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BILAN ANNUEL 2016 - Centre de Recherches Sociales et de Formation Economique pour le Développement (CRESFED) - Commission Episcopale Nationale Justice et Paix (CE-JILAP) - Groupe d’Assistance Juridique (GAJ) - Institut Culturel Karl Levêque (ICKL) - Programme pour une Alternative de Justice (PAJ) - Réseau National de Défense des Droits Humains (RNDDH) - Sant Kal Levèk (SKL)

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BILAN ANNUEL 2016

- Centre de Recherches Sociales et de Formation Economique pour le Développement (CRESFED)- Commission Episcopale Nationale Justice et Paix (CE-JILAP)- Groupe d’Assistance Juridique (GAJ)- Institut Culturel Karl Levêque (ICKL)- Programme pour une Alternative de Justice (PAJ)- Réseau National de Défense des Droits Humains (RNDDH)- Sant Kal Levèk (SKL)

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Plateforme des Organisations Haïtiennes des Droits Humains

-

POHDH

Bilan Annuel

2016

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Table des Matières Introduction .................................................................................................................................................. 4

1. Partie A : Analyse de la Conjoncture ................................................................................................... 4

1.1. Les élections législatives, présidentielles et municipales du 25 Octobre 2015 ............................ 4

1.2. Mobilisation pour une vérification indépendante des résultats des élections ............................ 5

1.3. Fin du mandat de Michel MARTELLY et arrivée au pouvoir de Jocelerme PRIVERT ......................... 6

1.4. Grève générale dans les institutions de santé publique du pays ................................................. 7

1.5. Installation d’un nouveau CEP ...................................................................................................... 8

1.6. Le Commission Indépendante d’Evaluation et Vérification Electorale (CIEVE) ............................ 8

1.7. Tribunal Populaire à l’occasion du 100e anniversaire de l’occupation américaine...................... 9

1.8. Mobilisation contre l’augmentation des prix des produits pétroliers, la cherté de la vie et le chômage .................................................................................................................................................. 10

1.9. Passage de l’ouragan Matthew ................................................................................................... 11

1.10. Les élections présidentielles et législatives partielles du 20 novembre 2016 ........................ 11

2. Partie B : La situation des droits humains ......................................................................................... 12

2.1. Droits Civils et Politiques............................................................................................................. 12

2.1.1. Fonctionnement de la Justice ............................................................................................. 12

2.1.2. Les conditions de détention ................................................................................................ 13

2.1.3. Menaces contre la Liberté d‘opinion et d‘expression......................................................... 13

2.1.4. Droit à la vie, droit à la sécurité de la personne ................................................................. 14

2.1.5. La situation des personnes expulsées de la République Dominicaine................................ 14

2.1.6. Droits des minorités (Mouvement des LGBT) ..................................................................... 15

2.2. Droits économiques, sociaux et culturels, et droits collectifs .................................................... 15

2.2.1. Droit à la santé .................................................................................................................... 15

2.2.2. L’épidémie de cholera ......................................................................................................... 16

2.2.3. Droit à l’alimentation .......................................................................................................... 16

2.2.4. Droit à un environnement sain ........................................................................................... 17

2.2.5. Droit à l’éducation .............................................................................................................. 18

3. Partie 3 : Les grands moments de l’année pour la POHDH ............................................................... 19

3.1. Forum sur le droit à l’alimentation dans l’Université de Limonade ........................................... 19

3.2. Déclaration de la POHDH sur la conjoncture .............................................................................. 19

3.3. La POHDH dans la grande mobilisation du Kolektif Jistis Min .................................................... 19

3.4. L’Examen Périodique Universel de l’Etat d’Haïti ........................................................................ 20

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3.5. Mission d’Observation après le passage de l’ouragan Matthew ................................................ 20

3.6. L’Observation des élections du 20 novembre ............................................................................ 21

4. Conclusion .......................................................................................................................................... 21

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Introduction Dans ce présent bilan, la Plateforme des Organisations Haïtiennes des Droits humains se propose de faire un tableau de la situation sociale, politique et économique du pays durant l’année 2016 au regard des droits de la personne humaine. Il comprend quatre parties. La première présente une vue globale sur les événements ayant marqué la période allant d’octobre 2015 à décembre 2016. La deuxième décrit la situation des droits civils et politiques, des droits sociaux, économiques et culturels et certains droits spécifiques. La troisième présente les grands moments de la POHDH pour l’année 2016. Enfin, nous concluons avec certaines préoccupations pour l’année 2017 dans la perspective de l’avancement de la démocratie et du respect des droits humains.

1. Partie A : Analyse de la Conjoncture La période couverte par le présent bilan était caractérisée par une conjoncture particulièrement difficile. L’interaction entre les problèmes structurels du pays et les événements spécifiques qui se sont produits au cours de l’année a donné lieu à une situation de souffrance profonde pour la plus grande partie de la population haïtienne. Si les problèmes structurels du pays, tels que l’inefficacité du système judiciaire et la culture d’impunité, le mauvais fonctionnement des institutions publiques et la faible production économique nationale ont continué à reproduire une inégalité sociale et une pauvreté extrême, des événements spécifiques tels que la longue période de sécheresse suivi par le passage de l’ouragan Matthew et la crise électorale profonde n’ont qu’aggravé davantage les conditions de vie de la population.

1.1. Les élections législatives, présidentielles et municipales du 25 Octobre 2015

Le 13 mars 2015, Président Michel Joseph MARTELLY a convoqué le peuple haïtien en ses comices le dimanche 9 Août pour le premier tour des élections législatives, le dimanche 25 Octobre pour le premier tour de l’élection présidentielle, les élections locales et le second tour des élections législatives, et le 27 Décembre pour un éventuel second tour de l’élection présidentielle. N’ayant pas réussi à organiser aucune élection pendant ses cinq (5) ans au pouvoir, Président Michel MARTELLY a laissé expirer les mandats de presque tous les fonctionnaires élus du pays. Les autorités municipales ont été remplacées par des agents exécutifs intérimaires nommés par le Président en 2012, et le Parlement est devenu dysfonctionnel le 12 janvier 2015 à cause de l’expiration des mandats de l’ensemble des députés à la chambre basse et deux tiers (2/3) du Sénat. En outre, très peu a été fait pendant cette longue période sans élections pour améliorer le processus électoral. Les élections législatives partielles de 9 Août 2015 en étaient la preuve. La banque de donnée de l’Office Nationale d’Identification (ONI), base pour les listes électorales partielles (LEP), n’a jamais été mis à jour. “L’organisation matérielle des bureaux de vote a resté défectueuse, et la compétence et la formation des membres des bureaux de vote étaient insuffisantes”, a signalé la Commission Episcopale Nationale Justice et Paix (CE-JILAP).1

1 Commission Episcopale Nationale Justice et Paix, Rapport d’Observation Electorale 2015. 31 mars 2016. Page 5.

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Malgré les nombreux cas de violence, intimidation et de fraudes enregistrés lors des élections législatives partielles du 9 Août 2015 - qualifié par le Réseau National de Défense de Droits Humains (RNDDH), le Conseil National d’Observation Electorale (CNO) et le Conseil Haïtien des Acteurs Non Etatiques (CONHANE) comme “un accroc aux normes démocratiques”2 - le Conseil Electorale Provisoire (CEP) de Pierre-Louis Opont a fait marche en avant vers le premier tour de l’élection présidentielle, le deuxième tour des élections législatives, et les élections municipales du 25 octobre. Très peu de personnes responsables pour des actes de violence lors du scrutin de 9 Août ont été jugées, ce qui a renforcé davantage la culture d’impunité et l’impression que la violence est une stratégie électorale rentable.

