Cahors octobre 2014 120dpi

20
Balade d'automne dans le Quercy 11 et 12 octobre 2014 ------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------ Balade d'automne dans le Quercy Saint-Cirq-Lapopie Cahors 11 et 12 octobre 2014

description

Carnet de voyage Cahors oct 2014

Transcript of Cahors octobre 2014 120dpi

Page 1: Cahors octobre 2014 120dpi

Balade d'automne dans le Quercy 11 et 12 octobre 2014------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

-------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Page 1 Jean-Pierre Lazarus

Balade d'automne dans le Quercy

Saint-Cirq-LapopieC a h o r s

1 1 e t 1 2 o c t o b r e 2 0 1 4

Page 2: Cahors octobre 2014 120dpi

Balade d'automne dans le Quercy 11 et 12 octobre 2014------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

-------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Page 2 Jean-Pierre Lazarus

Carte simplifiée des environs de Cahors

Hôtel

Pech Merle

Vue oblique sur Cahors

Page 3: Cahors octobre 2014 120dpi

Balade d'automne dans le Quercy 11 et 12 octobre 2014------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

-------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Page 3 Jean-Pierre Lazarus

Balade d'automne dans le Quercy

7 h 10 : la nuit est encore bien installée lorsque notre bus fait halte à la Porte d'Aquitaine, pour le traditionnel petit déjeuner autoroutier. Cet automne, le Comité du quartier du Monteil organise son voyage dans le Quercy pour faire découvrir, à quarante Pessa-cais, trois de ses sites majeurs : Saint-Cirq-Lapopie, Pech-Merle et Cahors. Sans doute, suis-je déjà allé dans ce coin de France mais il y a si longtemps que peu de souvenirs me restent. Voire aucun, sauf peut-être une trop rapide escapade vers le pont Valentré, plusieurs décennies auparavant… Ne les ai-je pas rê-vés, ces voyages, si je m'en souviens si peu ? Tout cela est perdu dans le brouillard de ma mémoire comme le paysage de l'Agenais se perd, en ce samedi 11 octobre 2014, dans le brouillard matinal.

À 7 h 30, lorsque nous retrouvons le ruban noir de l'autoroute, l'aube pointe : la nuit nous libère mais nous restons noyés dans une épaisse brume. Alors que les terres languedociennes qui forment le parvis des Cévennes sont inondées par des pluies considérables et répétitives, ce jour naît, pour nous, sous un couvert nuageux dont nous nous contentons, trop heureux d'échapper aux pluies automnales. Puis vient l'instant où le jour s'ébroue de son brouillard : verrons-nous quelque chose du pays vers lequel nous allons ?

8 h. Nous quittons l'autoroute. Les hautes tours de Golfech sont mangées par la brume qui engloutit aussi les paysages. Il n'y a plus rien à voir au travers du rideau aqueux qui recouvre les vitres du bus. Dormir reste la meilleure attitude car pour chacun, le réveil fut plus que matinal.

9 h. Voici plus d'une heure que notre chauffeur trouve son chemin dans cette soupe grise, que le bus nous promène, par d'étroites routes, dans cette ouate épaisse. Je perçois, au-delà des gouttes qui ruissellent sur les carreaux bombés, les murs calcaires des mai-sons et des sols blancs, qu'au filtre du brouillard, on prendrait pour du sable. Sont-ce donc ici des dunes ? Non, ce ne sont que les affleurements des calcaires blancs des causses La route, guère plus large que le bus, serpente-t-elle déjà dans les collines du Lot ? Où sommes-nous, en vérité ?

9 h 20. Le soleil gagne son combat contre l'épais brouillard qui cède la place à un ciel magnifique. Au-rions-nous de la chance ? Soudain, le brouillard n'est plus qu'un souvenir, dessiné avec précision dans les toiles d'araignées qui habillent les hautes herbes des champs. L'espoir vient de traverser une très belle jour-née, espoir court car, aux abords de Saint-Cirq-Lapo-pie, le couvercle gris se referme sur le causse, sa forêt, ses vallons, et dissimule, aux visiteurs déçus, les hauts toits de tuiles plates. Déception lorsque, peu avant dix heures, bien plus tôt que prévu, nous découvrons un village diaphane, transparent, presque invisible…

S A I N T -C I R Q -L A P O P I E

En attendant l'arrivée de la guide, nous descendons sur la place du Sombral pour grimper sur l'éperon qui fut à l'origine de la construction du village. Les ruines d'un château y subsistent encore. Visibilité très réduite : pour découvrir le riant paysage de

la vallée du Lot, il faut se concentrer sur les tables d'orientation heureusement très bien peintes, encore en bon état. Le panorama sur la vallée et sur le village doit être fort joli mais ce matin, à peine aperçoit-on la puis-

La plaine du Lot telle que nous ne l’avons pas vue Le Lot et son écluse, au pied du village

Phot

o JP

L.

Phot

o JP

L.

Page 4: Cahors octobre 2014 120dpi

Balade d'automne dans le Quercy 11 et 12 octobre 2014------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

-------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Page 4 Jean-Pierre Lazarus

sante masse de l'église et quelques toits regroupés dans le vallon protecteur. La guide nous rejoint vers 10 h 30 : qu'allons apprendre de ce village, de cette région ?

Réunis sur la place du Sombral, nous écoutons celle qui nous révèle l'histoire du village. Elle parle avec un léger accent, agréable à entendre. J'appren-drai plus tard que Susanne est anglaise, autrefois pro-fesseur de français. Il faut profondément aimer une région pour venir y vivre et prendre plaisir à en narrer l'histoire à ceux qui viennent la visiter. Et l'histoire du Quercy, il me semble que notre guide la connaisse très bien. Phrase après phrase, celle de Saint-Cirq-Lapo-pie nous est offerte, pendant presque deux heures, dans la rue du village.

Au commencement, il y avait un rocher, un escar-pement posé sur la falaise qui domine le Lot. Ce site défensif ne pouvait être ignoré des hommes qui vécu-

trum génère bientôt l'afflux de chevaliers, de soldats et d'une population qui recherche la protection des sei-gneurs. Tout ce monde s'installe dans le ravin descen-dant vers le Lot. Le village encaissé reste invisible tant de la vallée que des causses qui l'enserrent. Il est, de plus, protégé des fortes intempéries : un site remar-quable…

Construit au-dessus de la vallée du Lot, Saint-Cirq-Lapopie profitait aussi de cette voie commer-ciale incontournable. En un temps où les routes n'existaient guère, où, pour relier les villages, il fallait utiliser les chemins passant par les crêtes et traver-sant les causses, la rivière était un axe de commerce d'importance. Donc de revenus pour qui avait l'idée d'instaurer un péage sur les marchandises pour que le village s'enrichisse, pour que des commerçants s'y ins-tallent, pour que de fort belles maisons témoignent, aujourd'hui encore, de cette extrême richesse d'antan.

Des familles industrieuses s'installèrent dans le vil-lage, en particulier des tanneurs et des peaussiers, relé-gués tout en bas du ravin, des chaudronniers et des po-tiers qui fabriquaient des objets familiers dont tous avaient besoin. La guide nomme les récipients en terre "oules" et leurs artisans "peyrouliers" –, des tourneurs sur bois – roubinetaïres – qui travaillaient le buis, le noyer et d'autres essences locales. Ils fabriquaient les écuelles, les gobelets, les moules à boutons. Plus tard, leur spécialité devint les "robinets" de tonnellerie que l'on posait sur les fûts et les foudres. Cet artisanat, riche de valeur ajoutée, permit aux artisans et aux commerçants de bâtir les très belles demeures ali-gnées le long des rues pentues. Il y avait, bien sûr, un port au bord du Lot par lequel transitaient les riches-ses produites en amont.

rent ici. Sans doute, les Gallo-romains, eux-mêmes, ne négligèrent point ce lieu. Au XII e siècle, un château est construit. Par qui ? Trois familles se partageaient le Quercy : la plus puissante, celle des Gourdon, a laissé son nom à la ville de Gourdon, au nord-ouest du dé-partement ; celle des Cardaillac, originaire de Car-daillac, bien sûr, dans l'est du Quercy, édifia un donjon puissant dont les ultimes ruines sont visibles près de l'église ; celle des Lapopie, la moins puissante des trois, dont le nom rappelle le rocher sur lequel fut construit leur château 1. Le village se retrouve donc protégé par ces trois familles, deux d'entre elles ayant son château sur le tertre. Les Gourdon, propriétaires d'un château à Cénevières, ne construisirent pas à Saint-Cirq. Ce cas-

Phot

os JP

L.

