Comment aider une personne atteinte de psychose quand elle ...
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Comment aider une personne atteinte de psychose quand elle ne se croit pas malade?
Conférence pour La BoussoleQuébec, le 30 novembre 2020
Dre Sophie L’HeureuxPsychiatre professeure titulaire au Département de psychiatrie et neurosciences de l’Université LavalClinique Notre-Dame des Victoires (IUSMQ)CIUSSS Capitale-Nationale
Plan de présentation
v Qu’est-ce qu’une psychose?
v Autocritique et psychose
v Réagir au manque d’autocritique
v Risques et avantages de recourir aux mesures légales
Qu’est-ce qu’une psychose?
v Qu’est-ce qu’une psychose: • Altération de la réalité au niveau des:
§ Croyances: Délire
§ Perceptions: Hallucination
§ Pensée: Confusion
§ Comportement: Désorganisation
Qu’est-ce qu’une psychose?
v Base de la psychose: • Modèle vulnérabilité – stress
• Base essentiellement biologique
§ Lien avec la génétique, avec le cerveau (notamment lobes frontaux et temporaux) et son fonctionnement (dopamine et autres neurotransmetteurs, facteurs inflammatoires)
Qu’est-ce qu’une psychose?Vu
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Complica-tionsgrossesse/ accouche-ment
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Anomalies neurotrans-metteurs(dopamine, sérotonine), glutamate Ét
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Influencé par:
Facteurs risque:Événements de vieTroubles cognitifsToxicomanie
Facteurs protection:
Détection et intervention précoce
Psyc
hose
Qu’est-ce qu’une psychose?
v Altération de la réalité au niveau des:• Croyances: Délire
§ Croyance fausse fermement maintenue, non modifiée par le raisonnement, qui n’est pas partagée par l’environnement socio-culturel
Ø Le manque d’autocritique fait donc partie intégrante de ce qu’est une psychose
Qu’est-ce qu’une psychose?
§ Types de délire:
Ø Persécution /paranoïa
Ø Référence, interprétation
Ø Influence
Ø Contrôle de la pensée
Ø Grandeur
Ø Mystique
Ø Culpabilité
Ø Jalousie
Ø Érotomanie
Ø Somatique
Qu’est-ce qu’une psychose?
§ 4 dimensions d’un délire:
Ø Conviction
Ø Accommodation: influence du délire par le feedback
Ø Envahissement
Ø Encapsulation: conviction sans envahissement
Qu’est-ce qu’une psychose?
v Altération de la réalité au niveau des:• Perceptions: Hallucinations
Ø Auditives
Ø Visuelles
Ø Olfactives
Ø Gustatives
Ø Tactiles
Ø Somatiques
Ø Cénesthésiques
Qu’est-ce qu’une psychose?
v Altération de la réalité au niveau des:• Pensées:
§ Confusion
§ Relâchement des associations entre les idées
• Comportement et affect:
§ Désorganisation
Qu’est-ce qu’une psychose?
v Symptômes négatifs (« ce qui est en moins ») :• Affect:
§ Émoussé/plat: manque d’expression des émotions
• Pensée:
§ Pauvreté du langage (alogie)
• Intérêts et motivation:
§ Manque (anhédonie)
• Social:
§ Isolement
Qu’est-ce qu’une psychose?
v Autres caractéristiques cliniques:• Symptômes cognitifs:
§ Troubles d’attention
§ Troubles de mémoire
§ Troubles de résolution de problèmes et de planification/organisation
Ø En lien avec les régions du cerveau affectées par la psychose
Qu’est-ce qu’une psychose?
v Autres caractéristiques cliniques:• Manque d’autocritique
§ Plus affectée en psychose qu’en trouble de l’humeur
§ Peu reliée à la sévérité des symptômes (délire et hallucinations)
Ø N’est pas un manque d’intelligence
Ø Caractéristique psychotique indépendante
Qu’est-ce qu’une psychose?
