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1 //commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire// ##mardi 5 avril 2011## - Présidence de M. Jean-Paul Emorine, président - &&Audition de M. Philippe Deslandes, président de la commission nationale du débat public&& M. Jean-Paul Emorine, président. – Je suis heureux d’accueillir en votre nom M. Philippe Deslandes, président de la commission nationale du débat public. Il est, pour cette réunion ouverte aux membres de la commission spéciale sur le Grand Paris, accompagné de M. François Leblond, président de la commission particulière du débat public sur le réseau de transport public du Grand Paris. Ensemble, ils vont revenir sur le déroulement de cette procédure. M. Philippe Deslandes, président de la commission nationale du débat public. Merci de cet accueil, monsieur le Président. J’étais venu lors de l’examen du projet sur le Grand Paris. J’avais alors demandé à M. Fourcade que la commission particulière compte douze membres. Il y a eu en effet 67 réunions publiques en quatre mois, soit une tous les deux jours, et il était important que la commission particulière puisse se subdiviser en plusieurs groupes. Les deux débats publics conjoints se sont déroulés du 30 septembre 2010 au 31 janvier 2011, soit dans les quatre mois qui nous étaient impartis. Le calendrier prévu par la loi du 3 juin a été scrupuleusement respecté, même si cela a parfois été difficile, ne serait-ce que parce que la société du Grand Paris n’existait pas à l’époque. La commission nationale et les ingénieurs qui préfiguraient le Grand Paris ont travaillé tout l’été afin d’être prêts pour le 1 er septembre. Les délais ont été tenus et le débat a eu lieu.

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//commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire//

##mardi 5 avril 2011## - Présidence de M. Jean-Paul Emorine, président -

&&Audition de M. Philippe Deslandes, président de la commission nationale du débat public&&

M. Jean-Paul Emorine, président. – Je suis heureux d’accueillir en votre nom

M. Philippe Deslandes, président de la commission nationale du débat public. Il est, pour cette

réunion ouverte aux membres de la commission spéciale sur le Grand Paris, accompagné de

M. François Leblond, président de la commission particulière du débat public sur le réseau de

transport public du Grand Paris. Ensemble, ils vont revenir sur le déroulement de cette

procédure.

M. Philippe Deslandes, président de la commission nationale du débat public.

– Merci de cet accueil, monsieur le Président. J’étais venu lors de l’examen du projet sur le

Grand Paris. J’avais alors demandé à M. Fourcade que la commission particulière compte

douze membres. Il y a eu en effet 67 réunions publiques en quatre mois, soit une tous les deux

jours, et il était important que la commission particulière puisse se subdiviser en plusieurs

groupes.

Les deux débats publics conjoints se sont déroulés du 30 septembre 2010 au 31

janvier 2011, soit dans les quatre mois qui nous étaient impartis. Le calendrier prévu par la loi

du 3 juin a été scrupuleusement respecté, même si cela a parfois été difficile, ne serait-ce que

parce que la société du Grand Paris n’existait pas à l’époque. La commission nationale et les

ingénieurs qui préfiguraient le Grand Paris ont travaillé tout l’été afin d’être prêts pour le 1er

septembre. Les délais ont été tenus et le débat a eu lieu.

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L’ambiance a d’abord été conflictuelle : le schéma directeur de la région Ile de

France (SDRIF) avait été annulé par le Conseil d’Etat, tandis que le gouvernement n’avait pas

confirmé ses promesses de financement. Le projet de la région, Arc Express consistait à

l’origine en une rocade en souterrain d’une soixantaine de kilomètres relié aux lignes de

métro existantes ; avec une quarantaine de gares en proche banlieue, situées à un kilomètre ou

1,5 kilomètre l’une de l’autre, comme pour le métro, il assurait une vitesse commerciale de

40 kilomètres-heure contre 25 pour le métro. Le projet du Grand Paris dessinait une double

boucle, avec une petite rocade desservant Montfermeil à l’est, une autre à l’ouest pour

Versailles, Saclay et Massy, et une ligne reliant Roissy à Orly, via Paris ; d’une longueur de

162 kilomètres avec une gare tous les 4 à 8 kilomètres, le réseau aurait eu une vitesse

commerciale de 60 kilomètres-heure.

La première réunion a eu lieu le 30 septembre et, dès le début est apparue la

nécessité d’une synthèse entre les deux projets, comme l’a bien vu Gilles Carrez. Ce besoin de

convergence et de complémentarité a été exprimé dès le début par André Santini et repris par

Jean-Paul Huchon, lequel a néanmoins souhaité simultanément une mobilisation des

financements pour les transports. De réunion en réunion, le public a quant à lui colporté le

message de l’amélioration de l’existant, c’est-à-dire du R.E.R.

Convergence et amélioration de l’existant, tels sont les deux concepts autour

desquels s’est effectué le rapprochement entre l’Etat et la région. Dès sa nomination au

ministère de la ville, Maurice Leroy a réuni un groupe de travail, intégrant par exemple

l’Atelier international d’architecture, afin de dégager les voies d’une contribution commune.