Fenêtre Renaissance Belle demeureFaçades de la rue principale

Note 1 : La guide explique que popia est un mot celte signifiant colline en forme de mamelon.

Page 5: Cahors octobre 2014 120dpi

Balade d'automne dans le Quercy 11 et 12 octobre 2014------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

-------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Page 5 Jean-Pierre Lazarus

ces vides sanitaires entremi. On retrouve ce principe architectural dans les bastides où il est appelé an-drone. Difficile de retrouver des maisons originelles datant des siècles d'opulence, qui auraient traversé le temps sans aucune transformation. Les propriétaires successifs ont eu à cœur de faire évoluer les façades pour, parfois, y percer de belles fenêtres Renaissance, dites à meneau. Parfois aussi, le remplissage est un mélange de briques fines et de pierres, les premières étant d'un usage plus récent que les secondes. L'autre raison pour laquelle les maisons du village ont subi des transformations qui altèrent leur originalité est l'his-toire démographique du village. En expansion entre les XIII e et XVI e siècles, la population déclina par la suite et le village se vida pendant la première moitié du XX e siècle. Les Trente Glorieuses virent revenir des habitants qui rachetèrent les maisons abandonnées et les rénovèrent. Aujourd'hui, un nombre important de maisons sont des résidences secondaires. Avant de

Face aux quatre belles demeures de la place du Sombral, Susanne nous explique comment ces mai-sons étaient construites. Chaque propriétaire voulait sa demeure plus belle que celle de son voisin. Des maçons, reconnus pour leur art, construisaient les soubassements des maisons et les angles des murs de fort belle manière. Nous avons admiré, dans les rues visitées, quelques beaux angles de murs en belles pier-res du pays. L'étage, généralement bâti en encorbel-lement, reposait sur de solides poutres en chêne dont une extrémité, faisant office de corbeau et visible de la rue, pouvait être joliment travaillée, pour la plus grande fierté de la famille. Pour alléger la masse de l'étage, les murs étaient construits en colombages que notre guide veut absolument nommer pans de bois. Les colombages, nous dit-elle, sont constitués de croisillons de bois emplis de torchis. Lorsque les remplissages sont faits de briques fines, de pierres en calcaire blanc ou, beaucoup mieux mais sans doute

quitter la place du Sombral, coup d'œil à l'arche, an-cienne porte d'accès au château des Lapopie.

Nous voici maintenant en bas de la place du Sombral, au débouché de la rue principale ou Rue Droite 2. C'est une très jolie rue dont nombre de mai-sons possèdent des arcades en ogive, certaines larges, d'autres étroites. Ces belles ouvertures témoignent de la richesse commerciale du village, de la puissance de ses artisans et de ses commerçants. Chaque ogive large ouvrait sur une boutique, généralement sans communication avec le reste de la demeure. Il faut imaginer les étals débordant sur la rue comme cela se voit encore dans les souks de certaines villes du Sud.

plus cher, de travertin, il faut parler de pans de bois. Admettons donc l'expression "pan de bois". À Saint-Criq-Lapopie, village relativement riche, les habitants pouvaient se permettre de faire construire même ces pans de bois par les maçons, ce qui assurait une grande qualité aux maisons. La plupart sont en bri-ques ou en pierres. Si l'appareil n'était pas esthétique, une couche de crépis le cachait. Ainsi, en quelques décennies, tout le village s'habilla de belles demeures solidement construites. Susanne nous explique un détail qui, sans cela, serait passé inaperçu : certaines maisons ne se touchent pas mais sont séparées par un vide très étroit qui, nous dit-elle, pourrait remonter à la civilisation romaine, en ces temps lointains où les murs mitoyens étaient interdits, où les maisons de-vaient posséder leurs quatre murs. Susanne nomme

Façades, place du Sombral, datées des XIII e et XIV e siècles Les arcades en ogives

Note 2 : Plus tard, la guide nous expliquera le sens de ce mot "Rue droite".

Phot

os JP

L.

Page 6: Cahors octobre 2014 120dpi

Balade d'automne dans le Quercy 11 et 12 octobre 2014------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

-------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Page 6 Jean-Pierre Lazarus

11 h 30. Nous atteignons le parvis de l'église saint Cyr et sainte Julitte dont Susanne nous raconte l'his-toire. Elle est dédiée au très jeune Cyr de Tarse, mar-tyrisé, sous le règne de Dioclétien, avec sa mère Ju-litte alors qu'il n'avait que cinq ans. Au commence-ment donc, était une petite chapelle romane édifiée au bord du vide. La population du village grandissant, il fallut se résoudre, en 1520, à édifier une église plus grande. L'espace manquant entre le castrum et le pré-cipice, la seule solution fut de désaxer l'édifice. L'an-cienne chapelle devint le transept de la nouvelle église, dorénavant orientée Nord - Sud. Son agrandis-sement vers le Sud obligea la population à déménager le marché qui se tenait en cette petite place sur celle du Sombral. Le portail, du XVI e siècle, surmonté d'un arc légèrement ogival, comporte deux entrées

Les arcades étroites servaient d'entrées dans les mai-sons. Certaines des arcades ont été murées, d'autres réduites : il faut accepter ces aléas et ces transforma-tions que le passage des ans inflige, au fil de l'his-toire…

En descendant la rue principale, nous admirons d'autres très belles façades dont une constituée d'un double encorbellement dont les pans de bois sont emplis de travertin, ce calcaire léger et résistant fa-briqué par le ruissellement, dans les sources ou les cascades riches en eaux calcaires. Elle daterait des XV e ou XVI e siècle. Il faut y observer les solives travaillées et leur assemblage chevillé : du travail très bien fait. Admiration… L'une des fenêtres de ces maisons est ornée d'une colonne surmontée d'un chapiteau ; sur le linteau, une croix est gravée. Sur une autre de ces façades remarquables, des fenêtres à meneau sont ri-chement décorées.

séparées par un trumeau orné d'un pot à feu. L'archi-volte supérieure est décorée de végétaux. À gauche du portail, nous observons une mesure étalon en calcaire qui permettait de vérifier la justesse des mesures utili-sées par les commerçants, sur les marchés.

La haute tour carrée qui sert de clocher à l'église participe à son aspect fortifié. Au sommet de la tou-relle ronde qui lui est adossée, se trouve une chambre de guet visiblement ajoutée bien après la construc-tion de l'église. Sa forme carrée est posée en équilibre sur la tourelle, haute cage d'un escalier à vis. Nous apprenons qu'Henri IV ordonna la destruction du château des Cardaillac, pourtant partisans des hugue-nots, à la fin du XVI e siècle.

Nous nous déplaçons vers la chapelle romane si-tuée au bord de falaise. Nous y observons le chœur arrondi, les trois ouvertures en plein cintre, les con-

treforts plats, les corbeaux en pierre peu travaillés qui soutiennent l'avant-toit. L'ensemble cultuel est mo-numental pour un si petit village dont la commune ne compterait, nous dit encore la guide, que deux cents habitants environ. Le brouillard commençant à se dissoudre, nous pouvons enfin contempler le Lot qui paresse au pied du précipice. L'une des nombreuses écluses qui permettent une navigation touristique sur la rivière est maintenant bien visible.

Autrefois, avant que Léonard n'en invente le principe, les écluses n'existaient pas. Les bateaux des-cendaient les rivières, franchissaient les barrages, construits pour alimenter les moulins, par une passe-lys et étaient vendus à destination, que ce fut Ai-guillon ou Bordeaux. Lorsque, au XVII e siècle, les

La chapelle romane devenue transeptDétails architecturaux Façade en travertin

Phot

o M

artia

l M.

Phot

o JP

L.

Phot

os JP

L.

