Bakchich N° 17

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N° 17 | DU SAMEDI 27 AU VENDREDI 2 AVRIL 2010 | INFORMATIONS, ENQUêTES ET MAUVAIS ESPRIT Rachida Dati sur papier glacé | P. 9 Le djihadiste nouveau est arrivé Le terroriste cuvée 2010 dynamite les clichés. Il est bien élevé, rasé de près, inventif et adore kidnapper des touristes au Sahara. Un dossier explosif | P. 6-7 ump La nuit des longs soupirs | P. 8 bakchich BEL : 1,50€ - CH : 2,50FS chine des dissidents sous la tour eiff el | P. 10 Et sur Internet sport Les smicards du rugby | P. 12 L 13723 - 17 - F: 1,00 main basse sur la justice sarko s’en Prend au code Pénal portrait joseph staline, le retour | P. 16

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Bakchich N° 17

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N° 17 | du SAMEdI 27 Au vEndrEdI 2 AvrIl 2010 | InforMAtIonS, EnquêtES Et MAuvAIS ESprIt

Rachida Dati sur papier glacé | P. 9

Le djihadiste nouveau est arrivéLe terroriste cuvée 2010 dynamite les clichés. Il est bien élevé, rasé de près, inventif et adore kidnapper des touristes au Sahara. Un dossier explosif | P. 6-7

ump

La nuit des longs soupirs | P. 8

bakchich

BEl : 1,50€ - CH : 2,50fS

chine

des dissidents sous la tour eiffel | P. 10

Et sur Internet

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Les smicards du rugby | P. 12

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main basse sur la justicesarko s’en Prend au code Pénal

portrait

joseph staline, le retour | P. 16

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B ernard Arnault, le très sou-riant pédégé du groupe de luxe LVMH, adore la jus-

tice. Peut-être est-ce l’influence de son conseiller Patrick Ouart, qui vient de retrouver un emploi particulièrement bien rémunéré à ses côtés après un passage à l’Élysée pour aider Super Sarko à essayer de rendre la justice plus efficace et plus juste, surtout pour les plus humbles.Arnault, l’homme le plus riche de France, faut-il le rappeler, a déjà poursuivi par le passé la banque d’affaires Morgan Stan-ley suite à une note d’analyse négative qu’elle avait commise sur sa boîte. Ce patron de presse (il possède notamment les Échos) apprécie la liberté d’expression. Plus récemment, il a fait condam-ner le site de ventes aux enchères eBay au motif que l’on y trouvait des objets contrefaits de son en-treprise. Il s’est attaqué ensuite à Google au motif que le géant américain de l’Internet autorise n’importe qui à acheter des mots clés cor-respondant aux marques de LVMH. L’affaire est montée jus-qu’à la Cour de cassation, qui a préféré se tourner vers la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE). Cette dernière a estimé que Google, via son service Ad-Words «n’a pas enfreint le droit des marques en permettant aux annonceurs d’acheter des mots clés correspondant aux marques de leurs concurrents». La CJUE a souligné qu’un prestataire comme Google doit toutefois agir s’il prend connaissance que les données stockées chez lui ont un caractère illicite. Cela ne mange pas de pain mais cela a suffi pour que LVMH publie un communi-qué indiquant que c’était une quasi-victoire. Car un homme aussi puissant que Bernard Arnault ne peut perdre la face. Cela le consolera sans doute de ses investissements ratés dans Carrefour ✹   GARI JOHN

Après la taxe carbone, l’immense réforme de la justice va-t-elle rejoindre les limbes ? Même chez les godillots de l’UMP, quelques audacieux, encore sous le choc de la gifle des ré-gionales, osent émettre un avis de tempête au sujet de ce

projet. Ces élus viennent de boire le fiel, à quoi bon leur servir la ciguë ? Même à l’Élysée, le président Sarkozy a enclenché la mar-che arrière, une allure nouvelle pour cet homme vif comme un lapin Duracel. La révolution du code pénal, qui verrait le parquet, c’est-à-dire les magistrats aux ordres du gouvernement, conduire l’ensemble de la procédure, semble avoir pris un peu de plomb. Il faut signaler que Patrick Ouart, le magistrat conseiller du Pré-sident et père de cette réforme tueuse de libertés, et qui a quitté l’Élysée pour pantoufler au sein de LVMH, n’est plus là pour dé-fendre l’indéfendable.On pourrait imaginer que les exécutants du tout-sécuritaire, et donc les policiers, se réjouissent de se retrouver aux ordres des procureurs. Faux. Les hommes en bleu, eux-mêmes, s’inquiètent de ce chamboule-tout. Ils n’ont aucune envie de jouer le rôle qu’on veut leur assigner : rendre une fast-justice ou une justice light aux guichets des commissariats.Le projet imaginé pourrait instaurer une justice de classe, un vieux mot plus à la mode. Face à un juge d’instruction indépendant, l’en-semble des justiciables, riches comme pauvres, se trouve dans une situation égalitaire, y compris pour se retrouver, de façon expédi-tive parfois, en détention provisoire. Face à une justice désormais d’État, les voyous fortunés pourront faire jouer les réseaux que les grands avocats qui les défendent ont tissés au cœur du pouvoir. Les autres seront livrés à l’arbitraire d’une justice aux ordres ✹  lA RédActION

L’opportuniste de la semaineFrançois Baroin, le frais émoulu ministre du Budget, avait, en mai dernier, une tout autre idée de ses ambitions en terre sarkozyste : « Je suis plus utile aujourd’hui dans ma responsabilité de maire que d’être en responsabilité gouver-nementale ». Ajoutant : « c’est tout sauf une priorité, c’est tout sauf un manque ». Une cure de désintox en chiraquie n’aura donc pas suffi.

Le miracle de la semaineles apôtres, il valait mieux les inviter à manger il y a 2 000 ans… deux cher-cheurs new-yorkais ont analysé 52 tableaux représentant la cène. leur conclu-sion est savoureuse : le coût du dernier dîner du Christ a augmenté de 69 % en 1 000 ans. Une telle abondance viendrait de la représentation des aliments en portions de plus en plus grosses. Mieux que la multiplication des pains.

Le macho de la semaineEn Italie, la droite décomplexée, c’est quand même autre chose que par chez nous. lors d’un meeting à turin pour préparer les régionales de ce week-end, l’inénarrable Silvio Berlusconi a raillé une de ses rivales du parti démocrate : « Savez-vous pourquoi madame Bresso est toujours de mauvaise humeur ? Quand elle se voit dans le miroir, sa journée est foutue ! » Et une berlusconnerie de plus pour le président du conseil italien, frais célibataire. « Je suis mieux conservée que lui », s’est vengée Mercedes Bresso, « même sans lifting »…  

La chinoiserie de la semainela lecture du Quotidien du peuple peut s’avérer hilarante. d’après le site de l’organe officiel du parti communiste chinois, le cousin de Franck Ribéry aurait découvert un ancêtre venu de l’empire du Milieu. Ni une, ni deux, le Quotidien du peuple a dépêché ses meilleurs experts pour étudier ce sujet de haute cou-ture… « Il n’est pas impossible que Ribery soit un descendant de la cour impériale chinoise des Ming », avance le site du journal qui en veut pour preuve le rare « profil de son os maxillaire ». En fait, le footeux, c’est Riz-béri ✹

Il y a cinquante ans, À bout de souffle sortait sur nos écrans. Quel bon titre et son « C’est dégueulasse ? Qu’est-ce que ça  veut  dire,  dégueulasse ? » !  Il  irait comme un gant à la France des régiona-les : on a voté à reculons, sans passion, sans illusions, dans un pays essoufflé.comme dit Montebourg, la gauche n’a pas vraiment de quoi pavoiser, même si, apparemment, ses sortants ont fait un boulot apprécié. À part ça, la seule proposition politique de chef titine aura 

été de pendre Frêche par les roustons, avec le résultat que l’on sait : du vent…À droite, le Président joggeur a un point de côté, c’est clair. certains l’imaginent même se  laissant doubler par Fillon, qui trottine sur place depuis trois ans. En  laissant de gros nuls exaspérants gérer sa communication politique (le Xavier, dit « déni-oui-oui », a coûté au moins trois points à sa famille à force de chanter sous la pluie en roulant des yeux comme jadis Jerry lewis), le Super-Président de naguère a pris la couleur grisâtre du looser pas fier, planqué der-rière ses roquets pour éviter les courants d’air. Et dans le genre paravent, mieux vaut  l’élégant  parchemin  chinois  au lourd Xavier Bertrand.Et puis il y a les Verts, qui ont sauté dans l’ascenseur, et ne réalisent peut-être pas 

vraiment  que  leurs  emmerdements commencent.  car  sur  dix  élus,  chez eux,  il  y a,  certes, quatre politiques, mais  aussi  trois membres  de  la  SPA dont un aurait voté Bardot si elle s’était présentée parce que les phoques, c’est trop mignon, un baba-cool végétarien, un ennemi paradoxal des éoliennes et un fanatique du grand hamster (il vit en Alsace, voyez le résultat). dur à gérer.Il y a cinquante ans, on commençait à sentir la brise des trente Glorieuses. Aujourd’hui, on a 50 % d’abstention et le come-back de la tribu le Pen, mais surtout deux millions de chômeurs plus quatre millions de fauchés dont person-ne n’a vraiment parlé. Et qui attendent un peu d’air frais. Autant en emporte le vent… ✹ JAcQUES GAIllARd

cOUP dE BOUlE

C ’est le dernier sujet à la mode à Paris : l’Allemand travaille trop ! Il épargne,

se lève tôt le matin, construit des voitures qui se vendent et ne se rend pas assez en vacances en Grèce, si bien que ce pays est au bord de la faillite. Exposé par ma-dame Lagarde dans le Financial Times, vecteur traditionnel de la pensée américaine en Europe, ce point de vue a évidemment fait un tabac à Berlin. Angela n’en est pas revenue et a fait, en réponse, un discours diplomatiquement impeccable au Bundestag mais d’une violence anti-française digne de la dépêche d’Ems avec laquelle Bismarck déclencha la guerre franco-allemande de 1 870. Sarkozy en est très déçu. Il est in-compris. Sauf qu’il serait temps de se demander si la politique éco-nomique « chiraquienne » qu’il

mène depuis 2007 – en période faste, je dépense les fruits de la croissance car les Français le mé-ritent, en période de récession, je dépense pour soutenir l’activité car les Français sont inquiets – est vraiment efficace. Le tour de passe-passe de la relance, qui consiste à dire que l’on est riche de ce l’on dépense et non pas que l’on dépense quand on est riche, est à la fois insupportable pour les Allemands et en train de plomber durablement l’économie françai-se. Les taux d’intérêt sur la dette française se tendent. Et pour en rajouter une louche, on a nommé un chiraquien au budget. Comme symbole de l’esprit de rigueur re-trouvé, c’est plutôt limite. Même en Grèce, on aurait évité une telle provocation vis-à-vis de la brave chancelière. L’Allemagne paiera, qu’ils disaient ! ✹   AlcEStE

lES tROPHéES

“ „Nicolas Sarkozy, à propos de la taxe carbone, le 10 septembre 2009, avant le report sine die de cette fiscalité écolo.

La fiscalité écologique, il y a ceux qui en parlent et il y a ceux qui la font. C’est, pour

moi, une question de responsabilité.

BERlIN BOSSE, PARIS BUllE

Mot à Mot

cOUlISSES

ARNAUlt tAPE SUR GOOGlE

Apéro

vers une justice injuste

cONFUSION dES GENRES

2 BAkcHIcH HEBdO N°17 | dU SAMEdI 27 MARS AU VENdREdI 2 AVRIl 2010

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séparatisme L’organisation basque ETA donne le tournis aux flics hexagonaux. Dès qu’ils croient avoir coupé sa tête, en voilà une nouvelle qui repousse…

E TA colle aux basques de la police française. Aus-si pesante qu’un verre d’Irouleguy servi chaud,

du côté de Saint-Jean-Pied-de-Port. Et ce n’est pas la mort d’un policier français, abattu par un commando le 16 mars dernier lors d’un contrôle de routine en Seine-et-Marne, qui risque d’amé-liorer la cote de popularité de l’or-ganisation séparatiste dans l’opi-nion publique ni, bien sûr, dans les rangs des poulets qui goûtent peu cette recette basquaise. Déjà en deuil, les policiers n’avaient nul besoin d’ajouter le ridicule à leur douleur. Trois jours après la fusillade, les médias diffusaient des photos de cinq suspects. Cli-chés expédiés sous la pression de Fredéric Péchenard, le directeur

général de la police nationale et par ailleurs ami d’enfance de Nicolas Sarkozy. Le tout accom-pagné d’avis de recherches alar-mants : « Attention, individus très dangereux, prendre toutes les pré-cautions de sécurité utiles. Notam-ment les fouilles sécurité pour leur retirer les armes et autres engins susceptibles de tuer ou blesser dont ils peuvent être porteurs ». Mis à part leurs briquets, les cinq mal-heureux pompiers catalans, ci-blés par erreur sur des caméras de vidéo-surveillance d’un grand magasin, ne risquaient pas grand-chose à la palpation…Une communication qui leur tire dans le dos, voilà qui n’est guère glorieux et peu encourageant pour les anti-terroristes, déjà sur les dents dès qu’ils touchent aux

allumés de l’Euskadi ta Askata-suna. « Dès qu’on parle du Pays basque, on se croirait revenu au temps de la guerre civile en Algé-rie. Dès qu’il y a une arrestation, c’est  le  chef  de  l’organisation », se marre un journaliste habitué aux coulisses de l’antiterrorisme. Ainsi, sur la période 2008-2010, six « numéro un » de la chefferie basque ont été, nous dit la police, arrêtés. À croire qu’à ETA, tout le monde est chef. Un tambourinage radio-télévisé qui donne l’image d’une ETA en hydre immortelle.

système inaudible« Les  Basques  sont  très  structu-rés. Avec des cellules  logistique, politique,  transports,  héberge-ment, finance, détaille un ancien magistrat anti-terro.  Et  comme flics  et  médias  préfèrent  ne  pas rentrer dans les détails, à chaque arrestation, on fait croire qu’on a décapité l’organisation. D’abord, ETA  a  une  direction  collégiale. Elle dispose d’un réservoir de 500 à 1 000 personnes, formées à la kale borraka (lutte de rue), très jeunes, interchangeables, qu’on fait mon-ter, marche par marche, dans la hiérarchie. Ainsi, un remplaçant est toujours prêt à prendre la place de celui qui tombe. »Un système aussi inaudible pour les flics que la langue basque. D’autant que les séparatistes sont des taiseux : la présence d’un poli-cier, d’un juge ou d’un journaliste les rend muets. Alors que Corses et Bretons posent volontiers en cagoules et chapeaux ronds pour discutailler avec l’ennemi. « Les Basques ne parlent qu’en Espagne, se vexent nos limiers. Là-bas, ils ont leurs familles, leurs relais et sont plus sensibles aux pressions. » La guerre conduit forcément à la négociation ✹ xavier monnier

Borloo y a cruLes deux Stéphane, Foucks et Sch-maltz, de chez euro-rSCG, avaient mis dans le crâne de Jean-Louis Borloo qu’il serait nommé à matignon. ils se sont répandus dans Paris : « Fillon, c’est  fini ! » Borloo y a tellement cru qu’il avait demandé à son cabinet de ne pas partir en week-end au cas où.

Éva Joly et les RoumainesL’immaculée prêtresse anti-corrup-tion du Parlement européen, l’ancien juge Éva Joly, n’hésite jamais à prêter main-forte à dame Justice. Le 22 mars dernier, l’élue europe Écologie a joué la fausse victime pour aider la brigade anti-criminalité de Paris. avec un no-ble objectif, arrêter les vilaines voleu-ses qui chouraient les biffetons des clients tête en l’air au guichet automa-tique des cartes bleues. Deux petites roumaines de 13 ans ont été arrêtées. Jolie pub pour europe Écologie et son leader, Dany Cohn-Bendit, que l’on ne pourra plus taxer de laxiste !

Les gags de « France-Soir »Pour enregistrer ses messages publi-citaires destinés aux radios, France-Soir a demandé à l’humoriste Laurent Gerra d’imiter les voix de différentes personnalités. De Jacques Chirac à… PPDa, pourtant salarié du quotidien. La preuve que Publicis et maurice Lévy n’ont pas eu le culot d’inviter Poivre à jouer son propre rôle. ayant appris que France-Soir, par les cordes vocales de Gerra, mobilisait sa voix, Belmondo a demandé l’interdiction du spot.

Feliciaggi, mort délocaliséQuatre ans après son assassinat, le dossier de robert Feliciaggi, dit Bob l’africain, bouge encore. aucune piste n’a désigné le meurtrier de l’élu UmP de Pila Canale (Corse du Sud), proche de Charles Pasqua et du parrain feu Jean-Jé Colonna. L’enquête pourrait être rapatriée du parquet d’ajaccio vers la juridiction interrégionale de marseille, qui a hérité des réglements de compte du milieu corse depuis… quatre ans, justement. À croire que la roue tourne encore autour de l’ex-big boss des casinos africains.

Darcos pleureFou de rage d’être viré du gouverne-ment, xavier Darcos a inondé l’en-tourage du Président de SmS. il se disait « écœuré, malheureux ». « C’est honteux, je n’ai pas démérité, c’est af-freux. » Quant à sa femme, Laure, elle a essayé de joindre Carla pour plaider la cause de son mari. Sans succès.