Le compromis a été possible, d’autant que nous nous sommes efforcés de faire en sorte que le

débat autour des deux projets ne tourne pas au duel entre le Syndicat des transports publics

d’Ile-de-France (STIF) et la Société du Grand Paris. Peu à peu, les deux propositions ont

laissé place à une troisième, sortie le 26 janvier. Le débat, qui en 67 réunions publiques a

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réuni 17 500 personnes, ce qui est considérable pour un débat, a ainsi préparé les voies d’un

compromis et forcé les maîtres d’ouvrage à s’entendre. Le public a réellement participé au

processus d’élaboration de la décision. Je ne peux que me féliciter de cet exercice de

démocratie participative.

M. François Leblond, président de la commission particulière du débat

public sur le réseau de transport public du Grand Paris. – Le président Deslandes a dit

tout ce qu’il fallait dire. Puisque le président de la commission particulière propose les noms

des membres de celle-ci au président de la commission nationale du débat public, j’ajouterai

simplement que j’ai fait en sorte qu’il y ait autant de femmes que d’hommes, plus d’actifs que

de retraités, et que les critères professionnels assurent une complémentarité des compétences.

J’ai participé à la préparation de la première réunion. Nous avons réussi à

respecter les délais, ce qui n’était pas évident. Les services ont bien travaillé et mes trois

collaborateurs se sont montrés très efficaces.

Dans le compte rendu, qui est sur le net depuis trois jours, nous avons essayé de

présenter les conclusions de la manière la plus opérationnelle et la plus didactique possible.

Les propositions de gares y sont plus nombreuses que dans le protocole intervenu entre l’Etat

et la région : des arbitrages seront nécessaires.

Le débat a été très riche, mais il a été très lourd. Si le travail de commission

présidée par M. Leroy a été très important, notre rôle a été très positif : la loi sur le débat

public a montré toute son utilité dans un tel dossier. C’est la première fois que la région Ile-

de-France bénéficie d’un tel traitement dans la préparation et dans la discussion ;je suis très

heureux d’y avoir contribué.

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M. Philippe Deslandes. – A l’issue de la conférence de presse, jeudi dernier,

Christian Blanc, qui voulait initialement confier le débat public au préfet de région et non à la

commission nationale de débat public, nous a présenté ses félicitations et ses remerciements.

La raison l’a emporté.

M. Jean-Pierre Fourcade. – Si je n’ai pas encore lu le rapport, j’entends déjà

chacun s’extasier sur la richesse de l’expérience. Est-ce à dire que les précédents débats

n’avaient pas suscité la même implication ?

Nous voulions éviter deux débats successifs sur Arc Express et sur le Grand

Projet. Il faut rendre hommage aux députés qui ont ajouté le passage en débat public, mais

aussi rappeler que ce sont les sénateurs qui, en commission mixte paritaire, ont prévu

l’examen concomitant des deux projets. Cependant, il n’y a pas eu d’accord sur deux points.

J’aimerais d’abord connaître votre sentiment sur la desserte de Saclay, qui pose problème, et

ensuite sur la plus difficile question du partage de la maîtrise d’ouvrage entre le STIF et la

Société du Grand Paris.

Le Conseil d’Etat avait estimé qu’il y avait incompatibilité entre des projets des

collectivités territoriales et le SDRIF. Nous avons voté la semaine dernière, en l’amendant,

une proposition de loi d’origine socialiste permettant à toutes les collectivités de débloquer

des projets compatibles avec le SDRIF et avec la loi sur le Grand Paris. Qu’en pensez-vous ?

M. Philippe Deslandes. – Quid des autres débats ? Un débat public n’est ni un

référendum ni un sondage mais une confrontation d’arguments afin d’éclairer la décision que

le maitre d’ouvrage prend à l’issue du débat. Il réunit en général 3 000 personnes, comme sur

concession de la liaison routière Centre-Europe-Atlantique entre Saône-et-Loire et Allier.

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Nous avons tenu 17 réunions sur les nanotechnologies –certaines ont été annulées

à cause des manifestants- mais, comme les gens découvraient ces technologies, ils sont

d’abord venus s’informer : ils pouvaient difficilement donner leur avis... Pour qu’un débat soit

fructueux, il serait bon de le préparer par une information préalable. En l’occurrence, le débat

est devenu intéressant vers la fin, lorsque les gens ont compris les enjeux. Nous avons été

confrontés à une opposition frontale, animée par « Pièces et main d’œuvre », groupe animé

par des ingénieurs qui ont fait intervenir des anarchistes locaux. Les préfets ont laissé les

anarchistes rentrer dans les salles, et il s’est passé ce qui devait se passer, sauf à Caen où le

préfet à tenu tête au pavillon noir. La presse s’est intéressée au sujet lorsqu’il y eu des

oppositions physiques. Dans le reste de l’Europe, le débat s’est limité aux initiés. Le Cnam

avait déjà beaucoup réfléchi sur le sujet, mais ses travaux étaient restés confidentiels : l’intérêt

du débat public, c’est d’être public. Le public ne vient largement aux réunions que lorsqu’il a

l’impression de pouvoir exercer une influence parce que tout n’est pas bouclé. Sur le Grand

Paris, les gens ont compris qu’ils pouvaient faire passer un message sur le matériel actuel ou

sur le réseau existant, message qu’ils avaient déjà exprimé dans l’enquête publique sur le

SDRIF, mais sur des registres, pas de vive voix.

