Ces DSI qui se lancent dans l'agilité pour transformer la...

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EXPÉRIENCES AGILES Collection " Les carnets d’expériences " pour action ! en partenariat avec Ces DSI qui se lancent dans l'agilité pour transformer la culture de leur entreprise 10 experts, directeurs de développement et DSI de grands comptes partagent leurs approches et leurs enjeux liés à la mise en place d’une démarche agile.

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EXPÉRIENCES AGILES

Collection " Les carnets d’expériences " pour action ! en partenariat avec

Ces DSI qui se lancent dans l'agilité pour transformer la culture de leur entreprise

10 experts, directeurs de développement et DSI de grands comptes partagent leurs approches et leurs enjeux liés

à la mise en place d’une démarche agile.

Avant-propos ...................................................................................................................................................................................................................................................................................... 4

Introduction .......................................................................................................................................................................................................................................................................................... 5

Expert L'Agiliste Florent Lothon, Editeur du site L’Agiliste .......................................................................................................................................................................................................... 7 Figaro Classified Florence Chabanois, Product Owner chez Figaro Classifieds ............................................................................................................................... ... 9

Medias France Télévisions Marie Lombardo, Directrice Déléguée en charge du département ISI/Media

à France Télévisions ............................................................................................................................................................................................................................................................................ 11

Opérateur Télécom HubOne Grégory Mottier, Directeur des Systèmes d'Information d’Hub One ..................................................................................................... 13

Edition de jeux Amplitude Studios Laurent Lemoine, Senior Producer chez Amplitude Studios .................................................................................................................................. 15

Secteur Public Pôle Emploi Aline Renan, Chargée de développement des métiers à la DSI de Pôle emploi ................................................................. 17 DISIC Laurent Bossavit, Expert en approche agile à la Disic ........................................................................................................................................................ 19

Transport Voyages-SNCF.com Gilles de Richemond, Directeur Général de Voyages-sncf.com ......................................................................................................................... 21

Mutuelle Mutuelle Générale Sébastien Bourguignon, Responsable du domaine développements

logiciels à La Mutuelle Générale .................................................................................................................................................................................................................................. 23

Société de conseil SOAT Pascal Poussard, Coach Agile, et Haïm Mamou, Conseil en organisation et management........................... 25

EXPÉRIENCES AGILES | 2

L’agilité est aussi managériale

Une société de conseil qui prône l’agilité pour ses clients doit savoir s’en approprier les principes et les mettre en œuvre dans ses propres équipes. SOAT entend innover dans ses pratiques managériales en proposant un modèle de gouvernance qui se distingue des systèmes hiérarchiques pyramidaux de type top-down.Sur les bases des préceptes de l'holacratie, nous nous appuyons sur un management allégé et collaboratif, laissant largement autonomes et décisionnaires des équipes auto-organisées. C’est dans cet esprit que nous réalisons régulièrement une écoute active de l’ensemble de nos services dans le but d’assurer une évolution cohérente, conforme à nos valeurs. Nous en tirons toujours un certain nombre d’axes d’amélioration dont les ressorts sont ceux de l’agilité. L’organisation doit pouvoir mesurer le progrès accompli à chaque étape d’un projet et, dans le cas contraire, réajuster le tir rapidement. Avec un droit à l’erreur comme postulat de départ et en suivant les pratiques d’amélioration continue du Kaizen.SOAT a vu son effectif doubler en quatre ans. Absorber une telle croissance tout en préservant la culture d’entreprise suppose d’introduire beaucoup de souplesse dans l’organisation. D’autant que la société évolue dans le secteur des nouvelles technologies, un secteur particulièrement mouvant. Cette capacité d’adaptation au quotidien ne nous empêche pas de fixer le cap de l’entreprise à trois ans. Blog, conférences, communautés de pratiques, veille technologique et managériale… nous favorisons en permanence l’échange et le partage des connaissances entre nos consultants. Cette démarche de capitalisation ancrée dans les gènes de notre société participe à la diffusion des savoirs. Allier savoir-faire et savoir-être reste notre défi au quotidien pour rendre notre organisation toujours plus performante et épanouissante.A travers ce carnet d’expériences, nous avons souhaité prendre la mesure du chemin restant à parcourir pour ces DSI qui, comme nous, ont osé faire le grand saut vers l’agilité.

Michel Azria & David-Eric Levy Directeurs Associés de SOAT

AVANT-PROPOS | 4

Liberté, égalité, fraternité… agilité. Après avoir accusé quelques années de retard sur les pays anglo-saxons, la France est en passe d’adopter massivement les méthodes agiles. Si le développement rapide d'applications (RAD) a été introduit dès 1994, l’agilité était longtemps réservée à l’avant-garde de la conception logicielle, à quelques « geeks » éclairés. Au milieu des années 2000, les medias spécialisés relayaient les premiers retours d’expérience dans la conception de sites web. Puis, ces dernières années, le champ d’expérimentation s’est progressivement  élargi tant au niveau du périmètre des projets  éligibles - applications métiers ou décisionnelles - que du nombre de références. En reprenant divers témoignages de terrain, ce carnet d’expériences montre combien l’agilité concerne aujourd’hui toutes les entreprises, petites ou grandes, du privé ou du public, et, ce, quel que soit leur secteur d’activité. Signe de maturité, ces entreprises ne s’arrêtent pas à Scrum, Kanban et XP. Elles se projettent dans les différents prolongements que sont les démarches lean startup, DevOps ou Management 3.0.En 2015, il n’est plus concevable de gérer un projet comme autrefois. Dans un climat de compétition exacerbé et de restriction budgétaire, comment livrer des produits « time to market » en restant aux méthodes dites classiques ? Les développeurs qui ont un peu de bouteille ont tous connu le fameux effet tunnel des projets en cycle en V. Ils devaient croiser les doigts pour que le produit livré réponde aux attentes formulées un an plus tôt et que le contexte économique et réglementaire n’ait pas changé entre-temps.Les GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon) et, à leur suite, « les barbares du web » (Uber,

Airbnb…) ont définitivement changé les règles du jeu. Par leur rapidité d’exécution, ils ont montré leur capacité à générer de nouveaux modèles économiques mais aussi à « disrupter » des pans entiers de l’économie traditionnelle, jusqu’au secteur qu’on croyait intouchable de la banque-assurance.L’agilité peut être un rempart à cette «  uberisation  ». La dynamique ne vient plus seulement des développeurs, de leur DSI mais des métiers et du top management. Dans la sphère privée, les décideurs voient les itérations se succéder sur leur messagerie Gmail ou leur page Facebook. Sur leur smartphone, les

5 | INTRODUCTION

L’agilité, un rempart à l’uberisation de notre économie

applications mobiles se mettent à jour à un rythme soutenu. Pourquoi les entreprises ne pourraient-elle pas, elles aussi, aspirer à sortir leurs produits plus vite ?

Mettre fin au clivage MOE / MOAL’agilité répond à cette promesse de concevoir, comme le dit Florent Lothon, éditeur du site L’Agiliste, le bon produit au bon moment dans la meilleure enveloppe budgétaire. Une promesse qui peut rendre moins attrayantes les sirènes de l’offshore et participer au mouvement de réinternalisation en cours dans les DSI.L’agilité est aussi une occasion historique de

faire tomber les cloisons, et de mettre fin au clivage maîtrise d’œuvre / maître d’ouvrage, une spécificité bien française, héritée du BTP. « Dans un projet agile, MOE et MOA se voient tout le temps et pas seulement au début, au milieu et à la recette », rappelle Florent Lothon.Par ailleurs, l’agilité redonne ses lettres de noblesse au métier de codeur, une profession  star à l’étranger mais longtemps sous-considérée en France. Le développeur gagne en autonomie, en responsabilités. Lui qui a longtemps été confiné dans un rôle d'exécutant, il peut s’exprimer, remonter les problèmes. Ce qui lui donne aussi un droit à l’erreur.Non « déformées » par les méthodes traditionnelles, les jeunes recrues sont naturellement favorables aux méthodes agiles. Il est toutefois à regretter qu’elles ne soient pas plus formées en écoles d’ingénieurs, ces dernières n’y consacrant généralement que quelques heures dans un cursus de 3 ans.Le prochain défi consistera à sortir l’agilité de l’univers IT pour la propager à toutes les strates de l’entreprise. Des fonctions supports comme les achats ou les RH gagneraient en efficacité en reprenant certaines valeurs ou principes. Une fois les métiers devenus « agiles », il n’y aurait, par ailleurs, plus de rupture de la chaîne entre la définition du produit en amont et sa conception par les équipes IT.Sur le concept de l’« entreprise étendue », une société peut aussi rendre son écosystème de partenaires, fournisseurs, startups plus agile. Entre les hackathons, les app stores, les labs internes, les occasions se multiplient pour réduire le délai entre l’idée et le prototype, puis le produit final.