Si les premières appréciations du 25 Octobre étaient plutôt optimistes en raison d’un meilleur déroulement du scrutin dans un climat plutôt calme, peu de temps après la publication des résultats préliminaires par le CEP qui mettaient Jovenel MOÏSE du PHTK en première et Jude CELESTIN du LAPEH en deuxième position3, ont commencé les soupçons et dénonciations de fraudes massives qui auraient caractérisé ces élections4. La distribution par le CEP d’à peu près 900.000 badges vierges pour les mandataires des partis politiques et quelques milliers d’autres pour des organisations d’observation électorale inconnues, a permis à un très grand nombre de mandataires et d’observateurs agissant comme partisans politiques de voter en dehors de la liste électorale partielle (LEP). Selon le rapport de la Commission Episcopale Justice et Paix (CE-JILAP), “il n’y a pas eu de vérification systématique des listes des votants hors de LEP. Ainsi la totalité des votants n’a pas été vérifiée pour être comparée au nombre de votes obtenues. Il n’y a pas eu de contrôle systématique non plus pour voir si une même personne n’avait pas voté à plusieurs reprises”.5

1.2. Mobilisation pour une vérification indépendante des résultats des élections Depuis la publication par le CEP des résultats du scrutin de 25 octobre, des manifestations étaient monnaie courante dans les rues de Port-au-Prince et plusieurs autres villes du pays. Huit (8) candidats à la Présidence ont formé une alliance nommée ‘G-8’ ayant comme principale revendication une vérification indépendante des résultats des élections6. Seulement deux (2) candidats, Maryse NARCISSE (Fanmi Lavalas) et Vilaire Cluny DUROSEAU (MEKSEPA) ont, au-delà des manifestations de la rue, aussi pris recours aux procédures juridiques. A travers une visite au Centre de Tabulation des Votes (CTV) les 21 et 22 novembre 2015, le Bureau du Contentieux Electoral National (BCEN) a vérifié 78 procès-verbaux choisi au hasard et, ayant dû constater que tous les 78 PV avaient “soit des cas d’irrégularités, soit des cas de fraudes”, a ordonné la mise à l’écart de 26 de ces PV et l’annulation des votes du candidat bénéficiant du plus grand nombre de votes des 52 PV restants.7 Si le BCEN a néanmoins recommandé la poursuite du processus électoral, la vérification des 78 PV au CTV a alimenté les soupçons de fraudes

2 RNDDH, CNO, CONHANE, Rapport sur le premier tour des élections législatives partielles. 25 Aout 2015. Page 55. 3 Jovenel Moïse aurait obtenu 32,81% des votes alors que Jude Celestin aurait obtenu 25,27% des votes exprimés. 4 SOFA, CNO, CONHANE, RNDDH. Scrutin du 25 Octobre 2015: une vaste opération de fraude électorale planifiée. 12 novembre 2015. 5 Commission Episcopale Nationale Justice et Paix, Rapport d’Observation Electorale 2015. 31 mars 2016. Page 20. 6 Le G8 était composé des candidats à la Présidence Samuel Madestin, Steven Benoit, Mario Andresol, Jean Henry Céant, Moise Jean Charles, Jude Célestin, Eric Jean Baptiste et Sauveur Pierre Etienne. 7http://lenouvelliste.com/lenouvelliste/article/152856/le-bcen-reconnait-quil-y-a-fraudes-mais-invite-le-cep-a-poursuivre-son-chemin

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massives et renforcé le mouvement en faveur d’une vérification profonde et indépendante. Tandis que la pression de la rue augmentait, la Police Nationale d’Haïti (PNH) devenait de plus en plus brutale dans sa répression contre les manifestants. Dans une note de presse, la POHDH a condamné la façon violente dont la Police a dispersé la manifestation tenue le 18 novembre 2015, à l’occasion du 212iéme anniversaire de la Bataille de Vertière.8

Sous la pression des partis politiques, des organisations de la société civile, et les manifestations quotidiennes, le Président Michel Joseph MARTELLY a créé la Commission d’Evaluation Electorale Indépendante (CEEI) à travers l’arrêté présidentiel du 22 décembre 2015. La CEEI a conclu dans son rapport final, livré le 2 janvier 2016, que les élections de 25 octobre étaient “entachées d’irrégularités” et que “plusieurs candidats ont bénéficié de la part de leurs représentants aux BV de ces irrégularités assimilables à des fraudes”.9 Le CEEI a constaté, entre autre, que le nombre de PV n’ayant pas d’irrégularités graves ne représentait que 8% de la totalité des PV.10 La CEEI a fait un ensemble de recommandations pour améliorer le processus électoral, mais n’a pas suggéré un recomptage des votes. De ce fait, Me Gédéon JEAN, membre de la commission choisi par le Réseau National de Défense de Droits Humains (RNDDH), n’a pas signé le rapport.

Le rapport de la CEEI faisait l’objet de grandes différences d’interprétation entre, d’une part, l’Exécutif, le CEP et la “communauté internationale” qui y voyait une confirmation qu’il s’aggissait d’irrégularités et non pas de fraudes, et, d’autre part, l’opposition politique et une bonne partie de la société civile qui exigeaient une vérification plus approfondie des PV afin d’épurer davantage le processus électoral. La forte pression de la communauté internationale en faveur de la continuation du processus électoral fut l’objet d’une vive dénonciation par la société civile haïtienne. Au cours du mois de Janvier, dans un contexte de protestations croissantes, le Président Michel Joseph MARTELLY a confirmé à plusieurs reprises sa détermination de passer le pouvoir à un président élu le 7 février et d’avancer ‘tèt dwat’ vers le deuxième tour de l’élection présidentielle le 24 janvier sans vérification additionnelle des résultats du premier tour.11Jude Celestin, classé en deuxième position, a refusé de participer au deuxième tour.

1.3. Fin du mandat de Michel MARTELLY et arrivée au pouvoir de Jocelerme PRIVERT Le deuxième tour de l’élection présidentielle, prévu pour le 27 Décembre 2015 et reporté pour le 24 janvier 2016, n’a pas pu avoir lieu. Le 22 Janvier 2016, le Président du CEP, Pierre-Louis OPONT, à travers une communiquée de presse, a informé la population de la décision du CEP de “sursoir aux opérations électorales face à la détérioration de l’environnement sécuritaire et les menaces qui pèsent sur le processus électoral”.12 Peu de temps avant la publication de cette communiqué de presse, quatre (4) des neufs (9) conseillers électoraux composant le CEP avaient démissionné en cascade, parmi lesquels le représentant du secteur de droits humains Me Jaccéus JOSEPH. Le 25 Janvier, le G-8 publiait sa ‘proposition de sortie de crise’ demandant, entre autres, l’installation d’un gouvernement provisoire, la

8http://www.pohdh-ht.org/article.php3?id_article=406 9 Rapport de la Commission d’Evaluation Electorale Indépendante (CEEI), p. 10. 10 Ibidem. Page 9. 11http://lenouvelliste.com/lenouvelliste/article/154655/Martelly-repond-a-Jude-Celestin-elections-tet-dwat-le-24-janvier 12http://www.haitilibre.com/article-16394-haiti-flash-annulation-des-elections-du-24-janvier-maj-18h10.html

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mise en place d’une commission d’enquête électorale indépendante, la formation d’un nouveau CEP et un audit sur la gestion du pouvoir Tèt Kale.13

A quelques heures avant la fin de son mandat, le Président Michel Joseph MARTELLY a signé un accord de sortie de crise avec les présidents de la Chambre des Députés, Cholzer CHANCY et du Sénat, Jocelerme PRIVERT. L’accord de 6 février offrait au Parlement le droit d’élire par l’Assemblée Nationale un Président Provisoire pour combler le vide créé par le départ du Président Michel Joseph MARTELLY le 7 février 2016.14 L’Assemblée Nationale a ensuite élu Jocelerme PRIVERT comme Président Provisoire de la République le 14 février 2016, après une longue délibération. L’accord de 6 février a fait l’objet de beaucoup de débat. Le G-8 l’a qualifié comme un “putsch parlementaire” à cause du fait que la tradition et la Constitution favorisent le choix d’un juge de la Cour de Cassation comme Président Provisoire et parce que le Parlement est lui-même considéré comme “un des géniteurs de la crise politique”.15 En fait, plusieurs acteurs ont souligné que l’accord de 6 février a confié beaucoup de pouvoir à un Parlement constitué, en grande partie, de personnes sorties des élections du 9 Août et 25 Octobre 2015 entachées par des actes de violence, d’intimidation et de fraude. Le Président Provisoire avait comme principal devoir la réalisation des élections dans un délai de 120 jours, une promesse qui s’est avéré difficile à réaliser…

1.4. Grève générale dans les institutions de santé publique du pays Face à la persistance de la crise politique et électorale, le fonctionnement déjà défaillant des institutions publiques du pays s’est aggravé davantage. Le système de santé publique en particulier a souffert d’une quasi-paralysie pendant une grande partie de l’année 2016. Au cours du mois d’avril 2016, l’escalade d’un conflit entre l’administrateur de l’Hôpital de l’Université d’Etat d’Haïti (HUEH) et les médecins résidents a d’abord conduit à une grève générale au niveau de l’HUEH communément appelé l’Hôpital Général et ensuite à un mouvement de grève nationale au niveau de presque l’ensemble des institutions de santé publique du pays.

