BAUDOUIN, D. Sartre Et Le Langage
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7/25/2019 BAUDOUIN, D. Sartre Et Le Langage
1/10
Penn State University Press and Pacific Ancient and Modern Language Association are collaborating with JSTOR todigitize, preserve and extend access to Pacific Coast Philology.
http://www.jstor.org
Sartre et le langageAuthor(s): Dominique BaudouinSource: Pacific Coast Philology, Vol. 7 (Apr., 1972), pp. 11-19Published by: on behalf of thePenn State University Press Pacific Ancient and Modern
Language AssociationStable URL: http://www.jstor.org/stable/1316527Accessed: 24-03-2015 01:50 UTC
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7/25/2019 BAUDOUIN, D. Sartre Et Le Langage
2/10
SARTRE
T LE LANGAGE
BY DOMINIQUE
BAUDOUIN
La
question
e la
litt6rature
ujourd'hui
e
pose
comme
elle
des
rapports
du
langage
vec la
personne
t
avec
le monde.La tache
philosophique
e
son
c6t6,
our
reprendre
ne formule e M.
Foucault,
e
rapproche
'une r6flexion
radicale
ur
e
langage.
A cette
onjonction,
i
actuelle,
a
pensee
de Sartre ut
dbs
ongtemps
ttentive.
1
'agira
de
preciser
ci
les
positions
ue
Sartre
6t6
amene
a
prendre
n face des
structuralismes,
inguistique
t litteraire otam-
ment,
u cours
d'une
assez
ongue uerelle,
ui
aboutit
t
un
approfondissement
nouveau,
n
des textes
mportants,
e son
interrogation
e
toujours
ur
e
lan-
gage itteraire.es recents crits nt-ils oneresolu es
contradictions
ouventrelev6es ans
Qu'est-ce
ue
la
litterature?,
e
1947-48?1
Un d6batde
1964,
Que
peut
a
littirature?,
emblaita
r6duire
ncore
plus
au
seul
probleme
e
son
efficacit6.2
ontre
quoi
protestait
icardou,
porte-
parole
du nouveau oman
t de
la
nouvelle
ritique:
"pour
ces
gens-la,
'essen-
tiel
n'est
pas
hors du
langage;
'essentiel,
'est
le
langage
meme.
Ecrire,
pour
eux,
est non
tellevolont6 e
communiquer
ne
information
realable,
mais e
projet
d'explorer
e
langage
ntendu omme
espace particulier"
p.
52).
Ri-
cardou se
r6ffrait
insi la fameusedistinctiontablie
par
Roland
Barthes
entre
Ecrivains
t
6crivants,"3
r6f6rant
eme
pour
ces
derniers
e
terme
d'"informateurs":On voitdoneque ce que je propose e nommeritterature,
Sartre
'appelle
poesie
-
et ce
que
j'appelle
domaine
des 9crivains
u
informa-
tion,
l le
nomme itterature"
p.
54).
Pour
Barthes,
aut-il
e
rappeler,
la
litt6rature
'est
bien
qu'un
angage,
'est-A-dire
n
systime
e
signes:
son etre
n'est
pas
dans
son
message,
mais
dans ce
'systeme',"4
artre,
ien
sir,
denonga
ce
retournement
u
langage
sur lui-meme,
elon
lequel
l'oeuvre
devient a
propre
in,
a
propre
egon,
'y
voyant u'ali6nation
e
l'homme
son
produit,
creation
'un univers
los
du
langage,
ermi
u
monde omme u lecteur.
La
querelle
'envenima
n
1965-1966.
artre,
ans un
congr6s
ur
'avant-
garde
Rome,5
eprocha
ux
"gens
de
Tel
Quel"
leur
byzantinisme.
'un
ton
de superiorit6ondescendante,ean-Pierreaye, dans deux articles e cette
revue,6
ccusa
Sartrede
confondre
es
registres
e
la
philosophie
t de
la
linguistique,
t
de
refuser
oute
precision
cientifique
n bousculant
es
plus
6lementaires
istinctionsaussuriennes:
e
que
Sartre,
n
effet,
enait
d'oser
dans un
important
ntretien
ur
"L'Ecrivain
t
sa
langue",
ubli6
par
la
Revue
d'esthdtique.7
t
Faye
denongait
ans
l'6criture
emede
Sartre
ne
"redout-
able inflation
es
mots"
(p.
78)
-
par
exemple
celui de
totalit6,
'origine
fasciste
faute
de
comprendre
uffisammenteur
naturede
"trace absent"
(p.
11-12,
.