Si je prends l’exemple de la route Centre-Atlantique, la ministre de l’écologie et

du développement durable dispose désormais de tous les éléments, y compris juridiques, de la

concession d’une route nationale. L’Allier est relativement favorable, mais la Saône-et-Loire

est farouchement hostile, faute de circuits de substitution.

Les débats marchent bien. Nous en menons une dizaine par an ; ils concernent

l’interconnexion sud des TGV en Ile-de-France, le TGV Paris-Le-Havre, le TGV Paris-Caen,

le TGV Paris-Orléans-Lyon, sans oublier l’extension de la piste de Mayotte ou celle du port

de Jarry en Guadeloupe. Cependant, celui sur le grand Paris a été le plus important, voire le

plus populaire.

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S’agissant de Saclay, les Verts ont mis le sujet en exergue dès le début du débat.

Les gens du nord-est et de Seine-Saint-Denis voulaient réinvestir l’argent de Saclay dans le

réseau en boucle de ce département. La boucle orientale courte est bien dans l’accord, mais

pas Saclay. Toute l’habileté de Maurice Leroy a consisté à écarter les points qui fâchaient afin

de dégager un accord sur les autres.

Le partage de la maîtrise d’ouvrage est un point qui doit impérativement être

tranché d’ici le 31 mai. Qui fait quoi sur la ligne bleue Orly-Saint-Denis-Pleyel ou sur la

boucle Bobigny-Pantin-Val de Fontenay-Noisy-le Grand ? Nous expliquons bien dans nos

recommandations qu’il faut partager clairement. Le choix est en train de s’opérer. Nous avons

nettement souhaité une concertation sur le segment Bobigny-Noisy-le-Grand, dont

l’opportunité a été établie par le débat.

S’agissant de la proposition de loi, nous avons un débat en cours sur Villages

nature en Seine-et-Marne, qui figure dans le SDRIF révisé, mais pas dans celui de 1994… Il

est important que ce texte soit voté.

M. François Leblond. – Le compte rendu consacre un chapitre complet à Saclay.

Nous tablions sur 100 cahiers d’acteurs, nous en avons eu 250, soit 1 000 pages ! Une faible

majorité de cahiers est très, très favorable, une petite minorité très défavorable – ce sont toutes

les associations que l’on connaît ; les élus locaux, très nuancés, posent des questions tout en

soulignant l’importance de désenclaver Saclay ; enfin, la chambre d’agriculture, qui a

beaucoup travaillé, veut qu’on lui garantisse 2 300 hectares.

Le rapport peut être utile parce qu’il fait œuvre de pédagogie sur un sujet très

délicat. Lors des réunions (je pense en particulier à celle de Jouy-en-Josas), les uns et les

autres se sont parlé, ce qui n’était jamais arrivé auparavant. J’ajoute que les industriels, depuis

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qu’ils ont reçu les impositions au titre des bureaux, disent que s’ils paient, ils veulent être

écoutés.

M. Denis Badré. – Je veux d’abord vous féliciter d’avoir mené à bien une affaire

extrêmement lourde. Vous avez montré qu’un débat était possible sur un tel sujet : c’est la

consécration de la démarche du débat public ! Vous avez évoqué la place des élus ; j’ai suivi

plusieurs réunions dans les Hauts-de-Seine : nous avons essayé de nous taire. Nous avons fait

de gros efforts, d’autant que nous connaissions les intervenants…Les élus doivent-ils rester

discrets ou doivent-ils plus s’impliquer dans les réunions?

La dualité Arc Express – Grande boucle a laissé place à la complémentarité, mais

l’information préalable n’a-t-elle pas manqué ? Il y a le tracé sur la carte, et il y a les

dessertes, les choix entre des gares plus proches mais des trajets plus longs, ou des gares plus

éloignées, avec rabattement des voyageurs, mais des temps de parcours plus courts. Si l’on

avait expliqué que le débat portait sur deux conceptions différentes, vous auriez gagné du

temps.

L’affaire de Saclay va au-delà du désenclavement. La question des transports n’a

pas été réglée dans les années 70, et le résultat est dramatique : des écoles sont complètement

enclavées, en rase campagne ; inviter un chercheur américain tient de la gageure : si aller de

Roissy à Paris est une aventure, que dire du voyage de Paris à Saclay ! L’aménagement du

territoire, c’est traditionnellement le logement, l’emploi et les transports, mais il doit

également prendre en compte la dimension scientifique.

M. Philippe Deslandes. – Nous l’avons bien senti et j’avais essayé, sans succès,

de convaincre Christian Blanc de lancer un débat sur Saclay. Quand on investit plus de 300

millions dans des bâtiments universitaires, c’est nécessaire. A défaut, on est passé à autre

chose et on s’est inquiété d’un métro dans les champs de betteraves : il aurait fallu un débat

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sur les écoles, les entreprises ; les gens auraient commencé à croire au projet …. Il est vrai

que le directeur général de l’établissement public ne souhaitait pas un débat public tout de

suite. Reste que quand on ne joue pas le jeu de la transparence, on introduit un biais.