Les bijoux de l’ambassadeurChanceux monte-en-l’air. en pénétrant dans une jolie demeure de la rue Frie-dland, un cambrioleur est tombé sur un véritable trésor : 100 000 euros de bijoux emportés. À croire que le proprio, ambassadeur de la Ligue d’États arabes en France, est très amoureux de son aimée. ou qu’on lui a conseillé d’investir dans la pierre, une valeur sûre…

Silence sur les menacesaffolement de début d’année dans les compagnies aériennes desservant le maghreb. Le 6 janvier, une agence de voyages parisienne a reçu une let-tre annonçant des attaques terroristes sur les vols à destination de l’algérie, le maroc et la Tunisie. Cinq jours plus tard, une alerte à la bombe sur un vol à destination d’oran a conduit la po-lice de l’air et des frontières à placer un suspect en garde à vue. Sans que rien ne s’ébruite. Terrorisme ne rime pas avec tourisme.

Sarko freiné par l’Europe ?Date décisive pour la déjà si décriée réforme de la procédure pénale de Sarko (lire  p. 5). Le 29 mars, la gran-de chambre du Conseil européen des droits de l’Homme rendra son verdict sur l’arrêt medvedyev contre France. Les juges européens s’étaient permis d’y écrire que les membres du parquet ne pouvaient pas mener d’enquête, alors que le chef de l’État veut leur donner la haute main sur les procé-dures. Si l’arrêt est confirmé, Sarko ier sera bien obligé de revoir le rythme de sa réforme.

Clichés piratés à « Libé »Le 14 mars dernier, Libération, par la voix de sa rédactrice en chef photo, a porté plainte contre x pour escroque-rie après avoir constaté que le compte photo du journal à l’aFP avait été pi-raté. alors que Libé a le droit de télé-charger 20 photos de l’agence chaque mois pour illustrer ses articles, ses équipes ont constaté que 716 photos avaient été téléchargées. Soit un pré-judice total de 105 000 euros ✹

Quand Charles Hernu escamotait des dossiers secretsDans son bouquin écrit à la nitroglycérine, 25 ans dans les services secrets, Pierre Siramy raconte comment il a été prié par la DGSe de retrouver des dossiers d’ar-chives égarés. Ces documents concernaient la dernière guerre, la résistance et la collaboration et révélaient que certains héros avaient été des agents allemands. en mai 1990, on s’aperçoit que ces brûlantes archives ont disparu! L’agent Siramy se met en chasse et retrouve les documents perdus. en 1984, ils avaient quitté les locaux de la « piscine » pour être transmis au tribunal de Lyon, chargé de juger Klaus Barbie. Siramy a découvert que, pour protéger l’honneur de certains amis, Charles Hernu, ministre de l’intérieur n’a jamais transmis les dossiers…en apprenant, dans le livre de Siramy, la dissimulation d’Hernu, Jacques vergès, l’avocat de Barbie n’est pas étonné: « Alexandre de Maranche, patron du SDECE, l’ancêtre de la DGSE, m’avait prévenu : “Sur cette période, nous avons été contraints de passer au broyeur nombre d’archives  trop compromettantes”. L’épisode d’Hernu indique que la justice ne s’est pas exercée à armes égales. Cela démontre aussi que, pour la réputation de la Résistance, à laquelle j’ai participé, on a protégé “l’honneur” d’un certain nombre d’acteurs, présentés comme “héroïques”, et qui continuent, aujourd’hui encore, de parader comme tels. » ✹ J.-m. B.

CHeF SCooP

U n des patrons du Fonds monétaire internatio-nal (FMI), John Lipsky, vient de se déplacer à Pékin pour annoncer que les pays dévelop-

pés devraient préparer les opinions publiques à « un recul des allocations santé et retraite » pour lutter contre les déficits budgétaires. Diable !Pourquoi à Pékin? La Chine, qui a su serrer la cein-ture à plus d’un milliard de malheureux, est devenue le plus grand créancier du monde. Du coup, face aux dettes abyssales de la Grèce et des États-Unis, le PC chinois commence à se faire un peu de souci sur ses chances d’être remboursé un jour. Et il a raison.Dans les couloirs des palais gouvernementaux, on songe à une autre solution : le retour de l’inflation,

qui rendrait supportable le remboursement des dettes. Nos confrères des Échos nous annoncent qu’Olivier Blanchard, patron des économistes du même FMI, dit l’inverse de John Lipsky et propose de fixer à 4 % plutôt qu’à 2 % le taux d’inflation gé-néralement retenu comme objectif par les banques centrales. Ainsi, sans trop de douleur, le problème de la dette pourrait être à peu près réglé. Évidem-ment, il y aurait des perdants : les créanciers (dont la Chine), les banques et les rentiers. Mais les entrepre-neurs, les Tapie et les Pinault, pourraient repartir de l’avant. Qui peut prétendre que la mondialisation financière manque de créativité? ✹   BerTranD roTHÉ

LE Fmi Et LES vERtuS DE L’inFLationFinanCeS

La poLice française dans tous ses eta

DU SameDi 27 marS aU venDreDi 2 avriL 2010 | BaKCHiCH HeBDo n°17 3

Apéro

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pollution

critique de la réforme impure

«C ette loi n’est pas une refor-me de la santé, qui reste à faire», a déclaré Howard

Dean, médecin et président du parti démocrate pendant la cam-pagne présidentielle d’Obama, après le vote du Congrès du 21 mars en faveur du projet de loi du Président. Selon l’économiste Robert Reich, ancien ministre du Travail de Clinton, « ne croyez pas celui qui dit que la loi d’Obama sur la santé est la marque d’un retour vers le New Deal » de Franklin D. Roosevelt, car « cette loi est très conservatrice, érigée sur les princi-pes du parti républicain, pas ceux du New Deal. » Et le vétéran chro-

niqueur politique du Washington Post, E.J. Dionne, souligne que cette « réforme » obamaienne est « basée sur une série de principes que les républicains ont soutenu pendant des années. »Ils ont raison, car Obama a fait voter, pour la première fois, une loi pour consolider et étendre le monopole des assurances privées et contraindre chaque Américain à y souscrire sous peine d’être frappé d’une forte amende, levée par le fisc fédé-ral ! Des dizai-nes de millions de citoyens de la classe moyenne seront obligés d’acheter des as-surances qui coûteront jusqu’à 9,5% de leur revenu, mais, en ne couvrant que 70% de leurs dépen-ses médicales, les rendront vul-nérables à la ruine s’ils tombent sérieusement malades.Beaucoup d’entre eux n’auront pas les moyens de payer. Depuis dix ans, les salaires de la plupart des Américains ont stagné ou baissé, tandis que les profits des monopoles d’assurances ont aug-menté de 480%. Ce qui n’empêche pas la réforme d’Obama de faire un cadeau de 447 milliards de dollars du contribuable à ces mo-nopoles (avec des subsides pour

certains pauvres qui se paieront une couverture partielle et de mauvaise qualité).Qui plus est, la réforme n’impose aucune limite aux tarifs des as-sureurs, qui ne seront même pas concurrencés par une couverture à but non lucratif offerte par le gouvernement. La semaine der-nière, le spécialiste du New York Times sur la santé, David Kirk-patrick, a confirmé sur MSNBC qu’il y avait eu un accord secret

l’été dernier entre la Mai-son Blanche et les industriels de la santé sur l’absence d’as-surance gou-

vernementale dans le texte final de la réforme. Tandis qu’Obama, en public, faisait semblant d’être pour !Il y a 45,7 millions d’Américains qui n’ont pas d’assurance santé, mais la réforme ne sera étendue qu’à 31 millions, et ses clauses les plus importantes ne prendront ef-fet qu’en 2014, soit deux ans après le prochain – et dernier– rendez-vous de Barack Obama avec ses électeurs. Les malades doivent attendre et grâce a cette réforme la santé restera un privilège, pas un droit ✹�� doug�ireland to « Be » lagardère or not

L’info.�« Lagardère lance Be, première marque transmédia »�(le Journal du dimanche,�21�mars).Le décryptage.�après�Grazia�et�Envy,�la� sortie�en�kiosque�de�Be,�nouvel�hebdo�féminin,�a�bénéficié�de�nom-breux�relais�dans� la�presse.�le�JDD�lui�a�consacré�une�pleine�page.�Sur�europe�1,�le�sublime�Jean-Marc�Mo-randini�a�reçu�sa�rédactrice�en�chef�et�didier�Quillot,�le�patron�de�la�bran-che�médias�de�lagardère.�enfin,�Pa-ris-Match�écrivait�une�ode�à�la�gloire�du�nouvel�hebdo.�Même�le�site�Web�de�Première,�pourtant�spécialisé�dans�l’actualité�du�cinéma,�s’y�est�mis.�pour�ceux�qui�ne�le�savent�pas�encore,�tous�ces�médias�appartiennent�au�groupe�lagardère.�C’est�beau,�la�dynamique�de�groupe.�

les couacs du « point » L’info.�« Déballage entre amis à  la DGSE »�(lepoint.fr,�22�mars).Le décryptage.�C’est�le�titre�d’un�ar-ticle�de�Jean�guisnel,�journaliste�au�Point,�spécialiste�des�questions�de�défense.�Consacré�au�livre�de�pierre�Siramy,�25 ans dans les services se-crets�(Flammarion),�qui�dévoile�cer-taines�parts�d’ombre�de�la�dgSe,�le�papier�a�tout�bonnement�disparu�du�site�au�lendemain�de�sa�publication.�or,�parmi�les�nombreuses�chroniques�parues�dans� la�presse�nationale�à�propos� dudit� livre,� celui� du� Point�était� le� plus� critique� et� surtout� le�seul�qui�dévoilait�la�véritable�iden-tité�de�pierre�Siramy,�nom�d’agent�de�l’auteur�du�temps�de�ses�activités�à�la�dgSe.�alors,�pression�de�la�dgSe�?�de�l’auteur�?�ou�tout�simplement�un�« ajustement  technique »,� comme�l’assure�le�journal�?�

BHl et ses censeursL’info.�« Fayard déprogramme un livre sur BHL »�(le Monde,�20�mars).Le décryptage.�depuis�mars�2009,�les�éditions�Fayard,�propriété�de�Ha-chette,�sont�dirigées�par�olivier�nora�qui�pilote�aussi�les�éditions�grasset.�C’est�à�ce�titre�que�ce�dernier�édite�les�livres�de�BHl.�une�précision�que�le Monde�n’aura�pas�cru�bon�de�sou-ligner�dans�les�motifs�qui�ont�poussé�Fayard�à�annuler�la�parution�du�livre�Critique de la déraison pure,�de�l’uni-versitaire�daniel-Salvatore�Schiffer,�un�ouvrage�pas�très�tendre�pour�le�philosophe�en�chemise.�

quand on n’a que Zemmour L’info.� « Éric  Zemmour  en  passe d’être licencié du Figaro »�(lepoint.fr,�23�mars).Le décryptage.� les� dérapages� xé-nophobes�du�chroniqueur�n’auront�donc�pas�eu� raison�de�sa�place�au�sein�du�quotidien.�Sans�doute�a-t-il�pu� compter� sur�de�nombreux� sou-tiens�au�sein�du�journal.�outre�alexis�Brézet,�patron�du�Figaro Magazine,�le�journaliste�Jean�Sévillia�s’était�fendu,�dans�le Figaro�(26�février�2010),�d’un�papier�dithyrambique�sur�le�dernier�ouvrage� de� Zemmour,�Mélancolie française.�un�livre�« courageux »�qui�« bouscule le politiquement correct »,�selon�lui.�Jean�Sévillia�sait�de�quoi�il�parle,�puisqu’il�est�aussi�le�président�fondateur�du�prix� littéraire�des�im-pertinents�qui�récompense�chaque�année�un�ouvrage�« à contre-courant de la pensée unique ».�un�prix�dont�le�jury�est�composé,�entre�autres,�d’un�certain�Éric�Zemmour.

contrepet libéréL’info.�« L’Iran brouille  l’écoute des médias  européens »� (Libération,�23�mars).Le décryptage.� le� quotidien� de� la�gauche�tarama�consacre�un�article�à�la�censure�de�la�presse�en�iran,�mais,�et�c’est�là�l’essentiel,�nous�offre�dans�son� titre� une� contrepèterie� vieille�comme�le�monde ✹

Quelle sanction�a�reçu�un�haut-fonctionnaire�nord-coréen�après�l’échec�de�sa�réforme�monétaire�?

A.�il�a�reçu�15�coups�de�fouets�par�jour�pendant�un�mois�B.�il�a�dû�s’excuser�à�genou�à�la�télévision�

C.�il�doit�rembourser�l’argent�dépensé�par�le�régime��D.�il�a�été�fusillé

Réponse D. À�la�suite�de�mesures�qui�ont�plombé�l’économie�nord-coréenne,�les�autorités�ont�accusé�pak�nam-Ki�d’avoir�tenté�d’affaiblir�le�régime.

cochon… mais halaldes� pilules� contraceptives,� des� capsules� pour� la�«performance»�et�des�lubrifiants,�voilà�les�produits�proposés�par�le�site�elasira.net,�lancé�le�26�mars.�très�banal�pour�un�sex-shop�en�ligne.�Sauf�que�sont�bannis�du�site�les�substances�animales�et�produits�chimiques�dans�les�ustensiles�coquins�et�toute�photo�sensuelle.�el�asira�est�en�effet�le�premier�«�sex-shop�halal�».�l’extrême�droite�risque�encore�de�grimper�au�rideau.

touche pas à mon voteMettre�en�ligne�les�résultats�électoraux�avant�l’échéance�du�dimanche�soir,�20�heures,�ne�vous�vaudra�aucune�sanction.�CSa�et�ministère�de�l’intérieur�se�renvoient�la�balle.�en�revanche,�si�les�grandes�chaînes�ont�bougonné�à�cause�du�Web,�plusieurs�vont�écoper�de�mises�en�demeure�pour�avoir�laissé�traîner�quelques�indices.�pour�amoindrir�l’impact�de�la�toile,�une�réflexion�est�donc�en�cours�pour�autoriser�la�campagne�jusqu’au�samedi�soir�sur�les�télés.�Bientôt,�tF1�et�compagnie�devront�remercier�le�Web.

le virus de facebookFacebook�donne…�la�syphilis�!�C’est�même�le�sérieux�quotidien�britannique�The Telegraph�qui�l’affirme.�Selon�le�journal,�le�nombre�de�cas�de�MSt�quadruplerait�dans�les�zones�d’angleterre�où�on�utiliserait�le�plus�le�réseau�social.�l’étude,�basée�seulement�sur�trente�cas,�«révèle�»�que�Facebook�favorise�les�rencontres.�C’est�quand�même�un�peu�le�but�des�réseaux�sociaux.

cervelle de Jouanno internet,�responsable�de�la�défaite�des�régionales,�c’est�l’argument�de�Chantal�Jouanno,�ex-tête�de�liste�uMp�à�paris�:�«Twitter nous a fait beaucoup de mal, Internet aussi en diffusant des rumeurs absolument ignobles».�et�les�rumeurs�contre�l’adversaire�socialiste�ali�Soumaré,�ça�vient�d’où�?�✹

BaB’�el�WeB

ÉtatS-uniS

Ne croyez pas celui qui dit que la loi d’obama est un retour vers le New deal.

preSSe

4 BaKCHiCH�HeBdo�n°17�|�du�SaMedi�27�MarS�au�vendredi�2�avril�2010

Apéro

Page 5: Bakchich N° 17

réforme Frank Natali, avocat pénaliste, est membre de la commission Libertés et droits de l’homme au Conseil national des barreaux et ex-pré-sident de la conférence des bâtonniers. Il décortique, pour Bakchich, l’effarant projet de loi de Sarkozy visant à éradiquer le juge d’instruction.

Depuis plusieurs années, la procé-dure pénale est au cœur des débats de toute tentative de réforme judi-

ciaire. L’objet est le suivant : la moindre modification des textes doit respecter les règles du procès équitable, du début de l’enquête au jour de l’audience.Que nous dit la norme, celle du droit européen ? Que ladite procé-dure doit être « équitable, contra-dictoire  et  préserver  l’équilibre des droits des parties ». Le projet de réforme du gouvernement, lui, avance que « la  procédure pénale a pour fi-nalité d’assurer la répression des infractions à la loi  pénale… » Répression. Le mot ne vous a pas échappé. Voilà qui donne le ton. Cette proposition de réfor-me sent mauvais : elle préfigure la toute-puissance accordée au parquet.Mais qu’est-ce donc que ce par-quet ? Celui-ci, qui n’est pas de bois, est l’organe de poursuite censé représenter « les intérêts de la société ». Composé de pro-cureurs et de substituts, il inter-vient à tous les stades de la procé-dure. Il a barre sur les services de police et dispose des experts.L’organe d’instruction, comme le juge du même nom, réunit, lui, les éléments du dossier, sur les faits et la personnalité des mis en cause et des victimes. Il intervient actuellement dans toutes les affaires criminelles (crime de sang ou autres infrac-tions particulièrement graves), notamment dans la plupart des dossiers polico-financiers. Le juge d’instruction peut être saisi directement par les victimes, par le biais de la constitution de par-tie civile. L’instruction est répu-tée « contradictoire » : elle permet aux parties de formuler diverses demandes d’actes afin d’obliger le juge à agir.Dans la réforme Sarkozy, le par-quet devient le maître de toute la procédure et doit donc jouer le rôle jusqu’ici dévolu au juge d’instruction – le ministre de la Justice, grand patron en bout de chaîne, restant le maître de ce même parquet.