Si la grève générale a été provoquée par un incident bien spécifique16, elle a mis à lumière l’état lamentable du système de santé publique en Haïti. Comme l’a signalé le Réseau Nationale de Défense de Droits Humains (RNDDH), “bien avant cet incident, l’HUEH était déjà confronté à de nombreuses difficultés pour fonctionner. Chaque jour, des dizaines de malades décédaient pour des raisons aussi stupides que farfelues : faute de médicaments, médicament périmés, faute de gants de protection, faute d’eau courante, faute de sérum, faute de toile de gaze pour pansement, faute d’électricité, etc.”17 Rappelons-nous que l’Hôpital Général est la principale institution de santé publique de Port-au-Prince, une ville d’à peu près un million d’habitants. Les grévistes ont avancé un ensemble de revendications, telles que de meilleures conditions de travail, une augmentation des salaires et rémunérations, un meilleur accès aux matériels de travail adéquats, etc.

13http://lenouvelliste.com/lenouvelliste/article/154807/Proposition-de-sortie-de-crise-du-G-8 14http://ehaitinetwork.com/texte-de-laccord-signe-le-6-fevrier-2016-au-palais-national/ 15http://www.lenational.org/pays-toujours-loeil-de-crise/ 16 L’administrateur de l’HUEH a giflé un médecin résident, incident à lequel l’administration de l’Hôpital Général n’a pas donné suite. 17 RNDDH. Paralysie au niveau des différents centres hospitaliers publics du pays. 13 mai 2016.

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La grève nationale a duré plus de 4 mois et a eu des conséquences désastreuses à la fois pour les personnes hospitalisées qui ont été abandonnées à leur sort et pour les personnes qui sont venues se faire consulter mais qui ont été renvoyées. Tout en reconnaissant les revendications des médecins résidents, de nombreux acteurs ont critiqué le fait que des cellules d’urgence n’ont été installées nulle part au niveau des hôpitaux paralysés par la grève.

1.5. Installation d’un nouveau CEP Une fois arrivé au pouvoir, le Président Jocelerme PRIVERT a procédé à l’installation d’un nouveau Conseil Electoral Provisoire (CEP). Selon les principes établis dans la Constitution de 1987, les différents secteurs de la société civile haïtienne ont été invités à envoyer un représentant à siéger dans le conseil. La composition d’un nouveau CEP s’est avérée particulièrement difficile. Plusieurs secteurs de la société civile, parmi lesquels le secteur des droits humains, ont fait face à une division interne autour de la désignation d’un conseiller électoral et ont été fragilisés davantage par le processus. Finalement, un nouveau CEP composé de neuf (9) membres a été installé par arrêté présidentiel le 30 mars 2016.18

1.6. Le Commission Indépendante d’Evaluation et Vérification Electorale (CIEVE) Le Président Provisoire, Monsieur Jocelerme PRIVERT, a répondu positivement à la demande de l’opposition politique et certains secteurs de la société civile haïtienne pour qu’il y ait une vérification profonde et indépendante des résultats du scrutin du 25 Octobre 2015. Le 28 avril est installé au Palais National la Commission Indépendante d’Evaluation et de Vérification Electorale (CIEVE) composée de 5 membres : Michel Éric GAILLARD, McDonald JEAN, Pierre Wilfrid SANON, François BENOIT et Gédéon JEAN. La commission était chargée de “rétablir la confiance des acteurs politiques dans le processus électoral en établissant la sincérité des résultats des élections de 2015”.19 Dans son rapport final, la CIEVE a conclu – à travers l’étude d’un échantillon de 25% des PV - que le pourcentage de votes irrétraçables – soit à cause d’absence de procès-verbal de carence, soit à cause de numéro CIN incorrecte – était de 40% des votes valides, ce qui représente un nombre de votes plus élevé que le nombre de votes obtenu par le candidate placé en tête de la course électorale20. De ce fait, la commission a qualifié les votes irrétraçables de ‘votes zombies’ et a recommandé l’annulation des résultats et la reprise entière du premier tour de l’élection présidentielle de 201521. La commission a aussi invité le Bureau du Contentieux Electoral National (BCEN) à reconsidérer les cas de 15 députés, jugés mal élus. Le Président Provisoire Jocelerme PRIVERT a remis le rapport final de la CIEVE au CEP, qui a donné suite favorable aux recommandations de la commission par l’annulation des résultats du 25 Octobre 2015.

L’annulation des résultats du 25 Octobre attirait la colère de la ‘communauté internationale’ qui avait de gré ou de force maintenu la position que les élections du 25 Octobre “étaient globalement conformes

18 Les membres de ce CEP sont: Carlos Hercule (Conférence Episcopale d’Haïti), Frinel Joseph (Cultes Réformés), Kenson Polynice (Paysan/Vaudou), Marie-Herolle Michel (Patronal), Josette Jean Dorcély (Syndical), Léopold Berlanger (Presse), Jean Lucien Bernard (Université), Marie Frantz Joachim (Femme), Jean Simon Saint-Hubert (Droits Humains). 19 Arrêté présidentiel de 27 avril 2016 créant la CIEVE. 20 Rapport de la Commission Indépendante d’Evaluation et de Vérification Electorale. Page 16-17. 21Rapport de la Commission Indépendante d’Evaluation et de Vérification Electorale. Page 30.

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aux normes internationales”.22 L’Union Européenne (UE) a mis fin à sa mission d’observation électorale au début du mois de juin 2016 en raison que “les conditions ne sont plus réunies pour la mission de continuer à travailler en Haïti”.23 A peu près un mois après, les Etats-Unis ont, à leur tour, suspendu leur aide financière pour la réalisation des élections en Haïti” en disant que “la décision du Conseil Electoral Provisoire (CEP) de s’aligner sur les conclusions du rapport de la Commission d’Evaluation et de Vérification Electorale (CIEVE) était difficilement compréhensible”.24 Vers la fin du mois de juillet 2016, le Président Provisoire Jocelerme PRIVERT a annoncé que la question de l’argent ne pouvait pas empêcher la tenue des élections et que les élections seraient financées avec les moyens propres de l’Etat. Comme l’a résumé l’Institut Culturel Karl Lévêque (ICKL), “malgré toutes les rebuffades de ladite communauté internationale, le gouvernement provisoire de Jocelerme PRIVERT et d'Enex JEAN-CHARLES a, cette fois-ci, joué le jeu de la souveraineté nationale”.25

1.7. Tribunal Populaire à l’occasion du 100e anniversaire de l’occupation américaine Les mainmises de la communauté internationale dans les élections récentes en Haïti sont un rappel douloureux de la longue histoire de domination, d’ingérence et d’occupation du pays par les grandes puissances. En fait, l’année 2016 marque aussi la 101ème anniversaire du débarquement des militaires étatsuniens en Haïti, commencement de l’Occupation Américaine qui a duré de 1915 jusqu’à 1934 et qui a eu un impact profond sur l’organisation de l’Etat et qui était caractérisée par de graves violations des droits humains du peuple haïtien. L’Occupation Américaine représente la première de trois (3) interventions militaires étrangères dans une période de moins d’un siècle. De 1994 à 2000, Haïti était sous la tutelle d’une mission des Nations Unies après la réinstallation du Président Jean-Bertrand ARISTIDE au pouvoir par 23.000 soldats américains, et de 2004 à nos jours le pays est occupé par la Mission des Nations-Unies pour la Stabilisation d’Haïti (MINUSTAH), qui a, entre autres, introduit le choléra dans le pays en 2010, qui a fait plus de 800,000 victimes et des torts irréparables.26

