BAKCHICH HEBDO N°35

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N° 35 | DU SAMEDI 31 JUILLET AU VENDREDI 3 SEPT 2010 | INFORMATIONS, ENQUÊTES ET MAUVAIS ESPRIT Numéro spécial, 32 pages bakchich L 13723 - 35 - F: 3,00 3€

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numéro spécial été

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N° 35 | du samedI 31 juIllet au vendredI 3 sept 2010 | InformatIons, enquêtes et mauvaIs esprIt

Numéro spécial, 32 pages

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Baignade interdite

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L’appel du large et du grand air. Quand grimpe la tem-pérature, les vêtements se font plus légers, les peaux

se mettent à dorer et les sourires sont bien moins forcés. Si la misère semble moins pénible au soleil, les vacances se savourent surtout sur les côtes, au bord de la mer. Alors, Bakchich a choisi de se glisser dans les bagages de ses fidèles abonnés, chers lecteurs ou futurs fans. En remplissant jusqu’à ras bord son sac hebdomadaire de 16 pages, pour le transformer en numéro spécial de 32 pages, tout entier consacré aux histoires côtières, petites et grandes. En prenant le chemin des douaniers (lire page 15), en se faufilant entre les dunes pour découvrir les repères des tout-nus, « à-poilistes » ou tout sim-plement nudistes (lire page 23). La nuance est de taille, attention ! Mais l’essence du journalisme n’est-elle pas de mettre l’actualité à nue ?

doigts de pieds en éventailô surprise ! La côte, d’Azur, bleue ou marseillaise, n’est pas seule à s’en tirer comme une Manche. Saint-Trop’ s’enfonce toujours plus dans le pèze (lire page 16). La Camargue, dans la mer (lire page 6). Nice, sous les affaires du Milieu (lire page 17). Mais là-haut, tout au nord du pays, une lumière irradie. Pas celle d’un phare (lire page 20). Celle des usines. Le Pas-de-Calais brûle de ses sites classés Seveso (lire page 7). Une pou-drière. Un peu plus loin, La Hague et sa décharge nucléaire – site de trai-tement des déchets, dit-on quand on est poli (lire page 12). Puis, la Bre-tagne, à l’abri du soleil. Mais pas des cochons (lire page 5) ou des Parisiens, déjà nostalgiques de Paris plages (lire pages 24-25). Bref, sous la plage, Bak-chich a retrouvé des pavés d’affaires, des puzzles de scandales, à reconsti-tuer les doigts de pieds en éventail.La relève de ce numéro spécial arri-vera le 4 septembre en kiosque. Mais n’oubliant ni ses devoirs de vacances, ni ses internautes, ni ses personnages préférés de l’actualité, la rédaction va continuer, pendant le mois d’août, de distiller informations, enquêtes et mauvais esprit sur le Web. Betten-court, Woerth, Sarkozy et leurs amis, rendez-vous sur Bakchich.info ✹ xavier monnier

du samedi 31 juillet au vendredi 3 septembre 2010 | bakchich hebdo n°35 3

La beauté d’un pays peut disparaître sans prévenir. Si incroyable que cela paraisse, les côtes de France étaient encore une merveille voilà seulement un siècle. Et même dans l’immédiat après-guerre : il y a donc des survivants capables de parler de ce qui fut. La Bretagne était nue, c’est-à-dire pleine de sorti-

lèges, de naufrages et de tempêtes. Arcachon n’avait pas encore été inventée. Bidart, sur la côte basque, était un minuscule port de pêche. Collioure, dans les Pyrénées-Orientales, se partageait entre vignes et anchois.Et puis il y avait la Côte d’Azur, qui n’était pas encore ce pays de requins et d’assassins qu’elle allait devenir. Les plages privées n’existaient pas ; le marché aux poissons de Saint-Tropez n’attirait pas encore Barclay, Hallyday et le bling-bling du monde entier ; Porquerolles et les Lérins restaient des îles désertes. Mais le mieux est peut-être de se souvenir avec les peintres, plus fidèles qu’aucune mémoire. Connaissez-vous la Baie de Marseille, vue de l’Estaque ? Demandez à Cézanne. La Maison du pêcheur, Varengeville en Seine-Maritime ? Voyez avec Monet. Ou avec Picasso et sa Famille au bord de la mer si vous tenez à savoir comment on se tenait autrefois sur les plages. Ou encore avec Renoir à Salernes, Matisse à Nice, Derain à Banyuls. Ce n’est pas de la nostalgie, c’est de la saudade, c’est-à-dire le désir intense de ce qui a été perdu.

tourisme de masseQue s’est-il passé ? Un maelström que Bakchich vous propose de découvrir comme on picore dans un bar à tapas. Il y en a pour tous les goûts, et l’on n’est pas obligé d’aimer tout ce que le patron propose. L’idée générale est simple : le béton et le tourisme de masse ont tué la perspective. Les pers-pectives. Le béton, c’est-à-dire les promoteurs et les politiques qui les ont laissés faire. En somme, les traditionnels copains et coquins de l’histoire. Combien d’enveloppes ?Quant au tourisme de masse, il aura rempli les poches des constructeurs de bungalows, de résidences les pieds dans l’eau, de bâtiments aussi nouveaux qu’affreux en front de mer. L’exemple le plus fou-droyant de tous : 96 % du littoral des Alpes-Maritimes est urbanisé. Et des petits malins cherchent encore le moyen d’aller plus loin. On peut leur faire confiance.

petites histoiresNous avons envoyé nos reporters chercher quantité d’histoires de rapines, de tueries, de naufrages, de sauvetages, de destructions, de cul – il fallait bien –, de dauphins et de fous de Bassan. Mais nous ne savons toujours pas pourquoi cet attrait pour les plages.Laissons la parole à Jean-Jacques Bavoux* : « On reste médusé devant le paradoxe de ces millions de touristes qui fuient leur ville parce qu’elle est surpeuplée, bruyante, polluée et qui viennent chercher dans telle ou telle station leurs deux semaines parfois

au moins aussi surpeuplées, embouteillées, bruyantes et polluées,

la seule différence étant qu’il faut payer – et généralement fort cher – pour ce privilège. » En attendant que ça s’arrange, il nous reste la possibilité de rire et de pleurer, d’apprendre et d’oublier, de rugir et de s’indigner, et, bien sûr, de lire Bakchich sur la plage ✹ fabrice nicolino

* Les Littoraux français (éd. armand Colin, 1997)

un grain de sabLe dans La routine

Bienvenue dans le bar à tapas de bakchich

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wakesurf p. 27

thon p. 26immobilier p. 7

hospitalité p. 7 et 13

permis de construire p. 12

jobs d’été p. 12

hélicos p. 16

xynthia p. 28

cogema p. 12

montée des eaux p. 6saint-trop-de-pèze p. 16

pavillon bleu p. 20

seveso p. 16

baignade interdite p. 12

sous-marins p. 13

arsenal p. 22

paddleboard p. 10-11

estuaire p. 5

fous p. 9

juin 36 p. 12

phares p. 20

sainte-adresse p. 13

crs p. 22

surfrider p. 21

conservatoire p. 15

tatihou p. 26

fort p. 5tout-nus p. 23

paris plages p. 24-25

baie des cochons p. 5

yachts p. 28

Au Pays basque, les autochtones ont de plus en plus de mal à se loger à cause de la flambée des prix et du nombre croissant de résidences secondaires. La spéculation rend la situation explosive. Attention, nucléaire ! Avec tous les

navires de guerre qu’elle abrite, la rade de Toulon vit sur une véritable poudrière radioactive.

Saint-Brieuc, paradis des cochons. Les élevages de porcs ont provoqué la prolifération des algues vertes, toxiques et envahis-santes. Lutter ? Le lobby des éle-veurs veille au grain.

À La Hague, l’usine de retraite-ment des déchets nucléaires fait vivre du monde mais n’est pas un atout pour le tourisme. Encore moins pour la protection de la nature.

Dunkerque n’est guère mieux lotie, avec une douzaine de sites classés Seveso, autrement dit tout ce qu’il y a de plus toxique.

Label bidon, le pavillon bleu s’attache à tout noter… sauf la qualité de l’eau.

Heureusement que le Conservatoire du littoral existe pour protéger les 5 500 kilomètres de côtes françaises. Ouf !

jungle p. 16

La capitale se la joue station balnéaire. Des tonnes de sable déplacé pour un bonheur éphémère.

Le lac d’Annecy subit les surfeurs d’un nou-veau genre. Fun.

Dans les Pyrénées-Orientales comme ailleurs, les promoteurs s’en donnent à cœur joie pour bétonner le littoral. Peu importe la législation.

special cotes

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ArchipelO ubliez ce que vous croyez savoir. À

quelques milles marins de Brest, l’ar-chipel de Molène compte neuf îles et îlots principaux, dont certains sont exempts d’hommes. Mais les animaux sont partout. À terre, des oiseaux de légende, comme les sternes ou les puffins, mais aussi des lou-tres venues du continent, qui traversent le chenal du Four avant de se perdre sur les plages de Litiri, Quémenes ou Trielen. En mer, le spectacle le plus incroyable est celui des forêts de laminaires. Au milieu de ces algues verticales, le plongeur peut se perdre aussi facilement que dans la forêt enchantée de Brocéliande. À chaque pas, des poissons, des oursins, des ophiures, des crustacés.Surtout, surtout ne pas oublier les pho-ques gris, dont la présence est attestée depuis le XVIIIe siècle. Il y en aurait environ 45 autour de Molène, dont la plu-part se prélassent des heures au soleil, sur le sable ou les rochers. Quand il y a du soleil. Quand il pleut, il ne reste plus qu’à chevaucher l’un des 50 grands dauphins qui circulent dans l’archipel. Difficile, mais pas impossible.On se demande bien pourquoi Molène a obtenu, dès 1988, le prestigieux label « Man and Biosphere » de l’Unesco ✹

C ’est ainsi que l’on surnomme la baie de Saint-Brieuc (Côtes-d’Armor),

toute dédiée à l’élevage porcin. Lequel est directement responsable, via ses rejets nitriques, de l’apparition, dès les premières chaleurs, d’une glutineuse marée d’algues vertes dans toute la baie. Puantes, laides, ces ulves sont, on le sait maintenant, également meurtrières. Un chien, un cheval et un homme ne se sont pas remis, l’an dernier, d’avoir respiré l’hydrogène sulfuré qui se dégage de ces algues en putréfaction.

lobby des éleveursLa prise de conscience a donc com-mencé. Enfin, presque. Le député UMP Marc Le Fur, élu des Côtes-d’Armor, membre du Club des amis du cochon à l’Assemblée nationale, qui se bat chaque jour que Dieu fait pour que vive la Bre-tagne, a déposé, au début de l’été, un amendement à la loi de modernisation agricole relevant le seuil d’ouverture d’une porcherie de 400 à 2 000 têtes. Sans étude d’impact sur l’environnement.En janvier 2007, Le Fur donnait un entre-tien de haute tenue au magazine, hélas méconnu, Porc magazine. « Les produc-teurs de porcs sont de véritables chevaux de course entravés dans leur envie d’entre-prendre et leur volonté d’être compétitifs. » Son amendement, dévas-tateur pour les litto-raux, a été adopté. Il faut dire que, dans le coin, il n’est pas bon de se mettre à dos le lobby des éleveurs de porcs.

avis de décèsAinsi, le porte-parole de l’association Halte aux marées vertes, André Ollivro, cou-pable de s’être trop agité dans les médias sur la question, rece-

vait, en juillet dernier, via la poste, un sympathique avis de décès le concernant. Quelques semaines plus tard, son jardin était recouvert, en pleine nuit, de meules de foin. Auparavant, il avait dû essuyer un amas de purin devant sa porte. De vraies têtes de cochons, ces éleveurs ✹

sur les menus de vacances, le canard fait un malheur. Quel que soit l’endroit, et même à cinq kilomètres de la mer, il trône sur le menu « régional », au même titre que la friture du golfe, comme si le Gers avait envahi la France. il faut dire que cette viande fait sens : elle sent la ferme (il y a beau temps que le poulet n’évoque plus la basse-cour), la mare à côté du tas de fumier, le r roulé des paysans occitans, la philosophie gastronomique du gras, le french paradoxe. plus sophistiquée que la dinde, désormais si banale, viande pour petits salaires qui sévit à la cantine et marine dans une sauce blanche en plat du jour chez nénesse, sous le nom de « fricassée de volaille ». plus rustique, elle fait saliver les urbains, au même titre que le « jambon de pays » servi en tranches épaisses et la « terrine maison » posée sur la nappe à carreaux. car, dans tout urbain, il y a un ancêtre paysan qui sommeille, et la campagne est à la mode, puisque le bonheur est dans le pré.en fait, le magret de canard n’a que 50 ans. c’est vers 1960 qu’on envisagea de le griller ou de le poêler – auparavant, on mettait en confit dans de la graisse les restes de la bête sacrifiée pour son précieux foie. et c’était une nourriture de pauvres, qui rêvaient de gros steaks saignants. viande de récupération, d’accord, mais goûteuse (le gras, c’est le goût !), et se prêtant à une foule de recettes. pour souligner sa rusticité, le simple gril avec des marques en croisillons et des patates au gras ; pour l’ennoblir, des flots de miel, des figues ou une farce au foie gras ; pour l’« exotiser », des ananas, des baies bizarres ou du riz cantonais et une sauce à la menthe…de nos jours, avec la cuisse confite et le cou farci, tout est bon dans le canard. de toute façon, au menu populaire du resto des Flots bleus, en plats de viande, on vous sert essentiellement de la vache laitière et du gigot australien (seules les herbes sont peut-être de provence). le magret franchouillard, c’est comme le roquefort : le monde nous l’envie ✹

résidence Le fort de Brégançon, dans le Var, est le lieu de villégiature estivale des présidents de la République. Chacun a utilisé l’endroit à sa guise.

D isparaissez, manants ! Ce fort n’est point fait pour vous. Résidence des présidents de la République française,

posé sur un piton rocheux à quelques brasses du cap Bénat, sur la commune varoise de Bormes-les-Mimosas, le fort de Brégançon a diversement été utilisé par Nos Excellences.Charles De Gaulle y dort un soir de 1964 et promet de ne jamais revenir. Le couple Pompidou s’y plaît et Madame fait installer – c’est une révolution – des meubles en Plexi-glas. Valéry Giscard d’Estaing, élu en 1974, y séjourne à de nom-breuses reprises, parfois en solitaire. Sa noble épouse, Anne-Aymone, fait dynamiter la roche pour y installer une terrasse avec transats. Le 6 juin 1976, Giscard invite Jacques Chirac, qui est alors son Premier ministre, pour un repas « à la bonne franquette ». Jaquot ne le lui pardonnera jamais, car Gis-card, qui a aussi invité son moniteur de tennis et sa femme, le traite comme un larbin. Jacques Chirac dira plus tard : « C’était inadmissible ! Les deux malheureux étaient terrorisés. Vous

vous rendez compte : ils se retrouvaient face au président de la République et au Premier ministre, et à leurs épouses en robes longues. Lui était venu en polo et elle, en petite jupette. »Avec François Mitterrand, dès 1981, Brégançon est déserté car Tonton lui préfère les Landes. Il fera une exception le 1er janvier 1987, en recevant, à l’entrée du fort, une délégation de grévistes de la SNCF. Sur fond de cohabitation avec

Chirac, redevenu chef de gouver nement, pour bien montrer son désaccord avec la poli-tique menée.Chichi, qui piaffe depuis si longtemps,

arrive enfin à l’Élysée en 1995. Pour lui, Brégançon, c’est le pied ! Et même le cul. Le 4 juillet 2001, des paparazzi planqués dans les rochers réussissent à mitrailler le Président alors qu’il regarde au loin le yacht des frères Schumacher, héros de la Formule 1. Menu problème : il est à poil. Complètement à poil. Les photos ne seront jamais publiées.Reste notre bon ami à tous, Nicolas Sarkozy soi-même. Une vilaine rumeur prétend qu’il préférerait le Cap-Nègre. Horreur ! ✹

brégançon fort des puissants

l’épouse de Giscard a fait sauter la roche pour installer une terrasse.

les carnets de Jacques Gaillard

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camargueL a Camargue vit-elle ses dernières

années ? Les habitants du delta du Rhône sont les témoins directs des effets du changement climatique. L’eau monte, aucun doute. « Les Saintes-Maries-de-la-Mer sont au milieu de la zone d’érosion, entre les pointes de Beauduc et de l’Espi-guette », explique Éric Coulet, directeur de la réserve naturelle de Camargue. Mais la station balnéaire est protégée par des épis en béton, et les Roms devraient donc pouvoir garder ce lieu de pèlerinage encore longtemps. Ailleurs, rien de sûr, car le renforcement d’un point fragilise d’autres parties du littoral. « On risque de devoir blinder toute la Camargue ! » pré-vient Éric Coulet.

montée des eauxCertes, l’estuaire du Rhône, comme tous les estuaires, est en perpétuel mouve-ment. Tantôt la mer gagne sur les terres, tantôt les alluvions charriées par le fleuve font reculer les eaux salées. Ces changements de topographie s’opèrent à l’échelle d’un ou de plusieurs siè-cles. Mais, cette fois, avec le chan-gement climatique, ajoute Éric, « la vitesse des événements nous dépasse. Elle est surnaturelle. Elle ne correspond pas à la capacité d’évolution des habitats locaux ». Depuis 1900, la mer est montée de 13 à 14 centimètres et elle continue, de

3 millimètres chaque année. Une étude prévoit une élévation du niveau moyen de la mer, « probablement de l’ordre de 44 cen-timètres d’ici à 2100 ». Déjà, les remontées de sel chamboulent l’équilibre écologique et économique du delta. La sansouire, ce milieu typique où pousse la salicorne (délicieuse en salade), risque simplement de disparaître. La culture du riz est elle aussi bouleversée par l’avancée de la mer. Le riz meurt à 1 gramme de sel par litre, un taux d’alerte déjà atteint plusieurs fois cette année. La montée des eaux pose un redoutable problème : l’homme doit-il se substituer à la nature et organiser l’équi-libre entre l’eau douce et l’eau salée ? Et le peut-il ? ✹

N aguère florissant, le marché des camping-cars est désormais dans

l’impasse. Envolée du prix des carburants, évolution des comportements… Les ama-teurs de ces boîtes de conserve à roulettes se font de plus en plus rares.Du coup, pour relancer le business, tous les arguments sont bons. Même les plus déroutants. En 2008, une grande cam-pagne de pub lancée par la Fédération des véhicules de loisirs clame que rouler en camping-car, c’est écolo ! Ah bon ? Quinze litres aux 100 quand un 4x4 en consomme déjà 10, ce serait écologique ? C’est très simple, explique le spot : rouler en cam-ping-car, c’est écolo, parce que le cam-ping-cariste vit au plus près de la nature, trie ses déchets et mange bio. Il fallait oser. D’autant plus que des milliers de ces pustules métalliques défigurent les plus beaux sites du littoral. Combien d’héroï-ques aventuriers se garant en haut des dunes les plus fragiles ?En 2009, changement de braquet, fini le green-washing. Crise oblige, les profes-sionnels de ces maisons roulantes nous affirment, cette fois, que le camping-car, c’est éco… nomique. Ah bon ? Ben oui, puisqu’on ne dépense pas plus que si on restait calé au fond de son canapé. Élé-mentaire ! Tant pis, donc, pour la doulou-reuse de diesel, et tant pis si ces engins coûtent en moyenne 50 000 euros ✹

CokeI l en faudrait plus. Oui, il faudrait

100 fois plus de cocaïne en circulation, à condition que les saisies soient pro-portionnelles au trafic. Bakchich est en mesure de révéler qu’à ces conditions le trou de la Sécurité sociale et le déficit des caisses de retraite ne feraient plus partie du débat public.Exemple avec ce voilier repéré par les douanes françaises. Bien que les ser-vices concernés refusent de parler, c’est probablement à la suite d’une dénon-ciation que la surveillance du bateau a commencé. Son skipper s’apprêtait à traverser l’Atlantique quand une vedette des douanes a fondu sur lui, le 1er juin dernier. Dans les eaux internationales, à 40 milles nautiques de la Martinique. À bord, 40 ballots de 30 pains de cocaïne, soit la bagatelle de 1,39 tonne de poudre blanche. C’est la plus grosse saisie de coke de toute l’histoire de France. Coco-rico ! Montant estimé du butin : 83 mil-lions d’euros… ✹

creperieC ’est un petit coin de paradis niché au

bout de la presqu’île de Crozon, dans le Finistère. Du haut de la falaise où est arrimée la crêperie du Veryac’h, la plage dessinée par les caprices des vents bre-tons s’offre au regard des curieux. La vue sur l’océan est imprenable. Et les crêpes, délicieuses.Installée depuis plusieurs années non loin de la pointe de Pen’hir, sur la commune de Camaret-sur-Mer, la crêperie connaît quelques tumultes ces derniers mois. La mairie a en effet décidé de construire un parking pour vélos en lieu et place de la terrasse attenante à la petite bicoque en bois qui sert de restaurant. Il n’en fallait pas moins pour mettre en péril les cinq emplois saisonniers de la crêperie et pro-voquer l’ire des amoureux du lieu. Un groupe de soutien a d’ailleurs été créé sur Facebook. Il compte aujourd’hui plus de 1 150 membres. Suffisant pour faire plier la mairie ? ✹

face cachée Certes, le commandant Cousteau a initié des générations au monde sous-marin. Certes, il a été l’un des grands défenseurs de la planète. Mais pas seulement. Au-delà de l’icône, quelques déroutantes vérités.

