Chap.3

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1 Chapitre 3. Le droit du travail et de la sécurité sociale dans le cadre de la fonction publique 1. Présentation La relation individuelle de travail des agents n’est pas exclusivement régie par le droit administratif. Certains aspects de celle-ci sont régis par le droit commun de la relation de travail ou le droit de la sécurité social des travailleurs salariés : il en est ainsi de la protection de la rémunération, du problème de harcèlement ou de l’obligation de disposer d’un règlement de travail, mais plus fondamentalement du respect de la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail. Toutefois, la confrontation des contraintes du droit commun du travail et du droit administratif entraine certaines singularités. L’ampleur des engagements contractuels dans la fonction publique et la coexistence qui s’inscrit dans la durée d’un personnel contractuel et d’un personnel statutaire invitent à des développements particuliers consacrés au droit commun de la relation de travail et au droit de la sécurité sociale. Section 1. Les agents contractuels dans la fonction publique fédérale et des entités fédérées 2. Rappel des principes Si depuis son arrêt du 8 décembre 1932, la Cour de Cassation a consacré et maintes fois réaffirmé le principe de l’engagement statutaire dans la fonction publique 1 , suivie par le Conseil d’Etat sur ce point 2 , le recours à du personnel contractuel dans les administrations publiques est loin d’être marginal : dans la fonction publique fédérale au 31 octobre 2004, les agents contractuels représentaient 25% de l’effectif total ; ils représentaient 35% des effectifs dans le Ministère de la Région wallonne en 2003, et 56% des effectifs dans les pouvoirs locaux 3 . 1 B. LOMBAERT, I. MATHY ET V. RIGODANZO, Eléments du droit de la fonction publique, 2007, Kluwer, Bruxelles, p. 41. 2 Ibid., p. 42. 3 D. DELVAX, « Le recours au contrat de travail ou au statut dans la fonction publique-Prolégomènes » in Une terre de droit du travail : les services publics, 2005, Bruylant, Bruxelles, 2005, p. 5.

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. Le droit du travail

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    Chapitre 3. Le droit du travail et de la scurit sociale dans le cadre de la fonction publique

    1. Prsentation

    La relation individuelle de travail des agents nest pas exclusivement rgie par le droit administratif. Certains aspects de celle-ci sont rgis par le droit commun de la relation de travail ou le droit de la scurit social des travailleurs salaris : il en est ainsi de la protection de la rmunration, du problme de harclement ou de lobligation de disposer dun rglement de travail, mais plus fondamentalement du respect de la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail. Toutefois, la confrontation des contraintes du droit commun du travail et du droit administratif entraine certaines singularits. Lampleur des engagements contractuels dans la fonction publique et la coexistence qui sinscrit dans la dure dun personnel contractuel et dun personnel statutaire invitent des dveloppements particuliers consacrs au droit commun de la relation de travail et au droit de la scurit sociale.

    Section 1. Les agents contractuels dans la fonction publique fdrale et desentitsfdres

    2. Rappel des principes Si depuis son arrt du 8 dcembre 1932, la Cour de Cassation a consacr et maintes fois raffirm le principe de lengagement statutaire dans la fonction publique1, suivie par le Conseil dEtat sur ce point2, le recours du personnel contractuel dans les administrations publiques est loin dtre marginal : dans la fonction publique fdrale au 31 octobre 2004, les agents contractuels reprsentaient 25% de leffectif total ; ils reprsentaient 35% des effectifs dans le Ministre de la Rgion wallonne en 2003, et 56% des effectifs dans les pouvoirs locaux3.

    1 B. LOMBAERT, I. MATHY ET V. RIGODANZO, Elments du droit de la fonction publique, 2007, Kluwer, Bruxelles, p. 41. 2 Ibid., p. 42. 3 D. DELVAX, Le recours au contrat de travail ou au statut dans la fonction publique-Prolgomnes in Une terre de droit du travail : les services publics, 2005, Bruylant, Bruxelles, 2005, p. 5.

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    Le droit commun du travail prsente de nombreux avantages pour lautorit publique : souplesse, missions de courte dure, recours des travailleurs ou experts du secteur priv, mise en uvre de programmes de rsorption du chmage, etc. Il prsente cependant son lot dinconvnients : difficult dans lorganisation et dans la gestion des services et des tches, difficult dans lorganisation et lexercice du pouvoir hirarchique et du pouvoir disciplinaire, discrimination potentielle entre travailleurs occups des tches identiques, risque de politisation excessive des recrutements, absence dindpendance et dgalit entre les agents, ect4. Si la loi du 3 juillet 1978 relative au contrat de travail sapplique au contrat de travail dans la fonction publique5, certaines particularits lies la qualit de lemployeur -lEtat ou une entit fdre- ainsi quaux aspects de droit public de ce contrat sont examines dans la prsente section6.

    1.Hypothsesdelengagementparcontrat

    3. Prsentation

    Si le principe de lengagement statutaire des agents de lEtat est largement consacr7, larticle 2, 1er de larrt royal du 22 dcembre 2000 dit de principes gnraux (ARPG) prvoit la possibilit pour les institutions publiques fdrales et les entits fdres de procder lengagement dagents par voie contractuelle.

    4. Les hypothses dengagement contractuel prvues pour les agents de lEtat fdral La loi du 22 juillet 1993 portant certaines mesures en matire de fonction publique prcises les hypothses dengagement contractuel. Elle sapplique aux services publics fdraux (verticaux et de programmation) ainsi quun grand nombre dorganismes parastataux dont un certain nombre dinstitutions publiques de scurit sociale. 4 Ibid., pp. 5-6. 5 Pour plus de dtails, v. notamment, P. BLONDIAU, Th. CLAEYS, B. MAINGAIN et E. CARLIER, La rupture du contrat de travail. Chronique de jurisprudence 1996-2001 , Larcier, Bruxelles, 2003 ; J. CLESSE, Cong et contrat de travail, d. Collect. Scientifique de la Facult de Droit de Lige, 1992 ; Guide social permanent, Commentaire Droit du travail, Kluwer ; W. VAN EECKHOUTTE et V. NEUPREZ, Compendium de droit du travail, tomes I et II, Kluwer, 2006-2007 ; V. VANNES, Le contrat de travail : Aspects thoriques et pratiques, Bruylant, Bruxelles, 2me d., 2004, 962 p. 6 En ce sens, notamment la proposition dun contrat spcifique dit de fonction publique dans F. DELPEREE, Des agents contractuels dans la fonction publique rgionale ? in Les agents contractuels dans la fonction publique rgionale, 1997, Bruylant, Bruxelles, p. 259-261. 7 V., chapitre 1, section 3.

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    Si larticle 3 rappelle le principe de lengagement statutaire, larticle 4 dtermine les hypothses dans lesquelles lEtat fdral ou les parastataux pourront recourir lengagement sous les liens dun contrat de travail. Ils peuvent le faire pour rpondre des besoins exceptionnels et temporaires en personnel, quil sagisse de la mise en uvre dactions limites dans le temps ou dun surcrot de travail ; pour remplacer des agents en cas dabsence totale ou partielle si la dure de labsence implique un remplacement ; pour accomplir des tches auxiliaires ou spcifiques arrtes par le Roi ; pour pourvoir lexcution de tches exigeant des connaissances particulires ou une exprience large de haut niveau, toutes deux pertinentes pour les tches excuter, galement lorsque les tches excuter concernent des missions permanentes. Un arrt royal du 1er fvrier 1993 dfinit les tches auxiliaires ou spcifiques telles que vises par la loi sans en donner une dfinition globale ou apporter des prcisions cet gard. Ainsi, les tches numres sont si nombreuses que loin de reflter une rflexion sur les notions de tches auxiliaires et spcifiques, cet arrt a t labor, par coups, de manire ponctuelle et empirique 8. Larticle 443 de la loi programme du 24 dcembre 2002 non encore entre en vigueur est cens remplacer terme larticle 4 de la loi du 22 juillet 1993. Il prvoit que par drogation larticle 3 le Roi dtermine par arrt dlibr en Conseil des Ministres les circonstances dans lesquelles il peut tre procd lengagement des personnes sous contrat de travail, les conditions et les modalits de leur engagement et leurs conditions de travail. Pour les personnes morales de droit public vises larticle 1.3, classes institutions publiques de scurit sociale, la proposition est faite conjointement par les Ministres dont elles relvent avec laccord du Ministre qui a la fonction publique dans ses attributions. Par arrt dlibr en Conseil des Ministres pris sur proposition du Ministre qui a les affaires trangres dans ses attributions, le Roi peut droger aux dispositions prises en excution de lalina 1er pour les contrats de travail conclus en vue dexercer des fonctions dans les postes diplomatiques et consulaires tablis ltranger . Conformment larticle 450 de la loi programme du 24 dcembre 2002, cette nouvelle disposition entrera en vigueur la date fixe par arrt royal dlibr en Conseil des Ministres, arrt non publi ce jour. Ds lentre en vigueur de larticle 443, lARPG sera sans doute adapt la nouvelle donne9.

    5. Hypothses dengagement contractuel prvues par lARPG pour les entits fdres

    8 A. DE BECKER et B. LOMBAERT, La nature juridique de la relation de travail entre ladministration et ses agents in La rforme de la fonction publique, Bruxelles, La Charte, 2002, p. 75. 9 B. LOMBAERT, I. MATHY et V. RIGODANZO, Elments du droit de la fonction publique, 2007, Kluwer, Bruxelles, p. 15 ainsi que la jurisprudence cite note n25.

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    LARPG tout en rappelant le principe de lengagement statutaire10, nonce les fins exclusives pour lesquelles les personnes peuvent tre engages par contrat de travail11. Il nest gure tonnant de retrouver les hypothses prvues pour lEtat fdral. Au sein des entits fdres, divers arrts ont t pris pour dfinir les tches auxiliaires et spcifiques prvues, 1er, 4 de lARPG12. Pour les personnes morales de droit public qui entrent en concurrence avec dautres oprateurs publics et privs, larticle 2 2 de lARPG permet que le dcret crant ces organismes dfinisse ventuellement plus largement les hypothses dengagement par contrat de travail.

