Canal Lombaire étroit

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LA REVUE DU PRATICIEN - MÉDECINE GÉNÉRALE. TOME 20. N° 718/719 DU 30 JANVIER 2006 79 FORMATION L es souffrances radiculaires en rapport avec un canal lombaire étroit ou rétréci sont un motif fréquent de consultation. Elles concernent une personne sur 1 000 âgées de plus de 65 ans et représentent 20 % des radiculalgies lombaires hospitalisées en rhumatologie. 1, 2 La sténose canalaire lombaire (SCL) est la conséquence de facteurs constitutionnels (briè- veté des pédicules, lames épaisses) presque toujours associés à des facteurs acquis (arthrose apophysaire postérieure, hypertrophie des ligaments jaunes, saillies discales) [fig. 1]. Ces derniers sont essentiellement d’origine dégénérative et donc plus fréquents chez les patients âgés. Le canal est dit « rétréci » quant il est d’origine dégénérative et « étroit » quand l’origine est constitutionnelle. La sténose peut être mono- ou pluri- étagée, à prédominance latérale ou centrale, d’impor- tance variable, sans qu’il n’existe de parfaite corrélation entre ces données et la symptomatologie décrite. En effet, les dimensions du canal strictement « osseux » ne prennent pas en compte les souffrances vasculaires associées comme la congestion veineuse d’effort majorée par l’orthostatisme et qui disparaît en cyphose (expli- quant le caractère positionnel des symptômes). La réduction de l’espace de réserve épidural, constitué d’un coussinet entourant le fourreau dural où chemi- nent racines et vaisseaux, met les racines au contact du canal osseux, les sensibilisant à la moindre variation (fig 2). DIAGNOSTIC : CLINICO-RADIOLOGIQUE La SCL est donc une entité clinico-radiologique hété- rogène dont les différents signes d’appel ainsi que les paramètres radiologiques n’ont pas, pris isolément, une sensibilité et une spécificité absolues. Le diagnostic est donc établi au vu d’une association d’éléments cliniques et d’imageries. Claudication radiculaire intermittente avec syndrome postural 2-4 La symptomatologie la plus évocatrice, observée dans 50 à 70 % des cas, est la claudication radiculaire intermittente aggravée par l’hyperextension du rachis lombaire et soulagée par la mise en cyphose. La douleur, parfois seulement à type de paresthésies, a donc une topographie radiculaire, souvent bilatérale, sciatique, crurale ou périnéale, plus ou moins complète, survenant à la station debout et à la marche, s’accentuant si celles- ci sont prolongées, obligeant parfois le patient à s’arrêter et ne cédant souvent que lors de la station assise ou de la mise en antéflexion du tronc. Cette cyphose antal- gique peut être à l’origine d’une démarche particulière dite « penchée en avant ». Parfois, les douleurs se com- plètent d’une sensation de fatigue survenant dans les mêmes circonstances,pouvant aller jusqu’à un véritable déficit moteur uni- ou bilatéral. Enfin, des troubles sphinctériens survenant à la marche sont rares, mais aussi très évocateurs. Objectif : savoir diagnostiquer et traiter un canal lombaire étroit. Une lombosciatique chez une personne âgée entraînant une claudication radiculaire intermittente et soulagée par l’antéflexion du tronc doit faire évoquer le diagnostic de canal lombaire étroit, qui est confirmé par un scanner lombaire. L’évolution naturelle très lente justifie un traitement médical de première intention, associant antalgiques, infiltrations épidurales et kinésithérapie. Canal lombaire étroit : une évolution très lente Par Christophe Deligny,Véronique Dehlinger, Serge Arfi, médecine interne et rhumatologie, CHU de Fort- de-France, BP 632, 97261 Fort-de-France Cedex, Martinique. chrdeligny@ wanadoo.fr

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Article médical de la revue du praticien de janvier 2006.