Dans ce cadre, plusieurs organisations des mouvements sociaux et de et de la société civile haïtienne ont lancé, le 28 juillet 2016 à Port-au-Prince et dans plusieurs autres villes, un “tribunal populaire” en vue de “faire le procès symbolique de 100 ans d’occupation et de domination des Etats-Unis et leurs alliés”.27 En faisant le procès des crimes et injustices qu’Haïti a subis de la part des Etats-Unis et leurs alliés, le Tribunal Populaire vise à conscientiser et mobiliser le peuple haïtien à la désoccupation politique, économique, culturel et idéologique. La POHDH et plusieurs de ses institutions membres sont parties prenantes dans l’initiative. La POHDH a également attribué une attention spéciale à la question de l’occupation et l’influence étrangère en Haïti à travers une édition du Vendredi de la Plateforme tenue le dernier vendredi du mois de Juillet 2016.28

22http://lenouvelliste.com/lenouvelliste/article/159738/LUnion-europeenne-met-fin-a-sa-mission-dobservation-electorale-en-Haiti 23 Ibidem. 24http://lenouvelliste.com/lenouvelliste/article/160771/Les-Etats-Unis-suspendent-leur-aide-a-Haiti-pour-la-realisation-des-elections 25http://www.icklhaiti.org/article.php3?id_article=179 26http://www.lemonde.fr/planete/article/2016/08/19/l-onu-admet-sa-responsabilite-dans-l-epidemie-de-cholera-en-haiti_4985249_3244.html 27http://www.alterpresse.org/spip.php?article20424#.WELTCVwUgSE 28http://www.pohdh-ht.org/article.php3?id_article=399

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1.8. Mobilisation contre l’augmentation des prix des produits pétroliers, la cherté de la vie et le chômage

Pendant toute la période couverte par ce présent bilan, Haïti a assisté à une nette détérioration des conditions de vie de la population à cause de, entre autres, une forte dépréciation de la Gourde Haïtienne vis-à-vis le Dollar Américain, une augmentation rapide des prix des produits de première nécessité, et un taux de chômage très élevé. La longue crise électorale et le caractère transitoire du gouvernement n’ont certainement pas aidé à retirer le pays d’une spirale descendante sur le plan économique.

Entre Décembre 2015 et Décembre 2016, la gourde est passé de 54,89 à 67.75 gourdes pour un dollar américain.29 Etant donné la faible production agricole du pays – due, entre autres, à la longue période de sécheresse qu’ont connue plusieurs départements - et le recours à des importations de plus en plus massives, la dépréciation de la gourde par rapport au dollar américain a un effet direct sur les prix des produits de première nécessité. La cherté de la vie (‘lavi chè’) signifiait une lourde charge pour les familles haïtiennes qui avaient déjà de grandes difficultés à joindre les deux bouts. Beaucoup de familles ont dû prendre recours à des stratégies de survie, telles que la vente de la maison ou la terre, la migration interne ou vers l’étranger (Brésil, Chili, Guyane,…).

Et comme si cela ne suffisait pas, le 20 Août 2016 le Ministère de l’Economie et des Finances et le Ministère du Commerce et de l’Industrie ont conjointement annoncé une augmentation des prix des produits pétroliers, c’est à dire une augmentation de 30 gourdes par litre pour la gazoline et le diesel, et de 25 gourdes pour le kérosène.30 Le Ministre de l’Economie et des Finances, Yves Romain BASTIEN, a motivé la hausse des prix pétroliers par l’augmentation des prix de ces produits sur le marché international et par le fait que les dominicains s’approvisionneraient en Haïti de carburants bon marché.31 Pour faire passer cette politique asociale dans un contexte économique précaire, le gouvernement a annoncé la distribution de bons d’achat d’une valeur de cinq milles (5,000) gourdes pour cent milles (100,000) familles les plus démunies.32 Le Réseau National de Défense de Droits Humains (RNDDH) a qualifié cette mesure comme “une manœuvre déloyale” de la part du gouvernement.33

Grâce à la pression du Parlement et la mobilisation des partis politiques, des syndicats, des étudiants, et plusieurs secteurs de la société civile, le Président Provisoire Jocelerme PRIVERT a été obligé de surseoir “provisoirement” à cette décision à travers une communication à cet effet le 24 Août 2016.34

29http://www.xe.com/currencyconverter/convert/?From=USD&To=HTG 30http://www.haitilibre.com/article-18374-haiti-flash-importante-hausse-des-prix-des-carburants-a-la-pompe.html 31 Ibidem. 32http://rnddh.org/content/uploads/2016/08/9-Augmentation-produits-p%C3%A9troliers-24ao%C3%BBt-2016.pdf 33 RNDDH. Augmentation des prix des produits pétroliers : le RNDDH crie au scandale. Communiqué de presse, 24 Août 2016. 34http://lenouvelliste.com/lenouvelliste/article/162405/Hausse-des-prix-du-carburant-le-gouvernement-se-retracte-provisoirement

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1.9. Passage de l’ouragan Matthew Plus de six (6) ans après le tremblement de terre de 12 Janvier 2010 et quatre (4) ans après le passage de l’ouragan Sandy, Haïti a été frappé de nouveau par un cyclone dévastateur, baptisé ‘Matthew’, du 3 au 4 Octobre et qui a quitté un sentier de destruction dans son sillage. Les départements les plus frappés étaient la Grande Anse, le Sud, les Nippes, l’Ouest, l’Artibonite et le Nord-Ouest. Si la Direction de la Protection Civile (DCP) et des organisations communautaires de base (OCB) dans les départements frappés ont fait de leur mieux pour alerter la population et évacuer des personnes des situations les plus précaires, le pays était mal préparé pour un ouragan d’une telle force. L’extrême vulnérabilité socio-économique et environnementale des zones affectées a donné lieu à des dégâts énormes.

Le bilan du passage de l’ouragan Matthew était très sombre: 546 morts et 128 personnes disparues, 2.1 millions de personnes affectées, 1.4 million de personnes ayant besoin d’aide humanitaire, et 806.000 personnes dans une situation d’insécurité alimentaire extrême.35 L’ouragan a mis à genou le secteur agricole, principale source de nourriture et de revenue qui, par manque d’encadrement de l’Etat et une sécheresse prolongée a déjà souffert d’une baisse de production importante pendant les deux (2) dernières années. Les petits paysans de la région du grand Sud produisent une grande partie de la production nationale de maïs, petit mil, manioc, bananes, …

En ce qui concerne la coordination des interventions d’urgence et la distribution d’aide par l’Etat haïtien, le RNDDH a constaté que “L'Etat central semble ne se cantonner qu'à des discours” et que “la situation étant ce qu'elle est, il est clair que les autorités étatiques sont dépassées par les événements”.36

1.10. Les élections présidentielles et législatives partielles du 20 novembre 2016 Le 20 novembre 2016, Haïti a réalisé, dans un contexte d’urgence après le passage de Matthew et de profonds doutes par rapport à la faisabilité du scrutin, la reprise du premier tour de l’élection présidentielle et les élections législatives partielles pour renouveler un tiers (1/3) du Sénat et compléter la Chambre des Députés. Selon une estimation du CEP, environ 21% de l’électorat haïtien est allé voter.37 La Coalition d’Observation Electorale (COE) – composée de CONHANE, CNO, RNDDH, CARDH38 et POHDH – a qualifié les élections du 20 Novembre comme ‘acceptable’, tout en reconnaissant un ensemble de préoccupations et corrections à porter.39 Selon les résultats préliminaires, communiqués par le CEP le 28 Novembre 2016, le candidat à la Présidence du parti politique PHTK, Jovenel MOÏSE, en est sorti gagnant avec 55,67% des votes, suivi par Jude Célestin de LAPEH (19,52%), Moïse JEAN-CHARLES de Pitit Dessalines (11,04%) et Maryse NARCISSE de Fanmi Lavalas (8,99%). Trois (3) des neuf (9) conseillers électoraux ont abstenu de signer les résultats préliminaires.