    6. Interprtation des dispositions autorisant le recrutement par contrat de travail Tant larticle 4 1er de la loi du 22 juillet 1993 portant certaines mesures en matire de fonction publique pour les agents fdraux que larticle 2, 1er de lARPG limitent lengagement des agents contractuels aux engagements effectus aux fins exclusives (i) de rpondre des besoins exceptionnels et temporaires en personnel, (ii) de remplacer des membres du personnel, (iii) daccomplir des tches auxiliaires ou spcifiques ou (iv) de pourvoir lexcution de tches exigeant des connaissances particulires ou une exprience de haut niveau. Larrt royal des principes gnraux ajoute que dans ces quatre hypothses il sera procd exclusivement un engagement contractuel. 10 Larticle 1er de lARPG dispose que : 1er. La qualit de lagent est reconnue toute personne qui est occupe titre dfinitif ladministration fdrale de lEtat, dans les services dun gouvernement de Communaut ou de Rgion, dans les services du collge runi de la Commission communautaire commune ou dans les services du collge de la Commission communautaire franaise. Pour lapplication du prsent titre, il y a lieu dentendre par agent des services du Collge de la commission communautaire franaise , les agents qui remplissent des missions incombant la Communaut franaise et qui sont dsormais exerces par la Commission communautaire franaise en vertu de larticle 138 de la Constitution. 2. Lagent est dans une situation statutaire. Il ne peut tre mis fin cette situation statutaire que dans le cas prvu par le prsent arrt (. . .) . 11 Larticle 2, 1er de larrt royal des principes gnraux prcise : sans prjudice du 2, il est exclusivement satisfait aux besoins personnels par des agents soumis aux dispositions du prsent arrt. Toutefois, les personnes peuvent tre engages sous contrat de travail aux fins exclusives : 1. de rpondre des besoins exceptionnels et temporaires de personnel, quil sagisse soit de la mise en uvre dactions limites dans le temps, soit dun surcrot extraordinaire de travail ; 2. de remplacer des agents en cas dabsence totale ou partielle, quils soient ou non en activit de service, quand la dure de cette absence implique un remplacement et dont les modalits sont fixes par le statut ; 3. daccomplir des tches auxiliaires ou spcifiques dont la liste est publie au pralable par chaque excutif ; 4. de pourvoir lexcution des tches exigeant des connaissances particulires ou une exprience large de haut niveau, toutes les deux pertinentes pour les tches excuter . 12 Notamment, larrt du Gouvernement de la Communaut franaise du 16 septembre 1998 fixant la liste des tches auxiliaires et spcifiques pour le Ministre de la Communaut franaise ; larrt du Gouvernement de la Rgion Bruxelles-capitale du 13 fvrier 2003 portant rglementation de la situation administrative et pcuniaire des membres du personnel contractuel de la Rgion de Bruxelles-capitale ; l annexe larrt du Gouvernement de la Communaut germanophone du 17 juillet 2003 dterminant la position juridique du personnel contractuel du Ministre de la Communaut germanophone et de certains organismes dintrts publics ; larrt du 18 dcembre 2003 du Gouvernement de la Rgion wallonne relatif aux conditions dengagement et la situation administrative et pcuniaire des membres du personnel contractuel.

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    Compte tenu des termes utiliss et selon les rgles classiques dinterprtation en droit, lengagement contractuel constituant une exception au principe de lengagement statutaire, les hypothses doivent tre interprtes restrictivement dans la mesure, comme la rappel avec constance la Cour de Cassation et le Conseil dEtat13. Ainsi, il a t jug que laffectation titre temporaire des agents de la coopration au dveloppement en fonction des alas de ces missions ne suffit pas justifier lengagement contractuel de ces agents14. Les expertises vtrinaires, mission courante de lInstitut dexpertise vtrinaire ne peut tre considr comme une tche auxiliaire et spcifique au sens de larticle 1er, 20 de larrt royal du 1er fvrier 199315. La gestion dun processus de changement de technologie de linformation et de communication pour ladministration fdrale ne peut tre qualifie de tche auxiliaire et spcifique16.

    2.Leprincipedgalitetdenondiscrimination(articles10et11delaConstitution)

    7. Prsentation

    Des agents dans les liens dun contrat de travail et des agents statutaires sont amens accomplir des tches similaires. Compte tenu des diffrences existantes entre les deux relations de travail, se pose la question du caractre justifi ou non des diffrences de traitement en matire de conditions dengagement, de modification ou de rupture de la relation de travail, de protection sociale, de discipline, notamment. Ces diffrences de traitement nen sont pas pour autant automatiquement discriminatoires et contraires aux principes dgalit et de non-discrimination prvus par les articles 10 et 11 de la Constitution. La Cour constitutionnelle a t amene considrer ces diffrences de traitement.

    13 En ce sens, J.-F. NEURAY, Aspects du contentieux de la fonction publique en Belgique , R.R.D., 2007, p.315. Sur la ncessit dune rflexion sur le recours lengagement contractuel, voyez notamment divers articles parus dans Les agents contractuels dans la fonction publique rgionale, o.c. : F. LEURQUIN-DE VISCHER, Le personnel contractuel dans la fonction publique rgionale en Belgique , pp. 37-55 ; J. JACQMAIN, Statutaires et contractuels, le Graal de lgalit ?, pp. 165-183 ; R. JANVIER, Recrutement dun agent contractuel (M/F) pour un service public, prt accepter linscurit quant son statut juridique , pp. 185-217 ; F. DELPEREE, Des agents contractuels dans la fonction publique rgionale ? , pp. 255-268. 14 J.-F. NEURAY, Aspects du contentieux de la fonction publique en Belgique , R.R.D., 2007, p.316. C.E., Michel, n 155.922 du 6 mars 2006. 15 B. LOMBAERT, I. MATHY et V. RIGODANZO, Elments du droit de la fonction publique, 2007, Kluwer, Bruxelles, p. 49. C.E., 17 janvier 1997, Arendt, n64.111. 16 C.E., 18 octobre 2000, Fagard, n90.291, n405, obs. D. DELVAX.

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    8. La Cour constitutionnelle et le rgime de la responsabilit de ladministration pour fait de leurs agents.

    La Cour constitutionnelle a t saisie de la question des diffrences de traitement des agents engags par contrat ou par statut, dans le champ de la responsabilit de ladministration pour les faits et dans le champ de la responsabilit individuelle des agents. En effet, avant ladoption de la loi du 10 fvrier 2003 relative la responsabilit civile des personnes publiques et de leurs agents, les agents contractuels bnficiaient dune immunit personnelle de responsabilit civile en cas de dommage caus par lagent lemployeur ou des tiers dans lexcution de son contrat. Sur base de larticle 18 de la loi du contrat de travail, ils taient exonrs de toute responsabilit pour leur faute lgre pour autant quelle ne soit pas habituelle17. Par contre, les agents statutaires voyaient leur responsabilit civile engage pour toute faute lgre mme occasionnelle. Par trois arrts (des 18 dcembre 1996, 9 fvrier 2000 et 28 janvier 2003), la Cour constitutionnelle a considr que cette diffrence de traitement entre agents contractuels et statutaires tait injustifie tant donn la similitude des relations de travail compares, notamment sous langle de la subordination juridique 18. La diffrence de traitement a t juge soit injustifie, soit disproportionne. La loi relative la responsabilit civile des personnes publiques et de leurs agents du 10 fvrier 2003 rpond ces critiques en alignant la responsabilit civile des agents statutaires sur celle des agents contractuel.

    9. La prescription dans le droit de la fonction publique et la Cour constitutionnelle La Cour constitutionnelle a t amene analyser les diffrences de traitement entre agents contractuels et agents statutaires en matire de prescription. Un secrtaire communal a assign son employeur en responsabilit afin dobtenir une augmentation barmique qui lui aurait t illgalement refuse. Par un arrt du 27 juin 2001, la Cour dAppel de Mons savanant vers une solution qui lui donne gain de cause, envisage de limiter la condamnation une priode de cinq ans, soit celle fixe par larticle 15 de la loi du 3 juillet 1978 relative au contrat de travail, tout en faisant observer que si cette demande manait dun agent statutaire, la prescription trentenaire prvue

    17 B. DUBUISSON, La loi du 10 fvrier 2003 relative la responsabilit civile des personnes publiques et de leurs agents , J.T.T., 2003, p. 509. 18 B. DUBUISSON, La loi du 10 fvrier 2003 relative la responsabilit civile des personnes publiques et de leurs agents , o.c., p. 509.C.A., 9 fvr. 2000, arrt no 19/2000, J.L.M.B., 2000, p. 576; R.G.A.R.., 2001, no 13322; C.A., 28 janv. 2003, arrt no 17/2003, indit.; C.A., 18 dc. 1996, arrt no 77/96, J.L.M.B., 1997, p. 265, note P. Henry; J.T., 1997, p. 197; R.C.J.B., 1998, p. 222, note Ph. COENRAETS, La responsabilit aquilienne des organes de la puissance publique et la restauration du principe dgalit.

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    lpoque par larticle 2262 du code civil aurait t applique. La question prjudicielle simposait. Par son arrt du 16 octobre 2001 (n127/2001), la Cour constitutionnelle a rpondu cette question, en soulignant dans un premier temps que les agents statutaires ne sont, en principe, pas comparables aux agents contractuels puisquils se trouvent dans des situations juridiques fondamentalement diffrentes. Dans un second temps, la Cour a toutefois souligner quil ressortait des motifs de larrt a quo, que lappelant avait assign son employeur pour obtenir lindemnisation du prjudice que celui-ci lui avait caus en napprciant pas ses mrites sur la base de critres objectifs. A cet gard, constate la Cour, il se trouve dans une situation qui nest pas diffrente de celle dun agent statutaire qui agirait pour le mme motif contre lintercommunale qui lemploie. Les rgles juridiques diffrentes qui rgissent la relation de travail de lune et lautre catgories dagents nempchent pas quil se trouve, par rapport la question de droit pose par leur action, dans une situation comparable . A linstar de la dmarche entreprise en matire de responsabilit, la Cour darbitrage a examin si les agents statutaires et contractuels se trouvaient dans une situation comparable quant la question de droit pose par leur action originaire. Dans la mesure o la Cour darbitrage rpond par laffirmative, elle examine ensuite si la diffrence de traitement entre les diffrents agents statutaires et contractuels est adquate, justifie et proportionne. Dans le cas despce, la Cour darbitrage a prcis que larticle 15 de la loi du 3 juillet 1978 relative au contrat de travail qui prvoit une prescription de 5 ans limite 1 an aprs la rupture du contrat de travail pour les agents contractuels ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution. Elle a ainsi prcis que la prescription quinquennale est la prescription applicable la plupart des actions nes dune relation de travail. La constatation quil existe encore quelques actions contractuelles, nes dune relation de travail, qui sont prescrites aprs 30 ans, ne peut amener juger la prescription quinquennale discriminatoire. Le principe dgalit et de non-discrimination aurait des consquences absurdes sil imposait dcarter une rgle, devenue gnrale en matire de prescription des actions en responsabilit contractuelle, ds lors quelle souffre encore quelques exceptions 19. 19 J. JACQMAIN, Prescriptionsde laction en responsabilit de lemployeur public lgard de son personnel , Actualits en bref 28 fvrier 2002, pp. 9-12. CA, 127/2001 du 16 octobre 2001 www.juridat.be.

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    10. Le principe dgalit et le principe mme des situations statutaire et contractuel

    La Cour du travail de Lige prcise bien en quoi toute diffrence de traitement entre agents statutaires et contractuels ne constitue pas ipso facto une discrimination au sens des articles 10 et 11 de la Constitution : une diffrence de traitement entre le personnel contractuel et le personnel statutaire dune mme entit se justifie par les statuts propres ces deux catgories de travailleurs. Ces statuts, qui forment chacun un tout homogne, ont leurs caractristiques propres, tant en ce qui concerne la rmunration au sens large, que les congs, que lvolution de carrire etc., chaque statut offre des avantages particuliers ou a ses inconvnients, de sorte quune diffrence de traitement entre ces deux catgories de travailleurs nest pas ncessairement discriminatoire 20. Le professeur J. JACQMAIN a pu souligner que le recours croissant lengagement par contrat dans le secteur public, obligeait les services du personnel matriser un corps de rgle ct de celles qui sappliquent aux agents statutaires et suscitait lclosion dun contentieux du contrat de travail. Mais plus fondamentalement, il invite lapproche comparative systmatique des situations juridiques de ces deux catgories de personnel, censes coexister21.