78),
pourtant
ntrevue
adis par
l'auteur
e
L'Imaginaire
1940).
Un
num6ro
p6cial
de
L'Arc devait
bient6t
rendre
a
defense
e
Sartre,
ui,
dansun entretien
vec
B.
Pingaud, tigmatisaita
"d6mission"
es
gens
de Tel
Quel
et leur
n6o-positivisme
itt6raire: ce
qu'ils
contestent,
'est le
langage
en
tant
qu'instrument
e
communication
t
d'expression"
p.
96).8
11
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12
DOMINIQUE
BAUDOUIN
Mais
un
aspect
nterieur
e cette
uerelle
ntre artre
t les
structuralistes
menait
lus
profond6ment
u coeur
du
probleme:
l
s'agit
du
d6bat
ouvert
entre
'auteur
de la
Critique
de
la
raison
dialectique
(1960)
et celui
de
La
Pensde
auvage
1962).
La
pens6e
xistentialiste
retend
tre
I'anthropologie
elle-meme,n tant u'ellecherche se donner n fondement"Critique ..,
p.
104).
Fondement
ui
serait
'interrelation
ialectique
e
l'homme
t
des
choses,
ui
e
langage oue
son
r81e
e relai.Sartre
ouligne
e
caractere
limit6
d'une
nthropologieositivistencapable
e saisir
'homme
otal omme
objet-
sujet".9
L'anthropologie
st
une
science
destructrice
e
l'homme
dans
la
mesure
h
pr6cis6ment
lle e traite
arfaitement,
e mieux n
mieux,
ans
la
supposition
ue
c'est un
objet
scientifique."10
6vi-Strauss,
ui,
montre
ue
Sartre
ne veut rien entendre la
pens6e
auvage,
t
critique onguement
a
raison
dialectique
t le
primat
e la notion 'histoire.
ref,
des deux
raisons,
dialectique
t
analytique,
hacune
pr&tend
nglober
'autre
a
titre
de cas
particulier
u de
discipline
uxiliaire.11r ce differend
deologique
boutit
une
interrogation
ur a nature u langage ui 6claire oute
'opposition
e la
praxis
t
de
la
structure,
ont
elle
apparait 'exemple
e
plus
manifeste. our
le savant
es
regles
e
la
linguistique,
omme
elles des
soci6tes
xotiques
u
de la
psychanalyse,
eposent
ur e
jeu
combin6 e
m6canismes
iologiques
t
psychologiques
ui
6chappent
l'histoire
umaine.
Totalisation on
r6flexive,
la
langue
st
une raisonhumaine
ui
a ses
raisons,
t
que
l'homme
e
connait
pas."
Ses
structures
one
pr6cedent
u
d6passent
a
praxis.
Ou,
plus
exacte-
ment,
Levi-Strauss d6cele une sorte
de
"tel6ologie
nconsciente,"
ui
lui
parait
6chapper
ussibien
a
la
systimatisation
tructurale
u'at
a
dialectique
sartrienne:
"Car la
langue
ne
reside,
ni dans la raison
analytique
es anciens
gram-
mairiens,
i
dans a
dialectique
onstituee e
la
linguistique
tructurale,
i
dans
a
dialectique
onstituante
e la
praxis
ndividuelleffronteeu
pratico-
inerte,
uisque
outes es trois
a
supposent."12
Quelle
est
done la
position
e Sartre
n
face
du
structuralisme?
partir
de
l'anthropologie,
lle
s'oriente
ientit
ussi
vers a
linguistique,
n
passant
par
la
psychanalyse.
es
structuresu
langage
se
justifient
ortbien a
un
certain iveau
omme
moment e
son
"pratico-inerte,"
ais "ce
moment
oit
etre
consid6r6
omme
provisoire,
omme un
scheme
abstrait,
ne
stase."'3
L'homme artrienstvouw u d6passementes structures,ar son perp6tuel
effort
ersune
totalit6
ignifiante.
Je ne
comprends
onc
pas qu'on
s'arr&te
aux
structures,
'est
pour
moi un scandale
ogique."14
r&tendre
aire
du
modele
inguistique
n
module
d'intelligibilit6
our
tous les
ph6nomenes
u-
mains
erait
mposer
l'homme
ne
synthese
ausse t
inerte.
a
linguistique
elle-meme
'est
ntelligibleue
si
elle
renvoie la
praxis
du
sujet
parlant.
Le
langage
e
saurait
'entendre
omme
e
qui
se
parle
a
travers
e
sujet;
auf,
on le
verra,
ans e cas
anormal
u
jeune
Flaubert
ui
ne
parle
pas,
qui
est
parld.'
