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LES CAHIERS THÉMATIQUES Michel BOULANGER Directeur du Pélican Chambéry (73) Membre du conseil d’administration ANITeA Référent de la commission prévention ANITeA-F3A 8 sept 10 Pourquoi prévenir ? Actuellement en France, les conduites d’addiction aux substances psychoactives (en particulier les consommations de ta- bac, les abus d’alcool, de substances illici- tes) interviennent directement dans 30% de la mortalité précoce (décès avant 65 ans) comme le souligne le Plan de prise en charge et de prévention des addic- tions (2007/2011). Le poids de ces conduites sur la morbidité générale est estimé à environ 20% (com- plications somatiques : cancers, VHC..., psychiatriques, accidents de la route, ...). Notre pays est l’un des plus touchés d’Eu- rope. De plus, ces complications n’ont pas que des conséquences sanitaires mais aussi économiques, sociales et humaines : des économies souterraines se développent, des quartiers subissent des nuisances, des groupes familiaux sont déstructurés,... Pour réduire les inégalités sociales en matière de santé, les efforts de la collec- tivité vont devoir porter sur les facteurs d’apparition des conduites addictives, particulièrement dans le champ de la prévention. Comment prévenir ? Pour rappel, c’est sur notre proposition, conjointement avec l’UNIOPS, que les établissements médico-sociaux en addic- tologie (CSST, CCAA) ont intégré la pré- vention dans leurs missions, complémen- tairement au soin et l’accompagnement. Ils sont devenus des CSAPA. Comment caractériser notre activité pré- ventive ? D’abord en affirmant que la prévention des addictions est fondée sur une éthique : loin des peurs, des stigmatisations, elle est d’abord une démarche positive qui se construit en s’appuyant sur les ressources des personnes et des groupes concernés. Ensuite, en rappelant l’engagement de nos adhérents, de l’ANITeA et de la F3A qui développent un savoir-faire et une richesse d’intervention depuis de nom- breuses années sur le terrain. Ces actions, ces projets, vont de la réduc- tion des risques à l’accès aux soins, de la prévention généraliste aux interventions précoces, du conseil méthodologique à la formation... Enfin, en soulignant le continuum entre soin et prévention qui constitue la carac- téristique fondatrice de notre activité au sein des CSAPA. Pour autant, l’activité de prévention, qui n’est pas budgétisée à partir des crédits médico-sociaux, reste aléatoire et pré- caire. Un enjeu structurel et organisationnel ! La prévention est le parent pauvre des politiques publiques. Aujourd’hui, de nombreux acteurs de prévention cessent leur activité ou sont en précarité chroni- que. Les raisons sont connues de tous : course aux multiples financements, dé- couragement professionnel... L’enjeu est d’abord structurel et organi- sationnel : il passe par une identification claire des différents acteurs et de leurs compétences respectives mais aussi par un engagement fort et visible des res- ponsables publics, pour inscrire la pré- vention dans la durée et donc lui donner les moyens nécessaires à son activité. C’est assurément un des enjeux majeurs de la mise en place des prochaines Agen- ces Régionales de Santé qui déclinent par territoires la politique publique. Donner enfin à la prévention la priorité et les moyens dont elle a besoin. Prix de vente : 6DE L’ASSOCIATION NATIONALE DES INTERVENANTS EN TOXICOMANIE ET ADDICTOLOGIE ET DE LA FÉDÉRATION DES ACTEURS DE L’ALCOOLOGIE ET DE L’ADDICTOLOGIE LA PRÉVENTION : UN INVESTISSEMENT POUR DEMAIN !

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L E S C A H I E R S T H É M A T I Q U E S

M i c h e l B O U L A N G E R

Directeur du Pélican Chambéry (73)

Membre du conseil d’administration ANITeA

Référent de la commission prévention ANITeA-F3A

N°8sept 10

Pourquoi prévenir ?Actuellement en France, les conduites d’addiction aux substances psychoactives (en particulier les consommations de ta-bac, les abus d’alcool, de substances illici-tes) interviennent directement dans 30% de la mortalité précoce (décès avant 65 ans) comme le souligne le Plan de prise en charge et de prévention des addic-tions (2007/2011).Le poids de ces conduites sur la morbidité générale est estimé à environ 20% (com-plications somatiques : cancers, VHC..., psychiatriques, accidents de la route, ...). Notre pays est l’un des plus touchés d’Eu-rope.De plus, ces complications n’ont pas que des conséquences sanitaires mais aussi économiques, sociales et humaines : des économies souterraines se développent, des quartiers subissent des nuisances, des groupes familiaux sont déstructurés,...Pour réduire les inégalités sociales en matière de santé, les efforts de la collec-tivité vont devoir porter sur les facteurs d’apparition des conduites addictives, particulièrement dans le champ de la prévention.Comment prévenir ?Pour rappel, c’est sur notre proposition, conjointement avec l’UNIOPS, que les établissements médico-sociaux en addic-tologie (CSST, CCAA) ont intégré la pré-vention dans leurs missions, complémen-tairement au soin et l’accompagnement. Ils sont devenus des CSAPA.Comment caractériser notre activité pré-ventive ? D’abord en affirmant que la prévention des addictions est fondée sur une éthique : loin des peurs, des stigmatisations, elle est d’abord une démarche positive qui se

construit en s’appuyant sur les ressources des personnes et des groupes concernés.Ensuite, en rappelant l’engagement de nos adhérents, de l’ANITeA et de la F3A qui développent un savoir-faire et une richesse d’intervention depuis de nom-breuses années sur le terrain. Ces actions, ces projets, vont de la réduc-tion des risques à l’accès aux soins, de la prévention généraliste aux interventions précoces, du conseil méthodologique à la formation...Enfin, en soulignant le continuum entre soin et prévention qui constitue la carac-téristique fondatrice de notre activité au sein des CSAPA.Pour autant, l’activité de prévention, qui n’est pas budgétisée à partir des crédits médico-sociaux, reste aléatoire et pré-caire.Un enjeu structurel et organisationnel !La prévention est le parent pauvre des politiques publiques. Aujourd’hui, de nombreux acteurs de prévention cessent leur activité ou sont en précarité chroni-que. Les raisons sont connues de tous : course aux multiples financements, dé-couragement professionnel...L’enjeu est d’abord structurel et organi-sationnel : il passe par une identification claire des différents acteurs et de leurs compétences respectives mais aussi par un engagement fort et visible des res-ponsables publics, pour inscrire la pré-vention dans la durée et donc lui donner les moyens nécessaires à son activité.C’est assurément un des enjeux majeurs de la mise en place des prochaines Agen-ces Régionales de Santé qui déclinent par territoires la politique publique. Donner enfin à la prévention la priorité et les moyens dont elle a besoin.Prix de vente : 6€

DE L’ASSOCIATION NATIONALE DES INTERVENANTS EN TOXICOMANIE ET ADDICTOLOGIEET DE LA FÉDÉRATION DES ACTEURS DE L’ALCOOLOGIE ET DE L’ADDICTOLOGIE

LA PRÉVENTION : UN INVESTISSEMENT POUR DEMAIN !

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Il a fallu beaucoup d’efforts à vospatients pour devenir abstinents.

Aidez-les à le rester.

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Directeur de la publication :

Dr Patrick FOUILLAND

Rédacteur en Chef :

Emma TARLEVÉ

Coordinateur du numéro : Michel BOULANGER

Administrateurs référents : Martine LANDIÉ

Jean-Pierre COUTERON

Comité de lecture : Michel ASTESANO

Dr Jean-Michel DELILENathalie LATOURMarie MUSQUET

Dr Karine SAUVAGEMarie VILLEZ

Journaliste : Nathalie CASTETZ

Crédit photographique : ANITeA - F3A

Coordination générale et mise en page :

Jean-Pierre VÉDIEU

Imprimerie : La Petite Presse

3000 exemplaires

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LA COMMISSION PREVENTION ANITeA-F3AGEORGES MARTINHO

L’ÉDUCATION PRÉVENTIVEJEAN-PIERRE COUTERON

PLACE DE LA PRÉVENTION DANS LE NOUVEAU PILOTAGE DES POLITIQUES PUBLIQUES

VÉRONIQUE GARGUIL

L’UNION RÉGIONALE PAYS DE LA LOIRE MOBILISÉE SUR LES QUESTIONS DE PRÉVENTION

DANIEL BERNIER

L’INTERVENTION PRÉCOCEALAIN MOREL

QUELQUES MINUTES DE PLUS POURQUELQUES VERRES DE MOINS

ANNE-VIOLAINE DEWOST & MARC L.

DE LA LUTTE CONTRE L’ALCOOLISME À LA PRÉVENTION DES CONDUITES ADDICTIVES EN MILIEU DE TRAVAIL

POURQUOI L’EVOQUER AVEC LES SOIGNANTS ? LAURENCE ARGUILLÈRE-BULTEL

RÉSEAU ADDICTIONS-PARENTALITÉ : UNE DÉMARCHE DE PRÉVENTION

NATHALIE BONHOMME & JACQUES REULIER

LA PRÉVENTION À L’AMPTAVÉRONIQUE HEURTIER & JEAN-JACQUES SANTUCCI

UNE PRÉVENTION AU MILIEU DES CHAMPSODILE VITTE

POLITIQUE DE LA VILLE ET PRÉVENTION DES ADDICTIONSDENIS JOUTEAU

DES ÉTUDIANTS INFIRMIERS SUR LE TERRAINROSE-MARIE AVERNA & MICHEL ASTESANO

ET SI ON ESSAYAIT UNE PREVENTION BASÉE SUR LE GOUT DE VIVRE ?

JEAN-FRANÇOIS VALLETTE & JULIEN CHAMBON

TOO CHEAP, TOO MUCH, TOO OFTENSTERENN BOHELAY, CLÉMENCE SELLINCOURT & DOMINIQUE MEUNIER

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La prévention a toujours été au cœur des ac-tivités de l’ANITeA et de la F3A aux cotés du soin, de l’accompagnement et de la réduction des risques. Selon une enquête menée en janvier dernier, deux tiers de nos adhérents oeuvrent dans ce champ d’action. Cette en-quête a malheureusement confirmé que la prévention, malgré l’investissement de nos adhérents, reste le parent pauvre des politi-ques publiques et souffre à la fois d’un man-que de lisibilité et d’une grande précarité de ses financements.

Depuis plus de dix années, une commission de travail existe au sein de l’anitea/F3A sur les questions de prévention, sous couvert des conseils d’administration. Initialement cons-tituée d’administrateurs, elle s’est élargie depuis le début de l’année à de nouveaux membres, principalement des professionnels de terrain en charge de ces questions dans les structures adhérentes. Elle est désormais com-posée d’une vingtaine de personnes issues de 11 régions (Rhône Alpes, Midi Pyrénées, Ile de France, Aquitaine, Pays de Loire, Centre, Hau-te Normandie, Languedoc, PACA, Bourgogne, Nord Pas de Calais). La commission est co-ani-mée par son référent, Michel Boulanger et par le chargé de mission prévention du siège.

Pour ne citer que quelques aspects de son ac-tivité, rappelons qu’en 2008, elle s’est beau-coup investie dans la réalisation d’un docu-ment politique de 4 pages intitulé «Prévenir

les addictions». En 2009, après avoir obtenu que la prévention figure dans les missions des CSAPA en lien avec l’UNIOPSS, elle a surtout travaillé autour de définition de la prévention dans ces établissements. Depuis quelques mois, elle travaille autour de trois

grands axes fixés par le Conseil d’Administra-tion : - asseoir une représentation nationale et ré-gionale de l’anitea / F3A sur les questions de prévention- établir un état des lieux de la prévention dans le réseau- capitaliser les référentiels et outils existants.

État des lieux de la prévention dans le réseau

Afin d’obtenir un état des lieux précis de l’ac-tivité de prévention dans le réseau, l’anitea a lancé en janvier dernier une grande enquête auprès de ses adhérents personnes morales. Les résultats de cette enquête nous ont en-suite permis de mieux valoriser et défendre la place et la diversité de notre réseau, sa spéci-ficité, son savoir faire dans la proximité et sur l’ensemble du territoire national,en matière de prévention auprès de nos interlocuteurs politiques et institutionnels (Ministère, DGS,

LA COMMISSION PREVENTION ANITeA-F3A

Georges MARTINHOChargé de mission – ANITeA-F3A - Paris (75)

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ARS,...). Cette enquête a aussi fait ressortir une attente forte des acteurs de terrain sur des outils méthodologiques, construit collecti-vement. Ceci est venu conforté notre choix de travailler sur le guide cité ci-dessous.

Création d’un guide méthodologique «Addictions : Comment associer les parents, les familles et l’entourage aux actions de prévention ?»

Ces dernières années, le contexte sociétal a largement fait évoluer la question de la pa-rentalité et des pratiques éducatives. Souvent culpabilisés, coupables de laxisme aux yeux de certains, les parents et les familles sont aujourd’hui les responsables tout désignés des échecs de notre société en matière d’édu-cation et de prévention.

Pour l’anitea et la F3A, cette approche n’est pas pédagogique et stigmatise bien trop les parents. Pour la plupart, ceux-ci ne sont pas démissionnaires mais confrontés à des difficul-tés relationnelles et éducatives à un moment de l’évolution de leurs enfants. Il convient donc d’abord de les accompagner pour qu’ils retrouvent la place et le rôle qui leur revient.

Afin de proposer à l’ensemble du réseau une méthodologie de travail et des outils concrets sur ces questions, la commission prévention a souhaité travailler à l’élaboration d’un guide méthodologique et de «bonnes pratiques» en s’appuyant sur certains adhérents qui ont une expertise et une richesse d’intervention que nous souhaitons capitaliser et valoriser. Déjà expérimentée sur d’autres champs d’interven-tion (soins ambulatoires, soins résidentiels, santé - justice), la conduite d’une démarche participative nous permettra de modéliser efficacement cette expertise et d’obtenir un protocole d’intervention pertinent et évalua-ble pour l’ensemble du réseau.

L’élaboration de ce guide a débuté fin mars

2010 et devrait aboutir à la fin du premier se-mestre 2011. Les premiers entretiens auprès des professionnels du réseau ont commencé durant l’été et nous poursuivons en parallèle le recensement des structures adhérentes sou-haitant participer à ces travaux. Si cette dé-marche vous intéresse, vous pouvez contacter Georges Martinho, chargé de mission préven-tion – [email protected]

Représentation régionale et nationale sur les questions de prévention

Au plan national et régional, nous oeuvrons pour que la prévention puisse enfin bénéfi-cier d’un statut, d’une visibilité, de moyens pérennes, et ainsi, sortir de la précarité dans laquelle elle est enfermée.

Grâce au travail entrepris depuis plusieurs années par la commission prévention et les administrateurs, l’ANITeA et la F3A sont aujourd’hui reconnues par les principaux ac-teurs politiques et institutionnels du secteur comme des interlocuteurs de premier plan en matière de prévention.

Ainsi, dans 9 régions (Aquitaine, Bourgogne, Centre, Franche Comté, Ile de France, Lor-raine, Midi Pyrénées, Pays de Loire, Rhône-Alpes) nous avons obtenu de siéger dans les instances consultatives des ARS (CRSA). Nous participons également en tant que «tête de réseau» à la mise en place des nouveaux Pôles Régionaux de Compétences et avons participé à plusieurs groupes de travail nationaux avec l’INPES, l’OFDT ou encore la Mairie de Paris.

L’activité de la commission de l’anitea et de la F3A reflète bien les enjeux de la prévention pour aujourd’hui et demain : asseoir sa légiti-mité tant au plan professionnel qu’au niveau de l’engagement public, pour répondre au mieux aux évolutions des conduites addicti-ves.

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Le guide d’autoévaluation «Comment améliorer la quali-té de vos actions en promotion de la santé ?» coordonné par l’INPES est sorti en novembre 2009. Fruit d’une démarche participative, mise en place à la suite des Etats Généraux de la prévention, neuf associa-tions identifiées ont participé à sa réalisation dont l’anitea. Ces 9 associations (ADES, AFD, anitea, ANPAA, Crips Ile de France, Défi Santé nutrition, Fnes, Holisme Communication et Planning familial) ont été identifiées à partir d’un appel à candidature public, mis en ligne sur le site de l’INPES.

Pour l’ANITeA-F3A, cette implication dans ce groupe de travail était fondamentale, de part un nombre important d’adhérents im-pliqués sur des actions de prévention mais aussi de part un engagement politique fort sur les questions d’évaluation. En effet, un référentiel d’évaluation interne des CSAPA et CAARUD était dans le même temps en train de se construire en s’appuyant sur une démarche participative avec les adhérents.

Il était donc logique au regard de notre im-plication dans les États Généraux et sur cette démarche d’évaluation que nous prenions part à cette réflexion collective.

La conception du guide s’est appuyée tant sur les expériences de terrain que sur une analyse de la littérature et des outils déve-loppées, en France et à l’étranger, dans le champ de la qualité. La démarche qualité a pour objectif principal l’amélioration conti-nue de la qualité du service rendu aux per-sonnes et aux populations concernées par les projets. Elle contribue à l’amélioration des actions, la cohésion et la dynamique in-terne de l’association, ainsi qu’aux capacités

d’échanges avec les partenai-res. Elle doit mobiliser l’en-semble des acteurs de l’asso-ciation. Ce guide est donc un outil pratique mis au service des équipes pour accompa-gner cette démarche collecti-ve de réflexion. Il est composé de 5 grilles qui permettent de s’interroger sur un thème précis, comme par exemple : l’action s’inscrit elle dans une logique de promotion de la santé ? Est elle basée sur une analyse structurée et forma-lisée de la situation globale ? Des appréciations sont ensuite

apportés sur chacun des critères de la grille (--/-/+/++) étayées des données sur lesquelles l’association s’appuie pour faire la notation. Les points forts, les points à améliorer sont alors facilement visualisables.

Ce guide est disponible en version papier mais aussi en version électronique sur le site de l’INPES et de nos deux associations. Des professionnels de terrain dont des membres de nos deux réseaux sont en train de se for-mer pour accompagner les associations sur les territoires. Près d’une dizaine de régions ont déjà mis en place des ateliers découverte ou des formations. N’hésitez pas à vous ren-seigner auprès de votre PCR (pôle de com-pétence régional) et/ou de l’union régionale anitea/F3A.

Nous soutenons donc fortement cette dé-marche de questionnements et de recherche de qualité en lien avec l’ensemble des ac-teurs des associations, y compris les usagers. Notre principal regret est que sur les deux axes de la mesure 15 des États Généraux, un seul ait pu concrètement être mis en œuvre, et que celui sur le financement de la préven-tion n’est même pas pu, depuis 2006, faire l’objet d’un groupe de travail.

Un guide d’autoévaluation construit par et pour les associations

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Les usages et abus d’alcool, de tabac ou de drogues sont une question d’éducation et de santé publique, même s’ils ne peuvent s’y ré-duire, le terrain biologique et les spécificités des substances ayant aussi leur importance. Or l’actuelle réponse éducative est souvent li-mitée à dire le danger et le risque, à rappeler un interdit. Elle ne prend pas suffisamment en compte l’évolution de nos sociétés : inten-sité, instantanéité, valorisation du chimique, importance du virtuel qui furent l’exception addictives font maintenant parti du quotidien de nos vies. L’hyperconsumérime et l’hyper-modernité induisent d’une part un estompa-ge de l’appartenance et du lien social, d’autre part une modification du lien aux sensations qui facilitent les conduites addictives et déva-lorisent les notions de sobriété, de contrôle de soi, nécessitant de plus en plus de moyens hu-mains et financiers pour être respecté.

UNE SOCIETE ADDICTOGENE...L’estompage des cadres et autres contenants collectifsAutrefois centrée sur la collectivité, notre so-ciété privilégie la réalisation de soi, poussant l’individu hors des chemins balisés des normes et interdits. Norbert Elias (1987) avait souli-gné combien ce changement du rapport entre contraintes sociales externes et les autocon-traintes individuelles, mettait en péril le vivre ensemble, le collectif pouvant devenir un obs-tacle à la réalisation de soi. Marcel Gauchet (1992) a fait de cet effacement «de la précé-

dence du social» une des raisons du recul du civisme et des troubles qu’il génère.Trois exemples parmi d’autres peuvent illus-trer l’estompage du contenant collectif : l’évo-lution des motivations sociales des usages, la mise à mal du sujet contrôlé et la transforma-tion des frontières générationnelles. L’évolu-tion des motivations sociales fait qu’un usage apaisant les angoisses d’un monde incertain se substitue à un usage pour se dégager d’un carcan collectif étouffant. À l’exploration d’univers «parallèles» succède une course à la performance qu’alimente la compétition so-ciale et la convivialité des usages festifs laisse place à des abus marqués par un culte de l’ex-cès devenu dominant. La mise à mal du «sujet contrôlé», cet idéal d’individu autonome, res-ponsable autant nécessaire à l’économie libé-rale qu’à une bonne gestion de l’expérience addictive, rappelle que loin d’être naturel, il résulte d’un processus éducatif. La notion de contrôle de soi apparait à la fin du moyen- âge, en même temps que la préoccupation éducative et alors que s’efface la sociabilité de proximité de la communauté villageoise, son univers stable qui instaurait un étroit con-trôle naturel. Avec la Renaissance, le gouver-nement du corps s’intensifie, la volonté de ré-fréner les passions, les réactions affectives, de civiliser les mœurs soumettent l’individuel au collectif. Le XVIIIe siècle va professionnaliser cette formation des hommes par la société : «Civiliser, c’était s’engager dans un effort vi-goureux et permanent de transformation de

L’ÉDUCATION PRÉVENTIVE

Jean-Pierre COUTERONPsychologue Clinicien – CEDATMantes-la-Jolie (93)Président de l’ANITeA

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l’être humain par l’éducation et l’instruction» (Bauman, 2007), fabriquant ce «sujet con-trôlé» typique de l’occident. En rendant éco-nomiquement superflu nombre d’hommes et de femmes, la révolution industrielle ouvre à l’itinérance. Elle instaure le règne de la socia-bilité informelle de la communauté des villes et rend encore plus nécessaire la profession-nalisation de l’éducation et du contrôle. Le récent mouvement de mondialisation détruit les cadres sociaux, les industries et conglomé-rats qui régentèrent la vie des familles sur des territoires entiers, organisant le travail mais aussi les loisirs, le commerce, l’habitat. Les in-tégrateurs naturels, école et armée, églises, syndicats, partis politiques perdent aussi leur légitimité. À l’itinérance succèdent délocalisa-tion géographique, migration vers l’économie abstraite et la finance virtuelle. La disparition du vivre ensemble, des transmissions et tra-ditions partagées qui apportaient à chacun, durant l’enfance et l’adolescence, des rituels intégratifs, des repères et des modèles pour se situer dans l’espace social adulte et face aux effets des expériences d’usage, affaiblis-sent les systèmes de régulation des prises de risques. L’estompage des frontières générationnelles complète ce mouvement de dé – institution-nalisation. De Singly relève l’abandon par la famille de la mission d’adaptation de l’in-dividu au social. L’éducation est gagnée par l’unique objectif d’éviter le conflit même dans sa dimension éducative et structurante d’où le primat d’une fusion affective qui génère en symétrie un surcroît d’une peur de l’intrusion, de manque de démarcation. On n’ose dire non, par peur de rompre la relation, mais on ne se met plus «en relation», de peur d’avoir à dire non. La «coupure générationnelle», qu’accentue un accès retardé au monde du travail, la fragilisation et l’évolution des sta-tuts professionnels, renvoie les adolescents vers des groupes plus «homogènes», ceux de l’économie parallèle, des «bandes», des groupes du virtuel d’Internet et multiplie les

conflits de loyauté famille / communauté ou individu / famille. Cette perte des traditions provoque une perte de compétences et de savoir faire, un déséquilibre entre le diachro-nique (l’enseignement par la tradition) et le synchronique (l’enseignement par les pairs), et le remplacement du sentiment d’apparte-nance par des mécanismes d’adhésion plus grégaires qui triomphe dans les nouvelle so-ciabilités, «apéro facebook», «journées sans écoles»...