    3.Duredelengagement

    11. Prsentation A ct du contrat de travail dure indtermine et temps plein, la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail permet dautres engagements permettant une adaptation aux ncessits des activits conomiques fluctuantes et diverses : le contrat dure dtermine, pour un travail nettement dfini, de remplacement, domicile ou dtudiant. Dautres formules de travail comme les fonctions de reprsentants de commerce, le travail temps partiel, le recours lintrim ou des contrats de mise lemploi ou de stage constituent autant de formulent contractuelles offrent une souplesse certaine dans lorganisation dune relation de travail. Les hypothses dengagement par contrat dans la fonction publique sont limites des fins prcises, rpondre des besoins exceptionnels et temporaires en personnel, remplacer des agents absents, permettre daccomplir des tches auxiliaires et spcifiques ou pourvoir au recrutement de personnes hautement qualifies.

    20 C.T. Lige, 15 novembre 2005, J.L.M.B., 2007, p. 242. 21 J. JACQMAIN, Droit social de la fonction publique chronique de jurisprudence , C.D.P.K., 2001, p. 427.

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    Faut-il ncessairement conclure que lengagement dagents contractuels se fait essentiellement par le biais de contrats de remplacement, de contrats dure dtermine ou pour un travail nettement dfini ? Un examen plus attentif des faits semble indiquer un hiatus entre la thorie et la pratique22.

    12. Recours un contrat de travail limit dans le temps

    Les contrats de travail dure limite comme les contrats de remplacement, les contrats dure dtermine ou les contrats pour un travail nettement dfini doivent tre constats par crit pour chaque travailleur individuellement, au plus tard au moment de lentre en service de celui-ci. A dfaut davoir respect cette formalit lgale, ils sont requalifis en contrats dure indtermine. En labsence de signature dun contrat, lengagement est de facto conclu dure indtermine23. Madame LEURQUIN-DE VISSCHER24 a fait observer que la pratique semblait scarter des contraintes lgales. A lexception des contrats de remplacement qui sont gnralement conclus pour une dure dtermine, la plupart des contrats conclus par les Rgions sont conclu dure indtermine, en dpit de larticle 2 de lARPG. En effet, les besoins exceptionnels et temporaires devraient naturellement tre rencontrs par des contrats dure dtermine, les tches auxiliaires ou spcifiques pouvant ltre par des contrats conclu dure dtermine ou indtermine. Madame LEURQUIN-DE-VISSCHER explique cette pratique en partie par loubli dindiquer dans les contrats individuels la dure de lengagement mais galement par le fait quune personne maintenue en service alors quelle a t engage dure dtermine, bnficie du jeu de larticle 10 de la loi du 3 juillet 1978 sur le contrat de travail, lengagement tant alors cens avoir t conclu pour une dure indtermine. Cette pratique est la source des nombreuses difficults, parfois ressenties comme des discriminations, en raison de la coexistence de deux systmes de relation individuelle de travail dans la dure (statut et contrat de travail). Comment un service de gestion du personnel pourra-t-il combiner par exemple, lengagement par contrat et le systme de carrire, socle de tout statut, en maintenant une cohrence dans ses quipes ?

    22 Voyez en ce sens les citations ci-aprs de Mesdames LEURQUIN-DE VISCHER et JANVIER. 23 Sur certains drives de la pratique v., R. JANVIER, Recrutement dun agent contractuel (M/F) pour un service public, prt accepter linscurit quant son statut juridique , in Les agents contractuels dans la fonction publique rgionale, o.c., pp. 187-188. 24 F. LEURQUIN-DE VISCHER, Le personnel contractuel dans la fonction publique rgionale en Belgique in Les agents contractuels dans la fonction publique rgionale, o.c., p. 54.

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    4.Rmunrationdesagentscontractuels

    13. Prsentation En droit du travail et de la scurit sociale, la notion de rmunration varie dune loi lautre. Elle se distingue fondamentalement du traitement de lagent qui lorigine avait uniquement pour but de permettre lagent de tenir son rang dans la socit. La Cour de Cassation a dfini la notion de rmunration telle que reprise par la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail comme la contrepartie du travail effectu en excution dun contrat de travail25. Dans la mesure o le droit la rmunration est n de lexcution du contrat de travail et constitue la contrepartie du travail excut, sauf dispositions lgales ou conventionnelles drogatoires, le travailleur ne peut prtendre une rmunration durant la priode o, mme par le fait de lemployeur, il nexcute pas de travail26. Cependant, la loi du 3 juillet 1978 permet le maintien du salaire lagent contractuel pendant une priode limite en cas de maladie sous forme du salaire garanti. La rmunration dun agent contractuel est donc directement dpendante des prestations de travail effectues et non dune position administrative dactivit de services leur permettant de bnficier dun traitement dans diverses hypothses comme cest le cas pour les agents statutaires. En dpit de ces diffrences, la loi du 12 avril 1965 sur la protection de la rmunration sapplique aux deux relations de travail (contrat et statut). Les contestations relatives la rmunration des agents statutaires ou contractuels sont de la comptence des juridictions judiciaires27. 25 W. VAN EECKHOUTTE et V. NEUPREZ, Compendium de droit du travail, tome I, Kluwer, 2004-2005, pp. 902-904, spc. n3402. Cass., 20 avril 1977, J.T.T., 180 ; Cass., 3 avril 1978, J.T.T., 1978, 173 ; Cass., 22 fvrier 1982, C.D.S., 1982, 135 ; Cass., 16 mars 1992, J.T.T., 1992 (somm.), 218 ; Cass., 18 janv. 1993, J.T.T., 1993, 223 ; Cass., 9 mai 1994, C.D.S., 1994, 253 ; Cass., 11 septembre 1995, J.T.T., 1995, 433, note P. DE KOSTER ; Cass., 18 septembre 2000, J.T.T., 2000, 499. 26 W. VAN EECKHOUTTE et V. NEUPREZ, Compendium de droit du travail, tome I, Kluwer, 2004-2005, p. 908, n3409. Cass., 24 dcembre 1979, J.T.T., 1981, 52 ; Cass., 16 mars 1992, J.T.T., 1992 (somm.), 128 ; Cass., 26 avril 1993, J.T.T., 1993, 260. 27 CE, 28 juin 1988, n30.496, R.W., 1989-1990, 259, note W. LAMBRECHTS ; Cass., 19 octobre 1989, R.W., 1989-1990, 1185.

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    14. Modification de la rmunration ou dun de ses lments La rmunration des agents contractuels constitue un lment essentiel du contrat de travail qui ne peut tre modifi unilatralement par lemployeur public. En cas de modification unilatrale dun lment de la rmunration par lemployeur, le travailleur ou lemployer peut soit rclamer une excution en nature consistant dans le paiement de la rmunration convenue par les parties majore des intrts lgaux, soit invoquer lexistence dun acte quipollent rupture dans le chef de lemployeur. A loppos, le traitement des agents statutaires est rgi par la loi du changement. Lagent statutaire na pas de droit acquis sa rmunration qui peut toujours tre modifi pour lavenir28. Dans le secteur priv, les complments au salaire qui ne procdent pas dune libralit de lemployeur ont la mme nature conventionnelle que la rmunration : larticle 3 de la loi du 12 avril 1965 incite, dailleurs, les assimiler au salaire, la CCT n23 voque une rmunration qui inclut la prime de fin danne29. Cette tendance intgrer dans la rmunration les avantages et allocations diverses accordes aux agents statutaires nexiste pas30. Ds lors, les primes alloues aux agents contractuels sont intgres la rmunration et deviennent un lment essentiel de la relation de travail. Par consquent, toute modification importante et unilatrale de lemployeur public risque dtre considre comme un acte quipollent rupture dans son chef.

    15. Application conventionnelle aux agents contractuels des barmes prvus pour les agents statutaires

    La rmunration des agents contractuels est gnralement fixe dans un contrat standard qui fait souvent rfrence chelle barmique prvue lorigine pour les agents statutaires. La technique suscite quelque problme, comme lillustre un rcent arrt de la Cour de travail de Lige31. Une personne titulaire dun diplme darchitecte engage pour une dure de 6 mois par une commune. Dabord affecte des tches dadministration, elle conclut un nouveau contrat dure indtermine pour exercer les fonctions dagent technique (D7). La clause contractuelle qui fixait sa rmunration faisait rfrence lchelle D7 lui garantissant une rmunration comparable celle dun agent de lEtat exerant une fonction comparable.

    28 F. MASSON, Parlons dargent ! Heurts, bonheurs et malheurs de la protection de la rmunration in Une terre de droit du travail : les services publics, 2005, Bruylant, Bruxelles, p. 74 et rfrences cites in note n22. 29 J. JACQMAIN, Droit social de la fonction publique, tome I, ULB, PUB, p. 61-62. 30 Ibid., p. 62. 31 C.A. Lg, 19 dcembre 2006, R.R.D., 2007, p. 378 et s.

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    Constatant que dautres agents de la commune exerant des fonctions analogues bnficiaient de lchelle D9, lagente contractuelle a entam une procdure judiciaire ayant pour objet une rgularisation de sa rmunration sur base de lchelle barmique D9. La Cour a tranch le litige sur base de lexcution de bonne foi des conventions (article 1134, alina 3 du Code civil), et non pas en se fondant sur le principe de la convention loi. En effet, en labsence de base contractuelle permettant lagent public sous contrat de rclamer lapplication dune autre grille barmique qui corresponde aux fonctions rellement exerces, les juridictions du travail examinent si, conformment au principe de lexcution de bonne foi des conventions, lchelle barmique applique correspond bien la fonction relle de lagente compare celle des autres agents de la commune. Aux termes de linstruction de la cause, la Cour du travail a estim que lagente avait bien t rmunre une chelle barmique qui correspondait la fonction rellement exerce de sorte quelle ne peut bnficier de dommages et intrts quivalents une rgularisation de rmunration.

    16. Suspension de lexcution du contrat de travail des agents contractuels

    Il a t rappel quen droit du travail, la Cour de Cassation a dfini la notion de rmunration comme la contrepartie du travail effectu en excution du contrat de travail.32 Ds lors, le travailleur ne peut prtendre une rmunration durant la priode o, mme par le fait de lemployeur, il nexcute pas de travail sauf drogation lgale ou conventionnelle33. La loi du 3 juillet 1978 a ainsi prvu que le travailleur qui neffectuerait pas de prestations de travail conserverait malgr tout sa rmunration : salaire garanti en cas de maladie, vacances annuelles, impossibilit dentamer ou de poursuivre le travail, etc.34. A loppos, les agents statutaires bnficient des congs dfinis par le statut, le paiement du traitement tant dtermin par le statut au travers des positions administratives.