35http://reliefweb.int/report/haiti/haiti-hurricane-matthew-situation-report-no-12-17-october-2016 36 RNDDH. Passage de l'Ouragan Matthew sur Haïti : le RNDDH exige le respect de la dignité humaine par le gouvernement haïtien, les Partis Politiques et les agences humanitaires 37http://www.alterpresse.org/spip.php?article20963#.WERqqVwUgSE 38Centre d’Analyse et de Recherche en Droit de l’Homme 39 Coalition d’Observation Electoral. Elections du 20 Novembre 2016:

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Ces résultats préliminaires ont été contestés par plusieurs partis de l’opposition politique. Le traitement des procès-verbaux par le Centre de Tabulation, jugé comme non-conforme aux exigences du Décret Electoral, a fait l’objet principal des contestations.

2. Partie B : La situation des droits humains Après avoir passé en revue la conjoncture sociopolitique du pays, nous décrivons la situation des droits humains pour l’année 2016 selon bien évidemment les principes d’inaliénabilité et d’indissociabilité des droits.

2.1. Droits Civils et Politiques Les Droits Civils et Politiques regroupent entre autres le droit à la vie, la liberté d’expression, la liberté de réunion, d’association et de rassemblement pacifique, le droit de vote,... Ces droits sont reconnus par la Constitution haïtienne de 1987, par la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme et le Pacte International Relatif aux Droits Civils et Politiques (PIDCP). Comment peut-on apprécier la réalité des droits civils et politiques en Haïti au cours de l’année 2016 ? A-t-on enregistré des améliorations ?

2.1.1. Fonctionnement de la Justice Pendant l’année 2016, le fonctionnement de l’appareil judiciaire haïtien était marquée d’une part par plusieurs cas de violations des droits humains par des autorités judiciaires et d’autre part par l’échec ou la réticence à rendre justice aux victimes et garantir une justice impartiale et indépendante.

Dans son analyse du fonctionnement de l’appareil judiciaire, le Réseau National de Défense des Droits Humain (RNDDH) a attiré l’attention sur plusieurs cas de violations des droits humains par des autorités judiciaires, tels que “le cas de bastonnade dans lequel était impliqué le Substitut Commissaire du Gouvernement près le Tribunal de Première Instance de Port-au-Prince, Jeanty SOUVENIR” et “les cas d’agressions et de menaces de mort dans lesquels sont impliqués les Magistrat Raymond JACQUES LOUIS à Miragoane, Guimy THELOT, à Saint-Marc.”40

Nombreux étaient les cas où l’appareil judiciaire n’a pas réussi à rendre justice aux victimes. A titre d’exemple, on pourrait citer le cas relatif à l'assassinat à Cabaret des trois (3) jeunes femmes sourdes muettes considérées comme étant des sorcières.41 Toujours selon le RNDDH, “les autorités étatiques n'accordent pas à la Justice de proximité l'attention qui lui est due. En effet, les Tribunaux de Paix sont, en général, mal logés : bâtiments exigus, bâtiments en construction, bâtiments inachevés, bâtiments délabrés, chambrettes, tous les lieux les plus improbables sont utilisés par les autorités étatiques pour installer les Tribunaux de Paix. Les Juges de Paix ne disposent pas suffisamment de matériel informatique ni de matériel bureautiqus. Ce n'est que dans de rares cas que des véhicules de fonctionnement sont mis à leur disposition. Conséquemment, la Justice de Paix est circonscrite dans les

40 RNDDH. Analyse du fonctionnement de la Justice au regard du Droit aux Garanties Judiciaires. 8 Novembre 2016, Page V. 41 Ibidem.

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grandes villes, les villes éloignées sont abandonnées aux membres des Conseils d’Administration des Sections Communales (CASEC) qui, élus depuis dix (10) ans s'érigent en chefs dans leurs localités. ”42

Par ailleurs, le Conseil Supérieur du Pouvoir Judicaire (CSPJ) n’a pas un pouvoir réel et quasiment absent dans le fonctionnement de la justice, malgré l’importance capitale de cette institution.

2.1.2. Les conditions de détention En ce qui a trait à la lutte contre la détention préventive prolongée, une commission présidentielle a vu le jour en date du 19 juillet 2016. Elle est composée de neuf (9) membres dont le Président et le Trésorier sont issus directement du Cabinet du Ministre de la Justice et de la Sécurité Publique.

Il faut noter que le Commissaire Danton LEGER, dans le cadre de son engagement pour la lutte contre la détention préventive prolongée, a affirmé avoir procédé à la libération de plusieurs centaines de détenus. Cependant, le RNDDH n'a pu retracer le cas que de deux cent soixante-deux (262) détenus libérés.

Par ailleurs, les lieux de détention ne cessent de détériorer avec la croissance de la population carcérale et l’exiguïté de l’espace insalubre ou ils sont retenus. Cette situation constitue en elle-même une violation permanente des droits humains conformément a l’article 9.3 consacre par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Selon le rapport de l’Expert Indépendant sur les droits humains, Gustavo Gallon, le taux moyen de détention est maintenu à 70 % de la population carcérale. “cette situation est particulièrement grave au Centre de Réinsertion pour les Mineurs en Conflit avec la Loi (CERMICOL), avec un taux de 90%, à la prison civile des femmes à Pétion-ville avec 88%, et au Pénitencier National avec un taux de 87%.43 80% des personnes qui sont en gardes a vu ne sont pas emmenées devant leur juge dans les 48 heures qui suivent leur arrestation comme l’exige l’article 26 de la Constitution.

2.1.3. Menaces contre la Liberté d‘opinion et d‘expression

Les derniers mois de Président Michel Joseph MARTELLY au pouvoir étaient marqués par une augmentation d’actes de violence, d’intimidation et d’agression verbale contre la presse. Dans la nuit du lundi 30 novembre au mardi le 1ier Décembre 2015, des individus circulant devant la façade principale de la Radio Kiskeya ont ouvert le feu en utilisant des armes automatiques. Selon le Nouvelliste, “plusieurs douilles et des impacts de balles ont été identifiée, dans la cour et sur la face principale du bâtiment”.44

Dans une intervention dans l’émission “Le point” de la Radio télé Métropole le 21 Janvier 2016, le Président Michel Joseph MARTELLY a accusé la presse de “émettre des mensonges” contre le pouvoir en place. Peu de temps après, nul autre que le Président Michel Joseph MARTELLY, en adoptant son ancien personnage de scène ‘Sweet Micky’, a composé un merengue carnavalesque extrêmement

42 Ibidem. Page 31. 43 Gallon, Gustavo. Rapport de l’Expert indépendant sur la situation des droits de l’homme en Haïti. 12 février 2016. Page 8. 44http://lenouvelliste.com/lenouvelliste/article/153130/Radio-Kiskeya-victime-dune-attaque-armee

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désobligeante à l’envers du journaliste Jean Monard METELLUS et la journaliste et directrice de programme de la Radio Kiskeya Liliane Pierre-Paul. Liliane Pierre-Paul a d’ailleurs rendu publique des accusations et de menaces de persécutions graves qu’elle avait subies du Président Michel MARTELLY à cause de son travail en faveur de la démocratie en Haïti.

Plusieurs organisations de la société civile, parmi lesquelles la POHDH, ont dénoncé cette intolérance sévère envers des opinions critiques du pouvoir et ces attaques sur la liberté de parole et la liberté de la presse, et ont exprimé leur solidarité avec les victimes.

2.1.4. Droit à la vie, droit à la sécurité de la personne Pendant l’année 2016, l’insécurité et la violence ont fait des victimes. En effet, 360 personnes sont mortes par balle dans la région métropolitaine de Port-au-Prince entre janvier et septembre 2016, selon la Commission Episcopale Nationale Justice et Paix (CE-JILAP)45. Il faut aussi souligner que beaucoup de policiers ont été victimes de l’insécurité. Du mois d’octobre 2015 au mois de février 2016 environ quinze (15) policiers ont trouvé la mort dans le cadre de l’insécurité selon un rapport du RNDDH.46 On ne peut pas oublier la grève des policiers en signe de contestation.