Il n’existera donc plus qu’une seu-le « enquête judiciaire pénale », dont le procureur aura la maîtrise totale. Pour « la manifestation de la vérité », il devra conduire les investigations « à charge et à dé-charge ». Il pourra même, précise aimablement le projet, refuser les « instructions individuelles » si elles sont contraires aux princi-pes de sa mission. Pour être clair, ce sont donc les services de police qui vont faire l’enquête, et établir la plupart des actes.Le statut de « partie » à la procé-dure, obligatoire dans l’instruc-

tion actuelle, qui seule don-ne des droits, sera attribué, dans le futur, à l’appréciation du parquet et même des en-quêteurs eux-

mêmes. Exemple : une associa-tion de défense ou une ONG peut, aujourd’hui encore, se porter par-tie civile quasi automatiquement dans une procédure qui touche son objet. Eh bien, cette automa-ticité, ce sera fini.Demain, un officier de police judiciaire pourra procéder à « l’interrogatoire de notification de charges » pour les crimes ou délits passibles d’une peine allant jusqu’à dix ans d’emprisonne-ment. Pour être clair, nous serons directement « incriminés » par le policier ! La procédure va donc, désormais, se dérouler, non plus dans les palais de justice, mais dans les commissariats.Pour solliciter des « demandes d’actes », autrement dit aider à établir la vérité, les parties de-vront s’adresser au procureur. S’il refuse, il faudra s’en plaindre au juge de l’enquête et des libertés (JEL). La mise en place de ce JEL, arbitrant soi-disant l’équilibre de la procédure, ne peut compenser les pouvoirs, quasi souverains, que Michèle Alliot-Marie, minis-tre de la Justice, veut donner au parquet. Ce JEL ne suivra pas, en permanence, la procédure. Pour l’essentiel il statuera sur dossier, sans débat contradictoire.Ainsi, magnifique édifice, voilà un parquet qui devient le maître de l’enquête pénale, sous l’auto-rité du ministre de la Justice, toujours si « indépendant », avec une police, toujours vétilleuse en matière de respect du droit, qui

en assure la mise en œuvre… Le tout sous le regard vigilant du ministre de l’Intérieur. Si, après ce tableau, vous n’êtes pas convaincus du grand bond en avant que vont faire nos liber-tés, c’est que vous êtes mauvais coucheurs.Cet incroyable projet mobilise contre lui la quasi-totalité du monde judiciaire, même des hommes et des femmes de droite. Et parmi eux, ceux qui avaient espéré la mise en place d’un sys-tème plus protecteur des droits déchantent. Le parquet, main-tenant maître de l’ensemble du jeu, reste institutionnellement inféodé au pouvoir politique. Aucune autonomie fonctionnelle ne lui est accordée, même pas la nomination de ses membres par un avis conforme du Conseil su-périeur de la magistrature.Au 1er janvier 2011, comme l’a voté le Parlement après l’affaire d’Outreau, le juge d’instruction, doit se fondre dans une collégia-lité de magistrats, alors que le pouvoir souhaite sa disparition pure et simple.Face à ce dessein – un acte suici-daire pour la démocratie et qui met à la poubelle de l’Histoire l’esprit de la Déclaration des droits de l’Homme –, que faire d’autre que se mobiliser ? Si vous aviez envisagé de ne manifester qu’une seule fois dans votre vie, c’est aujourd’hui qu’il faut le faire. Interpellez vos élus, frap-pez sur des casseroles, hurlez par vos fenêtres. Un premier débat est bientôt prévu à l’Assemblée nationale, à propos de la garde à vue. Ce sera un test. S’il passe, l’avalanche suivra ✹� FRANK�NATALI

du�sAmedI�27�mARs�Au�veNdRedI�2�AvRIL�2010�|�BAKchIch�heBdo�N°17 5

exit�le�juge�d’instruction.�Le�parquet,�inféodé�au�pouvoir�politique,�sera�seul�en�charge�de�l’enquête.�

Filouteries

comme�dans�une�recette�de�cuisine,�ajoutons�quelques�ingrédients�au�pro-jet.�Par�exemple,�des�notions�nouvel-les�quant�à�la�prescription,�allongée�en�apparence,�raccourcie�en�pratique�pour�les�«�infractions�cachées�»,�–�comme�l’abus�de�biens�sociaux�–,�à�un�délai�de�six�ans�à�compter�du�jour�où�l’in-fraction�a�été�commise.�N’oublions�pas�un�gadget�:�la�création�d’une�«�partie�citoyenne�»�pour�exercer�les�droits�de�la�partie�civile�dans�les�cas�de�préjudice�commis�à�l’encontre�de�la�collectivité�publique.�Gare�aux�imprudents,�l’abus�

de�cette�démarche�peut�être�sanction-né�par�une�«�amende�civile�»�pouvant�aller�jusqu’à�100�000�euros�!�cher�pour�être�de�la�partie.enfin,�en�matière�de�garde�à�vue,�qui�reste�confiée�à�la�légendaire�sagacité�des�officiers�de�police� judiciaire,� les�avancées� sont�minimales.� La�vérita-ble�assistance�de�la�personne�retenue�n’existe�toujours�pas,�la�présence�de�l’avocat�n’étant�admise�qu’au�bout�de�24�heures.�et�rien�ne�change�en�cas�de�soupçons�de�terrorisme�ou�de�trafic�de�drogue�qui�dérogent�au�droit�général.

cerise� sur� l’hermine,� le� projet� doit�créer�un�nouveau�cadre�de�retenue�:�«�l’audition�libre�».�La�personne�ame-née� «�par� la� contrainte�»� dans� les�locaux�de�police�a�le�«�choix�»�entre�une�«�audition�libre�»�de�quatre�heu-res�sans�droits,�et�un�placement�en�garde�à�vue�qui�peut�durer�48�heures.�ce�nouveau� système,� s’il� peut� faire�baisser� le�nombre�d’heures�passées�dans� les�geôles�des� commissariats,�reste�contraire�à�tous�les�principes�:�il�permet�à�la�fois�la�contrainte�et�l’arbi-traire�✹ F.�N.

Prescription, partie civile, garde à vue… une copie à revoir

code pénal, Sarkozy met le parquet

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I l est blond aux yeux clairs, vit à Neuilly, a fait de prestigieuses études financées par sa famille, possède déjà un patrimoine et a un bel avenir

devant lui, aux côtés de sa femme et même de ses enfants. C’est le portrait-robot d’un terroriste de de-main, étape logique dans l’adaptation des réseaux radicaux à l’ennemi contre lequel ils luttent. Le pro-chain casse-tête des services de renseignement.En djihadisme, les techniques d’attentats vont de pair avec les profils de leurs auteurs : faire diversion en est la première règle. Mieux connaître son ennemi que l’ennemi ne se connaît lui-même, la deuxième.Un bon djihadiste échappe aux cri-tères de surveillance, il est capable de programmer différents scénarios de ceux enfer-més dans les profils types et autres clichés.Demain, s’il est originaire de pays arabes ou mu-sulmans, il sera élevé socialement, sinon de classe moyenne, jamais au chômage, pas ostensiblement pratiquant. Issu de pays africains, il devra appa-raître chrétien et sera plutôt une femme. La règle : toujours arborer une absolue normalité. En revan-che, si un « suspect » porte une barbe fournie, va dans les manifestations contre l’interdiction du port de la burqa, en prenant son RER de banlieue sans payer son ticket et en criant « Allah Akbar », alors il s’agira d’un leurre.Les kamikazes des attentats du métro londonien en juillet 2005 – des citoyens britanniques d’origine pakistanaise terriblement banals – avaient si bien assimilé cette nouvelle norme, que les services bri-tanniques ne les avaient pas vus venir. De même, le passager Omar Farouk Abdoulmoutallab, le type au slip explosif du vol Amsterdam-Detroit en décembre dernier, n’était pas issu d’un pays signalé comme « source de terrorisme », de ceux qui marquent le porteur de son passeport au fer rouge. C’était avant que les États-Unis ne décident d’ajouter le Nigeria sur leur liste noire.Autre exemple, dans les esprits éclairés des servi-ces occidentaux, une femme est potentiellement une mère, elle ne peut commettre un attentat kamikaze. C’est donc sans suspicion que Muriel Delgauque, Belge convertie à l’islam, est allée se faire exploser

en Irak le 9 novembre 2005. Preuve que la parité existe bien en djihad.Al-Qaida s’est mise à recruter chez les Américains. Comme Adam Gadahn, alias Azzam Al-Ameriki, né juif, converti au baptisme puis à l’islam, érigé à la fois « traître de la Nation » par la justice fédérale et porte-parole de l’organisation aux côtés de l’idéolo-gue égyptien, Ayman Al-Zawhari. Depuis six ans, cet Américain moyen de 32 ans, ex-étudiant sans

histoire, élevé à l’école de la plus grande démocratie du monde, ap-pelle en anglais ses frères à com-battre les États-Unis, et traduit les messages d’Oussama Ben Laden. Ou encore Ommar Hammami, alias Abou Mansour Al-Ameriki,

né il y a vingt-six ans d’un notable d’origine syrien-ne et d’une mère américaine, installés en Alabama. Aujourd’hui, il combat aux côtés des Shebab soma-liens, un mouvement radical pro-Al-Qaida dont il forme les nouveaux membres, Européens compris.Pour les stratèges de l’organisation terroriste, « re-tourner » un ennemi est devenu une arme de guerre. Du classique ! ✹� Martin Gale

Il faut rendre hommage à l’obstina-tion de Saddam Hussein. Il a prouvé à deux reprises qu’il était idiot de vou-loir défier l’Occident en rase campa-gne, avec ses propres armes et selon ses propres règles. C’est sans doute

pourquoi on l’a pendu avec une corde trop longue. Que n’a-t-il, comme nombre de ses petits camarades de la région, utilisé ou sponsorisé le terrorisme international et la violence intégriste comme une arme or-dinaire de ses relations internationales ? On irait aujourd’hui le prier gentiment de bien vouloir revenir dans le concert des nations et il pourrait même y mettre un prix. L’exemple ne pouvait manquer d’être médité par tous ceux qui, à tort ou à raison, pensent que l’Occident ou les régimes qu’il soutient sont à l’origine de leurs maux.Les talibans, qui s’étaient dispersés sans presque combattre lors de l’offensive alliée en Afghanistan, sont revenus sur la scène par le biais d’assassinats politiques, de tirs de mortier à l’aveugle et d’attentats à la voiture piégée. Et l’idée fait son chemin qu’il faudra bien les convoquer à la table des négociations.

En Irak, les clivages confessionnels impru-demment restaurés par l’administration militaire américaine, après trente années de « laïcisme » baassiste, ont incité les dif-férentes factions à marquer leur territoire par une violence terroriste et une capacité de nuisance qu’ils négocieront quand le dé-part des troupes d’occupation laissera face à face les appétits et les peurs des différents voisins du pays.Et, des Philippines jusqu’au Maroc, les si-tuations de déni de droit, les conflits irré-solus, les régimes d’oppression, tous géné-rateurs de violence politique, foisonnent et se multiplient. Au Pakistan, où s’affrontent Nord et Sud, sunnites et chiites, activistes anti-indiens et partisans d’une coexistence négociée. Au Yémen, où l’Arabie souffle le chaud et le froid sur les rivalités régionales et les conflits confessionnels entre sunni-tes et zaydites. En Somalie, devenue une vaste zone de non droit livrée à la piraterie. Au Nigeria, où la rente pétrolière attise les conflits entre musulmans du nord et chré-tiens du sud. Au Sahel, où les circuits du grand banditisme se parent du drapeau de l’islam pour rançonner les Occidentaux.

En Algérie et en Égypte, où les successions de pouvoir sont ouvertes et ne pourront se résoudre que dans la manœuvre et la vio-lence, tant les situations y sont bloquées. En Palestine, bien sûr, où chaque partie au conflit affiche ostensiblement son incapa-cité à négocier…La France – même s’il est de bon ton d’y cultiver un brin de paranoïa pour s’aligner sur l’Amérique – paraît pour l’instant à l’abri. Elle le doit sans doute à un certain nombre de choix politiques oscillant en-tre une courageuse clair-voyance et la lâcheté du business as usual de ses décideurs, qui se sont tenus à l’écart de conflits potentiellement problé-matiques. Elle le doit, comme tous les autres pays occidentaux, au fait que, l’aura d’Al-Qaida déclinant à l’aune de ses opérations ratées, la violence islamiste s’est – au moins provisoirement – recentrée sur ses ennemis proches, ses régimes honnis. Elle le doit aussi – et on a trop tendance à l’oublier puisqu’il ne se passe rien – à l’action de ses services

de renseignement et de sécurité, DCRI à l’intérieur et DGSE à l’extérieur, qui ont su développer les réseaux d’expertise et installer les sonnettes d’alarme destinées à prévenir la violence.Elle le doit enfin, et peut-être surtout, à la retenue et à l’ancrage national de sa communauté musulmane. Sur les cinq millions de musulmans résidant en Fran-ce, quelques dizaines sont passées à la violence terroriste, quelques centaines à l’affichage d’un fondamentalisme provo-

cateur, quelques milliers à la violence sociale. Ce sont évidemment ceux-là que l’on pointe du doigt. Mais c’est aux 4 950 000 autres que la France doit de connaître une certaine

accalmie.La violence politique et le terrorisme in-ternational sont comme le nuage de Tcher-nobyl. Ils ne s’arrêtent pas aux frontières. Les conflits évoqués plus haut ne seront pas résolus demain. L’Occident, États-Unis en tête, continue de soutenir ou de tolérer les régimes les plus corrompus, les plus

Occident et terrOrisme, CONFRONTATION Évolution du profil des kamikazes, techniques en constante adaptation, déplacement des terrains d’affrontement : le terrorisme nouveau est arrivé. Indirectement aidé par l’Occident qui continue de soutenir des régimes corrompus, le djihad se porte bien.

6 Bakchich heBdo n°17 | du saMedi 27 Mars au vendredi 2 avril 2010

Les NOuveAux hAbITs du djIhAd

Filouteries

on pend saddam hussein, mais on laisse tranquille l’islamiste omar Bashir.

le parfait terroriste a un niveau social élevé et est d’une absolue normalité.

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du samedi 27 mars au vendredi 2 avril 2010 | Bakchich heBdo n°17 7

un couple d’enfer

L ’année 2010 commence bien pour la nébuleuse Al-Qaida. Non seulement le djihad

prospère en Afghanistan, en Irak, en Somalie, mais ses grands pro-jets de développement interna-tional connaissent une avancée inespérée.

COMMERCE D’OTAGESAu Sahel par exemple, aux confins du Mali, du Tchad et de l’Algérie, ce no man’s land est désormais considéré comme un « deuxième Afghanistan » par les Occidentaux. Le 23 février dernier, en arra-chant Pierre Camatte, retenu depuis trois mois au Mali, des griffes du groupe d’Al-Qaida au Maghreb isla-mique (Aqmi), Nicolas Sarkozy a certes sauvé un citoyen peu ordinaire au vu des moyens mis en place pour le libérer : en fait, un « honorable correspondant » de nos services secrets, comme l’avait révélé Bakchich.En mettant sous pression l’allié ma-lien pour l’obliger à satisfaire aux exi-gences des ravisseurs, le président français a, de fait, reconnu l’efficacité du dernier grand projet de l’or-ganisation terroriste : investir la bande du Sahel et y créer les conditions d’un nouveau front avec les forces occidentales, puisque celles-ci ont montré qu’elles peuvent capituler.De plus en plus traqués en Al-

gérie, leur terrain d’origine, les intégristes ont trouvé au Sahel un nouvel avenir : l’opportunité de tirer bénéfice des trafics en tout genre qui fleurissent dans ce désert du monde, d’installer des camps d’entraînement pour les recrues locales et de faire du commerce d’otages européens un vrai business. Prendre des otages force aussi les gouvernements à s’impliquer dans un front sécu-ritaire régional, à mobiliser des

forces. Du pain béni pour Al-Qaida, qui ne cher-

che qu’à attirer là les États-Unis et

la France.Autre nouveau

terrain de

jeu offert par l’ennemi aux djiha-distes : le Yémen. Depuis l’attentat déjoué à bord du vol Amsterdam-Detroit à Noël, le Yémen a été of-ficiellement consacré « nouveau front contre le terrorisme » par le président Obama, moyens mili-taires et financiers compris. ça tombe bien, les cellules radicales yéménites y travaillaient depuis au moins trois ans, avec l’aide de frères saoudiens chassés de leur Royaume dans le cadre de la lutte instaurée dans le pays contre les réseaux extrémistes et les resca-pés de Guantanamo. Preuve par neuf, le kamikaze raté de Noël avait été formé au Yémen. Morale de l’histoire, depuis, les écoliers du djihad ont vu la démesure de la réaction sécuritaire américaine : exactement le but recherché par leurs guides.

un vRAi CDiLe reste ? L’Afghanistan, qui n’est pas une paille dans l’affaire, reste une priorité des États-Unis qui comptent diligenter, avec l’ap-pui de leurs alliés, quelque 30 000 hommes de plus. Une politique qui garantit de belles années de boulot à ces réseaux liés aux tali-bans, dans le pays et au Pakistan voisin.Quant à l’Irak, les forces améri-caines y entament leur retrait, qui doit s’achever fin 2011. De quoi encourager les djihadistes aspirés par le vide.Avec un ennemi qui vous garan-tit la durabilité du job, le vrai CDI, Al-Qaida devrait se mon-trer plutôt serein. Et carrément disponible pour de nouvelles aventures ✹ m. g.