    32 W. VAN EECKHOUTTE et V. NEUPREZ, Compendium de droit du travail, tome I, Kluwer, 2004-2005, pp. 902-904, spc. N3402. Cass., 20 avril 1977, 180 ; Cass., 3 avril 1978, J.T.T., 1978, 173 ; Cass., 22 fvrier 1982, C.D.S., 1982, 135 ; Cass., 16 mars 1992, J.T.T., 1992 (somm.), 218 ; Cass., 18 janv. 1993, J.T.T., 1993, 223 ; Cass., 9 mai 1994, C.D.S., 1994, 253 ; Cass., 11 septembre 1995, J.T.T., 1995, 433, note P. DE KOSTER ; Cass., 18 septembre 2000, J.T.T., 2000, 499. 33 W. VAN EECKHOUTTE et V. NEUPREZ, Compendium de droit du travail, tome I, Kluwer, 2004-2005, p. 908, n3409. Cass., 24 dcembre 1979, J.T.T., 1981, 52 ; Cass., 16 mars 1992, J.T.T., 1992 (somm.), 128 ; Cass., 26 avril 1993, J.T.T., 1993, 260. 34 Voyez en ce sens, le chapitre consacr la suspension du contrat de travail in W. VAN EECKHOUTTE et V. NEUPREZ, Compendium de droit du travail, tome II, Kluwer, 2004-2005, pp. 1285-1432.

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    5.Ladisciplinedesagentscontractuels35

    17. Prsentation

    Lexercice du pouvoir disciplinaire, inhrent lorganisation pyramidale de ladministration et au systme de carrire dune relation de travail de type statutaire, ne peut tre transpos comme tel, dans la relation de travail reposant sur un contrat. Quasi inexistant en droit du travail, le contentieux disciplinaire des agents statutaires est par contre, trs important. En effet, les sanctions disciplinaires rpriment les manquements aux devoirs des agents statutaires36. Par contre, les articles 16 et 17 de la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail relatifs aux obligations gnrales du travailleur ne prvoient pas de sanction en cas de manquement loppos, par exemple, du Code du travail franais37. Leffet pervers rside dans la logique du tout ou rien pour lagent contractuel, si un problme se pose, le licenciement avec pravis, sanction ultime, intervient38.

    18. La loi du 8 avril 1965 sur les rglements de travail

    Si aucune disposition de la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail ne prvoit le principe de lapplication des sanctions disciplinaires lencontre dun travailleur, lide de discipline nest pas trangre cette relation de travail. Elle repose sur lexistence du lien de subordination. Elle est mise en uvre par la loi du 8 avril 1965 relative aux rglements de travail39. Le rglement de travail doit en effet noncer les pnalits, cest--dire les sanctions disciplinaires qui pourront trouver sappliquer en cas de manquement tabli et imput aux membres du personnel ; le montant et la destination des amendes, seule sanction disciplinaire voque par la loi ; ainsi que les manquements imputables aux membres du personnel susceptibles de donner lieu lapplication dune sanction40. De faon curieuse, larticle 19 bis insr par la loi du 18 dcembre 2002 exclut pour la majorit des services publics, soit ceux qui ntaient pas rgis par la loi de 1965 avant lentre en vigueur de la loi du 18 dcembre 2002, lapplication de lintgralit des articles prvus au chapitre IV Pnalits. Ceci a pour consquence de rendre inapplicable notamment larticle 16 de la loi du 8 avril 1965

    35 M. DETRY et D. CASTIAUX, Les contractuels et la discipline : quelles spcificits ? in Une terre de droit du travail : les services publics, 2005, Bruylant, Bruxelles, pp. 193-236. 36 J. JACQMAIN, Droit social de la fonction publique, tome I, ULB, PUB, p. 135. 37 Ibid., p. 135. Article L. 122-40 du Code du travail franais. Lamy social 2007, Kluwer, 2007, pp. 1042-1084. 38 M. DETRY et D. CASTIAUX, Les contractuels et la discipline : quelles spcificits ? , o.c., p. 194. 39 W. VAN EECKHOUTTE et V. NEUPREZ, Compendium de droit du travail, tome I, Kluwer, 2004-2005, p. 629. 40 M. DETRY et D. CASTIAUX, Les contractuels et la discipline : quelles spcificits ? , o.c., p. 205.

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    instituant les rglements de travail qui prvoit que seules les pnalits prvues par le rglement de travail peuvent tre appliques41.

    Toutefois, ce principe figure larticle 6,6 de la loi de 1965 sur le rglement de travail. Il ressort en outre, du principe Nulla poena sine lge qui sapplique galement en matire disciplinaire42.

    19. Sanctions disciplinaires

    Les sanctions figurant habituellement dans les statuts sont-elles transposables la relation de travail reposant sur un contrat ? Les sanctions telles que la remarque verbale, lavertissement, la rprimande, le blme, une note figurant dans le dossier personnel, la suspension temporaire des fonctions sans perte de rmunration, lamende, la mise pied avec perte de rmunration, la rtrogradation, ainsi quventuellement, le licenciement ventuellement pour motif grave43, peuvent-elles tre infliges un agent contractuel ? Assurment non, comme lindique justement Madame JANVIER, certains sanctions ne sont pas compatible avec la nature mme du contrat de travail (rtrogradation, retenue sur salaire), dautres sanctions telles que lavertissement, la rprimande ou le blme, qui ne portent pas atteinte au droit pcuniaire du travailleur, sont possibles, mais la question reste de savoir si, pour cela, un rglement disciplinaire est rellement indispensable, avec toutes les formalits administratives quil implique obligatoirement en gnral 44. La transposition pure et simple des sanctions disciplinaires statutaires se heurte diffrents obstacles. Dune part, larticle 25 de la loi du 3 juillet 1978 relative au contrat de travail prvoit que toute clause par lequel lemployeur se rserve le droit de modifier unilatralement les conditions de travail est nulle. Dautre part, larticle 51 de la loi du 5 dcembre 1968 dispose que les clauses dun rglement de travail ne peuvent droger une loi imprative, hirarchiquement suprieure45. Concrtement, les sanctions disciplinaires de rtrogradation, de mise pied avec ou sans perte de rmunration portent potentiellement atteinte un lment essentiel du contrat de travail de lagent contractuel. Les dispositions du rglement de travail prvoyant ces sanctions sont ds lors susceptibles dtre juges contraires larticle 25 de la loi du 3 juillet 1978, disposition imprative hirarchiquement suprieure.

    41 Larticle 17 qui prvoit le respect dune procdure stricte posant la notification de la sanction disciplinaire au plus tard le premier jour ouvrable suivant celui au cours duquel le manquement tait constat et les articles 18 et 19 qui prvoient une limitation des amendes au cinquime de la rmunration journalire ainsi que laffectation du produit des amendes dans lintrt des travailleurs sont tout aussi inapplicables. 42 M. DELMAS-MARTY, Rflexions sur le pouvoir disciplinaire , Rev. Trim. D.H., 1995, pp. 155-160. 43 M. DETRY et D. CASTIAUX, Les contractuels et la discipline : quelles spcificits ? , o.c., p. 212. 44 R. JANVIER, Recrutement dun agent contractuel (M/F) pour un service public, prt accepter linscurit quant son statut juridique , in Les agents contractuels dans la fonction publique rgionale, o.c., p. 194. 45 M. DETRY et D. CASTIAUX, Les contractuels et la discipline : quelles spcificits ? , o.c., p. 219 ainsi que la jurisprudence cite note n65.

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    Deux arrts de la Cour de Cassation sont intervenus cet gard. Dans un premier arrt du 4 dcembre 197546, la Cour de Cassation a examin la licit des sanctions disciplinaires de rtrogradation prononces lencontre dun agent contractuel sous lempire de la loi du 10 mars 1900 sur le contrat de travail, soit avant lentre en vigueur de larticle 25 de la loi du 3 juillet 1978. Elle a considr que la sanction disciplinaire de rtrogradation ne constituait pas ncessairement une modification unilatrale des conditions de travail et ce, en dpit du fait quelle entranait une diminution de la rmunration du travailleur47. Dans un deuxime arrt du 10 octobre 19848, la Cour de Cassation a examin la mme question aprs lentre en vigueur de larticle 25 de la loi du 3 juillet 1978. Une enseignante du rseau de lenseignement libre subventionn nomme titre dfinitif tait retombe dans une nomination provisoire, suite une mesure disciplinaire, et avait t licencie trois mois plus tard moyennant pravis49. La Cour de Cassation a considr que les dispositions du statut disciplinaire50 ne pouvaient droger au principe de linterdiction de modifier unilatralement les conditions de travail inscrit larticle 25 de la loi du 3 juillet 1978 et savraient ds lors illicites. Le Conseil dEtat a considr lui aussi que la suspension du contrat de travail comme sanction disciplinaire ne sapplique quau personnel statutaire et non aux agents contractuels dans la mesure o la suspension peut tre analyse comme une modification unilatrale dun lment essentiel du contrat de travail51. Ces positions de la Cour de Cassation et du Conseil dEtat selon lesquelles les sanctions disciplinaires prvues par le rglement de travail ne peuvent modifier les lments essentiels du contrat de travail ont t critiques notamment par Mesdames DETRY et CASTIAUX. Ces dernires expliquent que la loi du 8 avril 1965 a expressment confi aux seuls rglements de travail le soin ddicter des sanctions disciplinaires, de sorte que les mentions du rglement de travail qui font application de la loi du 8 avril 1965 et prvoient des sanctions disciplinaires, interviennent sur base dune dlgation expresse du lgislateur. Elles font en quelque sorte disparatre le conflit de normes. La Cour de Travail de Bruxelles dans un arrt du 22 juin 1990 sest prononce en ce sens : q il nexiste donc pas de conflit de normes au sens de larticle 51 de la loi du 5 dcembre 1968 entre, dune part, le contrat de travail qui prvoit dans ses dispositions la fonction quexercerait normalement le travailleur et le salaire correspondant et, dautre part, le rglement de travail qui indique les sanctions disciplinaires et parmi celles-ci la rtrogradation que subira le

    46 Cass., 4 dcembre 1975, Pas., 1976, I, p. 420. 47 M. DETRY et D. CASTIAUX, Les contractuels et la discipline : quelles spcificits ? , o.c., p. 217. 48 Cass., 10 octobre 1988, J.T.T., 1988, 491. 49 M. DETRY et D. CASTIAUX, Les contractuels et la discipline : quelles spcificits ? , o.c., p. 217. 50 Cet arrt est intervenu avant lentre en vigueur de la loi du 18 dcembre 2002 rendant applicable la loi de 1965 sur le rglement de travail aux services publics de sorte que la sanction tait prvue par le statut disciplinaire et non dans un rglement de travail. 51 CE, arrt n40.884 du 29 octobre 1992. M. DETRY et D. CASTIAUX, Les contractuels et la discipline : quelles spcificits ? , o.c., p. 286 ainsi que la doctrine cite note n230.

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    travailleur en cas de manquement sa fonction (. . .) 52. Elle a considr que la sanction de rtrogradation prvue dans le rglement de travail est rgulire puisque les sanctions disciplinaires et pnalits trouvent leur fondement dans la loi du 8 avril 1965. La Cour du travail de Lige a galement admis que le rglement de travail puisse prvoir une suspension dans lexcution du contrat de travail sans paiement de rmunration titre de sanction disciplinaire53. La sanction doit nanmoins tre proportionne aux faits commis54. La question de la lgalit des sanctions disciplinaires qui modifient des conditions de travail convenues entre parties demeure, ds lors, controverse.