Ne
se
perd
dans
e
langage
ue
celui
qui
veut
bien
se
]aisser
ngluer
dans sa masse ou
ses
structures.a
subjectivit6
artrienne
xiste,
ourrait-on
dire,
non
seulement
ar
la
conscience,
mais
encore
grace
au
langage.
Sous son
aspect
ollectif,
a structure
eut s'imposer
l'individu:
dans
la
mesure
ui
elle
est faite
par
d'autres.
a
aussi
e
langage
n'existe
u'en
acte,
car
a
aussi e
systeme
st
mort i
quelqu'un
ne le
reprend
as
a son
compte.
Une discussion
err6e
vec
Sartre
'est
pourtant
6velopp6e
ans a New
Left
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DOMINIQUE
BAUDOUIN
immediatet
non
consciente
e soi.
La litterature
ommence
d6chiffrer
n
sens du
monde
que
la
philosophie
eule sait
expliciter
otalement.
lle
reste
done
subordonnee a
philosophie
t
par
1a
au sens sartrien
e
l'histoire.
Il n'y aurait1a de nouveau,si ces entretiense semblaientpporter
plus que
des
nuances,
n
veritable
ssouplissement
u
statut e
la
litt6rature
engagee.
'6critureitt6raire
st
en
effet on
pas
contradiction,
ais tension
entre
es
deux
types
e
rapport
u
langage:
celui de communicationt
celui
de
recr6ation
entendre
ussi bien re-cr6ation
ue
re-creation:
eu
sur
e
lan-
gage).
Car
Sartrene
rappelle
ci la
contradiction
ntre
crivain t
6crivant
que
pour
mieux
a
resoudre,
n
expliquant
onguement
a
sp6cificit6
e
la
communicationitt6raire.'6criture
st
A
double
face:
outre eur
ien
avec
le
signifi6
eel,
es mots
ont
un
rapport
nevitable
A
l'histoire,
ant
celle
du
langage ue
celle du
signifiantui
les
emploie.
e vrai
6crivain-6crivant,
s-
sumant
es
deux
dimensions,
evrait airede
leur contradictiona matiere
memede son travail.20
Ouvrant
insi
e
champ
es
"surd6terminations
itteraires",
artre
procede
meme
A
une
r6cup6ration
e
la
po6sie.
Car
celle-ci,
orte
de
communication
inverse,
arcissismee l'auteur
rovoquant
elui du
lecteur,
epr6sente
6an-
moins
e
moment
ndispensable
e
l'interiorit6,
a
reconquete
'une
solitude
A
laquelle
on
doit
parfois
evenir. a
po6sie
utilise es mots non
pour
eux-
memes,
mais
en tant
que
l'inarticulable
e
joue
dans leur
r6alit6
m
me."
Chose
admissible,
ans
doute,
arce
que
"le salut
de
la
po6sie,
'est
qu'il y
a
de
la
prose
A
cot6."21
La prose itteraire,lle,trouve n 6quilibrentrea significationt le sens:
le "sens" ci
designe xpress6ment
e
style.
Or
le
sens,
"lieu
de
l'universel
singulier"
u
concret,
c'est
v6ritablemente lieu
oi
peut
e
constituer
e
plus
profond
e
la communicationitt6raire"
p.
316).
Le
travail
e
l'6crivain
vec
les surd6terminations
istoriques
u les resonances
ubjectives
ise
en effet
A
produire
n
sens
transmissible,
ont
e
d6voilement
emene
s'opere
ue
dans
la
mesure
ui
l
est
destin6
A l'Autre.
Maniere
captieuse
de
designer,
hoix
d'un certain
ype
de mots
ui,
"par
a manibre
ont ls
s'allument
6ciproque-
ment",
onnerontu
lecteur
a
table absente
non
pas
comme
un
signe
eule-
ment,
mais
comme une
table
suscitee"
p.
310).
Ainsi
le
langage
devient
moyende communicationotalenon pas malgr6es difficult6snh6rentes
son
6paisseur
ratico-inerte
u
A
son relativisme
ocio-psychologique,
ais
pr6cisement
cause
d'elles. Et le
style
emblerait
resque
acceder
par
la
a
la
dignit6
e
praxis
artrienne.
Sartre
ffirme
n
meme
temps
un
vigoureux
ptimisme
u
langage, ui
correspond
ur le
plan
litt6raire
l'affirmation
hilosophique
e
la
praxis
contre
a
structure.