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FORMATION

Les souffrances radiculaires en rapport avec uncanal lombaire étroit ou rétréci sont un motiffréquent de consultation. Elles concernent une

personne sur 1000 âgées de plus de 65 ans et représentent20 % des radiculalgies lombaires hospitalisées enrhumatologie.1, 2 La sténose canalaire lombaire (SCL)est la conséquence de facteurs constitutionnels (briè-veté des pédicules, lames épaisses) presque toujoursassociés à des facteurs acquis (arthrose apophysairepostérieure, hypertrophie des ligaments jaunes, sailliesdiscales) [fig. 1]. Ces derniers sont essentiellementd’origine dégénérative et donc plus fréquents chez lespatients âgés. Le canal est dit « rétréci » quant il estd’origine dégénérative et « étroit » quand l’origine estconstitutionnelle. La sténose peut être mono- ou pluri-étagée, à prédominance latérale ou centrale, d’impor-tance variable, sans qu’il n’existe de parfaite corrélationentre ces données et la symptomatologie décrite. Eneffet, les dimensions du canal strictement « osseux » neprennent pas en compte les souffrances vasculairesassociées comme la congestion veineuse d’effort majoréepar l’orthostatisme et qui disparaît en cyphose (expli-quant le caractère positionnel des symptômes). Laréduction de l’espace de réserve épidural, constituéd’un coussinet entourant le fourreau dural où chemi-nent racines et vaisseaux, met les racines au contact ducanal osseux, les sensibilisant à la moindre variation(fig 2).

DIAGNOSTIC : CLINICO-RADIOLOGIQUELa SCL est donc une entité clinico-radiologique hété-rogène dont les différents signes d’appel ainsi que lesparamètres radiologiques n’ont pas, pris isolément,une sensibilité et une spécificité absolues. Le diagnosticest donc établi au vu d’une association d’élémentscliniques et d’imageries.

Claudication radiculaire intermittente avecsyndrome postural2-4

La symptomatologie la plus évocatrice, observéedans 50 à 70 % des cas, est la claudication radiculaireintermittente aggravée par l’hyperextension du rachislombaire et soulagée par la mise en cyphose.La douleur,parfois seulement à type de paresthésies, a donc unetopographie radiculaire, souvent bilatérale, sciatique,crurale ou périnéale,plus ou moins complète,survenantà la station debout et à la marche, s’accentuant si celles-ci sont prolongées, obligeant parfois le patient à s’arrêteret ne cédant souvent que lors de la station assise ou dela mise en antéflexion du tronc. Cette cyphose antal-gique peut être à l’origine d’une démarche particulièredite « penchée en avant ». Parfois, les douleurs se com-plètent d’une sensation de fatigue survenant dans lesmêmes circonstances,pouvant aller jusqu’à un véritabledéficit moteur uni- ou bilatéral. Enfin, des troublessphinctériens survenant à la marche sont rares, maisaussi très évocateurs.

Objectif : savoir diagnostiquer et traiter un canal lombaire étroit.Une lombosciatique chez une personne âgée entraînant une claudication radiculaireintermittente et soulagée par l’antéflexion du tronc doit faire évoquer le diagnosticde canal lombaire étroit, qui est confirmé par un scanner lombaire. L’évolutionnaturelle très lente justifie un traitement médical de première intention, associantantalgiques, infiltrations épidurales et kinésithérapie.

Canal lombaire étroit : une évolution très lente

Par Christophe Deligny,VéroniqueDehlinger,Serge Arfi,médecine interne et rhumatologie,CHU de Fort- de-France,BP 632,97261 Fort-de-FranceCedex,Martinique.

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Dans 10 à 30 % des cas, la symptomatologie estbeaucoup moins typique avec une douleur mono- oupluriradiculaire des membres inférieurs, souvent à typede sciatique tronquée, sans claudication intermittente nisyndrome postural.