Page 7: Cahors octobre 2014 120dpi

Balade d'automne dans le Quercy 11 et 12 octobre 2014------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

-------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Page 7 Jean-Pierre Lazarus

peintre Henri Martin (1860 - 1943), que je ne connais pas, aimait admirer et peindre le village ; il y acquit une maison en 1912. Certaines de ses œuvres repré-sentent le village.

Lot et écluse depuis le haut de la falaise Tour et vigne

Le castrum

écluses furent aménagées, il fallut aussi créer des chemins de halage le long des cours d'eau navigables. Les hommes d'abord, les bœufs, ensuite, tiraient les bateaux à la remontée. Les éclusiers devaient être des personnes fort cultivées, sachant lire et écrire, car ils remplissaient des cahiers de navigation, notant sys-tématiquement les noms des bateaux et ceux de leurs marchandises. Ces registres, lorsqu'ils nous sont par-venus, deviennent des documents très utiles pour comprendre cet aspect de l'histoire récente. Ce commerce fluvial connut une période florissante jus-qu'à ce que le chemin de fer ne pointe sa fumée dans les vallées. Incapable de concurrencer ce cheval de fer, le commerce fluvial périclita et disparut en quel-ques années. La rivière navigable fut déclassée en 1926, les aménagements tombèrent en désuétude et furent abandonnés jusqu'à ce que, vers la fin du XX e siècle, l'intérêt d'un Lot navigable ne soit l'amorce d'un plan touristique d'envergure. Des aménagements

furent donc réalisés pour que la navigation de loisir prenne la relève. Aujourd'hui, dans son département, la rivière est navigable sur près de cent vingt kilomè-tres, entre Touzac et Albas puis entre Luzech et La-magnol. Une seule des nombreuses écluses serait au-tomatisée.

Notre promenade nous conduit près de la maison Reignault que nous ne visitons pas (un musée est aménagé à l'intérieur) et au pied de la maison Daura dont les belles baies aux arcs trilobés dessinent l'angle des murs. À midi, la cloche fait vibrer l'air alors que Susanne nous raconte la visite d'André Breton et sa passion pour le village. Il y acheta une maison et invi-ta l'intelligentsia parisienne à découvrir Saint-Cirq-Lapopie. Elle nous montre aussi le kiosque duquel le

Mais voici qu'il est déjà tard. Alors qu'une grande partie du village nous reste inconnue, nous commen-çons à remonter vers la place du Sombral, ainsi nom-mée à cause de l'ombrage que lui offrent de beaux arbres. Si nous étions descendus jusqu'aux dernières maisons, nous aurions atteint l'ancien quartier des tanneurs et des peaussiers qui étaient installés dans la rue de la Pelissaria, la bien nommée.

Pendant que nous attendons le bus et que nous nous apprêtons à quitter le village, un soleil resplen-dissant illumine les toits de tuiles plates.

Nous traversons le Lot pour une pause de deux heures au restaurant situé au lieu-dit Tour de Faure : ne jamais sous-estimer l'importance du restaurant

"Saint-Cirq embrasée aux feux de Bengale m’est apparue comme une rose impossible dans la nuit."

André Breton

"Par-delà bien d'autres sites - d'Amérique, d'Eu-rope - Saint-Cirq a disposé sur moi du seul en-chantement : celui qui fixe à tout jamais. J'ai cessé de me désirer ailleurs."

André Breton

Imag

es w

ww

Maison Breton

Phot

os JP

L.

Page 8: Cahors octobre 2014 120dpi

Balade d'automne dans le Quercy 11 et 12 octobre 2014------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

-------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Page 8 Jean-Pierre Lazarus

dans les sorties du Comité ! Toujours bien choisi, le menu proposé chatouille les papilles.

Vers 14 h 40, nous reprenons notre route vers la seconde partie de cette journée. Le bus remonte la vallée du Célé jusqu'au village de Cabrerets, com-mune sur laquelle se trouve la grotte de Pech Merle.

P E C H M E R L E

Il y a vingt ans, je visitais la grotte de Pech Merle mais n'en garde ni souve-nir ni photo. Seulement l'illusion d'un personnage bizarre que je ne retrouverai pas au cours de la visite. À la descente du bus, je ne reconnais rien de cet endroit au

point qu'une visite ici devient imaginaire. Le groupe est divisé en deux et, à 15 h 15, Marion, la guide, invite le premier groupe à entrer dans la grotte de Pech

les parois de Pech Merle, les dessins et peintures ne peuvent être datés de manière absolue. Seule la scène des chevaux tête-bêche a été datée de 26 000 ans, environ… Les artistes préhistoriques mélangeaient leurs pigments avec de la graisse ou de la salive. Ils tra-çaient les lignes avec leurs doigts, avec un bâtonnet ou un pinceau, peignaient avec un tampon de peau ou en crachant sur la paroi autour d'une main soigneusement appliquée, par exemple. Ils s'éclairaient grâce à des lampes à graisse animale munies de mèches végétales.

Détail de la frise noire MammouthMain négative rouge

Merle, par une entrée artificielle : une longue volée de marches creusée en 1923.

Rassemblés dans la première salle, nous l'écou-tons nous parler de Cro Magnon, un homme comme ceux d'aujourd'hui, qui ne vivait pas dans les grottes mais probablement sous des abris sous roche, près des cours d'eau. Les grottes étaient-elles des sanctuai-res, ainsi que nombre de préhistoriens le pensent ? Les hommes de Cro Magnon utilisaient trois pig-ments pour réaliser leurs dessins et leurs peintures sur les parois : l'oxyde de fer, rouge, le charbon de bois et l'oxyde de manganèse, noir. Seul, le charbon de bois, en contenant des éléments végétaux, peut être daté avec précision par la méthode du carbone 14. Comme il y a très peu de lignes tracées au charbon de bois sur

À présent que nous avons acquis les bases essen-tielles, nous nous avançons vers la salle de Combel, la dernière atteinte par le découvreur de Pech Merle, en 1949. La grotte fut, en effet, visitée pour la première

La frise noire : bisons et chevaux

Imag

e w

ww

Imag

es w

ww

Les chevaux ponctués

Imag

e w

ww

Page 9: Cahors octobre 2014 120dpi

Balade d'automne dans le Quercy 11 et 12 octobre 2014------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

-------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Page 9 Jean-Pierre Lazarus

fois par trois adolescents aventureux qui s'enfoncè-rent dans une faille naturelle puis se glissèrent dans un long boyau jusqu'à déboucher sur la salle des pein-tures : la main rouge et les chevaux pointillés furent leurs premiers étonnements. L'entrée originelle fut fermée par un éboulement qui dut se produire il y a quelque dix mille ans. Cette longue isolation explique la qualité des peintures ; d'ailleurs le nombre de visi-teurs est compté. Les préhistoriens supposent que l'entrée par laquelle pénétrèrent les hommes de Cro Magnon se situait près de cette salle de Combel dont les peintures seraient les plus anciennes de la grotte. Malheureusement, elles sont interdites aux visites touristiques. Nous devons nous contenter d'une lon-gue racine de chêne traversant le calcaire et d'os mis en scène derrière un grillage. Au cours de cette visite, l'impasse sera le plus souvent faite sur les concrétions, forêts de stalagmites fins et élancés, profusion de sta-lactites qui pendent aux fissures des plafonds – fistu-

permet à peine d'observer les peintures. Nous voici devant le long panneau de la frise noire, constituée d'une série de chevaux, d'aurochs, de mammouths et de bisons, tous enchevêtrés, difficilement discerna-bles. Avec son laser rouge, la guide tente de suivre les lignes pour que nous saisissions les animaux dans leur totalité : exercice difficile car le groupe trop nom-breux – vingt-cinq personnes – ne peut tenir devant l'œuvre préhistorique. Du commentaire entendu, j'ai retenu qu'il était très probable qu'un seul artiste ait dessiné cet ensemble. Cette remarque me pose ques-tion : cet art préhistorique, laissé par Cro Magnon, n'était peut-être que le fruit d'un seul homme, un parmi des milliers qui se succédèrent au bord du Cé-lé. Rares étaient ceux qui possédaient le génie du des-sin ; un peu comme aujourd'hui où il n'existe qu'un seul Picasso, qu'un seul Dali, qu'un seul Dürer… Sans doute l'espèce fut-elle capable de créer ces chefs-d'œuvre mais peu savaient le faire. Avaient-ils un sta-

leuses –, colonnes fines et drapés. Il existe aussi des colonnes énormes, preuve que depuis cinq cent mille ans, nous précise Marion, la rivière a abandonné cette galerie supérieure. Seuls les disques apparaîtront dans le discours de la guide. Cette grotte recèle donc des concrétions superbes qu'il nous faut admirer en che-minant dans le labyrinthe calcaire.