L e bonnet est rouge, forcément rouge. Il y a au moins deux manières de considérer le commandant Cous-teau, qui aurait eu 100 ans en juin 2010. L’exécrable, et la meilleure. Côté casse-pompon, Jacques-Yves Cous-

teau en a toujours trop fait. Même après sa mort. Pour le cen-tenaire de sa naissance, la Fondation Cousteau osait, sur son site, cet invraisemblable surtitre : « Défenseurs des mers depuis 1943 ». Défenseurs avec un s. Et pourquoi 1943 ? Parce qu’à cette date Cousteau présentait, au palais de Chaillot, à Paris, son premier film sous-marin, Par dix-huit mètres de fond. Mais avec la bénédiction des nazis et le soutien enthousiaste du torchon fasciste Je suis partout, où son frère Pierre-Antoine coupait des têtes, juives de préférence, à chaque parution.Cousteau, qui n’était pas, lui, collabo, s’est inventé un itiné-raire d’écologiste pour les besoins de sa promotion. Dans la réalité, il s’en foutait, et pas qu’un peu. Le chef-d’œuvre que Louis Malle a consacré au travail de Cousteau, le Monde du silence (1955), a nécessité le flingage à la dynamite de centaines de poissons, le harponnage guilleret de requins, la lacération de

cachalots. D’accord, c’était une autre époque, mais Cousteau s’en foutait. Autre point désagréable : l’obsession suspecte de ce grand faiseur de gosses – il en a eu au-delà de 80 ans – pour la surpopulation. Surtout celle du Sud. « Une planète idéale, déclara-t-il à son biographe, Yves Paccalet, ce serait une Terre 

où l’humanité se limite de 100 à 500 millions de personnes, mais éduquées et respectueuses de la nature. »Enfin, Cousteau était un dur en affaires, qui s’est (gravement) embrouillé, pendant des années, y compris devant la justice, avec l’un de ses fils, Jean-Michel.

Mais il serait injuste et ridicule d’oublier le reste. Jacques-Yves Cousteau est réellement, progressivement, devenu écologiste, et ses très nombreux documentaires ont initié des générations entières, à partir des années 60, à la protection des mers. D’abord grâce à d’impressionnantes trouvailles techniques, comme le scaphandre autonome ou la soucoupe plongeante sous-marine. Ensuite grâce à « l’invention » de La Calypso, ce bateau qui aura sillonné toutes les mers du monde, pour le bonheur de millions de gosses éblouis ✹

Les eaux troubles de Cousteau

le tournage du Monde du silence a necessité le flingage de poissons à la dynamite.

passez votre chemin, ça craint. soit une nuit d’hiver, froide et venteuse, au bord de la mer du Nord. sur la plage du portel, près de Boulogne, c’est tout de même carnaval. on s’amuse, on rigole, on allume un grand feu où l’on jette le « brûlé », c’est-à-dire monsieur carnaval. Quatre copines font la fête, masquées, avant de se rendre à equihen, la plage voisine, où elles dansent jusqu’à l’aube. ensuite, peggy, audrey, isabelle et amélie – elles ont entre 17 et 20 ans – décident de rentrer à la maison. en stop. c’est une très mauvaise pioche, car deux barbares sont au même moment sur la route. deux frères, jean-louis et jean-michel jourdain. on ne connaîtra jamais le détail du massacre – car c’en fut un. la seule chose certaine, c’est que, neuf jours après la « disparition » des gamines, jean-louis craque et conduit les flics sur la plage de sainte-cécile. elles ont été violées, tuées et enterrées sous la dune. au procès, jean-michel tentera de faire croire qu’elles étaient, en quelque sorte, consentantes : « Pendant le trajet, ça rigolait bien au fond du fourgon. Ensuite, Jean-Louis les a emme-nées dans le blockhaus. Moi, je regardais la mer. » crédible. les deux frangins, jugés irrécupérables par les experts, ont été condamnés à la prison à vie il y a dix ans ✹

Massacre sur la dune

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du samedi 31 juillet au vendredi 3 septembre 2010 | bakchich hebdo n°35 7

boum Au Pays basque, les locaux ont bien du mal à se loger à cause des prix exorbitants du foncier. Si vous vous baignez à Dunkerque, c’est à vos risques et périls : les usines Seveso sont légion. Enfin, en Corse, les nationalistes font barrage aux « colons » de métropole. Quitte à user de la force.

Au Pays basque, l’hospitalité est la règle. « Tout le monde est bienvenu en Pays basque, à condition que tout le monde trouve à se loger », déclare Peio Etcheverry-Ainchart,

élu nationaliste à la mairie de Saint-Jean-de-Luz et opposant tenace à la ministre Michèle Alliot-Marie, adjointe au maire. Au Pays basque, entre 1998 et 2008, le prix du foncier a connu une augmenta-tion sans précédent : + 120 %, soit plus du doublement des prix. En 2008, le volume des transactions a baissé de 30 %, mais le prix des locations et des biens destinés à la vente s’est maintenu. Aujourd’hui, la plupart des jeunes qui ont grandi sur une commune du littoral sont condamnés à vivre ailleurs, tant l’accès au logement est devenu dif-ficile.Une des principales raisons tient à la pro-fusion des résidences secondaires, consé-quence directe du tourisme et d’une déré-gulation du marché de l’habitat. Le Pays basque est à la mode, mais, si ce bout de côte atlantique attire les pipoles comme Frédéric Beigbeder, Isabelle Huppert ou Laurent Ruquier, il est difficile de réduire ce problème à quelques vacanciers for-tunés. En effet, sur la côte, 22 % des habi-tations sont secondaires. À Biarritz, le phénomène atteint 35 %, mais il est à son comble à Saint-Jean-de-Luz, Bidart et Guéthary, où le taux frôle les 43 %. Orson Welles reconnaîtrait-il les lieux ? En 1956,

le réalisateur tournait pour la télévision britannique (BBC) une série documen-taire sur le Pays basque et tombait amou-reux de l’endroit. Cinquante ans plus tard, il serait bien tristement surpris de retrouver le petit village de Ciboure, avec la maison de Michèle Alliot-Marie sur-veillée 24 heures sur 24 par une armada policière et un nombre impressionnant de volets fermés dix mois dans l’année.Dès 2001, Peio Ectheverry-Ainchart et son parti, Abertzaleen Batasuna, ont lancé une campagne contre la politique du « laisser-faire » et collé des affiches avec la mention « vide » sur les résidences secondaires. Et l’occupation d’un immeuble muni-

cipal vacant à Bayonne avait marqué les esprits. Depuis, des initiatives citoyennes (Herrian Bizi et Etxaldea) tentent d’en-rayer le phénomène en achetant des biens afin

de les destiner à la location.Côté ministère du Logement, interrogé par Bakchich sur le cas basque, Benoist Apparu, le secrétaire d’État, a eu le mérite de la clarté, et de l’hyperbole : « On pourrait mettre en place des mesures, mais le mur de Berlin est tombé il y a bien longtemps. Nous sommes dans un pays de libertés et l’État ne peut pas intervenir sur les prix du foncier. » Pourtant, s’il fallait convoquer les chars russes pour réguler le marché, il n’est pas dit que ces derniers ne lui auraient pas confisqué le logement HLM dont il jouissait, en plein Paris, jus-qu’à l’an passé ✹

S e baigner à Dunkerque ? C’est pos-sible, à condition de ne regarder ni le ciel, ni les alentours. Les plages

sont là, mais elles sont bien moins nom-breuses que les usines Seveso, dont Dunkerque est farcie. Ce sigle admi-nistratif désigne les industries les plus polluantes, qui sont aussi les plus dangereuses : bienvenue au pays du car-naval. D’un côté, on lance des harengs depuis les fenêtres de l’hôtel de ville, les jours de fête. De l’autre, on croise les doigts en espérant que tout ira bien.

du seveso, du nucléaire…Mieux vaut être prévenu avant de faire trempette dans les eaux dunkerquoises, aucun drapeau n’indique la dangerosité des lieux. En plus d’un paysage buco-lique – des cheminées, au loin, crachent des fumées on ne peut plus saines –, le touriste a donc le bonheur de profiter d’une zone particulièrement risquée. Ne craignez pas le retour de Jean Bart, le corsaire local, mais plutôt cette quin-

zaine de sites classés Seveso qui s’éta-lent sur une bande de 20 kilomètres de long et 3 de large, sur le front de la mer du Nord. Arcelor, Polimeri, BASF Agri Production… que du beau monde ! À quoi il faut ajouter le fleuron local, installé les pieds dans l’eau : la cen-trale nucléaire de Gravelines. Un vrai paysage de carte postale au dioxyde de soufre et aux poussières, hérité de la Seconde Guerre mondiale, quand Dun-kerque avait été presque entièrement détruite par les bombes. À la place, on a « réindustrialisé », en dynamitant, pour commencer, les ruines du passé.Le futur promet. Dernier sujet à la mode : une nouvelle entreprise Seveso pourrait rejoindre la collection locale, après avoir été refusée à Calais. Dun-kerque est donc intéressée.

… les habitants fuient !Autre projet, un terminal méthanier qui fait couler beaucoup d’encre, parce qu’il est prévu dans l’un des derniers

espaces préservés du dunkerquois (et c’est dur à trouver…) : le site du Clipon, une plage connue pour sa faune, sa flore et son environnement encore relative-ment préservés. Le montage financier semble bloqué, mais le ministre de l’Industrie, Christian Estrosi, vient d’annoncer que l’idée n’était pas aban-donnée. Tant pis pour les promeneurs ou pour les kite-surfeurs du dimanche

qui venaient se délecter de la biodiver-sité et respirer l’air marin, (un peu) à l’écart des usines.Cette belle qualité de vie des Dunker-quois ne semble pas plaire à tout le monde : entre 1999 et 2006, l’aggloméra-tion a perdu 8 000 habitants. Un record dans l’Hexagone : la plupart des autres villes du littoral français sont en plein boom démographique ✹

dunkerque polluée jusqu’à l’os

dans certaines villes basques, la moitié des maisons sont des résidences secondaires.

spéculationsexplosives

située au sud de l’île de beauté, sur la commune de bonifacio, la plage paradisiaque de cala-longa (eau bleu turquoise, sable doré à perte de vue) bénéficie d’une protection en béton. avec elle, pas de risque d’y voir surplomber un hôtel à étages ou une villa : le « Flnc 1976 » veille.autoproclamé branche radicale du fameux Flnc canal historique, ce groupuscule fait son apparition officielle le 5 mai 2008, date du 32e anniversaire du Flnc. et il s’oppose au projet de construction d’une villa de 570 mètres carrés aux abords de la plage par le très pipole jacques séguéla, néanmoins grand amoureux de la corse. pas question de laisser « le colon Séguéla » (sic) toucher à ce joyau, a prévenu le Front dans un communiqué directement adressé au publi-ciste, ou « vous en assumerez les conséquences au niveau de votre sécurité ». bigre !Finalement, ce sera l’association bonifacienne de défense de l’environnement qui aura la peau du patron de la boîte de pub euro rscG. le conseil d’État, qu’elle avait saisi, lui a donné raison l’année dernière et, horreur, a imposé au couple séguéla le versement de 2 000 euros au titre du remboursement des frais de justice. morale de l’histoire : ce n’est pas parce qu’on a eu une rolex à 50 ans qu’on a le droit d’avoir une villa en corse à 76… ✹

le Flnc 1976 boute séguéla hors de corse

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8 Bakchich heBdo N°35 | du samedi 31 juillet au veNdredi 3 septemBre 2010

estuaireC elui de la Gironde est plein d’îles.

Depuis quelques années, on peut parler, là-bas, d’une vraie renaissance culturelle et naturelle. De nouveaux espaces de liberté s’ouvrent pour les cita-dins de Bordeaux, les habitants des rives et même de plus loin, car des entreprises parisiennes y envoient leurs équipes s’aérer au milieu du fleuve. Coucher de soleil au milieu des roselières, vue pano-ramique sur l’estuaire du haut du phare de Patiras, cinéma en plein air, contes entre deux eaux sur l’île Nouvelle ou pro-menade ornithologique guidée… « Un espace  qui  accueille  du  public  acquiert plus d’attention sur son intérêt écologique et plus d’arguments pour le financement de sa préservation », fait remarquer Jérôme

Hirigoyen, chargé de mission au Conser-vatoire du littoral. Aussi ce dernier et le conseil général ont-ils prêté l’oreille et le portefeuille quand Philippe Lacourt, un ancien chef d’entreprise en mal d’insula-rité, leur a proposé de restaurer le phare et de remplacer l’ex-maison du gardien par un « refuge » pour accueillir le public.

îles sur la girondeAu départ, le Conservatoire avait acquis l’île Nouvelle, la Grande Ile et Patiras pour leur intérêt botanique et pour réhabiliter ces zones humides, étapes de plus d’une centaine d’espèces d’oiseaux migrateurs – un promoteur privé aurait bien trans-formé la Grande Ile en marina bétonnée.Historiquement, ces trois îles avaient été endiguées au XIXe siècle pour y faire pâturer du bétail et y cultiver la vigne. La douceur du climat préserve les ceps du gel et la possibilité de les inonder les a sauvés des épidémies de phylloxéra. Mais la maïsiculture intensive, qui a dominé plus tard, a rompu l’équilibre écologique et social et entraîné le départ des insu-

laires, des ouvriers agricoles et de leurs familles, ainsi que de la plupart des oiseaux qui y nichaient.

paradis des oiseauxAujourd’hui, les roselières sont de retour et les oiseaux ont la priorité, ce qui oblige à encadrer et à limiter les visites du public. La discrétion est le prix de l’ouverture, mais aussi l’assurance de la tranquillité pour les touristes qui accostent. Cela n’empêche pas la créativité, à en croire le nombre de manifestations de théâtre, de cinéma, de musique et de danse qui y sont données pendant l’été.Les cultures et les vignes existent toujours sur Patiras et la Grande Ile, mais elles ont été diversifiées, dans un esprit éco-logique. Un projet ambitieux est de faire revenir les habitants sur la dernière et d’y installer des énergies renouvelables. La plate-forme Gens d’Estuaire, qui centra-lise l’offre des loisirs, devrait poursuivre sa croissance tranquille entre nature, œnologie, gastronomie et culture…Le projet de terminal méthanier sur l’es-tuaire, avec ses cinq cuves de 48 mètres de hauteur et de 80 mètres de diamètre, des torchères et des unités de regazéification, a été déclaré « grenello-incompatible ». Ouf ! On respire… ✹

FiascoL ’explorateur et écrivain Patrice Fran-

ceschi, capitaine du trois-mâts La Bou-deuse, n’avait jamais vu cela en trente-cinq ans de bourlingage. Son expédition scientifique Terre-Océan, missionnée par le ministre de l’Écologie, Jean-Louis Borloo, s’est arrêtée le 1er juin, faute de financements. Non seulement la très officielle lettre de mission ne lui a pas permis de rassembler l’argent nécessaire, mais le ministère, se rétractant sur les 500 000 euros promis, a fait couler l’expédi-tion. « J’avais engagé cet argent parce que le ministère m’avait donné des garanties. Aujourd’hui, je vais perdre mon bateau à cause de la légèreté d’un ministre », s’em-porte Franceschi.Il a mis en vente La Boudeuse pour éponger ses dettes. Un appel à souscrip-tions est sa dernière chance de sauver son bateau (www.sauvonslaboudeuse.org). Au 19 juillet, 70 000 euros de promesses de dons avaient été enregistrées.

sauver la boudeuseLe battage médiatique autour de l’expédi-tion, au printemps 2009, avait pourtant été à la hauteur de la grandeur des missions confiées aux scientifiques embarqués : problèmes environnementaux, explora-tion géographique des côtes et des fleuves, mais aussi mission diplomatique avec les peuples d’Amazonie et des îles du Paci-fique. Tout cela en deux ans. L’expédition n’aura duré que sept mois depuis le départ du bateau, en novembre 2009, à Brest. Car, constatant le désintérêt soudain du ministre, la douzaine de partenaires finan-ciers (Total, BNP Paribas, la Caisse des dépôts, Veolia, Schneider, la RATP, etc.) s’était empressée de regarder ailleurs.Le 9 juillet, le capitaine a été reçu par Jean-Louis Borloo, qui s’est déclaré prêt à « tout faire » pour remettre à flot la mis-sion. Le ministre semble ne pas vouloir être désigné responsable. En attendant, La Boudeuse a repris la mer pour rentrer à Brest et tenter de remonter la mission ✹

A terre, on appelle cela une aubaine. Des centaines, des milliers de bateaux

ont fait naufrage sur les côtes de France au cours des derniers siècles. Autour de l’île de Ré, on en dénombre environ 400 entre 1789 et 1917. Provoqué ou non, le naufrage était souvent synonyme de fête, comme en témoigne le banal échouage du Peggy, le 11 février 1776. La scène se passe dans le Finistère, à Mesperleuc. Dès qu’il est alerté, le procureur de Plouhinec se rend sur place et nomme une dizaine de gardiens pour empêcher le pillage. Un peu tard ! Il manque l’alcool, les cordages, des ballots de peaux d’hermine, des outils, du chocolat, des vêtements…

trésors naufragésLa cabine du capitaine et les caissons des matelots ont été forcés. Ah ! ça n’a pas traîné. Les flics arrêtent 29 personnes. Y compris un huissier de justice, accouru en grève dès le 11 février, et convaincu de s’être proprement soûlé, comme les copains. Tarif pour l’huissier : 30 livres de dommages et intérêts, 12 livres d’amende, huit jours de prison. Les autres ont écopé d’une peine comparable, et d’une terrible amende collective de 687 livres ! Maudit naufrage ! ✹

Ça a commencé comme ça : à juan-les-pins, camping du Golfe, un trois étoiles. pourtant, on nous a fauchés les enjoliveurs de roues. je me demande qui peut avoir envie de faucher des enjoliveurs de camping-car. Bon, on a fait sans.on s’est dit : partons vers les alpes, nous aurons de l’air. sur les bords du verdon, nous avons laissé le bahut pour faire une balade à vélo. Quand on est revenus, la porte était forcée : plus de télé. Écran plat, 40 pouces, en face du lit. josette en était malade : elle suit Des chiffres et des lettres tout en préparant le frichti du soir. coup de pot, le lendemain, j’ai retrouvé exactement le même poste chez un brocanteur de castellane. Ça m’a tout de même coûté 200 euros.puis, il y a eu le cantal. Fausse bonne idée : c’est pluvieux, l’auvergne ! et froid, sur les plateaux : je veux mettre en route le chauffage, plus de radiateur. parti avec l’ancien téléviseur. Bon, on se couvre et on va au champion. là, sur le parking, nouvelle effraction : adieu la nouvelle télé, et, en plus, la cocotte-minute et le grille-pain. eh oui, il y a tant de belles choses, désormais, dans les camping-cars, que c’est plus cambriolé, paraît-il, que les maisons de maître. « C’est sûrement des Roms, mais on n’a pas de preuves ! » disent les gendarmes. je ne savais pas que les roms man-geaient du pain grillé. josette ouvre la penderie : tout vidé, sauf ses sous-vêtements. Forcément, le 46, c’est pas pour les mal nourris…Que faire ? la Bretagne ! là, on décide de tout garder sur nous. les alignements de carnac avec, dans les sacs à dos, le lecteur de cd, le pc pour les photos, le radiateur de la douche, le sèche- cheveux, deux paires de draps et la poupée espagnole qu’on pose sur le lit, c’est galère. surtout qu’au retour nos vélos s’étaient envolés. et ils avaient siphonné le réservoir de gazole. carnac, on s’en souviendra !les châteaux de la loire, ras : trop culturel pour la caillera. dernière étape avant levallois. sur l’autoroute, on pose le camion en face de l’autogrill. je mange une andouillette, josette se tape une salade au surimi. vous avez tout compris. l’assurance nous a envoyé un taxi. on est rentrés en train depuis Nemours. le camping-car ? un voyage au bout de la nuit… ✹

françois-Marie banier, l’ami de liliane bettencourt,

n’aime pas l’île d’arros, dont il est propriétaire. pourquoi ?

a. « elle est bourrée de moustiques, elle est minuscule, et il y fait très humide. »

b. « on n’y est pas tranquille : un couple du gouvernement vient toujours nous voir. »

C. « on n’y trouve ni journaux, ni boutiques, ni banques. »

réponse : a.

les carnets de Jacques gaillard

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du samedi 31 juillet au vendredi 3 septembre 2010 | bakchich hebdo n°35 9

mollusque Depuis des décennies, les huîtres sont décimées par des parasites. Et les autorités n’ont pas l’air de se poser les bonnes questions.