Dans les deux cas,une lombalgie d’intensité variableest souvent associée, et quelques éléments cliniquesparticuliers permettent de suspecter une sténose canalaire:– la durée d’évolution : le patient souffre depuis desannées avant que l’intensité croissante des symptômesl’amène à consulter. Il n’y a pas de cause déclenchanteévidente, d’impulsivité à la toux, de douleur à la stationassise ;– la présentation est assez souvent particulière :5 carrureathlétique ou tout au moins fortement charpentéed’homme ayant dépassé la cinquantaine ;– les données de l’examen clinique sont relativementpauvres : absence de signes de Lasègue ou de Léri, relativesouplesse du rachis lombaire hormis le réveil de ladouleur à l’hyperextension du rachis lombaire. L’examenneurologique objective rarement des signes déficitairessensitifs, moteurs ou réflexes. Il existe donc souvent unediscordance entre les plaintes importantes du patient,et les signes objectifs qui peuvent aller jusqu’à fairedouter de l’organicité des symptômes.

Il apparaît donc que l’orientation diagnostiqueessentielle s’appuie sur les données de l’interrogatoire,parfois difficile à mener, le risque étant de « construire »,en suggestionnant le patient,le symptôme essentiel qu’estla claudication intermittente avec syndrome postural.

Le scanner confirme le diagnostic Les radiographies standard du rachis lombaire

ne fournissent pas d’éléments déterminants,mais décèlentsouvent une disparition de l’hyperlordose physiologique,une arthrose interapophysaire postérieure ou des lésionsde discarthrose plus ou moins évoluées. Des clichésdynamiques sont nécessaires lorsqu’il existe un spondylo-listhésis ou une scoliose afin d’apprécier la stabilitérachidienne.

La tomodensitométrie lombaire renseigne plusprécisément sur la morphologie du canal et permet deprocéder à des mesures assez fiables. La plus utilisée estcelle du diamètre antéropostérieur du sac dural (au

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➜ Lorsque la claudication ou le syndrome positionnel manquent, le diagnostic de SCL doit être fait prudemment. Si la symptomatologie est localisée à la racine d’un membre, il fautévoquer une douleur provenant de la coxo-fémorale, des sacro-iliaques, du bassin, des tendons etdes muscles pelviens, mais aussi lesdouleurs projetées à partir du rachis(articulaires postérieures). Un examenclinique minutieux permet de déceler ces pièges diagnostiques.

Si la douleur descend plus bas que le genou, il faut éliminer une souffranceradiculaire d’autre origine, et notammentles hernies discales à expressionatypique, les épidurites, les pathologiesintradurales. C’est dans cette situationque l’imagerie, et notamment l’IRM,prend toute sa valeur.

➜ Lorsque la claudication est présente,et même si cette forme clinique peut être liée à une simple hernie discale, à une souffrance médullaire ouneurogène périphérique, il faut surtoutéliminer une claudication vasculaire

par la clinique et éventuellement parles explorations vasculaires.

➜ Ces différentes pathologies sont souvent associées dans unepopulation de sujets âgés. Il fautpréciser celle qui entraîne leretentissement fonctionnel et algiquele plus important. L’association sténose du canallombaire et sténose du canal cervical n’est pas exceptionnelle etelle doit être recherchée et prise encompte dans les indicationsthérapeutiques.

DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL

γ

Espace de réserve péridural

Sac dural

Ligamentsjaunes

Articulationsinterapophysairespostérieures

Sac dural plaqué sur les parois du canal osseux

Perte de l'espacede réserve

péridural

Racine plaquée sur le canal osseux

Fig. 1– a) Vertèbre lombaire normale : remarquer en α la longueur des pédicules, en β l’épaisseur et la direction des lames, en γ le faiblesurplomb des massifs articulaires.b) Vertèbre lombaire à canal étroit : brièveté des pédicules (α), lamesépaisses (β), saillies des massifs articulaires (γ) dont rend compte ladiminution du diamètre antéro-postérieur AP (d’après Hubault).3

Fig. 2- Volume de réserve épidurale (d’après Berthelot).2

a b

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niveau discal ou pédiculaire) qui est de 15 mm chez lesujet normal. La sténose est dite « absolue » lorsque cediamètre est inférieur à 13 mm et « relative » lorsqu’ilest compris entre 13 et 14 mm. La mesure du diamètretransversal (interapophysaire postérieur) est effectuéemoins souvent : sur une coupe axiale discale, il est nor-malement supérieur à 20 mm ; moins de 15 mm définitl’étroitesse absolue.6 Les mesures doivent être faites surplusieurs étages, car la sténose peut être localisée à unseul niveau. Il existe cependant une absence de corré-lation entre la sévérité de la sténose et l’intensité dessymptômes. Le scanner donne également des renseigne-ments importants sur les éléments constitutifs de lasténose :hypertrophie du massif articulaire postérieur avecparfois ostéophytose,saillies discales,brièveté des pédicules(fig. 3).