Il faut se rappeler également l’attaque que des bandits armés ont faite sur le Commissariat de la ville des Cayes qui a couté la vie à un policier en plein service ainsi que l’évasion de la prison à l’Arcahaie quand 172 détenus pris la clé des champs.47

2.1.5. La situation des personnes expulsées de la République Dominicaine

La majorité des haïtiens sont en transit dans leur propre pays, un refrain qu’on entend souvent ces derniers jours. L’année 2016 a été marquée par des cas d’expulsions macabres, puisqu’une bonne partie de la population cherche à se migrer quelque part ailleurs en quête d’un demain meilleur. Avec la République Dominicaine la situation a été cruciale durant toute l’année. Après l’adoption de l’arrêt 168-13 de la Cour constitutionnelle dominicaine le 23 septembre 2013 déclarant apatride plus de 250 milles dominicains d’origine hattienne48, la question migratoire entre Haïti et la République Dominicaine est totalement dégradée. Chaque jour on assistait à des expulsions illégales ne respectant aucune norme de droits humains. La POHDH a travaillé sur un cas spécifique, à savoir Anse-à-Pitres. En fait, entre juin 2015 et février 2016, environ 144,800 personnes seraient rentrées au pays, dont 21,076 ont été déportées par les autorités dominicaines. Parmi celles-ci, 2203 personnes, (544 ménages) se seraient installées dans six (6) camps de rapatrié-e-s à Anse-à-Pitres, soit Parc Cadeau 1 et 2, Tête à L’eau, Fond Janette, Male Tchipe ainsi que Savanne Galata.49

45 CE-JILAP. Je wè, bouch fèt pou pale. 58-59-60. 46 RNDDH. Vers l’extermination des agents de la Police Nationale d’Haïti. 22 mars 2016. http://rnddh.org/content/uploads/2016/03/1-Extermination-agents-PNH-22mars20161.pdf 47 RNDDH. Rapport d’enquête du RNDDH sur l’évasion du 22 Octobre 2016. http://rnddh.org/rapport-denqu%c3%aate-du-rnddh-sur-l%c3%a9vasion-du-22-octobre-2016/ 48http://lenouvelliste.com/lenouvelliste/article/123915/Larret-TC016813-de-la-Cour-constitutionnelle-dominicaine-La-Justice-au-service-de-la-dominicanite 49Situation des familles dans les camps d’Anse à Pitres au regard des droits humains. Rapport d’investigation des organisations de droits humains. Mars 2016. https://www.amnesty.org/.../AMR3641052016FRENCH.PDF

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Étant donné l’existence de documents faisant état des conditions de vie déplorables des personnes vivant sur ces sites, une délégation d’organisations de droits humains dont la POHDH a jugé pertinent de visiter quatre de ces camps en vue de présenter un rapport d’investigation sur la situation des familles sur ces sites d’Anse-à-Pitres. À l’occasion de cette visite, ces organisations ont constaté que la population des camps a subi et continue quotidiennement à subir des violations importantes de ses droits économiques, sociaux, civils et politiques, démontrant ainsi que les autorités haïtiennes n’ont pas su exercer un leadership suffisant dans l’accueil des rapatrié(e)s au niveau de la frontière avec la République Dominicaine.

C’est presque la même situation à travers toutes les zones frontalières avec la République Dominicaine. Soixante-quatre milles deux cent trois (64,203) personnes ont été accueillies dans les différents points officiels de la frontière haitiano-dominicaine, du 1er janvier au 15 décembre 2016, a indiqué Saint-Pierre Beaubrun, coordonnateur du Groupe d’Appui aux Réfugiés et Rapatriés (GARR).50 A la fin du mois de novembre les autorités dominicaines ont expulsé 28 écoliers, des mineures qui sortaient de l’école. On les a expulsés sans aucun accompagnement, en absence de leurs parents, ce qui constitue une grave violation des droits de l’enfant. Souvent ces opérations se font au cours de la nuit au moment où il n’y a personnes pouvant les accueillir sur la frontière.

Rappelons que l’état haïtien se comporte très mal dans ce dossier. Les initiatives entamées sont infructueuses, le cadre d’accueil ne répond pas aux besoins des personnes refoulées. C’est presque la même situation avec certains pays de la caraïbe et les Etats-Unis d’Amérique qui refoulent incessamment des haïtiens qui rentraient de manière irrégulière sur leur sol.

2.1.6. Droits des minorités (Mouvement des LGBT) Le mouvement des LGBT prend de plus en plus d’ampleur en Haïti. En effet, un grand évènement a marqué l’actualité durant l’année 2016. Il s’agit du Festival Massi-Madi, qui devait être organisé du 3 à l’à la Fondation Connaissance et Liberté (FOCAL) dont l’objectif a été de sensibiliser l’opinion publique sur leurs droits. La POHDH appelle au respect des droits de cette minorité et a condamné toutes les tentatives de violences, d’intolérances et discriminations ayant été exprimées contre les gays qui revendiquaient leur liberté et leurs droits.

2.2. Droits économiques, sociaux et culturels, et droits collectifs

2.2.1. Droit à la santé

Le droit à la santé est un droit fondamental de l’être humain, indispensable à l’exercice des autres droits humains. Selon le Conseil Economique et Social des Nations Unies, “toute personne a le droit de jouir du meilleur état de santé susceptible d’être atteint, lui permettant de vivre dans la dignité”.51 La Constitution de l’Organisation Mondiale de la Santé affirme que “la santé est un état de complet bien-

50 http://www.alterpresse.org/spip.php?article21091#.WHOWX1wUgSE 51 Conseil Economique et Social, 22ième session, 25 avril – 12 mai 2000, Genève. http://www.cetim.ch/legacy/fr/documents/codesc-2000-4-fra.pdf

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être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d'infirmité”.52

En ce qui concerne les ressources financières mises à la disposition des services de santé, moins de 5% du montant total du budget national était alloué au Ministère de la Santé Publique et de la Population (MSPP). Sur les 113 milliards de gourdes du montant total du budget, seulement une enveloppe de 5.2 milliards était disposée au MSPP. Le fonctionnement du Ministère absorbe environ 90% du budget alors que, seulement les 10% restants servent à acheter des médicaments et donner des soins à la population.53

En plus, l’année 2016 a été une année où le système de soins de santé fait face à une grave crise jamais connue en Haïti. Durant la période allant de mars à septembre 2016, les activités ont été complètement paralysées dans tous les hôpitaux publics du pays à cause de la grève des médecins de services et les résidents. À la longueur de journée, des patients perdent leurs vies sous le regard des médecins grévistes. Une femme enceinte est décédée devant les portes de l’Hôpital de l’Université d’Etat d’Haïti (HUEH).

2.2.2. L’épidémie de cholera

Pendant que toutes les infrastructures sanitaires publiques du pays ont été dysfonctionnelles, le cholera continue à faire des victimes dans les familles haïtiennes. Seulement pour la période allant du 9 au 15 octobre 2016, on a enregistré 773 cas de choléra sur tout le pays d’après les chiffres du Ministère de la Santé Publique et de la Population (MSPP).54 Pourtant, selon le représentant de l’OMS en Haïti, Dr Jean-Luc Poncelet, le nombre de cas enregistrés a atteint (800) huit cents seulement pour la période post-Matthew. Le faible accès à de l’eau potable dans les zones affectées par le passage du cyclone a provoqué une remonte des cas du choléra.

Rappelons, depuis l’arrivée de l’épidémie de choléra dans le pays en octobre 2010, plus de 800,000 personnes sont infectées et plus de 9,000 sont mortes. Ce n’est qu’en Août 2016 que le secrétaire général des Nations Unies a reconnu la responsabilité morale de l’ONU dans l’introduction du choléra en Haïti. Et finalement, le premier décembre 2016, Monsieur Ban Ki-Moon a présenté au nom des Nations Unies ses excuses au peuple Haïtien.