L’estompage des repères par intensification du sensibleNotre époque est aussi celle d’une explosion sensorielle, d’un enveloppement audio-visuel sur fond d’une place centrale accordée aux nouvelles technologies. Comme en son temps le moteur avait allégé l’effort musculaire, ces nouvelles technologies se substituent au cer-veau : les ordinateurs à la mémoire, le GPS au sens de l’orientation, alertes et alarmes diver-ses remplacent l’attention et bracelets, puces et autres caméra assurent le contrôle... Elles ouvrent de nouvelles opportunités, désirs et envies, elles suppriment des difficultés, mais cette évolution positive a sa face négative : elle efface les repères et limites qui contri-buaient au «connaît toi toi–même». Elle pro-duit un estompage du sens psychique et des ressentis corporels, nécessaires au bon contrô-le des expériences d’usage. Elle construit un univers de plus en plus sans limites naturelles qui multiplie les capacités de l’homme mais laisse l’humain démuni. La sur-sollicitation consommatoire, les modifications de la tem-poralité et de l’espace et l’intensification sen-sorielles illustrent cette évolution du sensible.«Le moment de l’hyperconsommation est celui de la banalisation du recours aux stupéfiants» écrit Lipovetsky (2006). La sur-sollicitation consommatoire détache l’acte d’achat d’un objet de tout besoin fonctionnel. Le «marke-ting désir», inventé par une société qui a éco-nomiquement besoin de personnes soutenant un niveau de consommation élevé, capables

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de changements multiples et successifs, fait que l’achat répond maintenant au seul désir d’accéder à un stade supérieur d’équipement. «Le consumérisme ne concerne pas la satis-faction des désirs, mais l’excitation du désir, de toujours plus de désir» (Bauman, 2006). La sur-sollicitation se retrouve aussi dans l’enve-loppement audio-visuel, sorte de version mo-derne et permanente du moi – peau d’Anzieu qui favorise les conduites «d’évitement», en créant des bulles a - conflictuelles. Le casque sur les oreilles évite d’entendre l’autre et les récents démêlés de sportifs de haut niveau ont montré l’importance que cela peut pren-dre; les écrans allumés captent les regards... C’est le triomphe du grégaire, de l’instinctuel et des plaisirs spécifiques qu’ils apportent. Cet enveloppement a aussi un effet dopant, il insuffle une énergie destinée à positiver le réel. C’est un adjuvant de l’activité cérébrale, une sorte de «camisole des sons et d’images», un «anti-dépresseur» par stimulation perma-nente, sur le modèle de la défense maniaque décrite par Winnicott. Les repaires temporo/spatiaux sont aussi mo-difiés par la mutation sociétale. La «consom-mation émotionnelle» provoque une «usure» rapide d’objets dont elle accélère l’obsolescen-ce «technique» pour en justifier le renouvelle-ment. Réparer n’est plus à la mode et soigner ne l’est plus beaucoup! Mais le changement le plus spectaculaire est apporté par l’accéléra-tion de la circulation de l’information. L’Inter-net et ses moteurs de recherche, les télépho-nes portables vont dans le sens d’une réponse rapide et personnalisée, du triomphe du «tout de suite», de l’instantané ! Le vécu de l’espace est modifié par la disparition d’une scansion entre temps/espace «avec» et temps/espace «sans», grâce à l’achat en ligne par exemple. On peut consommer «tout le temps» et par-tout, dans les trains, les aéroports, les écoles, son salon ou dans sa chambre. Une confusion similaire se retrouve quand la «pipolisation» de la politique, les émissions de télé-réalité inversent sphère privée et sphère publique.

Philippe Jeammet regrette que certaines émissions de radios adolescentes aillent jus-qu’au «viol de l’espace intime», générant une possible confusion entre instinctuel et indivi-duel, compliquant encore plus le contrôle des instincts. Quant à l’excès sensoriel il se décline sous les formes de la vitesse, élément essentiel du pro-grès technique, TGV et autoroute, athlètes et machines, tout va plus vite ; mais aussi des uni-vers de plus en plus «hypers-sensoriels» des jeux sur consoles ; jusqu’aux fêtes, à l’exem-ple de la fête foraine et des attractions «à sen-sations fortes», au cinéma dont les remakes valorisent les effets spéciaux démodant les anciens films basés sur le récit chronologique.

Tout dans notre culture va dans le sens de l’excès.

La déstabilisation de l’éducation...Si les performances de l’homme sont augmen-tés, il faut s’interroger sur l’affaiblissement de ses compétences, car c’est à la technologie et à la chimie qu’est confiée la responsabilité de contenir ce qui est hyper – stimulée : radars et télé - surveillance se multiplient, comme les contrôles anti-dopages, les boissons anti-fati-gues, celles qui diminueraient l’effet de l’alco-ol, dans une course absurde effet/contre-effet indiquant le désinvestissement de l’éducation! Pour en assurer la maîtrise, cette augmenta-tion des compétences devrait être accompa-gnée d’une augmentation de l’effort éduca-tif. Or c’est l’inverse qui se produit : l’effort éducatif est dévalorisé. Traditionnellement, il repose sur trois piliers. Le premier est celui du vivre ensemble, de l’intégration au monde, du contrôle de soi, de la maîtrise des instincts et de la satisfaction. Il est menacé par le recul des normes partagées au profit de normes de groupes et de sociabilités fragmentées privilé-giées par l’individualisme contemporain. Le pilier des savoirs et connaissances se heurte à l’accélération technologique qui fait du passé un patrimoine inutile, ayant perdu son statut

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de réservoir de compétences désirables car pouvant aider à augmenter son emprise sur le monde. Il en découle une dé - traditionalisa-tion de la transmission qui affaiblit le dernier pilier, celui des pratiques parentales et éduca-tives, de la transmission de compétences entre un adulte qui sait et l’enfant qui apprend. La dé –qualification technologique, la transplan-tation culturelle, l’exclusion sociale privent l’adulte de l’antériorité dans l’expérience né-cessaire à la posture éducative. Et cette même disqualification se retrouve quand la publicité s’adresse directement à l’enfant, le substi-tuant à l’adulte sans qu’il ait eu à en acquérir les compétences, pour en faire le prescripteur de l’acte d’achat.Cette rupture de la transmission met en échec les principales injonctions éducatives néces-saires à la construction d’une personnalité. L’injonction centrée sur le danger, le «fais attention», «sois attentif» est au centre de l’avertissement sur le «danger» des drogues. Elle s’origine dans le premier regard des pa-rents sur les jeux exploratoires de l’enfant qu’il sécurise en écartant tout danger. Cette situation fonde la confiance dans l’expérience de l’adulte. En intégrant peu à peu l’atten-tion, l’enfant va apprendre à sélectionner l’information pertinente, à remarquer ou à choisir. Former l’attention, c’est former le sens critique, la capacité à discriminer, à se limi-ter, donc à devenir responsable de soi et de l’autre. Tout l’inverse de l’éducation médiati-que à laquelle notre société accorde de plus en plus d’importance : elle capte l’attention plus qu’elle ne la forme. Capter l’attention, c’est occuper le temps et l’espace nécessaire à l’élaboration de la pensée et du sens critique. C’est ce que fait l’hyper–sollicitation sensoriel-le de la pulsion et son immédiate satisfaction qui étourdit d’images et de sons et occulte l’attention. L’injonction «c’est interdit» consi-dère le manque d’autorité comme responsa-ble de nombreux problèmes. Interdire, c’est d’abord faire respecter des limites spatio-tem-porelles et éthiques qui rendent humaine une

conduite instinctuelle. Ce n’est pas obligatoi-rement empêcher l’expérience, mais plutôt la contenir dans un espace/temps adapté et contrôlé par des limites. Aujourd’hui, on mul-tiplie interdits et lois sur des comportements d’usage, tout en favorisant le consumérisme et même l’excès consommatoire, donc para-doxalement l’usage. Toujours plus de temps et d’espace sont consacrés à la consommation, tandis que le temps de l’éducation se réduit. Le rajeunissement de l’usager de substances ne fait que suivre celui du «consommateur» que tout encourage ! L’autorité a besoin de limites, la modernité les efface et place le consommateur dans une apesanteur irrespon-sable qui empêche de « faire expérience », d’en tirer les leçons. L’injonction «à ne pas se laisser influencer», conforme à l’idéal éducatif d’un sujet contrôlé et autonome nécessite un équilibre entre la transmission diachronique du passé, d’adulte à enfant et la réciprocité synchronique du présent, entre paires. L’excès de l’un génère conformisme, l’excès de l’autre induit la grégarité. Or la disqualification de l’adulte par la modernité, par une industrie culturelle offensive et par la fragmentation sociale renforce le synchronique, donc le gré-gaire. Les regroupements autour de rituels simplistes d’imitation, le tribal des Guildes de joueurs en ligne, l’horizontalité de la cul-ture Web, alimentée par les pairs plus que par l’adulte, n’en sont que de rapides exemples. L’intensité et l’instantanéité de l’expérience addictive ne sont plus seules à nuire à la né-cessaire sédimentation de la personnalité, à cette acquisition d’expérience qui résulte de la transmission de compétences. La culture de l’hyper, l’explosion des cadres et l’interacti-vité des nouvelles technologies, leurs répon-ses instantanées court-circuitent l’élaboration interne, leur flux permanent de stimulations pouvant occuper le temps d’éducation, de l’adoption et de l’appropriation du savoir, en contradiction avec l’intériorité, l’expé-rimentation de l’ennui et de la rêverie, à la formation d’un espace intime. L’expérience de

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transgression qui fut une des clés de lecture de l’expérience addictive, s’efface derrière la course sans limite à la sensation extrême où seul l’excès fait norme.

Ce constat d’une communauté abandon-nant la transmission naturelle des compé-tences n’est pas nouveau, de même que la place prédominante occupée par les médias qui déplace le centre de gravité de l’éduca-tion. L’actuelle logique d’hyper-consomma-tion n’est pas en harmonie avec les valeurs de responsabilité et maîtrise, pas plus que la culture du jetable ne l’est avec celle du du-rable, l’immédiateté avec la patience, l’inten-sité avec la modération. L’individu autonome que l’on dit vouloir promouvoir est un leurre, il est le jouet du règne de la marchandise et des injonctions d’une société de consomma-tion de masse qui rabote les différences, les homogénéise, voire les commercialise (Ja-veau, 2007). Désymbolisation du sociétal, re-cul de l’intériorité et stimulation de la pulsion laissent le sujet démuni face à la multiplicité d’objets de jouissance dont les plus actifs sont les objets addictifs. Comme l’immédiateté de la satisfaction, l’immédiateté technologique, s’oppose au développement des compétences humaines nécessaires à la maîtrise des condui-tes addictives, la discordance complexe entre l’expérience psycho-corporelle procurée par le produit (généralement du plaisir et un mieux être) et sa qualification sociale de danger et dégradation. Elles font apparaître un homme comportemental, dont prévention et éduca-tion doivent tenir compte dans leur approche multifactorielle, écologique et systémique.

DÉVELOPPER UNE APPROCHE INTEGRÉEÉduquer l’expérience, intervenir précoce-ment, réduire les facteurs de vulnérabilité individuelle doivent rester les priorités éduca-tives de la société toujours plus addictogène dans laquelle nous vivons. Depuis les années 80-90, la combinaison, adaptée à toutes sor-

tes de contextes, de la promotion de la santé, la réduction des risques et l’éducation expé-rientielle contribue à construire un nouveau visage de la prévention.

Promotion de la santéLa promotion de la santé développe des pro-grammes renforçant les compétences psycho-sociales. Leurs succès est du à leurs principes cognitivo-comportementaux et à l’importan-ce qu’ils attachent à l’entrainement concret. Ces programmes offrent ce modelage naturel du comportement que la communauté n’as-sure plus. Ils nécessitent une adaptation au contexte et aux aspects communautaires ainsi qu’une volonté politique et des moyens. En Suède, pays de forte implication de l’état dans la question éducative, ce type de programme est passé de 4% à 11% chez des parents d’un premier enfant, entre 2004 et 2007. En France peu a été fait, l’Ecole des Parents diffuse des enseignements sur la parentalité, sous forme de stages, colloques ou documents tandis que l’INPES travaille sur l’implantation d’un pro-gramme éducatif, le Strenghtening Families Program» de Karol Kumpfer et Henry White-side qui repose sur une approche type grou-pes multifamiliaux avec sessions pour les jeu-nes, pour les parents et ensemble. Les versions «adolescents» visent le développement d’apti-tudes essentielles à cet âge, comme savoir ré-soudre les problèmes et prendre des décisions, avoir une pensée créatrice et critique, savoir communiquer efficacement, avoir conscience de soi et de l’empathie pour les autres, savoir gérer son stress et ses émotions. Démarré en Suisse en 1999/2000, l’étude SUPRA-F s’inté-ressait à la possibilité de stabiliser ou réduire à long terme la consommation de substances chez des jeunes en situation à risques par la mise en œuvre de programmes socio-pédago-giques ambulatoires. La conclusion principale fut de souligner l’importance de la «situation sociale initiale» des jeunes, qui échappe large-ment à la prévention et renvoie à la nécessité préalable d’aider les familles à se structurer

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avant de produire l’effort éducatif. En France, le récent rapport du CAS, en complément des améliorations cognitives des messages qu’il propose, aboutit aux mêmes conclusions. En Allemagne, un programme d’intervention brève «Realize it!» recentrés sur le cannabis, a eu des résultats positifs.

L’éducation «expérientielle»Pour être efficace, l’éducation préventive en addictologie ne peut rester théorique et faire abstraction de l’expérience, elle doit accepter de l’accompagner. Pour cela, elle se fonde sur les règles biologiques et psychoso-ciales qui régissent le passage du mieux être au mal être, de la consommation à l’addic-tion pathologique, du plaisir à la souffrance. Une grande partie des usagers de substances psychoactives mettent à profit leurs capacités d’autocontrôle pour limiter les risques et ne pas s’enfoncer dans une maladie addictive. Il s’agit de minimiser encore davantage ce ris-que. Le dialogue autour de l’expérience est un moyen traditionnel d’élever le niveau de savoir et de protection, mais aussi d’auto-évaluation, d’anticipation des conséquences de la consommation et de définition de ses propres limites. Il remplace l’accompagne-ment naturel de l’ancienne communauté et ses effets de transmission et de compétences partagées. Considérant l’individu comme res-ponsable de soi-même et de sa santé, l’éduca-tion expérientielle lui apporte les outils pour évaluer ses choix et se projeter dans l’avenir. Acceptant que la prise de risques soit partie prenante de nos existences, elle cherche à écarter la fatalité de l’addiction, sans volonté d’éradiquer l’usage. Elle s’attache à l’expé-rience vécue pour en préciser le niveau de plaisir recherché et les conséquences accep-tables, personnellement, socialement et léga-lement et ainsi que les moyens pour d’éviter les effets néfastes (Therrien, 2003). Elle prend en compte la dimension de recherche de soi de l’adolescence et en respecte l’aspiration au plaisir et à l’autonomie qu’elle accompagne

et humanise. C’est à partir de ces principes qu’il est possible de parler du mal être ou des difficultés de certains. Elle est aussi de nature à prolonger l’approche de réduction des ris-ques, au-delà de la simple préoccupation de les «réduire» pour questionner et penser les choix de consommation comme de mode de vie.

L’intervention précoce (cf l’article d’Alain Mo-rel consacré à l’intervention précoce dans ce numéro)L’intervention précoce complète le dispositif de prévention et s’applique aux étapes pro-blématiques des conduites addictives. Elle a pour objectifs la rencontre et le repérage des personnes présentant ces problèmes, la minimisation des obstacles pour modifier le comportement d’usage et une intervention adaptée pour ceux qui en ont besoin (Morel, 2006). Elle repose sur l’articulation entre une communauté et les professionnels spécialisés. Le repérage précoce n’est pertinent que lors-qu’il s’intègre dans une rencontre et qu’il per-met d’accéder à une intervention acceptable et efficace. Les déterminants des conduites à risques tenant aux difficultés à entrer dans la vie sociale (scolaire, professionnelle, familiale) et à trouver un rapport adéquat avec son en-vironnement, une grande part de l’interven-tion n’est pas du domaine strictement médical ou thérapeutique mais rejoint l’action sociale, prévention et intervention précoce nécessi-tent d’agir sur les processus de vie et sur l’en-vironnement (Serrano, 2007).

CONCLUSIONEn réponse à la société addictogène qui pro-meut les valeurs de l’expérience addictive et un transfert des compétences de l’homme vers la machine ou la substance, l’éducation préventive déploie une diversité de réponses et remet l’accent sur les compétences humai-nes, privilégiant leur renforcement et les fon-damentaux de l’éducation. Elle instaure un accompagnement de la capacité des parents à

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associer réceptivité aux besoins de l’enfant et exigence nécessaire pour susciter des compor-tements matures. La psychologue Laurence Steinberg différencie quatre types d’exercice de la parentalité. L’attitude ferme permet le meilleur développement des compétences sociales, donc la plus forte résistance aux in-fluences sociales. Elle développe la capacité à verbaliser les difficultés par le dialogue édu-catif qu’elle instaure tout au long de l’enfan-ce et de l’adolescence. L’attitude autoritaire rend l’enfant plus passif, soumis, dépendant de la compétence de l’autre et intellectuel-lement moins curieux. L’indulgence conduit à moins de maturité et l’indifférence à plus d’impulsivité, avec un risque plus affirmé de conduites délinquantes.L’éducation préventive est donc plus que ja-mais nécessaire pour répondre au risque ad-dictif, substituer aux sensations de l’addiction les sensations réelles de telle ou telle activité est toujours plus complexe qu’il n’y paraît : sauter en parachute apporte une sensation réelle mais nécessite un apprentissage et une discipline qui fait potentiellement écran à ce plaisir. Instantanéité et intensité des plai-sirs ne sont jamais tout à fait comparables! Il s’agit alors moins de substituer une sensation à une autre, mais d’accompagner le passage d’un mode de vie à un autre. C’est donc en restant attentif aux fondamentaux de l’édu-cation que se fera l’adaptation.- l’accessibilité à l’objet : c’est à l’adulte de poser le cadre et les règles de l’accessibilité à l’objet. La construction du cadre de l’injonc-tion «c’est interdit» peut être partagée avec l’adolescent. Mais l’adulte reste seul garant de son application, continuant d’apporter les limites nécessaires à l’éducation.- la «socialisation» du comportement doit être encouragée, par exemple, il s’agit moins de s’opposer à l’avatar des jeux en ligne et à son apport «imaginaire» que d’en accompagner la mise en relation aux autres. Parler avec l’ado-lescent, l’inciter à en parler avec d’autres sont des attitudes utiles pour soutenir l’injonction

«à ne pas se laisser influencer». C’est le risque de la centration qui doit être anticipé dans ces objets et substances fabriqués pour capter le plus possible l’attention, et non le comporte-ment lui-même qui doit être rejeté.- la valorisation du sujet reste aussi impor-tante : tout n’est pas négatif, des compéten-ces et habilités s’acquièrent mêmes dans ses expériences. Savoir en gratifier l’adolescent est aussi nécessaire et l’adulte/éducateur doit pouvoir assumer la double fonction de l’at-tention : être attentif à et faire attention à... pour faciliter le travail de prise de conscience du risque par l’adolescent tout en accompa-gnant l’acquisition de compétences nouvel-les.Alors pour que le plaisir ne se termine pas sys-tématiquement en abus :- redonner des cadres pour répondre à l’estom-page généralisé que le double mouvement de crise économique et culturelle produit, - atténuer les effets de la sur–valorisation du sensoriel, en étaler la rencontre dans le temps de croissance d’un enfant et l’accompagner des mots et paroles des adultes, - enfin, défendre et préserver le temps d’éla-boration du sens, ce temps de l’intériorité dont toute éducation à besoin.

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La prévention : un oubli «pérenne» des politiques de santé !

La loi de 70 n’a pas abordé la question de la prévention. En 1982, la création de la mission permanente de lutte contre la toxicomanie va inaugurer ce qui sera la politique de préven-tion, elle s’ancre au niveau local via les Con-seils Communaux de Prévention de la Délin-quance (CCPD) et au sein de la communauté scolaire via les adultes relais et personnes res-sources. En 1986 se déroule la première cam-pagne nationale de prévention des toxicoma-nies «La drogue parlons-en avant qu’elle ne lui parle». Parallèlement, des centres de soin en alcoologie proposent un service de pré-vention centrée sur la problématique alcool. Dans les années 90, la politique de prévention intègre le recadrage de l’addictologie : initia-lement axée sur les produits, elle se réoriente vers les comportements. Cette orientation est entérinée par les pouvoirs publics dans le plan triennal adopté le 16 juin 1999. Par ailleurs, en 1997, lors des rencontres nationales sur la toxicomanie, les conclusions des experts re-commandent «la définition d’une politique de prévention centrée sur des objectifs défi-nis, cohérente et donc évaluable et la création d’une instance nationale indépendante per-mettant l’élaboration de cette politique».

Depuis, la prévention est mentionnée dans tous les plans, dans toutes les lois, dans tous les schémas, elle est déclinée sous toutes ses formes, sans pour autant occuper une place

claire et compréhensible. La voilà même en 2010 présente dans le sigle de notre nouveau dispositif : les CSAPA «centres de soins d’ac-compagnement et de prévention en addicto-logie». Mais qu’en sera-t-il de son effectivité car elle ne fait même pas partie des missions obligatoires ? Des actions de prévention col-lective peuvent être malgré tout réalisées à hauteur de 153 000 euros, au-delà, elles fe-ront l’objet d’un budget à part.

Force est de constater que la prévention : ça ne va pas de soi !

Toutes ces années n’ont pas été vaines, faites de diversité, de multiplication des acteurs, de confrontation de cultures différentes (promo-tion de la santé, santé communautaire, pré-vention, intervention précoce), de montages financiers originaux mais souvent non péren-nes, de constats sans véritable évaluation, de manque d’actions malgré des réalités territo-riales ou populationnelles évidentes, de dis-ponibilité et d’imagination des décideurs, des associations et de la population... L’absence d’instance de pilotage et de structuration souhaitée a été lourdement préjudiciable à des acteurs qui ont su la compenser par leur capacité à capitaliser avec des moyens dispa-rates mais aussi à confronter, échanger avec d’autres pays et cultures, des expériences, un savoir-faire et des expertises. Malgré quelques découragements, et parfois un éparpillement des actions, nos associations n’ont jamais capi-tulé devant le manque de cohérence. Elles ont

PLACE DE LA PREVENTION DANS LE NOUVEAU PILOTAGE DES POLITIQUES PUBLIQUES

Véronique GARGUILPsychologue – CHS Perrens – Bordeaux (33)Secrétaire Générale de l’ANITeA

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su maintenir une vigilance et une réflexion de qualité, tout en continuant à proposer actions et productions (documents techniques et éthi-ques ainsi que des outils).

Un nouveau pilotage pour faire quoi ?

Aujourd’hui la prévention est autant incon-tournable qu’impossible à délimiter claire-ment dans ses objectifs et ses enjeux. Le dispo-sitif actuel est extrêmement divers, organisé selon plusieurs approches, pas forcément in-tégrées et systématiques, par population, par déterminants, par pathologies, par milieux, par alertes et par missions. À l’heure où la conduite des politiques de santé se réorga-nise, nous attendons beaucoup d’un nouveau pilotage qui donnerait à la prévention la place qu’elle aurait dû occuper depuis long-temps : la loi HPST modifie l’organisation du système de santé, instituant une gestion ré-gionale et transversale par un acteur unique, l’Agence régionale de santé, des secteurs sanitaire, hospitalier et médico-social. La loi prévoit également la mise en œuvre d’une politique de prévention visant à contribuer à l’amélioration de la santé de la population. Cependant, étant donnée la complexité, un pilotage exclusif ne saurait suffire, il devra être doublé.