M. Denis Badré. – Et le rôle des élus ?

M. Philippe Deslandes. – Dans un débat, le public, ce ne sont pas les

associations, ce ne sont pas les élus, et il importe que chacun laisse parler les autres. Les gens

ont souvent peur de parler en public ; ils s’expriment sur le net pour dire oui mais vont aux

réunions pour dire non. Il faut que les élus montrent l’exemple en venant aux réunions, mais

qu’ils n’y monopolisent pas la parole. Il revient au président de la commission particulière

d’expliquer aux élus qu’ils ont un rôle moteur, mais qu’ils doivent écouter, car les avis sont

très souvent pertinents.

M. François Leblond. – Le compte rendu donne la liste, énorme, des

personnalités rencontrées avant le débat public. L’implication des élus était très forte : il était

naturel qu’ils viennent et essaient de parler, mais nous avons eu un peu de mal au début –

Philippe Deslandes nous l’a gentiment reproché- à laisser les particuliers s’exprimer. J’ai

demandé une fois que les élus ne parlent pas les premiers, et cela a marché. Il a fallu établir un

équilibre, trouver le juste ton. Nous avons rencontré des personnalités attachantes, ainsi ce

particulier qui est venu, en transport en commun, à 30 réunions sur 55. Et qui intervenait

d’une manière parfois un peu étonnante…

M. Charles Revet. – Le président Deslandes a donné une liste des prochains sites

du débat national. Celui sur le Grand Paris intéresse d’abord l’Ile-de-France, mais le président

de la République avait évoqué l’axe Seine, les ports de Rouen et du Havre, et la ligne à grande

vitesse ; n’est-ce pas le cas ?

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M. Philippe Deslandes. – Si ! Dans trois semaines sera décidé un débat sur la

liaison Paris-Normandie, avec une ligne nouvelle entre Paris et Mantes et trois scénarios pour

les deux Normandie ; Rouen sera à 45 minutes, Le Havre et Caen à 1 h 15… mais la ligne ira

au Havre sans passer par Criquetot !

M. Charles Revet. – Je suis surpris, car la réunion que nous avons à la préfecture

dans quinze jours devait porter sur quatre scénarios…

J’ai vécu un autre débat public sur le port méthanier d’Antifer. Ce n’était pas les

élus qu’il fallait faire taire à cette époque ! La commission nationale s’appuie-t-elle sur ce

type d’exemples pour prévoir une organisation différente des réunions ?

M. Philippe Deslandes. – Il est très important de bien préparer le débat et

d’identifier ceux qui entendent monopoliser la parole afin d’empêcher le débat. Ce qui reste

des R.G. ne les repère pas toujours, parce qu’ils viennent parfois de l’extérieur. Une bonne

préparation avec tous les acteurs permet de détecter les tensions et de les désamorcer, sans

interdire aux opposants de s’exprimer. Mais c’est aussi un problème d’éducation : on l’a bien

vu pour les nanotechnologies.

M. Charles Revet. – Je sais bien que la LGV ne passera pas à Criquetot, mais

nous travaillons à réactiver la ligne, qui vient de Gravenchon-Lillebonne-Bréauté et Fécamp,

sous forme de tram-train, vers Le Havre.

M. François Leblond. – Je me suis posé la question du débat public et j’aurais

aimé organiser des réunions au-delà de l’Ile-de-France, à Amiens, Orléans et Rouen. C’était

trop lourd et cela n’a pas été possible. Cependant, le compte rendu comporte des réflexions du

maire d’Orléans et d’élus picards.

M. Charles Revet. – Vous viendrez…

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M. Philippe Deslandes. – Le débat sur l’EPR de Penly s’est bien passé ; le

collectif « STOP EPR » m’avait assuré qu’il y participerait sans violence. Aujourd’hui, ça se

passerait certainement moins bien…

M. Philippe Dominati. – Je m’associe aux félicitations qui vous ont été

adressées. Votre mission a été un succès, notamment pour alerter les pouvoirs publics sur la

nécessité d’améliorer l’existant. Mais, puisque nous en sommes au debriefing, j’aimerais

savoir si l’on a bien pris en compte la dimension financière pour l’usager. Le réveil des

entreprises a été brutal et cela ne fait que commencer. Toujours sur la dimension économique,

je rappelle que l’Etat a longtemps hésité entre Eole et Météor, si bien qu’on a mis vingt ans

pour construire deux demi-projets et qu’il n’y a toujours pas de liaison entre Roissy et la

capitale sans rupture de charge. Etes-vous content du rapprochement entre la SNCF et la

RATP, et n’avez-vous pas le sentiment que, de conciliation en conciliation et de compromis

en compromis, on a oublié la cohérence du projet, qu’il y a eu fausse information voire

mystification ?

M. Philippe Deslandes. – Le débat n’est pas terminé. Pour l’instant, aux termes

du protocole d’accord, ni l’Etat ni la région ne sont maîtres d’ouvrage.

Reste à la société du Grand Paris et au STIF à confirmer les engagements pris en

quelque sorte en leur nom. Les discussions se poursuivent, certaines gares sont encore

optionnelles ; il faut maintenant justifier les choix : l’exercice est assez difficile d’ici le 31

mai. Vous avez raison de vous interroger sur le partage de la maîtrise d’ouvrage. Le projet

commun est ambitieux, mais qui fait quoi ? Je sais que les discussions sont toujours en cours ;

je sais que la liaison directe Roissy-Paris sans rupture de charge à St-Denis-Pleyel conserve

des partisans. Dans l’accord, il y a rupture de charge. Cela sera-t-il encore le cas après le 31

mai ? Je n’en sais rien.