SAhEl, yéMEn... TERRAinS DE lA TERREuR

Filouteries

réactionnaires et les plus fondamentalistes du monde arabe et musulman en fonction de critères incompréhensibles pour les peuples concernés. On lutte contre le dji-hadisme, mais on protège le premier État ouvertement intégriste du monde, l’Arabie Saoudite. On pend Saddam Hussein, mais on laisse tranquille l’islamiste président du Soudan Omar Bashir, pourtant pour-suivi pour crimes contre l’humanité. On occupe l’Afghanistan pendant dix ans pour le débarrasser des talibans, avant de négo-cier leur retour au pouvoir…La France n’est pas totalement étrangère à ces errements, surtout quand elle est bien obligée de s’aligner sur la politique étran-gère américaine, relayée par un certain nombre de ses partenaires européens. Il ne faut pas croire qu’il ne viendra jamais à l’idée de quelques-uns, État constitué, réseau bien organisé ou bande d’excités spontanés, de nous en faire payer le prix. Et, exemple de Saddam oblige, ce prix sera celui de la violence terroriste ✹ alain chouet

ancien chef de service de renseignementde sécurité (srs) de la dgse

«C omme les opérations bé-nies du 11 septembre l’ont montré, un peu d’imagi-

nation et un budget minimal peu-vent transformer n’importe quoi en une arme efficace et adaptée, capable de prendre l’ennemi par surprise et de le priver de sommeil pour des années… » En transmet-tant, dans un récent message, cette recette du succès des ré-seaux Al-Qaida aux futures re-crues, l’un des idéologues de la holding, l’Amé-ricain converti Addam Gadahan, alias Azzam Al-Amriki, aurait pu rajouter : « Même sans avoir à l’utiliser ».L’attentat raté : c’est la dernière trouvaille des opérationnels du djihad. Une bombe qui rate son objectif peut créer autant de dom-mages que si elle avait explosé. Ce qui compte, c’est l’impact psycho-logique; l’effet de terreur reste le but du terrorisme. Mieux, toute tentative d’attentat révèle des failles dans les dispositifs sécuri-taires de l’ennemi qui sont censés viser le risque zéro.L’aventure du jeune Nigérian à bord du vol Amsterdam-Detroit, à Noël dernier, est un cas d’école. Les explosifs placés dans ses sous-vêtements, acheminés à bord en dépit de multiples contrôles, n’ont pas atteint leur cible. Mais les États-Unis ont réagi comme si l’attentat avait bien eu lieu.Avant le recours à des sous-vête-ments explosifs, les « créatifs » de la mouvance avaient déjà réfléchi à une autre surprise stratégique. Décidément très branchés en des-

sous de la ceinture, ils ont conçu la bombe suppositoire, dont ils ont lesté, en août dernier, un faux repenti saoudien invité dans le palais de l’un des ennemis ma-jeurs d’Al-Qaida, Mohammad bin Nayef, numéro deux du ministère saoudien de l’Intérieur. La bombe intestine a déchiqueté le corps du porteur, mais le Prince s’en est sorti avec quelques égratignu-

res. L’objectif a été atteint : dé-montrer que le djihadiste en a dans la culotte et qu’il peut

défier tous les surveillances du monde.Une bonne arme, « efficace  et adaptée », est celle que les ser-vices de sécurité ne peuvent pas prévoir. Le djihadisme s’adapte sans cesse aux dispositifs sécu-ritaires. Depuis septembre 2001, après chaque nouvelle attaque ou tentative, les États-Unis et leurs alliés modifient leur système de protection, en y intégrant les don-nées du nouveau mode opératoire utilisé en face. D’où l’idée de la chaussure explosive portée par Richard Reid, en décembre 2001, pour contourner les mesures ins-taurées dans les aéroports trois mois plus tôt, contraignant les passagers à passer les contrôles en chaussettes. En 2006, apparaît la bouteille explosive, qui condui-ra à l’interdiction des liquides en cabine. Depuis l’affaire du vol Amsterdam-Detroit, les États-Unis, à défaut d’imposer les vols à poil, veulent imposer le scan-ner corporel, qui arrive aussi en France ✹ m. g.

DES GADGETS MEuRTRiERS

la bombe suppositoire a déchiqueté son porteur.

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sarkozy pris en main par les députés ump

Q uelle raclée ! Les socialis-tes avaient eu leur mémo-rable 21 avril 2002, avec l’éviction de Lionel Jos-

pin du premier tour de la prési-dentielle, les UMP ont désormais leur 21 mars 2010 !Sauf que Nicolas Sarkozy est tou-jours là. Et qu’il continue à exas-pérer ses troupes. Or ce n’est pas le mini remaniement d’après-Bé-rézina régionale qui les calmera : « Avant,  il  fallait être issu de la diversité  et  de  gauche  pour  être nommé, maintenant, il faut taper sur le Président pour devenir mi-nistre ! » Les bons petits soldats de la majorité commencent à en avoir marre de regarder passer les plats sans jamais être servis. Les deux snipers, François Ba-roin et Georges Tron, peuvent rigoler : ils ont tiré sur le chef, ils ont ramassé du galon ministériel, le premier au Budget, le second à la Fonction publique. Pas de quoi calmer l’UMP ! Mardi, les députés de la majorité se sont déchaînés. C’est qu’ils voient poindre leur défaite à l’ho-rizon 2012. La faute à qui ? À Ni-colas Sarkozy. Dans la bataille des régions, l’omniprésident a perdu de sa superbe et surtout le droit d’ouvrir à gauche, de n’en faire qu’à sa tête et de réformer tous azimuts.« Le courage politique, ce n’est pas la cécité et l’aveuglement », cingle Jacques Myard, député UMP des Yvelines. Du coup, exit la sulfu-reuse taxe carbone. Une si belle réforme, aussi « grande », avait fanfaronné l’homme de l’Élysée en septembre 2009, que la décolo-

nisation, l’élection du président de la République au suffrage uni-versel, l’abolition de la peine de mort et la légalisation de l’avorte-ment réunies… Rien que ça.Il a suffi d’une déculottée électo-rale pour que cette merveille soit enterrée et la parole du Prési-dent abjurée. Ses rodomontades de mercredi n’impressionnent d’ailleurs plus personne. Ce qui ne gêne ni François Fillon, que les députés ont pris l’habitude d’ovationner, ni Jean-François Copé, leur patron. Ensemble, ils ont décidé de reprendre les choses en main, de mettre carré-ment sous contrôle le président de la République en inventant un « pacte majoritaire ». Lundi, sénateurs et députés vont en ef-fet inaugurer une « journée par-lementaire extraordinaire » avec le Premier ministre, pour tenter de sauver les meubles dans une maison en feu.Cette fois, ils suivront mot à mot la nouvelle feuille de route, à droite toute, que leur a délivrée Nicolas Sarkozy cette semaine.D’autant que le Président tout juste dérouillé a fini par se plier aux desiderata de Jean-François Copé en annonçant une loi contre la burqa, alors qu’il y était oppo-sé. Bingo pour le retour aux fon-damentaux !François Fillon s’en est aperçu qui, mercredi soir, a été privé du journal de 20h de TF1. Pour le chef d’État, on a assez vu le Pre-mier ministre pendant la campa-gne. Il ne faudrait pas qu’il abuse de sa popularité ! ✹� florence�muracciole

roger karoutchi jouesur tous les tableauxaprès�avoir�mollement�soutenu�Valérie�Pécresse�pour�les�régionales�en�ile-de-france,�voici�roger�Karoutchi�bien�ré-compensé�:�le�président�socialiste�de�la�région,�Jean-Paul�Huchon,�va�lui�offrir�sur�un�plateau�la�présidence�de�la�com-mission�des�finances�de�la�région.�et�le�7�avril,� le�ministre�de�l’intérieur�Brice�Hortefeux�lui�remettra�la�légion�d’hon-neur.�elle�est�pas�belle,�la�vie�?

Copé se prend pour rocardÀ�voir�son�air�grave,�dimanche�soir�dès�20h01�sur�le�plateau�de�france�2,�on�sait�bien�à�qui�Jean-françois�copé�essayait�de� ressembler�:� à�michel� rocard,� en�mars�1978,�s’interrogeant�avec�gravité�sur�le�nouvel�échec�de�la�gauche�aux�élections� législatives� et� pointant� du�doigt,�sans� le�nommer,�françois�mit-terrand.�mais�l’opération�rocard�échoua�lamentablement,�et�c’est�mitterrand�qui�est�devenu�président�de�la�république.�avis�à�l’ambitieux�et�très�pressé�copé…

aubry mise sur le G20Victoire�aux�régionales�en�poche,�la�pre-mière�secrétaire�du�PS�martine�aubry�pense�au�coup�d’après.�À�savoir�la�pré-sidentielle�(2012)�après�les�primaires�internes�(2011)�et�l’élimination�du�rival�Dominique�Strauss-Kahn�(le�plus�tôt�pos-sible).�les�aubrystes�ont�déjà�établi�leur�calendrier�:�« L’idéal serait que Martine déclare sa candidature à l’occasion d’un G20, quand Sarkozy brassera de l’air aux côtés d’un Strauss-Kahn d’accord avec lui. »�inélégant,�mais�ça�tombe�bien,�la�france�sera�pays�d’accueil�en�2011.

messmer n'a pas voté VeilDans� l’éloge� fait�par�Simone�Veil� de�Pierre�messmer�à�l’académie�française,�on�a�juste�oublié�un�détail�:�député�rPr�de�moselle�en�1974,�messmer�n’avait�pas�voté�en�faveur�de�la�libéralisation�de� l’avortement� prônée� par� Simone�Veil.�mais�il�a�tout�de�même�eu�droit�à�un�bon�point�:�comme�Premier�ministre,�en�1972,�il�avait�demandé�au�parquet�de�ne�plus�poursuivre�les�femmes�qui�avortaient.

royal, du blanc à l’invisibleen�2004,�Ségolène�royal�n’avait�pas�eu�à�se�faire�prier�pour�figurer�sur�la�photo�de�famille�des�vingt�présidents�de�région�PS�nouvellement�élus.�elle�avait�même�revêtu�une�veste�blanche,�destinée�à�bien�montrer�qu’elle�était�la�seule�fem-me�dans�une�assemblée�de�machos.�cette�fois,�Ségolène�a�boudé�la�photo�de�famille.�est-ce�pour�ne�pas�croiser�martine�aubry�ou�parce�qu’une�autre�femme�présidente,�marie-Guite�Dufay�(franche-comté),�était�de�la�fête�?✹

confidences

Il y a six mois, Pascal Perri-neau, grand spécialiste du Front national devant l’éternel, pro-nostiquait la fin du mouvement lepéniste. Le soir du deuxième tour des régionales, le même Per-rineau pontifie sur « les difficultés du gouvernement face à la crise » qui « ont libéré un espace » pour Le Pen. Et voici les mêmes experts qui, ces derniers jours, refont surface. D’après un sondage CSA du Parisien, les Français jugent que le Kayser Sarkoko devrait « changer de style » et adopter un style plus présidentiel. Il suffisait d’écouter les élus de droite depuis deux ans pour aboutir à la même conclusion. Le coût du sondage en moins !

D’ici la présidentielle, Sarkoko devrait bien être attentif aux élections cantonales en 2011 et, dans la foulée, au choix d’un pré-sident du Sénat, qui pourrait bien être une femme, et de gauche. Sur fond de coalition entre le centre et le parti socialiste. Cette année, les giboulées de mars ont été sé-vères.

Anormalement aveugle, le Kay-ser n’a pas nommé d’Alsaciens au gouvernement pour récom-penser la belle province d’avoir sauvé l’honneur de la droite. Le regretté André Bord n’a pas d’héritier. En revanche, le vil-lepiniste Georges Tron a hérité d’un maroquin. Encore que, dans son cas, villepiniste ne soit pas l’étiquette appropriée. Dans une vie antérieure, Georges Tron a servi sir Édouard, alors Premier ministre. Lors de la campagne présidentielle de 1995, Tron aura

eu l’idée saugrenue de faire jouer à Édouard Balladur le rôle d’un auto-stoppeur. Un hélico soudain en panne, un atterrissage dans les champs et voici le cher Édouard, en veste cachemire et chaussettes rouges, hélant une Mercedes. Et les médias, TF1 en tête, de saluer l’immense simplicité du candidat Balladur. Hélas, du côté de l’état-major chiraquien, dont j’étais, on sent le subterfuge. La conductrice de la Mercedes n’était autre que la cousine de Geoges Tron. N’est pas qui veut Mitterrand dans « l’affai-re de l’Observatoire ».

Et Dieu, dans tout cela ? Et le vaste monde ? Les amicales pres-sions d’Obama sur Benjamin Ne-tanyahou vont-elles porter leurs fruits ? Jerusalem-Est ne doit pas être colonisée, ce n’est bon pour personne, surtout pas pour les Israéliens. Depuis toujours, il aurait fallu internationaliser les lieux saints. Mais qui se collera à cette tâche impossible ? Voici une croisade pour saint Zemmour, qui, depuis sa dernière provoca-tion chez Ardisson sur la délin-quance des Black et Beurs, aime jouer aux martyrs !

Post-scriptum : au Gabon, Ali s’émancipe d’Omar, m’indique mon ami, le Prince Pokou. Ali Bongo, le fils de feu Omar Bongo, ne veut pas régler les surfactures promises par son père à quelques sorciers blancs. Le premier à faire les frais de cette cure d’austérité à la gabonaise est ce pauvre Ro-bert Bourgi, qui a servi succes-sivement Villepin puis Sarkozy. Aujourd’hui, il réclame son dû, mais en vain ✹

loncle attend sa réponse

D�ans�une�question�en�date�du�16�février�2010�adressée�au�ministre�de� l’Éducation�na-tionale,�françois�loncle�s’est�interrogé�sur�la�manière�dont�nicolas�Sarkozy�parle� le�français.le�député�socialiste�de�l’eure�estime�que�le�président�de�la�république�« multiplie les fautes de langage, ignorant trop souvent la grammaire, malmenant le vocabulaire et la syntaxe, omettant les accords (…), croit judi-cieux de maltraiter, volontairement ou involon-tairement, la langue française, et s’aventure parfois à employer des termes et formula-tions vulgaires. » le�député�demandait�donc�au�ministre�de�prendre�« toutes les dispositions nécessaires pour permettre au président de la République de s’expri-mer au niveau de dignité et de correction qu’exige sa fonction. » À�ce�jour,�il�attend�toujours�une�réponse�✹� � ����������������Gari�JoHn

Jean-François Probst, ex-conseiller de Jacques Chirac, Charles Pasqua ou de Jean Tiberi, commente l’actualité.

train-train

DÉrouillÉe

l’Humeur�De�ProBSt

leS�GiBoulÉeSDe�marS

8 BaKcHicH�HeBDo�n°17�|�Du�SameDi�27�marS�au�VenDreDi�2�aVril�2010

Filouteries

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du samedi 27 mars au vendredi 2 avril 2010 | Bakchich heBdo n°17 9

Bazar des médias

Page 6, un foulard ricci à 2 200 euros, un top en soie malandrino à 410…

bling-bling Rachida Dati, maire du VIIe arrondissement parisien, appose sa touche très personnelle à un quartier déjà très chic. En témoigne le bulletin municipal, transformé, le temps d’un numéro, en ersatz de revue féminine, avec force rubriques shopping, horoscope et mondanités.