Les salles de Combel, que nous n'avons donc pas visitées, sont riches de peintures extraordinaires. On pourrait y admirer trois "antilopes" aux corps énor-mes et aux têtes minuscules. Près d'elles, le profil d'une lionne ainsi qu'un bison et deux chevaux.

Demi-tour après être passés devant les ossements d'ours et de hyènes des cavernes. Nous avançons, sa-ges et silencieux, dans une lumière parcimonieuse qui

tut spécial au cœur de leur société ? Ces dessins sont-ils les caprices d'un génie ou des créations lon-guement discutées et décidées en communauté ? Le lieu choisi pour dessiner ces silhouettes animales est fort étroit, inadapté, à mon avis, au déroulement d'une quelconque cérémonie. La guide qualifie cette fresque de composition spirale : difficile de poser des questions, le temps de visite est limité à une heure et notre guide ne perd pas de temps. Sitôt vu, sitôt re-partis. Comment deviner que la fresque est consti-tuée de trois parties, chacune caractérisée par un en-semble d'animaux particuliers. À gauche, peu visible depuis notre position, une série d'aurochs mélangée à des mammouths et des chevaux. Les spécialistes ont vu dans les traits divergents qui semblent dépasser des naseaux des aurochs, leur souffle. L'un des au-rochs, dessiné verticalement, intrigue les préhisto-

Gravure d’une tête d’ours Cheval dans la galerie du Combel

Imag

es w

ww

Des

sin d

'aprè

s pho

to JP

L.

Page 10: Cahors octobre 2014 120dpi

Balade d'automne dans le Quercy 11 et 12 octobre 2014------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

-------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Page 10 Jean-Pierre Lazarus

riens : chute de l'animal ou hasard de la composition ? L'aurochs du bas est marqué par plusieurs blessures dont le sang semble jaillir. Au centre, une composi-tion de chevaux, de bisons et de mammouths. Les deux bisons font face aux aurochs précédents, alors que cinq ou six mammouths dessinent une couronne autour du thème central : est-ce là qu'il faille lire la spirale ? L'un de ces chevaux, dessiné en surimpres-sion, est particulièrement visible ; un mammouth, en bas de la fresque, paraît couvert de poils rouges, un autre porte de longue et élégantes défenses. Enfin, à droite, sont peints cinq couples de bison-mammouth.

Nous poursuivons notre cheminement par une corniche d'où on pourrait apercevoir les chevaux pointillés s'ils étaient éclairés. Sur le rocher, à gauche, un bison fait face à un mammouth. Dans la pénom-bre, épousant le relief du rocher, un autre mammouth dont Marion suit au laser la ligne du dos. Elle nous dit

point. Par une observation attentive (mais nous n'avons pas le temps), on pourrait aussi y lire un bou-quetin, plusieurs contours dorsaux de mammouths et trois couples mammouth-femme. Or, s'il est acquis que le bison est un symbole féminin, il semble tout aussi vrai que le mammouth est un symbole masculin. Quel serait donc le message laissé par Cro Magnon, sous ce plafond fragile ?

Le chemin aménagé nous conduit à la salle des disques, ces étranges concrétions circulaires et fines qui se seraient formées, nous dit-on, par la pression de l'eau jaillissant de micro-fissures. Cette explication ne me convainc guère. Plus loin, nous passons devant la trace d'une griffure d'ours : cinq lignes parallèles pour autant de griffes d'un ours des cavernes. En le-vant la tête, c'est toute une forêt de fistuleuses sus-pendues que je découvre, soudées aux fissures du pla-fond. Mais dont on ne nous dit rien…

Profil de vache Perles des cavernes

Imag

es w

ww

que, très probablement, ces dessins sont de la même main que ceux de la frise noire.

De gros blocs calcaires se sont effondrés du pla-fond bien avant l'arrivée des hommes de Cro Ma-gnon. Cet effondrement qui put se produire il y a cinq cent mille ans, nous dit notre guide, a laissé un nouveau plafond plan. Les hommes préhistoriques, qui n'avaient visiblement peur de rien malgré la faible lumière qui les accompagnait, ont escaladé ces énor-mes blocs et ont entrepris de graver, à l'aide d'une baguette, la fine pellicule d'argile qui recouvre le pla-fond. Parmi les centaines de dessins plus ou moins achevés, le rayon rouge de Marion, suivant l'enchevê-trement des lignes, dessine une figure féminine styli-sée. Je crois que beaucoup parmi nous ne la virent

Dans une argile solidifiée depuis des siècles, voici des empreintes de pas d'un adolescent, explique Ma-rion. Seule, l'une de ces empreintes est parfaitement dessinée, certaines à demi, d'autres très estompées au point qu'y voir une empreinte relève de l'extrapola-tion. Me revient alors en mémoire ce documentaire vu récemment à la télévision où des pisteurs Bochi-men avaient été invités à se pencher sur des emprein-tes trouvées dans la grotte Chauvet, afin qu'ils aident les scientifiques à les décoder. Ce qu'ils en avaient dit avaient ébahi les savants. L'authenticité de ces em-preinte serait garantie par l'effondrement de l'entrée.

Nous entrons dans un couloir qui a été surcreusé pour en faciliter le passage : une tête d'ours brun y est gravée, accompagnée de quelques traits. La paroi

Page 11: Cahors octobre 2014 120dpi

Balade d'automne dans le Quercy 11 et 12 octobre 2014------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

-------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Page 11 Jean-Pierre Lazarus

n'étant pas plane, la tête subit une anamorphose lors-qu'on la regarde de divers point de vue jusqu'à res-sembler à celle d'un chien. Faute d'un discours scien-tifique, il faut bien amuser les touristes qui ne sont pas là, c'est bien connu, pour apprendre mais pour se divertir. De très grosses colonnes habillent l'espace suivant.

Ce que nous éclaire la guide est assez original. Il s'agit des perles des cavernes, soi-disant assez rares. La guide les appelle pisolithes. De son explication, il ressort que de minuscules grains se sont entourés du calcaire dissout dans les gouttes d'eau qui chutent, creusent une petite cavité, y enferme le grain qui croît lentement, sans cesse agité par les successions de gouttes. Chaque perle a son trou de naissance. L'imagination de la nature a même créé une toupie. D'après Marion, ces perles sont beaucoup plus ré-cente que les allées et venues de Cro Magnon dans

corps des deux animaux est rempli de points et le contour extérieur de leur corps est cerné de la même manière. Les composants de cette peinture ont donc été datés de 26 000 ans environ, ce qui fait remonter la plupart des œuvres rassemblées à Pech Merle au gravettien, situé entre 29 000 et 22 000 ans avant J.-C. (Paléolithique supérieur). La guide nous donne leur âge : 24 600 ans. Les préhistoriens qui ont étudié les peintures de cette grotte considèrent ces chevaux comme contemporains des peintures du Combel, que nous n'avons pas vues. L'artiste a-t-il su profiter de la forme particulière du calcaire pour y intégrer son cheval ? Une observation trop rapide fait croire que l'échancrure calcaire est la gorge de l'animal alors que, beaucoup plus subtile, la tête du cheval de droite se glisse parfaitement sur le rocher, autour de cette échancrure. Ne pas croire au hasard, ne pas imaginer Cro Magnon ignare. À l'intérieur du cheval de droite, Marion dessine, avec son rayon rouge, le contour d'un

ces couloirs. En certaines grottes, de telles concré-tions se forment très rapidement.