A ttention aux contrefaçons. Visiblement, quelque chose ne tourne pas rond dans le monde de l’ostréiculture made

in France. La première, celle que nos ancêtres ont boulottée pendant des millénaires, s’appelait « gravette » autour du bassin d’Arcachon ou encore « belon » en Bretagne. Mais cette pauvre Ostrea edulis – l’huître plate – a été ravagée par un petit parasite nommé Bonamia ostreae, un protozoaire. Pour les industriels de l’huître, elle n’était plus « exploitable » et a été remplacée par Crassostrea angulata – l’huître portugaise –, qui a eu l’heureuse idée de faire souche en Gironde après avoir été relâchée accidentellement en 1868 par un bateau qui en était chargé, Le Morlaisien.Mais rebelote. Au début des années 70, une autre épizootie fait disparaître l’huître portugaise, obligeant les ostréi-culteurs à se rabattre sur Crassostrea gigas, l’huître japonaise. Importée de l’archipel nippon, mais aussi de Colombie britannique (Canada), elle assure aujourd’hui l’essentiel de la pro-duction française. Jusqu’à quand ?En 2008 et 2009, une surmortalité effarante des huîtres japonaises a été

constatée sur les côtes de France. De 80 à 100 % d’après les résultats des nombreux lots analysés par le grand organisme public Ifremer.Bakchich suggère respectueusement aux autorités de se pencher sur une question – volontairement ? – oubliée. Celle de la pollution chimique diffuse du littoral, notamment par les pesticides. Les coquillages sont extrêmement sen-sibles aux molécules toxiques, et pour-tant les analyses sont aussi rares qu’in-

complètes. La baie de l’Aiguillon, entre la Vendée et la Charente-Maritime, est au cœur de la production natio-nale d’huîtres. Bien que réserve naturelle,

elle se situe au débouché du marais poi-tevin, transformé en quarante ans en une mer de maïs gorgée de pesticides, dangereux pour tous les organismes vivants, dont les huîtres.Or il n’existe qu’un seul point de contrôle de la contamination chimique pour toute la baie. Et l’on ne recherche que neuf éléments, dont le cuivre, le plomb et le zinc sur des centaines possi-bles. Et aussi deux pesticides, dont l’un, le DDT, est interdit en France depuis 1971, et l’autre, le lindane, illégal dans plus de 50 pays. Autrement dit, on s’in-terdit de savoir ✹

Leur disparition fait tache d’huître

la baie de l’aiguillon, cœur de la production d’huîtres, est gorgée de pesticides.

fosseL es mystères de celle-ci sont insonda-

bles. Située à une quinzaine de kilo-mètres au nord-ouest du cap de La Hague (Cotentin), dans les eaux territoriales bri-tanniques, la fosse sous-marine des Cas-quets est une incroyable décharge. On y trouve de tout. Après la Seconde Guerre mondiale, le Royaume-Uni y a balancé des milliers de tonnes d’explosifs non utilisés. Combien ? Secret d’État. Puis, et pendant des décennies, on y a jeté de grandes quan-tités de pesticides. Vu le coût – bas – de l’élimination à terre, il ne fait aucun doute que les pires poisons s’y trouvent encore. Ou dans la chair des poissons.Mais le comble est nucléaire. De 1950 à 1963, 28 000 fûts radioactifs ont été immergés dans la fosse des Casquets. Et ils fuient. Une estimation officielle fait état d’une radioactivité totale de 57 942 giga becquerels. Ça ne vous dit rien ? C’est beaucoup. C’est énorme ✹

FousL es fous de Bassan sont d’étonnants

oiseaux au plumage blanc et à la tête ocre jaune. Tandis qu’éclatait la Seconde Guerre, en 1939, quelques éclaireurs s’in-stallaient dans l’archipel des Sept-Îles, au large de Perros-Guirec (Côtes-d’Armor). Avec une forte prédilection pour l’île Rouzic, désormais peuplée, au moment de la nidification, par la bagatelle de… 20 000 couples. En mai, depuis la mer, Rouzic est comme un bouillonnement blanc d’où s’échappe-raient de petits nuages. Les fous sont des plongeurs cinglés. Capables d’apercevoir sous l’eau, de 40 mètres de hauteur, un maquereau, ils se laissent tomber sur leur proie à une vitesse comprise entre 60 et 90 km/h. Inutile de dire que celui qui reçoit l’obus est sonné. Ah ! si le fou est appelé fou, c’est parce que les observa-teurs le voyaient toujours sortir de l’eau le bec vide. En fait, il avale les poissons sous l’eau, avant d’éventuellement les régurgiter au nid, pour les petits. Pas fous, malins ✹

L ’île de Beauté, enfer des handicapés. Seules trois plages sont équipées pour

leur en favoriser l’accès. L’âme (presque) charitable pour attirer le pinsut friqué de la métropole, les maires corses se montrent moins prompts à former du personnel spécialisé. L’association Handiplage, qui se bat depuis treize ans pour encourager les communes côtières à se doter d’équi-pements adaptés, mesure ses progrès sur le rocher au grain de sable près.

192 plages équipées sur 3 000Pourtant, sur l’autre rive de la Méditer-ranée, la région Paca fait figure de pre-mière de la classe. Sur la cinquantaine de sites « labellisés » par l’association, 11 sont dans la zone sud-est. Sacre ultime, trois des cinq lieux situés en niveau 4 – la crème du service aux personnes à mobilité réduite – sont dans les Alpes-Maritimes.À l’échelle nationale, le constat est moins glorieux, puisque ce sont 192 plages sur 3 000 qui ont fait des efforts sur le sujet. À peine une sur 15, avec des coins qui se font discrets. « En Bretagne, ils font des choses, mais nous tiennent rarement au courant, comme en Vendée. Et dans le Nord, c’est dif-ficile d’avoir la mairie », précise Ramon Espi, président d’Handiplage. Reste que, cette année, dix nouvelles plages ont obtenu le sceau de l’asso. Pour espérer marcher sur l’eau✹

Hélicos

D epuis plus de dix ans, les hélicop-tères ne cessent de hanter la baie de

Saint-Tropez. Les richissimes ne peuvent imaginer rester bloqués dans les embou-teillages monstres de la précieuse cité. Alors, pour un oui ou pour un non, on prend l’hélico. Même pour des sauts de puce entre leur résidence et la plage… Des hélistations plus ou moins légales, rudimentaires et mal sécurisées, ont donc prospéré. Enrichissant certains proprié-taires agraires peu scrupuleux.

170 vols par jour à saint-trop’En 2009, la préfecture a dénombré 170 mouvements par jour entre juillet et août. Excédés, des riverains avaient menacé, en 2008, de bloquer la ville si les pouvoirs publics ne faisaient rien. La préfecture a commencé à bouger. Timidement. En 2009, toujours le même enfer. Bakchich a pu le constater sur place. Horaires limites de vol mal respectés, augmentation du trafic, pilotage trop proche des habitations. Enfreindre la loi ne coûte pas cher : seule-ment 38 euros l’amende, 10 à 30 fois moins que le prix d’une course. Cette année, les Tropéziens avaient bon espoir. La préfec-ture avait annoncé la construction d’une grande hélistation en bord de mer pour juillet. Les passages se seraient faits par la côte. Hélas, le projet est tombé à l’eau en raison de problèmes de sécurité. Sans faire de bruit ✹

nous sommes le 27 août 1999. le docteur Yves Godard consulte dans son cabinet de caen. le 1er septembre, à saint-malo, il monte à bord du voilier nick avec sa fille, camille (6 ans) et son fils, marius (4 ans). le 5 septembre, des pêcheurs trouvent l’annexe en caoutchouc du bateau qui dérive avec un blouson contenant un chéquier d’Yves Godard. l’affaire commence. les gendarmes perquisitionnent la maison familiale et y trouvent du sang. puis la voiture du médecin, pleine du sang de l’épouse. tout s’emballe. on découvre, au fil des ans, en mer, des cartes de crédit, des vêtements, appartenant tous à Godard. puis le crâne de camille est repêché et identifié. nous sommes le 6 juin 2000. jusqu’en 2006, Yves Godard est signalé en afrique du sud, en crète, en Écosse. mais, en septembre 2006, son tibia et son fémur sont repêchés au large de roscoff. il est donc mort, mais sa femme ? morte aussi ? accidentellement ? de la main de Godard ? le 14 décembre 2008, un pêcheur à pied découvre sur l’estran de l’archipel des ebihens (côtes d’armor) la carte d’assuré social du docteur. elle est intacte. près de dix ans après la terrible disparition ✹

Le mystère Godard

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cap odyssée

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InterditeB leu terni. Comme Ribéry, l’enfant du

pays, et comme cette mer du Nord aux allures de terrain vague. Depuis 1991, Bou-logne-sur-Mer demeure sous le coup d’un arrêté préfectoral interdisant la baignade. Rien à faire, la ville reste le cancre de la région. Avec une eau aussi trouble qu’un pastis servi à midi sur la Canebière.Oui, mais Boulogne-sur-Mer joue de mal-chance. D’abord, il y a cette plage coincée en fond de baie qui ne permet pas la dis-persion des polluants. Ensuite, il y a cette rivière, la Liane, avec ses 1 500 rejets, dont une bonne part d’eaux usées. On vous laisse deviner où se trouve son embou-chure. Sans compter le port juste à côté – le premier port de pêche français – et sa centaine de rejets, et les modestes com-munes en amont et leurs réseaux d’as-sainissement pas toujours conformes. Enfin, il y a ces fâcheux courants marins qui drainent les pollutions depuis le large. La plage idyllique, en somme.

pas de baignade à boulogneCôté pouvoirs publics, on assure que le problème est pris très au sérieux. Faut dire qu’une eau si moche avec un Centre national de la mer en bordure de plage (Nausicaa), ça fait franchement pas sérieux. Une station d’épuration a été construite, des travaux sont menés sur les

réseaux d’assainissement, et on en passe. D’ailleurs, la qualité de l’eau ne cesse de s’améliorer au fil des ans. Pas suffisam-ment, néanmoins, d’autant que les direc-tives européennes se sont encore durcies cette année. On vous l’a dit, Boulogne joue de malchance. Mais la ville escompte la réouverture de la baignade pour 2012.Dans les faits, ça ne changera pas grand-chose, puisque les Boulonnais ne se pri-vent déjà pas de faire trempette, en dépit des risques de gastro ou de problèmes de peau. Et on leur montre même l’exemple. L’an passé, le député-maire, Frédéric Cuvillier (PS), n’hésitait pas à mouiller le maillot. Au sens propre. Sur son blog, une photo montrait l’élu se livrant à quelques brasses. Dedans jusqu’au cou ✹

IllégauxS ur les plages, les pavés ? La densité de

population sur le littoral étant deux fois supérieure à la moyenne nationale, un pressant besoin de logements se fait sentir. Et entraîne des arrangements entre communes peu scrupuleuses de la loi littoral et promoteurs. En 1994, la mairie de Port-Vendres, dans les Pyré-nées-Orientales, autorise la construction du lotissement Le Pont de l’amour près du rivage. Or la direction départemen-tale de l’équipement vient de rendre un avis défavorable à cause des risques liés à l’évacuation des eaux. Seize ans plus tard, malgré l’annulation de l’arrêté municipal, les villas du Pont de l’amour se vendent comme des petits pains…

permis de construireLes associations mènent pourtant la vie dure aux élus. La Frêne 66 vient de faire condamner à la démolition le super-marché Lidl de Canet, construit dans une zone humide. La commune avait délivré un permis dix ans plus tôt. « Plus il y a de l’argent, moins la zone est inondable », ironise-t-on chez ces associations. Mais un permis d’agrandissement a été accordé juste avant le passage devant la cour d’appel. Histoire de reporter sine die toute décision… Les écolos n’ont pas encore la côte ✹

Jobs d’étéC ette année, la plage des Sables-

d’Olonne s’est offert une malicieuse campagne de pub, financée par Ambre solaire. Pendant plusieurs semaines, elle a squatté les médias en lançant un grand jeu concours autour du meilleur job de l’été. À savoir, pour les deux gagnants, propulsés « ambassadeurs de  la protec-tion solaire », le droit de tartiner d’Ambre solaire le dos des touristes, contre un salaire de… 5 000 euros ! Correct. Marke-ting viral efficace et buzz sur Facebook garanti pour la station balnéaire.De quoi faire oublier que, dans les faits, les jobs d’été sont plutôt synonymes de grand n’importe quoi. Les quelque 700 000 embauches estivales recensées par l’Insee rendent rarement hommage au code du travail, surtout dans les sta-tions balnéaires, où les jeunes doivent déjà s’estimer heureux de travailler au bord de l’eau.Selon la Jeunesse ouvrière chrétienne, l’association la plus en pointe sur le sujet, 14 % des jeunes qui bossent l’été n’ont aucun contrat ; parmi eux, ils seraient 70 % à avoir moins de 18 ans. Quand plus du quart des jeunes ne se font tout sim-plement jamais payer leurs heures sup-plémentaires… Beau boulot ! ✹

L es riches claquent des dents. Dès le joli mois de mai, les prolos se révol-

tent d’un bout à l’autre de la France. Ils réclament la semaine de 40 heures, des congés payés, et certains rêvent même de révolution. Au plus fort du mouvement, on compte 12 000 grèves. Au total, deux mil-lions de travailleurs cessent de bosser. Le gouvernement de gauche nouvellement élu, dirigé par Léon Blum, impose au patronat la signature des accords dits « de Matignon ». Le 20 juin 1936, une loi accorde pour la toute première fois des vacances à ceux qui n’en prenaient jamais. Tout salarié ayant travaillé un an a désormais droit à quinze jours de congés payés.

congés payés !De Boulogne à Arcachon, de Perpignan à Menton, les plages sont brusquement occu-pées par de nouveaux venus. Des ouvriers à gapette – façon Gabin – et leurs dames chargent leur tandem dans des trains spéciaux et débarquent, ahuris, devant la mer ou l’océan. Ambiance pique-nique et apéro au bord des vagues. Pendant ce temps, planqués dans leurs villas, les habi-tués à particules et comptes en banque se pincent le nez. Pouah ! Le littoral, qui leur appartenait de toute éternité, ne sera plus jamais comme avant ✹

nucléaire Si La Hague recèle de magnifiques rivages, c’est aussi la ville de la Cogema, l’usine de retraitement de déchets radioactifs, fleuron de l’industrie nucléaire française. La mer est contaminée. L’image de la région aussi.

T erre de contrastes. Côté mer, l’un des rivages les plus beaux de la France sauvage. Prévert a fini sa vie à Omonville-la-Petite, sur les conseils du décorateur et ami Alexandre Trauner, et il a bien eu raison. La mer

est au détour de chaque chemin bocager et, dans certains vil-lages délicieux – maisons de pierre aux ouvertures bordées de briques –, on se croirait sur une île. Normal : le haut Cotentin est presque une île, une presqu’île. Une Presqu’île au nucléaire, pour reprendre le titre d’un livre de la sociologue Françoise Zonabend (éd. Odile Jacob, 1989).Un monstre est en effet caché dans le paysage. Vers 1960, les habitants voient des ingénieurs traîner sur la lande. Ils ont avec eux des instruments de mesure et prétendront pendant des années qu’ils sont là pour préparer le terrain pour une usine d’engrais. Ou de plastique. Ou de casseroles. Ce sera finalement un immense centre de retraite-ment nucléaire et d’enfouissement de fûts radioactifs de la Cogema.Malgré les protestations, dont celle du poète normand Côtis-Capel, qui écrit pour l’occasion un texte resté célèbre (« Haro ! Haro ! No n’veurt dé vos ôtis à ma », « Au secours ! Au secours ! Nous ne voulons pas de vos outils de malheur »), l’usine devient le cœur même de l’industrie nucléaire française. Le matin, au moment de l’em-bauche, toutes les routes qui convergent vers l’usine sont noires de voitures. À voir les matins d’hiver, quand il fait encore nuit et que les lumières de l’usine transpercent le brouillard.Évidemment, le monstre fait vivre du monde dans cette région rurale, mais n’incite guère les touristes à venir en toute quiétude. La Cogema a quelque peu conta-miné l’image de la région. Non seulement l’usine de La Hague rejette en mer des effluents radioactifs au large de la pointe

de Jobourg à l’aide d’un petit tuyau débusqué, il y a une dizaine d’années, par une caméra sous-marine de Greenpeace, mais ses cheminées diffusent aussi des quantités sympathiques de krypton 85 dans le bocage où broutent des Normandes, comme l’a rappelé un documentaire d’Arte, il y a quelques mois. Du coup, l’office de tourisme, qui a lancé une campagne cette

année, rame pour rétablir une image positive de la presqu’île. Bien entendu, il n’y a aucun problème. Françoise Zonabend raconte ainsi avoir rencontré l’habitant d’un hameau situé à quelques centaines de mètres de l’usine. « L’usine, de chez moi, déclarait-il alors, on ne la voit pas… Alors, on est protégé. »

Mais la sociologue a aussitôt rectifié : depuis la maison de ce faux témoin de parfaite bonne foi, on a une vue superbe sur les installations nucléaires. Ce que Zonabend appelle « la cécité paysagère » ✹

Le monstre de la hague

Évidemment, l’usine fait vivre du monde. mais n’incite guère au tourisme.

i

Qui a dit : « aller en vacances avec sa femme, c’est comme aller

au resto avec ses tartines » ?

a. sacha Guitry b. Frédéric devillec. jacques chirac

d. jean-marie Bigard

réponse : b. le peintre et graphiste belge Frédéric deville.