La saccoradiculographie est le seul examen effec-tué en station debout et avec des tests dynamiques,doncdans des conditions voisines de celles qui déclenchentles phénomènes douloureux. Elle donne une vue géné-rale du trajet des racines depuis le cône terminal jusqu’àleur sortie. L’étroitesse canalaire est bien visible sur lecliché de profil montrant un aspect festonné, en chapeletdu sac dural avec des zones de rétrécissement derrière ledisque et devant les massifs articulaires.Surtout,une trèsnette réduction du canal rachidien est révélée lorsque lemalade est mis en extension par rapport à la positiondebout. Cet examen, qui peut être couplé à une étudetomodensitométrique, a comme inconvénient principald’être invasif, de se compliquer parfois de syndromepost-ponction lombaire.Il est maintenant plus rarementpratiqué.

L’IRM (fig. 4) présente certains avantages sur cesdeux méthodes,en particulier l’exploration dans les troisplans de l’espace et l’effet « myélographique » sur lesséquences pondérées en T2.Cet examen permet une étudecomplète du rachis lombaire sur toute sa hauteur ; ilvisualise particulièrement bien, dans les séquences T1,l’hypertrophie des ligaments jaunes et les sténoses trèslatérales (foraminales) sur les coupes sagittales montrantune disparition de la graisse pré- et rétroradiculaire.Il esttechniquement possible de réaliser des IRM en ortho-statisme, mais ce type de machine n’existe pas encore enFrance.Ce concept d’IRM dynamique sera certainementdéveloppé dans l’avenir et très utile dans cette indication.Chez les patients âgés, des images de sténose s’observentfréquemment chez des sujets qui n’ont aucun symp-tôme. La spécificité de l’imagerie reste donc médiocreavec près de 28 % de faux positifs.7

En pratique,les explorations de première intention devant une suspicion de SCL doivent comprendre desradiographies standard et un examen tomodensitomé-trique du rachis lombaire. Le diagnostic n’est établiqu’en cas de sténose radiologique associée à un dessignes cliniques suivants : claudication neurogène avec

syndrome positionnel, ou anomalies mono- ou pluri-radiculaires des membres inférieurs non expliquées parune atteinte neurogène périphérique ou une atteintediscale. Les autres procédés d’imagerie, et notammentl’IRM, ne sont effectués que lorsqu’un doute diagnos-tique persiste, ou lorsqu’une intervention chirurgicaleest envisagée. Les explorations neurophysiologiques(électromyogramme et potentiels évoqués somesthé-siques) ne font pas partie des méthodes usuelles permet-tant d’établir le diagnostic de SCL ni de proposer unestratégie thérapeutique.

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Fig. 4 – IRMséquence T2 :a) canal lombaireétroit sténosé à l’étage L4-L5avec arthroseinterapophysairepostérieure(flèches) et hypertrophiedes ligamentsjaunes (*) ;b) canal lombairede dimensionnormale en L5-S1(même patient).

Fig. 3 – Scanner :canal lombairerétréci avecarthroseinterapophysairepostérieure etostéophytose.

a

b

* *

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Évolution naturelle : très lenteL’évolution est importante à connaître et à expliciteraux patients, souvent inquiets quant à leur devenirfonctionnel.Cette évolution est appréciée sur des paramètres cli-niques comme le temps d’apparition de la claudication àla marche ou à la station debout, sur les échelles visuellesanalogiques radiculaires et lombaires, sur des indices dequalité de vie (autoquestionnaires qui précisent le reten-tissement de la douleur sur les activités quotidiennes, letravail, les loisirs, l’état psychique, la vie sociale) et, enfin,sur les données de l’examen clinique.Plusieurs études8 basées sur ces critères permettentd’affirmer que les symptômes de la SCL ne s’aggraventqu’inconstamment, toujours très lentement, et ne justi-fient jamais un geste chirurgical urgent. Ainsi, dans uneétude9 sur 32 patients suivis en moyenne pendant 4 ans,70 % ne notaient aucune modification, 15 % voyaientleur état s’aggraver et 15 % observaient même uneamélioration sans traitement.