Une politique de santé cohérente en matière de lutte contre les addictions oblige à articuler prévention, repérage précoce, accès aux soins et organisation du dispositif d’accueil, de soin et d’accompagnement, qu’il relève du champ sanitaire et médico-social. L’un des objectifs de la loi est de mieux prendre en compte les logiques de santé publique et en particulier de rééquilibrer les approches curatives et pré-ventives. Pour y parvenir, l’accès à la préven-tion doit être organisé, structuré pour favori-ser une réelle participation de la population. L’enjeu majeur sera donc la nécessité d’agir à l’échelle territorial sur des déterminants de santé qui ne relèvent pourtant pas systémati-

quement du système de santé. La réforme invite les acteurs à s’associer à «l’entreprise de prévention» (acteurs politi-ques, économiques, sociaux). L’intention est louable, mais tandis que disparaissent faute de moyens des acteurs impliqués depuis long-temps dans des actions de prévention com-ment entendre ce déploiement souhaité par les agences régionales de santé ? En matière de prévention, un profond changement de stratégie se rapprochant de la dimension par-ticipative de la promotion de la santé, est sou-haité pour garantir le pilotage, l’assemblage, la cohérence et l’équilibre entre les différents territoires, secteurs, acteurs et promoteurs. Au sein de l’Agence Régionale de Santé, l’approche transversale doublée de systèmes d’information, d’observation et d ‘évaluation permettrait de garantir cette cohérence. Il s’agira maintenant de croiser les différentes approches qui se recoupent, et de développer une approche interministérielle et intersecto-rielle.

L’organisation régionale des nouvelles instances

La protection de la santé des personnes et de la population concernera des instances qui ne dépendent pas directement de la santé et dont l’Agence régionale de santé mettra en débat de manière participative les orienta-tions, à partir d’un diagnostic partagé et jus-qu’à un choix des interventions et leur mise en œuvre. Il faudra interpeller et mobiliser les services déconcentrés de l’état, les collectivités territoriales, mais aussi les acteurs économi-ques pour impulser des politiques favorables à la santé et fonctionner avec des instances aux missions de coordination, de proposition, d’évaluation, de concertation. Autant d’in-terlocuteurs dont il faudra se rapprocher en temps qu’acteur local, mais aussi en tant que représentant associatif d’un dispositif en mu-tation, il s’agit :

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1. du dispositif d’appui méthodologique aux chefs de projets MILDT2. du pôle régional de compétences en promo-tion et en éducation pour la santé de l’INPES3. du pôle promotion, prévention et program-me de santé de l’ARS4. de la conférence régionale de santé et de l’autonomie et les commissions de coordina-tion des politiques publiques de santé5. des conférences de territoires6. du titre 3 de la loi HPST : Prévention et san-té publique

1- Le dispositif d’appui méthodologique aux chefs de projets MILDT en charge de la lutte contre la drogue et la toxicomanie dans le ca-dre du plan gouvernemental de lutte contre les drogues et les toxicomanies 2008/2011Le plan ambitionne de réduire durablement la demande par une prévention globale, struc-turée et multifactorielle, touchant tous les publics, dans tous leurs lieux, y compris les pu-blics les plus vulnérables et s’appuyant sur des adultes, notamment les parents. Le dispositif d’appui aux chefs de projets, nommés dans chaque préfecture, aidera à relayer, sur tout le territoire, cette stratégie de prévention.Pour cette aide plusieurs missions :- Aide au diagnostic local : Analyse des don-nées pour mettre en évidence les forces et les faiblesses du territoire régional, de son dispo-sitif de prévention et de lutte contre les dro-gues- Aide à la mise en œuvre des actions de pré-vention prévues dans les objectifs des plans départementaux (faisabilité, aide au mon-tage, évaluation des acteurs et des actions, construction des indicateurs...)- Relais d’information : communication et dif-fusion des actions et expériences innovantes ou efficaces.

2- Le pôle régional de compétence en éduca-tion et promotion de la santé, issu du SREPS (schéma régional d’éducation pour la santé) et financé par l’INPES.

Le pôle régional de compétence est une pla-teforme ressource offrant des services à tout acteur institutionnel ou associatif intervenant dans le champ de l’Education et la promotion de la santé. - Il est porté en région par une association qui anime le pôle et coordonne les activités de la plate forme - Il comprend une instance de pilotage - Il fédère les compétences et ressources pré-sentes dans la région et constitue un carrefour d’échanges - Il est un lieu de synergie, de mutualisation et de coordination - Il est un appui à la fois aux acteurs régionaux et aux politiques régionalesCes pôles, centrés sur la promotion de la santé, ne parlant pas de prévention des addictions, il s’agira pour les dispositifs spécialisés de s’y situer conceptuellement et stratégiquement.

3- Les outils de l’ARS - Le pôle promotion, prévention et program-me de santé de l’ARSSon rôle sera de mettre en place une stratégie de promotion de la santé et de prévention au niveau régional. - Il devra assurer le fonctionnement du dis-positif de santé publique - Il croisera une approche par thématique (déterminants de santé, milieu de vie, santé environnementale, territoires, éducation thé-rapeutique, dépistage etc...) avec une appro-che par programme via des projets intégrants l’ensemble des dimensions (observation, pro-motion de la santé, prévention et soin).- La conférence régionale de santé et de l’autonomie et les commissions de coordina-tion des politiques publiques de santé : c’est un organisme consultatif, composé de plu-sieurs collèges, qui concourt par ses avis à la politique régionale de santé. - La CRSA sera constituée d’une commission permanente et de 4 commissions spécialisées : organisation des soins, prise en charge et ac-compagnement médico-social, prévention, et

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droit des usagers. - elle remplace le CROSMS, le GRSP, le CPR - elle sera constituée aussi de deux commis-sions de coordination des politiques publiques de santé qui associent les services de l’état, les collectivités territoriales et les organismes de sécurité sociale. L’une sera compétente pour assurer cohérence et complémentarité des ac-tions dans le domaine de la prévention de la santé scolaire, de la santé au travail et de la PMI ; l’autre sur la coordination, la planifica-tion de la prise en charge des accompagne-ments médico-sociaux.- Les conférences de territoire :L’ARS a pour mission de définir des territoires de santé pertinents notamment pour les ac-tivités de santé publique. Dans chaque terri-toire mentionné, le directeur de l’ARS va cons-tituer une conférence de territoire composée de représentants des différentes catégories d’acteurs du système de santé du territoire concerné, dont les usagers. - Elle contribuera à mettre en cohérence les projets territoriaux sanitaires avec le projet ré-gional de santé et les programmes nationaux de santé publique. - La prévention et la promotion de la santé pourront faire l’objet de contrats locaux de santé entre l’agence et les collectivités terri-toriales

4- Le titre 3 de la loi HPST : Prévention et santé publique L’article 81 de la loi traite de la prévention des facteurs de risques pour la santé. Une fondation va contribuer à la mobilisation des moyens nécessaires pour soutenir des actions individuelles ou collectives destinées à pro-mouvoir la santé. Ces actions contribueront entre autre à la lutte contre les addictions.

En conclusion

L’orientation prise par chacune des instan-ces impliquées plus ou moins spécifiquement

dans la politique de prévention des addictions va dans le sens de l’organisation, de l’évalua-tion, de la professionnalisation, de l’efficacité et d’une meilleure lisibilité, mais le risque de déplacer à un autre niveau le manque de clar-té des objectifs et des enjeux est réel. Quelle instance pourra harmoniser des enjeux de prévention parfois éloignés ? Quelle place sera laissée aux acteurs des diffé-rents champs spécialisés comme l’addictologie par exemple ?

Tout n’étant pas encore mis en œuvre et struc-turé sur le plan administratif en région, il ap-paraît important de réfléchir au plan local et national à la place que nous pouvons et de-vons prendre dans ces instances. Les commis-sions «région» et «prévention» de l’ANITeA, bientôt fusionnée avec la F3A, auront dans les mois à venir à proposer des niveaux de réali-sation, d’implication et de représentation qui nous permettront de rester des interlocuteurs «valides» dans le secteur de la prévention des addictions.

Il s’agira de définir clairement les addictions comme un objet spécifique de prévention qui nous confronte d’emblée à un paradoxe, voi-re à un problème éthique et politique. Sans minimiser leurs dommages et conséquences sociales, nous devons admettre que ces con-duites ne doivent pas être réduites à leur seul aspect nuisible, les consommations de subs-tances psychoactives étant constitutives du champ de l’expérience humaine, en particulier à l’adolescence. Ce sont des comportements répandus dans une société qui créent les occa-sions de l’excès, mais aussi les attitudes qui les justifieront, ce qui nous amène à questionner la responsabilité du groupe et de la société à l’égard de ceux qui vont plus loin.

Les instances décrites ci-dessus sont mainte-nant des interlocuteurs et des pilotes incon-tournables sur la question de la prévention et de la promotion de la santé en général. Ce-

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pendant, une question persiste : si nous ne remettons pas en question la volonté de si-tuer la prévention dans la perspective d’une promotion ou d’une éducation à la santé res-ponsabilisant chaque catégorie de personnes (politiques, professionnels et le public), la question des partenariats, concertations et re-présentativité proposées par ces instances aux dispositifs spécialisés en addictologie reste ouverte? La prévention n’est toujours pas un corps de métier organisé, les attentes avec les nouvelles instances iront vers une gestion mutualisée et plus de transparence dans les procédures. Sur le terrain, ils feront appel aux professionnels. Les dispositifs et acteurs du champ des addic-tions vont-ils trouver un terrain fédératif au niveau régional ? Les thématiques «produits» seront-elles alors encore pertinentes ? Une approche centrée sur les addictions paraitrait plus logique étant donnée la mutation con-ceptuelle actuelle. Au plan national, la prio-rité énoncée est bien «La prise en charge des addictions», ce qui nous amènera à réfléchir ces questions de prévention des addictions à un niveau plus sociétal et collectif.

Textes de référence :

Circulaire DGS//MC2/2008/79 du 28 février 2008 relative à la mise en place des Centres de Soins d’Accompagnement et de Prévention en addictologie et à la mise en place des schémas régionaux.

Loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant ré-forme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires

Décret n° 2010-336 du 31 mars 2010 portant création des agences régionales de santé

Vu le décret n° 2010-346 du 31 mars 2010 re-latif aux commissions de coordination des po-litiques publiques de santé

Décret n° 2010-347 du 31 mars 2010 relatif à la composition et au mode de fonctionne-ment des conférences de territoire

Décret n° 2010-348 du 31 mars 2010 relatif à la conférence régionale de la santé et de l’autonomie

Décret n° 2010-514 du 18 mai 2010 relatif au projet régional de santé

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Depuis une dizaine d’années, suite à une recherche-action régionale sur un état des lieux régional et les spécificités des différents champs addictologiques, un «Groupe Régio-nal Prévention» (GRP) composé des différents professionnels des structures adhérentes de l’ANITeA s’est constitué sur les volontés à la fois des professionnels intervenant en préven-tion et les responsables des structures. Il se réunit environ 5 fois par an pour réfléchir sur ses pratiques de prévention et de formation. Le niveau régional est une richesse, un «car-refour» de compétences.

Différentes histoires des structures

Certaines structures travaillent depuis une vingtaine d’années conjointement sur l’alco-ol, la toxicomanie et la tabacologie ; d’autres ont une orientation psychanalytique, ou en-core systémique dont la philosophie «réduc-tion des risques» est parfois venue modifier les discours, les représentations, les prati-ques... On peut encore ajouter que des asso-ciations ont constitué des services spécifiques avec des professionnels de prévention n’ayant jamais travaillé en structure de soin alors que d’autres ont constitué des postes en partie sur le soin et sur la prévention...

Différentes positions sur la prévention

Les positions des structures par rapport à la prévention divergent aussi : choix d’intervenir

auprès des jeunes, même parfois en primaire ou maternelle (sur les compétences psycho-sociales), en partant du principe que c’est un moyen de rencontrer une institution et les professionnels qui y travaillent...ou choix de n’intervenir qu’auprès des adultes, parents ou professionnels dans une position de pôle res-sources où les réseaux prévention rejoignent la plupart du temps les réseaux de soin...

L’échange de pratiques comme construction d’une culture régionale commune

Au carrefour de ces différences, en réponse à des demandes et contextes territoriaux par-ticuliers, différents outils et méthodes sont employés. Aussi, présenter la façon dont un professionnel, une structure répond à ces demandes de prévention, de conseils ou de formation, questionner collectivement ces pratiques, conforte les animateurs de pré-vention et de formation dans l’appartenance à un champ commun. Des lignes de force se dessinent, comme l’importance d’agir dans la durée, l’intérêt d’action impliquant des petits groupes, au plus proche des préoccupations quotidiennes (et non des conférences devant plusieurs centaines d’individus) et permettant l’expression individuelle, le besoin d’un mo-ment d’évaluation...

À partir de ces différents échanges ce groupe régional a ressenti le besoin de travailler à un texte collectif. Un document écrit, référence

L’UNION RÉGIONALE PAYS DE LA LOIRE MOBILISÉE SUR LES QUESTIONS DE PRÉVENTION

Daniel BERNIERDirecteur du Triangle – Nantes (44)Délégué Régional ANITeA-F3A Pays de la Loire

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de ses valeurs et pratiques, a été élaboré ; il a constitué les prémices, parmi d’autres, du do-cument élaboré ensuite au niveau national. Le groupe a aussi souhaité élargir sa commu-nication aux acteurs moins spécialisés de la région Pays de la Loire, notamment à l’édu-cation nationale, à l’éducation spécialisée, au secteur socio-culturel... Il a organisé une jour-née régionale sur la prévention en 2008 sur le thème : «La Prévention des Addictions, une réflexion à partager». Deux cent cinquante professionnels sont venus participer au dé-bat... Une seconde est en préparation pour cette année.

Un partenariat avec les comités d’éducation à la santé et autres acteurs régionaux

En 2009 les CODES de 4 départements (44, 49, 53, 85) ont fusionné pour constituer l’IREPS - PAYS de la LOIRE. En tant que professionnel impliqué depuis de nombreuses années en prévention et délégué régional ANITeA, j’ai accepté de faire partie du collège des experts au sein du CA de l’IREPS. Différents acteurs de la prévention et structures administratives ré-gionales y sont représentées : l’ARS, le Conseil Régional, la Mutualité, la Ligue contre le can-cer entre autres...Un groupe de travail constitué des 5 structures les plus financées par le GRSP (SIDA info servi-ce, l’ANPAA, AIDES et l’ANITeA) a été sollicité par l’IREPS pour réfléchir à un partenariat plus structuré, car ces différents acteurs sont déjà partenaires localement sur différentes actions de prévention, de formation notamment...La défense collective du secteur prévention au moment où les ARS se mettent en place au niveau régional est un axe important de ce mouvement. Ce groupe représente aussi les bases locales du «Pôle Régional de Compétences» des Pays de la Loire dont le référentiel national sous forme d’un cahier des charges est en cours d’élaboration au sein de l’INPES en liaison avec les différentes instances nationales.

Vers une nouvelle organisation régionale

Une nouvelle organisation régionale est donc en cours de structuration. Au sein de l’IREPS ce groupe de structures volontaires constitue un pôle de réflexion, d’aides méthodologi-ques, de formations et de création d’outils support de prévention ... qui seront présentés conjointement auprès de l’INPES. L’IREPS tient une fonction intermédiaire «de ventilation», de porteur collégial d’actions adaptées aux différentes thématiques de santé, aux diffé-rents territoires tandis que les structures s’en-gagent sur ces actions comme prestataires de services.Au sein de l’ANITeA - Pays de la Loire, deux ty-pes d’organisation sont en cours de réflexion :Pour éventuellement cohabiter :- une ou des actions communes portées par l’ANITeA Pays de la Loire et donc administra-tivement par le siège national. Cela pourra prendre la forme par exemple de modules de formation régionaux qui feraient appel aux différentes ressources/compétences régiona-les, d’actions de conseil élaborées en partena-riat entre les différents membres du pôle de compétence et qui pourraient être modélisées et adaptées pour des établissements scolaires par exemple...- un groupe d’actions portées par les différen-tes structures adhérentes de l’ANITeA (actions d’aide méthodologique, de formation...) pour lesquelles ces associations ou structures s’en-gageraient auprès de l’INPES via l’IREPS.Des fiches communes synthétiques de présen-tation et d’évaluation permettraient une lisi-bilité régionale. Ces différents projets d’évolution, de structu-ration apparaissent nécessaires :- ils renforcent la visibilité du lien prévention et soin, nécessaire pour que se rencontrent professionnels de la prévention et du droit commun qui sont en responsabilité auprès de jeunes dont les usages à risques impliquent des interventions précoces. Ces liens entre professionnels sont alors le trait d’union qui

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permet un véritable investissement dans les soins, toujours difficiles pour ces jeunes en rupture... - Ils permettent de mettre en commun des compétences et pratiques construites dans les différents champs addictifs,- Ils seront nous l’espérons le vecteur d’une meilleure reconnaissance au niveau régional qui devient le niveau incontournable,- Ils sont l’espérance de politiques régionales de prévention mieux définies et surtout plus pérennes...Voilà où en est l’ANITeA Pays de la Loire en mai 2010, construction à suivre...

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Dans sa définition générale, l’intervention précoce est une stratégie d’action qui vise à raccourcir autant que possible le délai entre l’apparition des premiers signes d’une patho-logie et la mise en œuvre de traitements ou de prises en charge adaptés. Cette stratégie a été initialement développée en Amérique du Nord pour diminuer la gravité de maladies telles que l’autisme et les psychoses infantiles. Plus récemment, elle est apparue comme par-faitement adaptée à la question des condui-tes addictives.

À l’interface de la prévention primaire, de la réduction des risques et du soin, l’interven-tion précoce a pour objectifs de réduire les conséquences néfastes des usages à risque ou nocifs, d’éviter une évolution vers l’addiction, de faciliter l’accès au soin pour les usagers qui en ont besoin. Ces interventions sont préco-ces c’est-à-dire en amont d’une demande de soins. Elles visent la rencontre avec les usagers qui ne relèvent ni de la prévention (au sens «informer pour dissuader»), car ils présen-tent une consommation de substances déjà à risque voire nocive, ni du soin car ils sont généralement dans une phase où ils tirent bé-néfices de cette consommation et ne sont pas demandeurs de traitement.

Les lieux où peuvent être mis en place ces stratégies sont très divers : depuis les milieux scolaires, bien sûr (collèges et lycées mais aussi universités), les milieux de travail, les milieux

de soins, les structures d’animation socio - cul-turelles, les institutions d’éducation spéciali-sées, etc.

Développer des savoir faire spécifiques pour des dispositifs spécifiques

La mise en œuvre d’un dispositif d’interven-tion précoce fait appel à des savoir faire dans les domaines social et clinique. Dans le domaine social, elle implique le dé-veloppement de réseaux locaux, intracommu-nautaires, menant des actions coordonnées et souples et mobilisant les usagers, les acteurs directement en contact avec la population ci-ble et les professionnels spécialisés.

Dans le domaine clinique, le dispositif d’in-tervention s’organise autour d’un repérage précoce des consommateurs à risque, suivi d’une intervention personnalisée destinée à augmenter la capacité au changement, à fa-voriser une réflexion active sur les pratiques de consommation, l’autocontrôle et l’auto-changement.

Les acteurs du dispositif

Les usagers

L’intervention vise à soutenir la capacité de l’usager à choisir et à changer par lui même, à s’approprier l’expertise de sa consomma-tion. Il est donc acteur de sa prévention. Sa

L’INTERVENTION PRÉCOCE

Alain MORELPsychiatre - Directeur Général de l’association Oppelia Membre du Conseil d’Administration ANITeARéférent du Comité de Pilotage TSO ANITeA

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consommation est abordée sous l’angle de la solution qu’elle représente pour lui, des satis-factions qu’il en tire et des problèmes qu’elle lui pose, de la fonction qu’elle prend dans son mode de vie. L’intervention part toujours de son expérience subjective, de ses croyances et de ses représentations.

Les acteurs en contact direct avec la population cible

L’intervention précoce repose sur la mise en compétence des acteurs directement en con-tact avec les usagers. Le plus souvent, ces acteurs sont les professionnels in situ (ensei-gnants, éducateurs, infirmières scolaires ou du travail...). Leur implication est fondamentale car ce sont eux qui sont les plus proches et les plus sollicités par les usagers, donc les plus à même d’accompagner le changement. L’inter-vention précoce vise à leur donner les moyens d’être aidants et identifiés comme tels par les consommateurs. Leur rôle est de créer des espaces de rencon-tre avec les usagers, des espaces protégés où les expériences individuelles puissent êtres re-connues et entendues.Quand la situation le nécessite, ils peuvent faciliter l’orientation vers des services spécia-lisés.Les parents et les pairs peuvent aussi être im-pliqués dans cette fonction de relais.Au bout du compte, il s’agit de responsabiliser l’ensemble de la communauté face aux con-duites addictives.

Les professionnels spécialisés

Les professionnels spécialisés en addictologie ont, dans ces stratégies, des tâches différentes de celles qu’ils accomplissent habituellement : ils sortent des murs des centres spécialisés pour aller au devant des populations cibles, ils for-ment des acteurs in situ et les soutiennent dans la durée. Ils peuvent ainsi être amenés à mettre en place des consultations dites «avan-

cées» ou «de proximité». Ils sont garants de la coordination du dispositif. Après avoir évalué la situation, le contexte et les ressources existantes, les profession-nels spécialisés apportent une aide métho-dologique et s’emploient à fournir des clés aux intervenants leur permettant d’effectuer un accompagnement éducatif le plus adapté possible. Une logique de co-formation (entre spécia-listes et acteurs de terrain) garantit l’ajuste-ment du dispositif au plus près des usagers, la spécificité du rôle de chaque intervenant et la coordination des actions.

L’objectif recherché étant une autonomie de fonctionnement de la communauté en matière de prévention, les professionnels spécialisés se retirent ensuite progressivement du dispositif sans s’en désengager. Ils restent néanmoins en appui du dispositif pour relayer d’éventuelles demandes de soins, relevant des compétences spécifiques des centres spécialisés.

La société

Plus qu’un acteur, la société est la trame de fond, elle produit les individus qui la produi-sent.D’une part les conduites addictives sont des conduites psychosociales à envisager dans le contexte d’hypermodernité actuel. D’autre part, le développement de l’intervention pré-coce implique des choix éthiques et politiques qui sont de la responsabilité de l’Etat. Notam-ment, il apparaît important de combattre les stigmatisations des usagers, car un contexte les rejetant est un des obstacles majeurs à leur responsabilisation et donc à l’intervention précoce.

Les actions

Le repérage précoce

Le repérage précoce permet d’identifier les

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usages potentiellement problématiques. Il s’opère généralement avec des questionnai-res qui permettent d’évaluer en quelques questions la typologie d’usage (simple, à ris-que, nocif, avec dépendance). Leur simplicité d’utilisation en permet une diffusion massive auprès d’un large public. Ce temps de repérage n’a d’intérêt que s’il s’ouvre ensuite sur une rencontre. Les outils de repérage prennent alors valeur de média-tion. Leur utilisation peut éveiller la curiosité des usagers, susciter l’envie d’un retour. Dès lors, ils favorisent le passage d’une action de prévention collective à une rencontre indivi-duelle. La rencontre

L’enjeu de la rencontre est de favoriser les capacités d’auto-changement. Il n’est pas toujours besoin de professionnels spécialisés pour cela.L’interaction entre deux personnes, aidant/aidé, et la qualité des interventions de l’aidant influencent, positivement ou négativement, la motivation de l’aidé. Pour aider l’usager à sa réflexion et à sa décision, l’aidant peut fai-re émerger l’ambivalence qui résulte du con-flit entre les avantages/inconvénients propres au comportement actuel et ceux propres à un autre comportement possible. L’adoption d’une attitude empathique, non jugeante, sans a priori, favorise l’exploration de cette ambivalence.