La semaine passée, as-sis à l’arrière de ma Bentley arrêtée à la hauteur du métro Saint-François-Xavier, j’ai entendu une bou-

che lancer « Écrasons l’infâme ! » Quoi ! Serions-nous au métro Vol-taire ? En réalité, cet habitant du VIIe arrondissement de Paris ve-nait de prononcer, disons de façon pâteuse, « Sanctifions la femme ». Ce propos de trottoir rendait gloi-re à l’action de madame Rachida Dati, la mairesse du coin, qui vient de lancer une of-fensive, signalée par rue89, afin de célébrer comme il se doit la jour-née inter natio-nale de la Femme. Quelques amis de Rachida savent, eux, qu’une femme peut être l’avenir de l’homme. Pour rendre hommage à l’épouse, la mère, la sœur, Rachida a choisi de transformer le bulletin municipal du VIIe en un clone à deux têtes : une louche de Elle, un doigt de Fi-garo Madame. Le titre de ces trente pages édifiantes sonne

bien : 7 à elle (« C’est à elle », hu-mour). Dans son édito, Rachida ouvre son cœur : « Les rubriques habituelles ont laissé la place à la mode, à la beauté, aux tendances, aux coups de cœur gastronomiques ou culturels… et tout ce qui parti-cipe aux joies, petites et grandes, d’être une femme dans le 7e. » En page 6, le shopping du Rachi-da News nous en met plein la vue. Du foulard Régate de La-

coste à 50 euros, au sac de Nina Ricci à 2 200 euros, il y en a pour toutes les riches. Et puisque la politique se niche là aussi, Dati, fidèle au Président, nous recom-mande les Ray-Ban à 160 euros (gratuites pour tout membre de l’UMP ?). Je passe sur le petit top en soie de Malandrino, 410 euros, sur les chaussures hautement ta-lonnées de Christian Louboutin

à 395 euros, sur les bal-lerines Dior à 380 euros

et sur le jean à 240 euros. Comme on l’écrivait jadis dans Madame Express, « Ne jetez pas votre vieux vison, utilisez-le pour doubler vo-tre Burbury ». En page 7, une gamine, genre gos-se dont le papa a eu de la chance, nous énumère ses boutiques favo-rites. Par exemple, La Suite 114. Ce diamant de la rue du Bac, le voilà : « Une quinzaine de marques à découvrir dans ce nouvel espace à la fois intemporel et contemporain. De  Zac  Posen  à Phillip  Lim  en passant par Kris van  Assche  ou Phi, Alessandro dell’Acqua  ou Takhoon…  La Suite offre aussi à ses clientes des services personnalisés allant du coaching à la livraison-groom. » Dans le VIIe, les lycéennes ont de grosses bourses.Oserai-je les crèmes ? Oui, car j’ai remarqué un utile « anti-âge confort » qui « stoppe 155 % des ra-dicaux libres » (comme Borloo ?).Et ça dure, et ça dure. À la page 10, le Rachida-Libérée devient Paris-Match, avec une page beautiful people, copie des Sorties en ville d’Agathe Godard. On y parle de quelques démunis comme Claude Guéant, Bernard Kouchner, Lau-rence Parisot, François Fillon et Éric Besson, dont le VIIe « est l’épicentre ». Et Hervé Morin, cité aussi, le centre ?Page 12, on retombe dans la fripe, dans une maille qui aille, avec les robes Babydoll folk de chez Chanel ou le short taille haute de Chloé. Vient enfin l’inévitable Sonia Rykiel, reine de la guenille couteuse qui a dessiné des mo-dèles pour H&M, une boîte qui viole les décisions de l’ONU en s’installant, avec les colons, dans la Palestine occupée…Maintenant couverts, le moment est venu est de se cultiver. Rien de mieux que Mes petites morts, le livre d’Elsa Fottorino. Une jeune romancière sans amis dans la presse puisque son papa est di-recteur du Monde. Pour avoir lu sa première page, j’ai constaté que la gamine a vraiment besoin

d’aide. Nous en arri-vons à Dieu, aux hommes en robe. Le père Vincent de Mello, le père Ri-chard Escudier et monseigneur Patrick Chauvet parlent du fémi-nin. Rien de tel que ces experts, qui ont fait vœu de célibat, pour parler des fem-mes. Le père de Mello « voit la fem-me comme un être qui reboise ». Mon-seigneur Chauvet se félicite « d’avoir des femmes disponi-

bles » dans sa paroisse. Sachez-le, il existe une paroisse Meetic.Vous criez « assez ! » mais je ne vous lâcherai pas en route. « Où dîner en amoureux ? » Si vous ne l’êtes que légèrement, chez Thou-mieux (menu de 29 à 51 euros). Et chez Le Divillec (autour de 200 euros) si vous l’êtes vraiment. Encore faim? Le Rachida illustrée propose ces recettes de cuisine qui font la tambouille de tout bon journal. Ici, c’est un « Napoléon 

de bœuf  en tar-tare  au  caviar alverta ». C’est tout simple, le caviar de table est commode quand le Leader

Price du coin est fermé. Sautons, comme on le dit dans la cavalerie, vers nos amis militaires. Dans le VIIe, il y a beaucoup d’hommes des casernes. Ah, les concerts du Musée de l’Armée en compagnie du général Dary, si cool.En dernière page du bulletin, nous arrivons enfin dans le dur, le certain : l’horoscope. Avec « horreur », les femmes Cancer apprennent que leur mari a été muté dans le VIIIe. Dans ce cas, l’astrologue de Rachida, radical, conseille le divorce. Et ça tombe bien puisque la dame Cancer va être augmentée : « Votre cabinet d’avocats  vous  a  promue  asso-ciée ». Pour les Béliers, la vie est difficile : « Votre cœur palpite pour cet  inconnu  croisé  en  faisant  la queue devant Barthélémy ». Une femme du VIIe qui fait la queue ? On a trouvé une pauvre alors que Rachida est la petite sœur des riches ✹ jacques-marie Bourget

Au VIIe cielau cœur d’une ville tenue par le gauchiste delanoë, le viie fait figure de résistant. s’ils n’ont pas échappé aux voies de bus, ses habitants sont toujours ceux qui payent le plus d’impôts, avec un revenu moyen de 5070 euros par mois par ménage. avec un prix de l’immobilier qui dépasse les 9000 euros au mètre carré, vivre dans le coin demande quelques ressources. heureusement, sous le règne de rachida, il est toujours possible de flâner au Bon marché et de pousser les portes de la grande épicerie qui vend de l’eau minérale 29 euros la bouteille. une fois désaltéré, inutile de s’angoisser sur l’insécurité. avec tous les ministères (affaires étrangères, défense, santé…) qu’héberge l’arrondissement, la densité policière est presque aussi forte que les lieux de culte chrétiens, au nombre de quatorze. au second tour des régionales, on y a voté à 71,25% pour l’umP et chantal jouanno. enfin, et c’est sans rapport aucun, c’est aussi dans le viie que se trouve le siège du parti socialiste. alors, qu’attendez-vous? ✹

Une gazette qui fait dati

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transports

« Une démarche symbolique, une décision qui vient du cœur. »

L a RATP va enfin pouvoir déballer la campagne de publicité qu’elle gardait dans ses cartons. L’entreprise publique s’apprête à prendre les

commandes de plusieurs réseaux de bus à Monté-limar, Vienne, Vierzon, Bourges… Parigots et ban-lieusards qui partent skier pour s’évader du métro-boulot-dodo seront heureux d’apprendre que ce sont désormais des cars RATP qui les trimballeront de la gare aux stations savoyardes. Mieux, le gestionnaire des RER A et B doit aussi prendre possession du réseau de transports de Gênes, en Italie, et conduire des bus à Londres. Et même s’implanter en Suisse.

grand mécanoCes conquêtes représentent la bagatelle de plus de 400 millions d’euros de contrat annuel que la RATP a décrochés sans coup férir face à la concurrence ! En ne donnant aucun gage sur sa gestion financière calamiteuse, littéralement éreintée par la Cour des comptes (dans un rapport révélé par Bakchich fin 2009). Cette cueillette résulte d’un grand mécano in-dustriel comme on les aime en France. Sa signature finale devait intervenir la semaine passée entre les dirigeants de Veolia Transport, de Transdev, filiale de la Caisse des dépôts, et ceux de la RATP. Veolia

(6 milliards d’euros d’activités dans ce business, et quelques dettes) et Transdev fusionnent pour don-ner naissance à un champion tricolore des trans-ports publics qui doit rapidement entrer en Bourse. Dans l’affaire, Pierre Mongin, le patron de la RATP, actionnaire de Transdev à 25 %, réalise un coup de maître. Plutôt que du cash, il a exigé de récupérer les contrats de gestion décrochés par les autres.L’abandon de joyaux comme Gênes et Londres à la RATP crée un drame chez Transdev. Certains y voient un effet de l’ascendant de Mongin, l’ex-dir cab de Villepin, sur le directeur financier de la Caisse des dépôts, Alain Quinet, sous ses ordres à Matignon. En tout cas, selon un acteur du dossier : « La puissance de Mongin se mesure au degré de souffrance qu’il impose aux dirigeants de Transdev. » Voire à ceux de Veolia qui ont dû, eux aussi, lui refiler certaines de leurs villes (Valence), au grand dam d’élus qui assistent à un grand partage. Ceux d’Ile-de-France, qui financent la RATP sur Paris et sa région, où son monopole est garanti jusqu’en 2039, commencent aussi à s’inquiéter. Vont-ils payer indirectement les escapades de la RATP en dehors de son enclos ?Des pertes arrivent parfois sans crier gare ✹� émile borne

La RaTP exPoRTe sa maUvaise gesTion

tractage

«B onjour,   vous  v ene z du  Sud   de  la  Chine ? Du  Nord ? » L’homme

s’écarte, presse le pas. Mme Sing, 74 ans, réfugiée politique en France depuis dix ans, finit par coincer trois hommes originai-res de Pékin : « Nous sommes ici pour vous aider à connaître la vé-rité sur ce qui se passe en Chine, leur dit-elle. Nous pouvons vous aider à vous désinscrire des orga-nes du parti communiste chinois (PCC). C’est une démarche sym-bolique, une démission qui vient du cœur – vous pouvez utiliser un pseudonyme si vous préférez. »La militante leur tend une lis-te de faux noms pour les aider à trancher – le pseudo le plus populaire ici, à Paris, est la tra-duction d’« Homme de fer », en hommage à la tour Eiffel qu’ils

sont venus visiter le jour où on leur propose de démissionner.Installée trois jours par semai-ne entre midi et 14 heures sur l’étendue du Champ-de-Mars, l’association d’aide à la démis-sion du PCC ac-cueille les tou-ristes chinois de passage à Paris. Depuis juillet 2008, ils sont environ 10 000 à avoir démissionné aux pieds de la tour Eiffel. Soutenu par le mouvement bouddhiste Falun Gong, durement réprimé en Chine et présent dans 134 pays, le centre d’aide à la démis-sion est une initiative mondiale et s’est officiellement implanté dans toutes les grandes villes où voyage le touriste chinois.

Accueillis à la descente du bus par les banderoles, les groupes passent leur chemin. Certains se plantent à côté du stand, font mine de photographier la tour Eiffel, mais écoutent attentive-

ment les infor-mations diffu-sées en chinois sur haut-parleur : « En apparence, il n’y a aucune réac-tion de leur part,

constate le responsable de l’as-sociation à Paris, Hauv Trang, mais dans leur cœur, les choses s’éclairent. »Cet apparent désintérêt a une raison : « Au  sein  d’un  groupe, on a toujours un surveillant du PCC. C’est  le  chef,  le patron de l’usine ou de l’université d’où ils viennent. Observés, nos compa-triotes ont peur de s’arrêter. Mais il existe toujours des courageux qui viennent vers nous et repar-tent avec de la documentation. »En quelques années, ils seraient 69 millions à avoir symbolique-ment quitté le Parti. Et le tou-risme contribuerait pour beau-coup à cette hémorragie. L’État chinois tente difficilement de prendre les devants : « Beau-coup connaissent  l’existence de notre association avant même de quitter leur pays, explique Hauv Trang. Là-bas, les supérieurs hié-rarchiques les mettent en garde et leur interdisent de prendre notre documentation. »En autocar, les Chinois sillon-nent l’Europe en une quinzaine de jours et l’association les ac-cueille partout où ils vont. De quoi laisser mûrir leur réflexion au fil du voyage : « Ils refusent à Genève,  saisissent  furtivement 

un  tract  à  Paris,  se  posent  des questions à Rome et finissent par signer à Londres », résume Hauv Trang. Lors d’une première ren-contre avec le Falun Gong dans une ville d’Europe, c’est tou-jours la surprise : « Le PCC leur dit que nous sommes considérés comme une secte et réprimés par-tout dans le monde. Or, en nous voyant avec nos banderoles au vu et au su de tous, ils réalisent que c’est faux. »L’indifférence n’est pas le pire. Beaucoup de touristes chinois sollicités ont des mines méfian-tes, voire agressives face aux pratiquants Falun Gong et les violences sont fréquentes : « Ils nous voient  comme anti-Chine, antinationalistes.  S’ils  réagis-sent parfois mal, c’est qu’ils sont esclaves du lavage de cerveau du 

PCC. » Mi-février, Hauv Trang était agressé par un étudiant, une rixe dont il porte encore la marque au visage. Deux Chinois justement, s’approchent, me-naçants : « Vous  êtes  la  honte de  la  Chine ! », lancent-ils à Mme Sing. M.Trang s’adresse alors à leur responsable : « Vous ne pensez pas un jour quitter le PCC ? » L’homme : « C’est  fait ! Il y a cinq ans, j’ai démissionné après avoir passé des années au sein  de  la  police  nationale.  Je vous soutiens. » Symboliquement adoubé par son chef, la totalité de ce grou-pe signe sa démission. Avant de regrimper dans le car, direction Barcelone, où ils rencontreront peut-être la branche hispanique de l’association ✹��� anne steiger

voiR La ToUR eiffeL eT démissionneR dU Pc chinois

bakchichc’esT ToUs Les joURs 

sUR inTeRneT !

informations, enquêtes et mauvais esprit

10 bakchich hebdo n°17 | du samedi 27 mars au vendredi 2 avril 2010

Bazar

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du samedi 27 mars au vendredi 2 avril 2010 | Bakchich heBdo n°17 11

Bazar de la conso

ÉCHOS DES CABAS

Lire sur les lèvresUn rouge à lèvres qui jouerait les sémaphores en cas de poussée de luxure, c’est pour vous, Madame.Fatalement californien, le Mood Swing Emotionally Activated de l’entreprise Too Faced prétend, pour 18 dollars (13 euros), chan-ger de couleur, du rose au cra-moisi, selon votre désir.On a cherché l’ingrédient mystè-re dans la liste des composants : l’huile de castor ? Le beurre de karité ? L’éthylhexyl méthoxy-cinnamate ? L’ozokérite ? Rien de tout ça. Au fait, comment dit-on « je plairai », en latin ? Placebo.

Leclerc obscurLeclerc est en colère contre le Point. Sur son blog, le patron des magasins du même nom accuse l’hebdomadaire d’avoir publié un dossier à charge de 16 pages contre la grande distribution.Un article « commandé », selon lui, par le propriétaire du journal François-Henri Pinault.Heureux hasard en tout cas, la Fnac et Conforama, deux distri-buteurs du groupe Pinault, n’ap-paraissent pas dans ledit dossier. Leclerc, lui, s’y fait étriller.

21 grammesAprès Air France qui veut faire payer deux fois les passagers cor-pulents, voici le crématorium qui surfacture le défunt trop lourd.Ainsi, une famille endeuillée de Gironde a écopé d’un extra inattendu de 270 euros lorsque le croque-mort a pesé le cercueil à 175 kg, soit 25 kg au-dessus du poids maximum standard.L’explication vaut son pesant de cendres : tous les crématoriums ne sont pas équipés, et brûler des obèses présente un risque d’ex-plosion pour les fours qui doivent tourner… à plein régime.

Un burger qui dure, qui dureUne nutritionniste américaine a mené une édifiante expérience : conserver pendant douze mois un Happy Meal de McDonald’s à l’air libre. Objectif : vérifier la dose de conservateurs que ses pe-tits-enfants pouvaient ingurgiter avec leurs hamburgers. Après un an, rien. Pas de décomposition, pas de moisi. Le sandwich, posé sur un rebord de fenêtre, n’a pas même intéressé les oiseaux ou les insectes.Les hamburgers sont peu goû-teux, mais ils sont éternels (le site de la dame : http://minu.me/1wsq) ✹

immOBiliEr Le Crédit foncier n’aime pas les oiseaux de mauvais augure. L’ancien directeur des études de l’orga-nisme financier l’a appris à ses dépens. Il s’est vu remercier pour avoir été… trop honnête.

RancunieR crédit foncier

D ans le monde mer-veilleux de l’immobilier, il ne fait pas bon dire ce que l’on pense. Surtout

quand, par excès de sincérité, on risque de filer le bourdon au sacro-saint marché. Jean-Michel Ciuch, ancien directeur des étu-des du Crédit foncier, l’a appris de façon abrupte en juillet dernier. Il a provoqué un tollé en présentant en conférence de presse son rap-port sur la loi Scellier, votée pour soutenir l’investissement locatif privé et qui permet de bénéficier dans certaines zones d’une réduc-tion d’impôts équivalente à 25 % du prix de l’achat contre l’enga-gement de louer pendant neuf ans. Dans ce rapport, il pointe

une soixantaine de zones à risque – là où ceux qui pensent faire une bonne affaire pourraient se faire plumer avec des appart’ impossi-bles à louer aux prix annoncés. Quatre jours plus tard, il reçoit sa lettre de licenciement pour « insuffisance  professionnelle ». Une éviction qu’il va contester aux Prud’hommes le 15 avril pro-chain.Pour qualifier son « insuffisance », la lettre de licenciement indique « qu’aboutir à une tonalité géné-rale  trop  négative,  en  décalage par rapport au discours volonta-riste de relance, est préjudiciable à la notoriété du Crédit foncier. » En clair, via la loi Scellier, le gou-vernement a proclamé une « re-

lance » dont le secteur immobilier au bord du gouffre a bien besoin, tout comme le Crédit foncier. Et les différentes filiales de la Banque populaire et des Caisses d’épar-gne : Nexity, Keops (conseil en immobilier d’en-treprise), ne sont pas les dernières à en profiter. Il est donc particuliè-rement mal venu de cracher dans la soupe. Qui plus est devant des journalistes. Ce que ne manque pas de relever la lettre de licen-ciement de Jean-Michel Ciuch qui pointe des interventions mé-diatiques « sans  en  référer  à  la hiérarchie ».