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du samedi 31 juillet au vendredi 3 septembre 2010 | bakchich hebdo n°35 13

KurdesS tation balnéaire corse la plus prisée

par la jet-set parisienne, Bunifaziu – Bonifacio pour les pinsuts du conti-nent – avait plutôt pour habitude de voir déferler sur ses plages de rêve des stars politico-cathodiques comme Claire Chazal ou le couple Kouchner-Ockrent.Et voilà qu’une nouvelle concurrence a tout cham-boulé. Pour la première fois dans l’histoire de l’île, un groupe de 123 clandestins, femmes et enfants compris, a fini, l’année dernière, son terrible voyage ici. Et pas en Italie ou en Sardaigne voisines, pourtant plus habituées à voir ce type de « vacanciers » dans leurs eaux territoriales.

Originaires du Kurdistan syrien pour la plupart, ils ont à peine eu le temps de pro-fiter de la plage de Paragnano ou de l’hos-pitalité corse. Ou de l’assistance d’avo-cats, comme il est d’usage. Redirigés vers la base aérienne de Solenzara, ils ont été expulsés illico vers différents centres de rétention du continent, l’île de Beauté n’en étant pas équipée. Au grand dam de cer-

tains élus de l’opposition locale, qui ont dénoncé les pratiques sécuritaires de l’État et son mépris des efforts de solidarité de la commune. Quarante-deux enfants en cabane, ça fait mau-

vais genre. Désavouant les sbires de Besson, les juges des libertés de Marseille, Nîmes et Rennes avaient finalement décidé de les relâcher.Bonifacio, nouvel eldo-rado des réfugiés ? C’est pas gagné ✹

Le HavreI l faut savoir choisir la bonne rive

quand on veut se baigner en baie de Seine. C’est sûr, pour l’agrément, rien ne vaut l’attrait de Deauville et sa longue plage de sable. Mauvais plan ! La bonne adresse, c’est Sainte-Adresse, juste en face, charmante commune blottie contre Le Havre et son gigantesque port. Pen-dant la Première Guerre mondiale, le gouvernement belge en exil, qui s’était installé dans le « petit Nice havrais », a vraiment eu du nez.Certes, la plage est en galets, mais les eaux y sont de bien meilleure qualité. Dixit le ministère de la Santé, qui, chaque été, joue pourtant les empêcheurs de se baigner en rond sur les plages les plus touristiques du littoral. Il y surveille les streptocoques fécaux, les colibacilles et autres bactéries intestinales. Verdict : depuis 2006, les eaux de Sainte-Adresse sont jugées de « bonne qualité » et celles de Deauville, de « qualité  moyenne ». Même si, depuis le début de cet été, la tendance s’inverse. En tout cas, le pavillon bleu flatte chaque année la fierté des Ha-vrais et renforce la rivalité entre Haute et Basse-Nor-mandie.

bénie sainte-adresseL’explication de cette injustice est toute simple : entre les deux rives coule la Seine, dont l’estuaire déverse son lot de déchets chimiques – PCB et autres – et organiques, et de matières fécales, comme l’intestin généreux d’un corps dont la tête serait la région parisienne. Et, par la facétie des courants,  « une bonne partie file au large des plages de Deauville  plutôt  que  vers  Le Havre », constate l’association Surf-rider Foun-dation, qui prédit qu’en 2015, avec les nouvelles normes européennes, une bonne partie des stations balnéaires du Calvados auront du souci à se faire.Une façon de rendre aux Parisiens, qui prisent tant Deauville et son littoral, tout ce qu’ils produisent en amont. Et dire que, lorsqu’il était maire de Paris, Jacques Chirac promettait qu’on pour-rait se baigner dans la Seine ✹

la grande-motte

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le 15 janvier 2004, à 12 h 25, Yves gloaguen annonce sur le canal de sa radio : « Serge, viens vite, on chavire ! » Yves est le patron du chalutier breton bugaled breizh, en pêche au large du cap lizard, devant les côtes anglaises. il parle à son copain serge, le patron d’un autre chalutier, qui n’est pas loin. Quand l’Éridan arrive, il est trop tard. le bugaled a sombré et ses cinq marins sont morts. pour de multiples raisons, le bateau n’a pas pu être la victime d’un accident de pêche. les autorités lancent alors un leurre : un bateau philippin aurait harponné le bugaled, avant de s’enfuir. la vérité est parfois ailleurs. des manœu-vres militaires de l’otan avaient lieu sur zone au même moment, en présence de sous-marins nucléaires. six ans plus tard, il est presque certain que le bugaled a été entraîné sous l’eau à la suite d’une rencontre avec l’un d’eux. néerlandais, britannique, français ? dans tous les cas, l’armée a menti aux proches des victimes.

Mensonges Militairesest-ce si nouveau ? le 14 mai 1987, le chalutier la jonque ne donne plus de nouvelles. cinq hommes sont à bord. lors du dernier message, le bateau était au nord-ouest d’ouessant et la mer était belle. le 17 mai, quand des avions militaires se lancent au secours des probables naufragés, il se passe un fait inouï : l’un d’eux, un bréguet-atlantic, repère un canot de sauvetage avec deux hommes à bord, mais ne leur porte pas secours. les bandes magnétiques contenant les échanges entre le bréguet et le centre de secours seront effacées… lorsque la jonque est finalement retrouvée, le mystère est encore plus complet. comment un chalutier peut-il « crocher » – accrocher – son filet dans du sable au point d’être entraîné à sa suite ? bien que le drame soit demeuré sans explication, de nombreux proches des victimes sont convaincus, depuis vingt-trois ans, que le chalutier a croisé un sous-marin d’attaque. le filet se serait pris dans l’engin, entraînant le bateau par le fond. reste une terrible question : que sont devenus les deux hommes à bord du canot ? ✹

Lâches sous-marins

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14 Bakchich heBdo N°35 | du samedi 31 juillet au veNdredi 3 septemBre 2010

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xavier moNNier, directeur de la puBlicatioN

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du samedi 31 juillet au vendredi 3 septembre 2010 | bakchich hebdo n°35 15

plouf La France compte 5 500 kilomètres de côtes. Un trésor protégé par le Conservatoire du littoral, créé en 1975, et renforcé, en 1986, par la loi littoral. Hélas, celle-ci est constamment foulée aux pieds par les élus. Quant au Grenelle de la mer, qui ne traite même pas de pêche, son utilité laisse songeur.

Ce mystère est du genre com-plet. Nous sommes en 1975, l’année qui suit l’élection de Valéry Giscard d’Estaing à la présidence de la République. Tous les margoulins de l’im-

mobilier du temps de Georges Pompidou – et ils sont nombreux – se sont ralliés au blanc panache de VGE, comme le Président aime à se faire appeler. Pour le littoral, tout semble perdu. Dans quatre ans, le ministre Robert Boulin sera retrouvé mort après une sombre histoire de terrains vendus et achetés au bord de la mer.

l’état peut exproprier…Et c’est alors que naît une merveille que, pour une fois, l’Europe nous envie vraiment : le Conservatoire du littoral. Késako ? Un établissement public chargé de sauver les meubles en achetant des portions du littoral – mais aussi des lacs, des estuaires, des deltas –, de façon à les rendre à jamais inconstructibles.Comment ça marche, Jean-Pierre, et, surtout, combien ça coûte ? En pratique, des délégués régionaux sont chargés de repérer chez eux ce qui peut et ce qui doit être protégé. Le plus souvent, les acquisitions sont réalisées à l’amiable, mais, en cas de besoin, le Conservatoire peut utiliser un droit de préemption sur les ventes – reconnu par la loi – ou même exproprier.

… et possède 17 % des côtesDans tous les cas, il faut beaucoup d’argent : le budget du Conservatoire est passé de 50 millions de francs en 1985 à 50 millions d’euros en 2009. Et le bilan des courses n’est pas vilain. Au 1er juillet 2009, le territoire métro-

politain du Conservatoire comptait 600 sites répartis sur 125 000 hectares et 1 000 kilomètres de côtes. Soit environ 17 % du littoral. Parmi les dernières surprises, l’achat en cours de 4 500 hectares d’un seul tenant en Camargue, et l’octroi par l’État de 5 700 hectares aux Antilles, essentiel-lement des mangroves. Mais où sont passés les spéculateurs ? ✹

Nuages sur la proteCtioN du littoral

encore une de ces concertations de la taille d’une baleine qui accouchent d’une sardine ? L’abandon du trois-mâts La Bou-deuse après sa première mission scientifique en Guyane,

alors qu’il devait faire le tour des océans, est mauvais signe (lire l’article « Fiasco »).Lors du Grenelle de la mer, qui s’est clos le 15 juillet 2009, les ONG, aguerries par les discus-sions sur celui de l’environnement, étaient pour-tant parvenues à introduire de vraies mesures en faveur des énergies marines, la protection des ressources halieutiques ou encore pour lutter contre la pollution des eaux. On passera sur le volet recherche et innovation, qui consiste à « développer l’exploration des mers pour mieux connaître et comprendre les écosystèmes marins ». N’était-ce pas exactement la mission de La Boudeuse ? « On va mettre l’argent ailleurs », a dit, en « off », Jean-Louis Borloo. Quant aux comités opérationnels, entre celui sur « le bateau du futur » et celui sur la « plaisance », on n’a pas trouvé moyen de monter le moindre comité sur la pêche.

Trop polémique, peut-être ? Surtout, les pêcheries ne sont pas un secteur économique très porteur, vu le peu de poissons qu’il reste. Alors que la plaisance, au contraire, attire de gros pois-sons ! « Il a fallu batailler pour que les problématiques de pêche soient abordées », confirme Emmanuel Buovolo, de Greenpeace.

Étonnant, pour un pays qui a sous sa juridiction la deuxième zone maritime au monde (quatre fois la Méditerranée). Ce territoire donne à la France une grande responsabilité, au moment où la Commission européenne estime que 72 % des stocks de poissons des eaux européennes sont surpêchés.

« Au cours des négociations, les responsables ont préféré botter en touche et monter une mission », témoigne Emmanuel Buovolo. Début juillet, les associations écolos ont retoqué un rapport offi-ciel de l’Ifremer, notant : « Ce rapport tente de faire croire que les pêches profondes sont durables, écologiquement acceptables, et, comble de l’imposture, qu’elles sont rentables économiquement. » Il est vrai qu’en eaux profondes, on pêche à l’aveugle… ✹

uN GreNelle de la mer littoralemeNt iNutile où est-il passé ? sur le papier, ce « chemin des douaniers », créé en 1849 pour la surveillance des côtes, est une obligation. la loi de 1976 prévoit une servitude minimale de trois mètres de large au bord du domaine public maritime. on doit donc pouvoir passer n’importe où, même devant le fort présidentiel de brégançon. essayez donc ! partout en France, des « exceptions »… Ô mystère, les riches s’arrangent toujours pour être plus tranquilles que les pauvres. bon courage à ceux qui voudraient passer devant le cap-nègre, où habite la mère de carla bruni. le producteur de disques eddie barclay, lui, avait carrément fait construire des murs de béton pour couper le sentier et avoir la paix sur « sa » plage. après une bagarre de plusieurs années, l’armée a dû jouer de la dynamite pour rétablir le passage ✹

un sentier contourné

hélas, la loi votée en 1986 pour protéger le littoral n’aura pas suffi. au départ, c’est génial. la loi littoral interdit le mitage des côtes en obligeant à urbaniser à partir des hameaux, villages et villes existant déjà. pas le droit de créer un bâti à partir de rien. cerise sur le bord de mer, la loi interdit toute construction à moins de 100 mètres du rivage.cela n’a l’air de rien, mais, pour un promoteur, c’est dur. ce qui explique les innombrables tentatives de torpillage, parfois sous la forme de « cavaliers législatifs ». au détour d’un texte de loi sur, disons, l’étiquetage du vin bio, des députés glissent un article qui n’a rien à voir mais qui écorne la législation visée. si on se fait prendre, ça ne marche pas. et sinon… bingo !autre tactique très rodée : l’amendement simple. en 2000, par exemple, celui défendu par le maire de ramatuelle, dans le var, légalise d’un coup les paillotes construites avant 1986 sur le domaine maritime. joie.en 2005, autre exemple, le sénateur pierre hérisson fait voter un amendement qui permet aux communes riveraines de lacs de plus de 1 000 hectares de ne pas respecter la loi littoral. une aubaine pour le béton ✹

une loi bafouée

les négociations n’ont pas abordé les questions sur la pêche. absurde.

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16 Bakchich heBdo N°35 | du samedi 31 juillet au veNdredi 3 septemBre 2010

MéryL ’homme est mort, mais la mer se sou-

vient. Jean-Claude Méry, longtemps si proche de Chirac et de ses affaires muni-cipales qu’on l’appelait « Méry de Paris », est mort en 1999, emportant bien des mys-tères dans la tombe. Receleur du côté de Marseille dans les années 80, financier on ne peut plus inventif du RPR pendant la longue marche de Chirac vers le pouvoir, il sera finalement emprisonné en 1994 pour ses innombrables magouilles. Dans son immortelle vidéo posthume, Méry affirmait avoir remis 5 millions de francs (de 1986) à Chirac, dans son bureau de l’Hôtel de Ville. Un bien beau parcours, donc, mais qui ne doit pas faire oublier le Méry bâtisseur. Le 9 septembre 1989 – une photo l’atteste –, Méry présente à ses amis la maquette d’une future marina qui prendrait la place de l’ancienne fabrique de dynamite de Paulilles, à Port-Vendres (Pyrénées-Orientales). Les amis de Méry s’appellent Nicolas Sarkozy et Jacques Chirac. Que du bon, que du grand.

port-méry, projet mégaloQue veut Méry ? Un grandiose port de plaisance, qu’il envisage sérieusement d’appeler Port-Méry. En 1988, il a racheté les 32 hectares de Paulilles et rêve à voix haute d’un destin national. Le maire de Port-Vendres a été, semble-t-il, facilement convaincu de l’intérêt du projet, qui détrui-rait pourtant une des dernières zones non construites de la côte. Tout va donc pour le mieux. Sauf pour Jean-Claude Madrénas, maire démocrate-chrétien de la ville voisine de Bages, opposé au projet. Le 19 décembre 1992, il est tabassé à son domicile au milieu de la nuit. Le 5 février 1993, à bord de sa Mercedes, il est soufflé par une explosion qui lui arrache une jambe. Aux flics, il dira laconiquement : « Ça vient de la côte. » Comprendre le bord de mer, les projets immobiliers, les enve-loppes, les caisses noires… De là à accuser Méry, il n’y aurait guère qu’un pas, qui ne sera pas franchi. Mais les choses se gâtent pourtant, et Méry est la malheureuse vic-time d’une enquête fiscale qui marque le début de sa fin. Adieu veaux, vaches à lait, port de plaisance. Port-Méry ne sera jamais construit, et les 32 hectares achetés en 1988 seront finalement rachetés en 1998, et sauvés, par le Conservatoire du littoral. Et un happy end, un ! ✹

Migrants« C irculez, il n’y a plus rien à voir. » Au

moment de déclencher sa grande opération de com, en septembre 2009, Éric Besson, ministre de l’Immigration, imaginait-il une seule seconde régler le problème des migrants ? Et que les tou-ristes débarquant à Calais, station bal-néaire bétonnée, allaient enfin pouvoir se balader sans y voir la misère ? Près d’un an après, c’est raté. Certes, la « jungle » des migrants, cachée dans les bois, n’est plus. Rasée. Il y a moins de réfugiés, mais, en sirotant une bière sur la digue, il y a de fortes chances de croiser le regard d’un ou deux d’entre eux.

jungle de calaisLa raison ? Jungle ou pas, l’eldorado anglais n’a pas bougé. De certains endroits, par beau temps, il est même visible. Mirage suffisant pour que les migrants continuent de camper à droite à gauche, dans des tentes, sous les ponts ou dans des bâtisses sans fenêtres ventilées par l’air marin, au grand dam de la mairie.Wahid, un Afghan de 27 ans, lui, n’a même pas de murs. Il dort depuis quatre mois dans des fourrés sablonneux, voie rapide d’un côté, mer de l’autre. Une étendue d’eau qu’il a déjà tenté de franchir une quinzaine de fois, sans succès, à bord de camions embarquant sur les ferries. Les douaniers ne veulent pas de lui, Wahid devrait donc demander l’asile en France.En attendant, il se recouche à côté d’un tas de détritus. Pendant qu’à deux pas quel-ques pêcheurs repartent à la maison sans un regard vers ces campements impro-visés, habitués désormais comme tous les Calaisiens aux ballets incessants des réfugiés dans leur ville.

objectif : grande-bretagneD’ailleurs, la spécialité calaisienne a fait des petits. Et plusieurs maires du littoral peuvent maintenant se vanter d’avoir des migrants sur leur territoire. Mais, en dehors de Calais, il faut avouer que ça ne se voit pas trop. Pratique pour ceux qui ne veulent pas voir, justement. À Loon-Plage, par exemple, à 30 kilomètres de l’ancienne jungle, on trouve deux camps d’une cin-quantaine d’hommes, à l’écart de la ville, juste derrière la zone portuaire. Parce que la mer y est plus belle qu’à Calais ? « Non, confie un jeune Afghan. À Calais, il y a trop de contrôles, on m’a dit que c’était mieux de venir ici. » Avant de plaisanter : « En arrivant ici, j’ai vu les gens sales avec de vieux vêtements. Je me suis dit que je ne finirais pas comme ça. » Deux tentatives de passage plus tard, il est dans le même état que ses compagnons. Il monte sur la butte, vue sur le port industriel. Sacré pano-rama, pendant qu’un peu plus loin, sur le littoral, un ferry déverse ses touristes britanniques insouciants sur les plages calaisiennes ✹

riviera Saint-Tropez, ville de riches, mais ville pauvre. En tout cas, mal gérée. Entre oublis, boulettes et projets foireux, c’est un festival.