La rencontre commence généralement par une proposition à l’usager d’auto-évaluer sa consommation, avec ou sans un questionnai-re. Cette exploration peut prendre la forme d’un bilan expérientiel et interroger les diffé-rents niveaux de satisfactions de l’usager. Le consommateur est invité à évoquer les aspects positifs de sa consommation, à ce stade sou-vent plus prégnants que les aspects négatifs. Entre plaisir et danger, il s’agit d’aider le su-jet à réfléchir sur les conséquences positives

et négatives de sa consommation en tenant compte des ressources et limites physiologi-ques, psychologiques et sociales qui lui sont propres. Cette première partie de la rencontre peut être réalisée par un aidant non spécialisé mais formé pour affiner ses interventions et proposer si nécessaire, une orientation la plus adaptée possible.

Après la rencontre

L’intervention précoce privilégie les interven-tions brèves voire ponctuelles au sein même du contexte de vie (à l’école, en médecine du travail, en centre de santé...). Dans certains cas, lorsque l’usager le souhaite et le nécessite, la rencontre peut déboucher sur une orientation vers un centre spécialisé et une prise en charge s’inscrivant davantage dans la durée et les soins. C’est le cas, par exemple, lorsque la consommation vient apai-ser une souffrance psychique profonde.

Quelques expériences pratiques d’intervention précoce

En milieu scolaire

Le dispositif d’intervention le plus couram-ment mis en place en milieu scolaire s’appuie essentiellement sur le personnel médico-social des collèges et lycées (infirmières scolaires, assistantes sociales, médecins). Les stratégies d’intervention précoce visent à donner à ces personnels les moyens de mettre en place, en situation courante, un repérage et d’effectuer des interventions brèves, de type motivation-nelle, auprès des jeunes.

Les actions en collège Le questionnaire DEP-ADO (développé par le RISQ au Québec) est l’un des outils de repé-rage utilisés. Sa cotation permet le calcul d’un score renseignant sur le caractère éventuelle-ment problématique de la consommation et la nécessité d’intervenir.

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Ce questionnaire peut être mis à disposition des élèves, après une séance d’échange entre un professionnel et un groupe classe, animée ou préalablement préparée par l’infirmière et un enseignant. Les élèves ayant choisi de remplir le questionnaire et qui souhaitent un retour, sont invités à se rendre à l’infirmerie pour «faire le point» avec l’infirmière. Formée à l’utilisation du DEP-ADO et à l’intervention brève, celle-ci est alors en mesure d’ouvrir un espace de parole. Le questionnaire est le point de départ de cette rencontre individuelle, il est utilisé comme un levier pour favoriser l’auto-réflexion de l’élève sur sa consommation.L’étude ROC-ADO menée en Région Parisien-ne a formalisé ce type d’intervention dans les collèges et a été évaluée (Michaud et al., 2009).

Le programme «Ad modus vivendi»Sur le modèle de programmes initiés au Qué-bec, des professionnels de l’intervention pré-coce en France travaillent au développement de nouveaux programmes centrés davantage sur une approche communautaire et expé-rientielle et visant à renforcer les compéten-ces individuelles et sociales en matière de pré-vention (par exemple le programme ICCAR de l’Approche Expérientielle en collège). Ces programmes cherchent à mobiliser et à responsabiliser tous les membres de la com-munauté dans la prévention des conduites addictives (les pairs, les enseignants, les pa-rents, le personnel de santé, le personnel de direction...). Ils s’attachent en premier lieu à instaurer un langage commun et accessible aux différents acteurs, en matière de substan-ces psychoactives. Ils s’adressent aux établisse-ments scolaires, mais aussi aux établissements d’insertion ou d’accueil de jeunes en difficul-tés (foyers de la Protection Judiciaire de la Jeu-nesse, Centres de Formation pour Adulte...).

Des expériences hors milieu scolaire

Par exemple la consultation «Parenthèse»

dans un CDAG (Centre de Dépistage Anonyme et Gratuit). L’origine du projet est le constat par les soignants du CDAG du CHU Ambroise Paré à Boulogne Billancourt (92) qu’un nom-bre important de personnes viennent faire un dépistage après avoir adopté des conduites sexuelles à risques alors qu’elles étaient sous l’emprise de substances psychoactives. Concrètement, ce dispositif s’inscrit dans le protocole de dépistage. Le repérage est effec-tué à l’aide d’un questionnaire bref, l’ADOS-PA, permettant d’évaluer le type d’usage de substances psychoactives (usage simple, usage à risque, usage nocif), systématiquement joint au questionnaire médical habituellement rem-pli par le consultant avant la prise de sang.Une proposition d’orientation vers la consulta-tion « de proximité » du CSAPA, au sein même du CDAG, est faite lors des entretiens de pré-dépistage et de rendus des sérologies à toute personne présentant un usage problématique de substances psychoactives à l’ADOSPA.Le bilan final des dix premières semaines d’expérimentation s’est par la suite révélé encourageant, puisque 27% des personnes présentant un usage nocif de substances psy-choactives ont souhaité être orientées sur la consultation, le taux d’orientation augmen-tant avec la nocivité de l’usage (jusqu’à 66,7% pour les patients ayant le score maximal à l’ADSOPA).

Autre exemple, l’intervention de membres de l’équipe du CSAPA «Nautilia» du Havre auprès des personnes en fin de garde à vue à l’Hôtel de Police, interpellées pour infractions sous alcool (violence, conduite automobile, ivresse publique). Ces interventions pas toujours fa-ciles à mener (dans les salles de garde à vue, avec des personnes encore sous alcool, éprou-vées par l’intervention et la garde à vue) per-mettent la rencontre et un dialogue que les personnes mises en cause pourront poursuivre au sein du CSAPA. Ces consultations nécessi-tent un partage suffisant des objectifs avec les personnels de police eux aussi acteurs sociaux,

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officiant dans ces lieux «privatifs de liberté».

Conclusion

Entre la prévention et le soin, l’intervention précoce a pour objectif d’anticiper les risques de l’expérience addictive. Son champ d’action est très large puisqu’il s’étend tout au long de la trajectoire addictive : des consommations expérimentales aux usages problématiques.Au-delà de son application pratique dans le champ des consommations de substances psy-choactives, et des nombreuses applications encore à inventer dans la prévention des con-duites addictives et d’autres problématiques, l’intervention précoce est avant tout un pro-jet éthique et politique qui interroge la façon de donner du sens à l’expérience de vie, dans une société addictogène où les systèmes de régulation et d’interprétations traditionnels sont en crise.

Bibliographie

Couteron J.P., Santucci J.J., «L’intervention précoce : pourquoi et comment ?», Actuali-tés et dossier en santé publique ; 60 : 49-54, 2007.

Goutte S., Morel A., «L’intervention précoce», in Aide mémoire en addictologie, Dunod, à paraître.

Goutte S., Morel A., Dupont C. et al., «Usa-gers de substances psychoactives. Expérience d’intervention précoce dans un Centre de Dé-pistage Anonyme et Gratuit.», Alcoologie Ad-dictologie ; 30 (4) : 371-377, 2008.

Michaud P., Ghazi A., Lécallier D., Fillit L., Mo-rel A., Protocole de l’étude ROC-ADO, version 3, 2006.

Morel A., «Adolescents et usage de cannabis : plaidoyer pour une intervention précoce», La santé de l’homme ; 386 : 32-34, 2006.

Morel A., Couteron J.P., Les conduites addic-tives. Comprendre, prévenir, soigner, Dunod, 2008.

Rogers C. (1942), La relation d’aide et la psy-chothérapie, Paris, SEF, 2008.

Therrien A., Quand le plaisir fait souffrir. La gestion expérientielle, Québec, Trécarré, 1994.

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ACTAL : «Quelques minutes de plus pour quelques verres de moins» pourrait résumer le RPIB. Pouvez-vous nous rappeler en quoi consiste cette démarche ?

Le RPIB consiste pour le médecin généraliste à ouvrir avec son patient un dialogue sur l’alcool qui induira un changement dans son comportement par rapport à sa consomma-tion. Ce dispositif qui peut durer de cinq à dix minutes s’adresse à des personnes qui n’ont apparemment pas de «soucis» avec l’alcool mais qui ont une consommation à risque ou à problème (alcoolisation excessive). Il vise une réduction de la consommation au-dessous des seuils de risque définis par l’OMS*, et non une abstinence. Le RPIB comprend deux phases : le repérage, suivi d’une intervention. Il s’agit d’abord pour le médecin de repérer une con-sommation d’alcool excessive, puis d’accom-pagner le patient dans son désir de change-ment.

ACTAL : Quelle est l’historique de ce dispositif pour lequel vous avez participé à des recherches actions ?

Le RPIB a été initié et promu par l’Organisation mondiale de la santé dans le programme «less is better» dans les années 1980. La mise en œuvre du référentiel OMS a débuté en 1998, en Île-de-France, dans le cadre du programme «Boire moins c’est mieux» (BMCM) soutenu par l’Association Nationale de Prévention en

Alcoologie et Addictologie (ANPAA). La stra-tégie alors adoptée s’est conformée aux exi-gences de la dernière phase, la phase IV du projet OMS.

Nous avons mené dans le cadre de BMCM plu-sieurs recherches actions afin d’adapter les outils du RPIB au contexte français et de tes-ter plusieurs techniques de mobilisation des médecins généralistes. Cette démarche a per-mis de formaliser un dispositif de formation à destination des praticiens - près de 400 méde-cins généralistes ont été ainsi formés - et des futurs formateurs. Enfin, un important travail de communication a été mené auprès des pra-ticiens et du grand public afin de contribuer à la diffusion de nouvelles représentations en matière de troubles liés à l’alcool.

Le RPIB a ensuite été diffusé dans quatre autres régions (Aquitaine, Champagne-Ar-denne, Bourgogne, Bretagne) et, suite à cette phase probante, la DGS a proposé une stra-tégie nationale de sa promotion, entre 2006 et 2010, via la circulaire N°DGS/SD6B/2006/449 du 12 octobre 2006. Un guide pour élaborer des programmes de formation a été réalisé par l’Institut de la Promotion de la Prévention Secondaire en Addictologie (IPPSA). Reste que le dispositif du RPIB n’est pas encore totale-ment rentré dans les mœurs.

ACTAL : Comment expliquez-vous cette réticence à pratiquer cette méthode?

QUELQUES MINUTES DE PLUS POUR QUELQUES VERRES DE MOINS

Une intervention brève visant la réduction de la consommation d’alcool des buveurs non dépendants, tel est le principe du RPIB ou Repérage précoce et intervention brève. Anne-Violaine DEWOST, médecin addictologue au CSAPA Le Trait d’union à Boulogne Billancourt et membre du conseil d’administration de la F3A et Marc L., un patient, témoignent.

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Si les médecins généralistes interrogent faci-lement leur patient sur sa consommation de tabac, il ne fait pas de même pour la consom-mation d’alcool. Certains craignent de man-quer de temps, ce qui est un faux problème puisque le RPIB est très court. D’autres invo-queront le manque de formation sur la ma-nière de parler au patient de sa consomma-tion d’alcool ou auront peur de découvrir une alcoolodépendance, laquelle ne relève pas du RPIB ; enfin chacun a aussi sa propre histoire avec l’alcool et n’est pas toujours à l’aise pour aborder ces questions.

ACTAL : Quels outils peuvent aujourd’hui utiliser les médecins pour ce type d’intervention ?

Le repérage se fait grâce au dialogue et ce dialogue s’appuie sur des questions. Il existe le questionnaire AUDIT (Alcohol Use Disorders Identification Test), mis au point par l’OMS, et sa version française, le FACE (Formule pour apprécier la Consommation en Entretien), plus facile d’emploi en médecine de ville.

L’intervention brève comporte des étapes-clés, synthétisées par l’acronyme FRAMES et peut présenter des variantes en termes de durée (le plus souvent quelques minutes), de contenu et de modalités de réalisation. F pour Feedback : au vu du test ou des infor-mations données par le patient, on lui restitue de l’information relative à sa consommation lui permettant de se situer et de comprendre les risques encourus.R pour Responsability : la responsabilité du changement appartient seulement au patient et non au thérapeuthe ; A pour Advice : un conseil de modération est clairement donné ; M pour Menu : on propose différentes mé-thodes utilisables pour réduire sa consomma-tion, tant sur la quantité que sur le rythme, les conditions de consommation... E pour Empathie : le thérapeute évite tout ju-

gement et fait preuve d’empathie ; S pour Self-efficacy : le médecin permet au patient de sentir qu’il est capable de changer grâce à ses ressources personnelles et fait en sorte de renforcer ce sentiment d’efficacité personnelle.L’Institut National de Prévention et d’Educa-tion pour la Santé (INPES) met à la disposition des médecins des outils concrets sur lesquels s’appuyer, sous la forme de deux livrets: «Pour faire le point» et «Pour réduire sa consomma-tion».

ACTAL : En quoi le RPIB est-il une action préventive ?

Ces personnes non alcoolodépendantes ayant une consommation excessive, à risque, repré-sentent 30% des consultants des médecins généralistes. Cela ne se traduit pas nécessaire-ment par des symptômes et lorsque ces trou-bles sont présents, certains patients n’établis-sent pas forcément la relation avec l’alcool. En termes de prévention, il est important de pouvoir les repérer suffisamment tôt : pour rap-pel, l’alcool est la deuxième cause de morta-lité évitable après le tabac, avec 45 000 morts par an dont la moitié ne sont pas alcoolodé-pendants. Le RPIB est ainsi préventif des dommages liés à l’alcool, psychiques et somatiques, qu’ils soient légers ou plus lourds : irritabilité, anxié-té, troubles relationnels, troubles du sommeil, asthénie, hypertension artérielle, cancers des voies aéro-digestives, pathologies digestives, cardiovasculaires, les accidents de la voie pu-blique...

ACTAL : Qu’est-ce qui permet de dire que le RPIB entraîne des réductions significatives de la consommation d’alcool ?

On constate que les informations diffusées par les campagnes de prévention communau-taires régulièrement effectuées sont utiles, bien sûr, mais n’entraînent pas un change-

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ment de comportement au niveau personnel. Avec le RPIB, ce n’est plus le médecin qui est l’expert, mais le patient qui devient l’expert de son mode de consommation et l’acteur de sa propre vie. Il prend conscience des raisons et des bénéfices attendus du changement. Notre rôle de médecin consiste à l’aider à s’in-terroger sur son propre comportement, sur ce qu’il vit autour de cette consommation d’al-cool et à l’aider à trouver en lui les ressources nécessaires pour effectuer ce changement qui lui appartient : on lui laisse toute la place de liberté. Cela passe par la parole et l’empathie et toutes les statistiques montrent que le RPIB est une intervention efficace en termes de ré-duction de dommages.

Interview de Marc L., 30 ans

ACTAL : Comment s’est manifesté votre problème avec l’alcool ?

Suite à un contrôle routier et parce que je conduisais sans permis et avec 0,98 grammes d’alcool dans le sang, j’ai eu, fin 2008, le re-trait définitif du permis, dix-huit mois de mise à l’épreuve et une amende de 500 euros, ainsi qu’une obligation de soins. C’est quand j’ai reçu une convocation du juge d’application des peines pour début 2010 que j’ai com-mencé à chercher sur Internet des lieux où les faire. Je suis arrivé sur le site de la F3A, que j’ai contactée et qui m’a parlé de l’association Le Trait d’Union.

ACTAL : Comment le dialogue s’est-il instauré ?

J’ai d’abord été mis en confiance, et suite aux questions du médecin, j’ai réfléchi aux circons-tances liées à ma consommation : pourquoi je consommais, ce que cela m’apportait ou non,

et en quoi cette consommation était néfaste. J’ai pris conscience qu’elle était festive, se dé-roulant le week-end mais aussi quotidienne, liée à une certaine timidité et facilitant donc les discussions ; qu’elle était aussi liée à mon environnement familial, mes parents étant restaurateurs et mon père ayant déjà eu des problèmes avec l’alcool, enfin à mon environ-nement professionnel, puisque je travaillais dans un bar de nuit. J’ai aussi pris conscience que j’étais très irrita-ble, d’humeur changeante, que j’alignais des échecs et que j’avais eu une alerte de santé, fin 2009, avec une rupture d’anévrisme.

ACTAL : Qu’a entraîné cette prise de conscience ?

J’ai rempli le journal de bord donné par le médecin, pour noter les circonstances et les quantités de mes consommations puis décidé, trois semaines après, de faire un break, juste pour voir quels effets cela provoquait, mora-lement et physiquement. Peu après, à l’anni-versaire d’une nièce, je n’ai pris qu’un verre de vin. Depuis, je suis moins agressif, je fais du sport, je négocie une rupture de contrat avec mon employeur pour chercher du travail ailleurs, dans l’hôtellerie peut-être, avec des horaires moins décalés, j’ai proposé à mon amie de nous fiancer et je me suis inscrit au code pour repasser le permis.

* Recommandation de l’OMS : pas plus de 21 verres par semaine (3 verres par jour en moyenne) chez les hommes. Pas plus de 14 verres par semaine (deux verres par jour en moyenne) chez les femmes. Pas plus de 4 ver-res par occasion. Pas d’alcool dans certaines circonstances (grossesse, pathologies particu-lières, avec certains médicaments...). Un jour sans alcool par semaine.

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Longtemps et dans un passé encore très ré-cent, pour prendre l’exemple de l’alcool, la question des consommations en milieu de travail n’était abordée que sous l’angle de l’ivresse et de la maladie alcoolique. Selon les approches, les représentations des différents acteurs (dirigeants, services médico-sociaux, représentants du personnel et collègues), la question de la consommation d’alcool ne con-cernait que les «alcooliques», passés du statut d’ «ivrogne» à «malade» au fil de l’histoire ou selon les endroits. Le travail et donc les con-sommations sur le lieu de travail étaient régu-lées socialement : Dans son livre «Manières de Vivre, Manières de Boire, alcool et sociabilité sur le Port», Jean-Pierre CASTELAIN évoque le rôle social positif de la consommation sociali-sée d’alcool, véritable partage de l’amitié, du métier et des valeurs communes.

Aujourd’hui, la question des conduites ad-dictives (le plus souvent des addictions) en milieu de travail suscite un grand intérêt : de nombreux colloques sont organisés sur ce thème au niveau national (Etats généraux de la MILDT en 2010) et des réflexions sont me-nées en région par de multiples acteurs de la Santé et du monde du travail. Un bon nombre d’employeurs souhaitent mettre en place des

actions, souvent inquiets de leur responsabi-lité lorsqu’un problème survient, mais aussi interpellés par les risques liés aux consomma-tions d’alcool, parfois de cannabis ou d’autres drogues. La perception de la réalité de l’usage des substances psycho-actives par des person-nes qui travaillent est très variable : beaucoup pensent que cela ne concerne que quelques personnes marginales qu’il suffirait de «repé-rer» et d’écarter pour éviter tout risque. Leurs préoccupations concernent le plus souvent des situations individuelles, pour des person-nes en grande difficulté avec un produit. Mais aborder ces questions en milieu de travail ne va pas de soi : la question est multidimension-nelle et doit interroger le lien entre travail (ou non travail) et consommation de produits psy-cho-actifs. Ainsi, les modes de consommation ou d’usage de substances psycho-actives par les salariés peuvent être variables :• Consommation occasionnelle, le plus sou-vent conviviale (pots, apéritifs, rite d’admis-sion dans un groupe),• Consommation répétitive et collective : insti-tuée dans certains collectifs de travail où il est difficile de ne pas «faire comme les autres»• Consommation individuelle : en lien avec une relation difficile voire pathologique à un ou plusieurs produits

DE LA LUTTE CONTRE L’ALCOOLISME À LA PRÉVENTION DES CONDUITES ADDICTIVES EN MILIEU DE TRAVAIL.POURQUOI L’ÉVOQUER AVEC LES SOIGNANTS ?

Laurence ARGUILLERE-BULTELPrésidente de l’Association Alcool Addictions et Travail – Le Havre (76)Membre du Conseil d’Administration F3ARéferente du groupe de travail «Conduites addictives et monde du Travail» ANITeA-F3A

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• Métiers ou situations professionnelles où la peur, le danger et parfois l’ennui sont très présents

La prise en compte des conduites addictives en milieu de travail concerne donc autant les col-lectifs de travail que les situations individuel-les, en abordant les conséquences au travail ou dans la sphère privée, mais aussi en s’inté-ressant au rôle du travail dans ces consomma-tions de substances psycho-actives. S’intéresser à cette problématique en milieu de travail ne peut se faire sans prendre en compte ce qui se joue au travail, son contenu, son organisation et aussi l’environnement professionnel des personnes : le travail constitue un «terrain» où se joue la santé des personnes, et il peut être un moyen de lutte pour la préserver. Se-lon François DESRIAUX, rédacteur en chef de la revue Santé et Travail «la prévention des conduites addictives en milieu professionnel n’est que très rarement envisagée sous l’angle de leurs relations avec le travail. À ne consi-dérer que la consommation d’alcool dans ses dimensions individuelles, le risque est grand pour les acteurs du monde professionnel de tomber dans une attitude moralisatrice, voir d’endosser un rôle de police très éloigné de leur mission». Les situations de travail qui peuvent amener des personnes à consommer de l’alcool ou d’autres produits (drogues, médicaments), sont diverses : isolement, solitude, mal être, stress, mises au placard, perte de sens du tra-vail, restructurations, peur, etc. Individuelle-ment, le recours aux substances psycho-acti-ves peut être induit par la nécessité de «tenir» face aux pressions d’un monde du travail en pleine évolution, où la coopération disparaît au «bénéfice» de l’évaluation des performan-ces individuelles induisant la compétition en-tre les salariés eux-mêmes...Sur le plan individuel, aborder l’aide aux per-sonnes en laissant une place à ce qui se passe dans le travail, élargit les capacités de coopé-

ration interne avec différents partenaires, tout en laissant prioritairement la parole aux sala-riés eux-mêmes. Ainsi, amener une personne à évoquer ce qui se passe dans le travail va lui permettre de «poser» ses difficultés, mais aussi pour les professionnels qui l’entourent (hiérarchie, médico-sociaux, syndicats) d’es-sayer d’agir sur ce qui peut contribuer à ses difficultés, et ainsi l’aider dans son parcours pour aller mieux.Si on prend l’exemple de l’alcool, il est un an-xiolytique puissant qui calme, et un désinhibi-teur qui facilite les relations dans le groupe. Il joue un rôle essentiel dans la cohésion, le maintien, la reconstitution du collectif en ef-façant les conflits individuels, et en recréant des relations superficielles, faciles et nécessai-res à l’existence du groupe (C. Dejours). Nous voyons bien ici la dimension collective et le rôle que peut tenir l’usage d’un produit ; de ce fait élaborer des actions de prévention sans tenir compte du rôle de ces produits pourrait conduire à l’échec. Comprendre ce qui se pas-se, non seulement individuellement mais aussi dans une collectivité de travail représente un outil supplémentaire dans la compréhension des conduites addictives en milieu profession-nel. Quelles sont les actions possibles en milieu de travail ? Deux axes :• Une action de prévention globale, s’adres-sant à tous. Ces actions ont pour objectif de lever les tabous, le déni sur ce qui existe et de favoriser la parole autour des phénomènes d’alcoolisation ou d’usage d’autres produits. Il s’agit d’une approche globale et pluridis-ciplinaire : tous les acteurs d’une entreprise, sont concernés et chacun a son rôle à jouer. C’est une démarche inscrite dans la durée, qui doit être légitimée, claire et connue de tous, et qui doit permettre l’émergence de valeurs communes (reconnaissance de l’existence des

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consommations, définition d’une politique claire visant le maintien dans l’emploi des per-sonnes vulnérables par exemple). Les actions sont visibles, le plus souvent menées par un groupe de personnes volontaires, formées à la prévention, aidées accompagnées par les acteurs médico-sociaux de l’entreprise. • L’aide aux personnes en souffrance : Ce travail est réalisé généralement par un petit groupe de personnes suffisamment formées pour pouvoir accompagner une personne en difficulté ; c’est un travail qui se fait dans la confidentialité ; Il ne s’agit pas de soins mais d’un accompagnement, le plus souvent vers une démarche de soin mais aussi au moment du retour au travail. En effet, l’intérêt pour le salarié réside également dans le change-ment du regard des autres (encadrement, col-lègues). Parler addictions en entreprise, c’est parler des risques et des dommages, mais c’est aussi accompagner les entourages (familiaux et professionnels), favoriser la tolérance, sor-tir du déni. Pourquoi est-il intéressant d’évoquer ces questions avec les professionnels d’accompagnement et de soin en addictologie ?