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M. Philippe Dominati. – Mais lors des débats, la liaison directe a-t-elle été

évoquée ?

M. Philippe Deslandes. – Au début, on parlait de double liaison. La résolution du

15 novembre a repris le projet de Charles-de-Gaulle-express, liaison directe à partir de la gare

du Nord. Il y avait deux lignes : entre Roissy et La Défense, par Saint-Denis, la ligne verte ; et

entre Roissy et Orly, la ligne bleue, également via Saint-Denis mais sans rupture de charge.

Certains ont fait remarquer qu’à vouloir tout regrouper sur la ligne 14, on prenait le risque

d’une saturation dés la mise en service. La liaison directe Roissy-Orly est certaine, mais avec

ou sans rupture de charge, le service n’est pas le même. Mais nous ne décidons pas : les

arguments sont sur la table, aux décideurs de décider.

M. François Leblond. – Pendant les débats, la question n’a guère été évoquée, et

lorsqu’elle l’a été, la rupture de charge à Saint-Denis-Pleyel a suscité peu d’émotion... La

situation changera peut-être lorsque le projet sera achevé, mais jusqu’à présent, la liaison avec

Roissy a été jugée si importante que l’on ne s’est pas véritablement penché sur cette rupture.

Les élus locaux concernés, surtout soucieux de valoriser Saint-Denis-Pleyel, ne jugeaient pas

la rupture fondamentale. J’ai entendu peu de choses sur cette question.

M. Jean-Paul Emorine, président. – Mais M. Fourcade peut confirmer que ce

fut l’un des éléments majeurs lors de l’examen du projet de loi, un élément qui a pesé dans les

décisions finales.

M. Philippe Deslandes. – La RATP est favorable à une liaison directe Roissy-

Orly.

M. Jean-Pierre Fourcade. – Cette affaire présente des aspects techniques sur

lesquels je ne suis pas assez compétent. Certains disent qu’il serait absurde de faire circuler le

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même train sur les 150 kilomètres de la boucle. Pourquoi le RER fonctionne-t-il si mal ?

Parce que les lignes sont trop longues et sans segmentation.

M. Denis Badré. – Mais ici il s’agit d’une boucle, ce n’est pas la même chose.

M. Jean-Pierre Fourcade. – Il faut tout de même prévoir des segmentations. Il y

a deux théories : une liaison directe Roissy-Orly par un Meteor élargi ; ou Roissy-boucle,

comportant une desserte rapide de La Défense, Saclay, Descartes…Il faudra trancher entre ces

deux conceptions techniques d’ici le 31 mai ; mais aujourd’hui, les dirigeants de la société du

Grand Paris, de la RATP et du STIF ne sont pas d’accord sur ce point technique.

M. Philippe Deslandes. – Ce n’est pas leur seul point de désaccord !

M. Jean-Paul Emorine, président. – Les citoyens ne savent pas toujours ce que

c’est que le débat public ; nous l’avons vu dans mon département lors du débat sur la route

Centre-Europe-Atlantique…Bien des élus ont pensé qu’en participant à toutes les réunions, ils

sensibiliseraient mieux la commission à leurs positions. Mais la présidente n’a pas été

sensible au plaisir d’entendre douze fois le même argument !

Merci d’être venus devant la commission. Je souhaite grand succès à ce très beau

projet de la région parisienne.

&&Habitat informel et lutte contre l’habitat indigne dans les départements et régions d’outre-mer – Audition de Mme Penchard, ministre chargée de

l’outre-mer &&

La commission procède à l’audition Mme Marie-Luce Penchard, ministre

auprès du ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales chargée

de l’outre sur la proposition de loi n°267 portant dispositions particulières relatives aux

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quartiers d’habitat informel et à la lutte contre l’habitat indigne dans les départements

et régions d’outre-mer.

M. Jean-Paul Emorine, président. – Notre commission, élargie aux membres de

la mission commune d’information sur la situation des départements d’outre-mer, a le plaisir

d’accueillir pour la première fois Mme Penchard. La ministre nous donnera son sentiment sur

ce texte adopté à l’unanimité par l’Assemblée nationale en janvier dernier, dont M. Patient est

le rapporteur, et M. Serge Larcher le rapporteur pour avis. A titre indicatif, le texte pourrait

être inscrit à l’ordre du jour du mercredi 4 mai après-midi à la demande du groupe socialiste.

Mme Marie-Luce Penchard, ministre. – L’Assemblée nationale a adopté le 26

janvier dernier la proposition de loi de M. Letchimy, à qui le Gouvernement avait demandé

d’étudier les moyens de relancer la lutte contre l'habitat insalubre ou indigne outre-mer.