C rise ou pas, on ne va pas com-mencer à faire des économies. Avec 46 millions d’euros de dettes pour 50 millions de

budget, Saint-Tropez n’en dépense pas moins allègrement ses deniers. En 2009, 2 autres millions ont alourdi le déficit. Et le ciel azur de « Saint-Trop-de-Pèze » risque de s’obscurcir encore puisque 60 % des emprunts de la ville, présentés à taux fixe, sont en fait structurés, c’est-à-dire probablement toxiques.Un nuage noir qui pèse sur la note des impôts locaux, déjà bien salée. « La mairie est soucieuse des encours de la dette, nous rassure le service de com-munication, elle est en train de créer une fondation pour le renouveau de la ville et le développement des manifestations  artisti-ques. » Ouf ! Enfin quel-qu’un qui parie sur la culture. Aussi va-t-on « faire appel à de riches résidents de la ville, des capitaines d’industrie qui pourront sub-ventionner la fondation, et exempter la mairie de certaines dépenses », précise-t-on avec délices.Pour encourager les dons des richis-simes Bolloré, Bouygues, ou encore Arnault le maire, Jean-Pierre Tuveri (DVD), ancien directeur à l’OCDE, aime montrer l’exemple et son souci de l’écologie. Dernièrement a été voté un projet d’ensablement de la côte des Canoubiers pour la modique somme de 700 000 euros. Grâce à un système de boudins – c’est très sérieux – placés au fond de l’eau, les vagues ramènent gen-timent le précieux sable sur la berge.Heureux hasard, c’est la villa de Vincent Bolloré qui va ramasser les eaux de bou-

dins… Il faut dire que Bolloré comme Arnault ont un intérêt constant pour Saint-Trop’. « Ils achètent domaine sur domaine dans le très prisé quartier des Canoubiers, et le maire aime beaucoup partager leur compagnie », raconte un habitué des mondanités tropéziennes. Sûrement pour les convaincre d’aider la ville à se désendetter et prendre, au passage, des conseils de gestion.Car les projets foireux n’ont pas manqué, principalement autour de la Semagest, une société mixte spécia-lisée dans l’aménagement, les parkings et la gestion du port de la ville. Cette dernière activité, très rémunératrice – 223 000 euros de bénéfices par an –, s’est stoppée net fin 2009. La Semagest,

dont la mairie est l’ac-tionnaire majoritaire, a « oublié », de renou-veler sa demande de délégation de service public pour la gestion du port. Du jamais-vu !

« Tuveri aime décidément se moquer du monde, ou alors c’est un grand inca-pable », raille l’opposition. Résultat des courses, la Semagest perd le port. Bonheur pour le maire, qui en récu-père la gestion et place ses hommes.La Semagest perd aussi sa compétence d’aménagement, qui a été catastro-phique : 16 millions de déficit en onze ans ! Outre des travaux mal faits qui se sont éternisés, des projets ont été frappés de nullité. C’est le cas de celui du Couvent : ni publicité ni mise en concurrence. Encore un oubli… qui coûte un max.À Saint-Trop-de-Pèze, à force de vivre au rythme des milliardaires, on en oublie la valeur de quelques millions ✹

magouilles à la tropézienne

endettée à 92 %, la ville offre quelques cadeaux à ses résidents milliardaires.

Qui est l’auteur de cette phrase : « on n’a jamais vu un aveugle dans un camp de nudistes » ?

a. Gilbert montagné b. Woody allen

c. clara morganed. Bill clinton

réponse : Woody allen.

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du samedi 31 juillet au vendredi 3 septembre 2010 | bakchich hebdo n°35 17

moustiquesC et été, les brigades du moustique-tigre

sont en alerte. Les ententes interdé-partementales de démoustication (EID) ont été prévenues que des bestioles noires tachetées de blanc, porteuses du chikun-gunya, débarquaient dans le Sud-Est. Inu-tile d’utiliser lampes à ultra-violet, citron-nelle, crucifix ou ultrasons. Le produit en vigueur depuis une vingtaine d’années, le BTI, est une bactérie qui fait éclater les membranes de l’intestin de la larve. « C’est un produit sélectif, mais on ne peut pas dire que c’est un produit bio », sourit Gilles Besnard, biologiste à l’EID Rhône-Alpes. En tout cas, le BTI coûte très cher. Le budget annuel en Atlantique, où sont employés 55 agents pour traiter 183 com-munes, est de 4 millions d’euros environ. « Sans nous, vous auriez une quarantaine de moustiques continuellement sur vous à  cinq  kilomètres  à  la  ronde  des  zones humides », soutient l’EID du Sud-Ouest. La femelle, qui est la seule à piquer pour fournir ses œufs en protéine, en produit jusqu’à 300 par ponte. Sans traitement, assisterait-on à un mauvais remake des Oiseaux d’Hitchcock ? ✹

N om de code : Crim Org 06. Effectif : 300 gendarmes, des juges un peu

fadas, un procureur pugnace. Objectif : nettoyer le milieu nissart de son par-rain « présumé », Michel Soret, alias « le Vieux ». Fiasco total. C’était en 2002.

michel soret, parrainSix ans plus tard, la Juridiction inter-régionale spécialisée de Marseille s’est piquée d’essorer le Vieux, 66 ans, tou-jours proche des carambouilles locales. Ouverte en 2008 sur « tenue de maison de jeux clandestins », l’instruction du juge Voglimacci s’est épaissie. Selon l’en-quête, Soret tremperait dans du racket en bande organisée. Dans la « bande », le comité local de pêche. Tenu par le gra-nitique Alex Plusquellec, le syndicat de pêcheurs niçois, « attributaire de presque toutes les subventions publiques destinées aux pêcheurs », est « suspecté, en s’auto-risant de la protection de Michel Soret, d’un racket systématique sur les profes-sionnels ». Ou quand le gros poisson fait bosser les petits…

trafic, racketLes enquêteurs fouillent le courrier du bras droit – armé – de Soret, Jean-Pierre Berquin, dit « le Balafré ». Dans un colis, des cartouches de cigarettes et un petit mot : « Le prix définitif  est de 1,70 euro le paquet, livré où l’on veut. (…) Ils veulent bien démarrer à 200 cartons. (…) » Trafic de clopes. « Ils » ? Les écoutes télépho-niques, d’Ukraine à Monaco en passant par l’Italie, laissent augurer d’un vaste réseau. « Je ne répondrai pas à cette ques-tion », s’offusquent de concert Berquin et Soret, tous deux passés par la case prison en 2009 et sortis en février 2010. Sans avoir été blanchis.Le 3 juin dernier, la chambre d’instruction d’Aix-en-Provence a refusé leur demande d’annulation de l’enquête pour des erreurs de procédures. Le Vieux ne saurait avoir tous les vices. Même de forme ✹

ouessantC ette île est la pointe avancée du conti-

nent européen face à l’Amérique. Mais elle se mérite. Aujourd’hui encore, les bateaux qui viennent de Brest ou du Conquet peuvent rester bloqués au port, pour cause de tempête. La mer d’Iroise est une furieuse, et Ouessant est pleine de sortilèges.Pendant une vingtaine d’années, un ornithologue hors pair, Yvon Guermeur, a passé d’innombrables saisons sur l’île, où les migrations d’oiseaux sont specta-culaires. Mais, comme il était curieux de tout – il est depuis retourné sur le conti-nent –, il ne cessait de marcher, comme un personnage de Paul Auster. Archéologue amateur, il découvrait sans cesse de nou-velles merveilles. Ici, la trace d’un ancien port romain. Là, l’écho d’une présence néolithique.

trésor archéologiqueEn 1987, il se balade aux abords d’un chantier du centre de l’île, situé à Mez-Notariou, autrement dit le « champ du notaire ». Il aperçoit, dans une tranchée creusée par une pelle mécanique, des fragments de poterie et des pierres un rien curieuses. Il emporte le tout, brosse ses échantillons au coin du feu et commence une expertise sauvage. La pierre a été cuite, certains frag-ments semblent d’apparat et pourraient remonter à une époque située entre l’âge de fer et l’âge de bronze. Guermeur trouve tout cela seul, car il a accu-mulé, en autodidacte, un grand savoir. Finalement, il confie ses découvertes à des services officiels. À Quimper, les archéo-

logues professionnels vont bientôt sabler le champagne, car Mez-Notariou va peu à peu devenir un grand chantier archéolo-gique européen.

mystèresLe site a été occupé au moins entre le quatrième millénaire avant notre ère et jusqu’à 500 ans après. Depuis les haches du néolithique jusqu’à la fin de l’Empire romain. Il y a trois mille ans, ce village comptait sans doute près de 400 habitants, soit presque la moitié de la population actuelle. Pourquoi avoir bâti un village en bois – les preuves abondent – sur une île en pierres ? Ouessant, selon l’étude des pollens, n’a pas abrité de chênes, qui ont pourtant servi aux fondations de Mez-Notariou. Faut-il imaginer du bois flotté dans les terribles courants de la mer d’Iroise ? Faut-il croire que ses habitants défiaient à ce point les éléments ? Des mys-tères dignes de ceux de l’île de Pâques ✹

entre martigues et menton, pas de vraies vacances sans soirée à la pizzeria, avec du rosé glacé sur la table. normal : la pizza vient de marseille, comme le pastaga. eh oui, juste après la guerre, il n’y avait que cinq ou six pizzerias en France. et toutes à marseille, où les immigrés d’italie du sud se sentaient bien depuis des lustres. cette pizza des origines était déclinée sous trois garnitures, et pas une de plus : anchois, fromage (gruyère) et moitié-moitié (anchois-fromage, quoi). comme elle faisait bien 40 centimètres de diamètre, on la découpait sur la table.rien à voir avec le monstre « estouffe-chrétien » à la taille de ton assiette, croisement de la Chicago style pizza, épaisse de deux doigts et couverte de machins bizarres comme les marshmallows ou le pepperoni (qui n’a plus rien à voir avec les poivrons : c’est, chez obama, un salami en tranches), et de la pizza des boulangers, en pâte à pain, découpée en rectangles pour le casse-croûte. non, la pizza marseillaise, ça se partage ; ça embaume l’origan (et pas le thym), ça porte des olives noires (et pas des câpres ou des pignons), c’est fin comme un soupir, croustillant comme un baiser, et ça « endure » quelques gouttes d’huile pimentée, que l’on appelle ici le « faï trica » en lui supposant les vertus du viagra…tout changea dès la fin des années 50, à la suite du succès de quelques maisons fameuses, rue d’aubagne, rue du musée ou rue caisserie, chez antoine, jeannot ou angèle. des pizzerias populaires surgirent dans tous les quartiers de marseille, avec leurs fours en brique chauffés au bois de pin et de chêne, d’où le pizzaïolo sortait une pelletée de braises pour griller des côtelettes d’agneau ou du figatelli.le jambon, l’envahissante mozzarella issue de mamelles discutables, les supions, les « fruits de mer » (en boîte) compliquèrent la garniture. puis vinrent les champignons, de paris comme par hasard, porte ouverte au n’importe quoi sur des pizzas devenues portions – triomphe mercantile de l’individualisme. des poivrons qui « reprochent », de la viande hachée « à l’arménienne » (?), des œufs, des bouts de saucisse… rideau, fin d’un monde.aujourd’hui, sur la côte, on trouve des pizzas aux lardons fumés, à la crème fraîche, à la roquette, au thon et au reblochon. À quand le hareng et le petit-suisse ? un conseil : ne commandez jamais une pizza dans une pizzeria si vous ne voyez pas le four de votre place. À moins que vous ne soyez amateur de surgelés… ✹

ça ne s’arrange pas. en 2009, le nombre de noyades a (légèrement) augmenté. au total, 1 366 cas ont été recensés, dont 462 mortels. parmi ces derniers, 188 ont eu lieu en mer, 54 en piscine, le reste sur des plans d’eau, et jusque dans les… baignoires.l’institut national de veille sanitaire et l’institut national de prévention et d’éducation pour la santé donnent, comme chaque année, les mêmes conseils aux adultes, qui seront évidemment oubliés. il faut être en forme physique, faire gaffe à l’état des courants et de la marée, ne pas picoler, et, surtout, ne pas se baigner si l’on ressent des frissons. pour les bretons et ceux de la mer du nord, c’est déjà râpé ✹

Raz-de-marée de noyades

coordination du numéro : Fabrice nicolino et lucie delaporte • Directeur de la publication : Xavier monnier • Directeur de la rédaction : nicolas beau • conseiller éditorial : jacques-marie bourget • rédacteurs en chef : pierre-Georges Grunenwald (édition), cyril da (Web) • maquette : Émilie parrod, marjorie Guigue • secrétaire de rédaction : Élodie bui • correction : marie-claire vierling, tatiana Weimer • ont participé à ce numéro : Émile borne, louis cabanes, christophe demay, anne Giudicelli, hélène huteau, anthony lesme, laurent macabies, nicolas montard, jean-sébastien mora, simon piel, catherine Quignon, anne steiger, anaëlle verzaux , clotilde Warin • chroniqueur : jacques Gaillard • Dessinateurs : avoine, bar, baroug, bauer, besse, biscotte, decressac, essi, Gil, Goubelle, ray clid, khalid, klub, lacan, large, ludo, magnat, mor, mutio, nardo, noël, oliv’, pakman, pavel, pier Gajewski, presse papier, roy, soulcié, thiriet •

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les carnets de Jacques gaillard

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Pavillon bleuL a plage qui peut l’arborer est dite belle,

propre, écolo. Illusions. Au départ, en 1983, le pavillon bleu concernait la qualité des eaux, mais on a, depuis, empilé quan-tité d’autres critères. Les infrastructures, les bacs à fleurs, l’accès pour les handi-capés, et une cinquantaine d’autres. Pour la qualité de l’eau, il vaut mieux repasser, car les analyses sont faites sur la base de prélèvements… de la saison précédente. Impasse complète sur les orages, qui peu-vent pourrir le littoral en deux heures, et bien sûr sur les dégazages ponctuels. Pour Sylvain Pastor, élu vert du Gard, « c’est un label de complaisance, obscur sur ses attri-butions, et qui ne prend pas en compte la biodiversité, la protection des espèces ou les effets d’un urbanisme ravageur, comme c’est le cas au Grau-du-Roi, où des associa-tions ont demandé son retrait ».

label illégitimeIls ne sont pas rares, les spécialistes écolos de tout poil qui allument le pavillon bleu. Les maires, eux, se l’arrachent. Cette année, Nice vient de l’emporter les doigts dans le nez. Tout content de l’afficher sur cinq de ses plages, Estrosi a – discrète-ment – financé la conférence de presse nationale 2010 du pavillon bleu. Coût : 9 200 euros de bon argent public, offerts à la puissante Fondation pour l’éducation à l’Europe (FEE), en charge du label et de

bien d’autres encore, qui cumule déjà sub-ventions nationales, européennes, et dona-tions privées, comme celles, entre autres, de Suez ou Veolia. À la plage, mieux vaut rester vague. Le pavillon bleu a forcément la confiance de Veolia – et vice versa. Au Maroc, par exemple, le label s’est déve-loppé sous la houlette de l’entreprise, qui se charge de l’assainissement, du contrôle, voire de la publicité. Limpide ✹

PharesI ls ne sont plus habités. Pendant des

siècles, les phares des côtes de France ont été entretenus par des gardiens plus ou moins satisfaits de leur condition. Le « progrès » a en tout cas définitivement réglé leur sort, car un vaste programme d’automatisation, débuté en 1990, s’est achevé en 2004 par le dernier phare alors habité, celui de Kerléon, installé sur le rocher de Men Tensel – « pierre har-gneuse » –, entre Ouessant et Molène.Le plus mythique des phares français est sans aucun doute celui d’Ar-Men, situé, depuis la pointe du Raz, de l’autre côté de la chaussée de l’île de Sein. Son histoire est déjà une épopée. Tout commence par un énième naufrage, dans la nuit du 23 au 24 septembre 1859. La frégate impériale Sané (nous sommes sous Napoléon III) provoque une énorme émotion. Encore !

Encore sur la chaussée de Sein !

La commission des phares est chargée de construire un feu permanent pour empêcher d’autres désastres. Ce sera, après beaucoup d’hésitations, Ar-Men, qui signifie « la pierre ».

automatisationEn 1865, l’ingénieur Paul Joly se rend sur place : « On ne peut songer à y faire un ouvrage en maçonnerie, les dimensions sont trop faibles. » Paris insiste et les travaux débutent en 1867. On commence par placer des barres de fer dans le granit, qui sou-tiendront la maçonnerie. Dantesque. Mais les premières pierres ne sont posées qu’en 1869, avec un ciment préparé à l’eau… de mer. Il faudra au total quatorze années de travaux avant la mise en service, en 1881. Surnommé « l’enfer des enfers » par les autres gardiens de phares, Ar-Men a été surveillé, entre 1959 et 1963, par Jean-Pierre Abraham, devenu écrivain. Il a tiré de son séjour un petit classique, Armen (éd. Le Tout sur le tout) ✹

PlagesE lles sont sales parce que les gens sont

sales : papiers gras, sacs, bouteilles, mégots, canettes… Les associations qui effectuent un ramassage saisonnier ont sorti leur calculette : environ 100 kilos de déchets par kilomètre de sable !Mais, soyons honnête : seulement 20 % des cochonneries sur le sable ont été abandon-nées par le public. En fait, « 80 % arrivent par la mer », explique Olivier, de la Surf-rider Foundation. Il y a d’abord ce que produit la navigation. Jusqu’à 3 milles des côtes, on a le droit de balancer par-dessus bord les déchets alimentaires broyés. Jusqu’à 12 milles, on peut tout rejeter, en dehors des objets en plastique, « ce qui autorise donc les canettes, qui, à terre, ne sont pas considérées comme pollution, mais comme nuisance visuelle », continue le res-ponsable de l’association.

pcb, dtt, etc.Mais « le gros des déchets qui s’échouent sur les côtes arrive en fait indirectement de la terre, via les fleuves », explique Olivier. Voilà comment une bouteille en plastique jetée d’un pont peut devenir votre voisine de plage. Et, à terme, vous pourrir la santé. Il y a peu, une nappe géante d’objets en plastique a été découverte en Atlantique nord. Avec le temps, la matière se frac-tionne en microparticules qu’ingèrent les poissons. Certaines microbilles fixent toute une série de polluants hydrophiles, comme le PCB ou le DTT. Miam !Heureusement, sur les grandes plages familiales, les mairies précautionneuses passent l’éponge tous les matins. Des engins ramassent tous les détritus laissés la veille sur le rivage. Pas si terrible que ça, estiment les écolos, car les machines enlèvent aussi les dépôts organiques. « Ça ne gêne pas certains estivants, qui consi-dèrent les algues ou le bois échoué comme une nuisance », constate une autre asso-ciation. Et si la vraie pollution des plages était le tourisme de masse ? ✹

restauration Il y a onze ans, l’incendie de Chez Francis provoquait un tollé. Depuis, la loi autorise les établissements de plage temporaires, mais les patrons de ces affaires très lucratives la jugent trop restrictive. Situation électrique.

D epuis l’incendie, en 1999, de la paillote Chez Francis par les gendarmes, sur ordre du préfet de Corse, Ber-nard Bonnet, la question des paillotes est un sujet brûlant. La législation accorde désormais des auto-

risations d’occupation temporaire des plages : les constructions montées au printemps doivent impérativement avoir disparu au 1er octobre. Des contrôleurs de la Délégation à la mer et au littoral sillonnent l’île de Beauté pour vérifier que la super-ficie des paillotes correspond bien à celle autorisée, que les matériaux utilisés sont bien temporaires (bois, paille, mais pas de béton) et que les constructions sont démon-tées à la bonne date. Mais, tous les ans, des récalcitrants finissent au tribunal administratif. « En Corse, les com-munes ne veulent pas prendre en main la gestion des paillotes, car il y a trop d’irrégularités. Elles préfèrent que l’État tente de gérer ces constructions édifiées sur le domaine public », confie un connaisseur du dossier.C’est de l’autre côté de la Méditerranée que la situation est la plus électrique. En ligne de mire, un décret datant de 2006, jugé « très restrictif  » par les exploitants des établissements de plage (le terme « paillotes » fait bondir Jean-Claude Moreu, président de la Fédération nationale des plages res-taurants, qui regroupe 1 500 exploitants). Ce décret impose en effet à ces restos d’être démontables et transportables, et de ne pas occuper plus de 20 % de la surface d’une plage. « Ce sont des critères courtelinesques, pas du tout adaptés à la façade méditer-ranéenne », tonne Jean-Claude Moreu, qui rap-pelle le poids économique de ces établissements les pieds dans l’eau. À Ramatuelle, la plage de Pampelonne compte 34 constructions de front de mer. Chiffre d’affaires en 2007 : 38,2 millions d’euros. Et 832 emplois, dont 170 en CDI. Mon-tant de la redevance versée : 1,26 million d’euros. Bref, un commerce qui profite à beaucoup. Un établissement peut payer entre 10 000 et 100 000 euros à la ville. « Certaines com-munes entendent même maintenant nous faire payer au pourcen-tage de notre chiffre d’affaires », s’étrangle Moreu.