TRAITEMENT : MÉDICAL D’EMBLÉE

Traitement médical :antalgiques, infiltrations,rééducation

Il associe un traitement médicamenteux et un traite-ment masso-kinésithérapique.

Traitement médicamenteux.Les antalgiques de classe 1 ou 2 sont constammentutilisés mais, dans certaines situations, les morphino-mimétiques, dans le respect strict des règles de prescrip-tion,sont d’un appoint intéressant.Les anti-inflammatoires non stéroïdiens sont d’unusage plus difficile au long cours et chez des sujets âgés etpolymédicamentés.Les infiltrations lombaires de corticoïdes solubles sontutilisées pour leur hypothétique effet anti-inflammatoiresur la souffrance radiculaire. Elles peuvent être réaliséesen injection intradurale,mais cette technique a été rendueresponsable de quelques cas de thrombophlébite céréré-brale ; on a donc surtout recours à la voie épidurale (parvoie interlamaire,par le hiatus sacro-coccygien,ou par lepremier trou sacré). Les incidents sont ici exceptionnelsavec les précautions d’asepsies usuelles et le respect descontre-indications, notamment la prise d’anticoagulantsou d’antiagrégants plaquettaires. Deux infiltrations sonthabituellement réalisées à quelques jours d’intervalle.L’efficacité semble supérieure à celle observée dans lasciatique d’origine discale,10 mais les résultats desquelques études contrôlées disponibles sont contradic-toires. L’amélioration est inconstante mais, lorsqu’ellesurvient, elle se prolonge de 15 jours à 10 mois. Elleserait plus grande chez les sujets âgés.11

Traitement masso-kinésithérapique.La rééducationcomporte une dominante antalgique par les massages et

la physiothérapie.Elle enseigne le positionnement lombo-pelvien (en particulier la rétroversion du bassin),renforceen condition isométrique les muscles fléchisseurs lom-baires, et améliore la mobilité sous-pelvienne par desétirements des ischio-jambiers. Elle est efficace à courtterme dans la moitié des cas.Elle est complétée par le portd’une contention abdomino-lombaire souple dont le butest de diminuer la lordose lombaire.

Ce traitement médical est toujours indiqué d’emblée,en l’absence de complications neurologiques (très rares),et cela quelles que soient les données fournies par l’ima-gerie concernant le siège et l’importance de la SCL.

Traitement chirurgical : après échec du traitement médical prolongé

Les méthodes employées dépendent des donnéescliniques et radiologiques. Le but est de décomprimerles structures nerveuses sans compromettre la stabilitérachidienne.

La chirurgie postérieure est de loin la plus pratiquée:simple « recalibrage » ou laminectomie avec arthrectomiepartielle ou totale.Une arthrodèse (greffe autologue avecou sans ostéosynthèse) est réalisée en cas d’instabilitéradiologique (antélysthésis) ou de scoliose importante.Un corset est prescrit après l’intervention,pendant 3 moisen cas d’arthrodèse. La fréquence des complicationsper- et post-opératoires augmente avec l’âge et en casd’arthrodèse avec instrumentation. Le taux moyen decomplications en cas d’instrumentation avec vis pédi-culaire est de 5 %.12

Le traitement chirurgical est proposé dans les sté-noses canalaires rebelles,responsables d’une radiculalgieprédominante sur la lombalgie,diminuant de façon nettela qualité de vie et après échec du traitement médicalprolongé pendant au moins 3 mois.