    20. Les amendes administratives

    Le droit du travail consacre la possibilit dinfliger des amendes aux travailleurs condition quelles soient prvues par le rglement de travail55. La limitation du montant de ces amendes au cinquime de la rmunration journalire et leur affectation au profit des travailleurs56 ne sont pas applicables aux agents contractuels pour lesquels le service public ne devait pas dresser un rglement de travail avant lentre en vigueur de la loi du 18 dcembre 2002. Ces amendes de mme que lensemble des pnalits prononces doivent rpondre au principe de lgalit des sanctions disciplinaires. Si larticle 16 de la loi du 8 avril 1965 instituant un rglement de travail qui prvoit que seules les pnalits prvues par le rglement de travail peuvent tre appliques a t exclu pour les employeurs publics viss larticle 19 bis de la loi, le principe gnral nulla poena sine lege est applicable en matire disciplinaire57.

    52 C.T. Bruxelles, 22 juin 1990, CDS, 1991, pp. 311-314. et M. DETRY et D. CASTIAUX, Les contractuels et la discipline : quelles spcificits ? , o.c., p. 220. 53 W. VAN EECKHOUTTE et V. NEUPREZ, Compendium de droit du travail, tome II, Kluwer, 2004-2005, p. 1432, n 4837. C.T. Lige, 23 novembre 1983, RDS, 1985, 248 ; C.T. Lige, 18 dcembre 2000, JTT, 2001, 210. 54 C.T., Lige, 18 dcembre 2000, o.c., 210. 55 Larticle 6, 6 de la loi du 8 avril 1965 sur les rglements de travail et larticle 23 de la loi du 12 avril 1965 relative la protection et la rmunration des travailleurs. 56 Prvus par les articles 18 et 19 de la loi de 1965 instituant les rglements de travail. 57 M. DETRY et D. CASTIAUX, Les contractuels et la discipline : quelles spcificits ? , o.c., p. 212 ; Ce principe est rappel par larticle 6, 6 de la loi de 1965 sur le rglement de travail le rglement de travail doit indiquer : 6 les pnalits, le montant et la destination des amendes et le manquement quelles sanctionnent .

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    21. La procdure disciplinaire La procdure en matire disciplinaire est prvue par larticle 17 de la loi du 8 avril 1965 relative au rglement de travail : sous peine de nullit, les pnalits doivent tre notifies par lemployeur ou son prpos ceux qui les ont encourues au plus tard le premier jour ouvrable suivant celui o le manquement a t constat. Avant la date du plus proche paiement de la rmunration, lemployeur est tenu dinscrire la pnalit applique dans un registre contenant, en regard des noms des travailleurs qui en font lobjet, la date, le motif ainsi que la nature de la pnalit et le montant de celle-ci, sil sagit dune amende. Le registre doit tre produit toute rquisition des fonctionnaires et agents comptents . Cette procdure et lintgralit du chapitre IV relatif aux pnalits ne sont pas applicables aux agents contractuels des services publics58. Par consquent, larticle 6 de la Convention Europenne des Droits de lHomme et les principes gnraux du droit dgags par le Conseil dEtat dans le cadre du contentieux disciplinaire de la fonction publique constituent les seules balises. Nous avons dj prcis le champ dapplication limit de larticle 6 de la Convention Europenne des Droits de lHomme59. Les principes gnraux de droit tels que relevs et appliqus par le Conseil dEtat dans le cadre du contentieux disciplinaire de la fonction publique60 rejoignent les principes dduits des droits de la dfense dans le contentieux disciplinaire contractuel61 : il sagit de communiquer lagent les griefs sur lesquels lemployer se fonde pour envisager la sanction, daccorder un dlai suffisant pour la prparation de la dfense, dautoriser la consultation du dossier et doffrir la possibilit dtre entendu, ventuellement accompagn par un avocat ou un dlgu syndical ou tout le moins de pouvoir faire valoir ses observations62. Le principe dimpartialit selon lequel lautorit qui prononce une peine disciplinaire ne peut tre celle qui a initi la procdure, ou une personne personnellement mise en cause par lintress63. Un devoir de diligence lmentaire implique que lautorit se rserve les preuves du soin quelle a mis recueillir les faits et du caractre raisonnable de la dcision64. Enfin, lautorit administrative a lobligation de statuer dans un dlai raisonnable65. 58 En vertu de larticle 19 bis de la loi. 59 V. Supra, chapitre 1, section 2, 1, A ; B. LOMBAERT, La Convention europenne des droits de lhomme dans le contentieux de la fonction publique belge , Droit et justice 32, Nemesis et M. NC, La fonction publique et larticle 6 de la convention europenne des droits de lhomme, Nemesis, Bruylant ; CEDH, Pellegrin c/ France, Rev. Trim. DH., 2000, p. 819 et s. 60 D. BATSELE, Le rgime disciplinaire in Prcis de la fonction publique, Bruylant, 1994, p. 409 et s. 61 V. VANNES, Le droit disciplinaire dans lentreprise , Rev. dr. ULB., 1991, p. 161 et s. 62 M. DETRY et D. CASTIAUX, Les contractuels et la discipline : quelles spcificits ? , o.c., p. 228. 63 Ibid., p. 229. D. BATSELE, Le rgime disciplinaire in Prcis de la fonction publique, Bruylant, 1994, p. 409, n640 ; P. VANDERNOOT, La fonction publique et la procdure disciplinaire , A.P.T., 1991, p. 210. 64 M. DETRY et D. CASTIAUX, Les contractuels et la discipline : quelles spcificits ? , o.c., p. 230 et C.E., 8 juillet 1982, Zoete, n22.446. 65 M. DETRY et D. CASTIAUX, Les contractuels et la discipline : quelles spcificits ? , o.c., p. 230. C.E., 18 juin 1986, Coumans, n26.685 ; C.E., 31 janvier 1990, Lorent, n33.912.

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    22. Recours Le systme de chambre de recours compose paritairement de reprsentant de lautorit et de reprsentants syndicaux, impos par lARPG, nest pas transposable aux agents contractuels66. Les dcisions disciplinaires de lautorit ne peuvent tre contestes que devant le tribunal du travail sur base de larticle 578,1 du code judiciaire.

    6.Modificationunilatraledunlmentducontratdesagentscontractuels

    23. Prsentation

    La loi du changement , selon la trs piquante prcision du Professeur Jacqmain, attribut aussi clbre que mystrieux que la fonction publique 67, permet lemployeur public de modifier unilatralement les lments de statut sans que le personnel puisse invoquer des droits acquis pour y faire obstacle68. Le contrat de travail dtermine les droits et obligations des parties et ne peut tre modifi que de laccord des parties, sous rserve dun ventuel vice de consentement, une modification du contrat dfavorable un travailleur pouvant avoir t obtenu par erreur, extorqu par violence morale69. Le professeur FORIERS souligne qu voquer lide quun contrat puisse tre modifi unilatralement relve de prime abord de lhrsie : pacta sunt servanda 70.

    24. La loi du changement applique aux agents statutaires

    Les consquences de la loi du changement sont bien connues. Une autorit publique peut modifier les rgles dorganisation dun service public, en ce compris le statut qui sapplique aux agents qui ne peuvent faire valoir aucun droit acquis71. Le statut tant une norme valeur rglementaire, la modification apporte doit ncessairement revtir la forme dune disposition gnrale, concerner tous les agents ou une catgorie dfinie de ceux-ci, sans jamais viser un cas individuel72.

    66 Ibid., p. 233. 67 J. JACQMAIN, In terra incognita note sous T.T. Bruxelles, 26 mars 1991, C.D.S., 1992, p. 463. 68 S. GILSON et L. DEAR, La modification unilatrale des conditions de travail : un fait unique, des consquences multiples et varies in Une terre de droit du travail : les services publics, 2005, Bruylant, Bruxelles, p. 241. 69 W. VAN EECKHOUTTE et V. NEUPREZ, Compendium de droit du travail, tome I, Kluwer, 2004-2005, p. 624. 70 P.A. FORIERS, Pacta sunt sevanda in Le droit des affaires en volution La modification unilatrale du contrat, Journe du juriste dentreprise 24 octobre 2002, Bruylant, Bruxelles, 2003, p. 3. 71 J. SAROT (Dir.), Prcis de fonction publique, Bruylant, Bruxelles, 1994, p. 13. 72 A. MAST, A. ALEN et J. DUJARDIN, Prcis de droit administratif belge, 1989, Story-Scientia, p. 142 et J. SAROT, Prcis de fonction publique, Bruylant, Bruxelles, 1994, p. 14.

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    En matire de rmunration, si lagent statutaire na pas de droits acquis au montant de sa rmunration73 il a un droit la rmunration pour le travail accompli74.

    25. Le ius variandi de lemployeur en droit commun du travail Le droit du travail consacre sous certaines conditions la possibilit pour lemployeur de modifier unilatralement certaines conditions de travail. Ce droit de modification ou ius variandi a t dvelopp par la jurisprudence et la doctrine sans que son fondement juridique soit clairement tabli. Une certaine ide de lautorit 75 ou de lentreprise, en tant que situation de fait implique pour certains, que lemployeur dispose dun certain droit de modification afin dassurer une direction efficace lentreprise76. Nest sans doute pas trangre, lide du caractre partiellement indtermin de la prestation de travail, consquence du fait que le travailleur met sa force de travail disposition de lemployeur pour une priode dtermine ou indtermine77. Si le fondement du ius variandi est incertain, ce droit de modification unilatrale par lemployeur nest pas absolu. Ces contours ont dailleurs t strictement dfinis par la jurisprudence de la Cour de Cassation. Dans un premier temps, la Cour de Cassation a considr que larticle 25 de la loi du 3 juillet 1978 qui interdit les clauses contractuelles autorisant lemployeur modifier unilatralement le contrat de travail ne visait que les lments essentiels du contrat et non les lments accessoires78. La Cour de Cassation a ensuite indiqu que les conditions convenues ne pouvaient tre modifies unilatralement79 : le ius variandi de lemployeur se limite aux conditions accessoires qui nont pas t fixes contractuellement 80. Bien quil y ait des controverses sur ltendue du ius variandi81, la modification unilatrale importante dun lment essentiel du contrat par lemployeur est illicite82. 73 J. BOURTEMBOURG, Elments de rflexions sur les statuts pcuniaires , A.P.T., 1990, p. 20. 74 S. GILSON et L. DEAR, La modification unilatrale des conditions de travail : un fait unique, des consquences multiples et varies in Une terre de droit du travail : les services publics, 2005, Bruylant, Bruxelles, p. 277 ainsi que jurisprudence cite note n185. 75 M. JAMOULLE, Le contrat de travail, I, Lige, Facult de Droit, dEconomie et Sciences sociales de Lige, 1982, 154. 76 W. VAN EECKHOUTTE et V. NEUPREZ, Compendium de droit du travail, tome I, Kluwer, 2004-2005, p. 626 ; D. DUYSES, Algemene wijze van beindiging van de arbeisovereenkomst. Ontbinding, Onderlinge toestemming, Nietigverklaring, Schuldvernieuwing in Arbeidsrecht, Bruges, La Charte, II-5a-96 ; P. BLONDIAU, Syllabus de droit du travail approfondi, Facult de droit, Louvain-la-Neuve, 2004-2005, p. 28. 77 W. RAUWS, Civielrechterlijke beingingswijzen van de arbeidsovereenkomst ; nietigheid, ontbinding en overmacht, Anvers, Kluwer, 1987, 316. 78 Cass., 14 octobre 1991, J.T.T., 1991, p. 464. 79 Cass. 23 juin 1997, R.W., 1997-1998, 1372. 80 C.T. Bruxelles, 22 mai 2002, C.D.S., 2003, p. 182 ; C.T. Lige, 16 fvrier 1998, J.T.T., 1998, p. 432.