• Manque d’autocritique
§ Similaire à l’anosognosie neurologique : non-conscience d’un handicap ex. paralysie (Babinski)
Ø Confrontation cause indifférence ou confabulation
Ø N’est pas un déni (mécanisme de défense psychologique) mais un trouble neuropsychologique causé par une atteinte cérébrale (lien avec volume cérébral, lobe frontal)
Autocritique et psychose
v Qu’est-ce que l’autocritique?• Connaissance et acceptation des symptômes / du
diagnosticØ Autocritique « intellectuelle »
• Introspection suffisante pour modifier:
§ Les croyances dysfonctionnelles
§ Leurs conséquences affectives et comportementales
Ø Insight
Autocritique et psychose
v Insight clinique : conscience de la maladie et des symptômes • Multidimensionnel :
§ Conscience de la maladie : diagnostic, symptômes, nécessité d’un traitement, conséquences sociales de la maladie
§ Capacité à attribuer une cause biologique à la maladie et/ou aux symptômes et leurs conséquences
(X Amador)
Autocritique et psychose
• « Comment expliquez-vous ce qui est arrivé? »
• « Comment appelez-vous ce qui est arrivé? »
• « Que signifie une psychose pour vous? »
• « Pourquoi est-ce arrivé à vous? À ce moment de votre vie? »
• « Pensez-vous que vous avez complètement récupéré? Quels sont les symptômes qui restent? «
• « Qu’est-ce qui vous a aidé à récupérer? »
• « Comment pourriez-vous prévenir une rechute? »
Autocritique et psychose
v Insight cognitif : capacité à se questionner et à reconsidérer ses propres croyances et jugements• Échelle d’auto réflexivité :
§ Capacité d’objectivité face à ses perceptions, capacité de mettre ses expériences en perspective
Ø Je peux interpréter
Ø Les autres peuvent être plus objectifs que moi
Ø Je peux avoir tendance à sauter aux conclusions
Ø Mes croyances se révèlent parfois fausses
Ø Il peut y avoir plusieurs explications à un fait(A Beck)
Autocritique et psychose
v Insight cognitif : capacité à se questionner et à reconsidérer ses propres croyances et jugements• Échelle de confiance au sujet de ses croyances et
jugements :
§ Confiance/certitude en ses conclusions, résistance au feedback des autres
Ø Si quelque chose semble vrai, c’est vrai
Ø Je me connais mieux que quiconque
Ø Je peux toujours faire confiance à mon propre jugement
(A Beck)
Autocritique et psychose
§ État mental à risque de psychose:
ØÉchelle de confiance au sujet de ses croyances et jugements plus élevée que dans la population générale
Ø Échelle d’auto réflexivité non altérée avant la psychose(Dondé 2020)
Autocritique et psychose
v Impact potentiel d’un manque d’autocritique:• ↓ pronostic de rétablissement de la psychose
§ ↓ observance au traitement (suivi et médication)
§ ↓ réponse au traitement
§ ↑ isolement social
• ↑ risque de comportements violents semblant « logiques » avec le délire
Ø Augmentation conséquente de la stigmatisation associée à la psychose
• ↓ relations familiales: tensions en lien avec culpabilité ou irritation des proches
v
Autocritique et psychose
v L’autocritique peut-elle s’améliorer, et donc atténuer son impact sur le pronostic?
ØOui, avec interventions psychothérapeutiques spécifiques
Réagir au manque d’autocritique
v Comment mieux réagir?
En comprenant mieux le manque d’autocritique
• Symptôme de la maladie qui vient du trouble neurobiologique cérébral de la psychose et non purement d’un mécanisme de défense de la personne
§ Contrôle volontaire difficile – parallèle avec un rêve
§ Autocritique peut donc être difficile à rétablir, d’autant plus si longue durée et investissement émotionnel important (impact sur l’estime de soi)
Réagir au manque d’autocritique
v Comment mieux réagir?