Rien
n'est
nexprimable
la
condition
'inventer
l'ex-
pression."
our une
intelligence
ialectique,
a
parole
'est
'invention
eme.22
Pareil
optimisme
ientde
loin:
du
temps
i
-
1944
-
Sartre
reprochait
Brice
Parain,
auteur de
Recherches sur la nature et la
fonction
du
langage,
sonpessimismeinguistique.ar Parainm6fiantt
r6sign6,
e savaitvoirque
l'inexactitude,
'impuissance
t
la
prison
du
langage,
A il
finissait
ar
s'en-
fermer
nouveau.
artre
d6nongait
6jA
un
chosisme
u
langage:
es
mots
sont-ils os
maitres
u non?
Ni
Dieu,
ni
la
soci6t6
ne
suffisent,
omme e
croit
Parain,
A
soutenir
e mot. Le
langage
n'existe
ue par
cette
ynthise,
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6/10
SARTRE T LE LANGAGE
15
oil
se
rejoignent
t se
distinguent
la
fois
l'identification
ersonnelle
t
le
processus
niversalisant,
ui
est
l'experience
meme
du "Je"
parlant
t
com-
muniquant;
ar
"le
langage
n'est
rien
que
l'existence
n
presence
d'autrui,"
et du monde.23
a
meme
ann6e,
Sartre
adressait
n
reproche
nalogue
FrancisPonge, 'homme u Partiprisdes choses,dont 'effort e d6capage
linguistique
vait
pour
r6sultat
e
d6grader
'humain,
e
r6duire
'observateur
a
l'6tat
d'huitre,
u de
le
min6raliser
n
galet.
Car
d6ja
Ponge
"hant6
par
la
mat6rialit6
u
mot"
est
accus6,
omme
e
sera
Flaubert,
e
vouloir
p6trifier"
l'homme
ar
son
style.
Voila
done
qu'en
1965,
ramenant
es
questions
inguistiques
u
probl6me
litt6raire,
artre
parait
vouloir ssumer
lus
positivement
ue
jamais l'6pais-
seur du
style
baptis6
ens.
S'appr&tait-ila
econnaitre
a
specificit6
e
la
lit-
t6rature,
u
a
nous donner
ette
psychanalyse
xistentielle
u
style
que
lui
demandait
n
Manuel
de
Dieguez?24
ien au contraire
oute
l'6tude
du
cas
Flaubert, ans cet 6norme ivrede 2140 pages qu'estL'Idiot de la famille,
paru
en
mars
1971,
s'avyre a
r6affirmation
assionn6e
es
plus
constants
partis ris
sartriens.
Car
Flaubert,
'est
avant
out
pour
Sartre
n cas d'anomalie
inguistique.25
Il
nous
d6couvre n
Gustave,
u
faitde
son
conditionnement
amilial,
n
petit
gargon
assif,
ncapable
de
l'apprentissage
orrect
es
mots,
mal viss6
dans
l'univers
u
discours."
l
se
r6fugie
ans l'h6b6tude
u
l'inarticul6t
tombe
devant e
langage
n
6tat
d'estrangement."
I
voit es mots
du
dehors,
omme
des
choses,
dans
eur mat6rialit6
paque:
disposition
'esprit
ui
sera a
l'ori-
gine
du
Dictionnaire
es
idees
regues.
ourtant ne
sensibilit6
uasi-animale
l'agite: "Ce que j'ai de meilleur, ira-t-il,'est la Po6sie,c'estla b&te."En-
tendons
uelque
chose
de
v6cu
sans commune
mesure vec le
langage.
Alors
comment
xpliquer
e
"scandale":
l'idiot
de
la
famille
devenant
6nie
it-
t6raire?
'est
justement
on
rapport
icieux vec les
mots
qui
le
jette
dans
l'aventure
e
sa
vie.
"A neuf
ns,
Gustave
d6cid6d'6crire
arce
qu'a
sept,
il
ne
savait
pas
lire."Sartre
ne
cesse
done
de
d6monter
t de
remonter,
ans
leurs
plus
lointaines
omplexit6s sychanalytiques
t
sociologiques,
es
con-
duites e
ressentimentt
d'orgueil ui
feront
e
ce
petit
argon
muet,
tranger
au
langage,
un
6crivain.
'abord
le
porte
qui
va
se
tourmenteres
ann6es
pour
accorder
l'indisable"
e
ses
aspirations
t
les insuffisancesu
langage,
en attendante devenir'Artiste,eluiqui niera es propres onditionnements
pour
se
vouer
a
la
pure
ambition
u
travail
ormel.
Or
'a
chaque
tournant
e
sa
dialectique
rogressive-regressive,
ffleure
a
meme
opposition
e
Sartre ux
formalismes
u
langage.