Xavier Biseuljournaliste

Fort de son expérience dans les méthodes agiles, Florent Lothon présente sur son site L’Agiliste, un grand nombre de conseils pratiques pour mettre en œuvre l’agilité en entreprise. Insuffler un nouvel état d’esprit au sein des équipes, améliorer leur efficacité, leur fierté et leur collaboration. Il en détaille ici quelques-uns.La preuve des bénéfices de l’approche agile n’est plus à faire et pourrait se résumer à la phrase « faire le bon produit, au bon moment et au meilleur coût ». Mais, pourquoi tant d’équipes échouent-elles dans l’adoption d’une telle approche ?

Comment introduire l’agilité dans une organisation ?Il faut d’abord réaliser qu’il s’agit d’un changement de paradigme, voire d’un changement culturel. Le principal piège consiste à penser qu’il s’agit juste d’une méthode à appliquer, ou pire d’une « recette miracle ». C’est plus subtil que ça et l’approche agile est d’autant plus difficile à appréhender quand on a travaillé pendant des années avec une approche traditionnelle de type cycle en V. Il faut désapprendre, même si globalement, les activités restent les mêmes : recueillir et analyser le besoin, planifier, concevoir la solution, coder, tester, livrer. C’est la mise en musique de ces activités et l’état d’esprit qui changent. Par exemple, en mode agile, on raisonne davantage « valeur ajoutée » que « volume de fonctionnalités  ». Sur les cent fonctionnalités du produit, quelles sont les 20 qui ont le plus d’importance ? Commençons par celles-ci.

Ce changement culturel peut-il nourrir une appréhension chez les informaticiens ? Oui, cela arrive. Dans ce cas, il faut identifier les personnes clés dans une équipe, celles qui sont motivées à changer. Il peut s’agir par exemple de jeunes qui ont peu d’expérience en méthodes traditionnelles ou, à l’inverse, des seniors qui sont frustrés par le statu quo et souhaitent évoluer dans la façon de gérer ou de vivre un projet. Le volontariat est essentiel pour réussir durablement l’adoption de l’agilité et en tirer tous les bénéfices. Le top management et sponsors ont aussi leur rôle à jouer. Lever les obstacles organisationnels et apporter leur soutien : confiance, formation, coaching, outillage, etc.D’où l’importance de commencer par se demander « Pourquoi adopter une approche agile  ». La réponse doit être claire et donner du sens à cette aventure. Etre agile pour être agile n’a aucun intérêt. Surtout pour des équipes déjà efficaces. Selon mon expérience et certaines enquêtes, les échecs d’adoption de l’agilité sont généralement dus à l’incompatibilité de culture de l’organisation avec la culture agile. Cela nourrit les cas les plus difficiles de résistance au changement, conscients et inconscients, visibles et invisibles.Sur ce thème, je recommande la lecture du guide de survie à l’adoption ou transformation agile de Michael Sahota. Un livre gratuit que nous avons traduit en français.

Quel est le bon rythme d’adoption des pratiques agiles ? Il faut y aller pas à pas, installer une pratique puis une autre. Eviter le mode « big bang » (sauf peut

Florent LothonEditeur du site L’Agiliste

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« Produire le bon produit au bon moment dans la meilleure enveloppe budgétaire »

être en situation de « survie » de l’organisation, c’est parfois un atout). Surtout si on opte pour Scrum qui est davantage en rupture que peut l’être la méthode Kanban par exemple. Et c’est seulement quand toutes les pratiques sont implémentées, que l’organisation en tire pleinement les bénéfices en termes d’efficacité et de performance.

Quel est le plus gros challenge qui attend un projet agile ?En fait, j’en citerai deux. D’abord, la séparation MOE/MOA à la française. En général ces deux entités sont bien cloisonnés et entretiennent une relation « client / fournisseur ». Alors que L’agilité consiste à faire collaborer étroitement ces deux entités pour ne former qu’une seule équipe efficace. Le « Product Owner », généralement côté MOA, tient un rôle-clé. Il représente les utilisateurs et porte la « vision » du produit à réaliser. L’agilité fait tomber les cloisons. MOE et MOA interagissent au quotidien tout au long du cycle de vie d’un projet. Au fil du temps, la MOA verra le produit se construire comme une maison qui sort de terre.Le second gros challenge est la négligence des pratiques de développement. Dans le cas de Scrum par exemple, l’équipe de développement doit être en mesure de délivrer un produit enrichi de nouvelles fonctionnalités et potentiellement livrable à la fin de chaque itération. Et pour cela, l’usage et la maîtrise des pratiques de développement portées en grande partie par eXtremme Programming sont devenues indispensables. D’où l’intérêt personnel que je porte au mouvement Craftsmanship. Mouvement qui tend à valoriser plus justement le métier de développeur. Par ailleurs, pour les équipes qui ont réussi l’adoption d’une approche agile, au sens où les résultats sont là, je les accompagne sur la voie du Lean Management pour passer un nouveau seuil de performance. L’avantage, c’est que tout est complémentaire et se marie très bien  :  Scrum, Kanban, eXtremme Programming, Craftsmanship, Lean. Car l’état d’esprit sous-jacent est globalement le même. Et, quelles que soit les approches retenues, la rigueur doit rester le maître mot.

Comment motiver l’équipe ?L’agilité apporte en soi des leviers de motivation. En effet, cette notion est fortement véhiculée dans le manifeste agile dans lequel on parle de rythme soutenable, d’auto-organisation, de soutien et de confiance. Sans parler de l’esprit d’équipe encouragé par l’agilité.Le leadership tribal est également un levier de motivation et de performance intéressant. Il consiste à maximiser le collectif, la domination du « nous » sur le « je », à donner un maximum de sens au travail de chacun à travers une «  noble cause » et des valeurs fondamentales communes. Il est particulièrement intéressant pour l’atteinte d’objectifs qui dépassent ceux d’un projet. On s’inscrit dans une démarche globale ambitieuse qui nécessite la collaboration de tous. Nous l’utilisons dans le cadre de la transformation digitale de SwissLife.

Quelles sont les idées reçues autour de l’agilité ? Un de mes collègues disait récemment après une immersion au sein de nos équipes : « L’agilité, finalement, ça n’a rien avoir avec l’anarchie (au sens péjoratif du terme), au contraire, ça demande beaucoup de rigueur ». Voilà un premier élément de réponse.Les idées reçues que je rencontre le plus, sont celles qui laisseraient penser que sur un projet agile, il y a ni documentation ni planification. Autre idée reçue : un gros projet ne serait pas éligible à l’agilité. Ou encore, l’agilité n’est applicable qu’à des projets web. Je confirme, ce sont bel et bien des idées reçues.

l’AgilisteAfin de répondre à un besoin croissant de formation aux méthodes Agiles, le site internet L'Agiliste accompagne ses lecteurs sur le chemin des méthodes agiles et du Leadership Tribal. Le site www.agiliste.fr propose un dispositif de formation et d’accompagnement : le SPOC (version privée du MOOC) d’initiation à l’approche agile.

source l’Agiliste

Filiale du groupe Figaro, Figaro Classifieds est l’une des sociétés Internet les plus importantes en France avec ses sites d’annonces classées spécialisés dans l'emploi (Cadremploi, Keljob…), la formation (Kelformation, Le Figaro Etudiant…) et l'Immobilier (Explorimmo, Propriétés de France…). Après être passée de développeuse à Scrum Master, Florence Chabanois est aujourd’hui Product Owner chez Figaro Classifieds.

A quand remonte le premier projet agile ? Avec Keljob, en 2007. Il s’agissait par les itérations et des feed-back réguliers de produire tout simplement le meilleur produit qui soit, sans bug et dans un délai acceptable. Je garde un souvenir ému de ce premier projet. Bien sûr, nous avons essuyé les plâtres mais je n’ai jamais ressenti autant de cohésion et d’enthousiasme dans une équipe pour s’auto-améliorer. Quand il y avait des ratés, nous rebondissions aussitôt. De son côté, le marketing était plutôt satisfait, nous tenions nos engagements. Nous étions sereins lors des mises en production, car nous avions fait tous les tests fonctionnels automatiques en amont. S’il y avait un bug, le test automatique nous garantissait qu’il ne pourrait jamais survenir de nouveau en production. Après ce premier projet, un deuxième produit est passé en agile, puis un troisième avec Kelformation et Cadremploi. L'agilité s’est peu à peu diffusée à tous les métiers du groupe  :  l’emploi, la formation et l’immobilier.

