que les salariés, encadrantsles TH, y sont aussi soumis et doivent, de plus, jongler entrela gestion des conflits entre TH et le stress lié à la réalisationde la production, dans les délais.

4 PISTES D’AMÉLIORATION PROPOSÉESDès que nous envisageons d’aider les entreprises à réduire lesrisques d’exclusion par l’âge, nous essayons systématiquementde proposer des pistes d’amélioration qui réduiront ce risquepour l’ensemble des salariés, quelque soit leur âge.

Les pistes de réflexion et de solutions travaillées avec l’équipede l’établissement sont basées sur 4 problématiques :

1 - La communication interne

Face à des situations difficiles à gérer psychologiquement etrécurrentes, il est nécessaire d’envisager un groupe de parolepour l’équipe. Les situations complexes qui sont rencontrées,nécessitent d’être verbalisées.

Seule une réunion mensuelle d’informations générales et derégulation du planning est organisée. Or, l’intervention a mon-tré le besoin de pouvoir échanger entre pairs sur le travail àréaliser, les points à améliorer au quotidien et l'émergence depropositions d'améliorations,…

Par ailleurs, la fréquence mensuelle a été pointée comme in-suffisante, dès lors qu’une situation complexe est à gérer, cequi devient de plus en plus récurrent.

Pour faciliter les échanges, un ordre du jour doit être établipour préciser les points à aborder dans la réunion et les règlesdu jeu de l’animation (s’écouter, collaborer, co-construire dessolutions et analyser les situations rencontrées pour proposerdes solutions adaptées), ce qui ne fait pas parti des usagesinternes.

2 - L’organisation de la délégation et des responsabilités

Bien que des fiches de postes existent dans l’établissement,pour un même métier, tous les salariés n’ont pas les mêmeslatitudes d’actions. Cela s’appuie sur l’intérêt des personnes,les compétences détenues, … Cette situation a généré un sen-timent que « toutes les personnes ne sont pas à leur justeplace ». Ceci s’appuyant sur un écart entre le métier et lesresponsabilités prises. Au-delà des règles, ces éléments renvoient à des usages, nonreconnus ou explicités collectivement par la direction. Un tra-vail reprenant les missions et responsabilités de chacun per-mettrait de repréciser ces éléments (remplacements en casd’absence, passation de commandes, …).

3 - L’organisation du travail

La difficulté de l’organisation du travail résulte dans la néces-sité de planifier précisément l’activité des TH. Les déborde-ments de plannings se traduisent par des modifications etréajustements de dernière minute, nécessitant d’être justifiésauprès des clients. Certains nouveaux projets se développent sans coordinationavec le chef d’atelier, ce qui augmente ces difficultés de ges-tion de production. Une meilleure coordination entre les projets des TH et leur ac-tivité de travail doit être assurée d’autant que ces questionsse posent davantage au regard du vieillissement des TH.

4 - Alerte sur les activités non rentables

Enfin, dans le cadre de relations commerciales avec certainesentreprises qui génèrent de la sous-traitance pour l’ESAT, desactivités commerciales sont acceptées. Il est nécessaire des’interroger sur leurs effets sur la santé des TH. Les cadencesnécessaires semblent trop élevées au regard des pathologieset du vieillissement des TH. Le passage de 20 à 30 palettespar semaine à l’atelier se traduit par un risque TMS pour lesTH, qu’il ne faut pas négliger. En termes de pistes d’action, il est nécessaire d’envisager demixer plusieurs activités, sur des quantités moindres.

ZOOM SUR LES EXPÉRIENCES DES ENTREPRISESP A G E 3 4

EN SYNTHÈSEL’approche très globale souhaitée par l’établissementa permis d’aller au-delà des représentations et d’ex-pliciter des leviers d’actions jamais envisagésjusqu’alors. Cette intervention montre bien qu’il estnécessaire de s’appuyer sur les caractéristiques dessalariés et de leur travail pour envisager des solutionsqui, en agissant à divers niveaux, vont réduire la péni-bilité du travail des salariés et ainsi favoriser leurmaintien en emploi.

Page 35: COMMENT PRÉPARER SON ENTREPRISE AU VIEILLISSEMENT …

CONCLUSION Cette action a permis de mettre en œuvre lapluridisciplinarité dans le cadre de la coopérationopérationnelle de deux institutions que sont le CESTP-ARACT et la Médecine du Travail de l’Aisne.

Cette coopération au service des entreprises et de leurssalariés est essentielle pour réussir à assurer le maintiendans l’emploi et éviter les situations d’exclusion.

Toutefois, il reste à se préoccuper des salariés déclarésinaptes et pour lesquels des solutions envisageables sontrarement misent en œuvre.

C’est pourquoi les deux institutions ont décidéd’expérimenter avec plusieurs entreprises volontaires, unedémarche orientée vers la prévention de l’exclusion et lagestion des inaptitudes au niveau d’un territoire : le Saint-Quentinois.

Page 36: COMMENT PRÉPARER SON ENTREPRISE AU VIEILLISSEMENT …

CONSULTEZ LE MODULE E-LEARNING SUR

www.cestp.aract.fr

COMMISSION EUROPÉENNEFonds Social Européen

CESTP-ARACT19 rue Victor Hugo

CS 50 92480009 Amiens Cedex 1Tél : 03 22 91 45 10

Médecine du Travail de l’Aisne

Rue Théodore Monod ZA Bois de la Chocque

BP 4036202100 Saint-QuentinTél : 03 23 62 52 48

— 04/11 —

Photos : © Ludovic LELE

U, Véronique LESPERAT, D

R.

Page 37: COMMENT PRÉPARER SON ENTREPRISE AU VIEILLISSEMENT …

POINTS DE REPÈRES

RETOURS D’EXPÉRIENCE SUR 5 ENTREPRISES

COMMENT PRÉPARER SON ENTREPRISE AU VIEILLISSEMENT DES SALARIÉS ?

COMMENT PRÉVENIR L’USURE PROFESSIONNELLE ET FAVORISER LE MAINTIEN EN EMPLOI ?

SUR QUOI AGIR ?