D~s
le
premier
mot
qu'il
ne
dit
pas
-
"Gustave
ne
parle
pas,
il
est
parl6"
le
voici
pr6destin6
devenir
e
Flaubert
ans
lequel
le nouveauroman
ne serait
pas
ce
qu'il
est.
Le
Flaubert
ui,
selon G.
Genette,
pres
J.
Rousset,
form6
e
projet
de
"ne
rien
dire,"
ce
refusde
l'expression
ui
inaugure
'experience
itt6raire
moderne.26
lus
encore
que
le
proces
d'un Flaubert
ourgeois,
artre
nstruit
ici
le
proces
de
1'Artiste
ui
traite
e r6el
pour
e mettre
u
service
e
l'imagi-
naire: des qu'on entredans le langage"pourle cultiver t non plus pour
s'en
servir,
n
n'en
sort
plus
amais;"
la
litterature
ommence vec
la
decision
de voler
e
langage,
e
le detourner e ses fins
t,
sans
abandonner
es
signi-
fications
irectes,
'en
faire es
moyens
e
pr6sentifier
'inarticulable."27
ub-
ordonnantn effet
a
signification
u
"sens,"
ne retenant es
signes
ue
leur
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7/10
16
DOMINIQUE
AUDOUIN
part
ou leurs
tructures
on-signifiantes,
eur
somptueuse
materialit6,
laubert
s'empare
du
monde
pour
objectiver
a
vision nihiliste
n
une totalisation
imaginaire.
on
style
r6vele
e
langage
ans les
hommes,
e
langage
comme
etre,
t non
comme
'expression
'un etre. Le
style,
manifestant
e
langage
dans sa profondeuron-signifiante,e travaillantn fonction e l'indisable,
n'aboutit
u'a
son
irrialisation
t
faitentrevoir travers
ui une unit6
otali-
taire
de
l'Etre
dont
e
sens secret st
e
n6ant.
Cette
otalisation
6gative
'est
que
l'autre
nom de
la
beaut6
t de
l'art.
L'Art:
"c'est
un mot
pour
designer
le
choix
de
l'irrealite."
a
beaut6
itt6raire
e
fait,
avec
Flaubert,
ontre-
creation,
ppel
de
la
mort,
nvite u
n6ant
A
a
lettre,
ourrait-on
ire)."2
De
meme out
rphisme
itt6raire,
oute
creation
'univers
ar
un
6crivain
est
un univers
aux.
Sartre
bserve
ci
1'6volution
g6nerale
e
la
fonction
u
langage
des
classiques
ux
romantiques,
usqu'a
Mallarm6
t
aux
surr6alistes.
Le
passage
de
la
fonction
nformative
la
fonction
e
participation
o6tique
va de pairavec l'affirmatione l'individualisme.audelaire,moins onsciem-
ment,
t
Flaubert,
lusresponsable,
voient ne nvite
faire
de
la
litterature
"une
antiphysis
u
langage".
Mais
c'est
a
partir
e Flaubert
u'apparait
a
tendance
vider
'oeuvrede
la
subjectivit6
articuliere
e son auteur.
Toute
la
litt6rature
oderne
ccuse
cette
istance
ntre
es
signifi6s
eels t
le
langage
immanent
u
"sens"
qui
se
pretend
a
v6rit6 u
Verbe.
Le
but
du travail
litt6raire
st e
Livre,
6sultat
'une
autodestruction
ystimatique
e
1'existence
au
profit
e
l'Etre."
Ainsi
'B
travers
e
module
de
Flaubert,
artre,
vec
une
passion
d6monstrative
lus
torrentielle
ue
jamais,
d6nonce
tous
ceux
qui,
asservis
u
nihilisme
e
l'art,
fontdu
langage
de
l'imaginaire
'instrument
d'uned6realisatione la paroleet du reel.29
La
question
u
langage
ci est
comme
a
"mise en
abyme"
d'une
totalit6
philosophique.
e
long
d6bat
n'a
fait
qu'accuser
es
divergences
ntre
a
sub-
jectivit6
artrienne
t les
formalismes
tructuralistes.
l
semble
ue
Sartre
pres
avoir
rouv6 es
formules
onciliantes
u
coursdes
entretiens,
e raidisse
inale-
ment
ur
des
positions
e
refus
u de
m6pris.
ux
formules
balanc6es
u
No
de
L'Arc
sur
l'ambiguit6
e
la
litterature,
uccede,
dans
l'6tude
ur
Flaubert,
un
v6ritable
6quisitoire
ontre
'esprit
e la
litterature
oderne.
out
cela
invite
relever
es
paradoxes
e
la
position
artrienne.