En comprenant mieux le manque d’autocritique
• Reconnaître l’aspect traumatique selon la perspective de la personne en psychose
§ Exemple : patient consultant à l’urgence psychiatrique
Réagir au manque d’autocritique
v L’équipe traitante: établir un traitement optimal interdisciplinaire• Alliance thérapeutique essentielle:
§ Attitude empathique
§ Ne pas confronter ni critiquer
§ Trouver un objectif commun
Ø Réduire la détresse plutôt que les symptômes eux-mêmes
Ø Viser l’acceptation du traitement et non du diagnostic
Ø Viser le rétablissement
Réagir au manque d’autocritique
v L’équipe traitante: établir un traitement optimal interdisciplinaire• Médication:
§ Améliore principalement les symptômes positifs (délire, hallucination, désorganisation)
§ Autocritique peut s’améliorer avec la rémission de la psychose, mais pas toujours
Ø Symptômes peuvent s’encapsuler
Ø Symptômes peuvent devenir chroniques
§ Acceptation de la médication: via l’objectif commun
Réagir au manque d’autocritique
v L’équipe traitante: établir un traitement optimal interdisciplinaire• Psychoéducation:
§ Expliquer le modèle vulnérabilité-stress, les symptômes, le diagnostic, le rétablissement – instaurer espoir
• Interventions motivationnelles:
§ Pour la médication, la toxicomanie, le fonctionnement
Réagir au manque d’autocritique
v L’équipe traitante: établir un traitement optimal interdisciplinaire• Psychothérapie cognitivo-comportementale (TCC)
§ Délire: objectif de corriger les erreurs de pensée et/ou leur réponse affective et comportementale
Ø Comprendre le sens que donne le patient à ce qu’il vit
Ø Emphase sur l’impact au niveau des émotions
Ø Normalisation
Ø Aider à générer des explications alternatives aux symptômes
Ø Aider à la gestion de la détresse, de l’anxiété
Réagir au manque d’autocritique
• Psychothérapie cognitivo-comportementale (TCC)
§ Apprendre à gérer les hallucinations
Ø Discuter de l’individualité et de l’omnipotence des voix
Ø Garder autodétermination comme face aux autres voix
» Ne pas tout croire
» Ne pas faire tout ce qui est demandé
» Ne pas tolérer une conversation avec une voix méchante
Réagir au manque d’autocritique
• Psychothérapie cognitivo-comportementale (TCC)
§ Briser l’évitement (symptômes négatifs)
§ Améliorer l’estime de soi
§ Rétablir un sens de contrôle pour la personne
§ Redonner espoir
Ø Réduit risque d’agressivité ou de suicide
Réagir au manque d’autocritique
v L’équipe traitante: établir un traitement optimal interdisciplinaire• Soutien au rétablissement du fonctionnement:
§ Études, travail, vie autonome
• Importance de la prévention de rechute
• Interventions familiales:
§ Approche collaborative
Réagir au manque d’autocritique
v Les proches:• Favoriser le respect de la perception de la personne,
en évitant la confrontation
§ Exprimer de l’empathie pour la souffrance
§ Ne pas contredire ou confronter
Ø Inutile vu conviction
Ø Risque de briser le lien de confiance alors que besoin de parler et besoin de soutien
Ø Risque de causer un conflit et d’augmenter l’irritabilité ou même d’englober le proche dans le délire
Réagir au manque d’autocritique
v Les proches:• Favoriser le respect de la perception de la personne,
en évitant la confrontation
§ Ne pas cautionner les aspects faux / confirmer ou valider les éléments délirants
ØRisque de renforcer le délire
ØRisque de délai avant d’aller chercher de l’aide / un traitement
§ Possible cependant de valider objectivement l’expérience du patient s’il le demande
Réagir au manque d’autocritique
v Les proches:• Se retrouver sur les points partagés : détresse, peur
secondaire à ce qui se passe, impact sur le fonctionnement
§ Reconnaître l’aspect traumatique vécu, l’impact émotionnel et fonctionnel sans remettre en question la croyance sous-jacente