Un escalier nous descend dans la grande salle, celle dans laquelle ont abouti les premiers explora-teurs. Au passage, observation d'une ramure de renne dessinée en perspective semi-frontale. Puis nous voici devant la main rouge, isolée sur sa petite paroi. C'est une main négative, semblable à celles que l'on trouve à Gargas ou à Cueva de los Manos, à plus de dix mille kilomètres. Elle est accompagnée d'une série de ponctuations rouges. Quelle signification faut-il y voir ? Telle est la grande question des préhistoriens…

Enfin, nous voici devant la plus belle peinture de Pech Merle : les deux chevaux ponctués, représentés tête-bêche et entourées de mains négatives noires. Le

Situation de la peinture des deux chevaux ponctués

brochet rouge que l'artiste lointain a trouvé sur la pa-roi et a su intégrer à son œuvre. Les mains qui entou-rent les chevaux sont-elles celles de l'artiste qui signa ainsi son travail ? Elles sont tantôt gauches, tantôt droites à moins que, comme le suggèrent certains tex-tes, elles furent appliquées sur la paume ou sur le dos.

La visite est terminée. Nous sommes invités à remonter à la surface. Pourquoi n'avons-nous vu ni les femmes-bisons dessinées dans un diverticule, près de la main rouge ni l'homme blessé, accompagné d'un bouquetin et d'un taureau, considéré comme l'une des plus belles figures de la grotte ? Et des plus com-plexes à expliquer… Sommes-nous trop nombreux, l'espace est-il trop étroit où, tout simplement, en in-terdit-on la visite ? Je ne me souviens pas non plus

L’empreinte de l’adolecsent

Imag

es w

ww

Page 12: Cahors octobre 2014 120dpi

Balade d'automne dans le Quercy 11 et 12 octobre 2014------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

-------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Page 12 Jean-Pierre Lazarus

avoir vu la vache noire… Je quitte la grotte de Pech Merle, étonné de la qualité des concrétions presque toutes passées sous silence, déçu de ne pas avoir re-trouvé ce dessin étrange (mais j'ai dû rêver l'avoir vu ici, puisqu'il n'y est pas), surpris de la qualité des des-sins et des peintures qui font de ce site l'un des plus riches de France. Six cents soixante-dix œuvres y au-raient été réalisées par les hommes de Cro Magnon.

Vers 16 h 40, nous remontons à l'air libre : un long temps nous est offert pour visiter le musée (assez bien fait), pour regarder un film narrant l'histoire de la grotte depuis sa découverte, pour déambuler de-vant la longue frise du temps qui montre explicite-ment que notre préhistoire est essentiellement faite de vides, d'immenses lacunes dont nous ne savons rien. Ceux et celles qui le souhaitent peuvent visiter la

boutique. Puis il faudra une heure pour rejoindre no-tre hôtel, excentré vers Lalbenque, en bordure de l'ancienne RN 20, déclassée en route départementale 820 ! Repas, repas, repos…

Détail de la frise noire L’homme blessé

D E U X I È M E J O U R : C A H O R S

Il pleut sur la piscine de l'hôtel. Chacun, en bouclant ses bagages, laisse à portée de main parapluie ou Kway : nous nous apprêtons à visiter la ville sous la pluie. Il faut un quart d'heure au chauffeur pour revenir à Cahors et autant pour atteindre

le lieu de rendez-vous : remontée du boulevard Gam-betta, passage près des remparts Nord puis devant l'arc de Diane. Lorsque, vers 10 h, nous retrouvons Su-san qui, aujourd'hui aussi, nous guidera dans la ville, la pluie est encore au programme. Notre guide propose donc d'effectuer un tour de ville en bus afin de nous rendre compte du site de Cahors, préfecture du Lot.

Comité de défense du quartier du Monteil Comité de défense du quartier du Monteil Comité de défense du quartier du Monteil Comité de défense du quartier du Monteil Comité de défense du quartier du Monteil Comité de défense du quartier du Monteil Comité de défense du quartier du Monteil Comité de défense du quartier du Monteil Comité de défense du quartier du Monteil Comité de défense du quartier du Monteil Comité de défense du quartier du Monteil Comité de défense du quartier du Monteil Comité de défense du quartier du Monteil Comité de défense du quartier du Monteil Comité de défense

Je ne connaissais rien à Cahors avant d'entre-prendre ce voyage. Aussi ce tour de ville est-il le bien-venu pour saisir un aperçu du site. Nous traversons la rivière par le pont Louis Philippe, pont du XIX e siè-cle qui remplaça le pont Vieux datant du XII e siècle. De cet ancien franchissement, il ne reste plus rien, ni la dernière arcade longtemps fichée dans les eaux du Lot ni les tours qui, peut-être, subsistent encore sur le blason de la ville et du Quercy. Au bout du pont, la Vierge du bon voyage et le faubourg Saint-Georges lequel, si j'en crois Susan, occupe la rive gauche de-puis le Moyen-Âge. À travers la végétation, nous dé-couvrons la vieille ville posée au-dessus d'une grande boucle du Lot, comme Besançon est lovée dans celle du Doubs. Depuis son promontoire, la vieille ville re-garde vers l'est. Quelques tours dominent les toits de

Le pont Valentré, depuis la rive gauche du Lot. Comme un château fort posé sur la rivière.

Phot

o JP

L.

Imag

e w

ww

Des

sin d

'aprè

s pho

to JP

L.

Page 13: Cahors octobre 2014 120dpi

Balade d'automne dans le Quercy 11 et 12 octobre 2014------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

-------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Page 13 Jean-Pierre Lazarus

bit le même sort et Périgueux également, obligée d'utiliser son amphithéâtre comme base du nouveau rempart.

De même que les localités situées le long de la rivière, Cahors profita du commerce fluvial sur le Lot. Des ponts furent construits pour relier les rives : le pont Vieux au XII e siècle, le pont Neuf au XIII e, le pont Valentré au XIV e. Pour se protéger des violen-ces engendrées par la guerre de Cent ans, un long rempart fut édifié au nord de la ville, son point faible, rempart qui fermait la boucle de la rivière. Pour la seconde fois, nous longeons ce rempart, rehaussé dans l'histoire, mélange de briques et de calcaire.

Au Moyen-Âge, l'Église concentrait les pouvoirs et occupait un immense espace dans la ville et dans ses alentours. L'imposante façade austère de la cathé-drale témoigne de ce pouvoir. Peu à peu, les habi-

tuiles : la tour du palais de Via, celle du palais Duèze et les deux grandes coupoles de la cathédrale.

Pendant que notre bus effectue son parcours tou-ristique, Susan décline l'histoire de la ville. Le site dé-fensif était certainement connu du peuple gaulois Cadurci avant que les Romains ne prennent posses-sion du pays mais c'est eux qui créèrent la ville dans son environnement défensif, au cours de la première moitié du I er siècle après J-.C. Ils profitèrent d'un gué pour franchir la rivière, du croisement de routes commerciales mais aussi d'une résurgence vauclu-sienne donnant une eau abondante toute l'année : dans une région calcaire, ce n'est pas négligeable. Cette ville romaine possédait tous les attributs des villes de son époque : il en reste, à Cahors, l'arc de Diane, ultime vestige des bains romains devant lequel nous passons. Comme ils savaient pas monter d'eau de la résurgence jusqu'au cœur de la ville, les Romains

construisirent un aqueduc d'une trentaine de kilomè-tres pour apporter aux fontaines et aux bains de la ville l'eau de la rivière Vers. Cet aqueduc, qui passait à flanc de falaise, ne fut plus entretenu lorsque la ville s'enfonça dans les ténèbres d'un Moyen-Âge agressé par les peuples en migration. Lorsqu'il fut hors d'usage, les femmes durent retourner à la résurgence ou puiser l'eau dans les citernes ou dans le Lot.