Sartre emesurea sp6cificit6e la litteratureue pour a mieux6carter.
I1
y
a
paradoxe
condamner
es efforts
'une
itterature
la recherche
'elle-
meme,
out
n
s'appliquant
d6finir
on caractere
omme
ialectique
u
signe
et
du
sens,
u
d6passement
es
significations
ar
le
style.
artre
aitvertu
u
philosophe
e
parvenir
6noncer
'inexprime;
ais
l fait
reproche
u
styliste
de
vouloir
xprimer
'indisable.
ui-meme
manifeste
n sensraffine
es
valeurs
du
langage.
I
en
offre
e
merveilleux
xemples
'appr6ciation
tylistique:
el
regret
e
Rousseau
("J'6tais
ci
'6tais,
'allais
oii
j'allais,
amais
plus
loin");
tel
vers
de
Mallarme;
u
l'extraordinaire
6tail
es resonances
u nom
d'Am-
boise,
'Amboise-framboise,
rais
ruits
it
eminin."0
Mais ce paradoxe,l 6tait e6ja ansLa Nausde, ui essayait e d6pouiller
1'existence
ue
des
signes
humains
urajout6s,
our
finalement
ecourir
l'in-
certain
alut
de
la
musique;
u de
l'6criture,
omme
'avouera
on auteur
.
a
findes
Mots.
L'auteur
des Mots
avait
un
compte
r6gler
vec eux
depuis
son
enfance:
ce
qui
ne
l'empSchait
as
d'en
exploiter
'h6ritage.
ans
le
cas
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7/25/2019 BAUDOUIN, D. Sartre Et Le Langage
8/10
SARTRE
T LE
LANGAGE 17
de
Flaubert,
e lien
intime e
la
question
du
style
vec
une
vision
nihiliste
permet
rop
facilemente condamner'un
par
l'autre.
Mais
Sartre
ne
congoit
pas
que
la
litt6rature
uisse
gtre a
contrepartieositive
'une
conduite
'6chec
m6taphysique
u
social.
Sauf...
dans e cas de
Genet,
ih
l
admirait
e
vol
du langage, etted6r6alisationu style, arce que les belles-lettresouvaient
alors
gtre
consid6reesommeun
assassinat."
Quant
u
nouveau
oman,
artre
ient-il
raiment
ompte
e ses
ambitions?
Je
veux
dire
de cette
possibilit6
'exploration
es
nouveaux
isages
du
monde
par
le
jeu
memedes
formes
itteraires:
ue
ce
rapport
oit
plus
distant
vec
le
regard
moYiseen
e
R.
Barthes
ou
qu'il
soit
plus profond
'apres
a
philoso-
phie
heideggerienne
'un
lien
essentiel e
l'&tre
u
langage
ou
que
ce
rap-
port
oit
plus
efficace vec M. Butor
pour
qui
l'invention
ormelle
oue
ce
"triple
61e,
ar
rapport
la
conscience
ue
nous
avonsdu
reel,
d'exploration,
de
d6nonciation
t
d'adaptation."
r ce caractere
xploratoire
u
formalisme,
Sartre 'a condamn6 es 1964,disant u texte e Butor:"En v6rit6,'estune
plaisanterie.
.
"31
Du
fait
qu'il
a 6cart6
e
signifie
inguistique
utonome,
t
maintiente
langage
au
rang
d'instrument
ratico-inerte,
artre
doit
centrer
toute
prospective
ur e Pour-soi
humain.
Autre
paradoxe:
refusere
savoir
objectif
e
la
science
out
en
r6duisant
la
litt6rature
a
personnalit6
e
l'artiste
t
celle-ci
A
un
savoir.Autre
avoir,
certes,
ui
s'ing6nie
A
embrasser
'objectif
t
le
subjectif
n leur
r6ciprocit6.
Mais alors
pourquoi
e savoir
dialectique
e refuse-t-il
accepter leinement
]a nature
articulibre
u
langage
itt6raire,
ui
joue
sur
ces deux
plans,
du
r6el
et de
l'imaginaire?
artrene
reconnait-il
as
lui-meme
ue
la
nomination
aplus616mentairest
d6jit
n art?
En
un
temps
~
s'accuse
a
scission,
montr6e
ar
M.