Réagir au manque d’autocritique
v Les proches:• Souligner les forces de la personne (protéger son
estime de soi)
• Établir des limites claires et utiliser des stratégies de résolution de problèmes
• Maintenir une bonne qualité de vie familiale et individuelle
Cas clinique
v Cas clinique : JEAN
• PEP:
§ Jeune consommateur de cannabis
§ Devient de plus en plus agressif car se sent persécuté
§ Refuse l’aide, famille doit appeler le 911
§ Garde préventive puis hospitalisation en garde en établissement
Cas clinique
v Cas clinique : JEAN
• PEP:
§ Le délire persiste 2 mois malgré l’arrêt de drogue
§ Traité avec un antipsychotique par la bouche
§ Référé à la CNDV (clinique pour 1ers épisodes psychotiques)
Cas clinique
v Cas clinique : JEAN
• Évolution du PEP:
§ A repris un bon fonctionnement
§ Accepte le diagnostic de psychose car reconnait que sa méfiance avait augmenté, mais considère qu’il s’agit d’une psychose purement induite par la drogue
§ Convaincu que si on lui avait expliqué doucement, l’hospitalisation n’aurait pas été nécessaire
Cas clinique
v Cas clinique : JEAN
• Évolution du PEP:
§ Cesse son traitement après 3 mois car ne prenant plus de drogue, croit qu’il est impossible qu’il rechute. De plus, explique qu’ayant vécu une psychose, il saurait maintenant la reconnaitre et gérer les symptômes
Ø Autocritique atteinte mais non inapte à consentir
Cas clinique
v Cas clinique : JEAN
• Évolution du PEP:
§ Quelques mois plus tard, revient sur ses propos, en veut à ses parents de l’avoir hospitalisé pour rien. Maintient cependant un bon fonctionnement et non agressif.
Ø Détérioration de l’autocritique
• Rechute psychotique qu’il ne reconnait pas. Cesse ses études. Refuse de reprendre la médication car ne veut pas reprendre du poids.
Ø Démarche d’autorisation de soins
Recourir aux mesures légales
Ø Manque d’autocritique peut conduire à refus de médication et/ou de suivi
v Critères de démarche d’autorisation de soins
• Établir la nécessité de traitement :
§ Chances élevées de réussite du traitement et risque élevé de détérioration sans traitement
§ Refus catégorique de traitement
Ø Peut inclure une acceptation stratégique liée à la démarche d’autorisation de soins
Ø « Traitement » compris dans sa globalité – ex. acceptation très irrégulière des médicaments
Recourir aux mesures légales
v Critères de démarche d’autorisation de soins
• Établir l’inaptitude à consentir aux soins :
§ Non compréhension de la nature de la maladie pour laquelle on propose un traitement
§ Non compréhension de la nature et du but du traitement
§ Non compréhension des risques associés au traitement
§ Non compréhension des risques encourus à ne pas subir de traitement
§ Capacité à consentir affectée par la maladie psychotique
Recourir aux mesures légales
v Risques d’une démarche légale:• Pour l’équipe traitante et pour la famille:
§ Bris d’alliance et de relation de confiance
v Avantages d’une démarche légale:• Le traitement…
§ Permet le rétablissement: le contrôle des symptômes, de la détresse, de la dangerosité, ainsi que la reprise du fonctionnement
§ Permet la possibilité à l’autocritique de se rétablir
Ø Le traitement permet donc aux relations de récupérer
Psychose et autocritique
v L’autocritique est importante au traitement de la psychose mais non essentielle
v Elle est un but du traitement mais non son but ultime
v Le manque d’autocritique doit aider à comprendre la psychose plutôt que d’être un facteur de confrontation
Psychose et autocritique
v Il n’y a pas de solution parfaite…
v Au-delà du conflit, l’aspect relationnel est important à maintenir
v Il est important de garder espoir: des améliorations peuvent survenir même après des années!
Psychose et autocritique
v Questions ?