Comme la plupart des cités romaines, Divona Cadurcorum était, à l'origine, ouverte et occupait tout l'espace offert par le méandre mais, comme la plupart d'entre elles, elle s'enferma dans des remparts lorsque débutèrent les invasions germaniques et se recroque-villa sur les hauteurs, sur une surface beaucoup plus réduite qu'au temps de la paix romaine. Bordeaux su-

tants, commerçants et notables, essentiellement, souhaitèrent se libérer de ce poids trop important. Les consuls finirent par l'emporter sur les hommes d'église et gouvernèrent la cité dès le XIV e siècle. Pour montrer leur nouveau pouvoir à la ville et au monde, ils décidèrent la construction d'un nouveau pont qui fera la fierté de Cahors et de ses habitants. Il faudra plusieurs décennies pour que soit achevé le pont Valentré qui devint, à cause des péripéties de l'histoire, un véritable château fort posé sur l'eau, chargé de défendre le flanc nord de la ville.

Cahors, s'étant resserrée sur sa petite acropole, avait abandonné la plaine occidentale incluse dans le méandre. Cet espace presque horizontal fut d'abord utilisé par l'Église pour y construire ses monastères

Cahors romaine

Des

sin JP

L. d

'aprè

s pho

tos J

P L.

Cahors dans ses remparts Cahors à la renaissance Cahors au XIX e siècle

Aqueduc

Page 14: Cahors octobre 2014 120dpi

Balade d'automne dans le Quercy 11 et 12 octobre 2014------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

-------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Page 14 Jean-Pierre Lazarus

taines de mètres, le boulevard apparaît donc sur deux niveaux : terrasses puis hautes façades. Cette belle avenue en paraît élargie.

11 h. Nous nous enfonçons dans la rue Bergou-gnoux qui pénètre dans le périmètre sauvegardé. Dans l'ombre des belles maisons, nous écoutons no-tre deuxième leçon d'histoire : l'opulence de Cahors qui enrichit la ville entre les XII e et XIV e siècles. La population intramuros y a été estimée à quinze mille personnes, ce qui est considérable, les remparts pro-tégeant une surface de 30 ha 1. En cette lointaine époque, la presqu'île dessinée par le cingle du Lot est occupée de deux façons différentes : la zone urbaine, dense, à l'abri des remparts, et la zone maraîchère, à l'ouest, peu à peu conquise par les ordres monastiques.

puis, beaucoup plus tard, au XIX e siècle, siècle de l'industrialisation mais aussi de la départementalisa-tion, ce sont les grands édifices publics qui y furent édifiés. On y trouve aujourd'hui préfecture, écoles et lycées, administrations diverses, casernes, hôpitaux, vastes places ainsi que la gare ferroviaire construite en 1884, en périphérie du centre-ville. Guidé par Susan, notre chauffeur trouve son chemin vers le pont Va-lentré, occasion de découvrir l'envers de la gare et la partie occidentale du rempart nord. Deux tours semi-circulaires le défendent encore mais, bien sûr, une par-tie a disparu du domaine ferroviaire.Le beau temps est arrivé, un ciel azuréen se reflète dans les eaux du Lot : l'organisation nous accorde un quart d'heure d'arrêt pour photographier le pont emblématique ; sa visite est prévue pour l'après-midi. Les photos faites, nous retrouvons le boulevard Gambetta et nous suivons Su-san dans les ruelles de la vieille ville, secteur sauvegardé.

Le boulevard Gambetta tient son nom du grand homme né ici, en 1838 : une glorieuse statue de l'illus-tre se dresse sur la grand-place. Cet axe nord-sud a été aménagé sur les douves qui longeaient les anciens remparts. Il coupe donc la ville en deux : à l'est, les ruelles étroites, le bâti très dense, les parcelles imbri-quées les unes dans les autres datant du Moyen-Âge, à l'ouest, les larges avenues, les hautes façades, les espa-ces ouverts et boisés, les parkings. Susan explique l'architecture particulière des bâtiments bordant le trottoir oriental. Les terrasses qui précèdent les hau-tes maisons sont contemporaines de celles inventées pour la mairie de la ville, au XIX e siècle. Les proprié-taires de cette époque eurent le choix entre couvrir de terrasses semblables leurs boutiques qui bordaient la rue ou accepter leur destruction. Sur quelques cen-

Ce vaste espace disponible, nous l'avons vu plus haut, fut urbanisé à partir du XIX e siècle, ce qui sau-va la vieille ville de grandes destructions : Cahors pos-sède encore plus de trois cent cinquante maisons mé-diévales. Comme à Saint-Cirq-Lapopie, l'opulence de la ville se lit dans les nombreuses arcades ogivales qui abritaient les commerces mais aussi dans les tours qui dominent les toits de tuiles, en particulier celle dite du pape Jean XXII, natif de Cahors – famille Duèze – et qui fit beaucoup pour l'expansion de sa ville, pen-dant son pontificat. Cahors était alors une grande place financière et nombre de banquiers y étaient ins-tallés. Les maisons s'organisaient autour d'une cour intérieure, cachée de la rue par un haut mur dans le-quel s'ouvrait le portail. La cour était, nous dit Susan, un lieu de passage incontournable pour les membres

Fenêtres Renaissance dans un mur médiéval Ruelle du vieux Cahors

Note n° 1 : la ville de Cahors compte aujourd'hui vingt mille habitants pour une surface beaucoup plus vaste.

Phot

o T

hier

ry. V

.Ph

oto

JP L

.

Desservir les étages

Phot

o T

hier

ry. V

.

Page 15: Cahors octobre 2014 120dpi

Balade d'automne dans le Quercy 11 et 12 octobre 2014------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

-------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Page 15 Jean-Pierre Lazarus

utilisé comme parking par les riverains, c'est un puits de lumière au cœur des toits de tuiles ; pour nous, c'est la possibilité de prendre un peu de recul pour mieux observer les façades de briques. Faisant face à la place, un bel hôtel particulier – la maison Lastié – aligne quatre larges arcades en ogive comme autant de boutiques anciennes. Si la brique est d'un usage courant, elle ne convient guère aux décorations et aux sculptures. Aussi, les encadrements des portes et des fenêtres sont-ils souvent construits en pierre blanche. La façade que nous observons porte les stigmates des diverses transformations qu'elle subit au cours des siècles. Elle n'est sans doute plus que l'ombre de ce qu'elle devait être…

C'est par le très étroit passage de la rue Saint-Priest que nous débouchons sur la rue Nationale, an-ciennement axe principal de la vieille ville. Elle s'ap-pelait naguère "Rue droite" mais il nous est facile de

de la famille ; prenant son origine dans le principe de l'atrium romain, elle permettait d'aller d'une pièce à l'autre ; à ce que j'ai compris, cela signifiait passer par la cour, qu'il vente, pleuve ou neige. Nous verrons aussi, au cours de notre visite, des façades médiévales constituées de pans de bois emplis de briques, de pierres mais aussi de travertin, comme nous l'avions découvert à Saint-Cirq-Lapopie.

Dans cette ruelle étroite, il nous est difficile d'ob-server les hautes façades. Pourtant, il nous faut lever la tête pour admirer les détails qui ornent les fenêtres Renaissance percées dans les murs de briques du XIII e siècle. La prospérité se prolongeant, les riches habi-tants de la ville firent évoluer leurs maisons en suivant la mode de l'époque. Or, entre la fin du XV e siècle et le début du XVI e, la mode était à l'Italie (du Nord !). Les conquêtes de François I er portèrent au pinacle les richesses de la Renaissance italienne que les plus ri-

ches commerçants copièrent pour embellir leurs de-meures. Des artisans italiens furent invités à dévelop-per leur art dans les villes françaises. Sans détruire les anciennes bâtisses, les villes changèrent d'époque et s'ouvrirent aux premiers pas de la modernité. Quel-ques maisons plus loin, il reste une tour ronde dont le seul usage était d'abriter un escalier à vis destiné à desservir tous les étages de la demeure : finies les tra-versées de la cour par tous les temps ; la Renaissance, c'était aussi vivre mieux. Sur la place Saint-Priest, nous observons un escalier en bois grimpant super-bement jusqu'aux étages supérieurs, solution pour desservir les différents niveaux de la maison.

La place Saint-Priest a été ouverte dans le bâti dense de la vieille ville. C'est un espace de respiration,

constater qu'elle n'est pas droite du tout. Aussi, Susan nous explique-t-elle que par "droite", il faut entendre "directe" car elle reliait directement le nord et le sud de la ville moyenâgeuse.