2.2.3. Droit à l’alimentation

Le droit à l'alimentation comme étant un droit à part entière est “le droit d'avoir un accès régulier, permanent et libre, soit directement, soit au moyen d'achats monétaires, à une nourriture quantitativement et qualitativement adéquate et suffisante, correspondant aux traditions culturelles du peuple dont est issu le consommateur, et qui assure une vie psychique et physique, individuelle et collective, libre d'angoisse, satisfaisante et digne.”55

52 Constitution de l’Organisation Mondiale de la Santé, Page 1. 53http://lenouvelliste.com/lenouvelliste/article/161110/Seuls-5-des-depenses-publiques-allouees-a-la-sante-en-Haiti-deplore-la-Banque-mondiale 54http://www.lefigaro.fr/flash-actu/2016/10/19/97001-20161019FILWWW00271-haiti-800-cas-de-cholera-apres-matthew-oms.php 55 Définition de M. Jean Ziegler, Rapporteur Spécial des Nations Unies sur le droit à l’alimentation.

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L’année 2016 a été une année où le pays connait une situation extrêmement difficile sur le plan alimentaire. Cette situation a été caractérisée par plusieurs événements qui ont des incidences sur la population haïtienne. Si d’un côté le phénomène El Nino, la grande sécheresse, qui a occasionné la perte des récoltes des agriculteurs dans plusieurs endroits du pays pendant les années 2014 et 2015 a affecté sévèrement la situation alimentaire pendant les trois premiers mois de l’année 2016. Malgré les prévisions climatologiques au début de l’année ont fait montre que la situation allait changer par rapport à la chute progressive du phénomène El Nino et l’augmentation de la pluviométrie pour cette année, cela n’empêche qui des évènements pour la plupart imprévisibles ont aggravé la situation alimentaire déjà précaire notamment :

La maladie (puceron jaune, cochenilles farineuses) qui attaque la production de sorgho (petit mil) dans plusieurs départements géographiques du pays ;

Les catastrophes naturelles (inondations, Cyclones et autres) La dépréciation de la monnaie nationale par rapport au dollar ; L’augmentation des prix des produits alimentaires sur le marché ;

Selon la conclusion d’une évaluation réalisée par le Programme Alimentaire Mondial (PAM), l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) et la Coordination Nationale de la Sécurité Alimentaire en Haïti (CNSA) publiée en février 2016, quelque 3,6 millions d'Haïtiens souffrent d'insécurité alimentaire, dont 1,5 million sont en situation d'insécurité alimentaire sévère56. 75% de la population haïtienne vit avec moins de USD 2 par jour.

Cette situation est devenue beaucoup plus grave compte tenu des dégâts du cyclone Matthew sur le secteur agricole, le nombre de personnes vivant dans l’insécurité alimentaire est augmenté à environ un (1) million. D’après le dernier bulletin de la CNSA, quelque 806,000 personnes ont besoin d’aide alimentaire d’urgence.57

2.2.4. Droit à un environnement sain

Le droit à chaque personne de vivre dans un environnement adéquat est un droit humain. Le droit à un environnement sain reconnaît que l’environnement a un lien direct ou indirect avec la santé humaine. Il est garanti au nom du principe fondamental du respect de la dignité humaine. Cependant, au cours de l’année 2016, le pays fait face à une situation environnementale extrêmement difficile. La situation environnementale a été caractérisée par :

• Le passage des catastrophes naturelles (intempéries, cyclones, inondations, sécheresse,…) ; • L’insalubrité (déchets un peu partout dans les rues, dans les canaux) ; • L’érosion (déplacement des terres arabes dans les hauteurs vers la mer)

Si d’un côté, le pays a été sévèrement frappé par le passage des catastrophes naturelles qui ont couté la vie à plusieurs de nos compatriotes et des dégâts matériels considérables, de l’autre côté c’est l’insalubrité qui a régné dans le pays. Pendant l’année 2016, on pouvait constater une absence totale de

56 http://fr.wfp.org/nouvelles/nouvelles-release/haiti-le-nombre-de-personnes-souffrant-dinsecurite-alimentaire-severe-double-en-6-mois 57 CNSA, Bulletin de situation #2 – Sécurité Alimentaire – Ouragan Matthew. 4/11/2016.

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programmes d’assainissement dans le pays particulièrement dans la zone métropolitaine de Port-au-Prince. Le service de voirie dans les mairies est quasiment inexistant, le SMCRS, institution étatique chargée de ramassage des ordures a été très peu remarquable dans les rues de Port-au-Prince. Dans presque toutes les grandes villes du pays, on pouvait constater des lots géants des immondices dans les rues, certaine fois empêchent la libre circulation. Les autorités gouvernementales n’ont pas défini une politique environnementale viable, ni n’a fait de l’environnement une priorité de l’Etat.

2.2.5. Droit à l’éducation Pour l’année scolaire 2015-2016, le prix de l’écolage a grimpé, les frais scolaires ont été faramineux. Les parents d’élèves comme chaque année ne savent pas à quel saint se vouer. Face à la montée vertigineuse du prix de scolarité, certains parents étaient contraints à garder leurs progénitures à la maison. Par ailleurs, beaucoup d’enfants bénéficiaires du fameux Programme de Scolarisation Universelle, Gratuite et Obligatoire (PSUGO) se sont vus retourner chez eux au milieu de l’année scolaire parce que des responsables d’établissements privés impliqués dans ce programme n’ont pas le financement que l’Etat leur avait promis sous le règne de l’ex Président MARTELLY. Ces directeurs et enseignants n’ont de cesse exigé le paiement de deux années. Ce programme, qui a été mis en œuvre au moyen de taxes collectés illégalement sur les transferts de la diaspora haïtienne et les appels internationaux, s’est révélé un véritable fiasco au niveau de la gestion.

Ajoutons à cela, plusieurs écoliers dans les départements du Sud et de la Grande Anse tardent encore à retrouver leur salle de classe depuis le passage désastreux de l’ouragan Matthieu soit parce que leurs établissements ont été détruits, soit parce qu’ils servent encore d’abris, soit parce que leurs parents ne peuvent plus payer la scolarité à cause du fait qu’ils sont à genou économiquement avec la dévastation de leur plantation.

La POHDH tient à rappeler que l’éducation est un droit humain fondamental qui doit être accessible à toutes les personnes sans aucune discrimination. L’enseignement de base doit être gratuit afin que les enfants issus de milieux défavorisés puissent eux aussi jouir de leur droit à l’éducation selon l’article 32 à 32.9 de la Constitution Haïtienne de 1987. Pourtant les besoins en matière d’éducation, de scolarisation demeurent immenses.

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3. Partie 3 : Les grands moments de l’année pour la POHDH

3.1. Forum sur le droit à l’alimentation dans l’Université de Limonade

Dans le cadre de son plaidoyer en faveur du droit à l’alimentation, la POHDH a organisé un grand forum à l’université Henry Christophe de Limonade du 24 au 25 mai 2016 autour du thème : « Brase lide pou dwa lamanjay vin yon reyalite ». La Plate-forme a réalisé cette activité de concert avec ITECA, IRATAM, SKDK, CE-JILAP, RNDDH, KIRO, GADRU, SJM, PAPDA, Tèt Kole et plus d’une dizaine d’organisations paysannes. Ce forum qui a réuni des acteurs divers, a permis aux participants de réfléchir, d’analyser ensemble la problématique du droit à l’alimentation et faire des propositions aux autorités dans la perspective du respect de ce droit à l’alimentation. A l’issue du forum, une déclaration conjointe intitulée « Déclaration de Limonade » a été publiée au niveau de la presse nationale.

3.2. Déclaration de la POHDH sur la conjoncture

Comme nous l’avons souligné dans l’analyse conjoncture, le pays était dans une impasse politique confuse avec la montée des contestations des résultats préliminaires concernant le premier tour de l’élection présidentielle du 25 octobre 2015. Le deuxième tour prévu pour 27 novembre a dû être reporté pour le 22 janvier 2016. Entre temps, la mobilisation populaire s’est intensifiée et on s’approchait de la fin du mandat constitutionnel de l’ancien présidentiel MARTELLY, soit le 7 février 2016.