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    26. Inapplication de la loi du changement aux agents contractuels Du fait de son statut dautorit publique, lEtat, la Communaut ou la Rgion peuvent-ils modifier unilatralement les conditions de travail dun agent contractuel plus largement sur base de la loi du changement ? La rponse varie selon que laccent est mis sur le statut dautorit publique et ses lois du service public ou sur le lien contractuel83. BUTTGENBACH et DEMBOUR ont dfendu la thse selon laquelle les agents contractuels taient galement soumis la loi du changement de sorte que lautorit avait le pouvoir de modifier unilatralement les conditions de travail de lagent contractuel : mme lintrieur du lien contractuel, ladministration conserve toujours le droit de modifier unilatralement la situation juridique de lagent, en vertu de la loi du changement, et, prcisment, parce que nonobstant le contrat, lagent se trouve en situation lgale et rglementaire. (. . .). La loi du changement a ici pour effet dinterdire lagent la revendication de lexcution en nature des obligations contractuelles initiales de ladministration, lorsque cette excution contredit lintrt du service public. Pour le reste, le contrat subsiste bien entendu en dpit de la modification impose 84. Les deux grands auteurs ligeois sinspiraient de la thorie franaise des contrats administratifs85 qui na cependant pas t reue dans les mmes termes en droit belge.

    Cette thse a ds lors logiquement t conteste tant par la doctrine que par la jurisprudence. Lautorit qui a conclu un contrat de travail ne peut faire limpasse sur lessence mme de la relation contractuelle (. . .) lautorit ne peut se rserver le droit de modifier les dispositions 81 Nous renvoyons aux nombreuses tudes sur le sujet. Entre autres, P. BLONDIAU, La porte de larticle 25 de la loi du 3 juillet 1978. Les clauses relatives aux conditions de travail in V. VANNES, Clauses spciales du contrat de travail, Actes du colloque organis par la Confrence du jeune Barreau de Nivelles le30 avril 2003, pp. 30 44 ; P. BLONDIAU, Th. CLAEYS, B. MAINGAIN et E. CARLIER, La rupture du contrat de travail Chronique de jurisprudence 1996-2001, Larcier, Bruxelles, 2003, pp. 193 204 ; P. BLONDIAU et C. WANTIEZ, La rupture du contrat in Le contrat de travail dix ans aprs la loi du 3 juillet 1978, Story-Scientia, 1989, pp. 242-249 ; J. CLESSE, Cong et contrat de travail, d. Collect. Scientifique de la Facult de Droit de Lige, 1992, pp. 61-87 ; J. CLESSE et F. KEFER, Examen de jurisprudence (1995 2001) Contrat de travail , R.C.J.B., 2003, pp. 199 200 ; J.-F. FUNCK, Les fondements de lacte quipollent rupture , 1990, pp. 333-336 ; V. VANNES, Le contrat de travail : Aspects thoriques et pratiques, Bruylant, Bruxelles, 2me d., 2003, pp. 883-898 ; W. VAN EECKHOUTTE et V. NEUPREZ, Compendium de droit du travail, tome II, Kluwer, 2004-2005, pp. 1699-1720. 82 C.T. Lige, 23 mai 1984, R.D.S., 1985, 326 ; C.T. Anvers, 18 mars 1994, R.W., 1994-1995, 575. 83 S. GILSON et L. DEAR, La modification unilatrale des conditions de travail : un fait unique, des consquences multiples et varies in Une terre de droit du travail : les services publics, 2005, Bruylant, Bruxelles, p. 281 et R. JANVIER, Contracten in overheidsdienst, Mys & Breesch, Gand, 1997, p. 161. 84 A. BUTTGENBACH et J. DEMBOUR, Nature du lien juridique unissant les administrations publiques leurs agents , R.J.D.A., 1958, p. 3 cit in S. GILSON et L. DEAR, La modification unilatrale des conditions de travail : un fait unique, des consquences multiples et varies , o.c., p. 282. 85 S. GILSON et L. DEAR, La modification unilatrale des conditions de travail : un fait unique, des consquences multiples et varies , o.c., p. 282 et M. PQUES, De lacte unilatral au contrat dans laction administrative, Story-Scientia, Bruxelles, 1991, n211.

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    essentielles du contrat de travail au nom des ncessits du service public, peine de faire disparatre les notions mmes de contrat et de statut 86. Par ailleurs et dun point de vue plus technique, la loi du changement est un principe gnral de droit administratif non crit, susceptible linterdiction lgale de modifier les conditions essentielles du contrat de travail rsultant des articles 20, 1 et 25 de la loi du 3 juillet 1978 qui sont reconnus comme impratifs87.

    27. Illustrations jurisprudentielles

    Trois arrts de la Cour du travail de Lige qui ont cart le pouvoir de modification unilatrale bas sur la loi du changement de lemployeur public ont t mis en avant par la doctrine88. Dans un arrt du 10 juin 2004, la Cour du travail de Lige 89 a examin la situation de Madame B. engage par le Centre Rgional dAide aux Communes avec le grade B3, affecte dans un premier temps au secrtariat du Directeur Gnral, et ensuite raffecte un pool de dactylos . La cour a retenu la qualification dacte quipollent rupture, compte tenu de la modification unilatrale dun lment essentiel du contrat de travail. Dans un autre cas, la Cour du travail de Lige a eu se prononcer sur le licenciement pour motif grave de Madame S. engage en qualit de secrtaire au sein de la brigade de gendarmerie de Lontzen. Cette dernire, qui refusait son affectation Verviers, vu limportance des frais de dplacement, avait t licencie pour motif grave sur base dune insubordination. Dans cet arrt, la Cour du travail de Lige a prcis que si lgard dun membre statutaire, lautorit peut imposer une mutation, il nen va pas de mme vis--vis dun membre du personnel sous contrat de travail, surtout lorsque, comme en lespce, la modification propose lui cause un prjudice financier 90. Par consquent, son licenciement pour motif grave a t jug non fond. Enfin, dans un arrt du 28 avril 1994, la Cour du travail de Lige a estim que la modification des horaires et matires enseigner dun enseignant de lenseignement tait un acte quipollent rupture dans le chef de son employeur. Aprs un examen minutieux des modifications imposes, la Cour a jug que bien que la modification de la matire enseigne ne soit pas un lment essentiel du contrat, une telle modification ne peut tre admise dans la mesure o elle nest pas justifie par les besoins du service (lorganisation de la grille horaire) de sorte quelle entrane la rupture du contrat91. 86 J. SAROT (Dir.), Prcis de fonction publique, Bruylant, Bruxelles, 1994, p. 21. 87 C. WANTIEZ, Dispositions impratives et dordre public en droit du travail in Liber amicorum Pierre Marchal, Bruxelles, Larcier, 2003, p. 443 et s. 88 S. GILSON et L. DEAR, La modification unilatrale des conditions de travail : un fait unique, des consquences multiples et varies , o.c., pp. 292-294. 89 C.T. Lige, 10 juin 2004, indit, R.G. n7.248/2002 cit in S. GILSON et L. DEAR, La modification unilatrale des conditions de travail : un fait unique, des consquences multiples et varies , o.c., p. 292. 90 C.T. Lige, 7 dcembre 1995, C.D.S., 1997, p. 140. 91 C.T. Lige, 28 avril 1994, R.R.D., 1994, p. 594.

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    28. Ius variandi de lemployeur public de lagent contractuel

    Ltendue du ius variandi de lemployer public vis--vis des agents contractuels est celui dgag en droit du travail pour les acteurs privs92. Il est li aux ncessits de fonctionnement du service public, mais ne peut viser que des lments secondaires de la relation de travail

    29. Sanction en cas de modification unilatrale irrgulire des conditions de travail

    A lexception des modifications unilatrales de lemployeur dans le cadre strictement dfini du ius variandi, la modification unilatrale des conditions de travail par lemployeur constitue un manquement contractuel qui permet au travailleur, lorsque les conditions sont runies, dinvoquer une rupture dans le chef de lemployeur dans la mesure o la modification unilatrale peut tre qualifi dacte quipollent rupture, de solliciter la rsolution judiciaire du contrat de travail suite une faute de lemployeur ou de rclamer en justice lexcution force du contrat.

    7.Ruptureducontratdetravaildesagentscontractuels

    30. Prsentation

    Lagent statutaire a vocation faire carrire dans ladministration jusqu sa pension et bnficie dune stabilit demploi. Ds lors, les cas de rupture du lien statutaire avant larrive de lge de la pension sont limits et peu frquents93. Les modes de rupture du contrat de travail des agents contractuels rpondent des rgles propres94. La rupture du contrat de travail des agents contractuels est rgie par les modes gnraux dextinction des obligations (la rsiliation de commun accord, la rsolution judiciaire, la condition rsolutoire, lvnement du terme, la novation, lannulation, la force majeure). Elle peut intervenir par lexpiration du terme, par lachvement du travail en vue duquel le travail a t conclu, par la volont unilatrale de lune des parties que ce soit moyennant pravis ou paiement dune indemnit, en cas de motif grave de rupture ou par la mort du travailleur. La qualit publique de lemployeur emporte dautres spcificits.

    92 M. PQUES et G. PARTSCH, Lhypothse du contrat dans la fonction publique locale , RDS, 1996, p. 10. 93 Supra, Chapitre 2, section 1, 5. 94 Article 32 de la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail.

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    31. Identification de lemployeur Il est parfois dlicat didentifier, au sein dune administration, la personne qui est comptente pour dcider et procder au licenciement95. En cas de licenciement, la lettre de rupture du contrat de travail moyennant pravis doit maner de la personne comptente. Les mmes contraintes sappliquent lenvoi dune lettre de dmission. A dfaut, le dlai de pravis peut tre considr comme nul. La consquence rside dans la rupture immdiate du contrat de travail ouvrant droit une indemnit de rupture96. Le sujet est dautant plus dlicat en cas de licenciement pour motif grave compte tenu des dlais trs courts imposs par larticle 35 de la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail. Le point de dpart du double dlai de 3 jours dbute partir du moment o la personne comptente pour le licenciement a une connaissance suffisante des faits justifiant le licenciement. En outre, le cong et lexpos des motifs graves doivent maner de cette mme personne.