Quelles pratiques avez-vous adopté ? Au départ, nous étions circonspects sur le management visuel. A quoi bon coller des post-it sur les murs ? Nous n’y avons pas tout de suite vu l’intérêt, nous étions des pros après tout ! Et pourtant, lorsque nous avons commencé à mettre en œuvre régulièrement cette pratique, nous ne pouvions plus nous en passer. C'était devenu notre tableau de bord. Il y a plein d’outils logiciels qui le remplacent mais ce n'était plus imaginable d’en changer. Après, il faut être suffisamment souple pour adapter les pratiques en fonction du projet, du contexte, des individus. C’est le propre de l’agilité. Avoir une approche dogmatique serait contraire à cet esprit, en plus d'être contre-productif. Dans une organisation, des gens partent, d’autres arrivent. Ce qui marche sur un projet peut complètement rater sur un autre.

Quelles difficultés avez-vous rencontré ? Vus de l’extérieur, les agilistes peuvent être perçus – je caricature un peu - comme des anarchistes. Ils font ce qu’ils veulent, ils chiffrent comme bon leur semble, ils n’ont pas de concurrence. En réalité, il faut beaucoup de discipline pour tenir ses engagements et suivre les actions décidées en rétrospective, par exemple. Nous pouvons avoir les meilleures idées et principes du monde, si au quotidien nous ne sommes pas rigoureux pour nous y tenir, ce n'est que du vent.Les solutions qui fonctionnent viennent des

Florence ChabanoisProduct Owner chez Figaro Classifi eds

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« L’agilité n'est jamais " acquise ", il faut savoir se remettre en cause »

développeurs. Si elles viennent du coach agile ou du Scrum Master, cela ne marche pas. Pour être impliqués, les développeurs doivent être écoutés et leur feed-back doit être pris en compte. Avec un système hiérarchique trop fort, on peut facilement passer à côté.Du côté des développeurs, le risque consiste à se croire agile sous prétexte que l’on fait tous les rituels mais sans se remettre en cause. Durant les rétrospectives, les personnes sont dans leur bulle. Elles ne voient plus les problèmes ou se déchargent sur les métiers. Sans objectif commun, il est impossible de converger.

Comment lutter contre ces dérives ?Avec Scrum, on perd parfois de vue la finalité du produit avec la tenue d’un engagement fort sur chaque sprint. Depuis un an et demi, nous sommes passés à Kanban. Avec Kanban, nous sommes plus mobilisés sur le produit et évitons de nous renvoyer la balle entre les services. C’est désormais la responsabilité de tout le monde que les fonctionnalités soient mises en production. Quand il manque une validation, ce n’est plus uniquement au Product Owner de relancer le chargé de référencement, les développeurs le font aussi. L’idée est de commencer à finir plutôt que de continuer indéfiniment à commencer. Nous ne faisons plus d’itérations. Nous organisons des réunions de prévision ponctuellement quand nous avons besoin de dates plus précises.

Quels pourraient être les évolutions futures ? Rien n’est jamais acquis, l’amélioration continue se cultive. Chaque jour, je suis surprise par une pratique que je découvre ou que je redécouvre. Mais pour moi, il n’y aura pas de nouveau gain significatif si les autres services ne s’y impliquent pas. Pour avoir plus d’impact, l’agilité doit être portée hors de l’IT, et on voit peu à peu apparaître quelques tentatives dans ce sens. Cet élargissement du périmètre est un axe de progression fort. On le voit dans nos statistiques. Les trois-quarts de la durée d’un projet ont lieu

avant que le développement ne commence. Ce sont des phases de validation entre services en amont, chaque service doit gérer sa feuille de route et ses urgences. En réalité, chaque service ne consacre que quelques heures par mois sur tel projet, entrecoupées de larges périodes de « standby », les personnes vacant à leurs occupations courantes. Il y a une perception de longueur sur certains projets alors que le temps effectif de chaque équipe passé dessus est très faible. Le kanban contribue à diminuer les temps d’attente pour optimiser le flux global.

Figaro ClassifiedsActivité : Filiale à 100 % du groupe Figaro, leader français des petites annonces en ligneCréation : 2 000Effectif : 350 collaborateursChiffre d’affaires : 60 millions d’euros

source Figaro Classifieds

Le groupe France Télévisions s’est mis à l’agilité à l’occasion de la refonte de son site institutionnel. Un bon moyen d’impliquer la maîtrise d’ouvrage à toutes les étapes du projet et de livrer dans un délai contraint.

Comment avez-vous introduit l’agilité au sein de France Télévisions ?Les méthodes agiles étaient déjà utilisées par la direction de France Télévisions Editions Numériques (FTVEN) qui gère les sites et les applications numériques du groupe. Mais ce n’était pas le cas du département ISI (Ingénierie des Systèmes d’Information) en charge des applications métiers et des systèmes de gestion.Nous avons profité de la refonte du site institutionnel francetelevisions.fr pour passer en mode agile. L’équipe technique est partie se former à Scrum. Nous avons aussi fait appel à un coach agile, un consultant extérieur, pour initier à l’approche le directeur de projet et les deux «  Product Owners », un pour chaque lot.

Est-ce que l’équipe a bien adhéré à l’approche agile ? Nous avons recruté l’équipe technique en connaissance de cause. Les deux développeurs, l’intégrateur et le « lead dev » (faisant office de Scrum Master) avaient déjà pratiqué l’agilité. Par ailleurs, certains connaissaient bien l’environnement de France Télévisions pour avoir travaillé chez FTVEN.Les Product Owners ont également bien adhéré à la méthode. Ils ont désormais une visibilité permanente sur l’état d’avancement du projet.

Comment s’est passé le démarrage du projet ? Nous avons lancé fin avril le sprint zéro avec la mise en place de l’infrastructure et du « Product Backlog » (carnet du produit). Les « cérémonies » ont permis de préciser le rôle de chacun et de prioriser les User Story (récit utilisateur). Nous avons aussi défini sur quels critères une User Story était jugée terminée.Nous avons repris tout le management avec les Stand-up Meetings et en tapissant le mur de post-it de couleurs. Le rythme est d’un sprint toutes les deux semaines pour une livraison du site mi-juillet. Durant chaque cycle, nous procédons aux tests et à l’analyse des anomalies. Nous nous essayons aussi à l’intégration continue. Ce qui est nouveau chez nous, notre organisation reposant traditionnellement sur des équipes de production et d’exploitation.

Avez-vous rencontré des difficultés particulières ? En dépit de la mise en place de Scrum, il peut y avoir des problèmes de communication entre un Product Owner et le Scrum Master. Le coach, qui était présent à plein temps les deux premières semaines, a rappelé combien la transparence est fondamentale afin que le Product Owner dispose de l’ensemble des informations pour asseoir ses décisions. De son côté, le directeur de la communication externe, sponsor du projet, a joué le jeu en rendant les Product Owners disponibles à 80 % de leur temps. L’autre difficulté était d’ordre sécuritaire. L’agilité implique des problématiques BYOD (bring

Marie LombardoDirectrice Déléguée en charge du département ISI/Media à France Télévisions

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« L’implication de la maîtrise d’ouvrage est fondamentale »

your own device) ou de travail nomade. Il fallait donc permettre à l’équipe technique d’accéder facilement à l’environnement de développement tout en sécurisant le système d’information de France Télévisions. Le sujet est particulièrement sensible depuis la cyberattaque dont TV5 Monde a fait l’objet récemment. Enfin, il a fallu s’outiller pour la mise en ligne des versions ou le suivi d’anomalies. En matière de content management system (CMS), nous avons opté pour la version 8 de Drupal, la dernière en date. Il a fallu également et dans ce contexte, s’adapter aux nouvelles fonctionnalités.

Quelle est la suite après ce premier projet ? Nous avons démarré sur un projet simple pour se faire les dents. Le lot 1 porte sur des pages d’informations assez statiques avec back-office classique. Le lot 2 qui se lance juste après sera plus complexe puisqu’il s’agira d’interroger les applications métiers qui alimenteront le site. L’objectif est de remplacer les 4 extranets existants

qui commençaient à dater. Les attachés de presse du groupe enrichiront leurs communiqués de presse en allant récupérer des contenus sur les applications de programmes. A l’avenir, est-ce que d’autres projets seront éligibles à l’agilité ? Il est encore trop tôt pour le dire. Il faut d’abord terminer celui-ci.