Au 116 de la rue Nationale, entre deux arcades ogivales, un très beau portail baroque est en discor-dance avec la structure médiévale de la maison : la porte est en noyer très bien travaillé mais les pilastres et le joli décor calcaire sont usés par les temps. Ici aussi, la façade porte les aléas du temps, mélangeant la brique fine et pleine avec la pierre. Les maisons en pierres sont plus anciennes que celles en briques. Ce dernier matériau étant moins cher et plus léger que la pierre de taille, il fut particulièrement utilisé à partir du XIII e siècle.

Façade médiévale à pans de bois et briques ; fenêtres Renaissance Façade remaniée sur arcades en ogive

Phot

o M

artia

l M.

Phot

o JP

L.

Page 16: Cahors octobre 2014 120dpi

Balade d'automne dans le Quercy 11 et 12 octobre 2014------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

-------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Page 16 Jean-Pierre Lazarus

par quatre belles arcades ogivales. C'est dans ces ruelles que nous apprenons les conflits violents qui opposèrent les évêques, maîtres du pouvoir, et les Consuls désireux de l'avoir. Au début du XIV e siècle, un accord fut signé – un paréage – entre les évêques et le roi, permettant à la société civile de diriger la ville. Nous avons vu, plus haut, que le premier chan-tier ouvert par les Consuls fut la construction du pont Valentré.

La rue de la Chantrerie débouche sur le chevet de la cathédrale Saint-Étienne, au pied duquel est amé-nagé un jardin secret sur le thème des fleurs et des plantes médicinales. Pour fleurir l'autel et les statues des saints et des saintes qu'abritait l'église, il fallait cul-tiver des fleurs dans des jardins proches. Les fleurs blanches et bleues, représentant l'innocence et la pure-té, étaient déposées au pied des statues de Marie ; les rouges ou orange, suggérant la souffrance, étaient ré-

La vieille ville, malgré sa cohésion et la densité de son habitat, n'a pas échappé, durant le XIX e siècle, au percement de grands axes telle la rue Georges Clemenceau qui traverse la partie historique d'est en ouest. "Il ne fallait pas laisser la ville dans son jus.", re-marque Susan alors que nous y débouchons face à la halle aux grains, construite en 1865. Elle abrite au-jourd'hui le marché. Une ruelle au nom étrange "rue du tapis vert" permet, en nous glissant au cœur de ce quartier, d'entrer dans la rue du Petit Mot, nom en-core plus étrange. Une placette, aménagée récemment en jardin secret, nous accueille pour quelques minutes alors que le vent enfle. Il existe dans Cahors vingt-cinq de ces jardins secrets, tous aménagés selon une thématique médiévale, afin de reconquérir les espaces en friche. Nous verrons, dans l'après-midi, celui du pont Valentré sur le thème de l'ivresse. La placette du Petit Mot a été transformée en jardin mauresque : une végétation "exotique" et luxuriante – dont de

beaux bananiers – se mire dans le petit bassin bleu typiquement andalou. Comme ses illustres modèles arabes ou musulmans, ce jardin est-il devenu, pour les Cadurciens, un lieu de méditation, de réflexion et de prières ? Sur l'une des façades, deux volets aux dessins arabisants. Un lieu étonnant s'il en est…

Rue Saint James : James signifiant aussi Jacques, nous sommes sur la Via Podiensis qui reliait Le Puy au champ des étoiles en passant par Conques, Ca-hors, Moissac et Roncevaux. De gros clous métalli-ques, frappés de la coquille des pèlerins, ne sauraient nous tromper. D'après Susan, il ne resterait, dans Ca-hors, aucun vestige des pèlerinages passés. Rue de la Chantrerie, nous passons près d'une fort belle de-meure toute en briques, qui s'ouvre sur la rue étroite

servées au Christ. Les fleurs jaunes et or exprimaient la joie et la résurrection, la vie éternelle et la gloire.

Susan nous démontre la complexité de ce chevet à travers les divers ajouts qui furent construits entre les XII e et XV e siècles. Deux chapelles semi-circulai-res, couvertes de lauzes et décorées de modillons sculptés, témoignent encore de l'église originelle ro-mane, réaménagée avec des ajouts extérieurs gothi-ques. Le chevet à segments droits épousa, au XIV e siècle, l'abside arrondie de l'église romane. Notons cependant l'existence d'un édifice plus ancien, en ce lieu, daté du VII e siècle. Il est probable que ce pre-mier temple chrétien fut construit en lieu et place d'un temple plus ancien, sans doute romain : lors-qu'un lieu est sacré, il l'est pour toutes les généra-

Bananiers dans le jardin mauresque Chevet de la cathédrale

Phot

o JP

L.

Bassin du jardin mauresque

Phot

o JP

L.

Phot

o JJ

ean

Ch.

Page 17: Cahors octobre 2014 120dpi

Balade d'automne dans le Quercy 11 et 12 octobre 2014------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

-------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Page 17 Jean-Pierre Lazarus

Le nom de ce pont pourrait provenir du quai de Valendre qui se situait à l'ouest de la ville, assez loin des remparts : il fallait traverser la plaine s'étendant entre la partie urbanisée et la rivière, espace qu'occu-paient, en partie seulement, les ordres monastiques. La décision de construire un pont en ce lieu était probablement liée à l'extension de la ville sur cet im-mense espace presque vide, hors des murs. La pre-mière pierre fut posée le 17 juin 1308 alors que les Consuls, ayant obtenu le droit de diriger les affaires de la ville, avaient décidé la construction de ce mo-nument de prestige dès 1306. On suppose qu'il fut mis en service vers 1345, avant que les trois tours ne fussent achevées. Les archives gardent en mémoire la pose d'une cloche que l'on suppose être dans la tour centrale en 1370. Ce pont à péage débouchait sur les reliefs qui constituent la rive gauche du cingle : au-jourd'hui encore, le chemin vers le champ des étoiles grimpe dans les rochers dès le pont franchi.

tions. Au XV e siècle, une chapelle carrée fut encore ajoutée entre les deux chapelles romanes. Nous quit-tons le chevet en saluant Clément Marot, premier poète de la Renaissance, né à Cahors en 1496, dont le buste orne une fontaine proche.

Rue Daurade, Susan nous montre la maison mé-diévale qu'elle considère comme la plus belle de la ville. C'est une maison d'angle, datée du XIII e siècle par ses poutres de chêne. Particularité : son encorbel-lement est soutenu par des aisseliers arqués. La plu-part des croisillons de bois sont soigneusement em-plis de travertin, quelques-uns de briques fines.

12 h 17 ! Nous passons très vite sur le parvis de la cathédrale : visite prévue dans l'après-midi. Puis re-trouvons le bus : il est grand temps d'aller au restau-rant pour le meilleur moment de la journée. De tout ce que Susan nous a raconté, qu'avons-nous retenu ?

La Chartreuse est un restaurant situé au bord du Lot, sur sa rive gauche, face à la ville. Au menu, des œufs en dariole qui ont agité les méninges dès le me-nu annoncé par le président. La pintade aux cèpes fut suivie d'une excellente tarte aux noix. La reprise de la visite n'étant qu'à 15 h, nous avons un temps long pour flâner au bord de l'eau. Puis le bus nous rappro-che du pont Valentré : nous avons juste le temps de trouver des cadrages intéressants que déjà revient Su-san pour une visite approfondie de ce pont embléma-tique et célèbre.

Est-ce la guerre de Cent ans qui imposa la cons-truction des trois tours défensives ou bien cette ar-chitecture était-elle déjà connue à Cahors, comme le laisserait supposer l'écusson de la ville ? C'est en tout cas cette période troublée qui conduisit les Cahorsins à prolonger leur rempart à travers la presqu'île : avec ses trois tours et ses deux châtelets, le pont devint un château fort enjambant le Lot, pièce maîtresse dans la défense occidentale de la ville. Aujourd'hui encore, le pont Valentré est le pont militaire le mieux conservé de France.

Vieille maison rue Daurade : pans de bois et travertin Pont Valentré : vue générale et depuis le tablier

Phot

o M

artia

l M.

Phot

os JP

L.