Dérangeant, original, le bon-homme était particulièrement apprécié des journalistes spécia-lisés plus habitués aux sempi-

ternels blablas des acteurs du marché. Au lendemain de la présentation de son étude, la presse ne man-

que pas de relayer ses craintes – bientôt confirmées – de satu-ration du marché. Ça rue dans les brancards du côté du réseau, les partenaires commerciaux du Crédit foncier s’étranglent. Pire, le secrétaire d’État au logement, Benoît Apparu, se sent obligé de défendre la loi dès le lendemain dans un communiqué. Il fallait donc faire tomber des têtes. Après Ciuch, sa collaboratrice, Mme Co-lombani, en désaccord avec la réorganisation du département des études, démissionne.Jean-Michel Ciuch persiste à dire qu’il était de son devoir d’alerter sur les risques du dispositif Scel-lier : « Un cataplasme pour le bâti-ment et la construction qui, sinon, se seraient écroulés. » De fait, ce coup de booster gouvernemen-tal alimente toute une chaîne : la machinerie locative, celle du crédit, les promoteurs. En 2009, près de 70 % de la construction, soit 80 000 logements, relèvent de la loi Scellier. Et tant pis si, au final, certains « investisseurs » trinquent. Le Crédit foncier a en tout cas décidé de garder les mau-vaises nouvelles pour lui ✹ lucie delaporte

D ans la dernière publicité pour Nespresso, l’acteur mascotte de la marque,

George Clooney, évite de justesse un piano qui tombe du ciel. Il a fallu enquêter, mais on sait main-tenant qui a poussé l’instrument. C’est Alain Bizeul, le directeur marketing des supermarchés Casino. Le patron des produits à marque de distributeurs n’a qu’une obsession depuis quelques mois : être le premier à prendre d’assaut la citadelle Nespresso. Car la petite fabrique de dosettes de cafés est la cash-machine ultime du géant suisse Nestlé. « En interne, les gens de Nespresso font un  peu  ce  qu’ils  veu-lent, explique un ca-dre de Nestlé France. Nespresso  chez  Nestlé, c’est un État dans l’État. »

Et un État qui rapporte. Le chif-fre d’affaires de la filiale bondit chaque année de 30 %. En 2009, il s’élevait à 2 milliards d’euros. Et la rentabilité relève du secret dé-fense. Les coquins experts tablent le plus souvent sur une marge de 30 %. Colossal pour le secteur. Et ce, malgré un circuit de distribu-tion ultra-select – 190 boutiques dans le monde, 17 en France.Un gros gâteau crémeux dont Ca-sino veut croquer une part. Pour-

quoi avoir attendu si longtemps ? À cause des brevets. Nespresso, qui existe auprès du grand public depuis 1988, en a déposé 1 700 pour protéger sa technologie ! Les pre-miers tomberont dans le domaine public en 2012, mais certains ne vont même pas attendre la date fa-tidique. C’est le cas de Jean-Paul Gaillard, ex-patron de Nespresso, qui a depuis fondé sa PME de café, Ethical Coffee Compagnie (ECC). Le bonhomme assure avoir trou-vé la faille. Il a réussi à mettre au

point une capsule com-patible avec les machi-nes Nespresso. Une

dosette biodégradable qui plus est, quand celle du Suisse est en alumi-nium.C’est ce projet qui a sé-duit Casino. Casser le monopole de vente de

Nespresso – les capsules

ne sont pour l’heure commerciali-sées que dans les magasins et sur le site de la marque – et occuper le terrain avant l’arrivée d’autres concurrents. Les dosettes fabri-quées par ECC, vendues sous la marque Casino (en exclusivité jusqu’à fin 2011), devraient coûter entre 15 et 20 % moins cher que les Nespresso.Pudiques, les salariés français précisent en off que la qualité du café ne sera pas équivalente à celle du Suisse, mais suffisante pour constituer un appoint à ceux qui ne veulent pas faire la queue à la boutique le samedi.Évidemment, Casino ne va pas oublier de gagner beaucoup d’ar-gent avec ses propres dosettes, disponibles dès le mois de mai. L’enseigne vise 10 % du marché français, soit 50 millions d’euros. Casino, what else ? ✹ martin kirsch

nespresso vs casino, mini dosettes poUr maxi pognon

dérangeant, original, le bonhomme ne faisait pas dans le blabla.

fort de café

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12 Bakchich heBdo N°17 | du samedi 27 mars au veNdredi 2 avril 2010

Rab de bazar

I l n’aura fallu qu’une dizaine de jours pour que l’olympique lyonnais voit

tout le bénéfice de son succès en ligue des champions face au real madrid enterré. dix jours et deux petits cris, ve-nus de joueurs gones, tout en contraste.ovni du foot français, sidney Govou, qui confesse volontiers son in-culture footballistique et a gagné, au cours de ses nuits agitées, le doux sur-nom de « whisky coca », s’est ému de ses conditions de travail. et d’un certain

favoristime dont seraient coutumiers son entraîneur, le nerveux claude Puel, et son président, le carnassier Jean-mi-chel aulas, envers les nouveaux joueurs. Quand lui a été formé au club.

dans le pur style rhodanien, Jérémy Toulalan, poliment qualifié de joueur de devoir

(comprendre : qui ne fera jamais se lever les foules), s’en est pris à France 98. et au lobby des anciens champions de foot qu’il accuse de trop critiquer, tant lyon que l’équipe de France. Pas suffisant

pour lancer une nouvelle révolte des canuts. Ni enflammer Fourvière. après ces deux gueulantes, lyon a joué deux matchs de championnat. un nul poussif contre les gueules noires stéphanoises (1-1) et une défaite, logique contre le seul vrai olympique, celui de marseille (2-1). Nulle crise, ni contestation de supporter. aucune révolte. un train-train typique du pays des quenelles. s’il fallait encore une preuve que lyon, même en ouvrant grand la gueule, ne croque toujours pas les foules ✹

sPorT

le rugby au stade business

les écarts de salaires se creusent à la vitesse d’un tampon chabalien.

bruits de la ville

les 3 suisses et le point g« Notre point G, il est dans la penderie », peut-on lire sur des affiches avec donzelles habillées en pin-up. La nouvelle campa-gne de pub illustrant la croisade de l’enseigne des 3 Suisses, « la chouchouthérapie pour toutes (sic) », est censée « frapper fort », dixit leur site Web. Demeure un doute sur la pertinence du slo-gan. Si le point G de ces dames est dans la penderie, est-ce à dire qu’elles ne prennent vraiment leur pied qu’en s’achetant des fringues ?

la Palestine sans permisTous les diplomates ne fréquen-tent pas les grands magasins et ne roulent pas avec chauffeur. La déléguée générale de la Pa-lestine en France, Hind Khoury, a même ses petites habitudes au H&M de la rue de Rennes, à Paris. Et dispose d’un permis de conduire… israélien. Enfin disposait. Boutique faisant, la dame se l’est fait dérober avec son portefeuille, rempli de trois cartes Gold. Toujours ça que le Mossad n’aura pas.

guerre des blondes à tF1Après s’être coupé la parole à longueur d’antenne au soir du 1er tour des régionales, Laurence Ferrari et Claire Chazal ne se sont pas asticotées, dimanche dernier. Déception, après la dé-bâcle de la droite ? « Du tout, as-sure un haut cadre de TF1. Elles se détestent tant que ce n’est que partie remise. Personne, même à la direction, ne leur avait fait de réflexion. » Et d’aucuns d’oser encore affirmer que la rédaction de TF1 est bien tenue ✹

la mauvaise Foi de moNNier

lyoNNais, Que de la Gueule

J ackpot pour les vainqueurs du Tournoi des six nations. Les artisans du neuvième

Grand Chelem de l’histoire du rugby français retournent à la maison les poches lestées de 75 700 euros chacun. De quoi fai-re rêver les soutiers d’un sport à deux vitesses dont les écarts sala-riaux se creusent à la vitesse d’un tampon chabalien.En cinq ans, la rétribution des internationaux français et des vedettes étran-gères du Top 14 a fait un bond de 80 %, passant à 320 348 euros par an en moyenne ! Étrangement, le train de vie des joueurs pro de second rang est moins clinquant. Leur rémunération mensuelle moyenne est tombée de 10 000 à 7 500 euros en une saison. Le syndicat des rugbymen Provale cite l’exemple d’un joueur dont le salaire a été divisé par deux, passant de 18 000 à 9 000 euros.Pire : le chômage enfle. À l’issue de la saison 2008-2009, soixante joueurs professionnels poin-taient au Pôle emploi. Trois fois plus qu’il y a trois ans. Un pilier international, Julien Brugnaut, s’est même retrouvé sur le car-reau en juin 2009. Avant d’être recruté par le club irlandais du Munster.Comme il semble loin, le temps béni du rugby cassoulet et des troisièmes mi-temps… Une épo-que d’avant la professionnali-sation, instaurée en 1995, où les amateurs des petits clubs rivali-saient avec les équipes des gran-des villes. « Nous  sommes  des bricoleurs. Mais ça nous motive : c’est intéressant de battre les gros budgets du championnat », plas-tronnait Jean-Louis Luneau, co-entraîneur du petit poucet Bayon-ne, à l’aube du « rugbysiness ». Depuis, les villes moyennes qui ont fait la légende de l’Ovalie (Lourdes, Agen, Tarbes, Béziers) ont été reléguées dans les oubliet-tes de l’Histoire.« Les dirigeants de  la Ligue na-

tionale de rugby sont obsédés par l’argent. Peu importe que Stras-bourg ou Lille n’aient aucune tra-dition  rugbystique,  seul  compte le  retour  sur  investissement », confie un dirigeant du mythique Béziers, onze fois champion de France, aujourd’hui en deuxième division.Athlètes bodybuildés et sponsori-sés de la tête au pied, publicitai-res et marketeux omniprésents,

fric facile, le rugby est tombé dans les travers de son frère ennemi, le bal-lon rond. Ex-commentateur

des matchs du XV tricolore sur France 2, Pierre Salviac fustige l’évolution de sa chère Ovalie : « On a copié le modèle du foot tout en construisant une économie de smicards,  avec  tous  les  dégâts collatéraux liés au professionna-lisme. Résultat : ce sport, autrefois singulier,  est  en  train  de  perdre complètement son identité ! »Simple et direct, comme un pla-cage standard ! ✹ FraNçois maliFace

C e monde est malade, au cas où vous ne seriez pas au courant.

la nature rompt les amarres sous nos yeux, ce qui est tout de même fâcheux. on sait bien qu’il restera toujours TF1 et le cac 40, mais est-ce que cela sera suffisant pour nourrir tout le monde ?en attendant la réponse, applaudis-sons ceux qui appliquent à la bios-phère les mêmes règles qui l’ont menée au bord du gouffre. c’est la nouvelle mode, qui fait fureur aux États-unis : il faut chiffrer. cela ne date pas d’hier, mais les choses s’accélèrent. en 1997, le chercheur américain robert cos-tanza estimait à 33 000 milliards de dollars l’apport gratuit des ressources naturelles aux activités humaines. un chiffre qu’il rapprochait du PiB mon-dial la même année : 27 000 milliards de dollars. en 2006, le rapport stern redoutait que le dérèglement clima-tique ne coûte finalement 7 000 mil-liards de dollars, soit plus que le krach de 1929.désormais, tout doit avoir un coût. le prix d’un tigre braconné – il en reste 3 000 en liberté – est d’environ 40 000 dollars, mais peut rapporter dix fois plus, voire cent fois plus entre les mains des apothicaires de china-town. et voilà qu’on apprend qu’une quarantaine de pays ont ouvert la por-te à des marchés supposés compenser les pertes de biodiversité. c’est assez

simple : une entreprise détruit un ma-rais, un bout de forêt, une mangrove, mais elle achète en échange un crédit qui permet, au moins sur le papier, de protéger une autre zone naturelle.un site internet stupéfiant (www.eco-systemmarketplace.com) signale ainsi qu’un crédit de destruction d’une zone humide – précieuse sur le plan écolo-gique – se négocie aux États-unis en-tre 2 200 et 480 000 euros. on peut

s’attaquer à l’habitat de la grenouille à pattes rou-ges, en californie, pour des

sommes allant de 11 000 à 66 000 euros. donné. dans un autre article, on soulève le problème qui tue : « Les patrons ont eux aussi besoin d’océans en bonne santé. » oui, pourquoi dia-ble ne paient-ils pas davantage pour arrêter le grand massacre en cours ?on répondra, provisoirement, par une autre question : que se passera-t-il lorsque les territoires achetés, com-pensés et supposément mis à l’abri voisineront avec l’immondice, l’auto-route, l’usine, le parking et le super-marché ? Qu’arrivera-t-il quand tout ce qui reste de nature aura été acheté pour pouvoir détruire en conscience ce qui l’entourait ?la réponse va de soi : on créera un nou-veau marché, et l’on recommencera à compenser. sur des surfaces certes plus petites, et donc beaucoup plus chères, mais où est le problème ?après la Terre, la lune ✹

BieNveNue sur la luNe

Écolo FaçoN NicoliNo

Auteur, entre autres, d’un ouvrage sur les pesticides, Fabrice Nicolino tient un blog sans concessions sur l’environnement, Planète sans visa.

Massacre

y a pas photo, david hamilton s’est fait flouer

la tête dans les sunlights, entre expos et clichés de fillettes dénudées qui ont fait sa célébrité, le photographe david hamilton a été abusé. Par une petite et mystérieuse galerie de Paris. Fin 2009, l’artiste dépose au propriétaire de l’art street Gallery, stéphane Bernard, tout un lot de photos. mais l’antre de l’art n’a jamais ouvert et les œuvres n’ont pas été restituées, si l’on en croit la plainte pour abus de confiance déposée par le photographe, le 5 janvier dernier.À 600 euros pièce la photo, l’affaire est d’importance. Jamais avare de son temps pour sauver l’art, la flicaille a interpellé fissa ledit Bernard.sauf qu’après vérification, la galerie art street existe bel et bien depuis jan-vier 2007 , dûment en-registrée au registre du commerce. mais cela ne prouve pas que no-tre hamilton n’a pas été blousé.selon le syndicat du co-mité des galeries d’art, « il est  très  fréquent que des artistes se fassent avoir par de faux galeristes. Car le  terme de galerie d’art n’est pas protégé. Du coup, n’importe quel malhonnê-te homme peut déposer le nom. »À force de photographier des fillettes dénudées, hamilton a dû gagner en candeur… ✹

aNaëlle verzaux

Quenelle

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Peut-être que ceux dont l’âge n’est plus tendre se souvien-nent de ces romans qu’on ne pouvait lire qu’avec un couteau

à la main ? Des pages qu’il fallait couper. José Corti, le plus grand éditeur français du XXe siècle, a été le dernier à mettre sur le mar-ché ces livres que nous devions ouvrir comme des trésors. Dans le petit panthéon de Corti, on trouve deux auteurs refusés par Gallimard – Gaston Bachelard et Julien Gracq –, ce qui démontre que les sergents recruteurs de la rue Bottin s’endormaient parfois pendant leur tour de garde. Heureusement, viennent de pa-raître les Souvenirs désordonnés de José Corti, où le père fondateur dit ce qu’il sait de ces auteurs qu’il a publiés. Ce livre est un point-virgule placé entre les li-gnes de la vraie beauté du monde, la littérature.

lettres…Gracq, ami d’André Breton, était un surréaliste. La preuve, il pra-tiquait le boomerang. Quand, à Saint-Florent-le-Vieil, le drôle d’outil aborigène lui revenait dans la main, c’est qu’il avait bien lancé un boomerang. Si l’engin prenait la fuite, c’est que Gracq, abusé par son marchand, avait lancé un cintre (pour plus d’explications, questionnez notre ami Jacques Gaillard, grand ex-pert du philosophe Botul).Enfant, au bout du pont de Saint-Florent, en abordant la rive gau-che de la Loire, ma mère me dé-signait « la maison de monsieur Gracq ». M’indiquant la bâtisse

avec la ferveur qu’elle mettait à me montrer, dans les pâturages, ces pans de murs où, disait-elle comme si c’était hier, « les bleus ont fusillé des Vendéens ». C’est dire si Gracq, comme Allah, était grand.Dans ses souvenirs — il en a mille sur de grands écrivains –, Corti raconte comment, après que Gal-limard ait sottement renvoyé son manuscrit du Château d’Argol fa-çon boomerang, Gracq lui a confié ses pages, écrites à la plume. Com-ment il a trouvé le texte magnifi-que et révolutionnaire. Comment, bien ennuyé parce qu’éditeur fauché, il a écrit au jeune auteur pour lui proposer de participer aux frais d’édition. Gracq, pour partie, sera donc édité à compte d’auteur, 7 500 francs pour sa part, 12 000 pour Corti. Voilà l’estomac de la littérature, celle faite à la main, équitable.