La POHDH s’est réunie en assemblée générale extraordinaire en date du 19 janvier 2016 et a analysé avec ses différents membres cette situation sociale, économique et politique difficile à laquelle le pays faisait face. A l’issue de l’assemblée, la POHDH a publié une note dans laquelle elle a défendu le respect des Lois, de la Constitution et des droits humains dans les deux cadres figures que ça soit élection ou transition.

3.3. La POHDH dans la grande mobilisation du Kolektif Jistis Min

Le Kolekfif Jistis Min est un regroupement d’organisations de droits humains, sociales, paysannes et populaires qui se trouvent à travers six des dix départements géographiques du pays à savoir : l’Ouest, Centre, Artibonite, Nord, Nord-est et Nord-ouest. Ces organisations qui sont plus d’une vingtaine dont la Plateforme des organisations Haïtiennes des Droits Humains font un travail de sensibilisation et d’information à travers les communautés ciblées par l’exploitation minière métallique à grande échelle qui pourrait causer d’énormes dégâts sur des éléments vitaux pour la vie et le bien-être de la population haïtienne comme : l’eau, l’agriculture, la santé, l’environnement. 52 permis, dont 3 permis d’exploitation, ont été octroyés aux compagnies minières étrangères et locales en dehors des normes prescrites par les lois haïtiennes régissant en cette matière et ceci dans un contexte politique particulier où les élections n’ont jamais été réalisées pendant plus de 5 ans pour doter le pays de dirigeants légitimes.

Pour faire face à cette réalité, le KJM dont la Plateforme est membre a réalisé plusieurs activités dans les départements. Des activités de sensibilisation et de partage d’information comme : projection de films documentaires, ateliers, conférences débats, forum, conférence de presse. D’un autre coté KJM a reçu plusieurs invitations de la part de certains alliés internationaux pour prendre part à des rencontres stratégiques, des conférences et des formations (Guyane, Guatemala, Etats-Unis, Canada, Suisse).

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Durant l’année 2016 KJM a concrétisé un grand rêve à savoir la réalisation d’une grande conférence internationale pendant 10 jours autour du thème : « Ann Kale je nou pou nou defannn lavi n » avec la participation de près d’une trentaine intervenant(e)s étrangers(ères), de la République Dominicaine, du Pérou, du Canada, des Etats-Unis, Mexique, France, Equateur, République Démocratique du Congo, El Salvador et des intervenants haïtiens. L’objectif de cette activité était de permettre aux communautés ciblées par l’exploitation minière de partager l’expérience des autres pays qui ont déjà connus l’exploitation des mines. Malgré de grandes difficultés l’activité a été une réussite, et la plateforme a participé grandement dans la concrétisation de cette activité.

3.4. L’Examen Périodique Universel de l’Etat d’Haïti

Le 7 novembre 2016, l’Etat d’Haïti a participé pour la deuxième fois dans l’Examen Périodique Universel (EPU) du Conseil des Droits de l’Homme. L’EPU est un processus d’examen par les pairs visant à améliorer la situation des droits humains dans les 193 états membres de l’Organisation des Nations-Unies (ONU). La POHDH a contribué au processus d’évaluation de l’Etat d’Haïti à travers une participation active dans la pré-session tenue le 5 Octobre 2016 à Genève. La POHDH a été représenté par Katia BONTE, responsable de communication du Centre de Recherche et de Formation Economique et Sociale pour le Développement (CRESFED), l’une des institutions membres de la POHDH. Elle était accompagnée par Vilès ALIZAR, directeur de programme du RNDDH, et Jocelyne COLAS, directrice de la CE-JILAP.

Sur la base d’une analyse critique du rapport de l’Etat d’Haïti sur la situation des droits de l’Homme en Haïti58, la POHDH a formulé des recommandations concernant le droit à l’alimentation, le droit à un environnement sain, et le droit à la santé. Lors de la session avec les états membres de l’ONU tenue le 11 novembre, plusieurs pays ont avancé des recommandations sur ces thématiques-là.59

3.5. Mission d’Observation après le passage de l’ouragan Matthew

Huit semaines après le passage désastreux de l’ouragan Mathieu, soit du 3 au 5 novembre 2016, la POHDH a réalisé une visite d’observation dans les départements du Sud et des Nippes particulièrement au niveau de Port salut, Camperrin, la ville des Cayes, Cavaillon, Petite Rivière de Nippes, Arnaud, Anse à Vaux. Des rencontres se sont réalisées avec des leaders communautaires, des visites d’observation dans des abris, des entrevues avec des autorités locales et des membres de la population de ces communes. Un rapport d’observation dans lequel la POHDH a fait constat d’une situation précaire en termes de droits humains fondamentaux des populations affectées, a été publié.

58 https://www.upr-info.org/sites/default/files/document/haiti/session_26_-_octobre_2016/a_hrc_wg.6_26_hti_5_f.pdf 59 Droit à l’alimentation: Mexique, Thaïlande, Pays Bas, Bolivie, Equateur. Droit à un environnement sain: Costa Rica Droit à la santé: Lybie, Suisse, Equateur, Thaïlande, Chypres, Singapore, Serbie, Japon.

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3.6. L’Observation des élections du 20 novembre

Le 20 novembre 2016, les élections présidentielles et législatives partielles se sont tenues sur le territoire national d’Haïti. Il s’agissait de:

- la reprise du premier tour des élections présidentielles de 2015; - les élections pour renouveler un tiers (1/3) du Sénat; - les élections pour élire des représentants au Parlement pour les vingt-sept (27) circonscriptions

qui n’avaient pas bouclé les législatives durant les élections de 2015.

La POHDH avait observé ces élections avec la Coalition d'Observation Electorale composée de six (6) organisations savoir, Solidarite Fanm Ayisyèn (SOFA), Conseil National d'Observation (CNO), Conseil Haïtien des Acteurs Non Étatiques (CONHANE), Réseau National de Défense des Droits Humains (RNDDH), Centre d’Analyse et de Recherche en Droit de l’Homme (CARDH) et Plateforme des Organisations Haïtiennes de Droits Humains (POHDH). Un rapport détaillé relatif à l’observation électorale a été publié et partagé.60

4. Conclusion En somme, la situation des droits humains en Haïti n’a pas vraiment évolué durant l’année 2016. En effet, les conditions socio-économiques de la population ont détérioré, la misère, la vie chère ont augmenté. L’accessibilité aux services sociaux de base comme les soins de santé, l’éducation, l’électricité, l’eau potable, l’alimentation restent un défi pour la grande majorité de la population. L’ouragan Matthew, qui s’est abattu sur le pays les 3 et 4 octobre, a entrainé des conséquences dramatiques sur l’économie en particulier l’agriculture, la pêche, l’élevage.

Au niveau de la justice, aucune action concrète visant à combattre la corruption qui gangrène les institutions étatiques, n'a été réalisée. Pourtant, de nombreux scandales avaient éclaboussé l'Etat au cours de la présidence de Michel Joseph MARTELLY. Ceux qui s’adonnaient à des actes de corruption et gabegies administratives ne se sont pas inquiétés.

Par ailleurs, la réalisation des élections présidentielles et législatives du 20 novembre est un pas important en vue de la stabilité politique, toutefois le faible taux de participation ainsi que l’orientation du prochain gouvernement restent des préoccupations majeures pour l’avenir de la démocratie et les droits humains dans le pays. Les défis sur le plan social, économique et politique pour l’année 2017 sont grands. Le nouveau gouvernement doit absolument mettre en avant l’intérêt collectif afin d’épargner le pays d’une nouvelle crise politique. Les partis politiques et les organisations de la société civile doivent s’engager davantage dans un dialogue avec la population sur les enjeux politiques, économiques et sociaux qui guettent le pays.

60 http://rnddh.org/elections-du-20-novembre-2016-un-scrutin-acceptable-des-pr%c3%a9occupations-des-corrections-%c3%a0-apporter/