Comme nous l’évoquions plus haut, la scène du travail est essentielle dans la construction ou le maintien de la santé des personnes ; le travail peut également malmener les individus et il est important de ne pas nier cet aspect. Certaines consommations même si elles ont lieu en dehors des espaces de travail, peuvent être en lien avec le travail. À l’inverse, l’accès ou le maintien dans l’emploi peuvent être un facteur de réduction de consommation ou d’aide pour s’en sortir. Les acteurs du mon-de professionnel et les équipes de soignants constituent deux mondes qui se connaissent mal et ont pourtant beaucoup à apprendre l’un de l’autre ; Les «aidants» (médecins du travail, travailleurs sociaux, psychologues...)

à l’intérieur d’une entreprise connaissent souvent assez mal les possibilités d’aide et de soins extérieurs aux personnes en difficulté. Les soignants ne pensent pas toujours à abor-der la question du travail ou du non emploi avec les personnes qu’ils accompagnent. Cette connaissance mutuelle me semble pertinente pour aider au mieux les personnes en diffi-culté.

En conclusion, s’il me semble essentiel que les soignants puissent aborder la question du travail avec les personnes dont ils s’occupent, les acteurs du monde du travail ont eux aussi beaucoup à apprendre des soignants. Un cer-tain nombre de valeurs : approche globale, pluridisciplinaire en laissant la place essentiel-le à l’usager me paraissent tout à fait trans-posables dans nos actions en milieu de travail. Il me semble également que nous avons beau-coup à apprendre de la Réduction des Risques pour les actions que nous souhaitons dévelop-per en milieu de travail.

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Lors des 22èmes journées de l’ANIT qui se sont déroulées à Chambéry en 2001 et qui avaient pour thème : «Toxicomanies et territoires», il est apparu utile de renforcer le soutien à la parentalité des personnes toxicomanes et d’en faire un thème de travail et de réflexion en commun avec les différents partenaires du territoire de la Savoie. Une étude réalisée par une psychologue du CSST autour des situations suivies a confirmé cette nécessité. À ce titre, et au premier chef, sont concernés l’association «Le Pélican», acteur majeur de l’accompagnement des personnes toxicoma-nes en Savoie et les services de la PMI du Con-seil Général. Les modalités d’intervention et de coopération s’inspirent alors d’une activité de coordination mise en place en 1996, entre les services de la direction de la vie sociale du Conseil Général et les différents services ac-cueillant des enfants à l’hôpital général de Chambéry. Cette coopération se traduit par une conven-tion avec le Conseil Général - direction de la vie sociale. Le Département met alors à dispo-sition du Pélican, un temps de puéricultrice du service enfance-jeunesse-famille-PMI (0,1 ETP) qui intervient à l’époque au titre de la PMI avec les intervenants du CSST sur deux si-tes : le Pôle Solidarité (accueil de personnes en grande précarité et Boutique du CSST) et le CSST. Ces interventions ont pour objectif de

soutenir et d’accompagner les parents toxico-manes dans leur fonction parentale, dans les périodes pré et post natales précoces. Dès 2002, une formation est proposée à tous les personnels concernés dans les deux insti-tutions. Cette formation réunit des interve-nants spécialistes de différents champs entre autres le professeur Lejeune, (chef de service de néonatologie, à l’hôpital Louis Mourier de Colombes). Elle a pour objectif la promotion d’une culture commune entre les acteurs et permet d’aborder des thèmes de réflexion fondamentaux. Cette formation s’avère alors fondatrice d’un élan de coopération qui ne va plus s’éteindre. En effet, ceci va véritablement permettre à des intervenants très différents de par leurs cultures professionnelles, leurs missions, leurs lieux et cadres d’intervention de mettre du sens à une coopération autour du thème de l’accompagnement à la parenta-lité et d’aborder les questions des produits, du mode de vie des personnes toxicomanes, de la problématique famille et toxicomanie, mais aussi, celles liées à l’organisation des systèmes de soins, de l’accompagnement des femmes enceintes toxicomanes et de leurs enfants, la question des signalements des enfants en danger, ainsi que les aspects liés à la construc-tion et au travail en réseau. Afin de consolider ce réseau ces formations ont été renouvelées en 2003 et 2005, réunissant chaque année une vingtaine de participants de toute la Sa-voie essentiellement, des sages-femmes, des

RÉSEAU ADDICTIONS-PARENTALITÉ :UNE DÉMARCHE DE PRÉVENTION

Nathalie BONHOMMEMédecin départemental chef de service, service «Promotion de la santé et interventions de prévention médico-sociales» de la délégation départementale EJF-PMI, Conseil Général de la Savoie

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Jacques REULIERDirecteur AdjointAssociation Le PélicanChambéry (73)

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puéricultrices, et des médecins de la PMI, du personnel hospitalier, les intervenants en toxi-comanie dans le cadre du soin et de la pré-vention. En 2004, les bases de cette coopération in-ter-services étant posées, la dynamique de concertation portant ses fruits, il est décidé conjointement par les différents partenaires d’arrêter la mise à disposition de la puéricul-trice et d’opter pour de nouvelles modalités de travail qui sont celles développées ci-des-sous. À ce jour, le dispositif est placé sous la res-ponsabilité du médecin départemental chef de service «Promotion de la santé et inter-ventions de prévention médico-sociales» et du responsable du CSAPA. La coordination est confiée à une puéricultrice de PMI pour le Conseil Général et une psychologue pour le Pélican. Le Conseil Général de la Savoie or-ganisé en 8 territoires propose pour chaque secteur un ou deux référents, sage-femmes ou puéricultrices qui travaillent au sein du ré-seau avec les référents de la structure, édu-cateurs, infirmiers ou psychologues. Le réseau qui travaillait jusqu’alors sur le champ de la toxicomanie s’est depuis peu ouvert aux pro-blématiques d’alcoologie avec notamment les représentants de l’équipe pluridisciplinaire du site Tarentaise. Ce dispositif est organisé en deux groupes ré-pondant à une logique de territoires géogra-phiques propres à la Savoie : d’une part les deux vallées de montagne (Maurienne et Ta-rentaise) et d’autre part, le bassin chambérien et la plaine. Deux réunions par trimestre réu-nissent les «permanents» auxquels peuvent venir se greffer selon besoin d’autres interve-nants (professionnels médico-sociaux du dé-partement, référents enfance-jeunesse famille des territoires, ...) Cela peut aussi constituer le lieu d’échanges avec des médecins hospita-liers ou des professionnels de santé du réseau

addictions hépatites (RESADH). À partir de ces temps de réunions et toujours après accord des personnes concernées et en leur présence, des accompagnements partagés peuvent être organisés. L’activité du réseau et ses effets sont évalués deux fois par an au sein de réunions conjoin-tes. La mise en place de cet accompagnement à la parentalité pluri partenarial a eu pour effet de lever certaines peurs qui faisaient entrave à la qualité de la prise en charge : • Chez les intervenants de la PMI et les tra-vailleurs sociaux du Conseil Général, une des attentes principales concernait la conduite à tenir en présence d’une patiente toxicomane, lors de sa grossesse ou de l’accouchement et plus généralement en période périnatale. Il s’agit en effet de dépasser ces craintes pour ne pas recourir au placement systématique de l’enfant et préférer à celui-ci un accompagne-ment de l’enfant et des parents afin de leur permettre d’assumer de plein droit leur pa-rentalité. Par exemple, la méconnaissance des précautions à prendre lors de l’accompagne-ment médical des patientes sous substitution ou lors du sevrage du nourrisson ou enfin des règles relatives à l’allaitement par une mère toxicomane venaient aussi complexifier la re-lation entre la mère et la sage-femme ou la puéricultrice. • Les intervenants en toxicomanie et plus récemment en addictologie craignaient eux d’engager le dialogue avec les services sociaux du Conseil Général et de provoquer alors de façon quasi obligatoire le placement de l’en-fant. Ainsi prédominait du coté des profes-sionnels du Pélican la crainte de rompre le lien de confiance quelques fois difficilement établi avec la patiente, alors même que l’al-liance thérapeutique construite entre la pa-tiente ou la famille et l’équipe du centre de

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soins est une composante essentielle à la prise en charge. • Enfin en ce qui concerne les personnes pré-sentant une dépendance, elles craignaient que s’installe autour de leur problématique d’addiction une coopération entre les interve-nants ayant des mandats différents (soin / pro-tection de l’enfance). Les familles redoutaient que la révélation de leur consommation de produits illicites aux services du département soit à l’origine d’une information préoccupan-te ou d’un signalement systématique d’enfant en danger et conduise à un placement. Les formations initiales des premières années puis, la formation continue qui se fait en équi-pe dans un cadre d’échanges et d’analyses de situations lors des réunions bi-trimestrielles ont participé à lever grandement ces peurs. Le travail en groupe réunissant les acteurs d’un même territoire permet de construire des approches concertées et partagées autour des situations et concoure à acquérir une culture commune, en gardant chacun ses spécificités professionnelles et son cadre d’intervention. Ainsi des relais efficaces et adaptés aux situa-tions et aux personnes peuvent se mettre en place. En 2009, une formation spécifique de tous les intervenants sur la loi du 5 mars 2007 réfor-mant la protection de l’enfance a permis en présence d’un juriste de travailler les ques-tions relatives aux informations préoccupan-tes, aux signalements, aux placements, mais aussi au secret professionnel et à la notion de secret partagé, et ainsi à lever certains freins pour permettre une réelle coopération. On s’aperçoit alors que les mamans en grande difficulté donnent facilement leur accord à un échange partenarial dés lors qu’elles s‘aper-çoivent que les différents acteurs agissent de façon conjointe dans leur intérêt, celui de leur

enfant et pour leur permettre d’assumer po-sitivement leur rôle de parent. La grossesse est notamment une période sensible où une maman toxicomane, active ou substituée mais continuant ponctuellement à consommer, est en demande ou en attente d’un sevrage. Cette fenêtre est essentielle tant pour les pro-fessionnels du soin en addictologie que les professionnels de la PMI ou de la protection de l’enfance Dans le soutien de l’exercice de la fonction parentale, les équipes ont très souvent à faire à des personnes instables, agissant dans la discontinuité, phase de consommation et de non-consommation, lucides ou sous produit, présentant parfois des absences de limite et proposant à leur enfant une relation non con-tenante. La coopération entre les équipes a alors pour objet d’aider la mère et les parents dans la gestion du quotidien toujours en fa-vorisant l’usage des ressources familiales. Les coopérations entre l’éducatrice du CSAPA, la puéricultrice de la PMI ou la technicienne à l’intervention sociale et familiale permettent par exemple de travailler de façon conjointe les domaines comme l’alimentation du nour-risson, de la famille, de réguler les rythmes de vie, de veiller au bon développement psycho moteur des enfants, de repositiver le jeu, l’hy-giène, le suivi médical... Cette coopération permet aussi souvent l’accueil de l’enfant dans une structure collective de la petite enfance, dans une dynamique de réseau qui permet un étayage positif des fonctions parentales et des compétences de la dyade mère-enfant. Ainsi la notion de protection de l’enfance est mise au cœur du travail d’accompagnement dans le soin de ces mamans, avec notamment deux thèmes travaillés régulièrement par les professionnels. • L’enfant en risque de danger, avec en par-ticulier un accompagnement rapproché et concerté dès qu’une maman dépendante est

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dans un projet d’enfant. Les équipes enga-gent très précocement en pré natal toute in-tervention pour garantir la santé de l’enfant à naître. Actuellement les intervenants (PMI/CSAPA/Hôpital/Rhesad) travaillent à donner une information aux mères concernant leur consommation d’alcool afin de prévenir les syndromes d’alcoolisation fœtale. De plus au sein de la l’hôpital de Chambéry, l’équipe ELSA intervient selon besoin. Enfin un méde-cin référent pédiatre (DU d’addictologie pé-rinatal) au sein de l’équipe hospitalière met en place des consultations pré natales où sont abordées avec les patientes et les futurs pa-rents les conséquences sur le bébé (effet sur le développement intra-utérin, risques téra-togènes, syndrome de sevrage...) ainsi que les modalités de suivi post natal avec l’ensemble des ressources du territoire et les partenaires du réseau, CSAPA, PMI mais aussi l’unité de psychopathologe périnatale qui travaille le lien mère –enfant.• L’enfant en danger, là il s’agit d’assurer la prise en charge de l’enfant en garantissant son intégrité physique et morale. Dans ce cadre la coopération active des intervenants permet de faire une information préoccupan-te ou un signalement judiciaire en croisant les regards, les constats, en appréciant la néces-sité et le bien fondé d’une séparation, voire en proposant plusieurs types de réponses. Les services de la protection de l’enfance et du CSAPA restent aussi en lien même en cas de placement de l’enfant.

Cette collaboration des services du Conseil Général de la Savoie et de l’association, a gé-néré de vraies synergies autour de la question des addictions et de la parentalité. D’autres acteurs se sont joints à nous (RESADH, prati-cien hospitalier) et nous avons en 2009, dépo-sé une demande à la MILDT pour la création d’une équipe mobile départementale visant à favoriser l’accompagnement mère-enfant dans les structures sanitaires et sociales. Hélas notre action n’a pas été retenue. Pour autant

nous ne baissons pas les bras. Un autre effet indirect positif de cette ex-périence est la volonté de coopérer autour d’autres publics, dans cette dynamique de réseau santé - social afin de garantir une meilleure prise en charge et un accompagne-ment coordonné des personnes en difficulté. Dans cette optique, Le Pélican et les services du Conseil Général de la Savoie ont donc décidé d’étendre le partenariat qui les lie en transférant ce savoir-faire partagé à l’ac-compagnement des personnes relevant du dispositif RSA. Expérience en cours et donc à suivre...

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L’AMPTA* intervient dans le champ de la prévention depuis sa création (1985). C’est d’ailleurs une partie de son nom. À coté de l’accueil, de la prise en charge et du soin des usagers de drogues licites ou non, les profes-sionnels de l’AMPTA se sont rapidement ren-du compte que l’intervention sur le «social» était aussi importante que celle destinée au «sujet». En effet si l’usage de substances psychoactives a des conséquences sur l’usager, il en a aussi sur l’entourage, proche ou lointain (famille, milieu scolaire ou professionnel, quartier...). C’est pour cette raison que nous nous sommes très vite préoccupés d’intervenir sur ces élé-ments de contexte afin d’influer sur ceux ci et de tenter d’atténuer leur poids sur les usages. Pour ce faire, nous avons informé, formé, nous nous sommes attachés à faire évoluer les représentations sociales, à rendre le tissu social plus compréhensif au problème de la toxicomanie, des addictions, à créer des ré-seaux, des synergies entre professionnels «de terrain», nous avons accompagnés des projets de prévention, fait connaître le dispositif de soins et favorisé le recours à celui-ci.

Fruit de cette histoire, l’ensemble de ces «ac-tions» se réalise dans certains quartiers de Marseille et dans certaines communes du dé-partement des Bouches du Rhône où nous sommes missionnés.Les lieux d’exercice de «la prévention» sont tous ceux où se pose la question des usages

de substances psycho actives : lieux d’anima-tion sociale et culturelle, établissements sco-laires, centres de formation, foyers d’accueil et d’hébergement, entreprises, associations d’habitants et de familles... Les actions s’adressent tant aux publics «ci-bles», qu’aux professionnels qui s’en occu-pent.

Les principes et les objectifs en sont les sui-vants :

La prévention est une démarche qui repose sur la qualité de la relation et du dialogue entre le professionnel de prévention et son interlocuteur, particulièrement si celui ci est engagé dans une conduite à risque.C’est une attitude, une démarche éthique et positive qui s’ancre dans un souci du sujet, ac-teur de son histoire passée et à venir. Elle ne s’appuie pas sur «la» morale, la stigmatisation ou la peur, ne dramatise ni ne banalise, mais responsabilise et implique les personnes aux-quelles elle s’adresse. Elle propose une approche qui tienne compte des composantes physique, psychique et so-ciale de la santé des personnes et considère leurs contextes social, affectif et relationnel. Elle ne participe pas du contrôle, de la répres-sion ou du dépistage et respecte les personnes dans leurs droits, leurs choix, leurs modes de vie, leurs projets...Elle pose sur celles ci un regard positif et croit en leurs capacités de changer et de modifier

LA PRÉVENTION À L’AMPTA

Jean Jacques SANTUCCIDirecteur de l’AMPTAMarseille (13) - Membre du bureau de l’Anitea - Délégué Régional PACA ANITeA-F3A

* Association Méditerranéenne de Prévention et de Traitement des Addictions

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Véronique HEURTIERAssistante Sociale – PAEJ(2)AMPTA - La Ciotat (13)

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leurs perceptions et leurs comportements. Elle les accompagne (individuellement ou col-lectivement), afin de les aider à prendre cons-cience de leurs ressources et de leurs capacités à faire des choix favorables à leur santé(1).

Selon les publics auxquels s’adresse l’action de prévention, il s’agit :

- d’encourager les plus jeunes à ne pas con-sommer, - de retarder l’âge des premières expérimen-tations, - d’éviter que de simples consommations ne deviennent des usages problématiques, - de réduire les risques et les dommages lors-que des consommations nocives ou des dé-pendances sont installées

Dans leur mise en œuvre, les actions de pré-vention s’attachent à :

- Associer systématiquement les adultes qui côtoient et s’occupent des «jeunes» qui cons-tituent la «cible» de l’action - Partir de l’expérience du public et non d’une position de savoir de l’intervenant, quelque soit sa compétence - Travailler sur les représentations et trans-mettre des connaissances validées- Privilégier l’intervention sur le long terme à l’intervention ponctuelle- S’appuyer sur et mettre en valeur les com-pétences des personnes plutôt que les risques encourus, les peurs et autres stigmatisations- Inclure nos interventions (sur l’usage des SPA(2)) dans une véritable «écologie» de la santé.

Elles sont menées par des professionnels qui sont attachés ou travaillent en lien étroit avec les services de soins (CSAPA(3), Consultation Jeunes Consommateurs), dans la mesure où certaines actions de prévention et/ou d’in-tervention précoce s’adressent à des «usa-gers problématiques» (Foyers PJJ(4), MECS(5), CFA(6)...) qu’il est important de pouvoir ac-cueillir quand le besoin s’en fait sentir.

Parmi les lieux où s’exercent les activités de prévention, il y a bien sûr le milieu scolaire.Les établissements scolaires ont depuis tou-jours été demandeurs d’interventions, auprès des élèves mais aussi auprès des équipes pé-dagogiques. Depuis quelques années nos interventions s’appuient sur le guide d’intervention en mi-lieu scolaire édité par la MILDT. Pour autant, elles ont aussi, en fonction de la demande, un certain nombre de spécificités qui nous amè-nent à proposer des réponses particulières et adaptées à l’établissement et au contexte.

(1) Alain Morel et Jean Pierre Couteron. Les conduites addictives. Dunod.2008(2) Substances Psycho Actives(3) Centre de Soins d’Accompagnement et de Prévention des Addictions(4) Protection Judiciaire de la Jeunesse(5) Maison d’Enfants à Caractère Social(6) Centre de Formation d’Apprentis

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.../...

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Qui vous a sollicité ?Une enseignante du collège

Comment s’est mis en place le projet ?À la suite de cette demande, j’ai rencontré à deux reprises, plusieurs enseignants : profes-seurs de Français, d’Arts Plastiques, de Mathé-matiques, de Musique, ainsi que l’infirmière scolaire, afin de co construire le projet et d’as-surer la cohérence de celui ci avec d’autres ac-tions santé déjà mises en œuvre dans le cadre du CESC(2). «L’équipe» souhaitait une action sur le long terme afin de travailler sur les conduites à ris-ques dans un premier temps, avant d’aborder aux conduites addictives.

Comment en ont été fixés les objectifs ?Avec les élèves eux mêmes, lors d’une rencon-tre, suite à un travail sur leurs représentations et leurs connaissances et en adéquation avec la demande de «l’équipe» (projet à long ter-me incluant « pratiques à risques » et «prati-ques addictives»).

Quelle a été la durée de l’action ?Deux ans, ponctués de 8 rencontres de 2 heu-res/an avec les élèves et de 4 rencontres d’1 heure/an avec «l’équipe»

Quels en ont été les principes ?Ceux de l’Intervention Précoce : Associer les acteurs à la construction, partir de leurs re-présentations, connaissances et expériences, inclure le contexte et la fonction des usages, valoriser les compétences, conduire à une prise de conscience et à une modification des conduites...

En quoi a consisté l’action ?Avant tout, en un travail d’écoute et d’expres-sion des élèves, mais aussi des enseignants.À la réalisation de supports, médiateurs de la relation, «prétextes» à la rencontre et à l’échange, mais aussi objets de créativité et de valorisation.Ces deux supports (un CD musical et Clip vi-déo sur DVD) ont été créés à partir de l’utilisa-tion d’un CD Rom de prévention :

La face cachée de METACAAL : réalisé en 2001 par l’AMPTA et dont certains extraits (QUIZZ, phrases clés, scénarii, témoignages...) ont été mis à profit pour servir de base aux échanges, en fonction des étapes du projet.Il a permis un travail thématique sur : la res-ponsabilité, l’autonomie, le plaisir, la capacité à faire des choix... au fil des séances. Pour autant, cet outil a montré ses limites. En effet, créé en 2001 pour un public plus jeune (élèves des collèges), il s’est révélé en partie inadapté aux élèves plus âgés de SEGPA qui lui ont reproché d’être «trop gentil», pas as-

Un exemple d’intervention

Ci après, pour illustrer notre propos, un exemple d’intervention, dans une classe de SEGPA(1) située au collège Matagots de La Ciotat, dans les Bouches du Rhône

(1) Section d’enseignement général et professionnel adapté(2) Comité d’Education à la Santé et à la Citoyenneté

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sez évocateur du monde de travail et de l’in-sertion, manquant de références aux aspects légaux... Les productions (CD et DVD) ont fait l’objet d’une utilisation publique : présenta-tion lors d’un Forum Santé organisé par la municipalité pour les élèves des collèges et lycées, utilisation (à titre d’exemple d’action) dans le cadre des formations à l’utilisation du «guide MILDT» des acteurs du territoire.