Soixante ans plus tard, à douze ki-lomètres de Saint-Florent et avec Régis Debray comme gardien de l’amitié, Julien Gracq nous a rapporté son versant de l’histoire. Elle confirme que bon éditeur ne saurait mentir.« Au début de l’été, j’attendais sur le bord de Loire un visa pour l’URSS. C’était long. Un matin, avec une rame de papier et mon stylo, je me suis assis pour commencer d’écri-re, un bon moyen de tuer le temps. J’étais très surpris par moi-même, les pages sortaient, un peu comme d’une machine. L’emballement, la vitesse m’étonnaient, comme si j’étais un autre. De temps en temps, je me levais pour me calmer en fai-sant un tour dans le jardin.À Paris, avec mon manuscrit dans ma valise, j’ai un jour poussé la porte de la Librairie Corti. Je n’y connaissais personne, rien que sa réputation ; et j’aimais bien la

José Corti, prince de l’éditiontestament José Corti fut l’un des grands éditeurs français indépendants du XXe siècle. Exigeant, il sut donner leur place à des auteurs d’enver-gure, tels Julien Gracq et Gaston Bachelard. Ses Souvenirs désordonnés permettent d’approcher d’un peu plus près ce géant des lettres.

Un peu de culture

du samedi 27 mars au vendredi 2 avril 2010 | Bakchich heBdo n°17 13

À fond les brouettes

nicolas rey est un écrivain médiatique (chroniqueur sur France Inter et tPs) en vogue et avec un penchant pour certains excès…

M on succès en libraire ? Je fête ça au Montana avec de la coke et du whisky…

Avec plus de 80 000 exemplaires vendus depuis le 5 janvier 2010 pour son dernier livre, Un Léger passage à vide, qui raconte notam-

ment sa cure de désintoxication, Nicolas Rey fait un retour fracassant. Plutôt cohérent pour un auteur tout aussi fracassé et qui, après des années d’excès en tout genre, plaisante encore de ses dérives pas-sées alors qu’il sort d’une hospitalisation lourde et peu commune pour un garçon de 36 ans.- Je n’ai pas touché à quoique ce soit depuis deux ans, depuis que je suis papa et que je me soigne. J’ai dû être opéré le 2 mars dernier de la hanche droite que l’on m’a changée pour une prothèse intégrale. Mes hanches

sont nécrosées, suite à des artères bouchées et toutes ces années folles. Je multiplie les séances de kiné et je serai au stand des éditions du Diable Vauvert, au salon du livre, dans l’après-midi du 28 mars.Pourtant, Nicolas peine à se dire écrivain.- Philippe Djian, oui, qui écrit quatorze heures par jour… Mais moi, je lis trop pour me sentir écrivain.Il considère que ses livres sont des « braquages » et que si le dernier fonctionne aussi bien, c’est que ce dernier hold-up, celui d’un homme blessé, s’est opéré à visage découvert, sans cagoule. Nous marquons un temps d’arrêt puis, tel un ado impatient, il ajoute :- Mais il me tarde de retourner à Paris, de remarcher sur mes deux jambes, de reprendre du service, de faire le Mal, mais de le faire bien…L’homme blessé rit à sa plaisanterie. La guérison s’annonce. Tant mieux ✹ renaud santa maria

Un Léger passage à vide, par nicolas rey,éd. au Diable Vauvert, 181 pages, 17 euros.

C ’est le roi de la brouette. il vend ses machines à charrier

la terre comme l’employé du mois de carglass ses pare-brise. le sol mis en selle, si l’ont peut dire, c’est son dada quotidien. et son maigre gagne-pain. Jusqu’au jour de la retraite où il apprend qu’un larron vient le concurrencer sur ses plates-bandes, pour déterrer l’or de son jardin secret. c’est là que Les Affaires reprennent pour notre petit patron et son créateur, notre collaborateur le dessinateur morvandiau, dans une Bd publiée aux éditions des requins mar-teaux. une histoire de sabotage à gros sabots où l’argent devient le crottin du diable de ces deux zo-zos. ah, la libido des euros ! tout garder et ne rien dépenser ! des vies constipées par ce petit arran-gement avec soi où, pour être avare, il faut avant tout cacher son avarice.si l’on mord si facilement à l’hameçon de leur martyre ordinaire, c’est parce que l’artiste n’use que d’un filet, celui de l’absurdité. Pour preuve, la dédicace en introduction à michel-Édouard leclerc qui avait dit sur France inter, radio des bienheureux et bien nés, « Je suis bien dans ma peau, j’ai envie de faire mieux ». morvandiau, de son crayonné noir appuyé, secoue la cage aux oiseaux de ces êtres mus d’un bonheur obscène et contagieux à qui souhaite leur ressembler. dans le secteur de la brouette, la terre ne ment pas et rapporte gros. elle vous colle aux godasses et monte au cerveau ✹ louis caBanes

Les Affaires reprennent, par morvandiau, éd. les requins marteaux, 64 pages, 16 euros.

Bédé

des lignes de coke aux lignes de motsBouquin

modestie de cette vitrine. José Corti était un homme exceptionnel, un grand artiste. J’ai trouvé normal de participer aux frais d’édition, j’avais mon salaire de profes-seur… » L’existence de cette œu-vre, ponctuée de chefs-d’œuvre, tient donc à la lenteur des tam-

ponneurs de Moscou, à l’œil de Corti et aux francs de l’Enseigne-ment public… À une association de bienfaiteurs.

… et le néantRefus du Goncourt pour Le Ri-vage des Syrtes : Corti approuve ce Gracq pour lequel la vie sans lettres est le néant. Pourtant, les convictions de plomb de cet arrière-petit-fils de « bleus », lui font perdre un argent qu’il n’a guère. Ce testament du Corse Corti, outre le régal du plus grand côté de l’art, la modes-tie, nous montre comment nous sommes passés de Gracq à la littérature sans estomac. Après avoir reçu trop de lettres lui recommandant un manuscrit, José écrit : « Chacun se croyait l’un des rares élus de la nuée des poètes. J’étais seul à savoir qu’ils étaient une foule ». Corti est au cimetière et Giesbert dans les librairies ✹ J.-m. B.

Souvenirs désordonnés, par José Corti, éd. José Corti, 255 pages, 10 euros.

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F rédéric Taddeï est un des derniers hommes du PAF que l’on puisse

aimer avec constance. Bien sûr, puis-que nous ne sommes pas Bernadette Soubirous, il apparaît trop tard, à l’heure du Lexomil, dans son Ce soir ou jamais. Mardi dernier, Taddeï a dé-raillé en obligeant au débat un quar-teron de gâteux et d’imbéciles, sur un sujet interdit : le procès de Jacques Viguier. Ce pro-fesseur de Toulouse, depuis dix ans, est accusé du meurtre de sa femme. Naguère, pour avoir écrit un article sur le sujet, j’ai été condamné à 15 000 euros de dommages au béné-fice de Viguier. Néanmoins, je trouve indigne, qu’après l’acquittement, on ait la grossièreté d’en débattre. Le ver-dict rendu, on ne joue pas les prolon-

gations à la télé. Même si c’est dur. À vie, Viguier restera « le type qui a tué sa femme ». Je connais ces stigmates pour en avoir observé les effets sur Mi-chel Tabachnik, grand chef d’orches-tre, un temps compagnon de route paumé de l’Ordre du temple solaire. Personne ne l’a accusé de meurtre, mais d’avoir écrit un peu de pathos

pour la confrérie. Pendant dix ans, il a traîné le boulet de cette affaire avant d’ob-

tenir toutes les relaxes. Néanmoins il reste à vie (?) « le chef de l’OTS », aux yeux de quidams. Ainsi, je pense que le petit tribunal du commerce instauré par Ce soir ou jamais, auquel Viguier a été soumis, n’est pas le bon moyen de faire entrer dans les têtes, parfois molles, le principe d’innocence.

En revanche, si une information s’est bien installée dans ces mêmes cer-veaux, c’est que l’armée est l’avenir de l’humanité, surtout celle qui bat de l’aile, l’armée de l’air. Sans vergo-gne, Michel Drucker et France 2 ont fait voler de sales avions de guerre dans nos salons. Ah, pilote de chas-se ! Quel gosse mal élevé n’a pas rêvé de tenir le manche ? Un jeu vidéo en vrai. Personne, surtout pas Drucker qui nous a montré, en Afghanistan, combien la guerre est jolie (et pas du tout perdue), qu’une fois le plaisir des loopings bu, il faut appuyer sur le petit bouton qui tue, souvent des paysans tranquilles dans leur mechta.Cette soirée volante m’a remis en tête les généreuses paroles prononcées en février par le général Georgelin, chef d’état-major des armées. Il pro-testait contre « le coût » de nos deux confrères de France 3, pris en otages par les talibans. Dix millions d’euros, a affirmé derechef (de corps), sans preuves, ce type qui vit la tête sous les étoiles. Et le show militaire de Drucker, com-bien ça a coûté, Georgelin ? ✹

White Material, enfin un grand film français !ciné Une ferme en Afrique, une guerre civile, une famille en danger. Signé Claire Denis, un poème cinématographique d’une fulgurante beauté. Plus qu’un film, un rêve.

T u as vu White Material, le nouveau Claire Denis ?- Sublime, forcément su-blime. Je n’ai pas lu le

scénario de Marie NDiaye, mais j’ai l’impression que Claire De-nis l’a complètement réécrit au montage, dissous. Avec elle, on est dans le pays du cinéma, dans la sidération. Elle filme l’émotion, un continent, les corps, un geste. C’est le règne du polysensualis-me, de la sensation, de la poésie en mouvement.- Et l’histoire ?- Un prétexte, une esquisse. Quel-que part en Afrique, dans un pays en proie à la guerre civile, une femme, Maria, refuse de quitter sa plantation de café avant la fin de la récolte. Alors que la région s’embrase et que des enfants sol-dats patrouillent dans la brousse machette à la main, l’entêtement de Maria va mettre sa famille en péril.- Alors ?- Tu te souviens de Trouble Every Day, avec la vampire Béatrice Dalle, ce ma-gnifique conte rouge sang, où l ’amour, dé-vorant, ronge comme une ma-ladie, et où le désir sonne comme une effroyable menace ? White Material fonctionne exactement de la même façon, c’est une ex-périence hallucinogène, sauvage

et belle. On se croirait dans un roman de Marguerite Duras. La narration tient sur un fil, avec une petite voix qui t’embarque, un personnage débarque, un autre disparaît. Ce que Claire De-nis fait le mieux, c’est t’emporter. Elle filme Isabelle Huppert sur sa moto et tout à coup, elle réinvente le cinéma. Les cheveux au vent,

l’air de l’Afri-que, la chaleur qui tombe, une ombre sur le vi-sage, un hélicop-tère qui plane.

Tu as compris que cette femme ne pourra jamais échapper à ce continent mystérieux. Et toi non plus, d’ailleurs.- Et les acteurs ?

- Magnifiques. Huppert est impé-riale dans ce rôle très physique. Nicolas Duvauchelle joue son fils. Tu as l’impression qu’il incarne le fantasme de la réalisatrice qui le cadre torse nu dès qu’elle peut : le personnage le moins inspiré du film.- Et il y a Christophe Lambert.- Tu imagines, le mec qui a tourné dans Vercingétorix, Fortress 28 ou Highlander 53 ! Et tu sais quoi, il est simplement prodigieux. Com-me quoi, Claire Denis est sacré-ment douée ✹ MArC GODIN

White Material de claire Denis avec isabelle Huppert, christophe Lambert,

nicolas Duvauchelle, Michel Subor.En salles le 24 mars.

Un peu de culture

14 BAkChICh hEBDO N°17 | DU SAMEDI 27 MArS AU VENDrEDI 2 AVrIL 2010

LA ZAPPETTE DE BOUrGET

TADDEï JOUE LES PrOLONGATIONS

Une enfant dU sièclealizée

C’est l’ovni de la semaine. Depuis que Julien Doré a réinterprété son Lolita dans la Nouvelle Star, l’ex-petite proté-gée de Mylène Farmer s’est métamor-phosée. Exit la variétoche des débuts, place à la top crédibilité underground. Son quatrième album a été orchestré par le duo électro Château Marmont, le producteur techno Para One ou Jean Echenoz de TTC. Dix pop-songs aussi entêtantes que déroutantes, alliant des synthés rétro futuristes et des rythmiques digitales.

My WorldsJustin Bieber

Justin Timberlake a de quoi se faire des cheveux blancs. Avec sa tête d’ange et sa pop sucre d’orge enrobée de r’n’b bon marché, Justin Bieber lui donne un sacré coup de vieux. On parie d’ailleurs que son duo Baby, avec le rappeur Ludacris, fera fureur sur les autotamponneuses. À 16 ans, le poulain d’Usher en est déjà à son deuxième album. Un an après avoir conquis l’Amérique avec My World, My Words devrait être la bande-son favo-rite des adhérents du club Mickey.

Under Great White northern liGhts

the White stripesCeux qui doutaient encore de la puissance de frappe des White Stripes peuvent se rhabiller. La preuve avec Under Great White Nothern Lights. Ce double album immortalise la tournée canadienne du duo blues-punk de Detroit, en 2007. Tandis qu’un CD dévoile des extraits live de ses plus gros tubes (Blue Orchid, Fell In Love With A Girl, Seven Nation Army), un film onirique signé Emmett Malloy retrace son quotidien sur la route. Une partie de pêche plus tard, Jack & Meg se révèlent beaucoup moins rock’n’roll que prévu.

la plUie sans paraplUiefrançoise hardy

Il semble que la conjonction Saturne-Vénus soit favorable à notre chanteuse astrologue préférée. Né sous la plume féconde de Jean-Louis Murat ou d’Ar-thur h, son nouvel album collectionne les chansons mélancoliques avec élé-gance. On aurait pu craindre le pire, sachant que l’infréquentable Calogero a composé Noir et blanc en prélude de La pluie sans parapluie. C’est pour-tant ravissant. Le timbre soyeux de Françoise hardy et les arrangements classiques (violons, guitares, piano) laissent augurer d’un joli printemps.

stinG in the tailscorpions

rien de plus triste qu’un hard-rocker qui perd ses cheveux. Est-ce pour cela que les Scorpions ont eu la riche idée de jeter l’éponge après 40 ans de car-rière ? Toujours est-il que Sting in the Tail sera le chant du cygne du quintet culte de hanovre. Mieux vaut tard que jamais. Si la voix de klaus Meine n’a rien perdu de sa superbe nasillarde, si les solos de guitare sont toujours aussi épiques, ce 17e album n’en refoule pas moins la vieille santiag un jour de pluie. Allez, bon vent les papys ! ✹� ELéONOrE COLIN

Musique

Directeur de la publication : Xavier Mon-nier • Directeur de la rédaction : Nicolas Beau • conseiller éditorial : Jacques-Marie Bourget • Rédacteurs en chef : Antoinette Lorenzi (édition), Cyril Da (Web) • chroni-queurs : Alceste, Daniel Carton, Jacques Gaillard, Marc Godin, Doug Ireland, éric Laurent, Fabrice Nicolino, Jean-François Probst, Alain riou • Maquette : émilie Parrod, Victor Buchotte, Marjorie Guigue • Secrétaires de rédaction : Pierre-Georges Grunenwald, élodie Bui • Rédaction : Mon-sieur B, Sacha Bignon, émile Borne, Louis Cabanes, renaud Chenu, éric de Saint-Lé-ger, Lucie Delaporte, éric Laffitte, Anthony Lesme, Laurent Macabies, Simon Piel, En-rico Porsia, Bertrand rothé, Grégory Salo-monovitch, Anaëlle Verzaux • Dessina-teurs : Bar, Baroug, Bauer, Decressac, Essi, Giemsi, ray Clid, khalid, klub, Ludo, Ma-gnat, Mor, Morvandiau, Nardo, Oliv’, Pak-man, Pier Gajewski, roy, Soulcié, Thiriet •Groupe Bakchich, SAS au capital de 56 980 euros • Siège social : 121 rue de Charonne 75011 Paris.

CPPAP : 1114 C 90017 • ISSN : 2104-7979 • Dépôt légal : à parution • Impression : Print France OffsetDirection des ventes : Thierry Maniguet/[email protected]/01.70.39.71.05

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Tous les textes et dessins sont © Bakchich et/ou leurs auteurs respectifs.

La bakcHicH tEaM

Cerveaux

en sallestête de tUrcde pascal elbé

Fatigué d’enchaîner les daubes, Pascal Elbé, acteur pas vraiment passionnant, réalise un premier long-métrage sec et ambitieux qui louche du côté de Collision de Paul haggis. On y croise un médecin urgentiste, son frère flic, une racaille de ban-lieue, un veuf. Servi par une pléiade d’acteurs en ébullition, un polar social fort comme un uppercut, polaroïd d’une France en plein chaos.

draGonsde chris sanders, den deBlois

Pour devenir un membre à part entière de sa tribu, harold, jeune fils d’un chef Viking, doit tuer un dragon. Serial malchanceux, gaffeur, harold blesse et apprivoise une de ces bébê-tes énervées et va prendre son destin en main.Film d’animation 3D en relief, Dragons est la nouvelle pépite des studios DreamWorks (Shrek, Madagascar), bourrée d’humour et de séquences de vol à dos de dragon absolument époustouflantes. Un régal.

lifeBoat (reprise)de alfred hitchcock

Un navire américain est coulé par un sous-marin allemand. Neuf survivants parviennent à monter dans un canot de sauvetage. Parmi eux, un nazi.écrit par John Steinbeck et Ben hecht, un huis clos en pleine mer goupillé par hitchcock.

Manoletede Menno Meyjes

Le nanar de la semaine. Gominé, les yeux d’un Droopy neurasthénique, Adrien Brody tente de se faire passer pour le célèbre toréador Manuel ro-dríguez Sánchez, dit « Manolette », et tombe amoureux de la très olé olé Penélope Cruz. Le néant cinémato-graphique ✹�M. G.