Quels sont les gains déjà observés ? Il y a bien sûr la rapidité d’exécution et la capacité de réaliser un projet dans un délai contraint. L’implication de la maîtrise d’ouvrage est aussi capitale. Entre l’écriture des spécifications détaillées et ce que l’on envisage réellement, il y a parfois un écart.L’agilité, au travers des différentes cérémonies prévues dans les cycles, permet de se poser les bonnes questions tout au long du projet. Si je fais cette fonctionnalité à forte valeur ajoutée, laquelle je ne réaliserais pas ?

France TélévisionsActivité : premier groupe audiovisuel en France avec les chaînes publiques France 2, France 3, France 4, France 5, France ÔCréation : 1992Effectif : 10 138 équivalents temps plein en 2014Chiffre d’affaires : ressources publicitaires de 320 millions d’euros pour l’année 2014 et ressources publiques s’élevant à 2,493 milliards d’euros

source France Télévisions

Afin d’améliorer les échanges avec le métier et accélérer le rythme des livraisons de projets complexes, Hub One a généralisé le déploiement de Scrum. Des membres de la DSI mais aussi des directions utilisateurs ont été formés à la méthodologie. Grégory Mottier, directeur des systèmes d’information du groupe de sociétés de technologies, est le sponsor du programme.

Comment avez-vous introduit l’agilité au sein de Hub One ?Nous ne partions pas de zéro. A la DSI, des collaborateurs étaient déjà formés à Scrum. Nous étions pleinement conscients des apports des méthodes agiles et de leur capacité à améliorer l’efficacité de nos projets. L’élément déclencheur a été un projet particulièrement éligible à l’agilité. En l’occurrence, l’Espace Client, interface qui gère la relation avec nos clients (commandes, incidents, factures…) dont nous souhaitions accélérer le développement de nouvelles fonctionnalités et améliorer celles existantes. L’équipe agile SOAT a formé 24 personnes à ce jour dont une dizaine côté métiers (marketing, direction de l’innovation, direction des opérations…). Au sein de la DSI, les chefs de projet, les responsables de pôles et moi-même avont été formés.

La mise en place de Scrum a-t-elle été un choc culturel ? Non, pas vraiment. Nous l’avions déjà expérimenté et Hub One est une entreprise

numérique avec des salariés jeunes et ouverts d’esprit. Il n’y a pas eu de résistance au changement du côté des équipes de la DSI. Bien au contraire, ils y ont rapidement vu leur intérêt, car qui n’a pas connu la frustration de bien formaliser et faire valider le besoin métier pour au final livrer un produit qui ne répond plus aux attentes ? L’IT évolue très vite mais les méthodes de gestion de projet aussi. On ne réussit plus les projets comme il y a dix ans. Il ne faut pas vivre sur nos vieilles convictions mais se transformer en permanence. Les connaissances d’aujourd’hui ne seront plus valables dans deux ans. La formation théorique a surtout permis d’institutionnaliser et de légitimer la méthode auprès des métiers. Si le Product Owner sur l’espace client pouvait être inquiet au départ, il s’est rassuré en voyant la macro fonctionnalité demandée se construire au fil des semaines et des itérations. Les méthodes agiles donnent la main au métier. Il gère son Product Backlog (carnet du produit) et priorise les users stories (récits utilisateur). L’équipe travaille main dans la main et le métier tient le volant.

Avez-vous déployé Scrum sur d’autres projets ?Oui, pour le développement de plusieurs services au sein de la direction de l’innovation mais aussi pour l’outil de back-office qui sert à configurer les équipements télécoms. Nous avons également utilisé une partie de la méthode pour notre solution centrale de gestion de la production (Oracle Siebel) en ne retenant

Grégory MottierDirecteur des Systèmes d'Information d’Hub One

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« La formation a permis de légitimer les méthodes agiles auprès des métiers »

que le management visuel, avec notamment, le mur de post-it et les Daily Stand-Up Meetings.Ces réunions matinales de dix minutes offrent beaucoup de visibilité sur les projets en cours. Cela permet de savoir ce qui sera fait demain en production puis en exploitation. Dans ces réunions, chaque membre de l’équipe répond à trois questions. Qu’est-ce que j’ai fait hier ? Qu’est-ce que je fais aujourd’hui ? Qu’est ce qui pourrait me ralentir dans ma tâche  ? En relevant les problèmes au plus tôt, on peut aisément réadapter le plan de charge de chacun. L’agilité, c’est finalement beaucoup de communication.Le mur de post-it donne sur le couloir, au regard de tous. Ce qui suscite des interrogations quand les gens extérieurs à l’équipe se rendent à la machine à café. Que font-ils debout à bouger des post-it ? Une curiosité positive !

Y a-t-il des risques de dérives ? Le quotidien peut effectivement prendre le dessus. Accaparé par d’autres projets, un Product Owner peut, par exemple, ne plus se rendre aussi disponible ou bien déléguer. C’est au Scrum Master, le gardien du temple, de remonter ce type de problème. Si le sponsorship sur les méthodes agiles vient de moi, j’interviens assez peu. Avec l’agilité, on oublie les systèmes hiérarchiques pyramidaux.

Quels sont les gains observés ? Il est toujours difficile de mesurer les bienfaits d’un tel changement d’organisation. Nous avons réduit nos coûts de développement mais le gain numéro un, c’est la capacité de sortir des projets complexes dans les délais en adéquation avec les besoins. Et ça, ça n’a pas de prix.

Hub OneActivité : opérateur télécoms, fournisseur de solutions de mobilité. Filiale à 100 % d'Aéroports de ParisCréation : 2001Effectif : 430 collaborateursChiffre d’affaires : 131 millions d'euros en 2013

source Hub One

En 2011, deux anciens d’Ubisoft, Mathieu Girard et Romain de Waubert, fondaient leur propre studio. Quatre ans plus tard, Amplitude Studios a produit trois jeux de stratégie - Endless Space, Endless Legend et Dungeon of the Endless - qui ont connu un succès à la fois critique et commercial. Un développement soutenu qu’il doit en partie à l’adoption de Scrum.

Comment avez-vous initié l’agilité dans votre organisation ? Tout naturellement, en mode natif. Quand je suis arrivé à la création du studio pour implémenter les méthodes agiles, nous n’étions que douze. Une taille idéale. Certains avaient déjà pratiqué Scrum chez Ubisoft et les plus jeunes avaient été formés en écoles spécialisées. Tout le monde était demandeur, sachant que les méthodes agiles commençaient à s’être répandues dans le milieu du jeu vidéo. La décision a été rapidement prise de développer le premier jeu sorti l’été 2012 en mode Scrum. Fort de cette première expérience, les deux autres jeux, commercialisés à l’automne 2014, ont été produits selon les mêmes pratiques. L’approche agile permet en effet de connaître précisément l’état d’avancement d’un produit. Cette visibilité rassure nos Product Owners que sont le directeur de production et le directeur de création. Ils peuvent mettre en avant les fonctionnalités qui ont le plus de valeur dans le backlog. L’agilité offre aussi des métriques au top management.

Le secteur du jeu vidéo se prête-t-il tout particulièrement à l’agilité ? Oui, la conception d’un jeu vidéo fait intervenir plusieurs métiers - du design, du développement, de la production... - qu’il faut coordonner. Un jeu doit aussi répondre aux attentes des joueurs qui peuvent évoluer avec le temps. Sur la plateforme de jeux en ligne Steam sur laquelle nos titres sont diffusés, nous proposons des versions jouables, en amont de la version gold. Cette diffusion en « accès anticipé » nous permet d’avoir un feed-back de la communauté des « gamers ». Ce qui suppose d’avoir, à chaque sprint, un produit potentiellement livrable. Le joueur n’est pas un « play testeur ». Il ne doit pas être bloqué ni frustré par les bugs afin de se concentrer sur l’expérience de jeu.

Comment avez-vous défini les meilleures pratiques ? Nous sommes partis sur un rythme d’un sprint toutes les deux semaines et d’une release tous les deux à trois mois. A la fin de chaque sprint, l'équipe réalise une rétrospective sur le cycle achevé afin d’améliorer nos pratiques pour les itérations à venir. A la fin du projet, nous rédigions un post-mortem. Un document qui recense l’ensemble des évènements du projet. Chaque corps de métier établit ce qui a bien marché et ce qui aurait pu être amélioré. Cela permet, dans un contexte de progression permanente, de ne pas répéter les mêmes erreurs. Ne plus voir les mêmes problèmes réapparaître à chaque projet est un grand motif de satisfaction pour l’équipe.