Quels ont été, selon vous, les intérêts de cette action et quelle évaluation peut-on en faire ?Sa durée, suffisamment longue pour permet-tre un réel travail avec les enseignants et les élèves, ce que ne permet pas une intervention courte.L’approche globale qui y a présidé. La préven-tion des addictions n’a été qu’un moment de l’action, incluse dans la question plus large des conduites à risques. C’est, à mon sens, plus in-téressant et efficace car le projecteur n’est pas mis sur ces conduites, ce qui constitue souvent un risque de dramatisation.Par ailleurs elle a pu être reprise par les en-seignants qui ont construit des liens entre l’action elle même et leurs enseignements, lui donnant un caractère véritablement «écologi-que», évitant ainsi l’écueil de «l’exceptionnel» potentiellement stigmatisant.L’utilisation d’une méthode interactive et ex-périentielle respectueuse des personnes et gage de leur participation intéressée et de la liberté de leur expression. C’est cette mé-thode qui a permis la création des supports, mais également la venue, en consultation au PAEJ(1), des élèves participants qui ont pris conscience et ont reconnu être en difficulté.Deux ans nous ont permis de mesurer leur in-vestissement dans l’action comme en témoi-gnent leur assiduité et leur présence y com-pris hors temps scolaire (réalisation du CD et du DVD), l’évolution des représentations des élèves participants, leur capacité à s’interro-ger sur leurs pratiques, mais aussi à relayer l’action et le discours préventif. De mesurer

également l’investissement de «l’équipe», elle aussi présente hors temps scolaire, qui a cher-ché comment réintroduire l’action au sein de la matière enseignée ou au registre d’inter-vention, pour l’infirmière, qui a su favoriser l’expression des élèves en difficulté et leur ve-nue au PAEJ. La «médiatisation» des supports a valorisé, au delà des «réalisateurs», l’établis-sement et sa politique de prévention.

Conclusion

Cette action est bien sûr «exemplaire» de ce que nous estimons être «une bonne action de prévention», si ce n’est dans son résultat, du moins dans les conditions de sa réalisation.Un établissement demandeur, une équipe motivée, des élèves «difficiles», qu’il a fallu convaincre mais qui ont accepté de participer, du temps, un véritable «mouvement» et le constat régulier d’un intérêt et d’une efficien-ce. Ce n’est, hélas, pas toujours le cas, notam-ment quand il faut intervenir dans l’urgence, sur une situation de crise, dans un temps ré-duit, pour «avertir les élèves des dangers de la drogue». Pour autant, nous pensons que seul ce cadre d’intervention peut garantir l’effica-cité d’une action.Pour finir, c’est suite (entre autre) aux remar-ques faites par les élèves, sur l’outil «META-CAAL», que l’AMPTA s’est engagée dans la réalisation d’un nouveau CD Rom, destiné lui, aux élèves des lycées et apprentis de la For-mation.

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(1) Point Accueil Ecoute Jeunes

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Quand j’ai été contactée pour écrire un article dans Actal «la Prévention en milieu rural» je me suis demandée ce que j’allais bien pouvoir dire d’original sur cette spécificité. D’ailleurs est-ce une particularité ?J’ai eu en tête les boutades de mes collègues d’Ile de France et en particulier de notre cher Président «Toi Odile au milieu de tes... ces champs de betteraves... ravitaillés par les cor-beaux !!!!»Je suis dans le TGV, en route pour Marseille fidèle à mon rendez-vous bi-annuel «les jour-nées de l’AMPTA» et je vois défiler des vignes, collines, bois, prairies où les troupeaux se re-paissent.Et là dans «ces territoires», est-ce que l’on se pose la question de savoir ce qu’est la «pré-vention des addictions» ?Y-aurait-il des habitants qui seraient concer-nés ? Par l’alcool sûrement !! Mais par «les drogues» , par le jeu, par internet aussi ?... Dans un tel environnement où l’air est si pur au milieu des pâquerettes, qui pourrait bien être tenté par de telles dérives ?Bien souvent, dans l’imaginaire collectif la campagne est une «réponse thérapeutique» et delà comme le sport la meilleure des pré-ventions !!!

Je suis responsable d’APS Contact, CSAPA en Ile de France, en Seine-et-Marne, frange sud et aux confins de la Marne, de l’Aube et de l’Yonne. Ce département à lui seul représente la moitié en superficie de l’Ile de France .Nous

avons depuis toujours développé des actions de prévention, ce qui nous a amené à créer un poste dédié à cette mission.Comme nous sommes peu nombreux à inter-venir à partir d’un CSAPA dans le 77, nous sommes amenés à répondre à des deman-des nombreuses et variées venant de tout le département. En effet, repérés comme ac-teurs de terrain dans le cadre du soin, nous intervenons autant dans le cadre d’actions de prévention que d’interventions précoces. L’isolement et l’éparpillement des structures et institutions rendent l’accès à l’information difficile, particulièrement pour les jeunes. De ce fait, il est très important que nous puis-sions aller au devant d’eux sur leurs lieux de vie (établissements scolaires, foyers ruraux, centres sociaux,...) afin de leur offrir des espa-ces de parole sur un thème difficile à aborder avec les adultes qui les entourent.

J’ai eu l’idée d’échanger avec Géraldine COM-PAIN, qui est Animatrice de Prévention à APS depuis 2004, et donc bien expérimentée dans ce domaine.Géraldine, à ton avis, y-a-t-il une spécificité de la prévention en milieu rural ?«Du fait de cette ruralité, dans les villages ou petits bourgs, les nouvelles et les rumeurs vont bon train. Il est donc difficile d’interve-nir sans soulever des polémiques. Au niveau des adultes, on se retrouve souvent face à des représentations connotées de préjugés et de craintes vis-à-vis des usagers de drogues. Le

UNE PREVENTION AU MILIEUDES CHAMPS... ?

Odile VITTEDirectrice APS Contacts – Provins (77)Membre du Conseil d’administration de l’ANITeARéférente Formation ANITeA-F3A

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fait même d’évoquer la question provoque des réactions de rejet ou des réponses unique-ment répressives. À l’inverse des métropoles où l’indifférence prédomine, où l’anonymat est de mise, en milieu rural, chacun est «sous les feux de la rampe». La moindre conduite «déviante» est aussitôt repérée et montrée du doigt. Ces préjugés concernant à la fois ces pratiques et les usagers, vont jusqu’à nous toucher en miroir en tant qu’intervenants et rendre difficile nos interventions. Sauf dans les cas où un problème est repéré, souvent amplifié et sur lequel on est appelé en urgen-ce comme des pompiers venant éteindre un incendie. Ce sont des interventions qui bien souvent n’auront pas de suite. Par contre, paradoxalement, on rencontre aussi des adultes investis et militants qui sont demandeurs de connaissances et d’appui et qui se mobilisent vraiment.»

Quelles réponses adaptées faudrait-il inventer ?«Du fait de la dispersion ou l’absence des structures, les réponses que la population aurait pu trouver en milieu urbain, sont dif-ficiles d’accès. Il est donc important d’aller au devant, de pouvoir apporter un maximum d’écoute et de mettre en lien les partenaires.Ainsi il est pertinent d’organiser régulière-ment sur un même territoire des journées d’actions communes. Par exemple, nous avons organisé l’année dernière trois journées, sous la forme de stands d’information ludiques, devant un Lycée de Provins, en partenariat avec l’équipe de prévention spécialisée d’une autre association locale. Cette année, nous réitérons le projet à Provins, mais aussi devant le lycée de Nangis, commune proche. De plus, un nouveau partenaire nous a rejoints. Ce genre d’action permet de mutualiser les com-pétences ainsi que les moyens, en vue de la création de projets de mieux en mieux adap-tés à la spécificité de nos territoires ruraux».

Cependant, la prévention doit être cohérente

au niveau national, et il faut développer des actions pertinentes et interactives dont les pu-blics visés pourront devenir acteurs quelque soit le milieu urbain ou rural, ces publics cibles ayant de nombreux points communs à ne pas négliger. Chacun pourrait penser que le milieu rural est protégé, que devant un quotidien mo-rose, fait d’ennui, d’absence d’espaces pour se rencontrer, de projet d’avenir, où tout le monde connaît tout le monde, les jeunes ne cherchent pas à s’évader comme partout dans la fumée et l’alcool qui tournent la tête. Pour-tant, le milieu rural et semi-rural est en proie au même phénomène de société qu’en milieu urbain. L’ennui est de mise où les abris bus sont les seuls lieux de rencontres des jeunes, marquant leur territoire en les décorant de graffitis et tagues. Il faut rappeler que les bus sont bien souvent les seuls moyens de com-munication. Les transports scolaires sont une «véritable institution» incontournable pour se rendre aux collèges ou lycées, et même maintenant dans les écoles maternelles ! À partir de ce que nous pouvons constater dans le centre, les consommations des jeunes des campagnes ne différent pas beaucoup de celles de ceux des villes. Il n’est pas obligatoire d’aller à la «Capitale» pour trouver, acheter et consommer toutes sortes de produits, et l’ini-tiation entre paires se fait d’autant plus vite que nous nous trouvons devant des petites bandes de village. Nous souffrons d’un manque de mobilité, de moyens (il existe une politique de la ville mais pas de «politique de la campagne» si ce n’est les subventions aux mondes agricoles).Devant une multitude d’interlocuteurs, il est donc indispensable d’aller au devant des jeu-nes et de rassembler leurs compétences face aux problèmes en s’inscrivant dans des actions cohérentes.

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La semaine européenne de prévention des toxicomanies

Une expérience d’une action «temps forts» organisée, il y a quelques années, sur un territoire rural et semi-urbain.

Dans un contexte de rivalité de bandes de jeu-nes entre trois communes de l’est Seine-et-Marne Provins/Montereau/ Nangis, nous avons réussi les réunir pour réfléchir ensemble sur l’organisation d’une semaine de prévention. Nous avons propo-

sé des rencontres croisées mettant à disposition des bus qui ont permis aux jeunes de se rendre sur chaque lieu où les temps forts étaient programmés : Musique, théâtre et sport.

Semaine du 16 au 22 novembre : semaine européenne de préven-tion des toxicomanies.La MILDT avait lancé en janvier un appel à projets ayant comme objectif de pro-poser des actions en direction d’un public jeune sorti des circuits scolaires, dans le cadre de la semaine européenne de prévention des toxicomanies.

LE PLAISIR SANS LES RISQUESSous le pilotage et la coordination d’APS Contact, le projet a été élaboré regrou-pant les communes de Provins, Montereau, Nangis, les missions locales et orga-nismes de formations. Le thème retenu portait sur «le plaisir sans les conduites à risque». Il illustrait différentes manifestations en direction du public jeune. (16/25 ans) faisant entre autres partie du réseau des Missions Locales. Un co-financement Etat/Collectivités Territoriales.AU PROGRAMME : MUSIQUE, SPORT ET THEATRE...Pour développer les contacts entre les jeunes des différentes communes, chaque ville était le siège d’une activité distincte : à Provins la musique, à Montereau le sport, à Nangis le théâtre. Systématiquement, toute activité se décomposait en deux parties : la première était consacrée à la découverte et à l’initiation de la pra-tique du sport, de la musique ou du théâtre, la deuxième partie, à un spectacle.UN SUPPORT AUDIOVISUELEn outre, sous l’égide de l’association APS Contact, un montage audiovisuel fut réalisé avec un groupe de jeunes. Ce montage deviendra un support aux actions de prévention que cette association mène d’une manière générale....ET DU CINEMAParallèlement, avec la collaboration du responsable de la salle de cinéma de Pro-vins, la projection d’un film sur le thème des plaisirs en évitant les conduites à risque sera proposée suivie d’un débat dans le courant de la semaine.

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...Vue par un groupe de jeunes d’une Mission Locale...

«AVOIR DU COURAGE !»Un nouveau virus s’est abattu sur Provins en Novembre. Une MST pas commune : la «Musico-Sport-Théâtre». Une activité organisée par APS Contact dans le cadre de la semaine européenne de préven-tion des toxicomanies. Pourvu que tout le monde l’attrape !!!Une sortie sport a eu lieu le lundi 14 novembre vers 14 heures à Montereau. Il y avait comme thème le tennis de table, la boxe française et anglaise, le kick boxing et du hip hop !Il y avait aussi des diaporamas, dont le sujet était la toxicomanie et faisait bien comprendre les ravages de la drogue à toutes les étapes de la vie, aussi bien avant la naissance qu’au cours de la vie ; jusqu’à ce qu’il soit trop tard : la mort, moment pénible pour ceux qui restent.Ainsi que des expositions sur la Toxicomanie réalisées par les jeunes de la FOCEL de Montereau.Les jeunes sportifs ont fait des démonstrations. Chaque discipline a été présentée par quelques spor-tifs de haut niveau, concernant les différents thèmes de boxe, il y avait un champion de France et un champion d’Europe. Suite à cela, ils ont proposé aux spectateurs de monter sur le ring pour une petite initiation de boxe ; Pascalyne et Christèle se sont défoulées comme des folles et ont été applaudies et remerciées par les organisateurs et le public. En ce qui concerne le tennis de table, un petit tournoi a été organisé par les membres du comité sportif de Montereau brillamment remporté par Jean-Fran-çois. Vers 16 heures 30, nous avons eu une démonstration de hip hop. Ceci est une danse rythmée à base de Rap et de musique moderne. Nous avons été ravis de notre après-midi. Nous en gardons un excellent souvenir en remerciant les organisateurs du comité sportif de Montereau.

SAVOIR DIRE NON !La semaine «Théâtre» a débuté le 13 novembre par une réunion à la Mairie, cela a permis de faire la connaissance d’autres jeunes et des personnes qui ont encadré durant la semaine sont Mr Rui Fretti, Mme Appela Christine et Mr Rousseau Frédéric qui est le spécialiste de la scénographie. L’activité théâ-tre a permis aux jeunes de perdre leur timidité, à apprendre à communiquer entre eux, à accepter les idées des autres, à réfléchir ensemble, le but de cette semaine était de monter une pièce de théâtre qui a eu lieu le jeudi 30 novembre à la salle de la bergerie, les jeunes étaient très contents de partici-per à cette semaine, pour la prévention contre la toxicomanie. Enfin pendant la semaine de la lutte contre la toxicomanie le but était de réunir les jeunes de différentes villes et les aider à réagir contre la toxicomanie.

DROGUES NON, MUSIQUE OUI !En début d’après-midi de ce 21 novembre à la salle du minage, l’Association Provinoise d’Enseigne-ment de la Musique (A.P.E.M.) a invité les organismes participants à la semaine de la Toxicomanie, on peut entre autre, évoquer l’A.Q.M.T.J. de Provins, APS Contact, la Mission Locale.En arrivant on a pu découvrir différentes sortes d’instruments à vent : la cornemuse, flûtes diverses, ainsi que les instruments à cordes : guitares électriques, acoustiques, basses, et les percussions, tam-bourins, batteries, triangles ainsi qu’un groupe de musiciens qui nous ont fait part de leurs composi-tions. Nous avons pu essayer les instruments mis à notre disposition. Nous étions conviés à travailler sur le rythme et les tonalités des aigus et des graves. Vers 16 heures 30, Christelle P, Tony et leur formateur ont pu être interviewés par R.F.M. (Radio France Melun) tous les trois ont donné leurs impressions sur cette journée « Musique » et de la semaine de la « Toxicomanie ».Cette semaine musique s’est terminée par des concerts successifs, organisés par des jeunes, de musique classique, de Funk, de Rap, de Rock, donnés au gymnase de Provins.

Tony, Virginie, Christelle, Mina, Aurore, Pascalyne, Christèle, Virginie, Nathalie, Christelle, Sandrine, Angeline, Adrien. A.Q.M.T.J Provins.

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1981, cela vous dit quelque chose ? Non. C’est l’année des premiers DSQ (développement social de quartier) qui préfigureront la mise en place en 1984 du Comité Interministériel des Villes (CIV). Il incarne la forte volonté à l’époque, de développer une politique en di-rection des banlieues en souffrance avec pour fonction d’arrêter les orientations, définir les programmes et répartir les moyens. En 1988, la Délégation Interministérielle à la Ville (la DIV), voit le jour et c’est en 1990 qu’est nommé pour la première fois un ministre de la ville agissant au sein d’un ministère d’état de plein exercice. Pour autant, si à l’origine la politique de la ville a été structurée ainsi, se sont succédé des ministres en charge de la ville, des ministres responsables de pôles d’ac-tivités, des ministres délégués, des secrétaires d’état. La politique de la ville se veut une ré-ponse à une banlieue en proie à des dérives croissantes : ghetto social, forte dégradation urbaine, toxicomanies, économie parallèle, émeutes,...L’échec de la politique «d’achat de la paix so-ciale» trop souvent proposée comme seule alternative, engage une nouvelle politique dans un contexte de forte ghettoïsation de quartiers dégradés où domine un important sentiment d’insécurité plus qu’une réelle in-sécurité. Outre l’engagement d’une très importante réhabilitation du bâtis urbain des cités, le choix de traitement du malaise croissant de ces quartiers, comme du sentiment d’aban-

don des ces populations se focalisera sur un binôme «délinquant / victime» qui finalement caractérisera la politique de la ville. Cet axe fondateur essentiel prend forme et se conso-lide par le développement de la « Prévention de la délinquance et de lutte contre les exclu-sions ». Ceci illustrera les politiques successives répondant d’un contexte sociétal en crise où le «sentiment d’insécurité» se substituera au «climat d’insécurité».

Dans ce contexte, le caractère éminemment positif de la politique de la ville permet une importante et nécessaire rénovation des quar-tiers. Ceci amène à repenser la banlieue et plus particulièrement les cités qui la caractéri-sent. La suppression, notamment, de quelques immeubles, amène à reparler et à envisager une refonte de la mixité urbaine afin d’éviter de créer des quartiers «cul de sac» marqués par une population stigmatisée et de reques-tionner les municipalités dans leur (non) en-gagement à réaliser des logements sociaux...

L’important engagement financier de l’État mais aussi des collectivités territoriales va permettre aussi l’émergence d’une multitude d’initiatives associatives et d’action de pré-vention.

Les dispositifs de soins et de prévention du champ des addictions profitent donc pleine-ment de ce soutien, d’autant que la préoc-cupation des drogues et de sa prévenance

POLITIQUE DE LA VILLE ET PRÉVENTION DES ADDICTIONS

Denis JOUTEAUDirecteur de l’Association Ressources - Athis-Mons (91)Délégué régional Ile-de-France ANITeA-F3A

* (et non Démarche Socialiste Qualiticienne)

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occupe une place non négligeable dans ce dis-positif. Ceci est d’autant plus important que la question des consommations de stupéfiants ne s’est pas démentie depuis 30 ans, bien au contraire. Il ne s’agit pas là de laisser penser que le «phénomène» empire ou augmente, rien de tout cela, mais de constater que si les pratiques addictives évoluent et changent, les mentalités aussi ! Ainsi, dans une société particulièrement addictogène tout le monde s’accorde à penser que l’éducation, la préven-tion des addictions reste un besoin important qui doit s’inscrire dans le temps. Pour autant, cette préoccupation de société que d’aucun qualifie de «fléau» n’a jamais fait l’objet de la création d’un outil ou de moyens de pré-vention à part entière ! Ce paradoxe amène les acteurs de prévention à courir après les subventions pour dégager les moyens de met-tre en place des actions souvent au prix d’un redéploiement interne.La mise en place des conventions pluriannuel-les, pour ceux qui en bénéficieront, apportera un niveau de stabilité permettant d’inscrire une prévention dans la continuité. Ce contex-te favorable à une action en profondeur ré-pond positivement à la précarisation et à l’es-saimage de l’action. Cependant force est de constater que dans un contexte de marchan-disation du social et par voie de conséquence de généralisation de la mise en place des ap-pels à projets, il apparaît de plus en plus dif-ficile d’inscrire l’action de prévention dans le temps. Ceci profite au concept de prestation plus adapté pour une nécessaire flexibilité des acteurs de prévention et mettre en oeuvre des programmes de politique public.

Le risque de réduire l’acteur de prévention à l’état d’exécuteur testamentaire des symptô-mes de la société est d’autant plus réel que notre société moderne est comme naturelle-ment aspirée à aller de plus en plus vite. Ce qui d’un côté s’avère un élément positif de progrès, ne doit pas justement au nom de ce progrès et de cette évolution, nous inciter à

prendre obligatoirement les chemins les plus courts pour construire des réponses à nos dif-ficultés. Les addictions nous ont appris com-bien il était essentiel d’aller, au-delà du symp-tôme, à la rencontre de la personne et de son indissociable histoire personnelle.

La politique de la ville, peut-être par souci de lisibilité, participe de la simplification de lecture de problèmes profonds et complexes. La mise en avant de l’exclusion et de la délin-quance, de la victime et du délinquant même si tout cela participe d’une certaine réalité, réduit et appauvrit considérablement ce qui constitue en réalité la richesse de ces quartiers. Elle donne un caractère négatif des problè-mes et nous plonge d’emblée dans une pers-pective morose par son caractère stigmatisant des publics ; tant pour la victime que pour son agresseur. L’évolution de nos orientations po-litiques sont là pour nous le rappeler. Le souci d’apporter des réponses concrètes et rapides à une population en attente et consentante ne peut qu’exposer au risque d’une radicalisa-tion où «l’ennemi», une fois désigné, entraî-ne dans son sillon l’ensemble de son environ-nement. Ainsi, observe t-on des populations judiciarisés*, des quartiers stigmatisés mis à la marge, des peuples expulsés, ne laissant fina-lement à ces hommes et à ces femmes aucun espoir d’un changement possible et accepta-ble par le reste de la population.

Cette politique de la ville qui sincèrement am-bitionne de réduire la fracture sociale présen-te depuis 25 ans, doit penser la société dans sa globalité et la construire dans la fraternité. Il en est de l’addiction comme il en est de l’hom-me, il en est des problèmes comme il en est de la nature de l’homme. Nous faisons seule-ment avec ce que nous sommes ! Nous devons donc nous affranchir de nos propres démons et accepter la complexité qui nous entoure. «Seule sa pensée prescrit ce qu’il peut-être**» disait Sartre de l’homme. En redonnant toute la place à notre intelligence collective, nous

* délinquance juvénile et quartier sensibles - histoire de vie - Cecile Carra – L’Harmattan** La nausée –Gallimard

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avons probablement un peu plus de chance de nous éloigner de notre nature profonde. Pourrait-il s’agir d’une utopie que de penser qu’un jour l’on considéra la souffrance de l’autre quelqu’elle soit, comme une part de soi-même et que notre finalité serait de nous donner les moyens de partager un bien être ? Mais comme disait Desproges «la démocratie est la pire des dictatures, parce qu’elle est la dictature exercée par le plus grand nombre sur la minorité».

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L’association «5A» intervient régulièrement dans le cadre de formation dans différents IFSI marseillais. Lors d’une intervention avec une Cadre pédagogique de l’IFSI ; celle-ci nous demande un avis sur la manière de concevoir, dans le module «Santé Publique , une action de prévention addiction après de jeunes collé-giens (14/15 ans).

Précédemment l’association avait à deux repri-ses initiées une action touchant un plus large public. L’idée fut de demander en 2005, aux élèves de l’école d’art graphique «Axe Sud» de réaliser des maquettes en 3D sur leurs re-présentations des «Différentes addictions». En 2007 nous renouvelons cette action sur «Les addictions : contrainte ou liberté». Ces deux expositions ont ensuite étaient proposées au public dans une station de métro. Cette action a pu se dérouler grâce à la collaboration de l’école d’Art Graphique «Axe Sud», du service Santé Publique du Pr San Marco, du service communication de la RTM et du CODES.

Relatant ces deux expériences au cadre pé-dagogique, nous avons décider ensemble de nous en inspirer, l’idée étant qu’une quin-zaine d’étudiants de l’IFSI se positionnent en professionnel de santé publique pour propo-ser aux collégiens de réfléchir sur leurs pro-pres représentations des addictions, et de les aider à les représenter au travers de différents

supports, visuel, audio- visuels, affiches, chan-sons etc..

L’intérêt de cette action étant, d’une part de présenter le travail des élèves au sein des col-lèges, et d’autre part, qu’ils soient présents lors de la présentation de leur travail par les étudiants infirmiers à l’IFSI. Cette action a mo-bilisé 4 groupes de 5 élèves infirmiers.