Une expérience belle, hallucinogène.

Page 15: Bakchich N° 17

N ous avons acheté notre première télévision autour de 1970, alors

qu’il n’y avait que trois chaînes. On n’échappait donc pas au journal, tou-jours diffusé à l’heure des repas. Or, en ce temps-là, sévissait la guerre du Biafra qui affamait un peuple, et tan-dis que nous nous régalions défilaient sur le petit écran des squelettes vivants, des enfants surtout. Imaginez l’effet de telles ima-ges sur l’appétit.Vaincus par la mauvaise conscience, nous prîmes alors l’habitude, ma femme et moi, de verser tous les six mois quelque chose comme 150 euros d’aujourd’hui à l’Unicef.Sur-le-champ, c’est le cas de le dire, tout changea : les squelettes ne nous dérangeaient plus, au contraire. Cha-que apparition de ces fantômes nous rappelait notre bonté qui passait à la télévision. Nous les aimions. Nous les recherchions. Pour ce prix, qu’aurions-nous pu nous offrir d’autre qui nous aurait procuré tant d’estime de nous-même, et tant de bonheur ?Vers cette époque, je croisais rue du Sabot, dans le VIe arrondissement de Paris, un clochard qui, par son intem-

pérance, causait un scandale perma-nent dans le quartier. Découvrant, j’imagine, la bonté sur mes traits, il me demanda tout net « un peu d’ar-gent pour aller boire du vin rouge. Car, disait-il, à nos âges, on n’a plus beaucoup de sang ». Charmé par sa

franchise autant que par son diagnostic christo-dracules-que, je lui remis sans me faire

prier une obole rondelette. Il courut vers le premier bistrot se transfuser, tandis que la joie m’envahissait et que se précisait, dans ma tête, le sens de ma mission : aider les pauvres sans mérite.Depuis, je donne aux mauvais mu-siciens, aux indignes, aux ivrognes patentés et à toutes les belles âmes : un mendiant, cheminot à l’ancienne à qui j’ai attribué, l’autre jour, un billet de 50 euros faute d’autre monnaie m’a regardé, incrédule. Puis je le vis chercher dans sa pauvre mémoire un remerciement qui fit date. Et enfin, s’inclinant, il prononça ces mots qui dépassaient mes espérances : « Noble seigneur ! »Vous comprendrez qu’à ce prix-là, j’en redemande ! ✹

lE BIllEt D’alaIN rIOU

mES SI ChErS PaUVrES

«I ci, vous ne trouverez pas les éditeurs qui appartiennent à Hachette, propriété de

Lagardère, qui vend des armes. Autant fusionner le ministère de la Culture et celui de la Défense, ce sera plus hon-nête. » L’affiche qui accueille le visiteur au 52, rue Jean-Pierre Timbaud, dans le XIe arrondis-sement de Paris, donne le ton. Une librairie comme lieu de ré-sistance. Depuis 29 ans, Ferid Kaddour, le taulier, y vend du thé, des disques, des BD. On y débat aussi, parfois, tant le lieu infuse la réflexion politique. Trois jeu-nes filles viennent de s’installer pour boire un thé : « Vous n’avez pas des ouvrages sur le situation-nisme ? » Ferid s’affaire.Inutile de creuser bien longtemps pour savoir ce que Ferid pense du pouvoir en place. Sa large vitrine est parsemée d’affiches toutes plus critiques les unes que les autres : ici, un Sarkozy fils de Pétain, là, un Besson parodié en déchet qui pollue « à Paris aussi »… « Les fichiers ethniques, c’était trop », explique-t-il. « Quand vous avez des gens aussi modérés que Veil ou Pasqua qui expriment leur indignation sur ce genre de pro-position, ça donne la mesure de la dérive », insiste-t-il, calmement, derrière son comptoir. Le temps est à la contestation, mais ce n’est pas du goût de tous.Le 17 mars dernier, Ferid Kad-dour a été convoqué et entendu par la police du XIe arrondisse-ment. « L’entretien a été très cor-dial », raconte-t-il à Bakchich.

« Ils voulaient que je m’explique sur des affiches anti-Sarkozy pla-cardées sur ma vitrine dès 2006. Ils ont sorti mon dossier, assez épais, et j’ai vu des photos de Tous coupa-bles », un ouvrage qu’il a publié

en 2007. Car Ferid est aussi éditeur. Il dirige Tête Rock Un-derground et, à ce titre, a mis son savoir-faire

au profit de « 400 pages de ré-bellion ». Objectif ? Défendre le dessinateur Placid, condamné à 500 euros d’amende pour injure envers une administration, en l’occurrence la police nationale. Le malotru avait représenté un flic en cochon. Résultat, dans Tous coupables, livre de soutien tiré à 3 000 exemplaires, plus de 400 des-sinateurs s’y sont mis. L’ouvrage trône toujours en vitrine.D’après Ferid Kaddour, les élus UMP du quartier n’apprécient guère l’endroit et les policiers,

« toujours courtois », l’ont à l’œil. À eux de décider si leur enquête suivra son cours. Danger quand on sait que depuis l’arrivée de Sarkozy au pouvoir et l’épisode « Casse-toi pauv’ con », le délit d’outrage est en plein boom. L’année dernière, Ferid a reçu des réunions du comité de sou-tien aux inculpés de Tarnac. De quoi chatouiller un peu plus la hiérarchie policière. « Je les ai ac-cueillis, comme plein d’autres, et je ne voulais surtout pas que l’on ne parle que de ça », tempère-t-il.« Jamais je n’enlèverai ces affiches, d’ailleurs, j’en attends de nou-velles », lâche Ferid. On pourra y lire : « Après quelques mois à la Défense, Jean Sarkozy est prêt pour l’Afghanistan.»Question subsidiaire. Qui a dit, lors du procès intenté à Charlie Hebdo pour les caricatures de Mahomet : « Je préfère l’excès de caricature à pas de caricature du tout ? » Sarkozy père ✹� SImON PIEl

La pipoLe de la semaine

Musicien de jazz, journaliste au Nouvel Obs et invité du Masque et la plume, Alain Riou fait aussi du cinéma. Son cinéma.

Obole

la librairie fait de la résistanceÀ l’aFFIChE

On y débat parfois, tant le lieu infuse la réflexion politique.

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margarita enivre l’OmD’elle, les supporters de l’Olympique de marseille et les médias n’ont

longtemps connu qu’une ritournelle. « Louis-Dreyfus, ta femme est juste là devant nous, elle nous suce la b… », entonnée à chaque piteuse défaite du plus grand club du monde par le public du Stade Vélodrome. temps lointain et révolu. Depuis le décès de son mari, qui l’a laissée propriétaire malgré elle de l’Olympique de marseille, margarita Bogdanova, veuve de robert louis-Dreyfus, n’a plus droit qu’à des mots doux. Une de l’Équipe du 30 octobre dernier et interview calibrée sur mesure, rebelote dans la Provence du 2 mars, avant la couverture du mensuel So foot. Pour un même concert de louange, un mot d’ordre – « Je suis là pour rendre

hommage à Robert » – et une rareté savamment organisée par le président du conseil de surveillance du club, ancien porte-parole de

son mari, Vincent labrune. Qui, à l’occasion, réécrit les interviews ou lui sert d’antisèche dès que les sujets purement footballisti-ques sont abordés.la mélodieuse drague commence même à amuser la Peter-sbourgeoise fan d’opéra. De plus en plus présente dans les loges du club, elle assistera aussi à la finale de la Coupe de la ligue, Om-Bordeaux, le 27 mars au Stade de France. Une victoire de marseille, un premier trophée pour le club depuis 17 ans, et nul doute que margarita aura droit à une jolie mélopée

de la part des fans marseillais… ✹�x. m.

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DU SamEDI 27 marS aU VENDrEDI 2 aVrIl 2010 | BaKChICh hEBDO N°17 15

Un peu de culture

Page 16: Bakchich N° 17

Joseph staline back in the UssRbandit Le petit père des peuples n’en finit pas de faire parler de lui. À son endroit, le cœur des Russes balance entre nostalgie et dégoût. Certains tentent d’en profiter.

H orreur, Staline est de retour ! Pour fêter le soixante-cinquième anniversaire de la victoire de l’URSS contre l’Allemagne nazie, le 9 mai prochain, l’administration

moscovite n’a rien trouvé de mieux que d’afficher dix portraits de Staline. Une mesure qui fait parler d’elle en Russie, tant le passé stalinien est un sujet sensible – si ce n’est tabou – pour les Russes. Attaqué par les défenseurs des droits de l’homme, le maire de Moscou, Iouri Loujkov, se défend en invoquant l’im-portance du rôle joué par le petit père des peuples pendant la Seconde Guerre. « Je suis l’admirateur de l’histoire objective, se justifie-t-il. Et cette objectivité exige de ne pas radier Staline de la liste des personnes

qui ont pris part à la guerre et à la reconstruction du pays, mais de le présenter selon son mérite. » Ambiguë et énigmatique, la personnalité de Staline fait donc encore et toujours parler d’elle. En 2008, une télévision russe lançait le concours le Nom de la Russie, où, par une consultation sur Internet, les Russes votaient pour établir la liste des personnes faisant la fierté du pays. Horreur, déjà : Staline ar-rivait en troisième place. Mieux que les écrivains Pouchkine et Dostoïevski !Bien sûr, la presse s’était fait l’écho du vent de pa-nique soulevé par un tel résultat. Certains médias, plus paresseux, s’étaient contentés de retranscrire l’information sans l’analyser. En réaction, le site La honte du pays se créait pour dresser le catalogue des persona non grata en matière de défense des droits de l’homme. Paradoxe, Staline était, là aussi, classé parmi les dix premiers.

les seniors l’adorentDans les milieux intellectuels russes, on analyse le regain de popularité de Staline par le fait que la société est à la recherche d’un pouvoir fort. Les Russes exigent une vie plus structurée et un avenir assuré. Ce que les sondages confirment : presque la moitié de la population estime que la centralisation via Moscou est la meilleure organisation du pouvoir politique. Mais si Staline est populaire, c’est plus en tant que mythe qu’en tant qu’homme politique. Il ne faut pas oublier que la Russie est un pays où la plupart des gens ne s’intéressent guère à la politique, sauf les seniors. Les retraités et plus de 60 ans compo-sent l’électorat le plus mobilisé. Ils ont souvent le portrait de Staline dans leurs albums de famille et croient dur comme fer que leur vie en Russie sovié-tique était plus stable. Voilà pourquoi les autorités n’hésitent pas à jouer avec l’image de Staline, car il apporte bien des votes ✹� NAIRA�DAVLASHYAN

Issy et maintenantLibération� (23�mars)� veut� y� voir� un�résultat�exemplaire�des� régionales�:�« fief,  depuis  une  trentaine  d’an-nées »,� de� l’expert� en�bons� comme�en�mauvais�mots�André�Santini,�dé-puté-maire� et� ex-secrétaire� d’État�(Nouveau�centre)�de�Sarko,� Issy-les-Moulineaux�(Hauts-de-Seine,�63�000�habitants)� « est  passé  à  gauche ».�Analyse� d’un� conseiller� municipal�d’opposition,�le�PS�Laurent�Pieuchot�:�« Santini a appris les mauvaises ma-nières avec Sarkozy quand il était au gouvernement, et il a perdu ce qui fai-sait sa bonhomie ».Le� sarkozysme� rendrait�donc�brutal.�Ou�aigre.�Ou�morose.�À�en�juger�par�la�tête�des�ténors�de�l’UMP�dimanche�soir�dernier,�les�triomphes�électoraux�du�sarkozysme�plus�encore.

Préfet du princeMatch�(18�mars),�de�son�côté,�fait�la�chronique�de�« la petite demoiselle et  autres  affaires  d’État »� («�men-songes� d’État�»� serait� plus� appro-prié)�:� l’ouvrage� récent�où� le�préfet�et�ex-commandant�de�gendarmerie�Christian� Prouteau� relate� ses� an-nées� de� protection� policière� insen-sée�de�Mazarine,� la�fille� cachée�de�Mitterrand.� À� Paris,� en� Provence,�mais�aussi�dans� le�discret�domaine�présidentiel� de�Souzy-la-Briche� (Es-sonne)�:� « François  Mitterrand  y  a vécu de grands moments de bonheur (...)  Quant  à  mes  hommes,  ils  ont entouré Mazarine de leur affection et tout fait pour que Souzy soit son petit coin de paradis ».On� allait� le� dire�:� pour� la� joie� des�parents�et�l’épanouissement�des�en-fants,�on�ne� trouvera� jamais�mieux�que� la� banlieue�parisienne.�À� l’om-bre�des�grands�frères,�bien�sûr.

Attali fait le JacquesMitterrand� encore.� Son� ancien�conseiller�spécial,�son�ancien�sherpa�aussi,� Jacques� Attali,� promu� par�Sarkozy�président�de�la�commission�pour� la� libération� de� la� croissance�française,� fait,� dans� le  Monde� (21�et�22�mars),�une� remarque�pas� to-talement� dépourvue� d’intérêt,� ni�de� sens� commun.� Souhaitant� un�« budget  juste  et  efficace »,� il� pré-cise,�et� la�phrase�donne�son�titre�à�l’interview�:� « Il  faut  réfléchir  à  la pertinence  du  bouclier  fiscal  et  des niches fiscales ».En�d’autres� termes,�un�peu�plus�of-fensifs,�est-il�bien�décent,�par�temps�de�crise�et�d’énormes�déficits�publics,�de�privilégier�toujours�plus�les�privilé-giés�?�Mais�il�est�un�rien�socialiste,�cet�Attali…

En radical sècheIls� disposent� de� formidables� boîtes�à� idées� à� deux� jambes,� à� l’UMP�!�Sévèrement� défait� par� Ségolène,� le�secrétaire�d’État�aux�Transports,�Do-minique�Bussereau,�avait,�quelques�jours�plus�tôt,�rapporte�le Journal du dimanche� (20�mars),� « plaidé  pour la création d’un parti radical écolo et centriste autour de Jean-Louis Borloo. Un sarclage de voix vertes ».�Des�radi-caux�écolos�!�Pour�faire�encore�plus�«�terroir�»,� la�majorité�pourrait�peut-être�ressusci-ter� le� Centre� national� des� indépen-dants� et� paysans� d’Antoine� Pinay.�C’est�un�parti�qui,�lui�aussi,�a�eu�son�importance�sous�la�IVe…

Souriez gypseÀ� l’occasion� du� septième� anniver-saire� de� l’arrivée� de� l’armée� amé-ricaine� aux� portes� de� Bagdad,� le�20�mars�2003,�un�reporter�du�Figaro�(20�mars,�évidemment)�a�sillonné�la�capitale�irakienne,�toujours�frappée,�de�nuit,�de� larges�coupures�de�cou-rant�électrique�et�de�jour,�par�l’explo-sion,�« dans l’indifférence générale »,�de�voitures�piégées.�Il�y�a�aussi�relevé�un� détail� symbolique�:� « La  statue de  Saddam a  été  remplacée  par  un bizarre monument de gypse verdâtre censé symboliser le nouvel Irak, mais qui s’effrite déjà par morceaux ».C’est�un�emblème�remarquablement�choisi�!�Tournée de Rome« Il m’a copié ! »�avait� lancé�Berlu�à�propos� de� Sarko� en� 2007.� L’actuel�président� du� Conseil� italien� voulait�alors�parler�des�goûts�de�nabab�de�notre�nouveau�président�(croisière�en�Méditerranée� sur� yacht�privé,�mon-tres�de�luxe,�etc.).�Trois�ans�après,�sur�d’autres�sujets,�la�copie�n’est�plus�très�fidèle�à�l’original.�Ils�étaient�150�000�(un�million�selon� les�organisateurs)�à�défiler�en�fin�de�semaine�dernière�à�Rome�(le Figaro�du�22�mars)�pour�soutenir� les� listes� Berlusconi� aux�régionales�qui�se�tiendront�ce�week-end.�Leitmotiv�du� jour�:�« Heureuse-ment qu’il y a Silvio ».Tout� le� contraire� de� Paris.� D’abord,�l’UMP�aurait�du�mal�à�y�rassembler�150�manifestants.� Et� puis� le� slogan�serait� surtout�:� «�Hélas,� il� y� a� Nico-las�!�»

Cathos d’intérêtQui� n’a� pas� son� analyse� définitive�des�déboires�de�la�majorité�?�Le�très�chiraquien� essayiste� Denis� Tillinac�développe� la�sienne�dans� le Journal du  dimanche� (21�mars)� et� se� pen-che� notamment� sur� les� clientèles�enfuies�:� « Avec  l’affaire  de  l’Epad, [Sarkozy] a perdu les électeurs du FN qui n’aiment pas  le népotisme, avec l’affaire Mitterrand et les soupçons de pédophilie,  il  a  déçu  les milieux  ca-tholiques conservateurs »,�etc.En�revanche,�tout�le�confirme�tous�les�jours�:�avec�Carla,�le�même�s’est�du-rablement�installé�dans�l’univers�du�show-biz�!�✹� AURÉLIEN�DONAT

MANIf’�POUR�LES�RETRAITES

bakchich16 BAkCHICH�HEBDO�N°17�|�DU�SAMEDI�27�MARS�AU�VENDREDI�2�AVRIL�2010

Ben la der