    32. Illustration

    Dans un arrt du 8 juin 2005, la Cour du Travail de Lige a t confronte la difficult didentifier lemployeur du personnel de la conservation des hypothques97. LONSS avait assign le conservateur des hypothques en rclamation de cotisations sociales sur des primes payes aux membres du personnel de la conservation des hypothques. Ce dernier avait t condamn en premire instance au paiement desdites cotisations de scurit sociale. En appel, le conservateur des hypothques soutenait dans un premier temps ne pas tre lemployeur du personnel, prcisant quil sagissait de lEtat belge, administration centrale du cadastre, de lenregistrement et des domaines. La Cour du travail de Lige, se fondant sur larrt du Rgent du 1er juillet 1949 devenu larrt-loi du 19 septembre 1962 et sur lavis de la section de lgislation du Conseil dEtat, a considr que le conservateur des hypothques tait bien lemployeur. La Cour a considr que les primes octroyes par le conservateur des hypothques aux membres du personnel entraient dans la dfinition de la rmunration prvue larticle 2 de la loi du 12 avril 1965 concernant la protection de la rmunration et faisait ds lors partie de lassiette des cotisations de scurit sociale.

    33. Anciennet

    En droit du travail, le dlai de pravis ou lindemnit compensatoire de pravis auquel a droit lemploy ou louvrier sous contrat de travail varie en fonction de son anciennet permet.

    95 R. JANVIER, Recrutement dun agent contractuel (M/F) pour un service public, prt accepter linscurit quant son statut juridique , in Les agents contractuels dans la fonction publique rgionale, o.c., p. 192. 96 Ibid., p. 192. 97 C.T. Lige, 8 juin 2005, J.T.T., 2006, pp. 32-34.

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    Comment calculer lanciennet lorsque plusieurs contrats ont t conclus, un contrat de travail tant prcd dun contrat relevant du 3me circuit du travail (contractuel subventionn, ACS, etc) ? En vertu des articles 59 et 82 de la loi du 3 juillet 1978, lanciennet doit tre apprcie au moment o le pravis prend cours et comporte les annes passes au service de la mme entreprise (article 59) ou au service du mme employeur (article 82)98. Le professeur JAMOULLE estime que le lien de subordination doit servir dans la dtermination la notion danciennet, le concept permettant dinfrer une sorte de lien dentreprise . Il implique de considrer toutes les priodes globalement consacres lactivit professionnelle dans une mme unit de production, transcendant en quelque sorte, les dcoupages contractuels et les ventuels changement de personnes la tte de lentreprise99. Cette rponse est transposable au secteur public, lanciennet doit tenir compte de lensemble des formules de travail qui se sont succdes sans interruption100.

    34. Principe de laudition pralable

    Le principe de laudition pralable (audi alteram partem) a t rig au rang de principe gnral, en cas dadoption de mesures disciplinaires, mais galement de mesures non disciplinaires prises lencontre dun agent lorsquelle est grave et prise en raison de son comportement (mesure prise en cas de manquements professionnels...), mais encore en cas de mesures qui portent gravement atteinte un droit ou un intrt dun administr101. Il merge galement dans le cadre du licenciement dun agent contractuel bien quil puisse entrer en conflit avec les dlais prvus par larticle 35 de la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail (licenciement pour motif grave) qui prvoit un double dlai de 3 jours dune part, entre la connaissance des faits et le licenciement et, dautre part, entre le licenciement et la notification des motifs.

    98 M. JOURDAN, La rupture de la relation de travail des membres du personnel soumis la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail in Une terre de droit du travail : les services publics, 2005, Bruylant, Bruxelles, p. 281 et R. JANVIER, Contracten in overheidsdienst, Mys & Breesch, Gand, 1997, p. 317. 99 Ibid., p. 317 et M. JAMOULLE, Le contrat de travail, II, Lige, Facult de Droit, dEconomie et Sciences sociales de Lige, 1986, pp. 283-285. 100 M. JOURDAN, La rupture de la relation de travail des membres du personnel soumis la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail in Une terre de droit du travail : les services publics, 2005, Bruylant, Bruxelles, p. 317. 101 M. JOURDAN, La rupture de la relation de travail des membres du personnel soumis la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail in Une terre de droit du travail : les services publics, 2005, Bruylant, Bruxelles, pp. 342-343.

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    Laudition pralable de lagent ne simpose quau cas, frquent, o lautorit est en prsence dlments contradictoires102. Ce principe ne ressort pas des droits de la dfense au sens strict mais du principe dquitable procdure. Dans la mesure o il nest pas considr comme relevant de lordre public, son respect doit tre demand par le travailleur103. Par un arrt du 10 dcembre 2003, la Cour du travail de Bruxelles a considr quune commune aurait d procder laudition de son agente contractuelle afin dtre informe de manire compltement objective des circonstances de fait qui prcdaient son licenciement et viter tout risque derreur ou de contestation104. Elle invoque les principes gnraux de bonne administration et daudition pralable qui, dans le souci du respect des droits de la dfense, imposent dentendre lintresse. La rfrence au principe de laudition pralable figure dans les arrts de la Cour du travail de Bruxelles du 26 novembre 2002 et les jugements du Tribunal du travail de Bruxelles des 1er septembre 2003, 19 mars 2003 et 30 octobre 2000105. Dans ces affaires, labsence daudition de lagent contractuel dans le secteur a t sanctionne par des dommages et intrts, encore faut-il que le travailleur puisse dmontrer dune part, avoir perdu une chance de conserver son emploi et dautre part, la ralit de son prjudice.

    35. La motivation du licenciement

    La loi du 29 juillet 1991 relative la motivation formelle des actes administratifs sapplique aux actes unilatraux porte individuelle manant dune autorit administrative106. La notion dautorit administrative ne prsente aucune spcificit lorsque la relation individuelle de travail repose sur un contrat. Dans un jugement rendu le 30 octobre 2000, le tribunal du travail de Bruxelles a confirm quune autorit administrative (en loccurrence organique) conservait cette qualit lorsquelle agit en tant quemployeur107, tout en admettant lobligation

    102 Notamment, C.E., Huberty, n50.242 du 16 novembre 2004 ; C.E., socit Chez Munir et Flore et Unal, n82.611 du 1er octobre 1999, Amnagement-Environnement, 2000, p. 123, obs. M. PAQUES ;C.E., Emontz, n85.414, Vervaeck, n85.415 ; Lonard, n85.416 et Deleigne n85.417 du 17 fvrier 2000 ; C.E., socit M.G.C.I., n108.331, et socit Brussels Pool, n108.332 du 21 juin 2002 ; C.E., Cabolet, n137.129 du 9 novembre 2004. 103 J.-F. NEURAY, Aspects rcents du contentieux de la Fonction publique en Belgique , R.R.D., 2008, n123, p. 322. 104 C.T. Bruxelles, 10 dcembre 2003, J.T.T., 2005, p. 185. 105 C.T. Bruxelles, 26 novembre 2002, C.D.S., 2003, p. 458 ; Trib.Trav. Bruxelles, 1er septembre 2003, R.G. 33.330/02 ; T.T. Bruxelles, 19 mars 2003, R.G. 31.279/02 ; T.T. Bruxelles, 30 octobre 2000, J.T.T. 2001, 53 cits in M. JOURDAN, La rupture de la relation de travail des membres du personnel soumis la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail in Une terre de droit du travail : les services publics, 2005, Bruylant, Bruxelles, pp. 350-353. 106 M. JOURDAN, La rupture de la relation de travail des membres du personnel soumis la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail in Une terre de droit du travail : les services publics, 2005, Bruylant, Bruxelles, p. 357. 107 L. DEAR et O. DEPRINCE, Incidences de la loi du 29 juillet 1991 relative la motivation formelle des actes administratifs sur le licenciement du personnel contractuel du secteur public , J.T.T., 2005, p. 175 et T.T. Bruxelles, 30 octobre 2000, J.T. T., 2001, p. 52.

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    lgale de motivation formelle dun licenciement. Cette position est confirme par un arrt de la Cour du travail de Bruxelles du 10 dcembre 2003108. Dans le mme esprit, lagent contractuel doit tre considr comme un destinataire de lacte au sens de larticle 1er de la loi du 29 juillet 1991 dans la mesure o cette notion vise toute personne physique ou morale dans ses rapports avec les autorits administratives. Par contre, la question de savoir si la dcision de licenciement et le cong peuvent tre qualifis dacte unilatral au sens de la loi est controverse. Lacte vis par la loi du 29 juillet 1991 est un acte administratif dfini comme un acte juridique unilatral qui a pour but de produire des effets juridiques. Si le cong donn par lautorit publique un agent contractuel produit manifestement des effets juridiques en ce quil notifie lagent sa volont de mettre fin au contrat de travail, certaines juridictions ont pourtant considr quil ne sagissait pas dun acte juridique unilatral au sens de la loi. Dans un arrt du 26 juin 2001, la Cour du travail de Lige sest prononce sur le cong notifi par la commune une travailleuse moyennant un pravis de six mois. Dans un premier temps, le conseil communal a dlibr et pris la dcision de licencier la travailleuse moyennant un pravis de six mois. Suite lannulation de la dcision du conseil communal par la dputation permanente pour dfaut de motivation au sens de la loi du 29 juillet 1991, le conseil communal sest nouveau runi et a pris une nouvelle dcision motive confirmant la dcision antrieure de licencier lemploye. La travailleuse a t expulse de son lieu de travail lorsquelle sest prsente la commune lissue du dlai de pravis pour continuer prester. La Cour du travail a dcid que si la dlibration du conseil communal constitue bien un acte administratif unilatral de porte individuelle, tel nest pas le cas du cong qui ne constitue quun acte pos en vue de son excution, une simple mesure dexcution de la dlibration109. Par jugement du 6 novembre 2001, le tribunal du travail de Dinant a adopt la mme analyse au sujet dune dlibration du conseil de laide sociale, considrant quil sagissait bien dun acte unilatral porte individuelle entrant dans le champ dapplication de la loi du 29 juillet 1991, loppos de la notification du cong moyennant pravis, simple mesure dexcution de la dlibration110.

    108 L. DEAR et O. DEPRINCE, Incidences de la loi du 29 juillet 1991 relative la motivation formelle des actes administratifs sur le licenciement du personnel contractuel du secteur public , J.T.T., 2005, p. 175 et C.T. Bruxelles, 10 dcembre 2003, J.T.T., 2005, p. 185. 109 L. DEAR et O. DEPRINCE, Incidences de la loi du 29 juillet 1991 relative la motivation formelle des actes administratifs sur le licenciement du personnel contractuel du secteur public , J.T.T., 2005, p. 175 et C.T. Lige, 26 juin 2001, J.T.T., 2002, p. 66. 110 T.T. Dinant, 6 novembre 2001, indit, R.G. no 55.065. cit in L. DEAR et O. DEPRINCE, Incidences de la loi du 29 juillet 1991 relative la motivation formelle des actes administratifs sur le licenciement du personnel contractuel du secteur public , J.T.T., 2005, p. 176.