L’objectif de ce texte est, à la suite de l’élaboration du plan global de lutte contre l'habitat

indigne et insalubre en outre-mer adopté lors du conseil interministériel du 6 novembre 2009,

de doter cette politique publique d’outils efficaces. Le soutien apporté par le Gouvernement à

ce texte traduit son engagement pour le logement outre-mer. L'habitat insalubre en outre-mer

est un phénomène massif : plus de 200 000 personnes vivent dans des logements qui ne

répondent pas aux conditions minimales de confort et de dignité en Guadeloupe, en

Martinique, à la Réunion, à Mayotte et en Guyane, ce qui les expose à des risques pour leur

santé et l'environnement. Certes, ce texte ne règle pas tout, mais il constitue une avancée

notable.

Le champ d'application de sa section 1 est national car le bénéfice d'une aide

financière à des occupants sans droit ni titre ne peut pas être réservé à l'outre-mer, à moins

d’introduire une rupture d'égalité avec la métropole. Pour autant, l’habitat informel ou

spontané concerne presque exclusivement l’outre-mer ; il est constitué de constructions et

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d'installations à usage d'habitation, construites par des personnes sans droit ni titre, sur des

terrains qui forment des zones d'urbanisation de fait, sans desserte, ni assainissement, ni eau

potable, ni les autres équipements publics de base propres à assurer la salubrité et la sécurité.

Malgré l'accélération des opérations de résorption de l'habitat insalubre (RHI) lancées depuis

plus de 25 ans, le phénomène persiste. La situation est particulièrement inquiétante à Mayotte

où les bidonvilles se développent.

Les situations sont très diverses. Dans certains cas, les occupants ont construit sur

la base de contrats de location sous seing privé, ou encore d'accords verbaux juridiquement

fragiles ; d’autres sont sans droit ni titre, d’autres encore sont locataires de ces habitations.

Ces constructions, autour desquelles se sont développées activités commerciales et

artisanales, constituent souvent pour les habitants de ces quartiers leur seul patrimoine.

Certaines de ces cases sont correctes ou peuvent être améliorées. La volonté du

Gouvernement est d’accélérer le rythme des opérations de résorption.

La proposition de loi continue de soulever interrogations, en dépit des garanties

apportées au respect du droit de propriété.

En ce qui concerne le champ d’application du texte, la section 1 s’applique

également à la métropole, même si la « cabanisation », qui touche notamment le littoral, y

reste limitée. En revanche, des règles particulières se justifient par les situations de droit et de

fait prévalant dans les DOM. D’où l’application des sections 2 et 3 au seul outre-mer.

La question des étrangers en situation irrégulière concerne surtout la Guyane et

Mayotte qui totalisent 96,6% du total des reconduites d'étrangers en situation irrégulière. Le

Gouvernement est déterminé à poursuivre sa politique de fermeté : en 2010, les éloignements

de personnes en situation irrégulière ont progressé en outre-mer de 16,65%. Le Gouvernement

entend réserver le versement de l'aide financière prévu par ce texte aux seules personnes

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régulièrement installées sur le territoire national, comme cela est la règle pour les prestations

familiales. En ce domaine, le texte résulte d’une démarche équilibrée et pragmatique.

Dernière interrogation : le sort des marchands de sommeil. La volonté du

Gouvernement et des parlementaires de mettre un terme à cette pratique inacceptable est

manifeste : l’article 5 de ce texte dispose qu’aucune aide ne peut être versée aux bailleurs de

locaux frappés d'un arrêté d'insalubrité ou de péril. Je demanderai aux préfets d'être

particulièrement attentifs à la bonne application de cette mesure.

Pour terminer, je veux souligner deux mesures particulièrement novatrices de ce

texte. Tout d’abord, la possibilité de définir par arrêté du préfet un périmètre d'insalubrité

adapté à l'état des diverses constructions dans les secteurs d'habitat informel après un travail

de repérage de 18 mois au maximum. De fait, l'actuel article L.1331-25 du code de la santé

publique exige un quartier homogène et suppose une interdiction générale et définitive

d'habiter, sanctionnée par une obligation de relogement dans un délai maximum d'un an. Ce

dispositif n’est pas adapté à l’outre-mer où les quartiers sont hétérogènes et nombre

habitations peuvent être conservées et améliorées. Ensuite, il n’est ni souhaitable, ni réaliste

d’interdire d’habiter dans un certain périmètre et de s’obliger à reloger tous les occupants

dans le délai d’un an. Il convient donc de mener un travail de repérage pour définir les

périmètres concernés ; l’Assemblée nationale a décidé de le limiter à 18 mois. Ce délai me

parait raisonnable : à trop le prolonger, nous n’arriverons pas à résorber l’habitat insalubre

La seconde mesure concerne l'abandon manifeste des parcelles, qui existe dans

nombre de villes et de bourgs ; compte tenu de la rareté du foncier urbain outre-mer, une

simplification des articles L.2243-1 et suivants du code général des collectivités territoriales

s’impose pour accélérer les processus de travaux et de récupération de ces biens. Le texte

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étant d’origine parlementaire, le Gouvernement sera attentif à toutes vos propositions

d’amélioration. J’espère la même belle unanimité qu’à l’Assemblée nationale !

M. Georges Patient, rapporteur. – Ce texte s’attaque à un sujet essentiel :

l’habitat informel en outre-mer. De 150 000 à 200 000 personnes, selon le député Letchimy,

sont concernées. Le chiffre est important à l’échelle de l’outre-mer : il équivaut à 6 millions

de métropolitains. Le texte a des atouts ; je le soutiens. Néanmoins, après vous avoir entendu

Mme la ministre, je continue de m’interroger sur certains points.