Laurent LemoineSenior Producer chez Amplitude Studios

15 | EXPÉRIENCES AGILES

« L’agilité facilite la production de jeux vidéo répondant aux attentes des joueurs »

Ces différents débriefings nous ont permis d’identifier les pratiques les plus pertinentes pour le studio et d’établir un référentiel propre à notre organisation. Il ne s’agit en rien d’un référentiel figé, il évolue dans le temps.

Comment l’approche agile a-t-elle grandi en même temps que le studio ?Amplitude Studios emploie aujourd’hui une quarantaine de collaborateurs. Les Scrum Masters ont passé une certification auprès de la Scrum Alliance. Je fais une présentation d’une heure aux nouvelles recrues rappelant les valeurs et les principes de l’agilité. Je leur conseille de lire la littérature sur le sujet et d’assister à différents évènements comme la Scrum Night et les autres rencontres du French Scrum User Group. Inversement, je suis preneur des bonnes pratiques qui ont été mises en place lors de leurs précédents postes. Les nouveaux arrivants ne sont pas pris au dépourvu. L’agilité est clairement mise en avant en entretien d’embauche.Avec le succès du studio, l’organisation évolue. Alors que nous gérions jusqu’alors les projets en quinconce, un projet débutant à la fin du précédent, nous commençons maintenant à mener plusieurs projets en parallèle. Nous implémentons aussi Kanban pour les graphistes.

Pour autant, il s’agit de faire attention aux dérives qui pourraient nous jouer des tours sur la durée. Il faut de temps en temps lever la tête du guidon afin d’analyser les raisons qui nous ont écarté de telle ou telle pratique. Peut-être ne sont-elles tout simplement plus adaptées à notre organisation ? Pour y pallier, je vais prochainement mettre en place un Scrum Game qui rappellera les grands principes de la méthode de façon ludique.

Comment sont réparties les équipes agiles ? Les équipes sont toutes sur un même open space, regroupées par projet, les Product Owners au milieu du plateau. Une disposition qui favorise la communication directe. Un développeur peut entendre une discussion tournant autour d’un problème qu’il a déjà rencontré et apporter sa solution. Chaque équipe a son Scrum Board avec un découpage des tâches en post-it et des étiquettes pour assigner les tâches aux différents membres de l’équipe. Nous travaillons aussi avec des intervenants extérieurs en menant des conférences sur Skype et en nous appuyant sur des outils de suivi de bugs.

Amplitude StudiosActivité : Edition de jeux vidéoCréation : 2011Effectif : Quarantaine de collaborateursChiffre d’affaires : NC

source Amplitude Studios

Pour faire face à la montée en puissance de ses services numériques, Pôle emploi s’est engagé, depuis cinq ans, dans la généralisation des pratiques agiles, Scrum puis Kanban et XP.

A quand remonte la mise en place de l’agilité au sein de Pôle emploi ? Les toutes premières certifications Scrum remontent à 2009 mais le tournant a été pris en 2010-2011. La DSI a durant cette période procédé à un recrutement important pour réinternaliser certains processus et réajuster la pyramide des âges. Ces jeunes recrues avaient été déjà sensibilisées aux méthodes agiles en écoles d’ingénieurs et n’ont pas été « déformés » par la gestion de projet de cycle en V. Puis, par capillarité et émulsion, l’agilité s’est diffusée. Pris au jeu, les équipes ont voulu y aller. Cela s’est fait progressivement, pas du tout en mode big bang.Le renforcement des activités numériques dans le cadre du plan stratégique « Pôle emploi 2015 » - et aujourd’hui « Pôle emploi 2020 »  - nécessitait de toute façon de découper les projets web pour livrer dans les temps. Nous nous sommes appuyés sur Scrum, puis en 2012 sur Kanban. La DSI a aussi mis en place les pratiques de l’Extreme Programming et du Management 3.0. Ce dernier modèle redéfinit le rôle du manager en passant d’un système hiérarchique à un management participatif basé sur l’amélioration continue et l’engagement des collaborateurs.

Comment diffusez-vous la culture de l’agilité ? Tout repose sur le volontariat, dans une démarche bottom- up. L’agilité n’est pas non plus la solution à tout. Elle doit entrer en cohérence avec les projets. Des chantiers continuent à être gérés de façon « traditionnelle  ». Depuis deux ans, la DSI a aussi mis l’accent sur Kanban qui offre plus de souplesse que Scrum sur certaines activités. C’est notamment le cas de projets réglementaires dont la dead line est inflexible et dont on ne peut réduire le périmètre de fonctionnalités. Aujourd’hui, sur les 1 600 salariés de la DSI, 163  sont certifiés Scrum. Nous avons formé aussi 300 personnes à Scrum, plus de 250 à Kanban et 56 cadres au Management 3.0. Le sponsorship vient du plus haut et la quasi-totalité du comité de direction a été embarquée sur l’agilité.Notre ancien DSI était venu nous voir sur le site de Bordeaux, il s’était prêté au jeu des rituels. Lors d’une mêlée il a reçu et envoyé le ballon. Les représentants du personnel ont aussi demandé à être sensibilisés à l’approche agile.

Quels sont les projets éligibles à l’agilité ? C’était le cas pour l’accompagnement 100 % web. Avec ce dispositif basé sur le volontariat, les entretiens et les contacts du demandeur d'emploi avec son conseiller de Pôle emploi se font par téléphone, visioconférence, courriel ou messagerie instantanée. Ce projet avait besoin de modularité.Pour faire évoluer l’inscription en ligne du demandeur d’emploi, nous avons aussi eu recours à l’agilité sachant que l’appel de

Aline RenanChargée de Développement des métiers à la DSI de Pôle emploi

17 | EXPÉRIENCES AGILES

« Le renforcement des activités numériques de Pôle emploi nécessitait de passer à l’agilité »

certaines couches de données nécessitait des pratiques plus « traditionnelles ».

Comment se passe l’agilité au quotidien ? Nous retrouvons le management visuel, les démos, les rétrospectives et les réunions quotidiennes même si pour Kanban, les mêlées se tiennent en fonction de l’intérêt. Il y a aussi un Product Owner dans l’équipe. Si ce n’est pas le métier qui tient ce rôle, c’est un expert fonctionnel de la DSI. Nous ajustons les rituels. Pôle emploi a, par exemple, une culture du travail multisites, la DSI à elle seule est disséminée sur une quinzaine de lieux. C’est dans notre ADN. Nous travaillons en visioconférence avec des caméras sur nos PC.

Quels peuvent être les évolutions futures ? Mêmes les fonctions support s’intéressent à l’agilité. Notamment les directions achats et

juridiques qui se forment. Les réflexions en cours portent sur l’introduction de l’agilité dans les appels d’offres. Comment l’embarquer dans le respect du code des marchés publics ? S’il est difficile de contractualiser l’agilité, l’appel d’offres peut exiger des développeurs certifiés Scrum ou des Scrum Masters dans les descriptions de postes.Nous sommes en phase de mise en place de la démarche DevOps qui vise à mieux faire travailler ensemble les "devs" (chargés de développer les applications) et les "ops" (chargés de leur exploitation). Nous avons aussi démarré les premières formations de SAFe (Scaled Agile Framework), un cadre de bonnes pratiques pour mettre en œuvre l’agilité à l'échelle de l'entreprise.

Pôle emploiActivité : Etablissement public à caractère administratif (EPA), chargé de l'emploi en FranceCréation : 2008 suite à la fusion entre l'ANPE et les AssedicsEffectif : 54 000 personnesBudget : 4,8 milliards d'euros en 2013

source Pôle emploi

Laurent Bossavit a intégré, en avril dernier, la Direction interministérielle des systèmes d'information et de communication (Disic), couramment rebaptisée « la DSI de l’Etat ». Venant du privé, cet agiliste confirmé doit porter le sujet de l’agilité au sein de l’administration centrale et des différents opérateurs publics.