Les résultats sont appréciés de façon variable selonles études et ont été comparés aux bénéfices apportéspar le traitement médical. À court terme (1 à 4 ans),l’amélioration de la radiculalgie est plus nette chez lespatients opérés.13,14 Les bons résultats s’observent alorsdans 70 % des cas contre 52 % chez les patients traitésmédicalement.À plus long terme (8-10 ans), les bénéficesde la chirurgie sont moins évidents, puisque l’amélio-ration du symptôme le plus gênant et de la lombalgies’observe chez la moitié des patients qu’ils aient été ounon opérés. Le taux de satisfaction des patients sur leurétat après 10 ans est également identique dans les2 groupes. Les échecs de la chirurgie, d’emblée ou aprèsune amélioration transitoire, révèlent soit une insuffi-sance de libération des racines, soit, à plus long terme,une instabilité (notamment au-dessus d’une arthro-dèse) ou une repousse osseuse. L’opportunité d’unereprise chirurgicale peut être discutée ; cependant,dansune série, aucun bénéfice n’a été constaté après unenouvelle intervention.13

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En conclusion, compte tenu de l’évolution naturellede la SCL, de l’absence de facteurs prédictifs d’un échecchirurgical,et des fréquentes comorbidités observées chezles patients âgés, la chirurgie doit être envisagée avecprudence et après avoir utilisé les autres alternativesthérapeutiques.

CONCLUSIONLa sténose du canal lombaire associe, dans la plupartdes cas, une claudication radiculaire intermittente avecsyndrome postural à une réduction de la taille du canallombaire sur la tomodensitométrie. Du fait de sonorigine essentiellement dégénérative, cette pathologieatteint les sujets âgés. Le traitement est médical enpremière intention, associant antalgiques, infiltrationépidurale de corticoïdes et kinésithérapie. ■

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SUMMARY. Lumbar spinal canal stenosis

Lumbar spinal canal stenosis is a frequent rheumatological problem essentially of dege-nerative origin, affecting more commonly elderly people. The diagnosis is clinical andradiological. The master symptom is that of intermittent radicular claudication relievedby spinal flexion. Lumbar CT is the examination of choice, allowing the measurement ofthe antero-posterior diameter of the dural cul-de-sac that is normally greater than 15mm.The MRI is above all used in cases of diagnostic doubt or when recourse to surgery is beingconsidered. The treatment is practically always firstly medical. It includes epidural infil-trations of corticosteroids, rehabilitation and the use of pain relievers. Surgery is above-allindicated in cases of resistance to medical treatment.

en pratique• Le diagnostic de canal lombaire étroit doit être évoqué devant

une lombosciatique soulagée par l’antéflexion du tronc, entraînantune claudication intermittente à la marche ou à la station deboutprolongée.

• L’examen clinique est souvent pauvre, à l’inverse de ce qui estobservé dans la sciatique d’origine discale.

• Le scanner lombaire permet de confirmer le diagnostic en objectivant la sténose du cul-de-sac dural.

• L’évolution naturelle est très lente, justifiant un traitementmédical de première intention. Il associe antalgiques, infiltrationsépidurales et kinésithérapie. La chirurgie n’est indiquée que dansun second temps. Elle est surtout efficace sur la douleur radiculaireet beaucoup moins sur la lombalgie.

■ En pratique. Anorexie mentale

et boulimie (II) p. 1405

■ Grossesse chez une patiente

épileptique p. 1407

■ Quels médicaments nébuliser ? p. 1412

■ Dissections carotidiennes p. 1427

■ Gouttes nasales, lavages de nez

p. 1431

■ Recommandations. Antibiothérapie de la

rhinopharyngite et de l’angine aiguë p. 1435

■ Recherche. Amélioration par la visite de

pairs de la prise en charge de l’IRC p. 1444

■ Qualité des soins. Réseaux de santé

Diabète (II) p. 1450

■ Internet. Programmes d’EPP en ligne

p. 1453

Site Internet: 33docpro.com

B I M E N S U E L D E F O R M AT I O N M É D I C A L E C O N T I N U E

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MÉDECINE GÉNÉRALE

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L’accompagnement psychologique

commence chez le médecin traitant p 1417

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