Le champ d’application de la section 1 relative à l’octroi d’aides financières, dans

le cadre d’opérations de réaménagement et sous certaines conditions, à des personnes

installées sur des terrains divers sur lesquels elles n’ont ni droit ni titre, a suscité des petites

polémiques entre les sénateurs. La volonté de respecter la Constitution a conduit à l’étendre à

la métropole. L’article 73 ne permet-il pas de le limiter à l’outre-mer ?

En ce qui concerne les étrangers en situation irrégulière, l’outre-mer est très

divers. Vous avez évoqué Mayotte, mais prenons le cas de la Guyane. Pas moins de 80% des

occupants sans titre sont des étrangers en situation irrégulière. Ce texte ne risque-t-il pas de

créer un appel d’air ? Comment comptez-vous régler la question concrètement ? Toujours en

Guyane, plus de 90% du foncier appartient à l’État. Dans ces conditions, ne revient-il pas à

l’État de financer intégralement les aides financières liées à des opérations d’aménagement et

le relogement des personnes expulsées ?

Mme Marie-Luce Penchard, ministre. – Monsieur le rapporteur, les

départements et régions d’outre-mer relèvent du régime de l’identité législative aux termes de

l’article 73 de la Constitution : dépourvus de statut particulier, ils bénéficient de toutes les

dispositions législatives de droit commun. Une mesure, pour être rapidement applicable outre-

mer, doit donc être étendue à tout le territoire national. C’est un principe constitutionnel. Cela

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dit, les dispositions de ce texte visent majoritairement l’outre-mer : seul le phénomène de

« cabanisation » du littoral serait concerné en métropole pour une aide en volume moindre.

Vous savez l’action de l’État en matière de lutte contre l’immigration irrégulière

et les moyens qu’il a engagés en Guyane. Ceux-ci ont d’ailleurs permis une diminution nette

de la délinquance et de l’orpaillage illégal depuis 2007. Reste que, l’immigration posera

toujours un problème particulier en Guyane, du fait de ses 730 km de frontière avec le Brésil

et de ses 510 km avec le Surinam. Bailleurs et collectivités, notamment Cayenne, veulent

résorber rapidement l’habitat insalubre. Nous devons tenir compte de leurs demandes en

reconnaissant un droit à indemnisation aux seules personnes –j’y insiste- en situation

régulière. En bref, la logique est identique à celle qui prévaut pour le versement des

allocations familiales.

Le rôle de l’État ? Celui-ci participera au financement des opérations de

résorption de l’habitat insalubre via l’Agence nationale de l’habitat (l’ANAH) et le Fonds

régional d'aménagement foncier et urbain (le FRAFU), lequel a pour fonction de limiter la

part prise en charge par les collectivités.

Ce texte est équilibré, à la fois juridiquement et financièrement. Et pour la

première fois, un texte reconnaît un droit à indemnisation pour des personnes qui ont

construit des logements sans droit ni titre : cela ne s’est jamais vu !

M. Thierry Repentin. – Je me réjouis que le Parlement s’attaque aux problèmes

spécifiques que connaissent certains territoires atypiques. Avec la loi sur le Grand Paris, nous

avons répondu aux attentes des élus Franciliens ; il n’y a aucune raison de traiter autrement

les élus ultra-marins.

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Revenons-en à l’article 73 de la Constitution. Si la section 1 du texte vise

l’ensemble du territoire national, nous pourrions découvrir qu’il existe également des

occupations sans droit ni titre en métropole. Récemment, un maire m’a signalé le cas d’une

famille, autrefois nomade, qui s’est installée depuis des décennies sur une parcelle avec

l’accord du propriétaire ; cette famille a construit un logement, en dehors de toutes les règles

d’urbanisme ; aujourd’hui, l’urbanisme arrive, et il n’y a plus une, mais cinq familles… Que

faire ? Il y aurait aussi des occupations sans droit ni titre du coté de Perpignan et dans le Var ;

il n’est pas impossible que l’on découvre bientôt d’autres cas. Je ne suis nullement horrifié par

ce petit millier de cas ; la République peut les absorber. Vous avez évoqué un principe

constitutionnel pour justifier l’extension du champ du texte à tout le territoire national. Pour

autant, nous avons adopté une loi Montagne en 1985, puis la loi d’orientation pour la ville et

la loi Demessine qui prévoient toutes des dispositions spécifiques pour des territoires zonés.

(M. Claude Lise approuve.) Qu’en est-il exactement ? Ne risque-t-on pas de susciter

l’incompréhension des élus de métropole? Enfin, si la loi est consensuelle, il n’y a aucun

risque que les parlementaires saisissent le Conseil constitutionnel…

M. Dominique Braye. – Le Gouvernement avait donné un avis favorable à

l’assouplissement de la procédure de récupération des parcelles et immeubles manifestement

abandonnés à l’article 16 de cette proposition de loi ; la Chancellerie semble revenir sur son

avis : faut-il y voir un signe de méfiance envers les collectivités ? Ce serait un mauvais signe.