Sur votre profil social, vous vous présentez comme un « digital hussard », quel est le message ? Dans le registre militaire, le hussard est ce cavalier léger, expert dans les missions de reconnaissance et de raid. Le « hussard noir » correspond aussi au surnom donné aux instituteurs sous la IIIème République et qu’il m’a semblé pertinent de recycler aujourd’hui pour désigner des corps de fonctionnaires à qui l’on confie des missions stratégiques.Au-delà de la symbolique, il s’agit de se mettre dans une situation de rupture. Mon rôle est d’acculturer comme je l’ai fait pendant 17 ans dans le privé, en favorisant la conduite de projets courts et impactants. Vu de l’extérieur, la fonction publique a pour tradition de lancer de grands chantiers informatiques qui se chiffrent en millions d’euros voire en dizaines de millions d’euros. Le grand public en a connaissance uniquement quand des plantages sont médiatisés. Adopter les cycles courts permet de minimiser les risques. L’état des comptes publics ne permet de toute façon plus de multiplier les chantiers de grande ampleur. Le directeur de

la Disic, Jacques Marzin l’a dit : l’époque des grands projets est révolue.

Quel niveau de maturité avez-vous constaté ces premiers mois au sein de la fonction publique ? Des initiatives d’appropriation des méthodes agiles existent que ce soit au sein de l’administration centrale ou chez les opérateurs publics. La BnF a, par exemple, expérimenté Scrum avec succès. Le Ministère de l’Agriculture a eu un très bon retour sur les premières mises en place de l’agilité et souhaite généraliser l’approche.Le gouvernement, à travers le Secrétariat général pour la modernisation de l'action publique (SGMAP), a aussi accéléré la transformation des organisations publiques afin de livrer des services publics plus efficaces et plus rapidement. Son portefeuille comprend une vingtaine de petites équipes, travaillant en mode agile et devant livrer de nouveaux services à fort usage en 6 mois maximum. Cela a commencé par la refonte de data.gouv.fr, la plateforme gouvernementale d’open data. On peut aussi citer le service Marché public simplifié (MPS) qui permet à une entreprise de répondre à un marché public en renseignant seulement son numéro SIRET.

Avez-vous observé des points communs avec ce que vous avez connu dans le privé ?Tout à fait et ils sont nombreux. On retrouve les mêmes constantes qu’il s’agisse du management visuel avec le mur de post-it, le backlog sur l’intégralité des fonctionnalités

Laurent BossavitExpert en approche agile à la Disic

19 | EXPÉRIENCES AGILES

« Il faut adapter le discours de l’agilité aux spécificités de l’administration »

du produit ou les notions de transparence de l’information, de mesure de la vélocité et de qualité intrinsèque du code. Les équipes disposent aussi des mêmes outils de test en continu ou de changement de version.À moi ensuite d’adapter le discours de l’agilité à un contexte spécifique, ce que les clients me demandaient déjà quand j’étais consultant. Un ministère, une administration, c’est une histoire, un environnement particulier. Après, il y a le cadre très codifié des marchés publics. Est-ce que les pratiques des achats publics sont compatibles avec les pratiques agiles ? Et si non, comment les adapter ?

Comment diffuser la culture agile ? Être agile, cela ne se décrète pas. L’agilité s’appuie sur le volontariat, la motivation des équipes terrain, dans une approche bottom-up. Ce sont les personnes présentes dans l’équipe qui vont créer l’intelligence collective. L’expression « méthodes agiles » est d’ailleurs un oxymore, un cadre méthodologique strict obérant cette efficacité. La Disic ne doit d’ailleurs pas avoir une attitude prescriptive qui serait contre-productive.Il faut être dans la culture du faire, dans une démarche de transformation par l’exemple en mobilisant les volontaires sur des projets courts à forte valeur ajoutée pour l’administré. Tout citoyen que nous sommes a déjà connu de la frustration devant un service public en ligne mal foutu quand une transaction ne peut se réaliser qu’entre 9 et 17 heures ou quand on demande à la fin du processus d’envoyer un courrier papier. Même les banques font tout en ligne.L’idée est de faire appel aux intrapreneurs et de les réunir dans un open space, baptisé Open Lab, pour un séminaire sans agenda mais néanmoins structuré, où chacun est libre de parler de ce qui lui tient le plus à cœur.Avec son Lab, Pôle emploi réunit ainsi dans un même lieu des demandeurs d'emploi, des employeurs, des conseillers, des startups, ce qui aboutit à l’Emploi Store, un magasin d’applications dédiées aux candidats comme aux recruteurs.

La Disic organisait son premier hackathon en juin, quel bilan tirez-vous ?À cette occasion différentes administrations ont proposé des jeux de données à des développeurs, des chefs de projets et des responsables métiers pour concevoir de nouveaux services publics numériques. Le thème était celui de France Connect, le système de fédération d’identités qui donnera accès à l’ensemble des comptes que vous avez ouverts dans les différentes administrations. Le hackathon a remonté 30 propositions de projets. Nous allons pouvoir puiser dans ce vivier pour monter des projets courts en mode agile avec un responsable produit, deux ou trois développeurs et des contacts réguliers avec des représentants métiers et des utilisateurs finaux.

DisicActivité : Placée sous l'autorité du Premier Ministre, la Disic est chargée de coordonner les actions des administrations en matière de systèmes d'informationCréation : Février 2011Effectif : Une quarantaine de collaborateurs Budget : 15,9 millions d’euros en 2015

source Disic

VSCT gère le développement et l’exploitation des sites et des applications mobiles de Voyages-sncf.com, le premier site d’e-commerce français. Basée à Nantes et à Paris, son usine logicielle s’est structurée pour garantir leur performance et leur qualité de service, en s’appuyant notamment sur les méthodes agiles. Explications de son directeur général, Gilles de Richemond.

A quand remonte l’agilité à Voyages-sncf.com ?VSCT pratique les méthodes agiles depuis longtemps mais c’est en 2012 que nous avons décidé de généraliser l’approche. La création de notre usine logicielle va dans ce sens, l’agilité s’applique au développement logiciel mais aussi à l’organisation elle-même. Sur le fond, Voyages-sncf.com devait s'accélérer sur le digital. Itérer vite pour montrer rapidement au client un début de produit puis amender le projet en fonction de ses réactions. Mener un projet sur deux ans en ne sachant pas au final si on aura visé juste ou pas, est une angoisse pour n’importe quel développeur. Pour autant, nous n’avons pas renoncé au cycle en V plus adapté à certains projets industriels. Il n’y a pas de réponse univoque.

Sur quels types de projets appliquez-vous cette approche ? Fin janvier, nous avons développé pour la SNCF son application mobile d’information voyageur, baptisée tout simplement SNCF, qui réunit sous la même interface les applications existantes (SNCF Direct, SNCF Transilien…).

Actuellement, nous sommes en train de refaire la « home » de Voyages-sncf.com et la page du devis pour tous les trains à raison d’un sprint tous les 15 jours. Nous nous appuyons selon les projets sur Scrum ou Kanban.Les équipes agiles réunissent de 7 à 10  personnes, idéalement sur le même plateau. Bien sûr, avec la visioconférence, il est possible de faire travailler ensemble des personnes situées à Nantes et Paris. Mais cela rajoute tout de même de la difficulté.

Quelles sont les étapes suivantes ?Depuis le début de l’année, nous avons mis en place des « Features Teams », des équipes pluridisciplinaires mêlant des gens venant du marketing, de l’exploitation, du développement, de l’intégration, et bien sûr un Product Owner. Cela constitue une vraie transformation agile de l’entreprise en affichant une nouvelle posture managériale. Il ne s’agit pas de remettre en cause le rôle des cadres mais au contraire de réhausser leur rôle de manager. Les managers n’ont plus à prendre toutes les petites décisions opérationnelles du quotidien.Ils sont là pour créer et animer des commu-nautés, gérer des compétences, cadrer les objectifs et donner une cohérence d’ensemble. Ce qui suppose d’accepter un certain lâcher prise. Pour les aider, il y a un programme de conduite du changement et des formations pour se familiariser au Management 3.0. Les managers sont aussi les bienvenus dans les Stand-Up meetings.

Gilles de RichemondDirecteur Général de Voyages-sncf.com

21 | EXPÉRIENCES AGILES

« Les développeurs ne demandent qu’à avoir davantage d’autonomie »

Les méthodes de développement agiles, c’est une chose mais rendre une entreprise agile est plus complexe. Les développeurs, eux, ne demandent que ça, qu’on leur donne davantage d’autonomie pour aller plus vite. La génération Y et plus encore la génération Z aiment l’agilité.