Cela a permis de prospecter dans quatre collè-ges de la ville de Marseille de secteur, de cul-ture et couche sociale très différents. Cette ac-tion a touché environ 120 collégiens de classe de troisième.

Au bout d’une semaine nous convenons de nous retrouver ; les étudiants de l’IFSI, la cadre pédagogique et les membre des «5A» pour une régulation.

• Il ressort pour certains élèves infirmiers une grande difficulté avec les collégiens (un dea-ler faisant partie de la classe)• Pour les autres, pas de difficulté majeure pour se positionner en tant que professionnel de santé publique, ce qui a finalement facilité les approches. • Nous avons du, avec beaucoup d’insistance, réassurer les élèves de l’IFSI sur leur capacité à mener à bien cette action malgré le temps impartie (6H00 en tout).

DES ÉTUDIANTS-INFIRMIERS SUR LE TERRAIN

Rose-Marie AVERNACadre de santé formateurInstitut de Formation en Soins Infirmiers de l’Hôpital Saint Marguerite / AP-HM Responsable du module Addictions/Psychiatrie 3 auprès des 3èmes années

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Michel ASTESANORéférent alcoologie à la Régie des transports de Marseille (13) Président association 5A Membre du conseil d’administration de la F3A

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Au final nous avons eu l’agréable surprise d’un travail de haute qualité de prévention dans le cadre de santé publique élaboré tant par les «préventeurs» que les collégiens.Nous nous sommes posé la question suivante : qui sont les préventeurs ?Les outils utilisés ont été : des films, des chan-sons, des affiches, des dessins.Tout cela a été présenté à l’ensemble de la promotion des étudiants infirmiers 100 élè-ves), nous avons eu la chance d’avoir parmi nous les représentants des 4 établissements.Il est à noter que nous n’avons pas imaginé l’impact que cela a pu avoir tant auprès des établissements concernés, que des étudiants infirmiers, de l’IFSI. En ce qui concerne les éta-blissements, une demande forte de renouve-ler cette action avec la prochaine promotion a été retenue.

Comment intégrer la question de la prévention dans le cursus des étudiants - infirmiers ?

À Marseille, Rose-Marie Averna, cadre de santé formateur à l’Institut de Formation en Soins Infirmiers de l’Hôpital Saint Marguerite / AP-HM et responsable du module Addic-tions/Psychiatrie 3 auprès des 3èmes années, veut renforcer leur rôle d’acteurs de la pré-vention.

Comment les étudiants en soins infirmiers sont-ils sensibilisés à la question de la pré-vention ?

Tout d’abord, selon le Code de la santé publi-que, l’infirmier est habilité à faire de la pré-vention : selon l’article L4311-1, «l’infirmière ou l’infirmier participe à différentes actions, notamment en matière de prévention, d’édu-cation de la santé et de formation ou d’en-cadrement». Selon l’article R4311-15 relatif à l’exercice de la profession d’infirmier (e)/Ac-tes professionnels, «l’infirmière ou l’infirmier

propose des actions, les organise ou participe dans les domaines suivants : [... ] 3) Forma-tion, éducation, prévention et dépistage, no-tamment dans le domaine des soins de santé primaires et communautaires ; 4) Dépistage, prévention et éducation en matière d’hygiè-ne, de santé individuelle et collective et de sécurité...»

Par ailleurs, le programme des études com-prend 80 heures de santé publique (pour une formation de 136 semaines), soit un module d’enseignement décliné en transversalité sur les trois ans de formation. Il y a également le module d’enseignement en soins Infirmiers 4, centré sur la démarche éducative qui reprend l’éducation thérapeutique du patient. Comme vous pouvez le constater, la prévention con-cerne pleinement les infirmiers.

En 2009, vous avez mis en place de nouvelles actions de formation au sein de votre module Addictions. Dans quel objectif ?

Dans un premier temps, c’est dans le mo-dule de santé publique que nous avons pris le parti, ma collègue et moi-même, de faire travailler autrement nos 115 étudiants. Nous avons pensé le projet d’enseignement, soit 20 heures en 3ème année, de façon à permettre aux étudiants de monter une séquence d’édu-cation à la santé, autour des thématiques de l’alcool et du cannabis, à dispenser auprès de deux populations différentes : des élèves de CM2 et des collégiens de 4ème. Ils ont tra-vaillé toute l’année pour faire le dispositif en créant des supports ludiques et adaptés à cha-que population cible. La promotion d’étudiants était divisée en deux, un groupe œuvrant pour les élèves de CM2 et l’autre groupe pour les élèves de 4ème, avec, à chaque fois, deux sous-groupes distincts, l’un pour l’alcool et l’autre pour le cannabis. Nous les avons accompagnés toute l’année avec plusieurs séances de régulation, l’objectif étant la créativité, avec des objectifs

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réalisables. En fin d’année, certains étudiants de chaque groupe ont réalisé la prestation auprès de différentes classes d’élèves.

Dans le cadre du module optionnel de 3ème année, des thématiques de santé publique sont proposées par les cadres de santé forma-teurs de l’année. Chaque formateur présente un projet particulier, en lien avec son module d’enseignement spécifique de l’année, et les étudiants doivent obligatoirement s’inscrire dans l’un d’eux. En charge du module optionnel de Psychiatrie 3 (les addictions et les troubles du compor-tement alimentaire), j’ai souhaité m’appuyer sur l’expérience vécue dans le module de san-té publique pour organiser ce module. J’en ai discuté avec une association de professionnels en addictologie (les 5 A) qui interviennent dans le courant de l’année. Nous avons monté le projet et ils ont accepté de m’épauler dans la réalisation, avec des séances de régulation avec les étudiants. L’objectif était que les étu-diants aillent auprès de collégiens de 3ième pour les faire travailler sur leurs représenta-tions des addictions.

Comment les étudiants ont-ils travaillé ?

Il ne s’agissait plus d’apporter un contenu, comme ils l’avaient fait durant l’année, mais de permettre à des jeunes collégiens de parler autour des addictions. Certes, les étudiants ont été déstabilisés d’emblée car ils s’attendaient à nouveau à réaliser une enquête, puis à aller délivrer des messages en s’appuyant sur leurs connaissances. Cette fois-ci, ils devaient tra-vailler en amont et faire émerger les connais-sances en la matière d’une population cible, des élèves de troisième de collèges situés dans des quartiers très différents de Marseille.

Leur intervention a consisté à mener une clas-se et à favoriser l’expression de chacun des élèves autour des représentations qu’ont les jeunes des addictions. Ils les ont fait travailler

en petits groupes en impulsant une dynami-que, les amener à faire des choix et matéria-liser ensuite ces représentations à travers la création de supports ludiques tels que des af-fiches, vidéos, chansons. Ces supports ont été valorisés au sein de chaque établissement par une exposition et des vidéos, ce qui a respon-sabilisé chaque élève comme acteur de santé publique... et la boucle est bouclée !Les étudiants, quatre à cinq par classe, ont travaillé de concert avec les infirmières et les enseignants des collèges, devenant ainsi par-tenaires d’une institution et garants d’un ré-sultat.

En quoi est-ce important que des étudiants en soins infirmiers dans leur métier, au-delà du soin, soient aussi acteurs de santé publi-que ?

Cela fait partie intégrante de la fonction in-firmière. L’éducation pour la santé est l’une des dimensions du soin qui ne se résume pas au volet curatif... Là aussi, les représentations doivent évoluer !

Qu’apporte un partenariat avec une structure extérieure, comme celui que vous avez mené avec l’association 5A?

L’Association d’acteurs en alcoologie et autres addictions ou 5A, composée de professionnels du secteur de la santé, médecins, infirmiers, aides-soignants... apporte la plus-value de la professionnalisation, avec des acteurs de ter-rain qui font passer, en plus des connaissances, leur vécu professionnel. Depuis deux ans, avec cette association, nous faisons régulièrement travailler les étudiants en alcoologie sur des cas concrets abordés par le biais de jeux de rô-les. Cet accompagnement à plusieurs favorise une posture réflexive chez les étudiants par rapport à divers comportements susceptibles d’être rencontrés... Un travail préparatoire a bien évidemment permis une coordination et une mutualisation des compétences respecti-

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ves de chacun.

Que va devenir la prévention dans le nouveau programme des études ?

Le nouveau référentiel de formation vise l’ac-quisition de compétences pour répondre aux besoins de santé des personnes dans le cadre d’une pluriprofessionnalité. Articulé autour de l’acquisition des compétences requises pour l’exercice des différentes activités du métier d’infirmier, il propose des unités d’en-seignement, ou UE, thématiques. La santé publique est toujours aussi présente : elle fait partie de l’UE Sciences humaines, sociales et droit et est dispensée dans les semestres 2 et 3, avec un total de 75 heures et de cinq ECTS (European Credit Transfer System ou système européen de transfert de crédits.

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ACTAL : En quoi la prévention par l’expres-sion et la création artistique se différencie-t-elle des autres approches de prévention ?

C’est sous l’angle plutôt psycho social et cul-turel que notre structure aborde la question de l’usage de drogues et des risques qui lui sont associés : le travail sur la promotion d’un environnement de vie favorable à l’épanouis-sement des personnes nous semble plus im-portant que la transmission de connaissances théoriques des effets de telle ou telle molé-cule dans le cerveau ou que l’apport d’infor-mations sur les dangers encourus.

ACTAL : Comment s’est développé ce projet Prévention par l’Expression et la Création (PEC) ?

Le projet PEC est né du souci de faire autre chose que de transposer le modèle «vaccin» qui consiste à inoculer une sorte d’anticorps construit par la transmission d’informations fondées sur l’inquiétude ou la peur. Ce mo-dèle s’appuie sur l’hypothèse que la rationa-lisation et l’imposition d’une norme de com-portement seront efficaces pour protéger l’individu d’une dangerosité générée par la consommation de substances droguantes.

Epidémiologiquement et socialement parlant, cela donne peu de résultats : ceux qui ont ac-cès à une information de qualité ont autant de problèmes d’addictions que le reste de la population.

Pour les publics jeunes en difficulté, il nous est apparu essentiel de les aider à accéder plus facilement à la capacité de verbalisation et de symbolisation, de les aider à s’exprimer et à communiquer avec les adultes, même si la relation est conflictuelle. Bref, de travailler de façon volontariste sur ce que l’on nomme le développement des compétences psychoso-ciales, sans néanmoins faire l’impasse sur un travail d’élaboration des expériences de con-sommation, à la fois dans une perspective de prévention, de promotion de la santé et de réduction des risques.

Notre approche préventive n’est donc pas centrée sur la seule transmission de la con-naissance de la dangerosité des produits. L’en-jeu est de travailler sur l’éducation et le déve-loppement des compétences de la personne, pour l’aider à mieux connaître ses émotions, où à développer une capacité de distanciation vis-à-vis de ses expériences de consommations (modèle des approches dites «expérientielles»).

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ET SI ON ESSAYAIT UNE PRÉVENTION BASÉE SUR LE GOÛT DE VIVRE ?

Théâtre, arts plastiques, photolangage, ateliers expérientiels, exercices de communications, travail sur les représentations...: la Prévention par l’Expression et la Création (PEC) est l’un des programmes développés à Lyon par l’Association indépendante d’entraide sociale (A.I.D.E.S) Alcool. Une autre approche de la prévention, selon Jean-François VALLETTE, son directeur, et Julien CHAMBON, le professionnel qui la met en œuvre avec de nombreux intervenants sur toute la région Rhône-Alpes.

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ACTAL : En quoi ce développement des capacités psycho-sociales s’inscrit-il dans une démarche de prévention des risques de conduites addictives ?

La capacité d’expression et de symbolisation, la connaissance de soi et la connaissance de l’autre, la gestion des émotions, du stress et des conflits permettent à la personne, d’une part, de mieux appréhender les événements plus ou moins difficiles, frustrants ou trau-matisants, d’autre part, de développer des capacités de distanciation et de verbalisation lorsque l’angoisse risque de devenir panique, et enfin, d’être plus solide par rapport à la frustration, à l’angoisse et au vide.

Quand vous êtes dans une difficulté psycho-sociale, votre principale problématique est votre relation à vous-mêmes et aux autres. Ainsi, un jeune mineur en prison voit surgir des problèmes de sociabilité ou de socialisa-tion, d’agressivité et de violence, de respect des règles collectives et de communication avec les autres. Le produit devient probléma-tique lorsque le sujet se retourne vers celui-ci pour résoudre de façon exclusive sa difficulté ou son handicap : il n’y a plus que le soula-gement donné par l’effet psychotrope en qui la personne croit, pour une solution sa-tisfaisante à sa difficulté. Mais si on l’aide à développer une alternative à l’angoisse par l’accès à l’expression de son mal être avec des techniques de communication plus souples, où bien à questionner la notion de satisfac-tion et d’insatisfaction lié à ses expériences de consommations, on fait l’hypothèse qu’il va pouvoir développer des stratégies alternati-ves à la seule croyance en l’effet salvateur des drogues.

L’idée est que, dans le phénomène de l’addic-tion, quelque chose se passe dans la vie qui déséquilibre et met en difficulté. Face à cela la personne est dans une impasse stratégique qui l’amène à résoudre le problème rencontré

en confiant cette résolution à une substance qui peut, dans un premier temps, donner tou-te satisfaction. Il est donc tout à fait possible d’envisager des consommations de drogues permettant de résoudre des situations diffi-ciles ne débouchant pas sur l’addiction. D’où l’importance de ne pas systématiquement associer consommation à addiction, et de ne pas diaboliser les substances. Nous aidons les personnes à trouver les moyens de faire les réaménagements nécessaires sans passer par la case «drogue/anesthésie de leur souf-france». L’enjeu de la prévention n’est pas de faire une sorte de balance normative entre le Bien et le Mal concernant un comportement donné mais d’interroger la singularité de l’ex-périence dans un contexte de vie global. Ce qui implique de faire le deuil d’une approche prohibitionniste, moralisatrice, pseudo-scien-tifique ainsi que du fantasme qu’il existerait un «message magique à faire passer à tous, et en plus de la même manière».

ACTAL : Comment travaillez-vous et auprès de quels publics ?

Nous avons commencé avec une association d’insertion professionnelle d’aide au retour à l’emploi par la formation : notre programme d’animation visait à contribuer modestement à redonner un peu de confiance en soi à des gens qui se sentent très dévalorisés dans leur image. Le but était de les aider à être mieux avec eux-mêmes et avec les autres par le biais d’activités plastiques et théâtrales, de jeux de scènes et des techniques d’expression, dans un travail sur l’imaginaire et l’image de soi.

Depuis, ce programme s’est construit de fa-çon plus systématique. Par exemple, dans les prisons, nous avons une intervenante qui travaille avec des mineurs sur les techniques d’expression de communication, de gestion de conflits... Dans les lycées ou les établisse-ments spécialisés, nous proposons des ateliers de prévention et de réduction des risques qui

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s’inspirent des approches expérientielles et qui visent notamment à un renforcement des stratégies et des techniques de gestion des jeunes.

ACTAL : Cherchez-vous à diffuser ces pratiques ?

Nous proposons des temps de formation aux professionnels en contact avec les adolescents ou les publics en insertion -milieux scolaires, missions locales, structures d’accueil ou d’in-sertion...- et à des groupes ressources tels que DRH, médecins du travail.Nous avons aussi participé à la structuration d’un réseau en France qui a construit des actions de formation en adaptant des pro-grammes déjà élaborés au Québec, avec des parents, enseignants, travailleurs sociaux, in-firmières scolaires, gendarmes. L’idée de cette approche de type santé communautaire est de renforcer le lien social entre ces adultes évo-luant dans l’environnement des jeunes et les jeunes eux-même, pour que tous partagent un langage commun sur cette réalité complexe des drogues. Ainsi, l’objectif est que tous ces acteurs élaborent ensemble des programmes de prévention via des animations progressives tout au long de l’année, autour des expérien-ces corporelle, psychique et sociale liées à la consommation de drogues et cela dans le but de mieux en gérer les problèmes tout en inté-grant les aspects positifs.

ACTAL : Cette approche de la prévention par le développement des capacités d’expression et de création est-elle bien acceptée par les institutions ?

Le principal obstacle est la logique santé pu-blique dominante qui flèche de plus en plus les actions sur la transmission de «la bonne in-formation à diffuser indistinctement». Néan-moins, les récentes déclarations sur la préven-tion de Didier Houssin, directeur général de la Santé, nous donnent quelques espoirs sur la

pertinence de notre approche. Et nos interlo-cuteurs locaux de l’Agence régionale de santé et de la Mission interministérielle de lutte con-tre la drogue et la toxicomanie (MILDT) nous soutiennent vraiment sincèrement depuis de nombreuses années.

Reste qu’il n’y a pas de modèle «magique» en prévention : la société a besoin de se rassurer avec un discours normatif et idéologique par rapport à un phénomène extrêmement com-plexe et use souvent d’un discours simpliste. Or, le phénomène de la vulnérabilité, de la souffrance psychique, de la détérioration du lien social ou des conditions de vie qui génère l’addiction est intrinsèque à la condition hu-maine et n’est pas une malédiction à éradi-quer. L’enjeu de la prévention est donc pro-bablement de dire que les psychotropes ont des inconvénients, certes, mais aussi d’en re-connaître lucidement les quelques avantages. Il s’agit bien sûr de tout mettre en œuvre pour limiter ces inconvénients, mais surtout d’ap-prendre collectivement à mieux les gérer pour les vivre le mieux possible.

Or, cela ne relève pas d’une seule prise de conscience éducative individuelle, mais plu-tôt d’un approfondissement de tout ce qui peut faire sens dans notre société. Avoir 20 ans, se sentir inutile et laissé sur le bord du chemin est un facteur de risque d’addiction autrement plus puissant qu’un déficit d’infor-mation sur les dangers des drogues... En cela, la prévention des nombreux risques liés à l’usage de drogues est une question qui tou-che fortement à l’économique, au politique, au contrat social... Une des meilleures mesu-res de prévention de ces dernières décennies fut probablement le dispositif Emploi jeunes. Il constituait de fait un signal fort et concret d’une société d’adultes qui affirmait, qu’en dépit des contraintes économiques, créer de façon volontariste les conditions de l’autono-mie était vital pour la cohésion du lien social et pour une génération délaissée.

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Lorsque notre gouvernement mettra autant d’énergie, de moyens, de cohérence dans des programmes de prévention comme celui du PEC, qu’il n’en met dans la lutte contre le trafic de stupéfiants, alors, nous sommes sûrs que certaines prises de risques seront évitées, ou à tout le moins, généreront moins de pro-blèmes de santé où de détérioration du lien social...

ACTAL : Comment évaluez-vous l’efficacité de vos actions ?

À la fin des séances, nous discutons avec les participants de leurs ressentis, de l’évolution de leurs représentations du phénomène, et constatons qu’il y a en général une réelle évo-lution dans cette perception. Les associations d’aide à l’emploi constatent une hausse conséquente et durable des re-tours à l’emploi ou des inscriptions dans des actions de formation professionnelle après ces ateliers d’expression émotionnelle. L’analyse des actions proposées depuis 2003 avec l’association Saint-Genis Emploi auprès de 119 chômeurs montre des résultats encou-rageants : 32% des participants ont repris un emploi, 12% sont entrés en formation, 24% ont entrepris d’autres démarches... Si tout n’est pas imputable à notre action, nous som-mes certains d’y être en partie pour quelque chose...

http://www.aidesalcool.org/PEC-pres.htm

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«TOO CHEAP, TOO MUCH, TOO OFTEN»

Dominique MEUNIERChargée de mission, ANITeA-F3A, Paris (75)

Le 26 mars dernier, notre délégation ANITeA a fait une escapade en territoire celte, au pays du whisky : l’Écosse. L’Université de Glasgow orga-nisait un colloque intitulé “Drinking their lives away ? Children, young people and alcohol” ras-semblant 157 participants issus des secteurs édu-catif, sanitaire, médico-social ainsi que des repré-sentants de la Police et... des alcooliers. Les interventions proposées présentaient d’une part un état des lieux de la consommation et des effets de l’alcool auprès des Ecossais - dont les jeunes ; et d’autre part, des actions et outils de prévention des risques liés à l’alcool.

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Sterenn BOHELAYÉducatrice spécialisée, Centre RIMBAUD, St Etienne (42)

Clémence SELLINCOURTÉducatrice spécialisée, Centre LOGOS, Nîmes (34)

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Des chiffres inquiétants

Le Dr Harry Burns, médecin du travail en chef de l’état écossais, a rapidement planté le dé-cor... En Ecosse, la consommation d’alcool a aug-menté de 19 % ces trente dernières années ; toutes les catégories socio-économiques sont concernées. Environ 50% des hommes et 30% des femmes boivent chaque semaine, de l’alcool en excès. Cela représente 1,6 million de personnes. Le nombre de décès dont l’alcool est la cause sous-jacente ou directe, a augmenté de 300% entre 1991 et 2004.

Enfin, chaque année, les conséquences liées aux excès d’alcool coûtent 2,5 milliards d’euros au contribuable écossais.

L’alcool chez les jeunes et les très jeunes

D’après les intervenants, il est globalement difficile d’obtenir des données fiables. Le «binge drinking», phénomène bien connu des

anglo-saxons, est considéré comme un problè-me de santé publique.Dans le North West, 84% des jeunes de 15 à 16 ans consomment de l’alcool, 36% d’entre eux pratiquent chaque semaine ce qu’on a re-baptisé en France la «biture express» et 28,7% boivent au moins deux fois par semaine. Une étude réalisée en 2007 s’est attachée à relever les raisons des hospitalisations au sein des services d’urgences écossais, pendant une période de 5 semaines. Sur 127 559 accueils, 15 prises en charge liées à l’alcoolisation con-cernaient des jeunes de 8 à 12 ans, et 654 des jeunes de 13 à 17 ans. Sur l’année, ce sont plus de 6000 jeunes enregistrés pour des problè-mes liés à l’alcool.

Effets : focus sur les grossesses précoces

Absentéisme et «décrochage» scolaire, con-duites en état d’ivresse, violence, rapports sexuels non protégés - risque infectieux et risque de grossesse, intoxication aiguë, con-sommations associées à d’autres substances psycho-actives, blessures accidentelles et non accidentelles, errance, désocialisation intégra-tion d’une «culture de l’alcool»,... Les risques sont multiples. Le Dr Mary Hepburn, gynécologue obstétri-cienne à la Glasgow Royal Infirmary, a proposé une intervention spécifique sur les liens entre le mésusage d’alcool et la sexualité des jeu-nes. Une recherche effectuée auprès de 1000 étudiants d’université, a révélé qu’à cause de l’alcool, 30,7% d’entre eux avaient eu des re-lations sexuelles - vaginales, orales ou anales - non consenties, avant l’âge de 14 ans. On constate que le risque de grossesse précoce est élevé, et en particulier au sein des classes sociales les plus défavorisées.Le Dr Laurence Gruer, directeur en santé publique à la NHS, a ainsi rappelé qu’en cas d’alcoolisations chroniques et excessives de la mère, il existe un risque de syndrome d’al-coolisation fœtale (SAF) dont une minorité de nouveau-nés est victime (en Écosse : 5 cas

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Taux de mortalité par cirrhoses du foie des hommes et des femmes âgés de 45 à 64 ans.

Comparaison Angleterre, Ecosse et autres pays européens pour la période 1950-2006.

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identifiés en 2005). Les symptômes du SAF sont l’hyperactivité, le déficit de l’attention, des anomalies de la motricité, des troubles neuropsychologiques (parole, mémoire, capa-cités logiques). Toutefois, le diagnostic reste difficile à effectuer ; seul le recours aux «té-moignages» directs de la mère peut permet-tre de supposer un SAF, car si le nourrisson pa-raît «normal», les signes peuvent apparaître au fil du temps. Enfin, au- delà du risque lié à la dose d’alcool absorbée, l’association avec le tabac et les autres drogues viennent potentia-liser le risque de SAF.