Face à la colère des exploitants, le secrétaire d’État au Tourisme, Hervé Novelli, a lancé, en 2008, une mission destinée à assou-plir le décret tant décrié. « Cette annonce a juste servi à nous calmer un moment, mais, dans le nouveau texte, il n’y a rien qui 

change », déplore le patron de la Fédération des restos de plage. Or le décret de 2006, qui s’im-pose lors du renouvellement des concessions, va commencer à s’appliquer peu à peu sur tout le littoral. C’est déjà le cas à Nice. Et, dans quatre ans, ce sera au tour de Pampelonne, une plage dans le golfe de Saint-Tropez sur laquelle

aucune construction n’est jamais démontée. « Où stocker ces éta-blissements qui, une fois démontés, occupent plus d’une dizaine de semi-remorques, dans une région où il n’y a pas de terrain disponible ? » s’interroge, amer, Jean-Claude Moreu ✹

Le FEU aux paillotEs

Face aux patrons en colère, le gouvernement promet d’assouplir le décret décrié.

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du samedi 31 juillet au vendredi 3 septembre 2010 | bakchich hebdo n°35 21

A h, les Antilles ! Le soleil, l’eau tur-quoise… et les bananes au chlor-

décone. Près de la moitié des sols mar-tiniquais et un cinquième des sols guadeloupéens sont empoisonnés par ce méchant pesticide. Et pour des siècles, car le chlordécone est d’une stabilité stupé-fiante. Selon William Dab, président du conseil scientifique du Plan chlordécone, « 80 000 personnes habitent dans des zones contaminées  et  13 000  absorbent  chaque jour une quantité de chlordécone dépassant la valeur toxicologique de référence ». Tra-duction : ça craint. Et une étude publiée le 21 juin par le très sérieux Journal of  Clinical  Oncology confirme les pires craintes : « Le chlordécone est responsable d’un accroissement significatif  du risque de cancers de la prostate, lequel représente 50 % de l’ensemble des cancers dépistés en Guadeloupe et à la Martinique. »

la faute aux békésComment dépolluer ? Personne ne le sait. Interdit en métropole depuis 1990, le chlor-décone a été utilisé par dérogation en Gua-deloupe et en Martinique, officiellement jusqu’en 1993, clandestinement jusqu’en… 2002, selon le Parisien. Selon certains, la faute en incombe au ministère de l’Agricul-ture. Pour d’autres, à l’instar du directeur du journal la Tribune des Antilles, Louis Boutin, si rien n’a été fait pour déconta-miner les sols, c’est surtout la faute aux insatiables békés. Ces Blancs descendants des colons français détiennent 70 % de la filière d’exportation de la banane… ✹

ProtecteursV ous avez peut-être croisé sur les plages

les bénévoles de la Surfrider Founda-tion. Créée en 1990, cette association a pour but « la défense,  la sauvegarde,  la mise  en  valeur  et  la  gestion  durable  de l’océan,  du  littoral,  des  vagues  et  de  la population qui en jouit ». C’est d’autant plus beau que ce réseau compte 1 000 béné-voles, 5 000 adhérents et une quarantaine d’antennes locales. Avec le temps, l’asso-ciation a d’ailleurs acquis une incontes-table expertise sur ces thèmes.

Reste qu’au sein même de Surfrider, certains s’interrogent sur les contradic-tions naissantes. Financée à 50 % par le partenariat et le mécénat – green-washing oblige –, Surfrider permet souvent aux grands groupes de s’acheter une caution environnementale. C’est le cas par exemple de la Lyonnaise des eaux, qui, en co-orga-nisant avec Surfrider un triathlon à la mi-juillet à Paris, tentera de faire oublier qu’elle est une filiale de GDF Suez, classé parmi les cinq groupes les plus pollueurs du CAC 40. Bien entendu, les marques de surf sont aussi des partenaires privilé-giés. Des mécènes concernés, là encore, de très loin par l’environnement.

surfrider, machine à com ?Surfrider serait-elle devenue une grosse machine à communiquer et à rechercher des financements ? En tout cas, pour une partie des militants, ça ne passe plus. « Les dirigeants de l’asso viennent de Sciences-Po et des grandes écoles, ils ont une culture institutionnelle, pas du tout environnemen-tale, ni militante », regrette Marie-Laure, bénévole à l’antenne Pays basque. Ces dernières semaines, la découverte d’une pollution à Hendaye avait donné lieu à de vifs échanges entre les bénévoles et le siège de la structure. Pour les premiers, le QG parisien a préféré s’écraser pour ne pas se mettre en porte-à-faux avec la com-mune d’Hendaye, dont la responsabilité était pourtant criante ✹

c’est le doux nom qui désigne la mycose la plus fréquemment attrapée sur nos belles plages. les symptômes : éruption de taches marron sur le thorax, les épaules, le cou ou le dos, qui évoluent élégamment en taches blanches de dépigmentation.dans la même famille, l’onychomycose n’est pas mal non plus, quoi que plus discrète. elle se contente de colorer d’un jaune répugnant les ongles, tout en s’attaquant à leur structure.autre joyeuseté à contracter sur le sable, la maladie dite « pied-main-bouche », due au virus coxsackie, qui parsème les trois parties concernées de boutons, chez les tout-petits. une infection pas totalement étrangère à la pollution due aux déjections canines sur les plages. tu l’as posé où, ton sandwich ? ✹

Pytiriasis versicolor

bateaux Dans certaines régions, les plaisanciers doivent attendre jusqu’à trente ans pour obtenir une place ! Du coup, le système D se développe.

C inquante-quatre mille, c’est le nombre de demandes de places non satisfaites, selon la Fédération française des

ports de plaisance (FFPP). Le chiffre serait plutôt de 20 000, si l’on se fie aux données de l’Union nationale d’asso-ciations de navigateurs, qui regroupe 55 000 plaisanciers. Du simple au double. Cette situation ubuesque illustre bien la cacophonie de la gestion des places dans les ports de plaisance. En France, les 370 installations – parfois de simples bouées – et les 180 ports de plaisance n’offrent de toute façon pas assez de places au mouillage.Les propriétaires de bateaux n’ont qu’à prendre leur mal en patience, car les délais d’attente se chiffrent en années ! Ainsi les plaisanciers doivent-ils mariner en moyenne cinq ans pour obtenir le droit d’amarrer leur bateau dans l’un des 50 plus grands ports français, selon un classement établi par le magazine l’Ex-pansion. Sauf à Quiberon, en Bretagne, où il leur faut patienter neuf ans. À Fos-sur-Mer ? Plus de dix ans. À la Londe-les-Maures, dans le Var, plus de dix-huit ans. À Arcachon, trente ans ! Et même trente et un ans à Granville, dans la Manche…Des solutions légales sont régulière-ment proposées pour pallier ce manque de places : quelques extensions de ports. « On ne peut pas étendre indéfiniment les ports de plaisance, car on est confrontés aux  contraintes  littorales », rappelle Mathieu Guilloto, de la Fédération des ports de plaisance. Des projets de ports sont à l’étude, comme celui, pas forcé-ment bienvenu, de Brétignolles-sur-Mer en Vendée, qui menace directement une réserve d’oiseaux migrateurs. Ou encore le stockage des bateaux à terre, une solution pas vraiment pratique pour le plaisancier assidu…Mais la gestion de la pénurie passe sur-tout par le système D. Au Vieux Port de Marseille, par exemple, il n’existe même pas de liste d’attente. Pour bénéficier

d’une place, il faut tout simplement… acheter un bateau. « Le droit d’usage est  en  vigueur :  on  achète  un  bateau, il reste sur l’anneau, il a une place », explique Michel Meacci, de Marseille accueil culture et traditions, l’une des douze associations qui « gèrent » les places du port. Pour Étienne Caputo, directeur des ports de la communauté urbaine de Marseille, « c’est une pra-tique illégale car on ne peut pas trans-mettre  le domaine public. La commu-nauté urbaine de Marseille a supprimé le transfert d’usage ». Cette « loi » a en

effet été édictée en 2007 lors de la signature d’une convention de cinq ans entre la ville et les associations. Mais le règlement de police n’a pas encore été adopté.

« On ne veut pas faire ça brutalement », explique-t-on à la communauté d’ag-glomération. Cette vente « anneau en main » profite bien à l’acheteur. Aucun chiffre ne circule, mais ces ventes de bateaux assurés d’avoir une place s’ef-fectuent très rapidement, et les prix sont souvent surévalués. Le Vieux Port fait figure de dernier de la classe en matière de respect de la loi. Les ports du Var, qui cédaient aussi à cette pra-tique, y ont mis fin depuis peu.D’autres agissements tout aussi douteux sont monnaie courante dans les ports de plaisance. Un possesseur de bateau amarré peut choisir, par exemple, de le vendre en parts. Il reste officiellement propriétaire de son bateau s’il en détient au moins 51 %. En sous-main, le bateau peut être vendu à 100 %, selon un accord amiable passé entre détenteur d’anneau et amoureux du grand large !La situation reste de toute façon très tendue : la moitié des bateaux en France ne sont pas à flots mais sur remorque. Sur le littoral méditerranéen, l’été, les queues formées par ces plaisanciers sans anneau mettant leur bateau à l’eau peuvent atteindre une centaine de personnes, et les forces de police sont parfois mobilisées pour gérer ce flux inattendu ! ✹

ports, les places sont très chères

À marseille, il n’existe même pas de liste d’attente. tout se fait en sous-main.

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S i on appliquait les nouvelles normes européennes de 2015, 169 plages fran-

çaises seraient interdites à la baignade. C’est la conclusion d’une étude de l’as-sociation Surfrider, qui s’appuie sur les résultats des contrôles sanitaires officiels. Il n’y a pas le feu à la mer puisque 1 800 autres plages seraient en conformité, mais la crainte de l’association est de voir des mairies fermer des plages plutôt qu’in-vestir dans la qualité des eaux. Comme ce fut le cas en Grande-Bretagne, où 500 plages ont été supprimées il y a dix ans. Dans son nouveau règlement, l’Europe contraint les pays membres à respecter des niveaux de qualité bactériologique deux à trois fois supérieurs à sa dernière direc-tive, vieille de trente-quatre ans.

labos privésCe n’est pas gagné. « D’ici à 2015, toutes les eaux de baignade ne seront pas de bonne qualité, prévoit Philippe Duchène, spécialiste de l’épuration des eaux au Cemagref, l’institut de recherche en sciences et technologies pour l’environnement. Mais les Espagnols  et  les  Ita-liens seront derrière nous, c’est sûr. » Nous voilà ras-surés. Pour un spécialiste de l’agence régionale de santé qui tient à son ano-nymat, les efforts de l’État et de l’Europe vont globale-ment dans le bon sens, mais le problème le plus inquié-tant concerne le désengage-ment de l’État en matière de contrôle sanitaire.Aujourd’hui, ce dernier sous-traite les prélè-vements des eaux de baignade mais aussi de consommation. Des labora-toires privés comme Carso ou IPL ont remporté de nombreux marchés. Hervé

Terrien, ingénieur sanitaire, se veut ras-surant : « Les laboratoires sont obligatoire-ment agréés par le ministère de la Santé. » Sans doute, mais le mouvement est lancé, et les grands de l’eau, comme Veolia, Suez et Saur, proposent désormais leurs propres services de contrôle sanitaire. Depuis 2003, déjà, Veolia eau contrôle les eaux de baignade d’une centaine de collec-tivités ! Tout en s’occupant généralement de leurs stations d’épuration. C’est le cas par exemple à Cannes avec Suez. Voici venir les temps nouveaux : les principaux pollueurs potentiels chargés du contrôle de la qualité des eaux de baignade… Vous avez dit juge et partie ? ✹

RadioactifD u mont Faron, on ne voit rien. Ou

plutôt, on ne voit que la magnifique rade de Toulon. Ce point de vue sur la ville est époustouflant. En face : la presqu’île de Saint-Mandrier, le cap Sicié. À l’ouest, au loin, la baie de Bandol. À l’est, la presqu’île de Giens et, si on regarde bien, l’île de Porquerolles. Des lieux qui sentent bon le sable chaud. Tache grise dans le paysage : le port militaire. « L’arsenal », comme le nomment les Toulonnais, est le siège de la Force d’action navale. On y trouve les plus beaux bâtiments de la marine française – les sous-marins nucléaires d’attaque et le porte-avions Charles-de-Gaulle. Et beau-coup de ces joujoux utilisent le nucléaire comme moyen de propulsion. Sans parler des munitions… Nucléaire, le mot casse l’ambiance. Le centre d’information géo-graphique du Var explique, dans une étude de mars 2001 : « Il n’y a pas eu en France d’accident nucléaire avec des consé-quences immédiates pour la population. Toutefois, en raison d’activités nucléaires dans la base navale de Toulon, il existe un risque pour la commune. »

accident nucléaire à toulon ?Trente-cinq villes sont officiellement incluses dans un « périmètre de sécurité », soit un cercle de 25 kilomètres autour de l’arsenal de Toulon. Mais chut ! Ce péri-mètre correspond à une zone exposée à un risque d’accident nucléaire grave pouvant survenir dans le port. Dans cette zone à forte densité de population figurent les plus belles plages du Var : Bandol, Hyères, Six-Fours. On imagine le tableau en cas d’alerte ! L’eau est claire ; la brise, fraîche. Le tout à proximité de centrales nucléaires flottantes qui fonctionnent au combustible militaire, bien plus enrichi que le civil ! En cas d’accident, ce serait tellement plus chic, côté radioactivité. Bronzez tranquilles : Hyères, Saint-Man-drier, Six-Fours et Toulon ont toutes décroché leur pavillon bleu, qui garantit « un environnement de qualité pour des communes balnéaires ». Plouf ✹

Saint-ExO ù donc est mort l’auteur du Petit 

Prince ? Aviateur de combat pendant la Seconde Guerre mondiale, il a disparu à jamais le 31 juillet 1944, à bord d’un Loc-kheed P-38 Lightning. Mais où ? Près de Carqueiranne (Var), où la mer a rejeté un corps resté anonyme ? Le 7 septembre 1998, un pêcheur a retrouvé la gourmette de l’écrivain près de l’archipel marseillais de Riou. Et, en 2000, des morceaux de son appareil sont récupérés au large de Mar-seille, ce qui semble régler la question. Horst Rippert, ancien de la Luftwaffe, assure avoir abattu l’avion de Saint-Ex au-dessus de la Méditerranée, et a déclaré : « Si j’avais su que c’était Saint-Exupéry, l’un de mes auteurs préférés, je ne l’aurais pas abattu. » Requiescat in pace ✹

sardinesE lles sont passées par ici, mais elles ne

repasseront peut-être pas de sitôt. Pen-dant des siècles, les sardines ont fait vivre un nombre impressionnant de ports de la façade atlantique. En 1717, Douarnenez comptait 300 chaloupes spécialisées. À la fin du XIXe siècle, toute l’économie littorale bretonne tournait autour de la sardine. Les bateaux sardiniers se comp-taient par centaines, et les pêcheurs par milliers. L’euphorie.

poisson migrateurMais la sardine est une migratrice qui se moque des affaires humaines. Tantôt elle est partout, tantôt nulle part. Entre 1902 et 1909, elle disparaît à peu près totale-ment de nos côtes, plongeant des régions entières dans la dépression. On estime que, en 1898, 51 millions de tonnes de sardines ont été pêchées de Camaret jus-qu’aux Sables-d’Olonne. Mais seulement 9 millions en 1903. Depuis, la sardine fait du yo-yo, et Douarnenez, autrefois pre-mier port mondial pour la sardine, est une ville en déclin. La Bretagne ne pêche plus qu’environ 15 000 tonnes de sardines par an. Une misère ✹

«C RS, SS ! » Depuis Mai 68, dans toutes les manifs, on invente des slogans

contre ces gros bras de la police taillés pour matraquer les agitateurs. Et que dites-vous de celui-ci : « CRS, en string » ? L’été, au côté des beaux gosses bénévoles de la SNSM (Société nationale de sauve-tage en mer), une kyrielle de Robocops se transforment en sauveteurs des mers. Au total, 500 CRS détenteurs du brevet national de secourisme et d’athlétisme sont envoyés sur le littoral hexagonal. Un chiffre en baisse – rigueur oblige.Les CRS se battraient pour y aller : sauver des vies, quel beau métier ! En dépit des 60 euros par jour versés par les municipa-lités. Stéphane Battaglia en a fait l’expé-rience, quinze étés durant. « La plupart d’entre nous logions dans des caravanes. » Et que font les CRS en slip de bain ? « En Méditerranée, on soigne les piqûres,  les brûlures  de  méduse  et  les  déshydrata-tions. C’est l’effet bobologie ! » ironise-t-il. En revanche, « en Atlantique, l’action de sauvetage est importante. Les nageurs du Sud-Ouest sont victimes des baïnes, ces cou-rants très violents qui vous poussent vers le large. Là, on sauve des vies ». Comme quoi, tout arrive ! ✹

22 BakchichheBdoN°35|dusamedi31juilletauveNdredi3septemBre2010

surlesmarchésdeprovence,quaiduportoulelongdelaplage,cestandestimmanquable:«produitscorses»,avecdesnomsquisententlemaquisetlatêtedemaureunpeupartout.Àdesprixexorbitants,maisc’est,vousexplique-t-on,larançondel’insularité.etlecoûtdeméthodesancestralespoursaleretséchercescochonsquigambadentdanslessous-boisetsegaventdechâtaignesavantd’êtretirésàlachevrotineparlesautochtones,enrécompensedeleurlibertédebanditsd’honneur.hélas!latotalitédescochonsdel’îlesuffiraitàpeineàapprovisionnerpendantdeuxoutroisjourslesfabriquesdecharcuteriecorse…carletroupeauestmaigreetonleconsommeenfamille,danslesvillages,ouenréservantdesmorceauxdechoixpourlaparentèleducontinentquirevientchaqueétéfairelasiestedanslacasaenindivision.donc,quelquesusinesde«transformation»,surtoutencorse-du-sud,traitentlestonnesdeviandequifinironten« produits corses ».surleportdeBastia,chaquematin,onpeutvoirdébarquerdesmonceauxdecarcassesdeporcsgénéralementsurgeléesquiviennentducontinentoudepaysoùilseraitsurprenantqu’onlesgavedechâtaignesetdeglands–laquestionestmêmedesavoiravecquellecochonnerieonaépaissileurlard.etdelàtoutpartàladécoupe,auhachoiretàlasaumure,pourreveniravec,écritentoutpetit,« élaboré (ou transformé) en Corse »surl’emballage.Quandilyaunemballage…alors,bonappétitpourdévorerduprisuttuauthentiquenéenroumanie(35à50euroslekilo,toutdemême!),dulonzudetruiepolonaiseouchinoise,delacoppaetdufigatelluissusdesporcheriesindustriellesbretonnesouespagnoles.pasforcémentmauvais,etmêmeparfoisdebongoût–ilyadusavoir-faireducôtédesartène.moinsexotique,toutefois,quelesaucissond’âne:labidochedecesbaudetsvientd’argentine,dit-on.Nonmaisvouscroyezquelescorseslaisseraientdestouristesàl’accentpointuboufferleurs(quelques)ânes?✹

l’abbécottard,c’estdulourd.cecuretonintégristeorganisaitdescampsdevoileaccueillantdejeunesscoutsbien-pensantsdel’associationfrançaisedescoutsetguidescatholiques(aFsGc).commeilprenaitsouventdesrisques,ilaimaitàrépéter:« Chaque fois que nous avons un problème,  je dis aux enfants : “Nousallonsdemanderàsaintjoseph”, et le problème se résout immédiatement. »maispasle22juillet1998.cejour-là,septgossesembarquentsurunemerdéchaînéeàbordd’unepetitecaravelleprévuepoursixpersonnes.aucunadulten’estàbord.leminusculevoilierdevaitatteindreperros-Guirecà15heures,maislesvaguesendécidentautrement.toutcommecottard,quineprévientlessecoursqu’à21h53.Quatregaminssenoient,ainsiqu’unplaisancieraccouruàleursecours.l’enquêtemontrequecottardfaisaitrégnerdanssoncampdevoileunedisciplinemilifana.d’autresincidentsgravessesontproduitslesjoursprécédents,dontl’excellentabbés’estcontrefoutu.condamnéen1999àquatreansdetaule,dontdix-huitmoisferme,ilestredevenuprêtreetofficieenindre-et-loire.lesparentsdesenfantsmortsluiont,paraît-il,soutenulemoral✹

Les scouts de M. l’abbé

les carnets de Jacques gaillard

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du samedi 31 juillet au vendredi 3 septembre 2010 | bakchich hebdo n°35 23

mode de vie Tous prônent la nudité, mais pas de la même façon – ils tiennent même à bien se différencier les uns des autres. Si le naturisme se vit comme une philosophie, les nudistes désirent tomber le slip sans contraintes. Restent les « à-poilistes », ces mateurs qui passent à l’acte en plein air.