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    Cette distinction a t critique par la Doctrine 111. Elle souligne que le cong se dfinit comme un acte juridique unilatral, dfinitif et irrvocable par lequel une partie notifie lautre son intention de mettre fin au contrat de travail : Or, le seul acte qui produise des effets juridiques lgard dun travailleur est le cong qui lui a t notifi et non la dcision du conseil communal ou du conseil de laide sociale qui peut encore ne pas tre suivi dexcution. Le cong nest donc pas un acte de simple excution matrielle mais bien un acte juridique unilatral de porte individuelle ayant pour but de produire des effets juridiques 112. En fait, le caractre unilatral du cong ne va pas de soi113. Dans un jugement du 24 avril 1996, le tribunal du travail de Bruxelles a dni lapplication de la loi du 29 juillet 1991 relative la motivation formelle des actes administratifs au cong au motif quil est dpourvu de caractre unilatral. Le tribunal estime que la dcision de rompre unilatralement le contrat de travail ne constitue pas un acte dtachable de celui-ci 114. La doctrine est divise. Le Professeur PAQUES, G. PARTSCH, Laurent DEAR et Olivier LEPRINCE considrent que le cong est un acte unilatral driv dans la mesure o, bien quil repose sur le contrat conclu entre parties, il constitue un acte juridique unilatral et irrvocable qui simpose son destinataire ds linstant o est adopt par son auteur115. Dautres auteurs comme A. DE BECKER116 considrent que le cong adress un agent contractuel ne peut constituer un acte administratif unilatral tel que vis par la loi du 29 juillet 1991117. 111 L. DEAR et O. DEPRINCE, Incidences de la loi du 29 juillet 1991 relative la motivation formelle des actes administratifs sur le licenciement du personnel contractuel du secteur public , J.T.T., 2005, p. 176 et J. CLESSE, Cong et contrat de travail , d. Facult de droit de Lige, 1992, pp. 133 et s. 112 Ibid. 113 L. DEAR et O. DEPRINCE, Incidences de la loi du 29 juillet 1991 relative la motivation formelle des actes administratifs sur le licenciement du personnel contractuel du secteur public , J.T.T., 2005, p. 174. 114 L. DEAR et O. DEPRINCE, Incidences de la loi du 29 juillet 1991 relative la motivation formelle des actes administratifs sur le licenciement du personnel contractuel du secteur public , J.T.T., 2005, p. 174, notes 15 et 16. T.T. Bruxelles, 24 avril 1996, A.P.M., 1997, 118. C.E., arrt Gogneaux, 13 novembre 1996, no 63.046. Dans le mme sens, voy. C.E., arrt Cuvelier, 20 mars 1996, no 58.692. 115 M. PAQUES et G. PARTSCH, Lhypothse du contrat dans la fonction publique locale , R.D.S., 1996, p. 39 et L. DEAR et O. DEPRINCE, Incidences de la loi du 29 juillet 1991 relative la motivation formelle des actes administratifs sur le licenciement du personnel contractuel du secteur public , J.T.T., 2005, p. 174 116 A. DE BECKER, De motivering van het ontslag van een arbeidscontractant in de publieke sector , R.W., 2007-2008, blz. 102. 117 De term bestuurshandeling impliceert immers een eenzijdige rechtshandeling die te situeren is in het specifieke domein van het bestuursrecht, wat meteen impliceert dat het toepassingsgebied van deze wet niet uitgebreid mag worden tot een eenzijdige rechtshandeling in een contractueel kader. Het staat immers buiten discussie dat de Wet Motivering Bestuurshandelingen niet van toepassing is op contractuele verhoudingen

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    La Cour de cassation ne sest jamais prononce sur la question118.

    7.Prescription

    36. Prsentation

    Les dlais de prescription des droits et action diffrent selon que lagent est dans une situation statutaire ou dans une relation contractuelle. Cette diffrence de traitement a dailleurs t soumise la Cour darbitrage qui, dans un arrt n 127/2001 du 16 octobre 2001, a conclu en une absence de violation des articles 10 et 11 de la Constitution considrant la prescription quinqunale prvue pour les agents contractuels comme un standard et ne voyant pas de violation des articles 10 et 11 de la Constitution lorsque quune prescription plus large droge cette rgle (situation des agents statutaires)119.

    37. Dispositions lgales 118 Pour un apperu plus complet, voyez D. LAGASSE, La loi du 29 juillet 1991 relative la motivation formelle des actes administratifs, incidences en droit social, Or., 1993, 70; M. PQUES, Lhypothse du contrat dans la fonction publique locale, T.S.R. 1996, 39; R. JANVIER, Contractanten in overheidsdienst, Gent, Mys & Breesch, 1997, 147-148; J. JACQMAIN, note sous T.T. Bruxelles, 7 avril 1994, C.D.S., 1997, 356 ; J. JACQMAIN, Lacunes et perspectives de rformes, in C. WANTIEZ (Dir.), Contrats de travail: vingtime anniversaire de la loi du 3 juillet 1978, Brussel, Editions du Jeune Barreau de Bruxelles, 1998, 285; J. JACQMAIN, Statutaires et contractuels: le graal de lgalit ?, in F. DELPEREE en C. HOREVOETS (Dir.), Les agents contractuels dans la fonction publique rgionale, Brussel, Bruylant, 1998, 168; R. JANVIER et K. JANSSENS, De mythe van het statuut voorbij? De nieuwe overheidswerknemer is opgestaan!, Brugge, die Keure, 2003, 182-183; P. BOUCQUEY, Lengagement dagents contractuels par les communes et le respect des principes gnraux du droit administratif, Rev. Dr. Comm. 2003/4, 22; T. STIEVENARD, Le licenciement des agents contractuels des collectivits locales, Rev. Dr. Comm. 2003/4, 49; K. SALOMEZ, De rechtspositie van de ontslagmacht naar Belgisch arbeidsrecht, Brugge, die Keure, 2004, 237; R. JANVIER, Over overheden, contractanten en ambtenaren: geen vrijblijvende mnage trois, in M. DE VOS en I. PLETS (Dir.), Contractuele tewerkstelling in de overheid, Brugge, die Keure, 2005, 23; W. RAUWS, Aansprakelijkheids en tuchtregeling voor contractuelen bij de overheid in M. DE VOS en I. PLETS (Dir.), Contractuele tewerkstelling in de overheid, Brugge, die Keure, 2005, 149-151; S. GILSON, La motivation des actes administratifs en droit social, in P. JADOUL en S. VAN DROOGHENBROECK (Dir.), La motivation formelle des actes administratifs, Bruxelles, La Charte, 2005, 276; L. DEAR et O. DEPRINCE, Incidences de la loi du 29 juillet 1991 relative a` la motivation formelle des actes administratifs sur le licenciement du personnel contractuel dans le secteur public, J.T.T. 2005, 173; M. JOURDAN, La rupture de la relation de travail, in J. JACQMAIN (Dir.), Une terre de droit du travail: les services publics, Bruxelles, Bruylant, 2005, 369; B. WEEKERS, De ontslagbrief gericht aan een door een arbeidsovereenkomst met een gemeente verbonden personeelslid: uitdrukkelijk motiveren of niet?, T. Gem. 2005, 233 ; A. DE BECKER, De motivering van het ontslag van een arbeidscontractant in de publieke sector , R.W., 2007-2008, 90-102. 119 www. juridat.be. Cet arrt a t analys dans la Section du prsent chapitre consacre la Discrimination des agents contractuels par rapport aux agents statutaires.

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    Pour les agents statutaires les rclamations de traitement et le recouvrement de paiements indus sont en principe rgls par les articles 100 et suivants de larrt-royal du 17 juillet 1991 portant coordination des lois sur la compatibilit de lEtat. Larrt-royal prcit fixe un dlai de 10 ans pour les crances charges de lEtat comme les traitements et de 5 ans partir du 1er janvier de lanne de paiement pour les crances de lEtat120. Par contre, pour les agents contractuels, leurs actions en justice naissant du contrat de travail sont prescrites un an aprs la cessation du contrat de travail ou cinq ans aprs le fait qui a donn naissance laction sans que ce dernier dlai puisse excder un an aprs la cessation du contrat conformment larticle 15 de la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail. Ainsi, lagent contractuel ne peut plus rclamer dindemnit compensatoire ou complmentaire de pravis plus dun an aprs la cessation de son contrat de travail. Nanmoins, lorsque lavantage rclam par lagent contractuel rsulte dune infraction, laction civile de lagent contractuel se prescrit conformment larticle 26 du titre prliminaire du code dinstruction criminelle. Dans ce cas, laction civile de lagent baptise action ex delicto qui tend obtenir une indemnit pour le dommage caus par cette infraction se prescrit en principe dans un dlai de cinq ans. Ce dlai de prescription vaut pour les actions des agents contractuels en paiement darrirs de rmunration, de pcule de vacances, de dommages et intrts en application de larticle 127 de la loi du 4 aot 1978 de rorientation conomique concernant lgalit de traitement entre hommes et femmes en matire de conditions de travail et de conditions de licenciement,. . . Lagent contractuel sera ds lors attentif introduire son action dans le dlai de prescription et identifier si les montants rclams sont constitutifs dune infraction dans le chef de lemployeur. En tout tat de cause, les rclamations des agents contractuels seront portes devant les juridictions judiciaires conformment larticle 578,1 du code judiciaire. En effet, le Conseil dEtat refuse dappliquer la thorie des actes dtachables au contrat de travail en raison de lattribution exclusive de comptences aux juridicitions judiciaires inscrites larticle 578,1 du Code judiciaire et de la rsolution de tel conflit par loctroi dindemnits alors quun arrt dannulation aurait pour effet de contraindre lemployeur rintgrer le travailleur licenci (. . .). En revanche, le Conseil dEtat a admis sa comptence propos dun recours dirig par un candidat vinc contre la dcision dengager un agent concurrent dans le lien dun contrat de travail.

    120 J. JACQMAIN, Droit social de la fonction publique, tome I, ULB, PUB, p. 196

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    En effet, lengagement tant res inter alios acta lgard du tiers requrant, celui-ci ne serait pas recevable en contester la lgalit devant le tribunal du travail.121

    8.Conventionscollectivesdetravail122

    38. Prsentation

    La loi du 5 dcembre 1968 relatives aux conventions collectives de travail na pas t rendue applicable lEtat fdral, aux Communauts et Rgions. Dans la mesure o aucune disposition lgale ne rend les conventions collectives de travail conclues au sein du secteur priv applicables aux employeurs publics, de nombreux pans du droit social issus des ngociations collectives entre partenaires sociaux sont inapplicables aux agents contractuels. Les agents contractuels de la fonction publique ne peuvent bnficier des droits consacrs par les conventions collectives de travail rendues obligatoires par arrt royal. Par consquent, les agents contractuels ne peuvent faire valoir de droits la prpension mi-temps ou temps plein, au crdit-temps, une primes de fin danne, une intervention des autorits en vue dun supplment au salaire garanti, aux procdures en cas de licenciement ou aux dlais de pravis plus importants pour les ouvriers. Les rmunrations minimales des ouvriers et employs fixes dans des barmes insrs dans des conventions collectives de travail (conclues au niveau interprofessionnel ou sectoriel ne sappliquent pas aux agents contractuels dfaut de disposition lgale ad hoc. Enfin, dans la mesure o les conventions collectives de travail constituent parfois un instrument dexcution des directives europennes, les dispositions en matire de licenciement collectif prvues par convention collective de travail ou la convention collective de travail n 32 bis en cas de transfert conventionnel dentreprise ne sappliquent pas aux agents contractuels dans la fonction publique. Afin de remdier cette situation, le lgislateur insre ponctuellement des dispositions correctrices. Afin de pallier linapplication de la convention collective de travail n 75 conclue au sein du conseil national du travail qui prvoit des dlais de prvis plus importants pour les ouvriers, le