Pourquoi boivent-ils ?

Pour rappel, en Écosse, les jeunes sont léga-lement autorisés à consommer de l’alcool à partir de 16 ans et à en acheter à partir de 18 ans. Pour comprendre pourquoi les jeunes consomment souvent de l’alcool et de façon excessive, les intervenants ont avancé plu-sieurs facteurs : - le prix de l’alcool a énormément diminué depuis 40 ans, pour devenir «too cheap». Le gouvernement régional a récemment ouvert un débat en proposant d’interdire les ventes d’alcool à prix cassé et en fixant un prix mini-mum par unité d’alcool.

Évolution du prix de l’alcool et de sa consommation entre 1960 et 2000.

- L’alcool est accessible partout, tout le temps. Le lobbying des alcooliers est un élément ma-jeur et les compagnies d’alcools envahissent tous les espaces à l’aide d’un marketing agres-sif et omniprésent : à l’école, dans les espaces sportifs, les rassemblements festifs, les festi-vals de musique, dans les magazines pour jeu-nes, etc. Une distribution de masse rend dif-ficile une application stricte de la législation sur les débits de boissons notamment via les petits commerces.

- L’ennui, l’absence d’activités sportives ou culturelles, de hobby en général sont des rai-sons largement évoquées par les jeunes. Boire devient une activité en soi (« juste quelque chose à faire »), notamment pour les jeunes de 13 à 18 ans (voire de 9 à 18 ans), qui ne sont pas autorisés à rentrer dans les boites de nuit. Par ailleurs, pour certains l’alcool désin-hibe pour aller parler à quelqu’un ou en cas de rendez-vous amoureux ; pour d’autres, il sert à contrer le stress des examens.

- Parmi les facteurs, on trouve également l’en-tourage familial qui initie à une «culture de l’alcool» de façon volontaire ou non, de fa-çon excessive ou non. Les premières expéri-mentations se font souvent en compagnie des parents ou dans les espaces festifs. Différents intervenants ont mis en avant la responsabi-lité des parents consommateurs d’alcool en rappelant que 1,3 million d’enfants étaient concernés par le mésusage d’alcool de leurs parents. Cela est 5 à 10 fois plus important que ceux dont les parents sont usagers de drogues.

L’influence du collectif

La «philosophie» des actions de prévention présentées lors de cette journée, repose sur une distinction très nette entre l’usage, l’abus et la dépendance à l’alcool. L’abus d’alcool renvoie à un comportement quasi systémati-que (au sens de culturel), qui s’acquiert dans

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le milieu sociologique et trouve en lui un sou-tien. La cohésion et l’influence du collectif, au sens large, joue un rôle dans la genèse de ce comportement. Et ainsi, bien qu’ils soient pris en compte, les problèmes personnels comme éléments déclencheurs, ne sont pas considérés comme une causalité majeure. Le professeur Mark Bellis, directeur du Centre de Santé Publique de l’Université John Moo-res à Liverpool, a apporté un éclairage sur les mécanismes qui peuvent faire évoluer le rap-port à l’usage d’alcool. «Rappelant» comment s’effectuait l’initiation des jeunes à l’alcool, il a ré-interrogé le sens même des trajectoires au regard du collectif : une éducation à l’al-cool qui commence à l’école, une progression des consommations en fréquentant des lieux socialisants tels que les bars, l’alcool comme figure symbolique incontournable de la vie nocturne, «consommer avec modération» une notion floue... Fort de ces constats, il préconi-se d’améliorer la sécurité et la surveillance des espaces d’ivresse, de faire évoluer le rôle et les pratiques de la Police, de s’appuyer sur l’édu-cation pour agir sur les comportements, de travailler avec les parents pour qu’ils ne bais-sent pas les bras, de redéfinir collectivement ce qu’est l’abus... Il conclut en rappelant que sans une volonté politique forte, ces pistes de travail ne peuvent être mises en oeuvre.

«Prévenir plutôt que guérir»

Au regard des conséquences alarmantes du mésusage de l’alcool sur la santé des Ecos-sais, les actions de réduction des risques et de prévention représentent un axe indispensa-ble des interventions en santé publique. Les intervenants ont évoqué l’échec de certaines mesures répressives, nécessitant de repenser en amont, l’axe prévention.Les outils présentés lors de cette journée don-nent essentiellement la priorité à l’informa-tion des publics. L’objectif recherché est de «rendre la population consciente de la gravité du problème de l’alcoolisme».

Les outils de prévention sont adaptés aux groupes cibles à hauts risques et opèrent auprès :- de la famille, des parents plus spécifique-ment ; considérant que la communication fai-te à un enfant ou un jeune sur l’alcool, peut infléchir sur son usage ou son abus.- de l’entourage, à savoir : l’école, les amis, le cercle relationnel de l’enfant ou du jeune qui peut avoir une influence favorable ou nocive.- des organismes et des centres thérapeuti-ques et d’accueil pour les alcoolo-dépendants qui proposent aux usagers des actions ou des mesures de réduction des risques.

Des exemples d’actions de prévention auprès des jeunes

L’éducation sert de support à la prévention auprès des enfants et des jeunes. Les pro-grammes, adaptés selon les âges, sont calés sur les cursus scolaires. En utilisant par exem-ple des livres illustrés, les personnels scolaires et les enseignants favorisent l’échange, utili-sent le groupe comme «véhicule» de la parole (via des jeux de rôles par exemple) et déve-loppent l’écoute. Dans ces supports, l’image de l’alcoolique n’est pas celle du marginal, de l’a-social ou du délinquant, mais plutôt celle d’un homme ou d’une femme de l’entourage de l’enfant, dont on prévoit «l’évolution mal-heureuse».

Jane Wilson, formatrice au sein de l’association écossaise de lutte contre l’alcoolisme, Alcool Focus Scotland, a présenté le programme participatif ABC (Attitudes, Beliefs, Culture) composé de trois outils de prévention destinés à la petite enfance (0 à 4 ans), aux enfants de primaire (5 à 11 ans) et aux collégiens / lycéens (12 à 19 ans). Le kit «Oh Lila», destiné aux tout-petits, com-prend un livre et des figurines prédécoupées, rangés dans un sac coloré. Il a pour objectifs d’aider les enfants à : - comprendre qu’ils peuvent compter sur un

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adulte de confiance pour les aider- identifier ce qu’est un «adulte de confian-ce» - parler de la peur qui peut les habiter lors-qu’ils font une bêtise ou qu’ils n’osent pas de-mander de l’aide- dépasser la honte ou la peur d’avoir des en-nuis- montrer aux enfants que demander de l’aide est possible.

Pour les enfants de pri-maire dont les parents sont dépendants de l’alcool, l’association a créé RORY, un chien en peluche, dont l’image est déclinée en livre,

petit carnet, jeu de carte et marionnette. Ces supports mettent en scène le chien RORY qui ne comprend pas le comportement étrange de son maître et qui finit par apprendre que celui-ci a «un problème d’alcoolisme». En pri-vilégiant le dialogue et l’écoute, l’outil RORY aide les enfants à se sentir moins coupables, moins perturbés et à envisager qu’ils ne peu-vent pas changer la situation à la place de leurs parents. RORY a été déployé auprès de 10 écoles pilotes et 11 centres en alcoologie, dans le West Lothian. Les professionnels uti-lisateurs (professeurs, travailleurs sociaux, groupes d’entraide alcool, acteurs travaillant auprès des jeunes) ont été formés à l’outil RORY, qui peut être utilisé d’une multitude de façons. Pour les collégiens de 12-13 ans, le module interactif «Life Wise» aborde les différents types de substances psycho-actives ainsi que leurs effets sur le corps et le psychisme ; il aide les jeunes à développer leur vigilance sur les produits au sein de leur environnement di-rect. Enfin, le module destiné aux jeunes de 13-14 ans, s’attache à évaluer leurs connais-sances sur les drogues et l’alcool, à appréhen-der les effets de la médiatisation des produits,

à comprendre comment le marketing peut influencer leurs attitudes et enfin à renforcer leur liberté de choix.

Michael Mc Kay, chargé de pro-jet, a présenté le School Health and Alcohol Harm Reduction Project (SHAHRP) développé par l’Université de Liverpool, qui a comme objectif la réduction des effets du mésu-sage d’alcool et

l’évolution des comportements à risques chez les jeunes.

En 10 sessions de travail, sont abordées de fa-çon participative : les représentations des jeu-nes sur l’alcool, la notion de choix personnels, le rapport entre la quantité et les effets de l’alcool, les drogues et l’alcool, l’alcool dans les médias, la pression / l’influence des amis lors des sorties... et de construire avec les jeu-nes, des conseils pour gérer leur consomma-tion et leur sécurité. L’évaluation de ce programme qui existe de-puis 6 ans, est encourageante. Les jeunes ont réduit leur consommation, ils ont augmenté leur niveau de connaissance sur l’alcool et ses conséquences, ils prennent moins de risques

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pour eux et ont accru leur vigilance / bien-veillance concernant leurs pairs.

Le «marketing responsable» des alcooliers

En fin de journée, après avoir absorbé les données somme toute préoccupantes de la consommation d’alcool des écossais, et suite à la présentation de différents outils de pré-vention, notre délégation s’est étonnée de voir parmi les intervenants, des représentants de grosses sociétés de production d’alcool. Michael Thompson, responsable de la com-munication chez Portman Group, a présenté le positionnement de son entreprise, dans les messages publicitaires de vente d’alcool. En 1996, cette société a élaboré un «code de bonnes pratiques» afin de garantir auprès du public, une commercialisation et une pro-motion socialement responsables sur tous les supports existants. Le Groupe Portman se po-sitionne ainsi comme un cabinet de conseil en marketing responsable. En résumé : vendre de l’alcool oui mais promouvoir une consomma-tion responsable, ne pas encourager les excès, ne pas diffuser de visuels avec des jeunes de moins de 25 ans, ne pas induire que l’alcool est anti-stress ou vecteur de performances physi-ques ou mentales, etc. Ce code qui n’a pas de valeur juridique, est destiné aux producteurs et distributeurs d’alcool du Royaume-Uni.

Renforcer la transdisciplinarité

Les éléments d’explication apportés lors de cette journée nous ont semblé intéressants mais incomplets. Par exemple, nous avons été toutes trois frappées de voir comme la souffrance et la prise en charge des adultes alcooliques n’avait pas été réellement abor-dée. Nous avons senti qu’une forte culpabilité pesait sur les parents et que seuls les enfants semblaient être accompagnés. Toutefois, la découverte des outils de préven-tion destinés aux plus petits fut de ce point

de vue, très pertinente ; car en France, nous avons encore des difficultés à aborder la ques-tion des conduites à risques auprès du jeune public. Le tabac est évoqué en primaire, puis à partir du collège, ce sont les conduites à ris-ques liées notamment à la consommation de produits psycho- actifs.Mais au-delà du milieu scolaire, qu’en est-il de l’entourage, de l’environnement proche du jeune et de ceux qui font partie de son «système» ? La culpabilisation des parents ne renforce t-elle pas le déni ou le refoulement au sein de la cellule familiale voire vis-à-vis de l’extérieur ? Comment croiser les outils de prévention destinés aux enfants et aux jeu-nes, avec la prise en charge des adultes en difficultés ? Nous avons eu le sentiment que les acteurs travaillaient chacun dans leur spécialité et dans leur secteur, empêchant quelque peu l’élaboration d’un métalangage. En France, nous retrouvons ces difficultés et défendons régulièrement la nécessité d’un travail en commun, qui soit transdisciplinaire. Enfin, en Écosse comme en France, nous cons-tatons que la prévention par les pairs est un appui primordial. Les intervenants ont sou-ligné à plusieurs reprises l’intérêt et la perti-nence de l’approche communautaire. Nous partageons ce positionnement et le soute-nons comme «modèle de transdisciplinarité» à valoriser en prévention mais aussi pour la réduction des risques, et le soin des usagers. C’est une question d’intérêt public et qui né-cessite une volonté politique.

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NÉE DE LA COOPÉRATION DE DEUX RÉSEAUX...

Au 1er janvier 2011, une nouvelle fédération va voir le jour. Elle sera le résultat de la volonté conjointe de l’anitea (Association Nationale des Intervenants en Toxicomanie et Addictologie) et de la F3A (Fédération des Acteurs de l’Alcoologie et de l’Addicto-logie) de fusionner leurs compétences et leurs moyens.Dès 2007, la réforme conduisant à la création des CSAPA (Centres de Soins, d’Accompagnement et de Prévention en Addictologie) a conduit l’Anitea et la F3A à amorcer un rapprochement. L’enjeu était double : renforcer leurs actions et peser dans le débat politique, en faveur d’une conception ouverte des addictions, qui ne se centre ni sur la maladie, ni sur la judiciarisation. La nouvelle fédération se donne pour but de constituer un réseau au service des professionnels, accompagnant les usagers dans une approche médico psycho sociale et transdisciplinaire des addictions. Elle s’attache à bâtir une expertise pour interpeller la société, grâce à sa capacité à mobiliser ses adhérents dans un dialogue permanent entre terrain et théorie, et à son implication dans les travaux menés dans le champ des addictions.

UNE CAPACITÉ A S’ADAPTER AUX ÉVOLUTIONS DE L’HISTOIRE

Depuis la loi du 2 janvier 2002, les CSST (Centres de Soins Spécialisés aux Toxicomanes) et les CCAA (Centres de Cure Ambulatoire en Alcoologie) se transforment progressivement en CSAPA. En tant qu’établissements médico-sociaux, ils sont ainsi clairement reconnus dans leurs missions de soin, de prévention et d’accompagnement vers l’insertion sociale. C’est l’aboutissement d’une évolution qui, depuis les années 1970, a remis en question les frontières entre le sanitaire et le social, et a conduit les institutions à élaborer de nouveaux repères concernant leurs spécificités et leurs modes de coopération. Ce rapprochement s’est concrétisé à partir de l’élaboration des textes règlementaires concernant les CSAPA, qui ont refondu les structures destinées d’une part à soigner les personnes alcooliques (les CCAA), et d’autre part à soigner les personnes toxicoma-nes (les CSST). C’est ainsi que l’addictologie médico-sociale s’est peu à peu renforcée, en rapprochant deux dispositifs historiques complémentaires.De façon comparable, le secteur hospitalier, longtemps centré sur ses activités sanitaires, a élargi la palette de ses services, et la loi de 1998 a clairement affirmé son rôle dans la lutte contre l’exclusion. L’organisation hospitalière de soins en addictologie vient préciser les différents niveaux de prise en charge sanitaire selon la gravite des troubles des personnes.Ce perpétuel mouvement de distinction/coopération entre le secteur hospitalier et le secteur médico-social s’est opéré dans un contexte changeant : modifications réglementaires, évolutions de la société, politiques de réduction des risques, apparition des traitements de substitution, etc. Le regard des acteurs sur leurs pratiques professionnelles les a amenés à rapprocher les dispositifs gérés par les deux réseaux, et à forger des passerelles permettant d’adapter les prises en charge des usagers. La capitalisation des acquis a permis d’ancrer le processus de fusion-création dans une recherche de complémentarité, qui s’est peu à peu transformée en culture commune. La capacité d’adaptation des deux organisations et de leurs acteurs est l’aboutissement de réflexions permanentes et de la prise en compte de la réalité des pratiques, notamment dans la relation avec les usagers, objet d’une remise en question permanente pour trouver les réponses efficaces.

Promouvoir une approche globale des addictionsLes conduites addictives font partie de la vie : elles résultent de la rencontre d’une personne, d’un produit et d’un contexte particulier. La fédération considère, en conséquence, que la société doit élaborer des réponses adaptées, car les phénomènes d’addiction ne peuvent être isolés du contexte social, culturel, politique et économique dans lequel ils s’inscrivent. Elle vise en cela à décloisonner les approches, les pratiques et les structures.Pour faire évoluer les représentations de la société sur les addictions, la nouvelle fédération défend une conception holistique de la question, prenant en compte les dimensions plurielles de l’expérience addictive, s’appuyant sur la richesse de la complexité, et nécessitant la coopération de professions différentes et complémentaires.Plutôt que la lutte contre les produits, elle privilégie la promotion des usagers :o pour leur reconnaissance en tant que citoyens. Elle soutient les usagers dans l’exercice de leur liberté, de leurs choix, et de leur responsabilité face à leur conduite addictive. Elle les respecte dans leurs différentes dimensions, et recherche leur participation à la résolution des difficultés qu’ils rencontrent. Elle adopte une approche globale de la personne et de ses addictions. o pour améliorer leur qualité de vie et leur environnement, en leur proposant une offre globale de soins et d’accompagnement diversifiée, inscrite dans la durée, englobant. de ce fait le soin, mais aussi ce qui le précède et ce qui le suit.

Une nouvelle fédération au 1er janvier 2011EXTRAITS DU PROJET ASSOCIATIF...

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Bâtir une expertise pour interpeller la sociétéL’association fédère des dispositifs et des professionnels du soin, de l’éducation, de la prévention, de l’accompagnement et de la réduction des risques, dans le but de former un pôle national représentatif de l’addictologie. Elle souhaite, à partir des compétences de ses adhérents, contribuer à une analyse vivante et actualisée des pratiques addictives.Elle promeut une dialectique permanente entre la théorie et la pratique, basée sur la recherche d’amélioration des dispositifs et des pratiques.Elle défend la construction d’une expertise collective et dynamique pour faire évoluer les pratiques. Cette expertise, élaborée grâce au partage d’expériences et à la réflexion participative, permet de bâtir le discours en l’étayant sur les réalités de terrain. Elle suscite des débats publics, s’inscrit dans les espaces d’élaboration des politiques publiques, et participera aux débats sur la problématique des addictions.

Reconnaître la place prépondérante des usagersLa fédération vise la promotion de l’usager : elle estime que celui-ci a vocation à être l’ensemblier de tous les services auxquels il doit pouvoir avoir accès, qu’il s’agisse de soins, de traitements ou d’accompagnement, de réduction des risques sur la base d’un libre choix de l’offre qui lui sont destinée.L’intervention des professionnels doit se faire dans le respect de la situation, de l’histoire et du rythme de l’usager, sans jugement, afin d’éviter la stigmatisation et de faciliter l’accès à l’offre de soin et d’accompagnement.Les intervenants veillent à construire avec l’usager une offre graduée, adaptée à ses besoins et attentes, tel qu’il est et là où il en est. Il s’agit de renforcer sa capacité de choisir et d’agir.

Renouveler le regard et les pratiques des professionnelsLa fédération promeut une intervention professionnelle centrée sur :o Une approche préventive des addictions, fondée avant tout sur l’éducation : les professionnels proposent une dynamique d’appropriation des modalités d’action des substances psycho-actives et des risques liés aux pratiques addictives, afin d’éclairer les personnes.o Une exigence d’alliances thérapeutiques inscrites dans la durée : la co-détermination des objectifs et des modalités d’accom-pagnement.o Des pratiques transdisciplinaires, quelle que soit la forme des addictions traitées : la prise en compte des dimensions plurielles de l’expérience addictive justifie la coopération de professions différentes et complémentaires dans la mise en œuvre du projet de la personne.o Le partage des compétences, le travail en partenariat avec les autres acteurs du dispositif « addictions », afin d’offrir aux usagers une palette de réponses adaptées, susceptibles de contribuer à l’amélioration de leur situation.o La responsabilité de chaque intervenant en fonction de son métier : le travail en réseau avec les hôpitaux et les professionnels de santé de ville garantit sur le long terme la continuité et la cohérence d’un accompagnement adapté aux besoins des usagers.o L’évaluation, dès lors qu’il s’agit d’un outil permettant aux professionnels d’améliorer leurs pratiques, et non d’une mesure de la performance participant à une vision normative des interventions.

Privilégier la construction collective des réponsesLa fédération se donne pour fonctions la mobilisation, la coordination, la formation et la représentation de ses adhérents. Elle souhaite promouvoir les réflexions sur la diversité des pratiques et la pluralité des approches. Elle affirme sa volonté politique de représenter l’intérêt collectif de ses membres, conformément aux valeurs qu’elle défend. De ce fait, elle ne gère pas d’établis-sements ni de services destinés aux usagers. Elle travaille en lien avec les autres intervenants, en particulier en particulier les réseaux sociaux et économiques et les autres acteurs de santé, au niveau international, européen et national. Elle participe aux travaux d’autres réseaux afin de co-construire les politiques et les dispositifs qui permettront in fine d’améliorer la qualité des services proposés aux usagers.Elle développe son action nationale d’animation de réseau à travers un fonctionnement démocratique et régionalisé. Elle crée et accompagne des unions régionales destinées à renforcer le lien permanent avec ses adhérents, et à nourrir les allers et retours entre pratique et théorie.

UNE STRATEGIE BASÉE SUR DES MISSIONS RENFORCÉES, AU SERVICE DES ADHÉRENTS

La fédération a pour missions de :• Regrouper les acteurs de l’addictologie pour développer les connaissances et améliorer les pratiques.• Réfléchir aux évolutions et au sens de l’action, en promouvant les avancées issues du terrain, et en contribuant aux recherches théoriques.• Soutenir le réseau dans son organisation, ses projets, et la valorisation de ses actions.• Représenter les adhérents auprès des décideurs, de l’opinion publique et des partenaires.

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SIRET : 41468558600029 – Code APE : 9499Z – N° d’organisme de formation : 11753685975 – Association Loi 1901

Pour toute information, n’hésitez pas à contacter Emma Tarlevé par mail : [email protected] ou sur le site www.alcoologie.org

Date : Signature : (obligatoire)

FORMULAIRE D ’ABONNEMENT À DÉTACHER

* Les informations recueillies font l’objet d’un traitement informatique et sont destinées au secrétariat de l’association. En application de l’article 34 de la loi du 6 janvier 1978, vous bénéficiez d’un droit d’accès et de rectification aux informations qui vous concernent. Si vous souhaitez exercer ce droit et obtenir communication des informations vous concernant, veuillez vous adresser par écrit au secrétariat de la F3A.

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L ’ A G E N D A

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4 et 5 novembre 20102ème colloque international francophone sur le traitement de la

dépendance aux opioïdes

19 et 20 mai 2011 à LYONLes premières journées nationales de l’association issue de la fusion ANITeaA-F3A

28, 29 et 30 septembre 2011 avec la FFALes carrefours de l’Addictologie

14 septembre 2010, 20 Octobre 2010, 17 novembre 2010, 8 décembre 2010, 12 janvier 2011 et 9 février 2011

Atelier Clinique : Le patient et son entourage familial (6 sessions) (Il est possible d’intégrer la formation à la 2ème ou 3ème session,

n’hésitez pas à contacter le siège)

5 et 6 Octobre 2010L’intervention précoce : Concepts, stratégies et pratiques

11, 12 et 13 octobre 2010Phénomène des dépendances, du jeu de hasard et d’argent (gambling) et des jeux vidéo (gaming) : fondements théoriques et pistes d’intervention

21 et 22 octobre 2010Démarche d’évaluation dans les CSAPA et CAARUD

8 novembre 2010Particularités en clinique alcoologique

17,18 et 19 novembre 2010Les addictions au risque de la psychanalyse

30 novembre 2010Les Poly addictions

3 décembre 2010L’Échec Thérapeutique

9 et 10 décembre 2010Quelle prévention des conduites à risques et des addictions chez les publics jeunes ?

13,14 et 15 décembre 2010 Des mères... des femmes en questions au temps des addictions

F O R M AT I O N S

É V É N E M E N T S

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ANITeAAssociation Nationale des

Intervenants en Toxicomanie et Addictologie

9 rue des Bluets75011 Paris

tél : 01 43 43 72 38fax : 01 43 66 28 38

[email protected] www.anitea.fr

F3AFédération des Acteurs de l’Alcoologie et de l’Addictologie

9 rue des Bluets75011 Paris

tél : 01 42 28 65 02fax : 01 46 27 77 51

[email protected]