Des

sins d

'aprè

s pho

tos J

P L.

Page 18: Cahors octobre 2014 120dpi

Balade d'automne dans le Quercy 11 et 12 octobre 2014------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

-------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Page 18 Jean-Pierre Lazarus

diable descellait dans la nuit les pierres que les ou-vriers montaient dans la journée. Il ne reste rien du pont-levis qui, s'ouvrant sur la rive gauche du Lot, empêchait l'accès du pont à d'éventuels assaillants.

Près du pont, jaillit la source vauclusienne des Chartreux, que Susan veut aussi nous montrer. Nous la suivons entre les buis puis sur le bord du Lot jus-qu'au pied de la falaise d'où naît la source. L'eau, ve-nue des profondeurs du calcaire, apparaît à quelques mètres de la rivière et s'y perdait, naguère, avant qu'elle ne soit utilisée, au XIX e siècle, pour alimenter la ville en eau potable. Notre guide nous raconte comment les Romains, déjà, la considéraient comme une divinité – Divona, qui donna son nom latin à la ville (Divona Cadurcorum) – et comment ils devaient y jeter pièces de monnaies et autres ex-voto pour ho-norer la déesse. Des fouilles aquatiques en ont rap-portés plusieurs, datés du I er siècle.

Par cette visite, nous effectuons une traversée à la fois du temps et du Lot. Une barbacane protégeait le monument sur la rive droite, côté ville. Il en reste le passage de la herse et les traces de la porte. L'espace entre cette barbacane et la première tour avait été couvert de briques au XV e siècle mais fut détruit au XIX e siècle lorsque l'assistant de Violet-Leduc res-taura le pont et lui donna sa silhouette actuelle, épu-rée. Construit sur un arc de pierre, un escalier dessert le premier étage de la première tour car, comme dans les "vrais" châteaux forts, il n'y a aucune porte au pied des tours. Cet escalier étroit, vertigineux, était un gage de sécurité pour les défenseurs de l'ouvrage qui avaient beau jeu de surprendre les assaillants obligés de monter un par un sur cet escalier aérien. La pre-mière tour est dotée de mâchicoulis sur ses quatre côtés. Je remarque, fichés dans le mur, les gonds de l'ancienne porte : ceux qui la tenaient par le haut sont fixés à l'envers pour éviter que d'éventuels assaillants puissent la soulever pour l'ouvrir.

% Les s ix arches ogivales sont proté-gées des crues par de puissants avant-becs que l'on retrouve aussi sur le versant aval du pont. Au sommet de la tour centrale, le diable tente d'ôter la der-nière pierre. Cette pe-tite sculpture rappelle une légende selon la-quelle, la construction de ce pont s'étirant dans le temps, les Ca-horsins crurent que le

Pour transporter l'eau de cette source abondante jusqu'au centre-ville, il fallut attendre les moyens techniques mis en œuvre par la révolution indus-trielle. Une station de pompage complexe fut cons-truite en 1850, entre le pont et la source (station de Cabazat). L'énergie nécessaire était tirée des courants circulant dans la rivière et l'eau de la source était montée dans de grandes citernes creusées dans le cal-caire de la colline. L'eau circulait alors jusqu'à la ville dans des conduites en fonte passant dans le pont Va-lentré. Le succès de cette eau abondante obligea à agrandir rapidement la station en y ajoutant un se-cond dispositif turbine - pompe. Nous visitons : vieilles mécaniques en sous-sol, exposition au rez-de-chaussée. Puis nous retournons au bus : notre visite n'est pas achevée car il nous faut encore découvrir la cathédrale.

Le pont, au XIX e siècle, avant restauration Le pont Valentré vu de la colline

Troi

s pho

tos J

P L.

Le diable du pont Valentré

La tour Ouest

Des

sin d

'aprè

s pho

to JP

L.

Page 19: Cahors octobre 2014 120dpi

Balade d'automne dans le Quercy 11 et 12 octobre 2014------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

-------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Page 19 Jean-Pierre Lazarus

ment afin d'affirmer la montée du Christ vers le para-dis, ouvrant la voie pour les fidèles. De part et d'autre de la mandorle le mettant en valeur, deux anges, dans un superbe mouvement, tombent en arrière, éblouis par la gloire du Christ. Au-dessus de la mandorle, qua-tre angelots l'accompagne dans son ascension. En des-sous, se tient la Vierge, entourée de dix apôtres, cinq de chaque côté. Les vignettes qui complètent le tym-pan illustrent la vie de saint Étienne, patron de la ca-thédrale : à gauche, ses prêches, à droite, sa lapidation.

Le temps nous manque pour une visite approfondie de l'édifice. Trop rapidement, nous entrons par le portail méridional, étrangement orné d'une porte trilobée, fes-tonnée, d'influence mauresque. La nef de la cathédrale n'est coupée par aucun transept. Très large, elle est coif-fée de deux grandes coupoles, de style byzantin, posées sur pendentifs. Pendant que nous faisons le tour de la nef, Susan vante son acoustique et nous parle des vi-

16 h 30. En passant devant la façade de la cathé-drale, Susan nous fait remarquer la tour, construite au XIV e siècle dans un grès de Figeac et non dans le cal-caire de Cahors. L'importation d'une pierre lointaine affirmait la puissance de l'Église car, à cette époque, les évêques étaient comtes et barons de Cahors. Rappe-lons que le pape Jean XXII, élu en 1316, était natif de Cahors… Cette tour massive, d'aspect militaire et de style gothique méridional, a englouti la façade romane. Ses décors sont épurés, sa géométrie simplifiée. Deux lignes horizontales, partageant la façade en trois par-ties égales, brisent son austérité. La rose, invisible de-puis la nef, n'est ici qu'un élément de décoration. Elle est accompagnée d'une galerie d'arcatures trilobées aveugles. Le portail ogival est entouré d'archivoltes très simples, sans aucun décor, hormis, peut-être l'archi-volte extérieure, ornée de motifs végétaux. Les statues qui remplissaient le tympan ont disparu, si tant est qu'elles aient été posées un jour.

Réunis autour de notre guide, nous admirons le portail nord de la cathédrale, encore en excellent état car protégé par l'extrême densité du bâti urbain. La placette sur laquelle nous sommes rassemblés occupe probablement l'espace d'une maison disparue ; elle nous offre le recul nécessaire à une fine observation. Un porche monumental, constellé de fleurs, habillé de colonnes, comporte, à son arrête sommitale, une série de jolis modillons. Le tympan, daté entre 1140 et 1150 est absolument magnifique. Avant de nous le décrire, Susan explique que ces œuvres – chapiteaux, vitraux, sculptures, statuaires – avaient pour but essentiel d'en-seigner, par l'image, l'histoire sainte au peuple illettré.

De style roman "terminal", les diverses sculptures, assez réalistes, traduisent une recherche du mouve-

traux. Ceux du chœur datent de 1872 - 1873 mais ceux de la nef, qui représentent les quatre évangélistes, ont été créés en 2013, suivant une technique très moderne : leur décor est imprimé sur le verre. Pour terminer cette visite express, le groupe fait une courte incursion dans le cloî-tre, ce qui permet aux photographes d'y trouver l'angle qui place les coupoles dans l'ogive d'une arcade.

16 h 55 : il faut impérativement revenir au bus. Nous quittons le secteur sauvegardé de Cahors dont, j'en suis sûr, nous n'avons fait qu'apercevoir les ri-chesses. J'ai bien aimé déambuler entre les vieilles pierres de Saint-Cirq et de Cahors et je crois avoir appris bien des choses sur ces deux localités qui m'étaient inconnues. Merci à notre guide d'avoir su partager si joliment sa passion pour ces villes.

La façadeLe portail septentrional de la cathédrale saint Étienne À travers une ouverture du cloître

Troi

s pho

tos J

P L.

Merci à Susan Baxter, guide, d'avoir relu et corrigé ce travail.

Page 20: Cahors octobre 2014 120dpi

Balade d'automne dans le Quercy 11 et 12 octobre 2014------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

-------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Page 20 Jean-Pierre Lazarus

Phot

o JP

L.

Léon Gambetta,natif de Cahors