«S urtout, vous levez bien la queue. » Cul nu, seins nus, au domaine de la Sablière (Gard), Gaby, la soixantaine, accueille le vacancier dans ce qui

sera son bungalow pour la semaine. Pas de malentendu, la « queue » n’est en fait que la poignée de porte. « On se retrouve tous près du bar, lance Gaby. Ce soir, c’est couscous et karaoké. » Faut-il sortir dîner nu ou habillé ? Le prospectus prévient : « Lorsque le temps le permet, la nudité est obligatoire sur tout le domaine de la Sablière. » La température atteint à peine les 20 °C : nous opterons pour un jean. Nous avons bien fait car, ce soir-là, la centaine de tout-nus du domaine est habillée et s’époumone sur Johnny ou Joe Dassin.Dans cette ambiance familiale, nous ten-tons quelques naïves allusions à ce qui nous amène : le cul. « Pour nous, le sexe est personnel, lance d’emblée Gaby. On n’en parle pas. » Pas de voyeurs ? « Non, répond-elle. On a un service de sécurité pour les éloigner. Parfois, ils se cachent sur le massif d’en face avec des jumelles. Mais nous avons un taille-haie à l’accueil. Quand on les surprend, on leur fait peur. » Vivre les fesses à l’air incite-t-il à une sexualité plus expansive ? « Notre sexualité n’est pas fran-chement débridée, répond Gaby. Pourtant, nous buvons des litres de sarriette [plante aphrodisiaque locale, ndlr], mais cela ne m’a jamais rien fait. » Et les échangistes ? « Des échangistes ici ? Jamais de la vie ! » s’indigne la patronne.Une furie vient interrompre la conversa-tion, hurlant pour faire baisser la sono. C’est Laurette, la cinquantaine, adepte de la Sablière depuis 1977. Une naturiste pure et dure : le contact avec la nature, le pain noir au petit déjeuner, la méditation et les douches glacées, été comme hiver. Interrogée sur sa pratique de la nudité, elle répond : « C’est très simple : le corps des autres, nous ne le regardons pas. À force, nous ne le voyons plus. Vous verrez demain quand vous vous mettrez nu. »

Le lendemain, nu en effet, nous rencon-trons Max, 30 ans, membre de la Fédé-ration française de naturisme (FNN) : « Il existe une grande convivialité ici, car nous partageons les mêmes valeurs de tolé-rance, d’humanisme, de respect de l’autre. » Et les filles nues ? « On les regarde moins que sur une plage classique. Une belle fille en string est sexy. Une belle fille nue est… belle. » Reste la question de l’érection non contrôlée. « C’est surtout le problème des non-initiés et des adolescents », précise Max, pour qui l’« on apprend progressivement à maîtriser son sexe ». Il y a vingt ans, l’érec-tion était vécue par les naturistes comme

une exultation naturelle du corps. Aujourd’hui, elle n’est plus du tout acceptée et peut même signifier un renvoi. Les filles ont un autre souci : leurs menstruations.

Dans les années 70, elles exhibaient un slip noir pour signifier leur indisposition. Aujourd’hui, toutes les couleurs sont tolé-rées, à condition de ne pas porter la culotte pendant plus de cinq jours.Les naturistes seraient-ils un peu coincés ? Ils auraient en tout cas besoin d’un sérieux coup de jeune : « Le noyau dur de la FNN a plus de 50 ans de moyenne d’âge, analyse Max. Ce sont pour la plupart des ultraconservateurs bloqués par la hantise d’être assimilés au nudisme. » Dans les années 30, la fédération prêchait même l’idée que les naturistes étaient « parfaits » puisqu’ils ne buvaient pas, ne fumaient pas, ne baisaient pas. À les entendre, ils étaient presque asexués ✹

R ésumons. Les naturistes méprisent les nudistes, lesquels exècrent la tribu des « à-poilistes ». Ne pas confondre ser-viettes de bain et torchons. À en croire les nudistes, ces

tout-nus particuliers sont un peu exhibitionnistes, beaucoup mateurs et franchement dégueulasses.Le Cap-d’Agde, où ils sont essentiellement concentrés, est le plus grand centre de tout-nus d’Europe. Avec ses énormes tours de béton en demi-cercle, ses trois centres commerciaux, sa bonne pincée de clubs échangistes et sa capacité d’accueil de 30 000 per-sonnes, Le Cap n’a effectivement plus rien du camping baba cool créé il y a une quarantaine d’années.Les légendes sur le lieu fusent. On parle de partouzes sur les plages ou de gang-bangs dans les dunes. On dit aussi que des CRS et des flics à cheval parcourent régulièrement les plages pour distribuer des procès-verbaux – la peine encourue pour un flagrant délit de cochoncetés sur la voie publique étant d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende…« Jouer avec la police fait aussi partie du jeu et décuple le plaisir, explique Olivier, un voyeur habitué des lieux. Quand les festivités

commencent, nous sommes plusieurs à faire le guet pour prévenir d’éventuels gêneurs. » Sur le fameux spot échangiste du Cap, Jocelyne, 43 ans, et Claude, 39 ans, sont originaires de Cannes. Ils viennent ici depuis deux ans pour oublier leurs « soucis » : « C’est surtout les branleurs qui mettent une mauvaise ambiance, lance Jocelyne. J’ai testé, et il n’y a rien de pire que cinquante zozos pas très sexy avec leur b… à la main pour vous donner le cafard. » Et la police ? « Pour l’instant, elle nous laisse un peu tranquilles. »

partouzes sur la plageEn fin d’après-midi, vers 18 h 30, cette plage bien particulière devient effectivement une boîte à partouze grandeur nature où les couples s’adonnent à des jeux érotiques sans se cacher. Des grappes de voyeurs se déplacent silencieusement jusqu’à eux. Un couple entame ses réjouissances à même la mer. De l’eau jus-qu’au nombril, un « promeneur » se masturbe à côté d’eux en faisant mine d’observer le large. Chauffés par ce before en plein air, Jocelyne et Claude décampent : il est grand temps d’aller se doucher avant d’attaquer les boîtes à partouzes… les vraies ✹

leS « a-poiliSteS » du cap-d’agde

sérignan-plage, au cœur de l’hérault. jeux de ballon, châteaux de sable, bronzette : l’ambiance est la même que sur n’importe quelle plage… sauf qu’on y est nu. chez les vrais naturistes, tatouages, chaînes et autres babioles qui pourraient attirer le regard sont interdits. ici, on est moins strict. on aperçoit quelques sexes épilés, voire des piercings dans le nez ou à l’arcade sourcilière.victor, 32 ans, originaire de lyon, est nudiste à sérignan depuis cinq ans : « J’aime pouvoir me dénuder quand je veux, où je veux, sans pour autant m’encombrer de l’idéal naturiste. Pas question pour moi d’être enfermé dans  un camp, nu du matin au soir, ou de faire  de la méditation transcendantale. Je veux tout simplement éviter la trace du maillot, sentir le soleil sur mon corps. »ici, les gens s’exhibent et s’observent beaucoup moins que sur une plage classique. reste que la délimitation entre plages « natu » et « texti » est très floue.du coup, les nudistes ne sont jamais à l’abri d’un joggeur-promeneur voyeur : « Le pire, c’est le vicieux qui se fige en mer », explique jean-Guy, responsable du camping sérignan-plage, agréé par la Fédération française de naturisme. « Il a de l’eau jusqu’au nombril  et se caresse gentiment le sexe  en matant la plage. En général, il se fait  vite jeter par les papas et mamans Natu » ✹

NudiSteS a la cool

tout sur les tout-NuS

le naturisme pur et dur : contact avec la nature, douche glacée, méditation…

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24 Bakchich heBdo N°35 | du samedi 31 juillet au veNdredi 3 septemBre 2010

paris coule-t-il ?

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du samedi 31 juillet au vendredi 3 septembre 2010 | bakchich hebdo n°35 25

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trivial pursuitL es baigneurs des côtes basque et

landaise le savent bien, on retrouve en permanence des déchets sur les plages. Bidons et bouteilles en plastique, palettes de bois, résidus industriels ou préserva-tifs usagés… la nature des déchets varie mais obéit parfois à des tendances. Ainsi les côtes ont-elles eu à essuyer les rejets gluants du Prestige, échoué en Galice. En 2004, ce ne sont plus des plaques de fioul qui s’échouaient sur le sable mais une « marée blanche », avec l’arrivée massive de paquets de cocaïne d’un kilo.Aujourd’hui, le nouveau phénomène « déchet » préoccupe beaucoup moins la police que les surfeurs et les baigneurs. Depuis plus d’un an, des millions de ron-delles de plastique ont fait leur apparition sur le sable. Appelées aussi « camemberts plastiques », comme les pions du Trivial Pursuit, on les retrouve coincées dans les rochers ou dans la végétation. Facile-ment reconnaissables, elles sont mêlées à la laisse.Depuis l’automne 2009, on sait qu’il s’agit de « médias filtrants » utilisés dans le trai-

tement des eaux usées par les stations d’épuration municipales, l’industrie agro-alimentaire, la pisciculture et certains paquebots de croisière. L’été dernier, des millions de pièces s’étaient échappées d’une entreprise installée au Guipuzkoa, le Pays basque espagnol. Nouvel épisode, le 11 février 2010 à Corbeil-Essonnes, quand 500 à 800 mètres cubes de médias filtrants étaient sortis d’une station d’épu-ration, pour rejoindre la Seine puis les plages d’Honfleur le 25 avril.

camemberts plastiquesDans les centrales d’épuration, les médias filtrants flottent et servent de support à des bactéries épuratrices. Les camem-berts sont ainsi introduits en très grande quantité, mais le nombre impressionnant de médias retrouvés sur toutes les plages atlantiques ne peut s’expliquer unique-ment par des accidents isolés.Une fois de plus, la technologie et le souci de la protection de l’environnement vivent un paradoxe : les roulettes de plastique utilisées pour purifier les eaux usées ter-minent leur vie à l’état de déchet sur les plages. Progrès, quand tu nous tiens ! ✹

C elui de Méditerranée est en train de mourir. Trop de pêcheurs veulent leur

part du gâteau, dont une poignée de tho-niers senneurs basés à Sète. Ce sont des gros durs, embarqués à bord de bateaux ultramodernes, qui traquent le poisson par GPS. Ils sont cousus d’or et n’arrête-ront que quand la mer sera vide. Les prises partent directement au Japon, où elles rapportent des fortunes. Sur le marché tokyoïte de Tsukiji, un thon de 128 kilos a été vendu 75 000 euros l’an passé. Et le record est de 160 000 euros ! Bon app’ ✹

TrempetteL es vacances à la mer ont une histoire.

Pendant des millénaires, les hommes ne savaient pas qu’on pouvait jouer au foot ou sauter dans l’eau avec une bouée à tête de canard. Difficile à croire, mais vrai. En France, la mode des bains de mer a été lancée vers 1820 du côté de Dieppe par des aristocrates comme le prince de Galles, venus à la demande de leur médecin pour guérir leurs maladies. L’air iodé, pensait-on, pouvait contribuer à soigner la tuber-culose, maladie alors mortelle.

bienfaits de la merJusqu’à cette époque, en tout cas, la mer fait peur. Elle est le lieu des naufrages et de l’immensité, propice à toutes les noyades. Couverts de la tête aux pieds, hésitant à sauter dans l’eau, les aristos, souvent anglais, vont pourtant lancer un mouvement qui ne s’arrêtera plus. Paral-lèlement, le romantisme naissant modifie la perception que les Français ont de la mer. De menaçante, elle devient attirante. Corot découvre Trouville, Paul Signac, Saint-Tropez, Victor Hugo, Biarritz.Un autre facteur change peu à peu la donne : l’irruption du chemin de fer. Le train conduit des milliers de voyageurs dans des lieux totalement neufs. C’est le cas de la ville d’hiver d’Arcachon, cité nouvelle « inventée » au XIXe siècle par le chemin de fer. Conçue comme une sorte de petite Suisse par les frères Pereire, pro-priétaires de la ligne Bordeaux-La Teste-Arcachon, elle a beaucoup perdu de son lustre passé. Mais elle est toujours là ✹

26 BakchichheBdoN°35|dusamedi31juilletauveNdredi3septemBre2010

histoire En 1692, pendant la guerre de la Ligue d’Augsbourg, la flotte française perd la bataille navale de La Hougue contre une armada anglo-hollandaise. Douze vaisseaux coulent. Leurs épaves recèlent des pièces magnifiques.

L a bataille navale de La Hougue reste en travers de la gorge. Ne jamais se fier aux Anglais ! Tout le monde se souvient de la guerre de la Ligue d’Augsbourg, n’est-ce pas ? Les Anglais sont les alliés des Hollandais, qui

ne valent guère mieux, et notre valeureuse flotte est conduite par l’amiral Tourville. En 1692, après des années d’étripage, la France est enfin proche de la victoire. Louis XIV, qui veut placer sur le trône d’Angleterre son cousin Jacques II, s’ap-prête à débarquer 20 000 hommes sur les côtes anglaises. Encore faut-il que Tourville puisse tenir tête à l’armada anglo-hollandaise qui règne sur la Manche.Le 29 mai, notre flotte est en route vers La Hougue, près du port de Saint-Vaast-la-Hougue, où elle doit embarquer l’armée d’invasion de Jacques II. Mais ces traîtres d’Anglo-Hollandais sont déjà à Barfleur, avec 99 bateaux et 7 100 canons, quand Tourville ne peut aligner que 44 vaisseaux et 3 100 canons. En somme, ça craint.Après une première bataille indécise, confuse, sans gros désastre en tout cas, Tourville va se réfugier dans la rade de La

Hougue, où il se croit à l’abri. Mais les perfides Anglais y pénè-trent, le 2 juin, à bord de canots à partir desquels ils envoient des brûlots et des explosifs sur nos malheureux navires de guerre.C’est horrible, c’est monstrueux, et 12 vaisseaux bien de chez nous sont purement et simplement incendiés avant de couler. La bataille consacre la suprématie anglaise sur les mers jus-qu’à… la Seconde Guerre mondiale.

Mais à quelque chose, malheur est bon. Pen-dant des décennies, les populations côtières récupèrent du fer et du bois sur les navires français naufragés. Redécouvertes en 1985 par des plongeurs, leurs épaves recèlent encore des trésors archéologiques, notamment celles qui reposent par le fond autour de l’île de Tatihou,

en face de Saint-Vaast.Le musée de Tatihou abrite désormais des centaines de pièces de la vie quotidienne des marins du XVIIe siècle : aussi bien des chaussures en cuir que des poulies en bronze, aussi bien des flacons de parfum que des canons, aussi bien des peignes que de la vaisselle en verre ou en étain, réservée aux officiers ✹

Les trésors de tatihou

autourdel’îledetatihou,danslamanche,gisentdesnaviresdeguerrefrançais.

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du samedi 31 juillet au vendredi 3 septembre 2010 | bakchich hebdo n°35 27

ubuesqueR ien n’est trop beau pour la plage de

Saint-Jean-de-Luz, la ville de Michèle Alliot-Marie. Alors que, dans le coin, comme à Guéthary, Anglet ou Bidart, les plages sont plutôt granuleuses, la ville a décidé de s’offrir du sable fin, quitte à perdre beaucoup d’énergie et un peu d’ar-gent. En tout cas, pas question de subir les diktats de la nature, ce serait bien trop vulgaire pour la ministre. Pensez ! Les tempêtes d’hiver et les courants arra-chent sans cesse les moindres particules de sable des plages basques, pour les déposer plus au nord, où elles grossissent les dunes landaises, dont celle du Pilat. Il fallait donc réagir et récupérer de gré ou de force le sable envolé. Coûte que coûte.

la mairie rachète le sable !Pendant une quinzaine d’années, la Ville a ainsi acheté du sable à la commune landaise de Capbreton. Payé 30 euros le mètre cube, le sable était acheminé par camion pour un total de 100 000 euros annuel. Depuis deux ans, l’opération ne coûte plus que 75 000 euros à Saint-Jean car le sable n’est plus dragué dans le port landais mais directement prélevé sur la plage. Super, non ? Un tapis rou-lant perpétuel et ubuesque où les grues et les camions recueillent ce que l’océan arrache et ramène. Et où la ville casse sa tirelire pour racheter ce qui, perpétuelle-ment, lui échappe. Encore bravo, madame Michèle ! ✹

Amateurs de surf, plus besoin d’aller à Biarritz pour trouver un spot, c’est

maintenant possible sur le lac d’Annecy. Nul besoin non plus de poireauter cent sept ans pour guetter un soulèvement des Alpes qui créerait un tsunami lacustre. Voilà trois ans que des fondus ont intro-duit le wakesurf sur le joyau des lacs savoyards, où ils organisent des compéti-tions fun et un brin bling-bling.Le principe ? Un bateau au moteur sur-puissant et au cul bien lesté crée un sillon profond sur lequel virevoltent les adeptes du surf d’eau douce. Dérivé ultime du wakeboard, sorte de ski nautique pra-tiqué avec un surf accroché aux pieds – bien heureux celui qui parvient à sortir de l’eau lorsque le pilote vous arrache les bras –, ce loisir provoque bien des remous. Notamment chez les amis des oiseaux, les pêcheurs du dimanche ou les profes-sionnels qui fournissent les restos du coin en petite friture, ombles-chevaliers, féras et autres lavarets. Une pétition est même remontée jusqu’à Sarkozy, en vain. Comme l’a dit le Président, l’écologie, ça va un moment.

fun et bling-blingPas question de priver les très UMP et déjà richissimes communes riveraines du lac d’Annecy de retombées supplémen-taires. Loin d’interdire le wakesurf, le préfet a donc pondu, à la mi-juin, un arrêté légalisant cette «  act i -vité   ludique et  pourvoyeuse d’emplois », agré-mentant son auto-risation de quelques restrictions et incitant les

adeptes à signer une charte de bonne conduite. Petit détail, le wakesurf est interdit au large d’Annecy-le-Vieux, com-mune dont est maire le brillant Bernard Accoyer, président de l’Assemblée natio-nale. Surfer sur la vague, oui, mais si elle se tient à distance… ✹

naguère, ça commençait comme ça : à 16 ans, ils persuadaient père et mère de les laisser partir pour la mer entre potes. alors, c’était le train, parfois la mobylette, avec la mer au bout, et la petite tente, la canadienne, la guitoune, le camping-gaz, les lampes de poche et quelques billets pour tenir trois semaines. la liberté a longtemps commencé au camping de la plage. ou des Grands pins, du phare, des Girelles. sous deux mètres carrés de toile, avec ces putain de moustiques, et les filles un peu trop sages qu’ils draguaient dès les bacs à vaisselle.désormais, le camping n’est plus une affaire de tentes. au camping de la plage, cette année, il y a 140 mobil-homes alignés en rang d’oignons entre leurs deux mûriers-platanes réglementaires, avec la terrasse pour l’apéro, une balustrade pour attacher le chien et même un paillasson pour se sentir chez soi. il reste encore 30 caravanes, des habitués séniles dans leur enclos aménagé d’année en année, avec ou sans nains de jardin – mais ils se sentent dépassés. et une pincée de camping-cars échoués là parce que, finalement, rouler, c’est fatigant.le propre d’un mobil-home, c’est qu’il n’est jamais mobile. disons-le carrément : c’est le contournement cynique du permis de construire, approuvé par une administration qui leur suppose des roues et feint de croire que ces hideuses bicoques de plastique, filles indignes du container et de la baraque de chantier, pourront un jour, subitement, s’ébrouer et partir à l’aventure, traînées par un camion complaisant. non : ils pourriront là, les sweet mobil-homes, qu’il faut retenir un an à l’avance pour jouir en août de leur bidet, de leur télé, de leur bac à glaçons, et profiter de la clim comme à la maison.pour les tentes, les canadiennes, les guitounes, voyez près des poubelles, il reste peut-être de quoi en caser quatre. sinon, les jeunes, cassez-vous avec vos toiles de fauchés et vos piquets qui font trébucher les vieux et revenez quand vous pourrez vous payer du solide. ici, pas de pétards, du ricard, sinon rien ! ✹

tourisme En 1968, dans l’Hérault, La Grande-Motte est créée de toutes pièces en un temps record. Une station balnéaire artificielle où le béton prédomine.