Foucault,
ntre
'ordre
des
mots
et l'ordre
des
choses,
Sartre
ntend ravailler
A
leur
synthfse.
n
viendra-t-il
A
accepter
e
statut
nterm6diairet
autonome
u
langage
t
de
la
litt6rature
ue
suggbrent
es structuralismes?ela
supposerait
ne
plus grande
modestie
u
sujet
au
profit
'un
triple
6centrement.
e
psychanalyste
acan
parle
en
effet
'un
decentrement
u
sujet,
oh
Sartre
ne voit
qu'une
"dispari-
tion"
de
l'homme
evant es
structures.
L6vi-Strauss,
ui,
suggbre
n
d6centre-
ment
du
langage
meme:
"La
linguisticrue
ous
met en
pr6sence
d'un
&tre
dialectique t totalisant, aisext6rieurou inf6rieur) la conscience t A la
volont6."
tre
du
langage,
utonome
peut-&re
ussi,
on
l'a
vu,
par
rapport
aux structures
emes.
Et de
faqon
analogue
dans
Signes
de
Merleau-Ponty,
le
langage
'entrevoit
ommeun tout
po6tique
ux dimensions
xistentielles
propres,
nd6pendant
n
quelque
mesure
u
r6el
commedu
sujet
parlant.32
La
litt6rature
ieux
encore,
par
un
semblable
6centrement,
e
saurait-
elle se
concevoir
omme
une totalisation
interm6diaire
ntre
a
praxis
et
la
structure?
ieu de
la
fonction
sth6tique
u
langage,
ne
peut-elle
ar
la
dis-
tanciation
meme
qu'elle provoque
6clairer
'homme
artrien
ur
ses
rapports
avec
e monde?
Que
la
litt6rature,
omme e
langage,
e
s'accomplisseue
dans
le d6sengagementt le d6centrementu sujetpar rapport u r6el et
a
ses
exigences
istoriques,
elle
est,
paradoxalement,
a
legon
qu'impose
'immense
6tude
de Sartre
ur
Flaubert.
UNIVERSITY
OF BRITISH COLUMBIA
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7/25/2019 BAUDOUIN, D. Sartre Et Le Langage
9/10
18
DOMINIQUE
BAUDOUIN
NOTES
1Voir R.
Champigny,
Langage
et
litt6rature
elon
Sartre,"
Revue
d'esth'tique,
XIX,
2
(avr.-juin
1966),
131-148.
[Le
lieu des 6ditions
st
Paris,
sauf
mention
ontraire.]
2D6bat organise par le groupe Clart6
6
la MutualitB n d6c. 1964, et publi6 dans
"L'In6dit
10/18,"
1965: renvois
cette
6dition. Intervention
e Ricardou,
p.
49-61;
de
Sartre,
p.
107-127.
Voir
M.
Contat
et
M.
Rybalka,
Les Ecrits
e
Sartre
Gallimard,
1970),
r6f6r.
5/419
et
65/425.
[Bibliographie
i-apres indiqu6e
par:
E. de
S.]
3R.
Barthes,
Essais
critiques
Seuil,
1964):
"Ecrivains
et
6crivants,"
.
147-154.
41bid.,
Qu'est-ce
que
la
critique?" p.
257.
5Voir
E.
de
S.,
65/431.
6J.
P.
Faye,
"Le r6cit
hunique,"
p.
9-16;
et "Sartre
entend-il artre?"
p.
72-81,
Tel
Quel, 27 (Automne, 966).
4J.
P.
Sartre,
"L'Ecrivain
et
sa
langue,"
texte
recueilli
et retranscrit
ar
Pierre
Verstraeten,
Revue
d'esth'tique,
XVIII,
3-4,
(juil.-d6c.
1965),
306-344.
Voir E.de
S.,
65/430.
8L'Arc,
0
[Octobre
19661,
num6ro
pecial
"Sartre
aujourd'hui.
"Voir entre outres:
J.
J.
Brochier,
Les
Huns
et les
autres,"
p.
65-70,
replique
6
J. P.
Faye;
et
"Jean-Paul
Sartre
r6pond," p.
87-96,
qui
est
I'entretien
vec
B.
Pingaud.
Voir
E.de
S.,
66/449.
9Sartre,
"Entretien
ur
I'anthropologie,"
Cahiers
de
Philosophie,
2-3 (f6vr.
1966),
p.
3-5.
Voir
E.de
S.,
66/441.
10"L'Ecrivain
t
sa
langue,"
p.
326.
"1Voir
CI.
L6vi-Strauss,
a Pens6e
sauvage,
Plon,
1962;
particulibrement
e
chap.
IX,
"Histoire
et
dialectique,"
p.
330-35.
Voir aussi
Jean
Pouillon,
"Sartre
et
L6vi-Strauss,"
L'Arc,
26
[ler
trim.