Comment expliquer ce revirement ? Quid du contrôle des aides pour les bailleurs ? Président

de l’ANAH, je sais que des bailleurs indélicats demandent parfois jusqu’à 900 euros pour un

toit de tôle de 6 mètres carrés posé sur quatre piquets. Nous ne pouvons pas légaliser ces

situations inacceptables !

Mme Marie-Luce Penchard, ministre. – Monsieur Repentin, c’est un vrai débat,

que nous avons eu à l’Assemblée nationale. Si l’on avait abordé le problème sous l’angle du

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droit de la propriété, nous risquions l’inconstitutionnalité. D’où la réaction de la Chancellerie.

Les auteurs de la proposition de loi ont donc choisi d’instituer plutôt une aide sociale. Or

toute aide sociale votée par le Parlement doit s’appliquer à l’ensemble du territoire national.

J’entends vos observations sur le risque d’effet d’appel, mais le texte est bordé : il concerne

seulement les implantations depuis plus de dix ans, ce qui limitera le nombre de demandes en

métropole. Le problème est autrement plus sérieux en outre-mer où l’habitat informel a

prospéré avec la complicité de tous, y compris des pouvoirs publics. Bien souvent, ces

habitations sont le seul patrimoine de leurs occupants. En tant que ministre chargée de l’outre-

mer, je défends mes territoires. Certaines opérations sont bloquées depuis 20 ans ; c’est le cas

notamment au quartier de Trénelle à Fort-de-France ! Résorber ces poches d’habitat insalubre

indignes de la République est une nécessité dans le cadre que la Constitution nous impose :

celui du régime de l’identité législative.

M. Serge Larcher, rapporteur pour avis. – Les trois premiers articles de ce

texte évoquent un barème qui serait fixé par l’État. Celui-ci sera-t-il différencié selon les

départements et régions concernés ? Avez-vous une idée du montant de l’aide ?

Mme Marie-Luce Penchard, ministre. – Nous n’en sommes pas encore là.

L’arrêté sera fixé par le préfet ; France Domaine fera des propositions qui tiendront compte du

cout du foncier dans chaque territoire. Nous sommes ouverts.

M. Georges Patient, rapporteur. – Madame la ministre, vous ne m’avez pas

répondu : lorsque l’État est propriétaire du foncier, comme en Guyane, l’aide financière sera-

t-elle directement prise en charge par l’État ?

Mme Marie-Luce Penchard, ministre. – Il s’agit d’une opération tiroir : d’un

coté, libération de foncier qui sera cédé gratuitement à des opérateurs pour construire des

logements sociaux. ; de l’autre, indemnisation de l’occupant sans titre sur la base d’un

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barème. Voilà la décision qu’a prise le Président de la République durant le conseil

interministériel.

M. Georges Patient, rapporteur. – Qui financera ?

Mme Marie-Luce Penchard, ministre. – Le FRAFU, la ligne budgétaire unique

(LBU), le Fonds Barnier.

M. Georges Patient, rapporteur. – Une part de 20% reste à la charge des

communes ; certaines d’entre elles sont déjà exsangues. L’État ne peut-il pas tout prendre en

charge ?

Mme Marie-Luce Penchard, ministre. – Les communes doivent être les acteurs

de leur développement. Au moment où l’on parle tant du rôle des acteurs publics locaux, ce

serait un mauvais message de laisser l’État maître du jeu.

M. Georges Patient, rapporteur. – Permettez-moi d’insister. En Guyane, par

exemple, 80% des occupants sans titre sont des étrangers en situation irrégulière...

L’immigration clandestine relève de l’État...

Mme Marie-Luce Penchard, ministre. – Nous sommes tous concernés : l’effet

d’appel s’explique aussi par le travail clandestin et l’installation des réseaux d’assainissement

et d’alimentation en eau. Nous devons travailler dans une logique de partenariat, œuvrer dans

le même sens pour réduire l’habitat indigne.

M. Thierry Repentin. – Grâce à la ténacité de M. Patient, nous savons désormais

quelle sera l’origine de l’indemnisation : la LBU ! Les opérateurs sociaux sont sensibles à ce

sujet : on va financer les aides aux occupants sans titre en puisant sur les fonds du logement

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social. Quel sera le montant du prélèvement opéré ? Quelles seront les conséquences sur la

construction ?

Mme Marie-Luce Penchard, ministre. – La LBU correspond à des crédits

globalisés. Les collectivités peuvent lutter contre l’habitat insalubre soit en construisant du

neuf, soit en privilégiant le « cousu main » pour tenir compte des modes de vie et des

habitations existantes. M. Letchimy tient beaucoup à cette idée.

M. Jean-Paul Emorine, président. – Merci, Madame la ministre ; nous

souhaitons que le travail que vous accomplirez avec le rapporteur permette d’obtenir un vote

unanime.

&& Organisme extra-parlementaire – Désignation d’un candidat&&

M. Jean-Paul Emorine, président. – M. le Premier ministre a demandé à M. le

président du Sénat de bien vouloir lui faire connaitre le nom du sénateur appelé à siéger au

Conseil national de la sécurité routière en remplacement de notre collègue Francis Grignon,

dont le mandat arrive à expiration et qui ne souhaite pas être candidat. Je vous propose la

candidature de Gérard Bailly. (Assentiment)