C réée ex-nihilo en 1968, La Grande-Motte est d’abord une arme de guerre touristique. Il s’agit alors de stopper la fuite

en Espagne de millions de vacanciers qui emportent avec eux de précieuses devises. Là où il n’y avait que du sable, la mer, des oiseaux, la mission Racine – chargée de développer le littoral méditerra-néen – fait pousser en un temps record un port de plaisance, des campings, un casino et surtout ces fameux immeubles en forme de pyra-mide. Son architecte, Jean Balladur, le cousin d’Édouard, s’est directement inspiré des pyramides de Teotihuacan, au Mexique. Sublime.Le concept urbanistique est très étudié : au levant, la ville « mâle », les pyra-mides. Au couchant, la partie féminine, des bâtiments aux formes arrondies appelés « les conques de Vénus ». Sans rire : de Vénus. Jean est un poète. Pré-sentée comme une « station verte », La

Grande-Motte comprend 70 % d’espaces naturels et offre aux touristes la possi-bilité de sillonner toute la ville à vélo ou à pied, à l’ombre des pins. Mais, vu de la mer, c’est surtout le béton qui domine et fait hurler les écologistes.Et la folie des grandeurs continue :

en 2008, le député de la circonscription, l’UMP – tendance Vil-lepin – Jean-Pierre Grand, avoue plan-cher sur un projet de presqu’île comprenant

quinze immeubles et un port pouvant accueillir de gros yachts afin d’attirer des vacanciers haut de gamme. Une idée qui a révulsé jusqu’au maire Stéphan Rossignol, UMP lui aussi : « La Grande-Motte  n’a  rien  à  voir  avec  Dubaï ! » Jamais sortie des cartons, cette pro-position était une « lubie », confie- t-on aujourd’hui à la mairie. Le résultat actuel n’est déjà pas si mal à condition d’aimer la pierre et la foule : cette ville de 8 600 habitants accueille 110 000 tou-ristes l’été. Qui dit mieux ? ✹

week-end à La grande-motte

un port de plaisance, des campings, un casino, et des immeubles…

les carnets de Jacques gaillard

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xynthiaE n février dernier, la tempête Xyn-

thia a coupé l’île de Ré en trois îlots. Cherchez l’erreur : seules une vingtaine de maisons sont condamnées et actuelle-ment en cours de rachat par l’État. Les zones noires – où le danger est maximal – ne concernent que deux communes, La Flotte et Loix, alors que « 100 hectares ont reçu entre 80 cm et un mètre d’eau, inondant neuf  communes », affirme Léon Gendre, maire de La Flotte. Bien entendu, aucun rapport avec la présence sur Ré de tant de pipoles et de gens fortunés.

les mystères de l’île de réDans le nord de l’île, là où les risques d’inondation sont le plus forts, l’adminis-tration a « oublié » de colorier les cartes en noir, voire en jaune. Le jaune signale un risque réel pouvant être maîtrisé au moyen de protections. Aucune villa ne sera détruite à Portes-en-Ré, là où les pro-priétés se négocient entre 3 et 12 millions d’euros. Bizarre, vous avez dit bizarre ? Comme c’est bizarre.

D’autres élus charentais et vendéens se sentent, eux aussi, floués, et les associa-tions de riverains qui contestent le clas-sement officiel ont visiblement du mal à obtenir les documents d’expertise qui justifient les décisions prises. Puisque ces mystères nous dépassent… ✹

marlous Le petit monde du yachting n’est pas aussi tranquille que vous le croyez ! Il y a les voleurs de ces joujoux. Et puis il y a les mauvaises rencontres que l’on fait. La pègre marseillaise, par exemple. Prudence !

A mis millionnaires, camarades milliardaires, gare à vos joujoux ! Accessoires de plage aussi indispensables pour le riche plaisancier que le jeu de boules pour l’humble vacancier, les

yachts provoquent parfois de menus désagréments. Pul-lulant dans les eaux méditerranéennes en plein été – sans doute la période de reproduction –, ces monstres des mers sont en effet sauvagement chassés…À l’instar du Beru Ma, propriété du gourou de la banque d’affaires Lazard, Bruno Roger, par ailleurs pote de Chirac et soutien de Sarko Ier. Et principal acteur d’un imbroglio diplomatico-judiciaire entre la France et la Tunisie. Un épisode raconté aux tout premiers temps de Bakchich, à l’été 2006.Ou comment le neveu préféré de Leila Trabelsi, la régente de Carthage et néanmoins épouse du prési-dent Ben Ali, s’est pris d’affection pour un yacht qui mouille aux abords de Bonifacio. Dérobé en mai, le bateau baigne ensuite dans les eaux de Sidi Bou Saïd, où Imed Trabelsi joue les skippers du dimanche. Après une longue enquête sur un réseau de chapardeurs offi-ciant sur les côtes méditerranéenne et corse, la justice française décerne à Imed son brevet de pilote. Sous la forme d’un mandat d’arrêt international daté du 3 mars 2007. Également visé, un autre neveu de Leila, le trop méconnu Moaz. Non pour un, mais pour trois bateaux. Avant le Beru Ma, le Blue Dolphin IV, dérobé à Cannes, et le Nando, escamoté du côté du Lavandou, s’étaient retrouvés sur les côtes tunisiennes. Bref, un joli réseau international de vol de bateaux, chapeauté par les héritiers Trabelsi.D’une visite de Sarko Ier à Tunis en arrangements sous le jasmin, l’affaire a été gentiment vidée de sa substance diplomatique. Le navire fut restitué, et les neveux pré-sidentiels laissés à disposition de la justice tunisienne, qui les lava de tout soupçon. Quand les complices français, eux, furent condamnés, en octobre 2009, par le tribunal d’Ajaccio à des peines allant jusqu’à deux ans de prison ferme. « Un naufrage judiciaire », jugea à l’époque Corse-Matin, quotidien pourtant habitué aux brasses coulées.Mais bien garer son engin ne suffit pas toujours à éviter les embrouilles. Méfiance ! fortunés vacanciers : on fait parfois de drôles de rencontres dans le petit milieu du

yachting. Un malheur est si vite arrivé. Par exemple, à ce pauvre Alexandre Rodriguez, l’héritier du Rodriguez Group, numéro un mondial du yachting de luxe. Ins-tallé à Cannes, Rodriguez est le spécialiste des bateaux à 20 millions d’euros pièce. Horreur, au début de juin,

l’héritier a vu débarquer sur son Atlas une escouade de flics venus pêcher le marlou. Dans les filets des poulets, quelques gros poissons. Les frères Campanella, Gérald et Michel, accom-

pagnés de Bernard Barresi, mythique figure de la pègre marseillaise, recherché depuis 1994. Quoi ? Rodri-guez aurait copiné avec la crème du milieu marseillais ? C’était à l’insu de mon plein gré ! plaide l’héritier en garde à vue. En tout cas, en pleine avant-saison tou-ristique, c’est mauvais pour le business : le cours de l’action est suspendu.Que dire alors de ces filiales du Rodriguez Group qui avaient pour habitude de frayer avec des marchands d’armes (Adnan Khashoggi ou Akram Ojjeh), des amoureux du pétrole (André Tarallo) ou des démo-crates africains convaincus (Omar Bongo) ? Face au juge, Rodriguez, qui a pourtant engagé l’un des Campanella comme coach per-sonnel, a prétendu avoir péché par naïveté. Il est tou-jours incarcéré. Les marins ne voient-ils jamais venir les requins ? ✹

La pêche aux yachts rapporte gros

Bien garer son engin ne suffit pas toujours à éviter les embrouilles.

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autopromo

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1. La programmation des festivals atteint actuellement son apogée. On pourrait dire que les festivals :A. Battent leur plein ?B. Battent son plein ?

2. Alphonse Allais, peu avare de men-songes, prétendait détenir les records du monde du millimètre, avec 1/17 000 de seconde « sans entraîneur et sur piste », alors que sa performance sur route était, selon lui, de 1/14 000. L’humoriste pré-tendait « s’entraîner quatorze heures par jour ». Allais décrit ses exploits dans :A. Les Prodiges du cycle amenB. Le Millimètre et le NéantC. Les Confessions d’un enfant du cycle

3. Héros de l’histoire de l’humanité, le marxiste Nelson Mandela a été libéré des geôles sud-africaines en 1990. Son nom a été effacé de la liste des terro-ristes et autres « rouges » tenue par l’administration américaine :A. En 1993B. En 1996C. En 2008

4. Nicolas Sarkozy et Claude Guéant, Roux et Combaluzier, Dupont et Dupond. On sait que ces êtres, si proches, ont pour habitude d’agir en commun. On peut dire de ceux-là qu’ils marchent :A. De conserveB. De concertC. Au pas

5. Les lettres E.V. que les gens courtois inscrivent en haut et à droite d’une enveloppe qu’ils déposent à l’intention d’un correspondant signifient :A. Enveloppe vueB. Enveloppe vérifiéeC. En ville

6a. L’écrivain Julien Gracq, ancien élève de l’École normale, rue d’Ulm, a enseigné dans différents lycées jusqu’à sa retraite. Il était professeur de :A. FrançaisB. HistoireC. Géographie

6b. Et Gracq a obtenu un grand prix littéraire :A. Le GoncourtB. Le prix de l’AcadémieC. Le Nobel

6c. Le véritable nom de Gracq était :A. Marcel SubileauB. André JolivetC. Louis Poirier

7. Le merveilleux Bernard-Henri Lévy a vivement protesté contre la prolonga-tion du contrat liant Frédéric Taddeï à France Télévisions, au prétexte qu’il invite à son émission, Ce soir ou jamais, trop d’« antisémites ». Le contrat de Taddeï a été renouvelé jusqu’en :A. 2011B. 2013C. 2014

8. Sur leurs plus célèbres parcours de golf, nos amis britanniques réservent un accueil particulier aux femmes. Ainsi, leurs plateformes de départ sont :A. Plates et bien tonduesB. Recouvertes d’un tapis de juteC. Il n’y a pas de plateformes pour les femmes

9. Antoine Blondin, l’auteur de Mon-sieur Jadis et du Singe en hiver et qui vivait cantonné dans son petit coin de la rue du Bac, à Paris, affirmait ne « fran-chir le boulevard Saint-Germain » que :A. Pour aller voir sa mèreB. Pour aller au cimetièreC. Pour aller à Tokyo

10. L’auteur de ce quizz aléatoire est :A. Un gros cuistreB. Un ignorantC. Un bon client pour une encyclo-pédie

un peu de culture

1) FRANçAISVous apprenez que votre beau-frère, que vous détestez, a, lui, loué pour 300 euros seulement par semaine un luxueux manoir dans la Creuse avec piscine sans méduses, Canal + et pas le moindre moustique. Rédigez vos impressions (surtout s’il a beaucoup plu à Loctudy cette année).

2) BIOLOGIEQue fait-on des souris intoxiquées par les huîtres pas bonnes ? Et si oui, combien ?

3) CALCULCombien aurez-vous dépensé en parking cette année ? Comptez les contraventions. Ne trichez pas. Désolé.

4) ÉCONOMIEComparez le prix de huit bolées de cidre à la crêperie Ty Coz et celui d’un margaux 2005 de milieu de gamme à la maison.

5) PHILOSOPHIE« Il y a des gens pour qui la mer n’est que de l’eau. » (J.-B. Botul, Bouts de fragments) Commentez et discutez.

6) PHySIQUECalculez l’indice de viscosité d’un kouign amann à l’huile de palme hydrogénée. Cela peut aider le chirurgien.

7) HISTOIRE-GÉOLe mot « toilettes » n’existe dans notre langue que depuis 1945. Où allait-on pisser avant ?

8) GyMNASTIQUEMarchez sur un oursin et ôtez les épines vous-même.

jeux

Réponses : la mouette, le raccord sur la machine à laver, le goulot de bouteille manquant, la cheminée, l’os, le soleil et la ligne blanche du maillot.

Réponse : A et B. Nous sommes ici au cœur d’une querelle. D’un côté, les tenants de la métaphore maritime. Pour eux, à son plus haut, la marée « bat son plein ». Donc, les marées « battent leur plein ». En face, les tenants de la métaphore musicale. Où le tambour « bat son plein » et donc les tambours « battent son plein », puisque nous sommes dans le « son » de la sonorité et non du possessif.

Réponse  : C.

Réponse : Aucune. BHL, comme tou-jours, a raconté n’importe quoi. Il a confondu le contrat signé en Italie entre le footballeur Rodrigo Taddei et le club de l’AS Roma avec la situation de Frédéric Taddeï. Le journaliste n’a aucun contrat de longue durée qui le lie au service public !

Réponse : A et B. L’expression « de concert » a pour origine le fait de se « concerter » en agissant. La seconde est issue de la légende marine. Au XVIIe siècle, les vaisseaux se regrou-paient pour naviguer ensemble et « conserver » leur intégrité. D’autres sources affirment que ce « de conserve » vient de la coutume d’ar-rimer à un bout un petit bateau conte-nant les conserves pour le voyage.

Réponse : C, les destinataires étant censés habiter « en ville ».

Réponses : C, A et C. Louis Poirier, dit Julien Gracq, a enseigné la géogra-phie. Il a obtenu le Goncourt, qu’il a vertement refusé.

Réponse : C. Ce n’est que dix-huit ans après sa sortie de prison, et bien qu’il ait dirigé l’Afrique du Sud pendant cinq ans, que ces paranoïaques ont supprimé le nom du grand Nelson de leurs ordinateurs.

Réponse : C. Totalement misogynes, les grands parcours anglais refusent les femmes, qui ont aussi l’interdic-tion de pénétrer au club house.

Réponse : Les trois réponses sont acceptées.

Réponse : C. Avant la construction de Roissy, pour aller au Japon, il fallait se rendre à Orly et, donc, franchir le boulevard Saint-Germain.

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1. Quelle est votre plage de prédilection ? cuba paris plages, comme son nom l’indique la plage du palm beach, à cannes une crique perdue

2. Quel véhicule utilisez-vous pour le bord de mer ?

le yacht de mon ami vincent b. un pédalo un vélib’ des rollers : sur le sable, c’est top

3. où déjeunez-vous sur la plage ? les frites mayo de la baraque de plage j’opte pour la glacière tout équipée manger sur la plage ? vous n’y pensez pas ! une salade de légumes bio

4. comment bronzez-vous ? bof… je suis bronzé toute l’année Façon cycliste du tour de France avec tous ces uv, c’est trop dangereux je bronze plus pour peler plus

5. Faut-il interdire le string à la plage ? oui, la république est menacée ! Ça va pas, non ?

pas s’il y a une burqa dessus peu importe, je suis naturiste

6. Qu’y a-t-il sous la plage ? cette question m’angoisse les pavés du sable rien

7. Que lisez-vous en vacances ? Bakchich Hebdo Bakchich Hebdo Bakchich Hebdo Bakchich Hebdo

8. Qu’emportez-vous cette année ? l’ipad 32 Go, connexion illimitée, une tuerie ma rolex, achetée pour mes 49 ans des tongs en plastique recyclé une bombe lacrymogène

9. pour vous, les vacances, c’est : l’enfer des autres l’héritage de juin 36 la faute aux 35 heures plus de pollution

10. la chanson de vos vacances ?

Tout nu et tout bronzé Les Sunlights des tropiques L’Internationale La Marseillaise

11. la pire galère des vacances ? la caravane fait trois tonneaux les piqûres de moustiques et de méduses le porsche cayenne embarqué à la fourrière Quinze jours avec belle-maman

12. « il me semble Que la misère… » «… la misère, quelle misère ? » «… est la même où que l’on soit » «… c’est mal : le smic à 4 000 euros ! » «… serait moins pénible au soleil »

13. les vacances, c’est Fini…… mince, retour à l’usine… bah non, je suis chômeur… bah non, je suis rentier… vivement l’année prochaine !

14. Que pensez-vous de ce test ? super, j’ai adoré j’ai rien compris oui, tout à fait complètement débile

votre proFil

bling-bling tendance ump. les ennuis de m. Woerth ? un coup monté de la presse socialo-fasciste ! les vacances toujours plus chères ? on n’a que ce qu’on mérite – déjà qu’il y a les congés payés… non, mais.

gauche tarama, tendance bobo parisien. un rien populo, un poil chicos, vous vous mélangez… un peu, mais pas trop. Faut pas abuser quand même, quoi.

écolo enragé, nicolas hulot-compatible. la terre court à sa perte, à cause de la pollution humaine. du coup, vous boycottez les plages françaises. vous partirez plutôt en décembre au chili, en mai au vietnam… Quoi, quel bilan carbone ?

gaucho-révolutionnaire. le grand soir, c’est pour demain, et le peuple, c’est vous. marre de ces abus, marre de ces politiques, marre de ce pouvoir, mare aux canards… une grosse envie de couper des têtes vous démange.

Dis-moi quelles vacances tu aimes, je te dirai qui tu es…

jeux

rébus réponses :

1. l’été indien • 2. l’année des méduses • 3. homard mayonnaise

A

B

C

D

Trouvez qui se CAChe Derrière lA phoTo-mysTère

pendant la canicule de l’été 2003, qui avait fait 15 000 morts en France, que conseillait roselyne bachelot, ministre de l’écologie ?

a. « Faites un effort, garez votre voiture à l’ombre. »b. « vous n’avez qu’à vous faire construire une piscine. »

c. « n’hésitez pas à vous faire vacciner contre la chaleur. »d. « Évitez d’être trop chaleureux avec les vieux. »

réponse : « Faites un effort, garez votre voiture à l’ombre. »

a. martine aubry b. rachida datic. carla bruni

d. ségolène royal

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