19681,
p.
60-65.
12La Pensde
sauvage, p.
333-34.
13Cahiers
de
Philosophie,
p.
5-7.
14"J.
P.
Sartre
r6pond,"
L'Arc, 30,
p.
95.
15Expression
6p6t6e
dans: Jean-PaulSartre,L'idiotde
la
famille,Gustave Flaubert
de
1821
6
1857
(Gallimard,
"Bibliotheque
de
Philosophie,"
1971,
2
vol.),
e.g. p.
49,
p.
1997-98.
611Questioning
Jean-Paul
Sartre,
tinerary
f
a
Thought,"
New
Left
Review,
58,
Nov.-
Dec.
1969,
43-66.
Textetrbs
iche non
signal6
dans
E.de
S.
17"L'Ecrivain
t
sa
langue,"
p.
311.
18Sur
a
communication
oir: bid.
p.
314-15.
Et
L'ldiot
de
ato
amille,
p.
22,
26,
668.
19Sur
BWtise
t
langage
voir
L'Idiot
..,
p.
618
6
640,
e.g.
622.
20Voir
L'Ecrivain
t
sa
langue,"
p.
310,
312. Cette
double
face
de
I'6criture
un
autre
nom:
c'est
le
couple
d6notation-connotation
e
la
stylistique.
21Voir
bid.
p.
318-21.
P.
Verstraeten
rappelle
6
propos que
Sartre
n'a
jamais
proprement
ondamn6
la
po6sie.
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7/25/2019 BAUDOUIN, D. Sartre Et Le Langage
10/10
SARTRE T LE LANGAGE
19
2"Voir
L'lIdiot
..,
p.
38-39.
23Sur
arain:J. P.
Sartre,
Aller t
retour,"
ituations
(Gallimard, 947),
p.
189-
244,
e.g.
p.
221,
237.
Sur
Ponge:
"L'Homme
t les
choses,"
bid.,
p.
244-293,
e.g.
p.
252, 283,
287.
24Manuel
e
Dieguez,
"Jean-Paul
artre,"
L'Ecrivain
et son
langage
(Gallimard,
"Les
Essais," 1960),
p.
234-293.
25Flaubert
toujours
ant6
artre
omme on
double. Voir:
Questions
e
m4thode
et les
articles es
Temps
Modernes
ur
Flaubert
E.de
S., 66/440),
base
de
l'6tude
de
Benjamin
Suhl,
J.
P. Sartre: The
Philosopher
as a
Literary
Critic
New
York,
Columbia
U.P.,
1970).
Dans
L'Idiotde
la
famille
oir
sur
I'anomalie
de
I'enfant:
Naivet6 et
langage,"
p.
23 6
51. Sur
le
passage
du
po6te
6
I'artiste:
.
1482-85.
26G6rard
enette,
Silences
de
Flaubert,"
igures
I;
Seuil, 1966),
p.
242 et
243
(note itantRousset).
27L'idiot
..,
p.
961
et
1981. Une note
de
la
p.
961 vise
La
Modification
de
M.
Butor;
reuve
e
plusque
Sartre
ense
aux
d6bats
ctuels.
28Voir
L'ldiot
.
.,
p.
968
6
970,
p.
1997,
p.
2001.
291bid.,
.
1981,
p.
1984
6
1989,
1998-99,
t
2096.
30Voir L'Ecrivain
t
sa
langue,"
p.
324-25;
L'ldiot
.
.
.,
p.
929-34.
31Voir:
R.
Barthes,
Ecrivains t
6crivants,"
ssais
critiques, .
50
(cf.
p.
264);
-
"L'Ecrivain
t
sa
langue,"
0i
Sartre
epousse
ette
onception eidegg6rienne,.
314;
-
M. Butor,Le roman omme echerche,"4pertoire,(Minuit,962); - Sartre,nQue
peut
a
litt6rature,
.
113.
32Ci.
L6vi-Strauss,a
Pens6e
sauvage,
p.
334;
-
M.
Merleau-Ponty,ignes
(Galli-
mard, 960),
e.g.
"Le
langage
indirect
t les Voix
du
Silence,"
p.
54,
101-104;
cf. J.
Sumpf,
ntroduction
a
stylistique
u
frangais
Larousse, 971),
p.
44-45. La
notion
e
d6centrement
6t6
utilisee
ar
Jean
Pouillon,
rt.
cite
note
11)
p.
65;
cf.
E.
de
S.,
p.
434. Sartre
a
d6nonce
ans
L'Arc,
0,
p.
91-93..
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