Que vous reste-t-il encore à accomplir ? Nous sommes en mesure d’industrialiser l’ensemble des processus logiciels de notre Digital Factory avec l’automatisation des tests et des configurations et la démarche DevOps. L’objectif est d’aller plus rapidement en production, de façon sécurisée, la qualité de service restant dans notre ADN.Le déploiement de l’ensemble des modules de Voyages-sncf.com prend 15 minutes, nous voulons descendre à 10 minutes cet été. Comme nous le faisons plusieurs fois par jour, le gain n’est pas neutre. L’évolution suivante consistera à instaurer un esprit de communauté open source. Le système d’information Voyages-sncf.com est

complexe. Une équipe qui s’occupe d’une fonctionnalité peut être amenée à toucher à deux ou trois composants, ce qui multiplie d’autant les demandes dans le backlog, créé des embouteillages et retarde le projet.L’idée ici est de laisser la possibilité à une Feature Team de toucher à ce composant tiers et de contribuer à son évolution comme le font les communautés open source. Ensuite une « Core Team », des experts dudit composant, valide la qualité du code et garantit son intégrité avant la mise en production. Entre le moment où on lance une pratique et celui où elle se généralise, cela prend du temps. Mais d’ici trois ans, nous aurons couvert tout le cycle de l’agilité.

Voyages-scnf.comActivité : première agence de voyages en ligne en France. Distribution de billets de train mais aussi vente de billets d'avions, de séjours, location de voitures et chambres d'hôtelCréation : 2000Effectif : 1 000 collaborateursVolume d’affaires : 4,2 milliards d’euros

source Voyages-scnf.com

En l’espace d’un an, La Mutuelle Générale a mis les moyens et les ressources pour réussir sa transformation agile. Avec un DSI qui a joué pleinement son rôle de sponsor. Et les efforts portent déjà leurs fruits.

A quand remonte le passage à l’agilité ? L’arrivée d’un nouveau DSI, en janvier 2014, a été le point de départ. Il avait l’ambition de faire avancer des projets innovants. De par son expérience de conduite de grands projets aux Etats-Unis, il était rompu à l’approche agile, en revanche la distinction entre maîtrise d’ouvrage et maîtrise d’œuvre était pour lui un frein à cette agilité.Nous travaillions jusqu’alors en méthode en cascade avec de nombreux échanges entre les équipes projet et métiers. Pour le marketing, il s’agissait aussi de mettre sur le marché de nouveaux produits plus rapidement, dans une optique time-to-market.J’avais moi-même pratiqué l’agilité 3 ans plus tôt en tant que responsable du pôle digital et CRM. J’ai donc profité de cette fenêtre de tir pour proposer un plan de transformation agile. Le feu vert a été donné en juillet 2014. Pendant un mois et demi, une société de conseil a analysé nos méthodes de travail, conduit des interviews, réalisé un sondage auprès des collaborateurs. Cet audit a permis de déterminer les cibles à atteindre puis de tracer la trajectoire. Un séminaire d’une demi-journée, réunissant le Codir de la DSI et des représentants du marketing, a été l’occasion de présenter la feuille de route et d’aligner tout le management.

Quelles méthodes avez-vous retenu ? Nous avons retenu Scrum comme méthode principale et Kanban, essentiellement pour le maintien en conditions opérationnelles des solutions. Sur les projets innovants dont le périmètre est incertain, nous avons choisi l’approche « Discover to deliver ». Les trois projets pilotes ont permis de couvrir ces trois méthodes.Deux anciennes chefs de projet ont été promues coachs agiles. Elles montent en puissance et remplacent progressivement les coachs externes. Nous avons mis en place une communauté de pratiques de quelque 45 responsables de projet et managers au sein d’une DSI qui compte 300 collaborateurs.La DSI est aussi pilote pour l’entreprise du réseau social Yammer, ce qui facilitera le travail collaboratif et permettra d’animer la communauté de pratique. Enfin, nous préparons un important plan de formation interne afin d’embarquer le plus grand nombre de personnes dans l’agilité d’ici début 2016.

L’agilité s’est-elle diffusée auprès des fonctions supports ?Oui, nous « agilisons » la gestion de notre portefeuille de projets (PMO) pour donner plus de souplesse dans la priorisation des projets et une gestion plus agile du budget… Nous ne sommes pas encore au stade du « Beyond Budgeting » mais le cap est donné.Nous avons aussi introduit les enjeux de l’agilité auprès de la direction achats. La Mutuelle Générale externalise en partie ses

Sébastien BourguignonResponsable du domaine développements logiciels à La Mutuelle Générale

23 | EXPÉRIENCES AGILES

« Il faut une communication globale pour emporter l’adhésion »

développements. Il faut donc introduire des critères d’agilité dans les appels d’offres mais aussi faire comprendre à nos fournisseurs actuels quelles sont nos nouvelles méthodes de travail. Nous avons aussi sensibilisé les ressources humaines sur le type de profil et de personnalité, des experts fonctionnels ou des chefs de projet les mieux à même de correspondre à l’esprit agile.

Quels sont les prochains enjeux ?La production a mis en œuvre DevOps en même temps que nous les méthodes agiles. Si la partie technique est terminée, il reste à réaliser la partie organisationnelle. Que les « ops » soient présents au sein des équipes projets dans un processus de déploiement continu. En ce qui concerne la qualité, nous devons aussi travailler sur le volet processus, organisation et humain pour casser le fameux mur qui sépare les « devs » et les « ops ». A la rentrée, nous allons amplifier nos opérations de communication. Nous avons déjà déployé des sessions de sensibilisation et des petits-déjeuners thématiques, nous faisons découvrir l’agilité à toutes les personnes qui le souhaitent dans l’entreprise.

Des affiches reprenant notre identité visuelle mettent en scène nos coachs avec leurs photos, leurs coordonnées. Nous allons aussi passer à la vidéo pour diffuser nos messages. L’idée étant que toute personne intéressée doit pouvoir rentrer dans le dispositif. La mayonnaise va prendre d’elle-même en contournant les dernières résistances au changement.Nous sommes déjà en mesure de proposer un catalogue de services en interne, qui va de la simple formation à l’accompagnement renforcé de projet en mode agile.

Comment mesurer le niveau de maturité d’une organisation ? C’est un autre chantier de la rentrée. Nous allons travailler sur un outil à même de déterminer ce niveau de maturité. Quel est le niveau de séniorité, le pourcentage d’utilisation des pratiques et des rituels collaborateur par collaborateur ? L’agilité concerne-t-elle un tiers, la moitié de la DSI ? A titre personnel, je participe à un groupe de travail au Cigref qui publiera à la fin de l’année, un modèle d’évaluation de

La Mutuelle GénéraleActivité : La troisième mutuelle française assure quelque 1,45 millions de personnesCréation : 1945Effectif : 2 225 salariésChiffre d’affaires : 1,126 milliard d’euros HT

source La Mutuelle Générale

Alors que les entreprises françaises ont généralisé l’approche agile, il reste des freins, notamment au niveau du middle management pour monter en maturité dans les pratiques. Management 3.0, « entreprise libérée », lean startup…. De nouvelles démarches tentent de faire sauter ces verrous même si la réponse vient avant tout de l’organisation elle-même.Bonne nouvelle, la France a définitivement rattrapé son retard. PME et grands comptes, toutes les organisations se mettent à l’approche agile. L’agilité est demandée non seulement par les développeurs, lassés par les méthodes de type cycle en V, mais aussi par le top management.

La phase d’évangélisation définitivement révolue. « Beaucoup de dirigeants sont aujourd’hui convaincus des bienfaits de l’agilité, observe Pascal Poussard, coach agile chez SOAT. Ils ont vu que cela marchait chez leurs concurrents, leurs fournisseurs. Ils perçoivent très concrètement les apports de l’agilité. » Les entreprises ont sauté le pas mais elles n’ont pas toutes, loin s’en faut, atteint le degré ultime de maturité. Si l’on applique le Shuhari, concept issu des arts martiaux japonais à l’agilité, l’apprentissage suit trois étapes : Shu, l’organisation découvre la technique, Ha, elle maîtrise cette technique, Ri, elle la connaît tellement bien qu’elle se l’est appropriée. « Les vrais résultats ne viennent qu’à ce troisième niveau, avance Haïm Mamou, conseil en organisation et management chez SOAT.

Avant, on obtient de petits bénéfices mais très loin de l’espérance de gain totale. »

Mais des freins persistent. Pour Pascal Poussard, le principal obstacle pour atteindre ce Nirvana de l’agilité vient du nouveau rôle que doit prendre le middle management. « Avec l’agilité, il voit deux de ses rôles principaux disparaître. Les équipes devenant autonomes, sa fonction d’encadrement s’en trouve réduite d’autant. Avec la culture de la transparence, le pouvoir de rétention qu’il pouvait exercer sur l’information ascendante ou descendante n’existe plus. » Au cadre intermédiaire d’évoluer vers une fonction de support en faisant en sorte que ses collaborateurs évoluent dans un environnement propice à la motivation et à la créativité. Mais ce changement de rôle peut être mal vécu (comme le montre la dernière étude de VersionOne). Résultat, le middle management ralentit l’adoption de l’agilité ou fait en sorte - sciemment ou non - que les projets échouent. Le management 3.0 leur donne des armes pour endosser ce nouveau rôle. On parle aussi d’«  entreprise libérée » pour repenser les modes de fonctionnement en accordant plus d’autonomie, et donc de confiance aux collaborateurs. Mais rien ne sert de changer les hommes, si l’organisation reste figée. « Dans les organigrammes, on retrouve toujours une direction des études, de tests, de la production, des directions métiers », déplore Pascal Poussard.

Pascal Poussard, Coach Agile Haïm Mamou, Conseil en organisation et management

25 | EXPÉRIENCES AGILES

« Une organisation véritablement agile s’enrichit de ses erreurs »

Les carcans budgétaires. Ce dernier dénonce une autre dérive héritée de la gestion projet traditionnelle qui consiste à programmer tous les ans et une fois pour toutes le budget. « On voit des entreprises qui font des projets pour les projets parce qu’elles ont des équipes à staffer ou des services qui ne doivent pas dépenser plus que leur budget ni… moins, sous peine de le voir réduit l'année suivante. » « Les chantiers qui échouent sont ceux qui sont les plus contrôlés, note, de son côté, Haïm Mamou. Les responsables de ces projets passent plus de temps à répondre aux contrôles qu’à apporter de la valeur. » Pour assouplir ce processus budgétaire, le Beyond Budgeting se propose d’introduire de l’agilité afin de permettre aux entreprises de répondre aux opportunités du moment et de faire vivre les projets qui répondent à de vraies attentes.

La peur de l’échec, un mal français. Il y a aussi, estime Pascal Poussard, un problème français sur la notion d’échec. « Elle est vécue comme une tragédie au lieu d’être une opportunité pour apprendre. En France, il y a un art consommé pour masquer les erreurs et tant pis si le projet va dans le mur. On ne communiquera que sur la partie positive d’un projet alors que l’essentiel n’est pas au rendez-vous. » « En approche agile, il est plus facile d’accepter l’échec puisque s’il survient, c’est au bout d’un sprint de deux semaines, complète Haïm Mamou. Elle offre la capacité de tester une idée et de se tromper. » La démarche lean startup ou la méthode de gestion de l’amélioration de la qualité PDCA (planifier, développer, comparer et ajuster en français) permettent de passer par ce cycle d’essais-erreurs. Cela renvoie aussi à la notion d’« entreprise apprenante ». Où sont nos problèmes, nos douleurs ? Comment s’enrichir de nos échecs ?

L’agilité, un retour aux fondamentaux. Pour Haïm Mamou, l’agilité est présentée, à tort, comme en rupture avec les méthodes traditionnelles. « Mais qu’est ce qui fait qu’un projet est réussi ? Quand il respecte le périmètre fonctionnel, le coût, les délais ? Ne faut-il pas dépasser cette équation trop simpliste, ne mesurant

que la réussite d'implémentation d'un projet ? L'objectif n'est-il pas plutôt de rendre l'organisation plus performante au travers d'un processus d'amélioration dont les effets sont mesurables ? »Pour que l’agilité gagne les autres services, il faut parler de satisfaction client. « Pour chaque processus, il faut identifier les clients - internes ou externes - et les fournisseurs de ce processus. Il faut également dépasser le processus pour optimiser la chaîne de valeur dans son ensemble. Cela passe par l’implication des autres services avec leurs processus, pour que chacun prennent conscience qu’ils participent à la livraison de valeur pour l'entreprise et pour les clients. »

Comment passer le Ri du Shuhari ? « Notre rôle de coach est d’aider les entreprises à se poser les bonnes questions, qu’elles s’approprient progressivement les valeurs pour aller jusqu’au Ri, conclut Pascal Poussard. Nous intervenons sur des mises en place mais aussi de plus en plus sur des organisations déjà agiles. Elles sont frustrées ou ne sont pas certaines d’être sur la bonne voie. Notre métier consiste à montrer le chemin, qu’elles devront parcourir seules. »Haïm Mamou va plus loin : « Il faut arrêter d’attendre la solution miracle. Hier, on parlait de lean startup, aujourd’hui de lean analytics. Il y a une vingtaine de méthodes dites agiles, une entreprise ne peut s’investir dans toutes. Certaines organisations ont voulu appliquer la méthode Spotify, sans succès.L’évolution ultime de l’agilité, c’est la capacité d’une organisation à trouver les solutions par elle-même, à trouver SA méthode. » Une méthode qui n’est pas forcément réplicable ailleurs.

SOATActivité : Société d'expertise en informatique spécialisée sur les technologies Java-JEE, Microsoft, Web, Mobile et dans la transformation agile des entreprisesCréation : 2000Effectif : 350CA : 34 millions d'euros

source SOAT

La collection « Les Carnets d’Expériences » propose une série de dossiers traitant des problématiques auxquelles sont confrontés des secteurs d’activité spécifiques. Elle est fondée sur la capitalisation d’expériences d’acteurs majeurs du marché, sans parti pris, pour apporter une vision nouvelle du sujet traité. Une approche pragmatique valant mieux qu’un long discours, ces expériences du quotidien de décideurs facilitent le décryptage des grandes tendances à venir. Ce Carnet d’Expériences été réalisé par le journaliste Xavier Biseul pour la société pour action ! en partenariat avec SOAT.

pour action ! est une agence de marketing opérationnel & de business développement dédiée au secteur informatique. Sa culture du résultat a amené l’entreprise à développer des programmes clé-en-main pour accompagner la communication des leaders du marché informatique & télécom sous un angle éditorial, afin de traiter l’information d’un point de vue pragmatique. A travers la maîtrise des outils de communication et l’expérience rédactionnelle de son équipe, pour action ! agit pour la performance des usages.

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27 | EXPÉRIENCES AGILES

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N°20 - Expériences Formation« Métiers du Big Data : les entreprises à la recherche de l’oiseau rare »

N°19 - Expériences Innovation Marketing B2B« Qu’est-ce qui fait battre le cœur de vos clients ? »

N°18 - Expériences conduite du changement« De la digitalisation à l’adoption des technologies :

quand l’entreprise parie sur l’utilisateur pour réussir sa transformation »

N°17 - Expériences Travel Management « Quand politiques de voyages et liberté des collaborateurs se confrontent :

quelles nouvelles voies pour le voyage d’affaires ? »

N°16 - Expériences Collectivités « Comment favoriser le lien social et citoyen ? »

N°15 - Expériences Transformation logicielle« Innovation : les éditeurs peuvent-ils encore suivre le rythme ? »

N°14 - Expériences PME « Ces entreprises qui grandissent avec le numérique »

N°13 - Expériences hébergement « Virtualisation, automatisation, services : peut-on faire mieux que le Cloud ? »

N°12 - Expériences Planification RH « Rentabilité d’entreprise, épanouissement des employés, qualité de service :

un équilibre vertueux est-il atteignable au quotidien ? »

29 | EXPÉRIENCES AGILES

EXPÉRIENCES PERFORMANCE FINANCIÈREEXPÉRIENCES AGILES

Ces DSI qui se lancent dans l'agilité pour transformer la culture de leur entreprise

Agile. Ils n’ont plus que ce mot à la bouche ! Grâce aux avantages offerts par les innovations technologiques, aux nouveaux modes de travail et à un renouvellement des logiques managériales, nos entreprises n’ont jamais eu autant d’opportunités de se montrer réactives, adaptables, résilientes et capables de répondre aux exigences de plus en plus pointues de leurs clients.

Mais l’agilité n’est pas un simple état de fait. C’est un enjeu d’amélioration permanent qui prend souvent la forme d’une obscure nébuleuse pour les entreprises. Par où commencer ? Et surtout, si l'agilité est déjà présente dans l'entreprise, comment continuer à l'améliorer ?

Ce recueil donne la parole à des experts, directeurs de développement et DSI de grands comptes, de secteurs d’activités divers afin qu’ils puissent partager leurs expériences agiles. Qu’est-ce qui a motivé ces dynamiques chez eux ? Quelles sont leurs spécificités ? Quel point de départ et quels axes d’amélioration ? Quels sont leurs prochains chantiers ?

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